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Full text of "Dictionnaire raisonné des difficultés grammaticales et littéraires de la langue française"

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DICTIONNAIRE 


RAISOXXK 


DES  DIFFICULTÉS 

GRAMMATICALES  ET  LITTÉRAIRES 
DE  LA  LANGUE  FRANÇAISE 


COULOMMIERS.   —  TYPOGRAPHIE  PAUL  BRODARC 


DICTIONNAIRE 


RAIS0NN1-: 


DES  DIFFICULTÉS 

GRAMMATICALES  ET  LITTÉRAIRES 
DE  LA  LANGUE  FRANÇAISE 


.L-GII.    LAVEAUX 

QUATRIÈME  ÉDITION 

BEVUE    d'après     le    NOUVEAV     DICTIONNAIRE     DE     l'aCADKUIE 
ET     LES    TRAVAUX     PHILOLOGIQUES     LES     PLUS     RÉCENTS 

l'Ait 

CH.     MARTY-LAVEAUX 

Ancien  élève  de  l'École  îles  Charles 


OUVRAGE  AUTORISE 

l'AR  LK    CONSEIL  DE  l'iNSTRUCTION  PL'I1L1(.iUE 


PARIS 

LIBRAIRIE    HACHETTE    ET    G'" 

79,    BOULEVARD    SAINT-GERUAIN,    79 
1873 


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ÇTBR/ir^ 


505287 


AVERTISSEMENT 

SUR  CETTE  TROISIÈME  ÉDITION, 


Nous  n'avons  annoncé  qu'une  simple  révision  du  Dictionnaire  des  difficultés  grammati- 
cales et  littéraires^  de  J.  Ch.  Laveaux.  Nous  ne  pouvions,  en  effet,  avoir  l'intention  de  cor- 
riger les  ouvrages  d'un  pliilologue  distingué,  que  nous  serions  heureux  de  pouvoir  un  jour 
suivre  de  loin. 

Respectant  son  jugement  en  général,  sans  cependant  nous  en  tenir  toujours  aux  opinions 
qu'il  a  émises  dans  le  Dictionnaire  des  difficultés,  nous  avons  souvent  puisé  sans  scrupule 
dans  ses  derniers  ouvrages  S  soit  des  définitions  plus  claires  et  plus  conformes  à  l'usage, 
soit  des  articles  entiers  se  rapportant  à  notre  sujet-. 

Quant  aux  décisions  que  Laveaux  a  maintenues  constamment,  elles  ont  toutes  été  con- 
servées. Mais  une  note  avertit  le  lecteur  lorsqu'elles  ne  sont  pas  conformes  à  celles  de  l'A- 
cadémie. 

Nous  avons  même  laissé  subsister  cet  arrêt,  souvent  un  peu  trop  absolu,  qu'on  trouve 
dans  un  grand  nombre  d'articles  :  Ce  mot  n'est  pas  du  style  noble  ^. 

Toutefois,  certaines  suppressions  ont  été  jugées  nécessaires. 

Dans  la  seconde  édition  de  son  livre,  Laveaux  avait  ajouté  de  longs  articles  de  rhétorique, 
ixtraits  textuellement  de  V Encyclopédie,  et  qui  n'avaient  pas  de  liaison  intime  avec  le  reste 
de  l'ouvrage;  il?  ont  disparu  de  celle-ci.  Retranchant  également  les  jugements  portés  par 
Laveaux  sur  une  foule  de  termes  barbares  recueillis  par  Mercier  dans  son  dictionnaire  de 
Néologie,  nous  nous  sommes  contenté  de  conserver  les  articles  relatifs  à  des  expressions, 

1  Ces  outrages  sont  :  le  Nouveau  dictionnaire  de  la  langue  Française,  Paris,  Déterville  et  Lefèvre,  1820,  2  ?oI.  in-4., 
•:l  le  Dictionnaire  «i/nonymiiiue  de  la  langue  Française,  Paris,  Alexis  F.ymerj,   1826,  2  vol.  in-8. 

■-  Voyez,  par  exemple,  l'article  Genre, 

3  Au  lieu  <îe  le  modifier  dans  chaque  passage,  nous  nous  contenterons  de  citer  ici,  comme  correctif,  ce  morceau  plein  de  nc- 
iirjlion  et  de  justesse  que  nous  trouTons  dans  un  discours  de  M.  Patin,  et  où  l'emploi  légitime  des  termes  familiers  noL< 
parait  parfaitement  distingué  de  l'abus  qu'on  eu  a  fait  : 

a  Cet  abandon  du  mot  propre,  ce  recours  à  la  circonlocution,  à  l'équivalent,  devaient,  à  la  longue,  énerver  et  appauvrir  le 
«  style,  le  rendre  vague,  froid,  tendu,  monotone.  C'est  ce  qui  est  arrive,  et  ce  dont  on  s'est  senti  trèî-fatigué,  lorsqoeaprè»  deux 
«  siècles   de  fécondité  littéraire  a  commencé  l'épuisement;  c'est  à  quoi   on  a  tâché    de  remédier  en  rcl'chant  la   rigueur    de-" 

•  rèirles  prohibitives. 

a  II  y  avait  une  aristocratie   de  style,    fière,  dédaigneuse,   qui  avait  toujours  clé   s'épnrani,  se  resserrant,    mais  qui,  à  la  Ga, 

•  pour  se  recruter,  fut  bien  obligée  d'ouvrir  ses  rangs  aux  mots  plébéiens,  roturiers,  qu'elle  avait  jusque-Ii  repoussés.  Celle 
«  révolution  se  Gt  peu  à  peu,  avec  gradation.  D'abord  on  y  procéda  par  des  anoblissements  partiels;  ensuite  ce  fut  une  irrup- 
«  tion,  une  conquête  violente,  une    prise  de  possession  turbulente  et  déréglée  de  la  part  de  la  démocratie  des  mots.  A  la  fin  du 

•  XVIIIe  siècle,  quelques  écrivains  avaient  repris  les  mots  techniques  proscrits  par  Bulfon.  J.-J.  Rousseau  en  avait  hasardé 
«  plusieurs  ;  Bernardin  de  Saint-Pierre  les  avait  prodigués  dans  ses  belles  descriptions  de  la  nature  qu'ils  contribuèrent  à  animer 
«  par  leur  nouveauté.  Après  les  mots  techniques,  les  mots  propres,  ce  fut  le  tour  des  mots  familiers.  On  comprit  de  quel  avan- 
«  lage  ils  pouvaient  être  pour  détendre  le  style,  qui  avait  grand  besoin  d'être  détendu.  On  les  employa  d'abord  avec  un  art  fort 
«  discret.  On  les  prenait  parmi  les  plus  voisins  du  haut  style  ;  on  leur  choisissait  une  place  où  ils  n'allirassenl  trop  particnlière- 
«  ment  ni  l'œil,  ni  l'oreille,  ni  l'effort  de  la  voix,  ni  l'attention  de  l'esprit  ;  on  les  relevait  par  un  entourage  distingué... 

«  Bientôt  on  fît  différemment  et  même  tout  autrement.  On  puisa  dans  la  partie  la  plus  bas^e  de  notre  vocabulaire,  ei 
«  ces  mots,  étonnés  de  leur  subite  élévation,  on  les  mit  le  plus  possible  en  lumière  ;  à  notre  vieille  pourpre  usée  et  déchirée, 
«  on  n'eut  pas  honte  de  coudre  des  haillons,  et  l'on  obtint  ainsi  nn  effet  de  surprise  infaillible,  qui  dut  passer  pour  da  plaisir 
c  et  de  l'admiration  auprès  de  tousceux  que  cela  ne  révoltait  pas.  »  [Uélanget  dt  littérature  ancienne  et  moderne,  p   ISS-lSO.j 


If  AVERTISSEMENT. 

nouvelles  alurs,  mais  qui  ont  [tassé  dans  Pusa^'e,  un  (ju'un  patronage  illustre  aurait  dû, 
poiit-f'tre,  faire  adopter.  Enfin  un  f;rand  nombre  d'erreurs  signalées  par  Laveaux  dans  le 
Dictionnaire  de  l' Académie  et  la  Grammaire  des  Grammaires  ayant  été  corrigées  dans  les 
dernières  éditions  de  ces  deux  ouvrages,  nous  nous  sommes  cru  obligé  de  supprimer  des 
observations  critiques  aujourd'hui  sans  objet. 

Ces  rctranclienienls,  et  le  choix  d'une  disposition  typographique  plus  favorable,  ont  per- 
mis de  réduire  l'ouvrage  à  un  seul  volinne  et  d'y  faire  cependant  quelques  additions  deve- 
nues indispensables.  Nous  avons  ajouté  beaucoup  de  citations  tirées  des  auteurs  classiques, 
et  en  particulier  du  texte  des  Pensées  de  Pascal,  publié  par  M.  Cousin  dans  son  excellent 
rapport  à  l'Académie  '.  M.  Egger,  qui  trouve  un  si  noble  plaisir  à  diriger  les  jeunes  gens  dans 
leurs  travaux,  a  bien  voulu  nous  fournir  plusieurs  exemples  fort  curieux  qu'il  avait  recueil- 
lis dans  ses  lectures;  il  y  a  même  joint  quelques  remarques  inédites  *  dont  il  nous  a  per- 
mis de  faire  usage.  Nous  sommes  heureux  de  trouver  ici  l'occasion  de  lui  témoigner  notre 
reconnaissance. 

De  fréquents  emprunts  ont  été  faits  aux  spirituels  ouvrages  de  Charles  Nodier  et  aux  ex- 
cellentes notes  dont  M.  Lemaire  a  enrichi  sa  nouvelle  édition  de  la  Grammaire  des  Gram- 
maires; nous  avons  mieux  aimé  les  citer  textuellement  que  d'ôter  à  ce  travail,  en  l'analy- 
s.mt,  l'autorité  du  nom  de  son  auteur. 

Enlin  quelques  améliorations  matérielles  ont  été  introduites  dans  celte  édition.  Les  mots 
que  l'Académie  n'admet  pas  y  sont  précédés  d'un  astérisque,  et,  toutes  les  fois  que  cela  s'est 
pu,  le  nom  d'auteur,  placé  par  Laveaux  au-dessous  de  chaque  citation,  a  été  suivi  de  l'indi- 
cation précise  de  l'ouvrage,  et  du  numéro  de  la  page  pour  les  prosateurs,  du  vers  pour  les 
poêles.  Nous  espérons  avoir  donné  ainsi  plus  d'autorité  au  travail  de  Laveaux;  car  c'est  en 
rendant  facile  à  tous  la  vériûcation  des  exemples  que  le  grammairien  se  place  réellement 
sous  la  sauvegarde  de  tous  les  écrivains  éminents  dont  il  cite  les  ouvrages. 


1  Noire  traviil,  dont  11  publication  •  t\i  retardée  par  des  cirooniUncas  indépendante!  de  notre  volonté,  était  déjà  ter- 
miné, loriqoe  M.  Fuigère  a  donné  ion  édition  det  fra^tntj  de  Pascal.  'Sont  regrettons  de  n'avoir  pn  profiter  de  ce  travail 
important. 

*  Vojei,  daiu  rarticU  B,  l«i  cbttmtieiu  lar  !'«  moet. 

Ca.  Mart¥  LAVEAUX. 


DISCOURS  PRELIMINAIRE 

DE  LA  PREMIÈRE  ÉDITION. 


Il  n'est  peut-être  aucune  science  sur  laquelle  on  ait  plus  écrit  que  sur  la  langue  française.  De- 
puis deux  siècles  qu'on  a  commencé  de  cultiver  cette  langue,  les  ouvrages  destinés  à  l'enseit;iier 
se  sont  toujours  multipliés  de  plus  en  plus;  et  comme  si  les  diûicullés  augmentaient  à  mesure 
qu'on  travaille  à  les  éclaircir,  plus  on  a  d'écrits  sur  celte  matière,  plus  on  croit  nécessaire  d'en 
publier  de  nouveaux. 

Cette  opinion  semble  justifiée  par  l'embarras  où  se  trouvent  souvent,  au  milieu  de  tant  de  se- 
cours divers,  les  gens  du  monde  et  môme  les  gens  de  lettres  qui  désirent  parler  et  écrire  pure- 
ment. Ceux  même  d'entre  ces  derniers  qui  ont  fait  une  étude  particulière  de  la  grammaire, 
c'est-à-dire,  qui  ont  comparé  les  divers  systèmes,  rectifié  les  règles  par  les  faits,  rejeté  ou  con- 
cilié les  décisions  qui  paraissent  contradictoires,  sont  encore  fréquemment  arrêtés  par  des  doutes 
longs  à  éclaircir,  par  des  incertitudes  où  ils  ne  voient  point  d'issue. 

La  nature  de  cette  science  et  l'histoire  de  sa  marche  nous  révèlent  les  causes  de  ces  diflicullés, 
et  du  besoin  toujours  renaissant  d'instructions  nouvelles.  Une  langue  vivante,  composée  des 
usages  actuels  de  la  nation  qui  la  parle,  doit  changer  en  bien  ou  en  mal,  suivant  les  changements 
favorables  ou  défavorables  que  le  temps  apporte  nécessairement  à  ces  usages.  Ainsi,  de  demi- 
siècle  en  demi-siècle,  et  quelquefois  plus  tôt,  il  y  a  de  nouveaux  usages  à  faire  remarquer,  de 
nouveaux  abus  à  signaler;  de  sorte  que  les  anciens  réformateurs,  si  recommandables  à  l'époque 
où  ils  ont  écrit,  perdent  successivement  de  leur  mérite  à  mesure  que  la  langue  s'enrichit  de  nou- 
velles expressions  et  de  nouveaux  tours,  ou  qu'elle  se  corrompt  par  des  écarts  contre  lesquels 
ils  n'ont  pas  eu  occasion  de  s'élever. 

Cependant  ils  conservent  longtemps  leur  autorité  tout  entière  dans  l'esprit  d'un  grand  nom- 
bre, et  les  nouveaux  observateurs  ne  peuvent  qu'avec  peine  porter  la  lumière  dans  leurs  doc- 
trines surannées.  De  là  les  opinions  diverses,  soit  en  faveur  des  anciens,  soit  en  faveur  des 
modernes;  de  là  des  discussions  et  des  disputes,  et  par  conséquent  des  doutes  et  des  incertitudes 
qui  appellent  des  éclaircissements  et  des  décisions  nouvelles. 

Mais  ce  qui  augmente  la  confusion,  c'est  que  les  contemporains  ne  sont  pas  plus  d'accord  entre 
eux.  Vaugelas,  Bouhours,  Ménage,  les  écrivains  de  Port-Royal,  furent  divisés;  Furelière  s'éleva 
contre  l'Académie  française  ;  de  nos  jours.  Desfontaines,  Fréron  et  Geoffroi,  contre  les  meilleurs 
écrivains  de  notre  siècle  ;  La  Harpe  contre  Voltaire,  son  maître;  et  Domergue  contre  plusieurs  de 
ses  contemporains. 

Convenons  cependant  qu'à  travers  les  tourbillons  que  ces  athlètes  élèvent  dans  leurs  arènes 
littéraires,  la  vérité  et  le  bon  goût  brillent  assez  souvent,  et  qu'ils  triomphent  à  la  fin  de  l'igno- 
rance et  de  la  méchanceté.  Malgré  la  colère  de  Bouhours,  les  illustres  écrivains  de  Port-Royal 
ont  enrichi  notre  langue  d'un  grand  nombre  d'expressions  nouvelles  et  heureuses;  Furetière  a 
mieux  fait  que  l'Académie  française;  une  quantité  de  mots  et  d'expressions  que  Desfontaines 
s'était  efforcé  de  condamner  au  ridicule,  sont  employés  aujourd'hui  par  les  écrivains  les  plus 
élégants  et  les  plus  purs;  et  les  malheureux  détracteurs  du  style  de  Voltaire  n'ont  fait  que 
passer. 

La  marche  de  la  science  grammaticale  en  France  n'a  pas  peu  contribué  non  plus  à  retarder  ks 
progrès  de  la  langue,  et  à  répandre  dans  les  esprits  l'incertitude  et  l'erreur.  On  passa  subite- 
ment de  la  critique  des  langues  mortes  à  celle  de  la  langue  nationale;  et,  sans  remarquer  que  la 
langue  française  diffère  essentiellement  de  la  langue  latine  par  sa  syntaxe  et  ses  constructions, 
on  a  fait  à  cette  langue  une  application  forcée  de  la  grammaire  latine.  Alors  on  appliqua  aux 
noms  français  dont  la  terminaison  ne  change  point,  et  dont  les  divers  rapports  ne  sont  indiqués 
que  par  leur  place  ou  par  les  prépositions  dont  on  les  accompagne,  les  cas  qui  servent  à  distin- 
guer les  diverses  terminaisons  des  noms  latins,  et  à  marquer  leurs  différents  rapports;  et  la 
langue  française  fut  forcée  d'admettre,  comme  la  langue  latine,  des  cas  et  des  déclinaisons. 

Cette  erreur  s'est  tellement  enracinée,  que  malgré  les  grammairiens  philosophes  qui  l'ont  vie- 


tv  DISCOURS  PRÉLIMINAIRE 

lorieuscmont  coniballuc,  malgré  l'Académie  iiiii  a  decliré  «lu'il  n'y  a  point  de  déclinaisons  dans 
la  langue  fiançaise,  on  trouve  encore  dans  la  plni)arl  des  grammaires  et  des  dictionnaires,  et 
mt'nie  dans  Vollaire,  les  mots  de  nnminatif,  génitif,  etc.;  et  dans  le  DiLtionnai.'e  de  rAcadcniie, 
des  mois  di(S  (ifiUimùlft  et  indtclinablcs. 

Ce  fut  une  heureuse  idée  sans  ilonle  <ine  rinstitiilinn  d'une  société  littéraire  chargée  de  don- 
ner à  la  nation  une  grammaire  et  un  dictionnaire  de  sa  langue,  et  de  prononcer  sur  les  difficultés 
qui  s'élèveraient  sur  le  langage.  Mais  l'Académie  française,  en  ne  remplissant  qu'une  partie 
de  celte  ticlie,  a  txialement  manqué  son  but.  Elle  a  composé  un  dictionnaire  sans  avoir  fait  une 
Rrammaire,  c'est-à-dire  établi  des  conséquences  sans  avoir  reconnu  de  principes,  élevé  un  édifice 
sans  avoir  pose  de  fondements. 

Le  Dictionnaire  de  l'Académie  française,  quelque  imparfait  qu'il  fût  au  commencement,  ne 
lais-a  pas  d'offrir  quelcpie  milité.  Ce  fut  une  espèce  de  régulateur  dans  un  temps  où  un  très-petit 
nombre  de  personnes  s'appliquaient  à  lelnde  de  la  langue.  Il  aurait  été  plus  utile  si  les  grands 
écrivains  qui  lai-aionl  alors  partie  de  cet  illu^-tre  corps  eussent  daigné  s'occuper  de  ce  travail. 
Mais  il  fut  abandonné  en  grande  partie  à  des  hommes  médiocres  qui  n'avaient  d'antre  mérite 
que  la  faveur  qui  s'était  efforcée  de  les  tirer  de  l'obscurilé,  et  le  Dictionnaire  de  l'Académie 
fut,  non  pas  entièrement,  comme  on  l'a  dit,  le  dictionnaire  des  halles,  mais  en  grande  partie. 

Dans  la  partie  même  où  son  langage  s'élève  au-dessus  des  usages  populaires,  son  utilité 
dut  se  borner  à  la  classe  moyenne  du  peuple,  étrangère  à  la  litlérature.  On  y  prenait,  par  le 
moyen  des  délinilions,  une  idée  assez  juste  de  la  signification  plus  ou  moins  générale  d'un  graud 
nombre  de  mots  usuels,  mais  des  e\emples  ajoutés  à  ces  définitions  n'indiquaient  ni  les  difl'é- 
rcntes  places  que  ces  mots  peuvent  occuper  dans  le  discours,  ni  les  nuances  ou  les  reflets  qu'ils 
peuvent  recevoir,  ou  des  places,  ou  de  leur  union  avec  certains  mots,  ou  de  leur  opposition  à 
d'autres,  ou  enfin  des  différents  tours  dans  lesquels  ils  peuvent  figurer. 

De  quelle  utilité  pouvaient  être  aux  gens  de  lettres  des  substantifs  froidement  accolés  à  des 
adjectifs,  sans  occasion  et  sans  but,  dos  adverbes  à  des  verbes  ou  à  des  adjectifs,  sans  rapport  à 
d'autres  membres  de  phrase;  des  verbes  et  des  prépositions  à  des  compléments,  sans  application 
à  des  idées  ou  à  des  sentiments  déterminés"?  Ce  n'était  pas  dans  ce  recueil  de  locutions  sèches  et 
morcelées  que  pouvaient  trouver  des  lumières  ceux  qui  s'efforçaient  de  suivre  les  traces  des  Cor- 
neille, des  Racine,  des  Pascal,  des  Bossuet,  des  Fénclon  ;  la  langue  de  ces  grands  écrivains  n'a- 
vait rien  de  commun  avec  les  morceaux  de  phrases  du  Dictionnaire  de  l'Académie. 

Mais  si  d'un  coté  l'utilité  du  Dictionnaire  de  l'Académie  fut  très-bornée,  de  l'autre,  ce  recueil 
trcs-scc  et  très-incomplet  devint  un  grand  obstacle  aux  progrès  de  la  langue.  Abandonné  par 
les  académiciens  hommes  de  lettres  à  ceux  de  leurs  cotifrères  qui  n'avaient  aucun  droit  réel  à 
ce  litre,  ceux-ci  voulurent  en  tirer  une  espèce  d'existence  littéraire,  et,  ne  pouvant  justifier  on 
défendre  un  grand  nombre  de  leurs  bizarres  décisions,  ils  voulurent  en  faire  des  dogmes,  et  mi- 
rent l'autorité  de  l'Académie  à  la  place  de  la  science  et  du  bon  sens.  Alors  ou  vit  s'élever  une 
sorte  de  superstition  grammaticile  et  littéraire  qui  fit  regarder  le  Dictionnaire  de  l'Académie 
comme  le  recueil  unitpie  et  sacré  de  toutes  les  beautés  et  de  toutes  les  délicatesses  de  la  langue, 
ft  l'Académie  comme  un  conseil  grammatical  perpétuel,  contre  les  décrets  duquel  il  était  dé- 
fendu de  s'élever  sous  peine  d'anathème. 

A  la  vérité,  les  membres  distingués  de  l'Académie,  tout  en  jiartageant  le  doux  prestige  de 
cette  suprématie  grammaticale,  en  secouaient  impimément  le  joug  dans  la  pratique;  et  c'est  à 
rette  hardiesse  que  nous  devons  la  plupart  des  ouvrages  immortels  dont  ils  ont  enrichi  la  langue. 
Mais  les  hommes  faibles  et  timides,  et  c'est  toujours  le  plus  grand  nombre,  se  courbèrent  de- 
vant l'idole;  les  journalistes,  qui  trouvaient  plus  commode  de  s'appuyer  sur  un  recueil  de  déci- 
dions toutes  faites  que  de  prendre  la  peine  ou  de  se  donner  l'embarras  de  penser  eux-mê- 
mes, se  déclarèrent  les  défenseurs  des  nouvennx  aogmes.  On  n'osa  plus  hasarder  d'autres 
expressions  que  celles  qui  se  trouvaient  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie;  tout  ce  qui  ne  s'y 
trouvait  p:is  fut  déclaré  barbare  et  malsonnanl,  et  la  langue  resta  comme  stationnaire  deTant 
celle  barrière  magitpie. 

Cette  malheureuse  superstition  s'est  conservée  longtemps  en  France;  mais  le  nombre  des 
croyants  a  toujours  été  en  diminuant  à  mesure  que  la  raison  a  fait  des  progrès,  et  que  les  lu- 
mières se  sont  étendues  sur  toutes  les  classes.  Il  est  bien  encore  quelques  hommes  qui  en  ont 
conservé  le  langage,  mais  c'est,  ou  par  intérêt,  ou  par  politique,  ou  par  vieille  habitude.  La 
croyance  n'y  est  plus,  et  le  ridicule  attend  quiconque  tenterait  de  la  faire  renaître. 

Trois  éditions  ont  suivi,  dans  l'espace  de  près  de  deux  siècles,  la  première  édition  du  Diction- 


DISCOURS  PRÉLIMINAIRE.  ^ 

naire  de  l'Acadcmio;  mais,  n'offrant  d'autre  amélioration  que  la  suppression  de  (iiieKjuos  eipres- 
sions  abandonnées,  ou  l'insertion  de  quelques  mots  nouvellement  adoptés,  elles  se  sont  soute- 
nues avec  d'autant  plus  de  peine  que,  dans  cet  intervalle,  plusieurs  hommes  de  yenie  on» 
répandu  sur  les  sciences  grammaticales  des  lumières  qui  ont  mis  au  yrand  jour  les  défauts  du 
recueil  académique. 

En  étudiant  les  systèmes  de  grammaire  de  Dumarsais,  de  Duclos,  de  Condillac,  de  Beauzée,  on 
vit  que  l'Académie  avait  construit  sur  des  bases  fausses  ou  incertaines;  et  les  explications  des 
synonymes  publiées  par  Girard,  Beauzée,  Roubaud  et  quelques  autres,  démontrèrent  la  fausseté 
de  plusieurs  déilnitions  que  le  vulgaire  des  lecteurs  avait  admirées  jusqu'alors  dans  son  Diction- 
naire. 

Les  ouvrages  des  grammairiens  célèbres  dont  je  viens  de  parler  conduisirent  à  des  études 
mieux  raisonnées.  Mais,  contraires  les  uns  aux  autres  en  plusieurs  points,  ils  donnèrent  lieu  à 
de  nouvelles  dillicultés.  Il  fallait  oublier  ce  qu'on  avait  appris  ;  chose  que  l'amour-propre  dé- 
conseille presque  toujours;  il  fallait  cludior  de  nouveaux  systèmes,  les  examiner,  les  comparer, 
les  concilier,  se  décider  pour  l'un  ou  pour  l'autre  :  choses  auxquelles  la  paresse  s'oppose  le  plus 
souvent.  Enlin  il  fallait  soutenir  les  nouvelles  théories  contre  les  partisans  des  anciennes  mé- 
thodes, contre  l'orgueil  et  les  préjugés  des  chefs  d'instruction.  La  marche  de  la  réformation  fut 
très-lente,  la  gothique  grammaire  de  Restant  l'emporta  longtemps  sur  les  principes  raisonnes 
des  grammairiens  modernes,  et  aujourd'hui  encore  elle  est  préférée  à  toutes  les  autres,  dans  cer- 
taines mai.sons  d'éducation  où  les  ouvrages  d'instruction  ne  sont  estimés  que  par  tradition 

Une  autre  circonstance  paraît  encore  avoir  relardé  l'adoption  de  ces  nouvelles  doctrines.  Leurs 
auteurs,  obligés  de  combattre  les  anciennes  erreurs,  et  souvent  de  discuter  entre  eux  plusieurs 
points  sur  lesquels  ils  n'étaient  pas  d'accord,  se  sont  vus  forcés  d'entremêler  l'exposition  de  leurs 
systèmes  de  digressions  polémiques  qui  en  ont  quelquefois  rendu  l'étude  pénible,  et  l'ensemble 
difficile  à  saisir.  C'est  ce  qu'on  remarque  souvent  dans  les  dissertations  de  Beauzée,  quelquefois 
dans  les  longs  développements  de  Dumarsais,  rarement  dans  les  sages  leçons  de  Condil- 
lac. Si  ce  dernier  appuie  beaucoup  sur  certains  points,  s'il  multiplie  les  bons  et  les  mauvais 
exemples,  c'est  toujours  au  profil  de  l'instruction  positive,  c'est  pour  fortifier  l'habitude  de  dis- 
cerner le  bon  du  mauvais,  pour  établir  solidement  le  goût  de  l'un  et  le  dégoût  de  l'autre. 

Il  suit  de  ce  que  nous  venons  de  dire  qu'il  existe  aujourd'hui  plusieurs  ouvrages  pnipres  à  fa- 
voriser les  bonnes  études  grammaticales;  que  les  préjugés  qui  en  arrêtaient  les  progrès  st>nl 
disparus  en  grande  partie,  et  que  la  critique  elle-même,  lorsqu'elle  est  sans  oassion,  abandonne 
l'autorité  lorsqu'elle  est  contraire  à  la  raison. 

Mais  il  est  certain  aussi  que  ces  secours,  si  précieux  pour  ceux  qui  veulent  jpasser  une  partie 
(le  leur  vie  à  l'élude  de  la  grammaire  française,  ne  présentent  pas  des  moyens  d'instruction  bien 
faciles  et  bien  prompts  à  ceux  qui  n'ont  ni  le  loisir  ni  la  patience  de  parcourir  dans  tous  ses 
détours  le  labyrinthe  de  celte  science. 

Il  existe  de  bons  traités  sur  toutes  les  parties  de  la  grammaire  française,  mais  la  plupart  dif- 
fèrent par  la  nomenclature  des  objets  qu'ils  traitent,  par  le  classement  de  ces  objets,  par  les 
règles  générales  qu'ils  donnent;  quelques-uns  sont  accompagnés  de  discussions  métaphysiques; 
qui  ne  sont  pas  à  la  portée  du  commun  des  lecteurs,  et  il  est  difficile  de  se  décider  entre  lef 
opinions  qui  les  divisent.  Si  je  veux  m'éclaircir  sur  tout  ce  qui  a  rapport  aux  compléments  des 
verbes,  ici  je  trouve  des  accusatifs  et  des  datifs,  là  des  rêgivies  directs  et  indirects,  chez  un  autre 
des  régimes  simples  et  des  régimes  composés,  ou  des  compléments  immédiats  OU  médiats  ;  ei  il 
faut,  à  chaque  fois,  que  j'étudie  ce  qu'on  entend  par  ces  termes  techniques,  et  que  j'en  conserve 
dans  ma  mémoire  et  les  noms  et  les  sens,  pour  comprendre  l'auteur  que  je  consulte.  Si  je  veux 
connaître  la  nature  des  temps,  je  trouve  chez  les  uns  des  imparfaits^  ùdf,  parfaits  et  des/j/i/j- 
q  ue-par  faits  ;  chez  d'autres,  ÙGS  prétérits  de  diverses  espèces;  chez  d'autres  encore,  i\cs  passé». 
Telle  grammaire  me  fait  l'énumération  de  plusieurs  espèces  de  pronoms;  dans  une  autre,  la  plu- 
part de  ces  pronoms  ont  disparu  et  se  trouvent  rangés  dans  la  classe  des  adjectifs.  Ici  on  me  dit 
que  le  verbe  être  est  le  verbe  substantif,  que  tous  les  autres  verbes  sont  des  verbes  adjectifs.  A 
peine  ai-je  imprimé  dans  ma  mémoire  ces  termes  et  les  sens  qu'on  y  attache,  qu'un  académicien 
m'assure  que  le  verbe  être  est  un  attribut  commun,  et  les  autres  verbes  des  attributs  combinés; 
partout  je  vois  renaître  les  mêmes  difficultés  et  les  mômes  obstacles,  et  je  sens  que  je  ne  puis 
profiter  des  instructions  des  grammairiens  modernes,  sans  avoir  étudié  pendant  longtemps  cha- 
cun de  leurs  systèmes,  et  m'êlre  familiarisé  avec  leurs  nomenclatures  et  \eurs  manières  de  voir. 

Les  dictionnaires  ne  me  donnent  point  de  règles  et  m'induisent  souvent  en  erreur.  Celui  de 
l'Académie  ne  renferme  pas,  à  beaucoup  près,  tous  le*  mots  que  l'usage  a  consacrés  ;  et  si  je  n'y 


TI  DISCOURS  PRÉLIMINAIRE. 

trouve  pas  celui  qui  se  préseule  à  mon  esprit  comme  le  plus  propre  à  rendre  ma  pensée,  par 
quel  moyen  pourrai-je  m'assurer  qu'il  m'est  permis  de  l'iniployer?  Il  en  est  de  riiôme  des  di- 
versis  acceptions,  dont  plusieurs  sont  aussi  omises  dans  ce  Dictionnaire.  Je  sais  que  plusieurs 
adjectifs  peuvent  se  mettre  avant  leurs  substanlils,  plusieurs  adverbes  avant  les  participes  des 
Verbes  qu'ils  modifient;  ot  loin  que  le  Dictionnaire  de  l'Acadi-mie  me  donne  quelques  lumières 
sur  le  choix  de  ces  constructions,  il  évite  souvent  au  contraire  de  donner  des  exemples  qui  pour- 
raient m'instruire,  et  me  laisse  presque  toujours  dans  le  doute  ou  linceriilude.  Si  j'ai  recours 
aux  grammaires,  elles  me  disent  que  l'usage  seul  peut  me  servir  de  guide,  et  lorsque  j'ai  besoin 
d'écrire  au  moment  même,  où  irai-je  chercher  l'usage?  Il  existe  des  observations  oriliques  faites 
par  des  hommes  habiles  sur  le  juste  emploi  de  plui^ieurs  mots  et  de  plusieurs  phrases;  mais  ces 
observations  sont  disséminées  dans  une  multitude  d'ouvnigos,  et  il  n'y  en  a  aucun  qui  m'indi- 
que où  je  puis  trouver  celles  dont  le  besoin  se  présente  à  chaque  instant,  et  encore  moins  qui 
m'enseigne  à  discerner  celles  qui  sont  justes  d'avec  celles  qui  ne  le  sont  pas,  ou  à  me  décider 
dans  les  cas  où  elles  se  contredisent.  Il  faut  donc,  si  je  veux  être  sûr  d'écrire  purement,  ou 
que  j'inculque  dans  ma  mémoire  toutes  les  règles  des  grammaires  et  toutes  les  bonnes  observa- 
tions des  critiques,  et  la  vie  entière  n'y  suffirait  pas;  ou  que  je  m'entoure  de  tous  les  ouvrages 
qui  existent  sur  cette  matière,  pour  y  chercher  à  chaque  occasion  de  quoi  régler  mon  style  et 
diriger  mon  goût,  et  ce  moyen  n'est  pas  plus  praticable  que  le  premier. 

C'est  dans  le  dessein  de  remédier  à  ces  inconvénients,  que  nous  avons  entrepris  l'ouvrage  que 
nous  offrons  aujourd'hui  au  public.  Afin  de  mettre  nos  lecteurs  à  même  de  jouir  des  découvertes 
des  nouveaux  grammairiens,  sans  être  obligés  d'apprendre  leurs  diverses  nomenclatures,  nous 
avons  réduit  en  un  seul  système  tout  ce  que  nous  avons  jugé  utile  dans  les  nouvelles  grammaires, 
et  nous  l'avons  soumis  à  une  nomenclature  uniforme.  Les  discussions  polémiques  ont  été  écar- 
tées, les  explications  dilluses  resserrées,  et  plusieurs  parties  qui  ne  s'assortissaient  qu'à  un 
système  particulier  ont  été  refondues  et  appropriées  au  système  commun. 

Ce  système,  que  l'ordre  alphabétique  semble  morceler,  se  trouve  lié  par  le  moyen  des  renvois 
qui  établissent  la  correspondance  des  articles  entre  eux;  et  le  lecteur  peut,  à  son  gré,  ou  ne 
consulter  que  des  articles  isolés,  si  son  besoin  se  borne  là,  ou  suivre  avec  ordre  toutes  les  par- 
ties, s'il  veut  approfondir  la  science. 

Les  règles  générales  et  les  exceptions,  qui  ne  se  présenteut  ordinairement  qu'une  fois  daus 
les  grammaires,  se  reproduisent  souvent  ici  par  l'application  que  l'on  en  fait  à  chacun  des  mots 
qui  sont  soumis  aux  unes  ou  aux  autres;  de  manière  que  chaque  mot  susceptible  d'une  diffi- 
culté rappelle  ou  la  règle  ou  l'exception,  et  qu'on  n'est  pas  obligé  d'avoir  recours  à  chaque  instant 
aux  articles  qui  les  expliquent  et  les  établissent. 

Mais  les  règles  de  la  grammaire,  qui  n'enseignent  qu'à  écrire  correctement,  n'offrent  qu'un  se- 
cours faible  et  souvent  incertain  à  ceux  qui  veulent  écrire  avec  élégance,  et  donner  au  discours 
le  ton,  la  tournure,  les  couleurs  et  les  nuances  convenables,  selon  la  nature  des  sujets,  le  carac- 
tère des  idées  et  le  besoin  des  circonstances.  Souvent  les  règles  grammaticales  sont  obligées  de 
céder  .aux  règles  ou  aux  inspirations  du  goût,  et  de  grandes  beautés  brillent  quelquefois 
dans  des  expressions  et  des  tours  où  ces  règles  sont,  sinon  évidemment  violées,  du  moins  élé- 
gamment éludées. 

11  nous  a  donc  paru  nécessaire  de  joindre  aux  règles  grammaticales  proprement  dites,  les  règles 
du  style  dans  chaque  genre  de  littérature,  et  de  montrer  par  des  exemples  comment  la  perfection 
résulte  de  la  combinaison  des  unes  avec  les  autres,  de  la  modification  des  unes  par  les  autres. 

On  ne  s'imaginera  pas  sans  doute  que  nous  ayons  eu  la  témérité  de  vouloir  refaire  un  art  que 
tant  d'écrivains  célèbres  ont  porté  à  sa  perfection.  Le  tenter  eût  été  ridicule  de  notre  part,  et  la 
nature  de  notre  ouvrage  ne  l'aurait  pas  permis  à  des  littérateurs  plus  habiles.  11  ne  s'agit  point 
ici  de  faire  des  règles  nouvelles,  d'établir  des  systèmes  nouveaux,  d'indiquer  de  nouvelles  routes; 
mais  de  rassembler  sous  les  yeux  du  lecteur,  dans  l'ordre  le  plus  commode,  tout  ce  qu'on  a  écrit 
de  plus  clair  et  de  plus  méthodique  pour  le  guider  dans  l'art  d'écrire. 

Voltaire,  Marmontel,  le  chevalier  de  Jaucourt,  La  Harpe,  et  surtout  Condillac,  nous  ont  fourni 
la  plus  grande  partie  de  nos  matériaux.  Tantôt  nous  les  avons  insérés  sans  aucun  changement, 
tantôt  nous  les  avons  combinés  les  uns  avec  les  autres;  quelquefois  nous  avons  suppléé,  par  des 
articles  de  notre  composition,  ceux  que  nous  n'avons  pas  trouvés  ailleurs,  ou  qui  ne  nous  ont  pas 
paru  suffisamment  développés  ou  assez  clairement  présentés. 

Une  autre  partie  de  notre  ouvrage,  qui  paraîtra  sans  doute  de  quelque  utilité,  c'est  le  recueil 
des  observations  les  plus  importantes  qui  ont  été  faites  sur  un  grand  nombre  de  mots  et  de 
phrases.  Nous  nous  sommes  contenté  de  présenter  sans  remarques  celles  qui,  n'ayant  point  trouvé 


DISCOURS  PRÉLIMINAIRE.  TU 

de  coniraflîcteurs",  soiu  assez  jjaranties  par  rautorité  de  leurs  auteurs;  nous  avons  rapporii' 
les  objections  que  l'on  a  faites  contre  plusieurs  autres,  et  nous  avons  ladié  de  concilier  les  opi- 
nions contraires,  ou  risqué  de  décider,  en  nous  appuyant  toujours  sur  des  raisons  (jue  nous 
avons  crues  solides,  et  sur  un  nombre  suffisant  d'autorités  que  nous  avons  regardées  comme  pré- 
pondérantes. 

Ainsi,  l'on  trouvera  dans  ce  Dictionnaire  les  observations  importantes  applicables  aux  usages 
actuels  de  la  langue,  qui  étaient  auparavant  dispersées  dans  un  grand  nombre  d'ouvrages.  Les 
anciennes  remarques  de  Vaugelas,  de  Ménage,  de  Bonheurs,  de  Thomas  Corneille,  etc.,  qui  peu- 
vent encore  s'appliquer  à  ces  usages,  se  trouvent  indiquées  sommairement  aux  articles  des  mots 
qui  y  ont  donné  lieu;  et  toutes  celles  de  Voltaire,  de  La  Harpe,  de  Condillac,  et  des  autres  au- 
teurs de  nos  jours,  y  sont  rapportées  fidèlement;  on  n'en  a  pas  même  exclu  les  critiques  souvent 
hasardées  de  quelques  grammairiens  peu  accrédités,  tels  que  Féraud,  Domergue,  etc.,  lorsque 
ces  critiques  ont  été  mal  à  propos  accueillies  dans  quelque  ouvrage  d'instruction  publique,  ou 
qu'elles  ont  donné  lieu  à  quelque  discussion  importante;  mais  aussi  on  a  recueilli  avec  éloge 
celles  dont  on  a  reconnu  la  justesse,  et  l'on  s'est  efforcé  de  rendre  justice  à  tous. 

Mais  ce  ne  sont  pas  là  toutes  les  difficuilés  de  la  langue  française,  il  en  est  un  grand  nombre 
qui  s'élèvent  chaque  jour  dans  l'esprit  de  ceux  qui  consultent  le  Dictionnaire  de  l'Académie 
française.  Comme  il  y  a  dans  cet  ouvrage  plusieurs  expressions  hors  d'usage,  et  qu'on  n'y  trouve 
pas  un  grand  nombre  d'acceptions  autorisées  par  les  écrivains  les  plus  distingués,  et  particuliè- 
rement par  les  poètes,  il  nous  a  paru  nécessaire  de  relever  ces  erreurs,  de  suppléer  ces  omis- 
sions, et  de  lever  par  ce  moyen  les  difficultés  auxquelles  elles  peuvent  journellement  donner  lieu. 

On  voit,  par  les  détails  dans  lesquels  nous  venons  d'entrer,  que  notre  ouvrage  n'est  pas  un 
Dictionnaire  de  la  langue  française^  mais  un  Dictionnaire  des  difficultés  de  la  langue  française: 
c'est-à-dire,  des  règles  de  la  langue  française,  des  applications  de  ces  règles,  d'un  grand  nombre 
de  remarques  et  d'observations  particulières  qui  n'ont  pu  être  réduites  en  règles,  et  enfin  des 
fautes  de  quelques  ouvrages  qui  peuvent  induire  en  erreur,  parce  qu'ils  sont  entre  les  mains  de 
tout  le  monde,  et  qu'on  a  l'habitude  de  les  consulter. 

Il  ne  faut  point  chercher  dans  notre  Dictionnaire  la  signification  des  mots,  ni  les  différentes  ac- 
ceptions dans  lesquelles  on  peut  les  prendre.  Si  on  les  donne  quelquefois,  ce  n'est  que  par  occa- 
sion, ou  pour  préciser  l'objet  de  la  question,  ou  pour  éclaircir  quelque  règle,  ou  pour  relever 
quelque  erreur,  ou  enfin  pour  constater  quelque  omission. 

Nous  aurions  intitulé  notre  ouvrage  Dictionnaire  grammatical,  si  nous  nous  étions  borné  à  y 
Tanger  par  ordre  alphabétique  toutes  les  règles  de  la  grammaire  française;  nous  l'avons  intitulé 
Dictionnaire  des  difficultés  de  la  langue  française,  parce  qu'à  ces  règles,  destinées  elles-mêmes  à 
éclaircir  des  difficultés,  nous  avons  joint  des  questions  qui,  ne  pouvant  être  immédiatement  dé- 
cidées par  des  règles,  offrent  d'autres  difficultés  d'autant  plus  embarrassantes  qu'elles  ne  peu- 
vent être  éclaircies  que  par  la  discussion,  ou  tranchées  que  par  des  autorités  imposantes  et  géné- 
ralement reconnues. 

On  ne  trouve  nulle  part  des  règles  qui  enseignent  quels  sont  les  adjectifs  qui  peuvent  ou  non 
précéder  leurs  substantifs;  nous  indiquons  à  chaque  adjectif  s'il  doit  être  mis  avant  ou  après.  Les 
exemples  dont  nous  faisons  suivre  chaque  décision,  et  les  règles  que  nous  avons  exposées  à  l'ar- 
ticle ^i/ecti/,  et  auxquelles  nous  renvoyons  ordinairement,  aplanissent  beaucoup  de  difficuilés, 
et  jettent  quelque  lumière  sur  cette  matière  abandonnée  jusqu'à  présent  à  l'incertitude  de  l'usage. 
Il  en  est  à  peu  près  de  même  des  cas  où  l'on  peut  placer  les  adverbes  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  nous  avons  eu  soin  de  les  indiquer  à  chaque  adverbe.  Si  nous  avons  fait  quelque 
faux  pas  dans  cette  route  si  incertaine,  nous  espérons  du  moins  qu'on  nous  saura  gré  d'y  avoir 
porté  quelques  lueurs,  et  d'avoir  fourni  aux  écrivains  plus  instruits  qui  viendront  après  nous, 
l'occasion  de  compléter  un  recueil  d'observations  si  nécessaires  pour  l'exactitude  du  langage. 

Parles  mots  difficultés  littéraires,  que  nous  avons  insérés  dans  le  titre  de  notre  ouvrage,  nous 
entendons  seulement  les  difficultés  littéraires  relatives  au  langage.  Le  caractère  de  chaque  genre 
de  littérature  ayant  un  rapport  essentiel  avec  un  caractère  particulier  de  style,  nous  aurions  cru 
laisser  une  lacune  dans  notre  ouvrage  en  n'y  donnant  pas  des  notions  au  moins  générales  sur 
chacun  de  ces  genres;  mais  on  ne  doit  pas  s'attendre  à  y  trouver  toutes  les  règles  de  l'éloquence, 
de  l'histoire  et  de  chaque  genre  de  poëme.  Il  nous  a  paru  suffisant,  pour  notre  plan,  de  marquer 
les  rapports  de  chaque  genre  avec  l'art  d'exprimer  ses  pensées. 

J.  Ch.  laveaux. 


TABLE  DES  ÉDITIONS  A  CONSULTER 


POUR   VÉRIFIER  LES  CITATIONS  RENFERMÉES  DANS  CET  OUVRAGE' 


BossDET.  — Discours  sur  V Histoire  Universelle. 
Paris,  r.harpenlier,  48il,  1  vol.  in -12.  — 
Oraisons  Funèbres.  Paris,  Wcrdet  et  Lequien 
fils,  J827.  1  vol.  in-S". 

BUFFO.t.  —  Œuvres  complètes ,  mises  en  ordre 
par  M.  le  comle  de  Lacépéde.  Paris,  Evinery, 
1825,  25  vol.  in-8o. 

Corneille  (P.).  —  Le  Théâtre.  Paris,  Gandouin, 
1747,6  vol.  in-12  2. 

Fé.nelon.  — Les  Aventures  de  Télémaque.  Paris, 
Duforl,  an  VII,  2  vol,  in-12. 

Fléciiiei!.  —  Oraisons  Funèbres.  Paris,  Werdet 
et  Lcquien  fils,  1S28.  t  vol.  in-8''. 

GinADLT-DDViviEK.  —  Grammaire  des  Gram- 
maires, oiizijinc  édition  entièrement  revue  et 
forrigée  par  Auguste  Lcmaire,  professeur  de 
rhétorique  au  collège  Bourbon.  Paris,  Colelle, 
1844,  2  vol.  in-S". 

I.\  Bruïère.  —  Dans  Les  Moralistes  Français. 
Paris,  Firmin  Didot  frères  et  Lefévre,  1836, 
1  vol.  grand  in-8°. 


I  Nous  ne  faisons  Cgur-îr  dans  ceUe  table  ni  la  plupart  des 
poètes,  ni  les  prosateurs  dont  les  ouvrages  sont  divisée  en 
courts  cbapitres,  car  on  peut  facilement  térifîer  dans  tontes 
•s  éditions  les  citations  qui  en  sont  tirées. 

ï  Lorsque  le  passage  cité  est  sûiïi  immédiatement  d'une 
«biervation  de  Voltaire,  on  s'est  serri  de  l'indicatioo  doncêe 


La  Harpe.  —  Lycée  ou  Cours  de  Littérature  an- 
demie  et  moderne.  Paris,  I.efèvre,  1816,  15 
vol.  in-8». 

La  Rochefoucauld.  —  Voyez  La  Bruyère. 

Massillon.  —  GXuvres.  Paris,  Lefévre,  1S3.3. 
2  vol.  grand  inS°. 

Pascal.  —  Les  Pensées.  Paris,  Aimé  André,  1839, 
1  vol.  in-S"  3.  —  Des  Pensées  de  Pascal  par 
M.V.  Cousin.  Paris,  Ladrange,1843, 1  v.  in-S". 

Racine. —  Gîuvres  arec  des  Coimnentaires,  par 
M.  Luneau  de  Boisjennain.  Paris,  Pougin, 
d796.  an  IV,  7  vol.  in-8°*. 

Rousseau  (J.-B  ). — Gïuvfes  choisies.  Odes,  Can- 
tates, Epîlres  et  Poésies  diverses.  Paris,  Ja- 
net  et  Cotelle,  1823, 1  vol.  in-S". 

Rousseau  (J.-J.).  —  Gîuvres.  Paris,  Didol  aine, 
an  XI,  180J ,  20  vol.  i>>8". 

Voltaire.  —  Œuvres  complètes.  Imprimerie  de 
la  Société  littéraire  typographique  dTSo,  1)2 
vol.  in-d2. 


par  cet  écrivain,  et  qui  renvoie  à  l'édition  qu'il  avait  publiée 
des  œuvres  de  Corneille. 

8  Les  passages  extraits  de  cette  édition  sont  suivis  de  l'in- 
dication des  chapitres.  Ceux  qui  sont  tirés  de  l'ouvrage  de 
M.  Cousin  ne  sont  suivis  que  de  l'indication  de  la  pa^c. 

4  II  faut  remarq'iei'  que  dans  cette  édition,  Efther  ai  divi- 
sée en  5  actes. 


DICTIONNAÏKE 


UAISONNÉ 


DES  DIFFICULTÉS  GRAMMATICALES 

ET    LITTÉRAIRES 

DE  LA  LANGUE  FRANÇAISE. 


A. 


A.  Subsl.  m.  Première  lellrc  de  l'alpluibet,  la 
première  des  voyelles.  A  ne  prend  pas  de  s  au 
pluriel.  Tachons  d'eu  découvrir  la  raison. 

Les  noms  sont  mis  au  jduriel  quand  ils  expri- 
ment plusieurs  individus  distincts  qui  l'ont  partie 
d'une  cerlaine  classe.  Deua;  hommes  se  dit  do 
deux  individus  distincts  de  hi  classe  indiquée  par 
le  nom  appellalif  homme;  mais  lorsqu'un  nom 
n'indique  pas  une  classe,  et  qu'il  est  seulement 
le  signe  individuel  d'un  objet  unique,  il  ne  peut 
otre  appliqué  à  .ilusieurs  objets,  ni  par  consé- 
'luent  prendre  le  signe  du  pluriel;  c'est  vérita- 
blement un  nom  propre.  Le  mot  a  signifie  un 
son  particulier  de  la  voix  humaine;  il  ne  peut 
donc  élre  appliqué  qu'à  ce  son,  et  par  consc- 
quent  il  repousse  tout  signe  qui  indique  un  plu- 
riel. 

A  la  vérité,  a  considéré  comme  caractère  ou 
comme  son,  peut  avoir  plusieurs  formes,  plu- 
sieurs accessoires  relatifs  a  sa  ligure  ou  à  sa  pro- 
nonciation ;  mais  il  n'en  est  pas  moins  le  signe 
d'un  objet  individuel;  et,  quoiqu'il  puisse  être 
accompagné  de  certains  mois  qui  indiiiuent  le 
pluriel,  celte  idée  de  pluralité  tombe  ou  sur  la 
répétition  du  signe,  ou  sur  la  difrérence  de  ses 
formes  écrites  ou  i)rononcées,  mais  non  sur  la 
signilicalion  réelle  du  mot,  qui  ne  peut  être  ap- 
pliquée qu'au  son  de  voix  qu'U  indique.  (Juand 
on  dit  deux  a,  trois  a,  c'est  comme  si  l'on  disait 
le  caraclére  a  répété  deux  fois,  trois  fois.  On  fait 
de  petits  a,  de  grands  a  ;  il  y  a  des  a  longs  et 
des  a  brefs,  c'est-à-dire,  (ju'on  donne  au  signe  « 
des  formes  plus  ou  moins  grandes,  et  au  son  (|u'il 
représenle  une  prononciation  longue  ou  brève; 
nais,  dans  toutes  ces  phrases,  il  n'est  point  ques- 
(ion  de  plusieurs  sons  de  la  voix  humaine  :  c'est 
toujours  le  même  signe  ex|)rimant  un  son  indi- 
viduel, et  voilà  pourquoi  il  ne  prend  pas  la  mar- 
que caractéristique  du  pluriel.  Au  contraire, 
quand  on  dit  devx  homines,  trois  hommes,  le  nom 
homme  prend  la  forme  du  pluriel,  parce  qu'il  in- 
dique deux,  trois  individus  distincts  faisant  par- 
tie de  la  classe  qu'il  e.xprimo.  Deux  a,  c'est  deux 


fois  le  mémesigno;  deux  hommes, c'e>l  un  homme 
et  un  autre  homme.  C'est  parcelle  raison  qu'au- 
cune lettre  de  l'alphabet  ne  prend  le  signe  du 
pluriel. 

11  en  est  de  mémo  dos  noms  des  chiffres,  ipii 
sont  chacun  un  signe  déterminé  de  lel  ou  tel  nom- 
bre :  on  écrit  sans  s,  deux  vn,  trois  quatre,  cinq 
neuf,  six  zéro,  etc.  ;  des  signes  (pie  l'on  emploie 
dans  la  musique  pour  signifier  chaipie  U>\\  :  deux 
ut,  trois  ré ,  quatre  si,  elc.  ;  des  mulsi|ui  n'ex- 
priment ([u'un  rapport  particulier  on  une  vue 
particulière  de  l'esiM'it  :  des  si,  des  quand,  des 
mais,  des  pourquoi,  des  comment.  Il  rj  a  trois 
que  dans  cette  phrase;  ces  deux  qui  font  un 
mauvais  effet.  Il  ne  s'agit  dans  toutes  ces  plira^es 
•pie  de  la  ié|)élilion  des  inémes  signes,  et  non  de 
plusieurs  individus  distincts.  \'oye/.  Nombre. 

A  ne  Si-  prononce  point  dans  Saonc,  aoriste, 
taon,  août,  antUeron:  oii  prononce  comme  si 
l'on  écrivait  Sône,  oriste,  ton,  oui,  oûleron  ;  mais 
a  se  fait  entendre  dans  uoûter. 

Dans  celte  façon  de  iiarlcr,  il  y  a,  a  est  verbe. 
C'est  une  de  ces  exiiressions  figurées  ijui  se  sont 
introduites  par  imitation,  jiar  abus  ou  [lar  cala- 
chrése.  On  a  dit  au  propre,  Pierre  a  de  /'argent, 
il  a  de  l'esprit  ;  et  |)ar  iniitalion  on  a  dit,  *'/  y  a 
de  l'ai'gent  dans  la  bourse,  il  y  a  de  l'esprit  dans 
ces  vers.  Il  est  alors  un  ternie  abstrait  cl  gén»'- 
rai,  comme  ce,  on.  Ce  sont  des  termes  méla|)li)- 
siijues  formés  à  l'imilalion  des  mots  (jui  marquent 
des  olijets  réels.  L'y  vient  de  l'iiides  Latins,  ci 
a  la  même  signification  II.  y,  c'est-.i-dire  là,  ici 
dans  le  pomT  dont  il  s'agit.  Il  y  a  des  hommes 
qui,  elc.  //,  c'est-à-dire",  Iclre  mélaphysi(iùc, 
l'être  imagine  ou  d'imitation,  a,  dans  le  poiiii 
dont  il  s'agit,  des  hommes  qui,  etc.  C'est  ausîi 
jiar  imitation  qu'on  dit,  la  raison  a  des  bornes, 
notre  langue  n'a  point  de  cas,  la  logique  a  qua- 
tre partiti,  etc.  (Uuinarsais.) 

J  est  la  troisième  pei-somie  du  sinculier  «In 
présent  de  l'indicatif  du  verbe  arair.  C  est  s;ins 
doute  un  défaut,  dit  Yullaire,  qu'un  verbe  ne 
soit  qu'une  seule  Icllic,  et  qu'on  exprime  il  a  rai- 


son,  il  a  de  l'esprit,  comme  on  exprime  il  est  à 
Paris,  il  cv/  (i  L<;iin.  Il  a  ru  ('li(i<|ii(>r.'iil  lioiii- 
blciiicni  ruivillc  si  l'on  n'y  clail  |);is  ihcouUiiik^. 
Plnsiciir.-.  onivjiius  scscrvonl  île  cctlc  [iliriisc,  la 
diff !■  ic lire  qu'il  y  a,  la  distance  qu'il  y  a  entre 
0KX,- osi-ii  rien  lie  |iliis  hiiiuMiissMiit  à  l;i  l'ois  el 
de  plus  riiile?  n'esiil  |»;is  iiisé  tl  éviter  celle  ini- 
pf^rfeclioii  du  l.uKvigi!  en  ilisaiu  siin|iloiiienl,  la 
distance,  la  di//'i  reiice  entre  eux  9  A  ipioi  i)on 
ce  qu'il  Cl  ci'l  1/(1  i|ui  rcMiJiMil  le  discours  si'C  el 
dirfii>.  i:[  i|ni  rrunissciil  iiiiisi  les  |ilus  çrands  dé- 
fiiuls?  .Ne  r;iul-il  pus  surtout  éviter  le  concours 
de  deux  a?  il  ai  à  J'uris,  il  a  /Antoine  en  aver- 
sion. Triiis  et  ipi;ilre  a  de  suite  sont  insuppor- 
tables ;  il  va  à  /■iniieiis,el  de  là  à  Arques.  I.;i  poé- 
sie française  [iroscril  ce  licuilcmenl  de  voyelles  : 

Gardei  qu'une  »oycllc,  à  courir  lro|i  liilce, 
Ne  soil  d'uuc  voyullti  en  son  chemin  licurlée. 
(BoiL.,  A.  /'.,  I,  107.) 
[Iticl.  philoêophique.) 

Voltaire  a  voulu  substituer  la  lellre  a  à  la  let- 
tre 0  dans  françois,  française  et  dans  les  lernps 
des  verbes  que  Ion  éci'il  avec  ni:  français,  je  di- 
sais, etc.  Diiuiarsais  a  très-bien  prouve  «pie  celle 
innovation  est  un  aims  contraire  aux  principes. 
(.0[\enilant,  iiial^'ré  les  efforts  de  plusieurs  i:ens 
de  lettres,  et  ceux  île  l'Académie,  qui  n'avait  |)oini 
adopte  celle  nouvelle  orthographie,  elle  a  leiie- 
mcni  prévalu,  ipi'on  peut  la  regarder  comme 
adaptée  giMn-ralement  par  l'usai-'c.  F.nlin,  l'Aca- 
déinie  vicnidedecidcripi  elle  l'emploierait  dans  le 
nouveau  Dictioiuiairc  ainpiel  elle  travaille.  Nous 
avons  cru  devoir  suivre  Son  exemple,  en  écrivant 
français  au  lieu  de  français,  j'allais  im  lieu  de 
j'allais.  Par  là  on  ne  l'ail  que  substituer  un  nou- 
vel alius  à  l'ancien  ;  car  ai  ne  représente  pas  plus 
le  son  es  ipie  l'on  fait  sentir  dans  français,  que 
ne  le  rcprésenlait  ni.  Aoyez  l'article  Ôi.  Voyez 
aussi  à  ce  tnjei  les  nombreuses  objections  que 
M  l.cmaire  s'est  efforcé  de  réfuter  [Gravunaire 
des  Grammaires,  p.  'J3li  et  suiv.),  el  qtielques- 
unes  des  spirituelles  dissertations  de  (lli.  Nodier, 
qui  n'a  jamais  adopté  l'orlhoçraphe  de  Voltaire. 
[Aii'Ianyes  de  lillcrature  et  de  critique,  tom.  I, 
p.  472  et  l'/D.  Examen  critique  des  Dict.,  ar- 
ticle Oi.) 

A.   Indique  affirmation  en  lotriqnc 

En  léle  d'un  morceau  de  musique,  il  désigne 
la  partie  de  la  liauic-conlrc,  alto. 

Il  esi  suUNCMl  lexprcssion  abrégée  du  mot  al- 
tes.^c . 

Dans  l'usage  du  commerce  a  csl  \)Our  aocepté, 
a.  c.  pour  nnni'C  courante  ;  a.  p.  pour  ann*;e pas- 
sée ou   pour  a  protester. 

Dans  nos  espèces  d'or  et  d'argenl  celte  lettre 
est  la  marque  de  la  monnaie  de  Paris,  el  AA  celle 
de  la  monnaie  de  Melz. 

A.  P.  I).  H,  sir  les  anciennes  gravures,  signi- 
lie  :  ari-c  pririli  ge  du  rai. 

A,  préposition  doni  l'usage  primitif  est  démar- 
quer un  iappor;a  un  terme.  Aller  à  Pari^,  être  à 
Pari.^.  Toiiies  les  fois  que  cette  prepoMtion  n'esl 
pas  jinse  dans  le  sens  pro|ire  de  sa  ilesiinalion, 
elle  y  a  toujours  un  ra|iiiiirl  pinson  moins  éloi- 
gné. Un  (lira  clianter  est  un  air  que  le  com|>o- 
sileur  a  di'sliné  à  étriî  chaulé;  vue  chaise  a  par- 
leurs e.s'  'l'O  chaise  que  Ion  a  dcslinée  à  élrc 
portée;  »/«  pat  à  l'eau  est  un  pot  que  l'on  a  des- 
tiné a  contenir  de  l'eau;  vne  jnai.san  à  rendre 
est  une  inaiNon  que  l'on  a  destinée  à  être  vendue. 
Dans  toiiles  ces  phia-cs  il  y  a  but,  destination, 
lermc.  L'Envie  à  l'œil  timide   et  louche,   c'est 


I  i'Fnvic  que  l'on  reconnail  à  son  <fil  timide  et 
I  loiu'lie.  D:ms  arrncher  des  herlies  brin  ii  brin, 
j  chaque  brin  d'herbe  devient  à  son  tour  le  terme 
;  d'unj  action  ;  on  va  d'un  brin  à  l'aiilre  i)our 
I  arracher  ce  dernier.  Dans  donner  quelque  chose 
\  à  quelqu'un,  ùter  quelque  clwse  à  quelqu'un,  à 
1  annonce  le  terme  des  verbes  donner  et  6ter,  el 
quelqu'un  conijiléle  l'idée  de  ces  lerincs;  car 
I  c'est  a  quelqu'un  que  viemicnt  aboulir  l'aci'on 
de  iloniier  et  l'action  d'oler. 

Ouaiid  je  dis,ye  rous  remets  à  deu.T  mois  fiour 
mus pni/er,  je  ne  veux  pas  dire  que/c  mus paie- 
rai  api  es  deux  mois,  mais  c'est  un  lerme  que 
j'assiL'iie  |toiir  le  paiiMiient.  (Jnand  je  dis  que/a 
vinnifo  morceau  à  morceau,  cela  ne  signifie  pas 
i\Wt  Je  inungc  un  morceau  a(ir(Si/;j  autre;  inais, 
qu'après  avoir  man.'è  un  inoriT-au,  un  antre  mor- 
ceau devienl  le  lerine  ou  teinl  radion  de  manger. 
l'raraillcr  à  l'aiguille  ne  signifie  pas  travailler 
arec  l'aiguille  ;  mais*/  indique  l'aiguille  comme 
le  terme  du  choix  qu'on  a  l'ail  de  cet  insir;imcnt 
préféra!  dément  a  lout  autre,  y  ivre  à  Paris  ne  si- 
gitilie  i)as  vivre  dans  Paris;  mais  à  l'ail  considé- 
icr  Paris  comme  un  |>oiiil  ou  ton  s'est  lixé  pour 
y  vivre.  C'est  lorsque  le  lieu  n  est  pas  considéré 
comme  un  [loint,  mais  comme  un  e-pace,  que 
l'on  dit  en  ou  dans  :  f^ivrc  en  France,  vivre 
dans  la  France ,  vivre  en  pna-ince  ^irrc  dans 
Paris  ne  signifie  tlonc  pas  exactement  la  même 
chose  que  vivre  à  Paris. 

On  ne  peut  pas  dire  comme  le  Dictionnaire  de 
1  Académie,  qu'w  sert  a  marquer  le  temps,  le  lieu, 
etc.  (Juaiid  je  dis  je  dine  à.  ..,  il  e.^i  im];0Ssiblô 
que  l'on  devine  si  celle  préposition  a  rapjiorl  au 
tempsou  au  lieu.  Mile  aurait  ra|)porl  au  temps  si  je 
disaisyc  dîne  à  quatre  heures  ;  Mo  aurait  rapix)rt 
au  lieu  si  je  disais  y»  dine  au  faulmurg  Saint- 
Honoré.  A  ne  inar(iue  donc  dans  ces  phrases  ni 
le  lemps  ni  le  lieu  ;  il  sei"l  à  annoncer  un  rap- 
port vague  de  ternies  dont  I  idée  csl  complétée  par 
le  mot  ou  les  mots  qui  suivent. 

Il  serait  ridicule  de  dire  avec  l'abbé  Girard, 
qu'«  indique  la  spécifcatinn  par  vingt-cinq  diffé- 
rents vioyens.  Par  la  l'orme  de  la  siriicliire,  lit 
à  adonnes,  table  à  pieds  de  biche;  [)ar  la  qualité, 
7nol  à  double  sens;  p;'.r  la  cause  mouvanie,  arme 
à  feu,  etc.,  etc.  Il  est  aisé  de  remarquer  que, 
dans  ces  phrases,  à  ne  marque  ni  forme  de  slruc- 
Inie,  ni  ipialité,  ni  cause  mouvante,  etc.;  mais 
(jn'il  amioiice  seiilcmenl  un  rap|Mirl  don!  les  mots 
qui  suivent  complètent  l'idée,  ijuand  j'ai  dit  lit 
«....,  je  |)eux  aussi  bien  ajouter  rendie  que  co- 
lonnes;  à  n'indique  donc  [laspliis  l'action  de  ven- 
dre que  !a  forme  de  la  structure. 

D'autres  grammairiens  font  de  la  préposition 
à  une  préposition  collocativc,  ordinale ,  unilice, 
terminale,  clc;  Cl  tout  cela  avec  aussi  jm-'U  dérai- 
son. 

I.a  préposition  «  devienl  un  mol  composé,  par 
sa  jonction  avec  l'article /c  ou  avec  l'ariiclf.'  pluriel 
les.  l.'arliclc  le,  à  cause  du  son  sourd  de  l'e 
muet,  a  amené  au;  de  sorte  ipiau  inu  dédire 
à  le,  nous  disons  «(/,  SI  le  no.n  ne  commence  pas 
|)ar  une  voyelle:  s'adunner  au  bien;  el  au  [du- 
ricl,  au  lieu  de  dire  «  les,  nous  disons  au.r,  suit 
(|iie  le  nom  commence  par  une  voyelle  ou  par 
une  consonne  :  aux  hommes,  au.r  f'inmcs,  clc. 
.Ainsi  au  C5l  auluiU  que  à  le,  cl  aux  autant  que  à 
les. 

l'I  faut  répéter  la  piéposilion  à  devant  chacun 
de  ses  com|ilémeiils.  ISe  dites  donc  pas  il  aime  à 
lire  et  écrire,  m;iis,  il  aime  à  lire  et  o  écrirai, 
rsiuiilez  pas  en  cela  .J.-.l.  Rousseau,  qui  sou&- 


anlendail  ordimircmont  celle  pri^posilion.  Il  ne 
fani  p;is  coiuMure  ili-  l;i  ijnc  l'im  iloivcMlirc,  parmi 
tous  les  romans  île  l'aitliquili',  je  donne  la  pré- 
fèreiirc  à  7'lirappiie  et  â  C/iaricli'e  ;  [nircc  <1UC 
les  deux  iin'ls  Ti.ttipèiic  et  t  Imrwl^e  élant  le 
titre  d'un  iiiivi;i^(*,  soiii  rc^;irdrs  (•iiiimie  (iiie  ex- 
pression imii|iii;  «lui  furiiie  le  coiniilciiR'ul  de  la 
préposition  à. 
On  a  beaucoup  rcproclié  à  Boilcau  ce  vers  : 

Cest  à  TOUS,  mon  esprit,  A  qui  je  tcmix  parler. 
'SaLlX,  1.) 

Boileati  a  donné  ici  deux  termes  an  xcrhc par- 
ler :  à  vous  cl  a  qui.  il  fanl  dn-e,  c'est  à  vous, 
mon  esprit,  i/uej'e  rei/.r  pai/er. 

Domer-'ne,  makié  l'anloriié  do  l'Académie  cl 
un  usage  liicn  éiaïili,  ne  vrui  pns  iiue  l'un  dise, 
if  y  arait  sept  à  lniil  femmes  Javs  rot  le  as-^er/i- 
bléc.  On  dit  avec  raison,  ajoute  cet  académicien, 
de  sept  à  huit  hevres,  alhint  d"  sept  à  huit  heu- 
res, parve  <|uo  liiiil  licurcscst  leleiiiie<iù  aticiutit 
l'action  d'allci-;  il  y  ;i  un  es[»;ii-e  à  |iai(uuiir .  il 
y  a  des  fractions  d'Iiciif-s.  Mais  on  ne  coik-oIi 
pas  des  fractions  de  fouîmes;  il  faut  opter  entre 
sept  cl  Iniit,  et  dire  sept  on  Itvit  femmes. 

II  y  a  une  grande  tlifrcrencc  entre  ces  doux  ex- 
pressions, ^""ùru  cAe^  mus  de  sept  à  Inrl  heures, 
et  ily  avait  sept  à  huit  femmes  dans  cette  assem- 
blée. La  prcniiére  iiuliipie  un  ifiiips  divisdili'piiire 
sept  heures  cl  huit  heures;  la  sci-ondc  indiipie 
un  nomlire  approximatif  moniani  à  sept,  ou  tout 
au  plus  à  huit  pcrsoimcs.  A  la  vérité,  il  n'y  a 
point  de  fractions  entre  sept  et  huit  femmes;  mais 
il  ne  s'agit  pas  irj  d'un  nombre  entre  si'|il  et  huit, 
mais  d'une  estimaliou  de  sept  a  huit  femmes. 
Celui  qui  dit,  il  y  arail  dans  cette  assemhh'e 
sept  à  huit  femmes,  n'est  pas  certain  qu'il  y  avait 
sept  femmes;  mais  il  assure  cpie  le  nomlire  ipii 
s'y  trouvait  montait  peul-èirca  sept,  ou  tout  au 
plus  à  huit.  Le  noml.re  huit  est  le  seul  CLfIain  et 
déterminé;  au  lies  (|ue,  dans/'t? ai  vous  voir  de 
sept  à  huit  heures,  lcs<lcux  époques  sont  dcK.T- 
minécs,cl  admettent  un  inlervalle.  //  y  avait  dans 
cette  assemiihe  rept  on  huit  femmes,  n'ex[irimc 
pas  si  precJM'ironi  rcsiimation  faite  du  nombre, 
ei  ie  terme  le  plus  élevé  porté  à  huit.  Cette  façon 
de  parler  n'afiirine  rien  ,  c'est  comme  si  l'on  di- 
sait :  peut-è.rc  y  en  avait-il  sept,  peu t-êiro  y  en 
avail-^l  huit,  voila  mon  estimaiUm,  je  n'assure 
pas  plus  l'un  que  l'autre.  Si  l'on  veut  liicn  ré- 
fléchir sur  ces  deux  phrasct,  on  conviendra  (pie 
ce  sont  la  les  mianccs  «pii  les  distinguent,  et  ipie 
par  conséquent  on  jieut  enqiloycr  l'une  ou  l'autre, 
suivant  les  vues  de  l'esiirlt. 

Dans  l'édiiion  de  IS.'IS,  l'Académie  donne  une 
décision  favorable  à  Domcrçue.  ^■oici  le  passage  : 

K  A,  fdacé  entre;  doux  nombres,  en  laisse  sûji- 
poscr  un  (pii  est  intermédiaire,  yinrjl  à  trente 
personnes,  quinze  d  vingt  francs,  mille  à  douze 
cents  francs. 

K  II  se  place  aussi  entre  deux  nombres  con- 
sécutifs, lorsqu'ils  se  rap|Nirlcnt  à  des  choses  (pii 
peuvent  se  diviser  par  Iraclions,  deux  à  tnns 
Unes  de  sucre,  cinq  à  sis  lieues.  On  dit  cinq 
ou  si.v personnes ,  onze  ou  douze  clieraux,  Cl<'.,  j 
et  non,  cinq  à  six  personnes,  onze  a  douze  elie~ 
vaux,  etc.  » 

Il  y  a  des  prépositions  qui  veulent  cire  sui-  ! 
vies  de  la  prep<j-inon  à.  Telles  soûl  par  rapport,  i 
quant,  altemint,  et  qiieliiucfois  sauf,  QKju.tque.  | 
Par  rapport  à  lui,  quant  d  eux,  attenant  au  | 
palais,  sauf  à  eux  à  se  nourroir  ;  mais  ou  dit  j 


ABA  3 

aussi  sauf  leur  recours,  cl  jusque-là,  jusque  sur 
le  trône. 

Pliilol  que  jusquf-là  j'.ikaissc  mon  orgueil,  etc. 
(Volt.,  Zaïre,  acl.  I,  se.  I,  67.) 

Le  son  de  l'a  est  jiliis  éclatant  (pie  celui  de 
toutes  les  autres  voytîllcs.  et  la  v.ix  j mur  com- 
plaire à  l'oreille,  dil'Marmontel.  le  clioi:>it  nalu- 
rcll(;mcnl  :  la  preuve  en  est  dans  les  accents  in- 
dclibénis  d'une  voix  (pii  prélude,  dans  les  cris 
de  surpiise,  de  douleur  et  de  joie.  —  H  ne  faut 
jias  conclure  de  la  i|ue  ce  mol  fasse  un  bon  effet 
dans  une  phrase,  lorsi|u'il  y  revieni  joiivcnt  Cette 
répr'tilion  est  surtout  iiisu|i|>orlal)le  loivpi'il  s'y 
présente  sous  des  acceptions  dilïereiUes,  coininf 
dans  celle  phrase  de  La  Harpe  :  «  C'est  raison- 
ner étrangement  que  de  dire  à  un  homme  qu' 
;j'a  dû  .sa  célébrité,  qu'a  sa  mcclidnceté ;  et  de  l'in 
viter  à  reroncer  â  la  seule  chose  qui  Ca  rendu 
célèbre.  » 

A  ou  Ad.  Particule  préi)ositive  empruntée  de 
la  pié|)Osition  latine  ud,  ipii  se  met  au  commen- 
cciiicnt  de  certains  mots,  et  (pii  seii  a  iiiari]iicr, 
comme  la  |ireposiiio"i  u,  la  Icnd.uice  vers  un  but 
pliysiipie  ou  moral.  On  se  sert  de  a  dans  les  mots 
(jue  nous  conqiusoiis  nous-m(''mcs  a  l'imitation  de 
ceux  du  laini ,  et  même  dans  (pielques-uiis  de 
ceux  (juc  nous  en  avons  ein|iruiiles.  J,fuerrir, 
rendre  propre  à  la  guerre;  aun  liorer,  faire  ten- 
dre à  un  ctal  mciileiir;  anéantir,  reiliiire  a  néant; 
avocat,  (juc  î'oii  écrivait  aiicicimemenl  udvocat, 
apjieié  iioiir  i)l;iidcr  une  cause.  On  se  sert  de  aï 
quand  le  mol  simple  commence  par  une  voyelle, 
par  un  h  muet,  et  (pielquefois  ipiaiid  il  commence 
par  j  ou  par  v.  Adopter  [apinre  ud) ,  adhé- 
rer [Itœiere  ad),  admettre,  meitrc  (lans;aci- 
Jidnl  {junctu^  ad),  adverbe  [ad  verbum  junc- 
lus),  etc. 

Dans  quelques  cas,  le  rf  de  f/f/ se  transforme  en 
In  consunne  (pii  commence  le  mot  sim|)l(!  si  c'est 
un  c  ou  un  q,  comme  accumuler,  acquérir  ;  un  f, 
comme  affamer;  un  g,  aniwue  or/q/omérer  ;  uni, 
comme  allaiter;  un  n,  comme  annexer;  un  p. 
Comme  applanir,  appauvrir,  apposition  ;  un  r. 
Connue  arranger,  arrondir;  un  4,  coininc  avA-ati- 
lir,  assidu ,  assortir;  uu  /,  coiniiic  attribut,  at- 
ténuer, etc. 

Ab  ou  Acs.  Particule  |)réposilivc  empruntée  du 
latin,  qui  se  met  au  couimencemeia  d'un  mot 
poiirmaiMpicr  |iruicipaleuienl  laseir.n-alion.cuininc 
<.\.\n?,  abhorre I ,  uhju ration,  ablution,  ubmgution, 
aborlif,  abrogé,  absolution,  a'iAtmence,  abstrait, 
abusif,  etc. 

Adaissk.  Subsl.  f.  Ce  n'est  jias,  comme  ledit 
l'Académie,  une  paie  (jui  lait  la  croiile  di;  dessous 
dans  plusieurs  jiièces  de  pâtisserie,  c'est  un  mor- 
ceau de  pàieipii  a  été  abaissé,  c'cst-a-diie  dont 
on  a  diminue  la  hauteur  en  le  iiass;iiii  sous  le 
rouleau,  jiisipru  ce  ipi'il  soit  ilc\fnu  mince. 
Une  abaisse  est  une  pièce  de  iiàie  mince  (jue  l'on 
cn)|>loie  de  diverses  manières. 

ABiissiiMEM.Subst.  m.  Ce  mol  s'einploie-t-i!au 
pluriel?  L'Académie  ne  l'imUipie  [xniil.  lionbaud 
l'a  employé  ainsi  au  ligure  :  l'orguei/  est  «n  des  ■ 
vices  le  plus  jaloux  de  se  venger  di^s  abaisse- 
ments qu'il  éprouve.  Kn  eflél,  un  homme  peut 
éprouver  plusieurs  abaissements ,  celui  de  sa 
fortune,  de  son  crédit,  de>a  n-puiaiion.eic,  ;  mais 
r('tat  qui  résulte  i\ctvs  divers  (il>ai.\.seuienls  est 
un;  et  on  ne  peut  pas  dire,  tJ est  dans  les  ubais- 
semenls.  L'élévation  ou  /'abaissenuMit  des  Etals 
dépend  du  courage  d'esprit  de  ceux  qui  les  çov~ 
vernent. 


4  ABA 

Ce  mot  s'emploie  dans  le  style  noble. 

Ce  triste  abaisiement  convient  à  ma  fortune. 

(lUc,  Iphig.,  acl.  III,  se.  V,  31. 

Abaisser.  V.  a.  de  la  1"  conj.  11  nous  semble 
que  l'iibbé  Giî"drd  n'a  pas  indi<iué  avec  assez 
il  exiiclitude  et  de  tiai-lc  la  difrcrence  entre  les 
verbes  abaisser  et  baisser.  Abaisser  a  toujoiii's 
rapporta  un  point  i-levo,  baisser,  à  un  point  bas. 
On  abaisse  une  cliuse  pour  (lu'ollc  uc  soit  pas 
si  haute;  on  la  baisse  [)our  (piclle  soit  basse.  Si 
un  mur  m'empoche,  |)ar  sa  hauteur,  d'avoir  la 
vue  sur  la  campagne,  je  le  fais  abaisser;  si  je 
veux  pouvoir  m'yppuyer  dessus,  et  ipi'il  ne  soit 
pas  as^e/.  bas  pour  cela,  je  le  lais  6aii\ser  jusqu'à 
hauteur  d'appui.  Si  une  femme,  développant  en- 
tièrement son  voile,  le  fait  descendre  aussi  bas 
qu'il  peut  s'étendre,  elle  le  baisse,  parce  (lu'ellc 
veut  qu'il  soit  bas  ,  pour  cacher  ce  (ju'elle  ne 
veut  pas  laisser  voir.  S'il  était  fixe  sur  le  haut 
de  sa  tète ,  el  qu'elle  voulût  le  fixer  sur  son  front, 
elle  \' abaisserait,  i)arce  ipi'ellc  voudrait  le  placer 
moins  haut.  On  baisse  le  dessus  d'une  cassette 
qui  est  entièrement  levé,  afin  qu'étant  bas,  il 
couvre  l'ouverture  qu'il  doit  couvrir.  On  abaisse 
le  dessus  d'une  cassette,  lorsque  n'étant  baissé 
qu'en  partie,  il  est  trop  haut  pour  remplir  sa  des- 
tination. C'est  dans  le  mctnc  sens  tju'on  baisse 
î>u  qu'on  abaisse  un  pont-levis,  la  visière  d'un 
masque,  etc.  On  baisse  la  tèie,  les  bras,  les  yeux, 
itjs  paupières,  lorsqu'on  les  dirige  en  bas;  mais 
Jans  le  langage  îles  arts,  on  abaisse  la  tête,  les  bras, 
aCs  yeux,  lcs[)aupicresd'unefiguie, lorsqu'on  veut 
iCS  placer  dans  une  position  "moins  élevée,  soil 
pour  se  conformer  aux  règles  générales  de  l'art, 
soit  potir  mieux  exprimer  la  passion  que  l'on  a 
en  vue. —  Baisser  ses  regards  sur  un  objet,  c'est 
les  diriger  en  bas,  pour  regarder  cet  objet.  Abais- 
ser ses  regards  sur  un  objet ,  suppose  une  éléva- 
tion de  laquelle  on  descend  el  portant  ses  regards 
sur  un  objet  très-infcrieur,  et  comme  indigne  de 
nous.  Quels  churmes,  en  effet,  la  nature  ne  ré- 
pand-elle pas  sur  les  travaux  du  philosophe  , 
qui,  persuadé  qu'elle  ne  fait  rien  en  vain,  par- 
vient à  surprendre  le  secret  de  ses  opérations, 
trouve  partout  l'empreinte  de  sa  grandeur,  et 
n'imite  pas  ces  esprits  puérilement  superbes,  qui 
n osent  abaisser  leurs  regards  sur  un  insecte! 
(Barlhcl.,  Anacharsis,  ch.  Lxiv,  loin.  V,  p  247.) 
S'abaisskr.  V.  pronom.  Ce  verbe  s'emploie  quel- 
quefois absolument.  Il  signifie  alors  témoigner 
que  l'on  se  croit  au-dessous  des  autres,  ou  qu'on 
ne  veut  point  se  prévaloir  du  mérite  ,  de  la 
gloire,  de  la  réputation  ,  des  bonnes  qualités  que 
l'on  peut  avoir.  L'homme  7/iotfe*<e  s'abaisse.  Les 
plus  fiers  Sont  quelquefois  forcés  de  s'abaisser, 
quand  la  fortune  les  abandonne.  L'homme  sage 
et  simple  ne  s'abaisse  puint,  ni  ne  se  soucie 
d'abaisser  les  autres.  (Girard.)  —  S'abaisser  à, 
signifie,  selon  l'Académie,  s'avilir,  se  dégrader. 
Mais  il  signifie  aussi,  se  proportionner  aux  per- 
sonnes qui  nous  sont  inférieures  par  la  condition, 
l'esprit,  les  lumières,  les  talents,  en  nous  mettant 
à  leur  portée.  On  n'est  jamais  bon  maître,  si 
l'on  ne  sait  pas  s'abaisser  jusqu'au  niveau  de  son 
élevé. 

*  Abalouuuir.  V.  a.  delà  2-=  conj.  L'Académie 
ne  met  iwint  ce  mol,  que  l'on  ciiq)loiedans  le  dis- 
cours fanulier,  pour  signifier  rendre  slupide  à 
force  de  mauvais  traitements,  el  qui  est  surtout 
usité  au  participe  i)assé.  rous  avez  abalourdi 
cet  enfant.  Mais  elle  met  abasourdir,  (jui  a  un 


ABA 

autre  Sens. —  Abalourdir  signifie  rendre  lourd, 
Slupide,  el  suppose  une  répiMition  de  cause  et  un 
effet  permanent  ;  abasourdir  veut  dire  étourdir, 
troubler,  consterner,  et  suppose  une  cause  subite, 
inattendue  ,  et  un  effet  passager.  On  est  aba- 
lourdi par  une  suite  de  mauvais  traitements,  el 
on  reste  abalourdi.  On  est  abasourdi  par  mie 
nouvelle  aflligeante  el  inattendue,  et  on  revient 
de  l'abattement  qu'elle  a  causé. 

\nAND0N.  bubst.  m.  On  confond  souvent  lu 
Palais  abandon  ct  abandonnemcnt.  On  dit  indif- 
féivminenl  (ju'un  failli  a  fait  V  abandon  ne  ment  ou 
l'abandon  de  ses  biens  à  ses  créanciers. 

h' abandonnemcnt  est  un  acte  par  lequel  on 
cède  ou  transporte  à  un  autre  la  jn-opriété  (]u'on 
a  d'une  chose,  ou  simplement  le  droit  qu'on 
peut  y  avoir.  Vabandfm  n'est  point  un  acte;  c'est 
un  simple  état,  une  simple  situation  d'une  chose 
délaissée.  Un  débiteur  fait  un  abandonnemcnt  el 
non  un  abandon  de  ses  biens  à  ses  créanciers.  On 
dira ,  en  parlant  d'un  homme  aui|uel  personne 
ne  ](reiid  intérêt,  qu'i/  est  dans  l'abandon;  et 
des  biens  dont  on  ne  prend  aucun  soin,  qu'i.'* 
sont  ù  l'abandon. 

On  dit  de  \' abandonnemcnt ,  qu'il  est  volon- 
taire, foroé,  juste,  entier,  sans  réserve,  etc.  On  dit 
de  {'abandon,  qu'il  est  triste,  cruel,  etc. 

On  dit  et  on  écrit  :  Vabandon  d'une  amante, 
Vabandon  d'une  actrice,  Vabandon  du  style,  pour 
exprimer  cet  état  uù  une  amante,  une  actrice, 
un  écrivain  se  laisse  aller  au  sentiment  ijui  l'en- 
Iralne. 

\  ollaire  a  dil  :  Il  y  aurait  un  lâche  abandon 
de  moi-même  à  souffrir  qu'on  me  déshonore. 
S'il  eiil  consulté  l'Académie  ,  il  auiait  ajipris 
qu  aba ndon  ne  se  dit  que  de  l'étal  d'une  per- 
sonne ou  d'une  chose  abandonnée,  et  «lu'il  ne  se 
dit  point  pour  l'aclion  d'abandonner,  lleureuse- 
mciil ,  il  ne  s'en  est  pas  rap|)orlé  à  celte  déci- 
sion ;  il  nous  a  donné  l'exemple  d'une  acception 
nouvelle. 

Abandon.ner.  y.  a.  de  la  1^^  conj.  L'Acadé- 
mie n'a  pas  donné  la  signification  primitive  de  ce 
mol.  Il  vient  du  substantif  allemand  6a«ii,  ([ui 
signifie  lien,  et  de  ia  préposition  latine  «  ou  ab, 
qui  signifie  dégagement,  libération.  Abandonner 
signifie  littéralement  dégager  de  liens,  (ictte  si- 
gnification primitive  se  reinaniue  dans  l'expres- 
sion ,  abandonner  un  clicval,  qui  se  dit  en  Icrmes 
de  manège,  pour  signifier  ne  plus  retenir  un  che- 
val par  la  bride  ou  par  les  rênes,  afin  de  le  laisser 
libre  d'aller  à  son  gré;  et  dans  la  phrase  de  fau- 
connerie ,  abandonner  un  oiseau,  qui  signifie  le 
laisser  libre  en  campagne,  sans  attache  cl  sans 
lien.  On  dit  en  ce  sens  au  ligure  :  abandonner  sou 
cœur  au  désespoir,  abandonner  son  âme  ù  lu 
vengeance.  J'avais  abandonné  mes  sens  à  la  dou- 
ceur du  sommeil.  (Barlh.,  Anacharsis.)  Aban- 
donner signifie  aussi  cesser  de  fréquenter  ce  (lu'on 
fréquentait  auparavant.  Depuis  quelque  temps, 
on  a  abandonné  ce  spectacle.  L'on  se  range  en 
haie,  ou  l'on  se  place  aux  fenêtres ,  pour  obser- 
ver les  traits  et  la  contenance  d'un  homme  qui 
est  condamné  et  qui  va  mourir  :  vaine ,  maligne, 
inhumaitie  curiosité!  Si  les  hommes  étaient  sa- 
ges,  la  place  publique  serait  abandonaée,  et  il 
serait  établi  qu'il  y  aurait  de  l'ignominie  seule- 
ment ù  voir  de  tels  spectacles.  (La  Bruyère,  de 
la  Cour,  p.  295.) 

Abasoukdir.  \oyez  Abalourdir. 

.\bat-jouh.  Subst.  m.  Ce  substantif  com|Hjsé 
ne  doit  point  prendre  le  signe  du  pluriel,  il  est 
composé  du  verbe  aia/,  qui  n'est  pas  susceptible 


ABE 

de  prendre  le  pluriel  à  la  mnnièrc  des  substantirs, 
cl  du  mol  jour,  (\m  ne  peul  le  prendre  d;ins  le 
sens  où  il  esl  employé  ici;  car  il  s'a^'il  d'une  chose 
ijui  nl>al  le  jour  el  non  les  j'otirs.  11  faut  donc  dire 
des  abat-jour,  Cl  non  [)as  \.\çi,ahat-j'ours.  A'oyez 
Composé. 

AnATTEMENT.  Subsl.  ui.  Fcraud  voudrait  que 
l'on  écrivil  ahalemciU  avec  un  seul  l;  cl  il 
rcproclie  à  i'Aca<l.'niic  d'avoir  ccril  ainsi  aha- 
tis,  et  d'avoir  conserve  uhattcmcnt.  Celle  ob- 
servation ne  nous  |)araU  pas  juste.  Tout  homme 
qui  a  l'oreille  délicate  sent  que  dans  abatic- 
meiil ,  on  appuie  plus  sur  ba  que  dans  aba- 
tis  ;  ce  qui  vient  de  ce  (pic  la  syllabe  suivante 
est  une  syllabe  féminine  sur  laipicUe  il  faut 
passer  légèrement,  passage  qui  exige  à  la  syl- 
labe précédente  une  prononcialion  plus  mar- 
quée.—  D'après  ce  principe,  il  faudrait  peut- 
être  ne  mettre  tpi'un  t  aux  mots  de  cette  classe  , 
où  la  syllabe  qui  suit  ba  est  masculine  ,  cl  en 
aietlre  deux  à  ceux  qui  finissent  par  une  syllabe 
icmmlne  :  Abattre  ,  abattement;  noxis  abatons  , 
j'ai  abalii,  abateur,  abattie,  abature.  Cette  ortho- 
graphe indiquerait  les  nuances  de  la  prononcia- 
lion. 

Abatteur.  Subst.  m.  11  régit  la  préposition  de, 
un  grand  abatteur  de  bois.  Un  grand  abatteur  de 
quilles.  11  n'a  point  de  féminin. 

Abattre.  V.  a.  et  irrég.  de  la  4"  conj.  Il  se 
conjuguecomme  battre.  Voyez  ce  mot. 

Abattu,  ce.  Part,  passé  du  v.  abattre.  Comme 
participe,  il  se  met  absolument,  ou  régit  la  pré- 
position ^jar.  Tttèînaque,  qui  était  abattu  et  in- 
consolable, oublie  sa  douleur. {¥cnei.f  Téléma- 
que,  liv.  XYll,  loin.  11,  p.d7A.)  Il  était  abattu 
par  une  douleur  que  rien  ne  pouvait  consoler. 
(Idem,  liv.  XVl,  tom.  Il,  p.  161.)  Il  s'emploie 
aussi  adjectivement  ;  on  dit,  un  arbre  abattu,  un 
cheval  abattu,  des  espérances  abattues. 

Abat-vent,  Abat-voix.  Substantifs  masculins. 
Ils  ne  changent  point  au  pluriel.  "Soyez  Composé. 

Abb.  Pans  les  mots  qui  commencent  par  celte 
syllabe,  on  n'a  jamais  prononcé  qu'un  b ;  aujour- 
d'hui même  on  n'en  écrit  plus  qu'im,  excepté 
dansaèieel  dans  ses  dérivés.  Autrefois  on  écri- 
vait abbécher,  abboyer,  abbréger,  abbretiver,  etc. 
(Feraud.)  —  On  ne  voit  pas  trop  pourquoi  on  a 
e.vcepté  les  mots  abbé,  abbesse,  abbaye,  où  le  se- 
cond b  ne  fait  rien  à  la  prononcialion.  Le  seul 
qu'on  aurait  dû  excepter,  ce  me  semble,  c'est  le 
mot  abbatial,  où  l'on  fait  un  peu  sentir  les  deux 
b  ;  car  on  ne  prononce  pas  abatial,  comme  le  dit 
Féraud.  Cette  différence  de  prononciation  vient 
peut-être  de  ce  que  les  syllabes  aèa  ont  trop  de 
rapport  avec  les  mots  abattre,  abattement,  etc., 
et  que  la  prononcialion  faible  des  deux  6  indique 
un  mot  d'un  autre  ordre.  Il  esl  dans  le  génie  de 
la  langue  française  de  prévenir  les  équivoques  le 
|)lus  qu'il  esl  possible. 

Abbatial,  Abbatiale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  On  l'ail  un  peu  sentir  les  deux  b. 
Il  fait  au  plur.  masc.  abbatiaux. 

Abbaîe.  Subst.  f.  On  prononce  abéie,  en  ne 
faisant  sentir  (pi'un  b. 

Abbé,  abbesse.  On  ne  fait  sentir  qu'uni. 

Abdomen.  Subst.  m.  On  fait  sentir  le  n  comme 
àdx\?>amen. 

Abdominal,  abdominale.  Adj.  qui  suit  toujours 
son  subst.  11  fait  au  ])lur.  masc.  abdominaux. 
Les  jnuscles  abdominaux. 

Abécédaire.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  dit  des 
ouvrages  qui  traitent  des  lettres  par  rapport  a  la 
lecture.  Livre  abécédaire,  ouvrage  abécédaire. 


ABO  5 

Il  se  dit  aussi  des  personnes  (|ui  ne  sont  encore 
(pi'a  l'a  b  c  d'une  science,  ou  qui  en  appren- 
nent les  premiei  s  clémente.  l);iiis  le  premier  sens, 
on  dil  eu  plaisantant,  c'est  un  docteur  ubécéduiro'. 
Dans  le  second,  on  dit,  un  vieillard  abécé- 
daire, c'est-à-dire,  cpii  conunencc  à  apprendre 
une  science  difficile.— Cet  adj.  suit  toujours  son 
subst. 

Abhorrer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  prononce 
les  deux  r.  Dans  le  discours  familier,  on  emploie 
assez  souvent  ce  mot  dans  un  sens  exa^'éré.  l.'i- 
maginalion  ardente  des  femmes,  el  (prelqucfois 
l'affcclation,  les  porte  à  du-e  cprcllcs  abliorrcnl 
les  personnes  ou  les  choses  qui  ne  leur  ont  causé 
qu'un  peu  d'humeur  ou  de  dépii. 

AnuoRiiÉ,  Abiioiw.éi;.  l'ail,  jiassé  du  v.  abhor- 
rer. Comme  adjectif,  il  s'enijiluie  absohiiiient,  ou 
est  suivi  de  la  pré|iosilion  de.  Un  prince  abhorré, 
un  prince  abhorré  de  ses  sujets. 

AiîiMER.  \  oyez  Abymer. 

Abject,  Abjecte.  Adj.  On  prononce  le  c  comme 
un  k.  On  peul,  selon  les  cas,  le  mettre  avant  son 
substantif.  Un  homme  abject,  une  créature  ab- 
jecte, cette  abjecte  créature.  Voyez  Adjectif. 

Abjuration.  Subst.  f.  Ce  substantif  n  a  pas  une 
signification  aussi  étendue  (pie  celle  du  verbe 
abjurer.  11  est  borné  a  signifier  une  renoncia- 
tion solennelle  à  une  erreui-,  à  une  hérésie;  au 
lieu  qu'abjurer  se  dit  des  opinions,  des  senti- 
ments, des  divers  mouvements  de  l'àme.  —  les 
mots  abjuration  el  abjurer  ne  s'ein|iloient  pas 
également  par  toutes  sortes  de  iiersonnes.  Ce  qui 
est  abjuration  aux  yeux  de  ceux  qui  regardent 
comme  fausse  et  pernicieuse  une  religion  à  la- 
quelle on  renonce ,  est  renonciation  pour  ceux 
qui  font  profession  de  celte  religion,  et  qui  la 
regardent  comme  vraie.  Les  catholiipics  appel- 
lent abjiirœtion  la  renonciation  solennelle  aux 
dogii;es  de  la  religion  protestante,  iiarce  qu'ils 
regardent  ces  dogmes  comme  des  erreurs;  et  par 
la  même  raison,  les  prolestants  donnent  le  même 
nom  à  la  renonciation  solennelle  aux  dogmes  de 
la  religion  catholique. —  11  en  est  de  même  du 
verbe  abjurer  :  les  catholiipics  disent,  abjurer  la 
religion  protestante  ;  el  les  protestants,  abjurer 
la  religion  catholique. — En  ce  sens,  on  le  dit  ab- 
solument lorsque  les  circonstances  fniU  assez 
connaître  le  régime  du  verbe  :  /'  a  abjuré. 

Aboiement.  Subst.  m.  Féraud  piélend  qu'on 
pourrait  écrire  aboiment  sans  e;  c'est  une  er- 
reur. Dans  ce  mot  la  syllabe  boi  est  longue,  et 
c'est  l'e  qui  la  suit  qui  lui  donne  celte  ijuan- 
tilé.  Si  l'on  supprimait  l'e,  boi  serait  bref,  à 
moins  qu'on  ne  mit  l'accent  circondexc  sur  Vi.  Je 
pense  qu'il  faut  continuer  d'écrire  aboiement. 
L'Acailémie,dans  son  Dictionnaire  publié  en  1835, 
met  aboiement  ou  aboiment. 

Abois  signifie  les  derniers  soupirs.  Ce  mot 
abois  est  pris  du  cri  des  chiens  (pii  aboieiil  au- 
tour d'un  cerf  forcé,  avant  de  se  jeter  sur  lui. 
Corneille  a  dit  dans  Nicomède  : 

El  ces  esprits  légers  approchant  de»  aboii. 

(Acl.  IV,  se.  n,  112.) 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers,  que  celte  ex- 
pression des  abois,  qui  par  elle-même  n'est  pas 
noble,  n'est  plus  d'usage  aiijonrd  hui.  Voltaire 
a  voulu  dire,  sans  doute',  que  ce  mot  n'est  plus 
en  usai-'c  dans  le  style  noble;  car  dans  le  style 
ordinaire,  il  est  encore  usité  au  propre  et  au  fi- 
guré. 
Abominable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  mel, 


6 


ABO 


suivnnl  les  cas,  avnnl  son  subslnnlif.  Un  homme 
ahomiiinb/p,  un  abuminublc  linnimc  ;  un  crime 
abominable,  vu  abominable  forfait.  \'oycz  Ad- 
jectif. 

L'Acaili'mic  n'a  pas  in(li(]iic  l'accpption  priini- 
livc  de  rc  imil.  11  se  dil  ;iii  prii]ire  dos  rlioscs 
qui  blessent  au  plus  liaiil  de|.'ié  les  principes  sa- 
rrés  de  la  rcliLMon,  de  la  naUirc  cl  de  l'Iuiina- 
rifc\  cl  des  [lersuniics  (pii  1er  coniinetleiit.  Les 
dieux  des  mitions  ctranrjères  étaient  abomina- 
bles aux  yeux  def  Juifs  L'idolùtric  est  abomi- 
nable aux  yeux  des  clin  liens.  Une  reliqion  fjtii 
ordonne  de  turr  ccii.v  qui  ne  la  suivent  pas,  est 
une  religian  ubovtinable.  Le  parricide  est  un 
crime  ub  uninable.  Un  parricide  est  un  homme 
abominable. 

Adominvrlrjiknt.  A'iv.  On  peut  le  mcllie  en- 
tre l'auxiliaire  el  le  parlici|)e.  //  s'est  conduit 
abomini.blemenl  ou  il  s'est  ubominublement  con- 
duit. 

Abomination.  Snhst.  f.  L'Académie  le  dcfinil, 
déicsialinn,  exécialiun  11  signilie  propioineiil  ol 
primiiivcnienl  un  senlinuMil  d'avcr^iun  niclc 
d'Iiorreur,  causé  par  (pichpic  cliuse  qui  révolie 
les  |)rlnii[ies  de  la  rcliuion  el  de  la  morale  nalu- 
rcUe.  —  Dans  un  sens  élenihi,  on  dil  c'est  une 
abomination,  ponr  diio,  c'esl  une  cIidsc  Irés- 
mauvaise,  lrés-l)l;unai)lc,  une  cliuse  odiense;  et 
on  le  dil  souvent  [lar  c\agéialion.  Telle  acliun 
parait  une  abomination  à  un  lionnnc  irrilc,  <piilui 
paraitrait  toute  naturelle  s'il  était  de  san^-fmid. 

Aboni)\m>iknt.  Ailv.  On  pont  le  nicllrc  cnire 
l'auxiliaire  et  le  participe.  Cela  est  démontré 
abondamment,  ou  est  abondamment  démontré. 

Abomiancr.  Subst.  f  On  dil  l'abondance  des 
idées,  l'abondance  des  sentiments,  l'abondance 
des  expressions.  On  a|ipelle  abondance  de  style 
une  ailluence  de  mots  et  de  lonis  beurenx  (]ui  ex- 
priment les  nuances  des  iiiées,  des  senlinienls  et 
des  ima^'es.  On  roit  dans  leurs  ouvrages  vue  telle 
abondance  de  beautés...  (Barlliél.,  Anacliarsis.) 
Il  s'était  fait  vn  style  qui  n'était  qu'à  lui,  et  qui 
coulait  de  source  avec  abondance.  (Voltaire.)  l.e 
vice  de  siyle  o|ipo.-é  à  Vabondance  est  la  séciie- 
resse  el  la  stérilité.  —  11  y  a  aussi  une  fausse 
abondance,  une  abondance  vaine  (pii  ne  luit  (jne 
déguiser  la  slcrililé  de  l'esprit  el  la  di.selte  des 
pcr.sées,  par  l'dstentation  des  paroles. 

AB0^•DA^T,  AnoNDAKTE.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  abonder.  On  peut,  selon  les  cas,  le  mettre 
avant  son  subsl.  Une  récolle  abondante,  vne 
abondante  récolte,  ^'oycz  Adjectif. 

L'Académie  diliiiil  abondant,  t|iii  abonde;  et 
abonder,  avoir  en  grandiî  quantité.  D'après  ces 
deux  delinilions,  on  pourrait  dire  qu'un  lionune 
qui  a  des  riciiosses  en  grande  ipianliié  est  un 
homme  abondant  Ce  mot  signifie  lillcralement 
qui  afilue,  <pii  cmile  à  flul,  et  se  dil  proprement 
d'une  source  qui  fournit  de  l'eau  en  grande  cjuan- 
tilé.  Une  source  abondante.  11  se  dil  par  analogie 
des  mines,  des  terres,  des  campagnes,  des  p;iys 
qui  produisent  nue  grande  quantité  de  choses  né- 
cessaires aux  besoins.  —  Il  se  dit  aussi  des  pro- 
ductions mêmes,  des  eaux  abondantes,  une  ré- 
colte abondante  ;  des  choses  censidéiées  suus  le 
rapport  des  clïcts  uliles  (pi'elles  doivent  |iro- 
duire,  et  de  leur  quantiio  relativement  aux  ef- 
fets, une  nourriture  abondante ,  des  pluicj  abon- 
dantes, des  secours  abondants;  —  dans  un  sens 
plus  restreint,  il  se  dit  abstraction  faite  de  besoin 
et  d'usage,  d'excédant  ou  de  snperllu  ,  el  ex- 
prime seulement  une  (piantilé  jrlus  ou  moins  con- 
sidérable de  productions  bonnes  ou  mauvaises. 


ABO 

r:^invfiie  tout  ce  qui  vuit  paraisse  plus  abondant 
que  ce  qui  sert...  (Butl'on.) 

Kn  termes  de  litiéralme,  on  app'dle  style  abon- 
dant uu  style  où  les  expiessions  iieureuses  sem- 
blent couler  comme  <le  source  pour  exprimer  les 
mianccs  des  idées,  des  sentimcnis  el  <\r<.  images. 
Un  style  abondant  en  figures,  en  comparaisons. 
A'oyez  Abondance. — (Mi  dit  i\\\'une  langue  est 
abondante,  lurscpTelle  fournil  un  gr;iiid  nombre 
tle  mots  et  d'ex|)rcssions  diverses  propres  à  ex- 
primer loules  les  nuances  îles  iomm-cs. 

(ici  adjertif  ne  se  dit  oïdiniurcmcnl  que  des 
choses;  cependanl,  avec  en,  on  le  ilit  fort  bien 
des  |KTSomii;s.  Abondant  en  paroles,  en  saillies, 
en  co Hipa ra iso n s . 

ABo^uKR.  V.  n.  de  la  d"  conj.  Ce  mol  ne  si- 
gnilie  [kis  ,  comme  le  tlit  l'Académie,  avoir  en 
grande  qnanliié.  11  se  dil  propremenl  el  primi- 
tivement lies  eaux,  el  signilii-,  venir  en  abon- 
dance. Les  eaux  abondent  dans  cet  étang.  — Par 
analogie,  les  marchandises  abondentdans  ce  port, 
les  chalands  abondent  dans  cette  boutique. 

Abord.  Subsl.  m.  Lee/  ne  se  prononce  point. 
—  11  en  est  de  même  de  d'abord,  adverbe. 

Abordabi.k  Adj.  desdenx  genres. Ilsuil  toujours 
son  subsl.  Un  homme  abordable ,u ne céjte abordable . 

Abokhkr.  V.  a.  de  la  1"  cuiij.  L'Académie 
dit  cpi'il  prend  les  auxiliaiies  être  el  avoir.  Mù- 
raud  prétend  (ju'aucun  graimnairien  ne  lui  a 
donné  l'auxiliaire  être,  —  11  suHil,  jiour  le  lui 
donner,  cpie  cet  auxiliaire  ex|irinie  une  vue  par- 
ticulière de  l'esprit  (pie  ne  saurail  exprimer 
l'auxiliaire  avoir,  ci  {jucile  bons  écrivains  l'aient 
employé.  Etre  abordé  c\\)v\\\\c  l'elat  de  ceux  qui 
sont  dans  le  lieu  ou  ils  ont  abordé  depuis  peu, 
et  avidr  abordé  signilic  l'action  d'abnnler.  A^ous 
avons  uhnrdé  à  cette  île  avec  beaucoup  de  peine. 
Enfin  nous  sommes  abordes,  nous  voilà  abordés 
Kossuel,  Dacier,  l\ollin,  etc.,  cmpluienl  l'auxi- 
liaire cire  dans  ces  cas.  \'oyez  Ao.viliaire. 

Abortif,  Abortive.  Adj.  ()ni  snil  loujours 
son  subst.  Enfant  abortif,  fruit  abortif. 

Aboutiss.\nt,  AB0UTl^s.\KlK,  atlj.  verbal  tiré  du 
V.  aboutir,  y  erre  aboutissante  d'un  cette  à  la  ri- 
vière, de  l'autre  au  grand  chemin.  11  .l'cm ploie 
au  pluriel  comme  substantif.  Les  tenants  elles 
abnutis'iants  d'un  champ,  el  non  |ias  les  tenants 
et  aboutissants,  comme  dil  l'Académie. 

Aboyant,  Aboyante.  Adj.  verbal,  tiré  du  v. 
aboyer.  Un  chien  aboyant. 

AcovEr.,  \.  n.  de  la  l"  conj.  Tl  a  sans  douic 
été  formé  jiar  oiromalo|iée,  ainsi  que  le  un>i  japper. 
Voila  pour<iuoi  le  premier  s<;  dit  des  gros  chiens, 
et  le  six'ond  des  petits  chiens,  el  aussi  des  re- 
nards, suivaiU  Lli.  iNo<lier.  (IHct.  des  Onoma- 
topées.) (".ependant  on  dit  t\\\oUnm(ô\^ j'npper,  en 
|>arlam  des  gros  cliieiis,  cl  aboyer  en  parlant  des 
pclils.  l\Iais  alors  «6»yc/- suppose  un  objK  contre 
lei|uel  le  chien  aboie,  cl  japper  ne  signilic  que 
le  cri  naturel  de  l'animal,  (jui  n'est  animé  contre 
aucun  objet.  L'n  gros  c\\\o\\  jappe  de  joie  en  re- 
voyant son  mailre  aprc-s  (|ueique  temps  d'ab- 
sence; un  iiclit  chien  aboie  qneliiuefois  avec  cha- 
leur conire  les  passants,  le  passage  suivant  de 
Bnflon  semble  prouver  (iuey«;)/jpr  se  dit  encore 
des  gros  chiens  lorsque  leur  al)oicinenl  est  [dus 
faible,  soit  parce  (pi'ils  donnent,  soit  pour  une 
cause  semblable.  Les  chiens  jappent  souvent  en 
dormant,  et  quoique  cet  aboiement  soit  sourd 
et  faible,  on  y  reconnaît  cependant  la  voix  de  la 
chasse,  les  accents  de  la  <  olère,  les  sons  du,  désir 
ou  du  viurmure.elc.  {Disc,  sur  la  nat.  desaaiim.y 
lom.  XI,  p.  428.) 


AGC 

Abréc.ï:.  Siibsl.  m.  C'est  un  onvrngo  il;ms  le- 
quel on  réduit  en  moins  ilc  piirolcs  hi  sulisliince 
de  ce  (jui  csl  dil  ;iilli!iirs  pl\is;iii  long  cl  plus  on 
détail,  i.os  .iliri-ges  sont  tliics,  dit  l)wiu;irMiis, 
quand  ils  sont  l'ails  de  laron  ipi'ds  duuncul  la  ctin- 
naissanre  ontiore  do  la  rliose  dont  iisparloni;  ils 
sont  ce  «piost  un  puitiail  en  miniature  i)ar  raj»- 
port  à  nn  portrait  on  srand. 

Aerkoir.  V.  a.  de  la  i""  conj.  l.'Aoado- 
mic  le  dolinil,  rendre  plus  court,  (.elle  tlelini- 
tion  ]ioul  convenir  an  sons  do  ce  mot  «pii  a  rap- 
port au  temps  et  à  sa  thiroo,  commo  cpiand  on  dit, 
cette  vu'llinile  nbri'ffO  les  tlmlci .  vtnis  ubrt'ijc:-  vos 
jours  par  vos  iit'}  nie  tu  ties.  .Mais  on  ne  saurait 
rai)pli(inor  à  ce  vorWe  lorsqu'il  sisriiilic,  l'aire  l'a- 
brégé  d  un  ouvruL'o.  On  rend  un  ouvrairo  plus 
court,  si  V>n  en  relranclio  un  (  liapiiro,  un  livi'o, 
un  épisode:  mais  ee  n'est  [)iis  la  ce  (pTon  appelle 
Vdl/réffcr.  /thn-r/pr  un  onvruge,  '""est  réduire  Cil 
moins  de  |iarolos  la  substance  de  ce  qui  est  dit 
dans  cet  ouvrau'o  plus  an  loni:  et   plus  on  deiail. 

Abrkuvkk.  V.  a.  de  la  l'"  conj.  Il  s'emploie 
avec  le  pronom  p(*rsoiuiel,  tant  au  [iropre  qu'au 
figuré. 


Ce  rivage  alTrciix 
S'abreuvait  h  re:;ret  de  leur  san'^'  iiialliutireiix. 

(Volt.,  llenr.,  Vill,  175.) 

ABnErvoiR.  Snlist.  m.  1,'Acatlcmiencle  dit  que 
d'un  lien  ou  l'on  mène  boire  Icsclievaux.  Elle  a 
oublié  qu'on  appelle  aussi  ubrcumir,  les  lieux 
OÙ  les  oiseanv  \  ont  ordinairement  boire,  et  (pi'on 
dit  en  ce  sens,  cluisser  à  l'ubreuroir,  prendre 
des  oiseaiis  a  l'tibrevroir,  tendre  à  l'abreuvoir. 

Abrévi.vtion.  Snbsl.  T.  l\elr;mcliemcnl  detpn'l- 
([ueslellres  ou  de  quelques  syllabes  pour  écrire 
plus  vite  ou  on  moins  d'esiiacc.  Tous  les  pré- 
noms sont  susceptibles  d'être  dcsii^'nés  par  leur 
initiale.  Nous  avons  indique  les  princi|)alos  abré- 
viations en  usa::e  pariai  nous au.x  lettres  typiques 
decliaque  dnisiun. 

*  Abkcti.sskur.  Subst.  m.  Ce  mot  n'est  pas  si 
nouveau  ipi'un  le  pense.  11  y  a  longtenqts  cpio 
VoMaire  a  dit  :  Je  voudrais  bien  que  les  Turcs 
fussent  chiissés  du  pays  des  Pèriclès  et  des  Plu- 
ton.  Il  est  vrai  qu  ils  ne  sont  pas  persécuteurs, 
mais  ils  sont  abrutisseurs.  Dieu  nous  défusse 
des  uns  et  des  autres.  Cli.  Nodier  dit,  dans  son 
Exavicn  criliqtie  des  Dictionnaires ,  que  c'est 
un  néoloi.'ism(;  barbare. 

Absenck.  Subst.  f.  Racine  en  a  fait  usa^e  dans 
le  sens  de  mort  : 

Ce  Iicros  inlri'plde 
Consolant  les  mortels  de  l'aispnce  d'Alcide. 

(Rac,  PUéd.,  acl.  I,  se.  I,  77.) 
ifirammaire  des  Grammaires ,  p.  1051.) 

Absknt,  Absente.  Adj.  On.  ne  le  met  qu'npros 
son  subst.  Un  homme  absent,  vne  femme 
absente.  Il  reirit  qm-lcpicfuis  la  préposition  de: 
absent  de  Paris,  absente  de  lu  cour.  On  ne  dit 
pas  qu'on   est  absent  d'une  personne. 

ABSKNrK.i!(s')  V.  pronom.  Ilsignilieqiiitterpour 
quelque  temps  le  lieu  que  l'on  habite  ordinaii'c- 
menl,  une  société  dans  laquelle  on  se  trouve, 
une  personne  auprès  do  la(]uelle  on  est.  A"a4.sr//- 
ter  de  clie:  soi.  il  s'est  absenté,  de  Paris  durant 
trois  mois  ,  s'ab.ienler  d'auprès  de  su  femme. 
On  [leut  .l'absenter  sans  s'éloigner,  mais  on  no 
saurait  s'éloigner  de  chez  soi,  du  lieu  où  l'on 
demeure,  sans  s'absenter.  Celui  qui  a  chez  lui 


ACC  7 

!  dos  alTaires  qui  exiçrnt  une  surveillance  suivie 
peut  bien  quolcpiel'ois  s'ub^ionier,  mais  il  ne  doil 
jamais  s'rinigner.  In  liomine  qui  a  île  jnau- 
vai>os  aflairos  susceptibles  iraccomni'idemcnl, 
d'arrangement,  s'absenle;  celui  qui  e^l  coiqiablf 
d'un  crime  dont  il  ne  peut  e>jMirr  le  |  union, 
s'éloigne. 

AR.SINTIIE.  Subsl.  f.  On  a  écrit  iihxuitp,ithsii.- 
tlie,alisijnllie,e\  \wmo,apsintv.  l.' Académie  s' CSl 
doeideo  avec  raison  pour  ubsintlie,  >»r absinlhe 
\\cn[  d'absiiitliium.  l'y  est  doiu'  iiinlile.  Autrc- 
l'ois  ce  mot  était  masculin;  aujourd'hui  on  ne  le 
l'ait  |)liis  que  rémimn. 

Absolu,  Absoluk.  Adj.  qui,  dans  les  cas  conve- 
nables, peut  se  mettre  avant  son  >u!isl.  Il  est  dé- 
ri\('dii  mot  latin  oA.vo/m/i/.v,  ipil  sigmlie  .leiai-hé, 
sé|)aro  entièrement,  complet,  enliei',  indi-peiidaul. 
Ce  mol  renferme  uik:  idée  d'ariVauchissemint  de 
tonte  çéno,  d'indépendance,  trabsoneo  do  toute 
liaison,  de  tout  rapport  avec  d'auin-s  éircs.  Pnii- 
riiir  ubsoln.  autorité  absolue,  cet  absolu  pouvoir. 
\  oyez  Adjectif. 

Absolu,  on  logique  et  en  grammaire,  csl  l'op- 
jiosé  lie  relatif;  il  tloviont  alors  repilhélo,  soit  des 
idées  soit  des  termes.  Il  y  a  des  idées  absolues  cl 
des  idées  rtîlativcs,  des  termes  absolus  et  dos 
termes  relatifs.  L'idée  ab.ioluc  est  celle  (pii  n'a 
pas  liosoin  d'une  autre  idée  à  laquelle  on  la  rap- 
[uirle,  pour  cire  fcntiéromenl  comprise,  et  (|ui 
n'en  ié\eillc  nocessaircmoni  p<iinl  d'aii;res  jiar  sa 
présence  dans  l'esprit.  Tout  ce  qui  e\isio,  tout 
c^  (pli  peut  exister  ou  être  considi-ré  comme  une 
seule  chose,  csl  un  être  positif,  l'objet  d'une  idée 
absolue. 

L'idée  relative  suppose  néccssaireinenl  une 
autre  idée,  sans  laquelle  on  ne  la  saisirait  pas  en- 
tièrement. Pierre  est  l'objcl  d'une  idée  ab.tolne, 
si  je  le  considère  simplement  commo  individu  ; 
mais  si  je  le  considcic  coimiie  père,  mari,  frère, 
maître,  docteur,  roi,  grand,  polit,  prochain,  éloi- 
gné, etc.,  je  me  forme  autant  d'idées  relatives 
Tpii  réveillent  nécessairement  chez  moi  parleur 
présence  colles  de  lils,  de  roinnie,  île  frère  ou  de 
sœur,  de  domestique,  do  disi-iple,  de  sujet,  etc. 

11  y  a  encore  cotte  difléi  once  oui re  l'idi'e  (///5"- 
lue  et  l'iiléc  relative,  «lu'il  n'est  poini  d'ifli'o  abso- 
lue (\\i'ou  no  puisse  rendre  relative  a  nnoaulreen 
les  menant  on  nipporl;  au  lieu  (pi'il  est  des  idées 
relatives  que  l'on  ne  saurait  rendre  absolues; 
telles  sont  colles  de  grandeur,  de  quantité,  de 
partie,  de  cause,  do  père,  etc. 

Les  tonnes  ab.vl.us  sont  ceux  qui  expriment 
des  idées  absolues,  tels  <iuo  substance,  m.nde, 
homme,  cheval,  clc.  :  es  icrmes  rolalils  expriment 
des  idées  rohiliveSjlcls  (lue  créateur, père,  époux, 
sujet,  etc. 

In  lormc  absolu  peut  devenir  relatif  en  y  ajou- 
tant qiiol«luo  mot  (]ui  indiipie  une  comparaison  ; 
comme  plus  noir,  plus  gui,  moins  .Hucère,  Ct<;. 
-Mais  il  y  a  des  termes  tellement  absohi.i  par  leur 
nature,  qu'ils  ne  soulfient  pas  ces  signes  do  coin- 
[laraison.  Ou  ne  peut  pas  ilire,  par  exemple,  que 
yirgilc  est  plus  immortel  que  Cicéron,  |iarec 
qu'on  n'est  pas  plus  ou  moins  immoricl.  Les 
adjoclils  pa>/'(»i,  universel,  mortel,  flernel 
essentiel,  divin,  suprême,  sont  des  atljcclifs 
absolus.  J.-J.  llousseau  a  donc  lait  une  faute  eu 
disant,  le  premier  langage  de  l'homme,  le  plus 
universel,  le  plus  énerniquc,  et  le  seul  dont  tl 
eût  besoin  avant  qu'il  fillul  persuader  des  lurm- 
viesai.9emblés,est  le  cri  de  ta  nature.  On  peut 
bien  dire  le  plus  énergique,  parce  «]U  on  peut 
avoir  plus  ou  moins  d'énergie;  mais  on  ne  peut 


8 


ABS 


pas  dire  le  plus  unirersel ,  parce  qu'un  langnire 
ne  peut  pas  élrc  i)lus  ou  moins  universel,  il  m; 
faut  pas  dire  non  plus  vne  vertu  trcs-esscnticUc, 
parc?  que  l'essence  n'admet  ni  extension  ni  res- 
triction. 
On  peut  donc  reprocher  à  Boileau  d'avoir  dit  : 

San»  la  langue,  en  un  mol,  l'auteur  le  plue  divin 
Est  toujours,  quoi  qu'il  fasse,  un  méchant  tcri»ain. 

{A.  P.,  I,  161.;* 

Il  y  a  des  mots  qui  paraissent  absolus  et  qui  ne 
le  sont  pus,  parce  qu'ils  supposent  tacitement 
une  relation;  tels  sont  voleur,  imparfait,  vieux, 
etc.  I.e  voleur  n'est  pas  tel  sans  une  chose  vok-c  ; 
un  cire  est  imparfait  rcialivoment  à  une  fin;  un 
être  est  vieux  relalivemcnl  à  un  cire  plus  jeune. 

En  grammaire,  on  appelle  verles  absolus  ceux 
qui  n'ont  pas  besoin  d'un  coirpiémenl  pour  ache- 
ver l'idée  qu'il:;  expriment  ;  Icls  sont  mourir,  naî- 
tre, sortir,  tomber;  cl  verbes  relatifs  CQ\i\  (]\\'\ 
ont  besoin  d'un  ou  de  deux  compléinenls  |)our 
être  comi)ris  entièrement;  tels  sont  battre,  con- 
naître, donner,  renvoyer,  qui  onl  un  rapport  né- 
cessaire avec  un  objet  sur  lequel  s'exerce  l'action 
qu'ils  expriment.  //  bat  sa  femme,  il  comiaitses 
devoirs,  il  envoie  une  lettre  à  son  ami. 

On  ii\)[)cl\e  participe  absolu.cchù  qui  ne  prend 
les  formes  ni  du  féminin  ni  du  pluriel.  S'il  n'est 
pas  permis  de  se  servir  en  ce  cas  du  participe  ab- 
solu, il  faut  renoncer  à  faire  des  vers.  (Volt., 
Remarques  sur  Cinna,  act.  I,  se.  m,  33.) 

On  distingue  des  propositions  ab.iolves  et  des 
propositions  relatives.  On  appelle  absolues  celles 
qui  sont  telles  que  l'esprit  n'a  besoin  que  des 
mots  qui  y  sont  énoncés  pour  entendre  le  sens. 
On  appelle  relatives  celles  dont  le  sens  met  l'es- 
prll  dans  la  situation  d'exiger,  de  supposer  le 
sens  d'une  aulrc  proposition.  Bieu  est  éternel 
est  une  proposition  absolue  ;  qu'il  fasse  jour  est 
une  proposition  relative. 

On  distingue  aussi  dans  les  mots  le  sens  ab- 
solu et  le  sens  relatif.  Un  mot  est  pris  dans  un 
sens  absolu  lorsqu'il  est  employé  sans  complé- 
ment. Dans  aimez  Dieu  par-dessus  toutes  choses, 
le  verbe  aimer  esl  pris  dans  un  sens  relatif,  puis- 
qu'il est  suivi  de  son  complément.  Dieu.  Mais 
dans  aimez,  et  faites  après  tout  ce  quil  vous 
plaît,  le  verbe  aimer  est  pris  dans  un  sens  ab- 
solu, puisqu'il  n'est  point  accompagné  de  son  ré- 
gime. Dans/e  suis  père,  père  est  pris  dans  un 
sens  absolu;  je  ne  dis  pas  de  (pii  je  suis  père; 
dans  l'amour  que  j'ai  pour  mon  père,  père  est 
pris  dans  un  sens  rclalil';  c'est  le  père  de  moi. 
Une  seule  chose  est  nécessaire,  sens  absolu  ;  la 
patience  est  nécessaire  au  sape,  sens  relatif; 
vmts  marcherez  derant  moi,  sens  relatif;  vous 
marcherez  devant,  et  moi  derrière,  sens  absolu. 
Voltaire  a  dit,  dans  ses  remarques  sur  Corneille 
[Hor.,  act.  IV,  se.  v,  7U)  :  On  ne  peut  employer 
dedans  que  dans  un  sens  absolu.  Voyez  Relatif. 

Absolument.  .\dv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  jjarticipe.  //  a  voulu  absolument 
partir,  ou  il  a  absolu7nent  voulu  partir. 

Absolument  est  aussi  un  terme  de  grammaire. 
On  dit  (ju'j/n  mot  est  pris  absolument,  lorscju'il 
n'aaucun  rapport  grammatical  avec  d'autres  mots. 
Absolltoire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  Jugement  absolutoire. 
Absorbant,  Absorbante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  absorber.  Il  ne  se   mot  iju'aprôs  son  subst. 


ABS 

rfemùdfe  absorbant,  terres  absorbantes.  Il  se  prend 
aussi  substantivement.    Un  bon  absorbant 

Absorber.  V.  a  de  la  4"  conj  Selon  l'A- 
cadémie, il  signifie  engloutir.  Il  y  a  de  la  diffé- 
rence entre  ces  deux  expressions,  ^-//y^orier  expri- 
me une  action  successive  qui  finit  par  consumer 
le  tout.  Engloutir  exprime  une  action  qui  saisit 
le  tout  et  le  fait  disparaître  tout  d'un  coup.  Le 
feu  absorbe,  la  mer  engloutit. 

Absorption.  Subst.  f.  Volncy  a  employé  ce  mot 
au  figuré.  De  môme  que,  dans  un  État,  un  parti 
avait  absorbé  la  nation;  puis,  une  famille  le 
parti;  puis,  vn  individu  la  famille  :  de  même 
il  s'établit  d'Etal  à  Etat  un  mouvement  d'al>- 
sori)lion.  [Les  Ruines,  chap.  xi,  p.  59.) 

Absoudre.  V.  a.,  inég.  et  défeclucu.x  de  la 
4  '  conj.  Voici  comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  J'absous,  lu  absous,  il 
absout;  nous  absolvons,  vous  absolvez,  ils  absol- 
vent. —  Imparfait.  J'absolvais,  tu  absolvais,  il 
absolvait  ;  nous  absolvions,  vous  absolviez,  ils  ab- 
solvaient. —  Le  passé  simple  manque.  —  Futur. 
J'absoudrai  ,  tu  absoudras,  il  absoudra;  nous 
absoudrons,  vous  absoudrez,  ils  absoudront. 

Conditionnel.  —  Présent.  J'absoudrais,  tu  ab- 
soudrais, il  absoudrait;  nous  absoudrions,  vous 
absoudriez,  ils  absoudraient. 

Impératif.  —  Présent.  Aiisous,  qu'il  absolve; 
absolvons,  absolvez,  qu'ik  absolvent.  Subjonctif. 
— Présent.  Que  j'absolve,  que  tu  absolves,  (ju'il 
absolve;  que  nous  absolvions,  que  vous  absol- 
viez, qu'ils  absolvent. — L'imparfait  du  subjonc- 
tif manque. 

Participes. — Présent.  Absolvant. — Passé.  Ab- 
sous, absoute. 

On  l'a  absous,  il  a  été  absous.  Ab.wvdre  quel- 
qu'un d'un  crime  dont  il  était  accusé.  On  l'a  ren- 
voyé absous. 

Quelques-uns  écrivent  le  participe  passe  mas- 
culin avec  un  t,  absout;  ce  qui  le  rend  plus  ana- 
logue au  féminin,  que  l'on  écrit  absoute;  mais 
l'usage  est  contraire  à  cette  orthographe. 

Abstème.  Adj.  dont  on  a  fait  un  subst.  des  deu.K 
genres.  Ce  mot  n'est  point  usité  dans  le  langage 
ordinaire.  On  dit  qu'une  personne  ne  boit  point 
(le  vin;  ou  bien  que  c'est  un  buveur  ou  une  bu- 
veuse d'eau.  Parmi  les  proteslanls,  on  appelle 
ubstèmes  les  personnes  qui  ne  peuvent  participer 
à  la  coupe,  dans  la  célébration  de  la  sainte  Cène, 
à  cause  de  l'aversion  naturelle  qu'elles  onl  pour 
le  vin 

Abstenir  (s').  V.  pron.  et  irrég.  de  la  2" 
conj.  Il  se  conjugue  connue  tenir.  Voyez  Irrégu- 
lier. 

ABSTmENCE.  Subst.  f.  Quand  ce  mot  se  dit  au 
pluriel,  dit  Fcraud,  il  ne  mar(iue  pas  la  vertu 
de  la  mortification,  mais  les  œuvres  de  celte 
vertu  ;  et  il  donne  pour  exemple  :  les  abstinences 
et  les  modérations  doivent  être  réglées  par  la 
prudence. — Je  ne  pense  pas  i\n\ibstineuce  puisse 
cire  jamais  mis  au  pluriel.  Dos  œuvres  d'absti- 
nence ne  sont  pas  plus  des  abstinences,  que  des 
teuvrcs  de  justice  ne  sont  dcsj'uslices,  cl  des 
o'uvresde  piété  des  pietés.  On  dit  bien  des  cha- 
rités, pour  exprimer  certaines  œuvres  (|ui  peu- 
vent être  inspirées  par  la  charité,  mais  dans  ce 
sens  les  charités  a  jjIus  de  rapport  à  aumônes  qu'à 
la  vertu  qu'on  nomme  charité.  On  peut  faire  des 
charités  sans  avoir  de  la  charité  :  on  les  fait  sou- 
vent par  pitié,  par  osteiUalion,clc.  —  L'Académie 
dit  (lu'en  parlant  du  boire  cl  du  manger  il  s'em- 
ploie quelquefois   au   |)luricl.   Les  abstinences 


ABS 

prescrites  par  l'Eglise.  Exténue  de  Jeûnes  et 
d'abstinences. 

Abstinknt,  Abstinente.  Adj.  qui  suit  toujours 
son  suhst.  Un  homme  abstinent,  une  femme  ab- 
stinente. 11  est  peu  usité. 

Abstraction.  Subst.  f.  Ce  mot  vient  du  latin 
abstrahere,  qui  veut  dire  arraclier,  tirer,  dé- 
lacher.  L'abslracliun ,  dit  Dumarsais ,  est  une 
opération  de  l'esprit  par  laquelle,  a  l'occasion 
des  impressions  scnsii>les  des  objets  extérieurs, 
ou  à  l'occasion  de  quelque  affection  intérieure, 
nous  nous  formons,  i)ar  réflexion  ,  un  concept 
singulier  que  nous  détachons  de  tout  ce  qui  peut 
nous  avoir  donne  lieu  de  le  former.  Nous  le 
regardons  n  part,  comme  s'il  y  avait  quoique 
objet  réel  qui  ré|)ondit  à  ce  concept,  indépen- 
damment do  noue  manière  de  penser;  et  parce 
que  nous  ne  pouvons  faire  connaître  aux  autres 
hommes  nos  pensées  autrement  que  par  la  parole, 
celte  nécessite  et  l'usaçe  où  nous  sommes  de  don- 
ner des  noms  aux  objets  réels,  nous  ont  portés  à 
en  donner  aussi  au  concept  métaphysique  dont 
nous  parlons. 

Ainsi  c'est  par  abstraction  que  nous  avons  formé 
les  noms  de  tous  les  objets  qui  n'existent  point 
réellement  hors  de  nous,  mais  qui  ne  sont  que 
des  vues  pariiculiércs  de  notre  esprit. 

Le  sentiment  uniforme  que  tous  les  objets 
blancs  excitent  en  nous,  nous  a  fait  donner  le 
même  nom  qualificatif  à  chacun  de  ces  objets. 
Nous  disons  de  chacun  d'eux  en  particulier  qu'il 
est  blanc.  Ensuite,  pour  marquer  le  point  sous  le- 
quel tous  ces  otijels  se  ressemblent,  nous  avons 
inyenié  le  mot  blancheur.  Or  il  y  a  en  effet  des 
objets  réels  que  nous  appelons  blancs;  mais  il 
n'y  a  point  hors  de  nous  un  être  qui  soit  la  blan- 
cheur. C'est  donc  par  abstraction  ([ue  nous  avons 
inventé  le  mot  blancheur.  C'est  aussi  par  abstrac- 
tion que  nous  avons  imaginé  les  mots  beauté, 
étendue,  figure,  divisibilité;  et  ces  mots  sont, 
par  cette  raison,  des  noms  abstraits. 

Les  termes  abstraits  sont  nécessaires  dans  les 
lang.ucs;  et  si  l'on  voulait  les  éviter,  on  serait 
oblige  d'avoir  recours  a  des  circonlocutions  et  à 
des  périphrases  qui  énerveraient  le  discours. 
D'ailleurs,  ces  termes  fixent  l'esprit;  ils  nous  for- 
cent à  mettre  de  l'ordre  et  de  la  précision  dans 
nos  pensées;  ils  donnent  jilus  de  grâce  et  de  force 
au  discours;  ils  le  rendent  plus  vif,  plus  serré  et 

Î)lus  énergique  :  mais  on  doit  on  connaître  la  va- 
eur. 

Abstp.activement.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'a- 
près le  verbe.  Jl  a  considéré  absir activement 
cette  qualité. 

Abstkaire.  V.  a.  et  irrég.  de  la  4^  conj.  Il 
se  conjugue  comme  traire.  Voyez  ce  mot 

Ce  verke  n'est  pas  usité  à  tous  les  temps,  ni 
même  a  toutes  les  personnes  du  présent.  On  dit 
seulement  j'abstrais,  tu  abstrais,  il  abstrait; 
mais  au  lieu  de  dire  ,  nous  abstrayons,  etc.  ;  on 
dit,  nous  faisons  abstraction,  le  parfait  et  le 
prétérit  singulier  ne  sont  pus  usités;  mais  on  dit, 
j'ai  abstrait,  tu  as  abstrait,  etc  ;  j'avais  ab- 
strait, etc.,  j'eus  abstrait,  etc.  Le  présent  du 
subjonctif  n'est  point  usité.  On  à\l,  j'abstrairais, 
etc.  On  dit  aussi  que  j'aie  abstrait,  etc. 

Abstraire,  c'est  faire  une  abstraction  :  c'est 
ne  considérer  qu'un  allribul  ou  une  propriété  de 
quelque  être,  sans  faire  attention  aux  autres  attri- 
buts ou  qualités;  par  exemple,  quand  on  ne  con- 
sidère dans  le  corps  que  l'étendue,  ou  qu'on  ne 
fait  attention  qu'a  la  quantité  ou  au  nombre. 

Abstrait    Abstraite.  Adj.  qui  se  dit  des  per- 


ABS  9 

sonnes  et  des  choses,  et  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  Un  esprit  abstrait  est  un  esprit  in;ii- 
tenlif,  occupé  uni(]uomeiit  de  ses  propres  |icn- 
srés.  —  Tous  les  termes  soin  indivitlueN  ou  «4- 
slraits.  Les  grammairiens  appellent  noms  appel- 
latifs  ceux  qui  signifient  des  substantifs  abstraits. 

On  distingue  des  termes  abstraits  et  des  termes 
concrets.  On  entend  par  les  premiers  ceux  (|ui 
signifient  les  modes  ou  les  (jualités  d'un  être, 
sans  aucun  rapport  à  l'objet  en  (pii  se  trouve  ce 
mode  ou  celte  qualité;  tels  sont  les  substantifs 
blancheur,  rondeur,  longueur,  sagesse,  mort 
immortalité ,  vie,  religion,  foi,  etc.  I.r  ixrnics 
concrets  sont  ceux  qui  représentent  ce.  ■'•n  i-  ^s, 
ces  qualités  avec  un  rajiporl  à  (piehiue  sujet  in- 
délenniné;  ou  autrement  ceux  qui  représentent 
le  mode  comme  a|ipartenanl  a  chaque  être,  et  ces 
tciines  sont  ceux  que  les  grammairiens  appellent 
aàj'ectifs,  ipioique  assez  souvent  ils  soient  em- 
ployés comme  substantifs.  Tels  sont  blanc,  rond, 
long,  sage,  mortel,  mort,  immortel,  etc.  Quoique 
les  termes  sage,  fou,  philosophe,  lâche,  etc.,  s'em- 
ploient souvent  comme  substantifs,  ils  sont  ce- 
jiendanl  termes  concrets,  parce  qu'ils  ont  leurs 
abstraits  correspondants,  sagesse,  folie,  philoso- 
phie, lâcheté,  etc. 

Ln  terme  abstrait  peut  quelquefois  être  em- 
ployé comme  nom  pro|)re  et  individuel  ,  en  y 
ajoutant  (]uelques mots  (|ui  en  lesireignent  le  sens 
à  un  seul  individu,  ou  en  indiipiant  qnehpie  cir- 
constance qui  produise  le  mcmecffel  dans  Tesiirit 
de  ceux  qui  le  connaissent.  Ainsi  père,  mère, 
femme,  sœur,  maison,  sont  des  termes  généraux, 
des  termes  abstraits;  ils  deviendront  individuels 
si  je  dis,  jiar  excni|)le,  7«o«  père,  ma  mère,  ma 
femme,  ma  sœur,  ma  maison.  De  même,  si  étant 
a  Paris,  je  dis  le  roi,  la  rivière,  chacun  sait  que 
je  parle  du  roi  régnant  et  de  la  Seine,  (juoique 
les  termes  roi  cl  rivière  soient  des  termes  géné- 
raux qui,  en  tout  autre  cas,  désignent  chaque  roi, 
chaque  rivière. 

De  même  des  termes  individuels  ,  des  noms 
propres,  peuvent  devenir  des  termes  universels  et 
abstraits,  parce  qu'ayant  jjris  de  l'être  unique 
que  chacun  désigne,  les  caractères  les  jjjus  frap- 
pants qui  les  ont  distingués,  on  en  a  fait  un  con- 
cei)t  à  part  auquel  on  donne  ce  nom  [)io|)re  indi- 
viduel, et  on  emploie  ce  nom  proiire  à  désigner 
tout  autre  être  qui  lui  ressemble  par  ces  traits 
caractéristi<iues.  Si,  ay:mt  saisi,  par  exemple, 
dans  l'idée  individucll«  d'Alexandre,  les  idées 
partielles  d'ambition,  de  valeur  entreprenante; 
dans  l'idée  de  César,  celle  d'un  généial  parfait  qui 
joint  la  science  militaire,  l'étude  des  belles-lettres, 
la  prudence,ractivité,au  courage  héroïque,  j'em- 
ploie les  noms  yjlerandre  cl  César  comme  des 
noms  communs  (|ui  ne  désignent  que  des  traits 
dislinctifs  de  ces  individus,  je  i)uis  dire  de  Char- 
les XII,  c'est  l'Alexandre  du  Nord;  de  Irédé- 
ricll,  c'est  vn  César.  C'est  dans  le  même  sens 
que  l'on  dit  d'un  politique  fourbe  et  cruel  qui 
emploie  la  trahison  et  le  crime ,  c'est  un  Ma- 
chiavel. 

Abstrcs,  Abstruse.  Adj.  qui  suit  toujours  son 
subst.  Raisonnement  abstrus,  question  abstruse, 
sciences  abstruses. 

11  ne  faut  point  confondre  ce  terme  avec  a^ 
strait,  qui  se  dit,  de  même  (pi'ai.s7n/.s,  d'une 
ciiosc  difficile  à  comprendre.  Une  chose  abstruse 
est  difficile  à  comprendre,  parce  (pi'clle  dépend 
d'une  suite  de  raisonncinenls  dont  on  ne  peut 
suivre  la  liaison  et  saisir  l'ensemble  que  par  le 
moyen  d'une  contention  d'esprit  extraordinaire. 


^0  ABY 

Une  rhnso  abstraite  ost  .linicile  à  comprendre,  | 
nnrcc  <|ii"ollc  i-sl  l:cs-fl»ii!.'iiér  des  ulccs  loiii- 
muiics.  In  li'.iiîo  sur  rciileiulrincnl  liiiin;iiii  Cbl 
né<-<'ss;iiii'iiu'nl  alisIrcU;  lit  l'l'oiiu'Iiic  Irinst  cn- 
dnnir  <'^l  une  science  abttnise.  —  11  mî  dil  «jnel- 
qnelViis  des  éciiv;iins  diins  un  sens  doi';ivor;il>le. 
Ce  philosophe  vi'u  paru  fart  abstrus.  (  Die  t.  de 
YAcud) 

ARsur.nr..  Ailj.  des  deux  çr>nres.  On  ne  Iroiivc 
Dullc  pnrl  (jne  cet  ndjeclif  peiil  régir  lu  |HT|i(isi- 
lion  à.  On  en  voii  deux  exemples  dans  les  vers 
5uiv;Mil>  de  \  oliaire  : 

Ce  tlugiiic  dbMii'ile  à  croire,  aUsiinlc  à  |ir.iliqiicr. 

(Volt.,  ie  Disc,  sur  rilommr,  123.) 

Fêrand  prélenil  (]\\\ihsur,Ie  no  se  dit  que  des 
choses;  il  se  Iniinpo.  On  dil  Irès-liieii  un  homme 
abaiirdr,  |Miiir  simiilior  un  Iminme  (]ui  ne  dil  «iiie 
des  aiisnrdilés.  'Dicl.  Je  l'.tcud.)  (et  adjeciil" 
se  met  ordinaironioiil  oiirès  sun  snlislanlif;  (jucl- 
quefois  cc|peiidanl  on  le  met  avant  :  cet  absurde 
ruisiiunciiiciit. 

AiisLiiKKMF.NT.  .\dv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
VCrliC.  //  a  ruisniuii:  ubsurJempnt. 

AiismunÉ.  i>ul)st.  m.  lin  parlant  du  vice  ou  du 
défaiil  de  ce  <pii  C^t  absindc,  il  ne  prend  puiiil  de 
pluriel".  \  absurdité,  d'un  raison  neuirnl  ;  /'tib- 
surditi'  de  ce  discours.  Quand  il  sii;iiiiie  cliose 
alisuide,  il  peut  seineilrc  au  [iluriel:  ce  discours 
est  jilciii  d\ibsurdilrs. 

Abls.  Suhsl.  in.  En  terme  de  çrnminnire,  il  so 
dil  de  l'applicalion  d'un  mol  dans  un  tcns  qui 
n'esl   pas  sitn  \rai  sens. 

Arisi'.i;.  ^■.  a.  et  n.  de  la  I"^  eonj.  On  trouve 
dans  le  Dit liouvairc  de  l'.-Jcadruiie,  abuser  les 
es/irits  faibles,  abuser  les  peuples.  N'ullairc  a  dil 
abuser  les  regards. 

Par  SCS  dHiiilseiticnts  à  tonte  lieiire  elle  (U  politique)  abuîO 
Les  rcjjarJs  éblouis  Je  l'Europe  confuse. 

(YoLT.,  W;ir.,  \\,  2ôl.) 

On  dit  des  choses,  qu'elles  abusent,  pour  dire 
qu'elles  iruniiienl,  (lu'clles  indiiisenl  en  erreur. 
Je  reconnus,  mai?  trop  tard,  les  chi/uères  r/ui 
m'avaient  abusée.  (J.-J.  Ilousseaii,  HiLiïse,i'' 
part.,  leilre  AVIH,  l.  iv,  p.  5'i  )  Doux  espoir 
qui  nourrissais  vinn  finie  et  m'ubusais,  te  voilà 
dune  éteint  sans  retoiir!  {Idem.) 

Adl'sik,  XiiesivK.  Adj.  (pii  se  uiet  ordinaireincnl 
après  Siiii  sulisl.  En  terme  de  grannnaiie,  on 
ap[ielle  terme  abusif  un  terme  pris  dans  un 
sens  (pii  n'esl  pas  adopté  p;-!  l'usai-'e;  sens  abu- 
sif, lin  sens  donni;  à  un  mol  contre  l'usage  ou 
contre  le  l)on  .isage. 

Abi  sivEMF.NT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxdiaire  et  le  [Ku-ticipc,  (piaml  l'iiarmunie  ne 
s'y  <)p|i(ise  pas.  Oh  a  établi  abitsiremcnt  cette 
•coutume ;  on  ucait  abusivement  établi  cette  cou- 
tume. 

Abymf.h.  V  a.  de  la  1"  conj.  I.'Académic, 
dans  ses  anciennes  édilions,  a  toujours  cent  ubij- 
mer,  eonformiMnenl  a  l'éiyuioloijie;  mais  dans  son 
édili<in  de  J  >US,  elle  a  rejeté  l'y  cl  a  écrit  abîmer. 
Ceux  q\ii  liemieiit  a  ce  (pie  l'on  conserve  les  ua- 
ccs  de  1  ciynioluî^iedes  mois  diront  qu'elle  a  mal 
fait:  d'auiies  rajipronveront.  11  est  ceriain  (pi';iu- 
jonrd  Inii  du  retranche  autant  que  l'on  piMil  l'y, 
lorsqu'il  n'a  pas  la  prononciaiion  de  deux  t.  Mais 
pouripiiii  ce  retranchement  ilans  cerlains  mots, 
et  non  diiis  d'autres'''  Sil'on  peut  écrire  abîme, 
pourquoi  u'écrirait-on  pas 'icua:? 


ACC 

Los  mots  abyme,  abijmer,  oTrcnt  toujours  UM 
idée  de  profondeur. 

Je  fri'n.is  quand  je  toi 
Les  abvmes  profanât  i|iii  .Voiivniil  dev.inl  moi. 

(Uac,  Etth.,  ad.  IV,  se.  I.  fi5.> 

En  qnfl  gouffre  d'Iiorrenr 
Tes  périls  cl  ma  perle  oui  jliyiiié  innn  cicur. 

(VuLT.,  Uahom.,  aol.  11,  ic.  I,  li.) 

Pourquoi,  dil  'S'oltairc  dans  ses  I\emarqucs 
sur  t'.oriieille,  pnunpioi  dil-oii  jiibymé  dajis  la 
douleur,  dans  ta  tristrs.se.  e'.e.?  c'est  tpl'on  y 
l)eul  ajoiiler  ri-pillièle  de  profonde. 

Acabit.  Siilist.   m   On  ne  prunonce  point  le  t. 

Ai.ACU.  Siibst.  m  Méiiai-e  [Obscrr.  sur  la  lan- 
gue française,  cli.  ci.x  >,  Trevinix,  Th.  Corneille 
(  Obscrr.  sur  f^augvlas  )  VA  i'eraiid,  prelciidcnt 
i\\t'acacia  ne  doit  p.is  |irendie  d*  au  pluriel. 
1,'Acadéiiiie  veut  qu'il  en  prenne  un,  et  elle  ne 
dil  pas  pourquoi. 

AcADKiiiouE  Adj.  des  deux  genres  qui  se  place 
ordinairement  après  son  snhst.,  excepté  en 
vers,  où  on  le  met  oïdiiiuireincul  uvuul. 

QuitUiut  le  ton  de  la  nature, 
Itépandaut  sur  tous  leurs  discours 
L'acudèmi'iue  (^nlnininure. 

(Ghesskt,  Chartreuse,  585.) 

AcvDÉMiQCEMENT.  Adv.  On  ne  le  met  iiièreqir»- 
près  le  verlie.  Cela  est  écrit  académiquemcnl . 

AcAKiATRK.  Adj.  des  di.'iix  genres  qui  suM  ton- 
jotirs  son  subsl.  Une  femme  acariâtre,  vn  esprit 
acariiitre. 

AecAni.ANT,  .Accablante.  Adj.  verbal  lire  du 
V.  accabler.  11  se  met  avant  ou  après  le  substan- 
tif, selon  li,-s  l'as.  Une  nourelle  accablante,  cette 
accablante  nourelle.  ^'oye7.  yidjcclif. 

Il  ne  se  dit  point  comme  le  vinbe  accabler,  des 
bienfaits,  des  faveurs,  «les  caresses,  à  moins  qu'ils 
ne  soient  indiqués  comme  à  charge  et  insuppor- 
tables. On  dit  bien  vous  m'accablez  de  bienfaits  ; 
mais  on  ne  dit  jias  dans  le  même  sens,  vos  bien- 
faits accablants. 

.AccAnLKR.  \'.  a.  delà  i"  eonj.  yiccabler quel- 
qu'un de  rcproclies,  d'injures,  de  grâces,  de  fa- 
veurs. 

Je  t'en  avais  comblé  (de  bicnfallO,  je  t'en  veux  accablvr. 
(ConN.,  Cin.,  act.  V,  se.  m,  H.) 

La  Harpe  a  dil  à  l'occasion  de  ce  vers  de  Vol- 
taire : 

Je  voudrais...  mais  faut-il,  dan;  l'éLit  qui  m'opprime... 
(Volt.,  Simir.,  act.  1,  se.  v,  78.) 

on  n'est  point  opprimé  par  un  élat.;  on  cstacctf- 
blè  d'un  état,  et  opprimé  par  le  sort. — Etre  ac- 
cablé sous  un  fardeau. 

Son  vieux  père,  accablé  sniis  le  f.irdeuu  des  aii", 
Se  livrait  au  sommeil  entre  «es  deux  c-nfanls- 

(VOLT.,  Henr.,  H,  507.)    ' 

AccAPARcnR.  Adj. ,  fait  au  féminin  Accapar 
rcuse. 

Accéder.  V.  neut.  Accéder  à  vn  traité.  Il 
prend  l'auxiliaire  avoir; j'ai  accédé. 

AccÉLÉitATEUiî.  Adj.  Il  fait  au  léminin  accéléra- 
trice. Force  accélératrice.  11  ne  se  met  (lu'après 
son  subst. 
(       Accent.  Subst.  m.  On  entend  par  ce  mot  une 
I  manière  d'articuler  et  de  prononcer  les  mois  d'une 


ACC 

langue.  I.a  manière  U';irticuler  et  de  pronoiiror 
les  mots  ilo  11  l:inçuo  fi;iiiç;iise  suivaiU  le  l)ii;i 
usage  ei  les  rè|:li^s  de  In  pi'oaonciatlon,  s'apiiolle 
l'acce/it  tia/iiiiial  français. 

Dans  cliaiine  |iru\  incc,  dans  chaque  villi»,  on 
s'ccarlo  plus  lui  moins,  d'nne  nianière  ou  d'une 
autre,  dti  hon  usai'e  (pii  consiilnc  i'acicnl  natio- 
nal; cl  ces  dillcreiices  fornionl  les  acceins  des 
provinces.  On  iWsWw^nc  Vucce/il  ffascon,  l'accent 
picard,  raccciil  iinrmand,  etc. 

On  donne  anssi  le  nom  iVacccnl  au\  diverses 
modilications  de  la  voix,  (pii  servent  a  disliiiiruer 
certains  tons  dans  le  discours,  et  à  y  mollie  plus 
de  variété.  Cliaipic  mol  qui  a  plus  d'une  syllalie 
reçoit  plus  d'un  accent  dans  la  |)rononciaiion, 
même  lorsipi'on  le  prononce  seul  et  hors  de  sa 
liaison  a\  ce  d'autres,  l/ellcl  de  cet  accent  est  de 
détacher  ce  mot  de  ceux  <)ui  pouriaient  h;  précé- 
der el  le  suivre,  et  d'en  laire  un  tout  (pii  ail  lui 
coinnieiicemeiu  el  une  fin,  une  élevali"»  el  un 
abaissenienl.  (lel  accent  se  uimr.nc  accent  ffruîn- 
malical ;  c'est  l'usage  seul  ipii  le  di'terniinc  dans 
chatpie  langue,  et  il  sérail  dillicile  de  rendre  rai- 
son d(!  sa  iliMeiniiiiaiion.  Il  conlrihuea  rendre  les 
périodes  sonores,  en  ce  <iu'il  les  divise  en  mem- 
bres, el  (ju'il  donne  de  la  variété  à  ces  mendjres. 
Dans  les  mois  (pii  ont  un  no;nljrc  ég.d  de  sylla- 
bes, l'acceni  c>l  laiilôl  sur  la  linale,  "tanlôl  sur  la 
pénulliénic,  et  laïuôt  sur  ipiclqu'uiie  des  autres. 

On  appelle  «ccp/f/ ()rrt/"t/c  les  diverses  modili- 
cations de  la  voix  (|ui  sont  dcsiineesà  indiijuer 
plus  précisément  le  sens  du  discours,  et  à  expri- 
mer i)lus  roiieuienl  l'idée  piincipale.  1  es  mono- 
syllabes n'onl  |ioinl  d'acceiil  gi-.uumalical,  mais  ils 
peuvent  avoir  un  accent  oratoire,  lorsiiue  c'est  sur 
l'idée  tju'ils  expriuieiU  que  l'oi'alcur  veul  diriger 
l'allcnlion  de  ses  audiicurs.  Dans  les  mots  poly- 
syllabes, Vuccent  oratoire  renforce  ou  aflailifit 
Vaccent  çiaiiunalical  ;  quelquefois  même  il  fait 
dispa-!"iitre  ce  dernier,  en  apjiuyant  sur  d'autres 
syllabes. 

L'accent  pathétique  est  une  espèce  particu- 
lière de  l'flccr/j/ oratoire  ;  il  doime  le  Ion  au  dis- 
cours, el  ajoute  un  nouveai  degié  de  force  à 
l'accc/i<simi)leuient  oi-aloiie,  (j..  il  détermine  |)lus 
précisément.  On  peut  en  effet  prominccr  les  mê- 
mes discours  a\ec  les  méiues  accents  oratoires, 
en  des  manières  si  différentes,  (ju'ils  changeiil 
totalemenl  de  cai'aetcre. 

C'est  de  l'ob^ervaliim  exacte  des  accents  que 
dépend  en  grande  jiartic  l'harmonie  tlu  discours. 
L'orateur  ou  le  poêle  (pii  sait  arranger  les  mots 
et  les  phrases  de  manière  (pic  les  accents,  agréa- 
blement variés,  se  jnésenlenl  d'eux-mêmes  à  la 
lecture,  cl  répondent  si  cxaclemenl  aux  pensées, 
qu'on  no  puisse  les  transposer,  sera  à  couji  sur 
harmonieux  ;  car  il  n'est  pas  douteux  que  î'iiar- 
monie  ne  lieime  plus  à  la  lielle  variété  des  ac- 
cents qu'a  une  prosodie  scrupuleuse. 

Chaque  iiensée,  chaip;c  passion  a  ses  accents 
<îui  lui  sont  propres.  Aussi  dit-on  les  accents  de 
la  douleur,  de  lu  pitié,  de  la  joie,  CtC. 

On  enlend  loiir  à  tour  les  vœux  de  l'amitié, 
L'accent  du  désespoir,  celui  du  la  pitié. 

(Delillk,  Énéid':,  V,  201.) 

Ses  accents  ressembl.aienl  à  ceux  de  ce  tonnerre. 
Quand  du  mont  Sinai  Dieu  parlait  à  la  terre. 

(YoLT.,  Henr.,  YIX,  117.) 

On  appelle  accent  prosodique  cette  espèce  de 
modulation  (iui  rend  le  son  grave  ou  aigu.  Il  dif- 
fère de  [accent  oratoire,  en  ce  que  celui-ci  influe 


Ad; 


11 


moins  sur  chaque  syllabe  d'un  mot  par  rapport 
aux  autres  syllabes  du  mène  mot,  que  sur  la 
phrase  entière  par  rai.pori  an  sens.  t)n  pcul  dire 
aussi  tpic  Vuccent  prosodique  des  mènie»  mois 
demeure  invariable  au  iinlieu  de  lonics  les  va- 
riétés de  Vaccent  oratoire;  parce  que,  .laiis  le 
même  ukjI,  chaipic  syllabe  conserve  la  l'néme  rc- 
hilion  mécaiiiipie  avec  les  autres  syllabes,  el  (|uc 
le  même  mol,  dans  difléienles  (ilnases,  ne  con- 
serve |»as  la  même  relation  analyliipic  avec  les 
autres  moi  •  Gc  ces  phrases. 

Inliii,  on  appelle  accents  certains  sL'pcs  que 
ronemploiedaiiilécriture  et  dansrimpic  sion.ct 
tpie  l'on  mel  sur  les  voyelles,  soil  |iour  en  faire 
coniiailie  la  prononciation,  soit  |iour  disimmicr 
le  sens  d'un  mol  d'avec  celui  d'un  autre  mol  qui 
s'écrit  de  même. 

On  dislingue  dans  la  langue  française  trois 
espèces  û'acccnls  :  Vaccent  aigu  ('),  Vaccent 
gi;he  ('),  el  Vaccent  circonllexe  ("). 

On  se  sert  de  r«cc<?«/  aigu  pour  martpier  le 
San  tie  Vc  fermé,  bnnté,  chasteté,  aimé;  on  m3t 
l'accent  grave  sur  Vc  ouvert,  procès,  succès. 

Lorsqu'un  e  muet  esl  précédé  d'un  aiilre  « 
luuet,  celui-ci  devient  plus  ou  mois  ouvert.  S'il 
esl  simiilemciit  ouvert,  on  le  marque  d'un  accent 
grave,  ilviènc,  il  pèse,  vion  père,  ma  nicre;%"\\ 
esl  tiès-ouverl,  on  le  inai'ipic  d'un  accent  circon- 
llexe, être,  même,  tète,  tempête,  cic. 

iSotre  prosodie  ne  souffrant  pas  deux  e  innels 
de  suite  tians  le  même  mot  simple,  on  mel  Vac- 
cent aigu  sur  l'e  final  des  verbes  ipii,  dans  les 
jihrases  intsrrogalives  ou  autres,  sont  joints  par 
un  tiret  avec  le  pronom  je.  Aimé-je,  dussé-je, 
veillé-je 

On  met  l'accent  grave  sur  à  prêi>osiiion,  pour 
le  distinguer  d'n  Iroisièmc  personne  de  l'indicatif 
présenl  du  verbe  avoir.  On  le  mel  aiis-i  sur  là 
adverbe,  pour  le  distinguer  de  l'article  ou  du  pro- 
nom lu;  el  sur  où  adverbe,  pour  le  distinguer 
iVou  conjonction.  Dès  signilianl  du  moment  où, 
s'écrit  avec  un  accent  grave;  des  signilianl  de  les, 
s'écrit  sans  accent. 

Ouoique  dans  les  mots  les,  mes,  tes,  ces.  Va 
soitouverl,  on  n'y  met  point  iVacccnt. 

Vuccent  circonflexe,  qui  se  met  sur  l'e  fort  ou- 
vert, se  met  aussi  sur  d'autres  voyelles  longues, 
comme  û^e,  héiillcr,  gîte,  cote,  fh'ite,  etc.  Les 
mols(|iii  sont  aujourd'hui  ainsi  acceniiiés,  furent 
d'abord  écrits  avec  une  double  lellrc  ou  avec 
un  s.  On  prononçait  alors  celle  double  b'tlie  ou 
ce  s,aagc,  buailler,  yisle,  cnsle,  flu.'ite,  etc..  l'/ans 
la  suite  on  relranclia  ces  lettres  dans  la  pronon- 
ciation, et  on  les  laissa  subsister  dans  l'écriture, 
parce  (pie  les  yeux  y  elaicnl  accoutumés;  au  lieu 
de  ces  lettres,"  on  fit  la  syllabe  longue;  plus  lard 
on  marqua  celle  longueur  par  ïucceut  circon- 
flexe. 

On  met  aussi  cet  accent  sur  Va  de  le  vôtre,  h 
notre,  apôtre,  bientôt,  c[c.,  (pii  s'écrivaient  an- 
ciennement rostre,  nostre,  apustre,  bicnlnst,  elc 
Ou  en  fait  également  usage  à  la  |)ieiiiièieet  a 
la  seconde  personne  du  pluriel  du  passe  siiniile 
de  lindicalif:  nous  aimâmes,  vous  uimulcs,nous 
reçûmes,  vous  rcciîlcs,  Clc,  Ci  a  la  troisième  l»'"'.- 
soiiiie  du  singulier  de  l'impaifail  du  subjoncur, 
qu'il  eût,  qu'il  aimât,  qu'il  reçût.  On  le  met  en- 
core sur  mûr,  sûr,  etc.,  ipToii  rciivail  aulrelois 
vieur,  seur.  Le  mot  dû,  |tailicipe  passe  du  verbe 
devoir,  prend  aussi  racccnt  circonflexe,  parce 
«pi'on  écrivait  deu,  et  aussi  pour  le  distinguer  de 
rariiclccom|)0.sé  du.  Mais  ce  particiiie  ne  prend 
point  cet  accent  au  féminin  ;  on  écrit  due. 


12 


ACC 


Kn  génonl,  on  ne  met  point  d'accent  sur  IV 
ouveiH  quand  cel  e  osl  suivi  d'une  consonne  avec 
laquelle  il  ne  f.iil  (ju'iine  syli.-iliie.  Ainsi  on  écrit 
sans  accc/il,  la  mer.  Je  fer,  aimer,  ilonner,  elc. 

Depuis  l'ciliiion  du  Diclionnaire  de  l'Académie 
publié  ei.  171(8,  l'usage  abusif  s'est  introduit,  d'a- 
près ce  Dictionnaire,  de  mettre  un  accent  cir- 
conflexe sur  l'a  du  mol  ûvie.  L'accent  circonflexe 
suppose  la  suppression  d'une  lettre,  et  l'on  n'a  ja- 
mais écrit  asrnc;  il  sert  à  rendre  une  syllabe  lon- 
gue, et  la  première  syllalio  d'ame  est  longue  par 
les  règles  générales  de  .a  prosodie.  Depuis  Mon- 
taigne, (]ui  écrivait  ame,  jusqu'à  l'abbé  Féraud, 
quia  commencé  d'écrire  dmc,  ei  qui  n'a  été  imité 
par  personne,  on  avait  toujours  écrit  ce  mot  sans 
accent.  Mais  aujourd'hui,  d'après  cette  dernière 
édition  du  Dictionnaire  de  l'Acailémie,  la  plu- 
part des  protes  et  des  imprimeurs  mettent  cet  ac- 
cent circonflexe,  et  la  plupart  des  auteurs  les 
laissent  faire. 

C'est  probablement  dans  le  dictionnaire  de  Fé- 
raud que  l'Académie  de  17i)8  a  puisé  cette  inno- 
vation. Ce  lexicographe  voulait  que  l'on  mit  l'ac- 
cent circonflexe  sur  toutes  les  syllabes  longues. 
Il  voulait  que  l'on  écrivit,  cl  il  écrivait  lui-même, 
âme,  barbare,  colère,  empire,  aurore,  lecture, 
emphase,  thèse,  surprise,  chose,  vitise,  oser. 
A  oyez  le  Dictionnaire  de  Féraud,  au  mot  ac- 
cent, et  à  tous  les  mots  oit  il  y  a  une  syllabe  lon- 
gue. ]l  en  donne  pour  raison  l'avantage  de  mar- 
quer la  prosodie  de  chaque  syllabe,  puiscpic 
toute  syllabe  qui  n'aurait  point  cet  accent  serait, 
par  là  même,  indlipiée  comme  brève. 

Je  n'examinerai  point  si  cette  innovation  serait 
utile  ou  non  ;  mais  elle  n'a  été  accueillie  ni  par 
les  gens  ùs  lettres  ni  par  les  gens  du  monde; 
mais  l'Académie  de  1798,  qui  n'avait  pas  dessein 
de  l'admettre,  et  qui  ne  l'a  point  admise,  n'avait 
aucune  raison,  en  rejaiant  ce  système,  d'accueil- 
lir l'orihograplie  du  seul  mot  urne  qui  en  fait 
partie.  h'Âcadémie,  en  1835,  a  persévéré  dans 
l'emploi  du  circonflexe. 

Voici  comment  .M.  I.emaire explique  celte  dé- 
cision :  «  Le  mot  âme  est  évidemment  formé  i)ar 
«  contraction,  soit  qu'on  le  tire  du  grec  â-ysac.;, 
«  soit  qu'on  lui  donne  pour  origine  le  latin  ou 
«  l'italien  anima.  Or,  la  contraction  qui  rend  la 
«  syllabe  longue,  tandis  qu'elle  est  brève  dans 
i'  amour,  qui  n'est  pas  contracté,  nous  semble 
<i  un  motif  suffisant  pour  admettre  l'accent  cir- 
«  conflexe. « 

(Grammaire des  Grammaires,  p.  975.) 

AccENTOATioN.  Subst.  f.  Manière  d'employer 
les  accents  dans  l'écriture  ou  dans  l'iniijiimerie. 

Accentuer.  V.  a.  de  la  1'*  conj.  C'est  mal  à 
propos  que  Féraud  re|)roclie  à  l'Académie  d'avoir 
indiqué  ce  verbe  comme  actif,  en  donnant  un 
exemple  où  il  est  neutre  :  il  ne  sait  pas  accen- 
tuer. Ce  lexicographe  aurait  dû  savoir  i]ue  tous 
les  verbes  actifs  peuvent  être  pris  absolument, 
sans  qu'on  puisse  pour  cela  les  (pialifier  de  neu- 
tres. On  pourrait  très-bien  doiuier  poiu-  cxenqile 
de  rein|)l(ji  tlu  verbe  aimer,  il  ne  sait  pas  aimer, 
sans  qu'on  puisse  en  conclure  qu'on  regarde  ou 
qu'on  doive  regarder  ce  verbe  comme  im  verbe 
neutre. 

Acceptable.  Adj  des  deux  genres;  il  suit  tou- 
jours son  snbst.  Une  propositioii  acceptable,  des 
conditions  acceptables. 

AccEi'TEn.  \  .  a.  de  la  i'°  conj.  Accepter  un 
don,  un  présent.  Je  ne  veux  rien  accepter  de  cet 
ho7nme-la 

Acception.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  On 


ACC 

peut  considérer  un  mot  matériellement  comme 
signe,  abstraction  faite  de  sa  signification  primi- 
tive, comme  quand  je  dis  -.arbre  est  un  mot  de 
deux  syllabes;  on  relativement  à  sa  signification 
primitive,  comme  quand  je  dis  :  arbre  se  dit 
d'une  plante  qui  a  des  racines,  vn  tronc,  des 
branches,  etc.  Ces  deux  manières  de  considérer 
le  mot  arbre  sont  deux  nrcr/î/w/i.ç  différentes  de 
ce  mol.  La  première  est  ['acception  matérielle, 
parce  qu'on  n'y  considère  que  le  matériel  du  mot  ; 
la  seconde  est  Vacceplion  formelle,  parce  qu'on  y 
envisage  directement  et  délerminémenl  la  signifi- 
cation primitive  du  mot.  Ainsi  un  mot  (jeut  être 
pris  dans  une  acception  matérielle  ou  dans  une 
acception  formelle. 

Le  même  mot  matériel  peut  être  destiné  par 
l'usage  à  être,  selon  la  diversité  des  occurrences, 
le  signe  primitif  de  diverses  idées  fondamentales; 
et,  à  cet  égard,  il  y  a  autant  d'acceptions  qu'il  y 
a  d'idées  fimdameiUalesdont  il  [teutétre  le  signe. 
Par  exemple,  le  inot  coin  exprime  quehiuefois 
un  angle;  tantôt  un  instrument  inécaniipie  pour 
fendre,  et  tantôt  tin  inslrumenl  destiné  à  mar- 
quer les  médailles  et  la  monnaie.  Ce  sont  autant 
d' acceptions  différentes  du  mot  coin,  parce  qu'il 
est  fondamentalement  le  signe  de  chacun  de  ces 
objets  que  l'on  ne  désigne  dans  notre  langue  par 
aucim  autre  nom.  Chacune  de  ces  acceptions 
est  formelle,  puisqu'on  y  envisage  directement 
la  signification  primitive  du  mot;  mais  on  peut 
les  nommer  distinclives,  puisqu'on  y  distingue 
l'une  des  significations  primitives  que  l'usage 
a  attachées  au  mot,  de  toutes  les  autres  dont 
il  est  susceptible.  Il  y  a  dans  la  langue  fran- 
çaise plusieurs  mots  susceptibles  de  divei'ses  ac- 
ceptions distinclives.  On  remarijue,  par  exemple, 
dans  les  phrases  suivantes,  quatre  acceptions 
distinclives  du  mot  esprit  :  L'esprit  est  essen- 
tiellement indivisible;  lu  lettre  tue,  et  l'esprit 
vivifie  ;  reprenez  vos  esprits  ;  ce  fœtus  a  été 
conservé  daîis  l'esprit  de  vin.  Ces  quatre  ac- 
ceptions différentes  se  présentent  sans  équi- 
voque à  quiconque  sait  la  langue  franyitise,  parce 
que  les  circonstances  les  fixent  d'une  manière 
précise. 

Outre  les  acceptions  dont  nous  venons  de  par- 
ler, les  mots  qui  ont  une  signification  générale, 
comme  les  noms  ajjpellatifs,  les  adjectifs  et  les 
verbes,  sont  encore  susceptibles  d'une  autre  es- 
pèce d'acception  que  l'on  peut  nomiTicr  déter- 
minative. 

Les  acceptions  délerminalives  des  noms  ap- 
pcllatifs  dépendent  de  la  manière  dont  ils  sont 
employés,  qui  fait  qu'ils  présentent  à  l'esprit  ou 
l'idée  al)slraitc  de  la  nature  commune  qui  consti- 
tue leur  signification  primitive,  ou  la  totalité  des 
individus  en  qui  se  trouve  celle  nature,  ou  seu- 
lement une  partie  indéfinie  de  ces  individus,  ou 
enfin  un  ou  plusieurs  de  ces  individus  précisé- 
ment déterminés.  Selon  ces  différents  aspects, 
Vacccption  est  OU  spécifique,  ou  universelle,  ou 
particulière,  ou  singulière.  Quand  on  dit  agir  en 
homme,  on  \\Ycm\  le  mot  homme  dans  una  accep- 
tion spécifiijue,  puisqu'on  n'envisage  que  l'idée 
de  la  nature  humaine;  si  l'on  dit  tous  les  hommes 
sont  avides  de  bonheur,  le  nom  homme  a  une  ac- 
ception universelle,  parce  qu'il  désigne  tous  les 
individus  de  l'espèce  humaine;  quelques  hommes 
cnt  l'amc  élevée;  ici  le  nom  homme  est  pris  dans 
une  acception  particidièie,  parce  qu'on  n  indique 
qu'une  |)artie  indéfinie  de  la  totalité  des  indivi- 
dus de  l'espèce.  Cet  homme  (en  parlant  de  César) 
avait  un  génie  supérieur  ;  ces  douze  hommes  (eu 


ACC 

((arlanl  des  iluuze  apôtres)  n'araient  par  eux- 
mêmes  rien  de  ce  i/iii  peut  assurer  le  succès  Je 
leur  entreprise.  Le  nom  homme,  dans  ces  deux 
exemples,  a  une  acception  singulière ,  paiio 
qu'il  sert  a  délenniner  précisément,  dans  l'une 
des  phrases,  un  individu,  et  dans  l'autre  douze 
individus  de  l'espèce  humaine. 

Plusieurs  adjectifs,  des  verbes  et  des  adverbes, 
sont  également  susceptibles  de  diverses  accep- 
tions déterminai ives  ijui  sont  toujours  indiquées 
par  les  compléments  qui  les  accompagnent,  et 
dont  l'effet  est  de  restreindre  la  signiticalion  pri- 
mitive et  fondamentale  de  ces  mots.  Un  homme 
savant;  un  homme  savant  en  grammaire  ;  un 
homme  très-savunt  ;  un  homme  plus  savant  quun 
autre;  voilà  l'adjectif  savant  \mi,  dans  cpiatrc 
acccpitow*  diffcrentcs,  en  conservant  toujours  la 
même  signification.  11  en  serait  de  même  des 
verbes  et  des  adverbes,  selon  qu'ils  auraient  tel 
ou  tel  complément,  ou  qu'ils  n'en  auraient  poinl. 

Il  parait  évidemment,  par  tout  ce  qui  vient 
d'être  dit ,  que  toutes  les  espèces  d'acceptions 
dont  les  mots  en  général,  et  les  différentes  sortes 
de  mots  en  particulier,  peuvent  être  susceptibles, 
ne  sont  que  différents  aspects  de  la  signification 
primitive  et  fondamentale;  que  cette  significa- 
tion est  supposée,  mais  qu'on  en  fait  abstraction 
dans  l'acception  matérielle;  qu'elle  est  choisie 
entre  plusieurs  dans  les  acceptions  distinctivcs; 
qu'elle  est  déterminée  a  la  simple  désignation  de 
la  nature  commune,  dans  ['acception  spécifique; 
à  celle  de  tous  les  individus  de  l'espèce  dans  l'ac- 
ception universelle;  a  l'indication  d'une  partie 
indéfinie  des  individus  de  l'cspt^e,  dans  l'accep- 
tion particulière;  à  celle  d'un  ou  de  plusieurs  de 
ces  individus  précisément  déterminés,  dans  l'ac- 
ception  singulière.  En  un  mot,  la  signification 
primitive  est  toujours  l'olijct  immédiat  des  di- 
verses acceptions . 

On  ne  doit  pas,  dans  la  suite  du  même  raison- 
nement, prei.dre  un  mot  dans  deux  acceptions 
différentes,  ^'acception  d'un  mol  que  prononce 
quelqu'un  qui  vous  parle  consiste  à  entendre  ce 
mot  dans  le  sens  de  celui  qui  l'emploie.  Si  vous 
l'entendez  autrement,  c'est  une  acception  diffé- 
rente. La  plupart  des  disputes  ne  viennent  ([ue 
de  ce  que  chaque  parti  prend  le  même  mot  dans 
des  acceptions  différentes.  (Bcauzée  et  Dumar- 
sais.) 

Accessible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 
jours son  subst.  Un  lieu  accessible,  un  homme 
accessible. 

L'Académie  définit  ce  mot  en  parlant  des  lieux 
et  des  ixîrsonncs,  qui  peut  être  abordé,  dont  on 
peut  approcher.  En  parlant  des  personnes,  il  si- 
gnifie qui  se  laisse  approcher  par  ceux  qui  dési- 
rent le  voir,  lui  parler,  lui  demander  (pielque 
chose,  et  les  reçoit  avec  politesse  et  affabilité. 
Être  accessible  à  tout  le  inonde,  être  accessible 
aux  plaintes  des  malheureux. 

Accessit.  Subst.  m.  Mot  tiré  du  latin.  Quel- 
ques grammairiens  veulent  qu'on  écrive  des  ac- 
cessits; mais  il  est  ridicule  de  donner  le  signe 
français  du  pluriel  à  une  troisième  personne  d'un 
verbe  latin.  Vous  voulez  conserver  aux  mots  tirés 
du  grec  toutes  les  lettres  qui  marquent  leur  ori- 
gine, comme  dans  abijme,  mystère,  etc.,  et  ici 
vous  voulez  dénaturer  un  mol  latin  par  un  signe 
français  qui  le  rend  méconnaissable.  Soyez  donc 
censéquents. 

L'Académie,  en  l'-oS,  écrit  des  accessit ,  mais 
elle  tolère  accessits. 

Accessoire.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  lou- 


m:c 


n 


jours  son  subst.  Une  idée  accessoire,  un  orne- 
ment accessoire.  11  s'emploie  subslantiveim'iit 
au  masculin. 

Accessoire  se  dit,  en  termes  de  locique,  de  loul 
ce  qui,  ayant  qucUiue  liaison  avti'le  sujet  dont 
il  s'agit,  n'est  cependant  poinl  csseniiel  a  ce  su- 
jet. C'est  en  ce  sens  (ju'on  dit  des  idtes  acces- 
soires. 

En  termes  de  grammaire,  on  appelle  aoessoi- 
rcs  les  modificalions  dont  on  accomp.iune  le  su- 
jet, l'attribut  et  le  verbe, qui  sont  regardéscoinine 
les  trois  choses  essentielles  à  une  proposition  Les 
accessoires  snnt  des  idées  (]ui  ne  sont  |ias  abso- 
lumeiil  nécessaires  au  fond  de  la  pensée,  muis 
(lui  servent  a  la  développer.  Les  accessoires  i:liiul 
retranchés,  la  proposition  subsisterait  encore. 

Le  choix  des  accessoires  n'est  pas  une  chose 
indifférente;  car  lorsiiu'on  fait  une  iirnposliioii, 
on  compare  deux  termes,  c'est-à-dire  le  sujet  ci 
l'atlribui;  on  les  considère  donc  sous  le  rapport 
qu'ils  ont  l'un  à  l'autre,  et  l'on  ne  doit  par  con- 
séquent rien  ajouter  (pii  ne  contrilme  a  rendre  le 
rapport  plus  sensible  ou  pins  développe. 

Examinons  sous  ce  point  de  vue  les  vei"s  sui- 
vants de  Kacinc,  tirés  du  récit  de  la  mort  d'Hi{>- 
polyle  ; 

Ses  supeibes  coiir.-iers,  qu'on  voyait  aiilrelois 
Pleins  d'une  ardeur  si  noble  obéir  à  sa  voi\; 
L'œil  morne  niainlenanl  et  la  tôle  baissée. 
Semblaient  se  conformer  à  sa  Irisle  pensée. 

(Rac,  Phéd.,  ad.  Y,  se.  vi,  16.) 

La  proposition  dépouillée  de  ses  accessoires 
est  ses  coursiers  semblaient  se  conformer  à  su 
pensée  ;  tout  le  reste  ne  consiste  que  dans  des  ac- 
cessoires destinés  à  la  (lévelo|)pcr  et  à  la  peindi'e 
avec  les  couleurs  les  plus  propres  à  la  présenter 
de  la  manière  la  plus  avantageuse,  la  plus  vraie, 
la  i)lus  sensible. 

Superbes,  qu'on  roi/ait  autrefois,  pleins  d'une 
ardeur  .ti  noble  obéir  à  sa  vois.  Sont  des  acces- 
soires du  sujet  coursiers.  Le  poète,  en  lesrepn'- 
sentant  ainsi ,  iirépare  un  contraste  qui  rendra 
plus  sensible  l'état  actuel  d'aballenienl  et  de  tris- 
tesse où  sont  les  coursiers.  L'œil  morne  mainte- 
nant et  la  tète  baissée,  nouveaux  accessoires  du 
sujet  (|ui  achèvent  le  contraste  el  en  reçoivent 
une  teinte  jdus  forle;  el  <es  accessoires  réunis 
concourent  merveilleusement  à  dcvelo|)per  \v 
rapfxjrt  du  sujet  avec  rallriliul,  et  a  présenter 
l'union  de  ces  parties  essentielles  de  la  jiroiwsi- 
tion  avec  les  couleurs  el  les  reflets  les  |iliis  pro- 
pres à  produire  toute  rimprrssion  (pie  le  poète 
avait  en  vue.  Ses  coursiers  sembtciû  se  confor- 
mer (i  sa  triste  pensée,  parce  (pi'ils  ont  IWil 
morne  et  la  tète  baissée,  attitude  d'anlaiil  |ilus 
frappante,  <lu'aiilrefois  on  les  voyait  toujours  su- 
perbes, et  pleins  d'une  noble  ardeur  obéir  «  ta 
voix  de  leur  maître. 

A  la  place  de  ces  accessoires,  inettez-en  d'an- 
tres moins  conformes  à  la  nature  de  la  pensée 
prlncii)alc,  et  celle  pensée  perdra  sa  beauté,  son 
coloris,  une  grande  partie  de  son  expression 
C'est  ce  (pii  arriverait  si  l'on  disait,  .srv  coursiers 
qui  conduisirent  tant  de  fois  son  char  it  /'«  vic- 
toire dans  les  jeux  de  la  Grèce,  et  qui  se  prépa- 
rent ù  un  nouveau  triomphe,  semblent  -ic  con- 
former à  sa  triste  pen.iée.  On  sent  combien  ces 
accessoires  seraient  déplacés,  combien  ils  se- 
raient ridicules.  Il  n'y  a  aucun  rap|Mii  l  entre  des 
coursiers  (|ui  semblent  se  conformer  à  la  tris- 
tesse de  leur  inaiire,  el  ces  mêmes  coursiers 
remportant  le  prix  de  la  course  dans  les  jeux  [w- 


14 


ACC 


blics,  cl  se  propm-anl  à  un  non  venu  Iriomplio  (le 
celle  nPUirr.  (es  acccsxnircs  soiil,  .'iii  conir-iiire, 
oppo-Os  .1  l'iilce  "uronVc  l;i  p^olKJ^ilion  priiici- 
pak',  cl  lie  i)L-uvpni  pnr  cons('i|iii'iit  sf-rvir  m  à  1,1 
dévcln|i|inr,  ni  à  rciulrc  plus  sensible  la  liaison 
(lu  siijci  ;ivec  l';illiil)\il. 

On;iMi!  on  niiMlilic  le  sujet  d'une  proposilion,  il 
le  f;iiil  tlmic  runsiilcrer  rclativonicnl  à  ce  qu'on 
vcul  on  aflirnicr;  il  l'aul  ipic  les  accrssnircs  ilitiil 
on  lacrouipaunc  conliibucnl  a  le  lier  avec  l'ul- 
Irihul. 

Ci)inme  on  cnnsidère  le  sujet  par  rapport  à  l'at- 

Iribiil,  il  fairl  cnn^iiicror  l';iUribiil  par  rappori  au 

sujet;  cl  luulcs  les  niodiiiralions  ou  acci'x.snirc.i 

.ajoutes  (le  part  cl  d'aulic  doivcnl  conspirer  a  les 

lier  de  plus  on  plus. 

Quaui  au  vei  he,  il  ne  peut  cire  modifié  que  pru- 
des finonslamcs,  cl  il  csl  évid(>Ml  ^juc  le  elmix 
des  cireuiisi:  ii>es  ne  peut  cire  déierniiné  ipie  par 
le  sujet  cl  l'atiiibul  considérés  cuscndiic.  Tout 
ce  (jui  ne  liciil  pas  à  l'un  cl  à  l'aulrc  csl  au  moins 
superllu. 

Le  va?ue  des  accessoires  conlrihuc  bcaurouj) 
a  rendre  le  discours  tout  à  fait  l'roid.  J'entends 
par  la  li's  modiliealions  ipii  n'apparlienncnl  pas 
plus  a  la  cliose  dont  on  iiaileipra  touie  autre. 

C.ondiilae  a  donné  pour  exemple  de  ce  défaut 
les  vers  suivants  de  Boilcau  ; 

Un  galanl  de  qui  tout  le  métier 

Esl  <ie  courir  le  jour  de  quartier  en  quartier, 

Et  d'aller,  à  l'alin  d'une   perruque  tiloiule, 

De  ses  fruide&  duuceurs  faligu.:r  loul  1'}  monde. 

Condamne  la  science 

(Sal.  IV,  11.) 

La  proposition  esl  vn  galant  cnndamne  lasriencr, 
le  resle  consiste  en  acces^'ures.  Il  faudra,  dit 
Condillac,  si  je  veux  modifier  le  sujet  do  celte 
proposition,  (|ncjc  lui  donne  un  caractère  ipii 
ne  convieiuie  ipi'a  lui,  et  qui  même  ne  lui  con- 
vienne tpie  par  rapp(jrl  a  la  science  qu'il  con- 
damne. Or,  vous  voyez  qu'une  partie  di'S  ticccs- 
soiies  «pic  lui  donne  Boilcau  ne  convient  pas 
plus  a  un  galant  qu'a  un  homme  désoeuvré,  cl 
que  tous  ensemble  ils  n'ont  que  fort  peu  ou  point 
du  loul  de  rapport  à  raltrii)ul  de  la  proposition  ; 
aussi  CCS  vers  .sonl-ils  bien  froids. 

Celle  criiiipie  paraît  bien  sévère.  Les  nccrs- 
■ioùes  dont  il  csl  ipicslion  conviennenl  ])airaiie- 
laenl  à  un  iiominc  i;alanl;  car  son  métier  est  d'al- 
ler de  coté  et  d'autre  fatiguer  loul  le  monde  tie 
ses  froides  douceurs;  mais  ils  ne  conviennent 
pùinl  à  un  lioinme  désicuvré,  cpii  peut  l'om  bien 
rester  ciicz  lui,  cl  duni  le  caraclèro  n'est  jias  de 
iiire  à  loiU  le  monde  de  froides  (lom'euis. 

Condillac  csl  plus  juste  quand  il  condamne  les 
deux  vers  suivanis  du  même  auteur  : 

Et  Jon  Teu,  dépourvu  de  tens  et  de  lecture, 
S'éteint  à  cliaque  pas  faute  de  nourriture. 

(A,  P.,  111,318.) 

Un  feu  di'pnurvu  de  sens  et  de  lecture,  qui 
.^éteint  à  chaque  pas,  offre  des  accessoires  bien 
élrauL'es. 

11  l'aul  considérer  une  pensée  composée  comme 
un  tableau  bien  l'ail  où  tout  esl  d'accord.  Soil 
que  le  iKMiilrc  sépare  ou  groupe  les  figures,  qu'il 
les  éloigne  ou  les  rapproche,  il  les  lie  louies  par 
la  part  qu'elles  |iren.^enl  à  une  action  principale; 
il  donne  à  chacune  un  caractère,  mais  ce  carac- 
tère n'est  développé  (pie  par  les  accessoires  (pu 
conviennent  aux  circonstances.  11  n'est  jamais 


ACC 

occupé  d'tme  seule  figure;  il  l'est  coniiniiclle- 
mcnl  du  tableau  entier;  il  fail  un  ensemble  où 
loul  est  dans  une  exacte  pro[)orli  iii. 

Condillac  donne  pour  modèle  d'une  pensée 
bien  (leveliip|«'e  par  des  accessoires,  uikî  phrase 
ou  Flecliier  parle  des  vertus  civiles  de  ruieune  : 

J'iiicinic  s'rxerç  ril  aux  rcriiis  liriles. 
lin  itmiUiaiU  d  un  c('ité  les  circonslaii" es  où  cc 
général  s'e\er(;aii  aux  vertus  civiles,  et  de  l'auiio 
h.'S  ipialiK's  (pi'il  apportait  a  cet  exercice,  celle 
pensée  se  dévclopiiera,  cl  les  paiiies  scroiii  [)ar- 
i'aitement  li(es;  c  est  ce  (pie  Mèchiera  l'ait. 

^."<'»7  alnis  que  diiiis  le  doux  re/ms  d'une  con- 
dition prin-e ,  ce  prince  se  drpiunlluil  de  touto 
tu  gloire  qu'il  arait  acquise  pendonl  lu  guerre , 
et,  se  renfcriiHinl  dans  une  sncii'lH  peu  voTn- 
brcuse  de  quelques  amii  choisis,  s'euerçuit  sans 
bruit  aux  vertus  ciriles  ;  srrère  dans  ses  dis- 
cours, simple  dans  ses  actions,  fidèle  dans  ses 
auiitifs,  exact  dans  ses  di'rnirs,  grand  même 
dans  les  moindres  clioses.  [Oraison  funèbre  de 
'J'u renne,  p.  12'{.) 

Souvent  les  id<-es  se  développent  el  se  lient 
par  le  coiitrasle.  C'est  ainsi  (pie  li"Ssuel  explique 
celte  pensée  ;  Cnrlltage  fui  snumitc  à  liomc.  — 
j-tnirUnil  fut  hallu,  cl  l.arlhoge,  aulri'fuis  7nai- 
tresse  de  tnutf  l'Afrique,  de  la  mer  Mrdilerra- 
née  et  de  tout  le  commerce  de  l'univers,  fat  con- 
trainte de  subir  le  joug  que  S'ipinn  lui  imposa. 
(Disc.  SU1-  l'Ilist.  univers.,  3"  part.,  cli.  vi, 
I)ag.  4S4.) 

ï.a  Bruyère  développe  ainsi,  jiar  descfmlraslcs, 
l'amour  (lu  peuple  pour  les  nouvelles  de  guerre; 

Le  peuple,  paisible  dans  ses  fnjers,  au  milieu 
des  siens,  et  dans  le  sein  d'une  grande  ville  où 
il  n'a  rien  à  craindre  ni  pour  ses  biens,  ni  pour 
sa  rie,  respire  le  feu  et  le  sang,  s'occupe  de 
guerre,  de  ruine,  d'embrasement  et  de  massacre, 
souffre  impatiemment  que  des  urinées  qui  tien- 
nent la  campagne  ne  viennent  pas  à  se  rencon- 
trer. (Du  Siiuvcrain,  p.  SOU.) 

AccEssoir.KMENT.  Adv.  Il  ne  se  met  guère 
qu'ap"ès  le  verbe.  //  ajouta  accessoirement  bien 
d'autres  choses. 

AcninE>T.  Subsl  m.  Terme  de  grammaire.  Les 
grammairiens  entendent  par  accidents  ilne  pro- 
priété qui,  à  la  vérité,  est  ailachée  au  mot, 
mais  (pii  n'entre  j)()iiit  dans  la  déiiniiion  essen- 
tielle du  mol;  carde  cc  (pi'uii  mot  sera  |iriinilif 
ou  dérivé,  simiile  ou  coinixisé,  il  n'en  sera  pas 
moins  un  terme  ayant  une  signilication.  Voici 
(pielssont  ces  accidenls  : 

i"  Toute  diction  ou  mot  peut  avoir  un  sens 
pro])re  ou  un  sens  figuré.  Un  iin't  c>l  au  propre 
(piaiid  il  signifie  ce  pour  (pioi  il  acte  premièrc- 
mcnl  établi;  le  mol  /t'o/i  a  été  d'alujrd  destiné  à 
signifier  cet  animal  (pi'on  appelle  lion  :  je  viens 
de  ta  foire,  j'y  ai  vu  un  beau  lion  ;  Imn  est  pris 
là  dans  le  sens  propre;  mais  si  en  parlant  d'un 
homme  emporté  je  dis  «pic  c'est  un  ILm,  lion  esl 
alors  danî  un  sens  ligure,  ihiaiid,  par  coiMparaison 
ou  i»ar  analogie,  un  mol  se  [ircnd  eu  ipiclqiiescns 
autre  (|ue  celui  de  sa  première  dcstuiatioii,  cet 
accident  peut  é'.re  appelé  racceplK-tu  du  mot. 

2"  On  peut  observer  si  un  mol  est  primitif,  ou 
s'il  esl  dérivé. 

Un  mol  est  primitif  lorsqu'il  n'est  tire  d'aucun 
autre  mot  de  la  langue  dans  laipielle  II  csl  en 
usage.  Ainsi  en  français,  ciel,  roi,  bon,  sont  des 
mois  primitifs. 

In  mol  est  dérivé  lorsqu'il  csl  tiré  de  quel- 
que autre  mol  comme  de  sa  source  .  ainsi  céleste, 
royal,  royaume,  royauté,  royalement,  bonté. 


ACC 

bonnement,  sonl  nuinnl  de  dérives.  Cet  accident 
est  appelé  |i;ir  les  çr;imm;iirieiis  l'espèce  du  mot; 
ils  di^eiu  iin'uii  mul  est  de  l'espèce  piimiiivcou 
de  l'esi'ùcc  dt'iivée. 

3"  On  p<Mii  observer  si  un  mot  est  simple  ou 
s'il  est  coMipiisé  •  juste,  j'usticr,  sont  tirs  mois 
simples;  injuAtc,  injustice,  sont  eoinposés.  Cet 
accident  d'èli'e  simiile  mi  d'être  comiMise,  a  élé 
ap|)cle  |>;ir  li-s  Miu'ieiis  çr.iiiiin.iiriciis  ///  figure.  Ils 
disent  iin'iiii  inol  esl  de  l;i  llirme  s  iniile,  un  ipi'il 
est  delà  li::iiieeumi»)>ée;  en  sorte  i\\\c  jiijuio  vient 
ici  de  fitijvrr,  et  se  preml  i>onr  la  T-rme  ou 
conslitu'it;!  d'un  mut  qui  |peut  être  ou  siniiilc  ou 
compose*. 

4°  Vn  autre  arcidrut  des  mots  reçarile  la  pro- 
nonciali.m  sur  ijuoi  il  faut  distinguer  l'acet-nt, 
qui  est  une  éli-valiun  ou  un  aliaissi-ineul  de  la 
voix,  toujours  invariahic  dans  le  uiènie  n\ol  ;  et 
le  ton  cl  l'euipliase,  i|ui  stjut  des  lulliîxions  de 
voix  qui  varient  selnu  les  diver-es  passions  et  les 
différentes  iire<iuslani;es;  un  ton  lier,  union  in- 
solent, un  Ion  pileux,  cle. 

Yoiià  quatre  soiles  iVaccidenls  qui  se  trou- 
vent en  l(juies  Sortes  deinttls;  mais  déplus, elia- 
que  sorio  parlieuiiérc  de  mots  a  ses  accidents 
qui  lui  sonl  prupes  ;  ainsi  le  sui)Stantir  a  encore 
pour  accidi- ni  le  ueiire,  qui  esl  masculin  ou  fé- 
minin; le  iiuui'.ire,  qui  e>l  singulier  ou  pluriel. 

L'adjc.lir  a  un  uccidcnt  de  plus,  qui  esl  la 
COm|)ardison  :   savant,  plus  savant,  très-savant. 

Les  pronoms  oui  les  inéiaes  accidents  que  les 
noms. 

A  l'égard  «'es  verbes,  ils  ont  aussi  par  accident 
l'accepûon  qui  est  ou  pro|ircou  ligurce  :  cevieii- 
lardmurche  d'un  pas  ferme;  marrlie  est  là  au  pro- 
pre :  celui  qui  me  suit  ne  marche  point  dans  les 
ténèbres,  K\\i  Jesus-(Jni>l  ;  ici  suit  et  vutrche 
sont  pris  dans  un  sens  ligure,  e'esl-à-dirc  que 
celui  qui  pratique  les  maximes  de  l'Evangile  a 
une  bonne  comluite,  et  n'a  pas  besoin  de  se  ca- 
cher; il  ne  luil  point  la  lumière,  il  vil  sanscrainle 
et  sans  remords. 

2"  L'espèce  esl  aussi  un  accident  des  verbes; 
ils  sonl  ou  primilils,  connue  parler,  buire,  sau- 
ter, trembler:  ou  dérives,  connue  parlementer, 
buvoter,  sntitiller,  trembloter,  dette  espèce  de 
verbes  dt-rivès  en  renlerine  [ilusieurs  autres,  tels 
sonl  les  inclioatii's,  les  rrèipîenlalil's,  les  augmen- 
tatifs, lesdiminulirs,  les  imlatifs,  les  dèsidératifs. 

3"  Les  vcri)i's  ont  ans  i  la  ligure,  c'esi-à-dirc 
qtl'ilssont  siuq'Ies,  connue  tc//t/-,  tenir,  faire; 
ou  composés,  cuminc  prévenir,  convenir,  re- 
faire, etc. 

4"  La  voix  ou  forme  du  verlie  est  de  trois  sor- 
tes: la  voix  ou  forme  aclive,  la  voix  passive,  cl 
la  forme  neutre. 

Les  verbes  de-  la  voix  active  sont  ceux  dont  les 
Icrmmaisoiis  expriment  une  action  <]ui  passe  de 
l'agent  au  patient,  c'esi-a-ilirc  de  celui  <pii  l'ait 
l'action  sur  celui  ipii  la  reçoit  .  Pierre  bat  Paul; 
bat  esl  un  veriie  de  la  l'orme  aclive;  Pierre  esl 
l'agent,  Paul  esl  le  palienl,  ou  le  terme  de  l'ac- 
tion de  l'icrre.  Dieu  conserve  ses  créatures  ; 
oonsene  ay  un  verbe  de  la  forme  aclive. 

Le  verbe  esl  à  la  voix  passive,  lorsqu'il  signillc 
que  le  suji'l  de  la  jM-oposilion  esl  le  |)alicnl,  c  esl- 
a-dirc  qu'il  est  le  terme  de  l'action  ou  du  senii- 
ment  d'un  autre  :  les  mécliants  sont  punis,  vous 
serez  pris  par  les  ennemis;  sont  punis,  serez 
pris,  sont  de  la  l'orme  piissivc. 

Le  verbe  est  de  la  lonne  neutre,  lorsqu'il  si- 
gnifie une  action  ou  un  étal  qui  ne  passe  point 
du  sujet  de  la  proposition  sur  aucun  autre  objet 


àCZ  15 

infi^rieur,  comme  it  pâlit,  il  engraisse,  il  ^nni- 
grit,  Timis  courons,  il  badine  toujours,  il  nt, 
vous  rujeonisse:,  elc. 

5  1e  mode,  c'esl-à-dire  les  différcnles  maniè- 
res .rexpruner  ce  ipie  le  verbi'  siirutlie,  ou  par 
l'indii-aiif  i|ui  esl  le  mode  dneri  ei  a'.is.ibi,  ou 
par  l'impéralif,  ou  [lar  le  subjonclil',  ou  cnlin'par 
rinliniiif. 

G'  le  sixième  accident  des  verbes,  e'esl  de 
marquer  le  Icmp-;  par  des  terminaisons  pariicu- 
lièrcs  j''aime, j'aimais,  j'ai  aimé,  j'avais  aimé, 
j'aimerai. 

1"  Le  septième  accident  est  de  marquer  les 
pei-sounes  grammalicales,  e'esl-àilirt,'  les  per- 
sonnes, rel.niveuienl  à  l'ordre  qu'elli-s  l:ennenl 
dans  la  formation  du  discouis;  cl,  en  re  sens,  il 
esl  (A  ideni  qu'il  n'y  a  que  trois  personnes 

la  première  esl  celle  qui  fait  le  «liscoins,  c'csl- 
à-dire  celle  qui  jiaile  :  j'c  chante  ;  je  esl  la  [ne- 
mière  p(M'sohne,  et  chante  esl  le  verbe  à  la  pre- 
m'ère  personne,  parce  (juil  est  dit  de  celle  pre- 
mière personne. 

La  secoiiile  personne  esl  celle  à  qui  le  discours 
s'ailresse  :  tu  chaules,  vous  chantez  ;  c'est  la  [tcr- 
sonne  à  qui  l'on  pai-Ie. 

Lnliu  lorsque  la  personne  ou  la  cliose  dont  on 
parle  n'est  ni  à  h  preni  ère,  ni  à  la  sci'omle  |ier- 
sonne,  alors  le  verbe  est  dit  étrea  la  iroisième  |)er- 
soime  :  Pierre  écrit  ;  écrit  c<~{  à  la  troisième  per- 
sonne» :  le  soleil  luit;  luit  Ost  à  la  iroisième  per- 
sonne du  présent  de  l'iiulicalif  du  verbe  luire. 

S"  Le  liiiitième  accident  du  verbe  est  la  con- 
jugaison. La  conjugaison  esl  une  dislriliuiion  ou 
lisïe  de  toutes  les  parties  et  de  loues  les  in- 
llcxions  du  verbe,  selon  une  cerlaine  analugie. 

JNos  grammairiens  comp;enl  tiuatrc  conjugai- 
sons de  nos  verbes  français. 

1  ■  Les  verbes  de  la  première  conjugaison  ont 
riniinilif  en  er  .-donner. 

2  Ceux  de  la  seconde  ont  l'inlinilif  en  ir  :  pu- 
nir. 

3"  Ceux  de  la  troisième  ont  l'inlinilif  en  oir  : 
devoir. 

4"  Ceux  <lc  la  quatrième  ont  l'infinilif  en  re, 
dre,  tre  :  fiire,  rendre,  mettre 

5'  Lulin  le  .lernier «cci(/</(<  des  verbes  est  l'a- 
nalogie ou  l'anomalie  ,  c'est-à-dire  d'être  régu- 
liers'cl  tic  suivre  l'analogie  tie  leur  paratliguic, 
ou  bien  tIe  s'en  écarter,  cl  alors  on  du  ipiilbsonl 
irrèL'iibers  ou  anomaux. 

(,)ue  s'il  arrive  iju'ils  mani]uenl  de  queliiue 
moile ,  lit;  tpieltpie  temps  im  de  (pieliiue  per- 
sonne, on  les  aiipelle  dcfeclifs. 

A  l'eganl  des  prépositions,  elles  sonl  loiiles 
piimitiM's  ou  sini|ili'S,  ii,  de,  dans,  arec,  cle. 

La  préposition  ne  lait  ipi'ajouier  une  circoii- 
slauce  ou  manière  au  mol  ipii  preccile,  et  elle  est 
toujours  considérée  sous  le  même  point  de  vue  ; 
c'est  itjiijours  la  même  manièri!  tiu  cu'ctmslaiice 
ipi'elle  exprime  :  il  est  dans;  ipie  ce  soii  tians 
l.i  vdie,  ini  dans  la  maison,  ou  tlans  le  c..rire.  ce 
sera  toiijoiu-s  être  dans.  Voila  pounpioi  les  |iro- 
jiosiiitins stinl  invariables. 

Mais  il  faul  observer  qu'il  y  a  des  priq)osilions 
séparables,  telles  ipie  dans,  sur,  arec,  cle  ;  et 
ilautres  ipii  sont  appelées  inséparables,  parijc 
qu'elles  enirenl  tlans  la  coinposilitni  tics  mois,  de 
façon  tpj 'elles  n'en  peuveiii  être  sèpart-cs  sans 
cbam-'er  la  si^'nilicalioii  parlieuiiérc  tlii  n.ol  ;  par 
exemple,  tlans  refaire,  surfaire,  défaire,  contre- 
faire, les  mots  re.  sur,  dé,  contre,  sont  des  pré- 
positions inséparables. 

A  l'éïard  de  l'adverbe,  c'est  un  mot  qu»,  daw 


i6 


ACC 


sa  valeur,  vaut  autant  qu'une  proposilion  el  son 
coinplénionl  ;  innsi, prudemment,  c'est  avec  pru- 
dence; Sdffcmc/it,  avec  SixsG^'iC,  etc. 

11  y  a  trois  uccidcnts  à  rcnianpier  dans  les  ad- 
verbes. Ces  trois  accidents  sunt  : 

1°  L'espèce,  qui  est  ou  primitive  ou  dériva- 
livc  :  /ci,  /(/,  ailleurs,  '/uanJ,  alors,  hier,  etc., 
sont  des  advcrl)cs  de  l'espèce  primitive,  parci; 
qu'ils  ne  viennent  d'aucun  autre  mot  de  la  lan- 
gue; au  lieu  i\\\C  justement,  senst'mcnt,  poli- 
ment, ahsnlumciit,  tellement,  etc.,  sont  de  l'es- 
pèce dcri.-alivc;  ils  viennent  des  noms  adjictifs, 
*uste,  scnsr,  poli,  absolu,  tel,  etc. 

2"  la  ligure,  t^'est  d'èlrc  simple  ou  comi)osé. 
Les  adverbes  sont  delà  ligure  simple,  quand  au- 
cun autre  mol,  ni  aucune  |)rc|)i)sition  insépara- 
ble n'entre  dans  leur  composition.  Wn&i  j'uste- 
ment,  lors,  jamais,  sont  des  adverbes  de  la  ligure 
simple.  Mais  injustement,  alors,  aujourd'hui, 
sont  de  la  ligure  composée. 

3"  la  comparaison  est  le  troisième  accident 
des  adverbes.  Le.;  adverbes  (pii  viennent  des 
noms  de  qualité  se  comparent  ■.justement,  /^h^r 
justement  ;  très  ou  fort  justement,  le  plus  ju.?- 
tement  ;  bien,  mieux  ;  mal,  pis,  le  pis  ;  plus  îiial, 
très-mal,  fort  mal,  etc. 

A  l'égard  de  la  conjonction,  c'est-à-dire  de  ces 
petits  mots  qui  servent  à  exprimer  la  liaison  que 
l'esprit  met  entre  des  mots  et  des  mots,  ou  entre 
des  phrases  et  des  phrases,  outre  leur  significa- 
tion particulière,  il  y  a  encore  leur  ligure  et  leur 
position. 

1°  Quant  à  la  figure ,  il  y  en  a  de  simples, 
comme  et,  au,  mais,  car,  si,  etc. 

Il  y  en  a  beaucoup  de  composées  :  et  si,  mais 
»i;eimômeil  yen  a  ([ui  sont  composées  de  noms 
ou  de  verbes,  par  cxem|)le,  à  moins  que,  de  sorte 
Que,  bien  oilendu  que,  pourvu  que. 

1"  Pour  ce  qui  est  de  leur  position,  c'est-à-dire 
de  l'ordre,  du  rang  que  les  conjonctions  doivent 
tenir  dans  le  discours,  il  faut  observer  qu'il  n'y 
en  a  point  qui  ne  suppose  au  moins  un  sens  pré- 
cédent; car  ce  qui  joint  doit  être  entre  deux  ter- 
mes; mais  ce  sens  peut  quelquel'ois  être  trans- 
porté, ce  (lui  arrive  avec  la  coiulitionnelie  si,  qui 
peut  fort  bien  commencer  un  discours  :  si  vous 
êtes  utile  à  la  société,  elle  pourvoira  à  vos  be- 
soins. Ces  lieux  phrases  soûl  liées  par  la  conjonc- 
tion si;  c'est  comme  s'il  y  avait  la  société  pour- 
voira à  vos  besoins,  si  vous  lui  êtes  utile.  Mais 
vous  ne  sauriez  commencer  un  discours  par  7nais, 
et,  or,  donc,  clc.  C'est  le  plus  ou  moins  de  liaison 
qu'il  y  a  eiilre  la  phrase  qui  suit  une  conjonction 
et  celle  cpii  la  précède  qui  doit  servir  de  règle 
pour  la  iioncluation. 

A  l'égard  des  interjections,  elles  ne  servent 
qu'à  manpicr  des  mouvements  subits  de  l'âme. 
Il  y  a  autant  de  sortes  d'inlerjeclions  (]u'il  y  a  de 
passions  diiïérentes.  ..\insi  il  yen  a  pour  la  tris- 
tesse et  la  compassion,  hélas  !  ah!  jiour  la  dou- 
leur, aï,  aïe,  ha!  pour  l'aversion  et  le  dcgoùl,  fi.. 
Les  inlerjcclions  ne  servent  (ju'a  ce  seul  usage,  et, 
n'étant  jamais  considérées  que  sous  la  même  l'ace, 
ne  sont  sujettes  à  ftcun  autre  accident.  On  peut 
seulement  observer  qu'il  y  a  des  noms,  des  ver- 
bes et  des  adverbes,  qui,  étant  prononcés  dans 
certains  mouvements  de  passion,  ont  la  force  de 
rinterjection  :  courage,  allons,  bon  Dieu,  voyez, 
marche,  tout  beau,  paix,  etc.  C'est  le  ton  plutôt 
que  le  mol  qui  fait  alors  l'interjection.  (Dumar- 
sais.) 

Beauzée  a  fait  sur  cet  article  de  M.  Dumarsais 
la  remarque  suivante  : 


ACC 

M.  Dumarsais  avance  que  les  prépositions  .sont 
toutes  primitives  et  simples;  c'est  une  crreurévi- 
dcnle.  Concernant,  durant,  joignant,7noyennant, 
pendant,  suivant,  touchant,  sont  originairemenl 
tics  gérondifs  :  concernant  de  concerner,  durant 
de  durer  ;  joignant  àc  joindre  ;  moyennant  de 
moyenner  ;  pendant  de  pendre,  pris  dans  le  sens 
<lo  durer  ou  de  nôtre  pas  terminé,  comme  ijuand 
on  i\il  un  procès  pendant  au  parlement  ;  suivant, 
pris  du  verbe  suirre,  dans  le  sens  d'i-tJir,  comme 
(piand  on  d'il  je  suivr-aivos  ordres;  touchant, 
du  verbe  toucher.  Attendu,  excrpLé,  vu,  sont, 
dans  l'origine,  des  supins  des  verbes  attendre, 
excepter,  voir.  \'oilà  donc  des  prépositions  iléri- 
vécs;  en  voici  de  composées  :  attenant,  tenant  à, 
dcff^f  et  détenir;  hormis, i\\n  s'écrivait  il  n'y  a 
pas  longlein|!S  horsmi,  est  composé  de  la  prépo- 
sition simple  hors,  et  du  supin  mis  du  verbe 
rnettre;  inulgré  vient  de  mal  pour  mauvais,  el 
de  gré;  nonubslant  des  deux  mots  latins  non  ob- 
stans.  Chacune  de  ces  prépositions  n'est  (lu'un 
mot,  mais  ce  mot  résulte  de  l'union  de  plusieurs 
va-Ara  >n. 

Accidentel,  Accidemelle.  Adj.  qui  suit  tou- 
jours son  subst.    Une  circonstance  accidentelle. 

.\CCIDEMELLEMENT.     Adv.    Oo    pCUl    Ic     mCttrC 

entre  l'auxiliaire  et  le  participe.  Il  n'est  qu'ace '- 
denlcllement  impliqué  dans  cette  affaire. 

*  AccLAMATEUR.  Subst.  ui.  CcluI  (jui  concoui'l 
à  des  acclamaiions.  Lorsque  Néron  jouait  de  la 
lyre  sur  le  théâtre,  il  avait  pour  premiers  accla- 
mateurs  Sénèqtie  et  Burrhus.  L'Académie  n'a 
point  recueilli  ce  mot,  dont  plusieurs  bons  au- 
teurs se  sont  servis.  Il  n'a  point  de  féminin;  rien 
n'empêcherait  de  dira accïamutrice . 

AccoM.MODAiiLE.  Adj.  dcs  deux  genres.  11  suit 
toujours  son  subst.  Une  affaire  accommodable, 
une  querelle  accommodable . 

Accommodant,  Accommodante.  Adj.  verbal  lire 
du  v.  accommoder .  11  suit  toujours  son  subst. 
Un  homme  accommodant,  une  femme  accommo- 
dante. 

.\CCOMPAGNATEUR,    ACCOMPAGNEMENT,    ACCOjMPA- 

GNEB.  Dans  ces  irois  mots  on  mouille  gn. 

Accomplissement.  Subst.  m.  Ce  mol  n'a  point 
de  [ibiriel. 

Acconi).  Subst.  m.  On  dit  en  termes  de  musi- 
([ue,  qu'un  instrument  ne  tient  pas  l'accord,  ([ue 
les  cordes  d'un  instrument  ne  tiennent  pas  l'ac- 
cord; eu  ce  sens,  accord  ne  prend  point  le  plu- 
riel. Il  le  prend  (juand  il  signifie  l'union  de  plu- 
sieurs sons  eiUemius  a  lii  fois,  formant  ensemble 
une  harmonie  entière.  Utic  suite  d'accords  agréa- 
bles. Accord  s'emi)loic  dans  le  sens  d'arrange- 
ment, de  conciliation,  de  conformité  d'opinions, 
de  volontés.  Corneille  a  dit  dans  le  Menteur  : 
3Ion  ufl'aire  est  d'accord  (act.  lU,  se.  i"^,  17); 
el  VoUaire,  en  condamnant  cette  expression,  a 
remarqué  que  les  hommes  sont  d'accord,  el  que 
les  affaires  sont  accordées,  terminées,  accom- 
modées, finie.St  {Remarques  sur  Corneille.) 

En  ce  sens,  ce  mot  n'a  point  de  pluriel.  On 
ne  dit  point  les  accords  qui  régnent  entre  eux; 
mais  l'accord  qui  règne  entre  eux  ;  on  ilit  cet 
hommes  sont  d'accord,  et  non  pas  sont  d'accords. 

ylccord.  Terme  de  grammaire.  C'est  la  confor- 
iiMté  ou  ressemblance  qui  doit  se  trouver  dans  la 
même  proit-Asilion  ou  dans  la  même  énonciation, 
entre  ce  que  les  grammairiens  appellent  les  acci- 
dents des  mois,  tels  que  le  genre,  le  nombre  et  la 
personne;  c'est-à-dire  que  si  un  substantif  el  un 
adjectif  font  un  sens  partiel  dans  une  proposilion, 
et  qu'ils  concourent  a  l'ormcr  le  sens  tolal  de  cette 


ACC 

proposition,  ils  doivent  êlrc  au  même  genre  et 
au  même  nombre  ;  c'est  ce  qu'on  appelle  unifor- 
mité d'accidents,  concordance  ou  accord. 

On  distingue  dans  la  grammaire  française  Vac- 
cord  de  l'adjectif  avec  son  substantif,  Vaccord  du 
verbe  avec  son  sujel.  Dans  vn  homme  actif,  je 
remarque  que  les  adjectifs  un  et  actif  [loricnl  la 
marque  du  masculin  et  du  sinçul'er,  parce  que 
le  substantif /lom  me,  qu'ils  modilîent,  est  au  mas- 
culin et  au  singulier;  dans  des  femmes  actives, 
des,  ou  plutôt  les,  qui  entrent  dans  la  com|)osi- 
tion  de  ce  mot,  et  actives,  sont  dcuxmodificatifs 
ou  adjectifs,  qui  portent  la  marque  du  féminin 
et  du  pluriel,  parce  que  le  substantif /"cmmc*, 
qu'ils  modifient,  csi  au  féminin  et  au  pluriel.  Je 
dis  que  les  deux  adjectifs  jwrtent  la  marque  du 
féminin,  parce  que  les  se  dit  également  jwur  les 
deux  genres.  Voyez  .Idjectif. 

Cet  accord  de  l'adjectif  avec  son  substantif 
marque  le  rapport  d'identité  qui  est  entre  eux. 
Il  est  évident  que  l'adjectif  n'est  au  fond  que  le 
substantif  même  considéré  avec  la  qualité  que 
l'adjectif  énonce;  ainsi  l'adjectif  doit  énoncer  les 
mêmes  accidents  de  grammaire  que  le  substan- 
tif a  énoncés  d'abord,  c'est-à-dire  que  si  le  sub- 
stantif est  au  singulier,  l'adjectif  doit  être  au  sin- 
gulier, puisqu'ils  ne  sont  que  le  substantif  même 
considéré  sous  telle  ou  telle  vue  de  l'esprit.  Il 
en  est  de  même  du  genre. 

I.e  verbe  n'est  aussi  que  le  substantif  consi- 
déré avec  la  manière  d'être  que  ce  verbe  attribue 
au  substantif.  11  doit  donc  être  au  môme  nombre 
et  à  la  même  personne  que  le  substantif. 

Nous  dirons  au  mot  Adjectif  \.o\x\.  ce  qu'il  est 
nécessaire  de  savoir  sur  l'accora  de  l'adjectif  avec 
son  substantif;  nous  allons  parler  de  Vaccord  du 
verbe  avec  scn  sujet. 

La  règle  gonérale  est  que  le  verbe  doit  être  au 
même  nombre  et  à  la  même  personne  que  son  su- 
jet ;  Un  homme  dit;  des  hovimes  disent;  tu  dis  ; 
nous  disons.  Mais  celte  régie,  comme  celle  de 
l'accord  de  1  adjectif  avec  son  substantif,  donne 
lieu  à  plusieurs  observations. 

Un  verbe  se  met  souvent  au  pluriel,  quoiqu'il 
ait  pour  sujet  un  nom  collectif  singulier:  Une  in- 
finité dépens  pensent  ainsi;  la  plupart  se  lais- 
sent emporter  à  la  coutume.  Alors  le  verbe  se 
met  en  concordance  avec  la  pluralité  essentielle- 
ment comprise  dans  le  nom  collectif.  Mais  si  le 
nom  collectif  est  déterminé  par  un  nom  singu- 
lier, alors  le  verbe  se  met  au  singulier.  La  plu- 
part du  monde  ne  se  soucie  pas  de  l'intention  ni 
de  la  diligence  des  auteurs.  (Rac,  Préface  des 
Plaideurs.) 

Souvent  le  verbe  se  trouve  employé  au  singu- 
lier, quoicjue  la  proposition  semble  renfermer 
plusieurs  sujets  singuliers.  Analysons  quelques 
exemples  de  celte  nature,  et  établissons  des  rè- 
gles précises. 

Voltaire  a  dit  :  La  douceur  et  la  mollesse  de  la 
langue  italienne  s'est  insinuée  dans  le  génie  des 
auteurs  italiens.  {Essai  sur  la  poésie  épique, 
chup.  I.)  Quoique  le  sujet  soit  ici  composé  de  deux 
mots,  l'idée  n'en  est  pas  moins  une,  parce  que  la 
douceur  et  la  mollesse  d'une  langue  sont  deux 
qualités  tellement  analogues  et  inséparables , 
qu'elles  n'en  forment  qu'une  seule.  Le  sujet,  quoi- 
que composé  dans  l'expression,  est  simple  dans  la 
pensée;  et  le  verbe  mis  au  singulier,  loin  d'avoir 
rien  de  choquant,  satisfait  l'esprit,  parce  qu  il 
s'accorde  avec  la  forme  de  l'idée  qui  l'occupe. 
Le  même  auteur  dit  :  L'homme  et  ta  femme  est 
chose  bien  fragile.  Les  mêmes  raisons  établissent 


ACC 


J7 


la  régularité  de  cette  énonciation.  L'homme  et  la 
femme,  divisis  p;ir  les  mots,  sont  ixMiiiis  par  la 
pensée  ;  on  ne  les  considère  que  comme  une  seule 
es|)éce,qne  comme  une  seule  chose;  ils  ne  for- 
ment qu'une  seule  idée,  l'esiMice  humaine.  Le  su- 
jet, (juoique  multiple  dans  l'expression,  est  un 
dans  la  pensée  ;  et  le  verbe  au  sin;:\ilicr  parait 
élégant,  parce  qu'il  est  en  concordaïuc  avec  cette 
unité.  Massillon  était  guidé  par  les  uiéuies  prin- 
cipes lorsqu'il  a  dit  ;  La  politesse  et  VuHhbilité 
est  Za  seule  distinction  qu'ils  affectent  [Sur  l'hu- 
manité des  grands,  t.  1,  p.  ;)78.)  La  p'iitessc  et 
l'affabilité  sont  considérées  connue  une  seule 
chose,  comme  une  distinction  ;  le  sens  est  :  il$ 
n'affectent  qu'une  seule  distinction,  cl  cette  dis- 
tinction est  composée  de  la  politesse  et  de  l'affa- 
bilité. 

Etablissons  donc  pour  règle  que,  loi'squc  le 
sujet  est  composé  de  plusieurs  substantifs  expri- 
mant des  idées  partielles  qui  n'en  font  qu'une  par 
leur  nature,  ou  qui  sont  présentées  dans  la  pro- 
position comme  n'en  faisant  (ju'une,  Vaccord  se 
fait  avec  l'idée  >imple  qui  est  dans  Tf^sprit,  plu- 
tôt qu'avec  les  idées  partielles  qui  sont  dans  les 
mots. 

Quelques  grammairiens,  observateurs  plus  at- 
tentifs des  mots  ([uc  des  pensées,  ont  trouvé  de 
l'irrégularité  dans  les  phrases  suivantes  : 

Une  pâleur  de  défaillance,  une  sueur  froide 
se  répand  sur  tous  ses  membres.  (Fénelon.) 

La  gloire  et  la  prospérité  des  méchants  CSt 
courte-  (Le  même.) 

Chaqtie  état  et  chaque  âge  a  ses  devoirs. 
(J.-J.  Rousseau.) 

Soit  dans  le  tragique,  soit  dans  le  comique,  le 
tutoiement  sera  toujours  décent  de  l'amant  à  la 
maîtresse,  lorsque  l'innocence,  la  simplicité ,  la 
franchise  des  mœurs  l'aulorii-era  (Marmoutel, 
Eléments  de  littérature,  ari.  Tutoiement.) 

Mais  ils  n'ont  pas  remarqué  que  dans  ces  fa- 
çons de  s'exprimer,  il  y  a  réellement  autant  de 
propositionsqu'ily  a  de  sujets.et  que  le  verbe  au 
singulier,  en  réunissant  toutes  ces  propositions 
en  une  seule,  se  présente  comme  pouvant  être 
répété  et  dit  séparément  de  chaque  sujet.  Dans 
U7ie  pâleur  de  défaillance,  une  sueur  froide  se 
répand  sur  tous  ses  membres,  il  y  a  évidemment 
deux  propositions  distinctes;  cir  une  pâleur  de 
défaillance  ne  se  répand  pas  sur  tous  les  mem- 
bres de  la  même  manière  qu'une  sueur  froide.  Il 
y  a  deux  actions  différentes,  deux  sujets  diffé- 
rents, et  par  conséquent  deux  proiiosil ions  diffé- 
rentes. C'est  une  pâleur  de  défaillance  se  ré- 
pand, etc.,  et  une  sueur  froide  se  répand,  etc. 
Le  singulier  est  mis  pour  l'un  et  pour  l'autre;  i! 
indique  qu'il  s'accorde  distrihutivemcnt  avec 
l'un  et  avec  l'autre  sujet,  et  non  avec  les  deux 
ensemble.  Dans  la  gloire  et  la  prospérité  des 
méchants  est  courte,  c'est  absolument  la  même 
chose.  Le  terme  de  la  gloire  n'est  pas  le  même 
que  celui  de  la  prospérité;  chacune  est  courte  à 
sa  manière,  chacune  est  le  sujet  d'une  proposi- 
tion qui  est  réellement  différente,  (pioiqu'ellcsoit 
exprimée  dans  les  mêmes  termc-s. 

Certainement  on  s'exprimerait  mal  en  disant 
Chaque  état  et  cJmque  âge  ont  leurs  devoirs. 
parce  que  l'on  confondrait  les  devoirs  aes  états 
avec  ceux  des  âiies.  Leurs  au  pluriel  mdiquc 
plusieurs  choses  qui  appartiennent  a  plusieurs.  Il 
faut  donc  dire,  chaque  âge  et  chaque  état  a  ses 
devoirs  (J.-J.  UoLss.,  Emile),  ce  qui  signiDe 
chaque  âge  a  ses  devoirs  et  chaque  état  a  sesdj- 
voirs,  et  forme  deux  propositions  distinctes  dtno 


li 


ACC 


le  verbe  commun,  étant  au- singulier,  se  rapporte, 
sous  celle   forme,  à  l'une  ou  à  l'autre. 

Une  preuve  évidente  que  l'exemple  tiré  de 
Marmnnicl  est  régulier  avec  la  forme  du  singu- 
lier, c'est  qu'avec  celle  forme  il  exprime  une  idée 
particulière,  et  qu'avec  celle  du  ]iltiriel  il  en  ex- 
primerait une  autre.  Le  tutoiement  sera  toujours 
décent  de  Vamantù  la  viakresse,  lorsque  l'inno- 
cence,la  simplicité,  la  franchise  des  mœurs  lau- 
loriscra,  c'csi-â-dire  lorsqu'il  sera  autorisé  ou  par 
l'innocence,  ou  par  la  siniplieité,  ou  par  la  fran- 
chise des  mœurs.  Une  seule  de  ces  trois  choses 
suflira  pour  rendre  le  tutoiement  décent.  Substi- 
tuez le  pluriel  au  singulier,  mettez  avtoriseront 
au  lieu  ^autorisera,  et  cela  signifiera  que  le  tu- 
toiement ne  sera  décent  cpic  lorsqu'il  sera  auto- 
risé par  ces  trois  choses  réunies,  l'innocence,  la 
simplicité  et  la  franchise  des  mœurs.  Or,  deux 
manières  de  s'exprimer  sont  bonnes,  lorsqu'elles 
expriment  deux  vues  différentes  de  l'esprit. 

Etablissons  donc  pour  règle  que  dans  les  pro- 
positions où  il  y  a  plusieurs  sujets,  le  verbe  doit 
être  mis  au  singulier  lorsque  le  sens  indi(iuc  que 
ce  verbe  doit  cïrc  répété  pour  former  aulant  de 
propositions  qu'il  y  a  de  sujets;  ou  lorsque  celui 
qui  écrit  ou  qui  parle  n'a  intention  de  lier  le 
verbe  qu'à  lunou  à  l'autre  des  sujets,  et  non  à 
tous  les  sujets  ensemble. 

Mais  vous  ne  direz  pas  comme  La  Bruyère,  le 
bien  et  le  mal  est  en  ses  mains,  parce  que  le  bieii 
et  le  mal  ne  forment  pas  chacun  un  sujet  singu- 
lier du  même  verbe,  et  qui  exige  la  répétition  de 
ce  verbe;  mais  qu'ils  forment  tous  deux  un  su- 
jet commun,  qui  convient  au  verbe  d'une  ma- 
nière uniforme,  qui  régit  ce  verbe  au  pluriel, 
parce  qu'il  est  composé  de  deux  sul)slantifs. 

La  grandeur  et  la  simplicité  de  cette  idée  éle- 
vèrent mon  âme,  et  non  pas  élcra,  comme  a  dit 
Thomas  {Eloge  de  Marc  Avrèlc,  tom.  I,  p.  563), 
parce  que  la  grandeur  et  la  simplicité  concou- 
rent à  la  même  action,  et  conviennent  au  verbe 
de  la  même  manière. 

On  m'objectera  sans  doute  que  toute  proposi- 
tion qui  a  plusieurs  sujets  peut  être  décomposée 
en  aulant  de  propositions  qu'elle  a  de  sujets.  Par 
exemple,  dans  la  raison  et  la  vertu  conduisent 
au  bonheur,  il  y  a  réellement  deux  propositions  : 
la  raison  conduit  au  bonheur,  et  la  vertu  con- 
duit au  bonheur.  Or,  dira-l-on,  si  l'on  doit  mettre 
le  verbe  au  singulier  toutes  les  fois  que  cette  dé- 
composition peut  avoir  lieu,  il  faudra  mettre  au 
singulier  tous  les  verbes  de  ces  jyroposilions,  et  la 
règle  générale  sera  détruite. 

Je  réponds  à  cela  que,  quand  je  dis  que  le 
verbe  doit  être  mis  au  singulier  toutes  les  fois 
que  la  phrase  qui  a  plusieurs  sujets  comprend 
plusieurs  propositions,  je  ne  parle  que  des  pro- 
positions différcnlcs,  et  dont  l'altribut  ne  con- 
vient pas  au  sujet  de  la  même  manière.  Dans  lu 
phrase  qu'on  vient  de  donner  pour  exemple,  l'at- 
tribut conduit  au  bonheur,  convient  de  la  même 
manière  à  chatiue  ^ujei  ;  la  raison  conduit  au 
bonheur,  la  vertu  conduit  au  bonheur;  c'est 
l'homme  qui  est  également  conduit  au  bonheur 
par  la  raison  et  par  la  vertu  ;  et  il  n'y  a  pomt  de 
différence  entre  ces  deux  propositions  prises  cn- 
seiTiblc,  cl  la  proposition  composée  qui  les  réunit. 

Mais  (juand  je  dis  chaque  état  et  chaque  âge  a 
ses  devoirs,  l'altribut  ne  convient  pas  a  cha<iue 
sujet  de  la  même  manière;  car  les  devoire  decha- 

Se  étal  ne  sont  pas  les  devoirs  de  ciiaque  <nge. 
tte  différence  reste  sensible  dans  la  phrase  pro- 
posée, chaque  état  et  chaque  âge  a  sas  devoirs  ; 


ACC 

elle  disparaîtrait  si  l'on  iWsa'û  chaque  état  et  cha* 
que  âge  ont  leurs  devoirs,  et  les  idées  seraient 
confondues,  (l'est  à  celle  dilférence,  qui  résulte 
de  la  nature  des  idées,  qu'on  reconnaîtra  (|ue  le 
verbe  doit  être  mis  au  singulier;  et  cette  forme 
du  verbe,  qui  rendra  la  proposition  elliptique,  an- 
noncera (pi'elle  comprend  i)lusieurs  proiwsitions 
d'une  nature  différente,  cl  (jue  le  verbe  est  .sous- 
cnleiidu  aulant  de  fois  qu'il  y  a  de  sujets  dans  la 
phrase. 

Au  contraire,  dans  l'exemple  que  je  me  suis 
proposé,  la  proposition  est  pleine;  car  elle  com- 
prend explicitement  tous  les  mots  nécessaires  à 
l'expression  analytique  de  la  pensée;  et  si  elle 
peui  être  déconqîosée  en  deux  i)roposilions  jwr- 
tielles,  c'est  une  simple  opération  logique,  mais 
non  une  dislinelion  grammaticale  fondée  sur  des 
rapports  différents.  .\insi,deux  circonstances  au- 
torisent à  mettre  au  singulier  un  verbe  qui  a  plu- 
sieurs sujets  :  1°  la  ressemblance  de  ces  sujets, 
comme  dans  la  douceur  et  la  mollesse  de  la  langue 
italienne  s'est  insinuée  dans  le  génie  des  auteurs 
italiens;  2"  la  différence  de  ces  sujets  par  rap- 
port a  l'attiibut  de  la  proposition,  comme  dans 
chaque  état  et  chaque  âge  a  ses  devoirs. 

Les  grammairiens  disent  que  dans  le  cas  où 
l'un  des  deux  substantifs  sujets  serait  au  plu- 
riel, on  ne  pourrait  employer  que  le  pluriel. 
Cependant  Racine  a  dit  dans  Mithridate  (act.  V, 
se.  IV,  dul]  : 

Quel  nouveau  trouble  excite  en  mes  esprits 

Le  sang  du  père,  ô  ciel,  et  les  larmes  du  fils  ! 

et  si  l'on  voulait  trouver  une  irrégularité  dans 
ces  vers,  j'ajouterais  qu'après  plusieurs  substan- 
tifs sujets,  dont  les  uns  sont  pluriels  et  le  der- 
nier singulier,  on  met  ordinairement  le  verbe  au 
singulier.  C'est  ainsi  que  l'on  dit,  non-seulement 
tousses  honneurs  ettoutes  sesrichesses,mais  toute 
sa  vertu,  s'évanouit  (Beauzée),et  non  pas  s'éva- 
nouirent. C'est  qu'ici  il  y  a  plusieurs  sujets  qui, 
ne  convenant  pas  tous  à  l'attribut  de  la  même 
manière,  doivent  y  être  joints  chacun  à  part;  ce 
qu'annonce  le  verbe  au  singulier,  qui  rend  la  pro- 
position elliptique,  et  marque  que,  pour  la  ren- 
dre pleine,  il  faut  qu'il  soit  répété  aulant  de  fois 
qu'il  y  a  de  sujets,  et  avec  des  formes  analogues 
à  chacun  d'eux  ;  et  je  dis  que  le  verbe  au  singu- 
lier marque  la  nécessité  de  celle  répétition,  parce 
que,  par  sa  forme  singulière,  il  ne  peut  pas  con- 
venir à  tous  les  sujets  ;  parce  que,  par  cette  niême 
forme,  il  ne  pourrait  convenir  (ju'à  un  seul,  et 
qu'il  faut  {«r  conséquent  le  regarder  comme  une 
expression  elliptique  qui  équivaut  à  trois  expres- 
sions semblables,  sous  les  formes  déterminées  per 
les  accidents  de  chaque  sujet;  c'csl-à-dire  que 
celle  phrase  a  la  force  de  ces  trois  propositions: 
tous  ses  honneurs  s'évanouirent,  toutes  ses  n~ 
chesses  si' évanouirent,  toute  sa  vertu  s'évanouit. 

On  dit  vous  et  moi  nous  sommes  contents  de 
notre  sort;  parce  que,  qiioiq\ie  vous  soit  de  la 
seconde  [)ers(3nne,  il  devient  réellement  pronom 
de  ia  première,  lorsque ave<:  nn  pronom  de  la  pre- 
mière il  concourt  à  former  le  sujet  total  de  la  pro- 
|)Osilion,  et  ()ue  ces  deux  pronoms  sont  confon- 
dus dans  l'expression  nous.  C'est  par  une  raison 
semblable  qu'on  dit  vous  et  lici  savez  la  chose. 

Par  une  conséquence  des  règles  que  nous  ve- 
nons d'établir,  la  forme  du  singulier  ou  celle  du 
pluriel  doit  être  préférée  pour  les  verbes  qui  c-it 
plusieurs  sujets  liés  par  la  conjonction  ô«,-  "it 


ACC 

voici,  à  cet  égard,  les  observations  qui  doivent 
servir  de  guide. 

S'il  n'y  a  qu'un  des  sujets  qui  puisse  avoir  fait 
l'action,  l'attribut  ne  peut  olrc  dit  que  d'un  de  ces 
sujets,  et  non  de  tous  les  sujets  ensemble;  il  faut 
donc  employer  le  singulier.  Ainsi  les  phrases  sui- 
vantes sont  régulières  :  C'est  Cicéron  ou  Diimos- 
thènes  qui  a  dit  cela  ;  c'est  le  soleil  ou  la  terre  qui 
tourne.  C'est  comme  si  l'on  disait  :  c'est  Cicé- 
ron qui  a  dit  cela,  ou  c'est  Démosthènes  qui  a  dit 
cela;  c'est  le  soleil  qui  tourne,  ou  c'est  lu  terre 
qui  tourne.  L'allcrnalive  est  également  marquée 
dans  les  deux  propositions  séparées  ou  réunies. 

Si  les  deux  sujets  peuvent  concourir  ensemble 
à  l'action,  il  n'en  l'nut  pas  moins  employer  le  sin- 
gulier, parce  (pie  la  conjonction  ou  indique  sépa- 
rément l'action  de  l'un  ou  de  l'autre,  et  que,  pur 
le  moyen  de  cette  conjonction,  la  simultanéité  de 
l'action  n'est  plus  comprise  comme  possible  dans 
le  sens  de  la  phrase  :  Son  père  et  sa  mère  peu- 
vent obtenir  cela  de  lui.  La  simultanéité  d'ac- 
tion est  comprise  dans  le  sens  de  la  phrase,  et 
indiquée  par  la  conjonction  et.  Mais  je  ne  peux 
pas  dire,  ce  sera  son  père  ou  sa  mère  qui  obtien- 
dront cela  de  lui,  parce  que  la  conjonction  ou  in- 
dique qu'ils  n'obtiendront  pas  ensemble,  mais 
que  ce  sera  l'un  ou  l'autre  qui  obtiendra.  Il  faut 
donc  mettre  le  singulier.  11  faut,  par  la  même 
raison,  dire  comme  Massillon,  notre  perte  ou 
notre  salut  n'est  plus  une  affaire  qui  vous  inté- 
resse [Ecueils  de  la  Piété,  1. 1,  p.  51)4)  ;  comme 
Bossuet,  en  quelque  endroit  du  monde  que  la  cor- 
ruption ou  le  hasard  les  jette  {Oraison  fun.  de 
la  ducli.  d'Orléans,  p.  77)  ;  et  comme  Fénclon, 
en  quelque  endroit  des  terres  inconnues  que  la 
tempête  ou  la  colère  de  quelque  dii-initél'ai\jeté. 
{Télém.,  liv.  IX,  1. 1,  p  321.)  Il  faut  dire  aussi, 
peut-être  qu'un  jour,  ou  la  honte,  ou  l'occasion, 
ou  l'exemple,  Zeur  donnera  un  meilleur  aris,  et 
non  passeur  don ?iero-nt, comme  \c  veut  Vaugelas; 
car  le  verbe  i.e  peut  se  rapporter  ici  qu'à  l'un  ou 
à  l'autre  des  sujets,  et  non  à  tous  les  sujets  en- 
semble. 

Si  les  deux  sujets  sont  supposés  avoir  opéré  de 
la  même  manière,  à  part  et  dans  des  temps  diffé- 
rents et  indéterminés,  le  verbe  doit  être  mis  au 
pluriel.  Ainsi  Massillon  a  dit,  le  bonheur  ou  la 
témérité  ont  pu  faire  des  héros.  {Triomphe  de  la 
Religion,  t.  1,  p.  GU7.)  Ainsi  l'on  pourra  dire  d'a- 
près cet  orateur,  l'amour  ou  l'ambition  on\.  pro- 
duit de  grandes  actions. 

Lorsque  plusieurs  sujets  concourent  tour  à 
tour,  ou  dans  différentes  circonstances,  à  produire 
une  action  habituelle,  il  faut  mettre  le  verbe  au 
pluriel  ;  car  l'action  habituelle ,  considérée  comme 
telle,  a  réellement  les  deux  sujets  pour  cause. 
Buffon  a  dit  en  parlant  de  la  souris,  tapeur  ou  le 
besoin  font  tous  ses  mouvements;  c'est-a-dire  tous 
les  mouvements  de  la  souris  ont  pour  cause  tan- 
tôt la  peur,  tantôt  le  besoin.  (Tom.  XIll,  p.  211).) 
J.-J.  Eoussciiu  a  dit  aussi,  le  temps  ou  la  mort 
sont  nos  remèdes  ;  c'est-a-dire,  nos  remèdes  sont 
composés  du  temps  et  de  la  mort,  et  nous  pouvons 
éprouver  ou  choisir  l'un  ou  l'autre. 

Dans  le  cas,  disent  les  grammairiens,  où  des 
deux  noms  sujets,  l'un  e^t  au  singulier  et  l'autre 
au  pluriel,  c'est  le  nombre  du  dernier  qui  règle 
l'accord.  Le  crcdit  que  cette  place  donne,  ou  les 
émoluments  qui  y  sont  attachés  la  lui  font  re- 
chercher ;  ou,  les  émoluments  qui  sont  attachés 
à  cette  place,  ou  le  crédit  qu'elle  donne,  la  lui 
fait  rechercher. 

Je  ne  sais  si  celte  règle  est  bien  exacte;  mais 


ACC 


19 


S!  j  avais  a  choisir  euuo  les  deux  phrases,  je  pré- 
férerais la  dernière,  où  le  verbe  est  au  sini;ulier 
parce  (jue  le  verbe  ne  \\c\x\.  se  rapporter  qu'a  l'un 
ou  a  l'autre  des  sujets,  rt  (pic  lo  pluriel,  ni  r,,r- 
maiit  une  proiiosilioii  pleine,  s.Miiblf  le  rapporter 
a  tous  les  deux  ensemble,  le  sin:;uUiT,  au  i-on- 
traire,  ne  rapiwrtanl  le  verbe  «pi'a  un  sujpi,  in- 
dique  une  propusilion  elliptique  (pie  ^e^pril  c>l 
obligé  de  remiilir;  et  le  rapi)ort  de  cIkkiuc  sujet 
est  distingué. 

On  dit  c'est  toi  ou.  moi  qui  avons  fait  ccUi, 
parce  que  77<otne  |)eut  régir  que  la  i)remicre  per- 
sonne, et  que,  joint  à  un  autre  pronum  ou  a  un 
nom  substantif,  il  forme  un  nom  pluriel.  On  dit 
par  la  même  raison,  c'est  lui  ou  min  r/wcavons  fait 
cela.  11  en  est  de  même  de  toi,  (pii  ivgil  n.Tcss'ii- 
rement  la  seconde  [jcrstume;  et  l'on  dit  c'est  lui 
ou  toi  qui  avez  fait  cela.  Dans  ces  cas,  c'est  tou- 
Joui-s  le  pronom  de  la  iKTsonne  ([ue  les  grammai- 
riens appellent  la  [)lus  noble  (jui  précède  le  verbe 
et  en  détermine  la  forme.  Or,  selon  les  grammai- 
riens, la  première  personne  est  plus  nubfe  (]ue  la 
seconde,  et  la  seconde  ([ue  la  troisième.  Ainsi 
l'on  ne  pourrait  pas  dire,  c'est  moi  ou  lui  qui 
avons  fait  cela;  c'est  toi  ou  lui  qui  avez  fait 
cela. 

Quelquefois  certains  mots,  tels  que  chacun, 
personne,  nul,  rien,  tuut,  réunissent  tous  les  su- 
jets en  un  seul;  alors  le  verbe  se  met  au  singu- 
lier :  Lois,  police,  discipline  militaire,  marine, 
commerce,  manufactures,  sciences,  beuux-urts, 
tout  s'est  perfectionné.  (\'oIlaire.)  Les  hommes, 
les  femmes,  /es  enfants,  chacun  cherchait  son 
salut  dans  la  fuite,  f^ieillurds,  femmes,  enfants, 
nul  n'échappa  au  carnage,  etc.  Dans  toutes  ces 
phrases  il  y  a  ellipse,  et  il  faudrait,  pour  les  ren- 
dre pleines,  ou  répéter  le  verbe  avec  les  formes 
convenables  à  («haque  sujet,  ou  siqiprimcr  le  mot 
qui  réunit  tous  les  sujets,  et  employer  le  pluriel. 

Une  proposition  suit  toujours  sa  marche  natu- 
relle, et  s'accorde  seulement  avec  son  sujet,  quoi- 
qu'il y  ait  entre  ce  sujet  et  l'attribut  une  phrase 
incidente  qui  établit  quelipie  comparaison  ou  res- 
semblance entre  la  proposition  et  l'idée  exprimée 
par  celte  phrase  incidente  :  L'histoire,  ainsi  que 
la  physique,  «'a  commencé  à  se  débrouiller  que 
vers  la  fin  du  seizième  siècle.  ^A  oltaire,  /C.tsai 
sur  les  mœurs,  chap.  viii.)  La  vertu,  de  même 
que  le  savoir,  a  son  prix.  L'envie,  ainsi  que  les 
autres  passions,  est  peu  compatible  avec  le  bon- 
heur. La  force  de  l'ume,  comme  celle  du  corps, 
csl  le  fruit  de  la  tempérance.  (.Marmonlel.) 

On  demande  si  après  l'un  et  l'autre  en  doit 
mettre  le  verbe  au  singulier  ou  au  pluriel,  et 
dire,  par  exemple,  l'un  et  l'autre  est  bon,  eu  l'vn 
et  l'autre  sont  bons;  l'un  et  l'autre  ///e  gêne,  ou 
l'un  et  l'autre  me  gênent,  etc. 

Il  sera  aisé  d'êclaircir  celte  questi(3n  par  les 
lirincipes  que  nous  avons  posés.  S'il  s'agit  dans 
chiiquc  sujet  d'un  état  ou  d'une  a(  tioii  dil'fé- 
ronle,  c'est  le  singulier  qu'il  faut  employer;  s'il 
s'agit  du  même  état  ou  de  la  même  action,  c'est 
le  pluriel.  On  ne  dira  pas  l'un  et  l'autre  sont 
morts,  parce  (pie,  quoique  l'état  soit  seinlilable, 
il  n'est  pas  le  même.  Etre  mort  est  un  état  |)0iir 
l'un,  c\.être  mortcsl  un  élat  pour  l'autre.  11  faut 
dire  l'un  et  l'autre  est  mort;  mais  on  dira  l'un 
etl'autreme  trompent;  pjinc  «pie  l'un  et  l'autre 
concourent  à  faire  une  seule  et  même  action,  à 
me  tromper.  Si  je  veux  iiidi(iuer  (pie  de  deux 
choses  cliacunc  a  des  qualités  qui  la  rendent 
bonne,  je  dirai  l'une  et  l'autre  est  bonne.  Mais  si, 
considérant  ces  deux  choses  comme  concourant 


90 


ACC 


ou  pouvant  concourir  au  même  effet,  à  la  même 
action,  je  jutre  qu'elles  ont  l'une  et  l'autre  des 
qualités  proi)rcs  à  allcindrc  le  but  ou  à  procurer 
l'effet,  je  dirai  l'une  et  l'autre  sont  bonnes;  je  les 
réunis  dans  l'expression  comme  elles  sont  réu- 
nies dans  leur  concours  :  Lequel  vie  conseillez- 
vous  d'acheter  de  ces  deux  chevaux?  —  //  n'y  a 
pas  de  choix,  l'un  et  l'autre csl  bon.  —  Quels  sont 
les  deux  chevaux  que  je  dois  atteler  à  ma  voiture 
pour  arriver  prompte  ment? — Attelez  f^olaçe  et 
Brillant,  l'un  et  l'autre  sont  bons,  c'est-à-**'*^ 
ont  des  qualités  propres  à  concourir  à  mener  vo- 
tre voiture  avec  célérité.  Ils  7n' aperçoive  ni  en 
même  temps,  je  prends  la  fuite;  l'un  et  l'autre 
me  poursuivent  ;  ils  font  ensemble,  et  de  la  môme 
manière,  une  action  qui  tend  au  même  but,  à 
m'atteindre.  -le  dirai  l'un  et  l'autre  m'a  refusé, 
s'il  s'agit  d'offres  dinérenles,  ou  de  refus  faits  en 
différents  temps;  je  dirai  l'u7i  et  l'autre  7n'on\. 
refusé,  s'il  s'ai-'it  d'une  offre  commune  et  d'un 
refus  fait  en  même  temps  ])ar  tous  les  deux.  J'ai 
ru  le  père  et  la  vicrc,  l'un  et  l'autre  m'OM  promis 
leur  fille  en  mariage  ;  ils  m'ont  fait  la  môme  pro- 
messe, une  promesse  qui  no  pouvait  être  de  quel- 
que valeur,  si  elle  n'avait  pas  été  faite  par  l'un  et 
par  l'autre.  C'est  sans  doute  d'après  celte  consi- 
dération que  Racine  a  dit  dans  Bajazet  : 

L'un  cl  l'autre  ont  promis  Allialide  à  ma  foi. 

(Act.  I,  se.  I,  176.) 

Et  dans  Mithridate  : 

L'un  et  l'autre  à  la  reine  ont-ils  esc  prétendre? 

(Act.  II,  se.  III,  42.) 

Dans  ces  deux  exemples,  les  deux  sujets  font  en- 
semble la  même  action ,  tendent  ensemble  au 
même  but. 

Etudiez  ia  cour  et  connaissez  la  ville; 

L'une  et  l'autre  est  toujours  en  modèles  fertile. 

(BoiL.,  A.  P.  III,  391.) 

La  cour  a  ses  modèles  qui  lui  sont  propres,  la 
ville  a  aussi  les  siens. 

L'un  et  l'autre  dès  lors  vécut  à  l'aventure. 

(BoiL.,  sat.  X.  505.) 

Ils  vécurent  tous  deux  à  l'aventure,  mais  chacun 
y  vécut  à  part. 

.  L'un  et  l'autre  rival,  s'arrétant  au  passage. 
Se  mesure  des  yeux,  s'observe,  s'envisage. 

(BoiL.,  Lutr.,  i,  113.) 

Ici  la  distinction  des  propositions  est  bien  sensi- 
ble; chacun  mesure  et  est  mesuré,  observe  et  est 
observé,  envisage  et  est  envisage;  chacun  fait  des 
actions  semliialiios,  mais  qui  ne  sont  pas  les  mé- 
Iies,  puisqu'elles  ont  des  oitjcis  (iifféients. 
Vollairea  bien  dit  dans  l'Orphelin  de  la  Chine  : 

Votre  époux  avec  lui  termine  sa  carrière; 
L'un  et  l'autre  bientôt  voit  son  heure  dernière. 

(Act.  V,  se.  I,  15.) 

Chacun  voit  l'heure  dernière  qui  lui  est  propre. 

Mais  peut-cire   pourrait-on  trouver  quelque 

irrégularité  dans  le  vers  suivant  du  même  auteur  : 

L'un  et  l'autre  à  ces  mots  ont  levé  le  poignard. 

(.W^r.,act.  Il,  se.  ii,  35.) 

Chacun  à  part  a  levé  le  poignard  ;  il  y  a  deux  ac- 
tions, il  fallait  le  singulier  ;  telle  est  la  loi  grain- 


ACC 

maticale.  Mais  si  l'on  considère  qu'un  homme 
effrayé  à  la  vue  de  deux  assassins  iiui  lèvent  le 
poignard  sur  lui,  ne  voit  en  effet  qu'une  seule 
action,  l'aeiion  tjui  le  menace,  deux  poignards  le- 
vés en  même  temps,  on  conviendra  "peut  être 
que  l'expression  préférée  par  Voltaire  a  beaucoup 
plus  de  vérité  et  d'énergie. 

Les  grammairiens  trouvent  plus  de  difficulté 
encore  à  distinguer  s'il  faut  mettre  le  verbe  au 
singulier  lorsque  plusieurs  sujets  sont  liés  par  ni 
l'un  7ii  l'autre,  ou  par  ui  répété.  Ce  qui  nous 
semble  conlirmer  les  principes  que  nous  avons 
établis  jusqu'à  présent  dans  cet  article,  c'est  qu'ils 
servent  encore  a  décider  celle  question.  S'agil-il 
d'un  clat  ou  d'une  action  (jui  ne  |)eut  convenir- 
qu'à  l'un  de  ces  sujets,  il  faut  mcltrc  le  singu- 
lier, puisque  le  verbe  no  peut  convenir  aux  deux 
sujets  ensemble,  et  que  s'il  convient  à  l'un  il  ne 
peut  pas  convenir  à  l'autre  :  ni  l'un  ni  l'autre 
«'est  mon  père.  11  serait  ai)surde  de  dire,  ni  l'un 
ni  l'autre  we  sont  mon  père.  C'est  par  la  même 
raison  qu'on  dira,  ni  l'un  ni  l'autre  ne  sera  noui- 
7né  à  cette  a7nbassade,  7ii  l'un  ni  l'autre  ne  sera 
préféré. 

S'il  s'agit  de  deux  étals  ou  de  deux  actions 
qui,  quoique  semblables,  sont  distingués  dans 
chaque  sujet,  il  faut  encore  le  singulier,  parce 
que  le  verbe  se  rapporte  dislribulivement  à  cha- 
que sujet,  et  non  à  tous  les  deux  ensemble  :  Ni 
l'un  ni  l'autre  jj'est  mort ,  ni  l'u7i  ni  l'autre 
«'a  fait  son  devoir.  L'état  de  l'un  est  semblable 
à  l'élat  de  l'autre,  mais  ce  n'est  pas  le  même; 
le  devoir  de  l'un  n'est  pas  le  devoir  de  l'au- 
tre. Mais  si  l'on  avait  imposé  comme  devoir  a 
deux  persoi>nes  de  faire  enscinble  la  même  ac- 
tion, il  faudrait  mettre  le  |)luriel,  parce  qu'ayant 
concouru  toutes  deux  à  la  même  action,  elles  se- 
raient le  sujet  pluriel  du  verbe  .  On  leur  avait 
ordonné  d'attaquer  ce  poste  ;  ils  7ie  l'ont  point  at- 
taqué :  ni  l'un  ni  l'autre  yi'oiit  fait  leur  devoir; 
c'est-à-dire,  n'ont  fait  le  devoir  commun  qu'on 
leur  avait  imposé  à  tous  deux,  et  qu'ils  devaient 
faire  concurremment.  Dans  ni  la  douceur  ni  la 
force  7ie  rebranlèrenl,  je  vois  deux  moyens  qui 
leiulenl  au  mémo  but,  et  j'admets  le  pluriel. 
Dansnil'un  niVautre  71e  ini  ébranlé  par  la  force, 
je  vois  deux  sujets  qui  éprouvent  successive- 
ment deux  effets  scinbiables,  mais  qui  ne  sont 
pas  le  même  effet  pour  l'un  et  pour  l'autre;  et, 
pour  marquer  celte  dislinction,  j'emploie  le  sin- 
gulier. 

Dans  ce  cœur  ni>illicureux  son  image  est  tr.icc'e 
La  ïertu  ni  le  temps  ne  l'ont  point  cffacce. 

(YoLT.,  OEd  ,  act.  III,  se.  i,  47.) 

Ici  deux  sujets  concourent  à  la  même  action,  il 
faut  le  pluriel. 

En  parlant  de  Corneille  el  de  Racine,  Boileau  a 
dit  :  Ni  l'un  ni  l'autre  ne  doit  être  mis  en  pa- 
rallèle avec  Euripide  et  avec  Stphocle.  (7'  Jié- 
flex.  crit.  sur  Longi7i.)  C'est,  d'un  côlé.  Corneille 
qui  ne  doit  point  être  mis  en  parallèle  avec  Euri- 
pide et  avec  So|)hoile  ;  el  de  l'autre.  Racine  qui 
ne  doit  point  être  mis  en  p;u'allèle  avec  ces  deux 
tragiques  grecs  ;  71I  Vun  ni  l'autre  71e  doit  être  mi^ 
071  parallèle;  le  singulier  est  exigé  par  la  nature 
de  l'idée  el  par  la  division  des  actions. 

On  a  beaucoup  disputé  aussi  pour  savoirs!  un 
ou  une,  suivi  de  de  ou  des,  régit  le  verbe  au  plu- 
riel ou  au  singulier,  el  s'il  faut  dire  U  fut  un  de 
ceux  qui  travailla  le  plus  efficacement  à  la  ruine 
de  sa  patrie,  ou  wh  de  ceux  qui  travaillèrent,  etc. 


ACC 

Mais  enfin  on  est  convenu  assez  i-'Onoraleuienl  des 
régies  suivantes,  qui  sonl  conliruiécspar  des  exem- 
ples lires  des  meilleurs  écrivains. 

Quand  le  mol  un  ou  ujte  joinl  au  mol  de  ou  des 
exclut  loule  idée  de  iiluralilù,  il  doit  régir  le 
verbe  au  singulier:  Une  des  inisèrcs  den  pcns  ri- 
ches QSl  d'être  trompés  en  tout.  (J.-J.  Rousseau, 
Emile,  liv.  I,  t.  VI,  p.  4(j.)  Ici  le  mot  une  exclut 
toute  idée  de  pluralité;  il  indiijue  la  uiisère  dont 
il  est  ici  question,  comme  la  seule  misère  des  gens 
riches  qui  convienne  à  être  trompés  en  tout,  ou 
plutôt  cette  misère  est  individualisée  par  ces 
mots;  car  le  véritable  sens  est  :  être  trompé  en 
tout  est  une  des  viisères  des  gens  riches. 

Mais  quand  un,  une,  n'a  rien  d'exclusif,  ni  par 
lui-mémo,  ni  i);ir  les  mots  qui  l'accompagnent,  il 
faut  faire  usage  du  pluriel.  Ainsi  il  faut  dire  : 
yotre  ami  est  un  de  ceux  qui  inaniiuèrent  de 
périr  dans  la  sédition,  et  non  i)as  qui  manqua, 
parce  que  le  mol  w«  avec  les  mots  qui  l'accom- 
pagnent, indique  plusieurs  personnes  qui  onli)ar- 
tagé  le  même  danger  ;  il  esl  donc  énumcratif,  et 
Don  exclusif.  C'est  ainsi  que  Boileau  a  dit  :  Le 
passage  du  Rhin  est  une  des  plus  meimeilleu- 
ses  actions  qui  aient  jamais  été  faites  ;  Racine  : 
comme  ce  dessein  m'a  fourni  une  des  scènes  qtii 
ont  le  i)lus  réussi  dans  ma  tragédie  [Préface  de 
Mithridate);  Massillon  :  Les  prospérités  humai- 
nes o\\\.  toujours  été  un  des  pièges  les  plus  dan- 
gereux [Sur  les  vices  et  les  vertus  des  grands, 
1. 1,  p.  6CU);  "Voltaire  :  L'un  de  ces  deux  hom- 
mes de  génie  gui  ont  présidé  au  Dictionnaire 
encyclopédique,  etc.  {^Préface  de  l'Ecossaise.) 

AccoRDADLE.  Adj.  dcs  ucux  genres.  Il  se  met 
toujours  après  son  subsl.  Une  grétce  accordahlc, 
des  plaideurs  qui  ne  sont  pas  uccordabhs. 

AccoRDAiLLEs.  Subst.  f.  qui  ne  s'emploie  qu'au 
pluriel  :  Faire  des  acccrdailles. 

Accordant.  Accordante.  Adj.  verbal  ijui  ne 
se  dit  qu'en  teruies  de  musique.  On  dit  des  tons 
accordants,  comme  on  dit  des  tons  discordants. 
Il  suit  toujours  son  substantif. 

Accorder.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  dit  en 
grammaire  de  l'action  de  mettre  dans  une  phrase, 
entre  les  parties  du  discours,  l'accord  exigé  par 
les  règles  de  la  granmiaire.  Fai7e  accorder  l'ad- 
jectif avec  son  substantif,  le  verbe  avec  son  su- 
jet. Voyez  Accord. 

Accorder,  dans  le  sens  de  reconnaître  pour 
vrai,  régit  que  avec  l'indicatif  si  la  phrase  est  af- 
firmative, et  avec  le  subjonctif  si  elle  est  néga- 
tive ;  J'accorde  que  cela  est  ;  je  71' accorde  pas  que 
cela  soit. 

Accordeur.  Subst.  m.  Ou  appelle  accordeurs 
d'orgues,  de  clavecins,  de  forte-pianos,  ceux  (jui 
foal  profession  d'accorder  ces  sortes  d'instru- 
ments. 

AccoRT,  AccoRTE.  Adj.,  de  l'italien  accorta. 
Qui  a  dans  l'esprit,  dans  l'humeur,  qucUiue 
chose  de  gracieux  ;  qui  annonce  des  dispositions 
franches  à  se  rendre  agréable,  à  complaire.  L'A- 
cadémie le  définit,  qui  esl  complaisant,  qui  s'ac- 
commode à  l'humeur  des  autres;  celte  définition 
donne  une  idée  fausse  de  ce  mol.  L'Académie  ne 
dit  pas  qu'il  a  vieilli.  Voltaire  regrette  qu'il  ne 
soit  plus  en  usage  dans  le  style  noble. 

AccoRTJSE.  Subst.  L  Ce  mot  n'est  pas  onticre- 
menl  du  style  familier,  comme  le  dit  l'Académie. 
Voltaire  a  dit,  dans  le  Siècle  de  Louis  XIF  : 
L'accortise  italienne  calme  la  vivacité  fran- 
çaise. 

AccosTABLE.  Adj.  dcs  deux  genres,  qui  suit 


ACC 


ii 


toujoui  s  son  subsl  ;  Un  homme  qui  n'est  pns  ac- 
costablc. 

AccoccHEMENT.  Subsl.  m.  L'ucuiucliement  et 
Venfantement  sont  deux  expressions  <|u'il  f.iul 
distinguer,  l. 'acco«c/(f mewi  coinincnd  mm-scule- 
mcnt  l'action  i)récisc  de  mettre  l'ciif.ini  au  monde, 
mais  aussi  tout  ce  ipii  prépare  et  aninnpagnc 
celte  action,  depuis  les  premicres  douleurs  jus- 
(ju'à  l'entière  délivrance;  c'est  l'expression  la 
plus  ordinaire.  Enfantement  se  dit  plus  rare- 
ment, et  n'a  rapport  qu'à  l'action  précise  de  mcl- 
Ire  l'enfant  au  monde,  h' accouche mml  n'est  pas 
douloureux  depuis  le  conunenccmenl  jusqu'à  la 
fin,  mais  seulemenl  par  inlervalles;  Venfuntcment 
est  douloureux  [tendant  toute  sa  durée;  voilà 
pourcjuoi  on  dit  les  douleurs  de  l'enfantement, 
et  non  pas  les  douleurs  de  l'accouchement,  quoi- 
qu'on puisse  dire  un  accouchement  dnuhiureuT. 

AccoucHEr..  V.  a.  cl  n.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe 
ne  signifie  pas  enfanter,  connue  le  dit  l'Acadé- 
mie ;  il  com|ircnd  tout  ce  (jui  précèiie  et  suit 
l'enfantemeni,  depuis  les|>remiàresdonlcurs  jus- 
(ju'à  l'entière  délivrance.  Enfanter  signifie  seu- 
lement produire  un  enfant,  abstraction  faite  de 
toutes  les  circonstances  ipii,  dans  l'ordre  de  la 
nature,  précédent  cl  accompagnent  celle  action  ; 
accoucher  comporle  l'idée  de  ces  circonstances, 
tn  parlant  de  la  ^  iergc,  on  dit  <]Wclle  enfantera 
un  fils,  qu'elle  a  enfanté  un  fils ,  pai'ce  (pfellc 
n'a  pas  été  sujette  à  toutes  les  circonstances  (|ui 
précèdent  et  accompagnent  les  acconchcments 
naturels.  On  ne  le  dit  guère  au  propre  (pie  dans 
ces  phrases.  Au  figuré,  on  dit  :  Jadis  la  terre  en- 
fanta des  géants  ;  on  ne  dit  pas  qu'elle  en  accou- 
cha, parce  qu'il  ne  s'agil  (pie  de  la  production, 
abstraction  faite  de  la  manière.  On  dil  en  plai- 
santant qu'MH  auteur  a  enfanté  un  gros  volume, 
et  qu'tZ  est  accouché  d'une  épigramme.  La  pre- 
mière action  est  une  production  lente,  et  (|ui  n'a 
point  de  rapport  avec  l'accouchcmcni  naluirl; 
la  seconde,  (|ui  suppose  une  action  faite  avec 
peine  et  douleur,  cl  en  un  inslanl  assez  court,  a 
plus  de  rai)port  à  cetaccouchemcnl, 

Ce  verbe  a  donné  lieu  a  tpieliiucs  difficultés. 
On  dil  ordinairement  qu'une  femme  est  accou- 
chée, pour  signifier  l'état  d'une  femme  (jui  vient 
de  mettre  un  eni'anl  au  monde;  et  (picl(|ucs 
grammairiens  veulent  qu'on  le  dise  également 
de  l'action  de  mettre  un  enfanl  au  monde, 
c'est-à-dire,  qu'on  dise  cette  femme  est  accou- 
chée, pour  dire,  celle  feunne  a  mis  un  enfant  au 
monde. 

Féraud  s'excuse,  dans  son  Dictionnaire  criti- 
que, d'avoir  dit  dans  son  Dicliomiaire  grammati- 
cal, eZ/e  a  accouché.  Cl  ai)iie!lc  cet  exempli;  une 
faute  grossière.  Cependant  le  Dictionnaire  de  l'A- 
cadémie dil  que,  pour  manjucr  l'action,  on  peut 
employer  l'auxiliaire  aroir.  Dans  l'édiliuii  du 
Diciionuaire  de  l'Académie  publiée  en  is:V6,  on 
trouve  les  exemples  suivants  ;  J'ai  accouché  avec 
de  cruelles  douleurs  ;  elle  a  accouché  très- coura- 
geusement. 

Le  verbe  accoî/c/tcr  est  actif  ou  neutre.  Actif, 
il  se  dil  de  l'action  d'un  accoucheur  ou  d'une 
sage-femme  qui  accouche  une  femine,  cl  il  iireiid 
l'auxiliaire  avoir.  C'est  cette  sagefcmmc  quil'n 
accouchée.  Neutre,  Il  se  dit  ou  de  l'action  d'une 
femme  (jui  met  un  enfant  au  inunde,  ou  de  l'état 
d'une  femme  qui  a  mis  un  enfant  au  monde.  Dans 
le  premier  cas,  il  prend  l'auxiliaire  aroir;  dans 
le  second,  l'auxiliaire  être  :  Celle  femme  a  ac- 
couche hier;  cette  femme  est  accuuchie  depuis 
deux  heures.  Si  l'on  vient  médire  :  Madame  S... 


22 


ACC 


est  accouchée,  et  que  je  désire  savoir  à  quelle 
heure  elle  a  mis  son  enfant  au  muinlc,  il  faudrait, 
selon  les  irrauunairiens  «ini  rejottcut  l'auxiliaire 
acoir,  <iue  je  disse,  à  quelle  heure  est-elle  accou- 
chée'/ et  l'on  pourrait  ine  répondre,  elle  est  ac- 
couchée à  l'heure  qu'il  est,  elle  est  accouchée  de- 
puis qu'elle  a  mis  un  enfant  au  monde.  Mais  si 
je  disais,  à  quelle  heure  a-t-elle  accouché'}  je 
m'expliquerais  clairement;  cela  voudrait  dire,  à 
quelle  licure  a-t-elle  fait  l'action  d'accoucher?  et 
il  faudrait  me  n-pondic,  elle  a  accouché  à  sept 
heures,  et  non  elle  est  accouchée  à.  sept  heures. 

Si  l'on  ne  pouvait  employer  l'auxiliaire  avoir 
avec  le  verbe  neutre,  il  n'y  aurait  aucun  moyen 
de  distinguer  l'action  de  l'état,  et  le  besoin  de 
renonciation  serait  sans  cesse  contraire  par  l'u- 
sage. 

Je  suppose  qu'une  femme  ait  mis  un  enfant  au 
monde  il  y  a  vingt  ans,  et  un  autre  enfant  hier 
seulement,  il  faudra  donc  que  je  dise  également  en 
parlant  de  l'un  et  de  l'autre  enfantcinenl,  elle  est 
accouchée.  Cependant  il  y  a  bien  de  la  diflcrence. 
Tne  femme  qui  a  accouché  il  y  a  vingt  ans  n'est 
plus  di'.ns  l'état  d'une  femme  accouchée,  elle  n'est 
plus  une  accouchée,  elle  n'est  plus  accouchée,  elle 
a  accouché.  Quant  à  l'accouchement  qui  a  eu  lieu 
hier,  je  jmis  dire,  elle  a  accouché  hier,  si  je  n'ai 
en  vue  que  1  action;  et  elle  est  accouchée,  si  je 
ne  considère  que  l'état.  Elle  a  accouché  heureu- 
sement, elle  a  accouché  avec  courage  ;  elle  est  ac- 
couchée, quand  elle  fut  accouchée  ,  quand  elle  fut 
dans  l'étal  d'une  femme  qui  a  mis  un  enfant  au 
monde  ;  quand  elle  eut  accouché,  quand  elle  eut 
fini  l'action  d'accoucher.  Voyez  Auxiliaire. 

AccoDRiR.  V.  n.  et  irrcg.  de  la  2'  conj.  Il  se 
conjugue  comme  courir,  si  ce  n'est  qu'il  prend 
tantôt  l'auxiliaire  avoir,  cl  tantôt  l'auxiliaire  être. 

Celte  différence  entre  ces  deux  verbes  vient 
de. ce  que  courir  n'exprime  qu'un  mouvement, 
qu'une  action  ;  au  lieu  que  dans  accourir ,  i\\\\ 
signifie  se  mctlre  en  mouvement  pour  arriver 
promplement  à  un  but,  on  distingue  deux  cho- 
ses :  l'action  do  se  mettre  en  mouvement  pour 
courir  vers  un  but,  et  l'état  qui  résulte  de  cette 
action  faite.  Dés  que  je  l'ai  entendu  se  plaindre, 
j'ai  accouru  à  son  secours;  arrivé  auprès  de  lui, 
je  lui  ai  dit,  je  suis  accouru  à  votre  secours. 
Dans  ce  moment,  j'étais  accouru  à  son  secours, 
-Vesl-à-dire,  j'étais  dans  l'élal  qui  résulte  de  l'ac- 
^n  d'accourir  au  secours  de  quelqu'un.  Voyez 
Auxiliaire . 

AccouTiMANCE.  Subsl.  f.  Cc  mol  vicillissait  déjà 
du  temps  de  Vaugelas;  il  avait  ensuite  repris  fa- 
veur, au  dire  du  père  Bouhours,  et  tous  les  bons 
écrivains  s'en  servaient.  11  est  encore  abandonné 
aujourd'hui,  et  l'on  ne  s'en  sert  que  dans  le  style 
maroliqiie.  Cependant  il  exprime  une  idée  qui 
revient  souvent,  et  il  n'y  a  pas  de  terme  dans  la 
langue  (jui  le  remplace  [larlaitcment.  Coutume, 
habitude,  ne  peuvent  le  suppléer  et  n'ont  pas  toul 
à  fait  le  même  sens.  Ces  deux  mots  marquent  une 
habitude  formi'C,  et  accoutumance  exprime  les 
actes  qui  la  forment.  Boileau  a  dit  dans  sa  tra- 
duction de  Longin  :  Un  esprit  abattu  et  comme 
dompté  par  l'accoutumance  au  joug,  n'oserait 
plus  s'enhardir  à  rien.  (Chap.  xxxv,  tom.  III, 
[i.  414.)  On  lit  dans  la  Logiijue  de  Port-Koyal  : 
La  capacitd  de  l'eprit  s'étend  ou  se  resserre  par 
l'accoutumance.  On  trouve  aussi  cette  expression 
('.ans  La  Fontaine  : 

Le  premier  qui  vit  un  chameau 
S'enfuit  à  cet  objet  nouveau  ; 


ACC 

Le  second  en  approclie,  un  troisième  sut  faire 

Un  licou  pour  le  dromadaire. 
L'accoutumance  ainsi  nous  rend  tout  faroîlier. 

(Liv.  IV,  fable  10.) 

Tous  les  bons  écrivains  regrettent  celle  expres- 
sion ;  il  ne  lient  qu'a  eux  de  la  faire  revivre. 

AccoL'TCMEB.  V.  a.  et  n.  de  la  1'=  conj.  Dans 
le  sens  actif,  il  régit  la  préix)sitioii  à  : 

Et  l'indigne  prison  où  je  suis  renfermé 

À  la  voir  de  plus  prés  m'o  même  accoutumd. 

(lUc,  Bajaz.,  act.  Il,  se.  lu,  59.) 

Dans  le  sens  neutre,  il  signilie  avoir  coutume,  et 
ne  s'emploie  qu'aux  temps  composés,  a\ec  l'auxi- 
liaire avoir,  ou  avec  l'auxiliaire  cire.  Avec  avoir, 
il  régit  la  préposition  de  :  Il  a  accoutumé  de  se 
lever  matin,  il  a  accoutumé  de  dîner  à  deux 
heures  ;  avec  l'auxiliaire  et, . ,  il  régit  la  préposi- 
tion à  :  Il  est  accoutumé  à  st  lever  mutin,  il  est 
accoutumé  à  dîner  à  deux  heures.  Ces  phrases 
signilienl,  on  l'a  accoutumé  ou  il  s'est  accou- 
tumé. Autrefois  on  le  disait  eu  ce  sens  des  cho- 
ses, avec  le  verbe  avoir  :  Ces  arbres  ont  accou- 
tumé de  donner  beaucoup  de  fruit,  l'autotnne  a 
accoutumé  d'être  pluvieuse,  .aujourd'hui  ces 
expressions  ne  sont  plus  usitées.  Avoir  accou- 
tumé se  dit  à  peine  des  personnes. 

s'Accoutumer.  \ .  pron.  L'Académie  ne  dit  que 
€  accoutumer  à,  mais  on  dit  aussi  s'accoutumer 
avec.  La  première  expression  s'emploie  dans  un 
sens  actif  ou  \)HiSi[  :  S'accoutu/ncr  au  travail,  à 
lu  fatigue,  à  la  peine,  au  froid;  la  seconde  ne 
marque  qu'une  habitude  de  liaison,  de  commu- 
nication :  Je  ne  saurais  m'accoutumer  avec  ces 
çre-'/s-Zà;  c'est-à-dire,  je  ne  saurais  me  conformer 
a  leur  Ion,  à  leurs  manières,  à  leurs  procédés,  etc.  : 
Il  faut  s'accoutumer  de  bonne  iicure  avec  ces 
sortes  d'idées,  si  l'on  veut  se  les  rendre  familiè- 
res. (Condillac.) 

Accrédité,  Accréditée.  Part,  passé  du  v.  ac- 
créditer. 11  se  dit  prhicipalcmcnt  des  hommes  pu- 
blics, qui  ont  une  mission  autorisée  dune  puis- 
sance auprès  d'une  autre.  Mais  voici  des  exem- 
ples qui  prouvent  qu'il  s'emploie  adjectivement 
dans  un  autre  sens  ;  Est-ce  donc  un  prodige  qu'un 
sot  riche  et  accrédité?  (La  Bruyère,  des  Biens 
de  fortune,  p.  281.)  Les  rois,  tous  les  jours 
moins  accrédites...,  crurent  n'avoir  pas  d'au- 
tre parti  à  prendre  que  de  se  mcttrn  e?itre  les 
mains  des  ecclésiastiques.  (Monlesquieu.) 

Accroc.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  point  le  c 
final.  L'Académie  ne  le  dit  que  d'une  déchirure 
faite  par  quelque  chose  qui  accroche  .  Il  y  a  un 
accroc  à  votre  robe.  Il  se  dit  aussi  de  ce  qui  ac- 
croche, de  ce  qui  déchire  :  J'ai  passé  auprès 
d'un  accroc  qui  a  déchiré  ma  robe.  Ce  n'est  n^éine 
que  dans  cette  acception  qu'on  dit  figurément, 
i\\iHl  est  survenu  un  accroc  «  une  affaire. 

Accroire.  V.  a.  de  la  4*  conj.  Il  n'csl  d'usage 
qu'à  l'infinitif  et  ne  s'emploie  qu'avec  le  verbe 
faire. 

Il  y  a  une  grande  différence  entre  faire  accroire 
et  faire  croire.  Ces  deux  expressions  signifient 
détemiiner  la  croyance;  mais /aire  accroire, c'est 
la  déterminer  sans  fondement  pour  une  chose  qui 
n'est  pas  vraie;  ci  faire  croire,  c'est  simplement 
déterminer  la  croyance,  avec  abstraction  de  toute 
idée  de  fondement  et  de  vérité.  On  ne  peut 
faire  accroire  que  ce  qui  est  faux,  ou  ce  que  l'on 
croit  faux;  on  peut  faire  croire  également  le  vrai 
et  le  faux.  Faire  accroire  ne  se  dit  que  des  per- 
sonnes, parce  (ju'il  n'y  a  que  les  persounes  qui 


ACH 

puisseiU  agir  de  propos  délibéré,  et  avec  inten- 
tion. Faire  croire  peut  se  dire  des  personnes  et 
des  choses,  parce  que  les  personnes  et  les  choses 
peuvent  également  déterminer  la  croyance  ,  et 
que  cette  piirase  fait  abstraction  de  toute  in- 
tention. Les  personnes /b«<  accroire  le  fiux,  les 
choses  font  croire  faussement. 

AccRoiTKE.  V.  a.  et  n.  de  la  'l' conj.  11  se  con- 
jugue comme  croître.  M.  de  Wailly  prétend  que 
ce  verbe,  probablement  dans  le  "sens  neutre, 
prend  pour  auxiliaires  être  ou  avoir.  11  prend 
sans  doute  avoir  quand  on  veut  exprimer  l'ac- 
tion, et  être  quand  il  est  question  de  l'état.  On 
devrait  donc  dire,  son  bien  a  accru  depuis  six 
mois,  et  son  bien  est  accru.  Mais  la  prononcia- 
tion de  a  accru  est  si  dure,  qu'il  est  bon  de  lé  - 
viler;  aussi  ce  mol  est-il  peu  usité  avec  cette 
forme.  iJuanJ  on  l'emploie,  ont  met  entre  a  et  ac- 
cru quelque  mot  qui  sauve  l'hiatus.  Son  bien  a 
considérablement  accru.  —  «  L'Académie,  dans 
sonZ>icito?iHai><?,  ne  cite  point  d'exemple  de  l'auxi- 
liaire acozr  joint  au  verbe  accmire;  et  il  noussem- 
blc  que  l'emploi  de  cette  locution  doit  cire  rare, 
parce  que  le  jiarliciiie  de  ce  verbe  constate  pres- 
que toujours  un  résultat.  Nous  pensons  donc 
qu'il  est  plus  régulier  de  dire  en  tout  cas  :  Son 
bien  s'est  accru  depuis  six  mais  n  (.\.  Lemaire, 
Grammaire  des  Gramjnaires,  p.  4/3.)  Voyez 
Auxiliaire. 

AcccEiLLiK.  T.  a.  et  irrégulier  de  la  2°  conj. 
li  se  conjugue  conuue  cueillir.  Voyez  ce  mot. 
Ou  mouille  les  /. 

AcccL.  Sul:st.  m.  Le  l  se  prononce. 

AccLSABLE.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne  le  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  accu  sable  ;  cet 
homme  n'est  pas  accusable. 

AcccsATECK.  Subst.  m.  11  a  pour  féminin  ac- 
cusatrice. 

Par  que!  caprice 
Liisîez-vouô  le  champ  libre  à  votre  accusatrice  ? 

(Rac,  Phèd.,  act.  Y,  se.  i,  10.) 

AcccsER.  A',  a.  de  la  1"  conj.  llacinc  a  dit 
dans  Iphigénie  : 

L;;le  était  à  Taotel,  et  peut-être  en  son  cœui 
Du  fatal  «scriGce  accusait  la  lenteur. 

(Acl.  Y,  se.  VI,  ii.) 

Delille  a  dit  dans  le  môme  sens  : 

Les  dieux  viennent  encore  accuser  ma  paresse. 

iÉnéidc,  IV,  SUô.) 

En  Tain  de  ton  départ 
Les  liens  impatients  accusent  le  retard. 

{Enéide,  III,  601.) 

Suivi  d'un  verbe  à  l'infinitif,  il  demande  la  jiré- 
position  de  :  Carthageaima  toujours  les  richesses, 
et  Jristote  l'accuse  d'y  être  attachée  jusqu'à  don- 
ner lieu  à  ses  citoyens  de  les  préférer  à  la  vertu. 
(Bossuet,  Disc,  sur  l'Hist.  univ.,  IIP  part., 
chap.  VI,  p.  4S3.) 

Acéphale.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

AcHARJiER.  V.  a.  delà  d"couj.  :  Hs  sontachar- 
nés  les  ur.i;  conlio  les  autres;  être  acharné  con- 
tre quelqti'un  ;  être  acharné  au  combat  : 

D'un  peuple  d'assassins  les  troupes  etTrénées, 
Par  devoir  et  par  zèle  au  c.nrna^'e  achaméej. 

(^'OLT.,  Uenr.,  u,  240.) 

fait  oeu  nour  son  courroux  d'avoir  détruit  Persaruc. 


ACll 


Ï3 


Peu  de  s'être  acluircic  i  -a  reste»  projcriu... 

(Uelilli,  Énéid;  Y,  1061.) 

Lu  vautour  sur  son  cœur  s'^chirno  incsntmment. 

(Dblille,  Énlid»,  YI,  791.) 

Achat.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  /. 

AcHÉnox.  Subst.  m.  Fleuve  dos  enfers.  Ou 
prononce  ché  comme  dans  chérir.  A  l'OiRTa  on 
prononce  ^i/irrcw.  ' 

AcHETEn.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  les  tcuiiis 
de  ce  verbe,  Vo  de  che  est  ouvert  lurs<iuc  la  syl- 
labe suivante  finit  par  le  son  d'un  e  muet  :  j'a- 
chète, lu  achèles.  j'achèterai;  il  est  muet  lors- 
que cette  syllabe  finit  partout  autre  son.  Nous 
achctvns,  vous  achetez.  Acheter  quclqvc  chose 
de  quelqu'un  a  seulement  rapport  a  l'action  do 
vendre,  abstraction  faite  de  toute  autre  idée.  On 
achète  tin  bijou  d'un  juif,  d'une  tnarchandc  à  la 
toilette;  on  achète  quel/ue  chose  d'un  passant. 
Si  une  personne  a  acheté  un  objet  que  l'on  soup- 
çonne avoir  été  volé,  le  juge  ne  lui  demande  |»as, 
«  qui  avez-Vius  acheté  cela?  mais,  de  qui  avez- 
vous  acheté  cela?  c'est-à-dire,  quelle  est  la  per- 
sonne qui  vous  a  vendu  cela?  A  qui  avez-vous 
acheté  ceia?  signifierait  à  quel  marchand,  à  quelle 
personne  vous  éles-vous  adressé  pour  acheter 
cela  ? 

Acheter  une  chose  à  quelqu'un  :  J'ai  acheté  ce 
cheval  à  mon  frère;  le  cneval  lui  appartenait.  J'ai 
acheté  ce  cheval  de  mon  frère  ;  il  était  chargé  de 
le  vendre.  J'ai  acheté  peur  mille  francs  de  mar- 
chandises à  ce  marchand,  ou  chez  ce  marchand. 
Lorsqu'on  met  le  pronom  au  lieu  du  substantif, 
on  ne  peut  pas  faire  cette  distinction.  On  dit  dans 
les  deux  cas,  je  lui  ai  acheté,  et  non  pas,  j'en  ai 
acheté. 

11  faut  faire  attention  ({n'acheter  quelque  chose 
à  quelqu'un  signifie  aussi  acJwter  pour  quel- 
qu'un; Elle  a  acheté  une  poupée  à  sa  fille,  signi- 
(ic  elle  a  acheté  une  poupée  pour  sa  fille.  Dans 
le  dessein  d'exj)rimcr  l'une  ou  l'autre  iuce,  il  faut 
s'expliquer  cluiremenl,  cl  de  manière  à  bannir 
toute  équivoque. 

AcHETELR.  Subst.  m.  .\cHETEisE.  Subst.  f.  Qui 
achète.  Onncditguèrc  acA<?/cMsc,  àmoins  quccc 
ne  soit  familièrement  pour  exprimer  le  défaut 
d'une  femme  qui  aime  à  acheter  souventet  sans 
nécessité  :  C'est  une  grande  achetcuse. 

Achever.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  Dans  les 
temps  de  ce  verbe  le  de  che  est  ouvert,  lorsque 
la  syllabe  suivante  finit  par  le  son  d'un  e  muet  : 
J'achève,  tu  achèves;  l'achèverai;  il  est  muel 
lorsque  cette  syllabe  finit  par  tout  autre  son  : 
nous  achevons,  vous  achevez.  Achever  une  en- 
treprise. On  ne  dit  pas  achever  une  affaire,  mais 
finir,  terminer  une  affaire. 

Dans  le  sens  neutre,  achever  régit  de  devant 
un  verbe:  Achevons  de  dUier.  Le  jeu  et  les  dé- 
bauches ont  achevé  de  le  perdre. 

L'Académie  ne  le  mel  point  avec  le  pronom 
personnel.  Cependant  Racine  a  dit  dans  Iphigé- 
nie : 

Ou  plutôt  leur  hymen  me  servira  de  loi  ; 

S'il  s'achève,  il  suffit 

(Act.  Il,  se.  I,  129.) 

Achevé,  Achevée.  Part,  passé  du  v.  achever. 
Achevé,  en  parhint  dos  personnes,  se  ditloujours 
on  mauvaise  part  :  C'est  un  f'U  achevé,  un  sut 
achevé,  un  scélérat  achevé.  {Dict.  de  l'Acad.) 
Mais  en  parlant  des  choses,  il  se  prend  toujours 
en  bonne  part  :  Un  ouvrage  aclievé,  une  leaute 


2i 


ACT 


acherée.  (Idem.)  Dans  la  dernière  édition  de  son 
Dictiunnaire  ,  l'Académie  répète  ces  exemjjles, 
mais  elle  n'établit  point  celte  distinction. 

Acier.  Siibst.  m.  le  Dictionnaire  de  l'.Jca- 
démie  n'indique  point  l'emploi  de  c«  mol  au  fi- 
tfurc.  Racine  a  dit  dans  Athalie  : 

J'ai  senti  tout  à  coup  un  homicide  acier, 
Que  le  traître  en  mon  sein  a  plongé  tout  entier. 

(.^cl.  II,  se.  V,  5i.l 

Je  Décrois  pas  qu'un  puisse  l'employer  ainsi,  si 
ce  n'est  en  vers  ou  en  prose  iwétique. 

AcQCÉREiT..  Subst.  m.  Le  c  ne  se  protioncc 
point.  Richelet  met  acqucreuse  au  fcminin.  I.'A- 
cadémie  ne  le  met  point.  Cependant  ce  mot  est 
quelquefois  nécessaire. 

Acquérir.  V.  a.  et  irrég.  de  la  2'  conj.  Le  c 
ne  se  prononce  point. 

Indicatif.  —  A-esen<.  J'acquiers,  tu  acquiers, 
il  acquiert;  nous  acquérons,  vous  acquérez,  ils 
•  cquiérent.  —  Imparfait.  J'acquérais,  tu  acqué- 
ais,  il  acquérait;  nous  acquérions,  vous  acqué- 
riez, ils  acquéraient.  —  Pai^e  simple.  J'acquis,  tu 
acquis,  il  acquit;  nous  acquîmes,  vous  acquîtes, 
ils  acquirent.  —  Futur.  J'acquerrai,  etc. 

Conditionnel.  —  J'acquerrais,  etc.;  nous  ac- 
querrions, etc. 

Impératif.  — Acquiers,  qu'il  acquière  ;  acqué- 
rons, etc. 

Subjonctif.  —  Présent  Que  j'acquière,  que  tu 
acquières,  qu'il  acquière;  que  nous  acquérions, 
que  vous  acquériez,  qu'ils  acquièrent.  —  Impar- 
fait. Que  j'acquisse,  que  tu  acquisses,  qu'il  ac- 
quit: que  nous  acquissions,  etc. 

Participe.  —  Présent.  Acquérant. — Passé.  Ac- 
quis, acquise. 

Il  prend  l'auxiliaire  avoir  dans  les  temps  com- 
|K>sés. 

Accjuérir  une  chose  à.  .  .  :  Louis  XIV  a  acquis 
plusieurs  provinces  à  la  France.  Sa  conduite  lui 
a  acquis  l'estime  de  tout  le  monde.  — Acquérir 
une  chose  de  quelqu'un:  J'ai  acquis  cette  pièce 
de  terre  de  mon  voisin. 

*  On  n'acquiert  que  des  choses  avantageuses, 
comme  des  richesses,  de  la  gloire,  de  la  réputa- 
tion. Ainsi  on  ne  dit  pas,  acquérir  une  mauvaise 
réputation,  ni  acquérir  une  maladie. 

Acquis.  Subst.  m.  Le  c  ne  se  prononce  point. 
Voltaire  a  employé  ce  mot  pour  signifier  l'in- 
fluence  que  l'on  a  dans  le  monde  par  suite  de  .'«i 
place,  de  son  pouvoir,  de  son  crédit,  de  ses  ri- 
chesses, de  ses  alliances,  de  sa  réputation,  etc.: 
Il  est  vrai  que  cette  justificatiiii  aurait  plus  de 
poids  si  elle  était  faite  d'une  main  plus  impor- 
tante et  plus  respectée;  mais  plus  on  a  d'aiCi\\i\?, 
dans  le  monde,  moins  on  sait  défendre  ses  amis. 
(Corresp  )  Je  crois  que  cette  expression  peut  être 
utile  —  I.lle  est  maintenant  admise  par  l'Académie 
(art.  Acquitter.) 

Acre.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Une  bile  acre,  une  humeur  acre. 

Acteur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  actrice. 

Actif,  Active.  Adj.  Un  mot  est  actif  qn^nà  il 
exprime  une  action.  Actif  est  opposé  à  passif. 
L'agent  fait  l'action,  le  patient  la  reçoit.  Le  feu 
brûle,  le  bois  est  brijlé;  ainsi  hrûle  est  un  terme 
actif,  brûlé  est  passif. 

Il  y  a  des  verbes  actifs  et  des  verbes  passifs. 
Les  verbes  actifs  marquent  que  le  sujet  de  la 
proposition  fait  V^xclion,  j'enseigne;  le  verbe  pas- 
sif, au  contraire,  marque  (pic  le  sujet  de  la  pro- 
posiliou  reçoit  l'action,  qu'il  est  le  terific  ou  l'ob- 


ACT 

jet  de  l'action  d'un  autre,  ^e  suis  enseigné,  etc. 

On  dit  que  les  verbes  ont  une  voix  active  et 
une  voix  passive;  c'est-à-dire,  qu'ils  ont  une 
suite  de  terminaisons  qui  expriiiieiil  un  sens  ac- 
tif et  une  autre  suite  de  désinences  qui  marquent 
un  sens  passif.  En  français,  les  verl)es  n'ont  que 
la  voix  active;  et  ce  n'est  (|ue  p;ir  une  csi)èce  de 
périphrase,  et  non  par  une  terminaison  propre, 
que  nous  exprimons  le  sens  passif,  je  suis  aimé, 
je  suis  aimée. 

Au  lieu  de  dire  voix  active  ou  voix  passive, 
on  dit  à  l'actif,  au  passif;  et  alors  actif  Qi  pas- 
sif ^C  prennent  substaniiveiiiont,  ou  bien  onsous- 
enlend  sens.  Tout  verbe  passif  a  nécessairement 
un  verbe  actif;  il  faut  excepter  cieïr.  On  dit  :  Je 
veuj;  être  déi,  quoique  l'on  ne  dise  pas,  j'obéi: 
quelqu'un.  La  nature  a  fait  les  enfants  pour 
être  aimés  et  secourus  ;  mais  les  a-t-elle  faits 
pour  être  obéis  et  craints?  (J.-J.  Rouss.,  Emile, 
liv.  II,  tom.  VI,  p.  403.)  Tout  verbe  actif  a  son 
verbe  passif.  Avoir  fait  exception.  On  ne  dit  pas 
en  parlant  de  quelqu'un  ou  de  quelque  chose  : 
Il  est  eu,  ou  elle  est  eue.  {Grammaire  des  Gram- 
maires, p.  450.) 

Tous  les  vcrl>es  qui  expriment  une  action  ne 
sont  pas  appelés  pour  cela  actifs.  Il  faut,  pour 
qu'on  leur  donne  ce  nom,  que  l'effet  de  l'action 
ait  lieu  hors  du  sujet.  Par  exemple,  battre  est  un 
verbe  actif,  parce  que  l'effet  de  l'action  a  lieu 
hors  du  sujet;  mais  oZicr,  venir,  dormir,  quoi- 
qu'ils expriment  des  actions,  ne  sont  point  des 
verbes  actifs,  mais  des  verbes  neutres.  Quelques 
grammairiens  appellent  les  premiers,  verbesactifs 
transitifs,  parce  que  l'effet  de  l'action  passe  du 
sujet  à  un  objet  ;  et  les  seconds,  verbes  actifs  in- 
transitifs, parce  que  ce  passage  n'a  pas  lieu. 
Voyez  Uerbe. 

Le  mot  actif  ne  se  dit  pas  que  des  verbes.  Il  y 
a  aussi  le  sens  actif  cl  le  sens  passif ,  le  tour  ac- 
tif cl  le  ttur  passif 

Un  mot  est  employé  dans  un  sens  ac/j/ quand 
le  sujet  au(]uel  il  se  rapporte  est  envisagé  comme 
le  principe  de  l'action  énoncée  par  ce  mot  ;  il  est 
employé  dans  le  sens  passif,  quand  le  sujet  au- 
quel il  a  rapport  est  considéré  comme  le  terme 
de  l'impression  produit*  par  l'action  que  ce  mol 
énonce.  Les  mots  aide  et  secours  sont  pris  dans 
un  sens  actif,  quand  on  dit  mon  aide  ou  mon  se- 
cours vous  est  inutile;  car  c'est  comme  si  l'on 
disait,  l'aide  ou  le  secours  qu£Jc  vcus  d  nnerais 
vents  est  inutile.  Mais  ces  méiiics  mots  sont  pris 
dans  un  sons  passif  si  l'on  dit,  accoures  d  mon 
aide,  venez  à  mon  secours;  car  alors  ces  mots 
marquent  l'aide  ou  le  secours  qu'on  me  donnera, 
dont  je  suis  le  terme,  et  non  jxis  le  principe.  Cet 
enfant  se  gâte,  pour  dire  qu'il  tache  ses  hardes, 
est  une  phrase  où  les  deux  mots  se  gâte  ont  le 
sens  actif,  parce  que  l'enfant  auquel  ils  se  rap- 
portent est  envisage  comme  principe  de  l'action 
de  gâter.  Cette  rbe  se  gâte  est  une  autre  phrase 
où  les  deux  mêmes  mots  ont  le  sens  passif,  parce 
que  la  robe  à  latiuclie  ils  ont  rapport  est  considé- 
rée comme  le  terme  de  l'impression  produite  par 
l'action  de  gâter.  (Dumarsais  et  Bcauzée.) 

Activement.  Adv.  11  se  dit,  en  grammaire,  d'un 
verbe  neutre  qui  est  pris  dans  une  signification 
active,  ou  de  quelque  autre  mot  qui  est  pris  dans 
un  sens  actif.  Voyez  Actif. 

*  Activer.  V.  a.  de  la  i"conj.  Mot  nouveau 
que  l'usage  a  adopté,  malgré  les  efforts  de  ceux 
qui  repoussent  aveuglémenl  tout  ce  qui  est  nou- 
veau, raisonnable  ou  non. 

Actuel,  Actuelle.  Adj.  En  prose,  il  se  mel 


ADJ 

toujours  après  son  subst.  Etat  actuel,  paiement 
actuel. 

Actuellement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe.  On  juge  actuellement  son  prvccs  ;  il  de- 
meure actuellement  en  tel  endroit. 

Addition.  Subst.  f.  On  fait  sentir  les  deux  d. 

Additionnel,  Additionnelle.  Ad j.  On  fait  sen- 
tir les  deux  d.  Cet  adj.  ne  se  met  qu'apics  son 
subst.  Centimes  additionnels. 

Additionner.  V.  a.  de  la  1'"  conj.  On  fait  sen- 
tir les  deux  d. 

Adhérent  ,  .adhérente.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  ïl  régit  la  prcj^sition  à.  Une 
pierre  adhérente  à  la  vessie. 

Adjacent,  Adjacente.  Adj.  11  suit  toujours  son 
subst.  Pays  adjacent,  lieux  adjacents. 

Adjectif.  Adj.  m.  qui  se  prend  aussi  substan- 
tivement. Terme  de  grammaire.  Les  noms  ou 
substantifs  expriment  des  êtres  réels  ou  des  êtres 
abstraits,  et  les  représentent  comme  soutiens  de 
certaines  qualités  réunies.  Ainsi,  quand  je  pro- 
nonce un  nom,  je  désigne  tout  à  la  fois  à  ceux 
qui  mécoulent,  et  la  réunion  de  ces  qualités,  et 
l'être  quelconque  qui  lui  sert  de  soutien.  Quand 
je  prononce  le  mot  7ja77i7«e,  j'indique  par  ce  nom 
une  substance,  un  soutien  de  certaines  qualités 
dont  la  réunion  a  donné  occasion  à  la  création  de 
ce  nom.  Mais  si  je  veux  développer  cette  idée, 
exprimer  une  ou  plusieurs  des  qualités  de  l'être 
désigné  par  ce  nom  et  indiquer  que  je  le  conçois 
possédant  cette  qualité  ou  ces  qualités,  j'ai  be- 
soin de  mots  qui  expriment  ces  qualités,  et  qui 
les  fassent  connaître  comme  jointes  à  cet  être.  Par 
exemple,  si  je  veux  parler  d'un  homme,  et  indi- 
quer en  même  temps  que  je  le  conçois  arec  la 
qualité  que  l'on  nomme  vertu,  il  faudra  que  j'em- 
ploie un  mot  qui  indique  cette  qualité  comme 
réunie  au  substantif  homme  ;  ce  sera  le  mot  ver- 
tueux, qui  seul  ne  désigne  qu'une  idée  vague  et 
indéterminée,  et  qui,  joint  à  ce  substantif,  ajou- 
tera à  l'idée  qu'il  présente  celle  de  toutes  les  qua- 
lités comprises  dans  le  mot  vertu  :  Homme  ver- 
tueux. On  dira  de  même,  figure  ronde,  rose  blan- 
che, etc. 

Si  nous  considérons  les  noms  communs  comme 
pouvant  exprimer  des  genres,  des  espèces  ou  des 
individus,  nous  remarquerons  qu'ils  peuvent  être 
déterminés  ou  indéterminés.  Vn  nom  est  indé- 
terminé lorsque,  ne  voulant  ni  le  faire  considé- 
rer comme  genre,  ni  le  restreindre  à  une  espèce 
ou  à  un  individu,  on  ne  détermine  rien  sur  l'é- 
tendue de  sa  signification.  Un  mot  est  déterminé 
lorsqu'il  est  employé  pour  désigner  un  genre, 
une  espèce  ou  un  individu.  Quand  je  dis  une  ac- 
tion d'homme,  je  prends  le  nom  homme  indéter- 
minément;  car  alors  je  ne  veux  parler  ni  de  tous 
les  hommes  en  général,  ni  de  telle  classe  d'hom- 
mes, ni  de  tel  homme  en  particulier.  Mais  si  je 
prends  ce  nom  commun  dans  toute  son  étendue, 
ou  que  je  le  restreigne  à  une  classe  subordonnée, 
ou  que  je  n'y  attache  qu'une  idée  individuelle, 
j'ai  besoin,  pour  exprimer  ces  différentes  vues  de 
mon  esprit,  de  nouveaux  mots  que  j'ajouterai  au 
substantif  Âoffime,  pour  déterminer  l'étendue  dans 
laquelle  je  le  considère.  Par  exemple,  quand  je 
dis,  l'homme  est  un  animal  raisonnahle ,  le  mot 
le  indique  que  je  vais  prendre  ce  nom  dans  une 
étendue  déterminée.  Quand  je  dis,  tout  homme, 
le  mot  tout  indique  que  je  considère  distributi- 
vement  les  individus  compris  dans  la  classe  indi- 
quée par  le  mot  homme.  Enfin,  quand  je  dis,  tous 
les  hommes,  j'indique  par  les  mots  tous  les,  que 


ADJ 


3S 


je  considère  collectivement  ces  mêmes  individu?. 
De  même  si  je  dis,  mon  père,  le  mut  mon  res- 
treint l'idée  générale  de  père,  aj  point  de  la  ren- 
dre individuelle,  c'esi-à-dirc,  de  ne  l'applitiuor 
qu'au  seul  individu  qui  m'a  donné  la  vie.  Cha- 
que, plusieurs,  un,  deux,  tr  ii,  premier,  second, 
servent  de  même  à  déterminer  l'rtcnJue  de  la  si- 
gnification des  substantifs  auxquels  on  ks  joint. 

Un  mot  ([ue  l'on  ajouta  ainsi  aux  noms  pour 
les  modifier,  soit  en  expliquant  queliju'uno  des 
qualiiésde  l'objet  (|u'ils  désignent,  soit  en  déter- 
minant le  degré  d'étendue  souslcquid  on  les  con- 
çoit, se_  nomme  adjectif,  d'un  mot  la'.in  qui  veut 
dire  ajuter;  et  en  effet,  ces  mots  sont  ajoutés 
aux  substantifs  pour  les  modifier  d'une  ou  d'au- 
tre manière.  Je  disM?i  inot,  car  ce  n'est  pas  seu- 
lement par  les  adjectifs  que  l'on  modifie  les  noms; 
on  se  sert  aussi  pour  cela,  ou  d'une  proposition 
incidente,  comme  dans  un  homme  que  l'ambition 
dévore;  OU  d'un  autre  nom  qui  est  le  terme  de 
linéique  rapport,  comme  quand  on  dit,  le  livre 
de  Pierre,  la  loi  de  Moïse,  etc.  Quelques  gram- 
mairiens mettent  les  adjectifs  au  nombre  des 
noms,  et  les  appellent  novis  adjectifs,  pour  les 
distinguer  des  subslanlifs,  qu'ils  appellent  noms 
subitantifs.  11  paraît  plus  exact  d'appeler  sim- 
plement noms,  ou  substantifs,  ce  qu'ils  appellent 
noms  substantifs ,  et  simplement  adjectifs  ce 
qu'ils  appellent  noms  adjectifs.  Mais  ces  déno- 
minations sont  indifférentes,  pourvu  que  l'on 
comprenne  bien  les  choses. 

Si  les  idées  des  qualités  (jue  nous  remarquons 
dans  les  objets  nous  sont  venues  immédiatement 
par  les  sens,  nous  appelons  adjectifs  physiques 
les  mots  qui  servent  à  les  indiquer  connue  jointes 
à  ces  objets  ;  et  nous  donnons  le  nom  d'adjec- 
tifs métaphysii/ucs  aux  mots  qui  modifient  les 
noms  par  1  addition  de  quelque  considération 
particulière  de  notre  esprit  à  leur  égard.  Ainsi,  co- 
loré, blanc,  noir,  rouge,  bleu,  etc.,  qui  exprnnent 
des  qualités  dont  nous  ac(iuérons  la  connaissance 
par  la  vue  ;  doux,  amer,  ai^re,  fade,  etc.,  qui  en 
exi)riment  que  nous  connaissons  par  le  goût  ;ru(/c, 
p  li,  dur,  mou,  q\x\  en  indi(]uent  que  nous  con- 
naissons par  le  tact,  sont  des  adjectifs  physiques. 
Au  contraire,  le,  la  les,  mon,  ma,  t>  n,  ta,  votre, 
VIS,  deux,  trois ,  premier,  second,  grand,  petit, 
différent,  pareil,  el  un  très-grand  nombre  d'au- 
tres qui  n'expriment  que  des  considérations  de 
noire  esprit,  sont  des  adjectifs  métaphysiques. 

Parmi  les  adjectifs  métaphysiques,  il  y  en  a 
qui  ne  se  mettent  jamais  que  devant  les  noms; 
tels  sont  le,  la,  les,  que  les  grammairiens  appel- 
lent aussi  articles,  et  adjectifs  délerminalifs  ;  ce, 
cet,  celle,  ces,  que  l'on  :q>iielle  adjectifs  domon- 
slratifs,ci  que  les  anciens  grammairiens  appellent 
pronoms  démonstratifs  :  mon,  ma,  ?iios,  ton,  ta, 
tes,  son,  sa,  ses,  notre,  nos,  votre,  vos,  leur,  leurs, 
auxquels  on  a  donné  le  nom  d'adjectifs  posses- 
sifs, au  lieu  de  celui  de projioms p  sses^^ifs,  que 
leur  avaient  donné  les  anciens  grammairiens. 
Voyez  article.  Pronom.  Tousi-es  adjectifs  pren- 
nent en  cénéral  le  nom  d'adjectifs  prépositifs, 
ou  seulement  de  prépositifs,  parce  (|u'ilsnc?e 
mènent  jamais  que  devant  les  noms  11  y  en  a 
d'autres  qui  ne  se  mettent  qu'après  les  noms. 
Nous  allons  parler  des  uns  et  des  autres. 

Des  adjectifs  prépositifs  le,  la,  \es,nommés  au- 
trement articles.  —  Les  adjectifs  prépositifs  le, 
la,  les,  ne  signifient  rien  de  physique  ;  ils  sont 
idenlifiés  avec  les  noms  devant  lesquels  on  les 
place,  et  annoncent  que  le  mol  qu'ils  précédent 
sera  pris  sous  un  point  de  vue  particulier. 


20 


ADJ 


Nous  nous  scn-ons  de  le  devant  les  noms  mas- 
culins au  singulier  :  le  roi,  le  j'vr;  <lc  la,  de- 
vant les  noms  fcminins  au  singulier  :  la  reine,  la 
femme  ;  et  la  lettre  s,  qui,  scîun  l'anaioeie  de  la 
langue,  marque  le  pluriel  quand  elle  est  ajoutée 
au  sinçidier,  a  formé  les  du  sin;.'ulier  le.  Les  sert 
égaleuïent  pour  les  deux  genres  :  les  hummcs,  les 
femmes. 

Le,  la,  les,  sont  des  prépositifs  ou  articles  sim- 
ples; mais  ils  entrent  aussi  en  comjwsilion  avec 
la  préposition  à  et  avec  la  préposition  de  ;  et  alors 
ils  forment  les  quatre  prépusilifs  ou  articles  com- 
posés, ati,  aux,  dti,  des.  Au  est  composé  de  la 
proposition  à,  et  de  l'article  /e;en  sorte  que  au 
est  aillant  qtio  à  le.  C'est  le  son  obscur  de  Ye 
muet  de  l'iiriicle  simple  le,  et  le  changement  assez 
commun  en  notre  langue  de  Z  en  u,  comme  mal, 
maux,  citerai,  chevaux,  qui  ont  fait  dire  au,  au 
lieu  de  «  le,  ou  de  al,  que  l'on  disait  aulrefuis. 
Ce  n'est  que  quand  les  noms  masculins  com- 
mencent par  une  consonne  ou  un  h  as|)iré  que 
l'on  se  sert  de  au  au  lieu  de  à  le  ;  car  si  le  nom 
masculin  commence  par  une  voyelle,  alors  on  ne 
fait  point  de  contraction  ;  la  préposition  à  el  l'ar- 
ticle le  demeurent  chacun  en  leur  entier.  Ainsi, 
quoiqu'on  dise,  le  cœur,  au  cœur;  le  père,  au 
père;  le  plomb,  au  plomb,  on  dit  l'esprit,  à  l'es- 
prit; l'eu  faut,  fi  l'enfant  ;  l'or,  à  l'or;  l'argent, 
à  l'argent.  Quand  le  substantif  commence  jiar 
une  voyelle,  l'e  muet  de  le  solide  avec  celle 
voyelle  ;  ainsi  la  raison  qui  a  donne  lieu  6  la  con- 
traction au  ne  subsiste  plus.  D'ailleurs  il  se  fe- 
rait un  bâillement  désagréable  si  Ton  disait,  au 
esprit,  au  argent,  au  enfant,  elc.  Si  le  nom  est 
féminm,  comme  il  n'y  a  point  à'c  muet  dans  le 
prépositif  Za,  on  ne  peut  plus  en  faire  au;  ainsi 
l'on  conserve  alors  la  proposition  et  le  prépositif, 
la  raison,  à  la  raison  ;  la  vertu,  à  la  vertu.  Aux 
sert  au  phiriel  pour  les  deux  genres  ;  c'est  une 
contraction  pour  à  les  :  Aux  hommes,  aux  fem- 
mes, aux  rois,  aux  reines,  pour  à  les  hommes,  à 
les  femmes,  etc.  Du  est  encore  une  contraction 
pour  de  le.  C'est  le  son  obscur  des  deu>:  e  muets 
de  suite  qui  a  amené  la  conlraction  du.  On  a  com- 
mencé par  dire  dcl,  et  cnGn  on  a  dit  du.  On  dit 
donc  du  bien,  du  mal,  pour  de  le  bien,  de  le  mal; 
et  il  en  est  de  même  de  tous  les  noms  (jui  com- 
mencent par  une  consonne;  car  si  le  nom  com- 
mence par  une  voyelle,  ou  qu'il  soit  du  genre 
féminin,  alors  on  revient  à  la  simplicité  de  la  pré- 
position ;  ainsi  l'on  dit  de  l'esprit,  de  la  vertu,  de 
la  peine,  elc. 

iSarticlc,  dit  le  Dictii.nnaire  de  l'Acudcmie, 
est  celle  des  parties  du  diseurs  qui  précède  or- 
dinairement les  noms  substantifs .  D'ajjrès  celte 
définition,  ce,  cet,  tout,  quelque,  nul,  aucun, 
deux,  trois,  mon,  ton,  son,  sa,  ses,  leur,  etc.,  se- 
raient des  articles  ;  el  cependant  l'Académie  nous 
dit  ensuite  que  Ze  est  l'arlicle  du  nom  masculin; 
la,  l'article  du  nom  féminin,  et  les  l'article  plu- 
riel du  masculin  et  du  féminin.  Mais  quelle  est  la 
nature  de  l'article?  qu'ajoutc-l-il  aux  noms  aux- 
quels il  est  ordinairement  joint?  C'est  ce  que  l'A- 
cadémie ne  dit  point. 

L'article  peut  précéder  tous  les  mois  de  la  lan- 
gue française  qui  sont  substantifs  ou  pris  subslan- 
tivcmcnt.  On  dit  le  boire,  la  manger,  les  si,  les 
mais.  Le  (\\iG  qui  corn  mence  celte  phrase  fait  un 
mauvais  effet;  les  deux  qui  rendent  la  phrase 
louche.  L'article  s'ajoute  même(|uelqueluisà  une 
phrase  entière,  comme  quand  on  dit,  le  qu'en 
dira-t-on  ne  m'effraie  pas;  être  au-dessus  du 
qu'en  dira-t-on. 


ADJ 

Ces  exemples  font  voir  que  les  grammairiens 
qui  ont  dit  que  l'article  est  une  particule  ajou- 
tée à  un  mot  piur  marquer  de  quel  genre  il  est 
[Dictionnaires  de  Féraud,  Jiegnicr,  ftestaud), 
n'ont  pas  mieux  réussi;  car  si,  niai.-,,  que,  qui, 
etc.,  n'ayant  point  de  genre,  l'article  i;e  peutélre 
ajuulé  à  ces  mots  pour  marquer  de  quel  genre 
ils  sont;  il  faut  donc  que  cette  addition  soit" faite 
pour  indiquer  quelque  autre  chose. 

Si  je  consulte  les  nouveaux  grammairiens  sur 
la  nature  de  l'article,  je  n'obtiens  guère  plus  de 
lumières.  Id  on  me  dit  que  les  articles  sont  des 
adjectifs  qui  modifient  leurs  substantifs,  et  les 
fnt  prendre  dans  une  acception  partieulière,  in- 
diciduelle  et  personnelle  [Dumarsais]  ;  la  on  m'en- 
J  seigne  que  l'article  est  un  adjectif  qui  détermine 
l  un  nom  à  cire  pris  dans  trute  s^n  étendue,  ou  qui 
\  concourt  à  la  restreiiulre  (C/jndillac).  Sur  la  pre- 
j  mière  définition  j'observe  qu'elle  ne  convient  pas 
plus  à  l'article  qu'aux  adjectifs  ce,  cette,  ces,  no- 
1  tre,  votre,  vos,  un,  etc.  Quand  je  dis  un  homme, 
le  mut  un  modifie  lesubstanlil  h^mme,  et  le  fait 
prendre  dans  une  acception  particulière,  indivi- 
duelle et  |>ersonnelle.  Sur  la  seconde  délinition  je 
dis,  d",  qu'elle  supjiose  que  l'article  ne  se  met  que 
devant  les  noms  communs;  et  l'on  vient  de  voir 
qu'il  se  joint  à  toutes  sortes  de  mots,  et  même  à 
des  phrases  entières.  Quand  on  dit,  le  qu'en  dira- 
t-on  ne  l'inquiète  guère,  l'article  ([ui  est  en  tête 
de  cette  phrase  ne  sert  assurément  ni  à  faire 
prendre  un  nom  daiistoule  son  étendue,  ni  à  con- 
courir à  la  restreindre. 

En  second  lieu,  il  n'est  pas  exact  de  dire  que 
l'article  mis  devant  un  nom  commun  détermine 
ce  nom  à  cire  pris  dans  toute  son  étendue  ou  con- 
court à  Lt  reslreiiulre.  Si  je  dis  l'htrmme,  et  que 
je  n'achève  pas  la  phrase,  il  est  impossible  de  de- 
viner si  le  mot  homme  sera  pris  dans  to«le  son 
étendue,  ou  dans  une  étendue  restreinte.  Donc 
l'article/e n'indi(iueni  l'une  nirautre.  Apn'savoir 
dit  l'homme,  je  puis  ajouter  est  un  animal  rai- 
sonnable, ou,  vertueux,  jouit  de  la  paix  du  cœjir, 
ou,  dont  vous  m'avez  parlé;  dans  la  première 
phrase,  le  mot  homme  sera  pris  dans  toute  son 
étendue;  dans  la  seconde,  dans  une  étendue  res- 
treinte à  une  certaine  classe  d'hommes;  el  dans  la 
troisième,  restreinte  à  un  individu.  Mais  cette 
différence  d'étendue  n'est  inditiuce  dans  la  pre- 
iiiière  que  parce  que  je  n'ai  ajouté  au  mot  hoimue 
aucun  autre  moi  ipii  restreigne  l'étendue  de  sa 
signilication,  ei.  d?iA<:  Ws  d»vix  aM^»"v<;  par<?e  qwe 
j'ai  ajouté  des  mots  qui  n-streignent  celte  signili- 
cation. L'arlicle  le  ne  détermine  donc  par  lui- 
même  aucune  des  trois  espèces  d'étendues  du  mot 
hoînme,  puisque  seul  il  ne  sert  point  à  les  faire 
connaître,  et  qu'il  se  joint  également  au  nom, 
quelle  que  soil l'étendue  de  sa  signification.  Dans 
ces  trois  cas,  l'article  se  prête  aux  trois  sens,  an- 
nonce que  le  nom  sera  pris  dans  l'un  ou  dans 
l'autre,  mais  n'en  détermine  aucun. 

L'article  est  un  mot  qui,  mis  devant  un  autre 
mot,  annoncequece  dernier,  susceptible  de  diver- 
ses acceptions  grammaticales,  est  considéré  dans 
la  phrase  comule  un  substantif  dont  la  significa- 
tion peut  avoir  divers  degrés  d'étendue,  et  que 
cette  étendue  y  est  déterininée,  soil  par  des  c'ir- 
constanccs  connues,  soit  par  le  mol  même  sans 
naodification,  soit  par  des  modifications  qui  la 
restreignent. 

Le  nïot  7î<epeut  être  pris  matériellement  comme 
dans,  que  est  composé  de  trois  lettres,  que  est  une 
conjonction.  Dans  ces  deux  propositions,  que, 
considéré  comme  substantif  puisqu'il  est  le  sujet. 


ADJ 

indique  un  signe  individuel,  et  rentre  en  qiicliiue 
sorte  dans  la  classe  des  noms  propres;  ce  qui  iail 
qu'il  n'('>l  pas  nécessaire  de  le  faire  précéder  de 
l'article.  On  dit,  que  est  inie  conjonction,  comme 
on  dit  Pierre  est  un  homme. 

Mais  si,  considérant  toujours  qvc  comme  l-  nom 
propre  d'un  signe  grammatical,  je  regarde  ce  si- 
gne comme  pouvant  être  répété,  et  par  consé- 
quent prononcé,  employé,  placé  difrércmment, 
selon  des  circonstances  dilïcrenles,  el  que  je 
veuille  inditiucr  un  ou  plusieurs  de  ces  que  rela- 
tivcnent  à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces  circonstances, 
il  faudra  que  je  le  fasse  précéder  de  l'article, 
1°  \v  ur  marquer  (jue  je  regarde  ce  mot  conune 
poui  jnt  avoir  divers  degrés  d'étendue;  2"  pour 
annc  iccr  que  celle  étendue  sera  déterminée  dans 
la  ph  MSC.  Ainsi  je  dirai,  les  deux  que.,  le  que  rend 
la  p\  rase  louche,  etc.  ;  comme  je  dirais  les  deux 
Piet'cs,  dans  une  famille  où  il  y  aurait  deux 
boni:  nés  de  ce  nom  ;  ou  le  Pierre  qvc  vous  m'avez 
envojé  n'est  pas  celui  dont  j'avais  besoin. 

Lt  mol  vrai  peut  être  pris  adjectivement  :  une 
noutelle  vraie,  un  homme  vrai;  ou  adverbiale- 
ment :  parler  vrai;  ou  substantivement  :  le  vrai. 
Quand  je  le  prends  dans  ce  dernier  sens,  je  le  fais 
précéder  de  l'article,  pour  annoncer  qu'il  est  con- 
sidéré dans  la  phrase  comme  un  substantif  dont 
la  signiflcation  peut  avoir  divers  degrés  d'éten- 
due, cl  que  cette  étendue  y  est  déterminée,  soit 
par  des  circonstances  connues  :  voilà  le  vrai;  soit 
par  le  mol  mc-mo  sans  modification  :  le  vrai  est 
aimable;  soit  par  des  modilications  (jui  en  res- 
treignent l'étendue  :  le  vrai,  daris  la  bouche  d'un 
mÊnteur,  n'obtient  pas  toujours  croyance. 

Alexandre  est  un  nom  propre  bien  déterminé, 
quand  on  parle  du  roi  de  Macédoine  qui  portail 
ce  uoin,  ou,  dans  une  l'aniille  ou  une  société,  d'un 
homme  que  ceux  à  qui  l'on  parle  appellent  ordi- 
nairement ainsi.  Je  dirai  donc  sans  article  , 
Alexandre  est  un  grand  conquérant  ;  Alexandre 
m'a  dit  que  vous  vouliez  me  parler.  Mais  si,  ti- 
rant ce  mot  de  cette  signification  individuelle,  je 
veux  le  rendre  commun  à  plusieurs  individus,  el 
ne  parler  que  d'un  ou  de  quel(}ues-uus  d'entre 
eux,  il  est  nécessaire  alors  que  je  mette  l'article 
devant  ce  mot,  pour  indiquer  cette  double  vue  de 
mon  esprit.  Je  dirai  donc,  l' Alexandre  dont  vous 
me  parlez  n'est  pas  celui  que  je  connais.  On  ap- 
pelait Charles XIII' Alexandre  du  Nord. 

la  dctlnilion  (jue  nous  avons  donnée  de  l'ar- 
ticle peut  s'expliquer  aussi  par  l'emploi  de  ce  pré- 
positif devant  les  noms  que  les  grammairiens 
appellent  co/rt7«M?is  ou  appellatifs.  Le  mot  homme, 
par  exemple  ,  peut  cire  pris  matériellement  : 
hoinme  finit  par  unGmuet,  ou  comme  signe  in- 
dividuel grammatical  :  homme  est  u?i  substantif; 
ou  adjectivement  :  vous  n'êtes  pas  }io7n»ie  ;  ou  ad- 
verbialement :  ar/ir  en  homme;  ou  enfln  substanti- 
vement :  un  hovniic.  Mais  le  mot  homme  pris  sub- 
stantivement peut  être  pris  ou  dans  un  sens 
déierminé,  comme  dans  un  lumime,  tout  homme, 
cet  himiinc,  quelque  homme,  mon  homme,  leur 
homme  ;  ou  présenté  seulement  comme  suscep- 
tible de  divers  degrés  d'étendue,  et  comme  de- 
vant être  déterminé  dans  la  phrase.  C'est  dans  ce 
dernier  cas  seulement,  et  pour  indiquer  celle 
double  vue  de  l'esprit,  que  le  mot  homme  doit 
être  précédé  de  l'article.  Quand  je  dis  l'homme, 
l'article  annonce  un  substantif  de  cette  nature,  et 
je  suspends  mon  jugement  sur  l'étendue  de  la  si- 
gnlGcation  de  ce  niot,  jusqu'à  ce  que  la  suite 
m'ait  appris  si  elle  est  ou  non  restreinte  par  quel- 
que modificatif.  Si  le  mot  homme  n'a  point  de 


ADJ  2: 

miKlificalif,  je  comprends  (ju'il  est  pris  dans  toute 
sou  étendue  :  l'homme  est  un  animal.  S'il  a  un 
modilicatif,  comme  dans  {'homme  vortueuj:,  je 
vois  que  l'étendue  de  sa  siirnilicalion  est  res- 
trcinle  à  une  certaine  classe  d'hommes,  c'est-n- 
dire,  à  ceux  qui  sont  vertueux.  Si  cnBn  on  dit, 
l'homme  qui  vous  parle,  je  juçe  qui'  la  siirnilica- 
tion  de  ce  mot  est  restreinte  a'un  s-'ul  individu. 
Quelquefois  l'étendue  de  la  signification  du 
nom  est  reslrcinte  par  les  circonstances,  cl  alors 
le  nom  sans  modilicatif  est  entendu  avec  la  res- 
triction qu'indiquent  ces  circonstances,  .\insi 
quand  on  dit,  étant  à  table,  donncz-^noi  le  pain, 
avancez-vici  la  salière,  ou  dans  un  état  monar- 
chique, le  roi  a  dit,  les  circonstances  font  assez 
comiH'cndre  (pi'il  est  (piestion  du  pain,  ou  delà 
salière  qui  est  sur  la  table,  du  roi  qui  régne  dans 
ce  pays. 

Cette  propriété  de  l'article  de  désigner  l'accep- 
tion grammaticale  d'un  mol,  cl  d'annoncer  l'éten- 
due de  sa  signification,  tient  au  caractère  de  la 
langue  française,  (]ui,  exigeant  partout  la  plus 
grande  clarté,  veut  ipie  les  princii)ales  parties  du 
discours  soient  rapprochées  el  liées  autant  qu'il 
est  possible,  et  que  les  mots  qui  en  sont  les  si- 
gnes soient  déterminés  par  eux-mêmes,  ou  précé- 
dés d'autres  mots  qui  les  déterminent,  ou  qui  an- 
noncent du  moins  sous  quel  point  de  vue  ils  vont 
être  déterminés. 

Puisque  l'article  sert  à  indiquer  qu'un  mol  est 
considéré  comme  un  substantif  dont  la  significa- 
tion est  susceptible  de  divers  degrés  d'étendue, 
et  que  cette  étendue  sera  déterminée  dans  la 
phrase,  il  est  inutile  d'ajouter  l'article  à  un  nom 
précédé  d'un  mol  qui  détermine  déjà  cette  éten- 
due. Ainsi  je  ne  mettrai  point  d'article  à  homme, 
lorsipi'il  sera  précédé  des  mots  un ,  deux , 
trois,  etc.,  parce  que  ces  mots  déterminent  l'é- 
tendue de  sa  signification  ;  el  par  la  même  raison, 
je  n'en  mettrai  point  aux  noms  qui  seront  précè- 
de^ des  prépositifs  ce,  cet,  cette,  ces  ;  mon,  ton, 
son;  votre,  notre,  quelque,  nul,  aucun,  tnit  dans 
le  sens  de  chaque,  etc.  ijuand  je  dis  toute  la  ville 
en  parle,  toute  la  honte  rcto?nbcra  sur  vous,  je 
dois  mettre  l'article,  parce  qu'il  ne  s'agit  point  de 
toute  ville,  ni  de  toute  honte,  ce  qii'indi(iuerail  le 
mot  /oM/f"  sans  article,  mais  d'une  ville  particu- 
lière, d'une  honte  particulière,  déterminées  par 
lescirconstanccs.  De  même  on  dit  tous  les  hommes 
avec  l'article,  parce  que  le  nom  pluriel  hommes 
indique  une  classe  (findividus  qui  peut  être  prise 
dans  toute  son  étendue,  ou  seulement  dans  une 
partie  de  son  étendue,  ce  qui  n'est  pas  déterminé 
par  le  mol  tous,  et  doit  par  conséquent  être  an- 
noncé j)ar  l'arliclc  les. 

L'article  et  les  autres  prépositifs  ne  sont  pas 
le>  seuls  mots  qui  déterminent  un  nom  commun 
à  être  pris  substantivement;  le  verbe  actif  et  [ilu- 
sieurs  prépositions  font  le  même  effet  à  l'égard 
de  leur  compiément  immédiat,  lorsque  ce  complé- 
ment est  pris  dans  un  sens  général  et  indétermi- 
né, et  que  par  conséquent  il  n'exige  point  l'article, 
qui  annonce  toujours  un  sens  déicnniné.  Par 
exemple,  dans  avoir  peur,  le  verbe  otva'r  indique 
assez  quele  molpei/r  est  pris  substantivement; 
mais  ce  mot  étant  pris  dans  un  sons  général  et  in- 
déterminé, ne  doit  point  être  précédé  de  l'article, 
qui  annoncerait  une  sicnification  susceptible  de 
divers  degrés  d'étendue,  el  une  détermination  de 
cette  étendue.  Si  au  contraire  cette  étendue  de- 
vait être  df'ierminée,  l'article  serait  nécessaire 
pour  annoncer  cette  détermination  ;  ainsi  l'on  di- 


S8 


ADJ 


rail,  par  exemple,  il  avait  la  peur  qu'inxp ire  une 
mauvaise  conscience. 

Il  arrive  souvcnl  en  français  (|ne  les  substantifs 
sont  pris  ainsi,  après  certains  verbes,  dans  un  sens 
général  et  indéterminé.  C'est  ainsi  que  l'on  dit  : 

Avoir /ai7/j,  soif,  dessein,  liante,  coutume,  pi- 
tié, compassion,  froid,  chaud,  patience,  envie, 
besoin,  etc. 

Donner  envie,  occasion,  prise,  place,  rang, 
séance,  leçon,  avis,  caution,  quittance,  atteinte, 
cours,  permission,  congé,  assurance,  croyance, 
parole,  ordre,  conseil,  avis,  exemple,  audien- 
ce, etc. 

Entendre  raison,  raillerie,  malice,  vêpres,  etc. 

Yaire profession,  métier,  tort,  préjudice,  don, 
offre,  défense,  grâce,  vendange,  chemin,  accueil, 
honneur,  peur,  plaisir,  choix,  provision,  sém- 
illant, route,  banqueroute,  faillite,  front,  face, 
difficulté,  etc. 

Gagner  pays,  chemin. 

Mettre  fin,  ordre. 

Parler  français,  allemand,  raison,  bon 
sens,  etc. 

Porter  bateau,  chape,  envie,  témoignage,  bon- 
heur, malheur,  clc, 

Prendre  parti,  femme,  possession,  médecine, 
congé,  pied,  part,  haleine,  feu,  plaisir,  patience, 
pitié,  langue,  garde,  prétexte,  occasion,  date, 
acte,  avantage,  faveur,  fin,juur,  leçon,  etc. 

Rendre  service,  amour  paiir  amour,  visite, 
gorge,  etc. 

Savoir  lire,  chanter,  vivre,  etc. 

Ttmt parole ,  etc. 

Remarquons  en  passant  que,  quoi  qu'en  disent 
plusieurs  grammairiens,  l'article  n'est  pas  tou- 
jours nécessaire  pour  changer  en  substantif  un 
mot  qui  ne  l'est  pas  par  lui-même,  et  que  le  verbe 
actif  fait  le  même  effet  à  l'égard  d'un  adjectif  ou 
d'un  verbe  qui  est  son  complément  immédiat. 
Daps  avoir  chaud,  avoir  froid,  le  verbe  avoir  in- 
dique, sans  le  secours  de  l'article,  que  les  ad- 
jectifs chaud  et  /roirfsont  pris  substantivement; 
et  dans  savoir  lire,  savoir  chanter,  savoir  vivre, 
le  verbe  savoir  indique  la  même  chose  à  l'égard 
des  infinitifs  lire,  chanter,  vivre. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  des  verbes  actifs 
peut  se  dire  des  prépositions  qui  exigent  un  ré- 
gime direct.  Si  ce  régime  est  pris  dans  un  sens 
général  et  sans  détermination  d'étendue  de  signi- 
fication, la  préposition  indique  assez  que  le  mot 
est  pris  substantivement,  et  l'absence  de  déter- 
mination de  l'étendue  de  la  signification  rend 
l'article  inutile.  On  dira  donc  avec  prudence, 
sans  pitié,  parler  avec  esprit,  avec  grâce,  avec 
facilité.  -Mais  si  l'étendue  de  la  signification  du 
mot  qui  sert  de  complément  est  déterminée,  l'ar- 
ticle est  nécessaire  pour  annoncer  cette  détermi- 
nation ;  et  on  dira,  il  parle  avec  la  prudence  d'un 
vieillard;  sans  la  pitié,  l'homme  serait  mm  ani- 
mal féroce;  il  se  co?iduitparle  sentiment  le  plus 
pur,  etc 

C'est  surtout  après  la  préposition  de  que  l'em- 
ploi de  l'article  offre  le  plus  de  difficultés.  Exa- 
minons les  principaux  emplois  de  cette  préposi- 
tion, et  a|)pliquons-y  les  principes  que  nous 
venons  d'établir. 

La  préposition  de  marque  le  lieu  d'où  l'on 
vient,  il  vient  de  Home,  de  Paris.  Ici  il  ne  faut 
point  d'article,  parce  que  les  noms  propres  Âome, 
Paris,  offrent  des  idées  individuelles  qui  ne  sont 
pas  présentées  comme  susceptibles  de  divers  de- 
grés d'étendue.  Il  faudrait  l'article  si  le  complé- 
ment de  la  préposition,  présenté  comme  suscep- 


ADJ 

tible  de  divers  degrés  d'étendue,  devait  être  dé- 
terminé dans  la  phrase,  comme  dans,  après  avoir 
pai'lé  de  l'ancienne  Rome;  il  vient  des  provinces 
méridionales. 

De  marque  par  analogie  tout  terme  d'où  une 
chose  commence.  Travailler  du  matin  au  soir, 
du  commencement  à  la  fin,  d'un  bout  à  l'autre. 
Ces  phrases  offrant  deux  termes  précis,  les  mots 
qui  les  expriment  doivent  être  déterminés  ;  et  c'est 
l'article  qui  indique  cette  détermination.  Mais  on 
diiait  sans  article,  parcourir  la  ville  de  bout  en 
bout,  parce  que  le  substantif  bout  qui  suit  le  de 
n'est  pas  déterminé,  et  qu'il  ne  signifie  pas  plus  un 
bout  que  l'autre. 

JDe  marque  un  rapport  d'appartenance  ;  Le  pa- 
lais du  roi,  les  mouvements  du  corps,  les  facul- 
tés de  l'âme,  le  livre  de  Pierre.  l)ans  les  trois 
premiers  exemples  l'article  est  nécessaire,  parce 
que  ces  mots  roi,  corps,  âme,  sont  des  substantifs 
dont  la  signification  est  susceptible  de  divers  de- 
grés d'étendue,  degrés  qui  sont  déterminés  dans 
la  phrase;  dans  le  troisième,  il  ne  faut  point  d'ar- 
ticle, parce  que  le  substantif  est  un  nom  propre. 

De  marque  des  rapports  de  dépendance  :  les  ta- 
bleaux de  Raphaël,  sans  article,  à  cause  du  nom 
propre;  les  tableaux  des  peintres  d'Italie,  avec 
l'article,  parce  que  l'étendue  de  la  signification 
du  mot pewj^reest  déterminée.  Saluer  de  la  main, 
vase  d'or,  un  vase  de  l'or  le  plus  pur,  un  homme 
d'esprit,  de  sens,  de  cœur,  vu  homme  de  l'esprit 
le  plus  fin,  être  accablé  de  douleur,  être  acca- 
blé de  la  douleur  la  plus  vive.  On  voit  dans  tous 
ces  exemples  que  le  substantif  est  mis  sans  article 
lorsqu'il  est  indéterminé;  qu'il  est  précédé  de 
l'article,  lorsqu'il  est  déterminé. 

De  s'emploie  pour  indiquer  une  partie  venant 
d'un  tout.  Avoir  de  l'esprit,  c't^t  avoir  une  par- 
tic  de  ce  qu'on  nomme  esprit.  Donnez-moi  du 
pain,  c'est  donnez-moi  une  partie  du  pain  ;  et 
dans  ces  phrases  il  faut  mettre  l'article,  parce 
que  esprit  et  pain  sont  pris  dans  un  sens  déter- 
miné. C'est  ainsi  que  l'on  dit  aussi,  de  l'eau,  du 
pain  et  des  légumes  me  suffiront  ;  des  philosophes 
ont  cru  que  le  monde  est  éternel;  cet  arbre  porte 
des  fruits  excellcTits  ;  j'ai  commis  des  fautes 
légères. 

Il  en  est  autrement  lorsque  le  substantif  est 
précédé  d'un  adj^'ctif;  alors  on  ne  met  point  l'ar- 
ticle, comme  dans  d'excellents  fruits,  de  légères 
fautes.  La  raison  en  est  sensible.  Quand  je  dis, 
par  exemple,  cet  arbre  porte,  l'esprit  attend  pour 
complément  du  verbe  un  mot  qui  indique  un  ob^ 
jet  déterminé;  et  dans  le  génie  de  la  langue  fran- 
çaise, cette  détermination  doit  être  annoncée  avant 
que  le  mot  paraisse.  Or,  elle  ne  peut  l'être  que 
par  un  ])répositif  ou  un  adjectif.  Dans  cet  arbre 
porte  des  fruits  excellents,  la  détermination  du 
mot  fruits  csl  annoncée  par  l'article;  mais  si  le 
mot  fruit  est  précédé  d'un  adjectif  qui  le  déter- 
mine, l'article  employé  pour  annoncer  cette  dé- 
teriTiinalion  devient  inutile.  La  nature  du  verbe 
indique  que  le  complément  doit  être  un  substan- 
tif, l'adjectif  détermine  le  substantif;  la  double 
fonction  de  l'article  est  remplie.  Il  faut  donc  dire, 
cet  arbre  porte  d'excellents  fruits,  et  non  porte 
des  excellents  fruits.  Dans  ces  deux  exemples,  le 
mot  fruit  est  annoncé  comme  déterminé  dans 
son  étendue;  dans  le  premier,  par  l'article  les 
syncopés  avec  la  préposition  de;  dans  le  second, 
par  l'adjectif  excellents. 

On  dit  les  ouvrages  de  Cicéron  sont  pleins  d'i- 
dées saines;  nos conjiaissances doivent  être  tirées 
de  principes  évidents  ;  et  il  a  des  idées  saines. 


ADJ 

il  avance  des  principes  évidents.  Pourquoi  ne 
met-On  pas  l'arlicle  dans  les  deux  premiers  exem- 
ples, el  le  met-on  dans  les  derniers?  Dans  les  pre- 
miers, les  mots  idées  et  principes  sont  (l<'tprmi- 
nés  par  les  adjectifs;  celte  détermination  devait 
donc  être  annoncée  par  l'article. 

L'article  annonce  que  le  mot  sera  déterminé 
dans  la  phrase;  mais  il  n'a  pas  par  lui-même  la 
force  de  rendre  la  détermination  nécessaire.  Cette 
nécessité  de  la  détermination  se  tire  de  l'idée 
même  que  l'on  veut  ex[)iinior,  et  particulièrement 
du  sens  du  verbe.  Quand  je  dis,  cet  homme  a  des 
idées  saines,  la  détermination  du  mot  idées  est 
nécessitée  par  le  verbe  a  ;  car  un  homme  ne  peut 
avoir  que  des  idées  déterminées,  cl  je  veux  indi- 
quer les  idées  qu'il  a  réellement;  de  sorte  ijuc  le 
mot  idées  ne  peut,  après  ce  verbe,  être  pris  dans 
un  sens  général  et  indéterminé.  I.a  nature  du 
verbe  exige  donc  ici  la  détermination,  et  la  déter- 
mination "exige  l'article,  ou  tout  autre  mot  qui 
détermine  en  effet  ;  cet  homme  a  des  idées  saines, 
ou  cet  homme  a  de  saines  idées.  ."Mais  quand  on 
dit  les  ouvrages  de  Cicéron  snnt  pleins  d'idées, 
l'adjectifjjZetn  n'exige  pas  la  détermination  du 
mot  idées;  car  les  ouvrages  d'un  auteur  peuvent 
être  pleins  d'idées  de  plusieurs  espèces  et  de  plu- 
sieurs sortes,  et  l'adjectif  ^Zein  ne  suppose  pas 
que  j'ai  dans  l'esprit  d'indiquer  les  unes  plutôt 
que  les  autres;  rien  n'exige  donc  la  détermina- 
tion. Quand  même  on  ajouterait  l'adjectif  «aùie* 
au  mot  idées,  l'indétermination  ne  resterait  pas 
moins  ;  elle  ne  ferait  que  changer  d'étendue.  Dans 
le  premier  cas,  il  s'agirait  de  toute  la  classe  des 
idées  prises  indéterminément  ;  dans  le  second,  de 
toute  la  classe  des  idées  saines  prises  aussi  indé- 
terminément; car  il  y  a  diverses  sortes  d'idées 
saines.  L'indétermination  disparaîtrait  si  l'on  di- 
sait les  saines  idées,  ou  les  idées  saines  qui  sont 
dans  les  ouvrages  de  Cicéron,  ou  bien  il  y  a  des 
idées  saines  dans  les  ouvrages  de  Cicércn,  parce 
qu'il  s'agira't  alors  des  idées  déterminées  qui 
existent  individuellement  dans  les  ouvraacs  de  cet 
orateur. 

On  peut  appliquer  les  mêmes  principes  aux 
exemples  suivants  :  Nos  conriaissances  doivent 
être  tirées  de  principes  évidents;  il  avance  des 
principes  évidents.  Dans  le  premier,  rien  n'exige 
la  détermination  des  mots  principes  évidents;  il 
y  a  diverses  sortes  de  principes  évidents,  et  je 
n'ai  pas  dessein  d'indiquer  l'une  plutôt  que  l'au- 
tre. Dans  lesecond,  au  contraire,  le  verbe  avance 
exige  la  détennination  de  son  complément  ;  car 
on  n'avance  que  des  choses  réelles,  positives,  in- 
dividuelles. Ainsi  l'article  est  nécessaire  dans  cet 
exemple,  et  il  serait  superflu  dans  le  premier. 

Les  grammairiens  donnent  comme  une  règle 
générale  qu'après  de  pris  dans  un  sens  partitif,  il 
faut  supprimer  l'article  toutes  les  fois  que  le  nom 
est  précédé  d'un  adjectif.  Cette  règle  induit  quel- 
quefois en  erreur  ceux  qui  ne  savent  pas  distin- 
guer si  le  d£  est  réellement  partitif,  ou  s'il  n'ex- 
prime qu'un  simple  rapport  d'appartenance  ou  de 
dépendance.  On  dit  Lien  dans  le  sens  partitif,  il 

y  a  d'anciens  philusiphes  qui  prétendent  que 

ce  qui  veut  dire,  parmi  les  anciens  philosophes 

il  y  en  a   qui  prétendent  que ;  mais  on  dit 

avec  l'article,  les  ouvrages,  les  opinions  des  an- 
ciens philiisophes,  parce  que,  dans  ces  phrases,  de 
n'est  pas  pris  dans  un  sens  partitif,  puisque  le 
substantif  modifié  par  l'adjectif  n'indique  pas  une 
partie  des  individus  de  la  classe  qu'il  exprime, 
mais  tous  les  individus  de  cette  classe.  Les  ou- 
vrages des  anciens  philosriphes  ne  sont  pas  les 


ADJ 


29 


ouvrages  de  (juclques  anciens  philosophes,  mais 
les  ouvrages  de  tous  les  anciens  philosojjhes. 

Cette  règle  n'admet  point  d'exception  ptiur  le 
pluriel,  parce  que  le  pluriel  indiquant  plusieurs 
individus,  quelle  que  soit  la  construction,  le  sens 
partitif  se  fait  toujours  remarquer.  Que  je  dise 
j'ai  mangé  des  fruits  excellents,  ou  j'ai  mangé 
d'excellents  fruits,  le  sens  est  toujours,  j'ui  man- 
gé quelques-uns  des  fruits  excellents,  ou  quel- 
ques-uns des  excellents  fruits. 

Il  n'en  est  pas  de  même  au  singulier.  Quand  je 
dis,  il  a  d'excellent  vin,  je  veux  dire  qu'il  a  du 
vin  tiré  de  la  classe  des  vins  excellents,  qu'il  a  du 
vin  de  l'excellente  sorte,  (.'est  un  sens  général 
de  sorte,  et  l'adjectif  excellent  déterminant  as- 
sez cette  classe,  l'article  est  inutile.  Mais  si  je 
veux  faire  tomber  l'idée  d'excellence,  non  sur  la 
classe,  mais  sur  le  vin  même  qui  existe  dans  la 
cave  de  celui  dont  je  jjarle,  l'article  est  nécessaire 
pour  indiquer  cette  vue  de  l'esprit.  Je  dirai  donc 
il  a  de  l'excellent  vin,  pour  signifier,  il  a  une 
partie  excellente  de  ce  qu'on  Udnune  vin.  Dans  le 
premier  exemple,  le  partitif  tombe  sur  la  sorte, 
une  partie  de  la  sorte  de  vins  que  l'on  nomme 
excellents  ;  dans  le  second,  il  tombe  sur  vin,  une 
partie  excellente  de  ce  qu'on  api)elle  vin.  L'article 
mis  devant  l'adjectif  annonce  (jue  cet  adjectif  est 
identifié  avec  le  substantif  qui  le  suit;  il  annonce 
que  cet  adjectif  ne  dort  point  être  pris  dans  un 
sens  général  de  sorte,  mais  a[)pliqué  individuelle- 
ment au  vin  déterminé  dont  il  s'agit.  Je  dirai  à 
un  restaurateur,  donnez-nous  de  bon  vin,  si  mon 
esprit  n'a  pas  précisément  en  vue  le  vin  qu'il  a 
réellement  dans  sa  cave,  mais  en  général  la  classe 
des  bons  vins.  Mais  si  j'ai  intention  de  parler  des 
différentes  sortes  de  vins  qu'il  a  réellemeiit  dans 
sa  cave,  je  lui  dirai,  donnez-ncus  du  h  m  vin; ci, 
lorsfjuc  le  vin  sera  sur  la  table,  et  que  je  l'aurai 
goûté,  je  dirai  voilà  du  him  vin,  el  mm  voilà  de 
bon  vin.  C'est  parla  même  raison  qu'on  dit  voilà 
de  la  b  nnc  philisrphic,  viHù  de  la  vraie  poésie. 

Cotte  doctrine  est  si  vraie  que,  dans  le  sens  né- 
gatif, c'est-à-dire  qui  exclut  la  chose  signifiée  par 
le  substantif,  on  ne  met  jamais  l'arlicle.  Ce  can- 
ton ne  produit  pas  de  bon  vin,  il  n'y  a  pas  de 
de  bonne  eau  dans  cette  ville,  il  n'y  avait  pas  au- 
jiurd'hui  de  bm  blé  au  marché  Mais  on  dirait  au 
contraire  dans  le  sens  positif,  il  y  avait  aujour- 
d'hui du  bon  blé  au  marché,  j'ai  acheté  du  bm  blé, 
il  y  a  actuellement  de  la  bonne  eau  dans  cette 
ville. 

On  dit  du  bon  papier,  lorsque,  ayant  en  vue  du 
papier  réellement  existant,  on  veut  faire  tomber 
le  sens  partitif  sur  ce  papier,  et  non  sur  la  sorte 
exprimée  par  ion.  Si  je  n'ai  pas  de  bon  papier,  je 
dirai,  j'rti  besoin  de  bon  papier;  mais  si'j'ai  chez 
moi  différentes  sortes  de  papiers,  et  que  je  veuille 
einpiover  de  celui  qui  est  bon,  je  dirai,  donnez- 
moi  dit  bon  papier.  Je  dirai  à  un  marchand  chez 
qui  je  veux  acheter  du  papier,  donnes-moi  de 
bon  papier,  ou  donnez -moi  du  bon  papier,  selon 
que  je  prendrai  le  mo{  papier  dans  un  sens  gé- 
néral de  sorte,  ou  dans  un  sens  déterminé. 

Des  adjectifs  démonstratifs.  —  Condillac  ap- 
pelle avec  raison  adjectifs  démonstratifs  les  mots 
auxquels  les  anciens  crammairiens  ont  donne  le 
nom  de  pronoms  démonstratifs.  Ces  mots  sont,  ce, 
cet  cette,  ces;  celui-ci,  celui-là,  cen.cela  11  les 
appelle  adjectifs,  parce  «luils  modifient  le  nom 
devant  le(iuel  ils  sont  placés,  en  dclermin;int  1  é- 
leiiduedesa  signification;  démonstratifs,  parce 
qu'ils  déterminent  cette  étendue  en  montrant, 
pour  ainsi  dire,  les  objets  Dans  cet  homme,  1  ad- 


'iO 


ADJ 


jeclif  cet  (Iclcrmine  retendue  de  la  signilicalion 
du  mot  homme,  en  la  restreignant  à  un  seul  indi- 
vidu de  rcsiH'L'c  humaine,  qu'il  indi(]ue  comme 
présent  aux  yeux  ou  â  l'esprit,  pane  (ju'on  vient 
d'en  p.irler.  uii  tiuc  l'on  va  en  parler.  11  en  est  de 
m<?me  lorsqu'on  dit  ce  héros,  ce  livre,  cette  mai- 
son, ces  enfants. 

Ces  sortes  d'adjci-tifs  rendent  l'ariirle  inutile; 
car  l'article  sert  a  annoncer  «lUC  l'élendiie  de  la 
signilication  du  nom  sera  déterminée  dans  la 
phrase,  et  l'adjectif  démonstratif  la  détermine  en 
effet  avant  ipie  le  nom  soit  énoncé. 

Quelquefois  (in  ajoute  à  ces  adjectifs  les  parti- 
cules ri  et /«,  pour  servir  à  une  distinction  plus 
précise.  Ti  avertit  que  les  objets  sont  préseuls  ou 
plus  prochains;  là,  qu'ils  sont  absents  ou  plus 
éloignés.  Cet  homme-ci,  cet  homme-là;  dans  ce 
temps-ci,  dans  ce  temps-là. 

Ci  ne  s'emploie  qu'à  la  suite  d'un  nom  ;  là  s'em- 
ploie aussi  seul,  et  alors  c'est  une  expression  el- 
lipticiue.  //  est  là,  suppléez  dans  ce  lieu  ;  il  vient 
de  là;  suppléez  de  ce  lieu  ;  là  est  toujours  un  ad- 
jectif démonstratif  qui  détermine  le  mot  lieu,  car 
c'est  comme  s'il  y  avait  :  //  est  dans  ce  lieu-là,  il 
vient  de  ce  lieu-là. 

On  a  ajouté  ci  cl  là  à  ce,  et  on  a  fait  ceci,  cela, 
qui  sont  encore  deux  expressions  elliptiques,  oii 
l'esprit  sous-enlend  une  idée  vague,  un  nom  tel 
qn'ihjet,  être,  ou  tout  autre.  Donnez-moi  ceci, 
Honnez-moi  cela,  c'est  donne z-moi  cette  chose-ci, 
donnez-vioi  cet  objet-là;  cl  les  mots  cette  et  là 
conservent  toujours  leur  caractère  d'adjectifs  dé- 
monstratifs. 

L'eili[)se  a  lieu  encore  lorsque  nous  joignons  ce 
au  verbe  est.  J'aime  Molière,  c'est  le  vieilleur 
comique;  c'est-à-dire,  ce  Molière  est  le  meilleur 
comique  ;  où  Von  voit  que  ce  n'est  pas  substitué 
au  nom  de  Molière,  mais  qu'il  sert  à  déterminer 
d'une  manière  démonstrative  ce  nom  sous-en- 
tendu. Cest  une  chose  merveilleuse  que  de  l'en- 
tendre. Ici  il  n'y  a  point  (rdlipsc  :  car  de  l'en- 
tendre est  le  nom  que  modifie  l'adjectif  ce;  et  le 
sens  est  ce  de  l'entendre  est  une  chose  merveil- 
leuse. Mais  il  y  a  ellipse  ilans  la  phrase  suivante, 
■prenez  garde  à  ce  que  vous  dites;  car  l'esprit 
ajoute  à  ce  l'idée  de  discours  ou  de  propos,  et 
c'est  comme  si  l'on  disait  prenez  garde  à  ces  cho- 
ses qiie  vous  dites,  à  ces  pnpos  que  vous  tenez. 

Cejoinlau  vcrhc  être  lixo  i)lus  parliculièrement 
l'attention  sur  le  substantif  qui  suit;  dans  c'e*^ 
toi  qui  as  commis  ce  crime,  ce  fixe  plus  particu- 
lièrement l'attention  sur  le  criminel,  que  si  l'on 
disait,  tti  as  commis  ce  crime.  Dans  la  i)remiôre 
phrase,  le  mot  ce  au  commencement,  éveille  d'a- 
bord l'attention,  et  chaque  mot  qui  suit  la  satis- 
fait successivcmont;  dans  la  seconde,  tu  as  indi- 
que quelque  chose  de  vague  (pii  peut  avoir  rap- 
port à  mille  ciio'-es  diverses  ou  indifférentes,  uu 
de  peu  d'importance.  Ce  fut  Sijlla  qui  montra  le 
vremier  que  la  rrpuhli'jue  pouvait  perdre  sa  li- 
berté, indi(|ue,  d'une  manière  plus  sensible,  Sy  lia 
comme  le  [ircmier  auteur  de  la  tyrannie,  que  si 

l'on  disait,  Si/lla  fut  le  premier Ce  fut  fixe 

l'attention  sur  Sylla  et  le  montre  au  doigl,  pour 
ainsi  dire;  au  lieu  (ju'en  disant  Sylla  fit,  on  ne 
fait  que  le  nommer. 

On  dit  indifféremment,  c'est  eux,  ce  sont  eux, 
c'esicUcs,  et  sont  tllcs.  .Maisavec  les  pronoms  de 
'a  première  personne  et  de  la  seconde,  on  ne  peut 
employer  que  le  singulier  :  c'est  vous,  c'est  nous, 
c'est  moi. 

Dans  ces  phrases,  le  sujet  du  verbe  est  une 
idée  vague  que  montre  l'adjectif  ce,  et  que  la 


ADJ 

suite  du  discours  détermine.  Si  l'esprit  se  porte 
sur  cette  idée,  nous  disons  au  singulier,  c'est 
eux,  c'est  nous;  et  nous  disons  au  pluriel,  ce  sont 
eux,  si  l'esprit  se  porte  sur  le  nom  qui  suit  le 
verbe. 

l'usage  a  donné  ici  le  choix  des  tours,  et  il 
I)Cut,àson  gré,  rejeter  quelquefois  l'un  des  deux. 
i:"cst  ce  qu'il  fait  lorsipie  le  nom  est  à  la  première 
uu  à  la  seconde  personne  ;  car  il  ne  permet  j.imais 
de  dire  ce  sont  nous,  ce  sont  vous.  Il  nie  semble 
que  cette  exception  est  fondée  sur  ce  que  les 
mots  nous  et  vous  se  disent  tantôt  pour  exprimer 
un  singulier,  et  tantôt  pour  exprimer  un  pluriel. 
La  règle  générale  n'affectant  ce  sont  qu'au  seul 
nombre  pluriel,  ces  mots  se  seraient  trouvés  dé- 
placés devant  nous  et  vous  signifiant  un  singu- 
lier; et  l'on  ne  pouvait  pas  plus  dire  en  parlant  à 
une  seule  personne,  ce  so/ii  vous  quiavez  dit  cela, 
qu'on  ne  pouvait  dire  ce  so?it  lui  que  j'ai  vu.  Il 
a  donc  paru  jilus  simple  d'employer  devant  les 
noms  nous  et  vous  pris  soit  au  singulier  soit  au 
pluriel,  le  mot  c'est,  (]ui,dans  la  régie  générale, 
précède  également  bien  le  singulier  et  le  pluriel. 

L'usage  veut  aussi  que,  lorsqu'on  parle  au 
passé,  on  mette  le  verbe  au  pluriel  devant  un 
nom  plurifil,  et  qu'on  dise,  ce  furent  {t:t  non  ce 
fut)  les  Phéniciens  qui  inventèrent  l'art  dé- 
crire ;  quoiqu'on  puisse  dire  au  présent,  c'est 
les  Phéniciens  qui  oit  inventé  l'art  d'écrire.  11 
est  évident  que,  dans  la  première  phrase,  le  plu- 
riel est  plus  convenable,  parce  que  l'attention  se 
porte  plus'parliculièrement  sur  le  nom  qui  est  au 
pluriel;  et  Condillac,  qui  dit  que  le  singulier  ne 
serait  pas  une  faute  dans  la  seconde,  convient  ce- 
pendant (ju'il  pourrait  être  mieux  de  dire,  ce  sont 
les  Phéniciens,  etc. 

Celui,  celle,  ceux,  celles,  sont  aussi  des  ad- 
jectifs démonstratifs,  mais  qui  s'emploient  sans 
nom,  quand  le  nom  est  déjà  connu  auparavant, 
et  toujours  en  concordance  avec  ce  nom  sous-en- 
tendu. Ainsi,  après  avoir  parlé  de  livres,  on  dit, 
celui  que  j'ai  publié,  ceux  que  j'ai  consultés  ;  et 
après  avoir  parlé  de  conditions,  celle  que  j'ai 
subie,  celles  que  j'ai  pr( posées.  11  est  clair,  dans 
tous  ces  exemples,  que  celui  et  ceux  se  rappor- 
tent mentalement  à  l'idée  de  livre,  et  que  celle  et 
celles  se  rapportent  à  l'idée  de  condition;  qu'ils 
ont  une  concordance  réelle  avec  ces  noms,  quoi- 
que sous-entendus;  et  que  les  mômes  mots  celui, 
ceux,  celle,  celles,  d;\ns  d'autres  phnises,  pour- 
raient se  rapporter  à  d'autres  noms,  ce  qui  carac- 
térise bien  la  nature  de  l'adjectif.  Si  l'on  se  sert 
de  celui  avant  que  d'avoir  présenté  aucun  nom. 
comme  celui  qui  ment  offense  Dieu,  ou  ceux  qui 
mentent  offensent  Dieu,  la  proposition  incidente 
qui  suit  c.^t  déterminativc  et  relative  à  la  nature 
de  l'homme,  et  le  nom  homme  est  ici  sous-en- 
tendu. 

A  ces  adjectifs  on  a  ajouté  ci  et  U;  et  on  a  Hiii 
celui-ci,  cehdlà,  etc.  C'est  le  même  adjectif  al- 
longé des  particules  ci  et  là,  pour  servir  à  une 
distinction  plus  précise.  Ci  avertit  (]uo  les  objets 
sont  jiréscnts  ou  plus  prochains;  là,  qu'ils  sont 
absents  ou  plus  éloignés,  frayez  ces  adjectifs  à 
leurs  places. 

Des  adjectifs  possessifs.  —  On  appelle  ad- 
jectifs possessifs  ceux  (]\i\  déterminent  un  nom 
avec  un  ra|)portde  propriété;  c'est  ce  que  le  com- 
mun des  grammairiens  appellent  j3rono?«spo55es- 
sifs.  On  va  voir  qu'ils  ne  sont  pas  des  [ïronoms, 
puisqu'ils  ne  se  mettent  point  à  la  place  des  noms; 
mais  ipje  ce  sont  de  vrais  adjectifs,  parce  qu'ils 
déterminent  un  substantif  exprimé  ou  sous-on- 


APJ 

tendu  auquel  ils  ont  rapport.  Pans  mon  chapeau, 
mon  est  adjectif,  puisqu'il  détermine  chapcav  ;  et 
il  esl  possessif ,  puisqu'il  marque  un  rappurl  de 
propriété  du  cliapeau  u  moi. 

Les  adjectifs  possessifs  sont  tirés  des  pronoms 
personnels;  ils  marquent  que  le  substantif  qu'ils 
modilient  a  un  rapport  de  propriété  avec  la  jire- 
mière,  la  seconde  ou  la  troisième  personne. 

Les  adjectifs  possessifs  qui  se  rapportent  à  la 
première  personne  du  singulier,  sont  mon,  ma, 
mes;  mien,  mienne,  miens,  miennes.  Ceux  qui 
se  rapportent  a  la  prciaiére  personne  du  pluriel, 
sont  nvtre,  nos  ;  notre,  nôtres. 

Les  adjectifs  possessifs  qui  se  rapportent  à  la 
seconde  jiersinne  du  singulier  sont,  ton,  tu,  tes; 
tien,  tienne;  ceux  iiui  se  rapportent  à  la  seconde 
personne  du  pluriel  sont,  votre,  vos  ;  vôtre,  vô- 
tres. 

Les  adjectifs  possessifs  qui  se  rapportent  à  la 
troisième  personne  du  singulier  sont,  son,  sa, 
ses;  sien,  sienne,  siens,  siennes  ;  ceux  qui  se 
rapportent  à  la  troisième  personne  du  pluriel  sont, 
leur,  leurs. 

Mon,  ton,  son,  leur  féminin  cl  leur  pluriel, 
s'emploient  toujours  avec  des  substantifs,  et  ne 
peuvent  jamais  être  précédés  de  l'article,  parce 
qu'ils  sont  eux-mêmes  adjectifs  prépositifs,  et 
qu'ils  déterminent  leurs  substantifs. 

Au  contraire,  avec  mien,  tien,  sien,  leur  fémi- 
nin et  leur  pluriel,  on  met  toujours  l'article, 
parce  que  ces  mots  ne  sont  point  des  prépositifs, 
mais  des  ad)eclifs  pt>ssessifs  qui  se  rapportent  ii 
un  substantif  sous -entendu,  f^oilà  votre  plume, 
donnez-moi  la  mienne;  la  mienne  signifie  la 
plwne  mienne  ;  c'est  une  ellipse.  L'article  s'em- 
ploie en  pareil  cas,  non  pour  déterminer  mienne, 
mais  pour  concourir,  avec  cet  adjectif,  à  déter- 
miner le  mot  plume,  qui  est  sous-entendu. 

Enfin  notre,  v<tre,  leur,  se  mettent  avec  le  sub- 
stantif sans  article,  ou  avec  l'article  sans  substan- 
tif exprimé,  t^t.tre  maisi  II,  la  nôtre;  leur  fille,  la 
leur. 

La  différence  qu'il  y  a  entre  les  adjectifs  pos- 
sessifs qui  prennent  l'article,  et  ceux  qui  ne  le 
prennent  point,  c'est  que  les  premiers  renferment 
dans  leur  signification  celle  des  seconds  et  celle 
de  l'article;  en  sorte  que  ?Hci7t  signifie  fe  mien; 
ton,  le  tien;  son,  le  sien;  ncs,  les  nôtres,  etc. 
Mon  livre,  selon  cette  explication,  veut  donc 
dire,  le  mien  livre  ou  le  livre  mien  ;  nos  livres, 
c'est  les  livres  nôtres,  etc. 

Mon,  ton,  son,  ont  cela  de  particulier,  qu'ils 
s'emploient  non-seulement  avec  les  noms  mascu- 
lins, mais  encore  avec  les  féminins  qui  commen- 
cent par  une  voyelle  ou  par  un  h  non  aspiré.  M.n 
âme,  ton  amitié,  cl  non  pas,  ma  âme,  ta  amitié. 
•  C'est  use  règle  générale,  (lue  l'on  supprime  les 
adjectifs  pussessifs  avant  un  nom,  toutes  les  fois 
que  les  circonstances  y  suppléent  suffisamment. 
On  dit,  j'ai  mal  à  la  tête,  ce  cheval  a  pris  le  mors 
aux  dents,  et  non  pas,y«t  mal  à  ma  tête,  ce  che- 
val a  pris  son  mors  à  ses  dents.  Les  circonstan- 
ces indiquent  assez  qu'il  s'agit  de  ma  tcte,  et  non 
de  la  tête  d'un  autre;  du  mors  et  des  dents  du 
cheval  dont  je  parle,  et  non  du  mors  et  des  dents 
d'un  autre  cheval. 

L'usage  des  adjectifs  possessifs  de  la  troisième 
personne  offre  quelques  difficultés.  En  parlant 
d'un  homme  ou  d'une  femme  on  dira,  sa  tète  est 
belle,  et  on  ne  dira  pas,  la  tcte  en  est  belle,  quoi- 
que sa  et  en  aient  ici  la  même  signification.  S'il 
s'agissait  d'une  statue,  il  faudrait  dire,  aucon- 
iralre,  la  tète  en  est  belle,  et  non  pas,  sa  tête  est 


ADJ 


3J 


belle.  C'est  une  règle  générale,  qu'il  faut  employer 
les  adjectifs  .s. m,  sa,  ses,  lorsque  l'on  p;irle"dc 
personnes  ou  do  choses  que  l'on  pcrsoiuiilie,  c'est- 
à-dire,  auxquelles  on  attribue  des  vues  cl  une 
volonté.  Hors  ce  cas,  l'usage  varie  beaucoup. 

On  ne  dira  pas,  en  j.arlant  d'une  rivière,  son 
lit  est  profond,  maisie  lit  en  est  pn^f  nd;  on  dw 
cependant,  elle  est  sortie  de  son  lit. 

On  ne  dira  pas  d'un  parlement,  d'une  année, 
d'une  maison,  ses  magistrats  sont  intèprcs,  .ses 
soldats  sont  bien  discipliués,  sa  situatimi  est 
agréable  ;  il  faut  dire,  les  Magistrats  en  smit  in- 
tègres, les  Soldats  en  50/1^  lien  disciplinés,  la  «•- 
tuation  en  est  agréable.  CJpendatit  on  dit,  lepur- 
lement  est  mécontent  d'une  partie  de  ses  magis- 
trats ;  l'armée  a  beaucoup  perdu  de  ses  soldats  ; 
cette  maison  est  mal  située,  il  faudrait  pouvoir 
la  tirer  de  sa  place. 

D'après  ces  exemples,  il  est  aisé  de  se  faire  une 
règle  :  ia  voici.  (Juand  il  s'agit  de  choses  qui  ne 
sont  pas  personnifiées,  on  lioit  se  servir  du  pro- 
nom en,  toutes  les  fois  qu'on  en  peut  faire  usage; 
et  on  ne  doit  employer  l'adjectif  possessif  que 
lorsiju'il  est  impossible  de  se  servir  de  ce  pro- 
nom. On  dira  donc,  V Eglise  avait  se?,  privilews ; 
le  parlement  avait  ses  droits;  la  république  avait 
conservé  ses  conquêtes;  si  la  ville  a  ses  agré- 
ments, la  campagne  a  \es siens.  11  n'est  pas  pos- 
sible de  substituer  ici  le  pronom  en  aux  adjec-  ^ 
lifs  possessifs,  et  l'on  doit  par  conséquent  les'' 
employer.  Mais  si  l'on  lient  se  servir  de  ce  pro- 
nom, on  dira,  en  parlant  de  la  ville,  les  agréments 
en  sont  préférables  à  ceux  de  la  caiiipagnc  ;  d'une 
république, /es  cit'ijcns  en  sont  vertueux;  d'un 
parlement,  les  magistrats  en  so7it  intégres  ;  de 
l'Eglise,  les  privilèges  en  smt grands. 

On  peut  faire  l'aiiplication  de  cette  règle  aux 
exemples  que  l'on  a  donnés  plus  haut,  et  à  beau- 
coup d'autres.  On  parlera  donc  également  bien, 
soit  que  l'on  dise  d'un  tableau,  il  a  ses  beautés, 
ou  les  beautés  en  sont  supérieures  ;  et  d'une 
maison,  elle  a  ses  ccmmodites,  ou  les  commodités 
en  sont  grandes. 

Quoique  les  adjectifs  possessifs  paraissent  plus 
particulièrement  destinés  à  marquer  le  rapport 
de  propriété  aux  personnes,  il  est  naturel  de  s'en 
servir  pour  marquer  le  même  rapport  aux  choses, 
quand  on  n'a  pas  d'autres  moyens.  On  dira  donc 
de  l'esprit,  ses  avantages;  de"  l'amour,  ses  mou- 
vements; d'un  triangle,  ses  côtés;  d'un  carré, sa 
diagonale,  etc. 

Je  remarquerai  par  occasion ,  que  ce  ta- 
bleau a  ses  beautés,  et  ce  tableau  a  des  beautés, 
nesisnificnl  pas  exactement  la  même  chose.  On 
dira, "ce  tableau  a  ses  beautés,  en  parlant  a  m"c1- 
qu'un  qui  y  trouve  des  défauts,  dont  on  est  obligé 
de  convenir  makré  soi  ;  et  ce  tour  exprime  un 
consentement  tacite  aux  critiques  (lui  ont  etc 
faites.  On  dira,  au  contraire,  ce  tableau  a  des 
beautés,  si  l'on  y  trouve  des  défauts  qu'on  ne  re- 
lève pas,  qu'on  veut  même  passer  sous  silence, 
et  qu'on  serait  fâché  de  voir  échapper  aux  an- 
trcs  - 

On  demande  s'il  faut  dire,  tous  les  juges  ont 
opinéchacun  selon  ses  lumière  s,  ox\  t.uslesjuges 
ont  opiné  chacun  selon  leurs  lumières,  ''o"':  ''l'- 
pundrc  à  celte  question,  il  faut  connaître  la  dille- 
rente  sisnilication  des  adjectifs  ses  et  leurs  or, 
le  premier  sisnific  que  la  chusc  appartient  distri- 
butivemenl  aux  uns  et  au.v  autres;  et  le  second, 
qu'elle  leur  appartient  à  tous  collectiveinenl. 

De  celte  explication,  il  suit  qu'on  doit  dire, 
tous  les  juges  ont  opiné  chacun  selon  ses  lumie- 


32 


ADJ 


res  ;  car  ce  que  vous  dilcs  de  tous  collective- 
ment, c'est  qu  ils  ont  opine,  et  ce  que  vous  dites 
distribulivemoiit,  c'est  que  chacun  a  opine  se- 
lon ses  lumières.  11  y  a  ellipse,  et  le  sens  est, 
tous  les  jiifjes  ont  opiné,  et  chacun  a  opiné  selon 
ses  Ittrnières.  On  dira,  au  contraire,  tous  les  ju- 
pes ont  donné  chacun  leur  avis  suivant  leurs 
lumières.  Pour  sentir  la  différence  de  ces  deux 
tours,  il  faut  remarquer  que  dans  ces  mois,  les 
juges  ont  opiné,  le  sens  collectif  est  fini,  et  qu'il 
ne  l'est  pas  dans  ceux-ci,  les  juges  ont  donné. 
Or,  dès  que  chacun  ne  vient  qu'après  un  sens 
collectivement  fini,  c'est  à  ce  mot  que  tout  ce  qui 
suit  doit  se  rapporter,  et  on  doit  dire  distributi- 
vement,  les  juges  ont  opiné  chacun  selon  ses  lu- 
mières Mais  si  chacun  vient  avant  que  le  sens 
collectif  soit  fini,  ce  qui  suit  ne  peut  plus  se  dire 
distribulivcment.  On  dira  donc,  les  juges  ont 
donné  chacun  leur  avis  suivant  leurs  lumières  ; 
car  le  sens  coUeciif  ne  finit  qu'après  avis,  que 
chacun  précède.  Par  la  mcme  raison,  il  faut  dire, 
il  leur  a  dit  à  chacun  leur  fait,  et  non  pas  son 
fait.  On  dira  cependant,  il  a  dit  à  chacun  son 
fait.,  parce  que,  n'y  ayant  point  de  nom  auquel 
l'adjectif  possessif  puisse  se  rapporter  collective- 
ment, chacun  détermine  le  sens  distribulif. 

Des  adjectifs  conjonctifs.  —  Nous  appelons, 
avec  Condillac,  adjectifs  conjonctifs  les  mots  que 
le  commun  des  grammairiens  appellent  pronoms 
relatifs,  tels  que,  qui,  que,  dont,  lequel,  laquelle. 
Assurément  ces  mots  ne  sont  point  des  pronoms, 
car  ils  ne  sont  point  de  nature  à  pouvoir  être  sub- 
stitués à  un  substantif. 

Un  substantif  peut  être  modifié  par  une  pro- 
position incidente.  Les  vers  de  l'écrivain  que 
vous  aimez,  dont  vous  recherchez  les  ouvrages, 
et  auquel  vous  donnez  la  préférence.  Voilà  trois 
propositions  incidentes;  il  s'agit  de  savoir  quelle 
est  l'énergie  des  mots  que,  dont,  auquel. 

Observons  d'abord  lequel,  cl  duquel,  et  disons  : 

L'écrivain  lequel  vous  aimez  et  duquel Je 

sais  bien  que  lusage  préfère  l'écrivain  que 

et  dont.  Alais  toutes  ces  expressions  ont  le  même 
sens,  et  nous  pourrons  appliquera  qui,  que,  dont, 
ce  que  nous  aurons  démontré  de  lequel  et  du- 
quel. 

Or,  quand  je  dis  l'écrivain,  j'offre  une  idée 
dans  toute  sa  généralité;  et  si  j'ajoute  lequel,  ce 
mot  restreint  mon  idée.  J'annonce  que  je  vais 
parler  d'un  individu,  et  je  fais  pressentir  que  je 
vais  le  désigner  par  quelque  modification  parti- 
culière. 

Cette  modification  est  exprimée  dans  la  propo- 
sition incidente,  et  celte  proposition  est  annoncée 
par  le  mot  lequel,  qui  la  lie  au  substantif,  (le  mot 
commence  donc  à  déterminer  celui  d'écrivain, 
et  par  conséquent  doit  cire  mis  dans  la  classe  des 
adjectifs. 

Mais  tout  adjectif  est  censé  accompagné  de 
son  substantif;  et  lorsque  celui-ci  n'est  pas  ex- 
primé,  il  est  sous-entendu.  L'écrivain  lequel 
vous  aimez  et  auquel  vous  donnez  la  préfé- 
rence, est  donc  pour  l'écrivain,  lequel  écrivain 
vous  aimez  et  auquel  écrivait.. . .  Or  qui,  que, 
dont,  sont  synonymes  de  lequel  et  duquel.  Ce 
sont  donc  aussi  des  adjectifs,  et  toutes  les  propo- 
sitions où  nous  les  employons  sunt  des  tours  el- 
liptiques. L'écrivain  qui  est  donc  pour  l'écri- 
vain, qui  écrivain.  Ainsi ,  bien  loin  que  ces 
mots,  qui,  que,  dont,  lequel,  tiennent  la  place 
d'un  nom,  ils  le  sous-enlendcnt  au  contraire  tou- 
jours a[)rès  eux.  Nous  les  appelons  adjectifs, 
parce  qu'ils  commencent  à  déterminer  le  nom  ; 


ADJ 

conjonctifs,  parce  qu'ils  le  lient  à  la  proposition 
incidente  qui  achève  de  le  modifier. 

11  faut  remarquer  que  le  nom  que  les  adjectifs 
conjonctifs  déterminent  n'est  pas  toujoure  ex- 
primé; mais  ils  le  suppléent.  Qui  vous  a  dit 
ceZa?  c'est  quel  est  l'homme,  qui  homme.  Qui  ne 
sait  pas  garder  un  sccrct,nemérite  pas  d'avoir  des 
amis  ;  c'est  l'homine,  qui  l'homme  ne  sait  pas... 
Quelquefois  aussi  le  conjonctif  n'est  précédé  que 
d'un  autre  adjectif  vague,  celui  qui;  et  alors  il 
faut  suppléer  le  substantif  pour  l'un  et  pour  l'au- 
tre adjectif,  celui  homme,  qui  hoinme. 

Quic\.  lequel  ne  se  rapportent  d'ordinaire  qu'à 
un  substantif  qui  les  précède;  mais  nous  avons 
d'autres  adjectifs  conjonctifs  qui  ne  se  rappor- 
tent jamais  qu'à  des  noms  sous-entendus;  ce 
sont  quoi  et  où.  Quand  on  dit,  à  quoi  vous  occu- 
pez vous?  quoi  est  entièrement  l'équivalent  de 
lequel  ou  laquelle.  C'est  un  adjectif  qui  est  le 
même  pour  les  deux  genres;  et  il  faut  suppléer 
chose  ou  tout  autre  nom.  Quelle  est  la  chose,  à 
quoi  chose,  pour  à  laquelle  chose  vous  vous  oc- 
cupez ? 

Quand  on  dit  oiiallcz-rous?  d'où  venez-rousf 
le  sens  est  :  Quel  at  le  lieu  auquel  lieu  vous 
allez?  quel  est  le  lieu  duquel  lieu  vous  venez? 
Ces  exemples  font  voir  (jue  l'adjectif  où  est  équi- 
valent à  un  conjonctif  suiri  de  son  substantif,  et 
à  une  pro[)osition  qui  le  pourrait  précéder,  mais 
qu'on  supprime. 

Lequel  et  laquelle  sont  formés  des  articles  le, 
la,  et  des  adjectifs  quel  et  quelle,  qui  ne  sont  pas 
conjonctifs  et  qui  s'emploient  sou  vent  avec  ellipse. 
Quel  est-il?  quelle  est-elle?  se  disent  par  exem- 
ple, pour  cet  homme,  quel  homme  est-il?  celte 
femme,  quelle  femme  est-elle?  Nous  disons  aussi 
qni  est-elle?  Ces  adjectifs  ne  souffrent  point  de 
difficulté.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  adjectifs 
conjonctifs 

Un  adjectif  conjonctif  ne  doit  se  rapporter  qu'à 
un  nom  pris  dans  un  sens  déterminé.  On  ne  dira 
pas  l'homme  est  animal  qui  raisonne,  vous  avez 
été  reçu  avec  politesse  qui,  parce  que  les  mots 
animal  et  politesse,  auxquels  se  rapporte  l'ad- 
jectif qui,  sont  pris  dans  un  sens  indéterminé. 
Mais  on  dira  bien  l'homme  est  un  animal  qui 
raisonne,  vous  avez  été  reçu  avec  la  politesse 
qui  vous  était  due,  parce  que  le  mot  un  donne 
un  sens  déterminé  au  substantif  animal,  et  que 
l'article  la  annonce  que  le  substantifpoitiesse  est 
pris  dans  un  sens  détermine. 

.Mais  pour  qu'un  substantif  soit  déterminé,  il 
n'est  pas  toujours  nécessaire  qu'il  soit  précédé 
d'un  prépositif  tel  que  la,  un,  tout,  quelque,  etc. 
Il  y  a  des  phrases  où,  sans  ces  adjectifs,  la  dé- 
termination est  indiquée  par  le  sens.  Ainsi  l'on 
dira  fort  bien  :  Il  n'a  point  de  livre  qu'il  n'ait 
Z«;  cette  proposition  est  équivalente  à  celle-ci  : 
//  n'a  pas  un  livre  qu'il  n'ait  ht  ;  ou  chaque 
livre  qu'il  a,  il  l'a  lu.  Il  n'y  a  point  d'injus- 
tice qu'il  ne  commette  ;  c'cst-a-dire,  chaque  sorte 
d'injustice  particulière  ,  il  la  commet.  Est-il 
ville  dans  le  royaume  qui  soit  plus  obéissante? 
c'est-à-dire,  est-il  quelque  autre  ville,  est-il  une 
ville  qui  soit  plus  obéissante  que,  etc.  //  n'y  a 
homme  qui  sache  cela;  aucun  homme  ne  sait 
cela. 

Si  l'on  dit  de  tiuclqu'un  qu'il  agit  en  roi,  en 
père,  en  ami,  et  qu'on  prenne  roi,  père,  ami, 
dans  le  sens  spécifique  et  selon  toute  la  valeur 
que  ces  mots  peuvent  avoir,  on  ne  doit  point  y 
ajouter  d'adjectif  conjonctif;  mais  si  les  circon- 
stances font  connaître    qu'en  disant  roi,  peu», 


ADJ 

mère,  on  a  dans  l'esprit  l'idée  particulière  de 
tel  roi,  de  tel  père,  de  tel  awi',  et  que  l'expres- 
sion ne  soit  pas  consacrée  par  l'usage  au  seul 
sens  spécifique  ou  adverbial,  alors  on  peut  ajou- 
ter l'adjectif  conjoiictif  et  dire  il  se  conduit  en 
père  tendre  qui. . .  car  c'est  autant  que  si  l'on  di- 
sait comme  un  père  tendre  ;  c'est  le  sens  |)arlicu- 
lier  <|ui  peut  recevoir  ensuite  une  détermina- 
tion singulière. 

On  dit  absolument  dans  un  sens  indéfini,  se 
donner  en  spectacle ,  avoir  peur,  avoir  pilic. 
On  ne  doit  donc  point  ajouter  ensuite  à  ces 
substantifs,  pris  dans  un  sens  général,  des  adjec- 
tifs qui  les  supposeraient  dans  un  sens  fini,  et  en 
feraient  des  individus  uiclapliysiques.  Onncdoit 
donc  pas  dire,  se  donner  en  spectacle  qui  désho- 
nore, avoir  peur  qui  trouble  les  sens,  Clc. 

Parmi  ces  adjectifs  conjonctifs,  les  uns  ne  se 
disent  que  des  personnes,  et  les  autres  se  disent 
des  personnes  et  des  choses.  11  s'agit  d'observer 
ce  (jue  l'usage  prescrit  à  ce  sujet.  11  faut  d'a- 
bord distinguer  si  l'adjectif  conjonctif  est  le  sujet 
de  la  proposilion  incidente,  l'oijjet  du  verbe, 
ou  le  terme  d'un  rapport.  Il  est  le  sujet  dans  la 
science  qui  plaît  le  plus,  l'objet  dans  la  science 
que  j'aime,  et  le  terme  d'un  .-apport  toutes  les  fois 
qu'il  peut  être  précédé  d'une  préposition. 

Lorsque  le  conjonctif  est  le  sujet  de  la  propo- 
sition incidente,  ^widoit  être  préféré  à  lequel  cl 
laquelle,  soit  qu'on  parle  de  choses,  soil  qu'on 
parle  de  personnes  :  Les  écrivains  qui  savent 
penser  savent  écrire  ;  les  talents  qui  font  le  phi- 
losophe et  ceux  qui  font  Vlwinme  social  ne  sont 
pas  toujours  les  mêmes.  On  ne  pourrait  pas  sub- 
stituer ici  lequel  ou  lesquels.  Lorsque  le  conjonc- 
tif est  l'objet  du  verbe,  c'est  encore  une  règle  gé- 
nérale de  préférer  que  à  lequel  et  laquelle  :  Les 
arts  que  vous  cultivez,  les  ennemis  qu'il  a  vain- 
cus. Lorsque  le  conjonctif  est  le  terme  d'un  rap- 
port qu'on  pourrait  exprimer  par  la  préposition 
de,  dont  s'cmplcie  en  parlant  des  choses  comme 
en  parlant  des  personnes;  il  est  même  préférable 
n  tous  les  autres  :  César  dont  la  valeur,  les  biens 
dont  vous  jouissez,  la  maladie  dont  vous  êtes 
menacé. 

Si  l'on  voulait  faire  usage  des  autres  conjonc- 
tifs, il  faudrait  distinguer  s'ils  se  rapportent  à 
une  chose  ou  à  une  personne.  Dans  le  premier 
cas,  le  plus  sûr  serait  d'employer  duquel  ou  de 
laquelle,  et  jamais  de  qui:  Un  arbre  duquel  le 
fruit,  une  chose  de  laquelle.  Sur  quoi  il  faut  re- 
marquer que  do?it  serait  préférable. 

Si  le  conjonctif  se  rapporte  à  des  personnes,  il 
faut  préférer  de  qui  à  duquel  et  à  de  laquelle. 
César  de  qui  la  valeur. 

Mais  il  y  a  une  exception  à  faire  à  ces  deux 
dernières  règles.  Pour  cela,  il  faut  observer  que c?e 
ijui  peut  être  le  terme  auquel  se  rapporte  le  sub- 
stantif de  la  proposilioii  incidente,  ou  le  terme  au- 
quel se  rapporte  le  verbe  Dans  César  de  qui  la 
valeur,  de  qui  est  le  terme  auquel  se  rapporte  le 
substantif  la  valeur,  et  il  le  détermine  connue  de 
César  le  déterminerait.  Mais  dans  l'homme  de  qui 
TOUS  m'avez  parlé,  de  qui  est  le  tcrine  auquel  on 
rapporte  le  verbe.  Or,  toutes  les  fois  que  le  con- 
jonctif est  le  terme  aucjuel  on  rapporte  le 
verbe,  on  peut  se  servir  de  qui  ou  de  dont,  qui 
est  encore  mieux. 

Mais  s'ilesl  le  terme  auquel  se  rapporte  le  sub- 
stantif de  la  proposition  incidente,  il  faut  distin- 
guer: ou  il  est  suivi  de  ce  substantif,  ou  il  en  est 
précédé.  S'il  en  est  suivi,  dont  pourra  se  dire  des 
jiersonncs  et  des  choses,  et  de  qui  ne  se  dira  que 


ADJ 


55 


des  personnes  :  La  Seine  dont  le  lit,  et  non  p;vs  Js 
qui.  Le  prince  dont  ou  de  qui  la  protection.  S'il 
en  est  précédé,  il  faudrait  toujours  préférer  du- 
quel ou  de  laquelle:  La  Seine  dtuis  le  lit  de  la- 
quelle, le  prince  à  la  protection  dnijucl.  De  qui  ne 
serait  pas  si  bien,  même  en  iiarlani  des  iicrsonnes. 

Avec  la  préposition  à  onemploie  les  conjonctifs 
lequel  c[  laquelle,  eu  parlant  des  choses:  La  fir- 
tune  ù  laquelle  je  ne  m'attendais  pas.  l'n  itarlanl 
des  personnes,  on  a  le  choix  entre  qui  et  lequel  : 
Les  amis  à  qui  ou  auxquels  je  me  suis  confié. 

A  quoi  ne  se  dit  que  des  choses  absolument  in- 
animées, et  encore  peut-on  toujours  y  substituer 
auquel  ou  ù  laquelle:  C'est  une  objection  à  quoi 
ou  à  laquelle  je  ne  m'attendais  pas.  On  ne  dini 
pas  c'est  vn  cheval  ù  quoi  je  me  suis  fié,  mais 
auquel.  A  quoi  et  de  quoi  ne  s'emploient  propre- 
nient  que  lorscpi'on  les  rapporte  a  desciioscs  i»lu- 
lôt  qu'à  des  noms  :  C'est  de  quoi  je  me  plains, 
c'est  à  quoi  je  ne  m'attendais  pas. 

Il  y  a  des  occasions  où  que  se  met  jwur  «  qui  : 
C'est  d  vous  que  je  parle  ;  cl  d'autres  où  il  s'em- 
ploie pour  dont  :  C'est  de  lui  que  je  parle;  on  ne 
doit  pas  même  s'exprimer  autrement. 

Oit  et  d'où  ne  sediscnt  jamais  que  des  choses  : 
f^oilù  le  point  où,  je  m'arrête  ;  voilà  le  principe 
d'où  je  conclus. 

Avec  toute  autre  i)réposit:on  qu'«  et  de,  le  con- 
jonctif ieçi/eZ,  laquelle,  peut  se  dire  des  personnes 
et  des  choses;  mais  qui  ne  s'emploie  qu'en  par- 
lant des  personnes  :  Les  revenus  sur  lesquels 
vous  comptes  ;  les  accidents  contre  lesquels  vous 
êtes  en  garde  ;  l'homme  chez  qui  OU  chez  lequel 
vous  allez  ;  la  personne  avec  qui  ou  avec  la- 
quelle vous  m'avez  compromis. 

S'il  s'agit  de  choses  inanimées,  on  emploie  quoi 
ou  lequel:  Le  principe  sur  quoi  OU  sur  lequel  je 
me  fonde,  la  chose  en  quoi  ou  dans  laquelle  il  a 
manqué. 

De  la  terminaison  de  l'adjectif.  —  L'adjeciif 
et  le  substantif  mis  ensemble  en  construction  ne 
présentent  à  l'esprit  qu'un  seul  et  même  individu, 
ou  physique  ou  métaphysique.  Ainsi  l'adjectif 
n'êlanl  réellement  que  le  substantif  inéme  consi- 
déré avec  la  (|ualité  que  l'adjectif  énonce,  ils 
doivent  avoir  l'un  et  l'autre  les  mêmes  signes  des 
vues  particulières  sous  Icstpielles  l'cspril  consi- 
dère la  chose  qualifiée.  Parle-l-on  d'un  objet  sin- 
gulier, l'adjectif  doit  avoir  la  termmai^on  des;i- 
néc  à  marquer  le  singulier.  \'oyez  Nombre.  Le 
substantif  est-i!  de  la  classe  des  noms  ([u'on  ap- 
pelle masculins,  l'adjectif  doit  avoir  le  signe 
destiné  à  marquer  les  noms  de  cette  classe.  "Voyez 
Genre.  Il  en  est  de  même  à  l'égard  du  pluriel  et 
du  féminin;  c'est  ce  que  les  grammairiens  ap- 
pellent concordance  ou  accord  de  l'adjectif  avec 
le  substantif.  Voyez  Accord. 

Si  un  adjectif  est  terminé  par  un  e  muet , 
comme  sage,  fidèle,  utile,  facile,  habile,  ti- 
mide, riche,  aimable,  volage,  troisième,  qua- 
trième, clc,  alors  l'adjectif  sert  égalomenl  pour 
le  masculin  et  pour  le  iendnin  :  Un  amant  fidèle, 
une  femme  fidèle.  — Cependant,  wat/rc,  traître, 
diable,  font  au  féminin  maîtresse,  trallro^ise, 
diablesse  ;  mais  peut-être  est-ce  pane  qu'on  em- 
ploie souvent  ces  adjectifs  substaniivcmont. 
[Graininaire  des  Grammaires,  p.  2)0.)  Si  un 
adjectif  est  terminé  dans  s;i  première  dénomina- 
tion par  queliiuc  autre  lettre  que  par  un  e  muet, 
alors  celte  première  terminaison  sert  |)our  le 
genre  masculm,  pur,  dur,  brun,  savant,  fort, 
bon.  A  l'ésard  du  féminin,  il  faut  distinguer:  ou 
l'adjectif  finit  au  masculin  par  une  voyelle,  ou  il 


34 


ADJ 


est  terminé  par  une  consonne.  S'il  finit  par  toute 
autre  voyelle  que  par  un  emucl,  il  faut  ajouter 
seulement  Ve  nuiet  après  celte  voyelle,  et  on  aura 
la  terminaison  féminine  de  l'adjectif:  Sensé,  sen- 
sée; joli,  j'dlie ;  bourru,  bourrue.  Si  l'adjectif 
masculin  finit  par  une  consonne,  délachez  cette 
consonne  de  la  lettre  qui  la  précède,  cl  ajoutez 
un  e  muet  à  celle  consonne  délacliée,  vous  aurez 
la  terminaison  fcmininede  l'adjectif:  Pur,pu-re  ; 
saint,  sain-te;  sain ,  sai-ne  ;  grand,  gran-de  ;  sot, 
so-te;  bon,  bo-ne.  A  la  vérité,  les  maîtres  à  écrire, 
pour  multiplier  les  jambages,  dont  la  suite  rend 
l'écrilurc  i)lus  unilurme  et  plus  agréable  à  la  vue, 
ont  introduit  un  second  n  dans  bo-ne,  comme  ils 
ont  introduit  un  m  dans  ho-me,  un  t  dans  so-te. 
Ainsi  on  écrit  communément  bonne,  homme,  hon- 
neur, sotte,  etc. 

Quelques  adjectifs  s'écartent  de  celte  règle.  On 
disait  autrefois  au  masculin,  bel,  nouvel,  fol,  mol; 
et  au  féminin,  selon  la  règle,  belle,  nouvelle,  folle, 
mclle.  Les  féminins  se  sont  conservés,  mais  les 
masculins  ne  sont  en  usage  (juc  devant  une 
voyelle  :  Un  bel  homme,  un  nouvel  amant,  un 
fol  amour.  Ainsi,  beau,  nouveau,  fou,  mou,  ne 
forment  poiRt  de  féminin  ;  mais  espagnol  est  en 
jsage,  et  ,.i  '•^'^inin  est  espagnole 

Blanc,  fait  Uancne  ;  franc,  franche;  long,  fait 
jnguc  ;ce  qui  fait  voir  que  le  g  de  lo7ig  est  le^ 
fort  que  les  modernes  appellent  gue.  Bénin  fait 
henigne;  malin,  maligne;  caduc  fait  caduque; 
doux,  douce;  favori,  favorite;  frais,  fraîche; 
gentil,  gentille  ;  jaloux,  jalouse  ;  public,  publi- 
que; sec,  sache;  tiers,  tierce. 

Les  adjectifs  en  teitr  font  teuse  au  féminin  lors- 
qu'ils viennent  directement  d'un  verbe  français: 
Quêteur,  quêteuse;  menteur,  mentcttse.  Il  y  a 
quelques  exceiilions;  voyez  bailleur,  défendeur, 
demandeur,  pécheur. — A  l'égard  des  adjectifs  eu 
teur  qui  ne  viennent  point  dircclemenl  d'un 
verbe  français,  ils  changent  teur  en  irice  pour  le 
féminin  :  Dispensateur,  dispensatrice,  etc. 

Ceux  des  adjectifs  en  eur  qvti  éveillent  une 
idée  d'opposition  ou  de  comparaison,  prennent  un 
e  muet  au  féminin  :  ^intérieur,  antérieure;  meil- 
leur, meilleure  ;  stipéricur,  supérieure,  etc. 

Ambassadeur  fait  ambassadrice. 

Gouverneur,  serviteur,  n'ont  point  de  féminin; 
on  emploie  les  mois  gouvernante  et  servante,  ioT- 
més  sur  les  participes  (70?/t7e)V(a7t<,  servant.  Chas- 
seur fait  chasseuse  et  chasseresse.  Voyez  Chas- 
seur. 

Tous  les  adjectifs  en  eux  font  euse  au  féminin  : 
Heureux,  hciiretise ;  vertueux,  vertueuse. 

Le  /'et  ier  sont  au  fond  la  même  lettre  divisée 
en  forte  et  en  faible.  Le  f  est  la  forte,  et  le  v  est 
la  faible.  De  là,  naïf  naïve;  abusif,  abusive; 
chétif  chétive  ;  défcnsif,  défensive  ;  passif ,  pas- 
sive; né'/alif  négative  ;  purgatif,  purgative,  elc. 

On  dit  mon,  mu  ;  ton,  ta;  sr.n,  «a;mais,  devant 
une  voyelle,  on  dil  également  au  féminin,  mon, 
ton,  son  ;  mon  âme,  ton  ardeur,  son  épée  ;  ce  que 
le  mécanisme  de  l'organe  a  introduit  pour  éviter 
le  bâillement  qui  se  ferait  à  la  rencontre  des  deux 
voyelles,  ma  âme,  ta  épée,  sa  épouse.  En  ces  oc- 
.^asions,  mon,  ton,  son,  sont  féminins,  de  la  même 
manière  que  mes,  tes,  ses,  les,  le  sont  au  pluriel, 
quand  on  dil  mes  filles,  les  femmes,  etc. 

On  écrivait  autrefois,  au  masculin  comme  au 
féminin,  éthérée,  ignée,  instantanée,  momenta- 
née, simultanée,  et  spontanée  ;  oïi  a  rejeté  avec 
laison  ces  exceptions  adoptées  sur  un  léger  fon- 
«j3ment;  et  ces  uimIs  s  livent  aujourd'hui  la  règle 


ADJ 

générale.  On  dit  éthéré  au  masculin,  eVAere»  au 
féminin,  etc. 

Lemot  (7e«s  offre  une  exception  singulière  à  la 
règle  qui  veut  que  l'adjectif  prenne  la  terminai- 
son qui  convient  a>i  genre  que  l'usage  a  donné 
au  substantif.  On  donne  la  lenninnisdn  féminine 
à  l'adjectif  (jui  le  précède,  et  la  masculine  à  celui 
<iui  le  suit,  fût-ce  dans  la  même  i)hrase.  Voyez 
Gens. 

A  l'égard  de  la  formation  du  pluriel,  c'est  une 
règle  générale  que  tous  les  adjectifs,  de  quelque 
termin;iison  qu'ils  soient,  forment  leur  pluriel  par 
radditit)n  d'un  s,  soit  au  masculin,  soit  au  fémi- 
nin -.grand,  graiids  ;  grande,  grandes  ;  petit,  pe- 
tits ;  petite,  petites. 

Celle  règle  a  plusieurs  exceptions.  1"  Les  ad- 
jectifs terminés  au  singulier  par  un  s  ou  un  x, 
ne  changent  point  au  pluriel.  Tels  sont,  gras, 
gros ,  heureux,  jaloux,  etc.  On  dil  il  est  jaloux, 
et  ils  sont  jaloux;  il  estdoux,  et  ils  sont  doux, cic. 
2"  Les  adjectifs  terminés  en  eau  forment  leur  plu- 
riel au  masculin  en  ajoutant  x;  ainsi,  hcuu,  ju- 
meau, nouveau,  font  beaux,  jumeau. t,  nouveaux. 
3°  Les  adjectifs  terminés  en  al  forment  leur  plu- 
riel au  inasculin,  en  changeant  celte  terminaison 
Gi\  aux  :  Egal,  égaux  ;  verbal,  verbaux  ;  féodal, 
féodaux;  nuptial,  nuptiaux,  etc. 

Cependant  il  y  a  plusieurs  adjectifs  terminés 
en  al  qui  ne  prennent  poir.-;  rn/.rau  pluriel;  tels 
sont  amical,  automnal,  colossal,  frugal,  glacial, 
?iaval,  etc.  L'Académie  dit  que  ces  mots  n'ont 
point  de  pluriel  au  masculin.  Cependant  Bailly 
i'aslronome  a  dit  des  vents  glacials,  et  je  pense 
que,  puisqu'on  dil  un  combat  naval,  on  pourrait 
bien  dire  aussi  des  combats  navals.  Quant  au 
mol  fatal,  l'Académie,  dans  son  édition  de  1835, 
lui  donne  pour  pluriel  :  fatals,  mais  elle  ajoute 
qu'il  est  peu  usité. 

Saint-Lambert  a  dil  ; 

Fuyez,  volez,  inslanls  f.itals  à  mes  désirs. 

A  l'égard  des  mots  bénéficiai,  e.rpérimental, 
labial,  virginal,  on  dit  (pi'ils  n'ont  point  de  plu- 
riel au  masculin,  prol)ablement  parce  qu'ils  ne 
s'emploient  ([u'avec  des  noms  féminins,  savoir: 
bénéficiai  avec  matière,  cause  cl  pratique  ;  expé- 
rimental avec  physique  et  philosiphic  ;  labial 
avec  lettre  et  offres;  virginal  avec  pudeur,  OU 
avec  lait,  qui  n'a  point  de  pluriel. — Mais  ne  dii- 
on  pas  un  teint,  un  air  virginal;  et  alors  des 
teints ,  des  aiis  virginulsf  {Grammaire  des 
Grammaires,  [).  'i^H.) 

A  l'égard  des  adjectifsqui  finissent  cnent  ou  ant 
au  singulier,  dil  Duinarsais,  on  forme  leur  plu- 
riel en  ajoutant  s,  selon  la  règle  générale  ;  et  alors 
on  peut  laisser  uu  rejeter  le  <",- cependant  lorsque 
le  t  serl  au  féminin,  l'analogie  demande  qu'on  le 
garde:  Excellent,  excellente;  excellents,  excel- 
lentes. L'Académie  reje/le  le  t  dans  les  deux  cas, 
et  la  plus  grande  partie  des  écrivains  la  suivent  er. 
cela.  La  principale  raison  (jue  l'on  apporte  contre 
celte  suppression,  c'est  que  si  l'on  dil  au  mascu- 
lin pluriel  paysans  et  bienfaisans  sans  t  final,  les 
étrangers  pourront  ce  conclure  que  le  pluriel  fé- 
minin est  le  môme  pour  ces  deux  mois;  et,  par 
conséquent,  ou  (ju'on  doit  dire  au  féminin  pay- 
santes,  parce  qu'on  dit  bienfaisantes,  OU  qu'on 
doit  dire  bienfaisannes,  pavcc  qu'on  dit  pay- 
satmes.  Je  réponds  à  cela  que  ce  n'est  pas  pour  les 
étrangers,  mais  pour  les  nationaux,  ([ue  l'on  forme 
et  que  l'on  perfectionne  une  langue,  et  qu'une 
considération  de  celle  nature  ne  doit  pas  nous 


ADJ 

emp'chor  {\o  simplilicr  notre  orthographe.  Si  la 
cominoililé  ilos  élrangers  nous  eût  servi  de  guide 
dans  les  changements  que  nous  avons  faits  à  noire 
langue,  nous  écririons  encore  sçavoïr  au  lieu  de 
savoir  ;  aucthc.riti',  au  lieu  i\'(tvtorllê;  asne,u\\ 
lieu  A' âne  ;  nous  dirions  ire,  nu  lieu  de  cvlère  ;nic- 
ture,  au  lieu  de  perte  ;  itérer,  au  lieu  de  reité- 
rer, etc.;  et  cette  manière  d'écrire  et  de  parler, 
|>lus  rapprochée  de  la  source  étymologi(iue,  leur 
i'aciliterait  beaucoup  rintelligcnce  de  ces  mots. 
Dans  la  dernière  édition  de  son  DJLlionnairc, 
l'Académie  conserve  partout  le  /,  et  c'est  aujour- 
d'hui la  lègle  générale.  Nous  avons  cru  devoir  la 
suivre  dans  celte  édition,  tout  en  laissant  subsis- 
ter les  observations  de  l'auleur. 

Autrefois  on  disait  lettres  royava ,  ordon- 
nances royaux;  ct  ce  mot  s'est  conservé  en  chan- 
cellerie et  en  jurisprudence.  Cependant  je  crois 
qu'on  ne  l'empl  lic  plus  guère  qu'en  parlant  des 
antiennes  lettres  cl  ordonnances.  11  est  cerlain  du 
moins  qu'on  dit  :\\xio\:.Tà'\i\x\  ordonnances  rmjalcs, 
en  parlant  des  ordonnances  du  roi.  Raynouard 
explique  ainsi  cette  forme  bizarre  dans  ses  ob- 
servations sur  y  Examen  critique  des  Diction- 
naires de  la  langue  française,  par  Ch.  JNodier  : 
«  Royal,  comme  tous  les  adjectifs  venant  des  a<l- 
jectifs  latins  en  alis,  était  invarial)!e,  c'est-a-dirc 
des  deux  genres,  dans  les  idiomes  des  trouba- 
dours et  des  trouvères,  ainsi  qu'il  l'était  dans  la 
langue  latine.  « 

La  règle  qui  dit  qu'un  adjectif  doit  être  au 
même  genre  et  au  même  nombre  que  le  substan- 
tif qu'il  modilic,  donne  quoliiuefois  lieu  à  des 
doutes  et  à  des  diflicullés.  IV.ur  les  lever,  il  ne 
faut  point  perdre  de  vue  celle  régie  fomiamentale. 

Il  y  a  des  occasions  où  l'adjectif  se  met  au 
pluriel,  quoique  le  substantif  (pi'il  paraîtrait  de- 
voir modilier  soit  au  singulier.  0\\  Ah  la  plupart 
des  hommes  sont  ignorants;  et  l'on  parlerait  mal 
si  l'on  disait  la  plupart  des  Iwvimes  est  igno- 
rante. La  raison  de  cette  façon  de  parler  vient  de 
ce  que  la  plupart  des  hommes  étant  la  même 
f'hose  i.\\ic  les  hommes  potir  la  plupart,  nous  rap- 
portons l'adjectif  ignorant  au  pluriel  hommes, 
dont  nous  sommes  préoccupés,  et  nous  oublions 
que  le  sujet  delà  proposition  est  un  substantif  sin- 
gulier cl  féminin. 

Lorsqu'un  adjectif  modi^e  des  substantifs  de 
différents  genres,  il  ne  change  ordinairement  sa 
terminaisoïi  (jue  pour  prendre  le  pluriel.  Cet 
Jiomme  et  cette  femme  sont  prudents.  Si  on  dit 
prudents,  et  non  pas  prudentes,  dit  Condillac, 
d'où  je  tire  cet  anicle,  ce  n'est  pas,  comme  le 
pensent  les  grammairiens,  parce  que  le  masculin 
est  plusnobfe;  mais,  puisqu'il  n'y  a  pas  plus  de 
raison  pour  faire  l'adjectif  masculin  que  pour  le 
faire  féminin,  il  est  naturel  qu'un  lui  laisse  sa  pre- 
mière forme,  qui  se  trouve  celle  (ju'il  a  plu  d'ap- 
peler ^enre  masculin. 

Une  prenve  que  la  noblesse  du  genre  n'est  point 
une  raison,  c'est  que  l'adjectif  se  met  toujours 
au  féminin,  lorsque,  de  plusieurs  substantifs,  ce- 
lui qui  le  précède  immédiatement  est  de  ce  genre. 
On  dit  il  a  les  pieds  et  la  tête  nue,  ct  non  pas 
nus;  il  parle  avec  un  goût  et  une  noblesse  char- 
7nante,  et  non  pas  charmants.  L'adjectif  dégé- 
nère-l-il  ici  de  sa  noblesse  en  prenant  le  genre  "fé- 
minin? 

La  raison  de  cet  usage,  c'est  que  l'adjectif  qui 
précède  ou  suit  immédiatement  son  sul»stantif  ne 
forme  avec  ce  substantif  qu'une  seule  et  même 
idée,  et  que  nous  sommes  tellement  accoutumés 
à  les  identifier  dans  notre  esprit,  que  toute  termi- 


ADJ 


35 


naison  de  l'ailjectif  qui  parait  le  sépan-r  de  ce 
substantif  est  vraiment  cliu(iuanle.  .Nous  serions 
choqués  de  lire  tète  nus,   jv  blesse  charmants. 
C'est  pourquiii  nousdiM)ns  nue  et  charmante  mi 
singulier  et  au  féminin,  (juoiipio  ces  adjectifs  se 
nipporlent  à  deux  substantifs  de  tronre  différente 
Si  nous  n'avions  pas  cette  raibuu  '|),ui-  leur  di.n-^ 
ner  la  terminaison  féminine,  nous  les  laisserions 
;  dans  leur  première  forme,  lui  effet,  on  dit  mes 
j'eds  et  ma  tète  sont  nus,  ct  non  pas  nue,  parci' 
•  ;ue  tête  et  m/*  étant  séparés  l'un  de  l'auln-,  l'ad- 
;  'clif  ne  s'offre  pas  à  l'esprit  comme  ne  faisant 
lu'une  seule  et  même  idée  avec  ce  substantif. 
Nn   offre  ici  l'attribut  d'une   propositii'n  «jui, 
i  ayant  un  sujet  composé  de  deux  substantifs,  doit 
se  rapportera  l'un  et  à  l'autre,  et  prendre  la  ter- 
!  minaison  qui  indique  ce  rapport  commun. 
j       Domergue  s'est  élevé  contre  cet  usacrc,  et  a 
j  prétendu  que  l'on  doit  dire  les  yeux  et  la' bouche 
I  ouverts.  Une  jihrase,  dit-il,  qui  ne  ren(l  qu'incom- 
I  idélement  la  pensée  peut-elle  être  avouée  par  la 
1  saine  gi-ammairc? — Oiii,  pourvu  qu'elle  se  com- 
j  pléte  aisément  dans  lesprit  par  des  mots  sous-cn- 
icndus  (lue  le  sens  inditpie  suffisamment.  Or, 
dans  il  avait  les  yeux  et  la  bouche  ouverte,  l'ad- 
jcrtif  ouverte,  aiiplicpié  à  un  substantif  féiniidn, 
el  devant  l'être  pareillement  à  un  substantif  mas- 
culin, indique  suffisamment  que  cet  a<lje(tif  mas- 
culin doit  être  suus-entendu.  Le  sens  de  la  phrase 
est  donc  il  avait  les  yetix  ouverts  et  la  bniche 
ouverte.  Ne  voil-on  pas,  dans  la  langue,  millt 
exemples  où  un  adjectif  d'un  genre  "fait  naître 
l'idée  du  même  adjectif  de  l'autre  genre,  sous-en- 
tendu pour  cause  d'élégance  ou  de  précision  ?  Ne 
lit-on  pas  dans  Voltaire",  Nan.  ,acl.  I,  sc.tii,  J8: 

L'bumrae  estjaîoujc  dés  qu'il  peut  s'enflammer; 
La  femme  l'est  (jalouse)  même  avant  que  d'aimer. 

Et  dans  La  Bruyère  :  La  faiblesse  est  plus  op- 
posée à  la  vertu  que  le  vice;  c'est-à-dire,  que 
le  vice  n'v  est  opposé?  Pourquoi  donc  ne  ferait-on 
pas  usage  de  l'ellipse  dans  les  cas  où  l'expression 
complète  offre  (pielquc  chose  de  choquant  ,  un 
substantif  et  un  adjeetifijui,  devant  ne  faire  qu'un 
\nv  la  force  de  leur  rai»prochement,  se  trouvent 
disjoints  par  la  différence  de  leurs  terminaisons? 

J'ai  deux  choses  ouvertes,  continue  Domergue, 
lesyeu.T  et  la  bouche,  et  je  à\^,j'ai  les  yeu.T  et 
lu  bouche  ouverte;  ouverte  attache  ù  la  bouche 
l'idée  d'ouverture,  mais  rien  n'attache  cette  idée 
a  yetix.  11  n'est  pas  vrai  que,  dans  la  phrase  en 
(|uestiou  ,  rien  n'attache  l'idi'C  d'ouverture  a 
>/eux.  Quand  j'ai  lu  j'ai  les  yeux  et  la  bouche, 
je  sens  que  les  yeux  et  la  bouche  vont  être  mo 
difiés  p:ir  un  adjectif  commun,  el  dès  que  je  lis 
cet  adjectif,  je  le  rapiiorle  à  l'un  el  à  l'autre  sub 
stantif,  soilparsuite  d'une  terminaison  commune, 
soit  par  le  moyen  de  l'ellipse.  — La  Grammaire 
des  Grammaires  remarque  qu'il  est  mieux  d'é- 
noncer le  substantif  masculin  le  dernier,  ce  qui 
fait  cesser  tout  embarras  (p.  2'W)- 

Des  degrés  de  comparaison.  —  Outre  le  genre 
et  le  nombre  dont  nous  venons  de  parler,  les  ad- 
jectifs sont  encore  sujets  à  un  autre  accident 
qu'on  appelle  les  degrés  de  comparaison,  cl  qu'on 
devrait  plutôt  appeler  degrés  de  qualification  ;  car 
la  qualification  est  susceptible  de  plus  ou  de 
moins:  Bon,  meilleur;  excellent  ;  .savant,  plus 
savant,  très-savant.  Le  premier  de  ces  degrés 
est  :i\>pc\c  positif  ;  le  second,  comparatif;  cl  le 
troisième,  superlatif  Le /jo^/t/"  consiste  dans  la 
simple  qualification,  faite  sans  aucun  rapport  au 
plus  ou  au  moins:  savant.  Le  comparatif  esl  une 


36  ADJ 

qualification  faite  en  augmentation  ou  en  dimi- 
nution, lelalivement  à  un  autre  degré  de  la  même 
qualité,  plus  sarant,  moins  savant.  l.C  stipcrla- 
tifqu-dWWo.  dans  le  plus  haut  degré,  c'e>t-à -dire, 
dans  celui  (jui  est  au-dessus  de  tous  ;  au  lieu  (jue 
le  comparatif  n'est  supérieur  qu'à  un  des  degrés 
de  la  qualité  :  celui-ci  n'exprime  qu'une  compa- 
raison particulière,  et  l'autre  en  exprime  une  uni- 
verselle, f^oyez  ces  mots. 

Du  régime  des  adjectifs.  — IX  )'  a  des  adjectifs 
qui,n'ofl'raiit  par  eux-mêmes  qu'une  signilicalion 
vacue  et  indéterminée,  exigent  après  eux  quel- 
ques modilicatifs  qui  déterminent  cette  signilica- 
lion. Ainsi,  aprè"  avoir  dit  qu'un  homme  est  di- 
gne, est  capable,  il  faut  ajouter  à  ces  adjectifs 
quelque  modilicatif  qui  exprime  de  quoi  cet 
homme  est  digne  ou  capable  :  Digne  de  louanges, 
napalle  de  tromper.  Ces  modilicatifs,  que  Ton 
ajoute  aux  adjectifs  pour  déterminer  leur  signifi- 
cation, sont  ce  qu'on  appelle  les  régimes  des  ad- 
jectifs. 

Quelques  adjectifs  se  mettent  tantôt  avec  un 
régime,  tantôt  sans  régime,  selon  qu'on  les  prend 
dans  un  sens  déterminé  ou  indéterminé.  Dans/e 
vis  content,  content  est  pris  dans  un  sens  déter- 
miné par  l'idée  générale  de  contentement;  dans 
je  vis  content  dcnia  fortune,  content  est  présenté 
dans  une  signilication  vague  que  l'on  détermine 
par  les  mots,  de  ma  fortune. 

Le  régime  de  quelques  adjectifs  se  forme  avec 
la  préposition  de.  Digne  de  louange,  capable  de 
tout,  content  de  son  sort,  accusé  d'un  crime,  etc.; 
d'autres  se  forment  avec  la  préposition  à,  comnie 
bo7i  à  manger, agréable  à  la  vue,  opposé  à  la  rè- 
gle, adonné  aux  plaisirs,  sujet  à  mentir,  etc. 

Une  règle  essentielle  à  l'égard  de  ces  régimes, 
c'est  de  ne  pas  réunir  sous  une  même  préposition 
deux  adjectifs  qui  exigent  des  prépositions  diffé- 
rentes. On  parlerait  irial  en  disant  :  L'esprit  de 
conquête,  passion  funeste  et  ruineuse  aux  na- 
tions commerçantes.  On  dit  bien  funeste  à,  mais 
on  ne  dit  pas  ruineux  à  :  celte  préposition  ne 
peut  donc  pas  convenir  à  ce  dernier  adjectif;  et 
elle  est  d'autant  plus  déplacée  ici,  qu'elle  vient 
immédiatement  après  l'adjectif  qui  la  repousse. 

De  la  place  des  adjectifs.— Yaui-W  placer  l'ad- 
jectif avant  ou  après  le  substantif  qu'il  modifie? 
Voilà  une  question  ([ui  n'a  point  encore  été  éclair- 
cie  par  des  règles  certaines;  et  les  meilleurs 
grammairiens  se" sont  contentés  de  nous  dire  que 
nous  n'avons  sur  ce  point  d'autre  règle  que  l'o- 
reille exercée.  (Dumarsais.) 

Pour  parvenir  à  découvrir  quelque  lumière 
dans  une  matière  si  obscure,  il  ne  sera  pas  inu- 
tile de  faire  connaître  ici  comment  les  logiciens 
divisent  les  adjectifs. 

Les  adjectifs,  dit  Dumarsais,  étant  destinés  par 
leur  nature  à  qualifier  les  dénominations,  on  en 
peut  distinguer  principalement  de  quatre  sortes, 
savoir  :  les  nominaux,  les  verbaux,  les  numé- 
raux et  les  pronominaux. 

Les  adjectifs  nominaux  sont  ceux  qui  (juali- 
fient  par  un  attribut  d'espèce,  c'est-à-dire,  par 
une  qualification  inhérente  et  [iermanenlc,  soit 
qu'elle  naisse  de  la  nature  de  la  chose,  de  sa 
forme,  de  sa  situation  ou  de  son  état,  tels  que, 
bon,  noir,  simple,  beau,  rond,  externe,  autre, pa- 
reil, semblable. 

Les  adjectifs  verbaux  (jualificnt  par  un  attri- 
but d'évenoincnl,  c'est-a-dirc,  par  une  (lualilê  ac- 
cidentelle et  survenue,  c{ui  parait  être  Icffet  d'une 
action  qui  se  passe  ou  qui  s'est  passée  dans  la 
chose;  tels  sont,  rampant,  dominant,  liant,  cu- 


ADJ 

ressaut;  bonifié,  simplifié,  noirci,  embelli.  Us  ti- 
rent leur  origine  des  verbes:  les  uns  du  participe 
présent,  comme,  rampant,  dominant.  Caressant, 
etc.;  les  autres  du  participe  passé,  comme  bonifié, 
simplifié,  noirci,  embelli. 

Les  adjectifs  numéraux  sont,  comme  leur  nom 
l'indique,  ceux  qui  (lualificnt  par  les  nombres 
cardinaux,  comme  un,  deux,  trois,  etc.,  ou  par 
les  nombres  oïdinaux,  comme  premier,  se- 
cond, etc. 

Les  adjectifs  pronominaux  qualifient  par  un 
attribut  de  désignation  individuelle,  c'c^t-à-di^e 
par  une  qualité  qui,  ne  tenant  ni  de  l'espèce,  ni 
de  l'action,  ni  de  larrangement,  n'est  qu'une  pure 
indication  de  certains  Individus.  Ces  adjectifs  • 
sont,  ou  une  qualification  de  rapport  personnel, 
comme  mon,  ma,  ton;  notre,  votre,  son;  leur, 
mien,  tien,  sien;  ou  une  qualification  de  quotité 
vague  et  indéterminée,  tels  que,  quelque,  plu- 
sieurs, tout,  nul,  aucun,  etc.,  ou  enfin  une  qua- 
lification de  simple  représentation,  comme  ce, 
cet,  chaque,  tel,  quel,  certain. 

Au  commencement  de  cet  article,  nous  avons 
distingué  les  adjectifs  en  adjectifs  qui  modifient 
les  noms  en  expliquant  queliiu'unc  des  qualités 
de  l'objet  qu'ils  désignent,  et  en  adjectifs  qui  dé- 
terminent le  decré  d'étendue  sous  leijuel  on  con- 
çoit les  noms  auxquels  on  les  ajoute.  De  celte  di- 
vision résulte  une  rcsfle  cénérale  pour  la  position 
des  adjectifs;  c'est  qu'ils  doivent  être  rapprochés 
le  plus  qu'il  est  possible  de  leurs  substantifs.  En 
effet,  le  nom  ne  pouvant  être  bien  connu  que 
par  la  fixation  de  l'étendue  de  sa'signification  cl 
par  le  développement  des  qualités  que  l'on  at- 
tribue à  l'objet  qu'il  signifie,  l'esprit  resterait 
dans  le  vasuc  et  l'incertitude,  ou  prendrait  une 
fausse  direction  pour  l'intelligence  de  la  pensée, 
si  ces  deux  espèces  de  modifications  ne  l'cclai- 
raient  pas  en  même  temps. 

Il  n'y  a  point  de  difficulté  pour  les  adjectifs 
métaphysiques  que  nous  avons  appelés  préposi- 
tifs; leur  nom  indique  leur  position.  Ainsi,  les 
adjectifs  déterminatifs  le,  la  les;  les  adjectifs  dé- 
monstratifs ce,  cet,  cette,  ces,  à  lexccplion  de  ci 
et  là;  les  adjectifs  possessifs,  mon,  ma,  mes;  ton, 
ta,  tes;  son,  sa,  ses; notre,  7ios;  votre,  vos  leur, 
leurs,  doivent  toujours  précéder  le  substantif.  On 
pculy^iouicrplusieurs, quelque, tout, nul,aucvv, 
quel,  tel,  certain,  qui  sont  aussi  des  prépositifs. 
Parmi  ces  adjectifs  sont  compris  les  adjectifs 
pronominaux.  Ainsi,  l'on  peut  dire  que  les  adjec- 
tifs pronominaux  se  mettent  devant  leurs  -yib- 
stantifs.  Il  faut  en  excepter  quelconque,  qui  se 
place  toujours  après.  Une  raison  quelconque,  un 
obstacle  quelconque. 

Les  adjectifs  numéraux  qui  qualifient  par  les 
nombres  cardinaux  précèdent  aussi  les  substan- 
tifs, qui  sont  des  noms  aiipcllatifs  :  Un  homme, 
une  femme,  deux  enfants;  mais  ils  se  mctlenl 
après  les  noms  propres:  Charles  deux,  Henri  qua- 
tre, Charles  six,  Charles  neuf;  el  alors  ils  sont 
mis  par  abréviation  pour  des  noms  de  nombre 
ordinaux.  C'est  comme  si  l'on  disait  Henri  qua- 
trième du  nom,  Charles  sixième  du  nom,  etc. 
Cependant  on  ne  dit  pas  Charles  un.  François  un, 
etc.,  mais  Charles  premier,  François  premier. 
Les  adjectifs  numéraux  qui  modifient  \>nr  des 
nombres  ordinaux  précèdent  aussi  ordinairement 
Icuvssubslani'ik:  le  premier  livre,  le  second  livre. 
Cependant,  dans  les  citations,  on  dit  livre  pre- 
mier, livre  second.  Quand  on  les  emploie  après 
les  noms  propres,  ils  les  suivent  immédiatemcnl  : 
Charles  premier,  François  premier. 


ADJ 

Nous  avons  vu  que  les  adjcctil's  conjonctifs 
suivent  toujours  les  substantifs  auxquels  ils  ont 
rapport  :  La  personne  qui  vous  a  parlt',  les  au- 
teurs que  j'ai  lus,  les  sciences  auxquelles  il  s'est 
adonné,  etc. 

Les  adjectifs  verbaux,  formés  du  participe  pré- 
sent ou  du  participe  passe  des  verbes,  se  mettent 
toujours  après  leurs  substantifs  :  Une  personne 
séduisante,  un  livre  attachant,  des  fruits  pen- 
dants, unesprit  rampant,  l'onde  mugissante  ;  un 
objet  aimé,  un  prince  redouté,  un  secours  assuré. 

Cette  règle  est  sans  exception  pour  les  adjec- 
lii's  formés  des  participes  passés.  QueUiues  gram- 
mairiens ont  cru  qu'elle  ne  l'était  pas  pour  ceux 
qui  sont  formes  des  participes  présents;  et  ils  ont 
excepté  charmant,  riant,  etc.,  pnrce  (ju'ondil  un 
charmant  ouvrage,  une  riante  campagne,  etc. 
Mais  ces  deux  adjectifs,  charmant  et  riant,  ne 
sont  pas  réellement  formés  des  participes  pré- 
sents des  verbes  charmer  et  rire.  Un  ouvrage 
charmant  n'est  pas  proprement  un  ouvrage  qui 
charme  dans  les  deux  sens  attribués  à  ce  verbe, 
mais  un  ouvrage  qui  plaît  extrêmement  par  ses 
détails.  Je  dirais  à  une  personne  qui  se  conduit 
envers  moi  d'une  manière  agréal>le  et  llatteuse,  à 
laquelle  je  n'avais  pas  lieu  de  m'altcndre  :  Fous 
me  charmez  par  votre  conduite,  par  vos  procédés, 
par  vos  discours;  mais  je  ne  lui  dirai  pas  pour 
cela,  dans  le  même  sens  :  Fous  êtes  charnante, 
vous  êtes  une  charmante persoîtne.  11  en  est  de 
même  de  riant  dans  une  riante  campagne.  Cet 
adjectif  n'est  pas  formé  du  participe  présent  du 
verbe  rire  ;  car  alors  il  signilierait  une  campagne 
qui  rit,  ou  qui  a  l'hahitude  de  rire.  11  signifie 
proprement,  qui  plait  par  des  détails  agréables, 
gracieux.  Ces  deux  adjectifs  sont  donc  plutôt 
composés  à  l'imitation  des  verbes  charmer  et 
rire,  que  des  adjectifs  formés  des  participes  jiré- 
sents  de  ces  deux  verbes  :  car  ils  ont  une  signifi- 
cation toute  diférenle  de  celle  de  ces  deux  parti- 
cipes. On  peut  donc  dire  que  la  régie  est  piesque 
sans  exception,  surtout  en  prose.  On  dit  en  prose 
une  lumière  brillante  ;  il  n'y  a  guère  qu'en  poé- 
sie, ou  dans  le  discours  soutenu,  qu'on  dise  une 
brillante  lumière. 

Il  ne  reste  donc  plus  qu'à  marquer  la  place  des 
adjectifs  nominaux.  Nous  avons  ditijuc  ces  ad- 
jectifs sont  ceux  qui  qualifient  par  un  attribut 
d'espèce,  c'est-à-dire,  par  une  (lualité  inliérenle 
et  permanente,  soit  qu'elle  naisse  de  la  nature  de  la 
chose,  de  sa  forme,  de  sa  situation  ou  de  son  état. 

11  y  a  donc  des  adjectifs  nominaux  qui  expri- 
ment une  qualité  inhérente  ol  permanente  qui  nait 
de  la  nature  du  sujet;  d'autres  qui  indiquent 
une  qualité  inhérente  et  permanente  qui  nait 
de  sa  forme;  d'autres,  enfin,  qui  indiiiuent  des 
qualités  inhérentes  et  permanentes  qui  naissent 
de  la  situation  ou  de  l'état  du  sujet;  et  tous  ces 
adjectifs  qualifient  par  un  attribut  d'espèce. 

Le  propre  de  tous  ces  adjectifs  est  donc  de 
distinguer,  par  une  qu;Mification  d'espèce,  les 
noms  auxquels  ils  sont  joints,  de  manière  qu'ils  ne 
puissent  pas  être  confondus  avec  les  autres  sub- 
stantifs de  la  même  dénomination,  qui  sont  d'une 
autre  espèce.  Une  mauvaise  habitude  est  une  ha- 
bitude mise  par  l'adjectif  mauvaise  dans  l'espèce 
des  habitudes  qui  sont  mauvaises  j)ar  leur  na- 
ture; U7ie  table  ronde  est  mise  par  l'adjectif 
ronde  dans  l'espèce  des  tables  qui  ont  cette 
forme;  un  lieu  inaccessible  est  un  lieu  qui,  par 
l'adjectif  inaccessible,  est  mis  dans  l'espèce  des 
lieux  dont  on  ne  peut  approcher  ;  une  île  déserte 
est  une  ilc  qui,  par  l'adjectif  déserte,  est  mise 


ADJ 


37 


dans  l'espèce  des  îles  qui  sont  dans  celte  situa- 
tion. Toutes  ces  qualifications  servent  donc  à  dis- 
tinguer l'objet  indique  par  le  substantif,  de  tous 
les  autres  objets  de  même  nom,  ipii  u'uiii  pas  la 
qualité  indiquée  par  l'adjectif. 

Mais,  outre  celle  idée  de  distinction,  ceux  de 
ces  adjectifs  qui  exprimenl  une  (piaillé  ipii  natl 
de  la  nature  du  sujet  présentent  encore  n-  sujet 
comme  possédant  individuellement  en  lui-iiiémo 
les(iualilés  naturelles  qu'ils  expriment.  l'ar  exem- 
ple, quand  je  dis  une  mauvaise  habitude,  l'ad- 
jectif mauvaise  met  bien  le  substanlif  dans  l'es- 
pèce des  qualités  qui  sont  mauvaises;  mais  il  in- 
diiiue  aussi  la  qualité  mauvaise  cdinme  existant 
individuellement  dans  le  sujet  «lu'il  modilie  II  a 
donc  fallu  deux  manières,  l'une  pour  exprimer  la 
simple  distinction  spécifiipie,  et  l'autre  pour 
marquer  en  même  temps  et  cette  distinction  «l 
la  (lualilication  individuelle  du  sujet  Pour  cela, 
on  a  placé  ces  sortes  d'adjectifs  avant  ou  après  le 
substantif.  Après,  ils  maniuont  la  simple  distinc- 
tion spécifique;  avant,  ils  expriment  et  celle  dis- 
tinction et  la  qualification  individuelle  Ainsi 
une  habitude  mauvaise  est  simplenient  une  ha- 
bitude distinguée  des  autres  habiuidcs  ;  mais  une 
mauvaise  habitude,  est  une  habitude  (]iii  est 
mauvaise,  et  qui,  par  ses  mauvaises  (jualités,  est 
distinguée  des  autres  habitudes.  Dans  la  |)reinièrc 
phrase,  la  distinction  est  l'idée  principale;  dans 
la  seconde,  c'est  la  qualification.  Dans  le  fond,  il 
y  a  bien  qualification  dans  l'une  et  dans  l'autre; 
mais  la  première  distingue  en  (pialifianl,  et  la  se- 
conde qualifie  en  distinguant.  Un  homme  savant 
est  un  homme  distingué  des  autres  classes  d'hom- 
mes par  sa  science;  u?i  savant  homme  est  un 
homine  qui  possède  des  connaissances  scientifi- 
([uesqui  le  distinguent  des  autres  classes  d'hom- 
mes. Un  homme  juste  esl  un  homme  distingué 
des  autres  classes  d'hommes  par  l'habitude  qu'il 
a  d'exercer  la  justice;  une  juste  récompense  an 
une  récompense  qui,  par  sa  nature,  est  conforme 
aux  règles  de  la  justice. 

C'est  par  celte  raison  que  les  adjectifs  (pii  ex- 
priment des  qualités  générales  (jui  dérivent  de 
la  nature  des  choses,  se  inettent  ordinairement 
avant  les  substantifs,  surtoiit  lorsqu'on  a  parti- 
culièrement en  vue  d'identifier  ces  (|ualités  avec 
ces  objets;  tels  sont  bun,  méchant,  mauvais, 
beau,  laid,  rond, petit,  etc.  :  Un  bon  homm(- ,  un 
méchaîit  homme,  une  belle  femme,  une  laide 
figure,  une  grande  maison,  une  grosse  femme, 
une  petite  flic.  Voilà  pour(|uoi  on  aiJjielle  hon- 
nête homme  un  homme  (pii  possède  toutes  les 
(jualités  solides  qui  coiistilucnl  l'homme  esti- 
mable, ei  homme  honnête,  celui  (jui  cherche  à 
plaire  par  des  démonsirations  de  |)olitessc.  l'n 
galant  homme  est  un  homme  qui  possède  toutes 
les  qualités  propres  à  rendre  un  homme  estima- 
ble; vn  homme  galant  csl  un  homine  qui,  par 
des  manières  frivoles,  cherche  à  jilaire  aux  da- 
mes. Un  homme  plaisant  esl  un  iiomme  qui  se 
distingue  des  autres  par  des  manières  extérieu- 
res enjouées,  folâtres,  cl  qui  font  rire;  un 
plaisant  ho/nme  est  un  lidinme  plein  de  mauvaises 
qualités  qui  le  rendent  ridicule,  lii/arre,  singu- 
lier. Une  grosse  femme  est  une  femme  qui,  de 
sa  nature,  a  beaucouj»  d'embonpoint  ;  une  femme 
grosse  est  une  femme  qui  est  dans  l'étal  acciden- 
tel de  *^rossesse. 

Dans  l'ordre  naturel ,  tous  les  adjectifs  no- 
minaux devraient,  ainsi  que  les  adjectifs  ver- 
baux, être  placés  après  leurs  substantifs;  car  il 
faut    connaître   un  objet  avant  de  le  qualifier. 


38 


ADJ 


Mais  l'usage  d'en  placer  plusieurs  avant ,  dans 
certaines  circonstances,  est  venu  de  l'impalicncc 
de  caractériser  d'abord  un  ol>jct  par  les  qualilos 
dont  on  est  préoccupe  ;  de  l'emprcsscinent  de 
préparer  lu  vrai  jour  dans  lequel  on  veut  le  faire 
voir;  du  désir  de  prévenir  toulc  équivoque  sur 
hdée  qu'on  s'en  est  faite,  et  qu'on  veut  commu- 
niquer aux  autres;  du  iiesoin  de  fixer  l'esprit 
plutôt  ?ur  les  qualités  de  l'objet  que  sur  sa  sim- 
ple distinction  spécifique.  Aussi  est-ce  parlicu- 
liércmenl  dans  les  cas  où  parlent  les  passions  que 
les  adjectifs  se  montrent  avant  les  substantifs  ; 
aussi  est-ce  particulièrement  dans  la  poésie,  qui 
sans  cesse  a  besoin  d'images,  que  ces  sortes  d'in- 
versions se  multiplient  d'une  manière  qui  est  in- 
terdite à  la  prose.  Ainsi  l'amour  ne  voit  pas  seu- 
lement un  objet  aimable,  charmant,  adorable,  il 
voit  un  aimable  objet,  vn  charmant  objet,  un 
adorable  objet.  L'ami  ne  dit  pas  seulement  que 
son  ami  lui  est  cher;  il  dit  i]uc  c'est  son  cher 
ami;  il  l'appelle  son  cher  ami.  L'homme  en  co- 
lère ne  voit  pas  seulement  dans  celui  qui  l'a  irrité 
un  homme  méchant,  mais  un  méchant  homme; 
et  Orgon, sortant  de  dessous  la  table  où  il  a  connu 
toute  la  scélératesse  de  Tartufe,  ne  dit  pas,  voila 
un  homme  abominable;  mais  , 

Voilà,  je  TOUS  l'avoue,  un  abominable  homme. 

(Ad.  lY,  se.  VI,  1.) 

Un  amant  dira  de  sa  maîtresse  (]u'clle  lui  lançait 
de  tendres  regards,  parce  (jue  l'idée  de  tendresse 
est  ce  qui  l'intéresse  le  plus.  L'n  homme  indif- 
férent dira  qu'une  femme  lançait  à  un  autre 
homme  des  regards  tendres,  parce  qu'il  ne  s'in- 
téresse point  à  ces  regards,  et  qu'il  veut  seule- 
ment les  faire  connaître,  en  les  distinguant,  par 
un  adjectif,  de  la  classe  des  regards  indifférents. 

En  descendant  à  des  sentiments  moins  vifs, 
nous  verrons  que  nous  sommes  portés  à  énoncer 
les  qualités  bonnes  ou  mauvaises  des  objets, 
avant  ou  après  ces  objets,  suivant  que  ces  quali- 
tés nous  affectent  plus  ou  moins,  ou  que  nous 
voulons  plus  ou  moins  y  intéresser  les  autres. 
f^oilà  un  jardin  qui  est  beau,  voilà  tin  jardin 
superbe,  un  jardin  magnifique,  dira  un  homme 
qui,  après  avoir  vu  un  jardin,  juge  simplement 
qu'il  est  beau,  superbe,  magnifique;  voilà  un 
beau  jardin,  un  superbe  jardin,  un  magnifique 
jardin,  dira  celui  qui  aura  été  vivement  frappé 
de  la  beauté,  de  la  grandeur,  de  la  magnificence 
du  jardin;  et,  en  parlant  ainsi,  il  joint  à  l'ex- 
pression d'un  jugement  celle  du  sentiment 
d'admiration  qu'ils  éprouvé.  Si  je  parle  d'un 
homme  qui  est  dans  la  misère,  sans  relation  aux 
moyens  de  l'en  tirer,  ou  à  l'intérêt  qu'il  peut  in- 
spirer, je  dirai  il  est  dans  une  misère  extrême; 
mais  si  je  veux  marquer  l'intérêt  que  je  lui  porte, 
ou  attendrir  quelqu'un  sur  son  sort,  je  |)résente- 
rai  l'excès  de  sa  misère  comme  l'idée  principale, 
et  je  dirai,  il  est  dans  une  extrême  misère,  dans 
la  dernière  misère. 

Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  les  adjectifs 
qui  peuvent  être  placés  avant  leurs  substantiis 
doivent  exprimer  des  qualités  tirées  de  la  nature 
de  l'objet  exprimé  par  le  substantif.  Pour  cela  il 
est  nécessaire  qu'il  y  ait  une  analogie  prochaine 
entre  les  idées  exprimées  par  le  substantif  et  par 
l'adjectif.  Je  m'explique.  L'adjectif  sage  exprime 
une  idée  qui  peut  être,  et  qui  est  en  effet  com- 
mune à  un  grand  nombre  d'individus  de  l'espèce 
humaine,  mais  qui  n'a  pas  un  rapport  direct,  une 
analogie  prochaine  avec  la  nature  de  tel  ou  tel 


ADJ 

homme  en  particulier  considéré  comme  homme 
Je  ne  puis  donc  pas  dire  un  sage  homme,  parce 
qu'il  n'y  a  qu'une  analogie  éloignée  entre  les  doux 
idées.  Mais  si  je  considère  un  liomme  comme  re- 
vêtu d'une  magistrature  dont  le  caractère  princi- 
pal doit  être  la  sagesse,  ce  caractère  le  rappru- 
chera  de  l'idée  de  la  sagesse;  il  y  aura  entre  le.^ 
deux  idées  une  analogie  prochaine,  et  je  pourrai 
dire  un  sage  magistrat. 

Les  adjectifs  qui  désignent  des  qualités  tirées 
delà  nature  du  sujet  ont  cela  de  particulier,  que, 
dés  qu'on  entend  le  substantif  (ju'ils  caractéri- 
sent, ils  s'identifient  avec  lui  pour  ne  faire  qu'une 
seule  et  même  idée.  Quand  j'ai  prononcé  bon,  et 
que  je  dis  ensuite  Tsain,  ces  deux  mots,  &on  et 
/)ai«, s'identifient  tellement  dans  m^ncsprit  qu'ils 
n'y  forment  plus  qii'une  seule  et  même  idée.  Mais 
si  je  dis  frais  pain,  rassis  pain,  les  adjectifs 
frais  et  rassis  ne  tenant  point  à  la  nature  du 
pain,  cl  n'exprimant  qu'un  étal  accidentel  de  la 
chose,  il  n'y  a  i>as  une  analogie  suffisante  pour 
que  les  deux  idées  n'en  fassent  qu'une  de  la 
même  nature,  et  i)ar  conséquent  pour  que  l'on 
puisse  placer  l'adjoclif  avant  le  substantif. 

C'est  donc  une  règle  générale  que  tous  les  ad- 
jectifs qui  exprimenl  des  (jualilés  tirées  de  la  na- 
ture de  l'objet  exprime  par  le  substantif  peuvent 
être  placés  avant  ce  substantif;  et  que  tous  les 
adjectifs  qui  expriment  dcsqualilés  accidentelles, 
et  qui  ne  font  point  partie  de  la  nature  «le  l'idée 
exprimée  par  le  substantif  ne  peuvent  être  mis 
qu'après. 

On  dira,  d'après  cette  règle,  bon  pain,  bon  vin, 
mauvais  pain,  mauvais  vin ,  grand  arbre,  petit 
ai'bre,  e.rcellent  fruit;  q{  pain  bis,  pain  blajic, 
viande  dure,  figure  ronde,  matière  combustible. 

Ainsi,  pour  savoir  si  un  adjectif  peut  être  mis 
avant  son  substantif,  il  faut  examiner  s'il  désigne 
une  idée  tirée  de  la  nature  même  de  l'objet  ex- 
primé par  le  substantif,  et  s'il  y  a  entre  les  deux 
idées  exprimées  par  l'adjectif  et  par  le  substantif 
une  analogie  assez  prochaine  pour  qu'au  moaieul 
où  ils  sont  énoncés  ils  ne  fassent  nailre  dans  l'esprit 
qu'une  seule  et  même  idée. 

Pourquoi,  par  exemple,  ne  puis-jc  pas  dire  une 
basse  actiofi,  et  que  je  dis  bien  uîie  basse  intri- 
gue? C'est  que,  dans  le  premier  exemple,  quoi- 
qu'il puisse  être  de  la  nature  d'une  action  d'être 
basse,  il  n'y  a  qu'une  analogie  très-éloignée  entre 
les  idées  exprimées  par  action  et  ba.'ise:  celle 
d'action  pouvant  être  modifiée  par  une  grande 
quantité  de  qualifications  étrangères  à  celle  de 
basse,  et  présentant  une  nature  commune  à  toutes 
ces  modifications.  Dans  le  second  exemple,  au 
contraire,  le  mot  intrigue  a  une  analogie  étroite 
avec  le  mot  basse,  parce  qu'il  est  particulière- 
ment de  la  nature  de  l'intrigue  d'être  basse,  et 
que  si  elle  est  susceptible  d'autres  modifications, 
elles  ont  toutes  quelque  analogie  avec  celle  qui 
est  exprimée  par  le  mot  basse. 

Voilà  pourquoi  on  ne  dit  pas  «7!  fidèle  homme, 
mais  un  fidèle  ami;  un  modeste  homme,  mais  une 
modeste  parure  ;  un  juste  homvie,  mais  une  juste 
récompense. 

Cependant  on  dit  un  habile  hovime.  un  savant 
homme,  un  saint  homme.  Mais  les  adjectifs //«- 
bile,  savant,  saint,  désignent  des  qualités  indi- 
viduelles qui  existent  dans  le  seul  sujet  exprimé, 
et  qui  lui  sont  particulières;  ce  qui  les  incl 
dans  une  analogie  prochaine  avec  un  individu 
de  l'espèce  humaine.  Un  homme  sage  est  un 
homme  qui  suit  les  préceptes  ce  la  sagesse;  un 
homme  prudent,  celui  qui  observe  les  règles  de 


ADJ 

îa  prudence.  Ces  qualités  peuvcMit  être  et  soiU  en 
effet  commiuics  à  un  grand  nombre  iriiommes,  cl 
par  conséquent  elles  n'ont  pas  une  analogie  olioitc 
avec  tel  ou  tel  individu  de  l'espèce  huniaino. 
Mais  vn  habile  homme  est  un  homme  qui  possède 
individuellement  certaines  qualités  de  l'esprit  qui 
le  rendent  habile;  un  savant  homme,  certaines 
l'Onnaissances  qui  le  rendent  savant;  un  saint 
liomme,  certaines  vertus  qui  le  rendent  saint. 
L'habileté  d'un  homme  n'est  pas  l'habileté  d'un 
autre  honnne;  la  science  d'un  homme,  celle  d'un 
autre;  la  sainteté  d'un  homme,  celle  d'un  autre. 
Ces  (jualités  se  rapprochent  ilunc,  par  ce  carac- 
tère d'individualité,  de  la  nature  de  l'individu  au- 
quel on  les  attribue;  il  y  a  donc  une  analogie 
l)rochainc  entre  elles  et  cet  individu  :  les  adjec- 
tifs qui  lescx|)riinent  peuvent  donc  être  présentés 
comme  ne  faisant  qu'une  seule  et  même  idée  avec 
l'idée  de  cet  individu,  cl  ils  sont  présentés  ainsi 
en  les  plaçant  avant  le  substantif. 

On  croira  peut-être  pouvoir  m'objecler  ici  que 
si  l'on  dit  nn  habile  homme,  par  les  raisons  que 
je  viens  d'ex{)oser,  on  peut  dire  aussi,  par  les 
mêmes  raisons,  un  adroit  homme;  car  adroit  e.\- 
prime  une  qualité  individuelle  qui  peut  être  pro- 
pre à  chaque  individu,  et  qui  est  différente  dans 
les  uns  et  dans  les  autres.  La  réponse  n'est  pas 
difficile.  Les  adjectifs  habile,  savant,  saint,  ex- 
priment des  qualités  intrinsèques;  l'adjectif  acf/'oiV 
exprime  laniùt  unetiualité  intrinsèque,  tantôt  une 
qualité  extrinsèque.  L'adresse  jjeul  exister  dans 
le  corps  ou  dans  l'esprit.  Ce  caractère  d'indéter- 
mination rend  donc  cet  adjectif  peu  propre  à  être 
mis  devant  un  substantif  qui  exprime  un  objet 
susceptibledeluneou  de  l'autre  espèce  d'adresse. 
11  y  formerait  une  équivoque,  et  l'idée  de  tout 
adjectif  i)lacc  devant  un  substantif  doit  être  pré- 
cise et  déterminée.  On  ne  peut  donc  pas  dire  U7i 
adroit  homme,  parce  (|ue  l'analogie  entre  l'adjec- 
tif et  le  substantif  n'est  pas  bien  marquée.  Mais 
on  dit  ^ln  adroit  opérateur,  un  adroit  fripon, 
parce  que  les  substantifs  opérateur  et  fripon  lè- 
vent l'équivoque  ,  et  établissent  l'analogie ,  en 
montrant  qu'il  est  question  ,  dans  le  premier 
exemple,  d'une  adresse  de  main  ou  de  corps,  et 
dans  le  second  d'une  adresse  d'esprit. 

On  voit  par  là  quo  l'analogie  se  forme  entre 
l'adjectif  et  le  substantif,  taiiiût  parla  nature  de 
l'adjectif,  comme  dans  habile  homme,  tantôt  par 
la  nature  du  substantif,  comnie  dans  adroit  opé- 
rateur, adroit  fripon.  C'est  donc  tantôt  dans  la 
signiDcation  de  l'adjectif,  tantôt  dans  celle  du 
substantif,  qu'il  faut  chercher  le  défaut  d'analo- 
gie qui  les  empoche  de  se  confondre  l'un  et  l'au- 
tre en  une  seule  et  même  idée,  et  qui,  par  con- 
séquent, repousse  l'adjectif  de  la  [)remièrc  place. 

Cependant  l'analogie  se  forme  aussi  quelque- 
fois par  les  circonstances  du  discours,  lorsqu'on 
a  dit,  avant  de  faire  paraître  le  substantif  et  l'ad- 
jectif, des  choses  qui  restreignent  la  signification 
du  premier,  de  manière  à  le  faire  prendre  dans 
unsensassez  analogueù  l'adjectif,  pour  ne  former 
avec  lui  qu'une  seule  cl  même  idée.  Par  exemple, 
on  ne  dit  pas  faire  une  f/énérevse  action,  parce 
que  l'analogie  des  deux  idées  est  trop  éloignée. 
Mais  après  avoir  parlé  d'une  action  à  laquelle 
on  peut  donner  l'épithèle  de  généreuse,  on  dira 
fori  bien  cette  généreuse  action  lui  mérita  une 
récompense  ;  parce  que  l'action  ayant  clé  caraclc- 
risée  dans  le  discours  d'une  manière  analogue  à  la 
signification  de  ladjectil',  l'esprit  saisit  ce  carac- 
tère et  le  joint  naturellement  au  mol  action  qui 
vient  ensuite;  ce  qui  forme  entre  î'adjectif  cl  le 


ADJ  3r, 

substantif  une  analogie  prochaine  et  sensible 

iNous  avons  parlé  des  adjci;lifs  nominaux  qui 
peuvent  être  placés  avant  leui-s  substantifs,  cl  in- 
diqué les  iirincipales  causes  qui  leur  font  don- 
ner ordinairement  celle  place.  Mais,  ainsi  quu 
nous  l'avons  remarqué,  ces  adjeclifs  iwuvcnl 
aussi  être  mis  à  leur  place  nairrclle.  11  n'y  en  a 
qu'un  très-petit  nombre  qui  piv.':-^**!'!!!  (..ujours 
leurs  substantifs,  soit  parce  (pi'ils  ne  lornieni 
qu'un  seul  mol  avec  ces  substantifs,  cuimnc  sage- 
femme,  petil-ma'itre,  soit  |)arce  (pie,  lorsqu'ils 
sont  mis  après,  ils  ont  une  signification  diffé- 
rente. On  dit  toujours  grand  philosophe,  grand 
général,  grand  capitaine,  grand  peintre,  |tour 
désigner  des  (jualités  Irès-supérieurcs  dans  les  in- 
dividus auxipicls  on  appliipie  cet  adjectif;  parce 
que  grand,  mis  après  un  substantif,  signilic  seu- 
lement étendu  en  longueur,  en  largeur  ou  en  pro- 
fondeur. On  dit  toujours  un  honnête  homme  pour 
signifier  un  homme  qui  a  de  la  droiture  et  de  la 
probité,  parce  (\uliomme  honnête  signifie  un 
homme  poli  et  cpii  a  envie  de  plaire,  etc.  ;  ex- 
cepté ces  mots  cl  quelques  autres  semblables, 
que  l'on  trouvera  iiidi(iués  à  leurs  jibiccs,  tous 
les  adjectifs  nominaux  qui  peuvent  être  mis  avant 
leurs  substantifs  peuvent  aussi  être  mis  après, 
selon  le  besoin  de  renonciation  ou  la  manière  de 
concevoir  de  celui  (pii  parle  ou  qui  écrit. 

On  dit  ordinairement  du  Ion  pain,  de  la  bonne 
viande;  maison  dit  aussi  du  pain  bar.  et  bien 
cuit,  de  la  viande  bonne  et  tendre.  On  dit  un 
brave  soldat,  mais  aussi  un  soldat  brave  et  intré- 
pide; une  belle  ville,  mais  aussi  une  ville  grande 
et  belle;  une  belle  situation,  mais  aussi  hhc  «t- 
tuntion  belle  et  pittoresque.  Quelquefois  on  est 
obligé  d'employer  cette  seconde  construction  , 
parce  <|u'on  ne  peut  pas  mettre  avant  le  substan- 
tif deux  adjectifs  dont  l'un  jjciit  et  l'autre  ne  peut 
pas  avoir  cette  place;  comme  dans  6o/j/ie  eMe«- 
dre  viande,  du  bon  et  bien  cuit  pain.  Qu-clquc- 
fois  aussi,  lorsqu'on  peut  employer  l'une  cl  l'au- 
tre, on  préfère  la  dernière,  par  des  raisons  de 
clarté  ou  de  goût. 

En  effet,  on  dit  également  bien  «;»  soldat  brave 
et  intrépide,  cl  un  bravo  et  intrépide  soldat; 
parce  que  les  deux  adjectifs  se  mettent  également 
bien  avant  ou  après  le  substantif. 

On  peut  mettre  avant  un  substantif  deux  ad- 
jectifs liés  par  la  conjonction  et,  vn  illustre  ai 
grave  auteur;  mais  il  faut  que  chacun  de  ces 
deux  adjectifs  soil  de  nature  à  être  mis  avant  ce 
substantif.  On  ne  peut  donc  pas  dire  i//j  illustre  et 
classique  auteur,  parce  qu'on  ne  dit  pas  uttclat- 
sicjueauteur,nrji\sunaulcurctussifjuc.ïèrd\l(i,dL\l 
mot  ^(//cc^iy,  approuve  cependant  cette  construc- 
tion, en  s'appuyant  sur  un  exemple  lire  d'un  au- 
teur obscur  et  sur  deux  phrases  très-familières 
de  madame  de  Sévigné.  Mais,  à  l'article  Gratuit, 
il  désap[)rouvc  une  phrase  de  celle  espèce  tirée 
de  Bossuct,  et  appelle  ces  sortes  de  constructions, 
dures  et  sauvages.  Quelquefois  elles  no  sont  pas 
dures,  mais  elles  sont  toujours  irrégulières. 

L'adjectifdesliné  par  sa  nature  à  modifier  le 
substantif  doit  en  être  rapproché  le  plus  qu'il  est 
|)Ossible.  Ce  rapprochement  ne  pourrait  avoir  lieu 
si  l'on  menait  avant  le  substantif  un  adjectif  qui 
a  un  régime,  ou  qui  est  modifié  par  un  adverbe; 
car  il  faudrait  faire  suivre  cet  adjectif  du  régime 
ou  de  l'adverbe  qui  le  modifie,  et  alors  le  sub- 
stantif ne  suivrait  i)as  immédialemenl  l'adjectif, 
mais  ce  régime  ou  ccl  adverbe.  On  doit  donc 
dire  c'est  un  homine  capable  de  vous  7iiunqucr 
de  respect.  Si,  au  contraire,  c'est  le  substantif  qui 


40 


ADJ 


a  un  régime,  il  faut,  autant  gue  l'usage  peut  iC 
pcnncllre,  faire  précéder  l'adjectif,  nfiii  ipi'il  soit 
rapproché  de  son  subslanlif,  et  que  ce  substantif 
soit  suivi  de  son  régime:  L'incomparable  auteur 
de  l'Enéide.  Quchpicfois  aussi,  quand  le  régime 
n'est  pas  exprimé  par  plusieurs  mots,  on  met  l'ad- 
jectif après  le  régime,  si  cette  construction  ne 
lorme  pas  une  équivoi]uc:  Une  natte  de  jonc 
grossière. 

Mais  dans  le  style  soutenu,  et  surtout  en  poésie, 
ces  régies  ne  sont  pas  toujours  observées.  Un  poète 
dirait  fort  bien  do  la  vertu  CinestimaUe  prix; 
un  poète  ou  un  orateur  [ilacent  quelquefois  élégam- 
ment l'adjectif  après  le  verbe  et  loin  du  substan- 
tif, surtout  lorsque  le  sens  de  cet  adjectif  ajoute 
au  verbe  quelque  accessoire  qui  lui  donne  plus 
de  force  ou  d'ugr-mont;  c'est  ce  qu'on  voit  dans 
cette  phrase  de  1  cnelon  :  Les  bergers,  loin  de  se- 
courir le  troupeau,  fuyaient  tremblants  pour  se 
dérober  à  sa  fureur.  [Télêm) 

Il  y  a  un  autre  cas  où  l'adjectif  est  toujours 
séparé  du  substantif  par  le  verbe,  c'est  lorsqu'il 
est  l'attribut  d'une  proposition:  Ce  vin  cstbcj:, 
cet  homme  est  innocent,  etc.  Mais,  dans  ces  phra- 
ses, l'adjectif  est  considéré  isolément  comme  ad- 
jectif. Il  ne  modifie  pas  réellement  le  substantif; 
on  déclare  seulement  qu'il  peut  le  modifier.  Ce 
vin  est  bon,  signifie,  l'adjectif  iore  peut  être  dit  de 
ce  vin 

D'après  ce  que  nous  avons  dit  sur  la  place  des 
adjectifs  nominaux,  on  peut  distinguer  aisément 
ceux  qui  doivent  être  mis  après  le  substantif, 
sans  pouvoir  jamais  être  mis  avant. 

Nous  mettons  dans  cette  classe  les  adjectifs  qui 
expriment  les  qualités  qui  ne  sont  pas  tirées  de 
la  nature  de  l'objet  exprimé  par  le  substantif;  tels 
sont  : 

1°  Les  adjectifs  qui  désignent  les  impressions 
que  les  objets  font  sur  nos  sens  :  Du  pain  blanc, 
du  drap  rouge,  du  drap  bleu  ;  une  surface  unie, 
raboteuse,  dure,  molle,  etc.  ;  un  son  aigre,  aigu, 
perçant,  éclatant,  etc.  ;  une  odeur  forte,  douce, 
suave,  etc.  Ces  qualités  n'existent  point  dans  les 
objets  qui  les  occasionnent  ;  elles  ne  sont  doiîc 
point  tirées  de  leur  nature,  mais  de  la  nature  de 
nos  sens,  quiles  éprouvent  à  leur  occasion. 

On  dit  bien,  au  figuré,  une  noire  trahison,  un 
noir  attentat,  une  noire  calomnie;  mais  alors 
l'adjectif  noirna  signifie  point  une  couleur  dont 
l'âme  reçoit  l'impression  à  l'occasion  des  objets, 
mais  une  atrocité  inhérente  à  la  nature  des  choses 
qu'il  qualifie.  Delillea  dit  de  noirs  orages;  mais 
ou  c'est  une  licence  poéti(iue,  ou  il  a  voulu  dire 
des  orages  qui,  par  leur  nature,  inspirent  la  tris- 
tesse, la  mélancolie,  la  terreur. 

2"  Les  adjectifs  qui  expriment  le-;  formes  dos 
objets,  comme  rond,  carré,  octogone,  triangu- 
laire; verre  convexe,  verre  concave,  etc. 

3"  Les  adjectifs  qui  expriment  des  rapports 
du  substantif . T. ec  un  autre  substantif,  se  mettent 
toujours  après  le  substantif  qu'ils  modifient.  Un 
palais  royal  exprime  un  rapport  entre  un  palais 
et  un  roi,  et  l'on  ne  peut  pas  dire  un  royalpa- 
lais.  On  dit  de  même,  pourpre  royale,  dignité 
royale;  tendresse  paternelle,  maternelle,  conju- 
gale; principe  grammatical;  opération  algébri- 
que ;  oraison  dom,inicale ,  bonté  divine,  etc.; 
mais  on  dit  aussi  divine  bonté,  parce  que  la 
bonté  est  une  qualification  tirée  de  la  nature  de 
la  Divinité,  que  la  Divinité  est  la  source  de  toute 
bonté,  et  qu'il  n'y  a  pas  réellement  ici  de  rapport 
entre  deux  objets  différents. 
4°  Les  adjectifs  qui  n'expriment  que  les  points 


ADJ 

oc  Tu„  particuliers,  sous  lesquels  nous  con- 
sidérons lesobjcls:  Une  chose  nécessaire,  possible 
impossible  ;  une  beauté  parfaite,  une  idée  abu- 
sive, une  idée  absurde  ;  une  place  incommode ,  un 
établissement  utile,  un  homme  dangereux,  une 
maladie  dangereuse,  mortelle;  7in  genre  supé- 
rieur. 

5°  Les  adjectifs  qui  expriment  l'état,  la  situa- 
lion  des  personnes  ou  des  choses,  ou  les  habi- 
tudes des  personnes.  Dans  le  nombre  de  ces  ad- 
jectifs sont  compris  les  adjectifs  verbaux  dont 
nous  avons  parlé  :  Un  homme  tranquille,  calme; 
un  homme  oisif,  contemplatif  ;  un  homme  ivie, 
une  vie  tranquille,  un  esprit  tranquille,  un  es- 
prit content  ;  un  homme  vif,  indolent,  colère,  en- 
têté, insolent,  avare,  grondeur,  menteur,  labo- 
rieux, paresseux  ;  une  chambre  froide,  un  fer 
chaud,  de  la  morue  fraîche;  du  drap  mince^ 
épais  ;  un  hois  clair,  un  charbon  ardent. 

6°  Les  adjectifs  qui  expriment  quelque  modi- 
fication extérieure  et  accidentelle,  soit  des  per- 
sonnes, soit  des  choses.  Un  homme  aveugle., 
borgne,  bossu,  etc.;  du  bois  tortu,  uîic  bouteille 
étoilée,  un  bâton  noueux,  un  bâton  pointu. 

1°  Les  adjectifs  qui  ne  font  que  distinguer 
simplement  les  objets,  par  des  différences  de 
genre,  d'espèce  ou  de  sorte  :  Un  animal  raison- 
nable; un  homme  blanc,  wn  homme  noir,  un 
homme  olivâtre;  un  arbre  fruitier,  un  arbre 
sauvage;  mie  perdrix  rouge,  une  perdrix  grise  ; 
inode  française,  allemande ,  anglaise;  méthode 
latine  ;  accent  gascon,  norma7id,  picard;  musi- 
que italienne  ;  poé'me  épique;  nom  substantif, 
nom  adjectif  ;  pronom,  personnel  ;  verbe  actif. 

Sans  doute  que,  malgré  les  régies  que  nous 
venons  de  donner,  il  se  rencontrera  encore  des 
dilficultés;  mais  comme  dans  cet  ouvrage,  nous 
examinons  les  adjectifs  relativement  à  leur  con- 
struction, elles  sont  toutes  éclaircies  à  l'article  de 
l'adjectif  qui  leur  aura  donne  lieu. 

Quant  à  l'emploi  des  adjectifs,  il  doit  être  ré- 
glé par  la  nature  de  la  pensée  qu'on  veut  rendre, 
ou  de  l'image  qu'on  veut  peindre;  tout  ce  qui 
s'en  écarte  est  froid  ou  ridicule.  Si  la  profusion 
des  épithèles,  dit  La  Harpe,  est  un  défaut  en 
poésie,  c'en  est  un  bien  plus  grand  encore  dans 
la  prose,  dont  le  ton  doit  ého  plus  simple.  Ce 
n'est  pas  apparemment  l'avis  de  beaucoup  de  pro- 
sateurs de  nos  jours,  qui  s'imaginent  avoir  de  la 
force  et  du  coloris  en  accumulant  des  mots.  Cela 
donnait  parfois  un  peu  d'iiuineurà  Voltaire,  qui 
écrivait  à  ce  sujet  :  i>  Ne  pourra-t-on  pas  leur 
faire  comprendre,  combien  souvent  l'adjectif  est 
ennemi  du  substantif,  quoiqu'ils  s'accordent  en 
genre,  en  nombre  et  en  cas?  n  {Cours  de  Littéra- 
ture, tom.  IV,  p.  86.) 

Il  est  diiïicile  aux  étrangers  de  distinguer  les 
adjectifs  (jui  neconvicnneiû  qu'aux  personnes,  et 
ceux  qui  ne  conviennent  qu'aux  choses.  Pour 
faire  cette  distinction,  disent  les  grammairiens,  il 
faut  examiner  si  le  verbe  dont  l'adjectif  dérive 
peut  avoir  les  personnes  pour  régime  direct.  Par 
exemple,  on  dira  bien  cette  personne  est  admi- 
rable, est  excusable,  parce  qu'on  peut  dire,  ad- 
mirer  quel  qu'un,  excuser  quelqu'un  /maiscomme 
on  ne  dit  pas  pardonner  quelqu'un,  contester 
quelqu'un,  les  adjectifs /ja?'tfo«/iai/e,  contestable , 
incontestable,  ne  peuvent  s'appliquer  aux  per- 
sonnes, et  par  conséquent  on  ne  peut  pas  dire 
I  cet  homme  est  pardonnable,  contestable,  incon- 
j  testabL'. 

Adjectivement.  Adv.  Terme  de  grammaire.  Era- 
I  ployer  un  substantif  adjectivement,  c'est  l'em- 


ADiM 

ployer  comme  adjectif.  Dans  cette  phrase,  le  re- 
mords accusateur,  le  suhsianlif  accusateur  est 
pris  adjectivement.  Cet  adverbe  ne  se  met  qu'a- 
près le  verbe. 

*  Adjoiivt.  Subsl.  m.  Terme  de  grammaire  qui 
ne  se  trouve  point  dans  !es  dictionnaires  de  la  lan- 
gue. On  appelle  adjoints  les  m.ots  ajoutés  à  une 
proposition,  et  <|ui  n'en  font  point  partie;  telles 
sont  les  interjections  hélas!  ha!  etc.  Dans  ce  vers 
de  madame  Deslioulières , 

Hélas  !  petits  moutons,  qne  vous  «les  licureui  ! 

(Les  3/ou(ons,  itlvllc,  v.  t.) 

que  vous  êtes  heureux,  sont  les  mots  qui  for- 
ment la  proposition.  Que  y  entre  comme  Rdverbe 
de  quantité,  de  manière  et  d'admiration;  i^ous  est 
le  sujet,  êtes  heureux  est  l'attribut  dont  être  est 
le  verbe.  Voilà  la  proposition  coinph'ae  :  Hélas! 
et  petits  moutons  sont  des  adjoints.  Quelques 
grammairiens  donnent  à  Vadjoint  le  nom  d'ad- 
jonciif. 

*  Adjonctif.  Voyez  Adjoint. 

.\djdger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
\Gg  doit  toujours  se  prononcer  comme  un  j ;  et, 
pour  lui  conserver  cette  prononciation,  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
ayant  cet  a  ou  cet  o:  Je  Jugeais,  nousJugeons,ei 
non  p^nsjejur/aisynousjur/ons. 

Admettre.  V.  a.  et  irrcgulier  de  la  4^  conj.  Il 
se  conjugue  comme  mettre.  Voyez  ce  mot. 

Admettre  quelqu'un  à  l'audience,  Admettre 
quelqu'un  dans  vne  société.  Admettre  quelqu'un 
parmi  ses  amis.  Il  a  été  admis  à  se  Justifier,  à 
faire  preuve.  —  Admettre  des  excuses,  des  rai- 
sons ;  admettre  un  compte. 

Administrateur.  Subst.  m.  On  dit  au  féminin, 
administratrice. 

*  Administrativement.  Adv.  On  ne  le  trouve 
point  dans  le  Dictionnaire  de  V Académie .  11  si- 
gnifie, suivant  les  formes,  les  règlements  admi- 
nistratifs, par  autorité  administrative.  Décider 
ii7ie  affaire  administrativement . 

Ad.mirabli:.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
ordinairement  après  son  subsl. ,  et  peut  se 
mettre  avant,  si  l'analogie  le  permet.  On  dit  un 
homme  admirable ,  et  non  l)as  un  admirable 
homme.  Mais  on  dit  bien  cette  admirable  con- 
duite lui  attira  les  applaudissements  do  tout  le 
inonde.  Voyez  Adjectif. 

Admirablement.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'a- 
près le  verbe  ;  Il  chante  admirablement. 

Admiratedr.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  admiratrice . 

âdviiratif,  Admirative.  Adj.  On  dit  un  ton 
admiratif,  unaeste  admiraiif,  poiu"  dire  un  ton, 
un  geste  qui  marque  de  la  surprise,  de  l'admira- 
tion, ou  une  exclamation;  et,  en  termes  de  gram- 
maire ,  on  appelle  particule  admirative  une 
particule  qui  exprime  les  mêmes  choses,  comme 
ah!  eh!  On  dit  aussi  un  point  admiratif,  ou  un 
point  d'admiration,  pour  signilier  un  point  qui 
se  marque  ainsi  (!),ct  qui  se  met  après  les  mots 
ou  les  phrases  qui  marquent  la  surprise,  l'admi- 
ration ou  l'étonncmcnt,  ou  qui  expriment  une  ex- 
clamation. Les  imprimeurs  l'appellent  simplement 
admiratif,  et  alors  ce  mot  est  substantif  mascu- 
lin, ou  adjectif  en  sous-entendnnt/)oz«^ 

On  met  le  point  admiratif  après  le  dernier  mot 
de  la  phrase  qui  exprime  l'admiration:  Que  je 
suis  à  plaindre!  Mais  on  demande  quelle  doit 
être  la  ponctuation,  si  la  phrase  commence  par 
une  interjection  comme  eh,  lui,  hélas.  Commu- 


ADU  41 

nément  on  met  le  point  admiraiif  d'abord  apn-s 
\'\n[u-icc{\ou:  Hélas!  petits  moutons,  que  vous 
êtes  heureux;  hci!  mon  Di,'u,,/ueje  sou/f,r 
Mais,  comme  le  sensadiuiraiil  w  linil  qu'avec  l;i 
phrase,  il  parait  mieux  de  ne  meitic  le  |)oinl  ad- 
miraiif (ju'après  tous  les  molst)ui  énoncent  l'ad- 
miration. Hélas,  petits  moutons,  que  vous  êtes 
heureux!  Ha,  que  je  souffre! 

Admiration.  Subst.  f.  Ce  mot  n'a  point  do  plu- 
riel.— L'Académie,  en  1835,  dit  que  ce  mol  se  dii 
quelquefois  de  l'objet  même  (pi'on  admire,  et 
elle  donne  cet  exemple  où  il  est  employé  au  plu- 
riel dans  ce  sens  :  On  tient  à  ses  vieilles  admi- 
rations. 

Adoptif,  Adoptive.  Adj.  H  se  dit  des  persoi;- 
nes  qui  ont  été  adoptées,  et  suit  toujours  son 
subst.  :  Fils  adoptif,  fille  adoptive,  enfants  adop- 
tif s. 

Adorable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  avant 
ou  après  le  subsl.,  selon  <pie  celui  qui  parle" 
est  plus  ou  moins  affecté.  On  ne  dira  pas  un  ado- 
rable homme,  mais  un  amant  dit  à  sa  maîtresse. 
mon  adorable  amie.  En  vers  et  dans  la  prose  sou- 
tenue, il  précède  souvent  son  subslautif  :  Adora- 
ble mystère!  Adorables  desseins  de  la  Provi- 
dence !  Voyez  Adjectif. 

Adorateur.  Subst.  m.  L'Académie  ne  met 
point  le  féminin  adoratrice ,  cependant  on  le  dit. 
Ce  mot  s'cmi)loic  élégamment  comme  adjectif, 

Je  n'ai  percé  qu'à  pcînc 

Les  flots  toujours  nouveaux  d'un  peuple  adorateur. 
(ItiC,  Bérén.,  act.  I,  se.  III,  3.) 
{Grammaire  de»  Grammaire,  p.  1056.) 

Adoré,  Adorée.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a|irès 
son  subst.  Il  régit  la  préposition  de,  ou  se  met  ab- 
solument. Une  femme  adorée  de  son  mari,  une 
épouse  adorée. 

Adresse.  Subst.  f.  Leur  adresse  à  tirer  de 
l'arc.  (Marmontcl.)  Métophis  avait  eu  l'adresse 
àc  sortir  de  prison.  (Fénel.,  Télém.,  liv.  II,  t.  1, 
p.  413.). 

Adroit,  Adroite.  Adj.  On  prononçait  autrefois 
adrèt,  adrè/e.  Corneille  a  dit  dans  Agésilas  (act. 
II,  se.  I,  412)  : 

Ma  sœur,  vous  i!les  plus  adroite: 
Soufflez  que  je  ménage  un  inomcul  de  retraite. 

Grosset,  dans  le  Méchant  (act.  III,  se.  vi,  48)  : 


Et  si  l'on  vous  montrait 


Que  vous  le  lia'ircz. 


VALtIlE. 
On  serait  bleu  adroit. 

Voltaire  fait  aussi  rimer  adroite  avec grisetle, 
discrète. 

Féraud  pense  que,  dans  la  conversation,  on 
peut  prononcer  adrèt,  adrèle.  Il  se  trompe,  on  ne 
prononce  jamais  ainsi. 

Cel  adjectif  se  met  avanl  son  substantif,  dans 
les  circonstances  (juc  nous  avons  indi<iuées  au 
mot  adjectif.  On  ne  dit  pas  un  adroit  homme, 
parce  que  l'analogie  avec  le  substantif  n'est  pas 
assez  rapprochée  ;"mais  on  dit  une  adroite  politi- 
que, parce  qu'il  esl  de  la  nature  de  la  politique 
d'être  adroite.  On  dit  aussi,  dans  un  mouveineni 
d'indignation,  c'est  un  adroit  coquin.  Il  régit  la 
préposition  à. 

Adroitement.  Adv.  On  peut  le  mettre  enlre 
l'auxiliaire  et  le  participe.  //  s'est  tiré  adroite- 
ment, ou  il  s'est  adroitement  tiré  d'affaire. 

Adulateur.  Subst.  m.  Au  féminin  on  dit  adu- 


42 


ADV 


latrice.  Advlaleur  vient  du  latin  adulare,  flatter 
de  la  voix  et  du  gcsie,  à  la  manière  des  chiens. 
L'adulateur  est  celui  qui  flatte  d'une  manière 
basse,  vile,  lâche,  servile,  impudente,  et  même 
grossière.  L'adulateur  veut  munlier  une  soumis- 
sion entière,  une  admiration  sans  homes.  11  loue 
sans  distinction  le  hicn  et  le  mal,  les  perfections 
et  les  défauts ,  les  vertus  et  les  vices  ;  il 
prodigne  des  applaudissements  même  au  ridi- 
cule :  le  flatteur  est  moins  has;  dire  des  choses 
agréahlcs  à  celui  qu'il  flatte,  est  son  but  direct  ; 
plaireen  flattant,  son  liut  détourné.  L'adulateur 
loue  avec  impudence  une  chose  évidemment 
mauvaise;  le  flatteur  cherche  à  donner  à  une 
chose  mauvaise  des  couleurs  qui  la  fassent  pa- 
raître louable.  L'adulateur  donne  des  louanges  à 
tort  et  à  travers,  et  veut  seulement  montrer'qu'il 
loue  ;  le  flatteur  loue  par  des  motifs  vrais  ou  a|>- 
parents,  il  veut  montrer  du  désintéressement.  On 
l'emploie  dans  le  style  noble. 

Addlation.  Subst.  f.  Il  s'emploie  dans  le  style 
noble. 

Adcler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Diderot  a  dit  : 
Quoi!  vous  adulez  bassement  le  souverain  pen- 
dant sa  rie,  et  vous  l'insultes  cruellement  après 
sa  mort!  Quoique  adulateur  soit  du  style  noble, 
aduler  n'est  que  du  style  simple. 

Adultère.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
avant  ou  après  le  subst.,  suivant  l'analogie  plus 
ou  moins  étroite  qui  existe  entre  les  deux.  On  ne 
dit  pas  une  adultère  fernme ,  une  adultère 
/îamme;  mais  on  pourrait  dire  un  adultère  mé- 
lange, dans  le  sens  que  Rousseau  donne  à  ce 
mot  dans  les  vers  suivants  (1"  Allégorie,  d3)  : 


D'où  peut  venir  ce  molange  aJiillère 

D'adversHés,  dont  l'iitilironce  allère 

Les  plus  beaux  dons  de  la  terre  et  des  cieui  ? 


Le  mot  milange  ayant  ici  une  analogie  étroUe 
avec  l'adjectif  adultère,  pourrait  permettre  l'in- 
version. YoyczJdj'ectif. 

Addi.tép.er.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
ne  le  donne  que  pour  un  terme  de  pharmacie. 
Adultérer  les  médicaments. — On  dit  aussi  en  ju- 
risprudence, adultéiVr  les  monnaies,  adultérer 
des  marchandises.  Dqns  le  langage  ordinaire,  on 
à\\.  altérer. 

Adultérin,  Addltérike.  Adj.  Il  suit  toujours 
son  subst.  Un  enfant  adultérin. 

Adve.mick,  ou  Adventif,  AnviijSTivE.  Adj.  L'un 
et  l'autre  se  dit  en  jurisprudence  :  le  premier  se  dit 
seulen  physique  et  enmétaphysi(iue.  —  Ce  mot  si- 
gnifie, qui  n'est  pas  naturellement  dans  une  chose, 
qui  y  survient  de  dehors.  En  physique ,  on  apjjclle 
matière  adventice  la  matière  qui  n'appartient 
pas  proprement  a  un  corps,  mais  qui  y  est  jointe 
accidentellement.  En  botanique,  on  appelle joZan- 
les  adventices  les  plantes  qui  croissent  sansavoir 
été  semées;  racines  adventices,  celles  qui  revien- 
nent à  la  place  de  colles  qui  ont  été  coupées.  — 
Les  philosophes  qui  admettaient  des  idées  innées, 
appelaient  idées  adventices  celles  qui  viennent 
des  sens,  d«  façon  que,  sans  les  impressions  faites 
sur  nos  organes,  nous  ne  saurions  les  avoir,  dans 
l'état  présent  des  choses.  Ils  les  appelaient  ainsi, 
parce  (]u'elles  sont  produites  ou  occasionnées  en 
nous  par  les  objets  extérieurs.  —  Adventice  ou 
adventif  se  dii,  en  jurisprudence,  de  ce  qui  ar- 
rive ou  accroît  du  dehors  à  quelqu'un  ou  à  (jucl- 
que  chose.  Les  biens  adventices  ou  advcntifs 
sont  ceux  qui  viennent  à  quelqu'un  comme  un 


ADV 

présent  de  la  fortune,  ou  par  la  libéralité  d'un 
étranger,  ou  par  succession  collatérale,  et  non 
par  succession  directe.  En  ce  i^on^,  adventif  esi 
opposé  à  profrctif,  (]ui  se  dit  des  biens  qui  vien- 
ncnten  ligne  droite  du  père  ou  de  la  mère. —L'A- 
cadémie, en  J835,  donne  le  premier  comme  terme 
didactique,  non  applicable  à  la  jurisprudence,  cl 
le  second  comme  un  mot  employé  seulement  dans 
le  droit  romain. 

Adverbe.  Subst.  m.  Ce  mot  est  formé  de  la 
préposition  ad,  vers,  auprès,  et  du  mot  verbe, 
iiarccque  l'adverbe  se  met  ordinaireiuent  auprès 
du  verbe,  auquel  il  ajoute  quelque  modification 
ou  circonstance.  //  aime  conslaminent,  il  parle 
bien,  il  écrit  mal.  l.a  dénomination  de  l'adverbe 
est  prise  de  son  usage  le  plus  ordinaire,  qui  est 
de  modilier  l'action  que  le  verbe  exprime.  Mais 
il  y  a  des  adverbes  qui  se  rapportent  aussi  aux 
adjectifs,  aux  participes,  et  à  des  noms  qualifica- 
tifs, tels  que  père,  roi,  etc.  Il  m'a  paru  fort 
changé,  c'est  une  femme  extrêmement  sage  et  fort 
aimable,  il  est  véritablement  roi. 

L'adverbe  équivaut  à  une  préposition  suivie  de 
son  comjilément;  sagement  vaut  autant  que  avec 
sagesse  ;  ai'msï  tout  mot  qui  peut  cire  rendu  par 
une  préposition  et  un  nom,  est  un  adverbe. 

L'adverbe  n'a  pas  besoin  de  complément;  c'est 
un  mot  qui  sert  a  modilier  d'autres  mots,  et  qui 
ne  laisse  pas  l'esprit  danl  l'attente  nécessaire  d'un 
autre  mol,  comme  font  le  verbe  actif  et  la  i)ré- 
position.  Si  je  dis  du  roi,  z7  a  donné,  on  me  de- 
mandera quoi  et  à  qui^  SI  je  dis  de  quelqu'un 
qu'il  s'est  conduit  avec,  ou  pur  ou  sans,  ces  pré- 
positions font  attendre  leur  complément.  Au  lieu 
que  si  je  dis,  il  s'est  conduit  prudemment,  l'es- 
prit n'a  plus  de  cpicstion  nécessaire  à  faire  par 
rapport  k prudemment.  Je  puis  bien,  à  la  vérité, 
demander  en  quoi  a  consisté  cette  prudence, 
mais  ce  n'est  plus  là  le  sens  nécessaire  cl  gram- 
matical. 

Il  y  a  autant  d'adverbes  qu'il  y  a  d'espèces  oe 
manières  d'être  qui  peuvent  être  énoncées  par 
une  iiréposition  et  son  complément.  On  peut  les 
réduire  à  certaines  classes.  Il  y  a  des  adverbes 
de  temps,  auparavant,  autrefois,  dernièrement; 
de  lieu,  ailleurs,  devant,  derrière,  dessus,  des- 
sous, etc.;  de  qualité,  savamment,  précieuse- 
ment, ardemment,  etc.  ;  de  i|uantité,  beaucoup, 
peu,  davantage,  etc.;  de  manicvc, promptement, 
lentement,  etc.;  d'interrogation,  pourquoi^  etc.  ; 
d'affiimation,  certainement,  vraiment,  oui, eic; 
de  négation,  nullement,  point  du  tout,  etc.;  de 
diminution,  presque,  peu  s'en  faut,  etc.;  de 
Ao\ï\e,  peut-être,  etc.  ;  d'exception,  seulement. 

Il  y  a  des  adverbes  qui  servent  à  marquer  la 
ressemblance  ,  ainsi  que  ,  comme  ,  de  même 
que,  etc.  ;  d'autres  marquent  diversité ,  d^ail- 
Icurs,  autrement,  etc.  ;  d'autres  la  quantité  de 
foï^,  quelquefois,  souvent,  rarement,  clc;  d'au- 
tres les  nombres  ordia&ViX,  première??ie?it,  secon- 
dement, etc.;  quelques-uns  servent  dans  le  rai- 
sonnement, parce  que,  ainsi,  or,  par  conséquent; 
quelques  autres  marquent  assemblage,  ensemble, 
parciUcinent,  etc.;  d'autres  marquent  division, 
séparément,  à  part,  etc. 

Il  y  a  plusieurs  adjectifs  que  l'on  peut  prendre 
adverbialement,  comme  dans  sentir  bon,  sentir 
mauvais,  voir  clair,  etc. 

11  y  a  des  adverbes  qui  font  exception  à  la  règle 
générale,  (jui  veut  que  les  adverbes  n'aient  point  de 
régime;  tels  sont  dépendamment,  l'âme  agit  dé- 
pcndamment  des  organes  ;  indépendamment , 
Dieu  agit  indépendamment   de   toutes  choses; 


ADV 

vréférahlement,  il  faut,  aimer  Dieu  préfcrabïe- 
nient  à  loul;  relativement,  cela  se  doit  entendre 
relalircvient  à  une  autre  chose;  convenallernent, 
parler  convenablement  à  son  sujet;  conformé- 
ment, vivre  conf^irmcmen*  à  l' Évangile  ;  anic- 
riciirement,  cette  dette  a  cté  contractée  antcrien- 
rement  à  la  vôtre;  consêquemment,  je  me  suis 
conduit  conscqvemment  à  ce  gui  avait  été  réglé  ; 
postérieiiremr7it,  cet  acte  a  été  fait  postérieure- 
ment à  celui  dont  vous  parlez;  différemment, 
les  princes  agissent  différemment  des  }.urticu- 
Kers ;  inférici're'rtC7it ,  supérienreniont ,  dnux 
auteurs  ont  écrit  sur  cette  inaliore,  mais  l'un  a 
écrit  bien  inférieurement,  bien  supérieurement 
à  Vautre  ;  proportlonuémciit,  il  n'a  pas  été  ré- 
compensé proportionnémeiit  à  son  7nérile. 

Les  adverbes  se  iilai-ent  urdinaiicinoiil  avant 
lesadjeclifs  qu'ils  modiliciU.  Il  est  f. ri  heureux, 
il  est  très-paurre,  je  suis  fortement  persuadé. 

A  i'c'gard  des  verbes,  dans  les  lemps  simples, 
l'adverbe  se  place  ordinairciiieiit  ai)rcs  le  verbe 
tiu'il  modifie.  Je  danse  bien,  il  joue  adroite- 
ment, elc. 

Loreque  le  verbe  est  à  l'iiilînitif,  l'adverbe 
peut  se  mettre  avant  ou  apirs,  suivant  le  goût 
ou  l'harmonie.  Ôa  dit  bien  faire  son  devoir,  et 
faire  bien  son  devoir.  Loisituc  le  verbe  est  à  un 
temps  composé,  l'adverbe  se  met  ou  après  le 
verbe  ou  entre  rau\iliairc  et  le  participe  :  R  a 
mal  fuit,  vous  rot/.î  êtes  bien  conduit,  il  a  soi- 
gneusement travaillé,  il  a  merveilleusement  bien 
travaillé,  il  s'est  jjarfaitement  bien  conduit; 
mais  lorsqu'au  lieu  d'un  verbe  il  y  a  une  phrase 
adverbiale,  cette  plirase  se  met  toujours  après  le 
participe:  Il  s'est  conduit  arec  sagesse,  avec 
beaucoup  de  sagesse,  elle  a  agi  avec  prudence. 

L'adverbe  de  quantité,  dit  d'Olivcl,  a  cela  de 
remarquable,  qu'étant  uni  à  un  substantif  par  la 
particule  de,  il  n'est,  à  l'égard  de  ce  substantif, 
que  comme  un  sini[ile  adjectif,  puisque  l'un  et 
l'autre  ensemble  ne  présentent  qu'une  idée  totale 
et  indivisible.  Aussi  est-ce  une  règle  sansexcc])- 
tion,  que  dans  toutes  les  phrases  où  l'adverbe  île 
quantité  fait  partie  du  sujet,  la  syntaxe  est  fon- 
dée sur  le  nombre  et  lo  genre  du  substantif.  Bien 
des  gens  discni;  combien  de  <jciis  pensent;  vous 
ne  savez  pas  combien  cette  maison  a  coûté. 
Voyez  Complément,  Construction. 

Les  adverbes  comparatifs  si,  aussi,  plus  et  au- 
tant se  répèlent  avant  chaque  adjectif  et  chaque 
verbe  qu'ils  modifient.  //  est  si  sage,  si  bon,  si 
doux,  qu'il  se  fait  aimer  de  tout  le  monde.  Plus 
un  prince  est  aimé  de  ses  peuples,  plus  leur  bon- 
heur lui  devient  cher.  (Marmontcl ,  Bélisaire, 
chap  viii,  p.  63.)  Autant  le  toucher  concentre 
ses  opérations  autour  de  lui,  autant  la  vue  étend 
les  siennes  au  delà  de  lui.  (J.-J.  Rousseau, 
Emile,  liv.  IL) 

Beauzée  et  Roubaud  ont  établi  une  différence 
entre  l'adverbe  et  la  phrase  adverbiale  ;  par  exem- 
l)!e,  entre  sagement  et  avec  sagesse  ;  prudem- 
ment et  avec  prudence.  L'adverbe  spécifie  la  fa- 
çon particulière  d'agir  du  verbe,  ou  une  ([ualité 
propre  de  cette  action.  L'adverbe  est  au  verbe  j 
ce  que  l'adjectif  est  au  substantif  :  le  premier  est 
une  modification  du  verbe,  comme  l'autre  est  une 
modification  du  nom;  et  de  même  que  ce  dernier 
indique  l'aspect  particulier  sous  lequell'objet  doit 
être  considéré  dans  le  discours,  le  premier  dis- 
lingue l'espèce  particulière  d'action  que  le  verbe 
laissait  en  partie  indéterminée.  Ainsi  l'adverbe 
exprime  une  modification,  une  qualification  con- 
stante qui,  en  donnant  au  verbe  un  sens  particu- 


ADV  45 

lier,  se  confond  en  quelque  sorte  avec  lui,  et  s'6- 
tcnd  avec  lui  sur  toute  la  durcc  de  l'action;  au 
lieu  que  la  phrase  adverbiale  n'exprime  qu'une 
circonstance  particulière  de  l'action,  cl  n  en  em- 
bra.sse  pas  toute  l'itcndue.  L'adverbe  s[)écifie 
caractérise  la  nature  de  l'ailiun;  la  phrase  ad- 
verbiale n'en  indique  qu'une  niodilu-ation  par- 
tielle, uu  accident  i)articulier  :  Vu  liomnic  qui 
s'est  conduit  sagement  a  i;lé  s;ige  ilans  toute  su 
conduite;  sa  conduite  a  été  sage":  un  hninmc  qui 
s'est  conduit  avec  sagesse  a  mis  de  la  sawsi' 
dans  sa  conduite;  il  a  de  la  sagesse.  La  phra.se 
adverbialen'emporle(|u'uii  raiijiurt,  uncinnucme 
quelcontiue;  l'adverbe  emporte  une  inlluence 
continue,  un  concours  soutenu.  Voilà  poun|uoi, 
quand  il  s'agit  de  mettre  un  ai-lc  en  opposition 
avec  l'habitude,  l'adverbe  est  |)lus  propre  à  mar- 
quer l'habitude,  et  la  phrase  adverbiale  à  indi- 
quer l'acte,  comme  dans  ces  ijjirase.e  :  Un  homme 
qui  se  conduit  sagement  ne  peut  pus  se  promet- 
tre que  toutes  ses  actinns  S'>ic7it  fuiter  avec  sa- 
gesse. Un  auteur  qui  n'écrit  pas  élégamment 
peut  toute  fois  de  temps  en  temps  rendre  des  pen- 
sées avec  élégance.  liésislcz  avec  courage  à  cette 
ie?itation,  et  suivez  toi/jours  courageusement  le 
chemin  de  la  vertu.  La  finesse,  lu  méchaticoté 
même,  peuvent  quelquefois  s'énoncer  avec  naï- 
vett',  mais  il  n'est  donné  qu'à  la  candeur  et  d  la 
simplicité  de  parler  toujours  naivomoiit.  Si  ce 
n'est  pas  précisément  l'habitude  (prannonce  l'ad- 
vci'be,  il  est  du  moins  fort  pro[jre  à  la  désigner, 
puisqu'il  marque  une  influence  forte  et  constante 
•lui  suit  le  verbe  dans  tout  le  cours  de  l'action,  el 
imprime  à  l'action  un  caractère  distinclif.  Voyez 
Formation. 

AnvEr.BiAL,  Adverbiale.  Adj.  Il  se  dit  en  gram- 
maire, d'une  expression  qui  équivaut  à  un  ad- 
verbe. Adroitement CSKxxaaé^ycrhc;  avec  adresse 
est  une  expression  adverbiale.  Cet  adj.  se  met 
toujours  après  son  subsl.  Voyez  Adverbe. 

AnvEiiBiALEMENT.  Adv.  A  la  manière  dos  ad- 
verbes. On  dit  (]uc  des  adjectifs  sont  pris  adver- 
bialement, lorscju'ils  sont  employés  dans  un  sens 
adverbial.  Par  exemple,  dans  ces  façons  de  par- 
ler, tenir  bon,  tenir  ferme;  bon  el  ferme,  qui 
sont  des  adjectifs,  sont  pris  adverbialement.  On 
dit  aussi  sentir  bon,  sentir  rnauvais;  <l,  dSDS 
ces  phrases,  les  adjectifs  bon  et  rnauvai."  ."ont  pris 
adverbialement.  Cet  adverbe  ne  se  met  (l't'après 
le  verbe  :  Ce  not  est  pris  adverbialement. 

AnvERSATiF,  Ai-vEBSATivE.  Adj.  Tcrmc  dc  gram- 
maire qui  signifie,  qui  marque  (iueli]ue  diffé- 
rence, quelque  restriction  ou  opposition  entre  ce 
(}ui  Suit  et  ce  qui  précède.  Il  y  a  des  conjonc- 
tions adversatives  qui  rasseinlilenl  les  idées,  et 
font  servir  l'une  à  contre-balancer  l'autre.  Telles 
ponl  mf'is,  quoique,  bien  que,  cependant,  pintr- 
tant,  néanmoins,  toutefois.  Ces  conjonctions  dé- 
signent, entre  des  propositions  opposées  à  quel- 
ques égards,  une  liaison  d'unité  fondée  sur  la 
compatibilité  intrinsè(pie. 

On  appelle  proposition  adversative  celle  qui 
est  composée  de  deux  propositions  dont  la  se- 
conde marque  une  distinction,  une  séparation, 
une  sorte  de  contrariété  et  d'opposition,  jiar  rap- 
port à  la  première.  Cette  séparation  est  marquei- 
par  une  conjonction  adversative.  La  fortune 
peut  bien  ôter  les  richesses,  mais  elle  m-  peut 
pas  ùtcr  la  vertu;  voilà  une  proi)Osilion  compo- 
sée qu'on  appelle  adversative,  où  la  séparation 
est  marquée  parla  conjonction adversjilive  mais. 

11  y  a  cette  différence  entre  les  conjonctions 
adversatives  cl  les  (lisjonclives,  que,  ilans  les  au- 


41 


AFF 


versatives,  \(,  premier  sens  peut  subsislcr  sans  le 
secours  du  second  qui  lui  est  opjKJsé;  au  lieu 
qu'avec  les  disJDnclivos,  l'cspril  considère  d'a- 
bord les  deux  membres  ensemble,  el  ensuite  les 
divise  en  donnant  rnlternalive,  en  les  partageant, 
en  les  distinguant  :  C'est  le  snlcil  ou  la  terre  qui 
tourne;  c'est  vous  ou  rnni;  soit  que  vous  man- 
diez, soit  que  vous  buviez.  Fn  un  mot,  l'adver- 
sative  restreint  ou  contrarie,  au  lieu  que  la  dis- 
jonclive  sépare  ou  divise. 

Adverse.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
guère  qu'avec  les  mots  fortune  et  partie.  Avec 
partie  c'est  un  terme  de  jurisi)rudence  qui  signi- 
fle  la  i)arlie  avec  laquelle  on  est  en  procès.  Dans 
le  langage  ordinaire,  on  dit  tpielqucfois  la  for- 
tune adverse,  pour  dire  l'adversité.  Rousseau  a 
dit  en  vers,  l'adverse  fortune;  et  A'oltaire,  en 
prose,  l'adverse  partie. 

Jumaij  Vadvcrsc  fortune. 
Ma  surveillante  importune, 
Ne  parut  plus  loin  de  moi. 

fJ.-B.  Ronss.,  liT.  IV,  od.  ix,  3S.) 

Ne  croyant  pas  que  son  adverse  partie  ait  des  ar- 
mes, il  se  jette  sur  lui.  (Voltaire.) — On  dit  aussi 
en  jurisprudence,  l'avocat  adverse,  pour  dire 
l'avocat  de  la  partie  adverse. 

Adversité.  Subst.  f.  Lorsque  ce  mot  signi- 
fie l'état  d'infortune,  de  malheur,  qu'éprouve 
l'homme  par  un  ou  nlusicurs  accidents  fâcheux, 
il  n'a  point  de  pluriel  :  J^tre  au,,!!  ''adversité.  Il 
éprouva  ce  que  la  prospérité  a  de  plua  K^T^nd,  et 
ce  que  l'adversité  a  de  plus  cruel.  Lorsqu'il  si- 
gnifie accident  fâcheux,  il  prend  le  pluriel.  L'ad- 
versité est  un  état,  les  adversités  sont  des  acci- 
dents. On  peut  éprouver  jjlusieurs  adversités, 
sans  être  dans  l'adversité.  L'adversité  est  le  ré- 
sultat des  grandes  adversités. 

M.  Celte  figure  n'est  aujourd'hui  qu'une  diph- 
thongue  aux  yeux ,  parce  que,  quoiqu'elle  soit 
composée  de  a  et  de  e,  on  ne  lui  donne  dans  la 
prononciation  que  le  son  de  Ve  simple  ou  com- 
mun, et  nicme  on  ne  l'a  pas  conservée  dans  l'or- 
thograi)hc  française.  On  écrit  César,  Enée  , 
E7iéide,  Eole,  eic.  Comme  on  ne  fait. point  en- 
tendre dans  la  prononciation  le  son  de  l'a  et  de 
Ve  en  une  seule  syllabe,  on  ne  doit  pas  dire  que 
cette  figure  est  une  diphthonguc.  On  prononce 
a-éré,  exposé  à  l'air,  et  de  même  a-érien.  Ainsi 
a  e  n'est  point  une  diphthonguc  en  ces  mots,  puis- 
que la  et  l'e  y  sont  prononcés  chacun  séparé- 
ment, comme  des  syllabes  particulières. 

Aérien,  Aép.ie.nne.  Adj.  Il  suit  toujours  son 
subst .  :  Des  esprits  aériens. 

AÉRiFORME.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
a-éri forme.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Sub- 
stance aéri  forme. 

Aérostat.  Subst.   m.  On  prononce  a-érostat. 

AÉROSTATIQUE.  Adj.  dcs  dcux  genres.  H  suit 
toujours  son  subst.  :  Ballon  aérostatique. 

Af.  La  syllabe  af  indique  ordinairement  un 
redoublement  de  rac;lion  du  simple  dont  il  est 
dérivé.  Ainsi  affamé,  qui  a  une  faim  extraordi- 
naire; affiîiité.  plus  grande  relation;  afficher, 
rendre  plus  public;  affectation,  soin  plus  parti- 
culier. 

Affabilité.  Subst.  f.  L'Académie  le  définit, 
qualité  de  celui  qui  reçoit  el  qui  écoute  avec 
bonté  et  douceur  ceux  qui  ont  affaire  à  lui.  Cette 
définition  n'est  pas  bien  exacte.  Affabilité  vient 
du  vieux  mot  fublcr,  qui  signifiait  causer,  parler, 
discourir,  s'entretenir,  converser;  et  de  la  parti- 
cule af,  qui  marque  redoublement;  il  se  dit  de 


AFF 

la  qualité  morale  qui  fait  qu'on  reçoit  ses  infé- 
rieurs avec  bonté,  rju 'on  les  écoute  avec  complai- 
sance, et  qu'on  leur  parle  avec  bienveillance.  11 
se  dit  quelquefois  d'égal  à  égal,  mais  jamais  d'in- 
férieur à  supérieur. —  On  ne  peut  pasdirede  soi- 
même  qu'on  est  affable,  (\\ion  a  de  l'affabilité. 
Voici  ce  que  dit  M.  Lcmaire  au  sujet  de  ce  pas- 
sage cité  dans  la  Grammaire  des  Grammaires 
(p.  105)  :  «  Nous  ne  voyons  pas  la  raison  de  cette 
dernière  assertion,  à  moins  que  ce  ne  soit  un  pré- 
cepte de  modestie.  H  nous  semble  qu'on  pourrait 
très-bien  dire  :  Je  suis  affable  pour  tout  le  monde, 
et  cependant  mes  ennemis  m'accusent  de  hau- 
teur. »  Ce  substantif  n'a  point  de  pluriel. 

Affable.  Adj.  des  deux  genres.  11  peut  précé- 
der son  subst.,  lorsqu'il  a  avec  lui  une  analogie 
étroite.  On  ne  peut  pas  dire,  un  affable  homme, 
une  affable  femme;  mais  dans  quelque  cas  on 
peut  dire,  cette  affable  bonté,  cette  affable  dou- 
ceur. 11  régit  les  prépositions  à  ou  envers  :  Affa- 
ble à  tout  le  monde,  ou  envers  tout  le  monde.  Af- 
fable à  tous  avec  dignité,  elle  savait  estimer  les 
uns  sans  fâcher  les  autres.  (Bossuet.)  Voyez 
Adjectif. 

Aff.ublissam,  Affaiblissante.  Adj.  verbal  du 
verbe  affaildir.  Il  suit  toujours  son  subst. 

Affaire.  Subst.  f.  Avoir  affaire  à  quelqu'un 
suppose  pouvoir,  autorité,  force,  supériorité  de 
la  part  de  celui  à  qui  on  a  affaire;  et  dépendance, 
infériorité,  besoin  de  la  part  de  celui  qui  a  af- 
faire. Celui  qui  veut  obtenir  une  grâce,  une  fa- 
veur, a  affaire  au  ministre  ou  à  ses  commis  ;  il 
n'a  pas  affaire  avec  le  ministre  ou  avec  ses  com- 
mis. Un  plaideur  a  affaire^  ses  juges;  il  n'a  pas 
affaire  avec  ses  juges.  Un  inférieur  a  affaire  a 
ses  supérieurs,  en  ce  qui  resarde  la  subordina- 
tion. Je  vous  plains  d'avoir  affaire  à  cet  homme- 
là. — Avoir  affaire  avec  quelqu'un  suppose  con- 
cours d'affaires,  discussion,  différend,  contesta- 
tion. Un  commis  «  affaire  «reclc  ministre  lors- 
qu'il lui  rend  compte  de  quelque  affaire,  et  qu'il 
lui  en  dit  son  avis.  Un  associé  a  affaire  avec  son 
associé,  lorsqu'ils  traitent  ensemble  de  leurs  af- 
faires communes.  11  faut  éviter  d'avoir  affaire 
avec  des  fripons.  —  On  dit  qu'une  femme  a  eu 
affaire  avec  un  homme,  ou  un  homme  avec  une 
femme,  pour  dire  qu'ils  ont  eu  ensemble  un  com- 
merce de  galanterie.  —  Aooir  affaire  de  signifie 
avoir  besoin  de:  J'ai  affaire  de  vous,  ne  vous 
éloignes  pas;  j'ai  besoin  de  vous  parler,  de  vous 
employer  à  quelque  chose,  de  vous  charger  de 
quelque  commission.  On  dit  par  mécontentement 
ou  par  mi'\)Y'\?>,j'aibien  affaire  de  cet  homme-là, 
pour  dire,  il  m'embarrasse,  il  m'ennuie,  je  n'ai 
pas  besoin  de  lui. — 11  se  dit  aussi  des  choses  :  J'ai 
affaire  d'argent,  j'ai  bestin  d'argent.  J'ai  affaire 
de  cette  planche ,  j'en  ai  besoin  pour  l'employer, 
pour  m'en  servir. — J'avais  bien  affaire  de  cette 
visite,  c'est-à-dire,  cette  visite  vient  bien  mal  à 
propos. — Observez  que  avoir  affaire  est  la  seule 
manière  d'écrire  cette  expression;  et  si  l'on  trouve 
quelquefois  avoir  à  faire,  c'est  une  irrégularité 
qu'il  ne  faut  pas  imiter,  et  qui  provient  le  plus 
souvent  de  la  négligence  de  l'imprimeur.  [Gram- 
maire des  Grammaires,  p.  1058.) 

s'Affaler.  V.  pronom.  On  dit  d'un  matelot  qui, 
au  lieu  de  peser  sur  une  manœuvre  seulement 
avec  les  mains  pour  l'affaler,  la  saisit  et  se  laisse 
descendre  avec  clic,  qu't'/  s'affale  avec  cette  ma- 
noeuvre. On  dit  aussi  qu'il  s'affale  le  long  d'une 
manœuvre,  lorsqu'il  se  laisse  glisser  le  longd'unf» 
manœuvre  fixe.  Le  Dictionnaire  de  l'Acud.  n'in- 


AFF 

dique  point  celle  acception.  Voyez  l'article  sui- 
vant. 

Affalek.Y.  n.  L'Âcadcmic,  qui  donne  ce  verbe 
comme  actif,  ne  dit  point  qu'il  s'emploie  aussi 
dans  le  sens  neutre.  Il  se  dit  d'un  vaisseau  qui 
est  trop  près  d'une  côte  dont  il  ne  peut  s'éloigner. 
La  force  du  vent,  celle  des  courants,  ou  mcnic  le 
calme,  fonl  affaler  un  vaisseau.  On  dit  qu'un 
vaisseau  est  affalé,  lorstjue  la  force  du  vent  ou 
des  courants  le  porte  prés  do  terre,  d'où  il  ne 
peut  s'éloigner  ou  courir  au  large,  soit  par  l'ob- 
stacle du  vent,  soit  jiar  celui  iîes  courants,  ce 
qui  le  met  en  danger  d'échouer  sur  la  côte  et  de 
périr.  —  Il  semble  c[\i'être  affale  s'emploie  plus 
particulièrcraer.t  pour  désigner  que  c'est  le  vent 
qui  charge  en  côte  ;  l'on  dit  (pie  le  vaisseau  y  est 
porté  par  les  courants  ou  par  le  calme.  On  dit  plus 
ordinairement  ê<re  porté  à  terre,  être  jeté,  être 
drossé.  — On  dit  aussi  en  ce  sens  s'affaler:  Le 
vaisseau  s'affale,  va  s'affaler. 

Affaissé,  Affaissée,  l'art,  passé  du  v.  affais- 
ser, et  adj.  H  se  dit  absolument  :  //  est  affaissé; 
ou  avec  la  préposition  sous  :  11  est  affaissé  souj> 
te  poids  des  années. 

Affamé,  Affamée.  Part,  passé  du  v.  affamer, 
cl  adj.  On  dit  sans  régime  d'un  homme  qui  a  une 
grande  faim,  qu'il  est  affamé.  Au  figuré,  affavié 
régil  la  préposition  de:  Affamé  de  gloire,  d'hon- 
neurs, de  nouvelles  ;  cl  dans  ces  phrases  il  y  a 
une  analogie  sensible  avec  le  sens  propre  : 

Cent  cités  marcheronl  de  carnage  affamées. 
Et  la  terre  à  tni  voix  vomira  des  armées. 

(Delillk,  Enéide,  VU,  757.) 

Mais  peut-on  dire  comme  Voltaire  : 

C'était  du  grand  Henri  la  redoutable  armée, 
Qui,  lasse  de  repos,  et  de  sang  affamén. 

[Henr.,  YI.  151.) 

Il  me  semble  qu'on  est  altéré  de  sang,  et  non 
pas  affamé  tJ"  sang.  Le  besoin  de  la  rime  aura 
sans  doute  occasionné  celle  faute. 

Delille  a  employé  plus  heureusement  celle  ex- 
pression dans  les  vers  suivants  • 

Lears  cœars  enflammés 
Sont  altérés  de  sang,  et  de  meurtre  affamés, 

(Enrf.dc,  VIII,7.,l 

Affectation  Subst.  f.  'L'affectation  dans  une 
personne  est  pn^prement  une  manière  d'être  ou 
d'agir  qui  est  ou  qui  parait  recherchée,  et  (]ui 
forme  un  contraste  chocjuanl  avec  la  manière  ha- 
bituelle d'être  ou  d'agir  de  cette  personne,  ou 
avec  la  manière  d'être  ou  d'agir  des  autres  hom- 
mes. Affectation  dans  la  démarche,  dans  les 
gestes,  dans  le  langage;  cette  fatuité  de  quel- 
qves  femmes  de  la  ville,  qui  cause  en  elles  une 
mauvaise  imitation  de  celles  de  la  cour,  est  quel- 
que chose  de  pire  que  la  grossièreté  des  fem- 
ynes  du  peuple,  et  que  la  rusticité  des  villa- 
geoises ;  elle  a  sur  toutes  deux  l'affectation  de 
plus.  (La  Bruyère,  de  la  faille,  p.  289.)  Molière... 
n'a  pas  assurément  prétendu,  en  attaquant  les 
femmes  savantes,  se  moquer  de  la  science  et  de 
l'esprit,  il  n'en  a  joué  que  l'abus  et  l'affectation. 
(Volt.,  Epître  à  madame  du  Châtetet,  en  tête 
d'Alzire.) 

L'Académie  donne  des  exemples  du  pluriel  : 
On  ne  saurait  la  corriger  de  ses  affectations. 
Une  de  ses  affectations  est  de  dire. .  .  Toutes 
ces  affectations  me  déplaisent. 

Affectation,ea\inéTMnve,  se  dit  d'une  manière 


AFF 


45 


trop  recherchée,  trop  étudiée  de  s'exprimer.  L'a/- 
feciation  est  dans  la  pensée,  dans  rex|)ressiun, 
dans  le  choi.x  des  mots,  des  (ours  ou  des  iniaws 
Quand  on  a,  dit  .Marmontcl,  l'idée  de  l'affeclatioi; 
dans  la  contenance,  dans  la  démartlie,  dans  la 
parure,  on  a  l'idée  de  l'affetlaiion  dans' le  slylc. 

L'affectation  esl  (piciipicfois  JUmiuc  dans  le 
soin  trop  marqué  d'être  nalurel,  dans  la  familia- 
rité, dans  la  négligence.  On  tombe  dans  l'affecta- 
tion en  courant  après  l'esprit. 

Affecter.  \ .  a.  de  lad"  conj.Ce  verbe,  dans 
le  sens  de  faire  une  chose  avec  une  intention 
marquée,  ou  dans  celui  d'élre  touché,  réu'ii  la 
préposition  de:  C'est  une  chose  dont  il  affecte 
de  parler  beaucoup.  Il  est  affecté  de  la  perle  de 
son  ami.  Dans  le  sens  de  destiner  a  un  certain 
usage,  il  régil  la  préposition  à  ou  la  |)réposilion 
pour:  Il  a  affecté  les  revenus  de  cette  terre  d 
l'entretien  de  sa  maison.  Affecter  une  rente 
pour  le  paiement  d'une  dette. 

Affectif,  Affective.  Adj.  L'Académie  dit  qu'il 
n'est  guère  usité  qu'en  parlant  des  choses  de  piélé. 
f.eppndant  J  -J  Rousse;.:  a  di;  ;  Lus  premières 
sensations  des  enfants  sont  purement  alfcctives, 
ils  n'aperçoivent  que  le  plaisir  et  la  douleur. 
(£'wa'ie, Impart.,  tom.  VI,  p.  58.) 

Affection.  Subsl.  f.  Ce  mot  vient  du  lalina/- 
ficere,  toucher,  faire  impression.  Pris  dans  le  sens 
le  plus  général,  il  signilie  impression  faite  sur  une 
chose,  et  qui  y  cause  qucUjue  changement.  11  se 
dit  au  physique  et  au  moral.  C'est  dans  la  pre- 
mière accei)tion  que  les  médecins  disent,  une  af- 
fection hystérique,  une  affection  nerveuse,  etc. 
On  appelle  en  général  affection  l'impression  que 
les  êtres  <iui  sont  au  dedans  de  nous  ou  hors  de 
nous  exercent  sur  notre  âme  :  Les  affections  de 
nos  âmes,  ainsi  que  les  modifications  de  nos 
corps,  sont  dans  un  flux  continuel.  (.J.-J.  Rous- 
seau.)^/'/'ec<io;!  se  prend  plus  communoment  pour 
le  sentiment  vif  de  plaisir  ou  d'aversion  que  les 
objets  occasionnent  en  nous  :  L'horreur  et  la  pitié 
sont  moins  des  passions  de  l'âme,  que  des  affec- 
tions naturelles  qui  dépendent  de  la  sensibi- 
lité du  corps  et  de  la  similitude  de  la  conforma- 
tion. (BulTon.)  Affection,  dans  un  sens  i)lus  res- 
treint, se  prend  pour  ce  senliinenl  de  l'âme  doux 
el  profond  <pii  l'ail  (lu'ellc  s'altarhe  avec  com- 
plaisance a  quelque  objet.  L'Académie  n'a  défini 
que  celte  acception  et  celle  qui  est  usitée  en  mé- 
decine. Féraud  avance  hardiment  que  ce  substan- 
tif ne  se  dit  au  pluriel  que  dans  le  langage  ascé- 
tique, et  il  regarde  comme  un  exemiile  unique  el 
une  exception  à  la  règle  générale  celle  phrase 
(le  l'Académie  :  Le  cadet  est  l'objet  des  affections 
delà  mère.  Nous  lui  répondrons  par  les  passages 
suivants,  choisis  entre  mille:  Tel  est  le  peuple  de 
France,  sensible  jusqu'à  l'enthousiasme,  et  ca- 
pable de  tous  les  excès,  dans  ses  affections 
comme  dans  ses  murmures,  (^'oll.,  Siècle  de 
Louis  XF,  chap.  xii.)  Son  cœur,  qui  n'était 
qu'à  nous,  se  doit  maintenant  à  d'autres  affec- 
tions auxquelles  il  faut  que  l'amitit' cède  le  pre- 
mier rang.  (J.-.J.  r.ouss.,  Héloise,\V  part.,  let- 
tre 18,  tom.  m,  p  342.)  Corrige  tes  affections 
déréglées.  (Idem,  IIP'  part.,  Icllre  22,  tom.  l'V^, 
p.  113.)  Affection  se  dil  aussi  d'un  senlunenlde 
bienveillance  qui  nous  attache  à  nos  semblables, 
qui  esl  plus  que  \' inclinât  ion,  moins  (lue  l'ami- 
tié, et  encore  moins  que  l'ainonr:  Uaffectwn  du 
prince  pour  tous  ceux  qui  l'entourent.  L'habi- 
tude de  fréquenter  des  personnes  douces  et  hon- 
nêtes fait  naître  l'affection.  En  ce  sens,  il  n  ï 
point  de  pluriel 


40 


AFF 


ArFECTUKi'SF.MF.'.T.  Adv.  11  sc  mct  toujours 
apiès  le  verbe  :  Il  m'a  parlé  affectueusement,  &^ 
non  pas,  il  m'a  affectueusement  parlé. 

Affectcecx,  AFFEcnrErsE.  Adj.  <'n  peut  le 
melirc  avant  sonsul)st.  lorsipie  l'Iinriiioniecl  i'a- 
naloçic  le  pcrmclleut  ;  Discours  affectueux,  ma- 
nière affectueuse,  cor.fiance  affectueuse,  cette 
affectueuse  confiance-  Voyez  Adjectif. 

Affétk,  Affktée.  Ailj.  L'Académie  le  définit, 
lui  est  plein  d'affeclalion  dans  son  air,  dans  ses 
manières,  dans  son  langage.  Affctc  n'est  pas  ce 
qui  est  plein  d'affectation,  mais  ce  qui  est  plein 
^'afféterie.  En  parlant  des  personnes,  il  signilie, 
qui  a  dans  SCS  airs,  dans  ses  manières,  dans  son 
langage,  une  recherche  minutieuse  cl  peu  natu- 
relle, dans  le  dessein  de  paraître  doux,  alïable, 
complaisant,  aimable.  Un  jeune  homme  affcti:, 
une  fc.nme  a/fitce.  lin  paiUmt  des  cho.'-cs,  il  si- 
gnilie, qui  marque  de  Vaffêtcrie.  Air  affétè,  ma- 
nières (ijf'ttes   11  suit  toujours  son  subst. 

Afféterie.  Subst.  f.  \'affi<taric  du  stxjle  n'est 
pas  Vaffectation  du  style.  L'alTcclation  suppose 
l'envie  de  sc  «lislingucr,  de  faire  parade  de  quel- 
que choïe,  elle  sc  montre  à  découvert;  Vaffétenc 
suppose  le  désir  de  plaire  et  une  recherche  mi- 
nutieuse dans  les  moyens  d'y  parvenir.  On  tomlje 
dans  Vaffectaiion  en  courant  après  l'esprit,  el 
dans  l'afféterie  en  recherchant  les  grâces. 

Affidé,  Affidki;.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  sulist  :  Un  hnmmc  affidé,  une  personne 
affidée. 

AFFirai.\TiF,  APFiRM.iTivi:  Adj.  Il  sc  dit  en  lo- 
gique el  en  grammaire  de  ce  qui  exprime  l'affir- 
inalion.  Un  raisonnement  affirmutif  esl  un  rai- 
sonnement par  Icquelon  prouve  qu'une  idée,  qui 
est  l'îiitribul,  est  renfermée  dans  une  autre  qui 
est  le  sujet.  On  dit  aussi  w\  jugement  affirmatif. 
On  appelle  proposition  affirmative  une  proposi- 
tion qui  exprime  un  jugement  affirmatif  ou  une 
aninualion. 

Le  sens  affirmatif  est  opposé  au  sens  négaiif. 
Cet  adj.  suit  toujours  son  suhsl. 

Affirmativevent.  Adv.  11  ne  sc  met  guère 
qu'après  le  verbe  II  en  aparté  affirmativement. 

Affirmer.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  Il  légit  la  con- 
jonction que  avec  l'indicatif,  quand  le  sens  est  af- 
firmatif: J'affirme  que  je  l'ai  vu  ;jc  n'affirme  pas 
que  je  l'aie  vu. 

Afflictif,  Afflictive.  Adj.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst. 

Affligeant,  Affligeante.  Adj.  verbal  tiré  du 
v.  affliger.  L'e  est  muet.  11  n'est  là  que  |)our 
donner  n\ig  un  son  doirc  qu'il  n'a  pas  devant  Va. 
Une  situation  afjU'jcante .  On  peut  mettre  cet 
adj.  avant  son  subst.  quand  l'analogie  et  l'harmo- 
nie le  permettent  :  Une  nouvelle  affligeante,  cette 
affligeante  nouvelle. 

Affliger.  V.  a  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  sc  prononcer  comme  un  j,  et 
;)our  lui  conserver  cette  prononciation  lors(pi'il 
osl  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
avant  cet  a  ou  cet  o:  J'affligeais,  nous  affligeons, 
et  non  pas,j'affîigais,  nous  affligons. 

Voltaire  a  dit  dans  Mérope  (act.  II,  sc.  i,  21)  : 

Écartez  ces  terreurs  dont  le  poids  tous  afflige. 

La  Harpe  trouve  ces  expressions  inélégantes.  Un 
poids,  dit-il,  accable  plus  qu'il  n'afflige.  {Coui-s 
de  Littérature.) 

Pascal  a  employé  ce  mot  dans  un  sens  analo- 
gue :  Quand  la  mort  affligeait  uncorps  innocent. 


AFF 

{Pensées,  p.  324.)  M.  Cousin  remarque  qu'il  est 
ici  pour  frapper,  abattre,  tomber  sur,  du  latin 
affligere. 

Ce  mot  s'cm|)luie  en  parlant  des  choses.  On  dit 
très-bien  q\ie  la  famine  afflige  un  pays,  que  la 
disette  afflige  les  provinces.  Ilapprit  que  la  ma- 
ladie se  faisait  sentir  de  nouveau,  et  affli'ieail 
plus  que  jamais  cette  terre  ingrate.  (Montes- 
quieu, Lettics  persanes.) 

Affoleh.  \.  a.  de  la  l"conj.  Féraud  dit  que 
ce  verbe  est  hors  d"usage,  el  il  donne  des  exem- 
ples où  il  est  emplové.  L'Académie  dit  qu'il  n'est 
guère  d'usage  que  dans  le  style  fauiiliercl  au  par- 
fioipe,  el  cependant  qu'on  l'emploie  avec  le  pro- 
nom personnel.  L'Académie  el  Féraud  le  donnent 
pour  un  verbe  actif,  mais  ils  ne  cilcul  pas  un 
exemple  où  il  ait  ce  sens.  Il  est  certain  qu'on  dit 
être  affolé  de  quelqu'un  ou  de  quelfjue  chose,  et 
s'affoler  de  quelqu'un  ou  de  quelque  chose.  Vol- 
taire a  dit  dans  une  épitre  : 

Voycz-Tous  pas  de  tous  ciHés 
De  Ircs-décréplles  beautés 
l'Ieuranl  de  n'être  plus  aimables; 
Dans  leur  besoin  de  passion, 
Ne  pouvant  rester  raisonnables, 
S'affoler  de  dévotion, 
Kt  recherctier  l'ambition 
D'£tre  bégueules  respectables. 

{Epttre,  XXXI,  27.) 

AFFr,.\?icni,  Affranchie.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.,  et  ([ui  est  souvent  suivi  de 
la  préposition  de  :  Etre  afffranchi  d'un  impôt. 

Affreusement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  l'a  tourmenté  af- 
freusement, ou  on  Va  affreusement  tourmenté. 

Affreux,  Affreuse.  Adj.  11  se  met  avant  son 
subst.  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permet- 
tent :  Une  tempête  affreuse  ou  une  affreuse  tem- 
pête. Voyez  Adjectif. 

On  dit,  c'est  un  homme  affreux,  pour  dire  c'est 
un  homme  excessivement  laid  ;  et  c'est  un  homme 
affreux,  pour  dire  c'est  uti  homme  d'un  carac- 
tère atroce  :  y'ûî  vu  des  hommes  affreux,  dit 
J.-J.  Rousseau,  pleurer  de  douleur  aux  appa- 
rences J^une  année  fertile. 

Affront.  Subst.  m.  L'Académie  dit  :  Il  ne 
vous  fera  point  d'affront  ;  sa  mémoire  lui  fit  un 
affront.  Féraud  prétend  ([ue  ces  exjjressions  in- 
définies doivent  toujours  sc  dire  sans  préposition 
ou  article.  Domcrgue  relève  avec  raison  cette  er- 
reur. Il  y  a,  dit-il,  cette  différence  cnlre  faire 
affront  et  faire  un  affront,  que  le  premier  a  plus 
d'étendue,  el  annonce  une  suite  d'actes  d'où  nais- 
sent la  honte.  1l'  déshonneur;  au  lieu  que  le  se- 
cond indique  un  seul  acte.  L'enfant  (jui /ai/  af- 
front à  sa  famille,  est  celui  dunl  les  habitudes 
vicieuses  font  rougir  ses  honnêtes  parenls  ;  le  pré- 
dicateur à  (]ui  la  mémoire  fait  un  affront  est  ce- 
lui qui,  une  fois,  manque  de  mémoire,  f^ouspow 
vez  compter  sur  mon  fils,  dira  très-bien  un  père 
de  famille, y'aî^  toujours  veillé  sur  ses  principes 
et  sur  sacnnduite,il  nevous  fera  point  d'à  ff^ront  ; 
c'est-n-diro,  il  ne  vous  fera  ])ns  une  seule  chose 
dont  vous  ayez  a  rougir,  lin  acteur  dira  :  Jamais 
ma  mémoire  ne  m'a  fait  d'affront,  c'est-à-dire, 
elle  ne  m'a  pas  trahi  une  seule  fois. 

Racine  a  dit  dans  Iphigénie  (act.  Il,  sc. 
IV,  5): 

Aux  alTronts  d'un  refus,  craignant  de  tous  commettre. 

L'abhé  d'Olivet  pensait  qu'il  faudrait  à  l'affront 
d'un  Tefus,  plutôt  qu'aux  affronts  d'un  refus. 


AGA 

Desfonlaincs  a  i)rL'ternlii,  au  conlratrc,  quo  l'un 
>  est  plus  expressif  (pic  l'aulre,  et  (juc  les  affronts 
présentent  une  idée  plus  étendue.  — On  dit  Vaf- 
front  d'être  refusé,  (lit  Féraud  ;  mais  l'affront 
d'un  refus  n'est  guère  bon.  Ce  (]ui  n'est  guère 
bon,  c'est  la  critiiiuc  de  Féraud.  On  dit  la  houle 
d'une  viauvaise  acticn  (l'Académie);  pourquoi 
ne  diiait-on  p;is  Vaf/ront  d'un  refus,  ou  les  af- 
fronts d'un  refus?  Les  affronts  n'est  pas  dit  ici 
par  rapport  à  l'injure  reçue,  mais  i)ar  rapiwrl  aux 
effets  que  pourrait  produire  cette  injure  sur  les 
personnes  qui  en  seraient  témoins,  ou  qui  en  au- 
raient connaissance  de  quelque  autre  manière. 

Affronter.  \.  a.  delà  i'^conj.  L'Académie  le 
définit,  attaquer  avec  hardiesse,  avec  intrépidité. 
On  peut  attaquer  avec  hardiesse  et  intrépidité, 
sans  affronter.  Affronter  signifie,  s'avancer  avec 
audace  et  intrépidité  en  face  d'un  ennemi,  de  ma- 
nière à  témoigner  qu'on  no  le  redoute  point,  et 
qu'on  se  croit  aussi  fort  que  lui.  Au  figuré,  c'est 
s'e.xposcr  sans  crainte  à  un  danger  :  Affronter  la 
mort.  Affronter,  dans  le  sens  de  tromper,  est  du 
style  familier. 

AFFcoNTEun.  Subst.  m.  Trompeur.  On  dit  au 
féminin  affronteusc.  Il  est  familier. 

Affcblemem.  Subst.  m.  Ce  mot  signifiait  au- 
trefois, habit,  vêlement,  voile  de  religieuse.  Il  ne 
se  dit  plus  aujouril'hui  que  dans  un  sens  de  dé- 
nigrement, pour  signifier  un  habillement  e>rtraor- 
dinaire,  peu  convenable  ou  sans  goût.  11  est  fa- 
milier. 

Affubler.  V.  a.  delà  l"  conj.  C'est  couvrir  de 
quelque  habillement  ridicule,  extraordinaire.  Je 
pense  que  Voltaire  a  fait  un  faux  emploi  de  ce 
mot  dans  l'Enfant  prodigue,  en  disant  : 

Il  me  prend  une  envie  : 
C'est  à' affubler  sa  face  de  palais 
A  poing  fermé  de  deux  larges  soufflets. 

(Act.  III,  se.  VI,  54.) 

Je  ne  comprends  pas  trop  non  plus  comment 
on  peut  donner  deux  larges  soufflets  à  poing 
fermé. 

kriTi.  Conjonction  qui  désigne  le  motif,  lacause 
ou  la  raison  pouniuoi  on  fait  une  chose.  Elle  ré- 
git la  préposition  de  avec  l'infiniiif.  ou  que  avec 
le  subjonctif  :  J'étudie  afin  de  la'instruire,  ou 
afin  (\\\c  je  n'instruise.  Il  y  a  quelque  ressem- 
blance entre  afin  et  jBowr;  niais  pour  marque  une 
vue  plus  prochaine,  et  afn  une  vue  plus  éloi- 
gnée. On  se  présente  devant  le  prince  pour  lui 
faire  sa  cour;  on  lui  fait  sa  cour  afin  d'en  obtenir 
des  grâces.  Il  semble  (pic  le  premier  de  ces  mots 
convient  mieux  lorsque  la  chose  qu'on  fait  en 
vue  de  l'autre  en  est  une  cause  infaillible;  et  que 
le  second  est  plus  à  sa  place  lorsque  la  chose 
qu'on  a  en  vue  en  faisant  r<autre  en  est  une  suite 
moins  nécessaire.  On  tire  le  canon  sur  une  place 
assiégée /joi/r  y  faire  une  brèche,  et  afin  de  pou- 
voir la  prendre  d'assaut ,  ou  de  l'obliger  de  se 
rendre. 

Pour  regarde  plus  particulièrement  un  effet 
qui  doit  être  produit;  afin  regarde  proprement 
un  but  où  l'en  veut  [)arvenir. 

Après  un  impératif,  on  met  que  pour  afin  que: 
f^cnez,  que  je  vous  parle. 

Agaçant,  Agaçintk.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  aga- 
cer. Il  suit  ordinairement  son  subst.  :  Des  regards 
agaçants,  une  mine  agaçante. 

Agacer.  V.  a  de  la  !"■  conj.  L'Académie  le  dé- 
finit au  figuré,  chercher  à  plaire  par  des  regards, 
par  des  manières  attrayantes.  11  signifie,  en  ce 


AGI 


47 


sens,  tâcher  par  des  regards  ci  des  manières  at- 
trayantes d'attirer  l'attention,  de  se  faire  remar- 
quer. C'est  une  coquette  qui  a  laco  tous  les  jeunes 
gens.  Il  signifie, dans  un  autre  sens  figuré,  exii- 
ter  à  badiner  ou  à  quereller,  par  de  petites  atta 
ques  en  paroli>s  ou  en  !:cstcs.  Éloignes  des  en- 
fants arec  le  plus  grand  soin  les  domestù^ues 
qui  les  ajaccnt,  les  irritent,  les  im-patientcnt. 
(J.-J.  Uouss.,  Emile,  \\\'.  1,  l.  VI,  p.  65.)  Sur 
(pioi  il  faut  observer  ([w'agacer  ne  signifie  jas  la 
inèine  chose  que  provoquer.  Le  premier  suppose 
l'inlcnlion  de  plaisanter,  d'exciter  à  engager  des 
querelles  folâtres;  le  second  supix)se  l'intention 
d'attaquer  sérieusement,  d'exciter  à  une  querelle 
sérieuse.  On  agace  par  des  railleries,  on  provoque 
par  des  insultes  ou  des  menaces. 

Age.  Subst.  m.  On  dit  à  notre  âge  et  non  pa": 
à  nos  âges,  à  votre  âge  et  non  pas  à  vos  âges. 

Voltaire  a  dit  ; 


J'ai  consume  mon  tfge  au  scia  de  l'Amérique. 

(.4/5.,  art.  I.  se.  1,  9.) 

On  dirait  en  prose, y"ai  consumé  ma  rie. 

Il  y  a  de  la  différence  entre  âgé  de  et  à  l'âge  de. 
La  première  expression  semble  désigner  simple- 
ment l'âge;  et  la  seconde,  à  l'idée  d'âge  semble 
joindre  celle  d'époque.  J'ai  un  fils  âgé  de  trente 
ans,  et  non  pas  j'ai  un  fils  qui  est  d  l'âge  de 
trente  ans.  11  ne  s'agit  là  (juc  de  l'âge  de  mon 
fils.  Mais  je  dirai,  Fontenelle  est  mort  à  l'âge  de 
quatre-vingt-dix-neuf  ans  et  sept  mois.  11  y  a  là 
et  l'idée  de  l'âge,  et  une  idée  d'époque;  âgé  ne 
saurait  convenir.  (Domergue,  pag.  4G3de  ses  So- 
lutions grammaticales.) 

L'Académie  a  omis  plusieurs  acceptions  du  mot 
âge.  Age  peut  être  considéré  comme  une  carrière 
que  l'on  a  à  parcourir,  et  qui  a  un  commence- 
ment, un  milieu  et  une  fin.  On  dit  en  ce  sens,  les 
progrès  de  l'âge,  avancer  en  âge,  mon  uge  avance. 
(Voltaire.)  Ar/e  se  dit  des  sciences  et  de  la  littéra- 
ture, pour  distinguer  leui-  état  différente  diffé- 
rentes époques.  C était  alors  le  bel  âge  de  la  géo~ 
7nétrie.{\o\[., Siècle  de  Louis  Xlf^.chnp  xxxiv.) 
Les  quatre  âges  de  la  littérature.  Age  se  dit  du 
lait  des  nourrices,  pour  manjucr  le  temi)s  depuis 
lequel  il  leur  est  venu  :  Je  ne  sais  si  l'on  ne  de- 
vrait pas  faire  un  peu  plus  d'altcntitn  à  Vài' 
du  lait.  (J.-J.  PiOUSS.,  Emile,  liv.  I,  t.  VI,  p.  47. 

Agenocillei;,  s'AcENOLiLLr.R.  V.  n.  et  pronom 
On  mouille  les  //.  L'Académie  dit  que  s'agenouil- 
ler, c'est  se  mettre  à  genoux.  Cela  n'est  pas  exact. 
S'agenouiller  n'exprime  que  le  mouvement  phy- 
sique qui  fait  prendre  la  posture;  se  mettre  à  ge- 
noux exprime  de  plus  le  sentiment  d'iiuinilité  ou 
d'adoration  dont  cette  posture  est  le  signe.  Les 
incrédules  s'agenouillent  quelcpiefois  dans  les 
églises;  les  dévots  s'y  mettent  à  genoux.  Les  cha- 
meaux s'agenouillent,  ils  ne  SC  mettent  pas  à  ge- 
nou.v. 

Aggravant,  Aggravante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  aggraver.  On  ne  prononce  qu'un  g.  H  ne  se 
dit  que  du  substantif  circonstance,  et  se  met  tou- 
jours après  ce  subst.  :  Une  circonstance  aggra 
vante. 

Agile.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  avant 
son  subst.  lorsque  l'analogie  ou  la  situation  d  es- 
prit de  celui  qui  parle  le  permet.  Voyez  Ai- 

'JCCt'ÎT, 

Delillc  a  dit  [Géorg.,  I,  371)  : 

Ou  presse  un  licTre  aijilc. 


4S 


AGR 


El  ailleurs  [Géorg.,  1,339)  : 

D'uae  agile  main, 
Promener  la  navetle  errante  sur  le  lin. 

Agilement.  Adv.  On  peut  iiuelqucfuis  le  mellic 
entre  l'iiuxiliaire  cl  le  pariicipe  :  //  s'est  élance 
agilement  sur  son  cheval,  OU  il  s'est  agilement 
élancé  sur  son  cheval. 

Agib.  \  .  n.  lie  la  2'  conj.  On  dil  agir  en  hon- 
nête homvie,  en  homme  d'honnctir ;  mais  on  ne 
dit  pas  en  agir  bien  ou  mal  avec  quelqu'un.  Il 
'aut  dire  en  user  bien  ou  mal  avec  quelqu'un.  Il 
ï  bien  agi,  il  a  mal  agi  avec  mui;  OU  bien  il  en  a 
7nal  usé,  il  en  a  bien  usé  avec  moi. 

On  dit  agir  d'autorité.  C'est  un  homine  qui 
aime  à  aqir  d'autorité  ;  tanïs  non  agir  de  puis- 
sance. Il  ne  faut  donc  pas  imiter  ce  vers  de  Cor- 
neille, 

Agissez  donc,  seigneur,  de  puissance  absolue. 

(^Pertharite,  act.  IV,  se.  III,  52.) 

Agissant,  Agiss.\nte.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
agir.  11  suit  toujours  son  substantif:  Un  hovime 
agissant,  une  femme  agissante. 

Agnat,  Agnation,  AG^.\TIQCE.  Dans  ces  mots 
le  g  se  prononce  gue,  aguenat,  agitenatian,  ague- 
natique,  en  passant  légèrement  sur  la  syllabe 
gue. 

Agneau,  Agnelek,  Agnelet.  Dans  ces  mots  on 
mouille  le  gn  comme  dans  campagne.  Le  dernier 
est  vieux  et  peu  usité. 

Agnès.  Subst.  m.  On  mouille  le^«,  et  on  pro- 
nonce le  s.  Cette  file  est  une  Agnes.  Elle  fait 
l'Agnès. 

Agntjs.  Subst.  m.  Mouillez  le  gn  comme  dans 
campagne.  On  prononce  le  *  Gnal. 

Agncs-Castos.  Subst.  m.  Arbuste.  On  pro- 
nonce le^  dur  comme  ague.  Les  deux  5  qui  sont 
â  la  fin  se  prononcent. 

Agonisant,  Agonisante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
agoniser.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
homme  agonisant,  une  femme  agonisante. 

Agréable.  Adj.  des  deux  genres.  Cet  adjectif 
régit  la  préposition  à  :  Cette  nouvelle  est  agréa- 
ble à  monpère.  Cet  liuvime  m'est  agréable.  Tout 
ce  qu'il  a  fait  pour  moi  -m'a  été  agréable.  ,\vec  le 
verbe  être  impersonnel,  il  régit  de  et  l'infuiitif  :  7/ 
est  agréable  de  vivre  avec  ses  amis.  Il  se  dit  des 
personnes  et  des  choses,  et  se  met  avant  son 
substantif  quand  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent. Voyez  Adjectif.  On  ne  dit  pas  un  agréa- 
ble homme,  mais  on  dit  c'est  mwc  agréable  femme, 
parce  que  les  agréments  sont  plus  particulière- 
ment le  partage  de  la  femme. 

Agréablement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  agréablement 
logé. 

Agréer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Agréer  un  ser- 
vice, une  proposition.  Joint  à  un  autre  verbe,  il 
régit  que  avec  le  subjonctif:  Agréez  que  j'aille 
vous  faire  ma  cour.  Faire  agréer  quelque  chose 
à  quelqu'un. 

Agréger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  unj;  et 
pour  lui  conserver  cette  prononciation  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  0,  on  met  un  e  muet 
avant  cet  a  ou  cet  0:  J'agrégeais,  nous  agrégeons, 
cl  non  Y)iisj'agrégais,  nous  agrégons. 

Agreste.  Adj.  des  deux  genres,  qu'on  peul 
irictirc  nvani  s^m  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 


AIE 

l'analogie.  L'Académie  l'explique  par  rustique, 
sauvage,  et  l'on  peut  laisser  passer  ces  deux  ex- 
pressions; mais  elle  ajoute  champêtre,  et  l'on  ne 
peuls'cmpècherd'observer«]ue  les  idées d'a^re*<e 
et  de  c/ia//(pé/;T  sont  totalement  opposées.  Le  mot 
agreste  exi.lut  loule  idée  de  culture  et  d'agré- 
ment; le  mol  cliampctre,  au  contraire,  réveille 
l'idée  delà  culture  et  des  agréments  qui  l'accom- 
pagnent. Un  lieu  agreste  n'offre  que  des  rocheis 
stériles,  des  plantes  sauvages,  une  terre  inculte; 
il  inspire  la  trislesse,  ou  du  moins  une  stérile 
mélancolie.  L'n  Weu  champêtre  préscnie  un  spec- 
tacle riant  et  agréable.  Ce  sont  des  plaines  fertiles, 
de  gras  f)àluragcs  couverts  de  riches  troupeaux, 
des  prairies  émaillées  de  fleurs,  des  arbres  cour- 
bés sous  le  poids  des  fruits,  des  travaux  utiles 
qu'animent  l'innocence  et  la  gaieté,  et  qui  pro- 
mettent l'abondance  et  le  bonheur.  On  ne  connaît 
point  de  plaisirs  agrestes;  mais  rien  n'est  plus 
louchaiil  que  les  plaisirs  champêtres.  L'idée  de 
ce  mol  est  inséparable  de  celle  d'agrément.  Tout 
cela  donne  à  cette  maison  un  air  plus  champêtre, 
plus  vivant, plus  animé,  plus  gai.  '  J.-J.  Rouss., 
Héloïse,  1\'  part.,  lettre  10,  t.  IV,"  p.  184.) 

Agricole.  Adj.  des  deux  genres,  llsuit  toujoure 
son  subst.:  Peuple  agricole,  nation  agricole. 

Ah.  Interjection  qui  exjirime  la  joie,  la  dou- 
leur, l'amour,  l'admiration,  la  commisération, 
l'impatience.  Ah,  quel  plaisir!  ah,  que  je  suis 
heureux  de  vous  revoir!  etc.  Il  ne  faut  pas  le  con- 
fondre avec  Ha!  autre  interjection  qui  exprime 
la  surprise  et  l'étonncment.  F'oT/ez  ce  mol.  Ordi- 
nairement, on  met  un  point  admiratif  a{)rcs  Ah! 
lors  même  qu'il  est  suivi  d'une  phrase  admira- 
tive.  Ah!  que  je  vous  plains.  Il  est  mieux  de  ne 
mettre  le  point  admiratif  qu'à  la  fui  de  la  phrase. 
"S'oyez  Admiratif.  li'antres  meltont  le  point  ad- 
miratif après  rinlcrjcction  et  après  la  phrase  ad- 
miraiive.  Cette  ponctuation  vaut  mieux  que  la 
pieinière;  c'est  celle  de  l' Académie. 

AiDt.  Subst.  f.  Dans  le  sens  de  secours,  ce  mol 
a  tantôt  un  sens  passif,  venez  à  mon  aide;  lanlôl 
un  sens  actif,  mon  aide  vous  est  inutile. 

Aider.  V.  a.  do  la  l"'  conj.  Aider  quelqu'un 
dans  ses  malheurs.  Aider  quelqu'un  de  sa  bourse. 

Aider  quelqu'un  activement,  c'est  prêter  se- 
cours à  quelqu'un,  sans  partager  personnellement 
sa  peine  ou  son  travail;  aidera  quelqu'un,  c'est 
partager  personnellement  le  travail,  la  peine  de 
quelqu'un.  Celui  qui  a  prêté  de  l'argent  à  une 
personne  pour  iiayer  une  |iartie  de  ses  dettes,  a 
aidé  cette  personne  à  payer  ses  dettes.  Mais  celui 
qui  a  porté  une  partie  du  fardeau  dont  un  homme 
était  chargé,  lui  a  aidé  à  porter  ce  fardeau.  Telle 
est  l'explication  que  les  grammairiens  donnent  de 
ces  deux  façons  de  parler.  Nous  ajouterons  avec 
\'oltairc,  qu'aider  à  quelqu'un  est  une  expression 
populaire  :  on  11c  doit  pas  dire,  aidez-lui  à  mar- 
cher, mai.s  aidez-le  à  inarcher.  Cependant  Féne- 
lon  a  dit  :  J'aidai  au  Rhodien  confus  à  se  rele- 
ver [Télém.,  liv.  V,  t.  1,  p.  d90),  et  la  Gram- 
maire des  Graînmaircs,  qui  nous  fournit  celle 
citation,  donne  un  grand  nombre  d'exemples  ana- 
logues, tirés  d'auteurs  estimés  (p.  JOGl). 

En  parlant  des  choses  on  emploie  à:  Aider  à 
la  lettre,  aider  à  une  affaire.  l'ascal  a  employé 
ce  verbe  sans  régime  :  'J'outes  choses  étant  aidées 
et  aidantes  {Pensées,  J).  300.) 

A'ÏE.  Interjection.  Exclamation  de  douleur.  11 
est  impossible  de  dire  comment  on  prononce  ce 
mot.  On  ne  fait  sentir  que  trcs-faiblcmenl  1'» 
et  Ve. 

AÏECL.  Subst.  m.  Par  aïeul  ou  aïeuls,  on  en- 


AIG 

tend  précisément  le  graïui-pèrc  paternel  et  le 
grand-pcre  in.ilcrnei;  el  par  aïe uj;  ou  ancêtres, 
oncnlond  ceux  (pii  onl  devancé  nos  aïeuls,  c'est- 
à-dire,  tous  ceux  de  nui  on  descend.  Nos  ancê- 
tres, 7I0S  aïeux,  nos  pères  ;  ces  expressions  sont 
à  peu  prés  synonymes  lorsque,  sans  avoir  égard  à 
sa  propre  famille,  on  les  applique  en  gênerai  et 
indislinclemciit  aux  personnes  de  la  nation  <pii 
ont  précéilé  le  temps  où  nous  vivons;  elles  difie- 
lenl  en  ce  (ju'il  se  trouve  une  gradation  d'an- 
cienneté, de  façon  que  le  siècle  de  nos  pères  lou- 
che au  nôtre,  (pic  nos  aïeux  les  ont  devances,  el 
que  nos  ancêtres  sont  les  plus  reculés  de  nous. 
(Beauzée  ) 

AicLK.  Subst.  Il  est  masculin  quand  il  signifie 
oiseau  de  proie,  i)upiire  d'église  en  forme  d'aigle, 
et  figuréuionl,  liounne  d'un  génie,  d'un  esprit  su- 
péiieur.  —  On  le  fait  aussi  masculin  en  parlant 
de  l'aigle  de  la  Légion  d'honneur.  Le  grand  aigle, 
le  petit  aigle.  Il  est  féminin  dans  le  sens  de  si- 
gnes militaires,  d'armoiries  el  de  devises:  Aigle 
irnpériate.  Les  aigles  romaines.  Aigle  di'phnjée. 
Les  aigles  romaines  étaient  peintes  sur  les  dra- 
peaux. Aigle,  oonslellalion,  est  aussi  féminin. 

Voltaire  ne  s'est  point  astreint  à  ces  régies. 
Dans  son  discours  sur  l'égalité  des  conditions,  il 
a  fart  aigle,  oiseau,  féminin. 

L'aigle  /Sere  et  rapide,  aux  ailes  étendues, 
Suil  l'objet  de  sa  llamine  élancé  dans  les  nues. 

[Premier  discours  sur  l'homme,  101.) 

Mais  ailleurs  il  a  dit  (Mahom.,  act.  I,  se.  IV,  26)  : 

..  L'insecte  insensible,  enseveli  sous  l'Iieibc, 
El  l'aigle  impérieux  qui  plane  au  liaiij  du  ciel, 
Uenlrent  dans  le  néant  aux  yeux  de  l'Élernel. 

Aujourd'hui  on  fait  toujours  ce  mot  masculin 
dans  le  sens  d'oiseau  :  \.'espccj  de  l'aigle  com- 
mun est  moins  pure,  et  la  race  en  parait  vioins 
noble  que  celle  du  grand  aigle.  (Buffon,  l.  XVIIl, 
p.  9S.) 

Aigre.  Adj.  des  deux  genres.  II  se  met  avant 
ou  après  sou  sultst.  Au  figuré  surtout  on  le  fait 
précéder:  Une  aigre  réprimande,  une  aigre  re- 
partie. 

AiGr.E-DODX,  Aicr.F.-DOucE.  Adj.  (pii  se  met  tou- 
jours après  son  sul)Sl.:  Un  fruit  ai/re-don.v,  des 
oranges  aigre-douces.  On  remarquera  que  celle 
expressitm  étant  coin|)oséc  de  deux  mots,  ils  doi- 
vent éliv  joints  par  un  lirel. 

Dans  ce  mot,  aigre  esl  invariable,  mais  doux 
se  mel  au  masculin  ou  au  féminin,  au  singulier 
ou  au  pluriel,  suivant  le  substantif  que  modifie 
l'adjeclir.  Un  ['mil  aigre-doux,  une  orange  aigre- 
douce,  des  oranges  aigre-douces.  — 1,'Aradéniie, 
en  4835,  l'cril  des  oranges  aigres-douces,  des  pa- 
roles aigres-douces. 

AiGUKi.ET,  Aicr.Ki.r.TTE.  Adj.  (]ui  suil  toujours 
son  subst.  i.'AiMiieinie  dit  aigrelet  et  uigrcl, 
et  les  delinil  de  la  méuie  manière.  Aigrelet  est  le 
terme  \\s\U^;aigrct  ne  se  dit  (lu'abusiveuienl. 

AiGi-.KMi-NT.  Adv.  11  ne  se  dit  jniint  au  pro|)re, 
else  met  loujoui>  après  le  verbe.  //  luia  npondu 
aigrement,  et  non  pas,  il  lui  a  aigrement  ré- 
pondu . 

AiGiin.  V.  a.  de  la  2"  conj.  Aigrir  la  violence 
d'un  niai.  Aigrir  les  ennuis,  le  désespoir  de 
quelqu'un. 

Ruugisseï  d'un  silence 
Qui  da   Toj  maux  enoore  atgnt  la  violence. 

(lUc  ,Phéd.,  act.  l,  se.  m,  35.) 


AI.M  i9 

Ponrquol  venir  encore  aigrir  mon  désespolrî 

(lUc,  B«i,n.,  ad.  V,  se.  T,  5.) 

Allons,  suivons  ses  pas,  aijri'.jonj  ses  ennuis. 

(Volt.,  Bru».,  act.  11,  se.  m.  24.) 

Alcu,  AiGL'Ë.  Adj.  Il  se  met  toujours  après  son 
subst.:   Un  fer  aigu,  une  maladie  ai, më. 

On  appelle  en  grammaire,  «cce/if  aign,  un  ac- 
cent (]ui  se  fait  de  droite  à  gauche,  el  se 'met  sur 
\'e  fermé,  pour  manpicr  sa  pioiioncialion.  Voyci 
Accent. 

AiGU.^DE,  AicDAiL,  AiGUAYER,  sc  prononccnt 
coilunc  s'il  n'y  avait  point  t\'u.  L'Académie  dit 
qu'on  prononce  de  même  aiguière  et  oiçuiérée- 
mais  die  se  tioiniic,  car  alors  il  î'audraii  jironon' 
cer  cyière  et  éj'iéréc,  ce  (pi'on  ne  l'ail  |)as. 

AiGUE-HARiKE,  pliir.  des  Aigues-marincs.  Des 
pierres  précieuses  couleur  vert  de  incr.  Aiguë 
vient  du  latin  aqua,  eau;  n'\\\^\  aigue-marine  si- 
gnifie eau-marine  ou  de  mer.  [Grammaire  des 
Grammaires,  p.  17''i.) 

AiGuiLLADE,  Aiguille,  Aiguillée,  Aigdiller 
Aiguillette,  Aiglilletier,  Aiguillon,  Aiguillo:»- 
NF.ti.  Dans  tous  ces  mois  ou  mouille  les  /,  et  ou 
fail  entendre  Vu 

Aiguisement.  Subst.  m.  On  fail  sentir  \'u. 

Aiguiser.  V.  a.  de  lal'^'conj.  On  fail  sentir  I'm. 

Ail.  Subst.  m.  On  mouille  le  l.  L'Académie 
dit  (pie  ce  mol  fail  aulx  au  |jluricl,  d'anires  gram- 
mairiens veulent  (ju'il  fasse  aux.  (,'e  pluriel  esl 
peu  usité;  et,  si  on  l'emploie,  je  j)cnse  (ju'on  doit 
écrire  aulx,  comme  l'Académie,  alin  de  le  dis- 
tinguer du  mot  aux  (pii  signifie  à  /es. 

On  dit  plus  souvent  des  gousses  d'ail,  ou  des 
têtes  d'ail,  (]ue  des  aulx,  riusicurs  naluralisles 
disent  des  ails.  Dans  sa  dernière  édition  l'Acadé- 
mie en  fait  la  remanjue. 

Ailé,  Ailée.  Adj.  Il  se  mel  toujours  après  son 
subsl.  :  Des  serpents  ailés,  un  poisson  ailé. 

Ailleurs.  Adv.  Les//  sont  mouillés.  Ils  le  sont 
aussi  dans  d'ailleurs. 

Aimable.  Adj  des  deux  genres.  Pourquoi  dit- 
on  cela  m'est  agréable,  et  ne  |ieul-on  pas  dire 
cela  m'est  aimable'*  C'est  i\\\  agréable  vient  d'a- 
gréer;cela  m'agrée,  c'asx-ix-iVuo,  agn^e  à  moi.  Il 
n'en  est  pas  ainsi  lï  aimer  :  J'aime  cette  pièce,  et 
non  pas,  cette  pièce  aime  à  ///ot;  ainsi  on  ne  [leut 
dire  wécst  aimable.  {Jiemarques  sur  le  Menteur, 
act.  11,  sc.  I,  24  ) 

Cet  adj.  peut  |)iécé(lcrson  sulist.  :  Un  homme 
aimable,  un  aimable  homme.  Une  simplicité  ai- 
înable,  une  aimable  simplicité. 

*  Aimablement,  (^eeharmaiii  adverbe  a  de  belles 
aulorit()s  :  saini  Fran(;ois  de  Sales,  Bourdahjue, 
madame  de  Sévigné;  il  en  a  de  plus  l'ories  en- 
core, l'ulililc,  l'analogie,  riiarmonie.  (Ch.  No- 
dier, Examen  critique  des  Dirt) 

Aimant,  Aimante.  Adj.  vcrh.d.  tiré  du  v.  ai- 
mer. On  dit  parliculiéremenl  une  ùme  aimante. 
Il  suil  toujours  son  subst. 

Aimer.  V.  a.  de  la  t"  conj  Aimer  quelqu'un. 
Aimer  à  faire  quelque  ctio.ic 

L'Académie  a  omis  ipiehpies  accepiions  de  ce 
verbe.  Aimer  ^c  dit  des  elioses.  On  diiquc-l'a- 
viouriùiUL'à  fiire des .lacrificrs  pou r  t'u/ijei  aime, 
que  la  vengeanca  aiMUt  le  .sitni,  que  t.'innncence 
aime  le  grand  jour  Le  slgle  des  ourragr  :  didac- 
tiques ii'aime  point  les  ptrwuge.i  brusques,  a 
moins  que  les  vîtes  inlerwéduures  ne  .se  sup- 
pléent facilement.  (  Coniiill.ic  ,  Art  d'écrire, 
liv.  IV,  cliap    ii.l.  Vil.  |.    .3.^1»  ) 

Aimer,  suivi  d'un  verl.ca  I  mfinitir,  prend  la 
préposition o lorsqu'il  s'agit  d'une  acUuu  a  faire: 


50 


AIN 


Aimer  àjnuer,  à  hnire,  à  chasser.  Lorsqu'il  s'n- 
fil  d'iiiu"  iiii|irrssiim  i('(,-»ic  ou  (l"iiii  ol.il,  il  se  iiiet 
sans  prc|iusilU)n  :  J'uLme entendre  une  bonne  mu- 
sique. H  n'aime  point  ru/iiper  tiiins  tes  cours. 
(J.-J.  Hoiissc.iM.)  Ici  ramper  cX|iriiiic  un  ot;it. 
Qu('lt|iiefuis  aimer  rc^il  i/vc,  rumiiM;  iliiiis  les 
plir;iscs  Mii\;iiili's,  un  tlciK  |in'|«isili()iis  sont 
li'M'S  |);ir  colli'  l'utijum-liou  :  Il  aime  i/u'un  le  l'ne. 
Elle  aime  r/u'irti  la  rerjarde.  —  On  dil  fainilit'it;- 
meiil  aimer  r/itrli/u'iin  de,  ponr  ilirc,  l'aimer  à 
cause  tic:  .le  l'iiimeini  tante  ma  rie  du  courage 
qu'il  «  en  de  vous  aller  trouver.  (Madame  lie  bé- 
vicno.) 

Quaiiil  aimer  rst  pris  dans  un  sons  alisuln,  il 
ne  se  liil  tpi  <'ii  p,irlant  (les  personnes  Pl  du  cieur 
humain  ,  el  s'entend  ordinairement  de  l'aniilié  ou 
delainonr:  Un  rwur  ^'ait  potir  aimer.  (Jui  ne 
sait  piiinl  litiir  lie  .sait  point  aimer.  (\'i)llair(;  )  Jl 
n'y  a  que  les  rjens  jteu  répandus  qui  saiheiit  ai- 
mer. (\<illaiic.)  (Mn'itineluls  il  s'enlenil  senle- 
mcnl  de  I  aniuur.  C'est  aux  circonstances  a  delei- 
miucr  ce  sens. 

yiimer  mieux,  suivi  d'un  vcrliC  à  l'iiinnitif, 
séria  restreindre  iMi  drterauner  la  sii:Milirali(in  de 
ce  vorlie,  sans  iju'il  suit  hesipin  de  nieilie  une 
prèposilnm  enlre  cuv.  Aimi  l'un  dil,  il  aima 
micvx  posséder  une  f'rtune  médiocro  et  tran- 
quille, f/u'une  fiirtune  brillante  et  tumuUuetixe. 

Aimer  mieux  r\\'i(n\U(i  le  vcrlic  de  la  \»ropi>- 
sition  qui  lui  est  sulionluiniec  suit  an  snlijunciif. 
J'aime  mieux  iju'Acunte  soil  viéchant  que  si  je 
Vêtais. 

Aimer  mievx  C?4  quelquefois  suivi  d'un  infi- 
nilif  Cl  «le  7"f,  «'iinnin;  i\\\w>  j'aime  mieux  lire 
que  jouer  ;  el  qnelipn'fuis  il  est  suivi  de  que  de, 
comme  i\\\\\^  j'aime  mieux  mourir  que  de  me  dés- 
honorer. Le  premier  se  dil  (juand  il  s'açit  d'une 
prérérenee  de  i-'unl  J'aime  mieux  danser  ipie 
chanter;  le  second  s'cuqiluic  «piand  il  s'a^ril 
d'une  prélérencc  de  vulunlé  :  J'aime  mieux  lui 
pardonner  que  de  le  réduire  au  désespoir.  Dans 
ces  façuns  de  |iarl(!r,  mieux  se  met  après  «/me/-, 
dans  les  leinp^  suiiples,  lummc  dans  les  exemples 
que  l'on  vient  de  duinier.  l)ans  les  temps  cumpu- 
Sés,  il  se  mei  enlre  le  verl)e  auxiliaire  el  le  parti- 
cipe: J'ai  mieux  aimé  danser,  j'ai  mieux  aimé 
hii  pardonne'-. 

Ainsi.  Conjonction.  Elle  cxpriine  un  rapport 
de  prémisses  el  ilc  ecjnscqucnce,  c'esl  une  ma- 
nière de  cunclure.  11  suivrait  de  la  qu'il  y  a  un 
pléonasme  dans  «/«si  t/rj/ic,  expression  donl  plu- 
sieurs personnes  ne  font  pas  dillicnlié  de  se 
servir.  Caminadir  pense  qu'il  n'y  a  {xtinl  de  pleo- 
nasinc  tlans  celle  laçon  île  s'expiimer,  parce  (pic 
la  particule  di^nv  ne  tait  qn'ajo\ncr  au  sens.  Ainsi 
est  une  manière  de  cunclure;  ainsi  donc  est  une 
manière  de  n-soudre.  Four  cunclure,  il  ne  faut 
que  liicr  une  induction  de  tpiel(|ne  clio.se,  an  lieu 
que,  poiirrosoudiv,  il  faul  avoir  ceiairci  luusios 
doutes. 

Maigre  ce  raisomiement ,  je  ne  puis  m'cmpè- 
cher  de  voir  un  pleuimsiiic  dans  a{/i.^(  donc.  L'un 
el  l'aulre  est  une  manière  de  conidure;  l'un  cl 
ranirc  exprime  un  rapport  «le  prémisses  cl  de  con- 
sc<iuencc;  je  pense  qu'il  faul  dire  l'un  ou 
l'autre. 

Ainsi  que  régit  l'indicatif:  Ainsi  que  vnii.f  me 
l'arez  promis.  Un  disait  aulrefuis,  ainsi  que  le  so- 
leil clias.so  les  ténc'ires,  ainsi  in\  de  vicme  lu 
science  cliusse  l'erreur.  Aujonrd'liui  on  met 
comme  a  la  léic  du  premier  inemlire,  et  ainsi,  ou 
de  même,  a  la  icie  dn  sccoinl.  Comme  le  soleil 
chasse  les  ténèbres,  ainsi,  OU  de  même,  etc.  Dans 


AIR 

les  phrases  où  ainsi  que  se  Irouvc  entre  deux 
singuliers,  ou  après  un  singulier  cl  devant  un 
pluriel,  le  verbe  <pii  suit  se  met  ;iu  singulier, 
parce  (pTalors  ainsi  que  est  la  cuininc  en  paren- 
lli('*se:  Ceitc  fable,  ainsi  que  beaucoup  d'autres, 
est  toute  simple. 

Aii\.  Sultst.  m.  On  «lit  i]\\'une  femme  a  l'air 
hautain,  pracieux;  i\\\'eUe  a  l'air  gro-ise,  boi- 
teuse; qu'une  nbe  a  l'air  bien  faite,  elc  Mais 
quelle  est  la  raison  de  col  ns;ige,  el  dans  ipiels 
cas  faut-il  faire  aa-order  l'adjectif  avec  le  sub- 
slaniir«ir,  cju  avec  le  substantif  qui  est  le  sujet 
de  la  jiropusilion  ? 

Celle  question  a  élo  souvent  agitée  par  les 
çraminairiens,  el  il  ne  inc  sciuIjIc  pas  qu'elle  soit 
encore  bien  r<'Soluc. 

Pour  parvenir  à  la  résoudre,  il  faul  ohsen'cr 
(juc  dans  ces  plirases,  le  mot  uir  signilic  tantôt 
nianières,  fa(;uns,  cl  qu'il  se  dit  de  la  manière  de 
parler,  il'agir,  de  marclier,  de  se  tenir,  des'liabil- 
ler,  de  se  conduire  dans  le  monde;  et  çcnérale- 
inenl  de  luul  ce  <pii  regarde  le  inainlicn,  la  coo- 
tenaiicc,  la  mine,  le  port,  la  grâce  cl  lontes  les 
laitons  de  faire;  cl  (juc  lanlôl  il  se  prend  pour  ap- 
parence, exierieur. 

l'uur  eonnaitrc  si  l'adjectif  des  phrases  dont 
il  est  (piesiiun  doit  s'accorder  avec  le  mol  air, 
il  faul  examiner  si  ce  mot  est  pris  dans  le  pre- 
mier ou  dans  le  second  sens.  Si  dans  le  premier, 
l'adjectif  s'accorde  avec  ce  mot;  si  dans  le  se- 
cond, il  s'accorde  avec  le  sujet  de  la  piirasc. 

.Mais  il  n'est  pas  aisé  de  taire  celle  distinction 
à  l'èganl  des  personnes;  car  ce  sont  les  manières 
et  les  façuns  ijui  funiicnl  en  grande  partie  l'appa- 
rence, l'exliMienr;  ei  par  conséi]ucnl,  l'appa- 
rence,  l'extérieur  résulte  en  grande  partie  des 
manières,  des  façons,  elc. 

Le  moyen  <lc  disiinguer  ces  deux  choses,  dans 
le  sens  donl  il  s'agit,  c'esl  d'examiner  si  la  inodi- 
licalion  cx|trimée  par  l'ailjeclif  i)eul  c^nivenir  à 
Vair  pris  dans  le  sens  de  manières,  façons,  etc., 
on  a  Vair  pris  dans  le  sens  d'apparence,  d'exté- 
rieur. Essayons  l'apiilication  de  ce  moyen.  On 
demande  s'il  fau!  dire  cette  femme  a  l'air  fier, 
ou  cette  femme  a  l'air  fière.  J'examine  tl'aliord  si 
l'idée  de  licrlc  coin|irise  dans  l'adjectif  ^«rpeut 
cire  attribuée  aux  manières,  aux  laçons,  etc.; 
el  je  trouve  que  c'est  parliculièraneni  par  les 
manières,  les  façons,  etc.,  ipie  se  inanifesle  la 
lierlè;  j'en  conclus  que  la  lierté  convient  à  l'air 
jiris  en  ce  sens,  «pic  l'ailjedif  fier  conviciil  à  ce 
substantif,  et  (ju'on  peut  iWvc  celte  femme  a  l'air 
fier.  Mais  si  je  considère  que,  par  le  mol  air,  on 
peut  entendre  aussi  l'appirence,  l'exitTieur,  je 
serai  obligé  de  convenir  (pi'on  peut  dire  égale- 
ment, celle  femme  a  l'air  fiere;  car  la  lierlc  ne 
convenanl  point  à  l'apparenc.;,  cuiniue  elle  con- 
vient aux  manières,  aux  laçons,  aux  gcsies,  etc., 
je  ne  puis,  en  ce  sens,  faire  aiconler  l'adjeclif 
ipi'avec  le  sujet  de  la  pro|iositiun.  Dans  cette 
femme  a  l'air  fier,  j'ap|ielle  rallciitioii  sur  ses 
manières,  .ses  façons,  ses  demarclies,  si*  gestes, 
ses  discours,  etc.;  quand  je  dis  celte  femme  a 
l'air  fiere,  \e.  n'ai  en  vue  que  l'apparence,  l'e.Xlé- 
rieiir  ipii  résulte  de  ses  manières  el  qui  fait  pré- 
sumer qu'elle  a  de  la  licrlé  dans  l'àme.  Ainsi  par 
ces  deux  phrases  j'exprime  deux  nuances  diffé- 
rentes; ce  qui  sufllt  pour  Ic^  autoriser. 

Mais  si  je  veux  faire  les  nièincs  e|)reuves  sur 
les  adjectifs  gros,  sage,  prudent,  amoureux, 
content,  heureux,  6r/H,  je  trouverai  <pi'ils  ne  con- 
vienne:!! point  au  mot  uir  pris  dans  le  sens  de 
mauièies,  façons;  car  la  grossesse  ne  se  mani- 


AIR 

îesle  ni  dnns  les  mnnicTos,  ni  dans  les  Tarons,  et 
il  en  esl  ilc  iiiéniL'  tk-  la  sagesse.  île  la  |iriuleiuc, 
de  l'ainoiir,  (lu  eoiilcniciniMil,  du  liuiilieur,  de  la 
bonlé,  »;ui  peuvcni  liien  inlhier  en  i|ueli|iie  smie 
sur  les  nianirrcs  el  Iî's  l'aruns,  mais  ipii  ne  [mmi- 
vcnl  cire  e\|iiinii'cs  enlièremenl  parées  manières, 
comme  les  i;r;'u-es  par  un  air  i-Tacieux,  la  dou- 
ceur |)ai'  des  manières  soumises  et  al'fceliienses; 
la  timidilé,  rfiriunirne,  l'endjarias,  la  liartliessc, 
la  fureur,  par  louies  les  manières  et  les  façons 
qui  les  earaeierisenl.  Je  senluai  donc  (pi'on  ne 
peut  pas  dire  de  \  air  dans  le  sens  de  inanièie, 
qu'il  est  griis,  sinjc,  prudent,  iinnitrcux,  cimtent, 
heureux,  elc.  ;  el  tpi'a'asi,  air  dans  ces  sorles  de 
phrases  no  peut  èire  pris  »pie  dans  le  sens  d'ap- 
parcnee,  d  evierlenr.  j'en  lunelnrai  ijuc  l'un  doit 
dire  cette  /cm  me  a  l'air  (/rosse,  a  l'air  sw/e,  pru- 
dente, contente,  heureuse,  bonne,  etc.  F.n  el'Iel, 
ces  phrases,  elle  «  l'air  grosse,  bossue ,  hdteuse ; 
elle  a  l'air  sinje ,  prudente ,  amoureuse,  con- 
tente, eu-.,  vcuii'ui  diie,  elle  a  rajiparencc  d'ctrc 
grosse,  pindcnie.  et)ni(,'nie,  elc. 

On  |)eol  dii(>  ipi'i(«e  femme  a  vn  air  coquet, 
ondes  airs  coquets,  paieeipi'il  y  a  certains  si- 
gnes de  etjipieliei";eipii  s(!  rcmaniuenl  dans  cer- 
taines nianicn!^  mi  l'açcnis  ilairir.  Mais  en  iicne- 
ral  l'air  d'une  lennne,  dans  le  sens  des  manières, 
ne  peut  pas  pins  eue  cocpict  (|u'il  ne  peut  élrc 
heureux  ou  cunlenî.  On  ne  [leul  donc  pas  dire 
qu'tine  femme  u  l'air  coquet;  mais  il  laul  dire 
qu'elle  a  l'air  coquette. 

Un  air  bon,  ou  un  bnn  air,  dans  Ic  scns  dc 
manières,  n'a  aucun  rap|)(irl  à  la  bonté  du  cœur; 
il  siïnilie  de  lionnes  m;M]i(,-res,  une  bonne  conte- 
nance, en  un  mot  un  bnn  air;  mais  jamais  unair 
bon  ni  vn  bon  air  n'ont  pu  siirnilier  en  ce  sens 
un  air  de  bonté.  1,'air,  dans  ces  phrases,  ne  peut 
donc  si!:nirn'r  autre  chose  «pi'appareme  exté- 
rieure; cl  Ion  (hiil  dire  i\n' une  femme  a  l'air 
bonne,  ce  «jui  siçnilie  tiu'eile  a  une  apparence, 
un  extérieur  do  lionié. 

Il  faut  conclure  de  tout  ce  qu'on  vient  de  dire  . 

4°  Que  lorsque  le  sujet  est  un  nom  de  <hosi', 
l'adjectif  ne  peut  se  rapporter  qu'à  ce  sujet;  car 
les  choses  n'ayant  iioini  de  manières,  de  façons 
<i'agir,  etc.,  air,  dans  les  phrases  où  elles  sont  ex- 
primées, ne  peut  sijnilier  antre  chose  «pi'appa- 
rence  ou  extérieur.  On  dira  donc,  cette  robe  a 
l'air  bien  faite,  celle  soupe  a  l'air  bonne,  cette 
poire  a  l'air  mûre,  ccUe  proposition  n'a  pas  l'air 
sérieuse.  (\oll.,  /iemurques  sur  les  Iloraces, 
act.  II,  se.  VI,  7.) 

2°  One  lorsipi'il  s'agit  de  personnes,  et  que  la 
modification  ex|ii-im>'e  jtar  l'adjeclif  convient  an 
substanld'  uir  dans  le  sens  de  manières,  «le  fa- 
çons, etc.,  on  doit  le  faire  accorder  avec  IcsuIh 
slanlif  air,  si  l'on  a  intention  de  le  prendre  en  ce 
sens;  mais  que,  «lans  le  cas  ou  l'on  aurait  inien- 
lion  d'<}Xi)riiiier  par  ec  mol  l'aiiparencc  ou  i'exie- 
rieur,  il  l'audraii  hure  accorder  l'adjectif  avec  le 
sujet  de  la  pmpnsition.  Ainsi  l'on  iieul  dire,  se- 
lon la  nuaiii  e  de  l'idi'c  «pie  l'on  veut  exprimer, 
cette  femme  a  l'air  hautain,  dans  le  sens  de  ma- 
nières; et  celle  femme  u  l'air  hautaine,  dans  le 
sens  d'aii])arenee,  d'exlérieur;  cette  femme  a  l'air 
fier,  a  les  manières  liéres  ;  on  celte  femme  a  l'air 
fière,d  l'air,  lappareni'e  d'elle  lière  ;  cette  femme 
^  Tair  euibarru.'isf,  i>\\  a  l'air  embarrassée,  de. 

5°  Q\ic  lorsqu'il  s'agit  de  itersonnes,  et  que  la 
modification  exprimée  par  l'adjectif  ne  i>cul  con- 
venir au  snlistaiilif  air  pris  dans  le  sens  de  ma- 
nières, façons,  elc. ,  on  ne  |ieut  faire  accorder 
i'adjecUf  qu'avec  le  sujet  de  la  proposiliou,  cl 


ALI  S4 

qu'ainsi  il  faut  dire  elle  a  l'air  grosse,  h-iteuse, 
bossue,  incommodie ;  elle  a  l'air  heureuse,  con- 
tente, bonne, sai/e,  Clc. 

A  la  veriie,  IVnelon  a  dit  en  parlant  dc  sla- 
tucs  ;  En  voilà  une  qui  a  l'air  iu-n  i/r<.f»«>r,  an 
lieu  de  grossière.  Boileau  ,  en  pari  ml  (lune 
l'eimnc  [les  Héros  de  Jiomans,  t.  Il,  p.  \'iJt\\: 
Je  lui  trouve  l'air  bien  acquêt,  an  lien  (|(>  (-0. 
quelle.  J.-.l.  HonsM-au,  en  p;irlant  de  rumeriii- 
res  [Euvle,  liv.  IV,  t.  \  11,  p.  I7.i  :  L,  t„ile 
a  l'air  plus  propre  et  plus  gai  que  le  rliauni» 
au  lieu  de  (7«tf.  Mais  puisque  celle  qiic>(ii(ii,  lani 
disiutee  depuis  longleiiqts,  ne  par.iil  pas  eneoi-c 
éclaircie  de  nosjours,  elle  l'elaii  enrure  moins  du 
temps  lie  renclun.de  ISoileau  et  ile.l.-.l.  llnnsvcau. 
—  L'Académie,  en  IS.3:;,  la  décideainsi  :  «  <,>uaiid 
«  le  mol  air  esl  immedialeineni  sni\  i  d'un  ad- 
«  jeetif,  si  cet  adjectif  se  rappoiie  au  sujet  du  la 
«  jiropiisllioii ,  il  doil  s'accorder  avec  le  sujet; 
«  s'd  se  rapporte  senleincni  au  mut  air,  il  doit 
tt  èlre  mis  an  masculin  » 

AisK.  Adj  de--  deux  genres.  Il  régit  de  avant 
les  noms:  Que  je  suis  aise  de  cette  «.<:-.  .,'Jp .' 
Avanl  les  verbes,  il  regil  do  avec  l'inliniiif,  ou 
que  avec  h"  sulquiielif .  Je  suis  bien  aise  de  roi/s 
voir.  Je  suis  bien  aise  ipi'il  soil  veini.  On  ein- 
|Jnie  (/e  (piand  le  vetbe  a  lapporl  au  Mijel  «le  ki 
phrase,  cl  7»^  quand  il  n'y  a  pas  rapport.  Cet 
adj.  suit  toujours  son  siibst. 

Aise,  AisKK.  Adj.  Il  régit  à  :  Cela  est  aisé  u 
faire.  (Juand  il  est  jnint  a\ec  le  verbe  <•//•<?  pris 
impersonnelleinenl,  il  régit  de:  C'est  une  clwse 
qu'il  est  aise  iU'  faire.  U  suit  lonjours  s^n  snbsl. 

AisKiii>T.  Adv.  On  peut  le  inellre  enire  l'auxi- 
liaire el  h;  participe  :  Jl  en  est  venu  aisément  à 
bout,  ou  il  en  est  aiséuient  venu  à  bout. 

Ai..\RJi.\NT,  Ai..vr.MAME.  Adj.  verbal  lire  du  v. 
alarmer.  On  lient  le  mellie  avanl  son  snbsl.  0 
consiiltant  l'oreilU!  el  l'analogie  ;  Une  nourel. 
alarmante,  une  situation  alurm'oitc  Celteuiar 
niante  nouvelle,  celte  alarmante  situation.  11 
ii-L'il  (iiic'lquefois  la  préposition  pour  :  Ci»lu  est 
iilurmant  |iour  les  mœurs.  L'est  une  situation 
u. armante  pour  la  pudeur. 

Alkcrr.  \oye/.  j-lllègre. 

Alkmour.  Adv.  Les  ichos  d'aientour.  Autre- 
fois on  omployail  la  loculion  o  l'entuur  comme 
préposition,  en  y  ajouiant  de: 

...  A  «nii  riiïi'll  M  trouve 
L'attirail  de  U  mort  .i  l'unUiiir  ilc  «on  ror|n. 

(L*  l•"o.^TAl^li,  liv.  m,  iMc  vu,  13.) 

Aujourd'hui  on  doit  dire  autour  de. 

Ai.cMOuivb.  Subsl.  m.  qui  lie  s'emploie  qu'au 
pluriel 

AïKr.TK.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met  tou- 
jours apri'S  Son  subsl.:  Un  Iwmme  aicrle,  une 
femuie  alerte 

Ai.oKiir.iocE.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  tou- 
jours s<jn  silbst.  :  (^alrul  al'/i  brique 

Ai.iiii.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  prend  point  dc  s  au 
|iluiiel. 

Ai.iÛNAnLF..  Adj.  des  deux  genres  qui  se  mct 
toujours  après  son  subsl  ;  Ihiuiaine  uliéniMe. 

Ai.iMKNT\iBK  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
toujours  après  son  subst. 

Ai.iNKA.  Terme  de  grammaire,  «pu  signifie, 
comiiieiice/.  par  une  nouvelle  ligne.  C'est  en  ce 
sens  une  espèce  d'iiiler|eeiioii.  Celui  ipii  dicte 
dil»/£/.e«,  |Miiir  dire,  lerinine/  par  un  point  ce 
que  v.iiis  venez  d Ceriie,  laisse/,  en  bl.mc  ce  «lui 
ivsiea  1  emplir  di?  voUedernii'ie  ligne,  quilic/.-ld, 
Unie  OU  non  linic,  cl  commeucci-cu  uue  uous- 


52 


ALL 


Telle,  observant  que  le  premier  mot  de  cette  nou- 
velle li^-'iic  commence  |t;ir  une  capitule,  el  <iii'il 
soi I  un  peu  rentré,  pour  mieux  ni;u-quer  lu  sépa- 
ration ou  ilislinclion  du  sens. 

Une  iiçne  dont  le  premier  mol  est  ainsi  rentre 
s'apiielle  un  «Zt«c'«,,et  alors  ce  mol  est  suhstanlif 
masculin.  Les  ali/n'a  bien  pfaci's  cnntrittuent  à 
la  netteté  du  discours.  Ce  mol  ne  prend  point  de 
s  au  pluriel,  parce  que  c'est  le  nom  d'un  si^'nc 
indivjilnehpii  peut  être  ré|iélé,  mais  (pii,  dans  le 
fond,  est  to\ijours  le  même  Voyez  Nombres. 

*  Allanguissemem.  Snhsl.  m.  lùat  de  lan- 
gueur. Mot  inusité  (juc  J.-J.  Housseau  a  em- 
ployé. Un  tiède  aUiinguissemcnl  l'nerve  toutes 
mes  facultés,  et  l'esprit  de  vie  s'éteint  en  moi 
par  derjrés. 

ALLA>r,  Allante.  Adj.  verbal  tiré  du  verbe 
aller.  W  suit  toujours  son  subsl. 

Allkger  V.  a.  de  la  i"'  conj.  Dans  ce  verbe, 
e  ff  doit  louj'Hirs  se  prononcer  comme  im  /;  et 
pour  lui  conserver  celte  prononciation  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  mcl  un  e  muet 
avant  cet  a  ou  cet  o  :  J'allégeais,  allégeons,  el 
non  pnsj'allt'gais,  cdlégnns. 

ALLÈGoniE.  Subsl.  f.  On  prononce  les  deux  l. 
L'allégorie,  dit  Dumarsais,  a  beaucoup  de  rap- 
port avec  la  mélaplioie;  l'alicjorie  n'est  même 
qu'une  inétapliore  coiilinuce.  L'allégorie  est  un 
discours  (]ui  csl  d'abord  présenté  sous  un  sens 
propre,  qui  parait  toul  autre  que  ce  <iu'on  a  des- 
sein de  l'aire  entendic,  el  qui  cependant  ne  serl 
que  de  comparaison  pour  donner  l'intelligence 
d'un  autre  sens  (jn'on  n'exiirime  poiiil. 

La  métaphore  joint  le  ujoI  ligure  à  quelque 
terme  propre;  par  cxemiile,  le  feu  de  ros  yeux  ; 
yeux  csl  au  [iropre,  au  lieu  (jue  dans  l'allégorie 
tous  les  mois  ont  d'aboid  un  sens  ligure;  c'csl-à- 
dire,  (jue  tous  les  mots  d'une  pliiasc  ou  d'un 
discours  allégorique  forment  d'abord  un  sens  lit- 
téral <pii  n'est  l)as  celui  qu'on  a  dessein  de  faiic 
entendre.  Les  idées  accessoires  dévoilent  ensuite 
facilement  le  véritable  sens  ([u'on  veut  exciter 
dans  l'cs[)i'il  ;  elles  dém;is(]uent,  |)our  ainsi  dire, 
le  sens  littéral  étroit;  elles  en  font  l'application. 

Quand  on  a  commencé  une  allégorie,  on  doit 
conserver  dans  la  suilc  ilu  discouis  l'image  dont 
on  a  enqiiunlé  les  premières  expressions.  Ainsi 
l'idylle  où  madame  Deslionliéres,  sous  l'image 
d'une  bergère  qui  parle  a  ses  brebis,  rend  coin|ite 
à  ses  curants  de  loul  ce  (|u'ellc  a  l'ait  pour  leur 
procurer  des  établissements,  et  se  plaint  tendre- 
ment, sous  cette  image,  de  la  dureté  de  la  for- 
tune, est  une  allégorie  toujours  soutenue  par  des 
images,  el  <pii  loutes  ont  rapport  a  l'image  jirin- 
cipalc  par  ou  la  ligure  a  commencé;  ce  qui  est 
essentiel  a  l'allégorie. 

L'allégoiieest  fort  en  usage  dans  les  proverbes. 
Les  piovcrbcs  allégoriques  ont  d'abord  un  sens 
propre  qui  csl  vrai,  mais  ipii  n'est  jias  ce  qu'on 
veut  |irincipalemcnl  faire  entendre.  On  dit  l'ami- 
liërcment  :  'J'antra  la  crnciie  à  l'eau,  qu'à  la  fin 
elle  se  brise  ;  c'e  t-à-du'C  cpic.  quand  on  affronic 
trop  souvent  les  dangers,  a  la  linon  y  péril. 

Les  li(  lions  <pie  l'on  débile  comme  histoires, 
pour  en  tirer  quelque  moralité,  soiu  des  alh'go- 
ries  que  l'on  \\\)\)Q.\\\tap(iUgves,  purubdcs,  ou  fa- 
bles morilles. 

Les  énigmes  sont  aussi  une  espèce  d'allégorie 
Mais  l'éuigme  cache  avec  soin  ce  ipii  peut  Ta  dé- 
voiler; au  lieuqne  les  antres  espèce^  d  alh'go- 
ries  doivent  élrc  e\|)rimées  de  manière  qu'on 
puissi' aisément  en  faire  l'application. 

ALLÉtiOBiQLE.  Adj.   dcs  deux  genres.   On  pro- 


ÂLL 

nonce  les  deux  l.  Fn  prose,  il  suit  toujours  son 
S\\h%\..:  Discours  allégorique.  On  ap|)i'lle*e«s  al- 
légorique, le  sens  (pii  se  lire  d'un  discours  qui, 
à  le  prendre  dans  son  sens  |)iopre,  signilie  toute 
autre  chose,  ^■oyc/.  Allvgin  ic. 

ALLÉ(;oniQL'E.>iKM.  Adv.  On  prononce  les  deux  i. 
Il  ne  se  met  ([u'aprcs  le  verbe  :  Les  prophètes 
parlent  ullégoriqucment. 

ALLÉGor.iSER,  Allécohiseiir,  Allécoriste. Dans 
ces  trois  mois  on  prononce  les  deux  i. 

Allègre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 
j(Mirs  son  subsl.  :  Un  homme  allègre,  une  femme 
allègre. 

ALLÉGUER.  V.  a.  delà  1"  conj.  On  prononce  les 
deux  /.  L'm  ne  se  [Hononcc  pas.  Il  n'est  mis  là 
ipie  poiu-  donner  au  g  une  prononciation  qu'il 
n'a  i)as  devant  Ve. 

Alléluia.  Subst.  m.  Mol  hébreu  qui  ne  prend 
point  de  5  au  pluriel:  Des  alléluia.  —  Les  uns 
veulent  qu'on  prononce  ul  lé-lu-ia;  les  autres 
al-lé-lui-a.  Je  j)ense  (pi'il  n'y  a  pas  grand  incon- 
vénient dans  l'une  ou  dans  l'autre  prononciation. 
L'Académie  indiijuc  allélmjn. 

Alli  R.  V.  n.  el  irregidicr  de  lai"  conj.  On  ne 
prononce  (ju'un/.  \oici  conuncnt  on  le  conjugue  : 

Inlinilif.  —  Aller. 

Indicatif.  —  Présent  Je  vais  ou  je  vas,  tu 
vas,  il  va;  nous  allons,  vous  allez,  ils  vont 
—  Imparfait.  J'allais,  lu  allais,  il  allait;  nous  al- 
lions, vous  alliez,  ils  allaient.  —  Passé  simple. 
J'allai,  lu  allas,  etc.;  nous  allâmes,  etc.  —  Passé 
camposé.  Je  Suis  allé  ou  allée,  lu  es  allé  on  allée, 
il  e:;l  allé  ou  elle  est  allée;  nous  sommes  allés  ou 
allées,  ils  sont  allés  ou  elles  sont  allées. — Autre 
passé  composé.  J'ai  été,  lu  as  été,  il  a  élé;  nous 
avons  été,  vous  avez  élé,  ils  ont  été,  oh  elles  ont 
élé. — Passé  antérieur  couipo.se.  J'eus  été,  tu  eus 
clé,  il  eut  élé  ;  nous  eiJines  éii",  vous  entes  clé,  ils 
eurent  clé. — PlusqvcparfaH.  J'étais  allé  ou  allée, 
lu  élais  allé  ou  allée,  etc.  —  .lutrc  plusqvepar- 
/fu7.J'avL'isélé,ctc.;  nous  avions  élé, etc. — Futur 
simple. —  J'irai,  tu  iras,  il  ira;  nous  irons,  vous 
irez,  ils  iront. — Futur  composé.  Jcscrai  allé,  etc.; 
nous  serons  allés,  elc.  —  Autre  futur  composé. 
J'aurai  élé,  etc.;  nous  aurons  été,  clc. 

Conditionnel.  —  Prvacnt.  J'irais,  etc.;  nous 
irions,  clc. — Premier  passé.  Je  serais  allé,  etc.; 
nous  serions  allés,  elc.  — Autre  premier  passé. 
J'aurais  élé,  etc.;  nous  aurions  élé,  elc.  — So~ 
cond  passé.  J'eusse  clé,  tu  eusses  été,  etc.;  nous 
eussions  élé,  clc. 

Impératif. — Présent  ou  futur.  Va,  qu'il  aille; 
allons,  allez,  qu'ils  aillent. 

Subjonctif.  —  Présent  ou  futur.  Que  j'aille, 
que  tu  ailles,  etc.;  (pie  nous  allions,  elc. — Im- 
parfait. (^)ue  j'allasse,  (jne  tu  allasses,  (pi'il  allât; 
que  nous  allassions,  (jne  vous  allassiez,  qu'ils  al- 
lassent.— Passé.  Que  je  sois  allé,  etc.;  que  nous 
soyons  allés,  clc. —  Autre  passé.  Que  j'aie  été, 
etc.;  (pie  nous  ayons  clé,  elc. —  Plnsquepar- 
fiit.  Que  je  fussc'allé,  etc.;  (pie  nous  fussions 
ailes,  etc.  —  Autre  plusqueparfait.  Que  j'eusse 
Clé,  etc.;  (jnc  nous  eussions  élé,  etc. 

Participe. —  Présent.  Allant. — Passé.  Allé. 

On  a  icmanpié  (pie  ce  verbe  fait  a  la  première 
personne  (lu  présent  de  l'indicalif, /c  rnt*  ou  j'c 
ras.  On  ne  dit  jibis  guère  aujourd'hui  ipie  le  pre- 
mier, malgré  les  raisons  d'analogie  (pii  semblaient 
cire  pour  le  second.  Voyez.  Usage. 

Le  verbe  être  est  proprement  l'aKxiliaire  du 
verbe  aller.  Il  est  allé  éi  Paris,  f^ous  étiez  allé 
en  campagne.  11  faut  donc  cmi)loycr  cet  auxi- 
liaire pour  la  formation  des  temps  composés  de 


ALL 

ce  verbe,  toutes  les  fois  (|u'on  lui  conserve  si  si- 
gnificalioii  nntiirclle,  c'cst-à  dire,  toutes  les  fois 
qu'il  csl  <]ucslion  d'expiiinoruii  mouvciiicnljdce 
essentialk-  de  ce  vcrl)c  Maisiiuclquefois  on  veut 
seulcnicfl  exiiiimcr  rcxislonce  [lasséod'un  sujet 
dans  un  lieu,  ahsiraciion  faite  du  niouvemenl  par 
lequel  il  a  éié  iiansporlé  dans  ce  lieu,  et  relaii- 
vement  à^  son  absence  aciuello  de  ce  lieu  ;  cl  alors 
on   dit  j'ai  l'të  (i  P(i ris,  j'ai  clé  ci  lîomt  i  ce  qui 
ne  siijnilie  autre  cliuse  (pie  j'ai  existé,  j'ai  etc 
présent  a  Paris,  à  Rome,  et  je  n'y  exisic  plus,  je 
n';7  suis  plus  présent.  In  homme  qui  s'est  irans- 
pcrlc  de  Taris  à  Home,  [jourra  bien  dire /e   suis 
allé  à  Iiiime,i.-c  (pii  sign:lieia,  j'ai  faille  voya:;c 
de  Pari>  a  Rome.  Ij  dira,  dans  le  même  sens,  je 
suis  allé  en  trois  jcnrs  d'Orléans  à   Bordeaux. 
Dans  CCS  piirases,  le  mouvement  est  exprimé  ; 
mais  si,  abslrarlion  faiiedu  voyage,  il  veut  indi- 
quer sculeuient  son  exislence,  sa  présence  passée 
à  Rome,   il   ne  dira  plus,  je  suis  allé  à  Borne, 
mais  j'ai  été  à  Borne.  Ici,  j'ai  été  n'est  point  un 
temps  du  verbe  aller,  mais  un  temi)s  du  vcrl)e 
être  dans  le  sens  d  exister,  d'être  présent  en  un 
lieu.  A  la  vérité,  ce  temps  a  un  rapport  de  con- 
séquence avec  le  verbe  aller;  «ar  pour  avoir  été 
en  un  lieu,  il  faut  y  être  allé.  Mais  il  n'indique 
en  aucune  manière  l'idcc  de  mouvement  qui  est 
essentielle  au   vcrijc  aller.  11  ne  l'indique  pas 
pliis  que y't^ow,  dansyv/afs  d  Borne.   .Montes- 
quieu a  dit  ;  Strabon,  malgré  le  témoignage  d'A- 
pollodore,  paraît  douter  que  les  rois  grecs  soient 
allés  jj/i/5  lin  que  Séleucus  et  Alexandre  ;  soient 
allés  indi(iuc  évidemment  un  sens  d'espace  par- 
couru ,  et  par  conséquent   de   mouvement.    11 
ajoute  :   Quand  il  serait  vrai  qu'ils  n'auraient 
pas  été  plus  loin,  vers  l'Orient,  que  Séleucus. 
Auraient  été  indi(|uc  ici  la  |)rcsence,  l'existence 
en  un  lieu,  f^ous  êtes  allée  d  Marseille  pour  me 
fuir.  (Madame  de  Sévigné,  lettre  lviii,  tom.  I, 
p.  49J.)  Le  ver!  e  fuir  indique  bien  ici  un  espace 
parcouru,  un  voyage  fait  dans  rinlenlion  de  s'é- 
loigner, yous  avez  été  serait  une  faute.  Depuis 
ta  lettre  reçue,  je  suis  allé  tous  les  jours  chez 
M.  Sylvestre  (J.-J.   Rousseau),  c'est-à-dire,  je 
m'y  suis  transporté  tous  les  jours.  J'ai  été  faire 
des  compliments  pour  vous  à  l'hôtel  Bamhuvil- 
let.  (Madame  de  Sévigné.)  11  fallait  je  suis  allée, 
parce  qu'il  ne  s'agit  point  ici  d'avoircxistc  à  l'iiôtcl 
Rambouillet,  mais  de  s'y  cire   transporté    [lour 
faire  des  coiii|)lJmcnls.  J'ai  été  hier  d  l'Opéra; 
je  suis  allé  à  sept  heures  à  l'Opéra.  Dans  la  pre- 
mière phrase,  je  n'indique  (pie  mon  existence, 
ma  présence  passée  à  l'Opora  ;  dans  la  seconde, 
je  marque  le  mouvement  (juej'ai  fait  pour  m'y 
transporter.   Il  était  trois  heures  quand  je  suis 
allé  chez  lui,  quand  je  me  suis  transporté  chez 
lui;  j'ai  été  chez  lui  hier;  j'ai  été  présent  chez 
lui,  mais  je  n'y  suis  plus.  Si  l'on  vient  me  de- 
mander, vous  direz  que  je  suis  allé  à  l'Opéra, 
que  je  me  suis  trans|)0ité  à  l'Opéra,  et  que  je 
n'en  suis  pas  encore  revenu. 

L'usage  des  temps  du  verbe  être  en  ce  sens, 
auquel  plusieurs  personnes  attachent  mal  à  pro- 
pos une  idée  de  mouvement,  a  fait  croire  que  les 
temps  passés  de  ce  verbe  pouvaient  être  employés 
iudifféreinment  au  lieu  des  temps  passés  du  \erbc 
aller;  et  l'on  a  dit  je  fus  le  voir,  je  fus  le  trou- 
t;er,etc.,au  lieu  àc  j'allai  le  voir,  j'allai  le  trou- 
ver, etc.  Corneille  a  dit  dans  Pompée  (act.  I 
se.  m,  57) .-  /-       V  , 

Il  fut  jusqoes  à  Rome  implorer  le  sénat. 

Voltaire  a  dit  sur  ce  vers  :  //  fut  implorer,  c'é- 


ALL  r,3 

tait  une  licence  qu'on  jM-enait  autrefois  11  v  a 
même  encore  pluMcuis  personnes  ipii  dis(>nt"jV 
tus  le  voxr  jt  fus  lui  parler;  mais  c'est  uîie 
faute,  par  la  raison  qu'on  va  parler,  qu'on  ra 
voir,  et  qu'on  n'est  point  parler,  qu'.n  n'est  p^int 
voir.  11  faut  doncdire,y'fl//(,//Hi/;«Wo-, /„Wut 
le  voir,  il  alla  l'implorer.  Ceux  (pii  tduil.i'iit  dans 
cette  faute  ne  disent  jjas  je  fus  lui  rcu„„trcr 
je  fus  lui  faire  apercevoir.  {Bemarqucs  .sur  Cor- 
ne,lie.)  Celle  locution,  dont  on  trouve  des  exem- 
ples dans  les  meilleurs  auteurs,  et  nièiiic  dans 
\ollaire,  (pii  la  condamne,  doit  être  re-ardée 
comme  vicieuse.  D'ailleurs,  elle  est  inuiiks  puis- 
(jue  le  passé  j'allai  exprime  exactement  ce 
qu'on  veut  lui  faire  sisnilier,  en  lui  attribuant  le 
mouvement  qui  lient  esseniiclleuient  à  l'idée  ex- 
primée par  le  verbe  aller. 

Lors(pie  le  terme  du  mouvement  est  manjué 
d'rne  manière  détcrmim'e,  le  rapport  du  verbe  à 
ce  terme  s'indi(iuc  par  les  préjiosilions  à,  en,  ou 
dans.  Aller  à  indique  le  ternie  du  niouvemenl 
considéré  comme  un  point  déterminé:  Aller  à 
Lyon,  à  Bordeaux.  Aller  à  la  ville,  à  la  campa- 
gne. Aller  à  indique  quebiuefois,  outre  le  terme 
du  mouvement,  le  dessein  de  trouver,  de  se  pro- 
curer quehiue  chose,  de  faire,  d'obtenir  quel- 
que chose.  On  va  au  marché  pour  se  procu- 
rer des  denrées;  à  la  boucherie,  pour  acheter 
de  la  viande;  à  l'eau,  pour  se  procurer  de  l'eau; 
aux  eaux,  pour  prendre  les  eaux  ;  on  va  à  là 
guerre,  au  combat,  au  feu.  On  va  à  la  messe,  d 
vêpres,  au  sermon,  à  l'Opéra,  au  concert.  Aller 
au  café,  aller  au  cabaret.  Aller  au  roi,  au  mi- 
nistre, pour  demander  (piclque  chose,  pour  ob- 
tenir quelque  grâce,  quehiue  faveur.— Ouebiue- 
fois  le  dessein  est  considéré  comme  terme  du 
mouvcmenl  -.Aller  à  confesse,  à  la  promenade, 
aux  informations.  Aller  à  la  chasse,  à  >a  pè- 
che. Aller  aux  opinions,  aux  voix.  Figurémcnl, 
aller  à  la  fortune,  aux  honneurs,  aux  dignités. 
On  empluie  aller  en  pour  indiquer  le  terme  du 
mouvement  considéré  comme  étendu,  par  oppo- 
sition aux  autres  termes  de  la  même  espèce;  Al- 
ler en  Espagne,  en  Italie,  par  op|)osilion  à  tout 
autre  pays  ;  aller  en  campagne,  par  ojiposition  à 
rester  dans  le  lieu  où  l'on  demeure.  Par  analogie, 
aller  en  vendange,  aller  en  pèlerinage. 

Lorsiiiie  l'on  considère  le  terme  non-seulement 
comme  étendu,  mais  aussi  comme  circonscrit  par 
des  bornes  dans  lesquelles  on  est  contenu,  on  se 
sert  de  la  préposition  dans  -.Aller  dans  la  rue, 
aller  dans  l'eau. 

Aller  de,  indique  le  point  où  commence  le 
mouvcinent:  ^/?er(fe  son  fauteuil  à  son  lit,  aller 
de  Paris  à  Lyon,  aller  de  France  en  Espagne. 
S'en  aller  se  conjugue  comme  aller,  dans  ses 
temps  composés  :  Je  m'en  suis  allé,  tu  t'en  es 
allé,  il  s'en  est  allé,  ou  elle  s'en  est  allée  ;  nous 
iinus  eu  sommes  allés,  vous  vous  en  êtes  allés, 
ils  s'en  sont  allés,  ou  elles  s'en  sont  allées.  — 
A  l'impératif  ,  va-t'en,  qu'il  s'en  aille;  allez- 
vcus-en,  qu'ils  s'en  aillent.  On  voit  que  en  pré- 
cède toujours  l'auxiliaire  être. 

11  ne  faut  pas,  disent  plusieurs  grammairiens, 
écrire  à  l'impératif  ra-i-«?n,  comme  si  le  t  était 
euphonique  ;  mais  bien  va-t'en  avec  une  apostro- 
phe, parce  que  c'est  le  pronom  te  dont  on  retran- 
che l'e.  Condillac  prétend  au  contraire  qu'il  faut 
écrire  va-t-en  avec  le  t  euphonique.  Mais  une 
preuve  incontestable  que  ce  verbe  prend  le  pro- 
nom te  à  la  seconde  personne  du  singulier  de 
l'impératif,  c'est  (ju'il  prend  le  pronom  vous  à  la 
seconde  personne  du  pluriel  du  même  mode.  On 


54 


ALL 


dit  allcz-rovs-cn,  donc  il  faut  dire  ra-t'en.  Il 
n'y  a  jioini  de  raison  pour  que  la  seconde  per- 
sonne du  siniiulier  ne  suive  i»as,  à  cet  égard,  la 
mèine  lui  ijue  la  seconde  personne  du    pluriel. 

A  l'iuipcralif  on  dit  avec  un  s,  vas-^j,  cl  non 
pas  va-y. 

Corneille  a  dil  dans  les  Iloraces  (act.  V,  se. 
1,5): 

No5  plaisirs  les  plusdoui  ne  Tont  point  sans  tristesse. 

Expression  rainiliôrc,  dil  Yollairc,  dont  il  ne  Tant 
jamais  se  servir  dans  le  style  nolilc.  En  effet,  des 
plfiisirs   ne  vont  point.   [Remarques  sur   Cor- 
neille ) 
Dans  Cinna  (act.  I,  se.  m,  86)  : 

Ârec  la  liberté  Rome  s'en  va  renaître. 

Vollaire  ne  trouve  point  celle  expression  fautive 
en  poésie,  au  contraire;  voyez  dans  Vlphijénie 
de  llacinc  (act.  î,  se.  v,  27)  : 

Et  ce  trinmplie  Iicnrctu  qui  s'en  va  devenir 
L'éternel  entretien  des  siècles  à  venir. 

On  lit  aussi  dans  Cinna  (act.  I,  se.  m,  133)  : 

Va  inarclier  sur  leurs  pas  où  flionncnr  te  convie. 

Il  faudrait,  dit  Voltaire,  ra,  marche.  On  ne  dit 
pas  plus  aU<ns  ?narclier,  qu'alims  aller.  [Re- 
marques sur  Cnrneillc.) 

Oirneilli'  a  dil,  allons,  mon  Iras,  et  aUons/mon 
âme,  du  nmins  saurons  l'hnnneur.  [Cid,  art.  I, 
se.  vu,  49.1  "N'oilaire  a  dit  à  ce  sujet,  allms, 
signifie  marchons;  ct  ni  un  bras  ni  une  àme 
ne  inarclieiu,  D'ailleurs,  nous  ne  sommes  plus 
dans  un  tcmiis  où  l'on  parle  à  son  bias  et  à  sun 
âme.  (Rdiiarqiies  sur  Ccrneille) 

Ce  verbe  sert  d'auxiliaire  pour  former  les  fu- 
turs procliaiiis  des  verbes  :  Je  rais  faire,  je  rais 
chanter.  On  sent  (pie  dans  cet  cinplui  il  n'a  jibis 
sa  signilicati(jn  primitive.  Voyez  Conjugaison, 
Aiisiliaire. 

Ali.ia>ci:.  On  appelle  en  littérature  alliance 
des  mots,  une  espèce  de  métaphore  plus  hardie 
que  1rs  auires.  Elle  consiste  dans  le  rapproi-hc- 
menl  de  deux  idées,  de  deux  mots  qui  semjjlcnl 
s'e.xclure,  comme  dans  ce  vers  de  Corneille  : 

Et,  monté  sur  le  faite,  il  aspire  à  descendre. 

(Cin.,  act.  II,  se.  i,  10.) 

Je  désire  de  descendre  serait  Ircs-simplc.  Mais 
ce  iniii  aspire  suppose  un  objet  élevé,  cl  pour- 
tant s'api)li(pie  ici  à  descendre.  De  la  l'énergie  île 
la  pensée  el  de  l'expression.  Le  vomi  de  l'amlii- 
lion,  qui  est  onlinaireincnl  de  monter,  al  ici  de 
descendre.  A'oyez  Aspirer. 
Racine  dil  dans  Rritunnicus  [acl.  I,  se.  ii,  76)  : 

Dans  une  longue  enfance  ils  l'auraient  fait  vieillir. 

L'enfance  et  la  vieillesse  semblent  s'exclure;  elles 
sont  ici  réunies,  el  le  sens  est  trop  clair  pom- 
être  e\|iliqué. 

Le  père  du  Glorieux  dit  à  son  fils,  qui  se 
jette  à  ses  pieds  en  le  priant  de  ne  pas  se  décou- 
vrir : 

J'enlends,  la  vanité  me  déclare  à  grnoux 
Qu'un  père  infortuné  n'est  pas  di^-ne  de  vous. 

(Destodches,  L»  Glorieux,  act.  IV,  se.  vu,  53.) 

La  vanité  à  genoux  semble  offrir  deux  choses 
contradictoires. 


ALL 

llans  l'Orphelin  de  la  Chine,  Ccngis-Knn,  vou- 
lant expiiuicr  le  vide  qtie  la  graiulc  fortune  a 
laissé  dans  son  âme  avant  qu'il  aiinûl  Idamc,  dit 

Tant  d'Étals  sulJDjoé»  ont-ili  rempli  mon  cïwT 
Ce  cœur  lassé  de  luul  dumaniLiit  une  erreur 
Qui  put  de  mes  eniuiis  clias^er  la  iiinl  proTonde, 
Kt  qui  me  consolât  sur  le  lr6nc  du  monde. 

(.\ct.  IV,  se.  m,  9.) 

Consoler  sur  le  trône  du  monde  !  Quel  senli- 
mcntà  la  fois  touchant  el  prutiuid  !  et  comme 
ces  deux  idées,  qui  paraissent  si  loin  l'imede 
l'autre,  sonl  ici  nalureileuieiil  réunies  I  (La  Harpe, 
Cours  de  Litléraliire.) 

Lorsipie  raliiancc  des  mots  n'ajoute  point  à 
l'énerge  de  l  cx|>ression,  c'est  un  vice  d'clocu- 
tion.  L'on  Voit  des  cens  qui,  dan.9  les  conver- 
sations, dégoûtent  par  l^urs  ridicules  expres- 
sions, par  la  nouveauté,  et  j'use  dire  par  l'im- 
propriété des  termes  dont  ils  se  serrent,  comme 
par  l'alliance  de  certains  mots  qui  ne  se  rencon- 
trent enseinhle  que  dans  leur  b  niche,  et  éi  qui  ils 
font  signifier  des  choses  que  leurs  premiers  in- 
venteurs n'ont  jamais  eu  intention  de  leur  faire 
dire.  (La  Bruyère,  de  lu  Société,  p.  "iii'S.) 

Ai-LiKiî.  V.  a.  de  la  i"  coiij.  Ou  ilil  alliera, 
et  allier  arec.  Allier  arec  suppose  ipic  les  choses 
que  l'un  allie  sonl  de  iiaiure  dilliTcnte,  cl  qu'elles 
n'ont  en  cllcs-méines  auci::i  rapport  i\\\\  les  dis- 
pose à  être  alliées.  On  dit,  .i  est  dillicile  d'allier 
le  fer  arec  l'or,  ou  Vanjent,  imur  uiarciucr  l'es- 
pèce d'incuiupalilnlili' ipii  s'up|ii^e  a  l'alliage  de 
ces  métaux.  Au  liuiin-,  //  est  difficile  d'allier  les 
maximes  du  monde  arec  crUes  de  l'Eraw/ile.  1/8 
vice  ne  peut  pus  s'ullicr  arec  la  rerlu. — Allier  à 
su|)pose  que  les  choses  que  l'un  ail. e  oui  un  rafp- 
puil,  une  coiii|iatii)iliir',  une  len.laïu-equi  lesdis- 
jiose  à  être  alliées  :  Allier  l'or  éi  l'argent  ;  au  fi- 
guré, il  est  aisé  d'allier  les  uiiuviues  do  l'E- 
vangile Il  celles  dcsxlinciens.  Ou  vint  la  sécurité, 
la  vertu,  s'allier,  dans  son  chaste  regard,  à  la 
douceur  et  à  la  sensihililé.  (J.-.J.  Ùuusscau , 
Héluise,  W  part.,  lelire  6,  f  IV,  p.  .•)7.) — 
S'allier  Cl  une  famille,  su|i|ios(!  des  rapports  d'é- 
galité, (le convenance (îHlic  la  immsouiic  (pii  s'allie 
ct  la  famille  à  laipiclli;  elle  s'allie.  Un  noble 
s'allie  à  une  famille  ndlc.  S'allier  arec  une  /h- 
7/n//e  suppose  (le  liiKi'galilé,  de  la  d  spruporiion  : 
un  roturier  s'allie  avec  une  finniilc  ncble;  nn 
noble  arec  une  ftimille  roturière  Un  homme 
paurre  s'allie  avec  une  famille  riche;  un  homme 
riche  arec  une  famille  paurre. —  On  dil  (ju'i/nt? 
puissance  s'est  alliée  avec  une  autre  puissance, 
luisiiue  l'alliance  a  pour  bul  pruicipal  (pielque 
entreprise  à  laquelle  les  deux  puissances  alliées 
doivent  concourir.  L' .Ivtriihe  s'est  alliée  avec 
V  Angleterre,  pour  faire  la  guerre  ii  la  France. 
Si  l'alliance  n'avait  pour  bul  (jue  la  jouissance,  le 
maintien  d'un  avantage  comuini.  (I(''ja  établi,  on 
dirait  s'allier  à:  Cette  petite  république  s'est  al- 
liée à  la  Suisse. 

Ai.LOBr.ooK,  ALLOCATioiii,  Allocutio^t  ,  Allo- 
DiAL,  Allodiai.itk,  Allusion,  Dans  ces  mots  on 
prononce  les  deux  l. 

Allusiom.  Subsl.  f.  On  prononce  les  deux  L 
C'est  une  ngurederhéloriiiue  par  laquelle  on  dît 
une  cliose  ipii  a  du  rai)port  a  une  a'ître,  sans  faire 
une  mention  expicsse  de  celle  à  laipielle  elle  a 
rapiiort.  Ainsi,  subir  le  joug  est  une  allusion  à 
l'usage  des  anciens,  de  fan  e  passer  leurs  ennemis 
vaincus  sous  une  traverse  (h;  bois  portant  sur 
deux  montants,  la(]ucll(!  s'ajjpelait /i/^in//,  joug. 
Ces  sorles  d'allusions,  (luand  elles  ne  sont  point 


ALT 

trop  obscures,  donnent  de  la  noblesse  et  de  la 
grâce  au  discours. 

On  a[i|icllo  aussi  alhiswn  l'applicalion  d'un 
irait  de  louange  on  de  Màuic  à  une  autre  persuntie 

Îue  celle  à  laiinellc  elle  esl  l'aile  oxprcssoniciil. 
'allusion  est  souveiil  une  maiiicTC  liric  el  di"li- 
caie  de  dcimcr  des  louanges  suis  lilcsseï-  la  \no- 
dcstie  de  ceux  iiu'ou  a  inicnliun  de  louer,  ou  de 
blâmer  les  vices  et  les  défauts  sans  s'exposer  à 
être  repns. 

ALM.\^»CIl.  Subst.  m.  On  prononce  n^mfrna. 

Aloès.  Suhs.  m.  On  prononce  le  s  final. 

ALONGrii.  \ .  ;i.  de  la  1'"  conj.  Diins  ce  verbe, 
le^  doil  li)ujiiui"s  avoir  la  prononcialiun  du  j,  ei 
pour  1,1  lui  conserver,  lorsqn'd  est  suivi  d'irn  a 
ou  d'un  (1,  on  moi  un  o  nuict  a  vans  cet  a  m\  cet  n: 
J^edongeais,  ulonjecns  ,  Cl  non  [>l\S  j'ulaui/ais, 
alon^ms. 

ÀLor^.  Adr.  On  ne  prononce  pas  le  s  (Inal  de  ce 
mot,  à  moins  (pi'il  ne  ^oit  suivi  iniiiii'di;ilcnicnl 
d'un  mot  ()ui  conuncncc  par  une  voyelle  ou  un 
h  non  asi)iré.  Alors  il  me  dit;  [irononcez  ulor  zil 
me  dit. 

Alors  se  place  au  commencemont  de  la  phrase 
et  devant  le  sujet,  ou  après  le  verbe  :  Aiirs  il  me 
dit;ilme  dit  ulurs;  ton jonrsainés  l'uitintlirr  Que 
peuvais-je  dire  alors?  el,  dans  les  leni|>s  compo- 
sés, aprè^  le  participe  :  lix'est  rcjwnli  alnr.t.  A|irès 
al(rrs  |)lacc  au  commencement  d'une  phrase,  on 
met  quelipiefius  le  verbe  avant  le  sirjd,  et  ce 
tour  donne  plus  de  vivacilc  à  rex|)ression  :  Alum 
parut  vu  homme  qui  détail  concilier  tous  les  es- 
prits. 

Autrefois  on  disait  alors  que  pour  lorsque'.  Ce 
numsieur  de  Nerers ,  si  extruordiitoire ,  qui 
glisse  des  innins  alors  qu'on  ij  pense  le  moins. 
(Madame  deSevigne,  lettre  ix,  t.  1,  p.  20.)  Ouel- 
ques  poêles  le  disent  encore,  el  on  le  leur  passe 
Mais  en  |nosc,  on  dil  toujours  lorsque. ^Ou  dit 
la  mode  d'alors,  les  inuidèics  d'alors,  [luur  dire 
la  mode,  les  manières  de  ce  tcmps-la. 

ALPUABtT.  Suli-t.  m.  Ce  mol  est  composé  des 
noms  des  deux  premières  icilres  de  l'alphabet 
grec,  alpha,  bctha.  l'ounpioi,  dit  Ch.  Nodier,  ne 
pas  s'en  lenii-  chez  nous  auv  iikjIs  abéa^dnire  o[ 
abècé,  ipii  ont  au  moins  une  conslruclion  natu- 
relle cl  inicliigil.ie  |H)nr  tout  le  monde?  (^'ja- 
men  criti'ive  des  JJicl.) 

L'al|)habet  b-ançais  c-t  compose  de  ■vingt-cinq 
lettres,  ipii  Si>nt  a,  h,  c,  d,  e.  f,g,  h,  i,j,  h,  l,  m, 
n,  0,  p,  q,  r,  s,  t,  V,  r,  x,  y,  z.  Voyez  Lettres, 
Consonne,   Voyelle,  Diplithonr/ue. 

Alpu^ueiivie.  Adj.  des  deux  genres.  11  suil 
toujours  son  subst.  Ordre  alphahiUique. 

Altkrvblk.  Adj  des  deux  gciues  iiui  suit  tou- 
jours son  subst.  Mrtul  altérable. 

Altk.tant,  Ai.TKr.ANTK.  Adj.  verbal  du  v.  alté- 
rer: Ur  rogtivl  altérant,  vue  sauce  altérante.  Il 
De  se  met  «prapres>on  subst. 

ALTÉr.K,  ALTKr.ÉK.  Adj.  Il  s'emploie  au  propre 
sans  réçimc  iSanté  altn-ée,  persf-nne  altérce.  Au 
fig:urc,  il  s'emploie  avec  la  préposition  de:  Altéré 
de  sang. 

Altlrnatif,  .\ltf.rsative.  Adj.  Il  suil  toujours 
son  subst.  En  termes  de  grammaire,  on  dil  <iuc 
ou,  sinon,  sont  des  parlicules  aliernalives. 

ALTKnNATivF.MK>T.  Adv.  Il  lie  se  met  guère 
qu'après  le  verbe.  Jls  ont  commandé  alternutive- 
ment. 

Altier,  Altière.  Adj.  Cet  adjectif  se  dit  des 
manières,  des  discours.  \'oiln  puur<iuoi  on  dit 
très-bien  cette  femme  a  l'air  altier.  Voyez  Air. 
Dans  le  discours  ordinaire,  il  suit  toujours  son 


AMA 


55 


subst.  ;  mais  en  vers  et  dans  h  pro.'^c  poélicpie,  il 
peut  le  précéder.  Gresset  u  dit  [Edouard  III. 
ael.  II,  se.  vi,  48)  : 

El  fausse  trop  soUTenI,  ccUe  alticre  >a;Ksie 

iS'anciiiI  i|u'uii  crime  tieureui  pour  luoiitrcr  ubuMUt. 

Voltaire  a  dit  dans  Alzire  (acl.  I,  se.  vi,  3)  : 

Allons,  ne  souiïrons  pu  que  ccUc  humeur  sidéra... 

I.cs  grammairiens  ne  sont  pas  entièrement  d'ac- 
cord sur  la  prononciation  de  ce  mot.  les  uns  veu- 
lent tju'oM  iirommee  le  r  linal;  el  les  autres  qu'on 
ne  le  fasse  |ioint  cnlendre.  Les  premiers  citent 
ces  vers  de  Boileau  (,-/.  P.  111,  J33)  : 

La  colère  est  supcritc  et  tciiI  des  mois  aUifr$. 
L'abatloinenl  s'explique  en  des  termes  inuins  llers. 

Les  autres  citent  ceux-ci  du  inèmc  auteur 
(Lutr.,  l,  223)  : 

r.e  peirnqnier  s»perl)e  est  l'clTroi  du  qu.irlier, 
Kt  SUD  cuura^-e  csl  peint  sur  son  visage  altîer. 

■\'ollaire  et  La  Harpe  l'ont  fait  rimer  avec  mé- 
tier : 

Tai^ei-voas,  lui  répond  nn  pliilosophe  altier. 
Et  ne  TOUS  vantez  point  de  voire  ubsrur  imlier. 

{Let  Deux  SucUt,  38.) 

Vous  suivci  d'Appîus  les  principes  altierê. 
Et  TOUS  dédaignet  trop  nii  peuple  de  guerriers. 

[Coriolan,  act.  I,  se.  m,  7i.) 

L'usage  a  décide  la  question,  cl  le  r  ne  se  fait 
point  sentir  dans  ce  mol,  à  moins  (pi'il  ne  soil 
suivi  d'un  mol  (jui  coi.iinence  par  une  voyelle  ou 
un  h  niuot. —  «  Nous|ien>ons  même  qu'il  doit  ra- 
rement se  faire  sentir  devant  une  voyi'llc.et  «pi'il 
no  se  prononce  i)as,  jiar  exemple,  dans  une  phrase 
ComillC  celle-ci  :  Un  caractère  altier  c.tt  un  dé- 
faut. >■>  (Leuiairc,  Grainmuire  des  Grammaires, 
p.  (»'(.) 

Amabilité.  Subst.  f.  qui  n'a  point  de  pluriel. 

AxuNT.  Subst.  m.  A.M\^T^:.  Suhst.  I'.  Ce  n'esl 
pas  lo  Dictiiinnaire  de  l' Académie  tpii  nous  ap- 
prendra la  sii-niijicaiion  du  mot  autant,  tl'esl,  dit 
ce  Dictionnaire,  celui  ou  celle  «pii  a  de  l'amour 
I)our  une  personne  de  l'autre  sexe.  D'après  cette 
delimtiou,  un  caporal  qui, en  voyant  [i:is>cr  une 
belle  reine,  conceviuil  de  l'amour  pour  elle,  pour- 
rait être  apiielè  l'amant  de  celle  reine;  et  une 
femme  d'un  certain  rang,  ipii  aurait  dans  le  cœur 
une  faiblesse  secrète  jiour  un  lionmii-  d'une  con- 
dition b)rt  inlèiienre.  sans  bii  parler,  serait  son 
amante.  Reculions  celle  deliniliou.  Amant  se  dit 
d'un  I une  qui,  ayaiU  de  l'aiiionr  pmr  une  per- 
sonne du  sexe,  ou  désirant  senlemenl  île  s'en  faire 
ainuT,  a  déclare  ses  seul unents,  n'a  pas  ete  re- 
bulc,  est  aune,  ou  lâche  de  se  l'aire  aimer. 
y/ /«finie  ne  se  du  <iuc  sous  le  rap|)<)rt  des  senti- 
inenis  lemlres  et  passionnés  qui  allachejil  une 
feinuie  a  nn  homme. 

A>iAS.  Subst.  in.  Au  ngiirè,  il  se  dit  d  un  as- 
sembhc'e  de  choses  inutiles,  supeilbies,  ou  même 
nuisililès  el  dain-'creuses:  A"/ <"»///'■■:  /'«'v  c  tre  su- 
jet sous  un  amas  de  fleurs  étronoéres  [\  ollaire.) 
Nos  premiers  historiens  ad  ptèrent  sans  examen 
cet  amas  confus  de  rérit.  s  et  d  erreurs,  (liarlh., 
Anachars,s,  chap.  l.XI  V,  l.  V.p.  211'.  )  (-est  un 
amas  d'infortunes  d^nt  il  est  bien  difficile  de  si 
tirer. 


56  AMB 

ToDi  CCI  pompeux  ama$  d'eipressions  frÏToIes. 

(BoiL.,i.  P.,  m,  139.) 

Ce  long  amaê  d'aïeux  que  tous  ditTiniez  tous. 
(BoiL.,  Sat.  V,  59.) 

Ud  long  amai  d'honneurs  rend  Thésée  excusable. 

(Ric,  PMd.,  ad.  I,  se.  i,  9S.) 

i-MATEUR.  Subst.  m.  On  dit  au  féminin  ama- 
'rice.  L'Académie  dit  (juc  ce  mol  est  encore  nou- 
reau.  Mais  depuis  que  J.-J.  llousseau  et  Lin- 
guet  l'ont  liasaidé,  il  a  clé  reçu  çénéralcmcnt  : 
Celle  capilale  esl  pleine  d'umalcurs  et  surtout 
Vamatrices  qui  font  leurs  ouvrages  cninmo 
M.  Guillaume  inrentait  ses  couleurs.  [Emile, 
îv.in,  t.  AI, p.  320.)— L'Acadéniien'admct  point 
re  féminin  dans  sa  dernière  édition. 

11  y  a  de  la  différence  erilre  ai/ner  et  être 
tmaleur.  On  aime  un  objet  individuel,  ou  en  gé- 
néral tous  les  objets  de  la  même  espèce  capables 
de  flatter  le  goût.  On  n'est  pas  amateur  d'un  ob- 
jet individuel,  on  l'est  de  l'espèce  dont  il  fait  par- 
ie. On  aime  son  jardin,  et  on  aime  les  jardins; 
nais  on  n'est  pas  amateur  de  son  jardin,  on  n'est 

Sas  amateur  «ies  jaidins;  on  est  amateur  de  jar- 
ins.  On  aime  un  tableau,  des  tableaux;  et  on  est 
amateur  de  tableaux.  Amateur  suppose,  outre  le 
goût  pour  une  classe  de  choses ,  les  connaissances 
et  les  lumières  nécessaires  pour  distinguer  celles 
qui  mérilent  la  préférence,  ce  que  ne  suppose  pas 
le  verbe  aimer. 

Ambassadrice.  Subsl.  f.  11  se  dit  de  la  femme 
d'un  ambassadeur  ;  mais  il  se  dirait  bien  mieux 
d'une  dame  que  l'on  aurait  chargée  d'une 
ambassade,  comme  cela  est  arrive.  —  Ambassa- 
drice se  dit  familièrement  d'une  personne  du 
«exe,  cliargée  de  traiter  quelque  affaire  entre  par- 
ticuliers. 

Ambiant,  Ambiante.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
•in  subsl. 

Ambidextre.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
^et  qu'après  son  subsl. 

A.MBiGu,  Ambiguë.  Adj.  Terme  de  grammaire. 
On  appelle  terme  ambigu  un  terme  qui  présente 
à  l'espril  deux  sens  différents.  Les  réponses  des 
anciens  oracles  étaient  toujours  ambiguës,  et  c'é- 
tait dans  celle  ambiguïté  que  l'oracle  trouvait  à 
se  défendre  contre  les  plaintes  des  malheureux 
qui  l'avaient  consulté,  lorsque  l'événement  n'a- 
vait pas  répondu  à  ce  que  l'oracle  avait  fait  espé- 
rer selon  l'un  des  deux  sens.  (Dumarsais.)  Cet 
adj.  se  Hiet  toujours  après  son  subsl. 

Ambiglïté  Subsl.  f.  f/et  i  font  deux  syllabes. 
Défaut  d'un  terme  qui  présente  des  sens  diffé- 
rents. 11  y  a  aussi  de  l'ambiguïté  dans  les  phrases 
qui  offrent  plusieurs  sens.  Voyez  Equivoque, 
Louche. 

Ambigcment.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  //  m'a  répondu  ambiguvient,  et  non  pas, 
il  m'a  ambigument  répandu. 

Ambitieusement.  Adv.  On  le  met  ordinairement 
entre  l'auxiliaire  cl  le  participe.  Il  a  ambitieuse- 
ment recherché  celle  place. 

Ambitieux,  Ambitieuse.  Adj.  L'Académie  dit 
ttyle  ambitieux,  ornements  ambitieux.  Aujour- 
d'hui on  ne  se  conlenle  pas  de  dire  uji  slyle  ambi- 
tieux, et  des  ornements  ambitieux,  on  dit  une 
phrase  ambitieuse,  une  expression  ambitieuse. 
Un  homme  ambitieux  est  un  homme  (]ui  a  de 
rambilion  ;  un  projet  ambitieux,  un  |)rojet  en- 
fanté par  l'ambition  ;  des  prétentions  ambitieuses, 
des  prétentions  pleines  d'ambition.  Mais  une  ex- 


AME 

pression  ambitieuse,  une  phrase  ambitieuse,  un 
style  ambitieux,  qu'est-ce  que  c'est?  Une  ex- 
pression affectée  ;  mais  il  y  a  trop  loin  de  l'am- 
bition à  une  épillicte,  ou  à  une  tournure  de 
phrase,  p»ur  qu'on  puisse  dire  raisounableineiil, 
une  expression  ambitieuse,  une  phrase  ambi- 
tieuse. Quoique  celte  expressicii  soit  assez  génc- 
ralemenl  adoi)lée,  nous  osons  la  blâmer.  —  «  On 
esl  convenu  d'appliquer  au  slyleles  qualités  ou  les 
défauts  de  riiomine,  parceqiie  le  slyle  esl  l'homme 
même,  comme  dit  Buffon.  Il  n'y  a  pas  plus  loin 
de  l'ambition  à  une  épilhéle,  que  de  la  noblesse, 
de  la  prétention,  de  la  simplicilé,  etc.  Pourquoi 
donc  blâmer  celle  autre  locution  adoptée  par  l'u- 
sage, quand  elle  est  expressive  et  juste?  <>  (Le- 
inaire,  Grammaire  des  Grammaires,  p.  275.) 

Autrefois  ambitieux  se  mettait  avec  un  régime. 
Boileau  a  dit  ambitieux  de  gloire.  Aujourd'hui 
on  l'emploie  toujours  absolument.  Cet  adj.  peut 
cire  mis  avant  son  subsl.,  quand  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent:  Des  projets  ambitieux, 
d'ambitieux  projets. 

Ambition.  Subst.  f.  Ce  mot  ne  régit  pas  les 
noms,  on  ne  dit  pas  l'ambition  de  la  gloire  ;  mais 
il  régit  les  verbes,  et  l'on  dit  l'ambition  d'acqué- 
rir de  la  gloire. 

Ambulant,  Ambulante.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.:  Un  commerce  ambulant. 

Ambulatoire.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst. 

Ame.  Subst.  f.  En  terme  de  littérature  et  de 
beaux-arls,  il  se  dit  de  tout  ce  qui  marque  la  vi- 
vacité, la  chaleur,  l'énergie  du  sentiment.  Don- 
7ier  de  l'âme  à  un  ouvrage,  c'est  y  mettre  du  feu, 
de  la  vivacité,  de  l'action,  ^■oyez,  i)our  l'accen- 
tuation de  ce  mot,  l'article  Accent. 

Aménager.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  avoir  la  prononciation  du  j,  et 
pour  la  lui  conserver,  lorsqu'il  est  suivi  d'un  a  ou 
d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a  ou  cet  o: 
J'aménageais,  j'aménageai  ;  et  non  \}^sj'aména- 
gais,  faménagai. 

Amendable.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
amandable  II  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Cas 
amendables. 

Amende,  Amendement,  Amender.  Dans  ces  trois 
mots,  men  se  prononce  comme  man. 

Aménité.  Subst.  f.  L'Académie  définit  ce  mol, 
ce  qui  fait  qu'une  chose  est  agréable.  Celle  défi- 
nition est  mauvaise,  car  Vaménilé  ne  se  dit 
point  des  choses,  si  ce  n'est  des  mœurs  et  du 
slyle,  du  caractère  et  du  langage,  ^'ous  n'avons 
encore  adopté  ce  mut  tiré  du  latin  que  dans  le 
sens  figuré.  Marmonlcl  dit  de  l'aménité:  C'est 
dans  le  caractère,  dans  les  mœurs  ou  dans  le  lan- 
gage, une  douceur  accompagnée  de  politesse  et 
de  grâce.  Aménité,  continue  cel  auteur,  se  dit 
aussi  du  style  d'un  écrivain,  et  cette  (pialité  con- 
vient particulièrement  au  familier  noble,  et  aux 
ouvrages  de  senlimenl. 

Si  cette  définition  et  celle  explication  sont  jus- 
tes, je  ne  crois  pas  qu'on  f)uisse  dire,  comme  le 
Dictionnaire  de  l' Académie ,  Vaménilé  d'un  lieu, 
l'aménité  de  l'air;  ni  en  adoptant  sa  définition, 
l'aménité  d'un  appartement,  l'aménité  d'une 
place. 

Amek,  Amicre.  Adj.  Le  r  final  se  prononce.  Il 
se  met  avant  ou  après  son  subst.,  suivant  les  cir- 
constances :  Des  regrets  amers.  D'amers  regrets- 
Voyez  Adjectif. 

Dans  les  champi  d'Amphitrile  et  des  ondes  amèreê. 
(Gbbsbet,  Egl.  X,  9.) 


AMO 

Là,  dormant  sur  les  rocs,  nourris  d"aniers  feuilla|;es. 
(Dellile,  Géorg.  Ill,  266.) 

Amèrement.  Adv.  On  peut  lo  mcllrc  cn(rc 
l'auxiliaire  cl  le  |);irtiei|)C  :  Ils'est  plaint  amère- 
ment, ou  il  s'est  amèrement  plaint  des  procédés 
que  l'on  a  eus  envers  lui. 

Amehtume.  Subsl.  r.  Au  propre  il  n'a  point  de 
pluriel:  L'amertume  de  la  coloquinte.  Au  ligure 
il  en  a  un  ;  Les  amertumes  de  la  vie. 

Ajii.  Sulist.  ni.  Il  régil  de  avanl  les  noms  de 
choses  et  de  licrsunncs:  C'est  l'ami  lic  mon  oncle, 
il  est  ami  tic  la  gloire.  Un  ami  de  cœur,  un 
ami  de  colltge. 

Voltaire  a  tlit  ;  Celte  petite  persécution  Un  at- 
tira une  foule  d'amis.  Amis,  dans  celle  piirase, 
agniliedcs  partisans,  des  iiersoniics  qui  s'iiilcrcs- 
senlà  lui,  ipii  sont  iJisposi'cs  à  le  dijreiidre. 

Ami,  Amie.  AiIJ.  U  s'emploie  surtout  en  potîsie, 
et  dans  le  style  cicvtj,  cl  se  mcl  aprtjs  son  subsl.  : 
Les  des  lins  amis. 

Clarcrel,  avec  qui  il  était  ami,  avait  été  celui 
gui  avait  fuit  courir  (ctlc  pièce.  f\'ullaire.) 

Connue  ce  nom  est  une  i^'raiidc  aulorilt",  à  forl 
juste  titre,  et  ipie  peu  de  personnes  ont  écrit  plus 
purement  t]iic  l'auteur  de  celle  phrase,  il  n'est  pas 
inutile  de  dire  aux  jeinies  gens  et  aux  c'tranirors 
qu'elle  est  cxtrtjtnemeiil  mauvaise,  et  qu'on  n'est 
pas  ami  avec  tiuchiu'un.  (Ch.  iSodicr,  Examen 
critique  des  Dict.) 

Amiable.  Adj.  des  deux  genres.  Un  accueil 
amiable,  des  paroles  amiables.  On  le  met  avant 
son  sub^t.  diuis  amiable  compositeur. 

Amiabi.emi;nt.  Adv.  11  ne  se  iiiel  qu'après  le 
verbe:  Je  lui  ai  parlé  amiablement. 

Amical,  Amicale.  Adj.  Qui  part  de  l'amitit}.  11 
ne  se  dit  point  des  personnes.  On  ne  dit  pas  un 
homme  amical;  mais  un  dit  un  accueil  amical,  des 
vrolestatioiis  amicales.  Ce  mot  n'a  point  île  plu- 
riel au  masculin. 

AM1CALEME^T.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'après 
le  verbe  :  Je  lui  ai  parlé  amicalement,  cl  non  pas 
je  lui  ai  amicalement  parlé. 

Amict.  Subsl.  m.  On  prononce  awi. 

Amitié.  Subsl.  f.  Faire  amitié  à  quelqu'un, 
c'est  lui  tcinoigncr  de  l'affeclion,  delà  bienveil- 
lance. On  ilil,  faire  des  amitiés  à  queVfu'un, 
pour,  lui  faire  accueil,  avoir  pour  lui  des  prtjve- 
nances, lui  (lire des  paiolcs  obligeantes  et  (]uj  mar- 
quent de  l'affection.  Faire  amitié  'd\ec  quelqu'un, 
c'est  se  lieravcc  lui  par  le  sentiment  de  raiiiitic. 
— Faites-moi  l'amitié  de...  sh^nWlc  faite  s- 7noi  le 
plaisir  de...  ,-Jmitié,  dans  le  sens  de  sentiment  du 
cœur,  n'a  point  de  |ihiriei.  On  fait  des  amitiés  à 
quelqu'un,  mais  on  ci  de  l'amitié  pi  vr  lui,  et  on 
napas  des  amitiés  pour  lui.  Cependant,  en  par- 
lant d'unions  cxiraordiiiaires,  telles  ipi'on  les  ra- 
conte d'Orcsle  cl  de  Pyladccl  de  quelipics  outres, 
je  crois  ipi'on  pourrait  dire  ces  amitiés-là  sont 
rares.  Mais  alors  le  mol  a/rtiitesignilie  plutôt  l'u- 
nion de  deux  amis,  que  le  sentiment  auquel  on 
donne  ce  nom . 

Amnistie.  Subsl.  f.  On  prononce  le  -m  et  le  s. 
Pardon  accordé  à  des  rebelles  ou  à  des  déser- 
teurs. Publier  une  amnistie. 

Amoindriiî.  A',  a.  de  la  2''conj.  Ilest  peu  usité. 
On  dit  diminuer. 

Amollir.  V.  o.  de  13  2"  conj.  Selon  l'Académie, 
ce  mot  ne  signifie  autre  chose  au  ligure,  que  ren- 
dre mou  el  elfcminé.  Gardons-nous  d'adopter  cette 
définition.  Amollir  au  figuré  signifie  aussi  rendre 
plus  doux,  plus  humain,  moins  dur,  moins  féroce  ; 


AMO 


»7 


Ainsi  quelquefois  encore  la  ccrix  de  la  natnrt 
amollit  nos  cœurs  farouches.  (J.-J.  Uousseau.) 

Amoncelkr.  V.  a.  de  la  l-cunj.  On  iloiible  la 
lettre  l  dans  les  temps  de  ce  verbe  ou  celle  lettre 
est  suivie  d'tui  e  imiet:  J'amoncelle,  j'umnnceUe- 
rai,  il  iimonccllera,  il  amoncellerait  ;  on  ne  nicl 
qu'un  l  lorstpie  celle  lettre  est  suivie  de  toute  au- 
tre lettre  qu'un  cmuct:  J'amoncelais,  j'ai  amon- 
celé, ils  amoncelèrent. 

Amorckr.  V.  a.  de  la  d'"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  c  a  la  prononciation  de  se,  et  pour  la  lui  con- 
server à  tous  les  temps  et  à  lotîtes  les  personnes, 
il  faut  mcllre  une  cédille  dessous  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi  on  écrit 
7i(ws  amorçons,  j'amorçais,  j'amorçai,  cl  non  pas 
710US  amorcori.i,  etc 

Amocr.  Subsl.  Ce  mot  est  masculin  au  singu- 
lier tpiand  il  signifie  le  sentiiuciit  par  lequel  le 
ctLMir  est  attaché  à  un  objel  :  Amour  paternel, 
amour  filial,  amour  conjui/iil  11  clait  aulrcfois  fé- 
minin au  singulier,  et  plusieurs  bons  auteurs  du 
siècle  dernier  et  de  ce  siècle  lui  ont  donne  ce 
genre.  Les  poètes  surtout  n'ont  suivi  sur  je  iwint 
aucune  résic  certaine;  cl,  n  l'exception  de  l'a- 
mourde  Dieu,  qui  s'est  conservé  masculin,  toutes 
les  autres  espèces  d'amour  ont  pris  au  singulier, 
tantôt  un  genre,  tantôt  un  autre. 

On  lit  dans  Voltaire  : 

Renferme  cette  amour  et  si  sainte  et  si  pure. 

{Orcst.,  acl.  IV,  se.  I,  25.) 

Je  crus  tes  dieuT,  seigneur,  et,  saintement  cruelle, 
J'éloulTai  pour  mon  fils  mon  amonr  maternelle. 

{OEd.,  acl.  IV,  se.  I,  93.) 

Si  d'une  égale  amour  votre  cœur  est  cpri<. 

[Zaïre,  acl.  I,  «c.  il,  b5.) 

Dans  tous  ces  vers,  A'ollairc  fait  omo«r  féminin. 
En  voici  d'autres  où  il  le  fait  masculin  : 

Cet  amour  malheureux  n'eut  de  témoin  que  moi. 
(OEd.,  acl.  m,  se.  I,  22.) 

Et  l'amour  n'est  puissant  que  par  notra  faiblesse. 
[Brut.,  acl.  II,  se.  l,  88.) 

Cerl.iin  de  ma  faililesse,  il  retourne  h  sa  cour. 
Insulter  aux  projets  d'un  téméraire  amour. 

(Brut.,  act.  11,  se.  m,  7.) 

En  vain  de  cet  amour  l'impérieuse  voiv. 

(OEd.,  act.  IV, se.  I,  95.) 

Ne  crois  pas  que  mon  cœur 
De  cet  amour  funeste  ait  pu  nourrir  Pardeur. 

(OEd.,  act.  Il,  se.  il,  16.) 

Racine  a  dit  aussi  au  masculin  : 

J'ai  fait  l'indigne  aveu  d'un  amour  qui  l'oulraje. 
[Phéd.,  act.  III,  se.  m,  9.) 

Poiil-êlrc  le  récit  d'un  amour  si  sauv.ige. 

(Phcd.,  acl.  II,  se.  II,  90.) 

D'un  amour  éleriie^ 
Nous  irons  confirmer  le  serment  solennel. 

[Phéd.,  acl.  V,  se.  I,  71.) 

Après  que  le  transport  d'un  amour  plein  d'horreur» 
Jusqu'au  lit  de  Ion  père  a  porlù  les  fureurs. 

[l'héd.,  acl.  IV,  se.  Il,  15.) 

Surtout  si  vous  m'aime?.,  par  cet  Amour  de  mère. 

[Iphig.,  acl.  V,  se.  m,  57.) 


58  AMP 

Et  il  a  dit  aussi  au  féminin  : 

El  soudain,  renonçaml  à  l'ainour  maternelle. 

(Phéd..  acl.  V,  se.  V,  15.) 

Four  parvenir  an  but  de  ses  noir»  amours. 

[PMd.,  acl.  IV,  se.  I,  7.) 

Il  est  inutile  do  multiplier  los  exemples;  on  en 
trouve  de  seiiiblablos  dans  presque  tous  les  autres 
poètes. 

Les  L'rammairiens  veulent  qu'au  pluriel  amours 
ne  s'eiiipli>ie  (|u'.iu  féuiiniii.  les  pucU's  ont  un 
peu  plus  l'cspecié  celle  règle  que  la  procodente. 
Cependant  Molière  a  dit  [Fer/nues  savanlcs, 
acl.  IV,  se.  n,  85)  : 

. . .  Ces  amours  pour  moi  sont  trop  subtilises. 

Et  Vollairc  [OEd.,  act.  II,  se.  u,  30)  : 

r  fallut  outiller  dans  ses  embrassemenls. 

Et  mes  premier»  amours  et  mes  premiers  serments. 

Mais  laissons  les  poètes  violer  les  rOigles  qui  les 
gênent  ;  cl  si  nous  voulons  écrire  l'.ureinciit  en 
prose,  imilons  les  bons  auteurs  en  ce  L'cnre,  qui 
font  loujoiM-s  amour  masculin  au  singulier,  cl  fé- 
minin au  pluriel.  I.a  raison  de  ccûe  excepijon 
pour  le  pluriel  vient  sans  doute  de  la  nocessilé 
de  distinguer  les  amours  prises  pour  les  senti- 
menls  qui  réunissent  les  deux  sexes,  des  auiours 
personniliés.  En  elTet,  sans  celle  règle,  il  faudrait 
dire  également,  en  parlant  des  uns'et  des  autres, 
de  beaux  amours,  do  laids  amours,  ce  qui  ne  dis- 
tinguerait pas  assez  les  deux  idées,  et  lornieiait 
souven.  équivcMpie.  Disons  donc  en  pariant  des 
sentimenls  de  l'amour,  do  balles  amours,  de  Ini- 
des amours,  et  disons  de  beaux  amours,  de  laids 
amours,  en  parlant  de  ces  petits  dieux  ipie  h  my- 
thologie nous  peint  si  jolis,  et  que  les  mauv.iis 
peintres  nous  repiésenlent  si  laids. —  u  Cette  rai- 
son nous  paraît  peu  plausible,  car  il  y  a  aussi  au 
singulier  Icdieu  Amour.  El  d'ailleurs  nos  huiis  au- 
teurs, même  en  prose,  ont  enqiloyé  le  masculin 
au  pliM'iel  H  faut  donc  rcconnaiti'e  (pie  cel  em- 
ploi est  arbitraire,  c'esl-à-dirc  livre  au  eoi'it,  au 
lad,  a  la  sensibilité  de  l'écrivain,  (]i:i,  scbtn  les 
circonstances  et  l'inspiration  du  taleiil,  preri'rer.i 
l'un  ou  l'autre  genre.  «  (Lemaire,  Grammaire  des 
Graviiiiuires,  \i.  US.) 

AMocr.i.LSK.MKNT.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Soupirer  amoureusement,  regarder  amou- 
reusement. 

A.MOLi!K(ix,  Amoupel'se.  Adj.  On  dit  sans  ré- 
gime, être  amoureux,  et  a\ec  un  régime,  être 
amoureux  d'wr  personne,  cire  amoureux  d'une 
chose.  H  peut  se  mettre  avant  son  subsl.:  Trans- 
ports umourcii.r,  uvioui-eux  tru nsports .  Cepen- 
dant on  ne  dirait  pas  un  amoureux  liomme,  une 
amourcu.se  femme.  A'oyez-en  la  raison  au  mot 
Adjcrlif. 

.\MoviBLF..  Adj  des  deux  genres,  qui  suit  tou- 
jouis  son  subst.  :  Un  emploi  amovible,  une  place 
amorible. 

AiirniBiE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'apiésson  snbst.  :   Un  animal  umpliihie. 

Ami- oi.ociK.  Subsl.  f.  On  dit  ipi'il  y  a  am- 
phibologie d:ms  une  phrase,  lorsiprclle  est  sus- 
ceptible de  deux  inierprélalions  dillerentes;  et 
cela  vent  dire  tiu'elle  est  é()uivo(|ne,  ambiguë. 

L'amphibologie  vient  de  la  tournure  de  la 
phrase,  c'est-a-dire,  de  l'arrangement  des  mots, 


.\MP 

plutôt  que  de  ce  que  les  termes  sont  équivoques. 

Quoiipie  la  langue  rnineaise  s'('iionce  commu- 
nément dans  un  ordre  (pii  semble  picvonir  toute 
am|)hibologie,  eependanl  nous  n'en  avons  que 
troj)  d'exemfiies.  Olui  (jui  compose  une  phrase 
amjiliibologiiinc  s'cnlcntl,  el  par  cela  seul  ilcroil 
qu'il  sera  cniondii;  mais  celui  qui  lit  n'est  pas 
dans  la  même  disposition  d'esprit,  l!  faut  que 
l'arrangement  des  mots  le  forcea  ne  pouvoir  don- 
ner à  la  phrase  que  lesensi|uc  celui  qui  a  écrit  a 
voulu  lui  faire  entendre  On  ne  s.iiiraii  trop  ré- 
|Ȏler  aux  jeunes  gens,  (pi'on  ne  doit  parler  et 
écrire  que  |iuur  être  enlentlu,  et  ipic  l:i  clarté  est 
la  première  el  la  jibis  essentielle  iiualitc  du  dis- 
cours. (l)umarsais.) 

Les  ainpliiliologies  sont  orcasionnécs  par  les 
pronoms  il,  elle,  lui,  eu.r,  elles,  leurs,  le,  la; 
|)ar  lesailjeclifs  possessifs  son,  sa,  ses.  et  par  des 
noms  (jui  ne  sont  pas  dans  la  place  ipic  marque 
la  liî'ison  des  idées. 

Les  pronoms  il,  clic,  etc.,  peuvent  donner 
lieu  a  des  ampliib  logics ,  parce  que  les  objets 
(ju'ils  ex|)riment  étant  de  l;i  troisième  per- 
sonne, dès  qu'il  y  a  dans  le  discours  plusieurs 
noms  du  mémo  genre  el  du  même  nomlire,  on  ne 
s;iil  souvent  auquel  doivent  se  npptjrier  ces  pro- 
noms. Excmphï  :  Sumucl  offrit  .ion  fi'lncausle  à 
Dieu,  et  il  lui  fut  si  agréable,  qu'il  Imiça  au 
mêiiie  moment  de  grands  tonnerres  contre  les 
J'iiitistins.  Le  ra|)i)orl  de  ces  |ironoms  n'est  pas 
sensible.  L-ii  peut  se  rapporter  également  à  Sa- 
uuiel  ou  à  Dieu.  On  aurait  pu  dire  :  Samuel  of- 
frit son  holucausle,  et  Dieu  le  trouva  si  agréor 
ble,  qu'il,  etc. 

le  principe  de  la  plus  grande  liaison  des  idées 
apprendra  comment  on  ])put  éviter  ces  défauts.  Il 
sul'lira  de  faire  des  observations  sur  (pielques 
exemples.  Dans  le  roi  fit  venir  le  maréchal,  il 
lui  dit,  il  est  évidemment  le  roi,  et  lui  le  maré- 
chnl.  Or,  il  l'aiit  remanpier  que,  dims  la  seconde 
pro])()silion,  les  in-unoms  suivent  l;i  même  subor- 
dination qui  existe  entre  les  noms  de  la  pre- 
mière. y?^/j  étant  le  premier  sunsianlif  dans  la 
|iieiniéic  proposition,  z/,  qui  est  le  premier  pro- 
nom de  la  seconde,  doit  se  rapiiorler  a  nd  ;  ma- 
réchal étant  le  sc'cond  subslantil'  de  la  iiremicre 
jiroposiliuii,  lui,  ijui  esl  h;  second  pronom  de  la 
seccnulc  proposition,  doit  se  raiipoiler  a  maré- 
chal. La  régie  est  donc,  en  pareil  cas,  de  conser- 
ver dans  la  seconde  |iroposiiion  l.i  snboi-dination 
(pli  esl  dans  ia  piemièie.  Multiplions  les  noms  el 
les  pronoms,  el  nous  verrons  ce  prmcipc  se  con- 
lirnier. 

Le  comte  dit  an  mi  que  le  maréchal  voulait 
attaquer  l'ennemi,  et  il  l'assura  qu'il  le  force- 
rail  dans  .ses  rctrunche/iienls.  Il  n'y  n  point  d'é- 
(piivoipie  dans  celle  iiériode,  (juoitpie  le  premier 
mend)re  renferme  quatre  noms.  La  suiior.linatioD 
esl  exacte,  ii.irce  «pie  les  |iroi:oms  d'iui<;  proposi- 
tion se  rappoitenl  aux  nomsd'tuie  pro|)osjlion  de 
même  genre;  cai- le  rapport  se  lait  de  la  |)rinci- 
palc  à  la  princip;ile,  el  de  la  subordonnée  a  la  su- 
bordonnée. //  l'assura  c-l  la  principiile  du  se- 
cond membi'c,  el  les  i)ronoms  se  i  apportent  à  la 
princi[ialc  du  premier,  il  à  comte,  le  a  roi.  De 
même  qu'il  le  forcerait  esl  la  subordomiée  du 
second  membre,  el  les  jdonoms  se  rapportent  à  la 
subordonnée  du  iiremicr;  il  timarèchal,  le  t  en- 
nemi. 

Mais  toutes  les  périodes  n'ont  pas  celte  symé- 
trie; car  un  des  membres  prnl  avoir  deux  pro- 
positions, tandis  que  l'autre  n'en  a  ipi'une.  Dans 
le  maréchal  rit  que  l'ennemi  voulait  nous  atta- 


AMP 

qtur ,  il  le  prvrint ,  la  subordination  marque 
•ncorc  sciisildcmi'iil  lo  i-np|)ort  ; /e  est  \\q\\v  l'en- 
vemi,  |i;ii((<  i|iic  rc  iimt  a|i|iai'lient  à  la  phrase  su- 
borduiiiitT;  U  est  [luiir  le  marcclial,  qui  est  le  su- 
jet de  il  idiiasc  iirincipale. 

Ainsi,  rcL-JL'  ircnrralc,  toutes  les  fois  que  Jans 
te  preiiiiiT  niciiituc  d'une  période,  il  y  a  des 
noms  ^uliordi'inirs,  les  [jrunoins  doivent  suivre 
dans  le  >oiund  le  mémo  oi'die  de  suboi-dinaiidu. 
Dans  tout  .iiilie  e;is,  la  reirlc  sera  de  rapporter  le 
pronom  suiiordomie  au  |iremier  nom  qui  sera 
offert  dans  le  diseours  :  Le  comte  ('lait  à  quel- 
ques lù'in's  ;  le  tniirèchiil  djiprit  qxie  l'ciiiieini 
voulait  l'uttiiqiicr ;  e'esl-a-dircr,  voulait  aitaipier 
le  comte.  ^-J  /n'iue  (irait-on  cmifié  cette  plitce  au 
comte,  que  le  iniirei  iuil  opprit  que  l'ennemi  vou- 
lait l'attaque  r  ;  c'esi-.i-diro,  altaiiucr  eetie  plaee. 
Or,  puisipiodaiis  le  premier  excnq)lc  le  prunom 
se  rapivorle  a  a. mie,  et  a  cette  place  d;ms  le  se- 
cond, il  se  rapporte  tlone,  en  pareil  cas,  au  nom 
qui  a  été  enoneé  le  premier.  Par  conséipient,  il 
se  rapporterait  à  maréchal  si  le  diseuurs  com- 
mençait Jiar  celle  piirasc  :  le  maréchal  apprit  que 
Venneii'i  rotiln il  l'attaquer.  Aï\\?,\,  lorsipi  il  n'y  a 
pas  de  snlKjrdiii.itidU  de  noms,  le  j>ronum  sul)«r- 
donné  tient  toujours  la  place  du  nom  qui  a  été 
énonce  le  premier 

Je  dis  le  pronom  subordonné;  car  lorsqu'un 
pronom  est  le  sujet  d'une  [iroposiiion,  il  se  rap- 
porte toujours  au  derniei' nom  :  Le  comte  était 
à  quelques  lieues,  le  maréciial  dit  qu'il  voulait 
\% joindre.  Il,  sujet  delà  pro|n)silior.,  est  visible- 
ment poiu'  le  maréciial,  connne  le,  pronom  sul)- 
ordonné,  est  pour  le  comte.  Ce  soldat  croit  qu'W 
est  l'homme  que  vous  demandez,  isi  une  phrase 
correele  dans  le  casoù  le  soldat  parlerait  de  lui- 
même.  Dans  lout  autrs  cas  il  faudrait  dire,  cm< 
que  c'est  l'homme  que  vous  demandes. 

Il  suit  de  lout  ec  (]u'un  vient  de  dire  que,  dans 
une  sniie  l'c  proposiiions,  le  pronom  ne  peut  se 
rapportera  un  même  n(/m,  qu'autant  (juil  est 
toujours  dans  la  même  subordination.  On  s'expri- 
mera claircmeni  en  disant  :  Loutre  ami  a  rencon- 
tré l'homme  qui  s'est  fait  cette  a //litre  ;  il  lui  a 
dit  qu'il  tenait  de  hnnne  part  qu'on  menaçait  de 
Varréter,  et  qu'il  avait  méiue  ouï  dire  qu'on  le 
traiterait  en  criminel  d'Etat.  Il  est  priwr  votre 
ami,  connue  le  est  pour  Vhomme  qui  s'est  fait 
cette  a//'airc;  et  la  subordination  est  Irés-bien 
observc'C.  Si  l'on  deiiui>ait  cette  suboi'dination, 
le  discours  serait  lout  a  l'ait  louche,  l'^otre  ami  a 
rencontré  l'homme  qui  s'eut  fait  celle  a//'nire  ;  il 
lui  a  dit  qu'\\  tenait  de  bonne  part  qu'\\  était 
menacé  d'être  arrêté,  et  qu'W  avait  même  ouï 
dire  qu'il  serait  traité  en  criminel  d'Etat.  Le 
rapport  de  tous  ces  il  n'est  plus  sensible,  et  le 
lecteur  est  obliui-  de  deviner  quels  sont  ceux(]ui 
tiennent  la  plaïc  de  votre  ami,  cl  ceux  (]ui  tien- 
nent celle  de  l'homme  qui  s'est  fait  cette  a/faire. 

On  se  sert  aussi  du  genre  cl  du  noudue  pour 
inarquer  le  rapinnl  des  pronoms,  mais  il  ne  faut 
pas,  pour  cela,  nét:li:-'cr  la  subordination  des 
idées  :  Paris  était  renfermé  dans  une  île;  il 
ne  s'étendait  pus  au  delà  de  la  Cité.  Il  signifie 
Paris,  et  celte  consiruciion  est  correcte,  parce 
que  le  rapport  est  tout  à  la  fois  rendu  sensible 
par  le  gcmc  et  par  la  subordination  ;  car  il  est 
sujet  de  la  seconde  proposition,  comme  Paris 
l'est  de  la  prcmiéie.  Si  l'on  disait.  Pans  était 
renfermé  dans  une  île;  elle...  le  genre  parait 
rapporter  le  (iionoin  elle  à  ilc;  mais  cette  con- 
struction clioiiuerail  la  subordination  des  idées. 
Ainsi,  lorsque  l'abbé  de  Vertot  dit  [Révolutions 


AMP 


!m 


romaines,  liv.  I,  t.  T,  p.  7^  :  Rome,  bâtie  sur  un 
fond  étrançjer,  n'amit qu'un  territoire  firt  borné; 
on  prétend  qu'il...  \:\  construelion  ne  sotirfrc 
poini  (fcqiiivn.pie,  [.arec  (pic  le  rapiKirt  du  pro- 
nom il  a  territoire  est  marqué  par  le  L'enre;  elle 
serait  meilleure  s'il  élail  encore  uiar.pH'  par  la 
subordination.  En  eiïei,  en  sultsiiiuant  Paris  à 
Rome,  il  ne  se  rapportciail  plus  a  territoire 
mais  à  Paris.  ' 

'J'ovt  ce  que  l'œil  peut  apercevoir,  dil  l'abbé 
Dubois,  .yp  trouve  dans  un  tableau  comme  dans 
la  nature;  elle...  I.e  genre  du  pronom  ne  per- 
met ici  aucune  méprise.  Mais  si  a  1'(cj7  on  substi- 
tuait la  vue,  la  phrase  deviendrail  eipiivoqiie. 
Cel  écrivain  n'a  donc  pas  suivi  la  suboidinalion 
des  idées. 

Il  en  est  du  nombre  comme  du  genre;  il  ne 
doit  pas  dis|)cnser  de  se  conformer  aux  rètilcs 
que  nous  avons  données.  L^es  Romains  n'avaient 
qu'un  territoire  fort  borné ,  il.s  l'avaient  conquis, 
doit  Cire  [iréfcré  a  les  Romains  n'avaient  qu'un 
territoire  fort  borné,  il  avait  été  conquis  ;  car, 
dans  la  seconde  construelion  ,  le  nombre  seul 
force  à  rapporter  le  pronom  il  à  territoire.  L'or- 
dre des  idées  le  ferait,  au  coiuraire,  rapporter  au 
nom,  si  ce  nom  était  au  singulier.  Pour  !e  com- 
prendre, il  n'y  aurait  qu'a  dire  ;  Purii  n'avait 
qu'un  territoire  fort  borné,  il...  car  alors  le  pro- 
nom se  i-apporlerail  visiblement  à  Paris. 

Une  autre  suite  des  règles  que  nous  avons  ex- 
posées, c'est  qu'un  pronom  doit  nrcment  se  rap- 
porter à  un  nom  d'une  proposition  incidente; 
car  le  pro|iie  de  celte  espèce  de  imiposilion  est 
de  n'attirer  l'attention  ipi'eii  passant,  en  sorte 
que  l'espril  se  reporte  toujours  sur  un  des  noms 
(jui  la  précédent,  et  dont  il  est  préoccupé.  Des 
excmpli's  rendront  la  chose  sensible. 

'J'éiémaque,  quis'était  abandonne  trop promp- 
tement  ii  la  joie  d'être  si  bien  traité  par  Calijpso, 
reconnut  la  sagesse  des  con.ieils  que  Mentor  ve- 
nait de  LUI  donner.  (Fénel.,  Télém.,  liv.  I,  t.  I, 
p.  7(5.)  Calypso  a|tparlient  à  la  pro[)osition  inci- 
dente ;  par  consi-qucnt  l'espril  ne  s'y  arrête  pas,  et 
il  revient  à  Télémaque,  auquel  il  rap[)orte  le  pro- 
nom lui.  Cette  phrase  est  donc  bien  construite. 
Un  auteur  sérieux  n'est  pas  obligé  de  remplir 
son  esprit  de  toutes  les  ineptes  applications  que 
l'on  peut  faire  au  sujet  de  quelques  endroits  de 
ses  ourrages,  et  encore  moins  de  les  supprimer. 
[Des  Ouvrages  de  l'esprit,  p.  2. S.)  La  Bruyère 
l'ait  là  une  construelion  forcée,  eu  rapportant  le 
pronom  les  à  quelques  endroits;  car  si  le  sens  le 
pouvait  permeltrc,  on  le  rapporterait  à  ineptes 
applications. 

Cette  régie  que  le  pronom  se  rapporte  à  l'idée 
dont  i'e>prit  est  préoccupé,  a  donni-  lieu  à  des 
tours  éléga'.it-s.  Quand  le  peuple  hibreu  entra 
dans  la  terre  promise,  tout  y  célébra  leurs  an- 
cêtres. (Uossuct.)  Sescùi  été  plus  lie  avei-  peu- 
ple, leurs  l'est  plus  avec  l'idée  dont  l'esprit  est 
rempli;  et,  parcelle  raison,  il  a  di'i  être  |irefêré. 
Une  feîiiine  infidèle,  si  elle  est  connue  pour  telle 
de  la  personne  intéressée,  n'est  qu'une  infidèle; 
s'il  lu  croit  fidèle,  elle  est  perfide.  (La  liruyèrc. 
des  Ecmmes,  p.  2:3  ;  Il  <'Si  lurl  bien,  jiaice  (juc 
ce  n'est  pas  le  mot  personne  qui  reste  a  l'esprit, 
c'est  l'itlce  d  hnînme,  de  mari. 

Il  faut  remarquer  aussi  ipi'cn  s'écnrtant  de  la 
subordinnlion,  on  en  lie  quelipiefois  mieux  les 
idées.  On  dira  il  aime  cette  femme,  mais  elle  ne 
l'aime  pas;  plulôl  que  il  aime  cette  femme,  mais 
il  n'en  est  pus  aimé.  tC  renversement  a  bonne 
grâce  toutes  les  fois  que  les  membres  tlunc  pc« 


60 


AMP 


riode  expriment  des  idées  qui  sonl  en  opposition. 

Une  dcriiiprc  ohservalion  sur  ces  pronoms, 
c'est  qu'ils  ne  doivent  jam:iis  cire  employés  pour 
un  nom  (]ui  a  été  pris  vaguement,  (^omme  ilssunt 
originaiicment  dans  la  classe  de  ces  adjeclifs  (|ue 
nous  avons  nummés  articles,  ils  doivent  toujours 
se  rappurlcr  à  des  noms  déterminés.  Ne  dites 
donc  pas  avec  La  Bruyère  :  Tout  est  illusion 
quand  il  passe  par  Viina(]ination;  ni  ceux  qui 
écfircnt  par  humeur  sont  sujets  à  retiucher 
leurs  ouvrages;  comme  elle  n'est  pas  toujours 
fixe...  (Des  Ouvrages  de  l'esprit,  p.  257.)  //  ne 
peut  se  rapporter  à  tout,  ni  elle  à  humeur. 

Les  adjeclifs  son,  sa,  ses,  leur,  ne  sont  pas 
propres  à  marquer  exactement  les  rapports,  et  il 
faut  de  Padrosse  pour  y  suppléer,  f^alère  alla 
chez  Lt'andrc,  il  y  trouva  son  fils.  11  y  a  ici  une 
équivoi|uc  qui  devrait  être  Icvce  par  ce  qui  pré- 
cède ;  elle  serait  levée  trop  tard,  si  le  lecteur  était 
obligé  de  lire  ce  qui  suit  :  On  uvaitassuréà  fra- 
iera que  son  fils  avait  péri  clans  vu  naufrage; 
cependant  il  veut  en  douter  :  ilpurcourt  les  ports 
de  mer,  dans  l'espérance  d'en  apprendre  quel- 
ques nouvelles;  et,  arrivé  à  Marseille,  il  des- 
cend chez  Léandrc  :  jugez,  de  son  ravissement, 
il  y  trouve  son  fils.  C'est  visiblement  le  ravisse- 
ment et  le  fils  de  Valère.  (Condillac,  Art  d'écrire, 
chap.  XI.)  Voyez  Louche. 

Amphibologiqde.  Adj.  des  deux  genres.  Qui 
contient  une  amphibologie.  Cet  adjTsuit  ordi- 
nairement son  subst.  :  Discours  amphibologique, 
phrase  amphibologique. 

.Amphibologiqcement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'a- 
I)rès  le  verbe  :  Il  a  parlé  amphibulogiquement,  et 
non  pas  il  a  amphibulogiquement  parlé. 

A.MPHIG0UHI.  Subst.  m.  Discours  sans  ordre, 
sans  suite,  sans  liaison,  et  qui  ne  présente  aucun 
sens  raisoimiible. 

AjiPHiGouRiQCE.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  dit 
en  littérature  d'un  style  obscur,  entortillé,  pré- 
cieux, où  il  entre  du  galimatias,  des  prétentions 
et  de  raffélcric.  Il  se  met  ordinairement  après 
son  subst. 

*  Amphioodriquement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près le  verbe  :  H  s'est  expliqué  amphigourique- 
ment. 

Ample.  Aùj.  des  deux  genres.  11  précède  ordi- 
nairement son  subst.,  surtout  quand  il  est  em- 
ployé seul  :  Ample  repas ,  ample  récit ,  ample 
matière;  un  manteau  très-ample ,  un  recueil 
fort  ample. 

Amplkmf.nt.  Adj.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe.  Il  s'est  expliqué  am- 
plement, ou  il  s'est  amplement  expliqué.^ 

Ampliatif,  Ampli ative.  Adj.  il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Bref  ampliatif.  Bulle  amplia- 
tive. 

Amplificateur.  Subst.  m.  Qui  amplifie,  qui 
fait  des  amplifications.  11  se  prend  toujours  en 
mauvaise  part.  On  ne  dit  pas  amplificatrice.  Les 
dames  amplifient  assez  souvent,  mais  c'est  pour 
l'intcrêl  de  leurs  passions.  Filles  ne  s'imposent 
pas  de  sang-froid,  comme  certains  hommes,  la  lâ- 
che de  bavarder  des  heures  entières  sur  des  ma- 
tières qu'on  peut  éclaircir  par  une  suite  de  rai- 
sonnements simples,  et  d'éiouffer  la  vérité  sous 
un  amas  de  paroles  sonores.  Celte  manie  d'ampli- 
fier, que  1  on  remarque  encore  quehjuefois  au 
barreau,  est  un  reste  de  barbarie  cpii  disparaîtra 
comme  les  autres  devant  les  lumières  du  siècle. 

Amplification.  Subst.  f.  On  prétend,  dit  Vol- 
taire, que  c'est  une  belle  figure  de  rhétorique  ; 
peut-être  aurait-on  plus  de  raison  si  on  l'appe- 


AMP 

lait  un  défaut.  Quand  on  dit  tout  ce  qu'on  doit 
dire,  on  n'amplifie  pas  ;  et  (juand  on  l'a  dit,  si  on 
amplifie,  on  dit  irop. 

J'ai  vu  auircfois  dans  les  collèges  donner  des 
prix  d'amplification.  Celait  réellement  enseigner 
l'art  d'cire  diffus.  Il  eût  mieux  valu  pcut-^lre 
donner  des  prix  à  celui  qui  aurait  resserré  ses 
pensées,  et  qui  par  la  aurait  appris  à  i)arleravec 
plus  d'énergie  et  de  force.  Mais,  en  évitant  l'am- 
plification, craignez  la  sécheresse. 

J'ai  entendu  des  professeurs  enseigner  que 
certains  morceaux  de  Virgile  sont  une  amplifica- 
tion, par  exemple  celui  dont  voici  la  traduction 
{f^.  523  et  suiv.  du  If^'  liv.  de  l'Enéide)  : 

Las  aslres  de  la  nuit  roui  lienl  dans  le  silence; 

Kolc  a  suspendu  les  haleines  des  vents; 

Tuiit  se  t.iit  sur  les  eaux,  dans  les  bots,  dans  les  champs; 

Fatigué  des  travaux  qui  vontijientot  renaître. 

Le  tranquille  taureau  s'eudurt  avec  sun  maître  ; 

Les  malheureux  humains  ont  oublié  leurs  maux; 

Tout  dort,  tout  s'abandonne  au  charme  du  repos: 

Phéuisse  veille  et  pleure. 

Si  la  longue  description  du  règne  du  sommeil 
dans  toute  la  nature  ne  faisait  pas  un  contraste 
admirable  avec  la  cruelle  inquiétude  de  Uidon, 
ce  morceau  ne  serait  qu'une  amplification  pué- 
rile ;  c'est  le  mot  Phénisse  veille  et  pleure  qui 
en  fait  le  charme. 

La  description  delà  tempête  au  premier  livre 
de  l'Enéide  n'est  point  une  amplification  ;  c'est 
une  image  ornée  de  tout  ce  qui  arrive  dans  une 
tempête  ;  il  n'y  a  aucune  idée  répéiée,  et  la  répé- 
tition est  le  vice  de  tout  ce  qui  n'est  qu'amplifi- 
cation. 

Le  plus  beau  rôle  qu'on  ait  jamais  mis  sur  le 
théâtre  dans  aucune  langue,  esl  celui  de  Phèdre  ; 
presque  tout  ce  qu'elle  dit  serait  une  amplifica- 
tion fatigante,  si  c'était  un  autre  qui  parlât  de  la 
passion  de  Phèdre. 

Parmi  nous  aujourd'hui,  continue  Voltaire,  la 
plupart  des  sermons,  des  oraisons  funèbres,  des 
discours  d'appareil,  des  harangues  dans  de  cer- 
taines cérémonies,  sonl  des  amplifications  en- 
nuyeuses, des  lieux  communs  cent  et  cent  fois 
répétés.  11  faudrait  que  tous  ces  discours  fussent 
très-rares  pour  être  un  peu  supportables.  Pour- 
quoi parler  quand  on  n'a  rien  a  dire  de  nouveau  ? 
Il  est  temps  de  meure  un  frein  à  celte  extrême 
inlempcrancc.  [Dictionn.  philosophique  ) 

Ampoii.:':,  Ampoulée.  Adj.  Il  ne  se  dit  qu'au 
figuré,  en  parlant  des  expressions  du  style,  du 
discours.  On  appelle  style  ampotdé,  vers  am- 
poulé, discours  ampoulé,  un  style,  un  vers,  un 
discours  où  l'on  cnq)loic  de  grands  mots  a  ex- 
primer de  petites  choses,  où  la  force  de  l'expres- 
sion se  déploie  mal  à  propos,  où  la  parole  ex- 
cède la  pensée,  exagère  le  sentiment.  Le  style 
ampoulé  est  un  style  élevé  outre  mesure. 

Mais  c'est  une  erreur  de  penser  que  les  de- 
grés d'élévation  du  style  soient  inarqués  pour 
les  divers  genres.  Le  naturel  et  la  vérité  sont  de 
l'ussence  de  tous  les  gein-es,  il  n'en  est  aucun 
qui  n'admette  le  haut  style,  quand  le  sujet  l'élève 
et  le  soutient:  il  n'en  est  aucun  où  de  grands 
mots  vides  de  sens,  des  figures  exagérées,  des 
images  qui  donnent  un  corps  giganles<iue  à  de 
petites  pensées,  ne  fassent  de  l'enflure,  et  ne  for- 
ment ce  qu'on  appelle  un  slyle  ampoulé. 

Rien  n'est  si  froid,  dit  Voltaire,  que  le  style 
ampoulé.  Un  héros,  dans  une  tragédie,  dit  qu'il 
a  essuyé  une  tempête,  qu'il  a  vu  périr  son 
ami  dans  cet  orage.  11  touche,  il  intéresse,  s'il 
parle  avec  douleur  de  sa   perte,  s'il   esl  plus 


AN 

occupe  de  son  ami  que  de  tout  le  reste.  11  ne 
touche  point,  il  devient  froid,  s'il  fait  une  des- 
cription de  la  lenipcte,  s'il  parle  de  source  de  feu 
houiUonnunt  sur  les  eaux,  et  de  la  f.udrer/ui 
gronde  et  qui  frappe  à  sillons  redoublés  la  terre 
et  l'onde. 

La  ilarpe  a  dit  de  Ronsard  :  Ce  n'est  pas  non 
plus  par  les  idées  qu'il  peut  être  grand  ;  elles  sont 
ordiniiirement  chez  lui  communes  OU  ampou- 
lées, ((^ours  de  litt.,  t.  1\',  p.  78.) 

On  dit  un  vers  ampoulé,  un  style  ampoulé,  un 
discours  ampoulé;  mais  je  ne  pense  pas  ([u'on 
puisse  dire  une  idée  ampoulée,  j-înipaulé  sup- 
pose toujours  de  iriands  mots.  Le  Pmjicit  am- 
puUus  et  sesquipedalia  verha  d'Horace,  d'où  ce 
mol  parait  être  tiré,  nionlre  assez,  (pi'il  ne  i)eut 
se  dire  ipic  de  l'enllurc  du  slylc  et  tics  ijrands 
mots  vides  de  sens  et  d'idées.  Lon4.'in  compare 
Clilaniue,  (pii  n'avait  que  du  vent  dans  ses 
écrits,  à  un  homme  qui  ou  vie  une  grande  houche 
pour  soufllcr  dans  une  petite  flùle.  Cet  adj.  ne  se 
met  iju'aprésson  suhst. 

Ajilsxrle.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  peut  élre 
amuse.  On  attribue  ce  mot  à  madame  de  Mainle- 
non.  Quel  supplice,  disait-elle,  d'amuser  un 
homme  qui  n'est  plus  amusable!  Ce  mol  doit 
consoler  de  n'éire  pas  roi,  et  de  n'être  pas  la  fa- 
vorite d'un  grand  roi.  Cet  adj.  ne  se  met  (lu'après 
sonsubst. 

Amusant,  A.mdsante.  Adj.  verbal,  tire  du  v. 
amuser.  11  ne  se  met  qu'après  son  suhst.  :  Un 
homme  amusant,  une  conversation  amu.'ianle. 

AjiusEMr.>T.  Subst.  m.  L'Académie  dit  (jue  ce 
mot  se  prend  dans  le  sens  de  promesses  Ironqicu- 
ses.  C'est  une  erreur.  On  no  dit  pas  tout  ce  que 
vous  me  dites  là  ?i'est  qu'un  amusement,  pour 
dire  n'e>l  (ju'un  moyen  employé  pour  me  trom- 
per. 11  est  vrai  que  le  verbe  awi/Acr  se  prend  en 
ce  sens,  et  (]u'on  dit,  vous  voulez  m'umu.^cr  jxir 
ces  paroles,  pour  dire,  vous  vouiez  me  tromper. 
ISIais  le  subs'anlifn'a  pas  toujours  les  mêmes  si- 
gnifications tp:e  le  verbe  d'où  il  est  tiré. 

Aîiu>E«.  V.  a.  de  la  1'"  conj.  Amuser  quel- 
qu'un ;  amuser  quelqu'un  par  des  saillies,  par 
des  contes,  etc.  ;  cela  m'amuse.  Monlesipiieu  a 
dit  dans  les  Lettres  persanes:  Ils  amusent  leurs 
talents  à  des  choses  puériles. 

S'ai/iuscr  de  quelque  chose,  s'amuser  de  quel- 
qu'un. —  S'amuser  à  quelque  chose,  s'amuser  à 
faire  quelque  chose. 

A.MLso!i;K.  Subst.  f.  Moyen  d'amuser.  Je  ne 
sais  ou  l'Académie  a  puisé  ce  mot.  Elle  nous  le 
dira  probablement  dans  la  nouvclii;  édition  qu'elle 
prépare.  —  Dans  celte  nouvelle  édition,  elle  dit 
seulement  qu'il  est  trés-peu  usilé. 

An,  Annke.  An  est  masculin,  nwww  est  fémi- 
nin. 11  me  temble  que  l'on  n'a  pas  établi  d'une 
maniéie  claire  la  dilTérciscc  que  l'usage  a  mise 
entre  ces  deux  expressions. 

An  et  année  se  disent  également  d'un  espace 
de  tcuqis  composé  de  douze  mois;  mais  i).ii'  le 
premiei'  on  coiisid.M-ecel  espace,  ou  comme  un  tout 
indivisible,  absli-aciioii  l'aile  de  la  durée  et  de 
tout  ce  qui  ]icul  y  avoir  rappoit;  ou  comme  une 
durée  simple, absliaclion  faiie  des  rapports  «pTclle 
a  ou  tpi'elle  peul  avoir  avec  des  effets,  des  évé- 
neriiculs,  ik's  ré-ull;ils. 

Année  i\n  contraire  exprime  la  durée  de  douze 
mois,  rclalivcmcnl  aux  cirels,aux  évéïiemcnlsqui 
sont  joints  ou  peuvent  cire  joinls  à  celle  durée,  cl 
dont  celle  durée  est  ou  peut  cire  la  cause  ou  l'oc- 
casion. 

Je  puis  dire  l'an  passé,  ou  Vannéepassée  ;  dans 


AN 


61 


Ac  premier  cas,  je  considère  les  douze  mois  comme 
un  point,  connue  un  tout  indivisible;  dans  le  se- 
cond, je  les  considère  sous  un  i>oinl  de  viu>  de  du- 
rée susceptible  de  produire  tel  ou  tel  effet.  L'an 
passé  on  craignait  la  guerre  ;\\  n'y  a  dans  cette 
expression  aucune  idée  de  durée ;'la  crainte  de 
la  guerre  existait  à  cette  é|)0(pio.  L'année  passée 
on  a  fait  marcher  sans  cesse  des  In^upcs  de  pro- 
vince en  province.  Ici  on  voit  l'idée  de  durée; 
car  ce  mouvement  successif  de  troupes  n'a  pu  se 
faireque  dans  une  durée  de  lemps  divisible.  L'an- 
née dernière  a  été  fertile,  ahnndanle ;  \r\  l'on 
voil  la  durée  présentée  sous  le  rajjport  des  effets 
(lu'elle  a  produits. 

On  dit  la  première  année,  la  seconde  année, 
et  non  \ïws,  le  premier  an,  le  second  an,  parce  que 
les  ail  cclifs  premier  cl  second  supposent  néces- 
sairement unedun-e  conqxisée,  ipii,  pou\;mt  être 
considérée  relativement  a  des  cITcîs,  ne  peut 
s'allier  avec  le  mot  an,  qui  en  fait  toujours  abs- 
traction. 

Pouniuoi  ne  peut-on  pas  dire  ce/ a«,  et  qu'on 
ilil  bien  cette  année?  C'est  (pie  an  élanl  la  réu- 
nion de  douze  mois  en  un  point  indivisible,  il  ne 
lient  pas  se  dire  d'une  é|)oipie  où  ce>  douze  mois 
ne  sont  pas  écoulés,  ou  considi'ri's  couuiic  écou- 
lés; au  lieu  (lu'a/iwc'e  exprimant  une  durée  conli- 
nue,  et  par  conséquent  divisible,  on  peut  ilirc 
cette  année,  depuis  le  ronmienccmeiit  du  mois  de 
janvier  jus(]u'a  la  lin  ilu  mois  de  dcicmbre,  parce 
que  l'année  dure  pendant  tout  ce  leuqis-la.  L'an- 
née commence  bien ,  Cl  non  pas  l'an  couunence 
bien;  l'année  finit  bien,  et  non  pas  l'an  linit  bien. 
L'année  est  composée  de  douze  mois  Ct  non  pas 
l'un  est  composé  de  douze  mois. 

On  m'objectera  (pTon  dit  le  premier  jour  de 
l'an;  mais  celle  expression  consacrée  ne  se  dit 
que  relativement  a  l'usage  de  se  faire  des  visites 
et  des  comiilimenlsau  commcncemcnl  de  l'année. 
C'esl  un  rcsic  de  l'ancien  langage.  Cela  esl  si  vrai 
(pi'on  ne  dit  \y.\'i le  dernier  jaur  de  /'«;j,miisi« 
dernier  jour  de  l'année.  Ou  en  peul  dire  autant 
des  expressions  l'an  1819,  le  premier  janvier  ; 
l'an  dS20,  le  trente  mars,  qui  sont  icslées  dans  le 
Style  des  notaires  ct  des  praiiciens,  cl  qui  remon- 
leiil  a  un  ancien  usage.  D'ailleurs  ces  expres- 
sions Indiipieni  une  époque  imlivisible  dans  une 
dur'éc,  mais  dans  une  dni'éc  qui  n'a  aucun  rap- 
port a  un  effet;  ee  qui  rentre  dans  nos  prineipcs. 

Ou  dit  l'an  quinzième,  parce  qu'iei  les  douze 
mois  sont  considérés  comme  nue  époipu-,  comme 
un  point  indivisible;  el  l'on  dit  la  quinzième  an- 
née, parce  qu'ici  quinzième  exprime  une  suite, 
une  série,  et  par  conséipienl  une  durée  ilont  cette 
ipiinzièuic  année  fait  iiariic.  C'esl  par  la  même 
raison  qu'on  dit  il  est  dans  sa  quinzième  année, 
la  quinzième  année  a  été  heureuse,  malheu- 
reuse, etc.  \'oilît  pourcpioi  aussi  un  soiihailc  la 
biinne  année,  el  non  pas  le  b m  an  liiri  jour,  bon 
an,  est  une  csp.'ce  de  dit  Ion  populaire  (lui  ne 
[jroiive  rien  contre  noue  observaiion. 

On  dit  il  ij  a  deux  ans  (juc  je  vis  dans  cette 
attente;  et  non  jias,  H.  ij  a  deu.v  ann.cs  que  je 
vis  dans  celte  attente,  \nurci\uci\:\i\<.ccHi:  phrase, 
an  exprime  a  la  vcriié  une  dur-c,  ni.iis  iiik;  durée 
simple,  ipii  n'a  aucun  rappori  à  un  cfl'el,  qui  n'est 
susceptible  d'aucune  (pialilicaiion.  .Si  Ion  vou- 
lail  exprimer  une  durée  siisrcpiblc  d'elfeis,  on 
dirait,  par  exemple,  j'ai  reçu  nujnurd'h'ii  une 
année  de  mon  revenu.  C'esl  une  durée  iiroduc- 
tivc. 

Une  preuve  évidente  que  le  mot  an  n'exprime 
qu'une  durée  siiniilc,  el  fait  abstraction  de  toute 


62 


ANA 


qualilc  de  cette  durée,  c'est  que  ce  mot  ne  prend  | 
jaiiKiisde  i|iijlili(':ilirs  |)ru|irt<ineiil  dits.  On  no  dit 
pas  lin  biin  (tn,  un  mutiruis  an,  un  bel  an,  un 
an  d'u//nnJ(uit  c,  un  un  de  di.sette,  vu  un  fertile, 
niais  tiiio  tienne  unnec,  une  niaiivuise  u/iiice,  une 
belle  anntx\  une  année  l'iiirieuse,  vue  année 
fertile,  une  unnie  d'iibundunee,  vue  uiime  de 
disette,  etc.  On  dil  ;ilpMSivenicnl  le  imurel  an, 
cuniine  on  dil  le  premier  jour  de  l'an.  Bun  an, 
Tnu/ a»,  est  une  espace  d'expression  adverbiale, 
qui  est  clrinij-vrc  a  la  (piesiion 

On  dit  viuiit  itnii  de  guerre,  si  l'on  vent  seule- 
ment Midiiii.er  la  durx'  de  la  çnerrc.  Il  y  a  eu 
dans  ce  siècle  ring l  ans  de  guerre.  On  dil  rintjt 
années  de  guerre,  non  [las,  cunmic  le  dil  îMai- 
muntel,  pnur  api)iiyer  davanla^'e  sur  la  circon- 
stance du  li'uips,  mais  poui'  fane  sentir  les  ellels 
produits  par  la  durée  île  la  iiuerre  :  Celle  pro- 
vince a  été  ruinic  par  vingt  années  do  guerre.  Cl 
non  pas  ]>ur  vingt  ans  de  guerre,  car  les  ajis  ne 
ruini'iii  pas. 

Voltaire  n  dil  dans  son  inlroduclion  au  Siècle 
de  Liiuis  XJf^:  l'endant  neuf  cents  années,  le 
génie  des  /''rancuis  a  trie  presque  toujaurs  rétréci 
sous  un  gcinemeincnt  ynthiiiue.  Il  s'agit  dans 
cette  pinase  d'une  durée  t|ui  a  proiluil  un  elïet, 
qui  a  réiii'ci  le  iri'iiio  delà  nation:  le  mot  année 
était  le  seul  couvenuble. 

Ce  n'est  ipie  pnr  une  licence  poétiipic  (iue]Ra- 
ciuc  a  pu  dire  [Ipkig.,  act.  I,  se.  ii,  SD)  : 

Je  puis  choisir,  dit-on,  ou  beaucoup  d'ans  fans  glaire, 
Ou  peu  (Id  jours  ïuivis  il'uiie  luDgue  iiiêmuire. 

Ce  ne  sont  pas  les  ans  (pii  ont  de  la  gloire  ou  qui 
en  sont  privés,  ce  sont  les  années. 
Et  La  Foulaine, 

Je  suit  sourd,  les  ans  en  sont  la  cause. 

Les  ans  ne  sont  la  cause  de  rien,  ils  ne  prcson- 
tenttpi'nne  diuéesiinple,sai!S  énergieel  sanselfel. 

*  A^A^Al••. iMiK,  Anabaptiste.  Le p  ne  se  pro- 
nonce [njinl  dans  ces  mots. 

Anacuokiitk  ,  ANAcnr.oMSME.  Substanlifs  mas- 
cu'iins.  Dans  ces  deux,  mots  le  h  ne  se  prononce 
point. 

AN*cRro>Tioi'E.  Adj.  des  deux  genres.  Cet  ad- 
jectif se  dit  des  pièces  de  poésie  cuiuposées  dans 
le  çoùt  d'AiiacirDii  et  du  style  qui  esl  propre  à 
ceire  sorte  d<!  poi-sie.  I.'ode  aiiaciéuntiipie  cliante 
les  plaisiis,  li!s  ieii.\  folâtres.  Les  tableaux  les  plus 
rianls  île  la  naïuii',  les  mouveinenls  les  |)lus  in- 
génus du  coMir  iiuinain,  renjouemenl,  le  jilaisir, 
la  moll(?sst',  la  n^sliiicnie  de  l'avenir,  le  doux  em- 
ploi du  présent,  les  iblires  d'une  vie  <légasoe 
d'iiiquii-'.uile:  vdiI.i  les  sujets  <iue  choisit  la  muse 
d'Anancun,  et  que  doivent  clioisir  ceux  <pii  veu- 
lent s'exercer  dans  le  genre  (jui  a  illustre  ce  poêle 
aimable. 

Le  genre  anacréontiqiic  exige  le  sentiment,  la 
naïveté,  l  air  île  la  négligence,  et  une  certaine 
mollesse  viibipiueuse  dans  le  style.  11  nijelie  la 
sublilile  des  n  IleXioiiS,  la  prol'oiiileiir  des  id'jcs, 
et  les  tiiurs  trop  rc<-lii'rcl)és.  L'espiil  cl  l'art  ne 
doivent  point  y  paraître.  C'est  nn  badlnage  élc- 
çani,  lei:rr,  dont  la  naïveté  cl  la  délicatesse  font 
fe  cliaruie.  I.'ode  anacréoiilique  |»eut  peimlre  la 
|)assioii  de  l'anionr  dans  toute  sa  vinlcncc,  mais 
loujouis  avec  it!s  couleurs  île  la  volnplé,  et  en 
écartant  ce  que  celli,'  passion  peut  avoir  de  sinistre. 
Nos  bon iicsc lia iisniis sont  di'si'desanacreoiiiiipies. 
ÀNAor.AJiMK.  .Subsl.  f.  Tiansposilion  des  lettres 
<i'uh  ix'iii,  A>cL.  ni.  arrniiçciiicitv  uU  vùHibinaison 
de  ccsuiOincs  lettres,  d'où  il  résulte  un  sens  avan- 


ANA 

tageux  ou  désavantageux  a  la  personne  a  (jui  aj»- 
parlient  ce  nom. 

L'anagramme  est  une  pénible  bagatelle  dont  la 
mode  est  passi-e  depuis  longtemps. 

Anu.ocie.  Subsl  r.  Ce  mol  esl  enlièrcmenl 
grec,  analiigiri.  Il  signiRe,  en  geni'ivil,  la  relation, 
le  rapport  o*i  l;i  |)ro|)ortion  qui:  plusieurs  choses 
ont  les  unes  avec  les  autres,  quoique  d'ailleurs 
dil'fi'rcnles  jtar  des  qualités  qui  leur  sont  propres. 

l'ii  grammaire,  l'analogie  esi  un  cerlain  rai»- 
port  de  ressendilance  ou  d'ap|iri)\iinaiioii  entre 
une  lettre  et  une  autre  lettre,  ou  bien  entre  un 
motet  un  autre  mot,  ou  enliii  entre  une  expres- 
sion, un  tour,  une  plirase,  et  une  antre  expression, 
un  autre  tour,  une  autre  phrase,  l'ar  exemple,  il 
y  a  de  l'analogie  entre  le  b  el  le  p.  Leur  ddlerenoe 
ne  vieil!  que  de  ce  que  les  lèvres  sont  moins  ser- 
rées l'une  contre  l'autre  dans  la  pioiionciaiion  du 
b,  et  qu'on  les  serre  davanlago  lorsqu'on  veut 
piononcer  le/).  Jl  y  a  de  l'analogie  entre  le  sub- 
stantif abijmc,  et  l'adjeclif  pri>fnnd;  parce  que 
l'idée  d'tibymecumpiend  celle  de  profondeur. 

On  donne,  par  analogie,  diverses  sigiiilicalions 
au  même  mot,  lorstpic,  le  détournant  de  sa  signi- 
licalion  propre  ou  primitive,  on  l'api^lique  à  des 
idées  qui  ont  quelque  analogie  avec  cette  signifi- 
cation |)rcmière.  Dur  se  dit  dans  le  sons  propre, 
d  un  corps  dont  les  parties  resislcnl  aux  efforts 
(juGn  fait  pour  les  séparer,  cl  celte  idée  de  rési- 
stance l'a  fait  étendre  à  bien  d'autres  usages. — 
Souvent  le  fil  de  l'analogie  est  si  lin,  qu'il  échappe 
si  l'on  n'a  pas  de  la  vivacité  dans  l'imagination, 
delà  finesse  dans  l'esprit.  Un  des  devoirs  de  l'é- 
crivain, c'est  de  rendre  ce  lil  facile  à  saisir,  et 
pour  cela,  il  doit  se  faire  une  loi  de  tirer  ses  fi- 
gures des  objets  familiers  à  ceux  pour  qui  ii  écrit. 
Tels  sont  les  arts,  les  coutumes,  les  connaissances 
communes,  les  préjugés,  toutes  les  choses  que 
l'usage  met  dans  le  coinincrce. 

L'analogie  est  d'un  grand  usage  en  grammaire 
pour  tirer  des  inductions  touchant  les  accidents 
des  verbes. 

La  |)reinicre  règle  de  l'art  de  parler  et  d'écrire, 
c'est  l'accord  de  la  parole  et  de  la  iiensée,  et  cet 
accord  suppose  une  analogie.  11  y  a  l'analogie  du 
style,  et  on  entend  par  là  l'unité  de  ton  cl  de  cou- 
leur. 

Analogique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suil  tou- 
jours son  subst.  :  Ternies  analogiques. 

Analogiquement.  Adv.  qui  se  niel  ordinaire- 
ment après  le  verbe. 

Analogue  Adj.  des  deux  genres,  ijui  a  de  l'a- 
nalogie. On  distingue  les  termes  en  univoques, 
équivoipies  el  analogues.  Les  termes  analogues 
sonl  ceux  qui  varient  leur  signilicalion,  selon  les 
sujets  auxquels  on  les  aiiplique,  c'est-a-dirc,  qui 
n'cxjtriment  pas  dans  tous  les  sujets  |irciiséinenl 
la  inéiiie  idée,  mais  du  moins  quelque  idée  qui  a 
un  rajiporl  de  cause,  ou  d'effet,  ou  de  ressem- 
blance à  la  première,  (pii  est  principalement  atta- 
chée au  mot  analogue,  l'ar  exemple,  ipiaml  le  mol 
iat/j  s'attribue  à  ranimai,  a  l'air  et  aux  viandes, 
l'idée  jointe  à  ce  mot  est  principalement  la  sauté 
qui  ne  convient  (pi'a  l'animal;  maison  y  joint  une 
autre  idée  aji(»rochanlc  de  lelle-la,  qui  esl  d'cli*e 
cause  de  la  santé,  laquelle  fait  qu'on  dit  qu'«/j 
air  est  sain,  qu'une  viande  esl  saine,  parce  qu'ils 
contribuent  à  conserver  la  santé.  Ce  que  nous 
voyons  dans  les  objets  <]ui  frappent  nos  sens  étant 
une  image  de  ceipii  se  passe  dans  l'intérieur  de 
l'âme,  nous  avons  donné  les  mêmes  noms  aux  pro- 
priétés des  corps  et  des  esprits.  Ainsi  ayant . tou- 
jours aperçu  du  mouvciucni  cl  du  repos  dans  la 


ANA 

tnaticrc;  ay;in[  remarqué  le  pciuhnnt  ou  l'incli- 
nalion  des  cdiiis;  a\;iiii  vu  <]ii(>  l'air  s'a^ilo,  se 
trouble,  s'i'<-laiiril,  (lue  li's  pliiUos  se  cleveli)|>- 
[leiit,  se  loi  lilieiii  cl  s'alï.iilil'.ssciil,  nous  avons  dil 
le  mourciiiPiit,  le  rcjm.s,  l'iticliiiatian  el  le  pen- 
chant de  /'i//;/f,  iiiiiis  avons  liil  (|uc /V.s73/-t/ a-'u- 
^ile,  se  Innililc,  s'ichiirvit,  se  dircli.ppcse  foili- 
fie,s^a/f(ii/ilil  Tciiis  ces  mois  sunl  analogues,  [kw 
le  rappocl  i|iii  se  tioiivc  cuire  une  aclion  de 
l'àmc  el  une  action  du  corps. 

L'abbe  Ciiaid  a  diviM>  l'-s  lan;;ucs  en  lanf/i/es 
analogues,  et  Innoues  Irautpi.siUres.  Jl  appelle 
analogues  eellis  donl  la  syntaxe  csl  souniise  a 
l'ordre  analviiiiue,  paire  tpie  la  suecessiijn  des 
mots  dans  le  discouii»  y  suit  la  iiradaiion  analyti- 
que (les  idiM's.  l.îi  niarcliede  cc>  lan^'iies  csl  elfee- 
tivenicnl  mntligi/e,  el  en  ipieNiue  sorte  parallèle 
à  celle  del'e.-in'  t  i:iéine,doiit  elle  suit  pas  a  pas  les 
oiiéralioMs.  les  lan^'iics  transpo^ilivcs  sont  eeUes 
qui,  dans  l'clocnlinn,  doiiiieiil  aux  mots  des  lei- 
minaisons  n-litivcs  a  l'oidic  analyiiipic,  cl  qui 
acquièrent  aiusi  le  dioii  de  leur  l'aire  suivre  dans 
le  discoui-s  une  inaielic  libieet  tout  à  l'ail  indé- 
peudaïUc  de  la  ^uic(>ssiiin  naturelle  des  idées.  Le 
français,  I  italien,  l'espa^-nol,  etc.,  soiU  des  lan- 
gues aiiulogui's;  le  iriec,  le  lalin,  ralleia;uid,  elc, 
sont  des  lanu-ues  lianspt)silives. 

Les  ctran|:ers  se  servent  souvent  d'expressions, 
de  tours  ou  de  |ilirases  doul  les  m>oIs,  a  la  vérité, 
sont  des  mots  l'raii<;ais,  mais  l'enseudtle  ou  la 
conslriKliiin  de  ces  mois  n'est  poiiil  anulugve  iwi 
tour,  à  h  manière  de  parlcj"  de  ceux  (pii  savent 
la  luni:ue.  Dans  la  plii|)art  des  auteurs  (|ui  ont 
écrit  en  grec  ou  eu  laim,  ou  trouve  des  jibrascs 
qui  sont  uniili,,;vrs  au  loiu- de  lein-  langue  natu- 
relle, mais  i|iii  ne  sont  pas  conformes  au  tour 
propre  à  la  laiii:ue  originale  iju'ils  ont  voulu  imi- 
ter. Cet  adj.  ne  se  UjcI  (ju'aprés  son  subsl. 

Analyse.  Subsl.  L  Ce  mot,  qui  csl  grec,  signifie, 
à  proprcuKMil  p  rler,  la  résululinu  ou  le  de\clop- 
pement  d'iu,  loiil  en  ses  parties.  On  appelle  ana- 
lyse d'un  livre,  d'un  ouvrage,  un  précis,  un  ex- 
trait fidèle  d'un  ouvrage,  tel  «lu'cn  donnenl  ou 
qu'en  doivent  iloimcr  le.--  journali>lcs.  L'art  d'une 
analyse  imiianialc  consiste  à  bien  saisir  le  biil  de 
l'aulcur,  a  c\|)u^cr  ses  principes,  ses  divisions, 
le  progrés  île  sa  marche;  à  écai'ler  ce  qui  peut 
être élrangcr  a  son  sujet;  cl,  sans  lui déroljcr  rien 
de  ce  qu'il  a  de  bon  et  d'e.vccllenl,  à  ne  pas  dis- 
simuler scsflcraiils. 

Onapi>clle,cn  grammaire, analyse  d'une  phrase, 
d'une  i>ériodc,  d'un  disi-uui-s,  la  décomposilion 
en  toutes  ses  parties,  d'une  jilirasc,  d'une  pé- 
riode, d'un  discours,  [>our  en  distinguer  les  élé- 
ments, cl  comiaiirc  loiis  les  rapports  qu'ils  oui 
entre  eux.  A'oyez  Qinsiruciiun. 

Analyser.  V.  a.  île  la  i"^  conj.  En  termes  de 
grammaire,  analyner  vue  phrase,  v ne  période, 
un  discours,  i:'C'X  h-s  decomp;)Scr  en  toutes  leurs 
parties  [KUir  en  mieux  connailic  l'ordre  et  la 
suite.  On  «lit  aussi  faire  l'unulgse  d'une  phrase, 
d'une  péi^ii 'de,  elc. 

Analvtii.iuk.  .\dj.  des  deux  genres,  qui  se  met 
toujours  aj..'os  smi  subsl. 

Analytiquk>ik.m  Adv.  ]]  ne  se  met  qu'après  le 
verbe:  Piticéd^er  uniilgliquement. 

Ahabcmik.  Subst.  f.  Le  c/tt  se  prononce  comme 
dans  chit-ane. 

ANARciiiot'F..  Adj.  des  deux  genres.  Le  chi  se 
prononce  comme  dans  chicane.  Cet  adj.  suit  tou- 
jours son  subsl.  :  Discours  anarchiqiies. 

Anatomiqle.  Adj  des  deux  genres,  qui  semet 
foujoursayrésson  subst. 


AKI 


03 


A^cÊTRES.  Subst.  m.  qui  n'a  point  de  si-icu- 
licr. 

ANCIEN,  Ancienne.  Adj.  On  pciil  le  incllrc  avant 
son  subsl.  :  Une  loi  ancienne,  une  ancienne  loi  ■ 
une  coutume  ancienne,  une  ancienne  outinite. 

An(  iE\M..Mi  NT.  .Adv.  On  lient  le  melire  av;nil 
ou  après  le  \crlie:  .Incicnncmcnt  on  fuisuil  cela  • 
ce/a  se  faisait  anciennement,  cela  s'est  fuit  an- 
ciennement. 

Anuouii.le,  ANDoriLLER,  Andocillette.  Dans 
ces  trois  mots  ou  mouille  les  /. 

.ANEODOTt.  Siib>t.  r.  L'Académie  dil  qu'on 
l'cinploie  aussi  ad|eelivemenl.  Autrefois  on  rem- 
ployait ainsi.  On  <lit  aujouid'liiii  unecdoiii/ve. 

A.MKCuiiTiQi  E.  Adj.  des  deux  genres,  il  ne  se 
met  (pi'aprés  son  subsl. 

A\c.ui.  Subsl.  m.  On  l'écrivait  autrefois  ainsi; 
mais  aujoiird'liul  on  écrit  généralement //uw^ar, 
et  l'Académie  l'écrit  de  inéine. 

ANGK1.IOLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  mol 
guère  qu'après  son  subsl.  :  Ùm  esprit  ongtlif/ue, 
une  beauté  niigélique,  une  voLr  ungélique ;  —  une 
cherc  ançélii/ite. 

Ancélls.  Subst  m.  On  prononce  le  *. 

Anglican,  A^CLICANE.  Adj.  Il  ne  sp  met  j|u'a- 
l^rés  son  subsl.  :  Le  rite  anglican,  l'Eglise  angli- 
■june. 

Anglicisme.  Subst.  m.  Tdiolisme  anglais,  c'cst- 
à-diie,  façon  de  parler  projirc  a  la  langue  an- 
çlaise. 

Angoisse.  Subst.  f. 

L'air  résonne  «les  cris  qii'.iu  ciol  chaciiii  enroie; 
Âlbe  enJ.:Ue  d'angoisêe,  cl  les  Rnin.iiii!  de  joie. 

(Coii.N.,  Ilor.,  ici.  IV,  se.  Il,  57.) 

A'ollairc  dit  au  sujcl  de  ces  vers:  On  ne  dit  plus 
guère  angoisse,  el  pourquoi?  Quel  mot  lui  a- 
t-oii  siibslitué'/  Douleur,  horreur,  peine,  afflie- 
tiiins,  ne  sont  pas  di!S  équivalents.  Angoisse  ex- 
prime la  douleur  prcssaiiieel  la  crainte  à  ia  fois. 
[Jicmari/iies  sur  Corneille.) 

Je  pense  iju'un  auteur  qui  aurait  besoin  du 
mol  angoisse  jiour  exprimer  sa  pensée  ferait  très- 
bien  de  s'en  servir,  et  ipic  les  gens  de  goùl  ne 
lui  en  feraient  poinl  un  reproclie. 

Ancoha,  Angola.  Beaucoup  de  personnes  cm- 
|iloieiu  ces  mots  l'un  pour  l'autre,  mais  Angola 
est  le  nom  propre  d'un  |»ays  de  la  basse  Étliiopie, 
sur  la  ''Ole  occidcnlale  de  l'Afrique,  d'où  l'on  lire 
les  meilleuis  nègres;  cl  Angora  csl  une  ville  de 
l'Asie  mineure,  ou  l'on  trouve  tb'S  chèvres  cl  des 
chats  qui  poilenl  des  soies  longues  el  Unes,  il  ne 
faut  donc  jrasdire  d Un  clial  que  c'est  un  ungula, 
ni  c'est  un  chat  angora,  mais  c'est  un  chat  d'//«- 
gora,  ou  sim|ilemi'iil  c'cit  un  angora. —  L'Ai"idc- 
mie.  cil  IStô,  donne  pour  exemple:  un  chat  an- 
g'ira,  une  ihèvre  angora,  cl  range  ce  mol  parmi 
les  adjectifs. 

AîvutiLLADE,  Anguille.  Dansées  deux  subsl. 
on  mouille  les  l. 

Angllaibe.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
(pi'après  son  subsl.  :  Figure  angulaire,  corps  an- 
gulaire. 

A.NGCLELx,  Angulf.csf..  Adj  il  suit  toujours  son 
subst.  :  Un  v^rps  ungtileiur. 

Ancustie,  Anclstiék.  Adj.  que  l'Académie  dit 
cire  de  jicu  d'usage.  Il  n'est  jws  <lii  tout  usilé;  el 
quelqu'un  ipii  s'en  scrviraii  aujourd  liui  risque- 
rait lie  n  èirc  point  compris. 

Anhml,  Amiiale.  Ailj.  l'M  prose,  il  ne  se  met 
qu'après  son  Mibsl.  :  f^ie  animale.  FucuUésan*- 
wuies.  Esprits  animaux.  Règne  animal.  Le.i 
esprits  vitaux  el  animaux. 


64 


ANO 


Animal. Sul>st.  m.  Pcul-on  àlrcafiimul  de  som-  \ 
me  an  lien  il»'  O^'tr  de  somme,  l'oimiio  l'a  fnit  La  '• 
Fonlainc?  Je  ne  le  crois  pas.  (Cli.  iNodior,  fxo- 
mencritùjiirdcsDict.)  (Pour  les  noms  des  cris  des  i 
animaux,  el  de  leurs  parlies,  voyez  Cris  et  l'ur-  ; 
ties.)  I 

Ammé,  Animée.  Partie,  et  adj.  11  régit  les  pre- 
posilluns  «  el  de:  Animé  au  carnage,  animé 
d'un  zèle  courai/eux. 

Ammosité.  Subst  f.  L'Académie  le  déllnil, 
mouvemeiu  de  liainc.  L'atdmosilé  n'est  pas  un 
mouvcmcnl  passairer,  comme  seinlde  le  faire  en- 
tendre l'Acadcmic';  mais  un  senlimcnt  vif  et  per- 
manent de  haine  contre  (pioliin'un. 

Anis.  Sub>t.  m.  On  ne  prononce  pas  le  s. 

Annal,  Annvle  Adj.  On  prononce  les  deux  n. 
Une  se  met  (jn'aprcs  son  subst.  ;  Possession  an- 
nale, procuration  annule. 

Annales,  Annvlistes,  Annate.  Dans  ces  trois 
mots,  on  prononce  les  deux  «. 

A>NÉE.  A'oycz  Jn. 

A^^EXE,  AN^EXi.R,  Annihilation,  Anniuilek. 
Dans  ces  ([uatrc  mots  on  prononce  les  deux  n. 

AwNivEr.sAii'.E.  Adj.  des  deux  genres.  11  suit 
toujours  son  subst.  :  Jour  anniversaire,  fête  an- 
niversaire. 

Annoncer.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
lec  a  la  prononciation  de  se;  el  pour  la  lui  con- 
server à  tous  les  temps  el  ù  toutes  les  personnes, 
il  faut  mettre  une  cédille  dessous,  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'im  a  ou  d'uno.  Ainsi  on  écrit 
nous  annonçons,  j'annonçais,  j'annonçai,  Cl  non 
pas  mus  annonçons,  etc.  11  se  dit  des  choses  : 

Sitôt  que  de  ce  jour 

Lu  trompette  sacrée  annonçait  le  retour. 

(Rac,  Athal.,  acll,  se.  i,  5.) 

Cette  action  annonce  un  bon  cœvr,  u?i  mauvais 
cœur,  etc.  Ce  verbe  s'emploie  avec  le  pronom 
personnel  :  S'annoncer  var  des  manières  polies  et 
insinuantes.  La  bienfaisance  s'annonce^  moins 
par  une  protectùm  distinguée  et  des  libéralités 
éclatantes,  que  par  le  sentiment  qui  nous  inte- 
resse aux  malheureux.  (Barlliélcmy.) 

Annuel,  Annuelle.  Adj.  Fn  prose, ilse met  tou- 
jours après  son  subst.  :  Dignité  annuelle. 

Annulaire.  Adj.  des  deux  genres  En  prose,  il 
se  met  toujours  après  son  subst.:  Doigt  annulaire. 
Eclipse  annulaire. 

Anoblir.  V.  a.  de  la  2"  conj.  11  signifie  donner, 
conférer  la  noblesse;  c'est-a-dirc  une  qualité 
imaginaire  et  de  convention,  que  les  rois  don- 
nent à  qucUiues  1  crsiinnes  de  leurs  Étals,  en  y 
attachant  des  litres  cl  des  privilégcs.U  ne  se  dit 
que  des  personnes  :  ^Yw^tr  un  négociant,  un  ar- 
tiste, un  savant.  Les  rois  ont  .s<iuvent  anobli  des 
ministres  qui  les  avaient  avilis  par  leur  con- 
duite. On  a  beau  anoblir  un  homme  vil,  il  reste 
toujours  vil. 

11  ne  faut  pas  confondre  ce  verbe  avec  enno- 
blir, qui  sii-'iiilie  donner  de  l'cclal,  de  la  considé- 
ration, de  ['iiiiiiortante  à  une  chose.  Domcrgue 
voudrait  qtie  l'on  écrivit  enmblir  dans  l'un  cl 
dans  l'autre  sens.  11  y  a  pourtant  bien  de  la  dif- 
férence entre  ces  deux  expressions. 

Anojul.  Adj.  m.  llsedil,  en  .-rammaire,  des 
verbes  (jui  ne  sont  pas  conjugues  conformément 
au  paradiL'mc  ou  modèle  de  leur  conjugaison. 
C'est  ce  ([u'on  appelle  aussi  verbes  irréguliers. 
f^oyez  ce  mot. 

Il  ne  faut  p:is  confondre  les  verbes  anomaux 
avec  les  verbes  dcfcclifs.  Ces  derniers  sont  ceux 


ANT 

qui  manquent  de  quelque  temps,  de  quelque 
mode,  ou  de  (juchpie  personne. 

Anomalie.  Subst.  f.  C'est  le  nom  abstrait  formé 
\ïanomal.  Fuyez  ce  mol.  Anomnlie  signifie  irrô- 
gularilé  dans  la  conjugaison  des  verbes.  Voyez 
Conjugaison. 

Anonyme.  Adj.  des  deux  genres,  qui  suit  tou- 
jours le  subst. 

Ant,  Ent.  Voyez,  pour  la  formation  du  pluriel 
dans  les  subst.  cl  les  adj.  lerininés  ainsi,  les  ar-  . 
licles  Formation  el  Adjectif. 

Antagoniste.  L'Académie  a  oublie  de  dire 
qu'il  se  dit  aussi  des  femmes  Fcraud  fait  celte 
remaniue.  vSelon  lui,  antagoniste  est  donc  aussi 
féminin.  En  ce  cas,  je  ne  vois  pas  [xturquoi  il 
veut  qu'on  dise,  en  parlant  d'une  femme  :  yous 
avez  là  un  charmant  antagoniste;  el  non  pas 
une  charmante  antagoniste  ;  cl  je  jiense  qu'il 
faut  dire  le  dernier 

Antécédent,  Antécédente.  Adj.  qui  suil  tou- 
jours son  subst.,  et  qui  s'emploie  aussi  substan- 
tivement. 11  se  dit,  en  terme  de  grammaire,  d'un 
mot  <)ui  précède  un  adjectif  conjonctif,  ou  une 
proposition  incidente.  Dans  Vhomme  que  Dieu  a 
doué  de  raison,  Vhomme  est  ranlcccdeiil  du  con- 
jonctif çwc,  et  il  l'est  aussi  de  la  proposition  inci- 
dente Dieu  a  doué  de  raison. 

Antépénultième.  Adj.  qui  se  prend  substanti- 
vement. On  sous-enlenil  syllabe.  Un  mol  qui  est 
composé  de  ])lusicurs  syllabes  a  une  dernière  syl- 
labe, une  pénultième,  c'est-à-dire  presque  la 
(icrnière,  cl  une  antépénultième.  En  sorte  que, 
comme  la  pénultième  précède  la  dernière,  Van- 
tépénultième  précède  la  pénultième.  Ainsi  dans 
générosité,  té  est  la  dernière,  si  la  pénultième,  et 
ro  l'antépcnuliième. 

Antérieur,  Antérieure.  Adj.  qui  suit  tou- 
jours son  subst.  11  régit  ordinairement  la  prépo- 
sition ci  ;  Cet  événement  est  antérieur  à  mon 
mariage.  En  termes  de  grammaire,  on  appelle 
prétérit  OU  passé  antérieur,  un  temps  qui  ex- 
prime une  chose  faite  avant  une  autre,  dans  un 
temps  passé;  el  futur  antérieur,  un  temps  qiii 
maitiuê  l'avenir  avec  rapport  au  passé,  et  fait 
connailre  que,  dans  le  temps  (ju'une  chose  arri- 
vera, une  autre  chose,  qui  n'est  pas  encore,  sera 
passée,  comme  quand  j'aurai  fini  mes  affaires, 
j'irai  vous  voir. 

Antérieurement.  Adv.  lise  met  après  le  verbe: 
Cela  a  été  fait  antérieurement.  11  exige  un  ré- 
cime  exprimé  ou  sous-entendu  :  Cette  dette  a  été 
contractic  a?itérieurement  ci  la  vôtre 

Anthropophxge.  Adj  des  deux  genres  qui 
suil  toujours  son  subst.  :  Peuple  anthrr prphage . 
Anti.  Préiioiition  inséparaiile  ([ui  entre  dans 
la  cumiiosilion  de  plusieurs  mots.  Celle  préposi- 
tion vient  (piclquefois  de  la  préposition  latine 
ante,  avant  ;  el  alors  elle  signifie  ce  qui  est  ayant, 
comme  antichambre ,  anticabinet,  anticiper, 
faire  une  chose  avant  le  li'inps,  antidate,  date 
antérieure  à  la  vraie  date  d'un  acie,  etc. 

Souvent  aussi  anti  vient  de  la  préposilion  g'-ec- 
que««/t,  contre,  qui  manpie  ordinairement  0{>- 
iwsition,  ou  alternative.  Flic  marque  opposition 
iit^ns  antipodes,  untidte.  etc. 

Quehiuel'uis,  quand  le  inoi  <iui  suil  a»/ii  com- 
mence par  une  voyelle,  il  se  l'ait  une  èlisionde 
l'i;  ainsi  on  dit  \q pôle  antarctique,  et  non  anti- 
arctique. 

Les  livres  de  controverse  cl  ceux  de  disputes 
littéraires  portent  souvent  le  nom  d'anti.  On  u  fait 
un  anti-lJalllct. 
Antichambre.  Subst.  f.  Quelques  pci-sonnes  le 


ANT 

font  mal  a  propos  masculin.  Il  doit  avoir  le  même 
genre  que  cliambro.  (l)umarsais.) 

Amii'hrase.  Subsl.  f.  Conire-vérilé.  Expres- 
sion ou  manière  de  parler  par  laquelle,  en  disant 
une  chose,  on  entend  tout  le  conliairc.  C'est  ainsi 
«ju'on  dit  d'un  fripon  ;  07t.'  l'honnête  homme! 

Antiquaille.  Subst.  f.  On  mouille  les  l. 

Antique.  Adj.  des  deux  geines.  11  peut  précé- 
der son  subsl.,  cl  il  le  précède  souvent:  C'est  tin 
antique  xtsuge,  c'est  ttn  usage  antique. 

Gardez  donc  de  donner,  ainsi  que  d.ins  Clélio, 
L'air  ni  l'esprit  français  h  l'antique  llatic. 

(BoiL.,  .1.  /■.,  III,  IIIJ.) 

L'Académie  dit  f\\\'antique  se  dit,  par  raillerie, 
des  personnes  avancées  en  âge.  Je  ne  crois  pas 
qu'on  ait  jamais  dit  d'un  homme  âgé  ou  d'une 
femme  âgée,  c'est  vn  homme  antique,  c'est  une 
femme  antique,  iiuur  exjirimer  l'âge,  à  moins 
que  ce  ne  soit  dans  (|ucl(]ucs  coteries  de  jeunes 
gens  mal  élevés.  Quand  on  dit  (]u'mh  homme, 
qu'une  femme  a  l'air  antique,  on  ne  veut  ])as 
dire  qu'ils  ont  l'air  vieux,  mais  (lu'ils  ont  des 
manières,  des  habillements  dont  la  mode  est  pas- 
sée depuis  bien  longtemps.  Une  l'cmme  peut  ne 
pas  être  très-vieille,  et  avoir  l'air  anli(iue. 

ANTnHi;sE.  Subsl.  f.  C'est  une  figure  qui  con- 
siste à  opposer  des  pensées  les  unes  aux  autres 
pour  Icm-  donner  plus  de  jour.  Ainsi  saint  Paul  a 
dit  :  On  nous  maudit  et  nous  bénissons.  Les  vers 
suivants  sont  des  exemples  d'antithèses  : 

Je  sentis  tout  mon  corps  ut  transir  et    brdUr. 

(lUc,  Phèd.,  act.  I,  se.  III,  124.) 

Et,  monte  sur  le  faite,  il  aspire  à  descendre. 

(Corn.,  C'tnn.,  act.  II,  sc.i,  16.) 

Triste  amante  des  morts,  elle  hait  les  vivants. 

(Volt.,  Het^r.,  VII,  148.) 

L'antithèse,  lorsqu'elle  se  présente  nalurelle- 
ment,  et  qu'elle  est  avouée  par  le  goût,  donne  au 
style  de  la  grâce  el  delà  beauté;  mais,  lorsqu'elle 
es't  répétée  sans  cesse,  et  qu'elle  parait  cire  dé- 
générée en  habitude  chez  l'écrivain  qui  l'em- 
ploie, elle  donne  au  stylo  un  air  maniéré,  et  pro- 
duit ce  tju'on  appelle  des  faux  brillants.  C'est  ce 
(}u'on  remarque  souvent  dans  le  stylo  de  FIô- 
chier,  qui  avait  fait  de  l'antithèse  sa  figure  favo- 
rite. 

A^TO^OMASE.  Subst.  f.  Trope  ou  figure  de  rhé- 
torique par  laquelle  on  met  un  nom  commun  ou 
une  périphrase  à  la  place  d'un  nom  propre,  ou 
bien  un  nom  propre  à  la  place  d'un  nom  com- 
mun. Philosophe ,  orateur,  poëte,  roi,  ville,  sont 
des  noms  communs;  cependant  l'antonomase  en 
fait  des  noms  particuliers  qui  équivalent  à  des 
noms  proi'ics.  Ainsi  les  anciens  disaient  \c pld- 
losophe,  piiur  dire  Arislote  ;  les  Latins,  l'orateur, 
pour  dire  Cicéron  ;  le  poète,  pour  dire  Virgile; 
et  nous  disons  le  père  de  la  tragédie  française, 
pour  dire  Corneille. 

Dans  chaque  royaume,  quand  on  dit  simple- 
ment le  roi,  on  entend  le  roi  du  pays  où  l'on  est; 
quand  on  dil  la  ville,  on  entend  la  capitale  du 
royaume,  de  la  province  ou  du  pays  dans  lequel 
on  est. 

Les  adjectifs  ou  épithètes  sont  des  noms  com- 
muns que  l'on  peut  appliquer  aux  différents  ob- 
jets auxquels  ils  conviennent  ;  l'antonomase  en 
fait  des  noms  particuliers.  L'inrincille,  le  con- 


AP.V 


65 


querant,  le  grand,  lo  juste,  le  sage,  se  disent  |Kir 
antonomase  de  certains  princes,  ou  d'autn^s 
personnes  particulières. 

Nous  avons  un  recueil  ou  abré:;é  des  lois  des 
anciens  Français,  qui  a  pour  titi'e  Lex  salica. 
Parmi  ces  lois,  il  y  a  un  article  (pii  exclut  les 
femmes  de  la  succession  aux  terres  saliqucs,  c'est- 
à-dire  aux  fiefs.  C'est  une  lui  (pi'on  n'a  uliscrvéc 
inviulablemcnl  dans  la  suite  «in'a  l'égard  des  fem- 
mes, ([u'on  a  toujours  exihn's  de  la  su<  cession  à 
kl  couronne.  Cet  usage,  toujours  observé,  esl  ce 
qu'on  appelle  aujourd'hui  loi  suliquc,  par  anto- 
nomase; c'est-a-dire  que  nous  donnons  a  la  loi 
particulière  d'exclure  les  femmes  de  la  cuuronne, 
un  nom  que  nos  pères  donnèrent  autrclois  à  un 
recueil  général  de  lois. 

La  seconde  espèce  d'antonomase  est  celle  où 
l'on  prend  un  nom  projire  pour  un  nom  commun, 
ou  pour  un  adjectif.  C'est  ain^i  (]ue  l'on  dit  d'un 
prince  cruel,  c'est  un  Néron;  ci  d'un  iioinme 
sage  et  vertueux,  c'est  un  Caton,  etc.  (Dumar- 
sais.) 

Anus.  Subst.  m.  On  prononce  le  5. 

Aoriste.  Subst.  m.  On  prononce  orislc.  Terme 
de  grammaire  par  lequel  on  désigne  nn  temps,  et 
particulièrement  un  prétérit  indéterminé.  J'ai 
fuit  est  un  prétérit  déterminé  ou  plutôt  absolu. 
Au  lieu  que  je  fis  est  un  aoriste,  c'est-à-dire,  un 
jjrétérit  indéfini,  indéterminé,  ou  plutôt  un  pré- 
térit relatif;  car  on  peut  dire  absolument  j'ai 
fait,  J'ai  écrit,  j'ai  donné;  au  lieu  que  quand 
on  (lit  je  fis,  j'écrivis,  je  donnai,  il  faut  ajouter 
quebiue  expression  qui  détermine  le  temps  où 
l'action  dont  on  parle  a  été  faite  :  Je  fis  hier,  j'é- 
crivis il  y  a  quinze  jours. 

Août.  Subst.  m.  On  prononce  ovt.  Nom  du 
Iniiticme  mois  de  notre  année.  11  vient  par  cor- 
ruption de  celui  de  l'empereur  Auguste.  Voltaire 
voulait  que  l'on  conservai  ce  dernier,  el  lui- 
même  écrivait  ordinairement  Auguste  au  lieu 
A'uoût.  Un  président  du  l'arlemenl  disait  qu'il  s'i- 
maginait entendre  des  chats  miauler,  toutes  les 
luis  que  les  procureurs  disaient  à  laudicnce  lu 
mi-août.  Depuis  ce  temi>s  les  grammairiens  sont 
convenus  que  l'on  prononcerait  oût.  Mais,  en  ré 
formant  la  prononciation,  on  aurait  dû  réformer 
aussi  l'orthographe;  il  n'y  aurait  pas  tant  de  gens 
•pli  prononceraient  encore  uuût  comme  il  est 
écrit.  La  Fontaine  a  écrit  oût: 

Je  TOUS  paîrai,  lui  dit-cllu, 
Avant  l'oûÉ,  foi  d'animal. 
Intérêt  et  principal. 

(Liv.  I,  fable  I,  12.) 

Remuez  votre  champ  dès  qu'on  aura  fait  Voit. 
(Liv.  V,  fable  ix,  10.) 

AouTER.  V.  a.  QC  la  d'''  conj.  On  prononce  l'a. 

AouTERON.  Subst.  m.  On  |)rononce  oûteron. 

Apaiser.  V.  a.  de  la  )■■'■  conj.  On  ne  sait  pas 
trop  pourquoi  l'Académie  écrit  ce  mol  avec  un 
seul  p,  lorsqu'elle  en  met  deux  à  appareiller,  ap- 
peler, etc. 

Apaiser  quelqu'un.  Apaiser  une  querelle,  une 
sédition.  Apaiser  les  flots.  —  Une  personne  en 
colère  s'apaise.  La  tempête  s'apaise. 

Corneille  a  dil  dans  Puhjeucte  : 

Âpaisex  donc  sa  crainte. 

(Act.  I,  se.  I,  101.) 

On  apaise  la  colère  el  non  la  crainte.  CVoltain- 
Hemurques  sur  Corneille.) 


66 


APE 


Apanage.  Siibst,  m.  L'Académie  ne  le  dit  point 
avec  le  l'ogiinc  qu'il  a  dans  les  vers  sinvanls  : 

Le  préscnl  seul  est  de  noire  apanage. 
Et  r.iTcnir  peut  consoler  le  sage. 
Mais  ne  saurait  altérer  son  repos. 

(Volt.,   Ép<t.,  XLI,  22  ) 

ApiNAGER.  V.  a.  de  la  J"^'  conj.  Dans  ce  verbe, 
lo^  doit  toujours  se  prononcer  commi«j;  et  puur 
lui  conserver  celle  prononciation  lorsqu'il  est 
>uivi  d'un  a  ou  d'un  n,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o:  J'apana/jeais,  apanageons ;  et 
non  pa^j'apanagais,  apanagons. 

ApAnTÉ.  Subsl.  m.  Il  ne  prend  point  de  *  au 
|)luriel  :  Des  aparté. 

Apathique.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  :  Un  ^hnmmc  apathiqvc, 
vue  femme  (ipathiqve.  —  Une  humeur  apathi- 
que. Cette  apathique  humeur.  —  On  ne  liil  ni  vn 
apathique  homme,  ni  une  apathique  femme.  Nous 
en  avons  exposé  les  raisons  au  mot  Adjectif. 

Aperceyable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  so 
dit  guère  qu'avec  la  négation,  et  est  peu  usité. 

Apercevoir.  V.  a.  do  la  3^  conj.  L'Académie 
dit  elle  s'est  aperçue  de  son  erreur.  On  trouve 
une  très-grande  difficulté  à  faire  concorder  cette 
phrase  avec  les  règles  des  participes.  Il  est  clair, 
dit-on,  que  se,  dans  cet  exemple,  n'est  pas  ré- 
gime direct;  car  ce  n'est  pas  elle  qu'elle  a  aperçu., 
mais  son  erreur.  On  ne  peut  dire  elle  a  aperçu 
elle  de  son  erreur.  Cette  phrase  semble  donc  se 
refuser  à  toute  espèce  d'analyse. 

On  peut  répondre  qu'il  faut  nécessairement  que 
se  soit  le  régime  d'aperçu,  car  ici  il  ne  peut  être 
autre  chose;  et  il  faut  bien  qu'on  l'ait  senti, 
puisqu'on  a  fait  accorder  ce  participe  avec  le  pro- 
nom. Son  erreurne  saurait  être  le  régime  direct 
du  participe,  car  la  préposition  tfo,  dont  il  est 
précédé,  s'oppose  à  cet  emploi.  Ne  serait-il  pas 
plus  naturel  de  voir  une  ellipse  dans  ces  sortes  du 
phrases,  que  de  les  regarder  fommedes  idioiis- 
mes,  et  d'avouer  par  là  qu'on  se  trouve  dans 
l'impossibilité  de  les  expliquer?  Elle  .'^est  aper- 
çue de  sa  faute  ne  pourrait-il  pas  se  tourner 
par,  elle  a  aperçu  elle  coupable  de  sa  faute, 
ou  ayant  commis  cette  faute?  De  même,  elle 
s'est  aperçue  de  so?i  erreur  ne  pourrait-il  pas  si- 
gnifier, elle  a  aperçu  elle  répréhensihle  de  son 
erreur,  ou  ayant  commis  son  erreur?  Le  de  mis 
avant  les  substantifs  justiricrait  pleinement  celle 
analyse;  et  le  pronom  se  aurait  l'emploi  qui  lui 
est  naturel.  S'apercevoir  de  quelque  chose,  c'est 
voir  soi  ayant  la  cnmtaissance  de  quelque  chose. 
Je  m'aperçois  du  piège  qu'on  me  tend,  c'est  je 
vois  moi  ayant  la  connaissance  du  piège  que  l'on 
me  tend. 

Faire  apercevoir  quelque  chose  à  quelqu'un. 

Apetisser.  V.  a.  de  la  i"  conj.  On  avait  re- 
proché à  l'Académie  d'avoir  dit  ((/lefi'sse?-,  rape- 
tiaservn  manteau,  au  lieu  (Vaccourcir  ou  i-ac- 
eourcir  un  manteau.  Dans  son  édition  ile479Sct 
dans  celle  de  4S35,  elle  n'a  dit  apetisser  (juc 
d'une  figure  :  Cette  figure  est  trop  grande,  il  faut 
l'ajpetisscr  rrobabicment  elle  n'a  entendu  parler 
ici  que  des  figures  qui  sont  l'objet  des  arts  du 
dessin.  En  effet,  apetisser  se  dit  des  corps  que 
l'on  rend  plus  petits  dans  toutes  leurs  dimen- 
sions. On  le  dit  aussi  des  corps  qui  paraissent 
plus  petits  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  de  l'œil  de 
•elui  qui  les  regarde.  L'éloignement  apetisse,  ou 
mieux,  rapetisse  les  objets'. 

.le  ne  pense  pas  qu'on  dise,  comme  l'Académie, 
^ue  les  jours  apctissent  après  le  snlMica  d'été  ; 


APO 

cl  je  m'appuie  sur  l'autorité  ûo  l'Académie  clle- 
mèiiie,  qui,  au  mot  accourdr,  dit  que  les  jours 
s'accourcisscnt.  Ln  effet  ,  ils  deviennent  plus 
courts,  cl  ils  ne  deviennent  pas  plus  petits.  On 
dit  au  mois  de  décembre  (\vc  les  jours  sont 
courts  ;  mais  on  ne  dit  pas  (ju'iZi  sont  petits.  Un 
petit  jour  est  un  jour  (]ui  commence,  qui  n'est 
pas  encore^  dans  son  éclat  :  Il  ne  faisait  encore 
]  que  petit  jour.  Par  la  même  raison,  on  ne  dit 
pas  comme  l'Académie,  qu'une  étoffe  s' apetisse  a 
l'eau,  mais  bien  qu'elle  s'y  retire,  comme  on  le 
voit  dans  le  même  Dictionnaire  de  V Académie, 
au  mol  Retirer. 

Aphorisme.  Subst.  m.  L'Académie  a  oublie  de 
dire  que  ce  mot  est  particulièrement  consacré  à 
la  médecine  et  à  la  jurisprudence.  On  ne  dit 
point  des  aphorismes  de  morale,  des  aphorisnies 
depolitùjtie,  àmoinsquece  ne  soit  en  plaisanterie. 

Aplanir.  V.  a.  de  la  2'  conj.  Féraud  demande 
avec  raison  pounjuoi  l'Académie  écrit  aplanir, 
aplanissement  avec  un  p,  tandis  qu'elle  écrit 
avec  deux  p  applaudir,  applaudissement,  appli- 
quer, etc. 

Apocope.  Subst.  f.  Figure  de  diction  qui  a  lien 
lorsqu'on  retranche  quelque  lellre  ou  quehpie 
syllabe  à  la  fin  d'un  mol  :  encor  pour  encore, 
grand'messe  pour  grande  messe,  sont  des  apo- 
copes. 

Apocryphe.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 
jours son  subst.:  Auteur  apocryphe,  livre  apo- 
cryphe. 

Apologétiqoe  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Discours  apologétique, 
lettre  apologétique. 

Apologue.  Subst.  m.  Petit  récit  qui  couvre 
une  vérité  du  voile  de  l'allégorie.  L'apologue  fait 
parler  les  dieux,  les  esprits,  les  hommes,  les 
animaux,  les  choses  inanimées;  c'est  le  genre.  La 
fable  ne  fait  parler  que  les  animaux  et  les  choses 
inanimées;  c'est  l'ospèce. 

Apostat.  Ce  mot  se  prend  au  figuré  dans  lesens 
de  déserteur,  transfuge  ;  mais  alors  il  est  déter- 
miné par  un  complément  ; 

Apostats  eiïronlés  ilti  goût  et  du  bon  sens. 

(Gilbert,  Le  Dix-Huitiime  Siècle,  sal.  I,  450.) 
[Grammaire  des  Grammaire»,  p.  1077.) 

Apostolique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  guère  qu'après  son  subst.:  Doctrine  aposto- 
lique, érudition  apostolique,  mission  apostoli- 
qiie,  vie  apostolique. 

Apostoliquement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Il  a  prêché  apostoliquement. 

APOSTRoruE.  Subst.  f.  Figure  de  rhétorique 
dans  la(]uelle  l'orateur  inlerrouipl  le  discours 
qu'il  tenait  à  l'auditoire,  pour  s'adresser  direcle- 
ment  et  nommément  à  (îuehjue  personne^  soit 
aux  dieux,  soit  aux  hommes,  aux  vivants  ou  aux 
morts,  ou  à  quelque  être,  même  aux  choses  in- 
animées, ou  à  des  êtres  métaphysiques,  et  qu'on 
est  en  usage  de  personnifier.  C'est  ainsi  que  Bos- 
suet  a  dit" dans  son  oraison  funèbre  de  la  du- 
chesse d'Orléans  (p.  C2)  :  O  mort!  éloigne-loi  de 
ma  pensée,  etc. 

L'apostrophe  peut  iiroduirc  un  grand  effet 
dans  un  discours  oratoire;  mais  il  faut  qu'elle  y 
soit  [ilacée  à  propos,  et  bien  amenée  par  la  cir- 
constance. L'usage  fréquent  de  celle  figure  ferait 
un  Ircs-mauvais  effet.  L'auditeur  n'aime  pa& 
(in'on  le  perde  tron  souvent  de  vue. 


APO 

Apostrophe  est  un  tcrnio  de  grammaire.  On  en- 
tend par  la  une  petite  manpic  en  forme  de  vir- 
gule ('),  dont  on  se  sert  pour  marquer  l'élision 
a'une  voyelle,  ccst-à-dirc,  sa  suppression  à  la 
reneontre  d'une  autre  voyelle. 

Il  y  a  dans  la  langue  française  trois  lettres,  «,  c, 
i,  qui,  so  trouvant  a  la  fin  d'un  mot,  se  suppri- 
ment avant  un  autre  mot  qui  commence  par  une 
voyelle  ou  un  h  non  aspiré. 

En  français,  l'e  muet  ou  féminin  est  la  seule 
voyelle  qui  s'élidc  toujours  devant  une  autre 
voyelle,  au  moins  dans  la  prononciation  ;  car, 
dans  l'écriture,  on  ne  maniuc  l'élision  par  l'a- 
postrophe que  dans  les  monosyllabes  je,  me,  te, 
se,  le,  ce,  qvc,  de,  ne,  et  dans  jusque  cl  quoique: 
J'y  cours,  je  m'y  rendrai,  je  Vudmirc,  il  s'of- 
fense, elle  V avoue,  c'est  cela,  qu'est-ce  qu'il  a? 
d'après  cela,  n'y  pensez  plus,  jusqu'alors,  quoi 
qu'il  arrive. 

L'«  ne  doit  être  supprimé  que  dans  l'article 
et  dans  le  pronom  Za  .-  l'âme,  l'église ,  je  l'en- 
tends, pour  je  la  entends.  On  dit  la  onzième,  ce 
qui  est  peut-être  venu  de  ce  que  ce  nom  de 
nombre  s'écrit  souvent  en  chiffres. 

L'i  ne  se  perd  que  dans  la  conjonction  si,  de- 
vant les  pronoms  il,  ils  ;  mais  il  se  conserve 
devant  ei/e,  elles.  S'il  vient,  s'ils  viennent.  Mais 
on  dit  si  elle  vient,  si  elles  viennent. 

Si,  précédé  de  la  conjonction  et,  s'emploie 
dans  la  conversation  pour  cependant,  avec  cela, 
néanmoins  ;  et  alors  il  ne  perd  jamais  sa  voyelle, 
non  pas  même  devant  le  pronom  il  ou  Us:  Il  est 
brave  et  vaillant,  et  si  il  est  doua!  et  facile. 

L'e  muet  de  grande  s'élide  quelquefois  dans 
la  prononciation  et  dans  l'écriture,  devant  des 
substantifs  qui  commencent  par  une  consonne. 
On  dit  et  on  écrit  grand' mère ,  grand' tante  y 
grand'rnesse  ,  grand' chambre  ,  grand' salle  , 
grand' chère ,  grand' croix ,  grand' pitié.  Cepen- 
dant il  n'y  a  que  les  mots  grand'mère  pour  les- 
quels la  règle  t>oit  générale  ;  car,  dans  bien  des 
occasions,  et  en  particulier  quand  le  mot  grande 
est  précédé  de  quelque  prépositif  ou  équivalent 
de  l'article,  l'e  muet  final  ne  souiFre  pas  d'élision, 
et  l'on  dit  une  grande  chambre,  la  plus  grande 
chère,  la  plus  grande  peine. 

L'e  muet  de  la  préposition  entre  s'élide  dans  les 
verbes  réciproques,  s' entr' accorder,  s'enlr'ac- 
compagner,  s'enfr'accuser,  s' enir' ouvrir,  etc. 

L'usage  est  partagé  dans  les  cas  suivants.  Les 
uns  écrivent  entre  elle,  entre  elles,  entre  eux, 
entre  autres  •  et  les  autres  entr'elle,  entr'elles, 
entr'eux,  entr'autres.  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  qu'on  écrit  entre  onze  heures  et  midi, 
entre  itri  bon  et  un  mauvais  ami ,  entre  amis. 
—  Maintenant  l'Académie  ne  met  que  entre  eux, 
entre  outres.  Voyez  Entre. 

L'e  final  de  jusque  s'élide  devant  «,  au,  aux, 
ici  :  Jusqu'à  Rome ,  jusqu'au  ciel,  jusqu'aux 
nues ,  jusqu'ici. 

L'e  de  puisque  et  de  quoique  ne  s'élide  que 
quand  les  mots  sont  suivis  de  il,  ils,  elle,  elles, 
on,  un,  une ,  ou  d'un  mot  avec  lequel  ces  con- 
jonctions sont  immédiatement  liées  :  Puisqu'il 
le  veut,  quoi  qu'on  dise,  puisqu'ainsi  est.  Mais 
on  écritj  puisque  aider  les  malheureux  est  un 
devoir  ;  quoique  étranger,  etc. 

L'e  final  de  quelque  ne  s'élide  que  devant  un, 
une  :  quelqu'un,  que/qu'une,  et  dans  quel  qu'il 
soit,  quelle  qu'elle  soif.  Ou  écrit  quelque  histo- 
rien ,  quelque  autre,  quelque  espoir. 

L'e  final  de  presque  ne  s'élide  que  dans  pres- 
qu'île. On  kcïii  presque  achevé,  presque  usé,  etc. 


APP 


O": 


A  et  c  ne  s'élident  pas  d.ins  le,  lu,  après  lui 
impéiatif,  ni  dans  U  adverbe  :  Menez-le  à  Paris, 
ira-t-il  là  avec  vous  ? 

^  et  e  ne  s'élident  |)as  non  plus  dans  de,  le,  lu, 
que,  ce,  avant  les  mots  huit,  huitaine,  huitième, 
onze,  onzième,' oui,  un:  Le  huit  du  mois,  dans 
la  huitaine,  le  onze,  le  onzième,  le  oui,  le  un. 

La  finale  de  contre  ne  s'élide  jamais  :  contre - 
allée,  contre-amiral,  contre  eux,  etc. 

La  diphlhongue  do  moi  et  de  toi,  lors(iue  ces 
mots  sont  placés  après  un  impératif,  s'élide  de- 
vant en,  et  ne  s'élide  pas  devant  y  :  Donnez- 
m'en,  va-t'en.  Mais  on  dit  conduise z-y-inoi,  cl 
non  pas  conduisez-m'y. 

Apôtt.e.  Subst.  m.  On  écrivait  autrefois  rtpoi- 
tre  ;  on  a  sup[)rimé  le  s,  et  la  syllabe  est  restée 
longue. 

Apparaître.  V.  n.  de  la  li'  conj.  Il  se  conjugue 
romxnc paraître,  avec  cette  différence  qu'ff/)/ja- 
raître  prend  tantôt  l'auxiliaire  être ,  et  tantôt 
l'auxiliaire  avoir,  cl  que  paraître  ne  jjrend  (juc 
le  dernier.  Les  grammairiens  disent  que  ce  verbe 
prend  indifférenunent  l'auxiliaire  être  ou  l'auxi- 
li;iire  avoir.  Cela  n'est  |)as  naturel.  Il  faut  néces- 
sairement que  chacun  de  ces  verbes  indique  une 
nuance  différente,  un  jwinl  de  vue  différent.  — 
Je  pense  qu'il  faut  dire  o  apparu  quand  l'action 
d'apparaître  n'est  considérée  (jne  relativement  au 
spectre  même  qui  l'a  faite,  et  non  relativement 
à  l'impression  de  l'apparition  sur  les  [joi-sonnes. 
Quand  je  dis  ce  spectre  a  apparu  trois  fois  pen- 
dant la  nuit,  je  ne  veux  exprimer  que  l'action  du 
sj)ectre,  indéjKîndammo.u  de  tout  effet,  de  louteim- 
pression.  Mais  quand  on  veut  marquer  l'impres- 
sion de  l'apparition  sur  les  personnes,  il  faut  dire 
est  apparu  :  Le  spectre  m'est  apparu,  nous  est 
apparu  : 

Vous  m'êtes,  en  dormant,  un  peu  Iritle  apparu. 

(La  Fontaikb,  iiv.  YllI,  toile  xi,  19.) 

Si  l'on  me  demande  à  quelle  heure  le  spectre 
s'est  rendu  visible,  je  répondrai  :  il  a  apparu  à 
minuit;  maïs  si  l'on  veut  savoir  de  moi  à  quelle 
heure  j'ai  vu  apparaître  le  spectre,  je  dirai  :  il 
m'est  apparu  à  minuit.  Le  premier  offre  un  sens 
actif,  le  second  un  sens  passif.  On  ne  peut  jamais 
dire  le  spectre  m'a  apparu. 

Il  faut  convenir  cepenùant  que  a  apparu  forme 
un  hiatus  bien  dur,  et  qu'on  ferait  bien  de  l'é- 
viter. 

Richelet,  Jouberl,  et  le  Dictùmnaire  de  Tré- 
voux, prétendent  que  ce  verbe  peut  être  employé 
avec  le  pronom  personnel.  A  la  vérité,  le  P.  Bru- 
moi  a  dit  :  Minerve  s'apparaît  d  eux  ;  mais  au- 
cun bon  écrivain  ne  l'a  imité. 

Il  se  dit  des  choses  qui  ne  paraissent  que  ra- 
rement et  de  loin  en  loin  :  //  apparaît  de  temps 
en  temps  sur  la  surface  de  la  terre  des  hommes 
rares  et  exquis  qui  brillent  par  leur  vertu,  et 
dont  les  qualités  éminentes  jettent  un  éclat  pro- 
digieux. (La  Bruyère.) 

■  Apparemment.  Adv.  On  le  met  au  commence- 
menl  d'une  phrase  ou  après  le  verbe  :  Apparem- 
ment qu'il  viendra,  ou  il  viendra  apparemment. 

Apparence.  Subst.  L  Féraud  re|)roche  avec 
raison  à  l'Académie  d'avoir  dit  sous  apparence 
de  l'amitié.  Dans  cette  phrase,  (piand  apparence 
n'a  point  d'article,  il  n'en  faut  point  mettre  non 
plus  devant  le  substantif  qui  le  suit;  il  sulht  de 
la  préposition  de  :  Sous  apparence  d'anntie.  Mais 
quand  apparence  est  précède  d'un  article,  il  laut 


68 


APP 


en  donner  un  nu  substanlif  suivant  ;  Sous  l'appa-  | 
rencc  de  l'a).\itié. 

Api'Aiii;>T,  Apparente.  Adj.  Quand  il  signilic 
qui  n'a  que  l'apparence  sans  réalité,  il  pcul  se 
mellic  (icvaiil  smii  sul)Sl.,  en  con^^ullanl  l'oreille 
cl  lanalogic  :  Un  apparent  et  fhtix  talent.  Le 
monrcinenl  apparent  du  soleil.  Dans  toutes  les 
autres  Bij^nilioations,  il  suit  son  sub>t. 

AppAr.oin.  Y.  n.  et  dcfectif  de  la  3*  conj  11 
n'est  usiu-  qu'a  l'infinitif  avec  le  vorhe  faire,  et  a 
la  Iroisiénie  personne  sinçiiliore  de  l'inlinilif,  où 
il  fait  appert,  Cl  OÙ  il  ne  s'emploie  qu'inipcrson- 
nellcnietu. 

AppAitTENANT,  APPARTENANTE.  Adj.  vcrbal  tiré  du 
V.  appartenir.  Les  irrammairiens  ne  sont  pas  d'ac- 
coni  sur  l'emploi  de  cet  adjci'iif  vcrbal.  Les  uns 
veulent  (pj'on  dise  une  maison  apparlcnanl  à 
vn  tel,  avec  le  participe;  les  autres,  vne  maison 
appartenante  n  vn  tel,  avec  l'adjeeiif  verbal. 
Beau/.cc  est  du  nombre  des  derniers,  et  l'Acadé- 
mie |)arlaL'e  celle  opinion.  Elle  dit  :  Une  maison 
à  lui  appartenante,  ^'ollaire  *dil  :  Une  ville  ap- 
partenante aux  Hollandais.  Bartliélemy  :  Il  ap- 
prit que  quelques  officiers  de  ses  troupes,  appar- 
tenants aux  premières  familles  d'Jlhènes,  mé- 
ditaient une  trahison  en  faveur  des  Partîtes. 

Appartenir.  Y.  n.  et  irrégulier  de  la  2''  conj  11 
se  conjugue  comme  tenir.  Yoycz  Irrégvlier. — 
Quelquefois  on  emploie  ce  verbe  impersonnel- 
lement, alors  il  régit  a  devant  les  personnes,  cl  de 
devant  l'inlinilif:  Il  appartient  aux  pères  de  châ- 
tier leurs  enfants. 

*  s'Appartenir.  Ce  mol  n'est  point  usilé.  Ce- 
pendant on  le  trouve  très-bien  appliqué  dans  une 
réponse  (juc  fil  un  particulier  à  Henri  lY.  J  qui 
appartenez-vous'^  lui  demandait  le  roi.  A  vioi, 
répondit  le  particulier. 

Appeau.  Subsl.  m.  L'Académie  le  définit,  sorte 
de  sifflet,  etc.  Tous  les  appeaux  ne  sont  pas  (les 
siffleis.  H  y  en  a  qu'on  fait  jouer  avec  la  main. — 
L'Académie  dit  aussi  que  l'on  appelle  appeaux 
les  oiseaux  dont  on  se  sert  pour  appeler  les  au- 
tres oiseaux. — Oui,  excepté  les  femelles  de  per- 
drix, que  l'on  nomme  chanterelles. 

Appelant,  Appelante.  Adj.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  La  partie  appelante. 

Appeler.  \ .  a.  de  la  1"^^  conj.  On  double  la 
lellre/  dans  les  temps  de  ce  verbe  où  celle  lellre 
est  suivie  d'un  e  muet:  J'appelle,  j'appellerai,  il 
appellera,  il  appellerait  ;  on  ne  met  qu'un  l  lors- 
que celle  lettre  est  suivie  de  toute  autre  lellre 
qu'un  e  muet:  J'appelais,  j'ai  appelé,  ils  appelè- 
rent. 

Appellatif.  Adj.  On  prononce  les  deux  l.  Kn 
grammaire  on  appelle  noms  appellatifs  ou  com- 
muns, les  noms  qui  sont  conmmns  à  des  class(!s 
d'êtres,  par  opposition  aux  noms  propres,  qui 
n'expriment  que  des  individus. 

11  y  a  deux  sortes  de  noms  appellatifs:  les  uns 
qui  conviennent  à  tous  les  individus  ou  êtres 
particuliers  de  différentes  espèces;  par  exemple, 
arbre  convient  a  tous  les  noyers,  à  tous  les  oran- 
gers, à  tous  les  oliviers,  etc.  ;  alors  on  dit  que  ces 
sortes  de  noms  appellatifs  sont  des  noms  de  genre. 
La  seconde  sorte  de  noms  appellatifs  ne  convient 
qu'aux  individus  d'une  es|)èce,  tels  sont  noyer, 
olivier,  oranger.  Ainsi,  animal  est  un  nom  de 
genre,  parce  qu'il  convient  à  tous  les  individus 
de  différentes  espèces  :  car  je  puis  dire  ce  chien 
est  un  animal,  cet  éléphant  est  un  animal,  etc. 
Chien,  éléphant,  lion,  cheval,  sont  des  noms  d'es- 
pèces. 


APP 

Les  noms  de  genre  peuvent  devenir  noms  d'es- 
pèces, si  on  les  renferme  sous  des  noms  plus 
étendus ,  |)ar  exemple  si  je  dis  «lue  l'arbre  est  un 
être  ou  une  substance,  (jue  l'animal  est  une  sub- 
stance. De  même  le  nom  d'espèce  jmul  devenir 
nom  de  genre,  s'il  peut  être  dii  de  diverses  sortes 
d'individus  subordonnés  a  ce  nom.  Par  exemple, 
c/iM?H  sera  un  nom  d'espèce  par  rapjwrl  à  animal; 
mais  chien  deviendra  un  nom  de  genre  par  rap- 
port aux  différeiites  espèces  de  chiens.  Car  il  y  a 
des  chiens  qu'on  appelle  dogues,  d'autres  limiers, 
d'aulrcs  épagneuls,  d'auli's  braques,  etc.  ;  iC  sont 
là  autant  d'espèces  différentes  de  chiens.  Ainsi 
chien,  qui  comprend  louics  ces  es|)èces,  est  alors 
un  nom  de  genre  par  rapport  a  ces  e>pèces  par- 
ticulières, quoiqu'il  pui>se  être  en  même  temps 
nom  d'espèce  s'il  est  considéré  relativement  à  un 
nom  plus  élendu,  tel  qu  animal  ou  substance: 
ce  qui  fait  voir  (]ue  ces  mots  genre,  espèce,  sonl 
des  termes  mélaphysi()ues  qui  ne  se  tirent  que  de 
la  manière  dont  on  les  considère.  (Dumarsais.) 
Voyez  Nom. 

Appellation.  Subsl.  f.  On  prononce  les  deux /. 
En  termes  de  grammaire,  il  se  dit  de  l'action  de 
nommer  chaque  lellre  de  l'alphabet. 

On  distingue aujourdhui  l'ancicnneappellalioii 
et  la  nouvelle.  Autrefois  les  consonnes  se  pro- 
nonçaient te,  ce,  dé,  effe,  gé,  ache,  elle,  emme, 
ennc,  pé,  qu,  erre,  esse,  té,  vé,  icse,  zède.  Au- 
jourd'hui on  ne  nomme  les  consonnes  que  par  le 
son  propre  qu'elles  onl  dans  les  syllabes  où  elles 
se  Irouvcnl,  en  ajoulaiil  sculemenla  ce  son  propre 
celui  de  \'e  muet,  qui  est  l'effel  de  l'impulsion  do 
l'air  nécessaire  pour  faire  entendre  la  consonne. 
Par  exemple,  on  ap|)eile  bo  la  lellre  b,  comme  on 
la  prononce  dans  la  dernière  syllabe  de  tombe,  ou 
dans  la  première  àcbesoin;  de',  Va  lellre  d,  comme 
on  rcnlend  dans  la  dernière  syllabe  de  ronde;  fe, 
la  lellre  f,  et  ainsi  des  autres,  qui  n'ont  qu'un 
seul  son. 

Quant  aux  lettres  qui  ont  plusieurs  sons,  comme 
c,  g,  t,  s,  on  les  appelle  par  le  son  le  plus  naturel 
et  le  plus  ordinaire.  Ainsi  c  se  nomme  que; g, 
gue ;  te,  comme  dans  forte;  s,  se,  comme  dans 
bourse. 

Suivant  la  nouvelle  appcUalion,  toutes  les  let- 
tres de  l'alphabet  sont  du  genre  masculin;  sui- 
vant l'ancienne,  les  unes  sont  du  genre  masculin, 
les  autres  du  féminin. 

Appendice.  Subsl.  m.  Prononcez  û/)pa»iidicc. 

On  nomme  ainsi,  en  lerme  de  liUèralure,  une 
addition  placée  à  la  fin  d'un  ouvrage  ou  d'un 
écrit,  destinée  à  l'éclaircissement  de  ce  qui  n'a 
pas  été  suffisamment  expliqué,  ou  à  tirer  la  con- 
clusion de  l'ouvrage. 

Appendre.  y.  a.  de  la  4'' conj.  Prononcez  ap- 
pandre. 

Appentis.  Subst.  m.  On  prononce  a/>an<i. 

Appéter.  y .  a.  de  la  l'^''  conj.  Dans  les  temps 
de  ce  verbe,  \'e  de  pe  est  ouvert  quand  la  syllabe 
suivante  finit  par  le  son  d  une  muet  :  J'appète, 
tu  appelés.  Il  est  fermé  lorstjue  celle  syllaue  fi- 
nit partout  autre  fon  :  Nous  appétons,  vous  ap- 
pelez. —  Mirabeau  a  employéce  mol  dans  un  sens 
figure  :  Tout  en  admirant  la  bravoure  dans  les 
autres,  ce  roi  n'eut  pas  ce  ferment  de  sang  qui 
fait  appeler  la  gloire. 

Appétissant,  Appétissante.  Adj.  qui  suit  tou- 
jours son  subsl.  :  friande  appétissante 

Applaudir.  V.  a.  cl  n.  de  la  2''  conj.  Applau- 
dir une  chose,  une  personne.  Applaudir  à  une 
chose.  Applaudir  une  chose,  c'est  témoigner  pur 


APP 

des  batlements  de  mains  (jifon  approuve  une 
chose,  (ju'on  la  trouve  bien  faite,  bien  exéculce. 
On  a  beaucoup  applaudi,  cette  pièce.  (}uand  on 
dit  applaudir  à  une  chose,  les  nii|>laudisscmcnts 
ont  pour  objet  une  inaniêie  parliculière  d'agir  ou 
d'exécuter:  Onu  beaucoup  applaudi  au  jeu  de 
cet  acteur.  —  Dans  le  sens  d'iippiobalion  simple 
sans  battements  de  niauis,  applaudir  à  une  per- 
sonne, c'est  la  ft'licilor  du  succès  des  moyens 
qu'elle  a  choisis  et  cmi)iiiyOs  pour  faire  une  chose: 
Le  peuple  applaudissait  au  gouvernement  quilui 
faisait  avoir  le  pain  à  si  bon  marché.  (Condillac.) 
Applaudir  à  une  chose,  c'est  tcmoii^ner  qu'on  l.i 
trouve  belle,  juste,  raisonnable  et  digne  d'éloges. 
On  applaudit  à  un  acte  de  vertu,  de  générosité, 
de  dévouement,  de  grandeur  d'âme.  On  applaudit 
à  la  conduite  de  quelqu'un. 

AppLADDissEMt;?iT.  Subst.  m.  L'Académiele dé- 
finit, grande  approbation,  nianpiée  soit  par  des 
battements  de  mains,  st)il  par  acclamation.  L'ap- 
plaudissement n'ai  p.is  une  grande  approbation, 
mais  le  signe  d'une  grande  approbation.  Ce  mot 
signifie  proprement  baiicmeni  de  mains  en  signe 
de  félicitation,  de  joie,  d'ajjprobation,  de  faveur. 
— Figurcmcnt,  c'est  une  api»robalion  vive,  mani- 
festée par  des  éloges,  par  des  louanges,  par  des 
marques  d'estime.  Cette  conduite  mérite  les  ap- 
plaudissements de  tous  les  honnêtes  gens.  BulTon 
a  dit  :  Le  souris  est  une  marque  de  bienveil- 
lance, d'applaudissement  et  de  satisfaction  inté- 
rieure. {De  l'homme,  t.  X,  p.  'J'iO.) — Les  applau- 
dissements s'appliquent  également  aux  choses  et 
aux  personnes.  Les  applaudissements  partent  de 
la  sensibilité  au  plaisir  (jue  nous  font  les  choses. 
Une  simple  acclamation,  un  battement  de  mains, 
suffisent  pour  les  exprimer. 

Applicable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst,  et  régit  la  préposition  à  ; 
Cette  amende  est  applicable  aux  pauvres.  Ce 
passage  n'est  pas  applicable  à  la  question. 

Appliquer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  le  sens 
démettre  une  chose  sur  une  autre,  il  régit  .ywr.- 
Appliquer  un  emplâtre  sur  un  mal.  Appliquer 
des  couleurs  sur  une  toile.  —  Quand  il  signifie 
faire  toucher  une  chose  à  une  autre,  il  régit  à  :  Il 
appliqua  la  coupe  à  ses  lèvres.  On  dit  aussi  ap- 
pliquer à  la  question,  à  la  torture.  Appliquer 
une  science  à  une  autre.  Appliquer  une  loi  a  un 
cas  particulier .  Appliquer  vu  remède  à  une  ma- 
ladie, c'est  en  faire  usage  contre  une  maladie. 
Appliquer  un  passage  d'u7i  auteur  à  une  per- 
sonne, à  une  circonstance.  Appliquer  une  somme 
à  un  usage.  Appliquer  son  esprit  à  une  science. 

Appointé,  ée;  Désappointé,  ée.  Adj.  Voyez 
Appointer. 

Appointé-Contraire.  Terme  de  droit  que  La 
Fontaine  a  transporté  assez  heureusement  dans  le 
style  de  la  fable.  Celle  expression  n'a  rien  de  dis- 
tingué, mais  elle  n'est  pas  essenlieilcmenl  con- 
damnable, et  l'abbé  Desfontaines,  qui  a  blâmé  im 
fabuliste  de  son  temps  de  l'avoir  employée,  de- 
vait se  rap[)eler  peul-élre  que  celui-ci  n'en  avait 
point  fait  usage  sans  l'autorité  de  son  modèle. 
(Ch.  Nodici',  Examen  crit.  des  Dict.) 

Appointer.  V.  a.  de  la  i''  conj.  Soit  que  ce 
mot,  dit  Voltaiie,  vienne  du  latin  punclum,  ce 
qui  est  iros-vraiscmblable,  soit  (ju'il  vienne  de 
l'ancienne  barbarie,  (]ui  se  plaisait  fort  aux  oins, 
soin,  coin,  loin,  fouin,  hardoin,  poing,  grouin, 
etc.,  il  est  certain  que  celte  expression,  bannie  au- 
jourd'hui mal  à  propos  du  langage,  est  très-né- 
cessaire. Le  naïf  Amiot  et  l'énergique  Montaigne 


APP 


G9 


s'en  servent  souvent;  il  n'est  pas  même  possible, 
juscju'à  [)résenl,  d'en  employer  une  autre  —  Ja 
lui  appointai  l'hôtel  des  Llrsins.  A  sept  heures 
du  soir,  je  m'y  rendis,  je  fus  désappointé.  Com- 
ment e\pliqucre/.-vous  en  un  seul  uioi  le  manque 
de  parole  de  celui  qui  devait  venir  a  l'hùiel  des 
T'rsins,  ;i  sept  heures  du  soir,  et  rcmiuirras  de 
celui  qui  est  venu,  et  (jui  ne  trouve  personne? 
A-l-il  été  trompé  dans  son  atlrnlc?  Cela  est 
d'une  longueur  insupiiortable,  et  n'exprime  pas 
précisément  la  chose  II  a  été  désappointé  :  voilà 
le  mot.  Servez-vous-en  donc,  vous  ipii  voidoz 
(|u'on  vous  entende  vite.  Vous  savez  ipn>  li.'s  cir- 
conlociUions  sont  la  marque  d'une  lan^juc  pau- 
vre. Il  ne  faut  pas  dire  f^ous  me  devez  cinq 
pièces  de  douze  sou.i,  (juand  vous  pouvez  dire 
f^ous  me  devez  un  écu. 

Apposition.  Subst.  f.  Figure  de  construction 
(pii  consiste  à  mettre  ensemble,  sans  conjonction, 
deux  noms,  dont  l'im  est  un  nom  propre,  et  l'au- 
tre un  nom  aiipellatif,  en  soi  le  (jnece  dernier  est 
pris  adjectivement,  et  est  le  qualificatif  de  l'au- 
tre; c'est  ainsi  qu'on  a  dit,  Flandre,  théâtre 
sanglant,  c'est-à-dire ,  ipii  est  le  théâtre  san- 
glant. (Dumarsais.) 

Appréciable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'aiirèsson  subst. 

Apprfciatrur.  Subst.  m.  Ona  iMl appréciatrice 
au  féminin  :  Heureux  qu  i  possède  cette  philosophie 
appréciatrice  de  toutes  choses.  (Mercier.)  Rien  ne 
s'oppose  à  l'emploi  de  cette  exiircssion. 

Appréciatif,  Appréciative.  Adj.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Elatappréciatifdemarchan- 
dises. 

Apprécier.  V.  a.  de  la  \"  conj.  L'Académie  le 
définit,  estimer,  évaluer,  fixer  la  valeur.  —  C'est 
proprement  juger  du  prix  courant  des  choses  dans 
le  commerce  de  la  vente  et  de  l'achat. 

Appréhender.  V.  a.  delà  d"  conj.  Ce  verbe 
exige  toujours  le  subjonctif  dans  la  pn>posilio_n 
subordonnée:  J'appré.hende  qu'il  ne  vienne,  je 
n'appréhende  pus  qu'il  vienne.  —  I  orstpi'on  dé- 
sire la  chose,  on  appréhende  (]u'clle  n'arrive  pas. 
Alors  la  proposition  subordonnée  d'appréhi-nder 
est  toujours  négative,  cl  la  négation  s'e\i)riine  par 
7ie pas,  (\\ich\uc  forme  (jifait  la  proposition  prin- 
cipale :  J'appréhende  qu'il  n'arrive  pus,  je  n'ap- 
préhende pus  qu'il  n'arrive  pas ,  apprvhendez- 
vous  qu'il  ji'arrive  pas?  —  Lorsqu'on  ne  désire 
pas  la  chose,  on  l'appréhende.  Alors  la  proposi- 
tion subordonni'e  prend  ne  sans  pas,  si  appréhen- 
der n'esl  ni  négatif  ni  inlcrvo'znUf:  J'appréhende 
qu'Une  vienne.  Si  «;)jB/-t'/je/i'7(?r  est  accompagné 
de  ne  pas,  la  proposition  subordonnée  ne  prend 
pas  ne:  Je  n'appréhende  pas  qu'il  arrive  — 11  en 
est  de  même  si  appréhender  est  interiogatif,  ou 
accompagné  de  quelques  mots  qui  |troduisciit  l'ef- 
fet do  la  négation  : /)otV-o72  appréhender  qu'il  ar- 
rive? On  appréhende  peu  qu'il  arrive. — Si  appré- 
hender est  négalif  cl  inierrogalif  en  même  temps, 
on  doit  metlrc  ne:  N'appréhendez-vous  pus  qu'il 
ne  vienne?  pour  dire,  il  pourrait  bien  venir. 

Apprendre.  V.  a.  et  irrégiilier  de  la  'i'  conj 
11  se  conjugue  comme  prendre.  Voyez  ce  mot. 

Il  faut  doubler  la  loiirc  n  toutes  les  fois  (pic 
celte  leilre  doit  être  suivie  d'un  e  muet  :  Qur 
j'apprenne 

Dans  le  sens  d'acquérir  des  connaissances  on 
dit  Apprendre  quelque  chose  de  quelqu'un.  On 
apprend  de  l'expérience.  —  Dans  le  sens  d'cnsei- 
gnci-,  instruire,  on  apprend  quelque  chose  a  quel- 
qu'un. —  Dans  les  deux  sens,  il  rcgit  â  devant  les 


70 


APP 


verbes  :  .-ipprcndrc  ivlire,  ;i  écrire,  à  danser.  Je 
lui  ai  appris  à  lire. 

Apprenti.  Subst.  m.  Apprkntie.  Subst.  f. 

Aulrefois  on  écrivait  et  l'on  pronon(;ail  appren- 
tif  cl  apprentive .  On  a  dit  aussi  apprentissc. 

Boilcau  disait  apprentie,  quoique  certaines 
éditions  portent  apprentive  : 

De  livres  et  d'ccrils  bourgeois  admirateur, 
Yais-je  épouser  ici  quelque  apprentie  auteur î 
(Sat.  X,  463.) 

Aujourd'hui  on  ne  peut  plus  dire  (xW apprentie 
au  IV'ininin. 

Appkèter.  y.  a.  de  lal^conj.  Avant  un  verbe, 
il  régit  la  proposition  à:  apprêter  le  dîner,  apprê- 
tera dîner. 

Apprêts.  Subst.  m.  pluriel.  Préparatifs.  L'Aca- 
démie rindii|ue  au  siiigulicr,  (juoiipi'il  ne  se  dise 
qu'au  pluriel.  A  la  vérité,  elle  avertit  qu'il  ne  se 
dit  guère  qu'au  pluriel,  mais  elle  ne  donne  aucun 
exemple  de  cette  prétendue  exception.  —  Dans 
toutes  ses  autres  accepiions,  ce  mol  ne  se  dit 
qu'au  singulier,  ce  que  l'Académie  ne  dit  pas. 

Approbatedr.  11  l'ait  au  féminin  approbatrice 

Approbatif,  Approbative.  Adj.  qui  suit  tou- 
jours son  subst.  :  Geste  approbatif. 

AppnocnANT,  .approchante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  approcher.  Deux  couleurs  approchantes  l'une 
de  l'mutre.  W  ne  se  met  qu'après  le  subst. 

Approche.  Subst.  f.  L'approche  de  la  nuit, 
Vapproche  de  l'ennemi.  On  le  met  au  pluriel,  en 
parlant  de  choses  dont  l'arrivée  prochaine  s'an- 
nonce par  plusieurs  effets  :  Les  approches  de  la 
viort.  On  peut  dire  aussi  Vapproche  de  la  mort, 
lorsque  l'on  considère  la  mort  abstraction  faite 
des  circonstances  (jui  indiquent  son  approche. 

Approprier.  Y.  a.  de  la  •I"'"  conj.  On  dit,  dans 
le  Dictionnaire  de  l'Académie,  ({Kl' approprier  se 
dit  dans  le  sens  de  mettre  dans  un  état  de  pro- 
preté. 11  y  a  longtemps  (ju'on  ne  l'emploie  plus 
dans  cette  acception.  On  ne  dit  pas  qu'wn  appar- 
tement est  bien  approprié,  pour  dire  qu'on  l'a 
rendu  bien  propre. 

Approximation.  Subst.  f.  Dans  le  langage  ordi- 
naire, il  se  dit  de  l'action  d'approcher  de  l'exac- 
titude dans  les  idées,  dans  les  jugements,  etc.  : 
Heureusejnent  les  homrnes  n'ont  besoin  que  d'une 
certaine  analogie  dans  les  idées,  d'une  certaine 
approximation  dans  le  langage,  pour  satisfaire 
aux  devoirs  de  la  société.  (Barthélémy.) 

Appdi-main.  Subst.  m.  On  dit  au  pluriel  des  ap- 
pui-main, sans  .9.  La  pluralité  tomljc  sur  le  mot 
canne  ou  baguetlequicst  sous-entendu. —  M.  I.e- 
mairecst  d'avis(iu'il  faut  écrire  des  appuis-mains, 
parce  qu'il  s'agit  de  plusieurs  appuis  qui  peuvent 
servir  à  plusieurs  7«a2'«s  [Grammaire  des  Gram- 
maires, p.  174.)  —  L'Académie  ne  se  prononce 
pas. 

Appuïer.  V.  a.  delà  1"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  on  conserve  toujours  l'y  qui 
se  trouve  dans  l'infinitif,  excepté  avant  le  son  de 
Ve  muet.  J'appuyais,  j'appuyai  ;  j'appuie ,  tu  ap- 
puies, il  appuie,  j'appuierai,  j'appuierais. — On 
d\{.  appuyer  de,  et  appuyer  pur  :  Il  lui  dnjinait 
des  instructions  qu'il  appuyait  de  divers  exem- 
ples. (Fénelon,  Télémaquc.)  Bien  n'est  moins  se- 
lon Dieu  et  selon  le  monde  que  d'appuyer  tout 
ce  que  l'on  dit  dans  la  conversation,  jusqves 
aux  choses  les  plus  insignifiantes,  par  de  longs 
et  fastidieux  serments.  (La  Biuyére,  De  la  So- 
ciété, 271 .) 


APR 

Apre.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  :  Un  fruit  âpre;  un  chemin 
âpre;  une  réprimande  âpre,  ou  une  âpre  répri- 
mande. 

Apremekt.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  On  l'a  réprimandé  âpre- 
mcnt,  ou  on  l'a  âpremcnt  réprimandé. 

.\piiÈs.  Préposition.  Le*  ne  se  prononce  que  dcr 
vaut  une  voyelle.  C'est  une  itrcposition  de  temps, 
après  le  déluge  ;  ou  d'ordre,  après  la  cavalerie 
venait  l'infanterie.  —  (Juclquelois  on  l'emploie 
dans  le  sens  de  contre,  crier  après  quelqu'un; 
de  sur,  ils  sont  deux  chiens  après  un  os;  de  à  la 
poursuite,  la  gendarmerie  court  après  ces  vo- 
leurs.— Lorsqu'il  est  suivi  d'un  verbe,  il  régit  le 
verbe  à  l'inlinitif  si  ce  verbe  se  rapporte  au  sujet 
de  la  [)lirase,  il  alla  se  promener  après  avoir 
dîné;  et  il  régit  la  conjonction  que  avec  l'indica- 
tif, quand  le  verbe  ne  se  rapporte  pas  au  sujet  de 
la  phrase,  après  que  vous  aurez  fini. — Après  ne 
se  met  (jue  devant  les  noms  (pii  expriment  l'or- 
dre, le  temps  ou  le  lieu  :  Après  la  pluie  tient  le 
beau  temps,  après  midi,  après  V antichambre 
est  an  salon.  C'est  donc  avec  raison  qu'on  a  cri- 
tiqué ce  vers  de  Pierre  Corneille  (Citf, act.  II, 
se.  VII,  12)  ; 

Après  son  sang  pour  aoi  mille  fois  répandu. 

Et  cet  autre  de  Crébillou  : 

Après  ce  fils  que  je  viens  de  le  rendre. 

Il  fallait  après  que  son  sang  a  été  mille  fois  ré- 
pandu pour  moi  ;  après  que  je  t'ai  rendu  ce  fils, 
M.  Ampère  n'est  point  de  cet  avis.  «  Après  et 
auprès,  dit-il ,  étaient  dans  l'origine  le  même  mot, 
adproximé  pour  proximè.  Plus  tard  ,  on  a  réserTé 
auprès  pour  désigner  l'idée  de  proximité,  de  con- 
tiguité  appliquée  à  l'espace.  La  même  idée  appli- 
quée an  temps  a  été  exprimée  par  après,  et  a  été 
étendue  ;i  tout  ce  qui  suit  un  événement.  En  con- 
séquence (le  cette  étymologie  d'après,  il  est  tout 
naturel  qu'il  puisse  avoir  un  régime  direct  comme 
dans  après  cela,  après  tout.  Les  tournures  fami- 
lières être  après  un  ouvrage,  après  quelqu'un,  sont 
bien  dans  le  génie  de  la  langue ,  et  le  vers  de  Cor- 
neille est  bon;  car  l'étymologie  conduit  mieux  à 
après  son  sang  qu'à  après  que  son  sang. 

On  dit  être  après  quelque  chose,  pour  dire  être 
occupé  à  faire  quelque  chose  :  Jlya  longtemps 
qu'il  est  après  cet  ouvrage.  Ëtreaprèsqucl^uvn, 
le  solliciter,  le  tourmenter  pour  l'engager  à  faire 
quel<]UJ3  chose.  Ces  expressions  sont  familières. — 
On  Ali  peindre  d'après  nature,  d'après  l'antique, 
parler  d'après  quelqu'un. 

Après  tout  signifie  cependant,  selon  l'Acadé- 
mie. Féraud  observe  avec  raison  qu'il  signifie 
plus  souvent  quand  cela  serait  :  Après  tout,  quel 
mal  y  a-t-il  d'avoir  dit  cela? 

Après-dî.née  ,  Après-solpée.  Ces  mots  sont 
féminins  et  s'écrivent  avec  un  trait  d'union. —  Ils 
font  au  pluriel  des  après-dînées,  des  après-sou- 
pées.  (Académie,  1835.)  On  dit  après  dîner  \ors- 
(ju'on  veulnianpier  simplement  une  époque^pos- 
térieure  au  diner  :  J'irai  vous  voir  après  dîner, 
cl  alors  on  ne  met  point  de  trait  d'union. 

Après-midi.  Tous  les  dictionnaires  font  ce  sub- 
stantif féminin.  Quelques-uns  de  nos  grammai- 
riens modernes  prétendent  qu'il  est  lanlot  mas- 
culin, tanlôl  féminin  :  masculin,  lorsipie  l'on  con- 
sidère un  seul  des  moments  qui  cuiiiposent  la 
durée  qu'il  exprime;  féminin,  lorsque  l'on  veut 


APR 

parler  de  l;i  ilurôo  entière  de  cette  pnrlie  du  jour. 
Selon  M.  Domergue,  on  iMl  j'irai  vous  voir  cet 
après-midi,  comme  on  dit  J'irai  vous  voir  ce 
soir,  cet  après  dincr,  cet  après  souper. 

Si  quelques  personnes  s'expriment  ainsi,  je 
pense  que  c'e>t  jinrabus.  Une  uprcs-midi  est  le 
temps  qui  dure  depuis  midi  jusqu'au  soir.  Dans 
j'irai  vous  voir  celte  après-midi,  ou  j'irai  pas- 
ser cette  après-midi  avec  vous,  il  n'ya  rien  qui  ii:- 
dique  une  dilïèrcnce  d'idt-e  ou  de  genre.  La  pro- 
luière  de  ces  piirases  signifie  J'irai  vous  voir  dans 
l'espace  de  temps  qui  s'écoulera  aujourd'hui  de- 
puis midi  jusqu'au  soir;  et  l;i  seconde,  Je  passe- 
rai avec  vous  Tcspiice  do  temps  qui  s'écoulera 
aujourd'hui  depuis  midi  jusqu'au  soir  :  c'est  tou- 
jours l'espace  de  temps,  et  l'espace  de  temps  con- 
sidéré comme  durée.  Toute  la  différence,  c'est 
que,  dans  le  second  exemple,  l'espace  de  temps 
est  déterminé,  et  qu'il  ne  l'est  pas  dans  le  pre- 
mier. Mais  cette  indétermination  ne  peut  pas  être 
indiquée  par  le  masculin  au  lieu  du  féminin. 
Pourquoi  donc  inlruduire  des  innuvatiuns  qui  ne 
signifient  rien,  et  vouloir  trouver  des  différences 
su  il  n'en  existe  point?  Ne  vaut-il  pas  mieux 
laisser  les  choses  comme  elles  sont  ? 

D'ailleurs,  il  n'est  pas  vrai  que  dans  firai 
vous  voir  cet  après-midi,  on  considère  un  seul 
des  moments  qui  composent  l'après-midi  ;  au  con- 
traire, on  les  considère  tous,  et  chacun  comme 
pouvant  être  celui  où  l'on  ira  voir. 

Dans  la  langue  latine,  le  mot  dies  est  quelque- 
fois masculin  lorsqu'il  indique  une  époque,  et  fé- 
minin lorsqu'il  signifie  une  durée  :  Hic  dies,  hœc 
dies  ;  dies  longa  videtur  opvs  dehentHus.  (Ho- 
race.) Mais  cette  manière  de  s'exprimer  était  peu 
usitée,  et  Cicéron  disait  ordinairement,  dies  se- 
cundus,  dies  iertius,  etc.  Nous  n'avons  point 
adopté  cet  usage,  et  nous  exprimons  celte  diffé- 
rence par  des  mots  différents  :  jour,  journée  ; 
an,  année:  soir,  so-irée ;  matin,  matinée.  De 
sorte  que,  si  par  le  substantif  après-midi  on  eût 
voulu  exprimer  tantôt  une  époque,  tantôt  une 
durée,  on  aurait  marqué  cette  distinction  par  des 
termes  différents;  mais  celte  distinction  n'était 
pas  nécessaire.  Nous  avons  un  moyen  d'expri- 
mer comme  époque  l'espace  de  temps  qui  suit 
l'heure  île  midi.  On  dit  avec  la  préposition,  j'irai 
vous  voir  après  midi,  aujourd'hui  après  midi,  de- 
main après  midi.  Cette  distinction  est  donc  in- 
utile et  contraire  au  génie  de  la  langue. 

Apropos.  Subst.  m.  Vapropos  est  comme  l'a- 
venir, l'atour,  fados,  et  plusieurs  autres  termes 
pareils,  qui  ne  composent  plus  aujourd'luii  qu'un 
mot,  et  qui  en  faisaient  deux  autrefois.  Si  vous 
dites  :  ^  propos ,  j'oubliais  de  vous  parler  de 
cette  affaire  ,  alors  ce  sont  deux  mots,  et  à  de- 
vient une  préposition;  mais  si  vous  dites  :  F'uilù 
vil  apnpos  heureux,  un  apropos  bien  adroit, 
apropos  n'est  plus  qu'un  seul  mot. 

La  iSIolhe  a  dit  dans  son  ode  intitulée  V Aveu- 
glement (v.  37)  : 

Le  père  du  commerce  aimable, 
Dieu  qu'à  torl  oublia  la  Fable, 
Le  sage,  le  prompt    apropo$. 

L'.\cadémie  en  fait  deux  mots  dans  son  édition 
de  1835. 

Apte.  .\dj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  sulist. 

Aquatique.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
akouatique.  En  prose,  cet  adj.  suit  toujours  son 


.\RC 


71 


suhsl.  :  Des  terres  ar/uuti'iirs,  des  plantes  aquu- 
tirjucs,  des  animaux  w/uaHijucs. 

.Aqdeduo.  Subst.  m.  Dans  l'édition  de  1762, 
on  lisait  aqueduc  sans  accent  sur  \'e,  et  c'c^t  ainsi 
qu'on  était  convenu  assez  généralement  'le  f. - 
crire.  L'Académie  de  179S  a  renouvelé  l'ancienne 
orthographe  en  écrivant  n7i/t'(/«c. —  (.'.'était  là  évi- 
demment une  inadvertance;  IWcadémic  recon- 
naît aujouid'liuio7H<'f/t.'r,.  "[  elle  toli'ie  aq,t,'duc. 
'.\.  Lemaire,  Grammaire  des  Gramm.,  p.  125.) 

Aqueux,  Aqueuse.  Adj.  On  prononce  a/«>uj- ; 
il  suit  toujours  son  subst.  :  Humeur  aqtiense,  des 
fruits  aqueux. 

Aquilin.  Adj.  m.  rrononccz  aJdlin.  11  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Nez  aquilin. 

Aquilon.  Subst.  m.  On  prononce  aA-('/o/j. 

Arabe.  Adj.  des  deux  genres.  La  langue  arabe. 
Caractères  arabes.  Chiffres  arabes.  Chcvau.v 
arabes.  Il  ne  se  met  (ju'après  son  subst. 

Arabesque.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Genre  arabesque.  Orno- 
luents  arabesques.  Peintures  arabesques.  On 
l'emploie  aussi  substantivement  :  Uts  arabesques. 

Ar.vbique.  Adj.  des  deux  genres  (pii  suit  tou- 
jours son  subst.,  et  ne  se  met  qu'avec  gommeci 
golfe:  Gomme  arabique.  Golfe  Arabique. 

Arable.  Adj.  des  deux  genres.  Labourable.  Ce 
mot,  recueilli  par  l'Académie,  est  inutile,  puis- 
que labourable  signifie  la  même  chose;  aussi 
n'est-il  pas  usité. 

Aragne  ou  .\r.AiGNE.  La  Fontaine  a  employé  ce 
mot  dans  deux  de  ses  fables,  sans  le  faire  passer 
dans  fusage.  (Liv  .  III,  fable  viii,  il,  3J,  35; 
liv.  X,  fabFe  vu,  21)  On  ne  l'a  revu  dès  lors  que 
dans  les  poésies  de  BonnevUle.  (Ch.  Nodier,  Exa- 
7nen  critique  des  Dictionnaires.) 

Aratoire.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'aprèsson subst.  :  Des  instruments  aratoires. 

Arbitraire.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose, 
il  se  met  après  son  subst.  :  Un  pouvoir  arbitraire. 

Arbitrairement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Agir  arbitrairement. 

Arbitral,  Arbitrale.  Adj.  qui  suit  toujours 
son  subst.,  et  qui  n'a  point  de  masculin  au  plu- 
riel. 

Arbitre.  Subst.  "N'oltaire  a  dit  sur  ce  vers  de 
Corneille  [Sertor.,  act.  II,  se.  ii,57)  : 

Mais  si  de  leur  puissance  ils  vous  laissent  l'arbitre. 

Être  arbitre  des  rois  se  dit  trcs-bicn,  parce  qu'en 
eH'ct  des  rois  i^uvcnl  choisir  ou  recevoir  un  ar- 
bitre. On  est  l'arbitre  des  lois,  parce  que  souvent 
les  lois  sont  oppiisécs  l'une  à  l'autre;  Varbitrc 
des  Etats  qui  ont  des  prétentions  ;  mais  non 
[)as  Varbitrc  de  la  puissance. 

Arboris.itios.  Subst.  f.  L'Ac'adémie,  qui  me; 
f  adjectif  «riOT-î^J,  ne  met  point  le  subst.  arbori- 
salion.  On  donne  ce  nom  à  des  dessins  nature!.^ 
imitant  des  arbres  ou  des  buissons,  qu'on  ob- 
serve dans  différentes  pierres,  surtout  dans  les 
agates  et  dans  une  variété  de  pierres  de  l'io- 
rciiCG. 

■  Arborisé,  Arborisée.  Adj.  qui  suit  toujours 
son  subst.  :  Pierre  arboriséc. 

Arc.  Subst.  m.  Le  c  se  prononce. 

\rc-boutant,  Arc-dolcleau.  Substant.  mascu- 
lins Le  c  ne  se  prononce  point  dans  ces  raiols. 
Ils  font  au  iduricl  urcs-boiitants,  arcs-dou- 
blcuux,  parce  qu'ils  sont  composés  d'un  subst.  et 
d'un  adj   qui  doivent  s'accorder  eu  nombre. 


72 


ARG 


Arc-en-ciei..  Sulisl.  m.  On  prononce  arhdncicl, 
mcincau  plniii'l.  (Acndéinie,  4835  )  11  r-iiiaii  plu- 
riel urcs-e/i-ciel,  parce  (]u'ici  c'csl  le  mol  arcs 
qui  peut  seul  |)ieiidrc  le  signe  du  pluriel,  puis- 
qu'il y  a  |>lusicurs  arcsen-ciel;  mais  ciel  doit 
rester  au  siiiiiulicr,  i)uisque  tous  ces  arcs  sont 
toujours  dans  le  même  ciel.  Aoycz  Composé. 

Abchaïsme,  Archange,  Archéologie,  Archéo- 

LOGIQIE,       AKCMKOI.OGUE,     ARCHÉTYPE.     DHHS    CCS 

mots,  cil  se  prononce  k. 

Archi.  .Mol  (]ni  ne  se  dit  jamais  seul,  mais 
qui,  joint  a  d'autres  mois,  marque  dans  le  sens 
de  ces  derniers  un  de^'rc  de  sui)crioriie,  en  bien 
ou  en  mal.  On  dit  un  arcln-vilain,  un  archi- fou. 
Le  cliii,')'  |>ronoiice  comme  dans  chicane  ;  a  l'ex- 
ception iï archiépiscopal  et  archiépiscopal,  que 
l'on  prononce  arkiépiscopal,  arkiépiscopat. 

Akghiépiscopal,  Archiépiscopat.  V.  Archi. 

Archontat,  Archonte.  Ces  deux  substantifs 
se  prononcent  arkontut,  arkonte. 

ARDEM.Mr.NT.  Adv.  Il  ne  s'emploie  qu'au  figuré. 
On  peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  parti- 
cipe: Il  m'en  a  sollicité  ardemment,  ou  il  m'en  a 
ardemment  sollicité. 

Ardent,  Ardente.  Adj.  11  peut  se  mettre 
avant  son  subsl.  '.Ardente  soif,  soif  ardente  ;  ar- 
dents transports,  transports  ardents.  Voy.  Em- 
brasé. 

Arder  ou  Ap.dre.  V.  a.  de  la  l"  conj.  qui  n'est 
jilus  usité,  et  qui  signifiait  brûler.  Voltaire  la 
employé  (piclqucfoisen  plaisantant,  et  en  paii.uit 
de  l'ails  passés  dans  le  leui|)S  où  il  était  en  usage  : 
L'abbé  de  Prudes  est  le  plus  drôle  d'hérésiarque 
qui  ait  jamais  été  excommunié.  Il  est  gai,  il 
est  aimable,  il  supporte  en  riant  sa  mauvaise 
fortuite.  Si  les  Arius ,  les  Jean  Hus,  les  Lti- 
ther,  les  Calvin,  avaient  été  de  cette  liumeur-là, 
les  Pères  des  conciles,  au  lieu  de  vouloir  les  ar- 
dre, se  seraient  pris  par  la  main,  et  auraient 
dansé  en  rond  avec  eux. — f^ous  autres  chrétiens 
de  la  mer  Britannique,  vous  avez  plus  tôt  fait 
cuire  un  de  vos  frères,  soit  le  conseiller  Anne 
Dubourg,  soit  M ichcl  Servet,  soit  tous  ceux  qui 
furent  ards  sous  Philippe  II,  surnommé  le  Dis- 
cret, que  nous  ne  faisons  rôtir  un  rostbifà  Lon- 
dres. Il  fit  ardre  réellement  le  corps  et  le  sang  do 
l'Espagnol.  (N'oit.,  Prix  de  la  justice  et  de  l'hu- 
manité. Art.  VIII.) 

Ardeur.  Subst.  f.  Les  poêles  disent  ardeur  au 
singulier  et  au  pluriel,  pour  dire  amour. 

Penses-tu  q\ie  sensible  à  l'honneur  de  Tliésée, 
Il  lui  caclie  l'ardeur  dont  je  suis  embrasée? 

(Rac,  Phéd.,  ad.  III,  se.  m,  21.) 

Il  sait  mes  ardeurs  insensées. 

[Idem,  ad.  III,  se.  I,  29.) 

Au  propre,  on  le  met  au  pluriel  dans  les  phra- 
ses suivantes  :  Les  ardeurs  du  soleil,  les  ardeurs 
de  la  canicule,  les  ardeurs  de  l'été. 

Argent.  Subsl.  m.  Ce  mot,  comme  tous  les 
noms  de  métaux,  est  iTiasculin  et  n'a  point  de  plu- 
riel ;  il  signifie  la  masse  de  tout  ce  qu'on  appelle 
argent.  C'est  une  esi)éce  de  nom  propre. 

On  se  sert  souvent  du  mot  argent  pour  expri- 
mer de  l'or  :  Monsieur,  mules-vous  me  prêter 
cent  louis  d'or?  —  Monsieur,  je  le  voudrais  de 
t'iui  mon  cœur,  mais  je  n'ai  point  d'argent. 

Argentin,  Argentine.  Adj.  En  [irose,  il  suit 
toujours  son  subsl.  :  Son  argentin,  voix  argen- 
tine. 

Argile.  Subst.  f.  Terre  grasse  propre  à  faire 


ARR 

des  vases.  "Voltaire,  dans  la  tragédie  d'Agatho- 
de,  représentée  après  sa  mort,  al'ail  argde  mas- 
culin : 

Vargtle  par  mes  mainî  autrefois  façonné 

A  produit  sur  mon  front  l'or  qui  m'a  couronné. 

(Act.  V,  »c.  m,  15.) 

C'est  un  solécisme. 

Argileux,  Argileuse.  Adj.  qui  suit  toujours 
son  subst.  :  Terre  argileuse. 

Argot,  Ergot.  On  confond  quelquefois  ces 
deux  mots. 

Argotrsc  dit  d'un  jargon  dont  se  servent  entre 
eux  les  gueux  et  les  filous  de  jjrofession,  pour 
n'être  pas  compris  des  autres  persoimes.  11  se  dit 
aussi  (le  rextrémité  d'une  branche  qu'un  jardi- 
nier négligent  a  laissée  en  taillant  un  arbre. 

Ergot  se  dit  d'inie  sorte  de  i)elit  ongle  pointu 
qui  vient  au  derrière  du  pied  de  certains  ani- 
luaux,  comme  le  coq,  le  chien,  etc. 

Argoter.  Voyez  £"(V7r)/e?-. 

Arguer.  V.  a.  de  la  'l'""  conj.  L'w  et  Ye  se  pro- 
noncent séparément,  i'arguë. 

Ar.Gus.  Subsl.  m.  On  [irononce  le  s. 

Ar.iDE.  Adj.  des  deux  genres.  Au  figuré,  on 
pourrait  le  mettre  avant  son  subsl.  :  lia  fortbien 
traité  cet  aride  sujet.  Rousseau  a  dit  en  vers 
l'aride  vertu,  dans  le  sens  de  stérile. 

Aristocratique.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit 
ordinairement  son  sw.\)i,\..  :  Etat  aristocratique , 
gouvernement  aristocratique, 

Aristocratiocement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près le  verbe.  :  Cet  Etatestgouverné  aristocrati- 
quement,  et  non  pas  est  aristocratiquement gou- 
verné. 

Arithmétique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Calcul  arithmétique. 

Abithmétiqitement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe:  Il  a  procédé  arithmétiqucment,  et  non 
pas  il  a  arithmétiquemenl  procédé. 

Akmillaire.  Adj.  f  On  prononce  les  deux  l 
sans  les  mouiller.  1!  ne  se  met  qu'après  son  subst., 
et  n'est  usité  que  dans  cette  locution  :  sphère  ar- 
millaire. 

Armistice.  Subst.  m.  Suspension  d'armes. 

En  1762,  l'Académie  faisait  ce  mol  féminin, 
et  les  écrivains  suivaient  l'Académie.  Voltaire  a 
dit  :  Le  comte  de  Steinboch  demanda  une  armis- 
tice (  Hist.  de  Bussie,  part.  II,  chap.  iv  ),  mais 
en  1798,  l'Académie  a  fait  ce  mol  masculin  avec 
raison,  selon  nous;  car  il  est  tire  du  mot  latin 
ormistitium,  (jui  est  neutre,  et  ces  sortes  de  mots 
sont  ordinairement  masculins  en  français. 

Aromatique.  Adj.  des  deux  genres.  II  suit  tou- 
jours son  subst.  :  Herbe  aromatique,  odeur  aro- 
matique. 

Arracher.  Y.  a.  de  la  l"^*  conj.  On  dit  arra- 
cher de,  et  arracher  à;  mais  dans  quel  cas  faut-il 
se  servir  de  l'un  ou  de  l'autre?  C'est  ce  que  l'A- 
cadémie ne  dit  point.  Essayons  de  découvrir  la 
différence  de  ces  deux  manières  de  s'exprima*. 

On  dit  arracher  un  clou  d'une  muraille,  arra- 
cher une  pierre  d'un  mur,  arracher  itne  branche 
d'un  arbre. 

Voltaire  a  dit  : 

Une  femme  avait  vu  par  ces  cœurs  inhumains. 
Un  reste  d'aliments  arraché  de  ses  mains. 

[Henr.,  X,  2S3.) 

On  l'arrache  des  bras  du  malheureux  Argirc. 

(runcr.,  ad.  III,  se.  ni,  6i.) 


ÂRR 

A  ce  nom,  ds  mes  bras  on  arracha  ta  fille. 

(.AJï.,act.  Il,  se.  17,  23.J 

Vous  l'aTez  arraché  d'une   terre  étrangère. 

(Mérope,  act.  IV,  se.  ui,  5.) 

Jj  m'arrachai  dts  bras  d'une  mère  éplorée. 

[OEd.,  act    IV,  se.  i,  153.) 

A  peine  ai-je  arraché  ce  secret  do  son  cœur, 

(Brut.,  acl.  I,  se.  iv,  75.) 

Racine  : 

N'attends  pas  qu'un  père  furieux 
Te  fasse  avec  opprobre  arracher  de  ces  lieux. 

{Phéd.,  act.  IV,  se.  Il,  121.) 

Que  des  mains  de  Roiane  ils  viennent  m'arraeher. 
{Bajaz.,  act.  II,  se.  m,  56.) 

Ah  !  de  nos  bras,  sans  doute,  elle  vient  l'arracher. 
(Ath.,  acl.  II,  se.  II,  43.) 

Si  votre  haine 
Persévère  à  vouloir  l'arraclier  de  mes  mains. 

(  Iphig.,  act.  IV,  se.  ix,  1.) 

De  mes  bras  (ont  sanglants  il  faudra  l'arracher. 

(^Idem,  acl.  IV,  se.  IV,  145.) 

Delille  : 

Arrache  de  son  tlanc 
D'affreux  lambeaux  suivis  de  longs  ruisseaux  de  sang. 
CÉnéid.,  II,  279. J 

Dans  tous  ces  exomiiles  on  voit  indiciués  le 
lieu  ou  la  chose  d'où  l'on  arrache.  C'est  l'action 
simple  de  tirer  avec  eflbit  une  chose  d'un  lieu, 
ou  de  la  séparer  d'une  autre  chose  à  hniuelle  elle 
tenait,  ou  qui  la  relenail  ;  et  dans  ce  cas,  c'est  a 
la  préposition  de  à  mnrtiuer  le  rapport,  parce 
qu'il  ne  s'agit  que  d'extraciion. 

Mais  lorsqu'il  est  question  d'une  personne  à 
laquelle  on  veut  «nlcver  ce  qui  lui  est  cher,  ou 
ce  qui  fait  partie  d'elle-inénie,  le  rapport  n'est 
plus  un  simple  rapport  d'extraction,  mais  la  per- 
sonne que  l'on  veut  priver  de  la  chose  qu'on  ar- 
rache est  le  vrai  but  de  l'action.  Ainsi  on  dit  ar- 
racher un  œil,  un  Iras  à  vue  personne,  arracher 
un  enfant  à  sa  mère,  une  épouse  a  son  époux, 
arracher  de  Vargent  à  tin  avare- 

Ainsi  Racine  a  dit  : 

Ce  n'est  donc  pas  assez  que  ce  funeste  jour 
A  tout  ce  que  j'aimais  m'arrache  sans  retour. 

{Uithrid.,  acl.  II,  se.  VI,  7.) 

Delille  : 

Plusieurs  veillent  assis  à  côté  du  bûcher; 
Rien  à  ces  chers  ubjcls  ne  peut  les  arracher. 

(iineïd.,  XI,  201.) 

11  en  est  de  même  lorscju'il  s'agit  de  soustraire 
quelqu'un  à  un  danger,  à  un  crime,  à  quelipie 
cause  qui  tend  à  nuire,  etc.  On  arrache  quel- 
qu'un à  la  mort,  à  la  vengeance  de  ses  ennemis. 

Du  jour  que  j'arrachai  cet  enfanta  la  mort. 

(Rac,  A«h.,  act.  I,  se.  II,  25.) 

La  nature,  étcnnéeàce  danger  funeste, 

En  vous  rendant  un  fils,  vous  arrache  à  l'inceste. 

^YoLT.,  Sém.,  act.  V,  se.  I,  3.) 

Ton  roi,  jeune  Biron,  t'arrache  à  ces  soldats, 
Dont  les  coups  redoublés  achevaient  ton  trépas. 
(Volt.,  Ilenr.) 

lU  les  ont  arrachés  à  la  mer  en  furie. 

(Volt.,  Orfsi.,  act.  IV,  se.  Tiii,  13.) 


ART  73 

K(je  veux  l'arraclier  aui  tyrans  Imposteurs, 
Qui  renversent  les  lois  et  corrompent  les  mœurs. 
(Volt.,  Slahom..  act.  I,  se.  ly,  M») 

Leurs  bras  vont  à  U  ra-e  arracher  riniiocenca. 

[Idem,  acl.  V,  »c.  Il,  51.) 

Regarde!  ce  vieillard  ;  c'est  lui  dont  la  prudencs 
Aux  mains  de  Polyiihonle  arr.tclia  son  enfance. 

(Volt.,  J/crop.,  act.  V,  se.  vu,  16.) 

A  ce  destin  sévère 
lUtez-vous,  s'il  se  peut,  d'arracher  voire  frère. 

(Dklil.,  Enéid.,  ,\11,  247.) 

.4n(!ANGEK.  V.  a.  de  la  d^conj.  Dansée  verbe, 
le^  doit  toujours  avoir  la  prononciation  du  j  ;  et 
pour  lui  ciinservcr  colle  prononciation  d.nis  les 
liMups  où  il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  il  faut 
inetlre  un  e  tnucl  avant  cet  a  ou  cet  o:  J'arran- 
geais, arrangeons,  et  non  [)i\S  j'arrangais,  ar- 
ra  niions. 

AiiKHEs.  Suljst.  f.  pluriel.  Le  peuple  a  substi- 
tué à  ce  mol  celui  A'erres,  qui  n'est  pas  fri'n- 
çais  On  dit  aussi  denier  à  Dieu,  cl  non  i)as  der- 
nier adieu,  l'oinini!  dil  le  i)eii|)lo. 

AiifuÉr.E.  Préposition  insép:irablc(iuicnlrc  d;ins 
la  coiiiposilion  de  plusieurs  imils,  pourlour  faire 
signifier  quelque  chose  de  postérieur,  (jui  est  der- 
rière, opposé  a  avant  ou  devant.  F.lle  ne  change 
point  le  sens  des  mots  ([u'elle  précède,  et  rcsle 
toujours  la  inéine  soit  au  masculin,  suit  au  fémi- 
nin, soit  au  singulier,  soit  au  i)luriel:  Une  ar- 
rière-bmt tique,  des  arrière-bnu tiques.  Un  ar- 
rière-petit-jlls,  des  arrière-petits-jfils. 

Arhiéré,  Ap.iukrée.  Adj.  ijui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  suhst.  :  Une  rente  arriérée,  un  revenu 
arriéré.  H  s'emploie  souvent  avec  la  préposition 
de:  arriéré  d'un  terme,  de  deux  termes 

Arriver.  V.  n  de  la  l"  conj.  Ce  verbe  ne 
prend  point  l'auxiliaire  avoir,  parce  qu'il  ne  si- 
gniiie  pas  une  action.  Arriver,  c'est  litléralcment 
toucher  la  rive,  loucher  au  but  de  son  voyage; 
être  arrivé,  c'est  être  au  but  de  son  voyage.  Ce 
n'est  pas  avoir  fait  une  action,  c'est  un  cial. 

Il  ne  faut  pas  dire  comme  ipiclques  personnes, 
en  arrive  ce  qui  pourra,  mais  en  arrive  ce  qu'il 
pourra.  H  v  a  ellipse  dans  ces  sortes  de  phrases  : 
c'e.-^l  coinini'  ''i  y  avait  en  arrive  ce  qu'il  pourra 
en  arriver. 

Arrogamment.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  //  a  répondu  arrogamment.  Cl  non  i)as  il 
a  urriigainmenl  répnndu. 

Arrogance.  Subst.  f.  L'arrogance  n'est  point, 
comme  le  dit  l'Académie,  la  lierié,  l'orgueil,  la 
présomption.  Pressez-les,  dil  La  Bruyère,  tor- 
dez-lcs ;  ils  dégouttent  l'orgueil,  l'urrogunce,  la 
présomption.  L'arrogance  est  une  morgue  joinle 
a  di'S  manières  hautaines  et  impérieuses,  à  des 
lirélenlions  hardies. 

Arrogant,  Arrogante.  Adj.  On  peut  quelque- 
fois le  metire  avaiil  son  subst.  :  Un  homme  arro- 
gant, une  femme  arrogante  ;  c'est  un  arrogant 
personnage. 

Arroger.  V.  a.  de  la  l''*  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  un  j,  et 
pour  lui  conserver  celle  prononciation  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  c  muet 
avant  cet  a  ou  cet  o:  J'arrogeais,  arrogeons,  et 
non  \\StSJ'arroguis,  arrogons 

Arse.nic.  Subst.  m   On  ne  prononce  pas  le  c. 

Art.  Subst.  m.  Le  t  no  se  pronunce  pas.  Les 
arts  mécaniqties,  les  arts  libéraux,  l'art  mili- 
taire. L'art  Repeindre,  (le  gouverner,  de  s'enri- 
chir. L'art  do  plaire. 

Article.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire.  Les 


\ 


74 


ASG 


articles  sont  le,  la,  les;  le  pour  le  masculin,  lu 
pour  le  fciiiiuiii,  les  pour  le  pluriel  des  deux  t'cti- 
rcs. 

Nous  avons  traite  au  lonç  à  l'article  Adjectif 
de  tout  ce  qui  concerne  l'article,  que  nous  re- 
gardons avec  les  meilleurs  grammairiens  connue 
un  véritable  adjectif;  mais  dans  le  cours  de  cet 
ouvrage  nous  lui  laissons  le  nom  d'article  pour 
nous  conformer  à  l'usage.  A'oycz  Adjectifs  pré- 
positifs. 

Si  plusieurs  substantifs  sontréunis  pour  former 
un  même  sujet,  ou  un  même  com|)lt'nient  total,  il 
faut,  ou  qu'ils  soient  tous  sans  article,  ou  (pieTar- 
licle  soit  ré|)elé  avant  chacun  d'eux  :  Hommes, 
femmes,  enfants,  tout  accourait  pour  le  voir  ; 
ou  les  hommes,  les  femmes,  les  enfants,  tous 
accouraient  pour  le  voir.  L'armée  ennemie  ra- 
ragea  villes,  villages,  hameaux  ;  ou  l'armce  en- 
nemic  ravagea  les  villes,  les  villages,  les  ha- 
meaux. 

Lorsque  plusieurs  adjectifs  modifient  des  sub- 
stantifs par  des  (lualitcs  opposées,  il  faut  répéter 
Tarlicle  avant  chacun  de  ces  adjectifs.  Il  faut 
dire,  le  premier,  le  second  étage  ;  la  vingtième  et 
la  trentième  page;  le  bon  et  le  mauvais  vin  ;  les 
vieilles  et  les  jeunes  gens;  cl  non  jjas  le  premier  et 
secondétage,  lu  vingtième  et  trentième  page, Gic. 
Il  faut  dire  de  même  mon  père  et  ma  mère,  et  non 
pas  mes  père  et  mère. 

Le  seul  cas  où  l'on  puisse  se  dispenser  de  ré- 
péter l'article  avant  plusieurs  adjectifs  qui  mo- 
difient un  substantif,  c'est  lorsque  le  sens  de  ces 
adjectifs  exjjrime  des  qualités  du  même  genre,  et 
qui  sont,  jjour  ainsi  dire,  synonymes:  Les  belles 
et  mémorables  actions  de  nos  armées,  la  belle  et 
jeune  Eglé,  l'humble  et  timide  innocetice. 

Quand  ces  adjectifs  sont  accompagnés  du  terme 
comparatif  plus,  il  faut  répéter  l'article  :  C'est 
l'homme  le  plus  riche  et  le  plus  libéral  que  je 
connaisse  ;  il  pratique  les  plus  hautes  et  les  plus 
excellentes  vertus. 

Ou  dit  les  messieurs,  on  ne  dit  pas  la  madame, 
les  ?nadames,le  monseigneur,  les  inesseignetirs ; 
mais  bien  les  dames,  le  seigneur,  les  seigneurs. 
repcndanl  on  dit  familièrement,  elle  fait  la  ma- 
dame, pour  elle  prend  de  grands  airs.  On  dit 
aussi  jouer  à  la  madaine  :  Elle  était  trop  heu- 
reuse, étant  petite,  de  jouer  à  la  madame  avec 
nous.  (Mol.,  Bourgeois  gentilhomme,  act.  III, 
se.  Xll.) 

Aetificiel,  Ar.TiFiciKi.T.E.  Adj.  Il  se  met  après 
son  sulsl.  :  Fleur  artificielle,  moyen  artificiel. 

Ar.TinciKLLEMKM.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Cela  s'est  fait  artificiellement. 

AnTiFiciEcsEMicM.  Adv.  On  i)eul  le  mettre  en- 
tre l'auxiliaire  et  le  particijjc:  Il  s'est  conduit  ar- 
iificicuseiiient,  il  s'est  artificicusement  conduit 
dans  cette  affaire. 

Ar.TiFiciELx,  Ai;tificiecse.  Adj.  Il  se  met  or- 
dinairement après  son  su bst.  :  Un  homme  artifi- 
cieux, une  femme  artificieuse  ;  mais  il  y  a  des  cas 
où  l'on  [lourrait  le  mettre  avant  :  C'est  un  artifi- 
cieux coijuin.  yoijez  Adjectif 

Ar.TiLi.ERiE,  Artilleur.  Lans  ces  deux  mots, 
on  mouille  les  /. 

AnTisTEMEM.  Adv.  On  p.eut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Cela  est  travaillé  ar- 
iistcment,  cela  est  artistement  travaillé. 

As.  Subst.  m.  On  prononce  le  s. 

'Ascendance.  Subst.  f.  Mot  inusité  que  J.-J. 
Rousseau  a  employé  d'une  manière  heureuse. 
La  justice  et  l'inutilité  de  mes  plaintes, d\{-\l,  me 
laissèrent  dans  l'âme  un  germe  d'indignation 


ASS 

contre  nos  sottes  institutions  civiles.  Une  chose 
empêcha  ce  germe  de  se  dérclipper  :  ce  fut  le 
charme  le  l'amitié  qui  tempérait  et  calmait  ma 
colère  par  Tascendance  d'un  sentiment  plus 
doux. 

Ascendant,  Ascendante.  Adj.  qui  sut  ÎOU' 
jours  son  subst.  :  Ligne  ascendante. 

Ascétique.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  ordi- 
nairement son  subst.  :  rie  ascétique,  auteur  as- 
cétique, ouvrage  ascétique. 

Asiatique.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  ordi- 
nairement son  subst.  :J)/a'Mr*  ast«/igu<?s,  stylé 
asiatique,  luxe  asiatique. 

Aspect.  Subst.  m.  Dans  ce  mot,  on  orononce 
le  c,  mais  jamais  le  t  final. 

Asperger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  vcil)e, 
\cg  doit  toujours  se  prononcer  comme  j,  et  pour 
lui  conserver  cette  prononciation  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o:  J'aspergeais,  aspergeons,  et  non 
l^i\Sj'aspergais,  aspergons. 

Aspirant,  Aspirante.  Adj.  qui  suit  son  subst. 
Il  n'est  guère  usité  que  dans  celte  phrase  :  Pompe 
aspirante. 

Aspiration.  Subst.  f.  En  termes  de  grammaire, 
on  entend  par  aspiration  une  certaineprononcia- 
tion  forte  que  l'on  donne  à  une  lettre,  et  ';ui  se 
fait  par  aspiration  et  respiration.  Nous  la  mar- 
quons par  notre  h,  qui  est  tantôt  muet,  tantôt  as- 
piré. 11  est  muet  dans  homme,  hoimclc,  héroï- 
ne, etc.;  il  est  aspiré  dans  haut,  hauteur,  héros, 
royez  H 

Aspirer  V.  a.  de  la  1"  conj.  II  régit  la  pré- 
position à.  On  a  beaucoup  disputé  sur  ce  vers  de 
Corneille . 

Et  monté  sur  le  faite,  il  aspire  à  descendre. 

(C.nn.,  act.  II,  se.  1,16.) 

Racine,  dit  Voltaire,  admirait  surtout  ce  vers,  et 
le  faisait  admirer  à  ses  enfants.  En  effet,  ce  mol 
aspire,  qui  d'ordinaire  s'emploie  avec  s'élever, 
devient  une  beauté  frapi)ante  quand  on  le  joint 
à  descendre.  C'est  cet  heureux  emploi  des  mots 
qui  fait  la  belle  poésie,  et  qui  fait  passer  un  ou- 
vrage à  la  postérité.  {Remarques  sur  Corneille.) 
Il  est  vrai  qu'aspirer  suppose  ordinairement 
une  tendance  vers  une  chose  élevée  :  Aspirer  à  la 
gloire,  aux  honjicurs.  Mais  souvent  aussi  ce 
verbe  ne  renferme  point  cette  idée  accessoire,  et 
mar(|ue  seulement  un  vif  désir  de  pouvoir  faire 
quelque  chose.  Voltaire  a  dit  : 

C'est  à  servir  l'Étal  qiit  leur  çrand  cœnr  aspire. 

(Slort  de  César,  art.  IH,  se.  Vlll,  18.) 

Sai^-tu  que  ie  sénat  n'a  point  de  vrai  Romain 
Qui  n'afpire  en  secret  h  te  percer  le  sein? 

(idem,  act.  III,  se.  IV,  63.) 

Il  n'y  a  dans  ces  vers  aucune  idée  d'élévation. 
Il  n'est  donc  pas  nécessaire  de  faire  remaniuer 
le  contraste  entre  monter  et  descendre,  pour  blâ- 
mer ce  vers,  ou  pour  en  montrer  la  beauié.  Quand 
on  est  monté  sur  le  faite,  cl  qu'on  désire  ardem- 
ment d'en  descendre,  on  aspire  à  descendre. 
L'expression  est  1  telle;  mais  je  ne  jicnse  pas 
qu'elle  renferme  la  hardiesse  qu'on  veut  y  trou- 
ver. Voyez  Alliances  de  mots. 

Assaillant,  Assaillante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
assaillir.  On  mouille  les  l. 

Assaillir.  \.  a.  oi  irrégulier  de  la  l'""  conj. 

Indicatif.  — /'n'5<?/j^  J'assaille,  tu  assailles,  il 
assaille;  nous  assaillons,  vous  assaillez,  ils  assail- 
lent. Imparfait.  J'assa^illais,  lu  assaillais,  ilassail- 


ASS 

lait;  nous  assaillions,  vous  assailliez,  ils  assail- 
laient. Passé  simple.  J'assaillis,  lu  assaillis,  il 
assaillit;  nous  assaillîmes,  vous  assaillitcs,  ilsas- 
saillireul.  Futur.  J'assaillirai,  tu  assailliras,  il  as- 
saillira; nous  assaillirons,  vous  assaillirez,  ils 
assailliront. 

Conditionnel.  —  Présent.  J'assaillirais,  tu  as- 
saillirais, il  assaillirait;  nous  assaillirions,  vous 
assailliriez,  ils  assailliraient. 

Impératif.  —  Présent,  .\ssaillis,  qu'il  assaille; 
assaillons,  assaillez,  tju'ils  assaillent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  j'assaille,  que  lu 
assailles,  qu'il  assaille  ;  que  nous  assaillions,  ([ue 
vous  assailliez,  qu'ils  assaillcnl.  Imparfait.  Que 
j'assaillisse,  que  tu  assaillisses,  qu'il  assaillit;  que 
nous  assiiiUissions,  que  vous  assaillissiez,  qu'ils 
assaillissent. 

Participe. — Présent.  Assaillant.  —  Passé.  As- 
sailli, assaillie. 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir;  j'ai  assailli,  j'avais  assailli,  elc. 
—  Partout  les  l  sont  mouillés. 

.\ssAssiN.  Subst.  m.  Corneille  en  a  fait  un  sub- 
stantif féminin  dans  ce  vers  dei\'^tco;/îèrfe(act.  111, 
se.  VIII,  29)  : 

Et  TOUS  en  avez  moins  à  me  croire  assassine 

Je  ne  sais,  dit  Voltaire,  si  le  mot  assassine, 
pris  comme  substantif  féminin,  se  peut  dire;  il 
est  certain  du  moins  qu'il  n'est  pas  d'usage.  {lie- 
marques  sur  Corneille.) 

Assassin,  Assassine.  Adj.  L'Académie  dit  qu'il 
n'est  d'usage  qu'en  poésie;  Féraud  dit  que 
dans  le  style  élevé,  cet  adjectif  serait  un  barba- 
risme, et  qu'il  n'est  que  de  la  prose  badine.  Ce- 
pendant on  n'est  guère  porté  à  trouver  un  bar- 
barisme dans  ce  vers  de  Delille  {Enéide)  : 

Pour  punir  les  forfails  de  sa  inain  assassine. 

Assembler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Corneille  a  dit 
dans  Polyeucte  (act.  I,  se.  m,  23)  : 

Et  11  lt>i  de  riiymen  qai  vous  lient  assembles 
N'ordonne  pas  qu'il  tremLle  alors  que  tous  tremblez. 

Le  mol  propre,  dit  Voltaire,  est  unis;  on  ne  peut 
se  servir  du  mot  assemblés  que  pour  plusieurs 
personnes.  {Remarques  sur  Corneille.) 

Asseoir,  s'Asseoir.  V.  a.  et  pronom,  de  la  3' 
conj.  11  est  irrégulier,  et  voici  sa  conjugaison  : 

Indicatif. — Présent.  Je  m'assieds,  tu  t'assieds, 
il  s'assied;  nous  nous  asseyons,  vous  vous  as- 
seyez, ils  s'asseyent.  Imparfait.  Je  m'asseyais, 
tu  t'asseyais,  il  s'asseyait;  nous  nous  asseyions, 
vous  vous  asseyiez,  ils  s'assoyaient.  Passé  sim- 
ple.  Je  m'assis,  tu  t'assis,  il  s'assit;  nous  nous 
assîmes,  vous  vous  assîtes,  ils  s'assirent.  Futur. 
.le  m'assiérai,  ou  je  m'asscyerai,  tu  t'assiéras,  il 
■^"assiéra  ;  nous  nous  assiérons,  on  nous  nous  as- 
'Cyeroris,  vous  vous  asscycrez,  ils  s'as.eycront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  m'assiérais,  ou  je 
m'asseycrais,  tu  l'a;siérais,  il  s'assiérait;  nous 
nous  assiérions,  ou  nous  nous  asseyerions,  elc. 

Impératif.  —  Présent.  Assieds-toi,  asseyons- 
nous,  qu'ils  s'asseyent. 

Subjonctif.— Pre^e/j^.  Que  je  m'asseye,  que  tu 
t'asseyes,  (ju'il s'asseye;  que  nous  nous  asseyions, 
(lue  vous  vous  asseyiez,  qu'ils  s'asseyent.  Impar- 
fait. Que  je  m'assisse,  que  tu  t'assisses,  ([u'il 
s'assit  ;  que  nous  nous  assissions,  que  vous  vous 
assissiez,  qu'ils  s'assissen.. 


ASS 


75 


Participe. — Présent.  S'asscyant  — Passé.  As- 
sis, assise. 

Quelques  grammairiens  ont  imaginé  de  débar- 
rasser ce  verbe  des  diflicultés  de  cette  conjugai- 
son ,  et  ils  conjuguent  ainsi  :  Je  m'asiuis  ,  tu 
t'assois,  il  s'assoit;  7iovs  nous  assaijnns,  etc.; 
J'assoyais ,  j'assoirai,  j'assoirais  ;  assois- toi, 
qu'il  s'assoie,  que  nous  nous  assmjiuns,  qu'ils 
s'assoient  ;  s'assoir,  s'assoyant,  assis. 

Il  est  certain  que  cette  manière  ilc  conjuguer 
ce  verbe  est  beaucoup  plus  commode,  et  <iu'il  se- 
rait à  souhaiter  qu'elle  fût  adopicc;  mais  elle  ne 
l'est  pas  encore  généralement. — L'Académie,  dans 
son  édition  de  1835,  remarque  qu'elle  est  qucl- 
qucrois  employée. 

Assez.  Adv.  On  ne  prononce  le  z  que  devani 
une  voyelle.  Avant  les  substantifs  il  régit  la  pré- 
position c£e  .•  Assez  de  bien,  assez  <<?  peines.  Il 
suit  les  verbes  dans  les  temps  sim[)lcs  :  //  vtange 
assez.  Dans  les  tem[)s  composés,  il  se  met  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  assez  man^é;  cl 
il  peut  précéder  ou  suivre  l'infinitif:  C'est  assez 
manger,  c'est  manger  assez. 

Assez  sert  quelquefois  à  affaiblir  la  significa- 
tion des  mots  auxquels  on  le  joint  :  //  m'aborda- 
d'un  air  assez  impudent.  Cela  est  assez  bien, 
c'est-à-dire,  n'est  pas  tout  à  fait  bien,  mais  médio- 
crement bien.  Cela  paraît  assez  vrai,  assez  pro- 
bable. Cette  femme  est  assez  bien. 

On  dit  assez  peu,  et  assez  souvent,  pour  dire 
simplement  peu  cl  souvent  :  A-t-il  beaucoup  de 
bie?i?  assez  peu.  C'est  un  homme  d'assez  peu  de 
génie,  d'assez  peu  d'e.'spril.  Il  va  assez  souvent 
dans  cette  maison.  On  se  trouve  assez  embar- 
rassé d  choisir. 

Il  ne  faut  pas  confondre  assez  avec  suffisam- 
ment. Assez  a  plus  de  rapjiorl  avec  la  quantité 
qu'on  veut  avoir,  et  suffisamment  à  la  (juantité 
qu'on  veut  emitloyer. 

Assidu,  Assidue.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.,  du  moins  en  prose.  Avant  les  person- 
nes, il  régit  auprès  :  Assidu  auprès  du  prince,  un 
mari  assidu  auprès  de  sa  femme,  on  est  assidu 
auprès  d'un  malade.  Avant  des  noms  de  choses 
et  des  verbes,  il  légità/  //  est  assidu  au  travail; 
il  est  assidu  à  lire,  à  écrire.  On  le  met  aussi  ab 
solument:  Un  enfant  assidu,  un  ouvrier  assidu 

Assiduité.  Subst.  f.  (/ifail  deux  syllabes. 

Assidûment.  Adv.  L'Académie  me"t  un  accent 
<'irconflexe  sur  I'm,  et  je  pense  qu'elle  a  raison. 
On  écrivait  autrefois  assiduement,  e  Ve  muet 
rendait  la  syllabe  longue.  Ou  a  retrancht  Ve  muet, 
et  la  syllabe  est  restée  longue;  l'accent  circon- 
flexe est  nécessaire  pour  marquer  cette  qu'intité. 

ASSIÉGEANT,  Assiégeante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
assiéger.  Les  troupes  assiégeantes.  On  1 3  dit 
plus  ordinairement  comme  substantif:  Lésa  mé- 
geants. 

AssiÉGEu.  V.  a.  de  la  l"  conj.  Dans  ce  v  ;rbe, 
\c  g  doit  toujours  se  prononcer  commcj,  et  pour 
lui  conserver  cette  prononcialiou  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  mueî  .tvant 
cet  a  ou  cet  o  :  J'assiégeais,  assiégeons,  et  non 
pr,s  j'assiègais,  assiégons. 

Assignable.  Adj.  des  deux  genres.  On  mouille 
le  gn.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  -.Il  n'y  a 
pascntreces  deux  objets  de  différence  assignable. 

Assignat,  Assigner,  Assignation.  Dans  ces 
mots,  on  mouille  le  qn. 

Assise.  Subst.  f.  Ce  mot  se  dit  au  singulier  et 
au  pluriel  d'un  rang  de  pierres  de  taille  de  mémi; 
hauteur  que  l'on  itosc  horizontalement  |)our  con- 
struire une  muraille;  mais  assiic^  signifiant  les 


(\ 


\ 


76 


ASS 


séances  extrnorJinaircs  que  licnncnt  los  magis- 
trats dans  diverses  parties  do  la  Franco  jwur  ren- 
dre la  justice,  ne  se  dit  (ju'au  iduriel. 

Assistant.  Siibsl.  m.  Assistante.  Subsl.  f.  11 
ne  s'emploie  qu'au  pluriel.  On  dit  mm  des  assi- 
stanls,  et  non  pas  un  assistant. 

AssoMMAM,  Assommer,  Assommoir.  On  ne  pro- 
nonce qu'un  /n. 

Assonance.  Subsl.  f.  Terme  usité  en  rliétorique 
et  dans  la  poétique,  pour  siçnilier  la  propriété 
qu'ont  certains  mois  de  se  terminer  par  le  même 
son,  sans  cependani  former  des  rimes.  Dans  la 
prose  et  dans  la  poésie,  il  faut  éviter  les  assonan- 
ces. Dans  la  prose,  il  faut  de  plus  éviter  les 
rimes. 

Assobtissant.  Assortissainte.  Adj.  11  récit  la 
préposition  à:  Cette  doublure  n'est  pas  assortis- 
sante  à  la  robe. 

Assoupir.  V.  a.  delà  2''  conj.  Dclille  a  dit 
[Enéide,  IX,  864)  : 

Et  du  dernier  sommeil  li  mort  vient  l'assoupir. 

Je  ne  crois  pas  (pi'on  puisse  dire  assoupir  d'un 
sommeil,  \oyc7.  Assoupissement. 

AssouPISSA^T,  Assoupissante.  Adj.  verbal  lire 
du  V.  assoupir.  11  peut  se  mettre  avant  son 
subsl  :  Liqueiirassovpissante  .Langueur  assou- 
pissante. Ces  assoupissantes  vapeurs. 

Assoupissement.  Siibst.  m.  Ce  mot  n'a  qu'un 
sens  passif;  il  ne  signifie  pas  l'action  d'assoupir, 
mais  l'étal  d'une  personne  assoupie.  On  dit  assou- 
pir une  affaire,  une  querelle,  etc.  ;  mais  on  nc 
dit  pas  l'assoupissement  d'une  affaire,  d'une  que- 
relle, etc.  On  ne  dit  p;is  non  plus  l'assoupisse- 
ment de  la  douleur,  comme  on  dit  assoupir  la 
doxdeur. 

Assourdir.  V.  a.  de  la  T-  conj.  Ce  mot  ne  si- 
gnifie pas  rendre  sourd,  mais  seulement  causer 
une  surdité  passagère.  Quand  on  est  prés  d'un 
lieu  où  l'on  tire  le  canon,  on  est  assourdi,  c'c^i- 
à-dire  que  le  l'ruil  du  canon  empoche  d'enten- 
dre tout  autre  îu'uit;  mais  on  n'est  pas  sourd 
pour  cela,  et  le  bruit  du  canon  cessé,  on  entend 
comme  àrordinairc  On  ne  dirait  pas  tiue/eco/io« 
a  assourdi  un  ca nonnier,  [lour  iiwc  (ju'il  est  de- 
venu sourd  dans  l'exercice  de  son  état;  mais  on 
dirait  que  le  canon  l'a  rendu  sourd.  Yollaire  a 
(ii\.{Premier  dL-scours  sur  l'homme, ^\)  : 

Si  Colin  voit  Paris,  ce  fracas  de  merTeilles 
Sans  rien  dire  à  son  cœur  assourdit  ses  oreilles. 

Assujettissant,  Assujettissante.  Adj.  verbal 
tiré  du  V.  assujettir.  Une  charge  assujettis- 
sante. Des  règles  assujettissantes.  11  suit  son 
subst. 

Assuré,  Assurée.  Adj.  En  parlant  des  choses, 
il  se  met  après  son  subsl.,  du  moins  en  prose: 
Des  regards  asstin's,  une  contenance  assurée. 
Appliqué  au.x  pi-rsonnes,  il  se  prend  en  mauvaise 
;',irt  et  se  met  avant  :  C'est  un  assuré  menteur, 
un  assuré  voleur. 

Assurément.  Adv.  On  le  met  tantôt  avant  le 
verbe,  tantôt  après  :  Assurément  il  s'est  mat  com- 
porté; il  s'est  mal  comporté  assurément  ;  on  peut 
aussi  le  mettre  entre  l'auxiliaire  cl  le  participe  : 
//  s'est  assurément  mal  comporté. 

Assurer.  V  a  de  la  1"^^  conj.  Assurer  un 
m^songe.  Assurer  quelqu'un  de  quelque  cl.cse. 
Je  vous  en  assure. 

Doit-on  dire .s'(;.ç57/re)' aux  bontés  de  quelqu'un, 
ou  s'assurer  duiis  los  bontés  de  quelqu'un,  ou 


AST 

s'assurer  sur  les  bontés  de  quelqu'un?  Racine  a 
dit  [Bajaz.,  ad.  11,  se.  i,  113)  : 

Hais  je  m'assure  encore  aux  bonté-  de  Ion  frèr» 

La  Harpe  dit  à  l'occasion  de  ce  vers  :  On  dit  je 
m'assure  dans  roi  bontés,  et  non  pas  je  m'assure 
à  vos  bontés.  [Cours  de  Littérature.)  —  «  L'Aca- 
démie n'admet  que  ce  régime  :  Malheur  à  celui 
qui  ne  s'assure  que  daiis  ses  richesses!  Elle  dit 
aussi  s'assurer  en  Dieu.  L'expression  de  Racine 
"est  un  changemcnl  de  préposition ,  comme  les 
poêles  s'en  permetlonl  qucUpiefois  par  licence.  » 
(A.  Lemaire ,  Grammaire  des  Grammaires, 
p.  1081.) 

On  dit  s'assurer  sur,  dans  le  sens  d'avoir  con- 
fiance. 

Ne  TOUS  assurez  pointeur  ce  cœur  inconstant. 

'Rac.  P/iéd.  act.  V,sc.  m,  10.)  ■ 

Ne  vons  assurez  noint  sur  ma  faible  puissance. 

(Ûac,  Iphig.,  ad.  IV,  se.  IV,  70.) 

Il  en  gcmit,  et  dit  que  sur  personne 
Il  ne  faudra  s'assurer  désormais. 

lYOLT.,  Enf.  Prod.,  acl.  Y,  se.  Il,  50.) 

Corneille  et  Racine  ont  employé  assurer  au 
lieu  de  rassurer  : 

Un  oracle  m'assure,  un  songe  me  trivailie. 

^CoRN..  iior.,  act.  IV,  se.  iv,  *7.] 

M'assurer,  dit  Voltaire,  ne  signifie  pas  7ne  ras- 
surer,  etc'est?rte  rassurer  que  l'auteurcnlcnd.  Je 
suis  effrayé,  on  vie  rassure;  je  doute  d'une 
chose,  on  m'assure  qu'elle  est  ainsi....  Assurer 
avec  un  régime  direct  ne  s'emploie  que  pour  cer- 
tifier :  J'assure  ce  fuit.  En  termes  d'art,  il  signi- 
fie affermir  :  Assurez  cette  solire,  ce  chevron- 
{Remarques  sur  Corneille.) 

On  trouve  la  même  faute  dans  les  vers  sui- 
vants : 

Princesse,  assuni-Tous,  je  les  prends  sous  ma  garde. 
(Rac,  Àth.,  act.  II,  se.  VII,  3.) 

0  bonté  qui  m  aêsnre  autant  qu'elle  m'honore. 

(Rac,  Eith.,  act.  III,  se.  vu,  B4.) 

Il  lallait  dire  rassurez-vous,  et  me  rassure. 

Astérisque.  Subsl.  m.  Terme  de  graminaireét 
d'imprimerie.  Signe  qui  est  ordinairement  en 
forme  d'étoile,  que  l'on  met  au-dessus  ou  auprès 
d'un  mot,  pour  indicpier  au  lecteur  (|u'on  le  ren- 
voie à  un  signe  pareil,  après  lequel  il  trouvera 
(juclque  remarque  ou  explication.  Une  suite  d'as- 
lérisques  ou  de  points  imlique  qu'il  y  a  quel- 
ques mois  qui  manquent.  Dans  cet  ouvrage,  les 
aslérisfiuosqui  précèdent  cerUiins  mots  désignent 
ceux  qui  ne  se  ti'ouvent  point  dans  la  dernière 
édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie. 

Astre.  Subsl.  m.  L'Académie  ne  l'indique 
point  dans  le  sens  figuré  des  vers  suivants  : 

On  vil  paraître  Guise,  et  le  peuple,  inconstant. 
Tourna  liienlûl  ses  yeux  vers  cet  astre  éclatant. 
(Volt.,  Henr.,  III,  65.) 

Astreindre.  V.  a.  et  iirégulier  de  la  \'  conj. 
Il  se  conjugue  comme  peindre. 

Astronomique.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose, 
il  suit  ordinairemoiil  son  subsl.  Gresset  a  dit  eo 
vers  ses  astronomiques  romans. 

Astuce.  Voyez  Fines  se. 


ATR 

AsTUCiEcx,  AsTDciEL'SE.  Ailj .  Cc  mot  peut  se 
mellre  ;iv;im  son  subsl.,  en  prose  et  en  vers, 
quand  l'analoçic  el  l'harmonie  le  i)cnneUent  :  Un 
homme  aslucieus,  une  femme  astucieuse;  cet 
astucieux  procureur.  On  ncdil  pas  unastucieud- 
homme.  ^  oyez  Adjectif. 

*  Athéistiqlf..  Adj.  des  deux  genres.  Mol  in- 
usilé  que   A'oUaire    a  employé  heurcusemcnl  : 
Croirait-on  qu' un  jésuite  irlandais  a  fourni  des 
armes  à  lu  philosiphic  athcislique,   en  préten- 
dant que  les  animaux  se  formaient  tout  seuls? 
Athlétique.  Adj.  des  deux  genres  qui  suil  or- 
dinairemcnl  son  sulisl.  :  Force  athlttique. 
Atlas.  Subsl.  m.  On  prononce  le  s. 
Atolr.  Subsl.  m.  11  ne  se  mel  ipi'au  pluriel, 
excepte   dans  celle   phrase,  dame  d'atour.    On 
l'emploie   sciuvenl   en  piaisanlanl  :   Elle  a  ses 
beaux  atours. 

Atour>k,  Atournée.  Adj.  Voliaire  a  dit  :  yous 
souvenez-vous  que  vous  avez  une  Pucellc  d'une 
vieille  copie,  et  que  cette  Jeanne,  négligée  et  ri- 
dée, doit  foire  place  à  une  Jeanne  vn  peu  mieux 
atournée?  Celle  expression,  qui  a  vieilli,  s'em- 
ploie encore  en  iilaisanlant. 

Atrabilaire.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose, 
il  se  met  ordinairement  après  son  subst.  :  Humeur 
atrabilaire. 

Atroce  Adj  des  deux  genres.  L'Académie 
dit  qu'il  ne  se  du  guère  que  des  crimes,  des 
injures  el  des  supplices.  Elle  avoue  cepen- 
dant plus  bas  (|u'on  dit  une  âme  atroce  ;  et  en 
effet  Monles(|uieii  a  dit  :  Il  faut  éviter  les  lois 
pénales  en  fait  de  religion;  elles  impriment  de 
la  crainte,  il  est  vrai;  7nais,  comme  lu  religion  a 
ses  lois  pénales  aussi  qxd  inspirent  la  crainte, 
l'une  est  effacée  par  Vautre.  Entre  ces  deux 
craintes  différentes,  les  âmes  deviemienl  atro- 
ces. [Esprit  des  Lois,  liv.  XXV,  ch.  xii.)  De- 
[mis  Montesquieu,  on  a  appliqué  cet  adjectilaux 
personnes,  cl  l'on  dil  "-n-  homme  atroce,  une 
femme  atroce. 

Cet  adjeclii  peut,  même  en  prose,  se  mettre 
avant  son  subst.,  mais  il  faut  pour  cela  qu'il  y  ail 
une  analogie  étroite  entre  les  ilcux  mots.  On  ne 
dira  pas  un  atroce  homme,  une  atroce  femme; 
mais  on  dira  une  atroce  lâcheté,  une  atroce  perfi- 
die. 11  e>t  naturel  (]u'il  y  ail  (luclquc  chose  d'a- 
Iroce  dans  la  làchelé  et  la  periidie. 

On  ne  dit  pas  un  atroce  crime.,  une  atroce  in- 
jure, un  atroce  supplice,  parce  que  les  mots 
crime,  injure,  supplice,  n'ont  pas  une  analogie 
étroite  avec  l'adjcclit'  atroce. 

Atrocement.  Adv.  11  n'est  point  usilé,  el  ne  se 
trouve  que  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie. 
Atrocité.  Subst.  f.  Yollaire  a  dit  dans  l'Or- 
phelin de  la  Chine  (act.  1,  se.  V,  24)  : 

Après  l'alrocilé  de  Isur  indigne  sort, . . . 

Sur  quoi  La  Harpe  a  remarqué  qu'on  ne  peut 
à.\TC  l'atrocité  d'un  sort,  comme  on  dirait  l'atro- 
cité d'un  traitement,  d'un  supplice,  d'un  pro- 
cédé, etc.,  parce  que  le  uiot  atrocité  suppose 
toujours  une  intention  el  une  action,  et  le  sort 
n'est  rien  de  lout  cela.  [Cours  de  Littérature.) 

On  pourrait  répondre  que  l'on  dit  le  sort  in- 
juste, le  sort  crue/;  que  par  conséquent  on  sup- 
pose au  sort  une  intention,  une  action  ;  el  qu'ainsi 
on  peut  dire  vn  sort  atroce,  comme  on  dit  un 
homme  atroce.  ïoule  la  faute  de  Voltaire,  en  em- 
ployant celle  expression,  est  d'avoir  joint  à  sort 
une  épilhète  trop  vague,  el  qui  n'a  pas  un  rapport 
asseï  direct  et  assez  marqué  avec  l'idée  d'alrocitc. 


ATT  77 

Attachant,  Aitac.uvnte.  Ailj.  verbal  tiré  du 
V.  attacher.  Qui  attache,  i|ui  lixe  lorlemenl  l'at- 
tention :  Une  lecture  attachante,  un  ouvrage  at- 
tachanl.  Ln  prose,  il  suit  ordinairement  son  subsl. 
Dans  certains  cas,  il  jKiurrail  le  iirccédcr:  Je  ne 
pouvais  m'arracher  à    cette  altucitante  lecture. 

Attaquable.  Adj.  des  deux  genres.  H  ne  se 
mel  qu'après  son  subsl.,  et  ordinairement  avec 
la  négation  :  Cette  place  n'est  pas  attaquable.  — 
L'Académie  donne  dans  ses  exemples,  ce  titre  est 
attaquable. 

*  .\ttarder  (s').  V.  pron.  de  la  l'"  conj.  Se 
mellre  tard  en  roule,  se  retirer  tard.  Ce  mol  est 
peu  usité  ;  cependant  il  exprime  une  chose  qui 
ne  peut  s'exprimer  autrement  sans  cm[)loycr  plu- 
sieurs mots. 

Atteindre.  Y.  a.  de  la  ^i'  conj.  Il  se  conjugue 
comme  peindre.  On  dil  atteindre  un  certain  âge, 
atteindre  quelqu'un,  et  atteindre  à  la  perfec- 
tion, atteindre  au  but.  Voici  la  différence  que 
trouve  Domerguc  entre  ces  deux  expressions.  — 
Atteindre  avec  le  complément  direct  se  dit  dos 
personnes  en  général,  cl  des  choses  auxquelles 
on  parvient  sans  difficulté,  sans  efforl  :  Il  est  dif- 
ficile d'atteindre  Racine;  atteindre  un  certain 
â(/c.  Atteindre  à  suppose  des  difficultés  a  vain- 
cre, des  efforts  à  faire,  cl  se  dit  narticulièremcnt 
des  choses  :  Atteindre  à  la  perfection.  Voltaire 
a  dit  dans  Mérope  (acl.  II,  se.  i,  10)  : 

Triste  effet  de  l'amour  dont  Totra  âme  est  alleinle. 

C'est  à  Mérope,  dil  La  Harpe,  que  l'on  parle 
ainsi.  Je  ne  sais  si  le  mot  atteinte  cal  bien  juste 
il  le  serait  parfaitement  s'il  s'agissait  d'un  autre 
amour.  On  dil  très-bien  qu'une  femme  est  al- 
leinle d'un  amour  violent ,  funeste,  coupable, 
parce  (|ue  la  passion  de  l'amour  emporte  avec 
elle  l'idée  d'une  blessure,  et  que  cette  figure  est 
naturelle  et  vraie.  Mais  je  ne  crois  pas  que  l'on 
puisse  dire  les  atteintes  de  l'amour  maternel, 
sentiment  qui  par  lui-même  est  habituel  et  doux. 
Au  reste,  comme  l'amour  maternel  est  dans  Afc'- 
rnpe  une  cause  de  douleurs,  l'expression  peut 
encore  se  justifier,  el  mon  observation  est  moins 
une  censure  qu'un  doute  que  je  propose.  [Cours 
de  Littérature.) 

La  dernière  observation  de  La  Harpe  est  plus 
juste  que  la  première.  Dans  la  situation  où  se 
trouve  .Mérope, la  douleur  est  tellement  unie  à  l'a- 
mour maternel,  que  cet  amour  n'est  plus  qu'un 
sentiment  douloureux.  Or,  on  peut  dire  qu'on  est 
atteint  d'un  sentiment  douloureux. 

Atteinte.  Subsl.  f.  Racine  a  dil  dans  Esther 
(acl.  III,  se.  1,85): 

De  cet  amas  d'honneurs  la  douceur  passagère 
Fait  sur  mon  cœur  i  peine  une  atteinte  légère. 

On  dit  donner  une  atteinte,  porter  une  at- 
teinte ;  mais  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  dire 
faire  une  atteinte. 

Atteler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  double  la 
lettre  l  dans  les  temps  de  ce  verbe  où  celte  lettre 
est  suivie  d'un  e  muet  :  J'attelle,  jattcllerai,  tl 
attellera,  U  attellerait;  on  ne  mel  qu'un  /lors- 
que celte  lettre  est  suivie  de  toute  autre  lettre 
(pi'un  e  muet  :  J'attelais,  j ai  attelé,  ils  attele- 

'^^Attenant,  Attenante.  Adj.  L'Académie  lui 
fait  régir  indifféremmenl  les  prc|)osilionsa  ou  de  : 
Un  logis  attenant  à  un  autre.  Son  jardm  est 
attenant  du  mien.  Attenant  de  est  une  expres- 
sion populaire.  Attenant  vioni  du  verbe  tenir, 


(8 


ATT 


01,  en  co  sens,  ce  verbe  réjit  la  proposition  à. 
C'est  donc  aussi  cette  préposition  que  doit  roirir 
ladjcciif  attr/iant.  —  H  faut  en  dire  autant  de  la 
préposilion  attenant- 

AxTEirr  V.  a.  de  la  4'  conj.  Il  régit  le  sub- 
jonctif. Ne  diies  d^mc  [)ns  je  l'uttends  veinr,nu 
lieu  dej^atteiids'jv'i/  ricnne. 

Féraud,  qui  prétend  que  ce  verbe  n'a  pas  or- 
dinairement pour  sujet  un  nom  de  chose,  con- 
vient cependant  qu'on  dit  une  demande  n  atten- 
dait pas  l'autre.  l\.ncinc  a.  dit  (/jo/ii^.,  act.  I,  se. 
',27): 

Tous  C03  mille  vaisseaux  qui,  charges  de  vingt  rois, 
^attendent  que  les  Teuts  pour  partir  sous  vos  lois. 

et  Delille  {Enéide,  Uv.  VII,  878)  : 

Là  les  casques  crensés  attendent  les  panaches. 

s'Attendre,  dans  le  sens  de  être  préparé, 
compter  sur,  régit  à  devant  les  noms  et_  devant 
les  verbes  :  Je  nC attends  à  son  retour  ;  je  m^ at- 
tends à  le  voir 

S'attendre  yj/e  régit  l'indicatif  quand  le  sens 
est  aftirmalif  :  Je  7n  attends  qu'il  vieyidra;  il  ré- 
git le  subjonctif  quand  le  sens  est  négatif:  Ne 
vous  attendez  pas  que  Je  le  fasse. 

Attendrir.  V.  a.  de  la  2''  conj.  On  dit  s'atten- 
drir sur  quelqu'un,  sur  le  sort  de  quelqu'un  : 

J'ai  TU  de  vieux  soldais  qui  servaient  sous  le  père. 
S'attendrir  sur  le  GU  et  frémir  de  colère. 

(YoLT.,  Oreete,  acl.  V,  se.  u,  56.) 

Je  m'attendris  sur  elle. 

(Volt.,  Sémir.,  act.  II,  se.  I,  71.) 

D'après  cela,  Voltaire  aurait  eu  tort  de  dire 
dans  Oreste  (act.  IV,  se.  viii,  6)  : 

Pour  ces  deus  étrangers  laissez-vous  attendrir. 

Mais  il  faut  observer  que  ce  n'est  pas  ici  le  même 
sens.  S'attendrir  sur  quelqu'un,  c'est  être  sensi- 
ble à  son  malheur,  en  avoir  compassion.  Mais 
s'attendrir  pour  quelqu'un,  c'est  s'attendrir  en 
faveur  de  quelqu'un ,  prendre  intérêt  à  quel- 
qu'un, être  disposé  à  le  protéger,  à  le  secourir,  à 
le  défendre. 

L'Académie  définit  ce  mot,  rendre  tendre  et 
facile  à  manger.  —  On  attendrit  aussi  ce  qui  ne 
se  mange  pas  :  On  peut  attendrir  le  fer  en  le 
mettant  au  feu. 

Attendrissant,  Attendrissante.  Adj.  verbal 
lire  du  v.  attendrir.  Un  spectacle  attendris- 
sant, une  scène  attendrissante.  On  peut  dire 
aussi  cet  attendrissant  spectacle. 

Attendu  qle,  façon  de  parier  qui  tient  lieu  de 
conjonction  ;  elle  régit  l'indicatif  :  Attendu  qu'il 
est  malade. 

Attester.  V.  n.  Tl  régit  à,  contre  et  sur:  At- 
tenter à  la  vie  de  quelqu'un.  Attenter  contre  le 
prince.  Attenter  sur  la  personne,  sur  les  droits 
de  quelqu'un. 

Attentif,  Attentive.  Adj.  Il  suit  toujours  son 
subst.  :  .ÉT/rc  attentif  à  quelque  chose .  Etre  at- 
tentif à  écouter  ses  maîtres,  attentif  à  saisir 
l'occasion. 

Attention.  Subst .  f.  Faire  attention  à  quelque 
chose.  Avoir  r attention  de .. .  Faire  attention 
que.  11  régit  toujours  l'indicatif,  même  dans  les 
phrases  négatives  :  Il  ne  fait  pas  attention  que  la 
chose  n'est  pas  praticable. 

Attention,  dans  le  sens  d'application  d'esprit 


ATT 

et  de  disiiosition  à  obliger,  n'a  point  de  pluriel. 
!)ans  le  sons  de  soins  oflicieux,  ii  en  a  un  :  Avoir 
des  attentions  pour  quelqu'un. 

Attentivement.  Adv.  Ou  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  avait  écouté  atten- 
tivement ce  discours,  ou  il  avait  attenticement 
écouté  ce  discours. 

Atticisjie.  Subst.  m.  On  fait  sentir  les  deux  t. 
— Finesse,  politesse  de  langage.  L'«//ic/5;/t^  était 
.linsi  nommé  d'Athènes,  qui'était  la  ville  de  la 
(Jrèce  où  l'on  parlait  le  jilus  purement,  ('.a  terme 
est  d'usage  pour  exprimer  les  grâces  d'un  style 
léger  et  corre<'t. 

Attiqce.  .\(lj.  des  detix  genres.  On  prononce 
les  deux  /.  Il  suit  toujours  son  subst.  :  Manière 
attique  ;  sel  attique.  On  prononce  aussi  les  deux 
t  dans  attique  ,  substantif,  terme  d'architecture 

Attirail.  Subst.  m.  On  mouille  le  l. 

Attirant,  Attirante,  .\dj.  verbal  tiré  du  v. 
attirer.  Des  paroles  attirantes,  des  promesses 
attirantes. 

Aussitôt  il  se  lève,  et  la  troupe  nJèle 

Par  ces  mots  attirants  sent  redoubler  .«on  lèle. 

(BoiL.,  Lutr.,  lY,  215.) 

Attirer.  V.  a.  de  la  l'"  conj.  L'aimant  attire 
le  fer.  —  Figuréraent  :  Attirer  quelqu'un  à  son 
parti,  f^ous  attirez  sur  vous  les  châtiments  du 
ciel. 

Attitode.  Subst.  f.  L'Académie  l'explique  par 
situation,  position  du  corps.  'L'attitude  n'est  ni 
une  situation,  ni  une  position.  C'est  une  manière 
de  tenir  son  corps  relativement  ar.x  convenances, 
au  caractère  des  personnes,  à  leurs  passions,  à 
létat  actuel  de  leur  àme.  On  ne  dit  pas  la  situa- 
tion,\Vi  position  du  respect, de  la  soumission,  etc.; 
on  dit  Vattitude  du  respect,  de  la  soumission. 

Attodchement.  Subst.  m.  L'Académie  le  défi- 
nit, action  de  toucher.  Ainsi  quand  "U  porte  la 
inain  sur  une  table,  sur  une  feuille  de  papier, 
c'est  un  att'uchement.  \J attouchement  ne  se  fait 
que  sur  les  personnes,  et  non  sur  les  choses. 
C'est  l'action  de  toucher  une  personne  dans  le 
dessein  do  produire  (juelque  effet  sur  elle,  ou 
d'en  éprouver  soi-même,  en  la  touchant.  Attou- 
chements déshonjiâtes 

L'.\cadémie  dit  :  On  connaît  la  dureté  ou  la 
vwllesse  d'un  corps  par  l'attouchement.  Il  fallai! 
dire  par  le  tact,  ou  par  le  toucher. 

Attractif,  Attractive.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Onguent  attractif ,  vertu  at- 
tractive. 

Attraire.  V.  a.  et  défectueux  de  la  4'  conj. 
C'est  un  vieux  mot  que  l'Académie  dit  être  en- 
core usité  à  l'infinitif.  Elle  donne  pour  exemple  : 
Le  sel  est  hnn  pour  attraire  les pi/jeons.  Je  croi.s 
(jue  l'on  dit  pour  attirer  les  pigeons.  On  en  a  fait 
l'adjectif  verbal  attrayant. 

Attrait.  Subst.  m.  Ce  qm  attire  agréablement, 
ou  bien  goût,  penchant,  inclination.  Dans  ces. 
deux  sens,  attrait  ne  prend  point  de  pluriel.  — 
Attraits,  au  pluriel,  se  dit  des  qualités  d'un  ob- 
jet, de  l'effet  desquelles  résulte,  soit  la  puis- 
sance qu'il  a  de  nous  attirer  vers  lui,  soit  le  pen- 
chant qui  nous  y  entraine. 

Attrapoire.  Subst.  f.  L'Académie  le  définit 
tour  de  finesse  doiu  on  se  sert  pour  surprendre, 
pour  tromper  quelqu'un.  Ce  mot  n'est  pas  usité. 

*Attrape-Parteri;e.  Subst. f.  Expression  inusi- 
tée (jue  Voltnirca  employée  delà  manière  sui- 
vante, en  parlant  de  son  Tancrède  :  N'allez  pas 
vous    attendre   à  de  belles  tirades ,  a   de    cea 


AUC 

grands  rers  vrnflaiits,  à  des  scyttciices,  à  des  at- 
trape-parterre :  style  médiocre,  marche  simple, 
voilà  ce  que  vous  y  trouverez.  jMuis  s'il  y  a  de 
l'intérêt,  tout  est  sauvé. 

Attrayant,  Attrayante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  attraire,  qui  n'est  plus  usité.  Il  se  met  avant 
son  subst.  lorsque  l'harmonie  et  l'analogie  le 
permettent  :  Les  charmes  attrayants  de  la  vo- 
lupté- Les  attrayantes  amorces  du  vice.  Voyez 
Adjectif. 

Attribut.  Subst.  m.  Terme  de  logique  et  de 
grammaire. Toute  proposition  a  un  sujet  et  un  attri- 
but. Le  sujet  est  la  partie  de  la  proposition  qui  ex- 
prime la  personne  ou  la  chose  à  laquelle  on  attribue 
quelque  chose.  L'attribut  est  la  partie  de  la  pro- 
position qui  exprime  ce  qu'on  attribue  au  sujet. 
Dans  celte  pro[X>sition,  Dieu  est  Juste,  Dieu  est 
le  sujet,  parce  que  c'est  à  Dieu  que  j'attribue  la 
qualité  de  justice.  Juste  est  l'attribut,  parce  qu'il 
exprinie  une  qualité  que  j'attribue  à  Dieu.  Quel- 
ques grammairiens  regardent  le  verbe  comme  une 
partie  de  l'atiribul,  parce  que  le  verbe  est  dit  du 
sujet,  et  marque  l'action  de  l'esprit  qui  considère 
le  sujet  comme  étant  de  telle  ou  telle  façon,  comme 
ayant  ou  faisant  telle  chose.  Il  est  plus  simple  de 
séparer  le  verbe  de  l'attribut,  et  de  le  regarder 
conune  le  lien  qui  unit  le  sujet  avec  l'atil-ibut. 
Voyez  Proposition,    Construction,  Complexe. 

Attristant,  Attristante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  attrister.  Des  nouvelles  attristantes.  On  peut, 
dans  les  cas  convenables,  le  mettre  avant  son 
subst  :  Ce  sont  d'attristants  souvenirs.  Voyez 
Adjectif. 

Ao.  Mot  formé  par  contraction  de  la  préposi- 
tion à  et  de  l'article  le.  Il  équivaut  à  à  le,  et  se 
met  devant  les  noms  masculins  qui  commencent 
paruneconsonneou  par  un/i aspiré. Il  fait  au  plu- 
riel ŒT/J",  contraction  de  la  préposition  à  avec  l'ar- 
ticle les;  alors  il  équivaut  à  à  les.  Voyez  Adjec- 
tif, Article. 

Aucun,  Ac^cne.  Adj.  collectif  distributif,  qui 
désigne  tous  les  individus  de  l'esiiècc  nommée, 
pris  disiribulivement,  communément  avec  rap- 
port à  un  sens  négatif  :  Aucune  circonstance  ne 
peut  vous  faire  chanjer  d'uris;  aucune  raison 
ne  peut  justifier  le  mensonge.  Cet  adjectif  se  met- 
tait autrefois  au  pluriel  ;  Racine  a  dit  dans  Phè- 
dre (act.  I,  se.  I,  97)  : 

Dans  mes  lâcbes  soupirs  d'antant  plus  méprisable. 
Qu'un  long  amas  d'honneurs  rend  Thésée  excusable; 
Qu'aucuns  monstres  par  moi  domptés  jusqu'aujourd'hui, 
Ne  m'ont  acqnis  le  droit  de  faillir  comme  lui. 

Boileau  et  Montesquieu  l'ont  employé  de  même, 
et  l'Académie  donno  pour  axemple  :  Elle  ne  m'a 
rendu  aucuns  soins  ;  il  n'a  fait  aucunes  disposi- 
tions, aucuns  préparatifs. 

Aujourd'hui  on  ne  met  plu?  aucun  au  pluriel, 
si  ce  n'est  dans  le  style  marotique.  D'Olivet  en  a 
fait  une  règle  d'après  l'tisage;  on  pourrait  ajouter 
d'après  la  raison.  En  efi'et,  aucun  signifie  pas  un, 
et  on  ne  voit  pas  comment  leplurid  pourrait  con- 
venir à  cette  expression. 

Il  est  vrai  qu'on  ne  peut  pas  dire  il  ne  m'a 
rendu  aucun  soin,  parce  que,  dans  celte  accep- 
tion ,  le  substantif  soin  n'a  point  de  singulier. 
Mais  ce  n'est  point  une  raison  pour  forcer  l'ad- 
jectif aucun  à  prendre  un  nombre  qu'il  repousse, 
et  c'en  est  une  pour  ne  pas  joindre  cet  adjectif  à 
un  substantif  qui  ne  peut  être  mis  qu'au  pluriel. 
Du  reste,  rien  n'empêche  de  dire  il  na  fait  au- 
tune  disposition,  aucun préparatif. 

«  Nous  revendiquerons  pour  les  écrivains  la 


AUG 


79 


faculté  d'employer  le  pluriel.  MM.  Rrschcrelle 
remarquent  avec  raison  que,  dans  le  iiassagecilé. 
Racine  eut  facilement  pu  mettre  le  singulier;  mais 
qu'ici  le  pluriel  indique  plusieurs  monstres  dom|v 
tés  par  Thésée.  Si  la  pcnsOo  est  différente,  les 
deux  locutions  doivent  éire  admises.  »  (A.  I.e- 
maire,  Grammaire  des  Grammaires,  p  /il9.) 

Féraud  prétend  qu'aucun  peut  s'cuqiloycr  sub- 
stantivement, et  qu'alors  il  signifie  aucune  per- 
sonne. C'est  une  erreur.  11  apporte  pour  exem- 
ple :  Aucun  n'est  innocent  devant  Dieu.  Mais 
cette  phrase,  prise  isolément,  n'est  pas  fran(;aise. 
Elle  ne  peut  l'êlre  qu'autant  qu'elle  serait  liée  à 
une  phrase  précédente  où  l'on  aurait  exprimé  un 
substantif  auquel  aucun  pourrait  se  rapporter,  et 
alors  aucun  serait  toujours  adjectif. 

Aucun  se  met  quelquefois  sans  négation  dans 
les  phrases  d'interrogation  ou  de  doute,  et  alors 
il  peut  se  rendre  par  quelque,  quelqu'un  :  De  tous 
mes  amis,  y  en  a-t-il  aucun  qui  ait  pu  dire  cela? 
Je  doute  qu'il  y  ait  aucun  auteur  sans  défaut 

On  dit  aucun  de  nous,  aucu7i  d'eux.  Aucun 
de  vous  r^  peut  se  plaindre  de  moi. 

Aucun,  suivi  d'un  des  adjectifs  conjonctifs, 
qui,  que,  dont,  etc.,  régit  le  subjonctif:  //  n'y  a 
aucun  de  ses  sujets  qui  ne  hasardât  sa  propre 
vie  pour  conserver  celle  d'un  5t  ic?i  rut.  (FéaeL, 
Télém.,  liv.  VllI,  p.  27/j.) 

Corneille  a  dit  dans  Rodogune  (act.  II,  se.  ii, 
37): 

Je  te  dirai  bien  plus  sans  violence  aucune 

Cet  aucune  ii  la  fin  d'un  vers,  dit  Voltaire,  n'est 
toléré  que  dans  la  comédie.  {Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

Adconement,  Adv.  L'Académie  a  oublié  de  diro 
qu'il  n'est  plus  usité. 

Audace.  Subst.  L  L'audace  n'est  pas,  comme 
le  dit  l'Académie,  une  hardiesse  excessive.  Ces', 
un  mouvement  violent  de  l'àme,  (pii  porte  à  des 
entreprises  ou  à  des  actions  extraordinaires,  au 
mépris  des  obstacles  les  plus  imposants,  des  bar- 
rières les  plus  respectables  et  les  plus  sacrées,  des 
suites  les  plus  dangereuses.  La  hardiesse  marque 
du  courage  et  dp.  l'assurance;  l'audace,  de  la  hau- 
teur et  de  la  témérité. 

AUD.ACIEUSEMENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  a  parlé  au  dacieu- 
sement ;  il  a  audacieusement  répondu  que. , . 

Audacieux,  Audacieuse.  Adj.  II  se  prend  en 
mauvaise  part  lorsque  ni  le  substantif  auquel  il 
est  joint,  ni  les  circonstances  n'indiquent  le  con- 
traire :  (/«  homme  audacieux,  un  air  auda- 
cieux. Mais  lorsiju'en  parlant  d'un  poêle  lyri- 
que, on  dit  son  vol  audacieux,  les  circonstances 
indiquent  qu'il  doit  être  pris  en  bonne  part  : 

N'est-ce  pas  l'homme  enfin,  dont  l'art  auducieux 
Dans  le  tour  d'un  compas  a  mesuré  les  cieux  ? 

(BoiL.,  «at.  VIII,  165.) 

Ici  le  substantif  et  les  circonstances  indiquent 
qu'audacieux  doit  être  pris  en  bonne  part. 

Quand  cet  adjectif  est  pris  substantivement,  il 
se  dit  toujours  en  mauvaise  part:  C'est  un  auda- 
cieux, un  jeune  audacieux. 

Il  f)eut  se  mettre  avant  son  subst.:  Cet  auda- 
cieux jeune  homme. 

AuGJiENTATiF,  AuGMENTATivE.  Adj.  Terme  de 
grammaire  qui  se  dit  de  certaines  particules  ou 
de  certaines  terminaisons  qui  servent  à  augmenter 
le  sens  des  noms  et  des  verbes:  Savantasse . 
lourdaud,  sont  des  noms  augmentatifs,  parce  que 


80 


AUP 


les  terminaisons  asse  et  aud  augincntcnl  le  sons 
des  mois  sacant  v\.  lourd,  l'rès  cl  fjft  sont  tics 
pailiculcs  ;iii_'menlalives  ;  elles  aiigmcntcnl  lo 
sens  tlc^  adjetlifs  ou  «les  verbes  auMiucls  on  1rs 
joint.  On  du  aussi  terminaison  uiigmentutive. 

AUGLIiAI,,    AtGURALK.    AlJj.  11  SUÏl  tOUJOUl'S   SOU 

subsl.  :  Bcton  avgvrul. 

Auguste.  Ailj.  des  doux  irenres.  Il  fient  se 
mettre  avant  son  sulisl.  lorstjuc  l'iiarmonie  et  les 
circonsiances  le  i)eiinctlent  :  Une auçiitsle assem- 
blée. Ses  augustes  parents.  Son  auguste  mère. 

ADJOuiiD'iiui.  Adv.  Girard  veut  que  l'on  écrive 
aujourd'hui  SM\^  apostrophe;  mais  personne  n'a 
adopté  relie  ortliou'raidie,  et  l'on  érrii  aujiur- 
d'hui  avec  une  apostrophe  entre  le  d  el  le  h. 

On  demande  s'il  faut  {i'uc  jusqu'à  aujourd'hui, 
ou  jusqu'aujourd'hui. 

Le  dernier  a  iirévaiu,  parce  (pie  la  préposition 
à  est  déjà  renfermée  dans  le  mol  anjourd'lini  ;  car 
c'est  auiant  fine  s'il  y  avait  à  le  jur  de  hui.  On 
doit  donc  dire  jusqu'aujourd'hui  sans  préposi- 
tion, (]uoi(|u'on  ilise  J!/S7m'«  demain  avec  la  pré- 
position. Far  la  même  raison,  il  ne  faut  pas  dire 
je  suis  assigne  à  aujourd'hui,  i]noi(]u'on  dise 
QXGWJe  suis  assigné  à  demain;  il  faut  dire  je 
suis  assigné  pour  aujourd'hui,  c'esl-à-dire,  pour 
comparaître  aujourd'hui 

Cependant  l'Académie,  dans  son  édition  de 
JS35,  donne  l'exemple  suivant  :  J'ai  différé  jus- 
qu'à aujourd'hui  ou  jusqu'aujourd'hui  à  vous 
donner  de  mes  nouvelles. 

Aumône.  Subst.  f.  Féraud  observe  avec  raison 
que  ce  mot  ne  doit  èlre  employé  qu'en  matière  de 
religion.  L'aumône  est  une  libéralité  faite  par  des 
chrétiens  en  vue  de  reliçion.  Dans  les  autres  cas, 
on  se  sert  du  mol  largesse,  secours,  bienfait. 

AupAn.wANT.  Adv.  Il  y  a  des  personnes  qui  le 
confondent  avec  la  préposition  aidant,  cl  lui  don- 
nent un  régime  connue  à  celle  préposition.  Elles 
disent  auparavant  moi  au  lieu  de  avant  moi, 
auparavant  de  faire,  au  lieu  d'avant  de  faire. 
Le  mot  auparavant  n'est  jamais  suivi  d'un  ré- 
gime, el  se  dit  toujours  al)solumenl. 

AupRt:s.  Préposition  de  lieu.  Elle  régit  la  préposi- 
tion de:  Sa  maison  est  auprès  Aq  la  mienne.  <)uc\- 
quefoison  la  l'ail  précéder  de  fow^,  adverbe,  pour 
y  donner  un  sens  pins  étroit:  f^oyan/  que  j'étais 
tout  auprès  de  lui.  (FéncL,  Télém.,  liv.  V,  l.  I, 
p.  192.1 

On  a 'disputé  longlemps  et  on  aisputc  encore 
pour  savoir  si,  dans  des  phrases  où  l'on  établit 
une  comparaison  entre  deux  objets,  il  faut  dire 
auprès  de  ou  au  prix  de.  Par  exemple,  Vintérct 
n'est  rien  auprès  du  devoir,  ou  au  prix  du  devoir. 
Quelques  graunnairiens  prétendent  qu'il  faut  tou- 
jours A'wc  au  prix,  d'aulres  qu'on  peut  employer 
indifféremment  l'une  ou  l'autre  expression. 

Il  me  semble  tpjc  la  (juestion  serait  bientôt  dé- 
cidée si  l'on  voulait  observer  {\nauprcs  cl  au 
_prtjr  sont  deux  expressions  différentes  (|ui  mar- 
quent chacune  une  vue  particulière  de  l'esiirit. 
Quand  je  dis  qu'une  chose  n'est  rien  auprès 
dune  aw/rc,  j'entends  par  là  que  l'on  remar- 
querait une  différence  énorme  entre  l'exlérienr 
de  chacune  de  ces  choses,  si  l'on  pouvait  les  con- 
sidérer l'une  ar/prw  de  l'aulre.  Mais  je  n'enlends 
comparer  ni  le  mérite  intrinsèque  de  ces  deux 
choses,  ni  l'inlércl  qu'on  peut  prendre  à  l'une  ou 
a  l'antre,  ni  rai)i)lication  qu'on  peut  en  faire,  ni 
les  avantages  qu'on  peut  en  retirer.  Mais  quand 
je  dis  qu'une  chose  n'est  rien  au  prix  d'ime  au- 
tre, je  veux  parler  du  réel  de  chacune  de  ces 
choses,  des  avantages  qu'elles  peuvent  procurer, 


AUR 

<le  l'intérêt  qu'on  peut  y  prendre,  de  l'apprccia- 
lion  tpi'on  en  pcuf  faire.  Ainsi,  voulant  comparer 
seulemenl  la  grandeur  de  deux  maisons,  abslrac- 
lion  faile  de  leurs  commodités,  de  leur  prix,  de 
leur  valeur,  je  tlirai  votre  maison  n'est  rien  au- 
près de  la  mienne.  Mais  si  je  veux  vous  faire  en- 
lendrc  (]uc  votre  maison  c-t  irés-inférieure  à  la 
mienne,  relativement  aux  commodités,  aux  agré- 
ments, à  la  valeur,  au  produit,  elc  ,  je  dirai 
voti'e  maison  n'est  rien  au  pi'ix  de  lu   mienne. 

Je  dirai  donc,  avec  rAcad(Mnie,  votre  mal  n'est 
rien  auprès  du  sien;  la  terre  n'est  qu'un  point 
auprès  du  reste  de  l'univers;  avec  Marmontel, 
ti'us  les  ouvrages  des  homrnes  sont  vils  et  gros- 
siers auprès  des  moindres  ouvrages  de  la  na- 
ture, auprès  d'un  brin  d'herbe  nu  de  l'œil  d'une 
mouche.  Dans  ces  exemjilcs,  il  n'est  point  ques- 
tion de  piix,  de  valeur,  d'aiiprécialion. 

Je  dirai,  avec  Marmontel,  l'intérêt  n'est  rien 
au  prix  du  devoir  ;  avec  Thomas,  tous  les  anciens 
physiciens  ne  sont  rien  an  prix  des  modernes 
{Éloge  de  Descartes.  Dans  ces  deux  exemples 
on  compare  deux  choses  rclaliveinent  à  l'inlércl 
qiu;  l'on  doit  y  prendre,  au  \m\  que  l'on  doit  y 
meltre,  à  l'appréciation  (pu;  l'on  doit  en  faire. 
Qui  est-ce  qui  ne  conviendra  pas  ([ue  l'on  parle- 
rait mal  en  disant  l'intérêt  n'est  rien  auprès  du 
devoir,  les  anciens  physiciens  ne  sont  rien  au- 
près des  modernes  ? 

D'après  ces  observations,  on  ne  pourrait  ap- 
[)rouver  ces  vers  de  Racine 

Dites,  dites  pliilûl,  cœur  IngrAl  et  farouche, 
Qu'oupr^J  du  diadème  il  n'est  rion  qui  vou»  touche. 
[Frères  ennemis,  acl.  .'.,  se.  III,  68.) 

Auprès  de  et  près  de  expriment  dans  le  sens 
propre  une  idée  de  proximité.  Mais^jrè*  marque 
une  proximité  plus  vague,  auprès  une  proximité 
plus  déterminée.  //  demeure  près  d'ici,  signifie 
que  sa  demeure  n'est  pas  éloignée;  il  demeure 
auprès  d'ici,  veut  dire  que  sa  demeure  esl  très- 
peu  éloignée.  Ma  7nai.inn  est  près  de  l'église,  en 
dix  minutes  on  va  de  l'une  a  l'autre;  ma  maison 
est  auprès  de  l'église,  elle  touche  à  l'église  ou 
à  peu  près.  P?-ès  est  susceptible  de  plus  ou  de 
moins,  fort  près,  très-près,  plus  près,  moins 
près.  Auprès  n'en  esl  pas  siisce|>tible;  on  ne  dit 
pasp^u*  auprès,  moins  auprès.  Il  esl  vrai  qu'on 
dit  tout  auprès,  mais  c'osi  pour  donner  plus  de 
force  à  l'expression.  —  Auprès  n'éveille  une  idée 
d'assiduité  ou  de  sontimenl  ipie  dans  un  sens  (i- 
cnré,  où  on  l'emploie  pour  exprimer  l'espèce  de 
proximité  que  produit  la  fré(i-nenlalion  habi- 
inelle,  la  familiarité,  la  faveur:  Ou  l'a  placé  au- 
près du  ministre.  Cet  enfant  n'est  pas  en  pen- 
sion, il  est  auprès  de  sa  mère  Quand  je  vois  au- 
près des  grands,  à  leur  table,  el  quelquefois 
dans  leur  familiarité,  de  ces  hommes  alertes, 
intrigants,  aventuriers,  etc.  (La  Bruyère,  Des 
Grands,  p.  302.) 

AuRicDLAiiîE.  Adj.  qui  ne  se  mel  qu'après  son 
subsl.  :  Témoin  auriculaire .  Confessionauricti- 

AuRORE.  Subsl.  f.  L'Académie  n'a  pas  dit  que 
ce  mot  se  prend  pour  jour  ; 

Apprenez  que  Ninus,  à  sa  dernière  aurore, 
Sur  qu'un  poison  mortel  en  terminait  le  cours. 

(Volt.,  Simir.,  acl.  IV,  s:,  n,  57.) 

Et  la  troisième  aurore  a  revu  nos  Taisseaux, 
Abandonnés  sans  guide  à  la  merci  des  eaux. 

(Dbl.,  £ntid.,  m,  257.) 


AUS 

Aussi.  Conjonction.  Pareillement,  de  même: 
f^ousleroulez  et  moi  aussi;  il  ne  suffit  pas  d'être 
estimalle,il  faut  aussi  être  aimahle.  On  voit  que 
cette  conjonction  se  met  à  la  lin  du  dernier  mem- 
bre de  la  plirase,  comme  dans  le  premier  exem- 
ple; ou  dans  ce  dernier  membre  après  le  verbe, 
comme  dans  le  second.  Elle  ne  se  met  jamais  en- 
tre le  verbe  auxiliaire  et  le  participe.  On  ne  dit 
pas  il  l'a  aussi  fait,  mais  il  l'a  fait  aussi. 

Aussi  se  niel  dans  le  sens  afllrmalif  :  Je  le  veux 
aussi.  Dans  le  sens  ncgalif,  on  dit  non  plus:  Fous 
ne  le  roulez  pas,  ni  tuai  non  plus.  D'après  cela 
on  pourrait  trouver  une  nèijlieence  dans  les  vers 
suivants  ; 

C^  madame 
N'a  pas  l'honneur  d'être  cncor  voire  femme, 
Elle  n'esl  point  votre  maîtresse  aussi'. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  acl.  IV,  se.  iv,  46.^ 

Dans  le  sens  de,  c'est  pourquoi,  il  se  met  au 
commencement  du  second  membre,  et  alors  le 
pronom  sujet  du  verbe  se  met  après  le  verbe 
comine  dans  ks  interrogations:  On  l'a  viallraité; 
aussi  veut-il  se  retirer. 

Aussi.  Adv.  H  se  joint  aux  adjectifs,  aux  par- 
ticipes et  aux  adverbes.  L'usage  a  lixc  l'emploi  de 
cet  adverbe  aux  seules  propositions  affirmatives 
où  il  y  a  comparaison,  soit  entre  deux  sujets, 
soit  entre  deux  qualifications  ou  modifications' 
pour  en  exprimer  règalité  :  Horace  est  au.'isi  en- 
joué que  solide.  Aristide  était  aussi  raillant 
que  juste. 

Lorsque  dans  les  propositions  affirmatives,  il 
n'est  question  d'aucune  comparaison  d'égalité 
entre  deux  choses  différentes,  mais  seulement  de 
marquer  par  quelque  circonstance  lede^rré  d'aug- 
mentation ou  de  modification  qu'on  atïribue  au 
sujet,  c'est  à  l'adverbe  si  à  y  figurer  :  L'amitié 
est  une  chose  si  précieuse  qu'il  ne  faut  pas  la 
prodiguer.  Une  amitié  si  solide  est  à  l'épreuve 
flte^ow^— Ccpei, dam  l'Académie,  dans  son  édition 
de  4835,  dit  qyi'aussi  se  prend  quelquefois  pour, 
tellement,  à  ce  point:  Co7/ime«/  un  homme  aussi 
sage  a-t-il  pu  faire  une  pareille  faute? 

Girard  prétend  ijuc  dans  les  propositions  néga- 
tives, inéme  dans  le  cas  de  comparaison,  il  f;îiii 
employer  si:  Personne  ne  vous  a  servi  si  utile- 
ment que  moi. 

Plusieurs  écrivains  emploient  indifféremment 
dans  ce  cas  si  ou  aussi:  Il  ne  sera  pas  si  con- 
stant qu'il  le  dit.  Il  ne  sera  pas  aussi  constant 
qt^il  le  dit.  Nous  sommes  de  l'avis  de  Girard. 
Pourquoi  établir  une  exception  dont  la  nécessité 
n'est  pas  sensible? 

L'adveibe  aussi,  employé  comme  adverbe  de 
comparaison,  doit  toujours  être  suivi  de  que,  et 
janaais  A&  comme:  Il  est  aussi  savant  que  son 
frère,  et  non  comme  son  frère.  Celte  observation 
est  d'aular.l  plus  nécessaire,  ipie  l'on  trouve  assez 
souvent  ce  comme  dans  Corn:ille  et  dans  Mo- 
lière, et  que,  de  leur  temps,  ce  n'était  pas  une 
faute  de  l'employer  ainsi. 

Adssitôt  que.  Conjonction  qui  régit  l'indicatif: 
Aussitôt  qu'il  viendra,  aussitôt  qu'il  parut. 

Adstère.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  dit  parli- 
culiéremetil  des  choses  :  Fie  austère,  pénitence 
austère.  Cet  adj.  précède  quelquefois  son  subsl.  : 
Il  n'élevait  par  vie  austère  vertu  au-dessus  des 
craintes  et  des  complaisances  humaines.  (Flé- 
chier.)  ^ 

£n  vain  i'un  lâche  orgueil  leur  esprit  reviiu 


ALT  8i 

Se  couvre  du  manteau  d'une  aunire  vertu. 

(BoiL.,  Dite,  au  Roi,  99.) 

Soit  que  son  cœur  jaloux  d'une  austért  fierté. 

(lUc,  Dritann.,  act.  II,  se.  il,  41.) 

Pour  le  placer  ainsi,  il  faut  consulter  l'oreille 
et  1  analogie.  On  ne  dit  pas  un  austère  homme 
une  austère  règle.  Mais  on  dit  bien  un  austèr' 
devoir. 

AusTÈREMENT.  Adv.  On  peut  le  mniire  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  toujours  vécu 
avsièrement,  ou  il  a  toujours  austèremcnt  vécu 

AusTÉuiTÉ.  Subst.  f.  Dans  le  sens  de  (pialit^  de 
ce  qui  est  austère,  il  ne  prend  point  do  pluriel  : 
L'austérité  d'une  règle,  l'austérité  des  mœurs.— 
On  l'emploie  au  pluriel  quand  on  le  dit  des  pra- 
tiques par  lesquelles  les  saints  et  les  gens  (pii 
poussent  à  un  Ircs-haut  dosré  la  sévérité  de  la 
morale  chrétienne  inoriifienl  leurs  sens  et  affli- 
gent leur  corps  :  Pratiquer  de  grandes  austé- 
rités. L'Académie  n'indique  point  cette  distinc- 
tion. 

Austral,  Acstrale.  Adj.  qui  n'a  point  de  pluriel 
au  masculin,  et  qui  se  met  toujours  après  son 
suijst.  :  Le  pôle  austral. 

Autant.  Adv.  (jui  marque  l'égalité.  11  modifie 
ordinairement  les  verbes  ,  dans  le  même  sens 
qu'of/wnnodifie  les  adjectifs  •  .le  l'aime  autant 
que  son  frère.  Quchpiefois  il  est  répété,  dans  une 
phrase  de  deux  membres,  et  il  se  mot  alors  à  la 
léle  de  chaque  membre  :  Autant  vous  l'aimez, 
autant  il  vous  liait.  Quel(|uefois  on  met  autant 
que  au  premier  membre,  et  autant  au  second. 

Mais  autant  que  ton  âme  est  bienTiisante  et  pure, 
Autant  leur  cruauté  fait  frémir  la  nature. 

(Volt.,  Alz.,  act.  II,  se.  ii,  45.) 

Corneilleaditdans/'oZye!/c/e(act. HT, se.  iii,48): 

Qu'il  fasse  autant  pour  soi  comme  je  fais  pour  lui. 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  On  dit  autant 
que,  et  non  pas  autant  comme.  {Remarques  sur 
Corneille.) 

Adtedr.  Subst.  m.  Fn  parlant  d'une  femme  qui 
a  compose  un  ouvrage  d'esprit,  on  dit  qw'elle  en 
estVauteur;  ondil  aussi  adjectivoiiicnl,  c'est  une 
feinme  auteur.  Mais  on  ne  dirait  pas  aile  est  la 
première  auteur  de  cette  entreprise  ;  il  faudrait 
dire  le  premier  auteur,  ou  chercher  un  autre 
tour. 

Une  de  mes  chances  était  d'avoir  toujours 
dans  mes  liaisons  des  femmes  auteurs.  (J.-J. 
Rousseau.) 

Les  femmes  d'à  présent  sont  bien  loin  de  ces  mœurs  ; 
Elles  veulent  écrire  et  devenir  auteurs. 

(Mol.,  Femmes  savantrs,  ict.  II,  se.  vu,  75  ) 

Authentique.  Adj  des  deux  genres  ipii  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  ritre  authentique,  con- 
trat authentique,  acte  authentique. 

AuTHENTiQUEHENT.  Adv.  Oii  pcul  le  mettre  CD 
Ire  l'auxiliaire  et  le  participe:  l'a  déclaré  authen- 
tiquement,  ou  il  a  authentiqueuieni  déclaré. 

AuTOCHTHONE.  Subst.m.  Voltaire  a  çni[iloyéad- 
jeciivement  ce  mot  dans  un  sens  ipii  n'est  pas 
usité.  11  écrit  à  un  bibliothécaire  «lu  roi  d'Espa- 
gne :  Je  ne  savais  pas  que  vos  auteurs  eussent 
jamais  rien  pris,  viême  des  Italions;  je  les 
croyawautochthones  en  fait  de  littérature  :  mais 
je  sais  bien  qu'ils  n'ontjamais  rien  pris  de  nous, 
et  que  nous  avons  beaucoup  pris  d'eux. 

Autocrate.  Subst.  m    On  dit  au  féminin  auto- 


82 


AUT 


cratrice.  C'est  un  lilro  que  prcnrenl  les  emi)e- 
reurs  de  Russie.  Il  sisnilie,  qui  gouverne  par 
lui-même. 

Il  se  prenJ  aussi  adjectivement.  On  n'a  exé- 
cuté aucun  criminel  sov s  l'empire  de  l'autocnt- 
trice  f^lisaheth.  (^'olt.,  Comment,  sur  le  Litre 
des  délits  et  des  peines.  De  la  peine  de  mort.) 

AuTO-DA-FÉ.  Expression  espagnole  t]ui  signifie 
acte  de  foi,  par  laquelle  on  désigne  les  exécutions 
barbares  onionnces  par  l'inquisition,  où  l'on  fait 
expirer  dans  les  flammes  des  malheureux  qui 
n'ont  commis  d'autre  crime  que  de  ne  pas  par- 
tager les  opinions  religieuses  des  inquisiteurs. 
Celte  exprc^sion  étant  tirée  d'une  langue  étran- 
gère, ne  prend  point  de  s  au  pluriel  :  I)es  auto- 
da-fé. 

Adtographe.  Adj.  desdeux  genres.  Qui  est  écrit 
de  la  main  même  de  l'auteur.  11  suit  son  subst.  : 
Une  lettre  autographe.  Cette  expression  est  du 
style  didacliciue  Dans  le  langage  ordinaire,  on 
dit  original.  Il  s'emploie  aussi  substantivement 
au  masculin. 

AcTOMXAL,  Automnale.  Adj.  On  prononce  le  «. 
Il  n'a  point  de  pluriel  au  masculin.  Les  fièvres 
automnales.  Il  suit  toujours  son  subst. 

Un  grammairien  moderne  trouve  qu'il  faut  être 
bien  scrupuleux  de  ne  jias  vouloir  qu'on  dise  les 
trois  im.is  automnaux .  Lors,  dit-il,  qu'une  ex- 
pression est  réclamée  par  la  pensée,  et  qu'elle  a 
pour  elle  l'analogie  et  la  raison,  pourquoi  ne  jias 
i'cmi)loyer?  Ce  grammairien  n'a  pas  fait  attention 
que  la  pensée  ne  réclame  point  cette  expression, 
puisque  nous  avons  les  trois  mois  d'automne,  qui 
signifient  la  même  chose. 

Automne.  Subst.  On  prononce  autonne.  Les 
uns  le  font  masculin,  les  autres  féminin.  L'Acadé- 
mie le  fait  de  l'un  et  de  l'autre  genre.  Un  grammai- 
rien moderne  veut  qu'il  soit  masculin  quand  l'ad- 
jectif le  précède,  tin  bel  autom?ie,  et  féminin 
quand  il  en  est  suivi  ;  uTie  automne  froide  et  plu- 
vieuse. Celte  opinion  n'est  fondée  sur  aucun  rai- 
sonnement. .Mais  ce  qui  devrait  déterminer  à  faire 
ce  mot  toujours  masculin,  c'est  que  tous  les  noms 
des  autres  saisons  sont  de  ce  genre  :  Un  bel  été, 
un  printemps  froid,  un  hiver  sec  ;  pourquoi  pas 
vn  automne  pluvieux?  C'est  aujourd'hui  l'opi- 
nion et  l'usage  d'un  grand  nombre  d'écrivains. 

Ce  mot  se  prend,  figurément,  pour  l'âge  de 
l'homme  qui  approche  de  la  vieillesse:  Il  est  dans 
son  automne. 

L'automne  deTos  jonrs 
Vaut  mieni  que  le  prinlempî  d'un  autre. 

(Volt.,  ÉpCtr.;  XXXI,  67.) 

Autour.  Préposition.  Autrefois  on  confondait  ce 
mol  avec  alentour,  qui  est  un  adverbe  ;  Autour  de 
la  ville.  Il  rôde  alentour.  Autour  a  toujours  un 
régime;  alentour  n'en  a  point 

Autre.  Adj.  des  deux  genres.  Les  anciens 
grammairiens  le  font  tantôt  pronom,  tantôt  adjec- 
tiL  Ils  le  regardent  comme  pronom  quand  il  n'f  st 
joint  à  aucun  substantif,  et  qu'il  n'est  point  relatif 
ace  qu'ils  nomment  le  pronom  en:  Un  autre  que 
moi  ne  vous  parlerait  pas  arec  autant  de  fran- 
chise. Us  rappellent  adjectif  ([uand  il  est  joint  à 
un  substantif,  ou  quand  il  est  précédé  du  pronom 
an:  Un  autre  homme,  une  autre  affaire.  Cette 
maison  est  tombée,  il  faut  en  bâtir  une  autre. 
Autre  est  toujours  adjectif.  C'est  un  adjectif  dis- 
linctif  qui  désigne  par  une  idée  précise  de  diver- 
sité. Lorsque  le  substantif  auquel  il  a  rapport 
n'est  pas  exprimé,  il  esl  sous-entendu  :  Un  autre 


AUT 

que  moi  ne  vous  parlerait  pas  avec  tant  de  fran- 
chise, c'est-à-dire,  une  autre  personne  que  moi 
ne  vous  parlerait  pas,  etc. 

Autre  se  dit  des  personnes  cl  des  choses  :  Uti 
autre  frère.  Une  autre  maison. 

On  demande  s'il  faut  écrire  en  voici  bien  d'un 
autre,  ou  en  voici  bien  d'une  autre.  Les  uns 
écrivent  de  la  première  manière,  les  autres  de  la 
seconde.  Je  pense  qu'il  faut  écrire  A'vne  autre, 
parce  que  l'analyse  de  cette  phrase  familière  re- 
vient à,  voici  Lien  une  autre  clwse,  une  autre 
aventure. 

Bon,  dit  Climène,  en  Toici  bien  d'une  autre  ; 
3Ia  chère  sœur,  quelle  idée  est  la  vùlre? 

(Volt.,  les  Filles  de  Minée,  198. J 

L'Académie,  dans  son  édition  de  1S35,  admet 
les  deux  locutions. 

On  dit  l'une  et  l'autre,  les  uns  et  les  autres, 
pour  maniuer  une  distinction  entre  plusieurs  cho- 
ses :  L'un  et  l'autre  hoimne,  l'une  et  l'autre  main} 
je  les  ai  vaincus  l'un  et  l'autre,  je  les  ai  vaincus 
les  uns  et  les  autres. 

Lorsque  l'un  esl  précédé  d'une  préposition,  la 
même  préposition  doit  être  répétée  avant  Vautre: 
Je  leur  ai  domié  dix  francs  à  l'un  et  à  l'autre,  je 
suis  content  de  l'un  et  àc  l'autre,  je  serai  juste 
envers  les  uns  et  envers  les  autres.  Cette  répéti- 
tion de  la  préposition,  qui  rend  la  distinction  plus 
marquée,  est  conforme  à  la  i.aluredc  la  phrase, 
dont  la  distinction  fait  le  prineipal  caractère. 

On  a  disputé  pour  savoir  si,  après  l'un  et  Vau- 
tre, il  faut  mettre  le  verbe  au  singulier  ou  au  plu- 
riel. Les  uns  disaient  l'uti  et  Vautre  vous  a  obligé; 
les  autres,  l'un  et  l'autre  vous  ont  obligé.  La  dis- 
pute sera  terminée,  si  l'on  fait  attention  que  la 
distinction  est  ici  le  véritable  caractère  de  la 
phrase,  que  tout  ce  qui  concourt  à  la  marquer 
est  dans  l'ordre  grammatical,  et  que  ce  qui  tend  à 
la  détruire  est  contraire  à  cet  ordre.  Quand  je  dis 
Vitn  et  Vautre  vous  ont  obligé,  j'annonce  par  les 
premiers  mots  Vun  et  Vaut)v,  que  la  distinction 
doit  être  établie  dans  toute  la  proposition,  puisque 
j'énonce  le  double  sujet  avec  cette  distinction,  cl 
par  les  moisvousont,  je  détruis  cette  distinction, 
e(  je  présente  le  double  sujet  comme  étant  simple. 
Il  faut  donc  dire  Vun  et  Vautre  vous  a  obligé,  et 
non  pas  votis  ont  obligé.  Ni  Vun  ni  l'autre  ne 
vaut  rien,  et  non  pas  ?ii  Vun  ni  l'autre  ne  valent 
rien. 

C'est  par  la  même  raison  que  les  substantifs  qui 
se  rapportent  à  Vun  et  à  Vautre  se  mettent  tou- 
jours au  singulier;  Vuneet  Vautre  maison,  et  non 
pas  Vunc  et  Vautre  maisons.  C'est  comme  s'il  y 
avait  Tî/we  maison,  et  Vautre  maison. 

L'un  et  l'autre  rival,  s'arrêtantau  passage. 
Se  mesure  des  yeai,  s'observe  et  s'envisage. 

(BoiL.,  Lutr.,  V,  115.) 

Cependant  il  faut  dire  ils  s'attaquent  l'un  et 
Vautre,  ils  moururent  Vun  et  l'autre,  parce  que 
le  sujet  de  la  proposition  Us  n'annonce  pas  la  dis- 
tinction, et  que  celte  distinction  n'est  indiquée 
que  lorsque  la  proposition  est  complète.  Si  l'on  di- 
sait, par  exemple,  Us  moururent  Vun  et  Vautre 
dans  des  sentiments  de  piété,  il  y  aurait  ellipse; 
c'est  comme  si  l'on  disait  ils  moururent  ;  etl'un  et 
Vautre  mourut  dans  des  sentiments  de  piété. 

Corneille  a  dit  dans  Héraclius  (act.  IV,  se.  v, 
70): 


.Fou» autres,  saivei-rooi 


Fous  autres,  dit  Voltaire,  ne  se  dit  pomt  ".ans 


AIT 

le  slylc  noble.  {Jîc7narqucs  sur  Corneille.)  Voyez 
Accord. 

Adtrefois.  Adv.  On  le  met  qucliiuefois  au 
commeiicenicnl  de  la  plirase  :  Autrefois  on  croyait 
aux  sorciers.  Après  un  nom  niodilio  par  un  ou 
plusieurs  adjectifs,  il  se  met  entre  le  nom  cl  l'ad- 
jectif, ou  les  ailjectifs:  Cette  ville  autrefois  su- 
perbe, autre  fis  grande  et  i/uiff/iifique.  Ouand  il 
modilie  un  verbe,  il  se  met  toujours  après:  O/i  dî- 
nait  autrefois  à  deux  heures,  lia  été  autrefois 
très-riche. 

Autrement.  Adv.  Quand  ce  mot  marque  com- 
paraison, il  est  suivi  de  que  avec  la  négative  ne: 
Il  parle  autrement  (ju'il  ne  pense,  el  non  pas  au- 
trement qu'il  pense. 

AuTKDi.  SuLsl.  m.  qui  n'a  point  de  pluriel.  11 
sii-'iiilic,  les  autres  hommes.  C'est  par  erreur  que 
les  anciens  grammairiens  ont  mis  ce  mol  au  nom- 
bre des  pronoms,  car  il  ne  lient  jamais  la  place 
d'un  nom. 

La  sisHiificalion  du  mol  homme  est  renfermée 
^ians  ce  mot,  et  de  plus,  par  accessoire,  celle 
iVun  autre.  Ainsi  quand  on  dil  ne  faire  aucun 
tort  à  autrui,  ne  di'sircz  pas  le  bien  d'aulvwi, 
c'est  comme  si  Ion  disait  ne  faire  aucun  tort  à 
\\n  autre  lionune,  ou  aux  autres  hommes,  71e  dé- 
sirez pas  le  bien  t/'un  aulre  homme,  ou  des  au- 
tres hommes.  Or,  s'il  esl  évident  (jue  la  signilica- 
tion  du  mol  autrui  est  celk,  d'homme,  ce  mol 
doit  élre  de  mcnic  nature  el  do  mémo  espèce  que 
le  mut  homme  lui-même;  nonobstant  l'idée  acces- 
soire rendue  par  un  autre. 

Autrui  est  ordinairement  précédé  d'une  pré- 
position :  Juger  lïautrui par  soi-même,  le  bien 
û'autrui.  ISe point  faire  tort  à  autrui,  être  logé 
chez  autrui.  On  l'cnqiloic  quehiuefois  aussi  en 
régime  direct  :  Tromper  autrui. 

On  a  avancé  dans  la  Grammaire  des  Gram- 
maires, p.  405,  qu'on  ne  [leut  pas  faire  rappor- 
ter au  mot  autrui\cs  adjeclifs  possessifs  son,  sa, 
ses,  leur,  lews,  ei.  réuiine  simple,  c'est-à-dire 
quand  les  mot„  auxquels  ils  sont  joints  sont  sans 
préposition,  et  (ju'en  ce  cas  il  faut  faire  usage  du 
relatif  e«  et  de  l'article,  el  dire,  par  exemple,  en 
épousant  les  intérêts  d'autrui,  tious  ne  devons 
vas  en  épouser  lus  passions;  au  lieu  de  nous  ne 
devons  pas  épuuser  ses  passions.  On  ajoute 
qu'on  peut  faire  rapporter  ces  adjectifs  à  autrui, 
en  régime  indirect,  c'est-à-dire  (piand  les  adjec- 
lifs auxtiuelr  ces  pronoms  s^mt  joints  sont  précé- 
dés d'une  préposition;  el  qu'ainsi  l'on  peut  dire 
nous  repre7ions  les  défauts  d'autrui,  sans  faire 
attention  à  ses  ou  à  leurs  bonnes  qualités.  On 
apporte  pour  raison  de  la  première  règle,  que  le 
mot  autrui  présenianl  quelque  chose  de  vague 
el  d'indéfini,  ne  doit  [joint  être  mis  en  rapjporl 
avec  les  pronoms;  on  ne  dil  rien  à  l'appui  de  la 
seconde 

J'observe  d'abord  que  la  première  de  ces  rè- 
gles esl  absoUimenl  contraire  à  la  règle  générale, 
qui  dit  qu'on  doit  emiiloyer  les  adjectifs  posses- 
sifs lorscju'on  parle  de  personnes  ou  de  choses 
personnifiées.  \ oyez  Adjectifs  possessifs.  Or,  le 
mot  autrui  signifiant  les  autres  hoinmes,  ne  dé- 
sigue-t-il  pas  réellement  des  personnes?  On  n? 
peut  pas  dire  (\vi  autrui  a  ses  intérêts,  ses  ';■',..- 
lités,  ses  vices,  ses  passions,  parce  que  et  irol 
ne  s'emploie  jamais  comme  sujet  d'une  [iroposi- 
tion;  mais  dans  toutes  les  phrases  où  il  est  con- 
struit selon  l'usage,  on  peut  y  joindre  les  adjec- 
tifs possessifs  :  Si  l'on  embrasse  Les  intérêts  d'au- 
trui, pourquoi  n'excuseraii-oti  pas  ses  défauts? 
En  second  lieu,  si,  i-our  appuyer  celle  règle. 


AUX 


83 


on  voulait  tirer  qucl<iue  raison  solide  de  ce  qu'il 
a  plu  aux  L'rannnairieiis  de  mclfre  ce  subhlaniif 
au  nombre  dos  pronoms  iudclinis,  on  pourrait 
leur  opposer  le  moi  c/u(ci//i,  tpi'ils  ont  placé  dans 
la  même  classe,  el  <jni  cependant  s'accommode 
fort  bien  des  adjectifs  possessifs,  ,1e  pense  tlonc 
que  la  prétendue  indétermination  ipi'il  a  plu  aux 
grammairiens  de  prêter  a  ces  nuiis  n'cmiR-che 
pas  qu'on  ne  puisse  leur  appliquer  les  adjeelifs 
possessifs,  el  que  de  même  qu'on  dit  chacun  a 
ses  défauts,  ses  bonnes  qualités,  etc.,  on  [)eul 
dire  en  épousant  les  intérêts  d'autrui,  on  ne 
l'oit  pas  épouser  ses  passions  ;  ou  on  reprend 
suuvent  les  défauts  d'autrui  sans  faire  atten- 
tion à  ses  bonnes  qualités. 

Je  (conviens,  du  reste,  (ju'on  ne  peut  pas  ap- 
pliquer à  ce  mol  les  adjectifs  possessifs  leur  ou 
leurs,  parce  qu'il  ne  peut  être  mis  au  pluriel,  ce 
(pie  supposeraient  ces  adjeclifs. 

Du  temps  de  Vaugeias,  plusieurs  personnes 
regardaient  autrui  comme  un  vieux  moi,  et  y 
substituaient  l'adjectif  «»<.-(■.  Ce  ::i'anunairien  s'é- 
leva contre  cet  usage,  .'^elon  lui,  ce  serait  mal 
s'exprimer  que  de  dire  il  ne  faut  pus  désirer  le 
bien  des  autres,  au  lieu  de  il  ne  faut  pus  désirer 
le  bien  d'autrui,  parce  que  autre  a  relation  aux 
personnes  dont  il  a  déjà  été  parlé.  Mais  on  parle- 
rail  bien  en  disant  il  ne  faut  pas  ravir  le  bien 
des  uns  pour  U  donner  au.K  aulres;  el  mal  si  l'on 
disait  il  ne  faut  pas  ravir  le  bien  des  uns  pour 
le  donner  à  aulrui  ;  par  la  raison  ipie  (juiuid  il  y  a 
relation  de  pcrsomics,  il  faul  dire  autres;  et  que 
quand  il  n'y  a  point  de  relation,  il  faul  dire  aj/^rMi. 
D'ailleurs,  ajoulo  Vaugeias,  autre  s'applique  aux 
[lersonnes  el  aux  choses;  mais  autrui  ne  se  dit 
(jue  des  personnes.  L'Académie  a  confirmé  cette 
remarque;  elle  dit,  dans  son  Dictionnaire,  il  ne 
faut  pas  faire  à  autrui  ce  que  nous  ne  voulons 
pas  qui  nous  soit  fait;  Ci  dans  ses  observations 
sur  Vaugeias,  elle  [lense,  comme  lui,  que  autre 
serait  une  faute. 

«  Celle conclusionest  beaucoup  trop  rigoureuse. 
L'autorité  de  nos  meilleurs  écrivains  prouve  que 
l'on  peut  très-bien  dire  les  autres  au  lieu  d'«H- 
trui.  Certes,  nous  n'hésiterons  pas  à  dire  avec 
Massillon  :  Elle  j'uçe  des  autres  par  elle-même. 
L'Académie,  d'ailleurs,  admet  aujourd'hui  celle 
locution:  Use  inéfœ toujours  des  autres.  »  {.\.  I.c- 
niaire.  Grammaire  des  Grammaires,  p.  406.) 

AuxiLi.\ir,F..  Adj.  des  deux  genres,  qui  s'em- 
ploie tiuebiuefois  substanlivenient  au  masculin. 
On  nomme  verbes  auxiliaires  les  verbes  avoir  et 
rtre,  qui  entrent  dans  les  formes  composées  des 
temps.  On  peut  dire  en  général  que  le  verbe  ^tr<? 
entre  dans  les  formes  composées  qui  exfirimenl 
lélat,  et  que  le  verbe  avoir  entre  dans  les  formes 
composées  qui  ex|)rimenl  l'aclior:.  Je  suis  aimé 
exprime  l'état  du  sujet  ;  j'ai  aimé  cxi>rime  l'ac- 
lion. 

Cotte  règle  souffre  une  exception;  car,  quoi- 
qu'on dise  j'a!  aimé  cette  pei sonne,  on  ne  dira 
pas/e  m'ai  aimé;  \\  fant  dire,  je  me  suis  aimé- 

Il  y  a  donc  ici  une  distinction  à  faire.  Ou  l'ac- 
lic;-  à  pour  objet  le  sujet  même  qui  agit,  cl  alors 
il  faul  dire,  avec  le  verbe  être,ils'csi  vu,  il  .«'est 
tué,  il  s'csl  reconnu;  ou  l'objet  est  différent  du 
sujet  qui  atril,  et  alors  il  faut  dire,  avec  le  verbe 
avoir,  il  Vv.  ru,  il  Ta  tué,  il  l'a  reconnu.  C'est 
ainsi  qu'on  doit  toujours  parler.  On  se  sert  en- 
core du  verbe  être  toutes  les  fois  que  le  terme  du 
verbe  esl  le  sujet  de  la  proposition.  A  msi,  quoi- 
qu'on dise  j'ai  fait  des  difficultés  à  cet  écrivain, 
OU  dit  je  me  suis  fait  des  difficultés. 


84 


AUX 


A  ces  exceptions  près,  qui  sont  ollcs-niémes 
une  règle  sans  exception,  la  régie  que  nous  avons 
d'aboril  tHal)lie  doit  être  observée  dans  tous  les 
cas;  c'esi-a-dire  que  le  participe  doit  se  con- 
stniire  avec  le  verbe  ati^ir,  toutes  les  fois  qu'il 
exi)riii)e  une  action;  cl  a\ccle  verbe é/rp,  loiiles 
les  fois  qu'il  exprime  un  èlal.  On  dit  il  a  monté 
ce  cheval,  il  a  descendu  les  degrés,  parce  (jne 
monté  &\-  descendu  expriment  une  action;  cl  on 
ne  |)eul  s'y  iroinpei',  puisi]ue  celle  acliun  a  un 
objet,  ce  cheval,  ces  degrés.  Mais  on  dit  il  est 
monté,  il  est  descendu,  parce  qu'alors  on  consi- 
dère moins  l'aclioii  dcmonicr,  que  l'état  où  l'on  est 
après  avoir  monté,  .le  dirai  le  régiment  a  passé 
sous  mes  fenêtres,  parce  t]ne  je  songe  a  l'action 
du  réïiineiii  (pii  passait.  Mais  si  (iiiel(]u"un  me 
demande  s'il  vicnl  à  temps  pour  le  voir,  je  ré- 
pondiai  il  est  passé.  C'est  que  je  ne  pense  plus 
qu'à  l'élat. 

En  un  mot,  on  ne  peut  pas  choisir  indifférem- 
ment entre  les  deux  auxiliaires,  quoique  les  par- 
ticipes puissent  se  construire  égalemenl  avec  l'un 
et  avec  l'autre.  ]1  faut  toujours  considérer  si  l'on 
veut  exprimer  un  état,  ou  si  l'on  veut  exprimer 
une  action;  et  c'est  d'après  celle  règle  (pi'on  doil 
choisir  enlre  il  est  accouru,  il  a  accouru;  il  est 
disparu ,  il  a  disparu;  il  est  apparu,  il  a  apparu  ; 
sa  ficrrc  est  cessée,  sa  fècre  a  cessé  ;  il  nous  est 
échappé,  il  nous  a  échappé. 

Tous  les  exemples  confirment  celle  règle.  On 
dit  il  est  sorti,  en  parlant  de  quelqu'un  (|ui  n'est 
pas  chez  lui,  et  il  a  sorti,  en  i)arlanl  de  quoiqu'un 
(jui  esl  rcnlré.  De  même  on  dit  il  est  demeuré  à 
Paris,  de  (lueKiu'un  qui  y  est  encore,  etzZ  a  de- 
7neuré  à  Paris,  de  quelqu'un  qui  y  a  élé  et  qui 
n'y  esl  plus. 

Toui  ce  que  nous  venons  de  dire  est  vrai  des 
participes  qui  expriment  également  un  élat  et  une 
iclion,  cl  nous  n'avons  parlé  (]ue  de  ceux-là. 
]\Iais  quand  le  participe  est  de  nature  à  n'expri- 
mer qu'une  aclion,  il  se  construit  toujours  avec 
le  verbe  avoir.  On  dit  il  a  langui,  il  a  dormi. 

Quelques  grammairiens  modernes  reconnais- 
sent deux  aulres  verbes  auxiliaires,  c'est  aller  et 
venir  Le  premier  sert  à  former  un  futur  pro- 
chain, je  mis  faire;  le  second  à  former  un  passé 
prochain,  je  viens  de  faire.  (CondiUac.) 

Conjugaison  du  verbe  auxiliaire  Avoir. 

Infinitif.— Avoir. 

Indicatif.  —  Présent.  J'ai,  tuas,  il  a  ow  elle  a; 
nous  avons,  vous  avez,  ils  ont  ou  elles  ont.  —  Im- 
parfiiit.  J'avais,  tu  avais,  il  avait  o!<  elle  avr.il; 
i;ous  avions,  vous  aviez,  ils  avaient  ou  elles 
.ivaienl. — Passé  simple.  J'eus,  lu  eus,  il  eut  ou 
'lie  eui;  nous  eûmes,  vous  eûtes,  ils  eurent  ou 
rlles  eurent.  —  Passé  composé.  J'ai  eu,  lu  as  eu,  il 
a  eu  ou  elle  a  eu  ;  nous  avons  ou,  vous  avez  eu,  ils 
ont  eu  ou  elles  ont  eu.  —  Passé  antérieur  com- 
posé. J'eus  eu,  lu  euseu,  il  eut  eu  ou  elle  eut  eu  ; 
nous  eûmes  eu,  vous  eûtes  eu,  ils  eurent  eu  ou 
ellec  eurent  eu.  —  Plu sqvcpar fait.  J'avais  eu,  tu 
avais  eu,  il  avait  eu  or  elle  avait  eu  ;  nous  avions 
eu,  vous  aviez  eu,  ils  avaient  eu  ou  elles  avaient 
eu.  —  Futur  simple.  J'aurai,  lu  auras,  il  aura  01/ 
elle  aura  ;  nous  aurons,  vous  aurez,  ils  auront  ou 
elles  auront. — Fuiur  composé.  J'aurai  eu,  tu  au- 
ras eu,  il  aura  eu  ou  clic  .".ura  eu;  nous  aurons 
eu,  vous  aurez  eu,  ils  auront  eu  ou  elles  auront 
eu. 

Conditionnel  —Présent  ou.  futur.  J'aurais,  tu 
aurais,  il  aurait  ou  elle  aurait;  nous  aurions, 
vous  auriez,  ils  auraient  ou  elles  auraient.  — 


AUX 

Premier  passé.  J'aurais  eu,  tu  aurais  eu,  il  au- 
rait eu  01/  elle  aurait  eu;  nous  aurions  eu,  vous 
auriez  eu,  ils  auraient  eu  ou  elles  auraient  eu. — 
Deuxième  pasie.  J'eusse  eu,  tu  eusses  eu,  il 
eût  01/  elle  eùi  eu;  nous  eussions  en,  vous  eus- 
siez eu,  ils  eussent  eu  ou  elles  eussent  eu. 

Impératif.  —  Présent  ou  futur  simple.  Aye, 
qu'il  ait;  ayons,  ayez,  qu'ils  aient  r-j/ qu'elles 
aient. — Futur  composé.  Aye  eu,  qu'il  ail  eu  ou 
«lu'elle  ail  eu;  ayons  eu,  qu'ils  aient  eu  ou 
qu'elles  aient  eu. 

Subjonctif.  —  Présent  ou  futur.  Que  j'aie,  que 
tu  aies,  qu'il  ail  ou  qu'elle  ail;  que  nous  ayons, 
que  vous  ayez,  qu'ils  aient  ou  qu'elles  aient.  — 
Imparfait.  (Juc  j'eusse,  que  tu  eusses,  qu'il  eût 
ou  iprelloeût;  que  nous  eussions,  que  vous  eus- 
siez, qu'ils  eussent  ou  qu'elles  eussent. — Passé 
()ue  j'aie  eu,  (lue  lu  aieseu, qu'il  ait  eu  ou  qu'elle 
ail  eu  ;  que  nous  ayons  eu,  (]ue  vous  ayez  eu, 
(ju'ils  aient  eu  ou  qu'elles  aient  eu.  —  Plusque- 
parfait.  Que  j'eusse  eu,  que  tu  eusses  eu,  qu'il 
eût  eu  ou  (lu'ollc  eût  eu  ;  que  nous  eussions  eu, 
que  vous  eussiez  eu,  (lu'il  eussent  eu  ou  qu'elles 
eussent  eu. 

Participe. — Présent.  Ayant.  —  Passé.  Eu. 

Conjugaison  du  verbe  auxiliaire  Être. 

Infinitif. — Être. 

Indicatif. — Présent.  Je  suis,  lu  es,  il  est  ou 
elle  esl;  nous  sommes,  vous  êtes,  ils  sont  ou  elles 
sont. — Imparfait.  J'étais,  lu  étais,  il  était  ou  elle 
était  ;  nous  étions,  vous  étiez,  ils  étaient  om  elles 
étaient.  — Passe  simple.  Je  fus,  lu  fus,  il  fut  ou 
elle  fui;  nous  fûmes,  vous  Iules,  ils  furent  o?r 
elles  furent. — Passé  cojuposé.  J'ai  élé,  lu  as  élé, 
il  a  été  OM  elle  a  été;  nous  avons  élé,  vous  avez 
élé,  ils  onl  élé  ou  rl'cs  ont  élé. — Passé  antérieur 
composé.  J'eus  élé,  tu  eus  été,  il  eut  élé  ou  elle 
eut  été  ;  nous  eûmes  été,  vous  eûtes  élé,  ils  eu- 
rent élé  ou  elles  eurent  élé.  —  Phi squepar fait. 
J'avais  élé,  lu  avais  élé,  il  avait  été  ou  elle  avait 
été;  nous  avions  élé,  vous  aviez  élé,  ils  avaient 
été  ou  elles  avaient  élé. — Futur  simple.  Je  serai, 
iu  seras,  il  sera  ou  elle  sera  ;  nous  serons,  vous 
Ferez,  ils  seront  ou  elles  seront. — Futur  composé. 
J'aurai  été,  tu  auras  élé,  il  aura  étéow  elle  aura 
élé;  nous  aurons  été,  vous  aurez  élé,  ils  auront 
clé  ou  elles  auront  élé. 

Conditionnel. — Présent  ou  futur.  Je  serais,  tu 
serais,  il  sérail  ;  nous  serions,  vous  seriez,  ils  ov- 
elles  seraient. — Premier  passé.  J'aurais  été,  tu 
aurais  élé,  il  aurait  élé  om  elle  aurait  été;  nous 
aurionc  élé,  vous  auriez  été,  ils  auraient  élé  ou 
elles  auraient  élé.  —  Deuxième  passé.  J'eusse 
été,  lu  eusses  élé,  il  eût  été  ou  elle  eût  élé  ;  nous 
eussions  été,  vous  eussiez  été,  ils  eussent  été  om 
elles  eussent  été. 

Impératif.  —  Présent  ou  futur  simple.  Sois, 
qu'il  soit  OM  qu'elle  soit  ;  soyons,  soyez,  qu'ils 
soient  ou  qu'elles  soient.  —  Futur  composé.  Aye 
été,  qu'il  ail  élé  ru  qu'elle  ail  été;  ayons  été, 
ayez  élé,  qu'ils  aient  été  ou  qu'elles  aient  été. 

Subjonctif.  — Présent  ou  futur,  (^ue  je  sois, 
que  lu  sois,  qu'il  soit  ou  qu'elle  soit;  que  nous 
soyons,  que  vous  soyez,  qu'ils  soient  ou  qu'elles 
soient.  —  Imparfait.  Que  je  fusse  ,  que  tu 
fusses,  qu'il  fût  ou  (pi'elle  fût  ;  que  nous  fussions, 
que  vous  fussiez,  (pi'ils  fusseni  ou  qu'elles  fus- 
sent.—Passe,  «lue  j'aie  été,  que  tu  aies  élé,  qu'i; 
ait  élé  01/  qu'elle  ail  été;  (luc  nous  ayons  élé,  que 
vous  ayez  élé,  ()u'ds  aient  été  om  qu'elles  aient 
élé.  —  Plusqucparfait.  Que  j'eusse  été,  que  tu 
eusses  élé,  qu'il  eût  élé  ou  qu'elle  eût  élé;  que 


AVA 

nous  eussionsétc,  que  vous  eussiez  élé  ou  qu'elli  s 
eussent  été. 

Parlicipc.  —  Présent.  ÊUinl. —  Passé.  Ëlé. 

Voyez,  au  mol  Irrégulier,  la  conjugaison  des 
verbes  aller  cl  venir,  que  l'on  emploie  aussi 
tomme  verbes  auxiliaires. 

Il  faut  rcuiarquer  qu'un  verbe,  lorsqu'il  ilo- 
vienl  auxiliaire ,  ne  conserve  pas  exaclemcnl  sa 
première  signification.  Par  oxemplc,  dans  avair 
fait  cl  avoir  des  vertus,  l'idée  qu'ol'fi'e  le  verbe 
avoiî-  n'esl  pas  ccrlaincmcnt  la  nicme.  Elle  n'esl 
pas  la  même  non  plus  dans/e  suis,  dans  le  sens 
d'exister,  cl  je  suis  aimé;  dans  je  vais  à  la  cam- 
pagne, cl  je  vais  danser;  dans  je  viens  de  Paris, 
ci  je  viens  de  dîner. 

Avance.  Subst.  f.  On  dit  d'avance  ou  par 
avance,  et  non  pas  à  l'avance,  comme  disent 
quelques-uns:  Je  m'en  réj'ovis d'avance. 

Mes  larmes  par  avance  avaient  su  la  toucher. 

(Rac,  Iphig.,  act  II,  se.  V,  63.) 

Avancement.  Subst.  m.  Ce  mot  n'a  point  de 
pluriel. 

Avancer.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  Dans  ce 
verbe,  le  c  a  la  prononciation  de  se;  et  pour  la  lui 
conserver  à  tous  les  temps  et  à  toutes  les  per- 
sonnes, il  faut  meure  une  cédille  dessous,  toutes 
les  fois  qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi  on 
écrit  nous  avançons,  j'avançais,  j'avançai,  et  non 
l)as  nous  avançons,  etc.  On  dil  avancer  vers,  et 
non  pas  avancer  de  :  Nous  avancions  vers  la  ville. 

Des  deux  côtés  du  port,  un  vaste  roc  s'avance  , 
Qui  menace  les  cieui  de  son  sommet  immense. 

(Delille,  Enéide,  I,  225) 

Avant.  Préposition  qui  marque  préférence  et 
priorité  de  temps,  ou  d'ordre  et  de  rang.iVoK* 
venons  après  'es  personnes  qui  passent  avant 
nous;  nous  allons  ûemèvc  celles  qui  passent  dc- 
vanl.  Celle  opinion  deGirard  a  l'ail  dire  à  Féraud 
Hu'avant  répond  à  après  et  que  devant  répond  à 
derrière.  Cela  n'esl  pas;exacl;ondil  jnarchez  de- 
vant, je  marclierai  après,  et  non  pasjV  marche- 
rai derrière,  du  moins  dans  le  sens  donl  il  est 
question.  Féraud  en  conclul  qu'il  iaul  dire  que 
l'adjectif  marche  devant,  et  non  pas  avant  son 
subslanlif,  comme  le  disent  plusieurs  grammai- 
riens et  l'Académie  elle-même.  D'après  cela  on 
devrait  dire,  ce  que  Féraud  lui-même  ne  dil 
point,  qu'un  adjectif  se  met  derrière  un  sub- 
stantif. 

On  peut  dire  qu'î/rtûc/yec^i/'^e  viet  avant  son 
siibstantif  ;  el  cela  marque  une  priorité  d'ordre, 
el  par  consé(pjenl  on  dira  bien  aussi  dans  un  sens 
opposé,  qu'un  adjectif  se  viet  apvcs  so7i  substan- 
tif. Dans  ces  phrases,  on  suppose  un  rapport  né- 
cessaire d'ordre  entre  le  subslanlif  el  l'adjeclif. 
Mais  si  l'on  faisait  abstraction  do  ce  rapport,  on 
pourrait  cm|)loyer(fet'a7i^  comme  l'emploient  sou- 
vent plusieurs  grammairiens,  el  notamment  Du- 
marsais.  L'adjectif  et  le  substantif,  l'adverbe  et  le 
verbe  doivent  être  rapprochés  dans  la  construc- 
tion, l'un  doit  être  mis  avant  l'autre.  Mais  s'il  s'a- 
git de  choses  qui  n'aient  pas  nécessairement  entre 
elles  un  rapport  d'ordre,  ou  qu'on  fasse  abstrac- 
1*9"  de  ce  rap[)ort,  on  peut  se  servir  de  devant. 
Si  j'ai  à  placer  un  substantif  et  son  article,  je  di- 
rai bien  il  faut  mettre  l'article  avant  le  sub- 
stantif. Mais  s'il  est  question  de  savoir  s'il  faut 
donner  ou  non  un  article  à  un  substantif,  on  dira 
il  faut  mettre  un  article  devant  ce  substantif,  et 


AVA 


85 


l'on  parlerait  mal  en  disant  il  faut  mettre  un 
article  avant  ce  subslanlif.  On  peut  donc  dire, 
suivant  les  différentes  vues  dr  ICspril,  l'adjectif 
se  met  avant  le  substantif,  ou  devant  le  sub- 
stantif. 

vivant  que  régit  le  subjonctif:  Arant  qu'il 
vienne. 

Féraud  observe  avec  raison  qu'il  ne  faut  pas 
mettre  indiiféromment  avant  que  avec  le  subjonc- 
tif, el  ara«<  t/e  avec  l'inlinitif.  On  doit  niellrc 
avant  de  avec  l'infinitif,  quand  cet  infinitif  se 
ra|)porte  au  sujet  delà  ijroposjliontye  hiiaipai/é 
celle  somme  avant  tic  partir,  c'esl-à-illre  avant  que 
je  |)arlissc.  Mais  si  je  voulais  parler  du  déiiarl 
de  celui  à  qui  j'ai  payé  la  somme,  il  faudrait 
dire^'e  lui  ai  payé  celle  somme  avant  qu'il 
partit,  ou  avuîit  son  départ,  el  non  pas  avant 
de  partir. 

Les  grammairiens  donnent  comme  une  l'ègle 
positive  que  la  proposition  subordonnée  a  avant 
que  ne  prend  point  la  négative  7ie:  Je  vis  entrer 
un  vieillard  pâle  et  sec,  que  je  reconnus  pour 
un  nouvelliste  avant  (ju'il  se  fijl  assis.  (Montes- 
quieu, CXXXIIe  Lettre  persane.) 

Avant  que  son  destin  s'explique  p.ar  ma  voix. 

(Rac,  Âth.,  ici  l,  se.  ii,  13.) 

Cependant  Delille  a  dit  dans  sa  Iraduclior 
dRl'E7iéide{U,i)6i): 

Je  ne  puis  y  toucher  avant  que  des  eaux  pures 
Du  sang  dont  je  suis  teint  n'aient  lavé  les  souillures 

On  lit  dans  Marmonlel  :  -4  peine  chacun  se 
contient  dans  l'attente  du  signal.  Hâtez-vous 
de  le  donner  votis-mémes,  avant  que  vos  trom- 
pettes ne  vous  échappent,  et  ne  le  donnent  mal- 
gré vous.  Dans  Buffon  :  Celui-ci  le  suit  à  la 
chasse,  et  souvent  lui  enlève  sa  proie  avant  <lu'/7 
ne  l'ait  entamée. 

D'après  ces  exemples  et  plusieurs  autres  (pie 
l'on  trouve  dans  les  bons  écrivains,  des  gram- 
mairiens modernes  (yl/«HMe/  des  amateurs  de  lu 
langue)  ont  j)cnsé  qu'il  faut  faire  us;ige  de  ne 
ai)yèi  avant  que,  toutes  les  fois  qu'il  y  a  un  doute 
sur  la  réalité  de  l'action  exprimée  par  le  verbe 
(jui  suit  avant  que.  (lette  observation  paraît  juste, 
el  mérite  d'être  adoptre. 

Avajit  de,  avant  que  de.  Les  grammairiens  el 
les  écrivains  sont  très-parlagés  sur  ces  deux  ex- 
pressions. Vaugclas  et  les  écrivains  du  siècle  de 
Louis  XIY,  d'Ôlivel,  Duinarsais,  etc.,  sont  pour 
avant  que  de;  Bcauzce  veut  que  l'on  dise  avant 
de,  el  les  écrivains  de  nos  jours  mellent  tantôt 
l'un,  tantôt  l'autre. 

Voici  ce  que  dil  Dumarsais  pour  appuyer  son 
ojdnion.  11  faut  diie  avant  que  de  partir,  ou 
avant  que  vous  partiez.  Je  sais  poiirlant  qu'il  y 
a  des  auteurs  ijui  veulent  supprimer  le  «/we  dans 
ces  phrases,  el  dire  avant  de  se  mettre  à  table; 
mais  je  crois  ciuc  c'est  une  faute  conire  le  bon 
usage.  Car  ara/i/ étant  une  pré|)osilion,  doit  avoir 
un  complénient  ou  régime  immédiat.  Or,  une  pré- 
position ne  saurait  cire  ce  complément.  Je  crois 
(ju'on  ne  peut  pas  plus  dire  avant  de,  (]u'avaiit 
pour,  avant  par,  avant  sur.  De  ne  se  niel  avant 
une  piépDsilion  (lue  (juand  il  est  partitif,  parce 
qu'alors  il  y  a  ellipse  ;  au  lieu  (jue  dans  avant 
que,  ce  mot  que,  hoc  qiwd,  est  le  cumpléinent,  ou, 
comme  on  dil,  le  régime  de  la  préposition  avant. 
Avant  que  de,  c'esl-a-dire  uvanl  la  chose  tfe,  etc 

Avant  que  de  répondre,  examinez-vous  bien, 

(Jsrratf,  act.  II,  se.  IV,  Î5.) 


8G 


AY.V 


tiit  Qiiinaiilt  ;  et  c'est  ainsi  qu'ont  parlé  tous  les 
bons  ailleurs  de  son  temps,  excepté  en  un  très- 
petit  nombre  d'occasions  où  une  syllabe  de  i)lus 
s'opposait  à  la  mesure  du  vers  D'ailicurs,  connue 
on  d\[  pendant  que,  après  que,  depuis  que,  parce 
que,  l'analogie  demande  (jud'on  dise  avant  que. 

D'Olivel  observe  que  Racine  et  Desprcaux  ont 
toujours  dit  avant  que  comme  plus  conlonne  à 
l'élymologic,  qui  est  Yuntequam  des  Latins,  et 
qu'il  n'y  a  ni  cacophonie,  ni  répclition,  ni  tiuoi 
que  ce  "puisse  être  qui  blesse  l'oreille,  dans  une 
expression  <iu'un  long  usage  a  établie,  et  à  la- 
quelle l'oreille  est  accouluince. 

Beauzce  croit  qu'il  est  plus  analogue  et  mieux 
de  dire  avant  de  partir,  avant  de  se  mettre  à 
table.  11  se  fonde  sur  ce  (luo,  qu;indon  reganle- 
rail  avant  comme  une  préposition,  uvajit  de  par- 
tir ne  serait  encore  qu'une  phrase  elliptique  ai- 
sée à  analyser,  avant  le  moment  de  partir  ;  au 
lieu  qu'il  est  impossible  d'analyser  d'une  manière 
raisonnable  et  satisfaisanlc  avant  que  de  partir. 
D'Olivel  prétend  juslitier  cette  phrase  par  l'éty- 
mologie,  qui,  selon  lui,  est  Yantequam  du  lalin. 
Mais  1»  Vante  du  latin  est  uniquement  une  pré- 
position, et  woUa  avant,  (jui  est  (juclquefoisnom, 
l'est  peut-être  toujours;  du  moins  l'un  ne  répon- 
dant pas  juste  à  l'autre,  on  ne  peut  pas  dire  que 
l'un  soit  l'étymologie  de  l'autre.  2'  Quand  antc- 
quain  serait  le  juste  correspondant  de  noire 
avant  que,  cela  pourrait-il  autoriser  avant  que 
de  partir?  Anieqtiam  a-t-il  jamais  eu  en  lalin 
pour  complément  un  inlinilifou  un  gérondif  ?  Et 
quand  cela  serait,  prouvera-t-on  jamais  que  nous 
devrons  parler  en  français  comme  on  parle  en 
latin? 

Quant  à  Dumarsais,  il  veut  sauver  la  phrase 
par  l'intcrprclalion.  Que,  dit-il,  hoc  quod,  est  le 
complément  de  la  préposition  avant;  avant  que 
de,  c'est-à-dire  avant  la  chose  de.  Mais,  en  bonne 
foi,  hoc  quod  t,-\.-\ï  jamais  signilié  la  chose?  d'sl 
la  chose  que  ou  qui;  et  ce  que  ou  qui  reste  tou- 
jours à  justifier  prir  une  analyse  satisfaisante. 

L'usage,  il  est  vrai,  avait  autorisé  et  consacré 
avant  que  de;  mais  quelques  poêles  s'étant  per- 
mis, pour  la  mesure  liu  vers,  de  dire  avant  de, 
et  quelques  prosateurs  ayantosé,  à  Icursrisques, 
les  imiter,  l'iisaçc  s'est  enfin  partagé.  Ainsi,  con- 
clut Beauzée,  on  peut  du  moins  choisir  aujour- 
d'hui entre  avant  que  de  et  avant  de;  et  puis- 
3UC  l'analogie  trouve  mieux  son  compte  dans  la 
erniérc  phrase,  et  (luc  d'ailleurs  on  y  gagne  de 
la  brièveté,  il  ne  doit  donc  plus  y  avoir  de  partage, 
et  avant  c/edoit  mériter  une  préférence  exclusive. 

Il  est  bien  difficile  de  ne  pas  se  renilre  aux 
raisons  de  Beauzée.  L'analyse  qu'il  donne  d'a- 
mnt  de  est  claire,  et  ne  saurait  être  contestée  ; 
o;  il  est  certain  ^\v^  avant  de  est  bien  jilus  doux 
qu'ai-an/  que  de,  surtout  lorsque  ce  dernier  est 
suivi  d'un  troisième  c  muet.  Pourquoi  ne  dirait- 
on  jias  avant  de  partir,  comme  on  dit  prè.s-  de 
partir  ?  Dans  ces  vers  de  Yollairc  : 

Mes  yeux  seront  témoins  de  voire  fier  courage, 
El  vous  auront  vu  vaincre  avant  de  se  fermer. 

(Tancr.,  act.  I,  se.  i,  16t.) 

Tu  m'avais  en  horreur  ouont  de  me  connaître. 

[Mahom.,  aclIII,  se.  viii,  50.) 

Dans  ces  vers,  dis-je,  avavct  giie  de  se,  avant 
que  de  vie,  seraient  bien  durs. 
Voltaire  a  dit  ailleurs  {Oreste,  act.  V,  se.  vi): 

'      El  j'ai  pu  le  prier  avant  que  de  mourir! 


AVE 

L'Académie  approuve  l'une  el  l'autre  manière, 
cl  laisse  la  question  indécise. 

Avantager.  V.  a.  de  la  1"  conj  Dans  ce  verbe, 
le^  se  prononce  toujours  commcy,-  et  pour  lui 
conserver  cette  prononciation,  lorsqu'il  est  suivi 
d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant  cet  o 
ou  cet  o:  J'avantageais,  avantageons,  el  non  pas 
j'avantagais,  avantugons. 

AvAMAGECSEMENT.  Adv.  On  pcut  Ic  mctlrc  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  place  avanta- 
geusement, ou  il  est  avantageusement  placé. 

Avantageux,  Avantageuse.  Adj.  11  suil  ordi- 
nairement son  subsl.  :  Traité  avantageux,  place 
avantageuse. —  Un  homme  avantageux. 

AvANT-couK  fait  au  pluriel  avant-cours  ;  avant- 
coureur,  avant-coureurs  ;  ava.nt-garde,  avant- 
gardes  ;  AVANT-GOUT,  avant-goûts.  Voyez  Com- 
posé. 

Avant-scène  fait  au  pluriel  avajit-scènes.  — 
Girault-Duvivier  écrit  ava7it-scène  <\w  plurieUIl 
nous  semble  qu'il  a  raison,  car  il  s'agit  d'un  espace 
(jui  se  trouve  avant  la  scène.  Yo^tz  Composés. 

Avant-toit  fait  au  pluriel  avant-toits  ;  avant- 
train,  avant-trains  ;  avant-veille,  ara«<-reiM«s. 

AvAKT-niER.  Adv.  Hier  est  de  deux  syllabes. 
Il  est  d'une  syllable  dans  avant-hier.  Le  t  se  fait 
sentir,  mais  faiblement. 

Avare,  pris  adjectivement,  peut  se  placiT 
avant  son  subst.,  lorsqu'ils  une  analogie  étroite 
avec  ce  subst.  On  ne  dit  pas  un  avare  homme, 
un  avare  ciel,  un  avare  prince  ;  mais  on  dirait 
bien  une  avare  éco7inmie. 

Avaricieux,  Avariciecse.  Adj.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  en  consultant  loreille  el  l'a- 
nalogie: Un  homme  avaricieux,  une  femme  ava- 
ricieuse  ;  tin  humeur  avariciev se,  cette  avari- 
cieuse  humeur.  Voyez  Adjectif. 

AvÉ,  Avé-Maria.  Subst.  m.  Une  prend  point 
de  s  au  pluriel.  C'est  une  espèce  de  nom  propre 
qui  signifie  vinc  prière  uni(pie.  Le  pluriel  de  ce 
mol  ne  marque  que  la  ré|ietilioii  de  la  prière, 
mais  non  plusieurs  individus  compris  dans  ui.c 
classe  :  Deux  ylvé,  trois  Avé-Maria. 

Avec.  Préposition.  Le  c  final  se  fait  sentir.  Au- 
trefois on  écrivait  avecque. 

Si  plusieurs  sujets  d'une  proposition  sont  lies 
par  la  préposition  avec,  c'est  le  premier  sujet 
qui  règle  l'accord,  sans  aucun  égard  pour  le 
genre  ni  pour  le  nombre  des  sujets  liés  au  pre- 
mier sujet  par  la  préposition  avec  :  Presque  toute 
la  Livonie,  avec  l'Estonie  entière,  avait  été 
abandonnée  au  roi  de  Suède  (Volt.,  Hist.  de 
Russie.,  part.  I,  chap.  XL) 

Avenant,  A  venante.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  air  avenant,  des  manières  ave- 
nantes. 11  est  familier. 

Avenir.  V.  défectueux  de  la  2=  conj.  Il  ne  se 
dit  plus  guère  qu'aux  troisièmes  personnes  du 
singulier,"encore  est-ce  dans  le  style  marotique  : 
H  avint,  il  aviendra,  qu'il  avienne.  Il  avintque, 
s'il  avenait  que. 

L'Académie  dit  je  7/ie  résous  à  tout  ce  qui  en 
peut  avenir,  et  Kacine  a  dit  dans  Miihridiite 
(act.I,  se.  1,105)  : 

. .  .Quelque  mallieur  qu'il  en  puisse  avenir. 

Mais,  selon  Voltaire,  qu'il  en  puisse  avenir  est 
une  expression  qui,  peu  digne  de  la  haute  poésie 
du  temps  de  Racine,  serait  à  peine  aujourd'hui 
française. 
Aventurier,  Aventurière.  Ce  mot  se  prend 


AVI 

adjectivement;  Rousseau  a  dit  (liv.  II,  Epitre  II, 
78)  : 

D'un  jeune  lulenr  la  muse  arenturiére  , 

et  La  Bruyère  :  Combien  de  7iiots  aventuriers  qui 

faraissent  subitement,  durant  Uti  temps,  et  que 
ictttàt  on  ne  revoit  plus!  {De  la  Socù'té,  p.  2G9.) 
Cet  adj.  ne  peut  se  niellre  qu'après  son  siil)st. 

Ateptir.  V.  a.  de  la  2"  conj.  Avertir  quel- 
qu'un de  qtielque  chnse  ;jc  ruts  avertis  que. .  . 

Féraud  blâme  Raynal  d'avoir  dit  :  Les  sauvages 
ont  la  vue,  l'odorat,  l'ouïe,  tous  les  sens  d'une 
finesse,  d'une  suhlUilc  qui  les  avertit  de  loin  sur 
leurs  dangers  et  sur  leurs  besoins.  De  leurs  dan- 
gers et  de  leurs  besoins  dirait  autre  chose.  Sur 
les  dangers,  c'est-à-dire  sur  les  circonstances  de 
leurs  dangers;  sur  leurs  besoins,  c'est-à-dire  sur 
ce  qui  peut  coiilril)ucr  à  satisfaire  leurs  besoins. 
Je  connais  en  général  la  situation  où  je  suis,  et  je 
n'en  suis  pas  alarmé;  mais  je  n'en  connais  pas 
toutes  les  circonstances,  toutes  les  chances,  tous 
les  dangers.  Dans  ce  cas,  il  n'est  pas  nécessaire 
de  m'averlirde  ma  situation;  mais  il  est  bon  de 
m'avertir  sur  7na  situation,  c'est-à-dire  sur  les 
circonstances,  sur  les  dangers  de  ma  situation.  Je 
conviens  que  cela  ne  se  dit  pas  ordi.nairement  ; 
mais  si  celte  expression  rend  une  vue  particu- 
lière de  l'esprit  que  l'on  ne  peut  rendre  autre- 
mont  en  aussi  peu  de  mots,  pourquoi  ne  l'adop- 
terai t-on  pas? 

Aveugle.  Ce  mot,  pris  adjectivement,  peut  se 
mettre  avant  ou  après  son  subst.  dans  le  sens  fi- 
guré :  Des  désirs  aveugles,  d'avevgles  désirs  ; 
Il  ne  soumission  aveugle,  une  aveugle  soumission. 
Au  propre,  ilsuit  son  subst.  :  Un  homme  aveugle. 
— Au  figuré,  aveugle  régit  sur  :  On  est  aveugle 
sur  ses  défauts,  clairvoyant  sur  ceux  des  autres. 

A  l'.Vvecgle,  EN  Aveugle.  Façons  de  parler 
adverbiales.  L'Académie  ne  met  aucune  diffé- 
rence entre  tlles.  Bouhours  prétend  qu'on  doit 
dire  faire  les  choses  en  aveugle,  et  non  pas  à  l'a- 
veugle; et  Racine  a  dit  dans  Andromaquo  (act.  I, 
se.  I,  97)  : 

Puisque  après  tant  d'efforts  ma  résistance  est  vaine, 
Je  me  livre  en  aveugle  au  transport  qui  m'entraîne. 

Beauzée  a  mieux  jugé  de  celte  expression.  Se- 
lon lui,  à  Vaveuglc  marque  un  défaut  d'intelli- 
gence; aveuglément,  un  abandon  des  lumières 
de  la  raison  :  Qui  agit  ci  l'aveugle,  ne  voit  pas  ; 
qui  agit  aveuglément,  ne  veut  pas  voir. 

AvEUGLEiiExM.  Subsl.  m.  Les  grammairiens  di- 
sent que  ce  mot  ne  se  dit  point  au  propre;  ce- • 
pendant  on  le  trouve  en  ce  sens  dans  plusieurs 
ouvrages  de  médecine.  Aujourd'hui  ce  mot  ne  se 
dit  qu'au  figuré,  pour  exprimer  la  privation  des 
lumières  de  la  raison  ;  et  on  cuipluic  cécité  au 
propre  :  La  seule  incommodité  à  laquelle  les  La- 
pons soient  sujets,  c'est  la  cécité.  (Buffon  ,  De 
VHomvie,  t.  X,  376.) 

Plus  d'un  charmant  ouvrage 
Était  perdu  pour  moi  ;  mais  à  ma  cécité 
Ta  secourabîe  voix  en  transmet  la  beauté. 

(Delille.) 

Aveuglément.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  s'est  jeté  aveuglé- 
ment dans  le  danger,  ou  il  s'est  aveuglément 
jeté  dans  le  danger.  Voyez  A  l'Aveugle. 

Avide.  Adj  des  deux  genres,  .-iric/e,  signifiant 
au  propre  un  désir  immodéré  de  boire  et  de  man- 
ger, se  dit  absolument  ;  mais  au  figuré  il  régit 


AVO 


87 


de  :  Avide  de  gloire,  iï'honncurs,  etc.  Il  peut  pré- 
céder son  subst.,  lorsiiu'il  a  avec  lui  une  analo- 
gie étroite.  On  ne  dit  pas  vn  avide  homme,  mais 
on  dirait  une  avide  soif  de  richesses.  Avide  et 
soif  oui  une  analogie  étroite.  \\})q/.  Adjectif. 

Avidement.  .\dv.  Il  se  met  tiuclqucfuis  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ils  ont  bu  avidement, 
ou  ils  ont  avidement  bu. 

Avilir  (s').  \ .  pronom,  qui  régit  la  préposition 
à,  avant  un  infinitif. 

La  vertu  s'mvilit  à  se  justiner. 

(Volt.,  QEd.,  act.  II,  se.  iv,  76.) 

Et,  sans  jamais  t'afi7i>  à  répondre, 
Laisse  au  mépris  le  soin  de  les  confundrc. 

(GnESSET,  Epttre  à  ma  llusc,  -iTô.) 

«  Ce  n'est  point  là  ce  qu'on  peut  appeler  un  ré- 
gime du  verbe  s'avilir.  La  préposition  devant 
l'infinitif  est  employée  ici  dans  le  sens  du  géron- 
dif, en  se  justifiant,  en  répondant.  Ainsi,  dans  ce 
vers  de  Corneille  : 

  vaincre  sms  péril  on  triomphe  «ans  gloire, 

(Cid,  acl.  II,  se.  ii,  3S.| 

on  retrouve  la  même  tournure,  et  jamais  personne 
ne  sera  tenté  d'y  voir  un  régime.»  (A.  Lemaire, 
Grammaire  des  Gramm.,  pag.  607.) 

Aviuss.iNT,  Avilissante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  avilir.  Une  situatioji  avilissanle,  une  dépen~ 
dance  avilissante.  11  suit  ordinairement  son 
subst.;  mais  il  y  a  des  occasions  où  il  pourrait 
le  précéder:  Quelle  avilissante  précaution!  Voy. 
Adjectif. 

Avis.  Subst.  m.  Le  s  final  ne  se  prononce  point, 
à  moins  qu'il  ne  soit  suivi  d'un  mot  (jui  com- 
mence par  une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré  :  Un 
avis  important. 

Aviser.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  L' .académie  pré- 
tend qu'il  se  dit  familièrement  pour  apercevoir 
de  loin,  et  elle  donne  i)our  exemple:  Je  l'avisai 
dans  la  foule.  On  le  disait  autrefois  en  ce  sens, 
mais  aujourd'hui  il  est  absolument  hors  d'usage. 

Aviver.  \.  a.  de  la  1"  conj.  Roucher,  dans 
son  poëme  intitulé  les  Mois,  a  employé  ce  mot  en 
un  sens  qui  n'est  point  usité  ;  il  a  dit  en  parlant 
du  printemps  (I,  133)  : 

Tout  germe  devant  lui,  tout  se  meut,  tout  s'ofive. 

Le  mot  s'aviver,  dit-il,  révoltera  sans  doute; 
mais  je  prie  ceux  qui  le  proscrivent  d'observer 
qu'il  manque  à  notre  langue.  En  effet,  revivre, 
s'animer,  n'ont  i)asle  même  sens  ni  la  même  éner- 
gie que  s'aviver. 

Avocasser,  V.  a.  de  la  l'^conj.  Mercier  pré- 
tend qu'on  peut  l'employer  pour  signifier  la  ma- 
nière ridicule  dont  (lucbiues  avocats  emploient 
un  style  ampoulé  dans  les  causes  les  plussim|)lcs. 
Vn  avocat,  dit-il,  commença  un  mémoire  en  ces 
termes  :  Les  couturières  ont  gémi  trop  longtemps 
sous  l'empire  des  tailleurs  ;  les  temps  sont  arri- 
vés où  cet  abus  doit  cesser.  C'était  plaisamment 
avocasser.  L'Académie  \e  déi\ml  faire  la  profes- 
sion d'avocat.  Elle  ajoute  qu'il  est  familier  et  ne 
se  dit  guère  que  par  déniirremcnt. 

Avoi.NE.  Subst.  f.  L'Académie  dit  que  quel- 
(jues-uns  prononcent  encore  aveine.  11  n'y  a  que 
les  gens  de  la  campacne  et  les  garçons  d  ccune 
qui  "disent  aveine.  il  n'a  de  pluriel  qu'en  parlant 
des  avoines  quand  elles  sont  encore  sur  pied  :  Les 
avoines  sont  belles,  on  commence  à  faucher  les 
avoines.  Je  crois  ceiicndant  qu'en  termes  de  com- 


88  HAC 

inercc  on  peut  dire  j7  a  acheté  des  avoines,  pour 
signilicr  dos  avoines  de  diffcrenlcs  csiiéccs,  cl 
achclécs  a  divers  marchands. 

A^olK.  V.  a.  et  auxiliaire.  Pour  sa  conjugaison, 
voyez  Auxiliaire.  C'est  un  verbe  irrégulier  de 
la  Iroisicine  conjugaison. 

Ce  verbe  signilie  dans  l'origine  posséder:  Avoir 
une  maison-  Mais  dans  la  suite  on  l'a  étendu  à 
d'autres  usages,  cl  on  a  dit  j'ui  faim,  j'ai  s'df, 
eij'ai  mangVyj'ai  chanté.  Assurément  il  y  a  loin 
de  j'ai  une  maisi'H  ii  j'ai  mangé  ;  imùs\ii  verhc 
avoir  conserve,  même  dans  cette  dernière  phrase, 
des  traces  de  sa  signification  primitive.  J'ai 
mangé,  c'est  je  i)osscde  l'action  de  manger,  con- 
sidérée connue  passée. 

Avoir  se  joint  avec  un  grand  nombre  de  noms 
«tnployés  sans  article,  avoir  faim,  avoir  soif, 
avoir  envie;  ou  avec  l'article,  avoir  la  gloire, 
avoir  la  honte,  avoir  la  douleur.  Dans  ces  der- 
niers exemples,  il  demande  de  après  le  substantif  : 
Avoir  la  patience  d'attendre,  le  plaisir  de  vain- 
cre, etc.  On  dit  aussi  avec  la  préposition  de,  avoir 
du  plaisir,  avoir  de  la  peine  ;  et  alors  à  se  met 
après  le  substantif,  quand  un  verbe  doil  suivre 
ce  substantif. 

On  (i\[j'(ti  à  vous  parler,  j'ai  à  le  remercier, 
j'ai  des  lettres  à  écrire,  des  visites  à  rendre. 
Alors  les  noms  qui  sont  les  régimes  de  l'infinitif 
se  mettent  avant  ces  infinitifs,  cl  immcdialemenl 
après  avoir,  comme  s'ils  étaient  les  régimes  de 
ce  verbe. 


BAI 

Avoir  joint  à  y  se  dit  impersonnellement  dans  le 
sens  du  verbe  être.  Il  y  a,  il  y  avait,  est  le  sens 
du  verbe  être.  C'est  unetiucslion  parmi  les  gram- 
mairiens de  savoir  s'il  faut  dire  il  y  eut  cent 
hommes  tués,  ou  il  y  eut  cent  hommes  àc  tués, 
c'est-à-dire  si  la  jtréposition  de  est  nécessaire  ou 
non  dans  ces  sortes  d"  pinases.  1,' Académie,  loin 
d'éilaircir  celle  difficulté,  ne  donne  d'exemple 
ni  de  l'une  ni  de  l'autre  manière.  Du  temps  de 
Yaugelas,  les  sentiments  et  l'usage  élaie./l  parta- 
gés. \oici  les  règles  qui  servent'aujourd'hui  de 
guide.  Quand  le  substantif  précètlc  l'adjectif  ou 
le  participe,  il  ne  faul  pas  mettre  la  j)réposition 
de.  Ainsi  il  faut  d\rc  il  y  eut  cent  hommes  tués. 
Mais  quand  le  substantif  est  sous-entendu,  ou 
qu'il  est  remplacé  par  le  i)ronom  en,  il  faul  met- 
tre la  préposition.  On  dira  donc,  il  y  eut  cent 
hommes  tués,  et  deux  cents  de  blessés  ;  ou  il  y 
eut  cent  hommes  tués,  et  il  y  en  eut  deux  cents 
de  blessés. 
;  On  dit  il  y  a  de  l'injustice,  il  y  a  de  la  cruauté 
'  à,  etc.  Voyez  Auxiliaire. 

Avril.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'on  mouille 
le  l  final.  Nous  pensons  que  celle  décision  est 
contraire  à  l'usage.  On  prononce  le  l,  mais  sans 
le  mouiller. 

Axe.  Subst.  m.  On  prononce  acse. 

AziME.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.  :  Les  pains  azimes. 


B. 


B.  Subsl.  m.  C'est  la  seconde  lettre  de  l'alpha- 
bet, et  la  première  des  consonnes.  On  proncnoeie. 

Le  Sun  naturel  de  celle  lettre  est  comme  dans 
Babylone,  béat,  bizarre,  bonnet,  butin. 

I.ei  conserve  toujours  la  prononciation  qui  lui 
est  propre,  soit  au  commencement,  soit  au  milieu 
des  mots,  excepte  devant  s  et  t,  où  on  le  prononce 
comme  \inp.  Quoi(]u'on  écrive  observer,  obtenir, 
absent,  avec  un  b,  on  doil  prononcer  opservcr, 
optenir,  apsent. 

Le  b  final  ne  se  prononce  point  dans  plomb, 
mais  il  se  prononce  dans  les  noms  propres,  Joab, 
Moub,  Job,  .lacob,  et  dans  radoub  et  rumh.  «  L'A- 
cadémie n'indicpic  pas  la  prononciation  du  mot 
nabab  ;  le  b  final  doit  être  articulé,  comme  aussi 
dans  rot;  maisil  ne  sonne  pas  dans  Doubs.»  (A.Le- 
maire,  Grammaire  des  Grammaires,  \).  3<i.)  — 
Quand  le  b  est  redoublé,  comme  dans  sabbat, 
rabbin,  abbé  et  ses  dérivés,  on  n'en  prononce  or- 
dinairement (lu'un. 

B  est  la  maniuede  la  monnaie  de  Rouen;  BB 
est  la  niai(iuc  de  celle  de  Strasbourg. 

Babil.  Subsl.  m.  On  mouille  le  l.  H  est  fami- 
lier. 

Babillard,  Babillardf,.  Adj.  Il  suit  son  subsl.  : 
Un  homme  babillard,  une  femme  babillarde. 

On  (lit  que  la  joie  est  babillarde,  pour  dire  que 
l'on  aime  à  faite  part  aux  autres  de  la  joie  que 
l'on  éprouve. 

Bac.  Subsl.  m.  Le  c  se  fait  sentir. 

Baccalauréat.  Subsl.  m.  Les  deux  c  se  pronon- 
eenl. 

Bacchanale.  Subst.  f.  On  prononce  baccanale. 

Bacchante.  Subsl.  f.  On  \tvowmcç.  baccante . 

Bachique.  Adj.  des  deux  genres.  11  suit  ordi- 


nairement son  subst.  :  Fête  bachique,  chanson  ba- 
chique 

Badacd  Subsl.  m.  Le  c?  final  ne  se  prononce 
point.  En  parlant  d'une  femme,  on  dit  badaude. 

Badin,  Badine.  Adj.  11  se  mcl  après  son  subst.: 
Un  hommç  badin,  un  air  badin. 

Bahut.  Subst.  m.  Le  t  ne  se  prononce  pas.  Ce 
mot  est  vieux  et  ne  se  dit  plus  que  des  coffres 
laits  dans  le  goût  anticpie. 

Baie.  Subst.  f.  Le  golfe  diffère  de  la  baie  en  ce 
qu'il  est  plus  grand  et  la  baie  i)lus  petite.  Il  y  a 
pourtant  des  ex<'eptionsà  faire,  et  l'on  connaît  des 
baies  plus  grandes  que  certains  golfes,  et  qui,  par 
consé<|uenl,  méritent  mieux  d'être  a|ipelées  gol- 
fes :  telles  sont  la  baie  de  lludson,  la  baie  de  Baf- 
fin,  etc.  Mais  on  leur  a  donné  cette  qualification 
de  baie  avanl  d'en  avoir  connu  l'étendue;  cl 
d'ailleurs  les  navigateurs  (jui  font  les  premières 
découvertes  n'y  regardent  pas  de  si  prés,  et  ne 
cherchent  pas  tant  de  justesse  dans  les  dénomina- 
tions. 

Manse  est  une  espèce  de  golfe,  mais  plus  petit 
encore  que  la  taie. 

Baigner.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  On  mouille  le ^n. 
On  a  dit  au  figuré  se  baigner  dans  le  sang  : 

Une  impie  élranjère 
Du  sceptre  de  D.ivid  usurpe  tous  les  droits, 
Se  baigne  iTipuncment  dans  le  sang  de  nos  rois. 

(Ric,  Àth.,  act.  I,  se.  I,  72.) 

Dans  le  sang  innoccnl  la  main  va  se  baigner. 

(Volt.,  Ah.,  aci.  V,  se.  v,  12.) 

On  ne  dit  pas  je  vais  baigner,  allons  baigner; 
mai.>  j'e  vais  vie  baigner,  allons  noris  baigner. 


BAL 

Baignoire,  Bvigneui;,  Baignelsc.  Dans  ces  trois 
mots  011  inouillc^H. 

Bail.  Sulist.  m.  Il  fait  au  pluriel  baux. 

Bâillement.  Subsl.  m.  Ternie  de  gramm.  11  y  a 
bàilleuiciil  toutes  les  fois  ([u'uii  mol  terminé  jiar 
UDCvoyclle  esi  suivi  d'un  aiiire  iiiotcuiiconimenee 
par  une  voyelle,  eomme  dans  il  m'vbliffCà  à  y  al- 
ler. Alore  la  bouelie  demeure  ouverte  entre  ces 
deux  voyelles,  par  la  nécessilé  de  donner  pas- 
sage à  l'air  (]ui  forme  l'une,  puis  l'auire,  sans  au- 
cune consonne  inlcrmédiaire.  Ce  concours  de 
voyelles  est  plus  pénible  à  exécuter  pour  celui 
qui  parle,  et  par  conséquent  moins  agréable  à  en- 
tendre pour  celui  qui  écoule;  au  lieu  qu'une  con- 
sonne faciliterait  le  passage  d'une  voyelle  a  l'au- 
tre. C'est  ce  qui  a  fait  que,  dans  toutes  les  lan- 
gues, le  mécanisme  de  la  |)arolc  a  introduit  ou 
l'élision  de  la  voyelle  du  premier  mol,  ou  une 
consonne  euphonique  entre  les  deux  mots.  En 
français,  excc|)té  dans  quelques  monosyllabes,  on 
ne  fait  usage  de  l'élision  que  lorscjue  le  mot  suivi 
d'une  voyelle  est  terminé  par  un  c  muet  :  Une  sin- 
cère amiliè,  i)rononcez  une  sincer-aviitié-  Dans 
siil,  on  clide  \'i,  on  écrit  et  on  prononce  s'il.  On 
dit  aussi  m'amie,  dans  le  style  familier,  au  lieu  de 
vta  mie,  ou  mon  amie.  Is'os  pères  disaient  ?«'«- 
viour. 

Nos  voyelles  sont  quelquefois  suivies  d'un  son 
nasal,  qui  fait  qu'on  les  appelle  alors  voyelles  na- 
sales Ce  son  nasal  est  un  son  qui  peut  élrc  conti- 
nué, ce  qui  est  le  caractère  disiinclif  de  toute 
voyelle.  Ce  son  nasal  laisse  donc  la  bouche  ou- 
Verle,  etquoiiiu'ilsoil  marqué  dans  l'écriture  par 
un  n,  il  est  une  vériudjie  voyelle;  et  les  poètes 
doivent  éviter  dcle  faire  suivre  par  un  mot  qui 
commence  par  une  voyelle,  à  moins  que  ce  ne 
soit  dans  les  occasions  ou  l'usage  a  introduit  un  n 
euphonique  entre  la  voyelle  nasale  et  celle  du  mol 
qui  suit;  [)ar  exemple,  un  enfant.  Ion  homme,  on 
a,  se  prononcent  comme  unn-enfunt ,  lon-n- 
Tiojnme,  on-n-a,  elc.  Mais  si  le  sulistantif  pré- 
cède, il  y  a  ordinairement  un  bâillement  :  U/i  ty- 
ran odieux,  un  entretien  honnête ,  cic.  On  nodii 
pas  un  tyran-n-odieux ,  un  entretien-n-ltr.ji- 
nêle,  etc.  (Dumarsais.)  Voyez  Hiatus,  Jpostri- 
phe. 

Baille!!.  V.  a.  de  la  J"  conj.  Respirer  en  ou- 
vrant la  bouche  involontairement. 

Bailler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  est  vieux,  et 
on  ne  s'en  sert  plus  guère  qu'au  barreau.  11  se 
disait  autrefois  pour  donner  :  Baillera  ferme. 

Bailleur.  Subst.  m.  Qui  baille  fréquemment. 
Au  féminin,  bâilleuse. 

Bailleur,  Bailleresse.  Substantifs,  l'un  mas- 
culin, l'autre  féminin.  Qui  baille  à  ferme.  Ou  dit 
bailleur  de  fonds,  bailleresse  de  fonds. 

*Bain-Marie.  Subsl.  m.  Il  fait  au  pluriel  des 
bains-Marie.  Voyez  Composé. 

Baisecr.  Subsl.  m.  Baisedse.  Subsl.  f.  L'Aca- 
démie l'indique  adjectif,  et  donne  pour  exemple 
tm  grand  baiseur,  où  il  est  substantif. 

Bal.  Subsl.  m.  11  fait  au  pluriel  bals  et  non  pas 
baux. 

Voltaire  l'a  employé  figurcmenl  dans  les  vers 
suivants  [Premier  Discours  sur  l'homme,  k  )  : 

Ce  monde  est  un  grand  hal  où  des  fous  d(>guisés 
Sous  les  risibles  noms  d'éminence  et  d'allesse. 
Pensent  entier  leur  être  et  hausser  leur  bassesse. 

Balance.  Subst.  f.  Ce  mot  s'emploie  souvent 
au  figuré  : 


B.Ul  89 

Ma  gloire  inléressce  emporte  la  haXantt. 

(Rac,  Ifhig.,  a,-l.  IV,  se.  Tll,  6.) 

....  Le  dieu  vengeur  de  l'innocence, 
Toulprél  i  le  juger,  lient  déjà  U  6a<anc.. 

(lUc,  Eilh.,  acl.  V,  ic.  II,  15.) 

Penses-lu  qu'un  instant  m»  vertu  démentie 
Eût  mis  dans  la  balance  un  homme  ot  la  patrie? 

(Volt.,  Mort  dà  Citar,  acl.  lit,  se.  ii,  40.) 

Balayer.  V.  a.  de  la  !"■  conj.  Dan-,  la  conju- 
gaison de  ce  verbe  on  conserve  toujours  Vy  qui 
se  trouve  dans  l'infinitif,  excepté  av.mt  e,  es,  ent 
où  l'on  fait  usage  do  Vi  sinqiie  :  Je  balaie,  tu  ba- 
laies, il  balaie,  ils  balaient;  je  balaierai,  Je  ba- 
laierais. 

Ballade,  Ballant,  Balle,  Baller ,  Ballet, 
Ballon,  Ballot,  Ballottage,  Ballotte,  Bal-^ 
LOTTER.  Dans  tous  ces  mots  on  ne  prononce 
qu'un  l. 

Balsamine.  Subst.  L  On  prononce  balzamine. 

Balsamique.  Adj.  des  deux  genres  On  pro- 
nonce bulzamique.  Cet  adj.  suU  ordinairement 
son  subst.  :  Odeur  balsamique,  vertu  balsamique. 

Banal,  Banale.  Adj.  U  se  met  ordinairement 
après  son  substantif.  L'Académie  ne  donne  point 
d'exemple  du  pluriel  masculin;  mais  je  (lense 
(lu'on  peut  dire  cl  qu'on  dit  des  funrs  banaux 
des  vtovlins  banaux.  —  Dans  sa  dernière  édi- 
tion, l'Académie  admet  ce  pluriel. 

Banc.  Subsl.  m.  Le  c  ne  se  prononce  pas. 

Bandit.  Subst.  m.  Le  t  ne  se  prononce  pas.  Il 
ne  sedil  point  au  féminin. 

Banne,  Bander,  Banneret,  Ban\eton,  Ban- 
nù-.re,  Bannir,  Bannissable,  Bannissement.  Dans 
tous  ces  mots  on  ne  prononce  qu'un  n. 

Baptême,  Baptiser.  Dans  ces  deux  mots  on  ne 
prononce  [loinl  le  p. 

Baptismal,  Baptismale.  Adj.  I.cp  se  prononce. 
—  L'Académie,  dans  sa  dernière  édition,  dit  qu'il 
ne  se  prononce  pas.  Il  se  inel  après  son  subsl., 
et  fait  baptismaux  au  pluriel  masculin  :  Fonts 
baptismaux. 

Baptistairi:.  Adj.  (jui  se  met  toujours  après  son 
subst.  '.Extrait  baptistaire,  registre baptislaire. 
On  ne  prononce  pasleju. 

B\PTisTi;RE.  Subst.  m.  Le  ju  ne  se  prononce, 
point. 

Barbare.  Adj.  des  deux  genres.  11  peut  se  met- 
tre avant  son  subsl  ,  lorsqu'il  a  avec  ce  substantif 
une  analogie  clroile.  On  ne  dit  pas  un  barbare 
homme,  mais  on  pourrait  dire,  dans  un  cas  con\  e- 
nabie,  cette  barbare  conduite   \'oyez  .adjectif. 

Cet  adjectif  se  dit  en  grammaire  des  termes  et 
des  constructions  inusitées;  et  en  lilléralure,  des 
ou\rages  où  l'on  ne  remarque,  d'un  bouta  l'autre, 
ni  art,  ni  goùl,  ni  génie.  11  ne  faut  donc  pas 
prendre  à  la  lelire  ce  que  dit  Boileau  (//.  P.,  111, 
243); 

D'un  seul  nom  quelquefois  le  son  dur  ou  bizarre 
Ecnd  un  poème  entier  ou  burlesque  ou  barbare^ 

Il  y  a  des  poèmes  où  l'on  trouve  quelques  mots 
durs  ou  bizarres,  et  qui  ne  sont  pas  pour  cela  des 
poèmes  barbares. 

B,iRBAREMENT.  Adv.  II  uc  sc  met  guère  qu'a- 
près le  verlie.  //  a  été  traité  barbaremenl.  H  est 
peu  usité. 

Barbarisme.  Sulist.  m.  Faute  contre  la  pureté 
de  la  langue.  On  fait  un  bariiarisinc,  1"  en  se  ser- 
vant d'un  mot  qui  n'est  pas  du  dictionnair'î  de  la 


90 


BAS 


longue;  c7  ^7 /«•;-,  au  lieu  de  Zokc/-; /jor  con<r<?,  au 
lieu  de  nu  contraire,  elc.  ;  2"  en  prenant  un  mot  1 
dans  un  sens  différent  de  celui  qu'il  a  dans  l'usage  ' 
ordinaire,  comme  quand  on  se  sert  d'un  adverbe  , 
comme  d'une  préiwsiliun  ;  par  exemiilc  :  Il  est  ar-  \ 
rivé  auparavant  midi,  youv  avant  midi;  dessus 
la  table,  pour  sur  la  table;  o   en  usant  de  cer- 
taines façons  de  parler  qui  ne  sont  en  usage  que 
dans  une  autre  langue;  comme  quand  on  dit  je 
suis  sec,  pour  &ivc  j'ai  soif. 

Voltaire  dislingue  les  barbarismes  de  mots  et  i 
les  barlxirismes  de  phrases.  Egaliser  les  fortunes, 
jiour  épaler  les  fortunes;  au  parfait,  au  lieu  de 
jarfailement;  éduqucr  pour  donner  de  V éduca- 
tion, élever;  voilà  des  barbarismes  de  mots.  Je 
crois  de  bien  faire,  au  lieu  àcje  crois  bien  faire; 
encenser  aux  dieux,  pour  encenser  les  dieux; 
je  vous  aime  tout  ce  qu'on  peut  aimer;  voilà  des 
i)arbarismes  de  phrases.  [Remarques  sur  le  Cid, 
acl.  II,  se.  V,  22.)  ,      . 

Barboter.  V.  a.  de  la  1'^=  conj.  I,' Académie  ne 
dit  pas  qu'on  peut  remployer  au  figuré;  il  est 
employé  de  cette  manière  dans  les  vers  suivants  : 

ÂTant  qu'un  Allemand  IrouTâl  l'imprimerie. 
Dans  quel  cloaque  affreux  barbotait  ma  patrie  ! 

(Volt-,  EpUre  C,  117.) 

Bargcignage.  Subst.  m.  On  mouille  gn. 

Bargcigser.  V.  a.  de  la  i"  conj.  On  raoudle 
çn.  On  dit  barguigner  avec  quelqu'un,  il  ne  faut 
pas  tant  barguigner  pour 

Il  n'est  plus  temps  q\i'avec  moi  l'on  barguigne. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  acl.  II,  se.  vi,  87.) 

I 

Il  est  familier. 

Barguignedr,  Barguigneuse.  Substantifs.  On 
mouille  j7rt. 

Baril.  Subst.  m.  Le  l  ne  se  prononce  pas. 

Baroque.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Un  goût  baroque,  une  musique  baro- 
que. Cette  baroque  cérémonie. 

Barre,  Barread,  Barrer,  Barrette,  Barri- 
cade ,  Barricader  ,  Barrière,  Barrique,  *Bar- 
RCRE.  Dans  tous  ces  mots  on  ne  prononce 
qu'un  r. 

Barrière.  Subst.  f.  Racine  a  employé  ce  mot 
heureusement  dans  Bajazet  et  dans  Briian- 
nicus: 

Des  mm  s  de  ce  p.ilais  ouvrez-lui  la  barrière. 

[Bajaz.,  act.  I,  se.  Il,  26.) 

La  barrière  des  murs  est  une  expression  très- 
juste  eu  égard  aux  inurs  du  sérail. 

Ai-je  donc  élevé  si  liant  votre  fortune, 

Pour  mettre  une  barrière  entre  mon  fils  et  moi? 

[Britann.,  act.,  I,  se.  Il,  16. J 

Bas,  Basse.  Adj.  On  ne  prononce  le  5  du  mas- 
cidin  que  devant  un  mot  qui  commence  par  une 
voyelle.  On  dit  mie  idée  basse,  une  expression 
basse,  et  dans  cette  acception,  bas  est  synonyme 
de  trivial  La  bassesse  des  idées,  des  expressions, 
est  une  bassesse  de  convention  ou  de  mode.  Telle 
expression  est  liasse  aujourd'hui  qui  ne  l'était 
pas  il  y  a  deux  siècles.  On  trouve  dans  Molière 
plusieurs  expressions  qui  ne  choquaient  point  de 
son  temps,  et  dont  on  ne  peut  plus  aujourd'hui 
faire  usage  sur  le  tliéâlre. 

11  n'en  est  pas  de  même  des  choses  qui  sont 
basses  de  leur  nature.  Elles  peuvent  plaire,  lors- 


BAS 

qu'elles  sont  ennoblies  par  l'expression.  Est-il 
rien  de  plus  bas  inorale;iient  que  le  caractère  de 
Narcisse?  Cependant  i)ar  la  manière  dont  i'a 
traité  Racine,  il  a  autant  de  noblesse  que  celui 
d'Agrippinc  ou  de  Néron. 

Cet  adjectif  peut  se  mettre  avant  son  substantif, 
lorsqu'il  a  une  analogie  étroite  avec  ce  substantif. 
On  ne  dit  pas  un  bas  homme ,  une  basse  feinme; 
mais  on  dit  une  basse  envie,  une  basse  jalou 
aie.  "N'oyez  Adjectif. 

Corneille  a  dit  dans  Pompée  (act.  IV,  se.  iv, 
12): 


Mettant  leur  liaine  bas. 


Mettre  bas,  dit  Voliaire,  ne  se  dit  plus,  et  n'a 
jamais  été  un  terme  noble.  {Remarques  sur  Cor- 
neille.) Il  se  prend  adverbialement  :  Ces  dames 
parlent  bas. 

*  Baser.  V.  a.  de  la  l""'  conj.  Il  y  a  quelques 
années  qu'on  inséra  dans  un  journal  des  observa- 
tions sur  ce  mot.  On  prétendait  (ju'il  est  ignoble 
et  plat,  qu'il  a  pris  naissance  dans  la  révolution, 
et  qu'il  n'a  été  recueilli  que  par  lepércDuchesne 
et  les  farauds  de  la  Courlillc. 

Ce  mot  n'cbi  point  ignoble  et  plat,  comme  le 
prétend  l'auteur  de  cette  critique.  Il  vient  du 
mot  base,  et  l'on  n'a  jamais  rien  trouvé  d'ignoble 
et  de  bas  dans  les  expressions  suivantes  :  base 
dorique,  base  coriniliienne,  la  buse  de  la  jus- 
tice, clc;  il  n'est  pas  vrai  non  plus  que  ce  mol 
ait  eu  la  révolution  pour  berceau.  Féraud,  qui  a 
publié  son  dictionnaire  en  l'7S7,  dit  qu'il  est  fort 
à  la  mode,  et  l'Académie,  dans  son  édition  de 
J7&8,  n'a  pas  manqué  de  le  recueillir.  Dans  son 
édition  de  18jo,  elle  ne  l'a  pas  admis. 

Bas-fond,  Bas-relief.  (îiacun  de  ces  mots 
est  composé  d'un  adjectif  et  d'un  substantif,  qvA 
doivent  prendre  l'un  et  l'uutre  la  marque  du  plu- 
riel :  Bes  bas-fonds,  des  bas-reliefs. 

Basse-coktre.  Subst.  f.  Voix  qui  est  opposée, 
qui  est  contre  une  autre  sorte  de  voix.  Ce  mol 
doit  donc  l'aire  au  pluriel  d^cs  basses-contre. 

Basse-cotjr,  Bassf. -fosse.  Chacun  de  ces  mot<- 
est  composé  d'un  adjectif  et  d'un  substantif  qui 
'  doivent  prendre  l'un  et  l'autre  la  maniue  du  plu- 
I  riel.  :  Des  basses-cours,  des  basses- fusses. 

Bassement.  Adv.  Onjjeut  le  mettre  entre  l'auxi- 
'  liaire  et  le  participe  :  Il  s'est  conduit  bassement, 
I  il  s'est  bassement  conduit. 
\      Bassesse.  Subst.  f.  Il  ne  se  dit  qu'au  figuré  :  La 
'  bassesse  des  scnliments.  Quand  il  signifie  senti- 
ment bas,  état  bas,  il  ne  prend  point  de  pluriel  : 
Lu  bassesse  de  .s  n  ci/ne.  Quand  il  se  dit  des  ac- 
tions qui  sont  l'cITel  de  cesenlimenl,  il  en  prend 
un -.Commettre  des  bassesses — «La  distinction 
ne  nousparait  pas  assez  bien  établie.  Quand  le  mot 
bassesse  ïnûii]\ic  le  vice  qui  porte  à  des  actions 
indignes  d'un  honnête  homme,  il  n'a  pas  de  plu- 
riel ;  commeaussi  lorsqu'il  désigne  le  plus  humble 
decré  de  la  naissance  :  la  bassesse  de  leur  âme, 
la  "bassesse  de  leur  origine.  .Mais  quand  il  signifie 
des  sentiments  bas,  il  me  semble  qu'on  peut  du-e 
avec  Boileau  (A.  T.,  IV,  lit))  : 

Le  vers  se  sent  toujours  des  bassesses  du  cœur.  ■> 

(A.  hEimiT.E,  Grammaire  des  Grammaircn,  p.  141.) 

On  dit  la  bassesse  d'une  pensée,  d'une  expres- 
sion, d'un  mot,  d'une  tournure,  en  parlant  d'une 
pensée,  d'une  expression,  d'un  mol,  d'une  tour- 
nure qui  n'est  en  usace  que  parmi  le  bas  peuple, 
ou  qui  est  au-dessous  du  sujet  que  l'on  iraile, 


BAT 

ou  du  genre  dans  lequel  on  écrit.  On  dit  la  bas- 
sesse du  style,  pour  indiquer  un  style  caraclfrisù 
par  ces  sortes  de  défaut. 

Quoi  que  TOUS  écriviez,  évitez  la  bassesse. 

(BoiL.,  .1.  P.,  I,  79.) 

Il  arrive  que  dans  une  langue,  l'opinion  attache 
du  ridicule  ou  de  la  bassesse  a  des  images  qui, 
dans  une  autre  langue,  n'ont  rien  que  de  noble  et 
de  décent.  Kn  ce  sens  ce  mot  n'a  point  de  plu- 
riel. Voyez  Bas. 

Basse-taill  p,  Bas-ventre.  Cliacun  de  ces  mots 
est  composé  d'un  adjectif  et  d'un  substantif  qui 
doiventiprendrerunet  l'autre  la  marque  du  pluriel. 

Bat.  Subst.  m.  Queue  de  poisson.  Ou  prononce 
le  t. 

Bat.  Subst.  m.  Selle  pour  les  bétes  de  somme. 
Le  t  ne  se  prononce  point. 

Bataille.  Subst.  f.  On  dit  livrer  bataille,  mais 
on  ne  dit  pas  présenter  bataille,  donner  bataille. 
Il  faut  dire /3)'t'se7j/(?r  la  bataille,  donner  la  ba- 
taille. —  Dans  sa  dernière  édition,  l'Académie 
n'admet  pas  présenter  bataille,  mais  elle  admet 
donner  bataille.  On  dit,  en  parlant  d'une  armée, 
le  corps  de  bataille,  et  non  pas  le  corps  de  la  ba- 
taille. On  dit  aussi  champ  de  bataille,  cheval  de 
bataille. 

Bataillcdx,  Batailleuse.  Adj.  Ce  mot  n'est 
point  usité.  J.-J.  Rousseau  l'a  employé  au  fémi- 
nin dans  ses  Confessions.  En  parlant  d'un  des 
ouvrages  de  sa  jeunesse  qui  annonçait  du  talent 
pour  la  satire,  il  dit  :  J'ai  le  cœur  trop  peu  hai- 
neux pour  vie  prérahir  d'un  pareil  talent  ;  mais 
je  crois  qu'on  peut  juger  par  qxtelques  écrits  po- 
lémiques faits  de  temps  à  autre  pour  ma  dé- 
fense, que  si  j'avais  été  d'humeur  batailleuse, 
mes  agresseurs  auraient  eu  rarement  les  rieiii's 
de  leur  coté.  (Part.  I,  liv.  IV,  l.  XIV,  p.  209.) 

Bâtard,  Bâtarde.  Adj.  Il  suit  ordinairement 
son  subst.  :  Un  arbre  bâtard, un  fruitbâtard.  Dans 
le  sens  de  qui  est  né  hors  de  légitime  mariage,  ce 
mot  est  devenu  une  injure,  et  n'est  plus  usité 
dans  le  langage  ordinaire.  On  dit  enfant  ?iaturel, 
ou  enfant  né  hors  mariage. 

Batt.  Dans  tous  les  motsqui  commencent  ainsi, 
on  ne  prononce  qu'un  t,  excepté  dans  battologie. 

Battologie.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire  et 
de  littérature.  On  prononce  les  deux  t.  On  désigne 
par  ce  mot  un  des  vices  de  l'élocution,  qui  con- 
siste dans  une  multiplicité  de  paroles  qui  ne 
disent  rien.  C'est  une  abondance  stérile  de  mots 
vides  de  sens.  Voyez  Amplificateur,  Amplification. 

Battre.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  k'  conj.  Il  se 
conjugue  de  la  manière  suivante. 

IndT  —Présent.  Je  bats,  tu  bats,  il  bat;  nous 
battons,  vous  battez,  ils  battent.  — Imparfait.  Je 
battais,  tu  battais,  il  battait;  nous  battions,  vous 
battiez,  ils  battaient.  —  Passé  simple.  Je  battis, 
tu  battis,  il  battit;  nous  battîmes,  vous  battîtes, 
ils  battirent.  —Futur.  Je  battrai,  tu  battras,  il 
battra;  nous  battrons,  vous  battrez,  ils  battront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  battrais,  tu  bat- 
trais, il  bâtirait;  nous  iiattrions,  vous  battriez, 
ils  battraient. 

Impératif.  —  Présent.  Bats,  qu'il  batte  ; 
battons,  battez,  qu'ils  battent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  balte,  que  tu 
bJttes,  qu'il  balte;  que  nous  battions,  que  vous 
battiez,  qu'ils  battent.  —  Imparfait.  Que  je  bat- 
lisse,  que  tu  battisses,  qu'il  battit;  que  nous 
liattissions,  que  vous  battissiez,  qu'ils  battissent. 

Participe.  —  Présent.  Battant.  —  Passé. 
Battu,  ue. 


BEA 


91 


Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

*  Bavardise.  Subst.  f.  rr..pos  de  bavard.  Ce 
mot  n'est  point  usité.  On  dh  harardage.  Cepen- 
dant J.-J.  Rousseau  a  dit  :  Echauffez  mire  tête 
et  travaillez,  (Vij/,ï  aurez  bientôt  nubliv  nu  par- 
donné ce.i  bavardises  de  société. 

BAviax,  Baveuse.  Adj.  11  ne  se  met  qu'aprcs 
son  subst.  :  Un  enfant  baveux. 

Bayer.  V.  n  de  la  l"'  conj.  On  prononce  hé-îc. 
Dans  la  conjugaison  de  ce  verbe  on  coiiscr\'c 
toujours  \'ij  ((ui  se  trouve  dans  l'iniinitif,  excepté 
avant  e,  es,  ent  :  Je  baie,  tu  baie.'i,  ils  baient  ;je 
baierai,  etc.  Bayer  aux  corneilles,  s'amuser  à 
nçiarder  en  l'air  niaisement. 

.\llons,  TOUS,  vou.--  rèvei,  el  baya  aux  corneilles. 
(Mol.,  Tartufe,  ad.  I,  se.  l,  168.) 

BÉANT,  Béante.  Adj.  verbal,  tiré  de  l'ancien 
verbe  béer,  qui  n'est  plus  usité.  Il  se  met  après 
son  subst.  :  Gouffre  béant,  gueule  béante. 
Delille  a  dit  lèvi-es  béantes  {Enéide,  VI,  631)  : 

D'autres  veulent  crier,  et  leurs  voix  JéfaiUanlcs 
Expirent  de  frayeur  sur  leurs  lèvres  béantes. 

Béat.  Subst.  m.  Béate.  Subst.  f.  Il  se  dit  par 
dénigrement  de  ceux  qui  affectent  un  airde  mys- 
ticité dans  leurs  actions  et  dans  leurs  discours  : 
Faire  le  béat. 

BÉ.VTIF1ER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  y  a  celte  dif- 
i'érence  entre  béatifier  et  canoniser,  que  par  la 
première  action,  le  pape  ne  prononce  que  comme 
personne  privée,  et  use  seulement  de  son  autorité 
pour  accorder  à  certaines  personnes,  à  un  ordre 
religieux,  à  une  communauté,  le  privilège  de 
rendre  au  béatifié  un  culte  particulier.  Au  lieu 
qu'en  canonisant,  le  pape  parle  comme  juge,  après 
un  examen  juridique  ,  et  détermine  l'espèce  de 
culte  qui  doit  être  rendu  au  nouveau  saint  par 
l'Eglise  universelle. 

Beau,  Belle.  Adj.  Lorsqu'il  est  seul,  il  se  mei 
avant  son  subst  :  Un  beau  bâtiment;  lorsqu'il  es! 
suivi  d'un  autre  adjectif,  il  se  met  après  :  Une 
maison  belle  et  commode.  Cette  règle  dérive  de  la 
règle  principale  du  langage,  qui  veut  que  les 
idées  qui  ont  des  rapports  soient  présentées  dans 
la  plus  grande  liaison  possible.  Quand  je  dis  une 
belle  maison,  l'adjcclif  est  immédiatement  lié  à 
son  substantif;  mais  dans  une  belle  et  commode 
maison,  celte  liaison  n'est  pas  si  étroite,  parce 
que  l'esprit  est  obligé  de  se  porter  sur  deux  mots 
vagues  avant  de  savoir  à  quel  substantif  ils  ont 
rapport. 

Cet  adjectif  a  deux  masculins  ausiDgulier,ôca« 
el  bel.  On  met  le  premier  devrait  les  noms  qui 
commencent  [lar  une  consonne,  et  le  second  de- 
vant ceux  qui  commencent  par  une  voyelle  . 
UnbeauchiUeau,  un  tel  empire.  Celte  distinction 
n'a  lieu  que  pour  les  substantifs;  car  on  dit  beau 
à  voir,  et  non  pas  bel  d  voir.  On  dil  aussi  beau  et 
bon.  \o)C7.  Adjectif. 

On  dit  avoir  beau  pour  marquer  des  efrorls 
continuels  cl  inutiles,  pour  faire  faire  une  chose 
ou  pour  l'empôcber. 

C'est  un  gallicisme  : 

Crois  que  dorénavant,  Cliimcne  a  beau  parler; 
Je  ne  l'ccouU  plus  que  pbur  la  consoler. 

iCoRN.,  Cid,acl.  lY,  se.  ui,  ii.) 

J'ai  beau  faire  el  beau  dire  afin  de  l'irriter, 
Il  m'écoute  si  peu  qu'il  me  force  à  douter. 

[Cous.,  Iléracl.,  acl   V,  se.  11,25.) 


92 


BEA 


On  a  beau  étudier  les  hommes  et  les  appro- 
fondir, on  s'y  mécompte  tous  les  jours  [Y  cwcX., 
Télém.,  liv.  AU,  t.  II,  p.  30).  Il  eut  beau  dire 
que  les  Volontés  sont  libres  et  t/ii'il  ne  voulait  iri 
l'un  ni  Vautre ,  il  fallut  faire  un  choix  (\ult., 
Candide,  cliap.  ii,  l.  l.N],  p.  235) .  Je  serai 
toujours  ioire  ;  j';uii'.ii  beau  être  tenté  parla 
bonne  chère,  par  des  vins  délicieuar,  par  la  sé- 
duction de  la  SI  cil' lé  ;  je  n'aurai  qu'a  me  repré- 
senter les  suites  desexcès. ..je  ne  mangerai  alors 
que  pur  le  besoin  (A'oll.,  Memvon,  t.  LVI, 
p.  157). 

Bealcolp.  Adv.  Ce  mol,  coiisidOré  comme  ad- 
verbe de  (luanliié,  régit  la  pré|)Osilioii  de  :  Beau- 
coup de  monde,  beaucoup  d'esprit,  Cic. 

Ce  mol,  employé  pour  plusieurs,  ne  doil  pas 
être  n)is  seul;  il  faul  y  i\'}ou[er personnes  oupens. 
II  ne  faul  doue  pas  dite  beaucuup  pensent,  beau- 
coup sont  d'avis;  mais  beaucoup  de  personnes 
pensent,  beaucoup  de  gens  sont  d'avis.  Cependaiil 
on  peul  dire  c^l  coiivcrsalion,  jV/i  connais  beau- 
coup qui  se  persuadent,  parce  «[uc  le  pronom  en, 
qui  est  devant  beaucoup,  fait  sous-entendrc  le 
TDOl  personnes. 

Lorscjue  ce  mol  est  suivi  d'un  subslanlif  mis 
au  pluriel,  le  verbe  se  met  au  même  nombre  : 
Beaucoup  de  gens  pensent...  Lorsqu'il  esl  suivi 
d'un  subslanlif  mis  au  singulier,  le  verbe  se  met 
au  singulier  :  Beaucoup  de  monde  se  plaignait. 
Veyez  Accord,  Adverbe. 

Beaucoup,  joint  à  un  autre  comparatif,  mar- 
que une  augmcnialion  considérable.  S'il  esl  mis 
après  le  comparatif,  il  doit  toujours  élre  précédé 
de  la  préposition  de  :  Vous  èles  plus  savant  de 
beaucoup;  s'il  esl  devant,  on  peut  le  mettre  avec 
la  préposition  de  ou  sans  celle  préposition  :  Vous 
êtes  beaucoup  plus  savant  que  lui  ;  ou  vous  êtes 
de  beaucoup  plus  savant  que  lui.  La  seconde 
manière  dit  plus  (]ue  la  première. 

On  dit  il  s'en  faut  de  beaucoup,  quand  on  veul 
exprimei'  que  la  quanlilé  qui  devrait  être  dans 
un  objet  n'y  esl  pas  :  Il  s'en  faut  de  beaucoup  que 
vous  ne  m'ayez  payé  tout  ce  que  vous  me  devez. 
On  dit  il  s'en  faut  beaucoup  quand  on  veul  ex- 
primer une  grande  différence  entre  deux  choses 
ou  deux  personnes  :  Il  s'en  faut  beaucoup  qu'il 
soit  aussi  sage  que  son  frère.  Il  s'en  faut  beau- 
coup que  cette  étoffe  soit  aussi  bonne  que  l'autre. 

BEAt-FILS,    BEAU-FRKfîE,    BlCAU-Piir.E.    CeS    mOtS 

étanl  composés  d'un  subslanlif  et  d'un  adjectif, 
l'un  el  l'autre  doil  prendre  la  maniue  du  pluriel  : 
Des  beaux-fils ,  des  beaux- frères,  des  beaux-pères. 
Beauté.  Subsl.  f. 

Il  la  vit,  mais  au  lieu  d'oCTrir  à  ses  beautés 
Un  hymen,  etc. 

(Rac,  ilithrid.,  acl.  I,  se.  1,49.) 

Autrefois  on  employait  indifféremment  le  moi 
beauté  au  pluriel  ou  au  singulier,  pour  signifier 
ce  qui  fait  qu'une  personne  est  belle.  Mais  au- 
jourd'hui, en  ce  sens,  on  ne  le  met  plus  qu'au 
singulier.  On  ne  dit  pas  cette  jeune  personne  a 
des  beautés  ;  il  faut  dire  a  c/e  la  beauté;  mais  on 
dit  qu'wn  ouvrage  a  des  beautés. 

Pascal  a  dit  :  «  Comme  on  dit  beauté  poétique , 
on  devrait  dire  aussi  beauté  géométrique ,  el 
beauté  médicinale  ;  cependant  on  ne  le  dit  [joint, 
el  la  raison  en  esl  qu'on  sait  bien  quel  esl  l'ob- 
jet de  la  gcomclrie,  el  quel  est  l'objet  de  la  mé- 
decine; mais  on  ne  sait  [las  en  quoi  consiste  l'a- 
grément qui  est- l'objet  de  la  poésie.  On  ne  sait 
ce  que  c'e^l  que  ce  modèle  naturel  qu'il  faul  imi- 
ter; el  faute  de  cette  connaissance,  on  a  inventé 


BEL 

de  ccrlains  termes  bizarres,  siècle  d'or,  mer- 
veille de  nos  jours,  fatal  laurier,  bel  astre,  etc.; 
elon  a|)[)elle  ce  jargon  beauté  poétique.»  [Pensées. 
l"part.,  art.  x,  §  25  ) 

On  seul  assez,  dil  Voltaire,  combien  ce  mor- 
ceau de  Pascal  esl  |)itoyable.  On  sait  qu'il  n'y  a 
rien  de  beau,  ni  dans  une  médecine,  ni  dans  les 
l)ropriétés  d'un  triangle,  et  (]ue  n')us  n'appelons 
beau  que  ce  qui  cause  à  noire  àme  et  à  nos  sens 
du  plaisir  cl  de  l'admiration.  C'est  ainsi  que  rai- 
sonne Aristole;  el  Pascal  raisonne  ici  fort  mal. 
Fatal  laurier,  bel  astre,  n'onl  jamais  été  des 
beautés  poéticpies.  S'il  avait  voulu  savoir  ce  que 
c'est,  il  n'avait  qu'à  lire  les  grands  traits  d'Ho- 
mère, de  \  irgile,  d'Horace,  d'Ovide,  etc.  [Dic- 
tiiinn.  phitosoph.,  '. ..  Aristote.) 

Bec.  Subsl.  m.  On  fait  sentir  le  c.  (Voyez  Par- 
ties des  Animaux,  i 

BEC-D'A^E,  Bec-de-cane,  Bec-de-cygne,  Bec- 
DE-couBI^.  Ces  mots  étant  composés  de  deux  sub- 
stantifs joints  par  une  préposition,  il  n'y  a  que 
le  |)remier  substantif  qui  doive  être  au  pluriel: 
Des  becs-d'âne,  des  becs-de-cane ,  des  becs-de- 
cygue,  des  becs-de-corbin. 

Bec-de-grue.  Subsl.  f.  Quoique  ce  nom  soit 
composé  de  deux  substantifs,  on  ne  dil  pas  des 
becs-de-grue,  parce  que  ce  mot  signifie  une  plante 
à  la  totalité  de  laquelle  on  a  donné  ce  nom.  On 
ne  dil  pas  plus  des  becs-de  grue  que  des  mourons 
ou  des  persils. 

Becfigue.  Subst.  m.  L'Académie  l'écrit  ainsi 
dans  sa  dernière  édition.  Pluriel  :  Des  becfigues. 

Becquée.  Subsl.  f.  L'Académie  dil  aussi  bé- 
quée.  Ce  dernier  devrait  être  adopte,  car  c'est 
ainsi  qu'on  piononce  ce  mot. 

Bégayer,  v.  n.  de  la  i'"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  on  conserve  toujours  l'y  qui 
se  trouve  dans  l'infinitif,  excepté  avant  e,  es,  ent: 
Je  bégaie,  tu  bégaies ,  ils  bégaient;  je  bégaie- 
rai, etc.  11  s'emploie  quelquefois  activement 

Toul  cliarme  en  un  enfant  dont  la  langue  sans  fard, 

A  peine  du  Clet  encor  débarrassée. 

Sait  d'un  air  innocent  bégayer  sa  pensée. 

(BoiL.,  ÉpUre  IX,  82.) 

Bégueule.  Subst.  f.  Voltaire  l'a  dit  d'un 
homme,  en  plaisantant  :  Non,  mon  cher,  je  ne 
suis  pas  si  bégvaulc  ;  je  vous  aime  de  tout  mon 
cœur,  je  travaille  pour  vous.  (Volt.,  Corresp.) 

Béjaune.  Subst.  m.  Au  propre,  oiseau  jeune 
et  niais.  Au  figuré,  ce  mol  a  été  dit  par  cor- 
ruption de  bec-jaune,  par  allusion  aux  petits 
oiseaux  qui,  avant  d'être  en  étal  de  sortir  du  nid, 
ont  le  bec  jaune;  et  on  la  appliqué  aux  jeunes 
gens  simples  el  sans  expérience.  11  se  dil  plus  or- 
dinairement des  sottises  el  des  inepties  des  igno- 
rants et  des  gens  sans  expérience  :  On  lui  a  mon- 
tré son  béjaune. 

Bêlant,  Bêlante.  A dj.  verbal  tiré  du  v.  bêler. 
Il  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  :  Des  moutons 
bêlants. 

Bel-esprit.  Subsl.  m.  On  dit  au  pluriel  des 
beaux-esprits,  en  vertu  de  la  règle  qui  veul  que, 
lorsqu'un  mot  est  coniposé  d'un  adjeclif  eld'un 
subslanlif,  on  donne  à  l'un  et  à  l'autre  la  marque 
du  pluriel. 

Bellâtre.  Subsl.  in.  Qui  a  un  faux  air  de 
beauté.  Je  ne  crois  pas  que  ce  mot  soit  usilé  au- 
jourd'hui. 

Belle-de-jour,  Belle-de-ndit.  Dans  ces  deux 
subslaniifs  composés,  l'adjectif  seul  prendia mar- 
que du  pluriel  :  Des  belle s-de- jour,  desbelie.s-do- 
nuit 


BES 

Belle-fille,  Bellf.-mk.re,  Bellk  soeur.  Ces  mots 
étant  composés  d'un  siibslanlifet  d'un  ndjectif, 
l'un  et  l'autre  doit  prendre  la  manpie  du  pluriel: 
Les  belles-filles,  les  belles-îiièrcs,  les  belles-sœurs. 

Belligérant,  Belligéhante.  Adj.  qui  se  met 
toujours  après  son  subst  On  prononce  les  deux  l  : 
Les  puissances  belligérantes.  Féraud  prétend 
que  c'est  un  terme  de  gazette,  et  propose  de  le 
remplacer  par  ht^lliqueux.  Mais  ces  deux  mots 
signifient  des  choses  différentes.  Les  puissances 
belligérantes  sont  des  puissances  qui  font  ac- 
tuellement la  guerre,  et  qui  peuvent  ne  pas  être 
belliqueuses  ;  car  belliqueux  signilic  qui  aime  la 
guerre,  qui  a  les  qualités  qui  rendent  propre  à  la 
guerre. 

Belliqueux,  Belliqueuse.  Adj.  On  prononce 
les  deux  l.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
lorsqu'il  a  avec  lui  une  analogie  étroite.  On  ne  dit 
pas  un  belliqueux  prince  ;  mais  on  peut  dire  une 
belliqueuse  ardeur. 

Bellot,  Bellotte.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  Il  est  du  style  familier. 

Belvéder.  Subst.  m.  Le  ?'se  l'ait  sentir. 

Bémol.  Subst.  m.  11  fait  au  pluriel,  des  bémols. 
— Il  S€  prend  aussi  adjectivement  :  Un  si  bémol, 
un  mi  bémol,  dessjbéinols 

Bénédicité.  ^uDst.  m.  Ce  mot,  étant  tiré  du  la- 
tin, ne  doit  pas  plus  prendre  la  marque  du  pluriel 
que  des  ave  et  des  te  Deum  :  Des  bénédicité. 

Bénéficial,  Bénéficiale.  Adj  Ce  mol  ne  se  dit 
que  des  substantifs  féminins  matière  et  cause  ;  et 
par  conséquent  il  n'a  point  de  pluriel  au  mascu- 
lin. 11  suit  toujours  son  subst. 

Bénévole.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose,  il 
se  met  après  son  subst.  :  Lecteur  bénévole,  audi- 
teur bénévole. 

BÉNir.NEMENT.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'après 
le  verbe  :  On  l'a  traité  bénignemetit. 

Bémn,  Bénigne.  Adj.  Au  féminin,  on  mouille 
^M.  Il  peut  se  mettre  avant  son  subst.,  lorsque 
l'harmonie  et  l'analogie  le  permettent  :  Une  in- 
fluence bénigne,  cette  bénigne  influence. 

Bénir.  V.  a.  irrégulierde  la  2'"  conj.  Son  irrégu- 
larité consiste  en  ce  qu'il  a  deux  participes  passés. 

Bénit,  bénite,  se  dit  de  la  bénédiction  donnée 
par  les  prêtres  avec  des  cérémonies  religieuses. 
Du  pain  bénil,  de  l'eau  bénite,  un  cierge  bénit. 
Venez  voir  mon  église;  elle  n'est  pas  encore  béni  te. 
{yo\\..,  Lettre  à  M.  Fernes.  "25.  Auguste  1/61.) 

Béni,  bénie,  a  toutes  les  autres  signilîcations 
de  son  verbe  :  Etre  béni  de  Dieu  et  des  hommes. 
Des  armes  bénites  par  l'Eglise  avec  beaucoup 
d'appareil,  ne  sont  pas  toujoues  bénies  du  ciel 
sur  le  champ  de  bataille. 

Partout  ailleurs  bénir  se  conjugue  comme  em- 
plir, et,  comme  le  rcmartiue  M.  Boniface,  on  doit 
écrire  bé?ii,  bénie,  à  tous  les  temps  composés  de 
ce  verbe  actif,  quel  que  soit  d'ailleurs  le  sens 
qu'on  lui  donne  :  L'eau  que  le  prêtre  a  bénie. 

Béquillard,  Béquille,  Béquiller,  Béquillon. 
Dans  ces  ijuatre  mots  on  mouille  les  II. 

Bercail.  Subst.  m.  On  mouille  le  L  II  n'a  point 
de  pluriel. 

Bercer.  V.  a.  de  lai"  conj.  Dans  ce  verbe,  le 
c  a  la  prononciation  de  se;  et,  pour  la  lui  con- 
server à  tous  les  temps  et  à  toutes  les  personnes, 
il  faut  mettre  une  cédille  dessous  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi  on  écrit 
nous  berçons ,  je  berçais,  je  berçai,  et  non  pas 
nous  berçons,  etc. 

Besoin.  Subst.  m.  Besoin  se  dit  de  toutes  les 
choses  nécessaires  à  l'homme  pour  satisfaire  ses 
besoins.  L'Académie  a  omis  cette  acception,  ou 


niE 


95 


du  moins  l'a  indiipiée  d'une  manière  insuftisante 
Je  7ne  procurerai  tous  mes  besoins,  et  pourvu 
que  je  les  aie,  je  ne  me  soucierai  point  que  les 
autres  soient  misérables.  (Montesquieu,  Lettres 
persanes.  ^ 

Avoir  besoin  de  quelque  chose.  Je  vous  four- 
nirai ce  dont  vous  aurez  besoin. 

Bestial,  Bestiale.  Adj.  Il  n'a  point  de  pluriel 
au  masculin.  Fureur  bestiale. 

BrsTiALEMENT.  Adv.  Il  lie  se  met  qu';ipros  le 
verbe  :  //  a  toujours  vécu  bestialement. 

Besthux,  Bétail.  L'Académie  dit  <pieiM/iat/x 
signilie  la  même  chose  que  bétail;  que  l'un  est  un 
pluriel,  cl  l'autre  un  singulier.  Féraud,  déterminé 
sans  doute  par  ridenlilé  de  la  signification  des 
deux  mots,  dit  (juc  bestiaux  est  le  pluriel  de  bé- 
tail. Je  crois  [)lulôt  que  bétail  se  dit  de  l'espcce, 
le  gros  bétail,  le  petit  bétail;  et  bestiaux  des  in- 
dividus :  Allez  soigner  les  bestiav.r. 

BÊTEMENT.  Adv.  Oii  peut  Ic  iiiotlre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  //  a  agi  bêtement. 

BiBus.  On  prononce  les.  H  est  toujours  précède 
de  la  préposition  </e  :  C'est  une  affaire  de  bibus. 

Bien.  Subst.  m.  On  ne  fait  point  sentir  un  n  eu- 
phonique après  ce  mot  su'vl  d'une  voyelle  ou 
d'un  h  non  aspiré.  On  j>ron/>»;c::  ^c  uu-n  est  a  mot, 
et  non  pas  ce  bie?i-n-cst  à  moi;  cesc  un  iL.. 
souhaiter,  et  non  pas  t'est  un  bien-n-ù  souhaiter. 

£ie«  est  aussi  adverbe.  11  exige  l'article  après 
lui  :  Bie?!  du  monde,  bien  de  l'argent,  bien  destens. 

Cet  adverbe  se  met  toujours  après  le  verbe 
dans  les  temps  simples  :  Il  chante  bien.  Mais  il  se 
met  ordinaircincnl  avant  V'mïm'nW  :  Il  faut  bien 
chanter;  ci  dans  les  temps  composés,  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  lia  bien  chanté. 

On  prononce  bien  adverbe  avec  un  «  euphoni- 
que lorsqu'il  est  suivi  d'un  adjectif,  d'un  ad- 
verbe ou  d'un  verbe  qui  commencent  par  une 
voyelle  ou  un  h  non  aspiré  ;  C'est  une  fonction 
bien-n-honorable,  il  a  servi  bie n-n-utilem ent  la 
patrie,  il  faut  bie n-n-éc rire,  etc.  Mais  si  cet  ad- 
verbe est  suivi  de  tout  autre  mot  qu'un  adjectif, 
unadverbe  ou  un  verbe,  il  ne  se  prononce  pas  avec 
le  n  euphonique.  Ainsi  l'on  prononce  ,  il  parlait 
bien  et  à  propos,  et  non  pas,  il  parlait  bien-n-et 
à  propos. 

Au  lieu  de  plus  bien,  on  dit  mieux.  Mais  on 
dit  moins  bien  et  aussi  bien. 

Lors(pie  cet  adverbe  est  suivi  d'un  substantif 
mis  au  pluriel,  le  verbe  se  met  au  môine  nombre: 
Bien  des  gens  pensent.  Voyez  Accord,  Adverbe, 
Comparatif 

BiEN-AiiiÉ,  Bien-aimée.  Adj.  et  subst.  Il  se  pro- 
nonce avec  le  n  euphonique  ;  Son  fils  bien-n-ai- 
mé,  c'est  ma  bien-n-aimée. 

BiEN-AisE.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
avec  le  n  euphonique,  bicn-n-aise.  On  dit  j/?  suis 
bien-aise  de  cela.  On  dit  je  suis  bien  aise  de  le 
surprendre,  et  je  suis  bien-aise  que  vous  le  sur- 
preniez. Dans  le  premier  exemple,  le  verbe  5ur- 
prendrf  se  rap\Mjric  au  sujet  de  la  proposition; 
dans  le  second,  il  ne  s'y  rapporie  pas. 

On  dit  substantivement,  laissez  jouer  ces  en- 
fants tout  leur  bien-aise  ;  et  J.-J.  Kuusscau  a 
dit  :  Laissez-les  haranguer  tout  leur  bien-aise. 
Féraud  dit  (juil  n'a  vu  ni  entendu  nulle  pai  l  cette 
façon  de  pailer  Quant  à  nous,  n->us  pensons 
qu'elles'cmploie  souvent  dans  le  langage  familier. 

Bien-dire  Subst.  m.  H  n'a  point  de  pluriel. 
On  dit  «lue  quelqu'un  est  sur  son  bien-dire;  mais 
on  \)C  lin  \)[\s  qu'il  est  sur  ses  bien-dire. 

BiEN-DiSANT,  BiKN-DisANTE.  Adj".  L'Acadcinie 
dit  qu'il  signifie  ijui  parle  bien  et  avec  facilite, 


94 


BIE 


et  qu'on  l'emploie  aussi  par  opposition  à  médi- 
sant. IS'ous  pensons,  cuminc  Fcraud,  qu'il  n'est 
plus  usité  ni  dans  l'une  ni  dans  l'aiitie  acception, 
et  particulièremcnl  dans  la  seconde.  Peut-être 
pourrait-on  dire  en  plaisantant,  d'un  homme  qui 
affecte  de  bien  parler,  c'est  un  hnmine  bien-di- 
sant  ;  ou  substantivement,  c'est  un  licn-disant; 
mais  nous  n'en  connaissons  point  d'exemple. 

Bien-être.  Sultst.  m.  11  se  prononce  avec  le  n 
euphonique,  hien-n-êtrc. 

BIE^FAls.^^cE.  Subst.  f.  On  prononce  hienfe- 
mnce  dans  le  discours  ordinaire.  Ce  mot,  inventé 
par  l'abbé  de  Saint-Pierre  {Mémoire  pottr  dimi- 
nuer le  nombre  des  procès,  p.  37),  a  causé  un 
§rand  scandale  parmi  les  gens  qui  ne  veulent  <iuc 
delà  charité  cl  des  aumônes;  et  l'abbé  Desfon- 
taines l'a  tourne  en  ridicule  dans  son  Diction- 
naire névloffif/uc.  Voltaire  en  fait  l'éloge  dans  les 
vers  suivants,  et  aujourd'hui  il  est  adopté  généra- 
lement. 

Certain  législateur,  dont  la  plume  féconde 
Fit  tant  de  vains  projeta  pour  le  bien  de  ce  monde, 
Et  qni,  depuis  trente  ans,  écrit  pour  des  ingrats. 
Vient  de  créer  un  mol  qui  manque  à  Taugelas. 
Ce  mot  est  bienfesance;  il  me  plail;  il  rasjcmble, 
Si  le  cœur  en  est  cru,  bien  des  vertus  ensemble. 
Petits  grammairiens,  grands  précepteurs  des  sots. 
Oui  peseï  la  parole  et^  mesurez  les  mots. 
Pareille  expression  tous  semble  hasardée, 
Mais  l'univers  entier  doit  en  chérir  l'Idée. 

'Septième  Discours  sur  l'Homme,  117.) 

Voyez  Aumône. 

Bienfaisant,  Bienfaisante.  Adj.  On  prononce 
bienfcsant  dans  le  discours  ordinaire.  Cet  adj. 
peut  précéder  son  subst.,  quand  l'harmonie  et 
l'analogie  le  permettent.  J.-J.  Rousseau  a  dit  en 
prose,  la  bienfaisante  nature,  et  Rousseau  en 
vers,  vos  bienfaisantes  mains.  A'oyez  Adjectif. 

Bienheureux,  BiENiiEcneusE.  Adj.  Dans  la 
prononciation,  on  fait  sentir  le  n  euphonique  entre 
bien  et  heureux,  bicn-n-heurcux.  On  peut  dans 
certains  cas  le  mettre  avant  son  subst.  Voyez  >4a- 
jectif. 

Et  je  crojaii  toucher  au  bienheureux  moment. 

(lUc,  Bajas.,  act.  I,  se.  IT,  18.) 

Bienheureux  n'est  plus  le  mot  propre  dans  ce 
sens;  on  mettrait  à  présent. 

Et  je  croyais  toucher  au  fortuné  moment. 

(LUNEAU  DE  BoiSGBEMiliX.) 

Quand  bienheureux  est  joint  à  un  verbe,  il  s'é- 
crit en  deux  mots,  et  alors  Men  est  adverbe,  et 
Jieureux  adjectif  :  F'ovs  êtes  bien  lieureux  de  l'a- 
voir prévenu.  On  voit  que  cet  adverbe  doit  pré- 
céder l'adjectif. 

Biennal,  Biennale.  Adj.  Il  se  met  après  son 
subst  :  Emploi  hiennul,  charge  biennale.  Em- 
plois biennaux. 

Bienséance.  Subst.  f.  On  d'\lco7inaître,  obser- 
ver les  bienséances. — Dans  le  sens  de  convenance, 
bienséance  n'a  point  de  pluriel.  On  dit  cela  est  à 
ma  bienséance,  à  votre  bienséance  ;  mais  on  ne 
dit  pas,  à  nos  bienséances,  à  leurs  bienséances . 

Bienséances,  en  terme  de  littérature,  se  dit  de 
la  conformité  d'un  ouvraged'espritavcc  l'opinion, 
les  mœurs,  les  usages,  le  goùl  du  pays  cl  du  siècle 
■>ù  l'on  écrit.  Les  bienséances  varient  selon  Irs 
icmps  et  les  lieux.  Telles  scènes  qui  choquent  les 
bienséances  sur  le  théâtre  français,  passent  pour 
excellentes  en  Allemagne  ou  en  Angleterre  JNos 
prédicateurs,  qui  [jarscmaient  autrefois  leurs  ser- 


BIZ 

inons  de  citations  d'auteurs  païens,  choqueraient 
les  bienséances  s'ils  voulaient  le  faire  aujour- 
d'hui. Il  fut  un  temps  où,  sur  la  scène  française, 
les  amantes  et  les  princesses  mêmes,  déclaraient 
leur  passion  avec  une  liberté  et  même  une  licence 
qui  révolterait  aujourd'hui  tout  le  monde. 

Bienséant,  Bienséante.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  snbst.  :  Conduite  bienséante. 

Bientôt.  Adv.  Le  t  ne  se  prononce  que  devant 
une  voyelle.  Il  se  place  après  les  temps  simples 
des  verbes  :  Il  reviendra  bientôt  ;  entre  l'auxiliaire 
et  le  participe,  lorsque  les  temps  sont  composés: 
Il  sera  bientôt  revenu.  Quelquefois  on  le  met  au 
commencement  de  la  phrase  :  Bientôt  vous  le  ver- 
rez revenir. 

Bienveillance.  Subst.  f.  Ce  mot  n'a  point  de 
pluriel. 

Bienveillant,  Bienveillante.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'harmonie  et  l'a- 
nalogie le  permettent.  On  ne  dit  pas  un  bienveil- 
lant homme,  une  bienveillante  femme;  mais  rien 
n'empêcherait  de  dire  un  bienveillant  accueil. 
Voyez  Adjectif. 

Bifteck.  Subst.  m.  Il  fait  au  pluriel  cfe*  W/"- 
tecks.  [Dict.  de  l'Acad.) 

Bigarruee.  Subst.  f.  On  dit  la  bigarrure  du 
style.  C'est  un  défaut  qui  consiste  à  mêler  dans 
le  même  ouvrage  des  expressions  nobles  avec  des 
locutions  basses.  On  trouve  encore  de  cette  bigar- 
rure dans  les  pièces  de  Corneille. 

Bigot,  Bigote.  Adj.  On  peut  quelquefois,  même 
en  prose,  le  mettre  avant  son  subsl.  On  dirait  fort 
bien,  dans  sa  bigote  humeur,  elle  chassa  son  fils 
de  sa  présence.  Voyez  Adjectif. 

Bilieux,  Bilieuse.  Adj.  Il  se  met  toujours 
après  son  subst. 

Bill.  Subsl.  m.  emprunté  de  l'anglais.  On 
mouille  les  IL 

BiNAinE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Nombre  binaire,  arithméti- 
que binaire. 

Bipède.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  son  subst.  : 
Un  animal  bipède. 

Bis.  Adv.  On  prononce  le  s.  On  l'emploie  pour 
demander  que  l'on  répèle  ce  que  l'on  vient  de 
dire  ou  de  chanter. 

Bis,  Bise.  Adj.  L'Académie  ne  le  dit  propre- 
ment que  du  pain  ou  de  la  pâte.  Elle  a  oublié  qu'il 
se  dit  aussi  de  la  farine  :  De  la  farine  bise,  des 
farines  bises.  Pain  bis,  pâte  bise.  On  dit  aussi 
substantivement,  le  bis  de  la  farine. 

BiscoRNC,  Biscornue.  Adj  Qui  a  une  forme  ir- 
régulière et  bizarre.  Il  est  familier  et  ne  se  met 
qu'après  son  subsl. 

Bise.  Subst.  L  II  ne  se  met  point  au  pluriel. 

BisEï;.  V.  n.  Terme  d'agriculture  qui  signifie 
noircir,  dégénérer  d'année  en  année  :  Le  froment 
est  plus  sujet  à  biser  que  les  autres  grains.  Les 
avoines  bisent  dans  les  terres  froides. 

Bizarre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  peut,  daus 
certains  cas,  se  mettre  avant  son  subst.  On  ne  ùit 
pas  un  bizarre  homme,  une  bizarre  opinion  ;  iiiUiS 
on  pourrait  dire  une  bizarre  humeur. 

Si  l'on  veut  prendre  une  idée  juste  de  la  signi- 
fication vie  ce  mot,  ce  n'est  pas  au  Diitiunnaire 
de  l'Académie  (|u'il  faut  avoir  recours.  Eile  le  dé- 
finit, fantasque,  extravagant,  caiiricieux,  et  donne 
[jour  e.vcmples,  sentiments  bizarres,  opinions 
bizarres.  A\nsi  dds  se?itimenis  bizarres,  des  opi- 
nions  bizarres  sont,  selon  l'Académie,  des  senti- 
ments, des  opinions  fantasques,  extravagants,  ca- 
pricieux. L'homme  bizarre  n'est  ni  l'Itomme 
fantasque,  yi  l'homme  capricieux.  S'écarter  du 


BLA 

çoùtpar  vine  singularité  d'objet  non  convcnalle, 
c'est  être  bizarre  ;  s'en  écarter  par  excès  de  déli- 
catesse, ou  par  une  rei-licrche  du  mieux  faite  hors 
de  saison,  c'est  être  fantusquc  ;  sen  écarter  |Kir 
inconstance  ou  par  changement  subit  do  çoiil, 
c'est  être  capricieux  ;  s'en  écarter  d'une  manière 
contraire  au  bon  sens,  c'est  être  cxtrava/janl. 

En  général  l'adjectif  bizarre  signilie,  (jui  dif- 
fère de  plusieurs  manières  diverses  des  choses 
de  la  même  espèce,  et  s'écarte  des  règles  générales 
que  la  nature,  l'usage  ou  l'opinion  leur  ont  pres- 
crites. ^'oyez  Adjectif. 

BizAKREMKNT.  Adv.  Ou  pcut  Ic  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  conduit  bizar- 
rement, il  a  bizarrement  agi. 

Blafard,  Blafarde.  Adj.  Le  dr\c  se  prononce 
point  au  masculin.  11  se  met  ordinairement  après 
son  subst.  -.Fisuge  blafard,  lueur  blafarde.  Voyez 
Adjectif. 

Blâmable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  quand  l'analogie  et  l'har- 
monie le  permettent;  on  ne  dit  pas  une  blâmable 
action,  parce  qu'il  n'y  a  pas  une  analogie  assez 
étroite  entre  blâmable  et  action;  mais  on  pourrait 
dire  ces  blâmables  écarts,  ces  blâmables  erreurs. 
Voyez  Adjectif. 

Blanc,  Blanche.  Adj.  Le  c  ne  se  prononce  pas 
au  masculin.  Iji  jjrosc,  il  se  met  toujours  après 
son  subst.,  excepte  dans  le  proverbe,  c'est  bonnet 
blanc  et  blanc  bonnet.  Si  l'on  doit  blâmer  .Molière 
d'avoir  dit  dans  V Étourdi  (act.  1,  se.  iv,  14)  : 

Non,  tout  ce  que  je  sais  n'est  que  blanche  magie, 

ce  n'est  pas  parce  qu'il  a  mis  l'adjectif  blanche 
ivant  son  substantif;  mais  parce  que  rnagie  bla?i- 
tlie  est  une  expression  composée  de  deux  mots, 
dont  les  places  sont  déterminées  par  l'usage,  et 
qu'il  l'a  dénaturée  en  mettant  le  premier  celui  qui 
îoit  être  le  dernier. 

Blanc-bec  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  c 
te  blanc ,  on  prononce  celui  de  bec.  Ici  la  plura- 
lité ne  peut  tomber  ni  sur  blanc,  ni  sur  bec;  mais 
i?lle  tombe  sur  un  substantif  qui  est  sous-entcodu. 
Un  blanc-bec,  c'est-à-dire,  un  jeune  homme  sans 
«xpérience.  On  écrit  donc  au  pluriel  des  blanc-bec, 
et  non  pas  des  blancs-becs.  —  Girault-Duvivicr 
met  au  pluriel  blancs-becs.  [Grammaire  des 
Grammaires,  p    18i.) 

Blanchâtre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Couleur  blanchâtre. 

Blanchement.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'après 
le  verbe  :  Elle  tient  son  enfant  blanchement. 

Blanchih.  V.  a.  et  n.  dela2''conj.  Delille  a 
dit  {Enéide,  V,  1052)  : 

L'ean  blanchit  soas  la  rame  et  le  vaisseau  fend  l'onde. 

Cette  acception  ne  se  trouve  pas  dans  le  Diction- 
naire de  l'Académie. 

Blanchissant,  Blanchissante.  Adj.  verbal  tiré 
du  v.  blanchir.  L'Académie  définit  ce  mot,  qiii 
blanchit,  qui  parait  blanc;  elle  aurait  du  dire  qu'il 
ne  se  dit  que  de  la  mer  agitée  par  les  flots,  (fe- 
raud.) 

Toyez  tout  l'Hellespont  blanchissant  sons  nos  rames. 
ilUc,  Iphij.,  act.  I,  se.  T,  21.) 

Blanc-seing.  Subst.  m.  Il  fait  au  pluriel  des 
blancs-seings.  Voyez  Composé. 

Blasphémateur.  Subst.  m.  L'Académie  ne  dit 
pas  blasphématrice.  Féraud  prétend  que  ce  der- 
nier est  dur  et  peu  usité.  Il  ne  Post  pas  plus 


r.LO 


95 


(\\\  admiratrice;  et  s'il  n'était  pas  usité,  il  n'y 
aurait  pas  d'uxprcssioii  dans  la  langue  pour  sinnn 
lier  une  femme  qui  blasphiuic. 

Blasphém.uoire.  Adj.  des  deux  cenres.  Il  ne 
se  met  guère  jpi'après  son  subst.  :  Parole  bluspké- 
matvire,  écrit  blasphématoire. 

Blaspuicme.  Subst.  m.  Ce  mot  n'emporle  pas 
tout  à  fait  l'idée  de  «acr/Zi^e.  On  dira  d'un  lioinine 
qui  aura  pris  le  nom  de  Dieu  en  vain,  (jui,  dans 
rcinportemcnt  de  la  colère,  aura  ce  qu'on  aijpcllc 
juré  le  nom  de  Dieu,  c'est  un  blasphémateur; 
mais  on  ne  dira  pas  c'est  un  sacrilège.  L'homme 
sacrilège  est  celui  qui  se  parjure  sur  l'Ëvangile, 
qui  étend  sa  rapacité  sur  les  choses  sacrées,  qui 
détruit  les  autels,  qui  trempe  sa  main  dans  le  sang 
des  prêtres. 

Blaspuémer.  V.  a.  et  n.  de  la  l'^'  conj.  Blasphé- 
mer Dieu. 

C'est  bien  à  tous  d'oser  ainsi  noimner 
Un  dieu  que  votre  louclie  enseigne  à  blasphémer. 
(lUc,  Âth.,  act.  lU,   se.  IV,  50.) 

Mais  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  dire,  comme 
Massillon,  blasphémer  qu'il  n'y  a  point  de  Dieu. 
Chaque  âge  et  chaque  nation  a  ru  des  esprits 
noirs  et  superbes  dire  noti-seuleatcnt  dans  leur 
cœur  et  en  secret,  7nais  oser  blasphémer  tout  haut 
qji'iln'ij  a  point  de  Dieu.  [Petit  Carême,  su  rie  res- 
pect que  les  grands  doivent  à  lareligion,  t.l,p.57.) 
iù'iaud  a  eu  raison  de  relever  cette  négligence. 

Blèche.  Adj.  des  deux  genres.  L'Acadcmic  l- 
donne  pour  un  terme  d'injure.  Si  cet  adj.  se  dit 
encore,  il  doit  se  mettre  après  son  subst. 

Bléchir.  V.  n.  de  la  2''  conj.  L'Académie  le  dc- 
liiiil,  devenir  blèche;  je  ne  crois  pas  que  ce  mot 
soil  plus  usité  que  l'adjectif  blèche.  Féraud  ne  le 
met  point,  et  Boistc  dit  avec  raison  qu'il  est  in- 
usité. 

Blême.  Adj.  des  deux  genres.  L'Académie  le 
définit  pâle,  et  elle  définit  Te  mot  pâle  par  ilème. 
L'oii  il  résulterait  que  blême  et  pâle  veulent  dire 
la  même  chose.  On  sait  cependant  que  blême  dit 
beaucoup  plus  que  pâle.  Il  se  met  ordinairement 
après  son  subst. 

Bleuir.  V.  n.  de  la  2"  conj.  Blêmir,  selon  l'A- 
eadêmie,  c'csl pâlir.  —  Blêmir  ne  se  dit  jilus.  On 
dit  pâlir  pour  signifier  devenir  subitement  pâle 
ou  blême. 

INIercier  voudrait  que  l'on  employât  ce  mot  dans 
certaines  circonstances  :  Le  coupable  fut  inter- 
rogé, et  on  le  vit  blêmir.  Pâlir,  dit  Mercier,  ne 
serait  pas  le  mot.  On  pâlit  de  détresse,  de  fureur, 
de  syncope  ;  blêmir  rend  la  pâleur  involontaire 
du  crime. 

Je  ne  crois  pas  que  cette  remarque  soit  juste. 
On  pûlit  aussi  de  crainte,  d'effroi,  et  c'est  le  cas 
d'un  coupable  que  l'on  interroge.  La  pâleur  de 
détresse,  de  fureur,  de  syncope,  est  aussi  une  pâ- 
leur involontaire. 

Blette.  Subst.  f.  Selon  l'Académie,  c'est  une 
espèce  d'amaranthe  fort  commune,  qu'on  emploie 
quelquefois  comme  plante  potagère.  L'Académie 
a  mis  aussi  dans  son  Dictionnaire,  bette,  qu'elle 
définit  plante  t*otagère,riu'on  nomme  aussi  poircc. 
Cesdeux  mots  paraissent  indiquer  la  mêine  plante. 
Le  mot  'Aette  n'est  en  usage  qu'a  la  iiallc.  On  dit 
bette. 

Bleu,  Blece.  Adj.  qui  se  met  toujours  après 
son  subst.  :  Utie  rcbe  bleue,  du  ruban  bleu. 

Bleuâtre.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  tou- 
jours son  subst. 

Bloc.  Subst.  m.  On  prononce  le  c  quand  bl«x; 
se  prononce  isolément,  ou  qu'il  est  à  la  fin  d'une 


96 


BOI 


phrase.  Dans  vmjez  ce  bloc,  il  faut  prononcer  le  c. 
Dans  un  bloc  de  marbre,  on  ne  le  i^rononfe  pas. 
Le  c  se  prononce  aussi  quand  le  mol  bloc  est  suivi 
d'un  mol  (jui  commence  par  une  voyelle  ou  un  h 
non  aspire.  On  dil  faire  nmrchè  en  bloc  et  en  tus, 
el  dans  celle  façon  de  parler,  on  fail  senlir  le  c  de 
bloc. 

Blocus.  Subst.  m.  On  prononce  le  s. 

Blond,  Blonde.  .Adj,  Le  rf  ne  se  prononce  poini 
au  masculin.  Cel  adjoclil'  peut,  dans  cerlains  cas, 
se  mettre  avant  son  subslanlif.  On  ne  dil  pas  ses 
blonds  pnils,  sa  blonde  perruque  ;  mais  on  pour- 
rait dire  ses  blonds  cheveux,  sa  blonde  chcrelurc, 
parce  que  dan-;  ces  deux  exemple^,  blmds  et  che- 
veux ou  chevelure  deviennent  ctroilemont  ana- 
logues par  l'idée  commune  d'ornemenl,  de  parure 
naturelle:  ce  qui  ne  peut  avoir  lieu  dans  blonds 
poils,  ni  blonde  perruque.  Les  poêles  l'ont  un  fré- 
quent usage  de  celle  inversion  :  le  blond  Phébus, 
la  blonde  Cérès.  Voyez  Adjectif. 

Blondin,  Blondine.  Subsl.  L'Académie  le  défi- 
nit, celui,  celle  qui  a  les  cheveux  blonds.  Mais  il 
ajoute  à  celle  signification  une  idée  de  mignar- 
dise, de  gentillesse.  On  entend  aussi  parce  mot  un 
jeune  homme  blond,  ou  à  peu  près,  qui  fail  le 
beau . 

BocAGER,  Bocagère.  .\dj.  Delille  l'a  employé 
dans  une  acception  que  l'Académie  n'a  pas  indi- 
quée {Enéide,  VI,  943)  : 

Le  Lélhé  baigne  en  pais  en  rives  hocagèrc». 

Le  poëte  a  sans  doute  voulu  indiquer  par  là  des 
rives  embellies  par  des  bocages. 

Bocal.  Subst.  m.  On  dil  au  pluriel  iocawa?. 

BoECF.  Subsl.  m.  Féraud  prélend  (juc  l'usage 
actuel  veut  qu'on  écrive  beuf;  cependant  on  ne 
trouve  guère  celle  orlhographe  que  dans  son  Dic- 
tionnaire. Les  grammairiens  ne  sont  pas  d'accord 
sur  la  prononciation  de  ce  mol.  Les  uns  veulent 
qu'on  ne  prononce  jamaisle  f;  d'autres,  qu'on  le 
prononce  toujours  au  singulier  cl  jamais  au  plu- 
riel ;  d'aulres  enfin,  <]u'on  ne  le  prononce  point  mj 
singulier  lorsqu'il  est  suivi  d'un  adjectif. 

Il  faut  donc  consulter  l'usage,  et  voici,  je  crois, 
ce  qu'il  prescrit.  Le  /"se  prononce  dans  ce  mol 
lorsiju'il  est  au  singulier,  el  même  avec  un  adjec- 
tif. On  ne  dil  pas  du  beu  fumé,du  heu  saU',  du 
heu  entre-lardé.  Je  ne  connais  que  l'expression 
populaire  bœuf-gras,  par  laquelle  on  exprime  un 
bœuf  gras<iuc  l'on  (iroméncen  pompe  dans  les  rues 
de  Paris  pendant  le  carnaval,  où  l'on  supprime  le 
/"dans  la  prononciation 

Féraud  prétend  qu'on  prononce  ner  de  hœu.  Je 
pense  (|u'on  prononce  ner  de  bœuf. 

Au  pluriel  le  /"ne  se  prononce  pas. 

Et  pour  surcroit  de  maux,  un  sort  malencontreux 
Conduit  en  cet  endroit  un  grand  troupeau  de  bœufs, 
(BoiL.,  Sot.  VI,  53.) 

—  Dans  sa  dernière  édition,  l'Académie  est  du 
mêri«e  avis. 

Boire.  V.  a.  el  irrégulier  de  la  4'"  conj.  Voici 
•-A)mmcnt  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  bois,  tu  bois,  il  boit; 
nous  buvons,  vous  buvez,  ils  boivent.  —  Impar- 
fait. Je  buvais,  tu  buvais,  il  buvait;  nous  bu- 
vions, vous  buviez,  ils  buvaient.  — /'awe  simple. 
Je  bus,  lu  bus,  il  but;  nous  binncs,  vous  bùies, 
ils  burent. — Futur.  Je  boirai,  tu  boiras,  il  boira; 
nous  boirons,  vous  boirez,  ils  boiront. 

Conditionnel.— /'re■■se«^  Je  boirais,  lu  boirais,  i 


BON 

il  boirait  ;  nous  boirions,  vous  boiriez,  ils  boi- 
raient. 

Impératif.  —  Présent.  Bois,  qu'il  boive;  bu- 
vons, buvez,  qu'ils  boivent.  — Subjonctif. — Pré- 
sent. Que  je  boive,  que  lu  boives,  iju'il  boive; 
que  nous  buvions,  (]uc  vous  buviez,  (]u'ils  boi- 
vent. —  Imparfait.  (,>ue  je  busse,  (]iie  tu  busses, 
qu'il  but  ;  (]uc  nous  bussions,  que  vous  bussiez, 
([u'ils  bussent. 

Partici|)e.  —  Pre'ie/i/.  Buvant.  —Passé.  Bu, 
bue. 

Les  temps  composés  se  mettent  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

Boire  du  vi?i,  de  l'eau.  L'Académie  dit  que  le 
papier  boit,  que  la  terra  boit  l'eau  ;  mais  elle  ne 
donne  aucun  exemple  qui  ail  rapport  à  l'emploi 
«pie  Rac!!ie  fail  de  ce  mot  dans  Phèdre  (acl.  II, 
se.  1,  60)  : 

Et  la  terre  liumeclêe 
But  à  regret  le  sang  du  neveu.t  d'ErcclilUée. 

El  Delille  dans  le  vers  suivant  [Enéide, 1,8^7): 

Tant  que  la  mer  boira  les  fleuves  vagabonds. .  .  . 

Celle  dernière  expression  ne  peut  être  tolérée 
tpi'en  poésie. 

On  dit  boire  un  affront,  boire  le  calice  jusqu'à 
la  lie  ;  el  en  style  d'Ecriture  sainte,  boire  l'ini- 
quité comme  l'eau. 

Boi.sEnx,  BoisEDSE.  Adj.  Qui  est  de  nature  de 
bois,  dil  l'Académie.  Les  naturalistes  disent  H- 
gneux.  L'un  el  l'autre  ne  se  met  qu'après  son 
subst. 

BoiTEDx,  BoiTEcsE.  Adj.  Pascal  a  appelé  un 
esprit  mal  fait  vîi  esprit  boiteux.  {Pensées,  1" 
part.,  an.  vin,  §  11.)  Il  ne  faut  pas  l'imiter  en 
cela  ;  mais  il  y  aurait  trop  de  sévérité  à  reprocher 
à  Delille  d'avoir  dit  dans  sa  traduction  de  VÉ- 
néide  : 

Tel  le  vaisseau  boiteux  se  traînait  avec  peine. 

Bombe.  Subst.  f.  On  dil  la  bombe  a  crevé,  pour 
exprimer  l'action  ;  el  la  bombe  est  crevée,  pour 
exprimer  l'état.  Voltaire  a  dil  .• 

On  entendait  gronder  ces  bombe$  effroyables, 
Pes  troubles  de  la  Flandre  enfants  abominables. 
(Henr.,  VI,  199.) 

Bon,  Bon.ne.  Adj.  Meilleur  csl  le  comparatif 
de  bon  :  Ceci  est  bon,  mais  cela  est  meilleur.  Ce 
comparatif  est  \>o\\v  plus  bon,  qui  ne  se  dit  pas, 
si  ce  n'est  dans  celle  phrase  :  //  n'est  plus  bon  à 
rien,  qui  veut  dire  il  n'est  plus  propre  à  rien,  il 
ne  vaut  plus  rien.  Mais  alors  plus  n'a  pas  le  sens 
comparatif.  Cependant  on  dit  moins  bon,  aussi 
bon.  Voyez  Comparatif. 

Cel  adj.  se  met  toujours  avant  son  subsl.,  lors- 
qu'il n'est  pas  accoin|)agné  d'autres  adjectifs  : 
Un  bon  homme,  une  bonne  femme,  du  bon  vin. 
Quand  je  dis  accom[)agné  d'aulres  adjectifs,  on 
sent  bien  que  j'en  cxccplc  les  prépositifs;  mais 
quand  il  y  a  plusieurs  adjectifs,  il  peut  se  mettre 
avant  ou  après  :  Un  bon  et  brave  homme,  un 
homme  brave  et  généreux.  On  peut  ai*si  le  met- 
tre après,  lorsqu'il  est  précédé  d'un  adverbe  ;  Du 
vin  très-bon,  assez  bon,  extrêmement  bon,  etc. 

En  parlant  d'une  personne  dont  on  croit  tirer 
quelques  renseignements  utiles,  on  dil  elle  est 
bonite  à  entendre  ;  Cl  l'on  dil  aussi  dans  un  sens 
analogue  :  Cet  oiseau  est  bon  à  manger.  Mais 


BON 

quand  on  dit  d'une  personne  :  Il  est  bon  de  l'en- 
tendre, c'esl-à-dire,  il  est  convenable  de  1  en- 
tendre. 

Tout  de  bon  !  nu  commencement  d'une  phrase, 
est  une  espèce  d'inlcrjculion  :  7 ont  de  bon.' vous 
lui  avez  n pondu  cela?  c'est-à-dire,  est-il  liicn 
vrai  que  vous  lui  avez  repondu  cclaf  Dans  le 
cours  de  la  phrase,  tout  de  bon  est  adverbe,  et  si- 
gnilie  rcellemeiil,  il  se  fâcha  tout  de  bon.  Bon 
s'emploie  aussi  comme  adverbe  dans  un  autre 
sens  ;  Ces  /leurs  sentent  bon. 

BoNACE.  Subst.  m.  11  n'est  plus  du  style  noble. 

Bonasse.  Adj.  dos  deux  genres.  11  se  dit  des 
personnes  qui  ont  une  bonté  dont  la  simplicité 
ou  la  bclise  est  le  principe.  Il  est  familier,  et  se 
met  toujours  après  son  subst. 

BOiN-cHi-.r:TiEN.  Sulist.  m.  Sorte  de  poire.  Je  ne 
pense  pas  (pi'on  doive  dire  au  pluriel,  des  bons- 
chrétiens,  ne  rCil-ce  qu'a  cause  de  rOipiivoipie. 
On  dit  abusivement  au  singulier,  dans  queNpies 
cas  seuiciiieni,  du  bon-chrétien,  c"esl-à-(liie,  des 
poires  de  re>pcee  dile  bon-chrétien  ;  mais  \\  faut 
dire  au  |iluriel  des  poires  de  bon-chrétien.  C'est 
l'espèce  (lui  a  le  nom  de  bon-chrétien,  et  non 
pas  les  individus.  On  m'objectera  ])eut-élre  que 
Tondit  au  pluriel  des  reinettes,  quoique  ce  nom 
soit  destiné  à  sigiiilicr  une  espèce.  Mais,  outre 
qu'ici  il  n'y  a  point  d'équivoipic,  il  faut  obser- 
ver ([ue  ?-ej//ci/e  est  une  dénomination  positive 
et  absolue,  au  lieu  queio«  chrétien  n'est  qu'une 
signification  tirée  d'un  autre  objet.  On  dit  propre- 
ment uuc poire  de  bon  chrétien:  cc  n'est  ([ue  par 
abus  qu'on  dit  du  bon-chrétien  ;  et , l'on  ne  peut 
jamais  dire  en  ce  sens  tin  bon-chrétien  comme  on 
dit  une  reinette.  11  serait  ridicule  de  dire  :  J'ai 
mangé  un  bon-chrttien,  ou  j'ai  manyé  des  bons- 
chrétiens.  On  dit  U7ie  prune  de  vionsieur,  et  si 
quelques  personnes  disent  par  abus  c/«  monsieur, 
il  n'en  faut  pas  conc)"re  qu'on  puisse  dire,  pour 
désigner  ces  p.-iuies,  un  monsieur,  ou  des  mon- 
sieiirs,  ou  des  messieurs.  On  ne  dit  p.is  p\usj'ai 
manyé  des  hons-chretiens,  pour  dire  j'tn  mangé 
des  poires  de  bon-chrétien,  qu'on  ne  dit /'«;.' 
mangé  des  messieurs,  pour  dire  j'ai  yn ange  des 
prunes  de  monsieur.  Voyez  Composé. 

Bond.  Subst.  m.  le  d  ne  se  prononce  pas. 

BoNDin.  Y.  n.  de  la  2'  conj.  Dclillc  a  appliqué 
ce  mot  à  la  danse. 

Tantôt  leurs  pieds  légers,  sur  de  riants  gazons. 
Bondissent  en  cadence  au  doux  bruit  des  cliansons. 
[Éniidc,  YI,  861.) 

Bondissant,  Bondissante.  Adj.  verbal,  tiré  du 
V.  bondir.  En  prose,  il  suit  toujours  son  subst. 

Bonheur.  Subst.  m.  On  ])rononcc  bo-neur.  Dans 
Je  sens  d'état  heurei/.v,  il  n'a  point  de  pluriel.  On 
ne  dit  pas_;'e/a"/<?  vos  bonheurs,  niaisj'e/;r/c  vtlre 
bonheur.  Dans  le  sens  d'événement  heurcu.v,  il  a 
un  pluriel  :  Il  nous  est  arrivé  plusieurs  bonheurs 
en  un  jour.  On  ne  dit  pas  par  bonheur  que.  L'A- 
cad(îmie  donne  pour  exeuqile  :  Il  arriva  par 
bonheur  pour  lui  que...;  mais,  dans  celte  phrase, 
que  est  régi  par  il  arriva,  et  non  par  bonheur. 

Le  bonheur  vient  du  dehors,  dit  Voltaire,  c'est 
originairement  une  bonne  heure  ;  la  fvlicité csl  l'é- 
tat permanent,  du  mi  uns  pour  (iuelque  temps,  d'une 
âme  conlenie,  et  cet  état  est  bien  rare  ;  un  bonheur 
vient,  on  a  un  bonheur  ;  mais  on  ne  penl  dire  il 
m'est  venu  une  félicité,  j'ai  eu  une  félicité  ;  et 
<luandon  dit  cet  homme  jouit  d'une  félicité par- 


noo 


07 


faite,  une  alors  n'est  |)as  pris  nnm.«rJquon,.  i,t 
et  siginhe  seulement  qu'on  croit  (pic  sa  félicit.1 
est  parfaite.  On  peut  avoir  un  b„nl,cur  sans  élri- 
heureux;  un  homme  a  en  le  ImnI.enr  dVrham>er 
a  un  piégc,  cl  n'eu  est  quelqmfui.  ,,„o  plus  mal- 
heureux ;on  ne  peut  pas  dirc.le  lui  ,|,i-,l  '.oprouvo 
la  tvhcitc.  Il  y  a  encore  de  la  dirrérem-e  ei'iic  «. 
bonheur  Cl  le  bonheur,  (liiïeience  que  le  mol  fi- 
licite  n'admet  |)oinl.  Un  bnnhcr  csl  un  événe- 
ment heureux,  l.c  bonheur,  pris  indrlinimciu 
signilieunc  suite  de  ces  événemcnls.  l.p  phiisir 
est  un  sentiment  agréable  et  p;issaL'cr;  le  bon- 
lieiir,  consiilcré  comme  senlimenl,  est  une  suite 
de  plaisirs,  la  prospérité  une  .suite  d'heureux  évé- 
nemenis,  la  l'éliciié  une  jouissance  intime  de  la 
|irospérilè.  On  a  dit  cpie  le  bonheur  csl  pour  les 
riches,  la  félicité  pour  les  sases,  la  bealimde 
pour  les  pauvres  d'esprit  ;  inaisîe  bonheur  parait 
plulôi  le  pariage  des  riches  .pi'il  ne  l'est  en  effet, 
ella /"e/iW/t/esi  unélal  doiil  on  parle  jibis  (|u'on 
ne  l'éprouve.  Ce  mot  ne  se  dit  L-uére  en  jirose  au 
l)luriel,  par  la  raison  <pie  c'est  un  ctai  de  l'âme 
comme  Irampiilliie,  sagesse,  repos;  cependant  la 
poésie,  <pii  s'élève  au-ilcssus  de  la  prose,  permet 
que  l'on  dise  ddn^Polyeucte  (act.  IV,  se.  v,  11) 

Ou  leurs  félicitét  doircut  être  iaCnies. .  . 

Et  dans  Zaïre  (act.  I,  se.  i,  77)  : 

Que  vos  félicités,  s'il  se  peut,  soient  parfaites. 

Bonhomme.  Subsl.  m.  On  prononce  bo-nhomioe. 
Il  se  dit  d'un  homme  dont  la  bonlé  semble  avuir 
pour  i>i'incipe  la  rimplieilé  ou  la  faiblesse  11  n"a 
lioint  de  pluriel.  On  dit  (pichpiefois  en  parlant 
d'un  enfant  :  Un  petit  bonhomme,  le  petit  bon- 
homme. 

Bonhomie.  Subst.  f.  On  prononce  bo-nnmie  II 
est  familier,  et  ne  se  prend  pas  toujours  en  mau- 
vaise part  comme  bonhomme.  On  dit  j'aime  .ia 
bonh(>mie.  On  dit  cette  femme  a  beaucoup  de 
bonhomie,  et  je  crois  <iu'on  dit  mal;  car  le  mot 
bonhomie  n'a  aucun  rapport  au  sexe. 

Bonnement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Il  est  convenu  bonnement, 
ou  il  est  bonnement  conrenu  du  fuit. 

Bonnetade  Subst.  f.  l.'Acadeinie  le  définit, 
coup  de  bonnet,  révérence.  Je  doute  qu'on  fût 
entendu  aujourd'hui  si  Ton  scser\ait  de  ce  mot. 
Il  faut  en  dire  autant  du  verbe  bonneler,  cpii,  se- 
lon l'Académie,  signifie  rendre  d(;s  resjx'Cts  et  des 
devoirs  assidus  à  des  [lersonncs  dont  on  a  besoin 
Il  faudrait  ôler  de  nos  Diclioniiaiies  ces  sortes  de 
mois,  (|ui  peuvent  induire  les  étrangers  en  erreui 
et  leur  faire  dire  et  écrire  des  phrases  ridicules. 
—  Kégnier  a  dit  (sat.  VIII,  173)  : 

Voyant  un  président,  je  lui  parle  d'.ifrdirc; 
S'il  avait  des  procès,  qu'il  était  nécessiiro 
D'être  toujours  après  ces  messieurs  bonncttr. 

Bonté.  Subst.  f.  Dans  le  sens  do  qnalilé  bonne 
ou  mauvaise  d'une  personne  ou  d'une  elio.se,  il  ne 
s'emploie  qu'au  singulier;  mais  lorsqu'il  exprime 
les  actions  particulières  que  l'on  fait  pi)iir  obliger 
il  se  met  très-souvent  au  pluriel  :  Je  suis  bien  rer 
connaissant  de  toutes  vos  bonti'S. 

BoQuiLLON.  Subst.  m.  Vieux  mol  qui  signifie 
bûcheron,  et  qui  a  encore  été  agréablement  eiTV 
ployé  par  La  Fontaine.  (Cli.  iNodicr,  Exumt^ 
critique  des  Dict  ) 


98 


BOT 


Borax.  Subsl.  m.  A"  se  prononce  comiucVs, 
biiracs . 

Bord.  Subsl.  m.  Le  <f  nese  prononce  pas. 

Boréal,  Boréale.  A<lj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subsl.  :  Pôle  boréal; aurore  boréale.  Ce  mol  n'a 
point  (Je  pluriel  au  masculin  ;  mais  on  dil  forl  bien 
des  aurores  boréales. 

"^RONi;.  Adj.  des  doux  genres el  subsl.  Fcraud 
prétend  qu'en  parlant  des  personnes,  il  ne  se  dit 
que  subslantivenienl.  On  dit  pourtant  bien,  ce  me 
semble,  cet  homme  est  borgne;  cette  femme  est 
borgne;  et  je  crois  qu'on  dit  aussi,  en  parlant 
d'une  femine,  elle  a  un  mari  borgne,  et  d'une 
mère,  elle  a  un  enfant  borgne. — Subslantivenienl, 
ce  mol  ne  se  dil  point  des  animaux.  Un  cheval 
borgne,  un  chien  borgne.  —  Cet  adj.  suit  toujours 
son  su  bst . 

Borgnesse.  Subsl.  f.  C'est,  dit  rAcadémie,  un 
terme  bas  cl  injurieux.  11  fallait  donc  le  laisser  au 
Dictionnaire  des  halles. 

Borne.  Subsl.  f.  Voltaire  a  pris  ce  mot  dans  un 
sens  fi^'uré,  lorsqu'il  a  dil  dans  j)/a7io?ne/  (act.  I, 

se.  I,  e'y)  : 

Ce  n'est  pas  qu'à  mon  âge  aux  bornes  de  \\  vie. 

^t  dans  0;es/e  (act.  I,  se.  m,  11)  : 

Peut-élre  que  je  touclie  aux  bornes  de  nia  vie. 

Borné,  BoRNÉi..  Adj.  Il  suit  toujours  son  subst.  : 
f/îi  esprit  borné,  une  fortune  bornée. 

BoRNOïER.  V.  n.  de  la  1"^  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  on  conserve  l'y  qui  est  dans 
l'inOnilif,  exccpto  avant  e,  es,  ent:  Je  bomoie,  tu 
bornoies,  ils  bornaient,  je  bornoierai,  etc. 

Bosquet.  Subst.  m.  Le  i  ne  se  prononce  pas. 

Bosseler.  V.  a.  de  la  i'"  conj.  Dans  la  conjugai- 
son de  ce  verbe,  on  double  la  lettre  l  toutes  les  l'ois 
qu'elle  est  suivie  d'un  e  muet  ou  du  son  d'un  e 
iQuel  :  Je  bosselle,  tu  bosselles,  ilbosselle,  ils  bos- 
sellent ;  je  bossellerai,  etc. — L'Académie  dil  que 
bosseler  se  dil  des  bosses  qui  se  l'ont  par  accident 
a  une  pièce  d'arijenierie.  C'est  une  erreur.  Elle 
confond  bossuer  i\ycc  bosseler.  Bosseler,  c'est  tra- 
vailler en  bosse  sur  de  la  vaisselle  d'or  pu  d'ar- 
gent. Bossuer,  c'est  faire  des  bosses  à  de  la  vais- 
selle d'or,  d  argent,  d'clain,  en  la  laissant  tomber, 
ou  de  quclipie  autre  manière. —  Dans  son  édition 
de  1835,  rAcad»''mie  s'exprime  ainsi  :  «  Bosseler 
ie  dil  (piebpicfois  dans  le  sens  de  bossuer,  cl 
dors  on  l'emploie  surtout  avec  le  pronom  |)erson- 
lel  :  Cette  écuelle  s'est  bosselée  en  tombant.  » 

BossD,  Bossue.  .4dj  Fèraud  prétend  qu'en  par- 
iant des  personnes,  on  ne  l'emploie  guère  adjcc- 
Uvemcnl.  Cependant  on  dil  cet  homnw  est  bossu, 
fette  femme  est  bossue ,  elle  a  un  enfant  bossu. 

Bossuer.  V.a.  delà  l^conj.  \oyez  Bosseler. 

Bot.  Adj  qui  n'a  point  de  féminin.  Le  i  ne  se 
prononce  pas.  Jvoir  un  pied  bot.  On  dil  aussi 
i'une  personne  qui  a  celle  difformité,  c'est  un 
pied-bot. 

Botteler.  'V.  a.  de  la  i"  conj.  Dans  la  conju- 
çaison  de  ce  verbe,  on  double  la  lettre  l  toutes  les 
fuis  qu'elle  est  suivie  d'une  muet  ou  du  son  d'un 
e  inucl  :  Je  bottelle,  tu  bottellcs,  il  bottelle,  ils  bot- 
tellent;  je  bottellerai,  etc. 

Botter.  V.  a.  de  la  l'"'  conj.  L'Académie  dit 
que  c'est  faire  des  bottes;  el  elle  donne  pour 
exemple,  quel  est  le  cordonnier  qui  vous  botte? 
Le  Sens  propre  du  mot  botter,  c'est  chausser  des 
boites.  On  dil  par  extension,  quel  est  le  cordon- 


BOU 

nier  qui  vous  botte  comme  on  dit  quel  est  la 
tailleur  qui  vous  habille?  .Mais  il  ne  s'ensuit  pas 
de  là  i]Ue  fai.-e  des  bottes  et  botter,  faire  des  ha- 
bits et  habiller,  soient  des  expressions  synony- 
mes. 

Bouc.  Subst.  m.  On  prononce  le  c.  L'Académie 
dit  qu'on  appelle  barbe  de  bouc  la  barbe  d'un 
homme  qui  n'en  a  (ju'au  menton;  et  elle  donne 
pour  exemple,  il  a  une  barbe  de  bouc,  une  vraie 
barbe  de  bouc.  On  a  remanpic,  avec  raison,  qiï'une 
vraie  barbe  de  bouc  e^l  la  barbe  d'un  vrai  bouc. 

L'adjoclif  rrai,  vraie,  ne  peut  être  donné  pour 
épithéleà  un  substantif  employé  métaphorique- 
ment, sans  détruire  la  métaphore  même. 

^'ollaire  a  dit  dans  ses  Remarques  sur  Cor- 
neille :  Les  termes  les  plus  bas  emi)|i)yés  à  propos 
s'ennoblissent.  Racine,  à:ms  Aihalie,  se  sert  des 
mots  de  bouc  et  ûe  chien  avec  succès. — Il  faut  re- 
marquer ici  que,  par  termes  bas.  Voltaire  n'en- 
tend pas  les  termes  obscènes  et  malhonnêtes,  mais 
seulement  ceux  qui  ne  paraissent  pas  propres  à 
être  employés  dans  la  poésie  et  le  discours  ora- 
toire. Bouc  el  chien  ne  sont  des  termes  bas  qu'en 
ce  sens;  ce  ne  soni  pas  des  ternies  populaires, 
car  les  gens  les  plus  instruits  et  les  mieux  élevés 
sont  souvent  obligés  de  s'en  servir. 

Bouche.  Subsl.  f.  \o\C7.  Parties  des  animaux. 
— Dans  les  mois  bouche,  bouchée,  boucher,  bou- 
chère, boucherie,  la  syllabe  bou  e>l  brève,  au  lieu 
qu'elle  est  longue  dans  boucher,  verbe. 

Bouche-trou.  Subst.  m.  11  fait  au  pluriel  des 
bouche-trous.  [Giammaire  des  Grammaires, 
p.  491.) 

Bougon.  Subst.  m.  Morceau  empoisonné.  — 
Donner  le  boucon,  dit  l'Académie,  n'est  autre 
chose  qu'empoisonner. — C'est  un  vieux  mot  qui 
n'est  plus  usité  aujourd'hui.  On  disait  autrefois 
mystérieusement,  et  en  parlant  des  gens  qu'on  ne 
voulait  pas  traiter  ouvertement  d'empoisonneurs: 
//  lui  a  dor.r.é  le  boucon,  ils  lui  ont  donné  le  bou- 
con. On  parle  plus  franchement  aujourd'hui;  et, 
(luelle  que  soit  la  dignité  de  la  personne,  on  dit  : 
Jl  l'a  empoisonné,  OU  il  Vu  fait  empoisonner . 

Boudeur,  Boudeuse.  Adj.  En  prose  il  ne  se  met 
qu'après  son  suhsl.  :  Un  enfant  boudeur,  humeur 
boudeuse.  En  vers,  on  pourrait  dire,  cette  bou- 
deuse humeur. 

Boue.  Subsl.  f.  L'Académie  dit  que  c'est  la 
fange  des  rues  el  des  chemins;  or  on  sait  que  la 
fange  est  de  la  boue  presque  liquide.  Donc,  selon 
l'Académie,  quand  la  boue  n'est  pas  presque  li- 
quide, ce  n'est  plus  delà  bouc;  l'Académie  ne 
nous  dil  pas  ce  que  c'est. 

Selon  l'Académie,  payer  les  boues  et  les  lan- 
ternes signifiait  autrefois  payer  la  taxe  qui  esl  im- 
posée pour  renlévemenl  des  boues  el  l'entretien 
des  lanternes.  On  a  remarque  avec  raison  que 
celte  expression  pouvait  s'être  introduite  dans  les 
bureaux  de  la  ville;  mais  que  les  académiciens 
devaient  dire  payer  pour  les  boues  et  les  lan- 
ternes. 

Boueux,  Boueuse.  Adj.  Il  suit  toujours  son 
subst.  :  Chemin  boueux,  rue  boueuse;  écriture 
boueuse,  estampe  boueuse. 

Bouffant,  Bouffante.  Adj.  verbal,  tiré  du  v. 
bouffer.  Il  se  met  toujours  après  son  subst.  :  Une 
étoffe  bouffante,  une  garniture  bouffante. 

Bouffissure.  Subsl.  f.  La  bouffissure  du  style 
est  le  défaut  du  style  ampoulé. 

Bouffon,  Bouffonne.  Adj.  Il  peut  se  mstCre 


BOU 

avant  sonsubst.  On  AU  c'est  vn  bouffon  person- 
nage, dans  sa  hiuffonne  humeur;  cl  en  vers  : 

Aux  accents  insolents  d'une  boufj'onne  joie 
La  sagesse,  l'esprit,  l'Uonnenr,  furent  en  proie. 

(BoiL.,  A.  P.,  111,  339.) 

On  l'emploie  aussi  subslanlivemciit.  L'Acadé- 
mie déliiiil  irés-mal  ce  mol;  c'esl,  dil-cllc,  un 
personnage  de  tliéâlrc  dont  l'emploi  est  de  faire 
rire. — Tous  les  actcui-sde  comédie  dont  l'emploi 
est  de  faire  rite  ne  sont  pas  |)Our  cela  des  bouf- 
fons. Celui  qui  joue  le  rôle  de  Tartufe  fait  rire, 
sans  faire  de  bouffonneries.  —  On  entend  par  ce 
mot  un  farceur,  un  jongleur,  tout  hoiinnc  (]ui 
fait  inélier  d'amuser  la  populace  par  des  plaisan- 
teries basses  et  grossières. 

BooGEi;.  \.  n.  de  la  l"  conj.  Dans  ce  verbe,  le 
ç  doit  toujours  avoir  la  prononciation  duj;  el, 
pour  lui  conserver  celle  prononciation  (!?,:is  les 
temps  où  il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  il  faut 
ineUre  un  e  muet  avant  cet  a  ou  cet  o  :  Je  hfntgcais, 
nous  bougeons,  et  non  pas  je  hougais,  nous  bou- 
gons. L'Académie  dit  qu'on  s'en  sert  plus  ordi- 
nairement avec  la  négaiive;  elle  aurait  dû  ajouter 
que  dans  les  phrases  négatives  où  il  est  employé, 
on  supprime  pas.  Je  ne  bougerai  de  là.  Il  ne 
bouge  de  cette  jnaison. — Dans  son  édition  de  'J83o, 
l'Académie  admel  il  ne  bouge  de  cette  maison, 
mais  elle  donne  aussi  les  exemples  suivants  :  Il  ne 
b ivge  pas  du  cabaret;  il  ne  bouge  pas  d'auprès 
de  cette  femme.  Girault-Duvivior  dit  que  c'esl 
dans  le  style  familier  qu'on  supprime  pas  après 
le  verbe  bouger. 

Bouillant,  Bouillame.  Adj.  verbal,  tiré  du  v. 
bouillir.  On  mouille  les  l.  Au  propre,  il  suit  son 
subst.  Au  ligure,  il  peut  le  précéder  dans  certains 
cas  :  La  bouillante  jeunesse,  dans  sa  bouillante 
colère;  el  en  vers  : 

La  bouillante  jeunesse  est  facile  à  séduire. 

fVoLT.,  Brut.,  act.  I,  se.  IV,  68.) 

On  dit  bouillant  de  colère. 

Guise  était  à  leur  tête,  et,  bouillant  de  colère. 
Vengeait  sur  tous  les  miens  les  mânes  de  son  père. 
(H«ir.,  II,  Ï53.) 

Bouilli,  Bouillie.  Adj.  Il  se  met  toujours 
après  son  subsl. 

Booillir.  V.  n  et  irrégulier  de  la  2*  conj. 

Indicatif. — Présent.  Je  bous,  tu  bous, il  bout; 
Lous  bouillons,  vous  bouillez,  ils  bouillent.  Im- 
parfait. Je  bouillais,  tu  bouillais,  il  bouillait; 
nous  bouillions,  vous  bouilliez,  ils  bouillaient. 
Passt':  simple.  Je  bouillis,  lu  bouillis,  il  bouillit; 
nous  bouillimes,  vous  bouillîtes,  ils  bouillirent. 
Futur.  Je  bouillirai,  tu  bouilliras,  il  bouillira; 
nous  bouillirons,  vous  bouillirez,  ils  bouilliront. 

Condilionnel.  —  Présent.  Je  bouillirais,  tu 
bouillirais,  il  bouillirait;  nous  bouillirions,  vous 
bouilliriez,  ils  bouilliraient. 

\wp(mV\^.— Présent.  Bous,  qu'il  bouille;  bouil- 
lons, bouillez,  qu'ils  bouillent. 

Subjonctif.— P/tscH^  Que  je  bouille,  que  lu 
bouilles,  qu'il  bouille;  que  nous  bouillions,  que 
vous  bouilliez,  qu'ils  bouillent.  Imparfait.  Que 
je  bouillisse,  que  tu  bouillisses,  qu'il  bouillit; 
que  nous  bouillissions,  que  vous  bouillissiez , 
qu'ils  bouillissent. 

Parlicipe.  —  Présent.  Bouillant.  —  Passé. 
Bouilli. 

Ce  verbe  s'emploie  ordinairement  aux  troisiè- 
mes personnes.  Pour  le  rendre  actif  el  l'employer 
à  toutes  les  personnes,  on  se  sert  des  temps  du 


BOU 


'J9 


verbe  faire  joints  à  l'inlinitif  iouj//;;- :  Je  fui.i 
bouillir,  tu  faisais  bouillir  ;  nous  ferons  bouil- 
lir, etc.  On  dil  aussi  l'eau,  lo  lait  commence  a 
bouillir. 

Condillac  el  M.  de  Wailly  mellenl  au  futur 
je  bouillirai  ou  je  louillcrai  ;  et  au  conditionnel 
je  bouillirais  ou  je  bouillerais ;  mais  le  dernier 
n'est  pas  usité. 

Bouilloire.  Subsl.  f.  On  mouille  les  Z. 

BoDiLLON.  Subst.  m.  On  mouille  les  Z. 

Déjà  leurs  nefs,  perù.\nl  l'aspect  de  la  Sicile, 
Voguaient  à  pleine  voile,  cl  de  Ponde  docile 
Fendaient  d'un  cours  heureux  les  6our!(on«  écumanti. 
[Delil.,  Ènéiâ.,  I,  57.) 

Bouillonnant,  BoriLLO>iNANTE.  Adj.  verbal , 
lire  du  V.  bouillir.  Un  sang  bouillonnant. 

Aux  sables  bouillonnant»  l'onde  livre  la  guerre. 

(Dblil.,  Ênéid.,  I,  158.) 

Bouillonner.  V.  n.  de  la  \"  conj  II  s'emploie 
figurément.  En  voici  des  exemples: 

La  lionle,  la  colère, 

La  fureur  d'un  héros,  le  désespoir  d'un  père, 
El  la  vengeance  avongle,  et  la  folle  douleur, 
CouiI(onnen(  à  la  fois  dans  le  fond  de  son  coeur. 

(Deul.,  Ênrtd.,  X,  12U.) 

Bocledx.  Subsl.  m.  L'Académie  dil  qu'on 
l'emploie  pour  signilior  un  cheval  trapu  et  qui 
n'est  propre  qu'à  des  ouvrages  de  fatigue.  Celte 
explication  n'est  pas  exacte.  On  dit  d'un  cheval 
qui  chemine  bien,  (]u'z7  est  bon  bouleux,  el  il 
n'est  pas  nécessaire,  pour  qu'on  se  serve  de  cette 
expression,  que  ce  cheval  soit  irapu;  de  môme 
qu'on  dit  d'un  homme  qui  est  bon  piolon,  qu'il 
chemine  bien,  sans  égard  à  sa  taille  et  a  sa  gros- 
seur. 

BouQUER.  V.  a.  de  la  l'^conj.  C'esl  un  terme 
populaire.  —  Regnard  a  dil  dans  le  Légataire  (acl. 
II,  se.  XI,  39)  : 

Moi  seul  j'ai  fait  bouquer  toute  la  Faculté. 

Bouquet.  Subst.  m.  Terme  de  belles-lcl'res.  On 
nomme  ainsi  une  pelilc  pièce  de  vers  ad  "î-ssôc  à 
une  personne  le  jour  de  sa  fête.  C'e-t  le  plus  sou- 
vent un  madrigal  ou  une  chanson.  Lecaraiière 
de  cette  sorte  de  jioésie  est  la  délicatesse  ou  la 
gaieté.  La  fadeur  en  esl  le  défaut  le  plus  ordi- 
naire, comme  de  toute  espèce  de  louange.  (Mar- 
montel.) 

Bourbeux,  Bourbeise.  Adj.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst.  :  Eau  bourbeuse,  rivière  bour- 
beuse. 

Bourde.  Subst.  f  On  lit  dans /e  Menteur  un 
Corneille  (acl.  lil,  se.  v,  78)  : 

Appelez-moi  grand  fourbe  et  grand  douneur  de  bourdc:>. 

Celle  expression,  dil  Voltaire,  esl  aujourd'hui  un 
peu  basse.  Flic  vient  de  l'ancien  mot  bourdeler, 
bordeler,  qui  signifiait  se  réjouir.- 

BouuDER.  y.  a.  de  la  \"  conj.  L'Acîidànie  a 
mis  ce  mot  dans  son  Dictionnaire;  mais  il  n'est 
plus  usité,  même  parmi  le  peuple,  li  en  esl  de 
même  de  bourdeur. 

Bourgeois.  Subsl.  m  Corneille  a  dil  dans  Ni- 
cffmède  (acl  I,  se.  n,  47)  : 

Et  ne  savcî-vons  plu5  qu'il  n'est  princes  ni  rois 
Qu'elle  daigD*  égaler  à  «es  moindres  bourgeoit  • 


iOO 


BOU 


L'c\']UCS6ion  de  hmirqeois,  dil  ^■ollaire,  est 
bfinnio  (In  slyli^  iiolilc  D:ms  vin  Él;il  monarchi- 
que vn  bvrgenis  est  un  homme  du  commun. 
(Jicmarqiies  sur  Curncille.) 

Boiiigenis  so  |ii('hii  aussi  adjectivement,  et 
alors  il  ne  so  met  iin'après  son  subst.  :  Un  air 
bourgeois,  ihs  riinnièrps  b  xirgcoiscs. 

Bour.OF.oisKMi  NT.  Adv.  Une  se  met  guère  qu'a- 
près le  vcrhc  :  Il  II  tni'jmirs  vi'cvhnurijeniscmciit. 

Bour.nviMK.  Sulisl.  1".  L'Acadcmie dit  que  c'est 
une  pianio  poiaiière  propieà  tempérer  i'àcrclé  du 
sansj  01  delà  liilc.  I. 'Académie  aurait  dû  substi- 
tuer vièdiciile  à  pntaqcic. 

Bocnr.Ki  K.n.  \  .i\.  «le  la  1"  conj.  Il  ne  s'emploie 
qu'au  (i;:uié.  1  oi-S(p:o  dans  ce  \ erl)e  la  lettre  /  est 
suivie  d'un  c  muei,on  met  un  accent  grave  sur  l'e 
qui  la  précède  :  La  conscience  bourrelé  les  7né- 
chants  (Acad.) 

BoinRo,  BuLT.ncF..  Adj.  11  se  met  toujours 
après  son  sulist.  :  Un  homme  bourru,  v?i  esprit 
bourru,  une  Innneur  bmirruc 

Bour.SE.  Stiiisl.  f.  L'Académie  dit  qu'on  donne 
le  nom  de  bourse  à  deux  sacs  de  cuir,  qui  se 
mettent  des  deux  côlés,  au-devant  delà  selle  du 
cheval.  Ce  «pic  l'Académ  e  indique  par  cette 
description  se  woimwc  saciche. 

BoDr.fOL'FFi  É ,  Boc!;soi;fflée.  Adj.  Il  se  met 
aprcsson  subst.au  propre  et  au  figuré  :  Unvisage 
boursovfflè. 

On  appelle  style  boursovfflè,  un  style  formé 
de  grands  mots  vides  de  sens. 

BocsiLLEUR.  Subst.  m.  On  dil  bousilleuse  au 
féminin. 

BooT.  Subst.  m.  Le  t  ne  se  prononce  que  de- 
vant une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré. 

Mais  je  sens  que  bient&t  ma  doacenr  est  à  bout. 

(Rac,  Ath,,  acl.  II,  se.  V,  159.) 

Être  à  bout,  expression  familière,  mais  qui 
n'est  iK)int  déplacée  ici . 

Parii  est  plein  de  ces  pellls  houti  d'homme, 
Yiins,  fiers,  fous,  sols,  dont  le  caquet  m'assomme. 
(Volt.,  A'av.,  acl.  II,  se.  xii,  21.) 

Voyez  Fin. 

BooTATST.  Adj.  m.  Selon  l'Académie,  c'est  un 
terme  qui  a  le  même  sens  que  butant,  et  (jui  n'est 
d'usage  «pravec  le  mot  arc.  — On  a  icinaripié 
au  sujet  de  cet  article  que  boutant  était  auliefois 
le  participe  du  vcrlie  bovter;  cl  (juc  i(/<a/i/ était 
le  participe  du  verbe  buter;  (]uc  l'un  de  ces 
mots  ne  se  <lil  |)as  jjour  l'autre,  comme  l'avance 
rAcadéuiio,  et  que  chacun  dcics  vcibes  a  sa  si- 
gnification propre.  Ce  «pii  est  boutant  appuie  |>ar 
un  bout;  ce  qui  est  butant  ajipuie  par  sa  masse. 

BooTE-EN-rr.AiN.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  pioiul 
point  de  s  au  pluriel  :  Des  bnute-en-train.  11  si- 
gnifie dos  Iiumuics  qui  l)oulcnt,  c'csl-a-dire  cpii 
mettent  les  autres  en  train;  cl  dans  cctlc  plira-e, 
ni  le  vcriiC  Ixtutn,  ni  l'expression  en  train,  ne 
peuvent  prcnilrc  un  s  On  dit  mettre  les  autres  en 
train,  et  non  pas  en  trains. 

Boi;te-fi;u.  Subsi.  m.  L'Académie  met  au  plu- 
riel </<?s  bt'ulc-fcux.  Mais  ce  mol,  coinjiosé  du 
verbe  bouter  cl  du  subsiaulif /i7^^  ne  iicut  ad- 
mettre le  signe  du  iduricl.  On  ne  peut  mcitieun 
i  à  boute,  qui  est  un  verbe;  on  ne  peut  [las  mettre 
Un  j  à  f:-u;  car  des  boute-feu  signifie  de  gens 
qui,  de  des>ein  prémédité,  boutent,  ou  mettent  le 
feu,  et  non  jias  \cf.feux. 

BocTF.-uoRs.  Subst.  m.,  composé  du  verbe 
bouter  et  ae  la  préjiosition  hors,  prise  adverbia 


BRA 

Icment.  Or,  comme  ni  le  verbe  ni  1  adverbe  ne 
peuvent  prendre  la  manpie  du  pluriel  affectée 
aux  substantifs  et  aux  adjectifs,  il  faut  écrire  des 
boute-hors  Ici  hors  ne  prend  un  s  que  parce 
qu'il  se  trouve  naturellement  à  la  fin  de  ce  mol. 

Bodte-sf.llk.  Subst.  m.  Ce  mot  comiiosé  signi- 
fiant le  signal  ipie  l'on  donne  avec  la  trompette 
pour  avertir  la  cav;dcrie  de  seller  les  chevaux, 
ne  prend  point  de  s  au  pluriel. 

*  BoiiTE-TOUT-ccir.E  Subsl.  m.  On  doit  dire  au 
pluriel  des  b  utc-tout-cuire,  car  on  ne  peut  don- 
ner le  signe  ilu  |)liuicl,  alïecté  au  siibsianlif  el  a 
ladjectif,  ni  à  boute  ni  à  cuire,  qui  sont  deux 
verbes. 

*  BocT-sAiGNEDX.  Subst.  m.  On  doit  dire  au 
pluriel  des  bouts-saigneux,  parce  que  boutasi  un 
substantif  susceptible  de  prendre  la  marque  du 
pluriel. 

BotTS-r.iMÉs.  Subst.  m.  plur.  On  doit  donner 
un  s  à  bout  et  à  rhné,  parce  que  ce  mot  est  com- 
posé d'un  subsianlil'  et  d'un  adjectif,  qui,  selon 
la  règle  générale,  doivent  s'accorder  en  genre  et 
en  nombie. 

Ce  sont  des  rimes  disposées  par  ordre  «lu'on 
donne  à  un  pucle  pour  les  remplir.  Les  bottts- 
riniés  sont  aujourd'hui  abandonnés  aux  mauvais 
poêles. 

Brachial,  BRAcniw.E.  Adj.  On  prononce  bra- 
kial.  11  fait  au  pluriel  brachiaux.  Muscle  bra- 
chial, artère  brachiale,  ncrfi,  brachiaux. 

Braif..  Subst  f.  L'Académie  dit  que  c'est  un 
linge  dont  on  enveloppe  le  derrière  des  enfants. 
—  Braie  est  un  vieux  mot  (pii  signifie  caleçon, 
culotte,  et  que  'l'on  a  ensuite  mis  seulement  au 
pluriel.  On  dit  encore  sortir  d'une  affaire  les 
braies  nettes,  pour  dire  s'en  tirer  heureuse- 
ment. 

Mais  braie  ne  signifie  point,  comme  a  dit  l'A- 
cadémie, un  linge  dont  on  enveloppe  le  derrière 
des  enfants.  Les  linges  dont  on  enveloppe  les 
enfants  sont  nommés  les  uns  lances,  les  autres 
couches.  Aucun  des  linges  qui  composent  une 
layelte  n'est  nommé  braie. 

Braillard,  Braillardf,Brailleiir,Braillecse. 
Adj.  L'Académie  n'indique  pas  bien  clairement 
la  différence  qu'il  y  a  enlre  ces  deux  mots.  Cette 
diirérence  consiste,  je  pense,  en  ce  que  le  pre- 
mier est  usiié,  el  <|ue  le  second  l'est  trés-[)eu.  Ils 
se  mctlent  après  leur  substantif. 

Braire.  V.  n.  cl  défectueux  de  la  4"  conj.  Il 
ne  s'emploie  ((u'a  l'inlinitif,  braire,  aux  troisiè- 
mes personnes  du  présent  de  l'infinitif,  il  brait, 
ils  braient; cl  aux  lioisièmes  personnes  du  futur 
et  du  coiiditiuimcl,  -il  bruira,  ils  brairont,  il 
brairait,  ils  brairaient. 

BRA^cHu,  BRA^cHUE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  substantif. 

BRA^DO.^s.  Subst.  m.  Téraud  dit  que  6ra«rfo« 
est  vieux  au  figuré.  11  cA  vrai  que  nos  poètes  di- 
sent/e  flainbcuri  de  Vuinour,  au  lieu  du  brandon 
de  l'amour.  Mais,  comme  le  dil  le  Dictionnaire 
de  l'Académie,  les  brandons  de  la  discorde,  vn 
brandon  de  la  guerre,  sont  usités  dans  le  style 
élevé. 

BR^^LA^T,  Branlante.  Adj.  verbal  tiré  du 
v.  branler.  En  prose,  il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  La  tète  branlante. 

Bras.  Subst.  m.  Le  jncse  prononce  qu'avant 
une  voyelle  ou  un  /t  non  aspiré.  Féraud  observe 
avec  raison,  je  crois,  que  se  jeter  dans  les  bras 
de  quelqu'un  est  mieux  dil  dans  le  sens  propre  <'l 
naturel;  et  que  se  jeter  entre  les  bras  de  quel- 
qu'un est  plus  convenable  au  figuré,  pour  dire 


BRA 

»e  mettre  sous  la  protection  de  quelqu'un,  im- 
plorer son  secours. 

On  dit  se  jeter  dans  les  bras  du  sommeil,  dans 
les  bras  du  repos,  dans  les  bras  de  l'amour. 

Et  bientôt,  fatigué  d'un  moment  do  réveil, 
Las,  et  se  rejetant  dans  les  bras  du  sommeil... 

(YOLT.,  Ucnr.,  m,  105.) 

".oligny  languissait  dans  le»  iras  du  repos. 

{Idem,  H,  179.) 

Mais  nourri  jusqu'alors  au  milieu  de  la  cour, 
Danf  le  «p.in  des  plaisirs,  da|M  les  bras  de  l'amour. 
■'      [Idem,  tu,  173.) 

Voltaire  a  dit  aussi  dans  les  bras  de  l'orgueil. 

Qu'un  vieu^  sultan  s'endorme  avec  l'ignominie, 
Dans  les  bras  df  l'orgueil  et  d'un  re|ios  fatal. 
Ses  bâchas  assoupis  le  serviront  fort  mal. 

[Hpltrc  XCVIII,  60.) 

Brassard.  Subst.  m   On  ne  prononce  pns  le  d. 

Brasser.  V.  a.  de  In  1"'  conj.  L'Acaiioinic  dit 
que  ce  mol  siirnillc  (i^'iircinciit  pralicpicr,  tra- 
mer, néïocicr  bccrèteiiicnl ,  et  (|u'il  ne  se  dit 
qu'en  maiiv.iisc  part.  —  11  est  vieux  en  ce  sens. 
On  ne  dit  \t\\is  brasser  vue  trahison,  brasser  quel- 
que chose  en  ut  re  l'Elut-  Ou  dit  tout  au  i)lus,  en 
parlant  de  quciipieiniriïiie  obscure  relative  à  des 
particuliers,  il  se  brasse  quelque  chose  ;  on  brasse 
quelque  chose  contre  vous. 

Bravade.  Subsl.  f.  Delille  a  dit  débiter  des 
bravades. 

Il  est  be.\u  de  vous  voir,  redoutable  en  paroles, 
Débiter  sans  péril  los  bravades  frivoles. 

{Enéide,  XI,  435.) 

Br.AVE.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met  tantôt 
avant,  tantôt  après  son  sulislanlif  :  suivant  (pi'il  est 
ainsi  placé,  sa  signiliL-ation  est  (inchpioroisdilTé- 
rente.  Un  brave  hu7nme  c^\.  un  lionnclc  lioininc  ; 
un  homme  brave  est  nu  iiomine  (|ui  a  de  la  bra- 
vu'are;  cependant  on  dit  dans  le  sens  de  bravoure, 
u/i  brave  cujntainc,  un  brave  soldat;  l'iinalogie 
qu'il  y  a  euire  ces  deux  mots  sauve  l'ccpiivociue. 

Brave,  dans  la  langue  du  i)euplc,  signilie  |(ro- 
pre,  bien  mis,  bien  paré  :  f^(,us  voilà  bien  brave, 
bien  paré,  en  parlant  d'une  iiersoime  du  peuple 
qui  ne  s'habille  p;is  pioprenient  tous  les  jours. 
En  ce  sens  il  suit  idujonrs  son  subsiautii". 

Féraud  prcleiul  (]ue  brave,  subst.,  s'emploie 
le  plus  souvent  au  iilurici,  et  qu'il  se  prend 
pres'jue  toujours  en  mauvaise  j)ari.  —  Brave 
Remploie  souvent  au  singulier.  C'est  un  brave; 
el  il  se  |)rciid  en  bonne  jiarl  :  Les  braves  de 
l'armée  française.  Ce  régiment  n'était  composé 
que  de  braves. 

8RAVE.MENT.  Adv.  Vaillamment  On  peut  le 
moltre entre  l'auxiliaireei  le  participe  :  Il  a  com- 
bat lu  bravement,  ou  il  a  bravement  combattu. 

Bravei!.  \  .  a  de  la  i"  conj.  Bacine  a  dit  bra- 
ver la  douleur,  braver  Vaversiou. 

Vous  triomphez,  cruelle,  el  bravez  ma  douleur. 

[Iphig.,  act.  Il,  se.  V,  55.) 

Que  pour  lui  des  Persans  bravant  l'aversion.  .  . 

[Esth.,  acl.  IV,  se.  I,  45.) 

Braverie.  L'Académie  définit  ce  mot,  macni- 
ficence  en  babils;  elle  dit  qu'il  est  du  slylefa- 
milier,  el  qu'il  vieillit.  Elle  aurait  pu  dire  ipi'il 
n'est  plus  usiié.  On  ne  dit  jilus  aujourd'hui  que 
des  femmes,  (\\\edes  enfants  aiment  la  braverie. 

Bravo.  Terme  emprunté  de  l'italien ,  espèce 


BRÉ 


101 


d  exclamation  pour  témoiïnor  son  approbation 
I  iwur  api-laudir    \.n  parlju.f, l'une  femuip,  on  de- 
vrait diic47-nrn.  On  fait  aussi  unsubstaïUir  de  ce 
j  mot.  Il  ne  devrait  poiiii  pioudre  de  s  ;ui  pluriel- 
j  cependant  plusieurs  .-luleurs  lui  en  dununil   un' 
—On  trouve  l'exeuiiilc  suiviuil  liiuis  Ui  I)iitii>n- 
[  vairedc  l'Académie,  publii;  en  1S.;5  :  6',,/,  dis- 
I  cours  fut  suivi  de  mille  bravos. 
I       Bravourk.  Sid»st.  r.  Qu;iliié  du  brave    I.'Aca- 
1  di  niie  dit  (lu'il  signifie  «lui-hpiefois  li-s  actions  de 
v.dcin-,  et  (pi'en  ee  sens  il  u'osi   d'usage  ipi'au 
pluriel  :  Jl  raconte  ses  bravoures  à  tout  mmiicnt. 
Si  ce  iriol  est  usité  eu  ce  sens,  it;  n'esi  que  dans 
le  style  nunilior.  —  Dans  i:i  dernière  édnion  de 
son  Dutionuaire,  l'Acadénue  reinaniue  (pie  ce 
sens  est  iieii  usité. 

Braytr.  V.  a.  lie  la  i"  conj  Dans  l;i  conju- 
gaison (le  ce  verbe,  ou  conserve  l'y  ipii  esi  dans 
rmliniiif,  excepié  devant  un  e  niiiei  ou  le  son  de 
IV  iiiuct  ;  Je  braic,  tu  braies,  il  bruit,  ils  braient; 
je  braicrai,  ote. 

Biîr.iiis.  Sub-t.  f  le  5  ne  se  iirononcc  pas.  On 
dit  brebis  comptées,  le  loup  1rs  maii//e;  à  brebis 
compt,  es  csluw  solécisme.  On  a  remaripu-  (pie  ce 
piuverlic  ne  signifie  pas,  coiiime  l'a  dit  l'Acadé- 
mie, (pie  les  iiîccaiilions  ne  gaianiisscnl  pasirètrc 
trompé,  ou  ipie  l'excès  de  piccauiion  csl  daime- 
rcn.v  ;  mais  (pi'il  veu!  dire  (prit  ue  surfit  pas  d'a- 
voir compté  ses  brebis  pour  savoir  les  conserver, 
Brècuk.  Subst.  f. 

Mais  gardez-vous  aussi  d'oublier  voire  faute; 
Et  comme  elle  fait  brëch'  au  pouvoir  suuierain. 

(CoRX.,  iVicom.,  acl.  II,  se.  ii,  43.) 

Cette  expression,  faire  brèche,  dit  Voltaire,  n'est 
pins  d'usage.  Ce  n'est  pas  (pie  l'idée  ne  soit  no- 
ble; mais  en  français,  toutes  les  fois  (jue  le  mot 
faiie  n'esl  pas  suivi  d'un  article,  il  foiiiic  une  fa- 
çon (le  iiailer  Irop  familière  :  Faire  assaut,  faire 
force  de  voiles,  faire  de  nécessité  vertu,  faire 
ferme,  faire  brèche,  faire  halte,  etc.;  toutes  ex- 
pressions bannies  du  vers  lieroniuc.  {liemurques 
sur  Corneille.) 

Bl•.^;(:nE■DE^T.  Adj  Cet  hovnne  est  brèche  dent, 
cette  fille  est  brèche-dent.  On  ne  dit  |t(iint  un 
brèclie-dcnt,  une  brèche-dent.  —  t'.eiieiidaiu  l'A- 
cademie  rcinanpie,  dans  sa  dernière  édiiion,  qu'il 
s'emploie  ipielipiefois  subsianlivcment  :  C'est 
vn  brèche-dent,  une  pelilc  briche-dont.  Au  plu- 
riel on  doit  écrire  des  hommes  brèche  dent,  des 
femmes  brèche-dent  ;  car  la  i)liiralilé  ne  tombe  pas 
sur  les  deiils,  mais  sur  les  personnes  aux(pielles 
il  manque  (pieKiuc  dent  de  devant. 

Bri  F,  Brkve.  Adj.  On  prononce  le  f. 

L'Académie  donne  poiu'  exemiilo  :  Le  temps 
que  vous  vie  donnez  est  bien  bref.  Celle  phrase 
n'esl  pas  fraïu.'aisc;  on  ne  dit  pas  un  temps  bref, 
mais  un  temps  court.  Bref  est  vieux  en  ce  .sens. 

Ou  dit  subsianlivcment,  en  parlant  des  sylla- 
bes, les  brèves  et  les  longues. 

BiiKF.  Adv.  On  fait  sentir  le/".  Il  n'est  que  du 
style  familier. 

BiiKF.  Subst.  m.  On  fait  sentir  le  f. 

Bréuaigne.  Adj.  f.  On  mouille  j7/(e  .^^elon  l'A 
cadémie,  il  se  dil  des  femelles  des  aniinaiix  qu» 
sont  stériles,  et  le  peuple  l'emploie  siibsianlive- 
ment  en  parlant  des  femmes  slerilcs  :  C'est  une 
bréhaigiie . 

Brahaigne,  Braheigve ,  Brahin  ,  Braingue, 
Brehagne,  Brehenne,  Brehait,  Brri.'^igne,  Bre- 
liain,  Brehaine,  sont  (Je  vieux  mois  (]ui  signifiaient 
stérile,  im|)uissanl,  iiifruclueux.  ()ui  ne  peut  rien 
produire.  On  a  conscvvcbreliaine ai  brehagne  dans 


102 


BRI 


la  véiJorie,  pour  sienilifr  une  biche  qui  n'ençcn- 
(Irc  point.  Mais  si  l'on  dil  cncurc  une  femme 
iréhaignc,  OU  en  parlant  il  une  femme,  une  bré- 
haigne,  ce  ne  |)eut  être  (jue  ilans  <iuei(iue  village 
éloigné  (le  la  capitale. 

Br.KsiLi.ER.  V.  a.  I.' .Académie  dil  que  ce  mot 
signilie  rompre  en  petits  morceaux.  C'est  un 
vieux  mot  (\\i\  avait  autrefois  cette  signification. 
.Te  doute  qu'il  soit  usité  aiijovirdiiui.  Dans  la 
Brie  et  la  Picardie,  les  gens  de  la  campagne  di- 
sent bersillcr  dans  le  même  sens. 

Bkipe.  L'Académie  dit  tiu'on  appelle  figuré- 
menl  et  dans  le  style  familier,  brides  à  veavx, 
de  sottes  raisons,  de  sots  raisonnements  qui  ne 
sont  capables  de  persuader  «pie  des  gens  simples  : 
Tout  ce  que  vous  me  dites  là  sont  brides  à  veaux. 
11  y  a  bien  longtemps  qu'on  ne  se  sert  plus  de 
celle  expression. 

Brider.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  mot  n'est  point 
admis  dans  le  style  noble,  à  moins  (pi'il  ne  soit 
joint  à  quelque  expression  (jui  le  relève.  Boileau 
a  dit  {Satire  IV,  115)  : 

Cest  elle  (laraUon)  qui,  farouche  au  milieu  des  plaisirs, 
D'un  remords  importun  vient  hridtr  nos  désira. 

Beièvement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  lui  a  répondu  briè- 
vement que,  ou  il  lui  a  brièvement  répondu  que. 

Brillamment.  Adv.  Il  se  met  ordinairement 
après  le  verbe  :  Il  s'est  înontré  brillamment  dans 
cette  bataille. 

Brillant,  Brillante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
briller.  On  mouille  les  l.  Il  peut  se  mettre  avant 
son  subst.,  quand  l'harmonie  et  l'analogie  le  per- 
BW'ttent.  On  dit  brillants  appas,  brillantes  clar- 
.es.  On  l'emploie  aussi  substantivement. 

Bris.  Subsl.  m.  Les  dictionnaires  disent  que 
l'on  prononce  le  s;  mais  ils  veulent  dire  sans 
doute  que  le  s  fait  que  la  syllabe  est  longue.  — 
L'Académie  dit,  dans  la  dernière  édition  de  son 
Dictionnaire,  qu'on  doit  prononcer  le  s. 

*Brise-cod.  Subst.  m.  On  appelle  ainsi  un  es- 
calier où  l'on  risque  de  tomber,  si  l'on  n'y  prend 
pas  garde.  Ce  mot  étant  composé  d'un  verbe  et  d'un 
substantif,  et  le  pluriel  ne  pouvant  tomber  que 
sur  le  mol  escalier,  et  non  sur  le  substantif  com, 
on  doit  écrire  sans  5,  des  brise-cou. 

Brise-glace.  Subst.  m.  Espèce  d'arc-boutanl 
qu'on  mel  en  avant  des  piles  d'un  pont  pour  bri- 
ser les  glaces  et  les  séparer.  On  dil  des  brise- 
glace.  On  ne  met  point  de  5  à  brise,  parce  que 
c'est  un  verbe  ;  on  n'en  met  point  à  glace,  parce 
que  la  pluralité  ne  tombe  pas  sur  glace,  mais  sur 
la  chose  qui  sert  à  briser  la  glace. 

Brisement.  Subsl.  m.  L'Académie  ne  le  dil  au 
propre  (juc  des  flots,  et  au  figuré  que  du  brise- 
ment de  cœur  que  cause  la  douleur  du  péché. 
Mais  Bossuel  a  dit  le  brisement  des  images  et  des 
autels. 

Briser.  V.  a.  de  la  \"  conj.  On  dil  figurément 
briser  l'orgueil  de  quelqu'un,  briser  l£  caractère 
de  quelqu'un.  VAciiiémïe.ue  lui  donne  point  ce 
sens. 

Que  n'ai-je  point  tenté?  que  ponrais-jeplus  faire 
Pour  fléchir,  pour  6n»cr  Ion  cruel  caractère? 

(TiOLT.,  Orttte,  act.  II,  »c.  v,  61.) 

Brise-raison.  Subsl.  m.  Au  pluriel,  on  ne  mel 
de  £  ni  à  brise,  qui  est  un  verbe,  ni  à  raison, 
qui,  dans  le  sens  où  il  esl  pris,  n'a  point  de  plu- 
riel. On  dil  des  brise-raison. 

BniSE-scELLÉ.  Subst.  m.  On  dit  au  pluriel  des 


BRU 

brise-scellè  sans  s,  parce  que  la  pluralité  tombe 
sur  les  gens  qui  brisent  les  scellés,  cl  non  hur  le 
verbe  briser  ou  le  substaiilif  scellé. 

Brise-vent.  Subst.  m.  On  dit  au  pluriel dcsiru»- 
vent,  et  non  des  brise-vents,  parce  (pie  la  plura- 
lité tombe  sur  les  choses  qui  brisent  le  vent,  et 
non  sur  le  vent  uièmc. 

Broc.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  pas  le  c,  ex- 
cepté dans  celte  expression  populaire,  de  bric 
et  de  broc. 

Brocard.  Subsl.  m.  Le  d  ne  se  prononce  pas. 

L'Académie  le  définit,  parole  de  moquerie, 
raillerie  piquante. — Le  brocard  csl,  a  proprement 
parler,  une  injure  [ilulôl  qu'une  raillerie.  La 
raillerie,  tant  qu'elle  ne  sort  point  des  bornes 
que  lui  pi'cscrii  la  politesse,  est  rcffet  de  la  gaieté 
cl  de  la  légèreté  de  l'esprit  ;  elle  épargne  l'hon- 
néle  homme,  et  le  ridicule  ([u'ellc  aîlaque  csl 
souvent  si  léger,  (ju'clle  n'a  jias  même  le  droit 
d'offenser.  Le  brocard,  au  contraire,  annonce  un 
fond  de  malignité;  il  offense  et  ulcère  le  cœur. 
Cetl(3  expression  csl  familière. 

BiiocARui.K.  V.  a.  de  la  l"  conj.  Ce  n'est  pas, 
coimne  dil  l'Académie ,  piquer  par  des  paroles 
plai-santcs  et  satiriques;  inai^  insuller,  piijuer  vi- 
vement par  des  traits  saiiriipics.  11  n'y  a  rien  de 
plaisant  dans  la  signification  de  ce  mot. 

Brodequin.  Subsl.  m.  Le  brodequin  était  chez 
les  anciens  une  chaussure  particulière  affectée 
aux  comédiens  (juand  ils  jouaient  la  comédie. 
Quand  ils  jouaient  la  tragédie,  ils  chaussaient  le 
cothurne.  On  dit  chausser  le  brodequin,  pour 
dire  faire  des  comédies  ou  jouer  la  comédie;  et 
chausser  le  cothurne,  pour  dire  faire  des  tragé- 
dies, ou  jouer  la  tragédie. 

Brouillamini.  Subsl.  m.  Expression  familière 
qui  signifie  désordre,  brouillerie,  confusion.  Vol- 
taire a  dit  dans  le  même  ^ens  cmbrovillamini; 
quelques  pereonnes  le  disent,  mais  on  ne  le 
trouve  point  dans  les  dictionnaires. 

Brouillard.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas 
le  d. 

BRomLLER.  V.  a.  de  la  d"  conj.  Voltaire  re- 
marque que  ce  mol,  trop  familier,  ne  doit  jamais 
entrer  dans  la  tragédie.  [Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

Brouillon,  Brouillonne.  Adj.  Il  suil  son  subst.  : 
Esprit  brouillon,  humeur  brouillonne. 

Broyer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  on  conserve  l'y  qui  est  dans 
î  inlinilif,  excepté  avant  un  e  muet  ou  le  son  d'un 
e  muet  :  Je  broie,  tu  broies,  il  broie,  ils  broient; 
je  broierai,  etc. 

Br.tiNER.  V.  impersonnel  delà  l"  conj.,  «jui  se 
dil  de  lu  bruine  qui  tombe.  //  bruine.  La  bruine 
esl  une  pluie  cxlrèmeinent  fine.  Quchiues  per- 
sonnes disent  :  //  brouine  ou  il  brouillasse.  Ces 
deux  mots  ne  sont  point  français. 

Bruire  V.  n.  cl  defeclueiix  de  la  4»  conj.  Ce 
verbe  se  dil  à  l'infinitif,  bruire;  à  la  troisième 
personne  du  singulier  du  présent  de  l'indicatif, 
il  bruit  ;[xu\  troisièmes  personnes  de  l'imparfait 
du  même  mode,  il  bruyait,  ils  bruyaient;  et  au 
participe  présent,  bruyant. 

Bruit.  Subsl.  in.  Bacinc  a  employé  ce  mot 
dans  des  sens  que  n'indique  iwinl  l'Académie  : 

Déjà  de  ma  faveur  on  adore  le  bruit. . . 

(Brȣan.,act.  V,  se.  m,  35.) 

Et    mon  choix  que  llallail  le  bruit  de  sa  noblesse. 
ilphig.,  act.  H,  se.  IV,   17.) 

Je  fus  soudain  frappé  du  bruit  de  son  trépas. 

[Sfithrid.,  ad.  I,  se.  1,81.) 


BRU 

Ils  ont  à  soutenir  le  bruit  de  leurs  eiploils. 

[Bajaz.,  act.  I,  se.  I,  56.) 

Voltaire  a  dit  :  On  ne  dit  pas  semer  la  renom- 
mée, comme  on  dit,  dans  le  discours  familier,  se- 
mer le  bruit.  [Reviarq.  sur  Rodogune,  act.  I, 
se.  I,  40.) 

*Brolabi.e.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se 
trouve  point  dans  les  dictionnaires.  Cependant  il 
existe  une  certaine  classe  de  cens  qui  disent  fré- 
quemment cest  un  livre  brûhihle,  et  même  c'est 
un  homme  brùluhle.  Si  vous  voulez  vous  ri'jouir, 
dit  Y o\[ahc,  parles  uupeu  de  mon  hrù\Mc  livre 
a  quelques  jansi'nisles.  [C()Tesp.)  On  voit  i)ar 
cet  exemple  que  cet  adj.  i)eiit  précéder  son  subsl. 

Brûlant,  Bhulamk.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  brû- 
ler. En  prose  et  au  proiire,  il  suit  toujours  son 
subst.  Au  liu'iiié,  il  |)pul  quelquefois  le  précéder  : 
Des  feux  hrûlanls,  de  brûlantes  ardeurs. 

Ouaiid  il  a  un  régime,  il  cesse  d'être  adjectif, 
pour   redevenir  participe  :  Des  lampes  brûlant 
devant  l'autel. 
Voyez  Enflammé. 

D'un  bras  déterminé,  d'un  œil  brilant  de  rage. 
Parmi  ses  ennemis  chacun  s'ouvre  un  passage. 

(Volt.,  Henr.,  VI,  252.) 

Brolé,  Brûlée.  Adj.  Il  suit  toujours  son  subst.  : 
Dit  pain  brûlé,  de  la  viande  brûlée,  un  cerveau 
brûlé. 

Brûler.  V.  a.  de  la  l''e  conj.  L'Académie  dit 
bien  qu'on  brûle  d'ambition,  qu'on  bride  d'a- 
mmir;  mais  elle  ne  dit  pas  (pic  l'ambition. ,  que 
\'am.our  brûle  quelqu'un.  Racine  l'a  dit  : 

Hais  quelque  ambition,  quelque  amour  qui  me  irile. 
[Bajaz.,  ad.  II,  se.  V,  77.) 

L'amour  vit  dans  son  cœur  et  brAle  dans  ses  veines. 
(Delil.,  Enéid.,  IV,  108.) 

Et  du  penp!e  et  des  grands  la  colère  insensée 
BrAlait  de  le  punir  de  sa  faveur  passée. 

(Volt.,  OEd.,  act.  I,  se.  m,  79.) 

L'Académie  dit  je  brûle  de  vous  revoir,  je 
brûle  d'aller  là.  Kacinc  a  dit  dans  Iphigénic 
(act.  II,  se.  V,  17)  : 

....  Vous  brùlei  que  je  ne  sots  partie. 

On  voit  par  cet  exemple  que  le  verbe  brûler, 
dans  le  sens  de  désirer  ardemment,  exige  le  sub- 
jonctif dans  '.es  propositions  subordonnées. 

Brule-tout.  Subst.  m.  Il  ne  change  pas  au 
pluriel. 

Brumeux.  Adj.  m.  qui  se  met  ordinairement 
^présson  subsl.  :  jTcmps  brumeux,  cielbrumeux. 

Brun,  Brune.  Adj.  Il  suit  toujours  son  subst.: 
Un  homme  brun,  une  couleur  brune. 

Brunetth.  Subst.  f.  On  donnait  autrefois  ce 
nom  à  une  espèce  de  chanson  dont  l'air  est  facile 
et  simple,  et  le  style  gahuu  et  naturel,  quelque- 
fois tendre  et  souvent  enjoué.  On  les  ,'q)pelait 
ainsi,  parce  tpi'il  est  arrivé  souvent  que  dans  ces 
chansons,  le  poète,  s'adressant  à  une  jeune  fille, 
lui  a  donné  le  nom  de  brunet/e,  petite  brune. 
On  appelait  aussi  brunettes  les  airs  sur  lesquels 
enchantait  ces  chansons. 

Brusque.  Adj.  des  deux  genres:  Un  liomme 
brusque,  une  femme  brusque,  une  humeur  brus- 
que. On  peut,  dans  certains  cas,  le  mettre  avant 
son  subst.  :  Sa  brusque  humeur. 

Cans  vos  brusque/s  chagrins  je  ne  puis  vous  comprendre. 
(Mol-,  MisanChr.,  act.  I,  se.  i,  C.j 


DUR 


103 


Brut,  Brute.  Adj.  On  prononce  le  t  tlnal.  Plu- 
sieurs auteurs,  et  ciiiic  autres  I.a  Bruyère  ot 
Massillon.  ont  écrit  brute  au  masculin.  Il  ne  faut 
pas  suivre  leur  exemple  en  <cla.  Cet  adj.  suit 
toujours  son  subsl.  :  Du  sucre  brut,  un  diamant 
brut. 

Brutal,  Brutale.  Adj.  II  peut  se  mettre  avant 
son  subsl.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent.  On  dit  un  homme  brutal,  une  femme 
brutale,  et  non  pas  un  brutal  liomme,  une  brutale 
femme.  Mais  ou  peut  dire  celte  brutale  passion, 
cette  brutale  ignorance.  \ oyez  Adjectif. 

Brutalement.  Adv.  On  i)eul  le  meiire  entre 
l'auxiliaire  et  le  parlicipe  :  //  s'est  comporté  bru- 
talement,  ou  il  s'est  brutalement  comporté. 

BRUYA^T,  B;'.UYANTE.  Adj.  vcrbal  tiré  du  v 
bruire.  On  peut  quchpicfois  le  mellre  avant  son 
subst.  :  Sa  bruyante  voix,  ses  cris  bruyants  ;  un 
homme  bruyant. 

Bucolique.  Adj.  des  deux  genres  tpii  suit  tou- 
jours son  subsl.  :  Poème  bucolique,  poésie  bucoli- 
que, genre  bucolique. 

Bucolique  signilie  la  même  chose  que  pastoral, 
et  se  dit  des  poésies  (pii  regardent  les  bergers  et 
les  troupeaux.  —  H  se  prend  aussi  subslantive- 
ment,  mais  seulement  au  pluriel.  L'Académie  dit 
qu'en  cette  acception  il  ne  se  dit  guère  que  dans 
celle  phrase  :  les  Bucoliques  de  f^irgile,  pour 
dire  les  Églogues  de  Airgilc.  C'est  une  erreur;  on 
dit  les  bucoliques,  pour  signifier  les  poésies  pas- 
torales. Les  bucoli(iues  ont  quelque  conformité 
avec  la  comédie;  elles  sont,  comme  celle-ci,  une 
image,  une  imilation  delà  vie  commune  et  ordi- 
naire; avec  celle  différence  toutefois,  (jue  la  co- 
médie représente  les  mœurs  des  lialiilanis  de  la 
ville,  et  les  bucoliques  les  occupations  des  gens 
de  la  campagne.  Taiiiôl  ce  [>ociiie  n'est  qu'un  m  ■ 
nologue,  tantôt  il  a  la  forme  de  dialogue;  qui 
quefois  il  est  en  action,  quelquefois  eu  récii  ;  Oi 
enfin  mêlé  de  récils  ou  d'actions.  Dans  la  poésie 
française,  toute  mesure  est  admise  pour  ce 
poème. 

Buissonneux,  Buissonneuse.  Adj.  qui  ne  se  mei 
qu'après  son  subsl.  :  Pays  buissonneux,  campa- 
gne buissonneuse. 

Burlesque.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
iiîctlre  avant  son  subsl.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Une  figure  burlesque,  une  burlesque 
figure. — Il  se  dit  particulièremenl  d'une  sorte  de 
poésie  triviale  et  plaisante  qu'on  emploie  pour  je 
ter  du  ridicule  sur  les  choses  et  sur  les  |)ersof»- 
nes  -.Style  burlesque,  expressions  burlesques,  vers 
burlesques,  le  genre  burlesque,  un  poème  burles- 
que. 

—La  principale  différence  entre  le  style  maro- 
lique  et  le  style  burlescjuc,  c'est  que  le  maro- 
tique  fait  un  choix,  et  que  le  burlesque  s'accom- 
mode de  tout.  Le  premier  est  le  |)lussim|)le,  mais 
celle  simplicité  a  sa  noblesse,  et  lorsque  son  siècle 
ne  lui  fournit  iioint  d'expressions  naturelles,  il 
les  emprunte  des  siècles  passés.  Le  dernier  est 
'tas  et  rampant,  et  va  chercher  dans  le  langage  de 
la  populace  des  expressions  iiroscriles  par  la  dé- 
cence et  i)ar  le  bon  goût.  L'un  se  dévoue  à  la  na- 
ture; mais  il  commence  i)ar  examiner  si  les  ob- 
jets qu'elle  lui  présente  sont  propres  à  entier  dans 
ses  tableaux,  n'y  en  admettant  aucun  «jui  n'a[)- 
porte  avec  soi  (luclque  délicale.'^se  et  ipieiquc  en- 
jouement. L'autre  donne,  pour  ainsi  dire,  léie 
baissée  dans  la  bouffonnerie,  cl  adopte  par  firé- 
ference  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  extravagant  et  de 
plus  ridicule 

La  parodie  et  \e burlesque  sont  aussi  des  genres 


104 


CAIi 


trés-difiï'rpnls,  cl  le  firgile  travexti  «le  Scnrron 
n'csl  lien  iimins  qu'une  |>;iroilic  de  l'Éncide.  La 
bonne  iiMimlic  esl  une  pkiisjniieiic  line,  ra|)iiblc 
d';nnusi'r  cl  il'iuslriiire  les  esprits  les  plus  Si'iiscs 
et  les  jiliis  p.ilis.  le  burlesque  esi  une  IjoulTonnc- 
rie  mi ~ei aille  <pii  ne  pc;il  plaire  (]u'a  la  populace. 

BuKLKSQUKMEXT.  Adv.  Oii  poul  Ic  uieUic  enlre 
l'auxiliaire  ci  le  parlic'po  :  //  x'esl  exprimé  biir- 
leafuemeiil,  mi  il  s'est  burlesqucmciit  exprimé. 

Bu'SAi.,  IkRSAi.K.  Ad|.  Il  fait  i///.s(/i/x  au  |ilu- 
ricl  ^la^culiu  :  Un  édit  bursiil,  des  édits  biir- 
saux. 

Buse.  Sul>sl.  ni.  On  i)rononrei(/57i'c. 

Bit.  Siilisi.  m.  On  prononce  le  /  ImimI  quand 
ce  mol  Irrminc  la  plnasi-,  riser  au  but;  ou  (piaml 
il  esl  dcviiiil  une  voyelle  ou  un  /;  non  aspiic; 
c'est  le  but  aiir/vel,  iiroiioncc/.  le  bu-t-aiiquel;  on 
ne  prunonce  piiuil  le  /  devaui  une  consoime  :  Le 
hut  que  vous  Vous  proposez. 


c.vc 

Bdtin.  Subst.  m.  On  dil  remporter  la  victoire, 
et  emporter  le  butin. 

*Bltireux,  Butirfxse.  Adj.  (jui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Les  parties  butireuses  du 
lait. 

*  BuTORDERiE.  Subst.  f.  VoUairc  a  employé  ce 
mol  inusilé,  mais  personne  ne  1  a  imilé.  f^ous  me 
parlez,  dil-il,  de  l'Histnire  uitirersdlc,  nu  plutôt 
de  l'Essai  sur  les  sottises  de  ce  plt,bc  ;  je  ferais 
vn  gros  vUume  des  miennes,  mais  je  me  console 
I  en  parcourant  les  bulordcries  de  cet  unirers. 
i      BuvAHLE.  Adj.  m.  C'esl  un  Icrme  familier  que 
I  l'on  cm|)loic  qncliiucfois  au  lieu  ûi: potable  en  par- 
lant (lu  vin  :  Ce  vin  n'est  pus  btirnblc. 
I      Buveur.  Subsl.  m.  Buvi;use.  Suhsl.  f.  1,'Aca- 
I  demie  ne  mel  |)aslc  dernier;  cepcmlnnl  on  dil  uiie 
j  burcuse  d'eau,  comme  on  dil  vn  buveur  d'eau. — 
j  Kn  ^833  l'Académie  l'admcl,  mais  seulement  dans 
celle  loculion. 


c. 


C.  Subsl.  m.  On  l'appelle  ce  divanl  e  cl  i,  cl  he 
devant  H,  n,  u. 

Quoique  nnus  ayons  un  caraolère  pour  le  c,  et 
un  autre  pour  b;  g,  cepeuilanl  lorsipic  la  pronon- 
ciation du  c  a  clc  clian^'co  en  celle  du  g,  par 
exemple  druisle  mol  second  G\  ses  dérives,  utuis  y 
avons  coiisi-rvc  le  c  parce  (pie  les  yeux  s'claient 
accoulumcsa  ly  voir.  Ainsi  nmis  éciivons  tou- 
jours secind,  seciindemcnt ,  seconder,  cpioique 
nous  iirohonc  tins,  surloul  dans  la  coiivcrsaliuii, 
segond,  scgiindemeiit,  segnndcr. 

C  initial,  i»u  d.ins  le  curps  d'un  mol,  conserve 
le  son  qui  lui  est  propi'e  devant  n,  o,  u,  l,  n,  r, 
i;  néanmoins  devant  u,  il  rend  un  son  moins 
dur. 

11  ne  se  pnmonce  pas  au  milieu  des  mots 
quand  il  e>t  suivi  d'un  q  ou  de  ca,  co,  cu,cl,  cr. 
On  prononce  iiquérir,ticréditer,  etc.,  quoiqu'on 
écrive  acquérir,  accréditer,  etc. 

Avant  e  <'l  i,  il  itiend  le  son  accidentel  de  se, 
ceinture,  dire  ;  il  en  est  de  même  avant  a,  o,  u, 
quand  <»n  mel  une  cédille  dessous  :  Façade, gar- 
çon, reçu. 

On  ne  f.iit  (tas  sonner  le  c  final  sur  la  vi.yelle 
initiale  du  mol  suivanl,  si  ce  n'est  d.ins  ipielipics 
occasions  assez  rares  qui  scronl  indiiiuces  dans 
ce  Dictionnaire. 

Dans  le  redmiblemcnl,  les  deux  ce  ne  se  pro- 
noncent <pi  avant  e  ou  i.  l.e  premier  c  |irend  le 
son  propre,  el  br  jccond,  le  son  accidenlel.  Ainsi 
accepter,  accideut,  se  prunonccnt  akcepter,  uk- 
cidciit. 

C,  a  la  fin  des  mois,  ne  se  prononce  point  dans 
estomac,  crue,  accruC,  mure,  échecs  (jcn),  tabac, 
jonc,  lacs  (lileis  ,  arsenic,  escroc,  tronc,  clerc, 
cric,  porc,  eu-.  Mais  on  le  prononce  dans  bec, 
échec  (perle),  estoc,  aqueduc  agaric,  syndic,  tric- 
trac, arec,  clc. 

C,  dans  le  ctiminerce,  est  destiné  à  remplacer 
le  mol  C'iuipte;  c.  c,  compte  cvrant;  c.  c, 
compte  ouvert.  Il  reniplace  all^si  le  mol  centime. 
—  l-iimu-upie,  celle  Ici  tree-l  l'exiiression  abréiiee 
du  mol  ctinto.  —  C  esl  la  inanpic  distinclive  d'un 
des  hôiels  dc^  monnaies  de  1  rame,  celui  (|ui  a 
ététransf  re  de  Saini-I.ô  à  Caen.  CC.  esl  la  mar- 
que de  la  monnaie  de  Besancon. 

*  (,ABAH>T,  l'.ACALANTF..  Adj.  vcrbal  tiré  du  v. 
cabalcr.  Une  secte  cabalante.  L'Académie  ne  le 


I  mel  pas.  Peut-être  n'esl-il  pas  assez  généralement 

I  adopte. 

Cabalelr.  Subsl.  m.  L'Académie  ne  lui  donne 
point  de  féminin.  Féraiid  rcmaniuc,  avec  rai.son, 
qu'il  y  a  bien  des  femmes  tpii  cabalenl,  et  il 
|)ense,  en  conscipience,  «pi'on  peut  dire  une  ca- 

I  balcuse.  INous  soumies  de  son  avis. 

i  Cabane.  Subst.  f.  Voliairc  a  remarque  que  co- 
bnne  est  agréable  et  du  baul  si  y  le,  el  que  taudis 
esl  une  expression  du  |)ciiple.  Celle  différence  est 
sensible  dans  les  deux  tradiiclions  de  la  strophe 
d'Horace,  Pallida  mors,  la  première  par  Racan, 
la  seconde  par  iMallierbe.  Bacan  dil  {Ode  bachi- 
que à  M.  Ménars,  37)  : 

Les  lois  de  la  mort  .<iont  fatales 
Aussi  bien  aux  maisons  royales 
Qu'aux  taudis  couverts  de  roseaux. 

Malherbe  dil  bien  mieux  [Consolation  à  M.  du 
Périer,  77)  : 

Le  pauvre  en  sa  cabant,  où  le  cliaume  le  couvre, 
Est  sujet  à  ses  lois. 

Cabanon.  Subsl.  m.  On  donne  ce  nom  dans 
rpichpies  prisons,  cl  parliculièrement  à  Bicélre, 
à  des  cachots  très-obscurs  dans  le.^ipiels  on  enfer- 
mait certains  prisonniers. — Le  peuple  dit  par  cor- 
ruption galbunon. 

(iABRKR  (se).  V.  pronom,  de  la  1"  conj.  L'Aca- 
démie dil  (ju'il  signifie  fi.'urémenl  s'einporler  de 
dépit  ou  de  colère,  se  révolter  contre  un  conseil, 
une  remontrance.  On  a  remar(pié  que  se  cabrer 
ne  se  dit  liçuréinent  que  d'un  inférieur  à  l'égard 
de  son  supérieur. 

Cacade.  Subst.  f.  Au  figuré,  faire  une  cacade 
esl  une  expression  liès-famibcre. 

Caciiectioue.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
mel  qu'après  son  subsl.  :  Sang  cachectique. 

Cachet.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  t 
final. 

Cacheter.  V.  a.  de  la  4"  conj.  On  double  le  t 
dans  les  temps  de  ce  verbe  où  celle  lelire  esl  sui- 
vie d'un  e  muet  :  Je  cachette,  il  cachette  ;  on  ne 
met  |)lus  qu'un  t  lorsque  celle  lettre  isl  suivie  de 
toute  autre  lettre  :  N"us  cachetons,  j'ai  cacheté 

Cacochyme.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 


CAD 

jours  son  subsl.  :  Corps  cacochyme,  esprit  caco- 
chyme, humeur  cacochyme. 

Cacophome.  Subst.  I".  Vice  d'élocnlion.  C'est 
ou  la  rcncoiilie  des  Icitres  ou  des  syll.ibcs  qui  se 
choquent  d'une  m.inière  dés;i!:rc;ibic,  ou  l;i  répé- 
tition trop  rié<|ueiitc  des  inèuies  ieilres  ou  des 
marnes  syihdics.  l.a  cicoplionie  qui  résulte  de  la 
rencontre  de  deux  voyelles  se  nomme  hiutus  ou 
bâillement,  comme  dans  il  alla  à  Avignon. 

La  Harpe  a  reuiar(]u6  des  cacophonies  dans  les 
vers  suivants  de  \  oliaire  : 

El  d'un  œil  vigilant  épiant  sa  conduilc, 

Jl  la  traite  en  esclave,  et  la  tratnc  :i  si  siiilc. 

[Oreate,  act.  I,  se.  I,  25.) 

f-iffilant,  épiant,  il  la  traite,  il  la  traîne,  ces 
consonnes,  si  voisines  les  unes  des  autres,  dit  La 
Harpe,  olfensent  les  oreilles  délicates  [Cours  de 
littérature). 

VM  bien,  cher  Azéma,  ce  ciel  parle  par  vous. 

(Sémir.,  ael.  V,  se.  Il,  44.) 

Glaça  sa  faible  main. 

(Idem,  ad.  lY,  se.  ii,  95.) 

Depuis  U  mort  d'un  père,  un  jour  plu»  plein  d'effroi. 
(Oreste,  ael.  Il,  se.  vi,  2.) 

Palier  pur,  r/laca  sa,  plus  plein,  cacophonies 
suivant  La  Harpe  (Caurs  de  littérature).  Si  plus 
plein  est  une  cacophonie,  il  doit  être  bien  dil'li- 
cilc  d'écrire  sans  en  faire. 

Cadavéreux,  CadavépiELSe.  Adj.  T.n  prose,  il 
se  met  toujours  après  son  subst.  :  Un  teint  cada- 
véreux, une  odeur  cadavéreuse. 

Cadeac  Subst.  m.  Féraud  prétend  que  cadeau 
dans  le  sens  de  présent  n'est  p;is  du  bel  usage, 
l\  se  trompe.  On  dit  lrcs-l)ien /îuVe  un  cudea.i 
quelqu'un,  pour  dire  lui  faire  un  présent  d'une 
chose  que  l'on  pense  lui  devoir  être  agréable. 

Cadence.  3ubst  f.  La  mesure  qui  rè^le  le 
mouvement  de  celui  qui  danse.  VoUwive  l'a  em- 
ployé pour  siïniiler  la  mesure  (pii  rèirle  le  mou- 
vement de  celui  qui  marche  et  qui  i)arle. 

S»  graTÏté  marche  et  parle  en  cadence. 

(Enf.  prod.,  ad.  1,  se.  I,  28.) 

Cadence  est  aussi  un  terme  de  belles-letlrcs. 
Ce  mot  siijnilie,  dans  le  discours  oratoire  et  dans 
la  poésie,  la  marche  harmonieuse  de  la  prose  et 
des  vers,  qu'un  ap|)ellc  auireinent  nombre.  — 
La  prose,  sans  être  mesurée  comme  les  vers, 
doit  cependant  cire  nombreuse,  et  l'uraleur  doit 
avoir  soin  (leconlenler  rorciile,  doiU  le  jugement 
est  si  facile;  à  révolter,  lui  efl'el,  la  plus  belle 
pensée  a  l)ien  de  la  peine  à  plaiie  lors(pi'ellc  est 
énoncée  en  termes  durs  et  mal  arrangés.  Si  l'o- 
reille est  agréablement  (laliée  d'un  discours  doux 
et  coulant,  elle  est  cho(piée  tpiand  le  nond)reest 
trop  court,  m;d  soutenu,  ipiand  la  chute  est  trop 
rapide.  C'est  ce  (pii  fait  que  le  siyle  hache  ne  pa- 
rait pas  être  convenable  aux  orateurs. 

Cadène.  Subst.  f.  C'est,  dit  l'Académie,  une 
chaîne  de  fer  dont  on  attache  les  forçats,  et  elle 
ajoute  qu'il  est  vieux.  Fcraud  dit  (juc  c'est  un 
mot  purement  provençal,  et  je  crois  qu'il  a 
raison . 

Cadis.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  s. 
Sorte  de  serge  de  laine. 

C.iDOLE.  Subst.  m.  Loquet.  Ce  mot  n'est  usité 
que  parmi  les  serruriers,  qui  aujourd'hui  disent 
aussi  loquet. 

Caduc,  Cadoqoe.  Adj.  On  fait  sentir  le  c  final. 


CAL 


105 


Cet  adj.  peut  précéder  son  subst.  lorsque  l'anaio 
gie  et  l'harmonie  le  |iermeilont.  On  ne  dit  p:is  un 
caduc  lige,  mais  on  pourrait  dire  lu  cudui/ue 
vieillesse. 

Cafard,  Cafvude.  Adj.  Te  d  final  ne  se  pro- 
nonce pas.  Il  suit  ordinairement  son  subst.  :  Un 
air  cafard,  une  humeur  cafarde. 

L'Acailr-mie  le  délinit  hypocrite,  bigot  llya 
de  la  différence  entre  ces  trois  exinessiuns. 
{.'hypocrite  jonc  la  di'volion  alin  de  cacliei  ses 
vic(!s;  le  cafard  affecte  inic  (h-voijon  ^cilui- 
s.uito,  poiu'  la  faire  servir  à  ses  ii'is:  le  bi(/i>i  se 
voue  aux  polites  praliipies  de  la  diMolion,  alin  de 
se  dispenser  des  devoirs  de  la  vi;ii(>  pieié. 

Cafktikr.  Subst.  m.  L'Académie  le  dit  d'un 
marchand  de  rafraicliissemenls  cpii  pri'pne  le 
cafi!.  On  ne  dit  plus  anjourd  hni  que  limonadier, 
cl  limonadière  en  parlant  d'ime  fcnune 

CA(;^ARD,  Cagnardk.  Ailj.  On  nKjnille  le  çn.  Il 
se  met  après  son  subst.  :  Une  vie  cagnarde. 

Cagnarder.  V.  n.  de  la  1"  conj.  On  mouille 
le  ffn. 

Cagot,  Cagote.  Adj.  Il  se  met  après  son  subst  : 
Un  air  cagot,  des  vianicrcs  cagntcs.  L'Aca- 
démie le  délinil,  celui  qui  a  une  dévotion 
fausse  ou  mal  entendue.  —  le  cagni,  dit  Uou- 
band,  charge  le  rùle  de  la  dévotion,  dans  la  vue 
d'être  inqiunéincnl  méchant  ou  pervei's. 

Cacnkux,  Cagm-use.  Adj.  cpii  se  met  toujours 
après  son  subsl.  :  Pieds  cagneux,  jambes  ca- 
gneuses, un  homme  cagneux,  une  femme  ca- 
gneuse On  mouille  le  y/j. 

■*  Cajolabli:.  Adj.  des  deux  genres.  Susceptible 
d'être  cajolé.  Ce  mot  ne  peut  cire  employé  (juc 
dansquci(|ncs  circoiisOmces  particidières,  coinine 
d.uis  celle  phrase  de  J.-J.  l<ous'^eau  :  Madame 
de  ff^arcns  se  mit  à  cnjiler  Grossi,  qui  pour- 
tant n  était  pas  trop  cajolable.  {Confessions, 
1'"  part.,  liv.  V,  t.  XIV,  p  2')4.) 

(^alamistrf.r.  V.  a.  de  la  1"'  conj.  C'est  un 
vieux  mot  i]ui  signifiait  friser,  meure  îles  <'he- 
lenx  c.it  boucle,  et  dont  on  ne  se  sert  pins  au- 
jourd'hui cpie  [)oiir  jeter  du  ridicule  sur  une  fri- 
sure faite  avec  Iroj)  d'affectation. 

C>LAMiTf:ux,  Calamithjse.  Adj.  H  suit  ordi- 
nairement son  subst.  :  Des  temps  calamileu.v. 

Calcaire.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
toiijouis  après  son  subst.  :  Terre  calcaire,  pierre 
calcaire. 

Calcul.  Subst.  m.  On  prononce  le  l  (inal.  Au- 
jourd'hui ce  mot  s'emploie  fré:pienimenlan  ligure. 
On  dil,  en  parlant  d'iuie  affaire  qui  n'a  pas  rcussi, 
mus  avez  fuit  un  vianvais  calcul,  pour  dire, 
vous  avez  mal  concerté  vos  mesures. 

CiLcuLARLE.  Adj.  dcs  dcux  genres.  H  ne  se 
met  qu'après  son  subslanlif. 

Caiculi-.i-..  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  mol  se  dit 
souvent  aujourd'hui  au  figuré  :  0«  calcule  une 
ajfaire,  on  calcule  ses  dcmarches. 

Cai.kmboir.  Subsl.  m.  C'est  l'abus  que  l'on 
fait  «l'un  mol  susceplilde  de  jilusiem-s  interpréta- 
tions; ici  que  le  mot  pièce,  qui  s'emplo!C  de 
tant  de  manières:  pièces  de  tlicâtrc,  pièce  de 
vin,  etc.  P;n-cxemi)le.  en  ilisanl  qu'on  d'. il  don- 
ner a  iMi  théâtre  imc  fort  jolie  pi' ce  de  deux 
sous,  on  fiM-a  de  ce  mol  l'abus  que  nous  apiielons 
calembour.  On  peut  s'amuser  un  inslani  de  ces 
bagatelles,  mais  on  ne  doit  y  mettre  m  prelenlion 
ni  importance. 

Calice.  Sui:st.  m.  On  dit  au  figure  boire  le 
calice,  avaler  le  calice,  boire  le  calice  jusqu'à 
la  lie. 


i06 


CAN 


Qaoi!  du  ealiea  amer  d'un  m&lhenr  si  durable 
Fiul-il  boire  j  longs  traits  la  lie  insupporlableT 
(Volt.,  Ait.,  act.  Y,  »c.  m,  8.) 

Callecx,  Callecse.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  le  subsl.  :  Un  ulcère  calleux ,  un  corps 
calleux. 

Calme.  Subst.  m.  Féraud  demande  si  l'on  peut 
dire  arec  calme,  comme  on  dit  arec  tranquillité, 
el  il  se  déclare  pour  la  négative.  Je  suis  de  son 
avis,  et  voici  mes  raisons.  Le  calme  est  causé 
par  des  objets  extérieurs  ou  indépendants  de  la 
volonté.  Un  malade  est  calme,  dit  IWcadémie, 
lorsqu'il  est  sans  agitation  et  sans  douleur.  La 
tranquillité,  au  contraire,  est  dans  la  dépendance 
de  la  volonté  de  l'homme.  Quelipic  trouble  qui 
agite  son  àme,  quelques  inquiétudes  qui  le  lour- 
menlcnt,  il  peut  devenir  tranquille  à  force  de 
réflexion,  décourage  cl  de  philosophie;  et  dans 
cet  état,  il  agit  avec  tranqviJlilé.  On  ne  peut 
donc  pas  dire  ([u'i/n  homme  fuit  une  action  avec 
calme,  parce  qu'il  ne  peut  pas  employer  pour 
agir  une  chose  (lui  ne  dépend  pas  de  lui  ;  mais  on 
peut  dire  qu'ii  agit  dans  le  calme.  Ou  dit,  au  con- 
traire, (\\i'un  homme  agit  avec  tranquillité,  parce 
qu'en  faisant  l'action,  il  fait  usage  de  la  tran- 
quillité qu'il  s'est  procurée. 

Calme.  Adj.  des  deux  genres.  Des  eaux  cal- 
mes, vn  air  calme.  11  ne  se  met  guère  qu'après 
son  subst. 

Calomniateur.  Subst.  m.;  on  dit  au  féminin 
calomniatrice. 

Calomnieh.  V.  a.  de  la  1''^  conj.  Il  peut  se  dire 
en  parlant  des  actions,  des  intentions,  etc.  :  On  a 
calomnié  7nes  intentions,  on  a  calomnié  mes 
démarches. 

Calommeusement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  el  le  participe  :  Jl  a  été  accusé  calom- 
nieusement,il  a  été  calorunieusement  accusé. 

Calojinikux,  Calommelse.  Adj.  11  se  met  ordi- 
nairement après  son  subsl.  :Z>wcoi/rscaZo7rt7«CHx, 
imputations  calomnieuses.  On  pourrait  dire  ces 
calomnieuses  imputations. 

Calqcer,  Décalqcer.  Verbes  actifs.  On  con- 
fond (luelquefois  ces  deux  expressions,  dont  le 
sens  est  bien  différent.  Calr/uer,  c'est  transporter 
un  dessin  d'un  corps  sur  un  autre,  eu  passant  une 
pointe  sur  les  traits  du  premier  afin  de  les  impri- 
mer sur  l'autre.  Décalquer ,  c'est  reporter  les 
traits  du  dessin  calqué  sur  un  autre  papier,  sur 
une  autre  toile;  c'c-st  en  tirer  une  conlre-cpreure. 
Calus.  Subst.  m.  On  prononce  le  .s. 
Camp.  Subst.  m.  On  prononce  can. 
Campagnard,  Campagnarde.  A<lj.  On  ne  pro- 
nonce pas  le  d  au  masculin.  11  suit  ordinairement 
son  subsl.  :  Un  air  campagnard,  des  manières 
campagnardes.  ^ 

Campagne.  Subst.  f.  Être  en  campagne  si- 
gnifie cire  en  inouvemcnl,  être  hors  de  chez  soi  ; 
et  c'est  dans  ce  sens  qu'un  dit  que  les  troupes 
.■sont  en  cainpagne  ,  comme  on  dit  il  s'est  mis  en 
campagne  pour  découvrir  ce  qu'il  cherche.  Met- 
tre SCS  amis  en  campagne.  Il  a  mis  lien  des  gens 
en  campagne.  Etre  en  campagne,  en  parlant  d'un 
particulier,  c'est  clic  en  voyage  ;  être  à  la  cam- 
pagne, c'est  être  dans  une  maison  de  campagne 
pour  y  passer  quelque  tcuips. 
Campos.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le«. 
Camus,  Camuse.  Adj.  On  ne  prononce  pas  \&  s 
au  masculin.  11  se  met  après  son  subst.  :  (/«  homme 
camus,  une  femme  camuse,  un  chien  camus. 

Canaille,  subst.  f.  Ce  mot,  le  plus  trivial  de 
la  langue,  a  été  employé  une  fois  dans  la  tragé- 


CAP 

die  (act.  V,  se.  ii,  v.  14,  de  la  Médée  de  Corneille, 

édit.  de  f^oltaire]  : 

Qaoi  !  TOUS  conlinoez,  canailUt  infidèles  1 

ce  qui  n'autorisera  aucun  lexicographe  à  l'indi- 
quer comme  poétique.  [Examen  crit.  des  Dict.) 

Canard.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  pas  le  d. 

Cancer.  Subst.  m.  On  prononce  le  r. 

Candeur.  Subst.  L  L'Académie  le  définit  jtm- 
relé  d'âme.  —  La  candeur  n'est  pas  la  pureté 
d'âme,  mais  imc  qualité  qui  résulte  de  celle  pu- 
reté. C'est  la  (jualilé  d'une  àme  jjure  et  innocente 
«jui,  pénétrée  de  l'amour  de  la  vérité,  el  ne  con- 
naissant point  l'abus  que  les  autres  en  font,  se 
montre  constamment  telle  qu'elle  esl,  sans  pré- 
caution et  sans  défiance.  Agir  avec  candeur,  une 
conduite  pleine  de  candeur. 

Candide.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'har- 
monie le  permettent.  On  ne  dit  pas  un  candide 
homîne,  une  candide  femme,  une  candide  àme  ; 
maison  pourrait  dire  un  candide  aveu. 

Candidement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  elle  participe:  lia  avoué  candidement 
sa  faute,  ou  il  a  candidement  avoué  sa  faute.  11 
est  peu  usilé. 

Cane.  Subst.  L  On  lit  dimslc  Dictionnaire  de 
l'Académie  :  «  On  dit  figurcmcnl  el  familièrement, 
qu'ww  homme  a  fait  la  cane,  lorsqu'il  a  marque 
de  la  peur  dans  une  occasion  où  il  fallait  témoi- 
gner du  courage.)) — Cela  peut  s'être  dit  populai- 
rement, mais  cela  ne  se  dit  plus. 

Canif.  Subst.  m.  On  prononce  le /*. 

Canonial,  Canoniale.  Adj.  On  ne  l'emploie 
point  au  pluriel  masculin.  11  suit  toujours  son 
subst. 

Canonique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 
jours son  subst. 

Canoniqcement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  H  a  toujours  vécu  canoniquement. 

Cantate.  Subst.  L  Petit  poëme  fait  pour  être 
mis  en  musique,  contenant  le  rs'-nt  d'une  action 
galante  ou  héroïque.  Il  est  composé  d'un  récit 
qui  expose  le  sujet,  d'un  air  en  rondeau,  d'un  se- 
cond récit,  et  d'un  dernier  air  contenant  le  point 
moral  de  l'ouvrage. 

Cantatrice.  Subst.  f.  Il  se  dit  particulièrement 
des  chanteuses  italiennes  distinguées  par  leurs  ta- 
lents, qui  chanlent  dans  les  concerts  ou  les  opé- 
ras. Une  célèbre  cantatrice.  En  parlant  d'un 
homme,  on  dit  chanteur. 

Cap.  Subst.  m.  On  fait  sentir  le j». 

CAP.ABLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  prend  ordi- 
nairement un  régime  :  Capable  de  tout,  capable 
du  lien  et  du  mal,  capable  de  reconnaissance, 
capable  d'exercer  un  emploi.  11  ne  se  met  <ju'a- 
près  son  subsl. 

Capacité.  Subst.  f.  Capacité,  avec  la  préposi- 
tion de  pour  régime,  a  un  sens  actif.  Il  se  dit  de 
celui  qui  sait,  et  non  de  ce  dont  on  est  capable. 
On  dit  la  capacité  de  l'esprit  \iO\lT  les  affaires  ; 
mais  on  ne  dit  pas  la  capacité  des  affaires,  quoi- 
qu'on dise  être  capable  des  affaires,  ou  des 
grandes  affaires.  Ce  substantif  n'a  point  de  plu- 
riel. —  Cependant,  en  matière  bénéficialc,  on  dit  : 
Les  titres  et  capacités  d'un  cccli'sia.ttique,  pour 
signifier  les  actes  et  les  prières  qui  servent  à  mon- 
trer (pi'il  est  capable  de  posséder  le  bénéfice  qu'il 
demande.  (Acad.,  d835.) 

Capillaire.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  tou- 
jours son  subsl.  :  Tuyaux  capillaires,  veines 
capillaires.  On  ne  mouille  pas  les  l. 


CAQ 

Capital,  Capitale.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  Sun  subbt.  :  faille  capitale,  peine  capitale. 
Il  fait  capitaujc  au  pluriel  :  Les  points  capitaux, 
lespt'cht's  capitaux. 

Lettre  capitale.  Voyez  Majuscule. 

Capitan.  Subst.  m.  Fanfaron,  faux  brave.  A 
l'occasion  du  vers  suivant  de  Corneille, 

Etdédiiigne  de  Toir  la  ciel  qui  le  brahit. 

(Pomp.,  acl.  II,  se.  Il,  70.) 

Voltaire  a  dit  :  On  peut-dc'daigncrdc  regarder  un 
ami  perfide  ;  mais  dédai^'iicr  de  regarder  le  ciel, 
parce  ipi'on  se  supiwsc  trahi  |)ar  le  ciel,  cela  est 
d'un  cupitan  pliilôt  (juc  d'un  héros.  [Rcmarq. 
sur  Corneille.) 

Capitedx,  Capiteuse.  Adj.  L'Académie  dit  rtw 
capiteux  et  liqueur  capiteuse.  Fcraud  pi'éteiul 
que  cet  adjectif  n'a  point  de  féminin,  et  qu'il  ne 
se  dit  que  du  vin.  Je  crois  qu'il  se  troiupc;  ce 
mot  signifie  qui  porte  à  la  tète  ;  on  peut  le  ilii'e  de 
toute  liqueur  qui  produit  cet  effet,  et  par  consé- 
quent de  certaines  bières. 

Capjtolaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Assemblée  capitulaire,  acte 
capitulaire . 

Capitllairement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Les  chanoines  awc//i- 
blés  capitula  ire  ment,  OU  capitulaire  ment  assem- 
blés. 

Capot.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  t. 

Capkice.  Subst.  m.  Avoir  des  caprices,  suivre 
ses  caprices,  dépendre  des  caprices  d" autrui- 

Il  se  dit  des  êtres  moraux  :  Les  caprices  du 
sort,  les  caprices  de  la  fortune,  /es  caprices  de 
l'amour,  ^'oyez  Fantaisie. 

Capriciecsement.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'a- 
près le  verbe  :  Il  a  agi  capricieusement. 

Capriciedx,  Capriciedse.  Adj.  Il  peut  quelque- 
fois se  mettiC  avant  son  subst.  ;  Cette  capricieuse 
humeur.  La  Fortune,  cette  capricieuse  divinité, 
esprit  capricieux.  Un  homme  capricieux,  une 
femme  capricieuse. 

Captiecsemert.  Adv.  H  ne  se  met  qu'après  le 
verbe. 

Captiecx,  Captieuse.  Adj.  lise  dit  particuliè- 
rement des  raisonnements  et  des  discours  qui  ten- 
dent à  séduire  par  de  belles  apparences. 

On  peut  le  mclire  avant  son  subst.,  en  consul- 
tant l'oreille  et  l'analogie  :  Discours  captieux, 
raisonnement  captieux.  Ce  captieux  raisonne- 
ment. 

L'Académie  pense  qu'il  se  dit  aussi  des  per- 
sonnes. Féraud  dit  qu'on  ne  le  dit  guère  des  per- 
sonnes. .Je  pense  qu'on  peut  dire  vu  homme  cap- 
lieux,  pour  signifier  un  homme  qui  a  l'art  d'in- 
duire en  erreur,  et  desurprendre  par  des  discours 
captieux. 

Captif,  Captive.  Adj.  On  prononce  le  /"au 
masculin.  En  prose,  cet  adjectif  suit  toijjoursson 
subst.  Delille  a  dit  des  dépouilles  captives  ;  l'e.x- 
pression  me  semble  bien  hardie. 

Antonr  de  cet  amas  de  dépouilles  captivei 
Se  pressent  les  enfants  ot  les  mère»  plaintive». 

[Enéide,  II,  lOei.) 

Captivité.  Subst.  m.  Ce  mot  n'a  point  de  plu- 
riel. Bossuet  a  dit  s'é/ever  au-dessus  des  captivi- 
tés. On  ne  le  dirait  pas  aujourd'hui. 

Caquet.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  t. 
La  Bruyère  l'a  employé  au  pluriel,  en  le  souli- 
gnant :  C'est  une  petite  ville  d'où  l'on  a  banni  les 


CAR 


\01 


caquets.  Aujourd'hui  on  dit  faire  des  caqueU, 
écouler  des  caquets,  clc. 

Caqdetage,  Caqueterie.  Le  premier  est  un 
subst.  m.,  le  second  un  subst.  f.  L'Académif  dA- 
finit  ces  deux  mots,  action  de  caqueter.  On  tlii 
caquetage,  anus  caqueterie  c^l  lré>-|K;u  usilè 

Car.  Conjonction.  Elle  sert  à  lier  deux  proposi- 
tions, en  indi(iuant  la  seconde  coniine  raibt.u  de 
la  première;   Il  plaira,  car  il  est  aimable. 

Caractère.  Subst.  m.  Le  caractère  d'un  iioinnie 
dépend  des  difl'érentes  (pialités  «jui  le  modifient: 
c'est  par  là  qu'il  est  triste  ou  gai,  vif  ou  h-nt, 
doux  ou  colère.  Il  en  est  de  niènie  des  différents 
sujets  que  traite  un  écrivain,  lis  sont  siisceiUiblcs 
dedilïérents  caractères,  parce  (ju'ils  sont  suscep- 
tibles de  diifcrentes  niodificalioiis.  Mais  ce  n'est 
pas  assez  de  leur  donner  le  caractère  (pii  leur  est 
propre,  il  faut  encore  les  modifier  suivant  les  sen- 
timents que  nous  devons  éprouver  en  écrivant. 
Un  ambitieux  ne  parlera  i)asavec  le  même  intérêt 
de  la  gloire  et  des  plaisirs;  un  avare,  du  gain  cl 
des  divertissements;  un  amant,  de  sa  maîtresse 
et  d'une  personne  pour  laiiuelle  il  n'a  que  de 
l'estime.  Le  langage  <iue  nous  tenons  lorsque  nous 
parlons  de  choses  qui  nous  touchent,  est  bien 
différent  de  celui  cjne  nous  tenons  lors(iue  nous 
parlons  de  choses  qui  ne  nous  touchent  pas;  et 
noire  discours  se  modifie  naturellement  de  loulcs 
les  choses  qui  se  passent  en  nous.  Sommes-nous 
accablés  de  tristesse,  nos  discours  prennent  la 
teinte  sombre  qui  règne  dans  notre  ànie  :  ils  sont 
tristes  comme  r.os  pensées.  La  gaieté  séduit-cUc 
notre  imagination  par  de  riantes  images,  nos  dis- 
cours sont  animés  par  la  vivacité  qui  la  caracté- 
rise :  ils  reçoivent  d'elle  le  reflet  des  couleurs 
dont  elle  brille. 

Le  caractère  du  style  doit  donc  se  former  de 
deux  choses  :  des  qualités  du  sujet  (lu'iin  traite, 
et  des  sentiments  dont  un  écrivain  doit  être  af- 
fecté. 

Chaque  pensée  considérée  en  elle-même  peut 
avoir  autant  de  caractères  qu'elle  est  susceptible 
de  modifications  différentes.  Il  n'en  est  pas  de 
même  lorsqu'on  la  considère  comme  faisant  par- 
tie d'un  discours.  C'est  à  ce  (jui  i)récéde,  à  ce  qui 
suit,  à  l'objet  qu'on  a  en  vue,  à  l'inlérél  qu'on  y 
prend,  et  en  général  aux  circonstances  où  l'on 
parle,  à  indiquer  les  modifications  aux(iucllcs  on 
doit  la  préférence.  C'est  au  choix  des  termes,  à 
celui  des  tours,  et  même  à  l'arrangement  des  mots, 
à  exprimer  ces  modifications;  car  il  n'est  rien  qui 
n'y  puisse  contribuer.  Voilà  pourquoi,  dans  un 
cas  donné,  quel  qu'il  soit,  il  y  a  toujours  une  ex- 
pression (|ui  est  la  meilleure,  et  qu'il  faut  savoir 
saisir.  Voyez  7our,  S/yle 

Caractéristique.  Adj.  pris  substantivement. 
C'est  un  mot  dont  on  se  sert  particulièrement  en 
grammaire  pour  exprimer  la  principale  IcUrc  d'un 
mot, qui  se  conserve  dans  la  plupart  de  ses  temps, 
de  ses  modes,  do  ses  dérivés,  de  ses  composés.  La 
caractéristique  ujaniuc  souvent  l'otymologie  d'un 
mot,  et  elle  doit  être  conservée  dans  son  ortho- 
graphe ,  comme  le  r  dans  les  mots  course , 
mort,  etc.  , 

Caiuhnal,  Cardinale.  Adj.  qui  ne  se  met  nu  a- 
près  son  subst.  Il  fait  cardinaux  a»  pluriel  mas- 
culin :  Les  vertus  cardinales,  les  points  car dx- 

C'est  aussi  un  terme  de  grammaire.  On  appelle 
adjectifs  de  nombre  cardinaux  les  adjectifs  qui 
servent  à  marquer  la  quantité  des  persuimes  ou 
des  choses,  et  répondent  a  la  question  combien  y 
en  a-t-il?  Ce  sont  un,  deux,  trois,  quatre,  etc. 


i08 


CAR 


—  Lorsqu'un  nombre  ciirdinal  est  précc'do  de  en, 
l'adjeilif  t|iii  suit  ce  nombre  est  ordin;iircincnl 
prccoili'  lie  l:i  [ireposilion  dc-Surinillc  liuhitauls, 
il  n'y  en  a  pas  vu  de  riche.  Avanl  un  suhstiiiilir, 
on  suiMiriiiic  de,  cl  l'on  prend  un  aulrc  tour.  Ou 
ne  ilil  p;is  sur  duc  mille  cmiihattunts,  il  y  en  eut 
cent  de  prisonniers  ;  m;iis  il  y  en  eut  cent  qui 
furent  faits  prisonniers,  OU  cent  furent  faits 
prisonniers. 

CARKMK-pnENANT.  Subsl.  RI.  11  ue  cbançe  pas 
au  pluriel,  car  il  si;-'iiilio  des  bonnnos  uiasipics 
aux  juursi.'ras,(iiiaiid  le  carême  premUcumi menée. 
{Grammaire  des  Grammaires,  p.  1'j2  ) 

Cabessant,  C.ARKSSAMi;.  Atlj.  verbal  lire  du  v. 
caresser  llsemcl  oïdinairemcnlaprèsson  subsl.  : 
Un  en  fant  caressant,  liiimeur  caressante . 

Carks>er.  m .  a.  de  la  !"■  ronj.  Selon  le  père 
BouJKiui'S,  caresser  cl  faire  des  caresses,  uu  faire 
caresse,  ne  miuI  pas  synonymes.  Le  [)remier  ne  se 
dit  (pi'au  propre,  le  becoud  au  (içuré,  et  signilic 
traiter  les  cens  d'une  manière  el  d'un  air  ijui 
monirc  (]!i'on  les  aime,  qu'on  les  eslimc.  Le  roi 
fit  bcaticcvp  de  caresses  à  l'amiral,  et  non  pas  le 
caressa  bt-aiicnup  Celle  rcmartjue  parait  jusie. — 
II  se  dit  liv'uréiuenl  des  cboscs. 

. . .   Que  des  justes  dicui  Zopire  soit  puni. 
Si  tu  vois  cctlc  main,  ju:>qu'ici  libre  et  pure, 
Careiser  la  révolte  el  llatler  l'imposture  ! 

(Volt.,  JUahom.,  acl.  I,  se.  I,  4.) 

Carnassier,  Carnassière.  Adj.  En  prose,  il  se 
met  ajirès  smi  subsl.  :  Animal  carnassier,  des  oi- 
seaux carnassiers. 

Cariié,  Carrée.  Adj.  qui  suit  toujours  son 
SUbst.  :  Fif/ure  carrée,  tulle  carrée,ho7utetcarré. 

Cet  adjcciif  cx|)rmiaiil  une  qualité  absolue, 
n'est  susceptible  ni  d'extension  ni  de  reslriclioii; 
et  par  coubciiuont  ne  pont  cire  employé  ni  au 
comparalif  ni  au  supcrlalif,  e'esl-à-dirc  avec  les 
mots  plus,  extrêmement,  infiniment ,  moins, 
aussi,  autant,  si,  combien^  ou  avec  tout  aulrc 
mol  qui  exprime  le  |)lus  ou  le  mouis. 

Carreler.  V.  a.  de  la  \"  coiij.  Dans  la  con- 
jugaison de  ce  verbe  on  double  la  lellre  l  toulo  ; 
les  fois  (lu'elic  est  suivie  d'un  e  muet  ou  du  son 
d'un  e  miiel  :Je  carrelle,  tu  carrelles,  ils  car- 
rellent ;  je  carrellerai,  etc. 

Lm.i.lsii.m.  kù> .  11 1^1  se  r.cl  qy'après  le  verbe . 
Cela  est  planté  carrément,  cl  non  pas  cela  est 
carrément  planté 

Carrièi'.e.  Subst.  f.  Voltaire  a  dit  ; 

L'un  et  l'autre  à  ces  mots,  dans  un  char  de  lumière. 
Des  cieuxen  un  moment  traversent  la  carrière. 

(Hsnr.,  Ytl,  41.) 

Ce  gendarme  effronté 

Qui  sous  le  nom  d'une  lille  suivante, 
Donne  carrière  à  sa  langue  impudente. 

\Enf.  prod.,  act.  I,  se.  iv,  54.) 

On  dit  aussi  donner  carrière  à  ses  idées,  à 
son  imaginatiirn. 

Caistaver.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe  on  conserve  l'y  qui  est  dans 
rinlinilif,  excepte  avant  un  e  muet  (jii  le  son  d'nn 
c  innct  :  Je  curtaic,  ta  cartaics,  il  cartuie,  ils 
cariaient  ;  Je  carlaierai,  eic. 

CAinii.AGiiNEux,  Cartilagineise.  Adj.  qui  ne  se 
met  <iu'a|irès  son  subst. 

Cahtouche  11  faut  dislinguei'  cartouche,  snb- 
slanlif  masculm,  (|ui  désigne  un  cerlainoriiemenl 
de  sciilpliire,  de  peinture  ou  de  gravure,  el  car- 
touche, subslanlif  féminin,  qui  signilie  la  cliarge 


CAS 

entière  d'une  arme  à  feu,  ou  un  congé  donné  à  ui* 
militaire. 

Cas.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire.  Il  y  a 
des  langues,  telles  que  la  française,  où  les  rela- 
tions des  noms  entre  eux  sonl  manpiécs  par  l'or- 
dre dans  letiuel  ils  sonl  énoncés,  ou  la  place  qu'on 
leur  donne.  Par  exemple,  (|uand  je  dis  Pierre 
aime  Paul,  on  comprend  ipie  Pierre  est  le  sujet 
ou  la  personne  qui  fait  l'action  exprimée  par  le 
verbe  aime,  parce  que  ce  mun  est  placé  avant  ce 
verbe;  cl  l'un  comprend  que  Paul  est  l'objet  où 
vient  se  leiininer celle  action,  parce  tpie  ce  nom 
est  placé  après  ce  même  verbe.  11  y  a  d'autres 
langues  où  les  relalions  respectives  des  mois  ne 
sonl  pas  mditpiées  par  leur  i)la(c,  mais  par  des 
terminaisons  différcnlcs.  Ainsi  en  lalin,  on  dirait 
Petrus  antul  Pavlum,  pourcxpriiiier  Pierre  aime 
Paul.  La  lermiiiaison  us  de  Petrus  indiquerait  le 
snjcl,  la  tcrininaisun  um  do  Puulum  indiquerait 
l'objet;  cl  l'on  dirait  (jne  Petrus  est  à  un  cas  que 
l'on  appelle  iiomiiialit',  el  Paulum  à  un  autre  cas 
que  l'on  nomme  accusatif.  Lorsipie  les  relations 
des  noms  sont  marquées  par  la  place  qu'ils  occu- 
pent dans  la  phrase,  on  ne  saurait  les  faire  changer 
de  place  sans  détruire  l'ordre  qui  faii  tju'ils  for- 
menl  le!  ou  tel  sens.  Ainsi  Paul  aime  Pierre  vou- 
drait dire  aiiirc  chose  tpie  Pierre  aime  Paul,  et 
aime  Pierre  Paul  ne  sérail  pas  com[)ris. 

Au  contraire,  dans  les  langues  (pii  ont  des  cas, 
quelcjuc  place  que  l'on  donne  aux  noms,  leurs 
terminaisons  indiquent  loiijotirs  leurs  relations. 
Soit  que  je  dise  en  lalin  Petrus  amat  Paulum, 
ou  Paulum  amat  Petrus,  ou  amat  Petrus  Pau- 
lum, les  terminaisons  vs  et  um  feront  toujours 
connailrc  que  Pierre  est  le  sujet,  cl  Paul  l'objet. 

La  langue  française  n'ayant  |)oint  de  cas,  il  est 
inutile  de  nous  étendre  sur  cet  article.  Nous  re- 
nianpierons  scnlemcnl  {]uc  les  anciens  grammai- 
riens français,  ayant  voulu  former  la  grammaire 
française  sur  le  modèle  de  la  grammaire  latine, 
ont  donné  des  cas  à  la  première,  parce  que  la  se- 
conde en  a.  Ils  ont  dit,  par  exemple,  à  l'occasion 
de  la  phrase  cilée  ci-dessus,  que  Pierre  est  au 
nominatif  parce  qu'il  répond  au  latin  Petrus,  el 
que  Paul  est  à  l'accusatif  parce  qu'il  répond  à 
Pavlum  ■ 

La  philosophie  ayant  étendu  ses  influences  sur 
la  grammaire  comme  sur  les  autres  scit^nces,  les 
graimnairicns  modernes  ont  banni  de  la  gram- 
maire française  ces  dénominations  tpii  causaient 
de  rembarras  sans  iirodnirc  aucune  utilité.  Ce- 
pendant l'ancien  système  n'est  pas  encore  telle- 
incnl  aboli,  qu'il  ne  se  retrouve  plus  ou  moins 
dans  quehiucs  grammaires  el  dans  quelques  dic- 
tioimaires.  Delà  résultent  souvent  luie  confusion 
el  un  désordre  ijui  dérotitenl  ou  rebutent  les  pci- 
sonnesqui  veulent  étudier  notre  langue.  Féraud, 
en  convenant  (jne  la  suppression  des  cas  et  de.s 
déclinaisons  est  tuie  chose  raisonnable,  ne  les  con- 
serve pas  moins  en  faveur  des  jeunes  gens  et  des 
étrangers  tjui  sont  accoutumés  à  l'ancien  sys- 
tème: comme  si  on  facilitait  l'élude  d'une  science 
en  y  laissant  des  dénominations  sans  objet,  el  des 
règles  sans  fondement.  Nous  avons  lâché  d'é\iter 
dans  notre  ouvrage  les  inconvénienlsel  les  embar- 
ras qui  résultent  nécessairement  de  l'amalgame 
de  l'ancien  el  du  nouveau  système.  La  grammaire 
y  est  traitée  d'une  manière  uniforme,  suivant  les 
l)rincipesdes  grammairiens  modernes,  (jui, depuis 
un  demi-sicde,  ont  répandu  tant  do  lumière  sur 
colle  science.  En  rappariant  les  oi»inions  ou  les 
décisions  dos  auteurs,  nous  avons  accommodé 
leurs  expressions  au  système  général  de  l'ou- 


CAT 

vrage,  et  nous  avons  fait  noire  possililc  pour  ne 
rien  laisser  dans  nos  articles  iiariiculiers  qui  fùi 
en  contradiction  avec  les  principes  ([ue  nous  avons 
adoptés. 

Cas  se  dit  aussi  pour  accident,  aventure,  con- 
jonclurp,  occasion.  On  dildans celle  acception  au 
cas  que,  el  en  cas  de.  On  disait  autrefois  en  cas 
que.  Bcauzée  trouve  avec  raison  une  différence 
entre  ces  deux  expressions,  el  décide  qu'on  ne  doit 
pas  dire  en  cas  que.  11  niolive  son  o|)iiiion  |)arcc 
principe,  que  lout  ce  ipii  cxiije  un  anleccdenl 
le  suppose  déterminé  individueilonient  ;  or,  il  ne 
peut  l'élre  ijue  par  article,  ^u  cas  renferme  cet 
article;  au  cas  que,  c'csl-a-dire  dans  le  cas 
que;  mais  en  cas  n'a  poinl  d'ailicle,  Il  ne  doit 
donc  pas  cire  suivi  de  que.  11  faut  donc  direaw 
cas  que  cela  soil,  avec  le  sulijonctif  ;  cl  en  cas 
de  refus,  avec  la  préiiosilion  de  et  un  subslanlif. 

Cas,  Cvsse.  Adj.  L'.'Vcadéniie  dit  (ju'ilcsl  vieux  ; 
Féraud  dit  qu'il  n'est  |iliis  d'usage  au  masculin  ; 
cependant  Voltaire  l'a  employé  {E/if.  prud.,  act. 
V,  se.  iiô)  : 

L'un  TOUS  traînait  sa  voix  de  pédagogue. 
L'autre  braillait  d'un  ton  cas,  d'un  air  rogue. 

Casamer,  CASA?iii:uE.  Adj.  11  suit  toujours  son 
subst.  :  f^ie  casa/aère,  humeur  casanière. 

Caséecx,  Caséecse.  Adj.  Jl  ne  se  met  qu'après 
son  subst. 

Cassant,  Cassa>te.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  cas- 
ser. Il  se  met  après  son  subst. 

Casse-coo.  Subst.  m.  Ce  mot  étant  composé 
d'un  verbe  et  d'un  suiislaniif,  le  verbe  ne  peut 
prendre  le  s  au  pluriel  ;  le  subslantif  ne  peut  le 
prendre  non  plus,  puisque  la  pluralité  lomlie  sur 
les  lieux  où  Ion  esi  exposé  à  se  casser  le  cou,  et 
non  sur  les  cous.  Il  faut  donc  dire  au  pluriel  des 
casse-cou,  et  non  pas  des  casse-cous. 

Casse-cul.  On  poul  appliquera  ce  mot  composé 
ce  qu'on  a  dit  sur  le  mot  casse-cou. 

Casse-nojsktte,  Cassf.-noix.  Voyez  au  mol 
Composé  le  passage  où  il  est  cpiestion  des  sub- 
sianlii's  c(im|)Osés  d'un  vcrlie  ci  d'un  substantif. 

Casse-tête.  Voyez  Casse-cnu.  M.  l.eniairo  est 
d'avis  d'écrire  des  casses-lcte  lorsqu'il  s'agit 
de  travaux  faliganls  qui  cassent  la  tète,  cl  des 
casse-tôles,  ipiand  il  est  (lucslion  des  armes 
propres  à  ca.ï«er  les  tôles.  {Grammaire  des  Gram- 
maires, p.  187.) 

Castagnettes.  Subst.  f.  On  mouille  le  i/n. 
L'Académie  met  castagnette  au  singulier,  et  ne 
donne  des  exemples  que  du  pluriel.  La  casta- 
nnette,  au  singulier,  est  une  des  deux  ou  trois 
palellcs  d'ardoise,  de  bois  ou  d'auire  malièrc, 
dont  on  compose  l'instrument  nommé  casta- 
gnettes au  pluriel.  Jouer  des  castagnettes,  dan- 
ser avec  des  castagnettes. 

Casuel,  Caslelle.  Adj.  Fortuit,  accidentel, 
qui  peut  arriver  ou  n'arrivcrpas.  — C'est  un  usage 
assez  général, surtout  a  Taris,  d'employer  ce  mol 
dans  le  sens  de  fragile  :  La  porcelaine  est  ca- 
sueUe,  ce  vase  est  casuel.  Les  grammairiens  n'ap- 
prouvent pas  cette  expression  en  ce  sens. 

Catachrèse.  Subst.  f.  On  prononce  catacrèse. 
Figure  de  rhétorique.  Les  langues  les  plus  ri- 
ches n'ont  pas  un  assez  grand  nombre  de  mots 
pour  exprimer  chaque  idée  |)arliculière  par  un 
signe  qui  ne  soit  que  le  signe  i)roprc  de  celte 
idée.  Ainsi  l'on  esl  souvent  obligé  d'emprunter 
le  mot  pro[ire  de  quelque  autre  idce  <iui  a  le 
plus  de  rapport  à  celle  (|u'on  veut  exprimer;  et 
cet  emploi  se  fait  par  catachrèse.  Par  exemple, 


C.VU  109 

l'usage  ordinaire  est  de  clouer  des  fers  sous  les 
picd>  des  chevaux,  ce  (pii  s'apj)clle  ferrer  un 
cheval.  Mais  s'il  arrive  qu'au  lieu  de  fer  on  se 
sç>rve  uargcnl,  on  du  :i|,,is  ^lue  les  chevaux  sont 
ferrés  dnrgent,  pinlùl  (|uo  d'invcnlur  uiinou- 
veau  mol  cjui  ne  serait  pas  enicndii.  On  ferre 
aussi  d'argent  une  casselle,  etc.  Alors  ferrer 
signifie,  [wr  extension,  g.irnir  d'ar^'onl  au  lieu  de 
fer.  On  dil  de  même  aller  ôi  ihenit  .sur  un  bâ- 
ton, pour  dire  se  mellie  sur  un  bàlon  de  la  même 
manièio  ipioii  se  |)lace  a  clicvid.  Parricide  se 
dil  non-seulement  de  celui  »iui  lue  son  père,  ce 
(]ui  esl  le  premier  usage  de  ce  mol;  mais  il  se  dil 
encore  par  cxlensioii  de  celui  (pii  fait  mourir  sa 
mère,  ou  (luebiu'un  de  ses  iiarcnls,  ou  eulin 
(jnelque  personne  sacrée  Ainsi  la  calaclncsc  esl 
un  ecarl  (|ue  certains  mois  font  de  leur  première 
signilicaliun,  pour  en  prendre  une  autre  ijui  y 
a  rapport;  el  c'est  aussi  ce  (pi'on  appelle  <?x- 
tcnsion.  La  raison  rcjeiie  ces  c\pressioiis,  mais 
la  ncccssilé  les  excuse;  et  le  sens  qu'on  y  atta- 
che sauve  ta  conlradiclion  qu'elles  |iresciiienl. 

CatahTiHal,  Catariihale.  Ailj.  Il  nesemcl  qu'a- 
près son  subst.   :  Fierté  caturrliule. 

Catauiiheux,  Catarrheuse.  Adj.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  ;  Fièvre  cutarrheuse,  vieil- 
lard cutarrlieux. 

CATASTiioi'HE.  Subsl.  L  C'csl  Ic  changement 
ou  la  révolution  qui  arrive  a  la  lin  de  l'action 
d'un  poème  dramatique  et  (]ui  la  lermine.  On 
n'altaclic  plus  à  ce  mol  que  l'idée  d'un  cvcne- 
iiiciit  funeste. 

Catéchisme.  Subst.  m.  A'olUiirc  a  dil  {Epitre, 
ACVli,  (j7)  : 

Et  dans  l'Europe  enfin  l'heureux  lolérantisnic. 
De  tout  esprit  bien  fait  devient  te  cuteclnonr. 

Catéchumène.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne 
prononce  point  le  h. 

CATÉGouiQtEMENT.  Adv.  On  Ic  mcl  après  le 
verbe  :  lia  parlé  catégoriquement,  Cl  non  pas  il 
a  catégoriquement  parlé. 

Catholique.  Adj.  des  deux  genres.  Au  propre, 
il  ne  se  met  (ju'après  son  subst.  :  La  foi  cailwli- 
que,  la  religion  catlwlique. 

Catholiquejient.  Adv.  11  se  met  après  le 
verbe  :  Il  a  prêché  cutholiquement,  cl  non  pas 
il  a  cathiliquement prêché. 

Caucuemar.  Subsl.  m.  On  prononce  cochemar. 

Causatif,  Causativë.  Adj.  Terme  de  gram- 
maire, il  se  dil  des  conjonctions  dont  on  se  serl 
|)our  rendre  raison  de  ce  qui  a  été  dil  :  Parti- 
cule causutive,  conjonction  cuusutive. 

Cacse.  Subsl.  f.  On  dit,  dans  le  sens  de  prè[M)- 
silion,  à  cause  de,  et  à  cause  que.  Le  premier 
régit  toujours  un  nom  ou  un  pronom;  le  scccnd 
rcgil  l'indicatif:  A  cause  du  tnaurais  temps,  à 
cause  qu'il  fait  mauvais  temps. 

Calseub,  Calsel'se.  Adj.  11  se  met  toujours 
après  son  subsl.  :  Homme  causeur,  femme  cau- 
seuse, humeur  causeuse. 

Caustiqle.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met  or- 
dinairemcnl  après  son  subsl.  Au  lignrc,  il  poui^ 
rait  quelquefois  se  mettre  avant  :  Elle  prétend, 
dans  sa  caustique  humeur,  Cli--. 

CAUTELEi:st,MK>T.  Adv.  lise  melapii-sle  verbe: 
Il  a  agi  cauteleuse  ment,  el  non  Jias  il  a  caute- 
leuseutent  agi.  ,.    „ 

CAtTELEDX,  Cal'teleose.  Adj.  II  nc  se  mei 
qu'a|)rôs  son  subsl.  :  Un  homme  cauteleux,  un 
esprit  cauteleux.  L'Académie  ne  le  dit  .pic  des 
personnes  el  de  ce  qui  a  lapiiori  aux  i)crsonnes; 
je  pense  qu'on  pourrait  dire  une  réponse  caute- 


ilO 


CE 


leuse;  et  alors  on  pourrait  le  mettre  avant  son 
subst.,  en  consullanl  roreillc  et  l'analogie. 

Cavalier.  Snl)St  m.  On  dit  au  féminin  cara- 
lière,  en  parlant  d'une  Tcmnie  qui  monte  bien  à 
cheval  :  Celte  femme  est  vne  bonne  cavalière.  — 
L'Académie  n'admet  point  ce  féminin. 

Cav.ilier,  Cavalière.  Adj.  Il  se  met  après  son  I 
subst.  :  Un  air  cavalier,  vne  rrpouse  cavalière. 

Cavalièrtment.  Adv.  Il  se  inel  ordinairomenl 
après  le  veriie  :  On  l'a  traité  cavalièrement. 

Caverneux,  Cavernflse.  Adj.  (|ui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Lieux  caverneux,  monta- 
gnes caverneuses,  corps  caverneux. 

Ce.  .\dj.  dcnionsiralif.  Il  fait  au  féminin  cette, 
et  ces  au  pluriel.  Ce  no  se  met  au  masculin  que 
devant  les  noms  qui  commencent  par  une  con- 
sonne ou  un  h  aspiié  :  Ce  roi,  ce  ht'ros.  De- 
vant une  voyelle  ou  un  h  muet,  on  écrit  cl  on 
prononce  cet  :  Cet  ami,  cet  homme.  H  se  dit  des 
personnes  et  des  choses 

Cet  adjectif  a  toujours  rapport  à  un  nom  ex- 
primé ou  sous-entendu,  ou  a  quehjiics  mots  de 
la  phrase  qui  le  précèdent,  ou  qui  équivalent  à 
un  nom.  Dans  cet  homme  est  mon  ami,  cette 
maison  est  agréable,  ce  jardin  me  plaît  beau- 
coup, cet,  cette  et  ce  ont  rapjwrt  aux  substantifs 
qui  i»récèdent.  Dans  t7  ne  faut  faire  que  ce  qui 
est  honnête,  ce  a  rapport  a  des  chnsa  honnêtes. 

Ce  se  joint  souvent  au  verbe  être.  Alors  il  se 
met  quelquefois  au  commencement  d'une  pro- 
position, soit  pour  lui  donner  plus  de  force,  soit 
pour  lier  cette  proposition  à  ce  qui  précède. 
Quand  après  avoir  parlé  des  Phéniciens  et  décrit 
l'esprit  d'industrie  et  d'invention  qui  distincuait 
ce  peuple,  je  dis  ce  furent  eux  fui  inventèrent 
l'écriture,  celte  proposition  est  liée  par  ce  à  ce 
que  je  viens  de  dire  ;  elle  ne  le  serait  pas  si  je 
disais  simplement  ils  inventèrent  Vécriture  Si 
je  dis  c'est  le  devoir  d'un  chrétien  de  pai  donner 
à  ses  ennemis,  l'expression  a  plus  d'énergie  que 
si  je  disais  simi)lemonl  le  devoir  d'un  chrétien 
est  de  pardonner  à  ses  ennemis. 

Lorsque  de  deux  propositions,  la  première  doit 
être  qualifiée  par  la  seconde,  ce  joint  au  verbe 
être  se  met  au  commencement  de  celte  swondc 
proposition,  pour  indiquer  ce  rapport,  marquer  le 
caractère  (pialilicalif  de  la  projwsition  qu'il  com- 
mence, et  former  sous  ce  point  de  vue  la  liaison 
des  deux  pro|)Ositions.  Se  dévouer  à  la  cause  de 
la  philosophie  est  le  devoir  de  tous  les  hommes 
qui  pensent;  voilà  deux  propositions  dont  la  der- 
nière qualilie  la  première;  mais  on  sent  que  ce 
rapport  est  bien  mieux  marqué,  et  que  la  liaison 
formée  par  ce  rajjport  est  bien  mieux  indicjuéc 
quand  on  dit  :  Se  dévouer  tout  entier  ci  la  cause 
de  la  philosophie,  c'est  le  devoir  de  tous  les  hom- 
mes  qui  pensent. Ce?,l  parle  même  principe  qu'on 
dit,  boire,  manger,  dormir,  c'est  le  partage  de  la 
brute;  penser  avec  liberté,  sentir  avec  délica- 
tesse, agir  avec  courage,  c'est  le  partage  de 
l'homme.  Dans  ces  deux  exemples,  ce  rassemble 
les  idées  partielles  du  premier  membre,  et  les  in- 
dique comme  une  seule  chose,  ce  qui  les  singula- 
rise et  les  rend  analogues  au  second. 

Domcrgue  prétend  que  dans  cet  cxcmpie,  se 
dévoiler  entièrement  à  la  philosophie ,  c'est  le  de- 
voir de  tous  les  hommes  qui  pensent,  le  ce  n'est 
nécessaire  que  parce  que  s^dévouer,  <pn  est  l'i- 
dée principale  de  la  première  proposition,  étant 
accompagné  de  plusieurs  compléments,  se  trouve 
trop  éloigné  de  la  seconde.  Le  ce,  dit-il,  sert  dans 
cet  excm|)le  à  rapprocher  le  plus  «lu'il  est  possible 
deux  choses  qu'il  faut  séparer  le  moins  possible. 


CE 

Mais,  selon  lui,  .orsque  les  idées  principales  des 
deux  propositions  ne  sont  point  séparées,  ou 
qu'elles  ne  le  sont  que  par  un  complément  très- 
court,  ce  est  inutile,  parce  (|u'il  n'y  a  point  de  rap- 
prochement a  faire  Ainsi  l'on  disait  autrefois  au 
parlement,  qui  condamnait  au  feu  les  ou\  rages  des 
philosophes,  brûler  n'est  pas  répondre. 

Je  pense  que  cet  académicien  s'est  trompé  :  te 
ce  est  nécessaire  moins  jiour  le  rapprocheinenldes 
deux  parties  principales  des  propositions,  que 
pour  la  liaison  de  ces  deux  propositions  sous  le 
rapport  qui  les  caractérise.  11  est  vrai  que  l'on 
peut  dire  brûler  n'est  pas  répondre,  nier  n'est 
pas  prouver  ;  mais  il  faut  observer  (juc  ces  phra- 
ses sont  des  phrases  négatives,  qui  signilient  que 
lu  première  idée  n'est  pas  semblable  à  la  seconde; 
et  que  ce  joiiitàe*^,  étant  particulièrement  des- 
tiné à  indifiuer  la  liaison,  la  convenance  des  deux 
idées,  figurerait  mal  dans  une  phrase  qui  exprime 
disparité,  diseonvenancc.  On  ne  dit  pas  dans  le 
sens  négatif,  brûler  ce  n'est  pas  répondre,  nier  ce 
7i'est  pas  prouver  ;mw\s  on  dit  dans  le  sens  affir- 
malif,  penser  c'est  vivre,  flatter  c'est  tromper 

Quelquefois  ce,  au  commencement  d'une  pro- 
position qui  est  liée  avec  une  proposition  anté- 
cédente, semble  n'indiquer  qu'une  personne  ou 
une  chose  dont  on  a  déjà  parlé  dans  la  première 
proposition  :  J'aime  Pierre,  c'est  un  bon  ami;  ce 
c'est  Pierre;  je  lis  volontiers  Bacine  et  Des- 
préaux, ce  sont  de  grands  poètes  ;  ce  est  pour 
Racine  et  Despréaux. 

De  là  quelques  grammairiens  ont  pensé  que  ce 
n'est  pas  une  faute  de  substituer  dans  ces  phrases 
il  ou  ils  à  ce. 

Certainement  ce  ne  serait  pas  une  faute,  si  l'on 
n'avait  pas  intention  d'indi(]uer  une  liaison  entre 
les  deux  propositions;  dans  le  cas  contraire,  c'en 
serait  une.  Si  après  avoir dity'rtî/ne /'terre,  je  dis 
il  est  bon  architecte,  il  n'y  a  point  de  faute  si  je 
ne  veux  marquer  aucune  liaison  entre  mon  amitié 
pour  lui  et  son  ha!)ilelé  dans  l'architecture.  Mais 
si  je  dis  j'aime  Pierre,  il  a  pris  soin  de  ma  jeu- 
nesse, je  fais  une  faute  si  je  veux  marquer  une 
liaison  entre  mon  attachement  pour  Pierre  et  les 
soins  qu'il  a  pris  de  ma  jeunesse.  Il  faut  donc  que 
je  dise,  i)our  marquer  cette  liaison,  c'est  lui  qui  a 
pris  soin  de  ma  jeunesse.  On  ne  peut  donc  pas, 
dans  ces  sortes  de  phrases,  substituer  indifférem- 
ment il  ou  elle  à  ce. 

Si  plusieurs  substantifs  au  singulier  suivent  le 
verbe  être  précédé  de  ce,  ce  verbe  se  met  au  singu- 
lier :  C'est  l'avarice  et  l'ambition  qui  troublent  le 
monde,  et  non  pas  ce  sont,  etc. 

Si  de  ces  substantifs  le  premier  est  au  singu- 
lier :  et  l'autre  ou  les  autres  au  pluriel,  le  verbe 
être  se  met  aussi  au  singulier:  C'est  la  gloire  etl.es 
plaisirs  qu'il  a  en  vue.  Si  au  contraire  le  premier 
est  au  pluriel,  et  les  autres  au  singulier,  le  verbe 
se  met  au  pluriel  :  Ce  sont  les  plaisirs  et  la  gloire 
qu'il  a  en  vue.  Cependant  si  ie  substantif  pluriel 
est  suivi  il'un  substantif  singulier  précédé  d'une 
négation,  le  verbe  se  met  au  singulier:  Los  dieux 
décident  de  tout,  c'est  donc  les  dieux  et  non  pas 
la  mer  qu'il  faut  craindre-  (Fénel.,  Télcm.., 
liv.  VI,  t.  1,  p.  220.)  C'est  comme  s'il  y  avait  ce 
n'est  pas  la  mer,  ce  sont  les  dieux  qu'il  faut 
craindre. 

Mais  si  le  substantif  ou  les  substantifs  sont  au 
pluriel,  le  verbe  se  met  aussi  au  pluriel  :  Ce  sont 
les  ingrats,  les  menteurs,  les  flatteurs  qui  ont 
loué  le  vice.  (Fénel.,  Télém.,  liv.  XVIII,  t.  II, 
p.  216.) 

11  faut  observer  que  dans  tous  les  exemples  que 


CEI) 

nous  venons  de  cilcr,  ce  se  rapporte  aux  sulv- 
stantils  ([ui  le  suivcul  :  C'est  l'avarice  et  l'ambi- 
tion qui  troublent  le  monde,  c'csl-à-dirc  l'avarice 
et  l'ambition  est  ce  qui  trouble  le  monde  ;  ce  sont 
les  plaisirs  et  la  gloire  qu'il  a  en  vue,  c'est-à-dire 
les  pl'ii-firs  et  la  gloire  sont  ce  qu'il  a  en  vue. 

Mai>  quand  ce  ne  se  rapporte  pas  aux  substan- 
tifs qui  le  suivent,  mais  à  un  ou  a  plusieurs  sub- 
slanlils  qui  procèdent,  alors  le  verbe  être  doit 
s'accorder  en  nombre  avec  ce  substantif  ou  ces 
substantifs.  Ainsi,  quoi  qu'en  dise  l'craud.bufiun 
a  eu  raison  de  dire,  dans  son  Histoire  naturelle 
de  l'homme  :  Les  nègres  blancs  sont  des  nègres  dé- 
générés de  leur  race,  ce  ne  sont  pas  une  espèce 
d'hmme particulière  et  constante.  Ce  est  ici  pour 
ces  nègres  blancs,  ou  jiour  ils,  se  rapportant  a  ces 
nègres  blancs;  et  si  l'on  peut  dire  ces  nègres 
blancs  ne  sont  pas,  ou  ils  ne  sont  pas  une  espèce 
4'homvie  particulière  et  constante,  on  peut  bien 
dire  aussi  ce  ne  sont  pus,  etc. 

Le  temps  du  verbe  cire  précédé  de  ce  est  dé- 
terminé par  le  tenqis  du  verbe  suivant.  Ainsi  il 
faut  dire  c*?  sera  nous  ywj' jouirons  de  ses  bien- 
faits, et  non  pas  c'est  nous  qui  jouirons.  Ce  fut 
Cicéron  qui  sauva  la  république,  et  non  pas  c'est 
Cicéron  qui  sauva  la  république . 

Quand  ce  joint  au  verbe  être  est  suivi  d'un  in- 
llnilif,  d'un  adverbe,  ou  de  l'une  des  prépositions 
a  ou  de,  la  seconde  partie  de  la  phrase  doit  être 
jointe  à  la  i)remicrepar  la  conjonction  que  :  C'est 
autoriser  le  mal  que  de  l'excuser,  c'est  là  qu'il 
faut  aller,  c'est  à  vous  qu'il  veut  parler,  c'est 
de  vous  qu'il  s'agit.  Voyez  Adjectifs  démonstra- 
tifs 

Lorsque  ce  est  suivi  d'un  adjectif  relatif  qui, 
que,  dont,  quelquefois  on  le  répète,  et  quelque- 
lois  on  ne  le  répète  pas  au  second  membre  de 
phrase.  Voyez  Èépétition. 

Ceci,  Cela.  Adjectifsdémonslratifsqui  so  disent 
d''S  choses,  coinaie  celui  et  celle  se  disent  des  per- 
sonnes. Ceci  indique  l'objet  qui  est  le  plus  près 
(le  nous,  ei  cela  l'objet  le  plus  éloigné. 

Ouehjuefois  ceci  et  cela  se  disent  seuls,  et  sans 
rapport  à  la  dislance  plus  ou  moins  grande  des 
olijets  :  Ceci  m'étonne,  cela  me  surprend.  En  jiar- 
iani  d'un  objet  qu'on  tient  et  qu'on  montre,  ou 
qu'on  met  entre  les  mains  de  celui  à  qui  l'on 
parle,  on  dit  voyez  ceci,  examinez  cela.  Alors 
ceci  ei  cela  ne  signifient  autre  chose  que  l'objet 
que  je  vous  montre,  ou  l'objet  que  je  remets  entre 
vos  mains.  On  dit  dans  le  même  sens,  que  dites- 
vous  de  ceci?  que  pensez-vous  de  cela  ? 

Dans  le  discours  très-familier,  cela  se  dit  qnel- 
([uefois  avec  rapport  aux  persomies  :  Cette  petite 
fille  est  une  sotte,  cela  ne  sait  pas  dire  un  mot. 
Il  n'est  bon  qu'au  palais;  cela  suit  les  lois,  et 
voilà  tout.  On  dit  aussi,  en  parlant  d'un  enfant, 
cela  ne  fuit  que.  jouer,  que  rire,  etc. 

On  dit  aussi,  dans  le  langage  familier,  c'est 
parler,  cela  ;  voilà  paiicr,  cela;  pour  dire,  voilà 
ce  qui  s'appelle  parler  clairement,  avec  courage, 
avec  fermeté.  "V  oyez  Adjectifs  démonstratifs. 

Cécité.  Suljst.  t.  Voyez  Aveuglement. 

Cédant,  Cédante.  Adj.  verbal  tiré  du  v,  céder. 
Il  ne  se  dit  qu'on  termes  de  pratique,  et  ne 
s'emploie  guère  que  substantivement  :  Le  cédant 
et  le  cessionnaire. 

CÉDILLE.  Subst.  f.  La  cédille  est  une  espèce 
de  petit  c  que  l'on  met  sous  le  c  lorsijuc,  par  la 
raison  de  l'élymologie,  on  conserve  le  c  devant 
un  a,  un  o  ou  un  w.  Ainsi  de  glace,  glacer,  on 
écrii  glaçant,  glaçon  ;  de  menace,  menaça7it  ;  de 
France^  français;  de  recevoir,  reçu,  etc.  En  ces 


CEL  H, 

occasions,  la  cédille  manjuc  que  le  c  doit  avoir 
la  même  prononciation  douce  qu'il  a  dans  le  pri- 
mitif. Par  cette  pratique,  le  dérivé  ne  perd  mim 
la  lettre  caractéristi(iue,  cl  conserve  ainsi  la 
marque  de  son  origine.  (Dumai-sais.) 

Ckindre.  V.  a.  de  la  4'  conj.  Il  se  conjugue 
COmmopeindre. 

Ceint,  Ceinte.  Pari,  passé  du  verbe  ceindre. 
Employé  adjectivement,  il  régit  la  iircposjiiun  de. 
Le  front  ceint  de  lauriers,  une  ville  ceinte  d'une 
muraille. 

Cela.  Voyez  Ceci. 

Célèbre.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  1.- 
mettre  avant  son  subsl.,  loisiiue  l'analogie  ei 
rharmonie  le  pcruictlent  :  Un  homme  cclèbre, 
une  femme  célèbre,  un  auteur  célèbre,  un  célèbrr 
auteur,  un  musicien  célèbre,  cette  assemblée  cé- 
lèbre, cette  célèbre  assemblée. 

Ce  mot  régit  quchpiefoisla  préposition  p«r  ei 
la  préposition  ^ot/?';  Célèbre  par  ses  exploits,  par 
ses  vertus;  célèbre  pour  sa  piété,  pour  sa  aoc- 
trine. 

iioileau  a  dit  célèbre  en  naufrages. 

Sais-lu  dans  quels  périls  aujourd'hui  lu  l'engages? 
Celle  mer  où  lu  cours  est  célèbre  en  naufrages. 

Je  crois  qu'on  ne  peut  pas  plus  dire  célèbre 
en  naufrages,  que  célèbre  en  malheurs,  en  com- 
bats, en  exploits. — «Comment  pourrait-on  mieux 
dire?  l.'u^agc  et  l'Académie  permcltenl  dédire 
fameux  en  naufrages.  L'analogie  osl  coinitlèlc. 
(A.  Lemaire,  Grammaire  des  Grammaires, 
p.  2S5.) 

Celer.  'V  .  a.  de  la  1'''"  conj.  Il  fait  au  présent 
je  cèle  ;  AVI  futur,  je  cèlerai.  Je  ne  vous  cèlerai 
pas  que...  [Dict.  de  l'Académie.) 

Céleste.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subsl.,  lursciue  l'analogie  cl 
rhnrmonie  le  permettent  :  Les  globes  celâtes,  les 
influences  célestes,  le  courroux  céleste,  le  cé- 
leste courrouj;. 

Celci,  Celui-ci,  Celci-la.  Adjertifs  démon- 
slralifs  formes  de  ce.  Celui  est  foi  nié  de  ce  et  de 
lui,  et  son  féminin  celle  de  ce  et  de  elle,  a  quoi 
on  a  ajouté  ci  et  la,  pour  faire  ce/i/i-c»,  celui-là. 

Celui  fait  ceux  au  pluriel.  Le  fcminin  celle 
formeson  pluriel  par  l'aildilion  d'un  *,  celles.  Ci 
et  là  n'adinottenl  aucune  variation. 

Celui,  celle,  ceux,  ont  toujours  rapport  à  un 
nom  cx|)rimé  ou  sous-entendu.  Dans  celui  qui 
vous  parle,  V\  mut  homme  est  suus-enlendu  ;  c'est 
coninic  s'il  y  avait  celui  homme  qui  vous  parle, 
où  l'on  voit  (lue  l'adjeclif  celui  modilie  le  mot 
/io//t;/ic  en  le  désignant.  Dans  les  jjiirases  où  le 
nom  est  ainsi  sous-entendu,  ces  adjectifs  ne  se 
disent  (pic  des  peisonnes. 

Quand  ces  adjectifs  se  disent  des  choses,  Ils  se 
rapportent  toujours  à  un  nom  exprimé  qui  les 
précède  ou  qui  les  suit  :  C'est  une  belle  maison 
que  celle  que  nous  venons  de  voir;  voilà  CCUX 
de  mes  livres  que  j'ai  achetés  hier. 

Ces  adjectifs  doivent  nécessairement  élre  sui- 
vis des  mots  di-,  qui,  que,  dont,  ci,  là  .•  Ce  fut 
celui  de  tous  les  jeunes  gens  que  j'aimais  le 
plus.  (Fénclon.)  C'est  celle  qui  demande  à  vous 
parler,  f^oilà  ceux  dont /'ai  fui'  choix.  Voyet 
celle-ci,  examines  celle-là. 

Il  suil  de  la  qu'un  nom,  un  adjectif  ou  un  par- 
ticipe, ne  doivent  jias  suivre  immédialcmcnl  ces 
adjectifs.  Ainsi  l'on  ne  peut  pas  dire  celuilwmme, 
celui  tableau.  On  ne  dira  p  is  non  [)lus  ;  En  vous 
parlant  de  ces  ouvrages,  j'ai  oublié  ceux  fait* 


H2 


CEL 


par  mon  oncle  ;  il  faut  dire  ceiij;  qui  ont  clé  faits 
par  mon  oncle  ;  ni  ce  f/iàl  n'est  pas  celui  domi- 
nant, mais  et'  g(ût  nesl  pas  celui  qui  est  domi- 
nant. 

Celui-ci  Cl  celui-là  ne  peuvent  èlic  suivis 
(l'un  ailjcclif  i-onjonctif,  lurstiu'il  n'y  a  dans  la 
pliiMsc  «juiine  (iroijosilion  dunl  ils  sont  le  sujet. 
On  ne  peut  pas  &\ic  ce/ui-ci  qui  disait,  celui-là 
qui  chantait.  Il  faut  dire  ou  celui-ci  disait,  ce- 
lui là  cliuntail,  ou  celui  gui  disait,  celui  qui 
chantait. 

Mais  ipiand  il  y  a  deux  pro|)ositions,  celui-là 
on  celui-ci  peut  être  par  lui-inèmc  le  sujet  de 
l'une,  et  par  le  moyen  d'un  adjectif  eonjonctif, 
le  sujet  de  l'auiic.  Ainsi  l'on  diia  ceux-là  se 
iritupent  qui  craient  que...,  celui-là  est  heu- 
reux qui  ne  di'sire  rien  ;  ve  mù  revient  à  ceux- 
là  se  trompent,  lesquels  ceux-là  croient  que. . .  , 
celui-là  est  heureux,  lequel  celui-là  ne  désire 
rien.  On  dit  de  même  celui-ci,  qui  est  yrand, 
me  convient  mieux  que  celui-là,  qui  est  petit  ; 
c'est-à-dire,  celui-ci  me  convient  mieu.r,  lequel 
celui-ci  est  grand,  que  ne  me  cnni'ient  celui-là, 
lequel  celui-là  est  petit.  On  ne  peut  pas  dire 
ceux-là  qui  aiment  Dieu  gardent  ses  comman- 
dements, pai'ce  nue  ceux  là  et  qui  ne  peuvent 
pas  être  le  sujet  de  la  pr(uniére  |)roposilion;  mais 
on  dirait  très-bien  ceux-là  aiment  Dieu  qui  gar- 
dent ses  commandements,  parce  (jne  ceux-là  se- 
rait le  sujet  de  la  première  proposition,  et  qui  le 
sujet  de  la  seconde. 

11  faut  observer  (pie  dans  les  phrases  telles  que, 
ceux-là  se  trompent  qui  croient. . .  celui-là  est 
heureux  qui  ne  désire  rien,  là  est  une  |)articule 
sural)nndantc  <pii  ne  sert  t|u'a  appuyer  davanlaire 
sur  celui,  mais  qui  ne  change  rien  au  sens.  Dans 
CCS  phrases,  on  ne  pourraiT  pas  mettre  ceux-ci 
ou  celui-ci  au  lieu  de  ceux-là  ou  celui-là.  C'est 
ce  ([ue  "Voltaire  a  remarque  à  l'occasion  de  ce 
vers  du  Menteur  [ad.  IV,  se.  i,  21)  : 

Si  celle-ci  venait  qui  m'a  renda  sa  lettre. 

Il  faudrait,  dit-il,  celle-là  ou  celle.  Le  mol  celle 
Bc  doit  pas  se  sé()arer  de  qui. 

On  dit  aussi  c'est  celui-là  qui  m'a  volé,  c'est 
relui-ci  qu'il  faut  arrêter,  c'est  celle-là  que  je 
préfère.  Dans  ces  phrases  il  y  a  réellement  deux 
priipt>sili<ins.  C'est  comine  si  l'on  disait  voyez 
celui-là,  lequel  celui-là  m'a  volé  ;  voyez  celui-ci, 
lequel  celui-ci  il  faut  arrêter  ;  voyez  celle-là,  la- 
quelle celle-là  j'ai  en  rue. 

(Juand  celui-ci  et  celui-là  ont  rapport  à  des 
personnes  ou  à  des  choses  dont  il  vient  d'être 
question  dans  le  discours,  celui-ci  se  dit  de  la 
personne  ou  de  la  cho^e  (lui  a  été  nommée  la  der- 
nière, et  celui-là,  de  celle  qui  a  été  nonunèe  au- 
paravant :  Le  magistrat  et  le  guerrier  serrent 
également  la  patrie:  celui-ci /jurso/t  courage,  ce- 
lui-la  par  sa  sagesse.  L'agriculture  et  le  com- 
merce sont  également  utiles  à  un  Etat:  celui-ci 
enrichit  ses  habitants ,  celle-là  les  nourrit.  — 
n  (Juchpicfois  dans  les  énuinérations  on  se  sert 
de  CCS  deux  pronoms  sans  qu'ils  aient  rap- 
port à  un  substantif  exprime  :  Celui-ci  meurt 
dans  les  prospérités  et  dans  les  richesses  ;  celui- 
là  dans  la  misère  et  dans  l'amertume  de  son 
âme.  (Flcchier  ) 

«  Mais  quand  le  pronom  n'a  rapport  qu'à  un 
seul  siibstaniif  exprimé,-  peut-on  indifféremment 
mettre  l'un  ])our  l'autre?  1  a  Grammaire  natio- 
nale se,  prononce  [lour  l'aflirmativc,  à  propos  do 
celle  plirase  de  Pascal  :  Si  j'avais  écrit  les  Pro- 


CEN 

vinciales  d'un  style  dogmatique,  il  n'y  aurait  eu 
que  les  savants  qui  les  auraient  lues,  et  ccux-la 
n'en  avaient  pas  besoin.  {Pensées.  W  Part.,  Art. 
^VII,  §  78.)  11  nous  semble  cependant  que 
ceux-ci  ne  rendrait  pas  la  pcnsre  de  Pascal; 
il  veut  opposer  les  savants  à  une  autre  classe 
de  lecteurs;  il  y  a  donc  dans  sa  pensée  deux 
termes  de  rapport,  l'un  exprimé,  l'autre  sous- 
entendu,  et  c'est  ce  (]u'd  fait  parfaiiemenl  com- 
prendre par  le  pronom  ceux-là,  ipii  est  l'in- 
dice dun  second  terme.  L'un  de  ces  mots  ne  peut 
donc  pas  remplacer  l'autre  sans  changer  la  nuance 
de  ."idée.  »  (A.  Lomaire,  Grammaire  des  Gram- 
maires, p.  3(52.)  Voyez  Ailjectifs  démonstratifs 
Cendiîe.  Subst.  f.  11  se  dit  pour  mort. 

J'ai  donné  comme  loi  des  larmes  à  sa  cendre. 

(Volt.,  Alz.,  acl.I,  se.  ir,  27.) 

S'ils  ont  aimé  Liius,  ils  vengeront  sa  cendre. 

(Volt.,  OEd.,  acl.  l,  se.  m,  116.) 

Arrête,  et  respecte  ma  cendre. 

Quand  il  en  sera  temps  je  l'y  ferai  descendre. 

(Volt.,  Stmir.,  acl.  III,  se.  vi,  96.) 

Cela  signifie  proprement,  dit  La  Harpe,  je  le 
ferai  descendre  dans  ma  cendre;  ce  qui  n'est 
pas  français.  Mais  les  idées  de  cendre  el  de  tombe 
sont  si  voisines,  que  la  pensée  les  confond  par 
approximation,  el  se  prête  à  l'ellipse  qu'il  faut 
supposer,  dans  la  tombe  où  est  ma  cendre.  Cette 
licence  n'esl  peut-être  pas  une  faute,  mais  n'est 
pas  non  plus  une  beauté.  [Cours  de  Littér.) 

Ce.\dbé,  Cendrée  Adj.  Oui  est  de  couleur  de 
cendre.  Il  ne  se  met  (]u'aprésson  subst. 

Cenlrecx,  Cendreuse,  oui  est  couvert  de  cen- 
dres. 11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Son  ha- 
bit est  tout  cendreux. 

Cénobitique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  ■  f^ie  cénobitique. 

Censcrable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  el 
l'analogie  :  Une  action  censurable,  une  pjy posi- 
tion censurable,  celte  censurable  proposition. 

Cent.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  Cent 
prend  un  *  au  pluriel,  (juand  il  est  suivi  d'un 
substantif  pluriel,  el  on  prononce  le*  quand  ce 
substantif  commence  par  une  voyelle  ou  un  h 
non  aspire  :  Deux  cents  soldats,  trois  cents  hom- 
mes. Il  faut  observer  (pren  ce  cas,  cent  est  re- 
gardé comme  un  substantif  pris  pour  centaine  ; 
c'est  comme  s'il  y  avait  deux  centaines  de  sol- 
dats, trois  centaines  d'houimes. 

Mais  cent  s'écrit  sans  s  au  pluriel,  quand  il  est 
suivi  d'un  autre  nombre,  ou  qu'il  est  employé 
dans  les  dates  :  Deux  cent  vingt  chevaux,  l'an 
viilhuit  cent.  Il  s'emploie  quelquefois  pour  uu 
nombre  incertain,  mais  fort  grand  : 

Cent  fois  la  bêle  a  vu  l'homme  hypocondre 

Adorer  le  métal  que  lui-même  il  lit  fondre. 

(BoiL.,  sal.  VIII,  267.) 

Centenaire  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  tou- 
jours son  subst.  :  Nombre  centenaire,  prescrip- 
tion centenaire,  possession  centenaire.  11  Se  dit 
substantivement  d'une  personne  (jui  a  cent  ans  : 
Un  centenaire. 

CE^TIÉME.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  prend 
substantivement.  Comme  adjectif,  il  précède  or- 
dinairement son  subst.  :  La  centième  année. 
Comine  subslantif,  il  ne  faut  pas  confondre  le  trois- 
centième  avec  les  trois  centièmes.  Le  trois-cen- 
tième de  cent  est  un  tiers,  puisque  la  trois-cen- 
tième partie  de  cent  csl  la  mcinc  chose  que  la 


CER 

troisième  partie  de  un.  Les  trois  centièmes  décent 
sont  trois, i)iiis<iiic In ccniicinc pari ic de iciii est  un. 

Centimk.  Stili-l.  m.  C'est  a  tort  que  plusieurs 
persiiniirs  le  l'ont  féininin. 

Centiul,  CENTiiALK.  A(!j.  Il  suit  toujours  son 
subsl.  :  Pniiii  cetitrul,  ligne  centrale.  On  ne  lui 
donne  point  ijc  plniicl  au  iniiscnlin. 

Cent-slissks.  Sulist.  m.  pi.  H  se  disait  d'une 
partie  do  la  irariledu  roi,  qni  était  composée  de 
Suisses,  au  notnlirc  de  cent.  On  disait,  au  sin- 
gulier, u/i  CeniSiiisxe,  pour  dire  un  dos  Ccnl- 
Suisscs    [Dict.  del'Acad.) 

Cep.  Sulist.  m  1,'Acailomie  ne  dit  pas  si  l'on 
prononce  lo  p.  l-'orand  dit  (pi'on  le  jiroMonce.  11 
nous  scnil)lc  qu'on  ne  le  prononce  que  lors(iue  le 
uiol  se  dit  isolement  ou  à  la  fin  d'une  phrase. 
On  ne  prononce  pas  lepdnns  un  cep  de  rigne. 

Cependant  Adv.  Dans  le  sens  de  |)cndaiit  cola, 
pendant  ce  tenq)slà,  il  se  met  au  conunoncen:ent 
de  la  |)tM'ase  :  Cependant  l'ennemi  appri  chuit. 
Dans  le  sens  de  néanmoins,  toutefois,  nonobstant 
cola,  il  se  met  à  la  icte  du  second  membre  de  la 
phrase,  ou  après  le  verlic  :  On  disait  qu'il  ne 
viendrait  pas,  cependant  il  c\t  venu,  ou  il  est 
venu  cependant. 

Cercueil.  Subsl.  m.  On  prononce  cerg'weîï.  Il 
se  dit  figurcmcnt  en  parlant  de  la  mort  : 

Dût  sa  (étnérilé  le  conduire  aa  cercueil. 

(Volt.,  Uenr.,ym,  367.) 

On  dit  creuser  son  tombeau,  mais  on  ne  dit  pas 
crevser  soit  cercueil. 

CÉRÉJioMiELx,  Cékémonieuse.  Adj.  Il  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Un  homme  cérémo- 
nieux. 

Cerf.  Subsl.  m.  Fèraud  dit,  d'après  l'Acadé- 
mie, que  le /'ne  se  prononce  jamais  dans  ce  mot. 
En  47ii2  l'Académie  l'avait  docidc  ainsi;  mais 
en  171)8  et  or  !S35,  elle  a  décide  autrement.  Elle 
ne  fait  point  d.'  rcmaniue  au  mot  ceif,  et  dit  au 
mot  cerf-r<  luitt,  (|u'il  faut  jjronoiicor  cer-ro- 
lant,  ce  qui  indique  assez  qu'ailleurs  lo  /"doit 
se  prononcer  dans  ce  mot.  Cette  dernière  décision 
doit  ctie  i)roroièeà  la  première,  le  /"se  prononce 
a  la  fin  du  mol  cerf,  lorsiiuc  co  mut  est  dit  iso- 
lement, ou  (pi'il  se  trouve  à  la  fin  d'une  phrase. 
On  dit  un  cerf,  et  non  pas  un  C':!r.  Mais  on  dit, 
sans  prononcer  lo/",  cer  dix  cors,  cl  dans  la  jtliqiart 
des  expressions  consacrées  dans  la  vénerie,  on  ne 
prononce  pas  cette  lettre,  ce  ijui  a  sans  doute 
donne  lieu  a  l'erreur  de  l'Acadéune  de  I7()2. 

Ckrf-voi.ant.  Subsl.  m.  On  prononce  cer- 
volant.  L'Académie  ne  donne  aucun  exemple 
du  pluriel  ;  mais  comme  ce  mot  est  conqiosé 
d'un  adjectif  et  d'un  substantif,  il  doit  faire  au 
pluriel  cerfs-vifliints. 

Certain,  Certaine.  Adj.  Dans  le  sens  de  %Tai, 
d'assuré,  il  se  met  toujours  ajirès  son  substantif  : 
Chose  certaine,  nouvelle  certaine,  avis  cer- 
tain. 

Certain,  dans  le  sens  de  quelque,  se  dit  des 
personnes  et  «les  choses,  et  se  met  toujours  avant 
son  subst.  C'est  un  prépositif.  Certaines  gens, 
certaines  choses. 

Cl•:RT^IM:.ME^T.  Adv.  Dans  le  sens  d'affirmation, 
il  se  met  avanl  le  verbe  :  Certainement  il  a  bien 
fait  de  se  comporter  ainsi  Dans  le  sens  de  in- 
dubitalileiiicnl.il  se  met  après  :  Suves-vous  cela 
cerluiiiemcni? 

Qucbiucs  per.'ionnes  disent  certainement  que. 
Celle  iuculion    n'est  pas  adoptée  par   le    ton 


CES 


113 


Certifier.  V.  a.  do  la  i"  ronj.  Dans  le  scM 
affirinalif,  d  ro|:ii  l'mdhauf  :  ./c  pois  certifier  ou, 
cela  est.  Dans  lo  sens  néiratif.  il  ,oi:it  le  subjonc- 
tif :  Je  ne  certifie  pas  que  cela  sni'l.  Dans  le  scni 
inlerrogatif,  on  [wut  le  faire  suivre  .le  l'indioalif 
ou  du  subjonctif,  selon  la  diiforonio  vue  de  l'e». 
prit.  Je  dis  puis-jc  certifier  que  cela  cst^  lors- 
que je  suis  certain  que  la  chose  n'c^  pas;  el 
puis-je  certifier  que  cela  snii?  lorsipie  je  n'ai 
pas  la  cortiiudoipic  la  chose  est. 

Certitude.  Subst.  f.  Aviir  la  certitude  de  quel- 
que chose.  Savoir  une  chose  arec  certitude. 

Cessant,  CfSSANTE.  Adj.  verbal,  tiré  du  verbe 
cesser.  Il  se  met  a()rès  sou  subst.  :  'J'uutc  affhire 
cessante. 

Cesser.  "V.  a.  et  n.  de  la  i"  conj.  I,' Académie 
donne  ptjur  exemple  :  Sa  fièvre  csl  cessée,  et  la 
goutte  a  cessé  de  le  tnurmentcr.  Cola  veut  dire 
que  le  vorlie  cesser  |)renil  tantôt  l'auxiliaire  (?/r« 
et  tani<')t  l'auxiliaire  amir.  .Mais  dans  «luol  cas 
prend- il  l'un  ou  l'autre?  On  se  sort  <lo  l'auxi- 
liaire aroj'r  quand  on  veut  exprimer  une  action. 
On  dit  la  fièvre  a  cessé,  si  l'on  veut  cv[irimcr 
qu'elle  a  cessé  d'agir.  On  dit  de  mémo  la  goutte 
a  cessé,  les  plaintes  ont  cessé,  les  chnnts  ont 
cessé.  Mais  si  l'on  veut  expriinor  l'état  qui  résulte 
lie  la  ces&ition  de  l'ï-ction,  on  einpluiora  l'auxi- 
liaire e/re,  et  l'on  dira  sa  fièvre  est  cessée,  la 
peste  est  cessée,  les  fêtes  sont  cessées.  V.  .auxi- 
liaire. 

Après  ce  verbe  on  peut  supprimer  pas  ou 
pi  int;  cette  suppression  a  lieu  quand  on  ne  veut 
j)as  exprimer  une  continuation  absolue  et  non 
inleiromiiue.  Quand  on  dit  d'un  ouvrier  <pr?7 
ne  cesse  de  travailler,  cela  vent  diie  qu'il  cm- 
|itoie  au  travail  tout  le  temps  ipi'il  [vont  y  em- 
ployer, n  ne  cesse  de  travailler  du  matin  au 
soir,  ne  veut  pas  dire  qu'il  travaille  du  malin  au 
soir  continnollomonl  et  sans  inlernqiliun,  mais 
(pi'il  travaille continMolloment,  à  l'exiojilion  des 
heures  des  ropas.  Mais  si  l'on  voulait  exprimer 
une  continuation  absolue  de  travail,  s;iiis  aucune 
espèce  d'ini(>rruplion ,  il  faudrait  motire  pas: 
Depuis  deux  heures,  il  n'a  pas  cessé  de  travail- 
ler. Il  7i'a  pas  cessé  de  truvaillcr  depuis  son 
dîner. 

Césupe.  Subst.  f.  On  apjjolle  ainsi  un  repos 
fpio  l'on  prend  dans  la  prunoiici;ilion  d'im  vers, 
après  un  certain  nombre  de  syllabes.  C:;  repos 
soul.iL'o  la  respiration,  et  produit  une  cadence 
ai-'iéable  à  l'oreille.  Ce  sonl  ces  ilenx  motifs 
(pii  ont  introduit  la  césure  dans  les  vers. 

la  césure  sé[)  ne  les  vers  on  doux  p  irtics,  dont 
cbacune  est  appelée  hémistiche,  c'esl-a-dire  demi- 
vers,  moitié  de  vers. 

En  français,  la  césure  ou  repos  es!  mal  |)Iacée 
entre  certains  mots  (pii  doivoiil  èli'e  dits  tout  de 
suite,  et  i|ui  font  ensemide  un  sons  insr'parable, 
selon  la  maïuére  ordinairode  jiarlor  ot  ilo  lire.  Tels 
sonl  la  pi-éposition  et  son  comidèincnt  ;  ainsi  le 
vers  suivant  est  défectueux  : 

Adieu,  je  m'tn  vais  à...  Paris  pour  mes  aftairc». 

11  en  est  de  morne  du  verbe  est  qui  joint  l'at- 
tribut et  le  sujet,  comme  dans  ce  vers  : 

On  saU  que  la  chair  est...  fragile  i|iieli|ii«fiii». 

Tar  la  même  raison,  on  no  doit  jamais  disposer 
le  substantif  ot  l'ailjerlif  de  fa.;";i  .|iio  l'un  finisse 
le  piemier  homislirlio,  et  que  I  aulie  coiûmcnce 
Je  second,  i  omme  dans  ce  vers  : 

Irit  doDt  la  beauté...  charmante  nous  attire 

8 


{i4 


Cil  A 


Cf'pendant,  si  le  substantif  faisait  le  repos  du 
premier  héinislicho,  cl  qu'il  fût  suivi  de  doux 
adjectifs  (]ui  achevassent  le  sens,  le  vci-s  serait 
bon,  comme  dans  : 


Il  est  une  ignorance. 


et  sainte  et  salutaire. 
(Sact.) 


Ce  qui  fait  voir  qu'en  toutes  les  occasions,  la 
grande  r^glo,  c'est  de  s'en  rapporter  à  son  ju^e- 
mi'nt. 

Dans  les  grands  vers,  c'cst-à-dirc  dans  ceux 
Je  douze  syllabes,  la  césure  doit  être  après  la 
sixième  syllabe  : 

Jeune  et  Taillant  héros...  dont  la  haute  sagesse. 

(BoiL.,  Disc,  au  roi,  1.) 

Observez  que  celte  syllabe  doit  êlrc  une  syl!;ibc 
pleine  ;  qu'ainsi  le  repos  no  peut  se  faire  sur  une 
syllabe  qui  finirait  par  un  e  mucl.  Ou  bien  il 
faut  alors  que  cet  e  muet  se  trouve  à  la  septième 
syllabe,  et  s'élide  avec  le  mot  qui  le  suit  : 

Et  qui  seul,  sans  ministre...  i  l'exemple  des  dieux. 
Soutiens  tout  par  toi-même...  et  vois  tout  par  tes  yeux. 
[BoiL.,  Disc,  au  roi,  2.) 

Dans  les  vers  de  dix  syl'.ibes,  la  césure  doit 
élre  après  la  quatriciT>e  syllabe  : 

Ce  monde-ci...  n'est  qu'une  œuvre  comique 
Où  chacun  fait...  ses  r6Ies  différents. 

iRoL'SSEir.) 

Il  n'y  a  point  de  césure  prescrite  pour  les 
vers  de  huit  syllabes,  ni  pour  ceux  de  sept  ;  ce- 
pendant on  peut  observer  que  ces  sortes  de  vers 
sont  bien  plus  harmonieux  quand  il  y  a  une 
césure  après  la  troisième  ou  la  quatrième  syllabe 
dans  les  vers  de  huit  syllabes,  et  après  la  troi- 
sième dans  ceux  de  sept. 

Au  reste,  on  ne  parle  ici  que  des  vers  du  louze, 
de  dix,  de  huit  et  de  sept  syllabes.  Les  autres 
sont  moins  harmonieux  ,  et  n'entrent  guère  que 
dans  le  chant  et  dans  les  pièces  de  caprice  (Du- 
marsais). 

Cet.  Voyez  Ce  et  adjectifs  démonstratifs. 

Ch.  Ces  deux  lettres  prennent  le  son  du  k 
quand  elles  sont  immèdialeiuent  suivies  d'un  l, 
Chloris;  d'un  n,  Arachné  ;  d'un  r,  Chrysis. 
Quand  elles  sont  suivies  d'un  m,  elles  prennent 
le  son  du  g,  drachme.  Dans  les  noms  lires  de 
l'hébreu  ou  du  grec,  ch  a  le  son  du  k,  Nahucho- 
donosor,  Archétipe.  Mais  plusieurs  mois  de  celle 
classe,  étant  devenus  plus  communs  (}ue  les  au- 
tres parmi  le  peuple,  se  sont  inscnsildemenl  éloi- 
gnés de  leur  prononciation  originelle,  pour  pren- 
dre r(!lle  du  ch  français  ;  tels  sont  :  archevêque, 
archidiacre,  archiduc,  archiprêtre,  architecte, 
chéruMii,  chimie,  chirurgien,  Achille,  Ezéchias, 
Machiavel   (d'où  machiavélisme ,    machiavéli- 

Chacdn,  Chacune.  Ce  mot  n  est  point  un  pro- 
nom, comme  le  prétendent  la  plupart  des  gram- 
mairiens; car  il  ne  se  met  jamais  à  la  place  d'un 
nom.  C'est  un  adjectif  collectif  dislributif  qui 
détermine  tous  les  individus  compris  dans  l'idée 
d'un  nom  commun  a  élre  pris  distributivemcnt 
avec  nippon  à  un  sens  afiirmalif  ;  au  contraire 
d'aucun,  aucune,  qui  les  font  prendre  distribuli- 
vemeiil  avec  rapport  à  un  sens  négatif. 

Chacun  s'emploie  seul  avec  relation  à  un  nom 
commun  connu,  soit  pour  avoir  été  énoncé  au- 
paravant, soit  pour  être  suffisamment  déterminé 


CIIA 

I  par  les  circonstances  de  renonciation.  Ainsi, 
après  avoir  |)arlé  de  livres,  on  dira  chae^un  coûta 
six  francs  ;  ajirès  avoir  parle  de  Pierre  et  de 
Paul,  chacun  d'eux  y  a  consenti;  ajirès  avoir 
parlé  de  dames,  cluicune  avait  une  parure  diffé- 
rente ;  el  l'un  voit,  dans  ces  phrases,  que  chacun 
est  en  concordance  avec  les  noms  communs 
livre,  homme,  dames,  et  qu'il  en  suit  le  genre. 

En  ce  sens,  il  se  dit  des  personnes  el  des 
choses  :  Chacune  d'elles  fut  surprise.  Ces  ta- 
bleaux ont  chacun  leur  mérite. 

Quelquefois  il  s'emploie  d'une  manière  absolue 
en  apparence,  conmie  ijuand  on  dit  cJiacun  se 
'plaint  de  son  état,  chacun  se  dit  ami,  chacun 
veut  être  heureux.  3Iais  le  sens  indiiiue  assez 
que  dans  ces  phrases  chacun  se  dit  pour  chacun 
homme.  Dans  ce  cas,  chacun  se  rapportant  au 
nom  connnun  homme,  qui  ^l  <lu  masculin,  il  ne 
peut  être  mis  au  féminin.  Dans  aucun  cas  il  ne 
peut  élre  mis  au  pluriel,  parce  qu'il  désigne  tou- 
jours des  individus  pris  l'un  après  l'autre.  On 
disait  autrefois  un  chacun  ;  celle  façon  de  parler 
n'est  plus  admise. 

Quelquefois  chacun,  quoique  toujours  singu- 
lier, est  tanlôl  suivi  de  son,  sa,  ses,  le,  lui  ou 
elle;  cl  tantôt  de  leur,  leurs,  eux  ou  elles.  On 
demande  dans  quels  cas  il  faut  employer  l'un  ou 
l'autre  de  ces  mots.  Doit-on  dire,  par  exemple,  il 
a  donné  à  chacun  sa  part,  ou  à  chacun  leur 
part;  ils  ont  apporté  chacun  son  n/frande  OU  cha- 
cun leur  offrande;  il  faut  remettre  ces  livres, 
chacun  à  sa  place,  ou  chacun  à  leur  place;  les 
deux  rois  fuisuieiil  chanter  le  Te  Deum,  chacun 
dans  Sun  camp,  OU  chacun  dans  leur  camp;  ils 
se  rendirent  chacun  an  poste  gui  lui  était  assi- 
gné, ou  qui  leur  était  assigné;  la  loi  lie  tous 
les  hommes  chacun  en  ce  qui  les  concerne  ou  en 
ce  qui  le  concerne,  etc.?  C'est  demander  dans 
quel  cas  les  adjectifs  possessifs,  ou  loul  autre  mot 
suseepliLle  d'un  duublc  rapport,  peut  être  mis  en 
rapport  avec  le  nom  collectif  dont  chacun  est  le 
dislributif,  ou  avoe  i.i,  dislributif  lui-même.  Par 
exeini)le,  quand  je  dis  il  faut  remettre  ces  livres 
chacun  à  S3i  place,  je  fais  rapporter  l'adjectif  pos- 
sessif «a  à  l'adjectif  dislributif  chacun;  et  si  je 
dis,  il  faut  remettre  ces  livres  chacun  à  leur 
place,  je  fais  rapporter  l'adjectif  possessif  leur  au 
nom  collectif  ;£rre* 

Toute  difficulté  seradonc  levée,  si  l'on  juge 
bien  auquel  de  l'adjectif  dislributif  ou  du  nom 
collectif  doit  se  rapporter  l'adjectif  possessif,  ou 
loul  auire  mot  susceptible  de  l'un  ou  l'aulre  rap- 
port. 

Dans  les  phrases  où  le  nom  pluriel  dont  chacun 
est  le  dislributif  n'est  exprime  ni  par  lui-même, 
ni  par  un  pronom  personnel,  l'adjectif  possessif 
ne  peut  se  rapporter  (ju'au  dislributif  chacun, • 
l'on  dira  par  conséquent  il  a  donné  à  chacun  sa 
part;  Je  donnerai  à  chacun  sa  récompense  :  je 
récompenserai  chacun  selon  son  mérite  ;  après  la 
cérémonie ,  toute  la  compagnie  se  retira  chacvn 
chez  soi,  etc. 

La  difficulté  ne  peut  donc  avoir  lieu  que  dans 
les  phrases  où  l'on  trouve  l'adjectif  dislribui  f 
chacun,  et  le  nom  collectif  pluriel  dont  il  est  le 
dislributif,  comme  dans  les  hommes^  cnt  beau 
demander  conseil,  ils  agissent  toujours  cha- 
cun selon  leur  fantaisie,  ou  selon  sa  fantaisie, 
OÙ  l'on  voit  dans  la  même  phrase,  el  le  nom  co[- 
lectif/iOTn/ncA-,  et  l'adjectif  chacun  qui  est  le  dis- 
lributif de  ce  nom. 

Dans  ce  cas,  disent  quelques  grammairiens,  il 
faut  examiner  auquel  des  deux,  ou  du  nom  >'.->- 


CHA 

riel,  ou  du  distribuliT  singulier,  répond  plus  di- 
reclcnicnt  le  rapport  de  possession  qu'on  vcMit 
exprimer  par  l'adjectif  possessif.  S'il  repond  au 
dislributif,  employez  son,  sa  ses;  s'il  répond  au 
pluriel,  leur,  leurs,  doit  énoncer  le  rapport  en 
question.  La  régie  serait  excellente  si  l'on  nou? 
faisait  connaitre  en  même  temps  les  moyens  de 
distinguer  ces  deux  rapports  différents. 

D'autres  grammairiens  ont  essayé  de  faire  dis- 
tinguer ces  rapports,  et  ils  ont  dit  :  Le  rapport  de 
possession  répond  plus  directement  au  distribu- 
tif  singulier  lorsque  chacun  est  jilacé  ajjrés  le  ré- 
gime du  verbe.  Alors  le  sens  collectif  exprimé 
parle  i)luriel  est  fini,  et  c'est  audistributif  c/iac(/« 
à  remplir  la  fonction  qui  lui  est  propre,  en  repré- 
sentant l'espèce  entière  distribuée  en  individus. 
Mais  le  rapport  de  possession  répond  [ilus  direc- 
lemcnl  au  nom  pluriel  lorsque  chacmt  est  placé 
avant  le  régime;  car  alors  le  sens  collectif  n'est 
pas  fini  (]uand  le  dislributif  chacun  se  montre 
dans  la  phrase,  et  alors  le  sens  collectif  doit  y  ré- 
gner jusqu'à  la  fin.  D'après  cette  règle,  il  faudrait 
dire  :  Il  faut  remettre  ces  liv7-es  chacun  à  sa 
place,  et  ces  livres  ont  chacun  leur  mérite. 

Mais  pour  les  verbes  (pii  n'ont  point  de  régime, 
ces  grammairiens  ont  éif  lollemcnt  embarrasses, 
que  pour  montrer,  par  exem[)le,  s'il  faut  dire 
tous  les  juges  ont  opini;  chacun  selon  S>es  lumiè- 
res, ou  tous  les  juges  ont  opiné,  chacun  selon 
leurs  lumières,  ils  uiit  dit  qu'il  fallait  connaît it: 
l'intention  de  l'auteur. 

De  ces  diverses  notions  on  peut,  je  pense,  ti- 
rer une  règle  génemle  ijui  s'ap[)liiiue  à  tous  les 
cas.  Ou  chacun  est  place  dans  la  jdirase  après  un 
sens  collectif  fini,  ou  il  y  est  énoncé  avant  que  ce 
sens  soit  fini.  Dans  le  premier  cas,  le  possessif  ik»il 
se  rapporter  au  dislributif  cliacvn;  dans  le  se- 
cond, ildoitserapfKjrter  au  nom  collectif  pluriel. 
k\'n%\  l'on  dira  :  Ils  ont  apporté  chacun  leur  of- 
frande. Il  faut  remettre  ces  livres-là  chacun  à 
sa  place.  (Acau.)  lundis  que  les  deu-x  rois  fai- 
saient chanter  des  Te  Deum,  chacun  dans  son 
camp.  (Yoll.,  Candide,  chaj).  ni.)  Ils  se  rendi- 
rent chacu.i  au  poste  qui  leur  ctait  assigné.  L^i 
loi  lie  tous  les  hommes  chacun  en  ce  gui  le 
concerne.  l'ous  les  juges  ont  opiné  chacun  selon 
ses  lumières  ;  tous  les  juges  ont  donné  leur  avis 
chacun  selon  ses  lumières;  tous  les  juges  ont 
donné  chacun  leur  avis  suivant  leurs  lumières. 
Voyez  Adjectifs  possessifs. 

On  disait  autrefois  uii  chacun  dit,  un  chacun 
remarque;  celle  façon  de  parler  n'est  plus  usitée. 
La  Harpe  dit, drus  son  Coursde  littérature,  qu'un 
chacun  n'est  pas  du  style  noble;  il  aurait  dû  dire 
qu'il  est  déplacé  dans  tous  les  styles. 

Chagrin.  Subst.  m.  Ce  mot  n'a  de  pluriel  que 
dans  le  sens  de  peine,  déplaisir  : 

De  plui  «Tuels  soucis,  des  chagrins  plus  pressants 
Occapent  moncoui-age  et  régnent  sur  mes  sens. 

(AoLT.,  Catil.,  »ct.  II,  se.  i,  27.) 

La  Harpe  a  dit,  à  l'occasion  de  ces  vers  :  Des 
chagrins  et  des  soucis  ne  régnent  point  sur  les 
âCns.  {Cours  de  littérature.) 

M.  Lemaiie  est  d'avis  que  le  mol  chagrin,  dans 
le  sens  d'Iuancur,  [eut  s'employer  au  pluriel,  et 
il  cite  à  l'appui  de  son  opinion  ce  vers  de  Mo- 
lière (Misanthr.,  act.  I,  se.  vi)  : 

DaTis  vos  brusques  chagrins  je  ne  puis  vous  comprendre. 

Chagrin,  Chagrine.  Adj.  Au  masculin,  il  suit 


CHA 


115 


toujours  son  subst.  Au  féminin,  il  peut  le  précé- 
der :  La  chagrine  vieillesse. 

Chagrinant,  Cuagriname.  Adj.  verbal,  tiré  du 
V.  chagriner;  il  ne  se  met  qu'après  son  sul>st.  : 
Un  homme  chagrinant,  une  nouvelle  chagri- 
nante, des  propos  chagrinants. 

Chagriner.  V.  a  de  la  i"  conj. 

Plièdre  ici  tous  chagrina  et  blesse  votro  vue. 

(lUc,  PWd.,  act.  I,  6C.  I,  38.) 

ChaIne.  Subst.  f.  Mettre  à  la  chaîne,  tenir  à 
la  chaîne. 

Ils  tiennent  sous  leurs  pieds  tout  un  peuple  à  la  chatnt. 
(Volt.,  Henr.,  VII,  329.) 

Racine  a  dit  la  cliaîne  du  sanq  {Androm., 
act.  I,sc.  11,104): 

Du  sang  qui  vous  unit  je  sais  l'étroite  chaîne. 

L'Académie  dit  la  chaîne  des  idées.  On  dit 
aussi  la  chaîne  des  vérités.  En  ce  seijs,  il  est  mis 
pour  enchaîncmcnl. 

On  appelle  chaîne  des  êtres  créés,  cette  grada- 
tion d'êtres  (pii  s'élèvent  depuis  le  plus  léger 
atome  jusqu'à  l'Etre  suprême. 

Chaire.  Subst.  f .  On  dit  la  chaire  do  vérité;  on 
dit  aussi  quelquefois  la  chaire  de  l'erreur  ou  du 
mensonge. 

Vous,  malheureux,  assis  dans  la  chaire  empestée. 
Où  le  mensonge  régne  et  répand  son  poison... 

(Ràc,  Ath,,  act.  III,  ic.  ir,  53.1 

Chalcograpue  ,  Chalcographie ,  ChaldaÏqde. 
Dans  ces  trois  mots,  cha  se  prononce  ca. 

Chaledr.  Subst.  f.  Je  ne  crois  pas  (|u'on  dise 
aujourd'hui,  comme  le  prétend  l'At-adomie,  cha- 
leur de  foie,  pour  dire  un  mouvcnieni  de  colère 
Itrompt  et  passager;  mais  on  dit  /«  chaleur  d\in 
transport  : 

D'un  coapaLl4  transport  écoulant  la  chaleur. 

(Rac,  Iphig.,  act.  V,  se.  ii,  72.' 

il  se  dit  de  la  vivacité  de  l'esprit,  et  de  ce  qui 
exprime  cette  vivacité  :  Pour  peu  qu'on  ait  de 
chaleur  dans  l'esprit,  on  a  besoin  de  métaphores 
cl  d'expressions  figurées  pour  se  faire  entendre. 
(J.-J.  llousseau.)  Dans  ces  poésies,  les  grandes 
idées  sont  rendues  avec  simplicité,  et  les  senti- 
ments élevés  avec  chaleur.  Un  style  pie  in  de  cha- 
leur. 

Chalecreux,  Chaleureuse.  Adj.  Qui  a  beau- 
coup de  chaleur  naturelle.  On  a  dit  autrefois  cha- 
loureux;  et  l'Académie,  dans  la  première  édition 
de  son  Dictionnaire,  disait  indifféremment  cAa- 
leureux  et  chahureux.  Ce  dernier  n'est  plus 
«site,  et  le  i)remicr  l'est  fort  peu,  et  seulement 
dans  lelangMgp  populaire.  —  11  se  dit  encore  au 
sens  moral  ;  Paroles  chaleureuses,  style  chaleu- 
reux. 

Chaut.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  *. 

Chamailler,  Chamaillis.  Dans  ces  deux  mots 
on  mouille  les  l. 

Chamarrer.  V.  a.  de  la  I"  conj.  Ce  verbe  se 
prend  aujourd'hui  en  mauvaise  pari,  tant  au  pro- 
[ire  qu'au  figuré.  Un  habit  chamarré  est  un  ha- 
bit ridicule  et  de  mauvais  goût.  Il  en  est  de 
méu.ed'un  discours  chamarré  d'anliihèses  et  de 
métaphores.  Voltaire  a  dit  chamarré  d'orgueil 
{Indiscret,  se.  m,  16)  : 

Horace  est  un  vieux  fnu,  pluWt  qu'un  vieux  teipnaor. 
Tout  chamarré  d'orgueil,  pétri  de  faux hooneu/-, 
Asseï  bas  J  la  cour,  important  à  la  ville. 


H6 


CHA 


Chambre.  Subst.  f.  On  ilil  un  ralet  de  cham- 
bre, cl  non  |);is  vu  homme  de  chunihre  ;  une  femme 
de  chaii.lrc.  Cl  non  pas  vue  fille  de  chamhre.  — 
J.-J.  lloiis^cail  a  dil  en  ri.bc  de  chambre,  pour 
dire  diins  linlimiU',  dans  le  pailictilier:  Les  hom- 
mes changent  de  lungiige  comme  d'hiibifs;  ils  ne 
disent  la  vérité  qii'cw  loliC  de  ilianil)io;  en  habit 
de  parade,  ilx  ne  surent  plus  que  mentir.  I-"éraiid 
trouve  dans  celle  j)liiase  l'en)|)liasc  ordinaire  de 
l'exaséralion  louuunicrc  de  i  aulcur.  Ce  jugc- 
mcni  est  bien  dur 

CHAJinniÈRR.  Siibsl.  f.  L'Académie  dit  que  c'est 
une  servante  de  personnes  de  pcliie  condition. 
Cette  délinilion  n'est  point  exacte;  une  cliani- 
briôre  c>t  une  servante  (pii  a  soin  des  ciianibies, 
qui  sert  da;is  la  chambre,  et  (pii  ne  fait  pas  la 
cuisine.  Il  y  a  des  nicMiages  où  l'on  a  une  cuisi- 
nière cl  une  ciiauibricrc,  cl  celte  cliainbricrc  est 
appelée  fcinnic  de  chambre  p:ir  les  l'cinnies,  (jui 
croient  par  la  se  donner  du  relief.  Féraud  prélend 
que  ce  nuin  est  bas,  et  (pi'il  n'y  a  que  le  peuple 
qui  s'en  sert.  Cela  n'est  |)as  exact. 

Champ.  Subsl  m.  On  ne  prononce  point  le  p. 
Figurcnicnt,  ovrrir  un  champ,  ouvrir  un  vaste 
champ  à  quelqu'un,  c'esl  le  mellre  à  uièine  de  se 
disiingucr,  d'acquérir  de  la  gloire  : 

El  que  puisse  bienlil  le  ciel  qui  nous  arrête 
Ouvrir  un  champ  plut  nokle  à  re  cœur  excité 
P»r  le  prix  glorieux  Jont  vous  !'a»ei  llallé  ! 

(Rac,  Iphig.,  acl.  I,  se.  Il,  11.) 

On  dit  aussi  le  champ  de  la  gloire  : 

Dam  le  champ  dt  la  gloire,  il  ne  fait  que  d'entrer; 
Il  y  iiiarclie  en  aveugle,  on  l'y  peut  égarer. 

(Volt.,  Brut.,  acl,  I,  se.  iv,  66.) 

Champêtre,  ko],  des  deux  genres.  On  le  met 
avant  son  sul)Sl.,  lorsque  l'analogie  cl  rharmonie 
le  permellent  :  Lieux  champêtres,  maison  cham- 
têire ,   musique  champêtre,  séjour  cliainpclre, 

liavipctre  séjour;  r^^as  champêtre,  champêtie 

epas. 

Achevons  (te  dicter  ces  champ^tr?»  leçons. 

iDelille,  Géorg.,  III,  63.) 

J'obtiens  souvent  le  prix  des  champitre$  concerts. 
iGiiESSET,  Bglog.,U,  40.) 

Voyez  Agreste. 

CuANCF.LANT,  Chancelante.  Adj.  verbal  lire  du 
V.  chiniccler.  11  se  dit  au  propre  cl  au  ligure  ; 
Alarcher  d'un  pas  chancelant,  démarche  chan- 
celante, fortune  chancelante,  foi  chancelante. 

On  peut  rarement  le  melire  avant  son  subsl.,  cl 
seulcuicnl  au  féminin  :  Cette  chancelante  résolu- 
tion- 

Cha FICELER.  V.  a  de  la  1"  conj.  On  double  les 
I  dans  les  icnq)s  de  ce  verbe  où  celte  lettre  est 
suivie  d  un  e  muet;  Je  chancelle,  je  chancelle- 
rai, il  clianccllera,  il  chancellerait  ;  on  ne  mot 
qu'un  Hurstpic  celle  lettre  est  suivieilc  toute  autre 
IcUre  tiu'un  e  muet  :  Je  chancc'ai,  yui  chancelé, 
ils  chaïuelcrent.  Uacuic  a  dit  dans  Andromuque 
(act.  IV,  se.  m,  27)  :^ 

...  Hé  quoi  !  votre  liainc  chancelle  ! 

Et  Monlcsquicii  dans  les  Lettres  persanes  :  Les 
tmns  infatu;ublcs  soutiennent  la  vertu  lorsqu'elle 
ehaucclle. 

Chamceamt,  C!m>ce-,nte.  Adj    verbal  tiré  du 


CHA 

V.  changer.  En  prose,  il  ne  se  met  qu'après  son 
SubSt.  :  Un  homme  changeant,  un  esprit  chan- 
geant, humeur  changeante,  cmleur  changeante. 

Chancemknt.  Subsl.  m.  l'i-raud  leproclio  à  l'A- 
cadcniie  de  n'avoir  pas  \\\\%  être  d'vn  grand  chan- 
gement, [JOur  dire  cire  fort  changé,  en  parlant 
du  vis;ig<^,  cl  |>ar  rapp<jrl  à  la  sanié.  Il  prétend 
que  cette  locutinn  est  reçue  dans  b- style  familier. 
Je  pense  (pie  l-Vraud  est  dans  rcrrenr  acelégard, 
cl  l'cxcnqile  (ju'il  cite  ne  fait  (jue  me  confirmer 
dans  mon  sentiment. 

CnA>GF.».  V.  a  et  n  delà  4  "conj  Dans  ce  verbe, 
lej7  se  i)rononce  toujours  comme  y,-  cl  |)Our  lui 
conserver  celle  prononciation,  lors(pi'il  est  suivi 
d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a 
ou  cet  0  :  Je  changeais,  changeons.  Cl  lion  pas  je 
chungais,  changnns.  1,'Académie  dit  cluinger  de 
résiiulinn,  changer  d'avis.  li  scmbleniit,  d'après 
cela,  (ju'on  doit  dire  changer  de  dessein,  et  on 
le  dit  en  elfcl.  Mais  Voltaire  a  dit,  dans  la  Mort 
de  César,  changer  ses  desseins  (Act.  111,  SC. 
V,  31)  : 

Qui  change  ses  dciseine  dêcouvra  sa  faiblesse. 

Racine  a  dit  dans  Bérénice  (act.I,  se.  m,  9)  : 

Peut-être  avant  la  nuit  l'heureuse  Bérénice 
Change  le  nom  de  reine  au  nom  d'impcralrice. 

On  ne  dit  point  changer  au,  mais  changer  en- 
La  vraie  phrase  en  prose  serait  :  Changer  le  nom 
de  reine  en  celui  d'impératrice.  Le  seul  cas  où 
l'on  du  changer  au,  c'est  dans  celle  plirase  pro- 
verbiale c/i07i(7<?/'(/w  t^o/ic  a;/  7inir ;  Cl  dans  cette 
phrase  mysti(]uc,  le  vin  est  changé  an  sang,  le 
pain  est  changé  au  corps  de  Jésus-Christ.  (Lu- 
neau  de  Boisjcrmain  ) 

Uacinc  a  mieux  dit  dans  Àthalie  (act.  I,  se.  i, 
43) 

L'audace  d'une  femme,  arrêtant  ce  concours. 

En  des  jours  ténébreux  a  changé  ces  beaux  jours. 

Changer,  dans  le  sens  de  se  défaire  i^'une  chose 
P'Hir  en  prendre  une  autre,  dcmamlc  la  préposi- 
tion pmn',  ou  la  préposition  contre  :  Il  a  changé 
sa  vieille  vaisselle  pour  de  la  ncure.  Il  a  changé 
ses  tableaux  contre  des  meubles.  Changer,  dans 
le  sens  de  convertir  une  chose  en  une  autre,  de- 
mande la  préposition  en,  comme  nous  venons  de 
le  viiir. 

Changer  prend  l'auxiliaire  aroir  lorsqu'on  veut 
exprimer  l'action  :  Il  a  changé  de  visage,  il  a 
changé  d'arts. 

Mais  quand  on  veut  exprimer  l'état  qui  résulte 
de  l'aclion,  on  emploie  l'auxiliaire  être  :  Cet 
homme  est  changé  à  ne  pas  l^  reconnaître.  Cette 
femme  est  bien  cliangée  depuis  sa  dernière  ma- 
ladie. 

Chantant,  Chantante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
chant^.  Le  t  ne  se  prononce  pas  au  masculin.  Il 
ne  siguilie  pas  «jui  cliante,  mais  ipii  se  chante  ai- 
sément. Il  suit  son  sul)Sl.  :  Un  air  chantant,  une 
musique  chantante.  Il  signifie  aussi  (pii  est  pro- 
pre a  cire  mis  en  chant  :  ^'^ers  chantants,  parole» 
chantantes. 

Cha>teup..  .Subsl.  m.  On  dit  chanteuse  en 
pailanl  d'une  femme;  et  cantatrice  en  jKirlant 
des  célèbres  chanteuses  italiennes. 

CuANTONSF.r,.  V.  n.  de  la  1'*  conj.  Il  signifie 
chanter  à  demi-roix.  Férauil  prélend  qu'on  dit 
dans  le  même  sens  chantiller,  et  <|u'il  est  même 


CIIA 

plus  usité  que  chaittonntr.  Cependant  il  cite  un 
exemplo  de  chantnnncr,  et  il  n'en  cite  iwiiil  de 
chantiller.  Ce  dernier  n'est  pas  usité. 

Chaos.  Siilist.  m.  le  A  ne  se  prononce  point, 
et  le  s  lin;d  ne  se  prononce  que  devant  une  voyelle 
ou  un  h  non  asjiiré. 

Chapklkr.  \.  a  de  In  i"  conj.  On  double  la 
lettre  /  dans  les  temps  de  ce  verl)e  où  cette  lettre 
est  suivie  (l'un  c  muet  •  Je  chapelle,  tu  chapelles, 
Usfhapclh'nt,je  chapcllcrai.  On  ne  met  qu'un  / 
lorsque  letlo  letii'c  est  suivie  de  luute  autre  lettre 
qu'un  e  muet  :  Je  chupelaisje  chapelai.j'aicha- 
pele. 

Chaqdk  Adj.  Ce  mot  n'est  proprement  qu'un 
adjectif  qui  sert  a  marquer  distrihulion  ou  parti- 
tion enire  (iiusleii>  personnes  ou  plusieurs  ciio- 
ses;  il  e>l  des  deux  ircnrcs,  mais  il  n'a  point  île 
pluriel,  et  précède  toujours  son  suhsianiit',  dont 
il  ne  peut  élrc  sépare  que  par  un  autre  adjectif: 
Chaque  homme,  chaque  personne,  et  chaque  nou- 
vel avis. 

Chaque  ne  doit  pas  être  confondu  avec  cha- 
cvn.  En  anwvA,  chuquc  doit  toujours  se  mettre 
avec  un  suhslaniif,  auiiuel  il  a  rapfwrt.  Chacun, 
au  contraiic,  s'emploie  absolument  et  sans  sub- 
stantif. 

Char.  Sulist.  m.  Selon  l'Académie,  on  dit  fi- 
gurémcnt  s'ultacher  au  char  de  quelqu'un,  pour 
dires'ailaclier  a  sa  fortune.  Racine  a  dit  en  ce 
sens  s'enchaîner  {fphiçf.,  acl.  11,  se.  v,  38J  : 

Moi-même  à  Tolrc  cliar  je  m'élois  enchaînée. 

Charcctif.r.  Subst.  m.  Charcutière.  Subsl.  f., 
et  non  pas  Chaircutier,  Chuirculière,  comme  on 
disait  autrefois. 

Chahceh.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  51  se  prononce  toujours  comme  j,  et  pour  lui 
conserver  cette  prononciation  lorsiju'il  est  suivi 
d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a 
ou  cet  o  :  Je  chargeais,  chargeons,  et  non  pas 
je  chargais,  churgnns. 

Charitablr.  Adj.  des  deux  genres.  11  peut  pré- 
céder son  sul)Sl.,  lors(pic  l'analogie  et  l'harmonie 
lepern;eiteni.  On  ne  peut  \):is  iï\rc  un  charitable 
Aowwe;  mais  on  dit  une  charitable  personne , 
un  charitable  avis. 

Charitablf.mi.nt.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  l'a  averti  chari- 
tablement, ou  un  l'achuritiiblement  averti. 

Charité.  Su!)st.  f.  Quand  il  signifie  la  vertu 
que  l'on  appelle  charité,  il  n'a  [)oint  de  pluriel. 
On  dit,  mémo  eu  parlant  à  i)lusieurs  personnes  : 
Je  recommande  ce  malheureux  à  votre  charité, 
et  non  pas  à  ros  charités.  Il  i\c  se  met  au  [)luricl 
que  lorsiju'il  sigmiie  les  actes  de  la  charité,  des 
aumônes  :  Faire  des  charités.  On  rem[)loie  aussi 
au  plurel  dans  cette  façon  de  parler  :  Prêter 
une  charité,  prêter  des  charités  à  quelqu'un, 
pour  dire  le  calomnier. 

Charles.  JNum  propre.  En  prose,  on  l'écrit 
toujours  avec  un  s.  En  vers,  on  conserve  ou  l'on 
supprime  celle  lettre,  selon  le  besoin  de  la  me- 
sure. 

Charmant,  Charmante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
charmer.  Il  se  dit  des  |iersonnesct  des  choses,  cl 
peut  se  mcltrcavanl  son  sui)st.  :  Unhnmme  char- 
mant, une  femme  charmante,  lieux  charmants  ; 
une  charmante  musique,  une  charmante  société; 
une  fête  charmante,  une  charmante  fête.  Voyez 
Adjectif. 

Charme.  Subsl.  m.  L'Académie  a  confondu 


cn.v 


117 


charme,  puissance  secrète  qui  attire,  avec  har- 
mes,  attraits.  <7;>pa*.  Quand  lUicme  a  dit ,  ^b- 
drom.,  act.  II,  se.  v,  49)  : 

Quel  charme,  malgré  tous,  tcfj  elle  laus  all.rc  T 

il  n'a  pas  entendu  parler  des  attraits,  des  ai.i.fls- 
en  ce  sens,  charme  n'a  [H.int  de  |)luriel-  niais 
charmes,  dans  le  sens  d'aitraits,  d'appas  'ne  se 
dit(|u'au  pluriel.  On  ne  dit  ly^-nin' une  femme  a 
un  charme,  mais  qu'elle  a  des  char?iie.i. 

Voltaire  a  fait  un  heureux  emploi  de  ce  mot 
dans  les  vers  suivanls(.7/3.,  act.  IV,  se.  n,  2'î)  : 

Pcril-élre  une  Espagnole  cùl  promis  da»»nUge  : 
Elle  eùl  pu  prodiguer  les  charmea  de  scj  pleuri. 

On  a  reproché  a  d'Alembert  d'avoir  dit  dans 
son  parallèle  de  Despréauv,  Ilacine  et  Voltaire  : 
Cette  facilité  délicieuse  pour  l'e.iprit  et  pour 
l'oreille  est  un  des  principaux  chaianes  que  la 
lecture  de  Bacinc  fuit  éprouver.  C'est  la,  dit 
Linguel,  un  barbarisme  de  phrase,  pour  emprun- 
ter une  expression  de  .M.  de  Voliaire.On  dit  éprou- 
ver de  l'ennui,  de  la  crainte,  de  la  joie,  parce 
que  ces  sentiments  sont  le  résuliat  d'un  jH'incipe 
qui  affecte  l'àme;  mais  on  ne  peut  dire  éprouver 
des  charmes,  parce  que  les  charmes  sont  ce  prin- 
cijie  même. 

Charmer.  V.  a.  de  lal."  conj.  Voltaire  a  dit 
{EpîtreXXy,\): 

L'tieureux  lalenl  dont  vous  charmei  la  France. 

Quoique  cette  phrase  n'ait  |)oint  d'exemple 
analogue  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie,  je 
pense  qu'elle  peut  être  admise  en  [wésie.  En  prose, 
il  faudrait  dire  :  Il  charme  toute  la  France  par 
son  talent  ou  par  ses  talents. 

Charmille.  Subst.  f  On  mouille  les  l. 

Charnage.  Subst.  m.  Ce  mot,  que  l'Académie 
donne  comme  une  expression  po|)ulaire  qui  veut 
dire  le  temps  auquel  il  est  permis  de  manger  de 
la  chair,  est  vieux,  et  n'est  plus  usité  nulle  |)arl, 

CuAr.NEL,  Charnelle,  Adj.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst.  :  Appétit  charnel,  plaisir.t 
charnels. 

CHAR^ELLESIENT.  Adv.  H  nc  se  met  qu'après  le 
verbe. 


Charnu,  Charnde.  ,\dj.  (jui  suit  toujours  son 
subst.  :  Un  corps  charnu,  des  pruneaux  char- 
?ius. 

Charrette.  Subst.  f.  On  ne  prononce  qu'un  >• 
dans  charrette,  charretée,  charretier,  charroti, 
charrue,  etc.  L'Académie  les  écrit  avec  deux  rr, 
et  tous  les  lexicographes,  religieux  imitateurs  de 
l'Académie,  les  ont  écrits  avccdcux  rr.  l'eut-ctre 
rAcadémic  actuelle  nous  permeltra-t-clle  de  les 
écrire  comme  on  les  (irononce.  En  attendant  le 
code  (pi'clle  nous  prépare,  soumettons-nous.  — 
Dans  sa  nouvelle  édition,  l'Académie  a  conservé 
à  ces  mots  leur  orthographe. 

CuARTRE.  Subst.  f.  L'Académie  nousdit  qu'il  est 
vieux.  On  disait  autrefois cur/re  ou  chartre,  pour 
dire  prison;  et  nous  avons  des  vestiges  de  cette 
sigmiicaiion  dans  le  nom  de  s;iinl  Denis  de  la 
Chartre,  que  l'on  a  donné  au  lieu  où  l'on  croit 
que  saint  Denis  a  été  mis  en  prison.  Ce  mot  vient 
du  latin  carcer. 

Mais  on  appelait  charte,  du  latin  carta,  les 
actes  publics,  les  pièces  authentiques,  les  lettres, 
privilèges  et  autres  choses  de  cette  espèce.  Dans 
la  suite,  on  a  dit  chartre  par  corruption,  cl  au- 
jourd'hui l'Académie  appelle  chartre  ou  cJuirtu 


il8 


CHA 


les  anciens  liires,  les  anciennes  Icllres  patentes 
des  rois,  des  princes,  etc.  L'Académie  a  fait  pré- 
valoir le  mol  charlre:  l'élvinologie  devrait  faire 
préférer  c/(ar/<?. — Ch.  Nodier  est  aussi  d'avis  qu'il 
ne  faut  employer  le  mol  chartre  que  dans  le  sens 
de  prison,  ou  en  parlant  du  /nJè*  dos  eiifanls.  Au 
reste,  dans  les  ouvrages  de  paléographie  ri'cem- 
nienl  puMiés,  et  notamment  iKins  celui  de  M.  Na- 
lalis  de  Wailly,  c'est  totijoui^s  le  mot  charle(\\\'o\\ 
emploie  p(nir  désigner  les  anciens  actes;  et  quoi- 
que l'Académie  dise  l'Ecnlc  des  Chartres,  la  so- 
ciété des  anciens  élèves  de  cette  école  a  donne  le 
titre  de  Billinthèque  de  V Ecole  des  Chartes  au 
recueil  périodique  qu'elle  publie. 

Chautrirr.  Subst.  m.  On  disait  autrefois  car- 
trier,  pour  prisonnier  et  geôlier,  du  latin  carce- 
rarius.  Quand  l'usage  ab'jsif  de  dire  chartre 
pour  «hartc  a  été  introduit,  on  a  dit  chartricr, 
pour  signifier  le  lieu  où  l'on  conserve  les  chartes, 
c'est-à-dire,  les  anciens  titres,  lettres  patentes,  etc.  ; 
et  ce  mol  est  venu  jusipi'a  nous.  Si  l'on  préferait 
le  mot  charte  à  celui  de  chartre,  il  faudrait  dire 
charlcrier  au  lieu  de  chartrier.  Mais  ce  dernier 
tsl  reçu  depuis  trop  longtemps  pour  (pi'on  par- 
vienne aisément  à  le  changer;  et  son  analogie 
avec  le  mot  chartre  le  fera  probableineul  conser- 
ver. Voyez  Chartre. 

Chasse.  Subst.  f.  L'Académie  dit  également 
donner  la  chasse  aux  enne:itis,  et  donner  la 
chasse  aux  vaisseavx  ennemis.  Sur  terre,  on  dit 
donner  la  chasse  avx  ennemis.  Mais  en  terme 
de  marine,  chasse  K"  :iii  d'un  vaisseau  qui  en 
poursuit  un  autre;  alors  ou  dit  c?o?i7ie;'  chasse,  et 
non  pas  donner  la  chasse.  On  dit  du  vaisseau  (pii 
poursuit  qu'z7  donne  chasse,  et  de  celui  qui  fuit, 
qu'i7  prend  chasse.  Quand  le  vaisseau  qui  jorc/jo! 
c/!tJ5*e  continue  de  tirer  sur  celui  qui  lui  donne 
chasse,  on  dit  qu^il  sontient  chasse. 

c;HASsi:-c.ot]siN.  Subst.  m.  On  le  dit  familière- 
ment d'un  vin  qui  est  si  mauvais,  qu'il  engage 
les  gens  à  qui  on  en  fait  boire  à  ne  plus  revenir. 
Ce  mot  composé,  se  disant  du  mauvais  vin,  et 
non  de  diiférenles  sortes  devins,  n'a  point  de 
pluriel. 

Chasse-marée.  Subst.  m.  On  dit  au  jiliuiel  des 
chasse-marée ,  c'est-à-dire  des  voiliiriers  qui 
chassent  la  marée,  qui  amènent  la  man'c.  La  plu- 
ralité tombe  sur  voiturier,  (jui  est  sous-entendu. 
Ils  n'apportent  pas  lesmarécs,  mais  la  marée. 

Chasse-modcheo.  Subst.  m.  L'.\cadémie  écrit 
au  singtdier  chasse-mouche,  et  cependant  elle  le 
définit,  i>ctit  balai  avec  lequel  on  chasse  les 
mouches.  D'après  cette  définition,  il  faut  écrire 
chasse-mouches  au  singulier  comme  av  pluriel. 

Chasskh  V  a.  et  n.  On  dit  activement  chasser 
le  cerf,  le  sanglier,  le  chevreuil,  le  renard,  le 
h'CT?  e  ,■  et  cela  veut  dire  poursuivre  ces  animaux 
avec  des  chiens  et  tacher  de  les  forcer,  ou  de 
les  tuer  au  passage  On  dit  neulralement  chas.;cr 
avx  perdnx ,  aux  bécasses,  aux  oiseaux,  au 
lièvre,  etc.,  c'est-à-dire  chercher  ces  animaux 
pour  les  t\ier  quand  on  les  rencontre,  ou  les  at- 
tirer dans  des  filets  pour  les  prendre.  //  y  a,  dit 
Buffon,  deux  espèces  de  loups  cerviers  ;  les  uns 
plus  grands,  qui  chassent  et  attaquent  les  daims 
et  les  cerfs  ;  les  autres  plus  petits,  qui  ne  chas- 
sent ffuè7-e  qu'au  lièvre. 

Chassfxr.  Subst.  m.  En  prose,  en  parlant  d'une 
femme,  on  dit  une  chasseuse:  en  poésie,  on  dit 
chasseresse  : 

La  jenne  chat&rretie 

Qoe  TOUS  me  dépeignez,  nous  n'avons  d^ns  ces  bois 


CHA 

Ni  rencontre  ses  p.is,  ni  reconnu  sa  Toix. 

(Uelil.,  Éntid.,  I,  446.) 

Chassieux,  Chassiecse.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Chaste.  Adj.  des  deux  genres.  II  se  dit  des 
personnes  et  des  choses,  et  peut  se  mettre  avant 
son  subst.,  quand  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent. On  ne  dirait  pas  un  chaste  homme,  une 
chaste  femme;  mais  on  dit  une  chaste  épouse, 
un  chaste  amour;  on  dit  ^tre  chaste  de  corps  et 
d'esprit. 

Féraud  prétend,  d'après  une  vieille  remarque 
de  Ménage,  que  chaste  ne  se  dit  |)resque  plus 
des  personnes.  L'Académie  n'est  pas  de  cet  avis; 
elle  met  un  homme  chaste,  une  femme  chaste, 
et  nous  pensons  qu'elle  a  raison. 

Cn\sTi;.Mr.\T.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'après 
le  verbe  :  //  a  toujours  vécu  chastement. 

Chasteté.  Subst.  f.  Ce  substantif  na  point  de 
pluriel. 

Châtain.  Adj.  m.  On  ne  s'en  sert  que  pour 
exprimer  cette  couleur  de  cheveux  qui  est  en- 
tre le  blond  et  le  noir,  et  qui  se  rapproche  de  la 
teinte  de  la  châtaigne:  Cheveux  châtains.  Cet  ad- 
jectif ne  prend  pas  la  marque  du  pluriel  quand  il 
est  suivi  d'un  autre  adjectif  qui  le  modifie:  Des 
chereux  châtaiîi  clair,  châtain  cendré. 

Chat-huant.  Subst.  m.  Les  t  ne  se  prononcent 
pas,  et  le  h  du  second  mot  est  aspiré.  Ce  mot 
étant  composé  d'un  substantif  et  d'un  adjectif, 
l'un  et  l'autre  doit  premlre  la  marque  du  pluriel. 
On  dit  des  chats-hvaiiis. 

Chatouili.f.îiekt.  Subst.  m.  On  mouille  lesZ. 

Chatouiller.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  On  mouille 
les  l.  L'Académie  dit  que  ce  mol  signifie  liguré- 
ment  dire  des  choses  qui  plaisent,  qui  flattent. 
Féraud  prétend  qu'il  est  peu  usité  dans  cette  ac- 
ception. 11  se  dit  mieux  des  choses  que  des  per- 
sonnes. 

Ces  noms  de  roi  des  rois,  et  de  clicf  de  la  Grèce, 
Chatouilloient  de  mon  cœiir  l'orgueilleuse  toiblesse. 
(Uac,  Iphig.,  acU  I,  se.  1,  79.) 

La  louange  chatouille  et  gagne  les  espriU. 

(La  Font.,  Ut.  I,  fab.  xir,  5.) 

Un  auteur  vertueux,  dans  ses  vers  innocent?. 
Ne  corrompt  point  le  cirureu  chatOHtIlant  les  sens. 
(Bon..,  .4.  P.,  IV,  105.) 

Chatouilleux,  Chvtocillebse.  A<lj.  Il  no  se 
met  guère  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  cha- 
touilleux, une  affaire  chatouilleuse,  une  question 
chatouilleuse. 

CH.\TOYAi<iT,  Chatoyante.  Adj.  verbal  tiré  du 
verbe c/ta/oytr  11  suit  ordinairement  sou  subst.  : 
Couleur  chatoyante. 

Chatoyer.  V.  n.  de  la  l"  conj.  C'est  une  ex- 
pression tirée  de  l'œil  du  chat ,  et  transportée 
dansja  connaissance  des  pierres.  C'est  monlror, 
dans  une  certaine  exposition  à  la  lumière,  un  ou 
plusieurs  rayons  brillants ,  colorés  ou  non  co- 
lorés au  dedans  ou  h  la  surface,  portant  d'un 
point  ccmme  centre,  s'étendant  vers  les  bords  de 
la  pierre,  et  disparaissrant  à  une  aiurc  exposition. 

Chaud,  Chaude.  Adj.  Il  se  met  après  son  subst. . 
Temps  chaud,  eau  chaude ,  fer  chaud.  Selon 
l'Académie,  on  dit  qu'un  homme  est  chaud  do 
vin,  pour  dire  qu'il  a  un  peu  trop  bu.  Cette  fa- 
çon de  parler  est  très-peu  usitée.  Voyez.  Em- 
brasé. 

Chaudement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  vêtu  chaudement. 


CHE 

ou  il  est  chaudement  vêtu.  —  lî  a  ^uivi  chaude- 
ment cette  affaire,  OU  il  a  chaudement  sriiri 
cette  affliirc.  Vollairc  dit,  dans  ses  Remarques 
sur  Corneil/e,  quc  cet  adverbe  esl  proscrit  du 
style  noble. 

Chadffe-cike.  Subst.  m.  Ce  mot  étant  compose 
d'un  verbe  et  d'un  substantif,  et  la  pJuraliiê  ne 
tombant  point  sur  le  substantif,  on  doit  écrire  des 
chauffi-cire. 

Cbai;iie.  Subst.  m.  On  dit  naître  suus  le  chau- 
me, vivre  scnis  le  chaume;  mais  je  ne  crois  pas 
qu'on  dise,  comme  l'a  dit  \  oltairc,  naître  aux 
chaumes  : 

La  fille  qai  naquit  aux  chaumes  do  Nanlcrrc. 
(£p«r«  LXXXVII,  IS.) 

Chacsse-pied.  Subst.  m.  Ce  mol  étant  composé 
d'un  verbe  et  d'un  substantif,  et  la  pluralité  ne 
tombant  point  sur  le  substantif,  mais  sur  l'ins- 
trument nommé  ainsi,  on  doit  écrire  Ae^  chausse- 
pied. 

CHAussf.s.  Subst.  f.  pluriel.  Vieux  mot  qui  s'est 
dit  d'abord  des  bas,  de  la  chaussure  des  jambes, 
et  ensuite  du  vêlement  de  l'homuie,  depuis  la 
ceinture  justju'aux  genoux.  Ce  mol,  en  ce  sens, 
n'est  plus  usité  que  dans  quelques  expressions 
proverbiales.  Ou  l'a  remplacé  par  les  mois  bas, 
culotte,  pantalon. 

Chalssc-tr Ai'E.  Subst.  f.  Ce  mot  est  composé 
d'un  verLe  et  d'un  substantif,  le  verbe  ne  prend 
point  de  .y  au  pluriel,  mais  le  substantif  eu  prend 
un  :  Des  chausse-trapcs . 

Chacve.  Adj.  des  deux  genres.  L'Académie  le 
définit,  qui  n'a  plus  de  cheveux,  ou  qui  n'en  a 
guère.  D'après  cela,  on  pourrait  dire  d'un  homme 
qui  s'est  fait  raser  toute  la  tète,  ou  une  très- 
grande  partie  de  la  tête,  qu  il  est  chauve;  car  un 
tel  homme  n'a  plus  de  cheveux  ou  n'en  a  guère. 
On  sent  l'incxuclitude  de  cette  dclinition.  Un 
homme  chance  est  un  homme  dont  les  cheveux 
•sont  tombés,  surtout  du  devant  de  la  têle,  sans 
qu'il  y  ait  lieu  d'espérer  qu'ils  reviennent,  ce  qui 
esl  causé  ordinairement  par  une  maladie,  par  le 
gnmd  âge,  etc.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  homme  chauve,  une  femme  chauve,  une  tête 
chcncve . 

Chauve-souris.  Subst.  f.  Ce  mut  étant  com- 
posé d'un  substantif  et  d'un  adjectif,  l'un  et 
l'autre  prend  la  marque  du  pluriel  :  Des  chauves- 
souris.  —  «11  faut  dire  aux  étrangers  qu'il  n'est 
pas  permis  de  lui  faire  subir  une  inversion  sur 
lui-même,  et  d'écrire  souris-chauve,  comme  La 
Fontaine,  dans  sa  mauvaise  fuble  du  Buisson. 
(Liv.XIl,  fable  vi:,  38.)" 

(Cil.  Nodier,  Examen  crit.  des  Die  t.) 

Chef.  Subst.  m.  On  prononce  le  f. 

Chef-d'oecvre.  Subst.  m.  Le  /"ne  se  prononce 
pas.  Ce  mol  étant  composé  de  deux  substantifs 
unis  par  une  préposition,  le  premier  doit  prendre 
un  s  au  pluriel ,  le  second  n'en  doit  point 
prendre  ;  Des  chefs-d'œuvre.  On  dit  absolu- 
ment et  par  manière  de  raillerie  ou  de  reproche, 
vous  avez  fait  là  un  beau  chef-d'œuvre  ;  mais 
quand  le  mot  chef-d'œuvre  est  joint  par  la  prépo- 
sition de  à  un  autre  substantif,  il  peut  se  prendre 
en  bonne  ou  en  mauvaise  part.  Ùnclief-d'œuvre 
d'habileté,  un  clief-d'œuvre  de  bêtise. 

Chef-lieu.  Subst.  m.  On  prononce  le  f.  Ce  mot 
étant  composé  de  deux  substantifs,  sur  lesquels 
tombe  également  la  pluralité,  on  doit  écrire  des 
chefs-lieux  ;  ce  sont  plusieurs  lieux,  et  ces  lieux 
sont  chefs. 


CHE 


119 


Chêmer  (se).V.  pronominal.  On  disait  autrefois 
chômer,  pour  maigrir,  tomber  en  étisie.  Ce  mot 
n'est  plus  usité. 

CuEMiM.  Subst.  m.  Ce  mol  s'emploie  souvenl 
au  figuré  : 

L'oreille  est  le  chemin  du  cniir. 

(Voit.,  Èpttrt  ÏLVII,  41. J 

Aricie  a  trouTé  le  cA;niin  de  son  cœur. 

(Rlc,  Phèd.,  ad.  IV,  se.  Ti,  11.) 

Se  peut-il  qu'un  soldai  de  ce  monstre  inipostenr 
Ait  Ironvé  malgré  lui  le  chemin  do  mon  cœur! 

(Volt.,  Mahom.,  acl.  Hl,  se.  viil,  38.) 

Cheminer.  "V.  n.  de  lal/'  conj.  Faire  du  che- 
min. Féraud  reproche  à  l'Académie  de  n'avoir 
pasremaïqué  que  ce  mol  esl  vieux.  11  a  tort; 
quchpie  vieux  ((u'il  soit,  il  est  néiessaire.  et  nous 
n'avons  rien  pour  le  remplacer.  ïl  y  a  do  la  diffé- 
rence entre  un  himmc  qui  chemine  bien,  et  un 
homme  qui  marche  bien  ;  d'ailleurs  te  dernier  esl 
équivoque.  Les  chameaux  d'Arabie,  dit  Buffon, 
cheminent  quatre  jiurs  sans  buire. 

Si  ce  mot  est  vieux,  je  crois  que  c'est  au  figuré. 
On  ne  dit  plus  cet  homme  chemine  bien,  pour 
dire  cet  homme  sait  aller  à  ses  fins,  fait  ce  (ju'il 
faut  pour  s'avancer.  On  dit  cet  homme  va  son 
chemin,  va  bien  son  chemin;  et  l'on  ne  dit  pas, 
comme  le  prétend  l'Académie,  qu'un  poè'me, 
qu'une  oraison  chemine  bien,  pour  due  que  l'ou- 
vrage est  bien  suivi,  que  les  parties  en  sont  bien 
disposées.  On  dit  ce  discours,  ce  poé'me  est  bien 
su  ivi. 

Chenil.  Subst.  m.  Le  l  ne  se  prononce  pas. 

Chenu,   Chenue.  Adj.   Ce  mot  est  Tieux 
prose.  Ou  l'emploie  encora  en  vers  : 

Ce  TÎeillard  chenu  qui  s'avance, 
Le  Temps,  dont  je  sul)is  les  lois 

(Volt.,  Épitre  XLV,  19.) 

Cheptel.  Subst.  m.  Le  p  ne  se  prononce  pas. 

Cher,  CHi;RE.  Adj.  Dans  le  sens  de  tendrement 
aimé,  cet  adjectif,  lorsqu'il  est  employé  sans  ré- 
gime, précède  toujours  son  subst.  :]Uon  cherami, 
ma  chère  amie,  mon  cher  oncle,  ina  chère  nièce. 
Mais  quand  il  est  suivi  d'un  régime,  il  suit  son 
subst.  :  Un  homme  cher  à  sq  famille.  Dans  les  au- 
tres sens  de  cet  adjectif,  il  suit  toujours  son 
subst.  :  Une  marchandise  chère,  ce  marchand  est 
cher.  Il  faut  en  excepter  l'expression  chère  annce, 
que  l'on  emploie  quebiuefois  pour  dire  une  an- 
née pendant  laquelle  le  ble  a  été  beaucoup  plus 
cher  qu'à  l'ordmaire. 

Cher  se  prend  adverbialement  :  Prendre  cher, 
acheter  cher. 

Vous  m'avez  vendu  cher  vos  secours  inhumains. 

(Rac,  Baj.,  act.  V,  se.  I,  15.) 

Chercher.  V.  a.  de  la  1"conj.  Ce  verbe  ne  se 
dit  point  au  passif.  On  ne  dit  pas/?  suis  cher- 
ché, vous  êtes  cherchés.  On  dit  sans  article  cher- 
cher querelle,  chercher  noise,  chercher  malheur, 
chercher  fortune,  et  ces  expressions  sont  exclues 
du  style  noble,  comme  l'a  remarqué  "V'olUiire. 

Le  verbe  cherchera  des  acceptions  très-diver- 
ses. En  voici  quelques  exemples  : 

Hélas  !  quand  son  cpée  alloil  chercher  mon  sein. 

(Rac  ,  Phéd.,  acl.  111,  se.  i,  12.) 

Il  tombe  alteinl  d'un  trait  qui  ne  le  cherchait  pa«. 
(DiHL.,  Ènéii  ,  X,  1070.) 


i20 


CFIE 


J'écarte  des  soupçons  peut-être  légitimes, 
Et  je  n'ai  pu  besoin  de  lui  clirrclifT  des  crinic!. 
(\'0LT.,  Uenr.,  II,  169.) 

Maintenant  je  me  eherehe  et  ne  me  troiiTe  plus. 

(lUc,  Phéd.,  act.  II,  se.  Il,  86.) 

Clierchcr  devant  un  infiiiilif  régit  la  préposition 
à  :  //  cherche  à  mus  tromper. 

Chebchkur.  Subst.  m.  Il  n'est  guère  employé 
queil;m-le  slyleioniitiuc  ou  fainilicr.  En  parlant 
d'une  rcninic,  on  dit  chercheuse. 

CiiÈRKME>T.  Adv.  OniKjullcincltrc  entre  l'auxi- 
liaire et  le  parlici|)C-:  //  a  payé  chèrement  sa 
faute,  ou  il  u  chèrement  payé  sa  faute. 

Chéri,  Chêuik.  Adj.  11  se  met  après  son  subst., 
et  rciiit  (|Ui'lipicfuis  la  |>ri'posilion  de  :  Chéri  de 
sa  famille,  de  ses  raisins. 

Chkhissarle.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  (prajuès  son  subst. 

Chkrso.nksf.,  Subst.  f  On  jjrononcc  kerso/ièse 

Chétif,  CiiÉiivK.  Adj.  On  i)runonee  le  /'du 
masculin  11  est  du  style  fainiliei-,  et  peut  se  met- 
tre avant  son  subst.,  quand  l'analogie  et  l'iiaruiu- 
nielc  perinetienl  :  U/ie  mine  chélivc,  une  chétive 
créature,  faire  une  chétive  récolte. 

Et  moi,  ehélif,  de  vos  suivants  le  moindre. 
Combien  de  fois,  las  !  me  suis-je  vu  poindre 
De  traiti  pareils. 

(J.-B.  Rooss.,  liv.  I,  épit.  III,  49.) 

Cbétivchent.  Adv  On  peut  quelquefois  le  met- 
tre entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  toujours 
vécu  chétivement,  bu  il  a  toujours  chétivement 
vécu. 

Chevaleresque  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
quchpicfoisle  meure  avant  son  subsl.  :  Courage 
chevaleresque ,  enthousiasme  chevaleresque  ,  ce 
chevaleresque  enthousiasme. 

CuEVAU-LÉGEr.s.  Subst.  m.  pi.  11  se  disait  autre- 
fois de  cerlaines  compagnies  de  cavalerie  légère, 
qui  faisaient  pariie  de  la  maison  du  roi.  On  disait 
aussi,  au  singulier,  unchevau-léger,  un  des  cava- 
liers dont  ces  compagnies  étaient  composées. 
{Dict.  de  l'Acad.) 

Chevelu,  Cheviclue.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  Sun  subst.  :  Bucinc  chevelue. 

Chevelure.  Subst.  f.  L'Académie  le  delinit  les 
cheveux.  On  a  ol>scrvé  que  celte  dclinilion  est 
fautive,  et  qu'il  fallait  dire  tous  les  cheveux  de 
la  tête  d'une  personne. 

Chicville.  Subsl.  f.  En  poésie,  on  appelle  che- 
ville tout  mut  (jui  n'ajuulc  rien  a  une  pensée,  cl 
qui  n'est  mis  dans  un  vers  ijue  |)our  la  mesure 
ou  pour  la  rime,  tt  en  général  on  apiielle  chcri/le, 
soit  en  vers,  soit  en  prose,  toui  ce  qui  est  de  pur 
remplissage.  Corneille  a  dit  {Pol.,  act.  11,  se.  u, 
58): 

C'est  une  impiété  qui  n'eut  jamais  d'exemple  ; 
Je  ne  puis  y  penser  sans  frémir  à  l'instant, 
Et  crains  de  faire  un  crime  en  vous  la  racontant. 

San*  frémir  dit  tout;  à  l'instant  est  ce  qu'on 
appelle  uneclieville.  {\ o\l. ,  Jiemarques  .sur  Cot- 
neille)  —  On  remarque  encore  des  chevilles  dans 
les  vers  suivants  du  même  auteur  [Hor.,  act.  U, 
se.  VI,  5)  : 

JVon,  non,  mon  frère,  non  ;  jo  ne  viens  en  ee  lieu 
Que  pour  vous  embrasser  et  pour  vous  dire  adieu. 

Ces  trois  non,  et  en  ce  lieu,  font  un  mauvais  ef- 
fet. On  sent  (jue  le  mut  lieu  esi  pour  la  rime,  cl 
les  no;»  redoublés  pour  lu  mesure.  Ces  négligen- 


CHO 

CCS,  si  pardonnables  dans  un  bel  ouvrage,  sont 
rcmartpiées  aujourd'hui;  mais  ces  lermcs,  en  c$ 
lieu,  en  ces  lieux,  cessent  d'élrc  des  expressions 
oiseuses,  des  chevilles,  ipiaiid  ils  signilient  (ju'ori 
doit  cire  en  ce  lieu  (ilulôl  i\u'uilleurs.  (Voltaire, 
Remarques  sur  Corneille  ) 

Cheviller.  \  .  a.  de  la  1"  conj  On  dit  cheviller 
des  vers  : 


Ce  beau  nom  de  machine  ronde 

Que  nos  lla-qucs  auteurs,  en  ch«villu>i(  leurs  vers. 
Donnaient  à  l'aventure  h  ce  plat  univers. 

(^VoLT.,  £>)f«r»  X.\X1X,  10.) 

Chevrillard.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point 
\cd. 

Chez.  Préposition.  On  ne  prononce  le  z  que  de- 
vant une  voyelle  nu  un  h  non  as|>iré.  Il  signifie 
dans  la  maison  de,  au  logis  de.  Chez  vini,  chez 
vous.  11  est  (luelquefois  jireccdé  de  la  préposition 
de  :  Je  sors  de  chez  lui  On  l'emploie  ipielqucfois 
dans  le  sens  de^a;v/u'  .•  Chez  les  Athéniens,  chez 
les  Grecs.  S'il  est  vruique  vous  désiriez  de  faire 
régner  chez  vous  les  lois  de  Minos.  '^Fcuclon, 
l^élémaque.) 

Chiche.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met  après 
son  subst.  On  l'emploie  souvent  avec  un  régime- 
Chiche  de  ses  pari.U's,  chiche  tic  ses  pas,  chiche 
de  ses  peines,  chichf  de  louanges.  Touiescesex 
pressions  sont  familières. 

Chicot.  Subst.  m.  Ou  ne  prononce  point  le  t. 

Chimérique.  Adj.  dcsdrux  genres.  Il  ne  se  dit 
que  des  choses  '.Dessein  chimérique,  espérances 
chimériques,  elc.  Il  peut  se  mettre  avant  son 
subst., lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permet- 
tent :  Occupé  de  tant  de  chimériques  prijets,  il 
oubliait 

Chimique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Opération  chimique,  remède 
chimique. 

Chiquet.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  t. 

Chir4gre.  Subst.  f.  Goutic  qui  attaque  les 
mains.  On  prononce  kiragre. 

CiiiRocnAi'HAiRt;.  Adj.  dtjs  deux  genres,  qui  se 
met  toujours  après  son  subsl.  On  prononce  kiro- 
graphaire. 

Chirologie,  Chiromancie,  Chiromancien,  Chis- 
TE,  Chlamvde,  Chlorate,  Chlore,  Ciiloriqde, 
Chlorose,  Chlorotique,  Chlorure.  Dans  tous 
ces  mots  ch  se  prononce  k 

Choc  Subsl.  m.  On  prononce  le  c  final. 

Choeur.  Subst    m.  On  prononce  cœur. 

Cn(UR.  V.  n.  et  defeclueux  de  la  3  conj.  U  ne 
se  dit  guère  qu'à  l'inliniiif,  choir,  cl  au  participe 
I)assé,  chu,  chue;  choir,  au  propre,  s'emploie  en 
vers  : 

Ainsi  qu'on  voit  sous  cent  mains  diligentes 
Choir  les  épis  des  moissons  jannissaiiles. 

(VOLTAinB.) 

En  prose,  il  est  du  style  familier  et  badin  :  Il  s'est 
laissé  choir  U  prend  l'auxiliaire  être.  Ce  verbe 
est  peu  usité. 

Choisir.  V.  a.  de  la  2*  conj.  Delille  a  dit 
[Géorg.,  II,  3H): 

Enfin,  à  ton  vignoble  ai-tu  choiêi  la  terre? 

Il  semblerait,  par  cet  exemple,  qu'on  pourrait  dire 
choisir  une  chose  à  une  autre.  Mais  cette  façon 
de  parler  n'est  pas  fréquemment  usitée.  On  s'en 
sert  plutôt  en  parlant  des  personnes;  et  on  dit 


I 


CHO 

choisir  quelque  chose  à  quelqu'un  :  Choisissez- 
moi  ce  qu'il  y  a  de  meilleur. 

Choisir  ne  régit  pas  dcssubstanlifs  sans  arlicle 
ou  sans  [troposilion.  On  ne  dit  pas  i7  a  été  choisi 
youveriicvr,  mais  il  a  été  chnisi\to\xr  gouverneur  ; 
ils  le  choisirent  [KJtir  leur  chef. 

On  dil  choisir  enlre  plusieurs,  choisir  parmi 
plusieurs,  lei-aiid  [)onse  qu'oii  ne  peiil  pas  dire 
choisir  de,  cl  criiiipic,  en  consc(iuencc,  ces  vers 
dcBoilcau  (^.  P.,lll,2'il): 

O  le  plaisant  projet  d'un  parle  ignorant. 
Qui  de  Uai  de  héros  11  choisir  Childebrand  I 

Cette  critique  n'est  point  fondée  ;  choisir  entre, 
choisir  parmi,  el  choisir  de,  se  <liscnl  (•galciiicnt, 
et expniiionl  ililTéieiilos  vues  de  rcspiil.  Clwùir 
entre  plusieurs  supi>osc  que  la  chose  choisie  a 
plus  frappé  que  les  auties: 

Quoi  !  Roxane,  seigiieur,  qu'Amurat  a  choisie 
Entre  tant  de  beautt^s. .  . 

(Rac,  Baj.,  ict.  I,  te.  1,  97.) 

Choisir  parmi  plusieu/s  suppose  une  comparai- 
son faite  de  plusieurs  clrnscs  :  Jîomulus  choisit 
parmi  tout  le  peuple  ce  qu'il  y  avait  de  meilleur 
pour  en  former  le  conseil  public.  (Bossucl,  Disc. 
surl'I/ist.  univers.,  111*^  |>;irt.,  cii.  vu,  p.  d'JS  ) 
Choisir  de  suppose  un  examen  rigoureux,  el  un 
choix  qui  marque  une  |)réi'orence  iwriiculiore. 
L'Académie  cl  dit  :  Choisissez  des  deux. 

Lorsipic  ce  verbe  est  suivi  d'un  inlinilif,  il  régit 
la  préposition  de: 

A.  qui  choiiirici-Tous,  mon  Gis,  de  ressembler? 
(lUc,  Ath.,  ici.  rV,  se.  11,  20.) 

Choix.  Subst.  m.  On  peut  dire  faire  chois, 
san.s  prépositif; 

De  quelque  heureux  époux  que  l'on  dût  faire  choix. 
{KkC,  Iphig.,  act.  I,  se.  III,  27.) 

Chômable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  Sun  subst.  L'accent  circondcxc  est  néces- 
saire parce  que  Vo  se  prononce  long,  el  que  le  mot 
semble  venir  de  c/irti^me  On  en  peut  dire  autant 
de  chômage  cl  de  chômer. 

Choquam,  Choqiante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
choquer.  L'Académie  dit  un  homme  choquant, 
mais  il  semble  <]ue  cet  adjeciif  ne  se  dit  (pic  des 
choses  :  Un  air  choquant,  une  mine  chiquante. 
Cet  homme  a  quelque  chose  de  choquant  dans  ses 
manières.  11  se  met  ordinairement  après  son 
subsl. 

Choqder.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  le  sens  de 
dépl.iire,  on  dil  ce  qui  me  choque  en  lui,  ce  qui 
me  choque  de  lui,  ce  qui  vie  choque  da-ns  cette 
chose,  de  cette  chose,  c'est  que,  elc.  Ce  qui  me 
choque  de  ces  beaux  esprits,  c'est  qu'ils  ne  se 
rendent  pas  utiles  à  leur  patrie.  (Mo:ite>(piicu, 
Lettres  persanes.)  L'Académie  ne  donne  point 
d'exemple  de  ce  loiir. 

Choraïque,  Chorée,  Chorége,  Chorégraphe, 
Chorégraphie,  Chorégraphique,  Ciiorévèque, 
Choriambe,  Chorkjn,  Choriste,  Cuorographie, 
Chorographique,  Choroïde.  Dans  tous  ces  mots, 
cho  se  prononce  ko. 

Chorus.  Subst.  m.  On  prononce  corus  en  fai- 
sant sentir  le  s  linal. 

Chose.  Subsl.  i.  Quand  ce  nom  est  précédé  de 
l'adjectif  ^rant/e,  cet  adjectif  perd  i'e  inuel  final, 
et  prend  l'apostrophe,  grand' chose.  Voyez  Apo- 
strophe. 


cim 


121 


Quelque  chose,  employé  comme  un  seul  mot 
est  toujours  masculin  :  Demandez-moi  quelque 
chose,  et  je  vous  le  donnerai.  On  m'a  dit  quel- 
que chose  qui  est  très-[)\;\'\si\u{.  .li  je  fait  quelque 
chose  que  vous  n'ayez  fait?  Il  y  «  dans  ce  livre 
quelque  chose  qui  mérite  d'être  lu. 

S'il  y  a  un  adjctlil"  entre  quel,,uc  cl  chose,  alors 
ce  n'est  plus  un  seul  mot,  el  chose  ro|iiciid  son 
genre  fcminin  :  Quelques  belles  choses  que  roi/j 
disiez. 

Lorsque  quelque  chose  est  suivi  d'un  adjectif, 
il  faut  le  joindre  â  cet  adjeciif  par  la  préjiosiiioij 
de  :  J'ui  vu  quelque  chose  de  beau,  et  non  \w^j'a\ 
vu  quelque  chose  beau.  .S'il  arrive  (pic  rein|i|ui  de 
b  pré|(osilioii  de  occasionne  un  son  dur  ol  dés- 
agréable, il  vaul  mieux  employer  un  aiilre  tour 
<iue  de  faiie  une  faute  de  fiaiiç^iis  en  supprimant 
la  préposition.  Ainsi,  par  exemple,  au  lieu  de 
dire  il  l'exhortait  à  faire  quelque  cho.te  de  di'ine 
de  sa  naissance,  on  [wurrait  dire  il  l'exhortait 
à  faire  quelque  chose  qui  fut  digne  de  sa  nais- 
sance. 

On  désigne  ^indislinclement  par  ce  mol  loul 
élre  inanimé.  Etre  est  plus  général  que  chose,  en 
ce  qu'il  se  dil  indislinclemenl  de  tout  ce  qui  e.M, 
au  lieu  ipi'il  y  a  des  élres  dont  chose  ne  se  dit 
pas.  On  ne  dit  pas  de  Dieu  que  c'est  uuo.  chose; 
on  ne  le  dil  pas  de  l'homme.  Chose  se  prend  aussi 
par  op|)Osilion  à  mot;  ainsi  il  y  a  le  mot  et  la 
chose.  11  est  aussi  opposé  à  simulacre  ou  appa- 
rence. 

CHoo-FLEDR.Subst.m.Il  fait  au  pluriel  c/towj- 
fleurs.  Chou  est  un  siibslanlif,  el  l'on  considère 
fleur  comme  un  adjeciif.  On  peut  en  dire  autant 
de  chou-navet  et  de  chou-rave. 

Choyer.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  on  conserve  l'y  qui  est  dans 
rinlniitif,  excepté  avant  un  e  muet  .Je  choie,  tu 
choies,  il  clwie,  elles  choient,  je  choierai,  etc.  Il 
est  familier. 

Chrême,  Chrêmeau,  Chrestomathie.  Dans  ces 
trois  mots,  on  ne  prononce  point  le  A. 

Chrétiik,  CHllÉ^II:^^•[:.  Adj.  Ou  prononce  cr^- 
iicn,  créticniic.  Il  se  dit  des  personnes  cl  des  cho- 
ses, el  se  met  ordinairement  après  son  subsl.  :  Le 
peuple  chrétien,  le  inonde  chrétien,  la  relit/ion 
chrétienne,  le  nom  chrétien.  On  dirait  bien  cette 
chrétienne  reino  ni  ronce. 

CURÉTIE^NEMliNT,    ClIliÉTI  ENTÉ.     DailS    CCS  dcUI 

mots,  on  ne  prononce  point  le  h,  el  la  pénultième 
du  mol  chrétienté  se  prononce  comme  dans  chré- 
tien . 

Chrétiennement.  Adv.  On  pcnl  le  mettre  enlre 
l'auxiliaire  el  le  participe:  //  «  souffert  chrétien- 
nement tous  les  maux  que  Dieu  lui  a  envoyés, 
ou  il  a  chrétiennement  souffert,  elc. 

Christ.  Subsl.  m.  Prononcez  Crist,  en  faisant 
sentir  le  *  el  le  t.  On  prononce  ainsi  ce  mot  Im-s- 
(]u'il  est  seul;  mais  lursipi'on  le  joint  au  mol  Jé- 
sus, comme  dans  Jésus-Christ,  on  prononce  Jé- 
su-Cri. 

Cup.lstianis.me.  Subst.  m.  Prononcez  cristia- 
nisme. 

*  Christiaqce.  Adj.  f.  Mol  inusité  que  Voltaire 
a  employé  au  lieu  de  clirélicnne  :  Les  rcli/ions 
dominantes,  la  grecque,  la  romaine,  l'égyp/iaque, 
la  syriaque,  avaient  leurs  mystères,  la  cliristia- 
que  voulut  avoi'-  les  siens  aussi:  chnque  société 
cliristiaque  eut  donc  ses  mystères,  qui  n'étaient 
pas  même  communiqués  aux  catéchumènes,  et 
que  les  baptisés  juraient,  sous  les  plus  horribles 
serments,  de  ne  jamais  révéler.  {Ilist.  de  l'cta- 
ilissemcnt  du  christianisme,  chap.  X.) 


122 


CIG 


CIR 


Chromatiqce,  CiinÔME, Chronicité,  CiiROMQrE, 

CunOMQUEl'R,    CHUONOGRAMME,    *  CuRONOGRArnE, 

Chronologie,  Chronologiqie,  CnnONOLocisTE, 
Chronologce,  Chronosiètre,  Chrysalide,  Chty- 
SAMHfcvE,  Chrysocale,  Ciirysocole,  Chryso- 
couE,  Chrysolithe,  Chrysoprase.  Prononcez  la 
première  syllabe  de  tous  ces  mots  comme  s'il  n'y 
avait  poiiit'de  h. 

CncT.  Interjection.  On  prononce  le  /.  L'Aca- 
démie dit  que  c'est  un  mot  dont  on  se  sert  pour 
avertir  ou  ordonner  de  faire  silence. — On  se  sert 
du  mot  chut,  pour  avertir  de  faire  silence;  mais 
j»our  imposer  silence  on  se  sert  du  mot  paix  ou 
du  mot  sili'/ice. 

Chcte.  Subsl.f.  L'Acad<^mie  l'écrit  sans  accent 
circonflexe  sur  Vu.  Quelques  grammairiens  pré- 
tendent que  cet  accent  est  nécessaire;  et  d'Oli- 
vet,  dans  sa  prosodie,  dit  que  dans  la  terminaison 
en  iite,  u  est  bref,  excepté  dans  fâtc.  H  nous  sem- 
ble cependant  que  tout  le  monde  prononce  cet  w 
long;  et  je  crois  d'autant  jilus  que  l'accent  est 
nécessaire,  que  l'on  prononçait  autrefois  cheuie. 
L'accent  doit  remplacer  l'e  sujiprimé.  Toutes  les 
régies  que  donne  l'abbé  d'Olivcl  dans  sa  prosodie 
ne  sont  pas  sûres. 

Ci.  Ce  mot  sert  à  désigner  l'endroit  oii  est  ce- 
lui qui  parle,  ou  du  moins  un  lieu  qui  est  proche 
de  lui,  ou  bien  encore  une  chose  présente.  11  se 
met  toujours  après  le  nom;  ce  temps-ci,  cet 
hommc-ci.  Il  n'y  a  que  dans  les  épilapnes  où  ci 
commence  la  phrase  :  Ci-gît. 

Ci  s'oppose  quclquefoisà  l'adverbe  là,  qui  alors 
se  joint  à  un  nom  pour  faire  voir  que  la  chose  dont 
on  parle  est  éloignée  :  Cet  homme-ci,  cet  homme- 
là.  Ci  marque  l'objet  le  plus  proche,  là  l'objet  le 
plus  éloigné 

Ci  joint  à  des  adjectifs  ou  à  des  adverbes  les 
précède  ordinairement  :  Les  témoins  ci-présents, 
le  mémoire  ci-joîjit.  Ci-devant,  ci-après. 

Ci  se  met  après  les  prépositions  entre  et  par  : 
Entre-ciet  demain,  par-ci,  par-là.  Voyez  Adjec- 
tifs démonstratifs . 

CiKL.  Subst.  m.  Dans  le  sens  propre,  il  l'ait 
deux  au  pluriel  :  La  voûte  des  deux  ;  dans  le 
sens  (iguré,  il  fait  ciels:  Des  ciels  de  lit,  de  ta- 
bleaux, de  carrière. 

L'Académie  dit  que  le  ciel  sLgnilie  le  séjour 
des  bienheureux,  le  paradis.  Il  signifie  aussi  une 
félicité  parfaite: 

Un  tel  hifmen,  une  union  .<!  clière, 

Si  l'on  en  Toit,  c'est  le  ciel  sur  la  terre. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  act.  II,  se.  i,  19.] 

Ciel,  selon  l'Académie,  se  prend  pour  Dieu 
même,  pour  la  Providence,  pour  la  volonté  di- 
vine. Dans  ce  sens,  on  dit  aussi  deux  : 

Nous  préserrent  les  deux  d'un  si  funeste  abus  ! 

(Volt.,  Brut.,  act.  II,  se.  iv,  45.) 

Voltaire  a  dit,  dans  Brutus,  le  ciel  de  la  cour: 

Je  sais  bien  que  la  cour,  seigneur,  a  ses  naufrages  ; 
Mais  ses  jours  sont  plus  beaux,  son  ciel  a  moins  d'orages. 
(Volt.,  Brut.,  act.  II,  se.  il,  59.) 

CiGARRE.  Mol  emprunté  de  l'espagnol  cigarro. 
Petit  rouleau  fait  avec  une  feuille  de  tabac  des- 
tiné à  être  fumé.  Quelques  lexicographes  le  font 
masculin,  à  cause  de  cigarro,  qui  est  masculiv.  en 
espagnol;  d'autres  le  font  féminin,  à  cause  de  sa 
terminaison,  qui  indique  ce  genre.  Nous  sommes 
de  l'avis  de  ces  derniers.  —  Maintenant  tout  le 
monde  fait  ce  mot  masculin,  et  on  l'écrit  généra- 


lement avec  un  seul  r.  «  D'après  l'élymologie,  il 
faudrait  écrire  cigarre,  dit  M.  Lemairc,  mais  PA- 
cadomie  ne  met  (ju'uii  r,  sans  dnute  [;our  con- 
stater l'usage  établi  plutôt  que  pour  décider  la 
question.  »  (Grammaire  des  Grammaires, 
p.  d25.) 

Cigogne.  Subst.  f.  On  mouille  le^w.  On  écrivait 
autrefois  cicognc,  et  l'on  prononçait  cigogne.  Au- 
jourd'hui on  l'écrit  eoiTUiicon  le  prononce. 

CiGCE.  Subst.  f.  Prontmcez  guo  comme  dans 
aiguë. 

Cil.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'il  faut  mouil- 
ler le  l  liii:d;  la  plupart  des  autres  dictionnaires 
disent  (ju'il  faut  prononcer  le  l  sans  le  mouiller. 
L'usage  est  pour  les  derniers. 

CiLLEMENT,  CiLLER.  Daiis  CCS  dcux  mots  les  l 
sont  mouillés. 

Cime.  Subst.  f.  L'Académie  le  déQnit,  le  som- 
met, la  jiartie  la  plus  haute  d'une  montagne, 
d'un  arbre,  d'un  rocher,  etc.  C'est  la  partie  la 
plus  haute,  remarquable  par  sa  forme  pointue  :  La 
dme  d'u/i  arbre,  d'un  rocher,  d'un  clocher,  d'un 
corps  pyramidal. 

Ciment.  Subst.  m.  Cijiester.  V.  a.  delà  1" 
conj.  Le  premier  ne  se  dit  guère  que  dans  le 
sens  propre.  Le  second  s'emploie  au  propre  et  au 
figuré  :  Cimenter  du  pavé,  cimenter  la  paix. 

Cimetière.  SubsL  m.  Ce  mot  n'est  pas  admis 
dans  le  style  noble. 

CiKÉr.AJBF  Adj.  des  deux,  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

CI^GLER.  V.  n.  et  a.  Dans  ce  dernier  sens,  l'A- 
cadémie dit  qii'il  signifie  frajiper  avec  quelque 
chose  de  délié  ou  de  pliant  :  Cingler  le  vidage  d'un 
coi/p  de  fouet.  Ou  l'Académie  se  trom]>c  ici,  ou 
elle  s'est  trompée  au  mot  sangler,  ou  bien  il  y  a 
dans  la  langue  deux  mots  jKMir  exprimer  la 
même  idée.  On  dit  ligurémcnt,  dit  l'Académie  au 
mot  sangler,  sangler  vu  coup  de  fouet.  L'analogie 
semble  indiquer  (ju'il  faut  se  servir  de  sangler  et 
non  de  cingler,  et  l'on  peut  assurer  qu'ici  î'usage 
est  conforme  à  l'analogie.  Ou  dit  sangler  un  coup 
de  fouet,  mais  cingler  le  visage  d'un  coup  de 
fiuet  ne  se  trouve  que  dans  le  TUctûmnaire  de 
l'Académie.  On  ne  dit  pas  non  plus,  comme  le 
prétend  l'Acadomic,  que  le  vent,  que  la  pluie 
cingle  le  visage,  mais  coupe  le  visage. 

Cinq.  Adj.  numéral  des  deux  genres  Le  p  final 
se  prononce,  cinquc,  â  moins  que  cet  adjectif  ne 
soit  immédiatement  suivi  de  son  substantif  mas- 
culin commençant  par  une  consonne  ou  un  h  as- 
piré :  Cinq  cavaliers  se  i)rononce  cein-cavalicrs ; 
cinq  ans  se  prononce  cein-cans. 

Cinquante.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  Il 
précède  son  subst.  Cinquante  hommes,  cinquante 
chevaux. — On  dit  chapitre  dnquante,  article  cin- 
quante. Alors  cinquante  est  pris  \\o\iv  citiquan— 
tième. 

Cinquième.  Adj.  des  deux  genres.  Nombre 
d'ordre.  Il  précède  son  subst.  :  Le  cinquième  roi, 
la  cinquième  fois. 

Cinquièmement.  Adv.  On  peut  le  mettre  au 
commencement  de  la  phrase,  ou  après  le  verbe  : 

Cinquièmement,  je  tous  dirai  que Je  vous 

dirai  cinquièmement  que On  ne  le  met  jamais 

entre  l'auxiliaire  et  le  participe. 

Circoncire.  Y.  a.  et  défectueux  de  la  4"  conj. 
Voici  comment  on  le  conjugue. 

Indicatif. — Présent.  Je  circoncis,  tu  circoncis, 
il  circoncit;  nous  circoncisons,  vous  circoncisez, 
ils  circoncisent.  —  Imparfait.  Je  circoncisais,  tu 
circoncisais,  il  circoncisait;  nous  circoncisions, 
■vous  circoncisiez,  ils  circoncisaient    —  Passé 


CIR 

simple.  Je  circoncis,  lu  circoncis,  il  circomii; 
nous  circoncîmes,  vous  ciiconcîies,ils  cironri 
rem.  —  Futur.  Je  circoncirai,  tu  circoncints,  i! 
circoncira;  nous  circoncirons,  v  us  circoncirez, 
ils  circonciront. 

Condilloiinci. — Présent  Je  circoncirais,  lu  cir- 
concirais, il  circoncirait;  nous  circoncirions,  vous 
circonciriez,  iU  rirconciniicn". 

Impéralil.  —  Présent.  Circoncis,  qu'il  circon- 
cise; circoncisons,  circoncisez,  qu'ils  circon- 
cisent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  circoncise,  que 
lu  circoncises,  qu'il  circoncise;  que  nous  circon- 
cisions, que  vous  circoncisiez,  qu'ils  circonci- 
sent.— Imparfait.  Manque. 

Participe. — Présent.  Manque  — Passé.  Cir- 
concis, circoncise. 

Ses  temps  composés  se  fonnentavec  rauxlllaire 
avoir. 

CiRCOHFLE.XE.  \6j.  m.  Il  se  dit  d'un  accent  qu'on 
met  sur  certaines  lettres  pour  marquer  qu'elles 
sont  restées  longues  après  la  suppression  d'une 
lettre.  Voyez  Accent. 

CiRcoKLOccTiON.  Subsl.  f.  Courtc  définition  qui 
s'emploie  pour  désigner  une  chose  qu'on  ne  peut 
ou  qu'on  ne  veut  pns  nommer.  Souvent  on  ne 
peut  ou  on  ne  veut  pas  nommer  une  chose  parce 
que  le  mot  qui  sert  à  la  désigner  est  ou  trop  bas 
ou  trop  ramilicr  pour  le  sujet  que  l'on  traite; 
alors  ou  se  sert  de  la  circonlocution.  SI  OKnone 
disait  à  Phèdre,  dans  la  tragédie  de  ce  nom,  il  y 
a  trois  jours  que  vous  n^arez  ni  bu  ni  viange, 
l'expression  ne  conviendrait  i)asà  la  dignité  de  la 
muse  tragique,  llaclnc  l'a  ennoblie  en  disant: 

Et  le  jour  a  trois  fuis  chassé  la  nuit  obscure, 
Depuis  que  rolre  corps  languit  sans  nourriture. 

(Acl.  I,  se.  III,  41. 1 

Quelquefois  la  circonlocution  n'empêche  pns 
que  l'on  n'emploie  le  nom.  Elle  sert  alors  à  pein- 
dre d'abord  la  chose  avec  des  accessoires  dont 
l'idée  se  joignant  naturellement  au  nom  lorsqu'il 
vient  à  paraître,  le  rend  beaucoup  plus  expressif 
qu'il  ne  le  serait  sans  la  circonlocution.  C'est  ce 
qu'on  voit  dans  la  fuble  de  La  Fontaine  intitulée 
les  Animaux  malades  de  la  peste  (liv.  VII, 
fab.  1, 1)  : 

Un  mal  qui  répand  la  terreur. 

Mal  que  le  ciel  en  sa  fureur 
Intenta  pour  punir  les  crimes  de  la  terre  ; 
La  pe$te  (puisqu'il  faut  l'appeler  par  son  nom}, 
Capable  d'enrichir  en  un  jour  l'Achéron, 

Faisait  aux  animaux  la  guerre. 

Le  grand  usage  de  la  circonlocution  est  pour  les 
choses  de  délicatesse,  de  finesse  ou  de  décence; 
car  ces  trois  caractères  de  la  pensée  tiennent  aux 
soins  qu'on  a  de  la  voiler  à  demi  par  une  expres- 
sion mystérieuse,  et  d'éviter  par  un  détour  la 
trop  grande  clarté  du  mot  juste  et  précis. 

Circonscrire.  V  a.  et  Irrégulier  de  la  4'  conj. 
Il  se  conjugue  comme  écrire,  frayes  ce  mot. 

CiRCOKspECT,  Circonspecte.  Adj.  Il  suit  tou- 
jours s<")n  subst.  :  Un  homme  circonspect,  une 
femme  circonspecte.  Quehjuet'uis  11  prend  un  ré- 
gime :  Etre  circonspect  dans  ses  paroles,  dans 
ses  actions. 

*  Circonstanciel.  Subst.  m.  Quelques  grammai- 
riens ODt  donné  ce  nom  à  un  membre  de  la  phrase 
qui  sert  a  exposer,  soit  la  manière  d'être  du  verbe, 
soit  la  circonstance  dans  laquelle  a  lieu  l'Idée 
qu'il  exprime.  Le  circonstanciel  est  ordinaire- 
ment exprimé  par  des  conjonctions,  par  des  adver- 


CIT 


!«3 


bcs  conjonctifs,  ou  par  tout  autre  mot  proiH-e  a 
indiiiuer  la  jonction  ou  l'union.  Dans  cf  lie  phrase. 
J8  vous  aime  tendrement,  tendrement  est  le  cir- 
constanciel du  verbe  aimer;  dans  je  vous  aime- 
rai toujours,  toujours  est  un  autre  circonstanciel 
de  ce  verbe. 

Circonvenir.  V.a.  de  la 2' conj.  L' .académie  ne 
le  donne  que  dans  le  sens  d'employer  des  inovcns 
rlificieux  auprès  de  (lucltju'un  pour  le  détermi- 
ner à  faire  ce  qu'on  souhaite  di>  lui. 

Féraud  trouve  mauvais  qu'un  auteur  moderne 
ait  donné  à  ce  mot  li>  sens  d'cntovrcr.  Cet  auteur, 
dit-Il,  peu  fait  au  langage  du  Palais,  n'a  pas  com- 
pris la  vraie  signification  de  ce  mot.  \ollaire,  (pii 
comprenait  bien  tous  les  larcages,  s'en  est  servi 
dans  ce  sens  :  Je  n'ai  pas  vn  moment,  mon  cher 
ami;  je  suis  circonvenu  d'affaires,  d'ouvriers, 
d'embarras  et  de  maladies.  [Correspondance.) 

CiRcci.MiiE  Adj.  des  deux  genres.  11  suit  tou- 
jours son  siilisl.  :  Forme  circulaire,  mouvement 
circulaire. — Lettre  circulaire. 

Circulairement.  Il  ne  se  met  qu'après  le  verbe: 
Les  cieux  se  meuvent  circulairement. 

Circulant,  Circdlante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
circuler.  Il  suit  son  subst.:  Jlichesses  circulan- 
tes, espèces  circulantes,  billets  circtdants. 

CiRcuLEr,.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Ce  mot  se  dit 
proprement  du  mouvement  d'un  corps  ou  d'un 
point  qui  décrit  un  cercle;  maison  l'a  appliqué 
au  mouvement  des  corps  qui  décrivent  des  cour- 
bes non  circulaires,  par  exoiniile  au  mouvement 
des  planètes,  qui  ne  décrivent  point  autour  du  so- 
leil des  cercles,  mais  des  ellipses.  On  l'a  apiiliqué 
aussi  au  mouvement  du  sang,  i)ar  lequel  ce  lliiide 
est  porté  aux  artères,  et  revient  au  cœur  par  les 
veines.  En  général,  le  mot  circuler  peut  s'appli- 
quer, par  analogie, au  mouvement  d'un  corps  cpii, 
sans  sortir  d'un  certain  espace,  fait  dans  cet  es- 
pace un  chemin  quelconque,  en  revenant  de 
temps  en  temps  au  même  point  d'où  II  est  parti. 

Cisailler  fis  villes.  Dans  ces  deux  mots,  on 
mouille  les(. 

Ciseaux.  Subst.  m.  pi.  Instrument  de  fer  com- 
posé de  deux  branches  tranchantes  en  dedans,  et 
jointesensembie  par  un  clou.  Ciseaux  de  tailleur, 
de  lingère.  Une  paire  de  ciseaux.  —  11  s'emploie 
(luelquefoisau  singulier:  Mettre  le  ciseau  dan'i 
une  étoffe.  —  En  mythologie,  on  dit  le  ciseau  de 
la  Parque. 

Ciseler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  la  conjugai- 
son de  ce  verbe,  on  double  la  lettre  l  lorsqu'elle 
est  suivie  d'un  e  muet  :  Je  ciselle,  tu  ciseUes,  ils 
ciscllent,je  cisollcrai,je  cisellerais,  etc. 

Citation.  Subst.  f.  C'est  l'usage  et  l'application 
que  l'on  fait  en  parlant  ou  en  écrivant  d'une  pen- 
sée ou  d'une  expression  employée  allleurè;  le  tout 
pour  confirmer  son  raisonnement  par  une  autorite 
lespcclable,  ou  pour  répandre  plus  d'agrément 
dans  son  discours  ou  dans  sa  composition. 

Faire  des  citations,  expression  qui  s'est  intro- 
duite par  abus  dans  la  langue.  On  dit  citer. 

Citer.  V.a.  délai"'  conj.  Citer  nn  tribunal, 
citer  devant  le  juge,  citer  i\  comparaître. —  Citer 
des  auteurs,  citer  son  auteur. 

Citériecr,  CiTÉBiEur.E.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl. 

Citoyen,  Citoyenne.  Substantifs.  Les  citoyens  et 
les  citoyennes  ,  dit  l'Académie,  sont  les  habitants 
d'une  ville,  d'une  cité.— Les  habitants  d'une  yillc 
ne  sont  citovcns  que  lorsqu'ils  sont  membres 
d'une  république,  qu'ils  ont  droit  de  suflrage 
dans  les  assemblées  publiques,  et  qu'ils  font  par- 
lie  du  souverain.  Dans  ce  sens,  il  n'y  a  point  de 


i24 


CLA 


citoyenne,  à  moins  que  l'on  n'entende  par  là  la 
femme  d'un  ciioycn.  Dans  les  nutnaivliies  Icm- 
pérc'CS,  un  tlil  t\\i'uii  homme  esl  bon  citajcn,  pour 
dire  «lu'il  csl  allaclio  à  I  ■  |ialrio.  Ainsi  nii  lioiinnc 
peut  ('lie  ciliiyon  «lans  ccHc  tlcniière  ar<  e|ilii)ii, 
sans  èlrc  ciloyon  dans  la  |iiomitic.  J.-J.  Hoiis- 
seau,  *lil  FcimiuI,  so  i|iiaiiliai(  de  cU'iycn  de  Gé- 
nère ;  |iliisioiii's  so  siinl  iii(ii|iiés  de  colle  ipialili- 
calioii.  lies  plusieurs  la  élaii-nl  des  iLMidiMiiis;  cl 
s'il  raliait  alors  se  nii)i|iiei'  de  t|iicli|u'uii,  c'olail 
d'un  puole  (|ui  se  qualiliuilcn  France  de  ciloycn 
de  Calais-. 

Cuil.,  CiviLE  Adj.  qui  suit  loujouisson  siihsl  : 
La  rie  cirile,  des  iniiiiières  cirilca.  l.'Acadoiiiic 
dil  être  cirii  a  l'Oiraid  de  tout  le  monde,  envers 
tout  te  monde  l'Iéclilcr  avail  dil  ciril  a  ceii.và  qui 
il  ne  piiiiruil  être  fucoraile  {Oraison  fnn.  de 
M.  de  Lumoiijnon,  p.  Kili.),  l'I  rAcadoiiiie  avail 
ado|)lé  ce  régime  dans  son  édition  de  17()i;  elle 
ne  l'a  pas  mis  dans  celles  de  1 /i>S  el  de  1835.  Kn 
cela,  (Ho  a  pruliK)  de  la  rcmanpic  dcFéraud. 

CiviLEiiKM.  Adv.  Avec  civijiio.  Il  no  se  mol 
gU(>ro  (pi'après  le  verlie  :  //  nous  a  reçus  cicile- 
■m.evt,je  l'ui  traité  civilement.  11  signiiie  aussi 
en  niaiidMe  civile 

Civilisé,  Civilisée.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a|ir(:s 
son  subst.  :  Les  peuples  civilisés,  les  nations  ci- 
vilisées . 

Civilité.  Subst.  f.  Dans  le  sens  d'honncletc, 
courtoisie,  manière  lionncle  de  vivre  el  de  con- 
Terser  dans  le  monde,  ce  mol  n'a  point  de  pluriel. 
Il  en  a  un  dans  le  sens  d'actions,  de  paroles  civi- 
les, do  compliments,  etc. 

Corneille  a  dil  AdWiPulijcucte  (act.  II,  se.  v,  11)  : 

Nous  ne  nous  combattrons  que  à&  civilité. 

Voltaire  fait  observer  dans  ses  Remarques  que 
c'est  un  vers  de  comédie. 

Civique.  Adj.  f.  qui  suit  son  subst.  et  n'esl 
d'usage  (iii'en  ces  phrases  :  Cuuronne  civique, 
vertus  civiques. 

Claib  ,  CuiBE.  Adj.  Dans  toutes  ses  accep- 
tions, cet  adj.  ne  se  met  (praprés  son  subst.  :  Un 
feu  clair  — Des  armes  claires,  un  teint  clair. — 
De  lu  toile  claire. — Une  idée  claire. 

Ce  mol  s'emploie  aussi  adverbialement:  f^oir 
clair, parler  liant  etclair. Ondilsenier  clair, \K*iir 
dire  répandre  la  graine  do  loin  en  loin,  et  en 
moindre  (piantilc  (ju'on  ne  le  fait  ordinaireineiit. 
C'est  (le  celte  expression  (ju'on  a  fuit  l'udjeclir 
clairsemé,  frayez  ce  mol. 

Claihemknt.  Adv.  On  peut  quelquefois  le  met- 
tre entre  l'auxiliaire  cl  le  paiticipc  :  //  s'est  expli- 
qué clairement,  ou  il  s'est  clairement  expli/iié. 

Claire-voie.  Subst.  m.  Quand  il  sigiiilic  une 
ouveriuio  faite  à  icz  dc-cliaussce  dans  lo  mur 
d'un  |iarc  ou  d'un  jardin,  et  <|ui  n'est  fcniiée  (pie 
par  une  grille  ou  par  un  Hjssii,  il  faut  écrire  au 
pluriel  des  claires-voies.  Dans  ses  autres  accep- 
tions, il  n'a  point  de  pluri(.'l,  ijarce  qu'il  ne  s'em- 
ploie (lu'adverbialemenl.On  dit  fait  a  claire-voie, 
de  rcspacomenl  dos  solives  d'un  idanclier,  des 
poteaux  d'une  cloison,  des  chevrons  d'un  com- 
ble, etc.,  lorsque  cel  espacement  est  jibis  large 
qu'il  n'a  coutume  de  l'clic  dans  les  anlres  ou- 
vrages de  même  nature,  soit  qu'on  l'ait  prali(pié 
ainsi  par  économie,  soil  à  cause  du  peu  décharge. 
En  terme  d'agricullure,  on  sème  d  claire-voie 
quand  les  sillons  sont  fort  écartes  les  uns  dos  au- 
tres, ou  (pie  la  quantité  de  semence  (|u'on  répand 
étant  peu  considérable  relalivcmenl  à  l'espace 
qu'on  ensemence,  les  grains  laissent  entre  eux  de 


CLA 

grands  intervalles  vides.  Les  ouvrages  des  van- 
niers sont  à  ciaire-toie  lors(iiie  le  tissu  d'osier 
laisse  des  inlervalU  s  a  J"ur;  et  il  en  esl  de  même 
de  l'ouvrage  des  lissuiiers. 

Cl.\ib-se.mé,  Clmii-se.mée.  Adj.  Dans  ce  mot 
compose,  clair  est  adverbe,  et  ne  prend  jamais 
la  iiiar(pie  m  du  IVininin  ni  du  pluriel.  Semé  suii 
la  régie  des  autres  adjectifs,  et  se  met,  selon  les 
cas,  au  masculin  ou  au  t'oininin,  au  singulier  ou 
au  pluriel  :  Du  blé  clair-seme,  de  l'uvuine  clair- 
semée, des  oryes  clair-seuues. 

CLAiiivoYAi>r,  Claikvoyame.  Adj.  il  ne  se  dil 
qu'au  ligure,  el  suit  toujours  son  subst.  :  Un 
homme  clairvoyant,  un  esprit  cUiirvoyunt.  Vol- 
iaire  du,  dans  ses  Remarques  sur  Corneille,  (pjc 
le  mol  clairvoyant  esl  baimi  du  si}  le  noIilc.Dans 
ce  mut  compose,  voyant  esl  un  adjoclil'  verbal,  el 
prend  par  coiiséiiucnl  la  mar(|uo  du  |iluriel. 

Clameur.  Subst.  1'.  C'est  un  grand  ci'i,  suivant 
lAcadcmie.  Celle  explication  esl  Irés-incomplèle. 
Un  homme  a  (jui  l'un  lait  une  u{>(M'alton  doulou- 
reuse |>ousse  ordinairement  de  yrunds  cris,  et  ce 
ne  sont  |)as  des  clameurs.  On  pousse  de  grands 
cris  de  joie,  et  ces  grands  cris  ne  sont  i>as  des  cla- 
meurs. Le  mut  tiu/«ei//-ciiipuric  l'iilec de  plainte, 
de  demande,  d'accusation,  de  réclamations  faites 
sans  retenue,  sans  modoraliuii,  avec  le  dessein  de 
cummunniuer  auxaulres  le  soulimenl  de  mécon- 
lenieinenl  ou  d'indignation  dont  on  esl  animé  : 
Les  clameurs  d'un  koiame  qui  se  plaint,  les  cla- 
meurs d'une  populace  mutinée.  On  dit  au  singu- 
lier lu  Llameur  publique,  pour  indi(iuer  le  soulè- 
vcmenl  du  peuple  coiiire  un  scélérat. 

Clandestin,  Clandesiine.  Adj.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  quand  l'analogie  el  l'harmo- 
nie le  [lormeltenl  :  Mariage  clandestin,  assem- 
blée clandestine.  Celte  clandestine  assemblée. 

Clandestinement.  Adv.  11  ne  se  met  guère 
(piaprcs  le  verbe  :  //  s'est  marié  clandestitie- 
inent,  ils  se  sont  assemblés  clandestinement. 

Claqueu.  a  .  a.  de  la  i'\  cuiij.  \  ollaire  l'a  dit 
dans  le  sens  d'applaudir  (Epitre  à  M.  Fulkcner 
en  tète  d'Alzire)  : 

El  le  parterre  favorable 

Au  lieu  de  siitler  m'a  claqut. 

Cla()ueur.  Subst.  m.  Mot  nouveau.  Nom  que 
l'on  a  donne  à  'j-îs  gens  (jui  se  chargent,  pour  de 
l'argent  ou  ()U(;i(iiie  aulre  récompense,  d'applau- 
dir a  lurl  el  a  traveis  les  pièces  nouvelles  et  les 
acieiir.i  ou  les  actrices. 

Clakté.  Subst.  m.  il  s'emploie  au  figuré  dans 
le  sens  de  lumières.  Voltaire  a  dil  dans  Alzire 
(act.  V,  se.  va,  45)  : 

Aux  clartés  dei  cliréliens  si  son  Ime  e^t  ouverte 

Ce  vers  prouve,  contre  l'Académie  et  contre  Fé- 
raud,  (jue  clartés  se  dil  des  personnes. 

Clarté  se  dit  aussi  du  discours.  On  ne  parle  et 
l'on  n'écrit  (pie  pour  se  faire  entendre.  On  ne  se 
fait  bien  entendre  (lue  luisiiu'on  s'exprime  avec 
clarté.  La  clarté  est  la  (pialiié  jKir  hupiellc  un  dis- 
cours est  propre  à  donner  a  ceux  «jui  l'entendent 
ou  (pli  le  lisent  la  vraie  connaissance  de  ce  que 
l'auteur  voulait  leur  faire  penser.  Ainsi  tout  ce 
(jui,  dans  un  discours,  scrl  a  bien  faire  saisir  la 
lionsce  précise  de  l'auteur,  contribue  a  la  clarté  ; 
tout  ce  qui  empêche  de  bien  sjiisir  celle  pensée 
est  un  défaut  contre  la  clarté. 

Tour  éi:rire  avec  clarté,  il  faut  penser  avec 
clarté;  car  comment  pourrait-on  rendre  claire- 
ment par  des  paroles  ce  que  l'on  n'aperçoit  que 


CLA 

confupémenl  dans  son  esprit?  Un  peintre  pour- 
rait-il se  Huiler  de  faire  un  porlrail  ressemManl 
d'une  per>onne  qu'il  ne  verrai!  (jne  dans  l'éloi- 
gnenicnl  ou  a  iravei-s  un  nuaire?  11  faul  donc 
qu'un  auieiir  qui  veut  s'cvpniner  avec  fl;iilé 
commence  par  meUre  de  la  darié  dans  ses  con- 
ceplions,  el  de  la  dislinrlion  dans  ses  i'Iécs.  11 
faul  que  l'idce  priiici|);de  qu'il  vcul  coininuni- 
quer  lui  soii  familière,  (pi'il  a|)er(,-oive  d'une  ma- 
nière claire  la  convenance  îles  modilicalinns  sous 
lesquelles  il  veiil  la  faire  envisai:cr,  cl  qu'il  seule 
avec  justesse  l'erTel  des  accessoires  dont  il  vent 
l'orner  ou  rcmlicllir.  Il  faul  que  toutes  ces  clioscs 
puissent  se  iirc^enier  facilement  à  son  esprit,  tan- 
tôt séparcmenl,  tantôt  dans  leurs  liaisons  el  leur 
ensemlile;  et  c'est  alors  seulement  (pi'il  pourra 
choisir  pour  exprimer  sa  pensée  des  mots  qui, 
comme  autant  de  couleurs  diverses,  rendront  l'a- 
cilement,  par  leurs  combinaisons  et  leurs  rcllcts, 
l'image  qui  leur  servira  de  modelé. 

Pour  cire  clair,  il  ne  suflit  pas  de  se  faire  en- 
tendre, il  faut  aussi  se  faire  entendre  racileincnt. 
L'esprit  n'aime  pas  ce  qui  lui  cause  da  la  peine, 
et  l'atlcntion  de  l'auditeur  ou  du  lecteur  se  sou- 
tient dillicileincnt ,  lors(pie  le  travail  qu'exiu'C 
l'intelligence  d'une  idée  lui  fait  [)révoir  un  travail 
semblat)le  pour  celles  qui  vont  suivre. 

La  clarté  demande  (pi'on  choisisse  les  termes 
qui  rcndciit  exactement  les  idées,  ([u'on  dégage  le 
discours  de  toute  superllnitc,  que  le  rapport  des 
mots  ne  soil  j.imais  équivocpie,  el  (|uc  toutes  les 
phrases,  construites  les  unes  pour  les  autres,  mar- 
quent sensiblement  la  liaison  et  la  gradation  des 
pensées. 

Rien  !ic  nuit  plus  à  la  clarté  du  discours  que  le 
trop  grand  dé^irde  montrer  de  l'esprit.  De  la  ré- 
sulte souvent  l'affeclalion  du  style,  Icmploi  abu- 
sif des  termes  ligures,  et  les  expressions  recher- 
chées qui  loiil  prendre  la  pensée  d'un  auteur  dans 
un  tout  autre  sens  que  celui  (|u'il  avait  en  vue. 
Les  Iropcs,  nour  être  clairs,  ne  doivent  pas  cire 
tirés  de  trop  loin,  et  pris  de  choses  qui  ne  don- 
nent pas  occasion  a  l  âme  de  penser  d'abord  a  ce 
qu'il  faut  qu'elle  se  représente  pour  découvrir  la 
pensée  de  l'auteur.  L'idée  du  tropc  doit  être  tel- 
lement liée  avec  celle  du  mot  propre,  <iu'ellcsse 
suivent,  cl  qu'en  excitant  l'une  des  deux,  l'autre 
soil  renouvelée.  Le  défaut  de  cette  liaison  rend 
les  tropes  obscurs. 

Si  le  trop  graml  désir  de  montrer  de  l'esprit  est 
une  cause  t|ui  nuit  à  la  clarté  du  discours,  celui 
de  montrer  de  léruililion  en  est  une  autre  C  est 
souvent  une  alïeclation  déplacée  chez  certains 
auteurs,  »pie  l'usage  des  termes  d'arts  et  des  ex- 
pressions si-icnliliques,  auxquels  ils  pouvaient  ai- 
sément substituer  des  termes  et  des  expressions 
d'usage  ordinuu-e,  que  «  liaipie  lecteur  un  peu 
écliiiié  et  ipii  sail  sa  langue  comprend  aiséineiit. 
Ce  défaut  csl  assez,  ordinairement  celui  des  char- 
latans el  des  ignorants;  el  tel  chirurgien  (pii  ne 
sait  |Kis  le  latin  alTecte  de  donner  des  noms  grecs 
qu'il  ne  coin|ireiid  pas  à  des  choses  qu'il  icn- 
drait  beaucoup  mieux  dans  sa  langue  naturelle. 

La  lr(»p  grande  brièveté  est  souvent  uw  obsia- 
cleà  la  clarié.  (hiclqucfois  un  auteur  familiarisé 
avec  un  sujet  qu'il  étudie  depuis  longiem|)s,  veut 
épargner  du  temps  cl  de  la  peine,  [irévcnir  l'en- 
nui ([u'inspiient  les  détails  néccssai-es  a  l'inielli- 
gence  du  sujel  aux  personnes  qui  les  savent.  Il 
suppose  que  ces  détails,  ces  idées  interméiliairos 
qui  lient  le  principe  a  la  consétpiencc,  sont  aussi 
familiers  a  ses  lecteurs  qu'a  lui-même.  Sur  ce 
prétexte,  il  se  disiicnse  de  les  donner,  et  le  lec- 


CLO 


125 


teur,  qui  ne  voit  i)as  la  liaison  des  idées,  ne  com- 
prend plus  ce  qu'il  lit. C'est  un  défaut  dans  lequel 
tombent  souvent  les  gens  lrés-s:ivants  Nous  ter- 
minerons cet  article  par  un  pas^ancde  d'Alcmbcrl 
sur  la  clarté  :  «  la  clarté,  (pii  ôsi  la  loi  fonda- 
mentale du  discours,  dit  cet  illnslie  auteur,  con- 
siste a  se  faire  entendie  sans  jK-ine  i»ii  y  iiarvicnl 
par  deux  moyens  :  en  menant  les  idées  .  li;iLune 
à  sa  place  dans  l'ordre  naturel,  cl  en  exprunant 
neilcment  chacune  de  ces  idées,  les  idées  sont 
exprimées  nettement  et  facilement,  si  l'on  évite 
les  tours  ambigus,  les  phrases  iroj!  louiiuos,  trop 
chargées  d'idées  incidenies  et  acccsMiuesa  I  idée 
piincqtalc;  les  tours  épigraininatiques,  dont  la 
multitude  ne  peut  sentir  la  linesse;  car  l'orateur 
doit  bc  souvenir  (pi'il  parle  pour  la  multitude.  » 
"N'oyez  Elociitimi. 

Classique.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  tou- 
jours son  siibsl.  :  Aiilcvrciussiqiic.  — (!e  mot  se 
dit  des  auteurs  que  l'on  explique  dans  les  collè- 
ges.— 11  se  dit  aussi  des  auteurs  inoilernes  qui 
peuvent  être  proposés  pour  modèles  pour  la 
beauté  du  style.  —  Nous  ap|)elons  auteurs  clas- 
siques, dans  notre  langue,  les  bons  autt'urs  du 
siècle  de  Louis  XI  \,  tels  que  Uacine,  Boileau, 
l-'énelon,  ctc  ,  et  (juelqiies  auteurs  du  dix-hui- 
tième siècle,  lelsipic  BulTon,  Voltaire,  Jean-Jac- 
(jnes  lîoiisseaii,  etc. 

Claude.  Nom  i>iopre.  Les  grammairiens  ont 
ilit  -généralement  ipie  l'on  prononi;ait  GlunJe.  La 
Graiiiiuuirc  des  Graminnires,  d'après  Wailly, 
décide  (|ue  l'on  doit  prononcer  comme  on  écrit. 
iS'ous  sommes  bien  aussi  de  cet  avis;  mais  ni 
Wailly,  ni  la  Graimnaire  îles  Graiiiinnires,  ne 
sont  parvenusa  changer  raiieieime  iinmouciation. 

Claustral,  CnusTnxLE.  Ailj.  Il  l'ail  cliiuslraux- 
au  pluriel  masculin  :  Les  lieux  claustniuj:. 

Clef,  iubsi.  f.  On  ne  piononee  point  le  f. 

Clijmence.  Subst.  f.  Ce  mot  n'a  point  de  plu- 
riel. 

Clément,  Clémente.  Adj.  (pii  suit  toujours  son 
subst.  :  Prince  clément,  père  clément,  j^je  clé- 
ment. 

Clerc.  Subst.  m.  le  c  final  ne  se  prononce  pas, 
excepte  dans  le  mol  coinpos(;  c/erc-à-uuntrc. 

Clérical,  Cléricale.  Ailj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :    Ordre  rlirical,  titre  clérical. 

Clékicalement.  Adv.  il  ne  se  met  (pi'aprcs  le 
verbe  :  //  est  vêtu  cln-iculcmcnt. 

Cluiatérique.  Adj.  des  deux  genres  (pii  ne  se 
met  ipTaprès  son  subst.  :  Année  climutirique. 

Clinquant.  Subst  m.  Ce  mol  se  dit  au  ligure 
des  faux  brillants  d'un  ouvrage d'esjuit  Boileau 
a  dit  le  clinquant  du  lasse  [Sut.  IX,  4/5.);  Cres- 
SCl,  le  clinquant  de  l'esprit. 

Cloaque.  Subst.  Dans  ipiclques  dictionnaires 
on  le  fait  masculin  et  l'cminin;  dans  d'autres,  seu- 
lement masculin.  L'Académie  le  l'ait  léminin  en 
|iarlant  des  ouvrages  des  anciens,  semlilables  à 
ceux  que  nous  nommons  é^oiUs ;  cl  masculin 
dans  toutes  les  antres  acceptions.  On  ne  voit  pas 
trop  pourquoi  l'Académie  a  embarrasse  la  langue 
de  celte  distinction  frivole.  Anjounl'liui,  la  plu- 
pari  des  auteurs  le  font  maseiilin  dans  iimiesses 
acceptious,  el  nous  pensons  qu'on  doit  les  nniier. 
{.'Encyclopédie  le  lait  masculin,  même  en  parlant 
des  cliiuqiies  des  anciens. 

Ci-ORRË.  V.  a.  et  déicilucux  de  la  k'  conj, 
L'Académie  écrit  clnrc.  On  léirit  géncrahinent 
avec  deux  r.  Ce  verbe  n'est  en  usage  ipi'aux  irois 
personnes  du  présenl  singulier  de  rm.licatif  :  J» 
clos,  tu  clos,  U  dut;  an  fiilur  simple  dc'  1  indica- 
tif, je  clorrai;  au  présent  du  conditionnel,  jflcfc»"- 


126 


COI 


rais;  au  participe  passé,  clos,  close.  Les  temps 
composés  sont  usités  et  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire at-nir. 

Ce  verbe  est  peu  usité  dans  le  sens  de  fermer. 
11  lest  diuaiUagc  dans  le  sens  (rciilcnner,  d'en- 
tourer, d'environner  de  murailles,  de  haies,  de 
fossés  :  Clorre  un  jardin,  un  parc,  une  ville; 
clorre  de  murailles,  de  haies  ;  clorro  un  compte, 
un  inventaire.  A  oltaire  dit,  dans  ses  Ilcmarqucs 
sur  Corneille,  (jue  ce  mol  n'est  pas  d'usage  dans 
le  style  trafique. 

Clïsiére.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'on  se 
sert  plus  ordinairement  du  mot  lacement,  ou  de 
celui  de  remède.  C'est  le  dernier  qui  est  le  plus 
usité. 

Co,  coji,  COL,  COR  Cl  coN.  Particule  prépositive 
empruntée  de  la  préposition  lalinc  cM7/i,avcc,(iue 
l'on  met  au  commencemcnl  de  certains  mots,  el 
qui  garde  le  ï^cns  de  la  préposition  latine.  On  se 
sert  de  co  devant  un  mol  sinij)lc  qui  commence 
par  une  voyelle  ou  par  un  h  muet  :  Coadjuteur, 
coêternel,  coïncidence ,  coopération,  cohabiter, 
cohéritier.  On  emploie  com  devant  une  des  con- 
sonnes labiales,  b,  p  ou  m:  Combattre,  compéti- 
teur, commutation.  On  se  sert  de  col  quand  le 
mot  simple  connncncepar  /;  Collection,  colliger; 
le  mot  colporteur  \\c?>\.  point  contraire  à  celle  rè- 
gle, il  signifie  porteur  an  col.  On  fait  usage  de 
cor  devant  les  mots  qui  commencent  par  r  :  Cor- 
rélatif, correspondance.  Dans  toutes  les  autres 
occasions,  on  se  sert  de  con  :  Concordance,  con- 
denser, considération,  conglutiner,  conjonctif, 
connexion,  conquérir,  conspirer,  contemporain, 
convention,  etc. 

CoACTiF,  CoACTivE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subsl.  :  Puissance  coactive,  pouvoir  coactif. 

Coche.  Subsl.  11  est  masculin  lorsqu'il  signiue 
une  voiture  d'eau  ou  de  terre  ;  il  est  féminin  lors- 
qu'on lui  fait  signifier  une  cnlaiUure  faile  dans 
un  corps  solide,  ou  bien  une  truie. 

CoDiciLLAiRE.  Adj.  dcs  dcux  gcnrcs.  On  pro- 
nonce les  /  sans  les  mouiller. 

Codicille.  Subst.  m.  On  prononce  codicUe, 
comme  s'il  n'y  avait  qu'un  l.  .Je  ne  sais  pourquoi 
l'Académie  l'écrit  avec  deux  l. 

Coeur.  Subst. m. L'expression  deprendre  cœur, 
pour  prendre  des  senlimenls,  n'est  guère  permise 
que  quand  un  dit  :  Prenez  un  cœur  nouveau, 
ou  bien  reprendre  cœur,  reprendre  courage. 
(Volt.,  Rem.  sur  Nicomède,  act.  1,  se.  i,  (55.) 

On  dit  le  cœur  parle,  c'est  7non  cœur  qui  vous 
parle  : 

Je  veux  que  l'on  soit  homme  et  qu'en  toute  rencontre 
Le  fond  de  notre  cceur  dans  nos  discours  se  montre, 
Que  ce  soit  lui  qui  parle. 

(Mol.,  MUanthr.,  act.  I,  se.  i,  69.) 

Est-ce  donc  votre  cœur  qui  vient  de  nous  parler  ? 
(ItAC,  Iphig.,  acU  I,  se.  m,  8.) 

Cognassier.  Subst.  m.  On  mouille  le  gn. 

CoG^AT,  CoGNATioN.  Daus  ces  deux  mots  le  g 
se  prononce  durement:  Coguenat,  coguenation, 
en  passant  légèrement  sur^«e. 

CoGNÉE.CoGNER.  Daus  CCS  uiots  on  mouille  le^«. 

Coi,  CoiTE.  Adj.  Féraud  dit  qu'il  faut  dire  cuie 
au  féminin,  et  que  coite  est  un  gasconismc. 
C'est  une  erreur;  on  dit  coite  à  Paris  et  partout 
où  l'on  se  pique  de  bien  parler.  Il  n'est  guère 
d'usage  (lue  dans  ces  pLrases  :  Se  tenir  coi,  de- 
meurer c'u;et  je  ne  pense  pas  qu'on  dise,  comme 
le  prétend  l'Académie ,  une  chambre  coite,  pour 
si^ilier  une  chambre  bien  fermée  et  bien  chaude. 


COL 

Coing.  Subst.  m.  Gros  fruit  à  pcpin.  Autrefois 
on  écrivait  aussi  c<u/i;mais  l'orthographe  actuelle 
est  la  meilleure,  (larce  que  par  là  on  distingue  ce 
mot  du  mot  coin,  qui  signifie  angle. 

CoLKRE.  Subst.  f.  : 

Pressé  de  toutes  parts  des  coUrei  célestes. 

(CoBN.,  Pomp.,  act.  1,  se.  I,  85.) 

Vollaire  remarque  que  colère,  substantif,  n'ad- 
met point  le  pluriel  : 

Sans  emprunter  ta  main  pour  scrrir  ma  eolire. 
Je  saurai  bien  venger  mon  pays  et  mon  père. 

(Coïix.,  Cin.,  acl.  III,  se.  iv,  llî., 

^'oltaire  dit,  au  sujet  de  ces  vers  :  Le  mot  de  co- 
lère ne  parait  iieut-élre  jias  assez  juste.  On  ne 
sent  point  de  colère  pour  la  mort  d'un  père  mis 
au  nombre  des  proscrits  il  y  a  trente  ans.  Le  mot 
de  rcssentimentiCYViW.  plus  propre.  Mais,  en  poé- 
sie, colère  peut  signifier  indignation,  ressenti- 
7nent,  souvenir  des  injures,  désir  de  vengeance. 
[Bem.  sur  Corneille.) 

Colère.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  dilque 
des  personnes,  et  qui  suit  toujours  son  subst.  : 
Un  homme  colère,  une  femme  colère.  11  signifie 
qui  est  sujet  à  la  colère;  et  il  ne  faut  pas  le  con- 
fundre  avec  colérique,  qui  signifie  qui  est  enclin 
a  la  colère,  ou  qui  porto  à  la  colère.  Le  premier 
désigne  proprement  l'habitude,  la  fréquence  des 
accès;  le  second,  la  disposition,  la  propension,  la 
pente  naturelle. 

Colérique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  Il  n'esl  guère  d'usage  que 
dans  le  style  didactique.  Voyez  Colère. 

Colifichet.  Subsl.  m.  Boufllers  a  employé  ce 
mot  adjectivement  : 

L'éclat  est  le  moyen  de  plaire. 
Dans  ce  siècle  coliGcliet  ; 
La  raiàon  semble  roturière, 
Et  devant  le  fasié  se  tait. 

Collaborateur,  Collaboratrice,  Collataire, 
Collatéral,  Collateub,  Collatif.  Dans  lous  ces 
mots  on  fait  sentir  les  deux  /. 

Collation.  Subsl.  f.  Lorsque  ce  mol  signifie 
un  léger  repas,  on  prononce  colation;  lorsqu'il  a 
un  au  Ire  sens,  les  deux  l  se  prononcent. 

COLLATIONNER.    V.    3.   dc  .Q  A."  COHJ.  LorSqU'ïl 

signifie  prendre  un  léger  repas,  on  prononce  co- 
lationner  ;  lorsqu'il  a  un  autre  sens,  les  deux  l 
se  prononcent. 

Collectif,  Collective.  Adj.  On  prononce  le  f 
final  au  masculin.  Cei  adjectif  se  dit  de  certains 
norassubslantifsqui  présentent  àrespritl'idée  d'un 
tout,  d'un  ensemble  formé  par  l'assemblage  d- 
plusieurs  individus  de  même  espèce.  Par  exem 
|)le,  armée  est  un  terme  collectif;  il  nous  pré- 
sente l'idée  singulière  d'un  ensemble,  d'un  tout 
formé  par  l'assemblage  ou  la  réunion  de  plusieurs 
soldats.  Peuple  est  aussi  un  terme  collectif,  parce 
qu'il  excite  dans  l'esprit  l'idée  de  plusieurs  per- 
sonnes rassemblées  en  un  corps  politique,  vivant 
en  société  sous  les  mêmes  lois.  Forêt  est  encore 
un  nom  collectif;  car  ce  mot,  sous  une  expression 
singulière,  excite  l'idée  de  plusieurs  arbres  qui 
sont  l'un  auprès  de  l'autre.  Ainsi  le  nom  collectif 
nous  donne  l'idée  d'unité  par  une  pluralité  as- 
semblée. 

Mais  observez  que,  pour  qu'un  nom  soit  col- 
lectif, il  ne  suffit  pas  (]uc  le  tout  soit  composé  de 
parties  divisibles;  il  faut  que  ces  parties  soient 
acluellcmenl  séparées,  cl  {pi'elles  aient  chacune 


COL 

ieur  être  à  pari;  autreineiil  les  noms  de  chaciue 
corps  particulier  seraient  jiulant  de  noms  collec- 
tifs; car  tout  corps  est  divisible.  Ainsi  homme 
n'est  pas  un  nom  collectil',  quoique  l'homme  soit 
composé  de  différenles  parties;  mais  iJi/ie  est  un 
nom  collectif,  soit  qu'on  prenne  ce  mot  pour  \in 
assemblage  de  différentes  maisons,  ou  pour  une 
société  de  divers  habitaïUs.  11  en  est  de  même  de 
multitude,  quantité,  régivieiit,  troupe,  la  plu- 
part, etc.  (Dumai;sais.) 

On  a  dibtinsué  deux  sortes  de  collectifs  :  les 
collectifs  généraux,  tels  que  peuple,  aniu'e,  ctc  , 
qui  exprimciil  une  lullecliun  entière;  et  les  col- 
lectifs partitifs,  ([ul  n'expriment  (lu'une  partie  du 
Ja  collection,  tels  que  lu  plupart,  partie,  nom- 
bre,cic.  Ouand  le  collectif  général  est  suivi  d'un 
pluriel,  l'adjectif,  le  pronom  et  le  verbe  s'accor- 
dent, non  avec  le  i>luriel,  mais  avc,c  le  collectif  : 
L'armée  des  infidèles  fut  entièrement  défaite, 
et  non  furent,  etc.  Au  contraire,  le  pluriel  qui 
suit  le  collectif  partitif  détermine  le  nombre  du 
verbe,  du  pronom  et  de  l'adjeclif:  Une  partie 
des  infidèles  xj  furent  tués,  el  non  jKis  y  fut  tuée. 
La  raison  que  l'on  donne  de  celte  différence, c'est 
que  le  partitif  et  le  pluriel  qui  le  suit  ne  font 
qu'une  expression,  au  lieu  (jue  le  collectif  gêné 
rai  présente  une  idée,  indépendamment  de  ce  qui 
peut  suivre.  On  dit  seuls  armée,  peuple,  fo- 
rêt, etc.;  mais  on  ne  jjcut  dire  nombre,  par- 
tie, etc.,  sans  les  accoui|xiL'ner  de  quelque  aulre 
mot.  Féraud  remarque,  au  sujet  de  cette  règle, 
•lu'aprcs  les  collectifs  généraux,  ([uoiqu'ils  soient 
au  singulier,  on  met  souvent  le^j  pronoms  per- 
sonnels au  pluriel.  Il  n'aurait  pas  du  dire  que 
cela  arrive  souvent,  mais  seulement  quelquefois 
en  vers.  L'exemple  de  llacine,  qu'il  cite  à  l'appui 
de  cette  an^^rwCn,  pr''"ve  que  le  cas  est  rare,  et 
particulier  à  la  poésie;  c<u  •'^He  construc- 
tion, que  l'on  ne  peut  trouver  fautive  en  vers, 
paraîtrait  extraordinaire  en  prose  : 

Tout  ce  peuple  captif,  qui  tremble  au  nom  d'un  maître, 
SoDtient  mal  un  ponvoir  qui  ne  fait  que  de  naître; 
II»  ont  pour  s'affranchir  les  yeux  toujours  omerts. 
(^Alcx.,  act.  II,  se.  II,   15.) 

Quant  aux  collectifs  partitifs,  on  pourrait  dire 
aussi  qu'il  y  a  des  cas  oii  l'on  ne  ferait  pas  une 
faute  en  mettant  le  singulier  au  lieu  du  pluriel. 
Ainsi  on  neut  dire,  suivant  les  cas  et  les  acces- 
soires de  Vidée  qu'on  veut  exprimer,  utie  partie 
des  soldats  s'enfuit,  ou  une  partie  des  soldats 
s'enfuirent  ;  c'est  à  celui  qui  parle  ou  qui  écrit 
à  distinguer  si  c'est  le  singulier  ou  le  pluriel  qui 
convient  mieux  à  l'impression  qu'il  veut  produire 
en  exprimant  son  idée. 

Collectivement.  Adv.  Dans  un  sens  collectif. 
L'homvie,  se  dit  de  tous  les  hommes  pris  collec- 
tivement. Cet  adverbe  ^e  met  toujours  ai)rès  le 
verbe  :  On  les  a  pris  collectivement,  et  nou  pas  on 
les  a  collectivement  pris. 

Collégial,  Collégiale.  Adj.  L'Académie  ob- 
serve que  ce  mot  n'est  guère  usité  qu'au  féminin, 
et  dans  cette  phrase,  église  collégiale;  mais 
Féraud  pense  qu'on  le  dit  aussi  de  ce  qui  sent 
le  collège  ;  Poëte  collégial,  production  collégiale. 
11  est  vrai  que  Gresset  a  dit  en  ce  sens  des 
poètes  cdiégiaux;  mais  cet  exemple  ne  suffit  pas 
pour  établir  l'usage. 

Coller.  Y.  a.  de  la  d''  conj.  On  dit  coller  sa 
bouche  à  quelque  chose: 

Au  seuil  de  ces  parvis,  à  leurs  portes  sacrées. 


COM  ;-27 

Elles  collent  leurs  Louche»,  entrelacent  leur»  br»i. 
IDlul.,  Èniid.,  II,  658.) 

Se  coller  ne  signilie  pas  seulement  se  tenir 
droit  contre.  Delillc  a  dit  : 

Il  dit,  baise  nos  pieds,  les  inonde  de  larmes. 
Se  colle  à  nos  genoux. . . 

{Ènéid.,  III,  830.) 

Il  a  dit  aussi  : 

Le  sang  noir  et  glacé  qui  collait  ses  cheveux. 

[Ènéid.,  II,  368.) 

Colophane.  Subst.  f.  Plusieurs  disent  colv- 
pho-ne.  Il  est  vrai  tiue,  suivant  l'iine,  celle  sub- 
stance résineuse  nous  avait  élé  apportée  de  Co- 
lophane, ville  d'ionie;  ainsi,  selon  les  règles, 
on  devrait  dire  colvpkone ;  mais,  selon  l'usage, 
qui  est  plus  fort  (ji:e  les  règles,  il  faut  dire  tolc- 
phane.  {Grammaire  des  Grammaires,  p.  ItlUS.) 

Coi.oban-,  CoLOi-.AME.  Adj.  vcrbal  tiré  du  v. 
colorer.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Des 
drogues  colorantes. 

CoLOEFR.  y.  a.  de  la  1"  conj.  11  signifie  figu- 
rément,  dit  l'Académie,  donner  une  belle  appa- 
rence à  tiuelque  chose  de  mauvais.  —  Il  n'est 
pas  nécess;iire  (lue  la  chose  qu'on  veut  colorer 
soit  mauvaise  : 

Que  d'un  prétexte  heureux  la  trompeuse  apparence 
Colore  ces  apprêts. . . 

(Uelil.,  Ènéid.,  IV,  416.) 

Au  propre,  il  ne  faut  pas  confondre  colorer 
avec  colorier.  Le  premier  se  dil  des  couleurs 
naturelles  :  Le  .toleil  colore  les  fruits  ;  le  second 
se  dit  des  couleurs  arliliciellcs:  Un  peintre  qui 
colorie  bien.  — Cependant  l'Académie,  dans  son 
édition  de  1835,  donnu  les  exemples  suivants  à 
l'article  colorer:  L'art  de  colorer  le  verre,  le 
cristal.  Colorer  le  verre  en  bleu,  en  rouge,  elc. 
L'auteur  d'un  ouvrage  publié  on  lS3b  sous  le 
titre  de  Dictionnaire  du  langage  vicieux,  donne 
une  définition  qui  explique  les  exemples  donnés 
par  l'Académie,  v.  Colorer,  c'est  donner  une  cou- 
leur naturelle  ou  artificielle,  mais  d'une  seule 
teinte.  Colorier,  c'est  apposer  avec  art  des  cou- 
leurs sur  (juehiue  chose.  Ainsi  un  rerrc  coloré 
est  un  verre  qui  a  une  leinie  de  couleur  quel- 
conque; un  verre  colorié  c^i  un  verre  qui  re- 
présenlc  quelque  chose  en  peinture.  « 

Coloris.  Subst.  m.  Ce  mot ,  qui  est  propre- 
ment un  terme  de  |)einlure,  se  dit  par  extension 
des  pensées,  de  l'imagination,  du  style  et  de 
rexjH-ession.  C'est  à  l'imagiiialion  a  fournir  des 
tours  qui  donnent  un  colons  vrai  a  chaque  pen- 
sée. Le  coloris  du  style  est  une  suite  du  coloris 
de  l'imaginaiion.  Le  coloris  de  l'expression  lient 
à  la  richesse  du  langage  métapliori<pic.  Voyez 
Propriété. 

Co:.ossAL,  Colossale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  sul)St.  :  Une  figure  colossale,  une  statue 
colossale.  11  n'a  point  de  pluriel  au  masculin;  on 
ne  dit  ni  colossaux,  ni  colossals. 

Combat.  Subst.  m.  L'Ac^ndémic  i\l  donner  un 
combat.  Cette  expression  n'est  point  usilée.  On 
dil  donner  une  bataille.  —  Corneille  a  dit  dans 
le  Cid  (act.  I,  se.  iv,  51)  gagner  des  combats; 
on  l'a  crili(iué.  Mais,  dit  Vollairc,  sj  1  on  gagne 
des  batailles,  pouniuoi  ne  gagnerait-nn  pas  des 
combats?  [Remarques  sur  les  sentiments  de 
l'Académie  sur  le  Cid.) 

Combattre.  Y.  a.,  n.  et  irrégulier  de  la  4'  conj. 


128 


COM 


Il  se  conjugue  coniiTic  battre.  Voyez  ce  mol.  Com- 
battre ses  eiiticriis,  combattre  ses  mauvais  pen- 
chants, combattre  ;ivec  quelqu'un  ilc  piililesse, 
li' honnêteté.  MoKlcsqiiicii  n  dit  ihins  los  Lettres 
persanes  :  Quand  rous  cumbutlez  gracieusement 
arec  vos  compagnes ,  ilc  char/nes  ,  de  douceur 
et  lïenjonement... 

L'Ac;idéiiiic  ne  dit  point  être  combattu  de. 
Crébillon  a  dit  : 

Et  dt  quelque!  remords  que  je  (oi't  combattu.. , 

[Rhadam.,  aci.  111,  se.  Il,  18.] 

Quand  du  moindre  intérêt  le  cœur  est  comftaCtu... 
[Pyrr.,  act.  I,  se.  V,  5.) 

El  Racine  {Ipliig.,  acl.  II,  se.  ii,  27.)  : 

D'oB  soin  cruel  ma  joie  est  ici  comtattu;, . , 

Féraud  prélcnd  qu'en  prose  il  faut  dire  être 
combattu  par  :  Je  si/is  combattu  par  des  senti- 
ments tout  ipposés.  Je  crois  cependant  cpi'on  di- 
rait mieux /e*  ie/(<w//c«;5  dont  il  est  combattu, 
que  les  sentiments  par  lesquels  il  est  combattu. 

Combien.  Adv.  de  quaiiiilé.  L'adverbe  de 
quanlitc,  dit  d'Oiivct,  a  cela  de  remanpiable, 
qu'élaiit  uni  à  un  suhstanlif  par  la  particule  de, 
il  n'csi  à  l'éirard  de  ce  substantif  «juc  comme  un 
simple  adjcciif,  puis(iue  l'un  el  l'autre  ensemble 
ne  [ncsciilcnl  qu'une  idée  luialc  et  indivisible. 
Aussi  est-ce  une  rogle  sans  exception  ([ue  dans 
toutes  les  phrases  ou  l'adverbe  de  ipiantilc  fait 
partie  du  sujet,  la  syniaxe  est  fondée  sur  le  nom- 
bre et  le  genre  du  substantif:  Combien  de  gens 
sont  trompés  par  les  apparences  !  f^ovs  ne  savez 
pas  combien  cette  maison  a  coûté  d'argent. 

Comblé,  Comrlée.  Part,  et  adj.  Autrefois,^  ce 
mol  au  masculin  n'clait  (]uc  participe  :  Etre 
comblé  de  biens,  de  gloire,  de  faveurs.  Aujour- 
d'hui on  1  emploie  adjectivement  sans  régime,  et 
dans  le  sens  de  ravi,  enchanté  : 

Je  suis  com'ilé,  ravi. 
De  retrouver  enfin  mon  plus  fidèle  ami. 

(Gress.,  Méchant,  act.  II,  se.  vu,  t.) 

Le  même  auteur  a  dit,  dans  le  même  sens,  vous 
me  comblez . . . 

Celle  façon  de  parler  est  affectée,  et  Gresset  la 
mcl  dans  la  bouche  d'un  personnage  ridicule. 

CoMBLEB.  V.  a.  de  la  1"^*  conj.  Racine  a  dit 
dans  Iphigénie  (act.  I,  se.  ii,  67)  : 

Ainsi,  pour  tous  venger  tant  de  rois  assemblés. 
D'un  opprobre  éternel  retourneront  comblée. 

On  dit  covvert  d'un  opprobre  éternel,  mais  on 
ne  dit  pas  '\\i'nn  en  est  comblé. 

L'Académie  ne  joint  au  mot  combler ,  pris  li- 
gurémcnl,  ipic  des  substantifs  (|ui  ex|>riincnl  des 
biens,  «les  çiàces,  des  faveurs,  ou  d'autres 
choses  de  celle  espèce.  P'ilc  semble  indiquer  par 
là  que  ce  vci'bc  ne  saurait  s'allier  avec  les  maux, 
les  [tciiies,  eie.  Cependant  Vollaire  a  dit  dans 
Sémiramis  (act.  1,  se.  vi,  3)  : 

Je  verrai  donc  mes  maux  ou  combléi  ou  finis,. 

Et  plus  loin  (act.  V,  se.  viii,  5)  : 

Le  ciel  est  satisfait,  la  vengeance  est  comblée. 

CosiBDSTiBLE.  Adj.  dcs  dcux.  gcuves  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subsl.  :  Matières  combus- 
tibles 


COM 

CoMBiSTiON.  Subsl.  f.  On  prononce  combus- 
tion, avec  le  son  du  /,  cl  non  pas  combuscion, 
avec  le  son  du  c. 

Fcraud  |)rcleiid  que  ce  mot  se  dit  toujours 
avec  la  préposition  en.  On  le  dit  sans  celle  pré- 
position, et  au  prdpic  et  au  liçiiré  :  Lair  est 
nécessaire  à  la  combustion.  [Dict.  de  l'Acad.) 

Co.MÉDiE.  Subsl.  f.  On  disait  aiilrcfois ai/er  ô 
la  comédie,  en  iKirlaiil  de  toiiics  sorics  de  pièces 
de  ihcàlie,  comme  Iragi-comcdie,  pastorale,  etc. 
Aujourd'hui  l'on  dit  en  ce  sens  aller  au  spec- 
tacle. 

CoMiQDE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 
jours son  subsl.  :  Une  pièce  comique,  un  poète 
comique.  On  appelle  force  comique,  ces  grands 
trails  tpii  approfondissent  les  caraclércs,  et  qui 
vont  chercher  le  vice  jiisijue  d.ms  les  replis  de 
l'àme  pour  lexposcr  en  plein  ihcàtrc  au  mépris 
des  s|»ecUilcurs. 

Comique.  Subst.  m.  On  dit  un  comique  pour 
dire  un  acteur  comique,  un  pccle  cnjiiique  :  Mo- 
lière est  le  modèle  des  comiques. —  Comique  se 
jnend  aussi  [wiir  le  genre  de  la  comédie:  Le 
haut  comique,  le  bas  comique. 

Co.MiQLEJiE.NT.  Adv.  Il  iic  sc  mct  guère  qu'a- 
[)rés  le  verbe  :  Il  a  traité  comiqucmcnt  ce  sujet. 

CoMMA^DER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  11  s'emploie 
ngurcment  au  sens  mural  : 

Le  devoir  me  eommonde 
Que  je  venge  le  meurtre,  et  que  je  vous  défende. 

(Volt.,  lltr.,  act.  lit,  sc.  vi,  3.) 

Delillc  a  dit  dans  un  sens  qui  n'est  pas  indi- 
(lué  par  l'Académie  : 

Si  ce  cœur,  trop  puni  d'avoir  été  sensible. 
Ne  «'était  eommonde  de  rester  inllesible. 

(Énéid.,  IV,  27.) 

On  dit  commander  à  quelqu'un  ;  mais  on  ne 
à\[[)ascom7iiandcr  quelqu'un, s\  ce  n'est  en  termes 
de  guerre.  C'est  ce  que  Voltaire  a  remarqué  dans 
|os  vers  suivants  de  Corneille  [Jîodog.,  act.  II, 
sc.  11,  67.)  : 

Ne  saurois-tu  juger  que  si  je  nomme  un  roi. 
C'est  pour  le  commander  et  combattre  pour  moi? 

On  commande  iine  armée,  dit  Voltaire,  on  com- 
mande à  une  nation;  on  ne  commande  point 
un  homme,  exceplc  lorscju'à  la  guerre  un  hom- 
me est  commande  par  un  aiilrc  pour  cire  de 
tranchée,  |)our  aller  reconnaître,  pour  attaquer. 
\^Reinarques  sur  Corneille  } 

CoMMK.  Conjonclion.  11  s'emploie  pour  de  même 
que  :  Il  est  hardi  comme  un  lion  ;  pour  dans  le 
tem[)S  ipie  :  Comme  Abruhavi  éliiit  près  de  frap- 
per son  fils  Isaac,  un  ange  vint  l'avertir  ;  {Mur 
I)arre  que,  vu  que  :  Cominc  l'e.^iime  publique  est 
l'ibjet  qui  fait  produire  de  grandes  chiises,  c'est 
aussi  par  de  grandes  choses  qu'il  faut  l'obtenir 
ou  du  moins  la  mériter;  pour  jjar  exemple  :  On 
met  ordinairement  un  S  à  la  fin  des  substantifs 
pluriels,  comme  7//»  amt,  des  amis;  jioiir  pres- 
que :  Gn  le  trouva  comme  7iinrt  ;  jionr  en  quelque 
sorle  :  (Jn  véritable  ami  est  comme  un  autre  soi- 
même. 

On  peut  ajoutera  ces  significations,  tirées  des 
grammaiies.que  coj/ime  se  dit  aussi  pour  en  <|ualité 
de  :  Il  aqit  comme  tuteur  de  ses  enfants;  il  agit 
comme  fondé  de  pouvoir.  Dans  ce  vers  de  Vol- 
taire [Deujcième  discours  sur  l'Iiomme,  d621  : 

11  agit  comme  libre,  et  p.irlc  comme  esclave. 


COM 

le  p'-omicr  comme  signifie,  d'après  sa  qualité 
d'homme  litre,  et  le  second,  confornicmenl  à  son 
étal  «i'cschivc. 

I.a  conjonction  cMnmojit  ne  peut  cire  employée 
dans  ancune  de  ces  significations;  au  lien  (lu'oii 
penl  (juciuelois  se  servir  de  comme  d.ins  celle 
qui  est  pnrliiulièrc  à  cnmmcvt,  c'est-à-iliie,  pour 
signilici-  de  quelle  manière:  Je  ne  vous  diniipas 
comme  la  ville  fut  emportée  d'assaut;  voici 
comme  l'affaire  se  passa. 

rontefuis  comme  ne  saurait  s'em|)loyer  pour 
omineiit  (|n;nid  on  iiilerroge.  On  ne  |)ent  pas 
dire  comme  rovs  a-t-il  reçu?  au  lieu  de  comment 
vous  a-l-il  reçu?  —Il  y  a  cette  remarque  a  faire 
àurleuiploi  de  comme  au  lieu  de  comment  siirni- 
fianl  de  «luelic  manière.  Quand  on  dit  ivii/ez  com- 
ment il  travaille,  cela  tomlicsur  la  manière  dont 
il  travaille;  et  si  l'on  dit  en  raillant  voyez  comme 
il  travaille,  cel.i  tombe  sur  la  persoime.  et  fait 
entendre  ipie  celui  cpii  doit  travailler  ne  travaille 
point,  ou  i|n"il  ne  travaille  pas  comme  il  faut. 

La  conjonction  comme,  employée  au  premier 
memhre  d'une  phrase,  ne  se  répète  pas  au  second  ; 
on  met  à  ce  second  meudjre  et  que  :  Comme  ilai- 
•nait  les  plaisirs,  et  i\nHl  saisissait  toutes  les 
occasions  de  s'en  procurer. . , 

Une  rèdc  générale  que  l'on  doit  appliquera 
la  conjonction  comme,  c'est  q\ie  dans  la  même 
phrase  un  mot  ne  doit  pas  cire  pris  dans  deux 
sens  différents,  le  père  Bouliours  a  donc  hlâmé 
la  phrase  suivante  :  Ne  considérons  pas  la  vie 
comme  vu  cercle  de  plaisirs,  mais  comme  une 
source  de  bonheur,  quand  on  sait  en  jouir  connue 
certains  hommes,  le  iroisicmc  cnnnne,  dit-il, 
fail  ici  un  mauvais  effet,  parce  (ju'ilest  pris  dans 
un  autre  ordre  que  les  deux  premiers. 

Le  vers  suivant  de  Corneille  a  été  juslement 
critiqué  : 

Et  comme  pour  toi  seul  l'amour  veut  oue  je  vive. 
(Cin.,  act   lU,  so.'iv,  12i.) 

Toutes  les  plirascs  qui  commencent  par  comme, 
dit  Voltaire,  sentent  la  dissertation,  le  raisonne- 
ment; et  la  chaleur  du  sentiment  ne  permet  guère 
ce  tour  prosai<iue.  [Bem.  sur  Corneille.) 

Comme  si  régit  l'indicatif  :  //  me  parle  comme 
si  j'étais  sin  esclave. 

Commencer.  V.  a.  et  n.  de  lai"  conj.  Devant 
un  infinitif,  il  régit  tantôt  la  pré|)osilion  à,  tantôt 
la  préposition  de.  On  dit  il  commence  à  marcher, 
et  UconiiiicnceÛG  marcher.  On  ne  trouve  rien  de 
certain  dans  les  grannnaires,  ni  dans  les  di(;tion- 
naircs ,  sur  l'emploi  de  ces  deux  expressions. 
Vaugi'las  est  d'avis  ([u'on  peut  les  employer  in- 
différemment, et  pense  aussi  que  la  dernière  est 
plus  usitée;  et  Boulioius,  (jui  était  d'aLord  pour 
commencer  à,  avoue  ensuite  (pi'tn  peut  se  servir 
également  de  l'une  ou  de  l'autre  préposition. 

11  me  semlile  (pie  les  grammairiens  nous  au- 
raient donné  quelque  chose  de  plus  précis  sur 
cette  matière,  si.  au  lieu  de  chercher  les  motifs  de 
leurs  décisions  dans  des  exemples  matériels  tirés 
des  auteurs,  ils  les  eussent  puisés  dans  la  iialuie 
des  deux  prépositions,  et  dans  la  nuance  particu- 
lière (pie  chacune  d'elh^s  doit  donner  a  l'idi-e. 

Commencer,  suivi  d'un  infinitif,  ex[irimc  une 
action  ou  des  actions  présentées  comme  le  com- 
mer.cement  d'une  icndancc  \ers  un  but,  ou  le 
commencement  d'une  action  présentée  comme 
pouvant  ou  devant  cire  continuée  jus<pj'à  la  lin. 
Dan-  le  premier  cas,  il  faut  employer  la  préposition 
o,car  la  nature  de  celte  prcposilion  est  de  mar- 
quer le  rapport  à  un  but.  Marcher  est  une  habi- 


COM 


129 


ude,  est  un  but  auquel  les  enfants  tendent  pai 
la  naluie  de  leur  conforniiition.  Ainsi,  iiour  dire 
qu  un  enfant  fait  depuis  (luelqne  leiiips  des  ,ic- 
lions  qui  tendent  à  former  celle  h.ibiiiide  a  ai- 
teindre  ce  but,  il  f;nil  dire  cet  enfant  commence 
a  marcher.  Dans  le  second  cas.  il  Paul  einiilovcr 
la  préposition  de,  qui,  étant  esseiiiicll(<inciit  ex- 
tractive,  marque  le  |)oint  d'oii  l'on   pan    avec 
rapport  a  la  conlinuJlé  et  à  la  lin  de  l'action    Si 
(jonc,  voulant  faire  marcher  un  enlaiit,  il  refuse 
d'abord  de  se  mettre  en  mouvement,  et  (pi'en- 
siiilo  il  s'y  mette  tout  à  coup,  je  dirai,  dans  ce 
moment,  il  commence  de  marcher,  parce  .pie  je 
veux  exi>rimer  son  inemier  monvemenf,  non  re- 
lalivement  à  un  but,  mais  par  iapi)o;t  a  son  inac- 
tion précédente  (jui  est  le  point  de  di-part.  Il  est 
sorti  de  son  inaction,  il  a  fait  un  mouvement  |)our 
en  sortir;  voilà  tout  ce  (pie  j'ai  voulu  e\priiner 
et  tout  ce  (juc  j'exiirimc  par  la  prcposilion  de.  De 
même  je  dirai   en  commence  de  bàiir  sur  celte 
/'lace,  sans  rapport  au  but  (pie  l'on  se  jiropose 
dans  la  construction  ;  et  on  commence  i\  bâtir  ma 
maison,  avec  rajiiiort  a  ce  but.  Nous  commen- 
çons de  d'tncr,   c'est-à-dire ,  nous  eoinmonçons 
l'action  de  diner,  action  (jui  doit  être  continuée 
jus(pi'à  la  fin.  \\  n'y  a  point  là  de  but  inar(iué. 
On  dira  bien  je  commence  de  voir  clair  dans  sa 
conduite;  c'est  une  action  (jui  doit  avoir  sa  con- 
tinuation cl  sa  fin.  Je  commence  d'y  voir  clair; 
bientôt  j'y  verrai  jibis  clair,  et  a  la  lin  j'y  verra'i 
clair  tout  à  fait.  IMais  on  ne  dira  pas^'e  commence 
(j'-'  voir  qua  vous  m'avez  trompé  ;  il  faudra  dire 
je  commence  a  voir.  Ce  n'est  point  ici  une  action 
•pii  a  son  commencement,  sa  continualion  et  sa 
fin;  c'est  un  Irait  de  lumière  (pii  a  frappé  tout 
d'un  coup,  qui  a  frappé  pour  la  piemicre   fois. 
Auparavant,  on  liC  voyait  pas  ipTon  était  trompé; 
on  voit  actuellement  ([u'oii  l'est,  c'e>t  un  but  al- 
toipi.  Qu'un  malade,  loiiimenlé  depuis  lonirtcTips 
par  des  insomnies,  prenne  cluMpic  jour  (pichpies 
heurcsde  repos,  on  dira  (pi'il  commence  à  dormir, 
c'est-à-dire,  à  tendre  au  but  ainjuel  il  aspire,  le  re- 
lourd'un  sommeil  régh;.  Maisen  parlant  d'un  hom- 
me qui  se  pijrte  bien,  et  (jui  dort  bien  toutes  les 
nuits,  je  dirai  il  commence  de  dormir,  pimr  mar- 
quer le  comineiicemeiil  d'un  sommeil  ipii  doit  du- 
rer. Hacine  a  dit  dans  Phèdre  (act.  U,  se.  ii,  63)  : 

Puisque  j'ai  commencé  de  rompre  II   silence. 

C'est  une  action  susceptible  d'être  continuée,  il 
n'y  a  point  de  but  inarune;  pi  j'énelon  a  dit  les 
vents  commencèrent  à  .s'apaiser  ('JVlém.,  liv.  VI 
t.^  1,  221.)  H  y  a  un  but  ampiel  tendcni  k's  vents| 
c'est-à-dire,  le  calme  Ou  commence  ii'écrir'e 
vne  lettre,  c'est  une  action  siisceptilih;  d'être 
continuée  jus(pi'à  la  lin.  On  ammenre  iVovvrir 
la  tranchée.  Mais  on  commence  à  s'ennuyer,  à 
se  dépiter,  à  .ie  courroucer  ;  ce  ne  sont  pom'.des 
actions  (jur  l'on  fait,  ce  sont  des  éials  (pie  l'on 
éi)ronvc,  et  qui  ont  une  grailaiioii,  un  lerme. 

J.-J.  llousseau  a  dit  :  Je  commence  de  fréquen- 
ter les  spectacles,  de  .souper  en  ville;  et  je  com- 
v:cnce  à  voir  les  diff  cultes  de  l'étude  du  monde. 

Marinoiilel  exprime  auliement  celle difrcicnce 
Commencer  o,  dit-il,  di'signe  une  action  qui 
aura  du  progrès,  de  l'accroissement  : 

J'adore  le  Seigneur,  on  m'explique  «a  loi; 
Dans  son  livre  Jivin  on  rn*Mppi.:rMl  i  l.i  lire. 
Et  déjà  de  ma  m.iin  je  enmvi^ncr  i  l'ecrirt 

fUic,  Ath.,  acl.  Il,  se.  vil,  49.) 

Nous  observons  ici  (pie  le  mot  commencer 


*^0 


COM 


sans  la  proposition  à  ou  de,  ou  avec  l'une  ou 
l'autre  de  CCS  [;rcposilions,  dcsisnc  loujoiirs  une 
action  qui  aura  du  progrès,  de  l'accroissement  : 
Je  commence  vn  outrage  qui  doit  être  ou  «jui 
peul  cire  continué,  aclicvé.  Dans  commencer 
iVécrire  vne  letliv  ,  écrire  désigne  une  action 
qcil  aura  du  progrès  jusqu'à  la  lin.  Dans  je 
commence  à  l'i'-cnre,  des  vers  cités,  ce  n'est  pas 
parce  que  l'action  indique  du  inogrés,  de  l'ac- 
croisseuKMil,  (jue  l'on  a  cini>loyo  la  préposiiiun 
à,  mais  piirco  qu'il  s'agit  d'un  hul  à  atteindre. 
Le  but  do  reniant  est  d'écrire  la  loi,  il  coiniiicnco 
à  faire  des  pr  ":rés  vers  ce  but,  il  commence  à 
récrire.  Nou>  serions  parfaitement  d'accord  avec 
Marmontel ,  si  l'observation  était  rédigée  ainsi 
qu'il  suit  :  Commencer  à  désigne  une  action  (jui 
aura  du  progrés,  de  l'accroissement  vers  un  but. 
Commencërde,  continue  Marmontel,  iKîint  une 
action  complète  qui  aura  de  la  durée  : 

Ses  IranSDorls  d6s  longtcaips  commencent  dVo/dfer. 
(Kac,  Britan.,  act.  111,  se.  i,  5.) 

Commencer  de  ne  peint  pas  toujours  une  ac- 
tion complote.  Dans  Texemplc  donné  par  l'Aca- 
démie, il  et  rail  commencé  d'écrire  ■sa  lettre, 
écrire  ne  peint  pas  une  action  complote;  ou  si 
l'on  voulait  soutenir  le  contraire,  11  faudrait  con- 
venir que  ce  verbe  peint  aussi  une  action  com- 
plète dans  je  commence  à  l'écrire.  On  dit  il 
avait  commencé  d'écrire  sa  lettre,  non  parce 
qu'écrire  peint  une  action  complète,  mais  i)arce 
qu'il  s'agit  ici  du  commencement  d'une  action 
présentée  comme  pouvant  ou  devant  étru  conti- 
nuée jusqu'à  la  fin  et  non  comme  tcnd.'ini  à  un 
but.  —  L'Académie,  dans  son  édition  de  IS3t), 
donne  une  décision  favorable  à  Marmontel.  Com- 
mencer de,  dit-elle,  désigne  une  action  qi.i 
aura  de  hi  durée  ;  commencer  à  désigne  une 
action  qui  aura  du  progrès,  de  l'accroissement. 
-Elle  ajoute  (ju'on  dit  quelquefois  commencer 
à  povx  commencer  de  :  Commençons  à  dîner. 

Commensal.  Subst.  m.  11  se  dit  de  ceux  qui 
mangent  à  la  même  table  :  C'est  mon  commen- 
tai. 11  fait  au  pluriel  commensaux. 

CoJiMEMT.  Voyez  Comme. 

CoMMER.  V.  n.  de  la  \"=  conj.  C'est  un  vieux 
mot  tout  à  fait  hors  d'usage,  que  l'Académie  nous 
donne  pour  une  expression  du  style  familier.  11 
signifiait  comparer.  Fcraud  prétend  que  ce  mot 
sent  un  peu  le  jargon  des  sociétés  de  la  capitale. 
Je  doute  qu'il  y  ait  une  coterie  de  Paris  où  il 
fiit  compris. 

CoMJiF.RÇABLE.  Adj.  dcs  dcux  gcnrcs  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Effets  commerçables, 
billets  commerçables. 

CojiMERciAL,  Co.MVEF.ciALE.  Adj.  Qui  appartient 
au  commerce.  11  fait  commerciaux  au  pluriel 
masculin  :  Opérations  commerciales,  effets  com- 
merciaux. 

Commettre.  X.  a.  et  irrég.  de  la  4"  conj.  Il 
se  conjugue  comme  Mettre.  Voyez  ce  mot. 

Commettre,  dans  le  sens  de  compromettre,  ex- 
poser, ne  prend  point  de  régime  indirect.  On  dit 
prenez  garde  de  vie  commettre,  je  ne  vous  com- 
mettrai point.  Mais  on  ne  dit  pas/e  ne  tous 
commettrai  pas  à  un  affront,  llacine  a  donc  fait 
une  faute  en  disant  dans  Jphigénie  (act.  Il, 
se.  IV,  5)  : 

Aux  affronts  d'un  refus  crai^int  de  me  commettre; 

et  dans  Bajazet{ac\..  IV,  se-,  i,  39)  : 

Hais  à  d'autret  périlt  je  crair;  de  le  coramtttrs. 


COM 

Selon  la  remarque  de  d'Olivet,  on  dit  tré5»-biin 
commettre  quelqu'un,  et  se  covimetlre,  pour  si- 
gnifier s'e.\|)0scr  soi-mcinc  à  recevoir  cpielquo 
déplaisir;  mais  ce  verbe  ne  s'enq)loie  qu'abso- 
lument, cl  on  ne  dit  point  se  commettre  à  quel- 
que chose. 

Commode.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met  or- 
dinairement après  son  subst.":  Une  vie  commode, 
des  principes  commodes.  Lcs  poëtcs  le  font  quel- 
quefois précéder. 

Commodément.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  parliciiie  ;  //  est  logé  commodé- 
ment, ou  il  est  commodément  logé. 

CoMMDN,  Commune.  Adj.  En  termes  de  gram- 
maire, il  se  dit  du  genre  par  rapport  aux  noms. 
Tour  bien  entendre  ce  que  les  grammairiens  ap- 
pellent genre  commun,  il  faut  observer  cpic  les 
individus  de  chaque  espèce  d'animal  sont  divisés 
en  deux  ordres,  l'ordre  des  màljs  et  Tordre  des 
femelles.  Lu  nom  est  dit  être  du  masculin  dans 
les  animaux,  quand  il  est  dit  d'un  individu  de 
l'ordre  des  mâles;  au  contraire,  il  est  du  genre 
féminin  quand  il  est  dit  d'tui  individu  de  l'ordre 
des  femelles.  Ainsi  coq  est  du  genre  masculin,  et 
poule  du  genre  féminin.  A  l'égard  dos  noms  d'êtres 
inanimés,  tel  que  soleil,  lune,  terre,  etc.,  ces 
sortes  de  noms  n'ont  point  de  genres  pro|)rement 
dits.  Cependant  on  dit  que  le  soleil  est  du  genre 
masculin,  et  que  la  lune  est  du  genre  féininic, 
ce  qui  ne  veut  dire  autre  chose,  sinon  que  lors- 
qu'on voudra  joindre  un  adjectif  à  soleil,  l'usage 
veut  que  des  deux  terminaisons  de  l'adjectif  on 
choisisse  celle  qui  est  déjà  consacrée  aux  noms 
substantifs  des  mâles  dans  l'ordre  des  anunaux. 
Ainsi  on  dira  heau  soleil ,  comme  on  dit  beau 
coq;  et  l'un  dira  belle  lune,  comme  on  dit  lelle 
poule.  A  l'égard  du  genre  comviun,  on  dit  qu'un 
nom  est  de  ce  genre,  c'est-à-dire,  de  cette  classe 
ou  sorte,  lorsqu'il  a  une  terminaison  qui  con- 
vient également  au  mâle  et  à  la  femelle.  Ainsi 
auteur  est  du  genre  comnnm.  On  dit  d'une  dame 
(\\i'elle  est  auteur  d'un  tel  ouvrage.  Qui  est  du 
genre  commun.  On  dit  un  homme  cm»,  etc.;  une 
femme  qui,  etc.  Fidèle,  sage,  sont  des  adjectifs 
du  genre  commun  :  Un  amant  fidèle,  une  femme 
fidèle.  (Dumarsais.) 

Quand  commun  signifie  général,  unanime,  il 
faut  le  placer  avant  son  subst.  :  D'une  commune 
voix,  et  non  pas  d'une  voix  commune.  Ou  dit  la 
commune  opinion,  OU  l'opinion  commune.  Le 
bruit  commun. 

Cet  adjectif  régit  quelquefois  la  préposition  à 
ou  la  prépiisiliun  avec  :  Le  nom  d'animal  est 
commun  a  l'Iionime  et  à  la  bête  ;  j'ai  cela  de 
commun  avec  lui. 

Lorsqu'il  est  employé  sans  régime,  il  a  un 
sens  différent  de  celui  (lu'oii  lui  donne  lorsqu'il 
régit  la  préposition  à:  JDes  disgrûccs  communes 
sont  des  disgrâces  peu  considérables;  mais  des 
disgrâces  communes  à  tous  les  hommes  sont  des 
disgrâces  auxfiuelles  tous  les  hommes  jxîuveot 
être  sujets,  et  qui  peuvent  être  des  disgrâces 
considérables. 

Communal,  Communale.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.,  et  fait  communaux  au  plu- 
riel :  Biens  communaux . 

Co:iDiuNÉMENT.  Adv.  H  se  met  ordinairement 
après  le  verbe:  Cela  s'est  pratiqué  communément 
autrefois. 

CoMMCNicABLE.  Adj.  dcs  dcux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Une  pièce  communir 
cable. 

COMrusiC'TiF,  CoMMONiCATiVE.  Adj.  qui  suit 


COM 

toujours  son  subst.  :  Ce  savant  est  communicatif. 

Compacte.  Ailj.  ilcs  deux  ïcmcs.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  siitist.  :  Un  métal  compacte. 

Compagne.  Subst.  f.  On  mouille  le  gn.  L'Aca- 
démie ne  le  dil  poini  dans  les  acccpiions  sui- 
vantes : 

Les  bergers,  pleins  d'effroi,  dans  les  bois  se  cachèrent: 
Et  leurs  tristes  inollios,  compagnes  de  leurs  pas. 
Emportent  leurs  enfants  gémissants  dan.<  leurs  bras. 
O'OLT.,  Ilenr.,  VUI,  78.) 

Cesl  li,  c'est  au  milieu  de  cette  cour  affreuse. 
Des  plaisirs  des  humains  compatit»  ni.ilheureuse. 
Que  l'Ainour  a  choisi  son  séjour  éternel. 

{Idem,  IX,  53.) 

Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  proposer  ce  der- 
nier exemple  coiiime  un  niodolc.  Une  cour  com- 
pagne mallienreiise  ilcs  plaisirs  des  humains  est 
une  phrase  bien  extraordinaire. 

CoMPACME,  Compagnon,  Compagsonsage.  Dans 
ces  trois  mots  on  nioiiiUe  le  gn. 

CoMPAiîABLE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  Il  léirit  la  préposition  à  :  Un 
homvie  comparable  aux  plus  (jrands  hommes. 

Il  régit  aussi  la  préposition  cerec,  lorsqu'il  s'a- 
git de  choses  qui  sont  d'une  nature  absolument 
différente;  et  alors  cet  adjeetif  ne  s'cinidoie qu'a- 
vec la  négative  :  L'esprit  n'est  pas  comparable 
avec  la  inulicre. 

Comparaison.  Subst.  f.  On  appelle  ainsi  une  fi- 
gure de  rhétorique  et  de  poésie  qui  sert  a  l'orne- 
ment  et  à  réclaircissement  d'un  discours  ou  d'un 
poëme.  Elle  sert  à  rendre  plus  sensible,  par  une 
image,  une  qualité,  une  action,  une  idée,  un  sen- 
timent, uue  vérité  abstraite.  Lorsque,  par  exem- 
ple, nous  sommes  vivement  frappés  de  t]uel(pie 
ijualité  extraordinaire  d'un  objet,  il  arrive  sou- 
vent que  nous  trouvons  de  la  difficulté  à  rendre 
cette  (jualiié  sensible,  précisément  parce  qu'elle 
est  extraordinaire  dans  l'objet  que  nous  voulons 
peindre,  et  qi.e  toutes  les  expressions  que  nous 
empruntons  de  la  nature  de  cet  objet  même  ne 
peuvent  le  tirer  qu'imi)arfailement  de  la  classe 
commune  dont  il  lait  partie.  Si  je  dis  qu'i/n  hé- 
ros vole  au  combat,  qu'une  fevime  est  belle,  qu'un 
homme  est  léger  à  la  course,  je  n'en  exprime  rien 
qui  ne  soit  dans  la  nature  de  tous  les  héros,  de 
toutes  les  belles  femmes,  de  tous  les  hommes  qui 
sont  légers  à  Ui  course.  IMais  si  je  dis  du  héros 
qu'il  vole  au  combat  comme  un  lion,  de  la  femme 
(]\x'elle  est  belle  comme  un  astre,  de  l'homme  qu'z7 
est  léger  comme  un  cerf,  ces  comparaisons  du  hé- 
ros avec  le  lion,  de  la  femme  avec  un  astre,  de 
l'homme  avec  le  cerf,  rendent  plus  sensibles  les 
qualités  que  je  voudrais  peimlie  dans  chacun  de 
ces  objets,  parce  qu'elles  les  font  voir  semblables 
à  des  qualités  de  la  mémo  espèce  que  l'on  connaît 
mieux  dans  les  nouveaux  objets  qui  sont  présen- 
tés, et  où  l'on  est  accoutumé  de  les  voir  à  leur 
plus  haut  degré.  Los  comjiaraisons  sont  comme 
autant  de  traits  de  lumié:-e  qui  nous  montrent 
dans  les  deux  objets  un  rapjwrt  imprévu  et  frap- 
pant, et  nous  font  embellir  le  premier  de  tout  ce 
qui  nous  a  séduits  dans  le  second. 

Puisque  la  comparaison  doit  rendre  un  objet 
plus  sens'ble,  par  la  connaissance  subite  d'un  rap- 
port frappant,  il  faut  tpie  ce  rap[K)rt  soit  clair, 
qu'il  embrasse  tout  entier  l'objet  à  l'expression 
duquel  il  doit  concourir,  et  que  l'image  qui  doit 
caractériser,  enrichir  ou  embellir  cet  objet,  soit 
plus  familière  et  mieux  connue;  il  faut  enlinque 
cette  image  soit  plus  vive.  La  comparaison  d'un 
héros  qui  vole  aux  combats,  avec  un  superbe 


CO.M 


131 


coursier  qui  s'élance  dans  la  carrière,  ne  serait 
pas  assez  claire,  elle  n'emliras-crau  pas  entière- 
ment lesciualiicsquel'on  veut  exprimer,  i»arceque 
le  coursier  n'a  pas  un  rapport  sensd)lc  avec  celte 
ardeur  liellitpieusc  qui  ne  connaît  aucun  obstacle, 
ne  respire  que  le  carnage  et  répand  au  loin  là 
terreur.  Au  contraire,  la  comparaisun  avec  le  lion 
est  juste  et  sensible,  parce  qu'elle  dffn?  tous  ces 
rapports.  Le  nom  seul  de  l'animal,  dnnl  on  con- 
naît toutes  les  qualités,  les  fait  voir  tout  à  coup 
à  l'esprit. 

Quoiqu'il  ait  plu  aux  écrivains  didactiques  de 
caractériser  cette  ligure  comme  particulière  à  l'é- 
loquence et  à  la  poésie,  elle  a  lieu  dans  tous  les 
genres  et  dans  tous  les  styles,  et  fré(iuenMnent  elle 
jirète  de  l'énergie  et  des  charmes  aux  phrases  les 
plus  simples  ile  la  convcisatiun  familière.  Une 
femme  du  peiqile  dira  que  son  adversaire  s'est 
jetée  sur  elle  comme  une  furie;  le  philosopht 
écrira  dans  son  cabinet  (]ue  les  hommes  ont  peut 
de  la  mort  comme  les  enfants  ont  peur  des  ténè- 
bres; cl  le  i)oete  et  l'orateur,  pour  rendre  leurs 
idées  plus  sensibles,  emprunteront  des  images 
qu'ils  embelliront  des  détails  et  des  expressions 
que  comportent  le  genre  dans  lequel  ils  écrivent 
et  le  sujet  particulier  qu'ils  trailent. 

Dans  la  métaphore,  il  y  a  une  sorte  de  compa- 
raison, ou  quelque  rapport  éipiivalent  entre  .1 
mot  au<iuel  on  doime  un  sens  métaphorique, 
l'objet  à  quoi  on  veut  l'applitjuer.  Par  exemplt 
quand  on  dit  d'un  homme  en  colère  c'est  un 
lion,  lion  est  pris  alors  dans  un  sens  métaphori- 
que; on  comiiarc  rhominc  en  colère  au  lion,  et 
voilà  ce  qui  distingue  la  métaphore  des  autres  fi- 
gures. Il  y  a  celte  difl'érence  entre  la  métaphore 
et  la  comparaison,  que  dans  la  comparaison  on  se 
sert  de  termes  ([ui  font  connaître  ipie  l'on  com- 
pare une  chose  à  une  autre;  par  exemple,  si  l'on 
dit  d'un  homme  en  colère  qu'i7  est  comme  un 
lion,  c'est  une  comparaison.  Mais  quand  on  dit 
simi)lcment  c'est  un  lion,  la  comparaison  n'est 
alors  que  dans  l'esprit  et  non  dans  les  termes, 
c'est  une  métaphore.  Voyez  Métaphore. 

La  comparaison  est  en  elle-même  une  excursion 
du  génie  du  poète,  et  cette  excursion  n'est  pas 
également  naturelle  dans  tous  les  génies.  Plus 
l'àme  est  occupée  de  son  objet  direcl,  moins  elle 
regarde  autour  d'elle;  plus  le  mouvement  (pii 
l'eniportc  est  rapide,  plus  elle  est  impatiente  dô 
obstacles  et  des  détours  ;  enfin,  plus  le  sentiment  a 
de  chaleur  et  de  force,  i)lus  il  maîtrise  1  imagina- 
lion  et  l'cmpéche  de  s'égarer.  Il  suit  de  lii  que  la 
narration  tranquille  admet  des  comparaisons  fré- 
quentes, développées,  étendues  cl  prises  de  loin  ; 
qu'à  mesure  qu'elle  s'anime,  elle  en  veut  moins, 
les  veut  plus  concises  et  aperçues  de  plus  près; 
que  dans  le  pathétique,  elles  ne  doivent  être 
qu'indiquées  par  un  trait  rapide;  et  ([ue  s'il  s'en 
présente  queltiues-unes  dans  la  véhémence  de  la 
passion,  un  seul  mol  doit  les  exprimer. 

Quant  â  la  source  de  la  comiiaraison,  elle  est 
prise  communément  dans  la  réalité  des  choses, 
mais  quelquefois  aussi  dans  l'opinion  et  dans  l'hy- 
pothèse du  merveilleux.  Ainsi  Voltaire  compare 
les  ligueurs  aux  géants;  ainsi,  après  avoir  dit  du 
vertueux  Mornay  {Uenr.,  IX,  207)  : 

Jamais  l'air  de  la  cour,  et  son  souffle  infect*, 
K'altêra  de  son  cœur  l'austère  pureté, 

ajoute  • 

Belle  Aréthuse,  ainsi  ton  onde  fortuné» 
Roule  au  sein  furieux  d'Araphitritectonnée 


152 


COM 


Un  erislal  toujours  pur  et  des  flols  toujours  clairs, 
Que  jamais  ne  corrompt  l'amertume  dus  mers. 

(£x(rai(  de  divers  autturs.) 

Comparaison  est  aussi  un  terme  de  crainmaire. 
Voyez  Comparatif  cl  AJJvLlif. 

CosipauaIiuk.  \  .  n.  de  la  4'  conj.  JFuilly  cl 
quelijiies  auires  çraiiiiiiairiens  pivlcudctit  (jne  ce 
verbe  prend  indiUfremiiienl  les  auxiliaires  «rot'r 
ou  être,  ^ous  ne  MJnunes  pas  de  cet  avis.  On  dit 
je  suis  tombé,  \MUT  c^wwncY  i  étal  d'une  persuiuie 
qui  a  fait  l'ai  liuii  de  lund)er.  Mais^e  suis  om- 
paru  n'exprime  i)ijintiin  élal.(^)uand  ma  comparu- 
tion est  passi'e,  j'ai  lail  l'aclion  de  cuinparailie,  cl 
il  n'en  resulle  pas  un  étal  di^lini^ué  de  l'elal  |)ré- 
cédenl.  Il  laul  dune  suivie  en  cela  l'Acadeinie, 
qui  dil  il  n'a  puint  comparu. 

CojipAiiAiiF.  Adj.  pris  substantivement.  C'est 
un  terme  de  t'rammaiie.  l'uur  bien  entendre  rc 
mol,  il  faut  observer  (juc  les  objets  pcuvenl  cire 

aualiliés  ou  absolument,  sans  aucun  ra|)purt  a 
'autres  objets,  ou  relalivement,  c'esl-à-dirc,  par 
rapfwrt  a  d'aulres  objets. 

Lors(|u'on  tiualilie  un  objet  absoluracnt,  l'ad- 
jeclif  ijualiticalil  oi  diiélre  au  ijositil,  parce  qu'il 
est  comme  la  première  pierre  ipii  est  posée  pour 
servir  de  rondement  au.t  autres  degrés  de  signi- 
flcation.  Ces  degrés  sont  appelés  conununcmenl 
dcgrcs  de  comparaison.  César  était  vaillant,  le 
soleil  est  brillant;  vaillant  Cl  brillant  soûl  au 
positif. 

Quand  on  qualifie  un  objet  relativement  à  un  au- 
tre objet  ou  à  d'autres  objets,  alors  il  y  a  entre  ces 
objets  ou  un  rapport  d'egalilé,  ou  un  rappoi  l  de 
supériorité,  ou  enlin  un  rap|)orl  de  prccminence. 
S'il  y  a  un  l'ajiporl  tlVgalité,  l'adjcclilcpialilicatif 
est  toujours  regardé  comme  étant  au  posilil  ;  alors 
l'égalité  esl  niariiuéc  par  les  adverbes  autant  que, 
aussi  que  :  César  était  aussi  brave  i\\i' Alexandre 
l'avait  été  ;  si  nous  i  lions  plus  pruclies  des  étoi- 
les, elles  nous  paraîtraient  aussi  brillantes  «jue 
le  soleil  ;  aux  solstices,  les  nuits  sont  aussi  lon- 
gues (]uc  les  jours. 

Lorsipi'un  observe  un  rapport  de  jjIus  ou  un 
rapport  de  moins  dans  la  qualité,  aiois  l'adjeclif 
qui  énonce  ce  rapport  esl  dit  élre  au  comparalif. 
C'est  le  second  degi'c  de  signilication,  ou,  comme, 
on  dil,  de  comparaison  -.Pierre  est  plus  savant 
que  Paul,  lu  lune  est  moins  brillante  que  le  so- 
leil; ou  l'on  voit  (jue  le  comparatiresl  distingué 
par  l'aùdiiion  du  inu[ plus  ou  du  mot  7noins. 

Nous  n'avons  en  français  de  comparatifs  en  un 
seul  nuil  «pie  meilleur,  pire  et  moindre.  Meil- 
leur est  le  cumparalif  de  bon  :  Ceci  est  bon  ;'viais 
cela  est  meilleur.  Ce  comparatif  esl  poui'  plus 
}on,  qui  ne  se  dil  pas,  si  ce  n'est  dans  celle  phrase, 
il  n'est  jdus  bon  ù  rien,  qui  vcul  dire,  il  ne  vaut 
plus  rien.  Mais  alors />^i/a'  n'a  pas  le  sens  compa- 
ratif. De  même  au  lieu  de  plus  lien,  on  dit 
mieux.  Cependant  on  dit  moins  bon,  aussi  bien, 
moins  bien,  aussi  bon. 

Moivure  est  le  comparalif  de  petit  :  Cette  co- 
lonne est  moindre  que  l'autre  ;  son  mal  n'est  jias 
moindre  que  le  votre.  (Acad.)  Moindre  est  aussi 
le  co.npaialif  de  bon  en  ce  sens  :  Ce  vin-là  est 
moindre  171/C  l'autre.  jAcad.)  Pire  est  le  compa- 
ralif de  mauvais  dans  ce  vers  de  Boiloau  {Art 
poét.,  64): 

Souvent  tapeur  d'un  mal  nous  conduit  dans  un  pire. 

Enfin  le  troisième  degré  est  appelé  superlatif, 
et  marque  la  ([ualilé  portée  au  suprême  degré  de 
plus  ou  de  moins.  Voyez  Superlatif. 


COM 

Dans  les  comparatifs  d'excis  ou  de  défaut,  si 
\eque  est  suivi  d'un  rerbe,  ce  verbe  doit  ctreac- 
conq)agnc  de  la  négative  ne  :  Il  est  plus  vertueux 
que  vous  ne  croyez,  il  est  moins  beau  que  vous 
repensez.  Cependant  on  ne  met  puint  celle  né- 
gaiivc  quand  le  verbe  esl  accompagné  d'une  con- 
jonction, comme  quand,  lorsque  :  Il  est  plus  ver- 
tueux que  loi-sijue  roj/5  tarez  connu  ;  celle  mair 
son  est  moins  belle  que  (piand  on  Va  achetée. 

Quoique  l'adjeclif  affecic  les  deux  termes  de 
comparaison,  on  ne  le  Joint  qu'an  iircmier  :  // 
est  aussi  sage  que  vous,  je  suis  plus  malheu- 
reux que  lui,  vous  êtes  moins  à  plaindre  que  moi; 
c'est  conune  si  l'on  disait  il  est  aussi  sage  que 
vous  êtes  sage,  etc.  Yaugclas  croyait  qu'un 
homme  ne  pouvait  pas  dire  a  une  femme  je  suis 
plus  vieux  que  mus,  parce  que  deux,  masculin, 
ne  peut  convenir  à  la  femme.  L'usage  a  décidé 
la  question,  et  celte  locution  est  généralement 
usiice  aujourd'hui.  C'est  une  phrase  elliptique,  et 
l'on  sent  qu'on  sous-enlend  que  vous  n'iies  vieille. 

Çotriparafif  est  aussi  employé  ddjeclivement 
en  termes  de  grammaire.  On  appelle  conjonctions 
comparatives  celles  qui  expriment  ie.s  rapports 
de  convenance,  de  parité,  et  qui  servent  à  mar- 
quer des  comparaisons.  Comme,  Je  viême  que, 
ainsi  que,  etc.,  sont  des  conjonctions  compara- 
tives. 

Co.iiPAr,Er..  V.  a.  de  la  \"  conj.  Comparer  f^ir- 
gile  et  Homère,  f^irgile-  à  Homère,  f^irgile  avec 
Homère.  \\  doit  exister  (piclqnosdifférences  3nlre 
ces  trois  phrases,  rclalivemeni  à  leur  significa- 
tion. Essayons  de  les  découvrir. 

Quand  on  co?iipare  deux  choses,  on  suppose 
qu'il  y  a  entre  l'une  et  l'autre  des  rapports  que 
l'on  ne  connaît  point,  cl  qu'on  cherche  à  dé- 
couvrir. On  me  présente  deux  pièces  de  toile 
que  je  vois  pour  la  première  fris,  je  les  com- 
pare, et  je  juge  de  la  ressemblance  ou  de  la 
dilTcrcncc  qu'il  y  a  entre  elles;  mais  d.ms  com- 
parer une  chose  à  vue  autre,  la  i)réj)Osilion  à 
marque  un  rapport  entre  deux  idées  dont  l'une 
esl  supposée  applicable  à  l'autre.  Or,  voici  com- 
ment je  conçois  ce  rapport.  Après  avoir  examiné 
une  des  deux  pièces  de  toile,  et  m'éirc  fait  une 
idée  de  ses  qualités,  si  je  veux  appliquer  cette 
idée  des  qualités  connues  de  la  première  pièce 
aux  qualités  inconnues  de  la  seconde,  je  dois 
dire  comparons  mainienanl  cette  pièce  à  l'autre. 
Dans  ces  deux  cas,  on  su[)pose<pie  les  pièces  ont 
quchpie  chose  de  commun  qui  est  le  fondement 
de  la  comparaison;  par  exemple,  ce  ijue  les  deux 
l)icccs  de  toile  ont  de  commun,  c'est  que  l'une 
cl  l'aulre  est  un  tissu  de  lil  ou  de  colon.  On 
ne  saurait  en  ce  sens  comparer  l'une  à  l'autre 
deux  choses  qui  n'ont  rien  de  commun,  on  ne 
compare  pas  une  pièce  de  tuile  à  une  barre  de 
fer.  Cependant  on  peul  établir  une  comparaison 
enlre  une  pièce  de  toile  cl  une  baiTC  de  fer,  non 
pour  appliiiucr  à  l'une  l'idée  des  (lualités  de 
l'autre,  d'après  une  base  commune,  mais  au 
contraire  pour  établir  la  différence  de  leurs  qua- 
lilcs,  d'après  la  différence  de  leur  iialuie.  Mais 
alors  je  dirai  comparer  une  pièce  de  toile  av»c 
une  barre  de  fur,  et  non  à  une  barre  de  fer. 
I.cs  orateurs  chrétiens  disent  tous  les  jours  : 
Comparez  la  vie  du  juste  avec  celle  du  pé- 
cheur, et  vous  verrez  combien  l'une  est  heu- 
reuse et  l'autre  miséruhie ;  s'ils  dis.iienl  à  celle 
du  pécheur,  ils  diraienl  mal.  On  compare  la 
vertu  avec  le  vice,  mais  on  ne  compare  pas 
la  rertn  au  vice.  Comparer  ri  suppose  donc  une 
analogie,  un  rapport  commun  de  ressemblance 


COM 

entre  les  deux  lermcs;  comparer  avec  éloigne 
l'idée  de  ce  iniiport.  Biifl'on  a  maïqué  cxaclcincnl 
celle  dilTcroiiLC  dans  les  phrases  suivanlcs  : 
Comparo/is  les  œuvres  de  la  nature  aux  ouvrages 
de  l'homme.  Il  y  a  analogie,  il  y  a  un  ra|ip(irt 
commun  lie  rcsscnihiance  eiiire  les  œuvres  ci  les 
ouvrages,  et  c'esi  celle  analogie,  c'e^l  celle  res- 
semblance ipii  esi  la  base  de  la  comparaison.  Quo 
Von  compare  lu  docilitt',  la  soumission  du  chien, 
avec  la  fierté  et  la  férocité  du  tigre  :  l'un  paraît 
être  l'uiiii  de  l'Immi/ie,  et  l'autre  son  ennemi. 
Ici  nul  rapport  de  rcsseniblance,  rien  de  com- 
mun enlre  les  deux  termes;  au  conlraire  ,  ils 
sonl  tout  à  fiiii  opposes. 

C'est,  je  crois,  d'après  ces  nuances  dans  les 
expressions,  (|uc  l'on  dit  (7  n'y  a  point  d'église 
que  l'on  puisse  comparer  à  Saint-Pierre  de 
Rome,  c'esi-a-dire,  qui  ail  avec  celle  église  quel- 
que chose  de  commun  (pii  puisse  servir  de  base  à 
la  comparaison.  On  ne  dirait  pas  il  n'y  a  point  d'é- 
glise que  l'on  puisse  comparer  avec  Saint-Pierre 
de  Rome.  C'est  par  la  même  raison  qu'un  homme 
orgueilleux  dit  :  f^ous  osez  vous  comparer  à  moi! 
et  non  pas  vous  osez  vous  comparer  avec  7noi.' 
c'est-à-dire,  vous  osez  supposer  qu'il  y  a  entre 
vous  et  moi  quelque  chose  de  commun  qui 
puisse  servir  de  buse  à  une  comparaison  Voyez 
.adjectif. 

Coupai  oin.  V.  n.  et  irrcg.  de  la  3=  conj.  11  a 
le  même  sens  (lue  comparaître  ;  mais  comparoir 
ne  se  dit  (lu'au  palais,  et  dans  ces  phrases  de 
pratique  :  .Issignation  à  comparoir,  être  assigné 
à  comparoir. 

C0.MPATIBLE.  Adj.  des  deux  genres.  Au  smgu- 
licr,  il  régit  la  préposition  avec  :  Son  humeur 
n'est  pus  compatible  avec  la  mienne.  Au  pluriel, 
on  peut  rcuq)loyer  sans  régime  ;  Leurs  humetirs 
ne  sont  pas  compatibles. 

Compatissait,  Compatissante.  Adj.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Cette  compatissante 
amitié. 

CoMPLAisAMMENT.  Adv.  On  pcul  Ic  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  m'a  écouté  com- 
plaisamment,  ou  il  m'a  complaisamment  écouté. 

CoMPLAisAMJE.  Subst.  f.  L'Académie  le  définit, 
douceur  et  facdité  de  caractère  qui  fail  qu'on 
se  conforme,  qu'on  acquiesce  aux  scntimenls, 
aux  volontés  d'auirui.  Celle  définition  est  très- 
mauvaise.  L'idée  princi|)ale  de  complaisance  est 
le  désir  de  i)laiie  à  quehiu'un;  l'idée  principale 
d'acquiescer  est  l'amour  de  la  paix.  Ainsi  la  dou- 
ceur, la  facilité  de  caractère  ijui  l'ail  qu'on  se 
conforme,  (pi'on  acquiesce  aux  sentiments,  aux 
volontés  d'auirui,  n'est  pas  de  la  complaisance, 
mais  une  disposition  à  céder  aux  autres  par 
amour  de  la  paix.  La  complaisance  est  une  dis- 
position d'esprit  par  laquelle  on  sacrifie  sa  vo- 
lonté a  celle  des  autres,  dans  la  vue  de  leur 
plaire;  c'est  le  soin,  le  désir  de  complaire,  de 
faire  ce  (pii  plaii  aux  autres. 

Ce  mol  employé  pour  signifier  la  disposition 
d'esprit  n'a  point  de  pluriel.  Mais  lorsqu'il  se  dit 
des  ellels  de  la  complaisance,  il  s'emploie  à  ce 
nombre  :  Elle  a  de  grandes  complaisances  pour 
ses  enfants,  f^ous  avez  eu  tant  de  complaisances 
pour  moi. 

Complaisant,  Complaisante.  Adj.  En  prose, 
on  ne  lui  donne  point  de  régime.  Racine  et  Mo- 
lière lui  en  ont  donné  un  en  vers  : 

Les  dieux  à  vos  désirs  toujours  si  complaisants. 
(/p/115.,  acl.  I,  se.  I,  15.; 


COM  «33 

Les  uns,  parce  qu'ils  lont  méchinli  si  malfiiMnls, 
El  les  autres,  pour  *lre  aux  mL'clunts  complaitanU. 
(Hiaanthr.,  acl.  I,  se.  i,  119.) 

L'Académie  ne  le  dit  que  des  personnes  ou 
des  choses  qui  ont  rapport  aux  iiersonnns  '  f/ii 
homme  complaisant,  un  e.vp/-//  d<  ux  et  cn'nplai- 
sant.  Humeur  complaisante.  Je  ne  pense  i)as 
qu'on  puisse  l'employer  aiihemenl  en  prose; 
mais  DeliUe  a  dil  en  vers  [Énéid.,  VllI,  115)  \ 

El,  sans  que  les  rameurs  lutlcnl  contre  les  eaux, 
La  vague  comflaiiantt  obéit  aux  vaisseaux. 

Celle  cpithète  est  très-bien  placée  ici. 

Cet  adjectif  peut  quehpiefois  se  placer  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreiile  et  l'analogie  : 
Cette  complaisante  humeur. 

11  s'emploie  aussi  substantivement  : 

Eh  quoi!  vil  complaisant,  tous  louei  des  soltiseï! 
(Mol.,  Jri«an(hr.,  acl.  I,  se.  ii,  77.) 

Complément.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire. 
On  doit  regarder  comme  complémoiiî  d'un  mol 
ce  qu'on  ajoute  à  ce  mot  pour  en  délcrminer  la 
signification  de  quelque  manière  que  ce  puisse 
être.  Or ,  il  y  a  deux  sortes  de  mots  dont 
la  signification  peut  être  déterminée  par  des 
compléments:  1"  tous  ceux  qui  ont  une  signiG- 
cation  générale  susceptible  de  différents  degrés; 
2"  ceux  qui  ont  une  signification  relative  à  un 
terme  quelconque. 

Les  mots  dont  la  signification  générale  est 
susceptible  de  différents  degrés  exigent  néces- 
sairement un  complément,  dés  qu'il  faut  assigner 
à  cette  signification  quelque  degré  délerminé. 
Tels  sont  les  noms  apiiellatifs,  les  adjectifs  et  les 
adverbes,  qui,  renfermant  dans  leur  signification 
une  idée  de  quantité,  sont  susccplilifes  do  ce 
qu'on  appelle  degrés  de  signification;  et  enfin 
tous  les  verbes  dont  l'idée  individuelle  peut  aussi 
recevoir  ces  différents  degrés.  Voici  des  exem- 
ples.- Livre  est  un  nom  ap|)cllalif;  h  significa- 
tion générale  en  est  restreinte  (juand  on  dit  un 
livre  nouveau,  le  livre  de  Pierre,  un  livre  de 
grammaire ,  un  livre  qui  peut  être  iili/e;  el 
dans  ces  phrases,  nouveau,  de  Pierre,  de  gram- 
maire, qui  peut  être  utile,  sont  autant  de  com- 
pléments du  nein  livre.  Savant  est  un  adjeeiif, 
la  signification  en  est  restreinte  quand  on  dii,  par 
exemple,  qu'un  homme  c%\.  peu  savant,  (juil  est 
fort  savant,  qu'il  est  plus  savant  que  sage,  (ju'il 
est  moins  savant  qu'un  autre,  etc.  Dans  toutes 
ces  phrases,  les  différents  compléments  de  l'ad- 
jectif savant  sonl  peu,  fort,  plus  que  sage, 
moins  qu'un  autre.  Il  en  est  de  même,  par  exem- 
ple, du  verbe  aimer  On  aime  simplement  et 
sans  détermination  de  degrés;  on  aime  peu , 
on  aime  beaucoup,  on  aime  ardemment,  on  aime 
plus  sincèrement,  on  aime  en  apparence,  on 
aime  avec  une  constance  qiie  rien  ne  peut  al- 
térer, voilà  autant  de  manières  de  déterminer  le 
degré  de  la  sisinification  du  verbe  aimer,  el  con- 
sèquemment  autant  de  compléments  de  ce  verbe. 
L'adverbe  sagement  peut  recevoir  aussi  divers 
compléments;  on  peut  dire  peu  sagement,  plus 
sagement  que  jamais,  aussi  sagement  qu'heu^ 
reusement,  sagement  sans  affectation,  etc. 

Les  mots  qui  ont  une  significaiion  relative 
exigent  de  même  un  complérnenl,  des  qu'il  faut 
délcrminer  l'idée  générale  de  la  relation  par  celie 
d'un  terme  conséquent.  Tels  sont  plusieurs  noms 
api«ellatifs,  plusieurs  adjectifs,  (pielques  adver- 
bes et  toutes  les  prépositions.  Exemples  de  noms 


154 


COM 


relatifs  :  Le  fondateur  de  Rome,  le  père  de 
Cicèron,  la  mère  des  Gracqucs,  etc.  Dans  tous 
ces  expiniilcs,  le  cumplcinent  commence  par  de. 
Exemples  d'adjectifs  rclitifs  :  Nécessaircà  larie, 
digne  de  louange,  facile  a  concevoir,  etc.  Fxeiii- 
ples  de  veibes  relatifs  :  Aimer  Dieu,  craindre 
sa  Justice,  aller  à  la  ville,  revenir  de  l'armée, 
passer  par  le  jardin,  ressembler  à  rjue/'/u'un,  se 
repentir  de  sa  faute,  commencer  à  Loire,  dé- 
sirer d'être  riihe,  eio.  (luand  on  dit  donner 
quelque  chose  à  quelqu'un,  recevoir  un  présent 
de  son  ami,  les  vcibes  donner  et  recevoir  ont 
chacun  (les  coniploincnls  qui  tonil)cnt  sur  l'idée 
de  la  relation  qu'ds  expriment,  exemples  d'ad- 
verlMîs  relatifs  :  Jlelativement  à  vos  intérêts,  in- 
dépendamment des  circnnstances,  quant  à  moi, 
pourvu  que  vous  le  vouliez,  conformément  «  la 
nature.  Ou.int  aux  prépositions,  il  est  de  leur 
essence  d'exiger  un  complément,  qui  est  un  nom, 
un  pronom,  ou  un  inliniiif. 

Un  mot  qui  sert  de  complément  à  un  autre  mot 
peut  lui-même  en  exiger  un  second  qui,  par  In 
jnêine  raison,  peut  encore  cire  suivi  d'un  troi- 
sième, auquel  unquairièmcsera  pareillement  sub- 
ordonné, et  ainsi  de  suite  ;  de  sorte  que  chaque 
complément  étant  nécessaire  6  la  plénitude  du 
sens  du  mot  qu'il  modilic,  les  deux  derniers  con- 
stituent le  complémonl  total  de  l'antépénultième, 
les  trois  premiers  font  la  totalité  du  comi)lémeiit 
de  celui  qui  précède  ranté|)énuliiéme,  et  ainsi  de 
suite  jus(|u'au  iircmiercomplémenl.qui  ne  remplit 
toute  sa  desiiiiation  qu'autant  qu'il  est  accom|)a- 
gné  de  tous  ceux  qui  lui  sont  subordonnés.  Par 
exemple,  dans  cette  phrase  :  Nous  avons  à  vivre 
avec  des  hommes  semblables  à  ?ious,  ce  dernier 
nous  est  le  complément  de  la  proposition  «  ,•  a  nous 
est  celui  de  l'ailjectif  semblables;  semblables  à 
nous  est  le  complément  total  du  nom  appelialif/e* 
hommes  ;  les  hommes  semblables  à  nous,  c'est  ia 
totalité  du  complément  de  la  préposition  des  ou  de 
les  ;  des  hommes  semblables  ci  nous,  esi  le  complé- 
ment total  d'un  nom  ap|)ellalif  sous-entendu,  par 
exemple,  la  multitude  ;  la  multitude  des  hommes 
semblables  à  nous,  c'est  le  couiplém<;nt  de  la  pré- 
position avec  ;  avec  la  7nvl/itude  des  hommes  sem- 
blables à  noM5,  c'est  celui  de  l'inlinilif  î7/r?-e;  v;'- 
vre  avec  la  multitude  des  hommes  semblables  à 
nous  est  la  lotalité  du  complément  de  la  jiréposi- 
tion  à;  à  vivre  avec  la  multitude  des  hommes 
semblables  à  nous,  c'est  le  complément  total  d'un 
nom  ai)pcllalif  sous-chlendu  qui  doit  exprimer 
l'objet  du  verbe  avons,  par  exemple,  oJii^a^io;/; 
ainsi  obUgalùin  à  vivre  avec  la  multitude  des 
hommes  semblables  d  nous  est  le  complément 
total  du  verbe  avons.  Ce  verbe,  avec  la  totalité  de 
son  complémenl,  est  l'attribut  total  dont  le  sujet 
est  nous. 

Il  suit  de  cette  observation  qu'un  complément 
I)eul  ctrecomplexeoii  incomplexe.  Le  complément 
est  incomplexc  quand  il  est  exprimé  par  un  seul 
mol,  qui  est  ou  un  nom,  ou  un  pronom,  ou  un 
adjectif,  ou  un  infinitif,  ou  un  adverbe,  comme 
dans  avec  soi7i,  pour  f^us, raison  favorable,  sans 
répondre  un  mot,  vivre  honnêtement.  I.e  com- 
plément est  complexe  quand  il  est  exprimé  par 
plusieurs  mots  dont  le  premier,  selon  l'ordre  ana- 
iytique,modiûe  immédiatement lemotantécédenl, 
et  est  lui-même  modilii'  par  le  suivant,  comme 
avec  le  soin  requis,  pour  nous  tous,  raison  favo- 
rable à  ma  cause,  sans  répondre  un  mot,  vivre 
fort  honnêtement. 

Un  même  mot,  et  spécialement  le  verbe,  peut 
admettre  autant  de  compléments  différents  qu'il 


COM 

peut  y  avoir  de  manières  possibles  de  déterminer 
sa  signification.  Voici  les  principaux  avec  les  noms 
qu'on  leur  donne. 

On  appelle  complément  oljeclif  celui  qui  ex- 
prime l'objet  sur  lequel  tombe  directement  le 
rapi>orl  énoncé  par  le  mot  complété.  Tel  est  le 
conqilémcnl  de  toute  préposition  :  A  moi,  chez 
nous,  envers  Dieu,  contre  la  loi,  pour  dire,  elc. 
Tel  est  aussi  lecomplémcnl  immédiat  de  tout  verbe 
actif  relatif  :  Aimer  la  vertu,  désirer  des  riches- 
ses, bâtir  une  maison,  teindre  une  étoffe,  etc. 

Plusieurs  verbes  relatifs  exigent ,  outre  le  com- 
plémenl objectif  qui  est  sans  préposition,  un  autre 
complément  indirect  qui  est  énoncé  par  une  pré- 
position; ce  dernier  ^"li[)[tQ\\c  co7nplément  relatif. 
Ainsi,  dans  celle  phrase,  dinner  un  livre  au  pu- 
blic, le  verbe  donner  exise  deux  compléments;  un 
livre,  qui  est  le  complément  objectif,  et  au  public, 
qui  est  le  complément  relatif.  Ces  deux  complé- 
ments sont  ce  que  les  grammairiens  appellent 
aussi  régime  direct,  et  régime  indirect.  Un  livre 
est  le  régime  direct  du  verbe  donner,  et  au  public, 
le  ri'giuie  indirect  de  ce  verbe. 

On  appelle  compléments  circonstanciels  de  lieu 
ceux  qui  expriment  des  circonstances  de  lieu, 
comme  vivre  à  Paris,  être  au  lit,  venir  de  Rome, 
partir  de  sa  province,  passer  pur  Lyon,  aller  en 
Italie  parvicr,  aller  en  Afrique,  passer  d'Angle- 
terre en  Ecosse. 

D'autres  compléments,  que  l'on  nomme  complé- 
ments auxiliaires,  expriment  l'iustruinent  et  les 
moyens  de  l'action  énoncée  par  le  mot  complété, 
comme  se  conduire  avec  précaution,  frapper  du 
bâton,  obtenir  un  empld  jjar  prolcctioîi,  etc.  On 
peut  encore  com])rendre  dans  celte  classe  ce 
qu'on  appelle  complément  matériel,  c'est-à-dire, 
celui  qui  exprime  la  matière  dont  une  chose  est 
faite  :  Une  statue  d'or,  une  fortune  cimentée  du 
sang  des  malheureux. 

On  nomme  complément  circonstanciel  de  cause 
celui  (pji  énonce  ime  cause  soit  efficiente,  soit  oc- 
casionnelle. Ainsi  quand  on  dit  j/n  tableau  peint 
par  Rubens,  par  Rubens  exprime  un  complément 
circonstanciel  de  cause.  On  apjX'lle  complément 
circonstanciel  de  fin,  celui  qui  énonce  une  cause 
finale,  comme  dans  Dieu  nous  a  créés  pour  sa 
gloire. 

On  appelle  simplement  modificatif  le  complé- 
ment ([ui  exprime  une  manière  particulière 
d'être,  qu'il  faut  ajouter  à  l'idce  princijyale  du 
mot  complété.  Ordinairement  cette  expression  est 
un  adverbe  de  manière  simple  ou  modifié,  ou  bien 
une  phrase  adverbiale  commençant  par  une  pré- 
position, comme  dans  vivre  honnêtement,  vivre 
conformément  aux  lois,  parler  avec  facilité. 

11  y  a  aussi  des  complétnents  circonstanciels 
de  temps;  ce  sont  ceux  qui  énoncent  ou  un  point 
fixe  dans  la  suite  continue  du  temps,  ou  une  durée 
dont  on  n'assigne  ni  le  commcncemenl  ni  la  fin, 
comme  dans  il  mourut  hier,  il  a  vécu  trente 
ans,  etc. 

11  est  indispensable  de  distinguer  les  différentes 
sortes  de  compléments,  afin  d'entendre  plus  nette- 
ment l'ordre  que  la  construction  peut  leur  assi- 
gner. Voici  les  règles  générales  qui  servent  à 
établir  cet  ordre. 

La  grammaire  générale  établit  une  règle  qui  est 
commune  à  presque  toutes  les  langues;  la  voici  : 

De  plusieurs  com|)lcineiits  (jui  tombent  sur  le 
même  mot,  il  faut  mciire  le  plus  court,  le  pre- 
mier après  le  mot  conqjlélé  ;  ensuite  le  plus  court 
de  ceux  qui  reslenl,  et  ainsi  de  suite  jusqu'au 
plus  long,  qui  reste  le  dernier;  exemple  :  Car- 


COM 

thage,  qui  faisait  la  qverre  avec  son  opulence 
contre  la  paiirreté  roviuinc,  avait  pur  cela  même 
dudésarantar/c.  (Moiilcsquicu,  Grandeur  et  dé- 
cadence des  B'iiiaijis,  cli.  iv.)  Dans  celle  propo- 
sition complexe,  le  vcibe  principal  avait  est  suivi 
de  deux  couipléinents;  le  premier  est  un  complé- 
menl  ciix'onstancicl  de  ciiusc^  par  cela  même,  le- 
quel est  |>liis  court  que  le  complémenl  ohjeclil'rfi/ 
désavantar/c,  (pii  en  conscciuenccest  placé  le  der- 
nier. Dans  la  proposition  incidente  (jui  fait  partie 
du  sujet  principal,  le  x^ïhc  faisait  a:  1"  un  com- 
plément objectif,  la  guerre;  2"  un  complément 
auxiliaire  qui  est  plus  loiiii,  (ivec  son  opulence; 
3°  cnlin,  un  coinitlcnienl  relatif  qui  est  le  plus 
long  de  tous,  contre  lu  pauvreté  romaine. 

La  raison  de  cette  régie,  c'est  que  dans  l'ordre 
analytique,  la  relation  d'un  complément  au  mot 
qu'il  complote  est  d'autant  plus  sensible  (pic  les 
deux  termes  sont  plus  rapprochés.  Or,  il  est  con- 
stant que  la  phrase  a  d'autant  plus  de  netteté  que 
le  rapport  mutuel  de  ses  parties  est  plus  marqué. 
Ainsi  il  importe  à  la  netteté  de  l'expression  de  n'é- 
loigner d'un  mot  que  le  moins  qu'il  est  possible 
ce  qui  lui  sert  de  complément.  Cependant,  quand 
plusieurs  compléments  concourent  a  la  détermi- 
nation d'un  même  terme,  ils  ne  peuvent  pas  tous 
le  suivre  immédiatement,  et  il  ne  reste  plus  qu'à 
en  rapprocher  le  plus  qu'il  est  possible  celui  qu'on 
est  forcé  de  tenir  éloigné  :  c'est  ce  fjue  l'on  fait 
en  mettant  d'abord  le  premier  celui  qui  est  le 
plus  court,  et  réservant  pour  la  fin  celui  qui  a  le 
plus  d'étendue. 

Si  chacun  des  compléments  qui  concourent  à 
la  détermination  d'un  même  terme  a  une  certaine 
étendue,  il  peut  encore  arriver  que  le  dernier  se 
trouve  assez  éloigné  du  centre  commun,  pour  n'y 
avoir  plus  une  relation  aussi  marquée  tpi'il  im 
porte  ;i  la  clarté  de  la  phrase.  Dans  ce  cas,  l'ana- 
lyse même  autorise  une  sorte  d'hyperbatc  qui, 
loin  de  nuire  à  la  clarté  de  renonciation,  sert  au 
contraire  à  l'augmenter,  en  fortifiant  les  traits  des 
rapports  mutuels  des  parties  de  la  phrase.  l'Ile 
consiste  à  placer  avant  le  mot  comjjlété  l'un  de  ses 
corEplcmcnts.  Ce  n'est  ni  l'objet,  ni  le  relatif; 
c'est  communément  un  complément  auxiliaire, 
ou  modificatif,  ou  de  cause,  ou  de  fin,  ou  de 
temps,  ou  dclieu.  .\insi,  dans  l'exemple  cité,  .Mon- 
tesquieu aurait  pu  dire,  en  transposant  le  complé- 
ment auxiliaire  de  la  proposition  incidente:  Car- 
thage,  qui  avec  son  opulence  faisait  la  guerre 
contre  la  pauvreté  romaine;  el  la  phrase  n'aurait 
été  ni  moins  claire;  ni  beaucoup  moins  harmo- 
nieuse. Peut-être  aurait-elle  perdu  quelque  chose 
de  son  énergie,  parla  séparation  des  termes  oppo- 
sés, son  opulence  et  la  pauvreté  romaine;  et  c'est 
probablement  ce  qui  a  assuré  la  préférence  au 
tour  adopté  par  l'auteur. 

Cette  règle  générale  étant  dictée  par  l'intérêt 
de  la  clarté,  si  son  observation  rigoureuse  y  était 
contraire,  il  faudrait  s'en  écarter.  Par  exemple,  la 
régie  veut  que  l'on  dise  :  L'Évangile  inspire  une 
piété  qui  n'a  rien  de  suspect  aux  personnes  qui 
veulent  être  sincèrement  à  Dieu;  mais  cette  con- 
struction présente  une  équivoque,  car  on  ne  voit 
pas  clairement  si  le  mot  personne  est  régi  par  le 
▼erbe  inspire,  ou  par  l'aujectif  suspect.  Ici  donc, 
l'observation  de  la  règle  faite  pour  la  plus  grande 
clarté  nuit  elle-même  à  cette  clarté.  11  faut  donc 
préférer  l'esprit  à  la  lettre,  et  s'écarter  de  la  règle 
pour  en  atteindre  le  but.  On  dira,  en  mettant  le 
complément  le  plus  long  le  piemier  :  L'Evangile 
inspire  aux  personnes  qui  veulent  être  sincère- 
ment à  Dieu  une  piété  qui  n'a  ric7i  de  suspect. 


COM 


135 


Celte  construction  ôte  l'équivoque,  mais  il  faut 
avouer  qu'elle  est  moins  claire  que  si  l'on  avait  pu 
suivre  la  règle  sans  inconvcnionl  ;  car  l'esprit  seul 
que  le  complément  objectif  est  trop  cloiL-né. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  aiiiilicpié  cetlc  règle 
qu'à  l'ordre  des  complémenis  dllféicnts  d'un 
mot,  mais  elle  doit  s'entendre  aussi  dos  parties 
intégrantes  d'un  même  complément  réunies  par 
quchiue  conjonction  Parmi  les  parties  iniégran- 
tes  d'un  même  compléinenl,  il  faut  prendre  celles 
qui  sont  les  plus  courtes  pour  les  i)lacer  les  pre- 
mières, et  réserver  les  plus  longues  pour  la  fin; 
et  il  faillies  placer  ainsi,  parccHcmême  raison  de 
netteté  (]ue  nous  avons  expliquée  tout  à  l'Iieurc, 
en  parlant  de  l'ordre  des  compléments  difrércnls 
d'un  même  mot.  Par  exemple,  dans  Dieu  agit 
avec  justice  et  par  des  voies  inejfubles,  voilà  un 
complément  comiiosé  de  deux  parues,  avec  jus- 
tice et  par  des  voies  iiieffuliles.  \.c  pî'emier  étant 
le  plus  court,  doit  obtenir  la  i)icmièie  i)la('e,  et 
l'on  sent  que  l'on  parlerait  mal  en  disant  :  Dieu 
agit  par  des  voies  incjfalles  et  avec  justice. 
Mais  si  cette  même  partie  que  l'on  plai.e  la  pre- 
mière, (larcc  (|u'elle  est  la  plus  couiie.  devenait 
plus  longue  par  quehiiie  a(liliii<m,  il  faudiail  la 
placer  la  dernière,  el  l'on  dirait  :  Dieu  agit  par 
des  voies  ineffables  et  avec  une  justice  que  nous 
devons  adorer  en  tremblant. 

C'est  par  cette  règle  ainsi  entendue  que  l'on 
découvrira  le  vice  de  la  phrase  suivante,  citée 
par  Vaugelas  :  Je  fermerai  la  bouche  ci  ceux  qui 
le  blâment,  quand  je  leur  aurai  montré  que  ta 
façon  d'écrire  est  excellente,  qiioiquclle  s'élffi- 
gne  un  peu  de  nos  anciens  poètes,  qu'ils  louent 
plutôt  pZ\  un  dégoût  des  choses  présentes  que 
par  les  sentiments  d'une  véritable  estime,  et 
•  pi'il  mérite  le  nom  de  poète.  Cette  derniéie  par- 
tie intégrante  de  la  totalité  du  comi>léinent  objec- 
tif est  déplacée,  parce  ([u'clle  est  la  plus  courte 
et  pourtant  la  dernière  I.a  relation  du  verbe 
montrer  à  ce  complément  n'est  plus  assez  sensi- 
ble; il  fallait  dire  :  Quand  je  leur  aurai  montré 
qu'il  mérite  le  nom  de  poêle,  et  que  sa  fiçon  d'é- 
crire est  excellente,  quoiqu'elle  s'éloigne,  etc. 

A  cette  règle,  que  l'on  peut  reganler  comme  le 
principe  fondamental  de  la  construction,  il  faut 
en  ajouter  quehpies  autres  ipii  concernent  en- 
core rarrangeineiit  tics  coinpléiiicnls. 

Si  les  divers  coinpléiiieiits  d'un  même  mot  ou 
les  différentes  parties  du  même  comiiloinenl  ont 
à  peu  près  la  môme  élendue,  il  faut  placer  le  plus 
près  du  mot  celui  des  coiniilémenis  auquel  il  a 
un  rapport  plus  nécessaire.  Or,  le  rapiiort  au  com- 
plément modificatif  est  le  plus  nécessaire  de  tous, 
puis  au  complément  objectif,  eiisiiile  la  relation 
au  complément  relatif;  les  autres  soiil  à  peu  prés 
à  un  degré  égal  d'importance.  Ainsi  il  faut  dire: 
L'Evangile  mspire  insensiblement  (complément 
modificatif)  la  piété  (complément  objectif  ou  ré- 
gime direct)  aux  fidèles  (coini»lémenl  relatif  ou 
régime  indirect). 

Une  autre  remarque  non  moins  importante, 
c'est  qu'il  ne  faut  jamais  rompre  l'unité  d'un 
complément  total,  pour  jeter  entre  ses  parties  un 
autre  complément  du  mémo  mot.  I.a  raison  de 
cette  règle  est  évidente.  H  ne  faut  pas  séparer  des 
parties  qui  représentent  un  objet  indivisible. 

C'est  dans  la  violation  de  celte  règle  que  con- 
siste le  défaut  de  quel<iues  phrases  censurées  jus- 
tement pa/  Thomas  Corneille.  Par  exemple  :  On 
leur  peut  conter  quelque  histoire  remarquable 
sur  les  principales  villes  qui  y  attache  la  mé- 
moire Il  est  évident  qu<5  ranteccdcnl  de  qui,  c  est 


i36 


COM 


quelque  hist  ire  remarquable.  Cl  que  iCl  anlécé- 
denl.  nvcc  la  iiroposilion  incidcnie  qui  y  attache 
la  mémoire,  cxj)iimc  une  idée  toUilc  qui  est  le 
complémoMl  objeclif  ou  le  réj-'imc  diiocl  ilu  verbe 
conter.  L'uiiilè  est  donc  rompuo  par  l'arrange- 
mcnl  de  celle  j)l)rase,  cl  il  fallait  dire:  On  peut 
leur  co}iter  sur  les  principales  villes  quelque 
histoire  remarquable  qui  y  attache  la  mémoire. 
C'est  le  iiièinc  déraiil  dans  cptie  |)lirasc  :  //  y 
a  un  air  de  vanité  et  d'affectation  dans  Pline  le 
jeune  qui  pâte  ses  lettres.  L'uiiilc  est  rompue,  et 
il  fallait  dire  :  Il  y  a  dans  Pline  le  jeune  un  air 
de  vanité  et  d'affectation  qui  gâte  ses  lettres.  On 
trouve  une  faute  de  la  mémo  espèce  dans  La 
Bruyère  [Des  Ouvrages  de  l'Esprit,  p.  26!)  :  Il 
y  a  des  endroits  dans  l'opéra  qui  laissent  en  dé- 
sirer d'autres.  11  devait  dire  :  Il  y  a  dans  l'opéra 
des  endroits  qui  en  laissent  désirer  d'autres. 

Beauzée,  dont  nous  avons  lire  cet  article  en 
très-grande  partie,  prétend  (jue  le  mot  de  régime, 
particulier  aux  langues  transpositives,  doit  éir(! 
banni  de  la  langue  française,  et  suppléé  par  le 
mol  de  complément.  Nous  n'entrerons  point  dans 
celle  discussion,  qui  est  étrangère  à  notre  objet. 
iNlais  cointne  le  mol  régime  est  emi)loyc  par  la 
plupart  des  graminairiens,  lorsqu'ils  parlent  de 
complément  objeciif  cl  relatif  des  verbes,  cl  (pi'ils 
appellent  1  un  régime  direct, ci  \'ù\\\Y(i régime  indi- 
rect; comme  d',i\\\eurscc  mol  nous  parait  cxpriincr 
clairement  les  rapports  du  verbe  avec  ses  complé- 
ments nécessaires,  et  qu'il  est  assez  indiflcrcnl  de 
quels  termes  on  se  serve,  pourvu  que  l'on  com- 
prenne bien  ceux  que  l'on  emploie,  nous  avons 
cru  devoir  conserver  le  mol  régime  pour  les  ver- 
bes seulement.  D'après  celte  remarque,  tous  les 
régimes  sont  des  compléments,  mais  tous  les  com- 
pléments ne  sont  pas  des  régimes.  Nous  ne  don- 
nerons ce  nom  q\i*aux  compléments  nécessaires 
des  verbes,  c'est  a-dire,  à  ceux  (juc  Beauzée  ap- 
pelle leur  complément  objectif  et  leur  complé- 
ment relatif.  Voyez  Bégimeci  Construction. 

Complet,  Complète.  Adj.  Il  suit  toujours  son 

subst.  :  Un  habit  complet,  vue  victoire  complète. 

Complètement.  Adv.  On  peut  le  mellre  entre 

l'auxdiaire  et  le  participe  :  L'ennemi  a  été  battu 

complétcfnenl,  OU  a  été  complètement  battu. 

Complexe.  Adj.  des  deux  genres.  ïeriïie  de  lo- 
gique et  de  grammaire.  Ce  mol  vient  du  latin 
complcxus,  qui  signifie  embrassé,  composé. 

I.e  sujet  d'une  préposition  est  complexe  lors- 
qu'il est  acconqiagné  de  quelque  adjectif  ou  de 
queUjue  autre  modilicatif.  11  est  opposé  au  sujet 
simple,  qui  est  énoncé  en  un  seul  mol.  Dans 
Alexandre  vainquit  Darius,  Alexandre  est  un 
sujet  simple.  Mais  si  je  dis  Alexandre,  fils  de 
Philippe,  ou  Alexandre,  roi  de  Macédoine , 
voilà  un  sujet  complexe.  Il  faut  bien  distinguer 
dans  le  sujet  complexe  le  sujet  personnel  ou  in- 
dividuel, et  les  mots  qui  le  rendent  sujet  com- 
plexe. Dans  l'exenqilc  ci-dessus,  Alexandre  est 
le  sujet  personnel  ;  fils  de  Philippe,  ou  roi  de 
Macédoine,  sont  des  mots  qui,  n'étant  point  sé- 
parés d'Alexandre,  rendent  ce  mol  sujet  com- 
plexe. 

L'attribut  d'une  proposition  peut  cire  aussi 
COm[)lexc.  Si  je  (.Us  Alexandre  vainquit  Darius, 
roi  de  Perse,  l'attribut  est  complexe. 

Les  propositions  sont  également  incomplexes 
ou  complexes,  selon  la  forme  de  renonciation  de 
leur  sujet  et  de  leur  attribut,  l'ne  proposition 
incomi)lexe  est  celle  dont  le  sujet  et  raltribut 
sont  également   incomplexes.    Une    proposition 


COM 

complexe  est  celle  dont  le  sujet  ou  l'attribut,  ou 

même  tous  les  deux  sont  complexes. 

Les  termes  se  divisent  en  simples  et  com- 
plexes. Les  termes  sinqilcs  sont  ceux  (|ui,  par  un 
seul  mot,  expriment  un  objel  quel  (pi'il  soit. 
Ainsi  Iiiime,Socrate,  homme,  ville,  etc.,  sont  des 
termes  simples.  Les  termes  complexes  sont  com- 
posés de  plusieurs  termes  joints  ensemble,  tels 
(|uc  un  homme  prudent,  un  corps  tra nspareni, 
Alexandre,  fils  de  Philippe,  CU\  Celle  addition 
se  fait  (jucbpiefois  par  un  adjectif  conjonclif, 
comme  si  je  dis  un  corps  qui  est  transparent, 
Alexandre  qui  est  fils  de  l'hilippe,  etc. 

Ce  (pril  y  a  de  rcmanpiable  dans  ces  termes 
complexes,  c'est  que  l'addition  (pic  l'on  fait  à  un 
terme  simple  est  de  deux  sortes,  l'une  qu'on  peut 
appeler  exi)licalive,et  l'autiedéierminaiive.  L'ad- 
dition est  explicative  (juand  elle  ne  fait  (juc  dé- 
velopper ou  ce  qui  était  enfermé  dans  la  com- 
préhension de  lidée  du  premier  terme,  ou  du 
moins  ce  qui  lui  convient  comme  un  de  ses  ac- 
cidents, pourvu  qu'il  lui  convienne  généralement 
cl  dans  toute  son  étendue  ;  comme  si'je  dis  l'hom- 
me,  quidésire  d'être  heureux,  ou  l'homme,  qui  est 
mo7-tel.  Ces  additions  ne  sont  que  des  explica- 
tions, parce  qu'elles  ne  changent  point  du  tout 
l'idi'e  {\'homme,  et  ne  la  restreignent  point  à  ne 
signifier  qu'une  partie  des  hoinmes,  mais  mar- 
quent seulement  ce  qui  convient  à  tous  les  hom- 
mes. Toutes  les  additions  dont  on  accompagne 
les  noms  qui  marquent  distinctement  un  individu 
sont  de  celle  sorte  :  Jules  César,  quia  été  le  plus 
grand  capitaine  du  monde  ;  Paris,  qui  est  la  plus 
belle  ville  de  l'Europe  ;  car  les  termes  indivi- 
duels, dislinclcmenl  exprimés,  se  prennent  tou- 
jours dans  toute  leur  étendue,  et  sont  déterminés 
aulanl  <pj'ils  peuvent  l'être. 

L'autre  sorte  d'addition,  qu'on  peut  appeler 
déterminalive,  a  lieu  quaml  ce  ((u'on  ajoute  à  un 
mot  général  en  reslrcint  la  signification,  et  fait 
(ju'il  ne  se  prend  plus  j^u»"  '.e  mot  général  dans 
toute  son  étendue,  inaissCiioment  pour  une  par- 
tie de  celle  étendue:  coinme  si  je  dis  les  corps 
transparents,  les  hoir-mes  savants,  un  animal 
raisonnable.  Ces  addilions  ne  sont  pas  de  sim- 
l)les  explications,  mais  des  délcrininations,  parce 
qu'elles  restreignent  I  étendue  du  premier  terme, 
en  faisant  que  le  mol  corps  ne  signilie  plus  qu'une 
partie  des  corps,  et  ain^i  des  autres 

On  peut  distinguer  de  plus  deux  sortes  de  ter- 
mes complexes  :  les  uns  dans  l'expression,  et  les 
autres  dans  le  sens  seulement.  Les  premiers  soûl 
ceux  dont  l'addition  est  exprimée;  les  derniers 
sont  ceux  dont  l'addition  n'est  point  exprimée, 
mais  seulement  sous-cnlcnduc ,  comme  quand 
nous  disons  en  France  le  roi;  c'est  un  terme 
complexe  dans  le  sens,  parce  <iue  nous  n'avons 
pas  dans  l'esprit,  en  prononçant  ce  mot  de  roi, 
la  seule  idée  générale  ipii  répond  à  ce  mot,  mais 
nous  y  joignons  mentalement  l'idée  du  roi  ré- 
gnant actuellement  en  France. 

Une  chose  plus  remaripialile  encore  dans  ces 
termes  complexes,  c'est  (piil  y  en  a  (]ui  sont  dé- 
terminés dans  la  vérllé  à  un  seul  individu,  et  qui 
ne  laissent  pas  de  conserver  une  ccriaine  univer- 
salité é(|uivoque,  qu'on  peut  ap|)elerune  équivo- 
que d'erreur;  parce  que  les  liommes  demeurant 
d'accord  que  ce  terme  ne  signilie  qu'une  chose 
unicpie,  faute  de  bien  discerner  quelle  est  véri- 
lableinent  cette  chose  unique,  l'appliquent  les 
uns  à  une  clio>e,  les  autres  a  une  autre;  ce  qui 
fait  qu'il  a  besoin  d'être  encore  déterminé,  ou  par 
diverses  circonstances,  ou  par  la  suite  du  dis- 


COM 

cours,  afin  que  Von  sache  précisémcnl  ce  qu'il 
signifie.  Ainsi  Icinol  (Icre/tjtV'/i  nesigiiilicijiriinc 
seule  et  unique  lelision;  ui;iis  parce  (]uc  cliaque 
peuple  cl  cIkkiuc  secle  cioil  que  sa  religion  est 
la  vérilalile,  ce  mol  est  trcs-cquivoqiic  ilans  la 
bouche  lies  hommes,  quoique  par  erreur;  et  si 
on  lil  ilans  nu  historien  (ju'un  prince  a  élé  zélé 
pour  la  vi'riiahlp  relii;ion,  on  ne  saurait  dire  ce 
qu'il  a  cnlcndu  par  la,  si  l'on  ne  sait  de  quelle 
religion  a  éié  cci  hisloricn.  Les  termes  complexes 
qui  sont  ainsi  é(pii\o(]ues  par  erreur  sont  prin- 
cipalemcnl  ceux  qui  reiifermenl  des  qualités  dont 
les  sens  ne  jugent  noinl,  mais  seulement  l'esprit, 
sur  lesquelles  il  est  facile,  par  conséquent,  que 
les  honunes  aient  tlivers  sentiments. 

Les  termes  de  comparaison  sont  aussi  sujets  à 
être  équivoques  par  erreur  :  l.e phis grand (,éù- 
mètre  de  Purix,  le  plus  savait/,  le  plus  adroit. 
Quoique  ces  termes  soient  déterminés  |)ar  des 
conditions  individuelles,  n'y  ayant  qu'un  seul 
homme  qui  soit  le  pins  grand  gi'oinètrc  do  Paris, 
néanmoins  ce  mot  peut  cire  lacilcment  attribué 
à  plusieurs,  parce  qu'il  est  fort  aisé  que  les  hom- 
mes soient  partagés  de  sentiment  sur  ce  sujet,  et 
qu'ainsi  plusieurs  donnent  ce  nom  à  celui  que 
chacun  croit  avoir  cet  avantage  par-dessus  les 
autres. 

Co.MPLExiTi':.  Subst.  f.  Ce  mol  nouveau  appar- 
tient particulièrement  à  la  logique  et  à  la  gram- 
maire; il  peut  être  utile  dans  un  grand  n<)mbre 
d'occasions;  il  signifie  la  qualité  de  ce  qui  est 
complexe.  Beau/ée  a  d'il  :  Jl  y  a  dans  chacun 
des  mots  d'une  langue  une  cnviplcxitè.  d'idées  qui 
est  la  source  de  tnus  les  inalenlendus. 

CoMPMCK.  Adj.  des  deux  geiu'es.  Il  régit  ordi- 
nairement la  préposition  de.  cl  se  |irend  toujours 
en  mauvaise  part  :  Complice  d'un  a.fsassin,  d'un 
voleur  ;  complice  d'un  assassinat,  d'un  vol. 

Co.MPLiMENï.  Subst.  m.  le  mol  de  compliment, 
dit  Vollaire,  ne  se  peut  recevoir  dans  la  tragédie, 
s'il  n'est  ennobli  i)ar  une  épilhèlc.  [Remarques 
sur  Corneille.) 

Il  y  a  une  nuance  entre  faire  compliment  à 
quelqu'un,  cl  complimenter  quelqu'un.  Elle  est 
plus  facile  à  saisir  (ju'a  définir.  On  complimente 
les  rois  dans  certaines  circonstances;  o?i  leur 
adresse  tin  compliment,  mais  on  ne  leur  fuit  pas 
U7i  compliment,  w:  des  compliments.  Faire  com- 
pliment,  c'est  l'éliciter;  faire  des  compliments 
OU  un  compliment,  c'ot  Taire  des  politesses  ou 
des  éloges.  Complimenter,  c'est  faire  une  haran- 
gue d'apparat,  un  discours  respectueux,  etc. 
ifiraimaire  des  Grammaires,  p.  1097.)  Voyez 
Complimenter. 

CojiPLni ENTER.  V.  a.  de  la  l"conj.  Ce  verbe 
ne  se  dit  guère  que  des  compliments  d'apparal  : 
On  compliuientc  un  roi,  un  prince,  à  son  pas- 
sage dans  une  ville.  On  complimente  un  géné- 
ral après  une  victoire  remportée.  Complimenter 
quelqu'un  régit  la  préposition  sur,  quand  l'ac- 
lion  de  complimenter  a  pour  objet  (lUcNiuc  fait, 
quelque  événement  :  On  le  complimenta  sur  le 
succès  de  son  entreprise.  Tous  les  corps  de  l'E- 
tat vinrent  complimenter  le  roi  sur  cette  glo- 
rieuse victoire.  —  Cumplimenler  ne  signifie  pas 
la  même  chose  que  faire  des  compliments,  ou 
faire  compliment.  —  Faire  des  compliments, 
c'est  dire  ou  écrire  à  queli|u'un  quchpie  chose 
d'agréable,  de  fiaticur,  en  lui  témoignant  l'estime 
qu'on  a  pour  lui,  l'idée  (pic  l'on  a  de  ses  bonnes 
qualités,  l'intércl  que  l'on  prend  à  ce  qui  le  tou- 
che :  Un  compliment  est  souvent  une  fadeur,  ou. 
une  inutilité,  ou  un  mensonge,  ce  qui  netnpêche 


COM 


137 


pas  que  ce  ne  soit  quelquefois  un  devoir. — Fair* 
des  cojnplimcnts  signifie  quelquefois  faire  des 
cérémonies,  faire  des'civiliiés,  disputer  de  civili- 
tés :  Laissons  là  les  compliments,  .^i/issons  sans 
compliment,  f^otre  ouvrage  m'a  paru  charmant, 
je  vous  le  dis  sans  complimcnl.  Je  vous  en 
fais  mon  compliment  se  dit  d'une  clioso  parli- 
culièrc  dont  on  l'èlicile  quehiu'un  :  F'ousl'HceM 
emporté  sur  tous  vos  rivaux ,  je  vous  en  fais  mon 
compliment.  F^ous  avez  obtenu  une  place  hono- 
rable, je  vous  en  fais  mon  compliment.  A'oycz 
Compliment. 

Co.MPLiQuf:,  CojiPLiouÉc.  .\dj.  On  dit  que  le  su- 
jet d'une  pièce  de  thcâlre  est  lro|)  compliqué, 
pour  dire  qu'il  n'est  pas  assez  simple,  ou  qu'il 
embrasse  des  événements  dont  la  liaison  n'est 
pas  assez  sensible. 

CoMPoiîTEP..  Y.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  :  Ce  sujet 
ne  ciintporlc  pas  tant  d'ornements.  Le  caractère 
d'ambassadeur  ne  comporte  pas  (\\\'ilen  use  au- 
trement. Il  s'est  bien  comporté,  il  s'est  mal  com- 
porté dans  cette  affaire.  Se  comporter  en  ami, 
en  homme  de  bien. 

Composé,  Composée.  Adj.  Ce  terme  est  souvent 
employé  en  grammaire.  On  dislingue  les  mots 
composés  et  les  mots  dérivés.  Les  mots  composés 
sont  ceu.K  qui  sont  formés  de  plusieurs  racines, 
comme  abaissement,  qui  est  formé  de  à  et  de  Jas. 
Un  mot  déri\é  est  formé  d'une  seide  racine,  avec 
quelque  différence  dans  la  terminaison,  comme 
forte  nient  de  fort.  Vu  mot  |)eut  être  à  la  fois  dé- 
rivé et  composé,  connue  abaissement,  dérivé  de 
abaissé,  <.\m  est  lui-même  dérivé  de  «  et  de  bas. 

La  plupart  des  subslantil's  composés  sont  écrits 
et  imprimés  sans  distinction  de  leurs  jiarties. 
Ainsi  on  écrit  immortel,  et  non  i)as  im-mortel; 
indépendant,  et  non  pas  in-dépendant.  Mais  il  y 
en  a  plusieurs  où  l'usage  exige  que  les  parties 
soient  séparées  par  un  tiret,  comme  passe-port, 
chef-d'œuvre,  arc-en-ciel,  etc.  La  inanièie  dont 
il  faut  indiquer  le  pluriel  de  ces  noms  est  encore 
indécise,  parce  que  les  grammairiens  ne  sont  pas 
d'accord  sur  ce  point,  et  que  l'Académie,  loin  de 
les  accorder,  se  contredit  souvent  dans  les  exem- 
ples qu'elle  donne. 

Cependant,  puiscjue  les  mots  qui  entrent  dans 
la  conq)osition  des  substantifs  composés  y  sont 
distingués  par  une  séparation,  il  parait  naturel  de 
les  considérer,  à  l'égard  du  nombre,  comme  s'ils 
étaient  entièrement  séparés,  et  de  leur  donner  ou 
non  la  marque  du  pluriel,  selon  que  leur  nature 
le  comiiorlc  ou  ne  le  comporte  jias. 

Les  mois  pcuveni  être  composés  de  deux  sub- 
stantifs, comme  dans  Hôtel-Dieu  ;  d'un  adjectif  et 
d'un  substantif,  comme  dans  petit-maître  ;  d'un 
verbe  et  d'un  substantif,  comme  dans  passe- 
droit;  d'un  verbe  et  d'un  adverl)e,  ou  de  deux 
verbes,  ou  de  deux  mots  invariables,  comme  dans 
passe-partout,  laisse  z-passer,  après-midi  ;  d'une 
jH-éposilion  ou  d'un  adverbe  cl  d'un  subslanlif, 
comme  dans  contre-coup,  vice-roi;  d'un  mol  (jui 
ne  s'emjdoie  pas  isolément  et  d'un  substantif  ou 
d'un  adjectif,  comme  dans  pie-grièche,  franc- 
alleu;  de  plusieurs  mots  étrangers  :  mezzo-ter- 
mine ,  uutn-da-fé ;  de  deux  substantifs  liés  |iar 
une  pré[)Osition,  comme  dans  chef-d'œuvre,  arc- 
en-ciel.  Examinons  la  nature  de  ces  mois  dans 
chacun  des  cas  que  nous  venons  d'indiquer,  et 
cherchons  les  règles  que  l'on  doit  suivre  pour 
leur  donner  ou  leur  refuser  la  marque  du  plu- 
riel. 

Dans  les  mots  composés  de  deux  substantifs, 
ordinairement  il  y  a  ellipse.  Par  e.xcmple  dans 


158 


COM 


Hôtel-Dicii  ,  Fcle-Diev,  garde-marine ,  hain- 
marie,  la  ])roi)OSiiion  de  csl  évidemment  sous- 
enleiidiie.  Car  un  Hôtel-Dieu  csl  un  liôlcl  de  Dieu; 
Fête-Dieu,  la  fclc  de  Dieu  ;  un  garde-marine, 
un  ^';iide  de  la  marine;  un  hain-marlc,  un  bain 
invenlé  par  une  fenimc  nomniée  Marie,  ou,  com- 
me d'aulrcsle  iHcicndonl,  un  bain  do  mer.  Or, 
oomine  dans  la  phrase  pleine  on  ne  donncrail 
jioinl  le  si|-'ne  du  pluriel  au  second  sulislanlif, 
on  ne  doit  pas  non  plus  donner  ce  signe  à  ce 
même  subslanlif  dans  la  |ilnase  eiliptitiue;  caria 
sous-enlcnic  li'un  mol  ne  ciianuc  rien  aux  rap- 
ports des  autres  mots  de  la  phrase.  On  dira  donc 
des  Hûlcls- Dieu,  pour  des  hôtels  de  Dieu;  des 
Fètes-Divu,  pour  des  fêtes  de  Dieu  ;  des  gardes- 
marine,  ]ioui'  des  cardes  de  la  marine  ;  des  hains- 
maric,  [lourdes  bahis  de  Marie. 

Quel(|uefois  rclli|>se  consiste  non-seulement 
dans  la  sujipression  de  la  préposition,  mais  aussi 
dans  celle  d'un  substantif  sur  lociucl  seul  doit 
tomber  la  pluralité.  Par  exemple,  quand  on  dit 
des  rcine-chiude,  le  mol  prunes  est  sous-en- 
tendu; c'est  ce  mot  seul  tjui  est  susccpliljle  de 
recevoir  la  maniue  du  pluriel ,  cl  la  phrase 
pleine  porte  des  prunes  de  la  reine  Claude.  Des 
dame -Jean  ne  si'^miic  des  bouteilles  de  la  dame 
Jeanne;  des  rosc-cnds,  des  clicvalicrs  distin- 
gués par  une  ruse  et  une  croix.  On  sent  que  dans 
tous  ces  exemples  la  pliiralilé  doit  tomber  sur  les 
substantifs  sous-entendus ,  et  que  les  autres 
mots  ne  doivent  pas  plus  prendre  la  mar- 
que du  pluriel  qu'ils  ne  la  prendraient  dans  la 
construction  pleine.  —  L'Académie  écrit  des 
reijies-claude  el  des  rose-croix;  elle  n'indique 
.  pas  le  [iluriel  des  autres  mois  doul  il  est  question 
dans  ce  paragraphe. 

Il  en  est  de  même  des  substantifs  composés  tête- 
a-tête,  pied-à-terre,  el  autres  semblables.  Des  têle- 
à-tête  veut  dire  des  conver.-alions,  des  entrevues 
où  l'on  est  létc  à  léte,  seul  «à  seul  ;  des  pied- 
à-terre  siïuilie  des  lieux,  des  logements  où  l'on 
met  le  pied  à  terre.  C'est  donc  sur  les  deux  mots 
sous-entendus  ,  entrevues  et  lieua; ,  que  doit 
tomber  la  pluralité,  et  non  sur  tête-à-tête  ou 
pied-à-terre,  qui  ne  sont  (jue  des  modifications 
ou  des  compléments  des  subslaniifs  sous-eu- 
lendus. 

Quand  un  substantif  est  composé  d'un  sub- 
stantif et  d'un  adjectif,  il  faut  examiner  si  la 
phrase  est  pleine  ou  si  elle  est  elliptique.  Dans 
le  premier  cas,  le  sens  tombant  directement  s,.,- 
le  substantif  modifié  par  l'adjectif,  l'un  el  l'autre 
sont  susceptibles  de  recevoir  la  marque  du  plu- 
riel :  Des  pelits-Titaîlres,  des  bas-reliefs,  des 
basses -ccurs,  des  hluncs-seings,  des  bouts-ri/nés, 
des  mortes-paijes,  des  plates-landes,  elc.  Mais 
lorsque  la  jibrase  est  elliptique,  de  manière  que 
le  substantif  sur  letpicl  tombe  la  pluralité  est 
sous-entciidu,  il  ne  faut  donner  la  marque  du 
pluriel  ni  au  substantif  exprimé,  ni  a  l'adjectif  qui 
lui  csl  joint.  Quand  on  dit  un  blanc-bec,  on  sent 
bien  que  le  sens  ne  tombe  point  sur  le  substantif 
lec,  mais  sur  un  jeune  homme  sans  expérience  à 
qui  l'on  donne  le  nom  de  blune-bcc.  Le  mol 
jeune  homme  est  donc  sous-cntendu ,  c'est  sur 
ce  mol  que  tombe  la  pluralité,  cl  l'on  doit  dire 
des  blanc-bec,  el  non  pas  des  blancs-becs.  11  eii 
est  de  même  du  mol  rouge-gorge.  On  ne  veut 
point  désigner  par  ce  mol  des  gorges  rouges,  mais 
des  oiseaux  (jui  ont  la  gorge  rouge;  el  c'est  sur 
le  mot  oiseau,  qui  est  sous-cntendu,  (pic  doit 
tomber  la  [iluralité.  11  faut  donc  dire  des  rouge- 
gorge,  cl  non  pas  des  rouges-gorges,  (luand  on  dit 


CO.M 

des  pont-neuf,  on  ne  veut  pas  exprimer  des  jDf>/i/«, 
mais  des  chansons  de  l'espèce  de  celles  que  l'on 
chante  sur  le  pont  Neuf.  Il  faut  donc  dire  des 
pont-nevf,  et  non  |)as  des  ponts-neufs ,  suppri- 
mant la  marque  du  pluriel,  comme  est  supprimé 
le  mol  chansons,  auquel  elle  ajjparlienl.  — 
L'Académie  écrit  des  ponts-neufs  el  des  rouges- 
gorges. 

Parmi  les  mots  composés  d'un  substantif  ei 
d'un  adjectif,  il  faut  placer  le  mot  chef-lieu. 
Quoi(|ue  le  mot  chef  ne  soit  employé  parmi  nous 
que  comme  substantif,  on  l'employait  autrefois 
adjectivement,  pour  signifier  principal.  C'est  en- 
core dans  ce  sens  qu'il  est  pris  dans  le  mot  chef- 
lieu;  et  par  conso(pient  il  faut  le  faire  accorder 
avec  Sun  substantif,  cl  dire  des  chefs-lieux , 
parce  qti'il  n'y  a  pas  d'ellipse,  et  que  la  pluralité 
tombe  directement  sur  Ztew. 

Dans  les  substantifs  composés  d'un  verbe  et 
d'un  substantif,  le  substantif  est  régime  direct  du 
verbe,  et  il  y  a  un  sujet  sous-entendu,  sur  lequel 
tombe  la  pluralité.  LU  abat-Jour  est  une  fenêtre 
qui  abat  le  jour;  un  abat-vent,  une  charpente 
qui  abat  le  vent;  un  boute-feu,  un  homme  qui 
boule  ou  met  le  feu  ;  un  coupe-gorge,  un  lieu  où 
l'on  coupe  la  gorge.  Dans  tous  ces  exemples,  la 
pluralité  tombe  sur  fenêtre,  charpente,  homme, 
lieu,  qui  sonl  sous-entendus.  Le  verl)C  ne  peut 
prendre  la  maniue  du  pluriel  propre  aux  sub- 
stantifs, c'esl-à-dire  un  s,  parce  que,  par  sa  na- 
ture de  verbe,  il  repousse  cette  manjuc. 

Quant  au  subslanlif  exprimé,  il  prendra  ou  ne 
prendra  pas  la  manjue  du  pluriel,  selon  qu'il  ex- 
prime un  singulier  ou  un  pluriel  dans  la  phrase 
pleine.  Ainsi  on  dira  des  abat-Jour,  des  abat- 
vent,  parce  qu'il  s'agit  d'objets  qui  abattent  le 
Jour,  (jui  abattent  le  vent;  el  non  pas  qui  abat- 
tent les  Jours,  qui  abattent  les  vents;  mais  on 
dira  des  chusse-mnuches  ,  des  casse-noisettes, 
parce  t}uil  s'agit  d'ustensiles  qui  servent  à  chas- 
ser les  mouches,  à  casser  les  noisettes,  et  non 
pas  à  chasser  une  mouche ,  à  casser  une  noi- 
sette. 

Lorsque  les  substantifs  sont  composés  d'un 
verbe  et  d'un  adverbe,  ou  de  deux  verbes,  ou  de 
deux  mois  invariables,  il  ne  peut  y  avoir  de  dif- 
ficulté. Qu'il  y  ail  ellii)se  ou  non,  on  ne  saurait 
donner  ia  marque  du  pluriel  particulière  aux 
noms,  c'est-à-dire  \c  s,  à  des  mots  qui,  par  leur 
nature  ,  ne  sont  point  susceptibles  de  recevoir 
celle  martiue.  On  ilira  donc  des  passe-partout, 
des  laissez-pusscr,  des  après-midi,  elc. 

Si  le  substantif  est  composé  d'une  préposition 
ou  d'un  adverbe,  cl  d'un  substantif,  ni  la  pré- 
position, ni  l'adverbe,  ne  peuvent  prendre  la 
marque  du  pluriel,  qu'ils  ne  prennent  jamais 
d'aucune  manière;  mais  la  pluralité  tombe  sur 
le  subslanlif  qui  les  suit,  parce  qu'il  n'y  a  point 
d'ellipse,  el  que  c'est  sur  le  seul  subslanlif  ([u'elle 
peut  tomber.  On  dira  donc  des  contre-coups,  des 
contre-marches,  des  contre-murs,  des  vice-rois, 
des  vice-amiraux,  des  semi-tons,  elc. 

Quelquefois,  il  entre  dans  la  composition  des 
substantifs  des  mois  qui,  employés  autrefois  iso- 
lément, ne  le  sont  plus  aujourd'hui  que  joints  a 
d'aulres  mois;  ces  mots  sonl  employés  dans  la 
composition  des  substantifs,  ou  comme  substan- 
tifs, ou  comme  adjectifs,  cl  par  conséquent  ils 
doivent  prendre  la  maniue  du  pluriel;  ainsi  on 
écrit  des pies-grièches,  parce  quc^/'/èc/ie  est  un 
vieux  mot  qui  ne  s'emploie  plus  seul.  C'était 
un  adjectif  qui  signifiait  inconunodc.  Ou  dit  aussi 
des  francs-alleux,  parce  {{u'alleux  csl  un  vieux 


COM 

nom  substantif  qui  ne  s'emploie  plus  seul,  mais  i 
qui  conserve  dans  le  mot  composé  franc-ulleu 
son  caractère  de  substantif. 

Il  y  a  des  subslanlils  composes  de  i)lusieurs 
mots  étrangers,  tels  que  Te-Dcvm,  mezzo-ter- 
mine,  auto-da-fé.  les  iiiar(]uos  du  pluriel  pour 
les  noms  étant  dilïércntes  dans  chaque  langue, 
il  serait  ridicule  d'appliquer  les  manpies  de  la 
nôtre  a  des  mots  qui  ne  sont  pas  faits  pour  les 
recevoir.  On  ne  donnera  donc  point  à  ces  mots  la 
gaarquc  du  pluriel,  par  la  même  raison  qu'on  ne 
4«  donne  point  aux  verbes,  aux  prépositions  et 
•WX  adverbes  français  (jui  entrent  dans  la  com- 

gisilion  des  substantifs.  On  écrira  donc  des  Te- 
eum,  des  mezzo-termine,  des  atito-da-fé,  etc. 
On  écrira  des  vasistas,  avec  un  s,  parce  (jue  ce 
mol  est  composé  des  trois  mots  allemands  was  is 
das,  et  que  le  dernier,  âas,  a  un  s  final  dans  la 
tangue  d'où  il  est  tiré. 

On  peut  appliquer  à  tous  les  cas  les  règles  que 
nous  venons  d'indiquer,  et  cette  application  se 
trouvera  toute  faite ,  dans  ce  Dictionnaire ,  à 
chaque  mot  composé  usité  dans  notre  langue. 
Voyez  Langue  française.  Sens. 

CojiPosEP..  y.  a.  cl  n.  de  lai"  conj.  L'Acadé- 
mie a  remarque  avec  raison  qu'on  dit  composer 
ses  gestes,  sa  mine  et  ses  regards,  etc.;  mais 
Féraud  a  eu  tort  d'ajouter  qu'on  dit  comjtoser 
son  visage  à  la  joie.  L'exemple  qu'il  en  rapporte 
est  lire  d'un  auteur  qui  ne  peut  faire  autorité. 

Compréhension.  Subsl.  f.  Bossuet  donne  à  ce 
mot  une  acception  que  les  dictionnaires  n'indi- 
quent point.  C'est  la  faculté  de  comprendre  en 
même  temps  dans  son  esprit  l'ensemble  d'une 
chose  compliquée  avec  tous  les  détails  qui  s'y 
ratlOcLicnl  :  Le  voyez-vous  covime  il  considère 
tous  les  avantages  qu'il  peut  ou  domier  oit  pren- 
dre! arec  quelle  vivacité  il  se  met  dans  l'esprit, 
en  vn  moment,  les  temps,  tes  lieux,  les  person- 
nes ;  et  non-seulement  leurs  intérêts  et  leurs 
talents,  mais  encore  leurs  limneurs  et  leurs  ca- 
prices!...  Rien  n'échappe  à  sa  prévoyance 

Avec  cette  prodigieuse  compréhension  de  tout  le 

détail  et   du  plan   universel  de  la  guerre 

{Oraison  fun.  du  prince  de  Coudé,  p.  307.) 

CoiipnENDRE.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4'  conj.  Il 
se  conjugue  comme /);-c/ic/re.  Voyez  ce  mot. 

11  faut  doubler  la  lettre  n,  toutes  les  fois  qu'elle 
doit  être  suivie  d'un  e  muet  :  Que  Je  comprenne. 

On  ditjV  comprends  qu'il  doit  être  fâché,  qu'il 
doit  être  en  colère  ;  je  ne  comprends  pas  que  c(da 
puisse  avoir  lieu.  On  voit,  par  ces  exemples, 
qu'avec  la  conjonction  que,  le  verbe  de  la  phrase 
subordonnée  est  mis  à  l'indicatif  quand  le  sens 
est  affirmatif ,  et  au  subjonctif  quand  le  sens  nsl 
négatif. 

Compris.  On  dit  adverbialement  y  compris, 
non  compris.  On  dit  il  donne  tous  les  ans  mille 
écus  aux  pauvres,  y  compris  ou  non  compris  les 
aumônes  extraordinaires  ;  cl  il  donne  tous  les 
ans  mille  écus  aux  pauvres,  les  uuviônes  e.vlra- 
ordinaircs  i/  comjjrises  ou  non  comprises.  Il  est 
vraisembiaiilc  que,  dans  le  itrcmier  cas,  l'ad- 
jectif place  avant  le  nom  se  rai)portc  à  ceci,  «pii 
esl  sous-entendu ,  ceci  compris;  et  que  placé 
après  le  nom,  il  en  prend  le  genre  et  le  nombre. 

Comptabilité.  Subst.  f.  Le  p  ne  se  prononce 
pas. 

Comptable.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  tou- 
jours son  subst.  On  ne  prononce  pas  \ep  :  Em- 
ployé comptable,  quittance  comptable. 

Au  figuré,  cet  adjectif,  appliqué  aux  personnes, 


COM 


130 


régit  a  ou  eyjreri- ;  ;q,pli,5,ié  aux  cliuses,  il  réeil 
de:  JNous  sommes  comptables  à  Dieu  ou  envers 
Dieu  de  toutes  nos  actions;  nous  sommes  comp 
tables  a  lu  patrie  de  nos  talents. 

CoMi-TE.  Subst.  m.  On  ne  i.rononcc  pas  le» 
On  dit  rendre  compte  à  quelqu'un  de  quelrL, 
chose;  mais  dans  cette  façon  do  parler  et  iions 
toutes  cellesoù  un  verbe  est  suivi  d'un  sut.scmiif 
sans  article,  on  no  peut  mettre  le  subsianiif  ;,'vant 
le  verbe.  Ces  mots  rendre  compte,  faire  qrùce 
avoir  raison,  demander  pardon,  ne  forinoni  en 
quelque  sorte  qu'une  seule  expression,  rendue 
par  une  construction  consacrée.  Si  l'on  rorunt 
cette  construction,  l'idée  disparail,  ou  du  moins 
ne  se  présente  plus  que  d'une  manière  forcée  On 
ne  peut  donc  pas  dire  cow/p/e  rendre  au  lieu  de 
rendre  compte  ;  grâce  faire  m  lieu  àc  faire  grâce- 
raison  avoir  an  lieu  de  avoir  raison  ;  pardon  dé- 
mander au  lieu  de  demander  pardon  C'est  donc 
avec  raison  qu'on  a  critiqué  ce  vers  de  Racine  : 

De  mille  autres  secrets  j'aurais  compte  à  voua  rendre. 
{Britann.,  act.  Ill,  se.  vii,  63.) 

1!  faut  dire  sans  adjectif  possessif  faire  compte 
sur  quelqu'un,  sur  quelque  cliose.  Faire  compte 
.■ittr,  c'est  compter. 

Faire  son  compte,  au  fiiïurc,  sisnifie  ou  être 
assuré,  être  persuadé,  et  alors  ri  régit  que;  ou 
prendre  la  résolution,  et,  dans  ce  cas,  il  est  suivi 
de  la  préposition  de.  Voltaire  a  dit  dans  le  pre- 
mier sens  {Indiscr.,  se.  xviii,  1)  : 

Oui,  croyez  ma  cousine,  e\.  faites  votre  comptt 
Que  ce  jeune  éventé  »ous  couvrira  de  lionfe; 

et  dans  le  second  sens  {Nan.,  act.  II,  se.  xii,  2)  : 

Vous  faites  donc  à  la  lin  votre  compte 
De  me  donner  la  baronne  pour  bru. 

Compter.  V.  a.  de  la  l«conj.  On  ne  prononce 
pas  \e  p.  On  dit  compter  pour  dans  le  sens  de  ré- 
l)Ulcr,  estimer.  Racine  emploie  souvent  cette  ex- 
pression : 

Quoi  !  lorsque  vous  voyez  périr  votre  patrie. 
Pour  quelque  chose,  Esther,  vous  comptez  votre  vie 
(EsM.,  act.  II,  se.  1,51.) 

Certes,  plus  je  médite  et  moins  je  rae  figure 
Que  vous  m'osiez  compter  pour  votre  créature. 

(Cntan.,  act.  I,  se.  ii,  25.) 

II  ne  faut  pas  imiter  Boileau,  qui  a  dit  en  ce  sen 
compter  rien  (Sat.  III,  58)  : 

Jloi  qui  ne  compte  rien,  ni  le  vin,  ni  la  cliére; 

ni  Corneille,  qui  a  dit  plus  mal  encore  coTnpter  à 
rien  [Poly.,  act.  VI,  se.  m,  47)  : 

Je  ne  vous  compte  à  rien  le  nom  de  mon  époux. 

On  dit  compter  au  nombre,  et  mettre  an  rang. 
C'est  donc  avec  raison  qu'on  a  critiqué  les  vers 
suivants  de  Racine  [Mithrid.,  act.  I,  se.  i,  1J5)  : 

Et  l'on  sait  que  toujours  h  Colcliide  et  ses  princes 
Ont  compté  le  Bosplior«  au  rang  de  leurs  provinces. 

CoMPTOiE.  Subst.  m.  l.c  p  ne  se  prononce  pas. 

Comté.  Subst.  Ce  mot  élait  autrefois  féminin, 
il  a  été  ensuite  masculin  et  féminin.  Aujourd'hui 
on  le  fait  toujours  masculin,  si  ce  n'est  en  parlant 


140 


CON 


de  l'ancienne  province  de  France  (jue  l'on  nom- 
me la  franche- Comlé. 

CoNCKiT,  (loNctPTiON.  DaHS  CCS  deux  mots  ou 
prononce  le  p. 

Concernant.  Ce  mot  est  le  pnrticipe  présent  du 
verbe  concerner,  dont  on  a  fait  une  proposillini; 
et  par  consc(nit'nl  il  no  cliangc  point,  cl  ne  prend 
ni  le  fcininin  ni  le  |)iuricl  :  Une  loi  concernant  les 
patenlcs,  cl  nun  i)as  concernante. 

CoNCKRTÉ,  C.ONCKRTÉK.  Part.  Cl  adj.  Onà\lvne 
entreprise  bien  concertée,  des  gens  bien  coucrv- 
tés,  des  înesures  concertées.  A  ollaire  a  dit  une 
énigme  concertée  [OEd.,  act.  1,  se.  i,  51)  : 

Le  monstre  chaque  jour,  dans  Tbèbe  épouTantce, 
Proposait  une  énigme  avec  art  concertée. 

CoNcrnTO  Subst.  m.  Ce  mot,  emprunte  de  l'i- 
talien, ne  prend  point  de  *  au  pluriel  :  Des  con- 
certo. 

CoNCKTTi.  Subst.  m.  C'est  un  mot  emprunte 
de  l'ilaiicn,  qui  ne  prend  point  de  s  au  pluriel. 

Concevable.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Cela  est  concevable. 
Une  telle  audace  iiest  pus  concerahlc. 

CoNcnoïnE,  Conchyliologie,  Conchyliolociste, 
CoNCHYTE.  Dans  ces  ipialre  mois  A  se  prononce  k. 

Conciliant,  Conciliante.  Adj.  verbal  tiré  du 
verbe  concilier.  11  ne  sc  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  espHt  conciliant. 

CoNciLiATEuu.  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme,  on  dil  conciliatrice. 

Ce  siibsiaiuif  s'emploie  adjectivement  en  par- 
lant des  choses  :  Les  femmes  nous  enseigne7it 
cette  éloquence  persuasive  et  conciliatrice  qui 
convient  ù  la  société.  (.Marmontel.) 

Concis,  Concise.  Adj.  Il  se  met  ordinairement 
après  son  subst.  :  Un  discours  concis,  un  style 
concis  A'uye/.  Luconiqrie. 

Concision.  Subst.  f.  Qualité  de  ce  qui  est  con- 
cis. 

Concldant,  Concluante.  Adj.  verbal  tiré  du 
verbe  conclure.  11  suit  toujours  son  subst.  :  Un 
argument  concluant,  xine  raison  concluante. 

Conclure.  V.  a.  el  irrégulier  de  la  4"  conj.  11 
se  conjugue  de  la  manière  suivante  : 

Indicatif. — Présent.  Je  conclus,  tu  conclus,  il 
canclui;  nous  concluons,  vous  concluez,  ils  con- 
cluent.—  Imparfait.  Je  concluais,  lu  concluais, 
il  concluait;  nous  concluions,  vous  concluiez,  ils 
concluaient. — Passé  simple.  Je  conclus,  tu  con- 
clus, il  coiulul;  nous  conclûmes,  vous  conclùies, 
ils  conclurent. — Futur.  Je  conclurai,  tu  conclu- 
ras, il  conclura;  nous  conclurons,  vous  conclu- 
rez, ils  concluront. 

Condilionncl. — Présent.  Je  conclurais,  tu  con- 
clurais, il  conclurait;  nous  conclurions,  vous 
concluriez,  ils  concluraient. 

Imiiciatif.  —Présent.  Conclus,  qu'il  conclue  ; 
concluons,  concluez,  qu'ils  concluent. 

Subjonctif. — Présent.  Que  je  conclue,  que  tu 
conclues,  qu'il  conclue;  ipie  nous  concluions, 
que  vous  concluiez,  qu'ils  concluenl  —  finpar- 
fait.  Que  je  conclusse,  (lue  tu  conclusses,  tpi'il 
conclut;  que  nous  conclussions,  que  vous  con- 
clussiez, (pi'ils  conclussent. 

Participe.— /"reiCrt^  Concluant. — Passé.  Con- 
clu, conclue. 

Les  temps  composés  sc  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

Ce  verbe  se  dit  ordinairement  des  personnes. 
On  le  dil  pourtant  quelquefois  des  passages,  des 


CON 

preuves  «pi'on  allègue  :  Cet  argument  conclut 
bien,  cette  preuve  ne  conclut  pas.  Mais  alors  ce 
verbe  sc  dit  aipsolumcnt  el  sans  régime. — Cepen- 
dant Pascal  a  dit  dans  ses  Pensées  p.  140)  :  Cette 
impuissance  ne  conclut  autre  chose  que  la  fai- 
blesse de  notre  raison,  pour  dire  :  De  cette  im- 
puissance on  ne  peut  conclure  autre  chose 
que,  etc. 

Dans  le  sens  affirinatif,  ce  verbe  exige  l'indica- 
tif à  la  proposition  subordonnée:  //  conclut  delà 
que  vous  livcz  tort.  Dans  le  sens  négatif  ou  intcr- 
rogalif  il  demande  le  subjonctif  :  Ne  concluez 
pas  de  là  que  /'aie  tort.  Conclurez-vous  de  là 
que  j'iiic  tort? 

Curncillc  a  dit  {Cin.,  act.  I,  sc.  m,  23)  : 

Voici  le  jour  heureux 
Qui  doit  conclure  enfin  nos  desseins  généreux. 

Le  mot  dessein,  dit  Voltaire,  ne  convient  pas  à 
conclure  :  il  me  semble  qu'o«  conclut  une  affaire, 
un  traité,  un  inarché ;  <]uc  Vo?i  consomme  un  des- 
sein, qu'on  l'exécute,  qu'on  l'effectue.  Peut-être 
que  le  mot  remplir  eût  été  plus  juste  et  plus 
poétique  que  conclure.  [Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

Conclusion.  Subst.  f.  C'est  ainsi  qu'on  appelle 
en  logique  la  proposition  qu'on  avait  à  prouver 
el  qu'on  aéduil  des  principes.  On  donne  aussi  ce 
même  nom  généralement  en  logicpie,  en  inétaphy- 
siijue,  en  morale  et  en  jibysique  sculastiiiue,  aux 
diiïérenles  propositions  qu'on  y  déinonhe,  el  aux 
démonstrations  que  l'on  emploie  a  cet  effet. 

CoNCLusivE.  Adj.  f.  Terme  de  graminaire.  Il  se 
dil  des  conjonctions  dont  on  se  sert  pour  tirer  une 
induction,  une  conséquence  de  quelque  proposi- 
tion piécédente.  Or,  donc,  ainsi,  sont  des  con- 
jonctions conclusivcs. 

Co.NcoBDANCE.  Subsl.  f.  Tcrmc  de  grammaire. 
On  entend  par  ce  mot  runiforinité  ou  ressem- 
blance qui  doit  sc  trouver  dans  la  même  proposi- 
tion ou  dans  la  mcnic  énoncialion,  entre  ce  qu'on 
appelle  les  accidents  des  mots,  tels  que  le  genre, 
le  nombre  et  la  personne;  c'cst-à-diie  (pic  si  un 
substantif  cl  un  adjectif  l'onl  un  sens  partiel  dans 
une  proposition,  et  qu'ils  concouicnt  ensemble  à 
former  le  sens  total  de  celle  proposition,  ils  doi- 
vent être  au  ni^mc  genre  et  au  même  nombre  : 
c'est  ce  ijui  s'ai-peUe  concordance  ou  accord.  Les 
grammaiiietis  français  distinguent  la  concordance 
de  radjeclilet  du  subslanlif,  (jui  doivent  s'accor- 
der en  genre  et  en  nombre;  et  celle  du  sujet  avec 
le  verbe,  (jui  doivent  s'accorder  en  personne  et 
en  nombre.  Voyez  Accord. 

Concourir.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  2"  conj.  Il 
se  conjugue  comme  courir.  11  rc;il  à  devant  les 
noms  el  les  verbes:  Tout  concon-l  à  ma  ruine. 
Ils  ont  tous  concouru  à  le  perdre,  .l'ai  concouru. 
à  faire  réussir  cette  entreprise.  On  dit  concourir 
avec  quelqu'un  :  Il  a  concouru  avec  moi  à  faire 
réussir  cette  entreprise.  11  régit  p.iw/-,  en  parlant 
(riinc  chose  ipie  l'on  s'efforce  d'obtenir  :  //  a  con- 
couru [>onvlc  prix-  de  l'Académie.  Ces  deux  piè- 
ces ont  concouru  jjour  le  prix. 

CoNCRKT.  Adj.  i'crine  de  grammaire.  C'est  le 
corrélatif  d'aisfra «7  (voyez  ce  mot);  il  se  met  tou 
jours  après  son  subst.  :  Terme  concret. 

Concubine.  Subsl.  f.  L'Académie  donne  ce  mol 
comme  une  cx|)ression  du  langage  ordinaire.  La 
définition  (pi'clle  eu  donne  peut  induire  les  ctran 
gcrs  en  erreur.  C'est,  dil-cllo,  celle  (jui,  n'étant 
point  mariée  avec  un  houimc,  vit  avec  lui  comme 
si  elle  était  sa  femme.  D'après  cela  il  ne  serait 


CON 

pas  éfonnnnl  qu'un  Allemnml  dit  en  parlniit  d'un 
homme  tnii  vji  ;ivoc  une  femme  (ju'il  n';i  poiiu 
épcusce,  i\u'il  rit  uvcc  une  concvhine,  (]u'i7  en- 
tretient vne  concubine;  ce  qui  serait  lics-ii<ii- 
cule.  Concubine  est  un  terme  de  jurisprudence 
mi  de  murale  eliréiiennc.  11  en  est  de  mémo  du 
mot  concuhiHdqe.  —  \  oici  un  passage  des  Prii- 
cieuses  ridicules  (se.  v)  (lui  semble  contraire  à 
celte  opinion  :  Madei.on.  La  belle  galanterie  que 
la  leur!  Quoi,  dcbuler  d\ibnrd  par  le  inaria//e? 
— GoRGiBLS.  El  par  où  veux-tu  donc  qu'ils  débu- 
tent ?  par  le  concubinayc? 

Co^cur.REjiMEM.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Ils  ont  agi  concurremment. 

CoNDAVNAiîLR.  Adj.  dcs  dcux  gcnrcs.  On  ne 
prononee  jwint  le  w.  On  peut  le  mettre  avant  son 
subsU,  (piand  l'analogie  et  l'harmonie  le  permet- 
tent :  Une  action  condamnable,  un  homme  con- 
damnable ;  cette  condamnable  action. 

Condamnation.  Subst.  f.  On  ne  prononce  point 
le  m. 

Condamner.  X.n.  de  la  l'"  conj.  On  ne  prononce 
pas  le  7«.  On  dit  condamner,  être  condamné  à 
une  peine  ;  être  condamné  par  vn  tribunal. 

Dans  le  sens  de  blâmer,  désapprouver,  on  dit 
itre  condamné  de  : 


CON 


\\\ 


0  ciel  ! 


notre  amour  est  condamné  dt  toi. 

(Rac,  Baj.,  act.  I,  se.  iv,  86.) 


Ce  mot  signifie  souvent  que,  par  la  nature  des 
choses  ou  des  circonstances,  on  est  prive  pour 
toujours  de  linéique  avantage,  ou  soumis  a  (]ucl- 
que  nécessité  fàclicuse.  C'est  ainsi  qu'on  dit  je 
suis  condamne  à  ne  plus  vous  voir.  Je  suis  con- 
damné à  Souffrir  toute  ma  rie. 

Condescendance.  Subst.  f.  Avoir  delà  condes- 
cendance ])ouv  quclqii'u7i.  Devant  un  inlniitif,  il 
régit  à  :  Sa  condescendance  à  pardonner  les  fau- 
tes qu'il  devait  punir. 

L'Académie  le  définit,  complaisance  qui  fait 
qu'on  se  rend  aux  sentiments,  aux  volontés  de 
quelqu'un. — La  condescendance  n'est  pas  la  com- 
plaisance. La  condescendance  fait  (ju'on  se  re- 
lâche de  sa  sévérité,  des  droits  rigoureux  de  son 
autorité,  de  sa  supériorité,  de  sa  liberté,  de  sa 
volonté,  pour  se  prêter  aux  faiblesses,  aux  défauts 
d'autrui.  ],a  complaisance  est  une  disposition 
d'esprit  par  laquolle  on  s;icrifie  sa  volonté  à  celle 
des  autres,  dans  la  vue  de  leur  plaire.  Il  faut  de  la 
complaisance  pour  tous,  Ct  de  la  condescendance 
pour  les  faibles,  jiour  les  infortunés,  pour  les 
gens  que  l'on  eni|iluie.  Avec  de  la  cojuplaisance 
on  est  d'un  connncrce  doux,  avec  de  la  condes- 
cendance on  est  d'un  commerce  commode. 

Condescendant,  Condescendante.  Adj.  verbal 
tire  du  v.  condescendre.  C'est  l'Académie  (jui  a 
formé  cet  adjcciil'.  Il  n'est  [)oint  usité. 

Condescendre,  V.  n  de  la  4'  conj.  Ce  n'est  pas, 
comme  le  dit  l'Académie,  se  rendre  aux  senti- 
ments, à  la  volonté  di?  (juelqu'un  :  c'est  se  relâ- 
cher de  sa  sévéï'ité,  des  droits  rigoureux  de  son 
autorité,  de  sa  supériorité,  de  sa  liberté,  de  sa  vo- 
lonté, |iour  se  préicr  aux  faiblesses,  aux  goùls, 
aux  défauts  de  (picliiu'un.  Celui  (lui  se  rend  aux 
senlimenls,  a  la  volonté  de  son  supérieur,  ne  con- 
descend pas. 

Conditionné,  Conditionnée.  Adj.  Il  se  dit  des 
marchandises  ipii  ont  les  conditions  requises.  Il 
est  ordinairement  accompagné  des  adverbes  bien 
ou  vtal  :  Des  marchandises  b\cn  conditionnées, 
mal  conditionnées. 


Conditionnel  Adj.  que  l'on  prend  aussi  sub- 
stantivement. Qui  dépend  de  certaines  condi- 
tions. 

En  termes  de  grammaire,  on  appelle  condition- 
nel un  mode  du  verbe  dont  les  toin|is  expriment 
l'aflirmation  avec  di'pendance  d'une  condition. 

Ce  mode  a  plusieurs  temps.  Je  ferais,  ipie  les 
grammairiens  appellent  le  conditionnel  présent, 
est  un  présent  ou  un  futur,  suivanl  les  circonstan- 
ces du  discours,  et  on  peut  remployer  sans  dé- 
terminer aucune  époque  :  Je  ferais  actuellement 
votre  aff7iire,  si  vous  in'en  aviez  parlé  plus  tôt, 
est  un  [irésent  ;  je  ferais  votre  affaire  aranlqu'û 
fût  peu,  si  elle  dépendait  unii/uement  de  moi, 
est  lin  futur;  enfin  je  ferais  vn  rnjage  à  Rome, 
si  j'étais  plus  jeune,  est  un  futur  dont  l'époque 
peut,  à  notre  choix,  être  ou  n'être  pas  délcrniinée. 
En  général,  celle  forme  exprime  presque  toujours 
un  futur  ;  Je  l'attends,  il  m'a  promis  qu'il  vien- 
drait ;  viendrait  est  pour  viendra,  et  l'usage  le 
préfère  parce  que  l'exécution  de  ce  (pTon  promet 
dépend  toujours  de  quelques  conditions  expri- 
mées ou  supposées. 

Au  passé  on  d\l  j'aurais  fait  votre  affaire,  si 
vous  m'en  aviez  parlé,  ou  j'eusse  fait  votre  af- 
faire, sivoxis  m'en  eussiez  parlé.  La  différence 
entre  ces  deux  temps  consiste  en  ce  que  j'aurais 
fuit  manpie  plus  particulièrement  le  temps  où 
l'affaire  aurait  été  entreprise,  ct  \\\\c  j'eusse  fait 
mar(|ue  pins  iiarliculicremeni  le  temps  où  elle  eût 
été  finie;  j'aurais  fait  signifie,  je  me  serais  oc- 
cupé a  faire  ;  j'eusse  fait  signifie,  l'affaire  serait 
faite. 

On  dit  encore  j'aurais  eu  fait,  et  c'est  un 
passé  antérieur  à  un  autre  passé  :  Si  vous  m'a- 
viez écrit,  j'aurais  eu  fait  votre  affaire  avant 
que  vous  fussiez  ari~ivé.  Dans  cet  exemple, 7"'aM- 
ruis  eu  fuit  est  antérieur  à  avant  que  vous  fus- 
siez arrivé,  qui  l'est  lui-même  à  l'époque  ac- 
tuelle. Voyez  Modes. 

Résumé. 

Présent  ou  futur.  —  Je  ferais. 
Ce  temps  peut  être  un  présent  ou  un  futur,  sui- 
vant les  circonstances. 

Passé.  —  J'aurais  fait. 
Ce  passé  marque  pariiciilicrement  le  temps  où 
l'affaire  aurait  été  entreprise. 

Passé. — J'eusse  fait. 
Ce  passé  manpie  particulièrement  le  temps  où 
l'affaire  eût  été  finie. 

Passé  antérieur. — J'aurais  eu  fait. 
C'est  un  passé  antérieur  à  une  é[)oque  qui  est 
elle-inéine  antérieure  à  l'époque  actuelle. 

CoNDiTioNNELLEMENT.  Adv.  Il  nc  sc  mct  gucrc 
qu'après  le  verbe  :  Il  a  promis  conditionnelle- 
vient. 

Conducteur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  fem- 
me, on  dit  conductrice. 

Conduire.  "V.  a.  de  la  4'  conj.  Racine  a  em- 
ployé ce  verbe  dans  des  ac'ceptions  (pi'on  ne 
trouve  point  dans  \c  Diction  nuire  del' Académie: 

Reconnoissez  Je»  coups  que  vous  aurni  eonduili. 
[Iphtg.,  ad.  V,  se.  ii,  96.) 

Que  ma  crédule  main  conduis»  le  couteau. 

[Idem,  aci.  111,  se.  TI,  Si.) 

Voltaire  a  dit  dans  la  Ilenriade  (IV,  233)  : 

Le  mensonge  .«ublil  qui  conduit  êe$  diteouri, 
De  la  vérité  même  empruntant  le  Secours. 


i42 


CON 


On  lit  dans  VIphigcniedc  Racine  (act.  11,  se.  i. 
4li7): 

Je  me  laissai  conduire  à  cet  aimable  gnide. 

On  a  remarqué  avec  raison  qu'il  serait  plus  exact 
de  dire  par  cet  aimable  guide,  car  se  laisser 
conduire  à  quelqu'un,  c'est  se  laisser  conduire 
auprès  de  quel<iu'un. 

Ce  mot  s'emploie  ligurément,  tant  au  sens  phy-  i 
sique  qu'au   sens  moral.'  On  dit,  par  exemple,  I 
qu  un  chcuiin,  i\\i'une  route  conduit  à  un  en-  \ 
droit,  qu'une  galerie  conduit  à  un  appartement, 
qu'une  avenue  conduit  à  un  château;  et  que  la 
vertu  conduit  au  bonheur,  le  vice  au  malheur  : 
Ce  poste  peut  conduire  très  aisément  uji  Iwmrne 
d'esprit  qui  est  sage,  à  des  emplois  et  à  des 
places  tiranlagcuses.  (Voltaire.) 

CoDuiTE.  Siii)st.  r.  Ce  nom  n'a  point  de  plu- 
riel, si  ce  n'est  en  lermcs  d'iiydraulique,  en  par- 
lant des  tuyaux  des  aqueducs  qui  conduisent  les 
eaux  d'un  endroit  à  un  autre. 

CoNFABDLATiON.  Subst.  f.  L'Académic  le  défi- 
nit, entretien  familier,  et  prétend  qu'il  ne  se  dit 
qu'en  plaisanterie.  11  sentit  difticilc  de  trouver 
dans  les  auteurs  un  exemple  de  cette  sorte  de 
plaisanterie.  —  Confabulaiion  est  un  vieux  mol 
qui  n'est  usité  ni  sérieusement  ni  en  plaisanle- 
rie.  On  peut  en  dire  autant  de  con fabuler. 

Confesse.  Subst.  Il  ne  prend  ni  genre  ni  arti- 
cle, et  ne  se  met  jamais  qu'avec  un  verbe,  comme 
aller  à  confesse,  être  ù  cojifesse,  revenir  de  con- 
fesse, retourner  à  confesse.  On  peut  regarder  à 
confesse  comme  une  expression  adverbiale. 

Confesser.  V.  a.  de  la  l'"  ci mj.  L'Académie  ne  le 
dit  que  des  personnes  qui  avouent  une  chose  qui 
a  rapport  à  eux.  On  le  dit  aussi  en  parlant  des  au- 
tres: 

Il  le  faut  confesser  à  sa  gloire, 
Son  ctEOT  n'enferme  point  une  malice  noire. 

(Rac,  Britan.,  act.  V,  se.  m,  27.) 

)Iais  tou3  ils  con/Vssoicnt  qnc  si  jamais  les  dieux 
Ne  mirent  sur  le  trône  an  roi  plus  glorieux, 
Également  comblé  de  leurs  faveors  secrètes, 
Jamais  père  ne  fut  plus  heureux  que  tous  l'êtes. 

(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  iv,  17.) 

CouFTANCE.  L'Académie  n'a  pas  dit  '.Etre  plein 
de  confiance  sur  les  discours  de  quelqu'un  ;  Ra- 
cine l'a  dit  [Bajaz.,  act.  I,  se.  m,  2U)  : 

Tingt  fois  lur  los  discourt  pleine  de  conSance. . . 

Il  semble  qu'il  y  a  de  la  différence""  entre  être 
plein  de  confiance  dans  les  discours  de  quel- 
qu'un, et  êtr^'  plein  dn  confiance  sur  les  discours 
de  quelqu'un.  Le  [iremier  parait  avoir  plus  de 
rapporta  la  sincérité,  à  la  vérité  des  discours; 
le  second,  à  la  sûreté  des  promesses.  On  peut 
dire  être  plein  de  confiance  sur  les  discours  de 
quelqu'un,  comme  on  dit  se  confier  sur  la  bonne 
foi,  sur  Véqvité  de  quelqu'un.  —  On  a  de  la  con- 
fiance en  quelqu'un,  dans  le  mérite  et  les  talents 
de  quelqu'un.  On  a  de  la  défiance  de,  et  de  la 
confiance  en.  Fonlenelle  a  donc  fait  une  faute  en 
écrivant  au  sujet  de  Corneille:  Il  fit  la  comédie 
de  Mélile,  qui  parut  en  d623. . .,  et  sur  la  con- 
fiance qu'on  eut  (lu  nouvel  auteur,  etc.  (Volt., 
Remarques  sur  la  f^ie  de  Corneille.) 

Copiant,  Codifiante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
confier.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
homme  confiant,  une  femme  confiante. 

CoNFiDniiMUNT.  Adv.  Il  ne  se  met  jamais  qu'a- 


CO-N 

près  le  verbe.  On  ne  dit  pas  je  lui  ai  confidem- 
■laent  écrit,  niaise»  lui  ai  écrit  confidcmment. 
Confident,  Confidente.  Subst.  Racine  a  dit  : 

Prêt  à  faire  sur  tous  éclater  la  vengeance 
D'un  geste  confident  de  notre  intelligence. 

(JBritan.,  act.  III,  se.  Tll,  3S.) 

Confident  est  mis  ici  pour  interprète. 

Confidentiel,  CoNFlDF,^TIELLE.  A<lj.  Il  suit 
toujours  son  subst.  :  Lettre  confidentielle,  note 
confidentielle.  Il  est  oppi-sé  à  officiel 

Confidentiellement.  Adv.  Il  se  met  toujours 
après  le  verbe  :  Il  m'a  dit,  il  m'a  écrit  confiden- 
tiellement, et  non  [las  il  m'a  confidentiellement 
dit,  ou  U  m'a  confidentiellement  écrit. 

Confier.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  du 
se  confier  en  la  providence  de  Dieu,  se  confier  en 
ses  amis  ;  mais  clic  ne  dit  |)as  se  confier  sur  la 
probité,  sur  l'équité  de  quelqu'un: 

Sur  l'équité  des  dieux  nous  osons  nous  confier. 

(Rac,  Phèd.,  ad.  V,  se.  i,  25.)' 

On  a  critiqué  avec  raison  ces  vers  de  Racine 
[Mithrid.,  act.  I,  se.  i,  65)  : 

Elle  trahit  mon  père  et  rendit  aux  Romainf 
La  place  et  les  trésors  confiés  en  ses  mains. 

On  dit  se  confier  en  quelqu'un,  et  confier  quel- 
que chose  à  quelqu'un. 

Confiner.  V.  a.  delà  1"  conj.  L'Académie  ne 
lui  donne  pas  un  sens  figuré,  ^'oltai^e  a  dit  dans 
sa  cinquantième  épltrc  (vers  13)  : 

Je  plains  tout  être  faible,  .iveugle  en  sa  manie, 
Qui  dans  un  seul  objet  con/î;io  son  génie. 

On  dit  aussi  se  confiner  :  Se  confiner  dans  une 
province. 

Confire.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4'  conj. 
Voici  comment  il  se  conjugue: 

Indicatif.  —  Présent.  Je  confis,  tu  confis,  il 
conlîi;  nous  confisons,  vous  confisez,  ils  confi- 
sent.—  Imparfait.  Je  confisais,  tti  confisais,  il 
confisait;  nous  confisions,  vous  confisiez,  ils  con- 
fisaient.—/'as^e  Jimp^c.  Je  confis,  tu  confis,  il 
confit;  nous  confimcs,  vous  confites,  ils  confi- 
rent.—F^/^/r.  Je  confirai,  tu  confiras,  il  confira; 
nous  confirons,  vous  confirez,  ils  confiront. 

Conditionnel. — Présent.  Je  confirais,  lu  confi- 
rais, il  confirait;  nous  confirions,  vous  confiriez, 
ils  confiraient. 

Impératif. — Présent.  Confis,  qu'il  confise; 
confisons,  confisez,  qu'ils  confisent. 

Subjonctif.— /'/v.çc/i/.  Que  je  confise,  que  tu 
confises,  qu'il  confise;  que  nous  confisions,  que 
vous  confisiez,  qu'ils  confisent.  —  L'imparfait 
n'est  pas  usité. 

Participe. — Présent.  Confisant. — Passé.  Con- 
fit, confite. 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

CONFIRMATIF,    CoNFIBMATIVE.  Adj.    11    SUit    tOU- 

jours  son  subst.  :  yJrrét  confirmatif,  sentence 
confirmalive. 

CoNFir.jiATiON.  Subst.  f.  Suivant  l'Académie, 
c'est  ce  qui  rend  une  chose  ferme  et  stable, 
Ainsi,  fors(iu'on  met  un  éiai  à  une  muraille, 
un  appui  à  un  mur,  un  tuteur  à  un  arbre,  on  y 
met  une  confirmation.  Il  n'y  a  [jcrsonnc  qui  ne 
sente  le  ridicule  de  cette  définition. 

CoNFiscABLE.  Adj.  dcs  dcux  gcurcs,  qui  secMt 
toujours  après  son  subst.  :  Des  marchandise* 
confiscubles 


CON 

CospiTEOR.  Subst.  m.  11  ne  prend  point  de  s 
2U  pluriel  :  Des  confileor.  On  prononce  l'e  l'er- 
mé,  quoiqu'il  ne  prenne  i);is  raccenl  ai^'u. 
L'Académie  ne  mel  poiiil  ccl  accent.  Pcul-èlro 
serait-il  mieux  de  le  mettre. 

Co^FITUP,lF.a.  Subst.  m.  CoNFiToniÈrE.  Subst.  f. 
C'est,  selon  l'Académie,  celui  ou  celle  qui  vend 
des  rondlures.  Ou  n'ai)i)clle  point  confiturier 
celui  qui  vend  des  conlilures,  mais  confiseur, 
marchand  confiseur. 

Conflit.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  point  le 
t  final. 

Co?ifo:hdre.  Y.  a.  delà  -i'conj.  Confondre  n'est 
pas  précisément  convaincre  en  causant  de  la 
honte.  Confondre  -un  adomniateur,  ce  n'est  pas 
le  convaincre,  c'est  le  démasquer,  c'est  montrer 
qu'il  en  a  imposé  : 

Près  d'imposer  silence  à  ce  bruit  imposteur, 
Achille  en  veut  coiinaitrc  et  confondre  l'auteur. 

(Uac,  Iphi(j.,  act.  III,  se.  I,  9.) 

Se  confondre  signille  bien  se  troubler,  comme 
le  dit  l'Académie  : 

Dès  Tos  premiers  regards  je  Tai  vu  se  confondre. 
(Rac,  Vhéd.,  act.  II,  se.  I,  4i.) 

Conforme.  Adj.  dos  deux  genres.  Use  met  après 
son  subst.,  et  a  un  régime  exprimé  ou  sous-cn- 
tendu  avec  Ie(]ucl  il  est  joint  par  la  préposition  o.- 
La  copie  est  conforme  à  l'original. 

CoKFor.MÉjiENT.  Adv.  Cet  adverbe  étant  tou- 
jours suivi  de  la  jjrcposition  à,  ne  peut  se  placer 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe;  on  peut  le  mettre 
avant  ou  ajirés  le  verbe  :  J'ai  agi  conformément 
à  vos  intentions,  ou  conformément  à  vos  inten- 
'ions,  je  me  suis  transporté,  etc. 

CoNFOUMER.  V.  a.  de  lal"^  conj.  Il  s'emploie 
avec  le  pronom  personnel  :  Se  conformer  à  la 
volonté,  se  cou  furmer  aus  inclinations,  a ua;  fa- 
çons de  vivre  de  quelqu'un,  se  conformer  aux 
temps,  se  conformer  aux  lieux,  se  conforvier 
aux  circonstances. 

*  Confortable.  Subst.  m.  Anglicisme  très-intel- 
ligible et  très-nécessaire  en  français,  où  il  n'a  pas 
d'équivalent.  Ce  mot  exprime  un  état  de  com- 
modité et  de  bien-clrc  qui  approche  du  plaisir, 
et  auquel  tous  les  hommes  aspirent  naturellcmcnl 
sans  que  cette  tendance  puisse  leur  être  im- 
putée à  mollesse  et  à  rclàclieracnt  de  mœurs. 
C'est  le  but  de  l'épicurisine  bien  entendu,  dans 
sa  juste  acception,  c'est-à-dire,  de  la  véritable 
sagesse.  (Ch.  Nodier,  Examen  crit.  des  Dicl.) 

CoNFDS,  CcNFusE.  Adj.  Eu  prose,  il  se  met 
après  son  subst.  :  Un  bruit  confus,  des  cris 
confus.  Les  poètes  le  font  quclquelois  précéder: 

Au  lieu  de  cet  amas,  de  ce  confus  mélange. . . 

(Del.,  Jardins,  1,  19o.) 

Confus  appliqué  aux  personnes  récit  quelque- 
fois la  piC[>osili>)ïi  de  :  Il  se  retira  confus  de  su 
méprise. 

Conflsément.  Adv.  lise  met  après  le  verbe,  et 
jamais  entre  l'auxiliaire  et  le  parlicipe  :  J'en  ai 
entendu  parler  confusément,  et  non  pas  j'eîi  ai 
confu-iément  entendu  parler. 

Congé.  Subst.  m.  Permission  qu'un  supérieur 
accorde  à  un  inférieur  de  faire  quelque  chose. 
On  lit  dans  Corneille  {Cin.,  act.  III,  se.  m,  32)  : 

Et  je  ne  puis  plus  rien  que  par  votre  congé. 

Par  votre  congé  ne  se  dit  plus,  dit  Voltaire, 


CON 


143 


et  en  effet  ne  devait  pas  se  dire,  puisque  ce  mot 
vient  de  congédier,  qui  ne  signilicpas  permettre. 
[Remarques  sur  Corneille.) 

Conjectural,  Conjixturale.  Adj.  Il  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Preuve  conjecturale, 
science  conjecturale,  art  conjectural. 

Co^JlXTur.A^EMl;^T.  Adv.  'il  ne  peut  se  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe.  On  ne  dit  pas 
il  en  a  conjecturalemeni  parlé,  mais  il.  en  n 
parlé  conjecluralement. 

Conjointement.  Adv*  Ensemble,  l'im  avec 
l'autre  :  Jgir  conjointement.  11  régit  aussi  la 
préposition  avec  :  J'ai  agi  conjointement  avec 
eux.  Il  ne  peut  se  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe_  On  ne  dit  pas  nous  avons  conjointe- 
ment agi,  mais  nous  avons  agi  conjointement. 

CoNJONCTiF,  Conjonctive.  \A\.  qui  se  prend 
substantivement.  Terme  de  grannnaire  qui  se  dit 
particulièreaieiit  de  certaines  particules  ([ui  lient 
un  mot  à  un  autre  mot,  ou  un  sens  à  un  autre 
sens.  La  conjonction  et  est  une  conjonctive.  On 
l'appelle  aussi  copulative. 

Kl)  second  lieu,  le  mot  co?tjonctif  a  été  substi- 
tué par  (pielipics  grammairiens  a  celui  de  sub- 
jonctif, tpii  est  le  nom  d'un  mode  des  verbes, 
parce  tjue  souvent  les  temps  du  subjonctif  sont 
précédés  d'une  conjonction  ;  mais  ce  n'est  nulle- 
ment en  vertu  de  la  conjonction  que  le  verbe 
est  mis  au  subjonctif  :  c'est  uniquement  parce 
qu'il  est  subordonné  à  une  aflirination  directe, 
exprimée  ou  sous-entendue.  L'indicatifest souvent 
piécédc  de  conjonctions,  sans  cesser  pour  cela 
d'èlre  appelé  indicatif.  On  doit  donc  conserver  la 
dénomination  de  subjonctif.  L'indicatif  affirme 
directement  et  ne  suppose  rien;  au  lieu  que 
les  terminaisons  du  subjonctif  sont  toujours  su- 
bordonnées à  un  indicatif  exprimé  ou  sous- 
entendu.  Le  subjonctif  est  ainsi  api)elé  parce 
qu'il  est  toujours  dépendant  de  quel<pie  autre 
verbe  qui  le  précède.  Conservons  donc  le  terme 
de  subjonctif,  et  regardons-le  comme  un  mode 
adjoint  cl  dépendant  non  d'une  conjonction, 
mais  d'un  sens  énoncé  par  un  indicatif.  (Dumar- 
sais.)  Voyez  Subjonctif. 

Nous  avons  appelé,  d'après  Condillac,  adjec- 
tifs conjonctifs  les  mots  qui,  que,  dont,  lequel, 
laquelle,  quoique  tous  les  autres  grammairiens 
les  mettent  dans  la  classe  des  pronoms.  Voyez 
Adjectif. 

Conjonction.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire. 
On  donne  ce  nom  à  de  petits  mots  (jui  servent  à 
exprimer  la  liaison  (pic  l'esprit  met  entre  des  mots 
et  des  mots,  ou  entre  des  propositions  et  des 
jiroiwsitions.  Quand  je  dis  le  frère  et  la  sœur, 
et  est  une  conjonction  qui  annonce  que  je  lie 
ces  Acu\  mots  afin  de  les  rendre  ensemble  le 
sujet  d'une  proposition  qui,  par  celte  liaison, 
écpiivaudra  à  deux  propositions.  Le  frère  et  la 
sœur  sont  sages  équivaut  à  le  frère  est  sage,  la 
sœur  est  sage.  Il  en  est  de  même  lorsque  je  dis 
ni  le  frère  ni  la  sœur;  on  sent  ijne  je  considère 
ces  deux  noms  comme  le  sujet  d'une  même  pro- 
position, et  que  je  porte  lemémejugemcnlsurrun 
et  sur  l'autre,  avec  cette  différence  que  par  la 
conjonction  et  j'ai  annoncé  une  proposition  af- 
firmative, et  (pie  par  la  conjonction  «ij'annoncf 
une  proposition  négative. 

Deux  proiwsitioiis  ne  se  lient  que  par  les  rap. 
ports  (lu'clles  ont  l'une  à  l'aiilrc.  Une  proposi 
tion  se  lie-t-clle  à  une  précédente  comme  con- 
séquence ,  nous  avons  les  conjonctions  donc , 
ainsi;  comme  preuve,  car;  comme  opposé, 
mais,  cependant,  pourtant;  affirment-elles  en- 


144 


CON 


semble,  nous  avons  la  conjonction  et  ;  nient-elles 
ensemble,  ni;  afliiinenl  elles  séparcMncnt  ,  on 
soi-ie  que  des  deux  une  seule  puisse  èlrc  vraie, 
on.  U  y  a  autant  de  conjunclioiis  qu'il  y  a  de 
diffcicnccs  dans  les  points  de  vue  sous  tesiiuels 
noire  esprit  observe  un  rapport  entre  un  mol  et 
un  autre  mot,  ou  entre  une  pensée  et  une  autre 
pensée.  Ces  différences  sont  autant  de  manières 
particulières  de  lier  les  propositions  et  les  i)é- 
riodcs. 

Les  grammairiens  npp(?llent  cnnjntictinns  cnpii- 
hilivcs  celles  dont  la  l'onction  est  seulement  de 
li'T,  sans  ajouter  aucune  idée  particulière;  telles 
sont  et  cl  ni.  Ils  apiiellent  avgmeniutivcs  celles 
ipii  lient  par  une  idée  accessoire  d'accroisse- 
ment et  d'augmenlation ,  telles  ([ue  de  plus  , 
d'uillci'rs,  outre  que,  an  sui-phis;  allcmatires 
ou  disjotictires,Qc\\cs(\\i\  lient  en  marquant  al- 
ternative, distinction,  i)arlilion,  connue  on,  ou 
bien,  sinon,  tantôt;  hijpnthétif/iies  ou  condiiinn- 
nclles,  celles  qui  lient  en  marquant  une  condi- 
tion, une  supposition,  une  hypolhésc,  comme  si, 
soit,  pourvu  que,  à  moins  que,  quand,  sauf; 
adreisatives,  celles  qui  lient  en  faisant  servir 
l'une  à  conlre-balanccr  l'autre,  comme  mais, 
quoique,  combien  que,  encore  que,  loin  que,  au 
contraire,  au  lieu  de,  au  moins;  extensives , 
celles  qui  lient  par  extension  de  sens,  comme 
jusque,  enfin,  aussi,  même.,  tant  ;  périodiques, 
celles  qui  lient  en  marquant  une  circonstance  de 
temps,  comme  pendant,  durant  que,  tandis  que, 
tant  que,  aussitôt  que,  dès  que,  avant  que,  de- 
puis que  ;  cansatives,  celles  qui  lient  en  mar- 
quant la  cause  d'une  chose  ou  la  raison  pour- 
quoi on  la  fait,  comme  afin,  parce  que, puisque, 
car,  comme,  attendu  que,  de  même  que,  aussi; 
conclusives,  celles  (]ui  servent  a  déduire  une  con- 
séquence d'une  proposition  précédente,  comme 
donc,  vu,  par  conséquent,  c^est  pourquoi,  aussi, 
partant  ;  explicatives,  cc\lcs  qu\  lient  par  forme 
d'explication,  comme  comme,  savoir,  surtout, 
de  sorte  que,  ainsi  que,  do  façon  que,  c'est-à- 
dire  ;  transitives,  celles  (|ui  lient  en  marquant 
un  passage  ou  une  transition  d'une  chose  à  une 
autre,  comme  or,  au  reste,  après  tout,  de  là, 
quant  à. 

La  conjonction  que  est  d'un  grand  usage  dans 
la  langue  française.  L'abbé  Girard  la  nomme  cow- 
jonctioîi  conductive,  parce  qu'elle  sert  à  conduire 
le  sens  à  son  coniplémcnl.  Voyez  Que. 

Il  n'y  a  point  de  conjonction  (|ui  ne  suppose 
au  moins  un  sens  précédent;  car  ce  qui  joint 
doit  être  entre  deux  termes.  Mais  ce  sens  peut 
être  (luelipieiois  transposé,  ce  (jui  arrive  avec  la 
conjonction  conditionnelles,  qui  |»cut  fort  bien 
commencer  un  discours  :  Si  vous  êtes  utile  à  lu 
société,  elle  pourvoira  à  vos  besoins.  Ces  deux 
phrases  sont  liées  par  la  conjonction  si;  c'est 
comme  s'il  y  avait  la  société  pou rvoii-a  à  vos  be- 
soins si  roi/5  lui  êtes  utile.  Maison  ne  i)cul  pas 
connnenccr  un  discours  par  mais,  et,  or,  donc, 
etc.  S'il  arrive  (]u'un  discours  commence  ainsi 
en  apparence,  c'est  qu'il  est  censé  la  suite  d'un 
autre  (|ui  s'est  Iciui  antérieurement,  et  (|uc  l'ora- 
teur ou  l'écrivain  l'a  sous-entendu  poiu-  donner 
plus  de  véhémence  a  son  début.  C'est  ainsi  que 
Malherbe  commence  une  ode  à  Louis  XllI 
(liv.  II)  : 

Done  DQ  nouveau  labeur  à  tes  armes  s'apprélc 

Voyez  Dojic. 
La  place  des  conjonctions  dépend  de  celles 


CON 

qu'occupent  les  propositions  qu'elles  i)récédent. 
(Juand  une  phrase  est  composée  de  deux  pro- 
positions unies  par  une  conjonction,  l'harmonie 
et  la  clarté  demandent  ordinairement  (jue  la  i)lus 
courte  soit  placée  la  première  :  Lorsqu'on  est 
honnête  homme,  on  a  bien  de  la  peine  à  soup- 
çonner les  autres  de  ne  l'être  pas  Puisque  la 
nature  se  contente  de  peu,  ù  quoi  bon  une  table 
servie  avec  soviplnosilé  et  prufusinn?  Quand  on 
est  vertueux,  on  ne  peut  haïr  lu  partie  d'une 
religion  qui  ne  prêche  que  ht  vertu.  On  jilace- 
rait  mal  à  la  un  de  chacune  de  ces  phrases 
la  proposition  partielle  (|ui  les  commence.  On 
s'exprimerait  mal  si  l'on  .lisait  :  On  a  bien  de 
la  peine  ù  soupçonner  son  semblable  de  n'être 
pas  honnête  homme,  lorsqu'on  l'est  soi-même. 
On  ne  peut  haïr  la  partie  d'une  religion  qui  ne 
prêche  que  la  vertu,  quand  on  est  vertueux.  A 
quoi  bon  une  table  servie  avec  somptuosité  et 
profusion  ,  puisque  la  nature  se  contente  de 
peu? 

Nous  donnerons  à  l'article  de  chaque  conjonc- 
tion les  règles  (pi'ellcs  doivent  suivre,  et  les  ob- 
servations dont  elles  sont  siisceptihles. 

Conjugaison.  .Subst.  f.  L'inllnitif  exprime  le 
verbe  avec  abstraction  de  tous  les  accessoires 
relatifs  aux  modes  et  aux  temps  Kn  regardant 
celte  forme  comme  la  première  que  les  verbes 
ont  eue,  on  voit  que,  suivant  les  variations  dont 
elle  est  susceptible,  elle  ajoutera  différents  ac- 
cesjioires  à  la  signilicalion  des  verbes. 

Les  infinitifs  ont  des  terminaisons  différentes. 
Les  uns  se  lerininent  en  er,  comme  chanter;  en 
ir,  comme  emplir;  en  oir,  comme  recevoir;  en 
re,  comme  rendre.  Tiailcs  les  terminaisons  des 
inlinilifs  ])eu\  ent  se  rapporter  a  ces  quatre. 

On  a  observé  que  tous  les  verbes  dont  l'in- 
finitif se  termine  en  er  i)rem)ent  en  gc'néral  dans 
leurs  temps  et  dans  leurs  modes  les  mômes 
formes  qw'aimer;  en  conséquence,  on  a  regardé 
les  variations  de  ce  verbe  comme  le  modèle 
dc>  variations  de  tous  ceux  qui  se  terminent  de 
la  même  manière,  et  on  en  a  lait  une  classe  sous 
le  nom  de  preiTiière  conjugaison.  Ainsi  tous  les 
verbes  dont  l'inlinilif  est  terminé  en  er  sont  de 
la  in'cmière  conjugaison.  On  a  imaginé  de  même 
trois  autres  conjugaisons  ;  la  seconde,  dont  les 
infinitifs  sont  terminés  en  ir;  la  troisième,  dont  les 
infinitifs  sont  terminés  en  oir,  et  enfin  la  qua- 
trième, dont  les  infinitifs  sont  terminés  en  re. 

Conjuguer  un  verbe,  c'est  lui  faire  prendre 
successivement,  sur  le  modèle  d'un  verbe  qui 
sert  de  règle,  toutes  les  formes  (pie  produisent 
les  modes,  c'est-à-dire,  les  formes  de  l'indicatif, 
de  rinq)éralif,  du  conditionnel,  du  subjonctif, 
de  l'infinitif  et  du  participe. 

CluKpie  conjugaison  ayant  un  modèle,  on  re- 
garde connue  réguliers  tous  les  verbes  (ilii,  ayant 
à  l'infiDilif  la  môme  terminaison  que  celui  qui 
sert  de  règle,  se  conjuguent  exactement  de  la 
môme  manière.  Calmer,  par  exemple,  est  un 
verbe  régulier,  parce  (juc  dans  tous  ses  temps  et 
dans  tous  ses  modes  il  se  conjugue  comme  aimer, 
(jui  est  le  modèle  de  la  conjugaison  des  verbes 
dont  l'infinitif  est  terminé  en  er. 

On  api)elle  verbes  irréguliers  tous  ceux  dont 
les  variations  ne  sont  pas  conformes  à  celles  du 
verbe  (|ui  doit  servir  de  moible,  et  verbes  défec- 
tueux ceux  qui  manquent  de  (pielque  temps  ou 
de  (luehiue  mode.  .Hier,  par  exemple,  est  un 
verbe  irrègulicr  de  la  iiremière  conjugaison, 
parce  qu'il  ne  se  conjugue  i)as  conuac  aimer, 
quoique  sou  infinitif  soit  aussi  terminé  en  er 


CON 

FaiUir  est  un  verbe  défectueux  de  la  seconde 
conjugnisim,  ii.ircc  qu'il  n'est  en  nsiii-'c  qu'à  l'in- 
im\ùi'faillir.  cl  .mx  \n>si'<;  je  faillis,  f  ai  failli, 
j'avais  failli.  Qtirrir  est  i>liis  déloclueux  en- 
core; il  ne  se  «lit  «lii'à  rinlinilif. 

En  consiilciMiil  les  verbes  par  rapport  aux  con- 
jugaisons, il  y  en  a  donc  de  trois  espèces  :  les 
verbes  réguliers,  les  verbes  irrégxdiers,  et  les 
verbes  défectueux. 

Nousrcniaripierons,  dans  les  conjugaisons,  des 
formes  sinq)lcs  :  Je  fais,  je  fis,  je  sors,  je  sariis; 
et  des  formes  coinposcos  :  J'ai  fait,  j'avais  fait, 
je  suis  sirti,  j'étais  sorti. 

Les  verbes  avoir  cl  être,  qui  entrent  dans  les 
formes  coniposccs,  cl  (jui  se  joignent  au  participe 
passé,  se  nonimonl  verbes  auxiliaires,  parce  qu'ils 
concourent  à  la  foiinaiion  des  temps  composés. 
Jller  cs\.  aussi  un  verbe  auxiliaire  dans  la  forma- 
tion du  futur  prochain,  je  rais  faire;  et  venir 
en  est  un  autre  dans  la  formation  du  passé  pro- 
chain,/e  viens  de  faire. 

l.e  verbe  sulislanlif  être  peut  être  employé 
avec  le  participe  présent  :  Pierre  est  aimant;  ci 
avec  le  participe  passe  :  Pierre  est  aimé.  Il  est 
dans  ces  deux  phrases  le  même  verbe,  dont  le 
propre  est  d'exprimer  la  coexistence  de  l'attribut 
avec  le  sujet.  Or,  quand  on  <lit  Pierre  est  ai- 
mant, Pierre  est  le  sujet  de  laclion,  comme  il 
l'est  de  la  proposition;  c'est  lui  qui  agit.  Au  con- 
traire, il  n'est  [)lus  le  sujet  de  l'action  quand  on 
dit  Pierre  est  aimé.  11  en  est  l'objet;  il  n'agit 
donc  plus,  et  c'est  ce  qu'on  appelle  être  passif. 

Etre  aimant  renferme  deux  éléments,  auxquels 
on  peut  substiluei'  aimer,  verbe  adjectif  que  l'on 
peut  nonuner  verbe  d'action,  et  que  les  gram- 
iiiuiricns  nomment  verbe  actif. 

Etre  aimé  renferme  également  deux  éléments, 
auxquels  les  Latins  substituaient  amari,  verbe 
qu'ils  nommaient  passif,  parce  que,  dans  les  mo- 
des de  ce  ve :t)e,  le  sujet  est  l'objet  de  l'action. 
Notre  langue  ne  peut  rien  substituer  à  ces  deux 
éléments  ;  elle  n'a  donc  point  proprement  de  verbe 
passif.  En  cl'fet,  c'est  avec  les  participes  du  passé, 
joints  aux  dilférenlcs  formes  du  verbe  cire,  que 
nous  traduisons  les  verbes  passifs  des  Latins. 

Comme  on  a  nommé  verbes  actifs  ceux  dont 
l'aclion  se  icruiinc  à  un  objet  différent  du  sujet 
delà  |)ro|)osition,  et  verbes  passifs  ceux  dont  le 
sujet  de  la  proposition  est  l'objet  même  de  l'ac- 
tion,  les  verbes  actifs  et  les  verbes  passifs  ont 
emporté  l'idée  d'un  objet  sur  lequel  une  action 
se  termine.  Kn  conséciuence,  les  graunnairiens 
ont  appelé  verbes  neutres,  c'est-à-dire,  qui  ne 
sont  ni  actifs  ni  passifs,  tous  ceux  où  ils  ne 
voyaient  iioinl  d'action,  reposer,  dormir;  et  tous 
ceux  où  ils  voyaient  une  action  qui  ne  se  termi- 
nait pas  sur  un  objet,  marcher,  rire. 

Les  grammairiens  distinguent  encore  trois  es- 
pèces de  verbes:  des  reries  réfléchis,  dont  l'ac- 
tion réflécliit  en  (pielquc  sorte  sur  le  sujet  :  Je 
me  connais,  je  me  trompe  ;  des  verbes  récipro- 
ques, dont  l'action  réfléchit  allernativcment  d'un 
sujet  sur  un  autre  :  Pierre  et  Parti  se  battent  ;  en- 
fin des  voies  impersonnels,  qu'ils  appellent  ainsi 
parce  qu'ils  ne  s'emploient  ni  avec  la  première, 
ni  avec  la  seconde  personne  :  Il  faut,  il  pleut. 
(Condillac.) 

Après  avoir  renvoyé  le  lecteur  au  mot  Auxi- 
liaire, pour  prendre  connaissance  des  conjugai- 
sons des\erbes  qui  portent  ce  nom,  nous  allons 
donner  des  modèles  de  toutes  les  conjugaisons  de 
la  langue  française. 


CON 

Première  conjugaison  en  ER. 
Modèle,  Chanter. 


145 


Infinitif  —Chanter. 

Indicatif. — Présent.  Je  chante,  tu  chantes,  il 
chaule  ou  elle  chaule;  nous  chaulons,  vous  chan- 
tez, ils  chanteut  ou  elles  chanlcul.  —  Imparfait. 
Je  chanlais,  tu  chantais,  il  chanlailow  elle  chan- 
tait; nous  chantions,  vous  chantiez,  ils  clian- 
laient  ou  elles  chantaient.  — Passé  prochain.  Je 
viens  de  chanter,  lu  viens  de  chanter,  il  vient  de 
chanter  ou  elle  vient  de  chauler;  nous  venons  de 
chauler,  vous  venez  de  chauler,  ils  viennent  de 
chanter  ou  elles  viennent  de  chanter.  —  Passé 
prochain  antérieur.  Je  venais  de  chanter,  lu  ve- 
nais de  chanter,  il  venait  de  chauler  ou  elle  ve- 
nait declianler;  nous  venions  de  chauler,  vous 
veniez  de  cliauler,  ils  venaient  de  chauler  o?/  elles 
venaient  de  chanter.  —  Passé  prochain  posté- 
rieur. Je  vienilrai  de  chanter,  tu  viendras  de 
chanter,  il  viendra  déchanter  ou  elle  viendra  de 
chanier;  nous  viendrons  de  chauler,  vous  vien- 
drez de  chauler,  ils  viendront  de  chauler  ou  elles 
viendront  de  chanier. — Passé  simple.  Je  chan- 
tai, tu  chaulas,  il  clvanla  ou  elle  chanta  ;  nous 
chantâmes,  vous  chaniàles,ils  clianlèreut  ou  elles 
chantèrent. — Passé  composé  J'ai  chanu-,  tu  as 
chaulé,  il  a  chaulé  ou.  elle  a  chanté;  nous  avons 
chanté,  vous  avez  chanté,  ils  ont  chanté  ou  elles 
ont  clianté. —  Passé  antérieur  composé.  J'eus 
chanté,  tu  eus  chanté,  il  eut  chanté  ou  elle  eut 
chaulé;  nous  eûmes  chaule,  vous  eûtes  chanté, 
ils  eurent  chanté  ou  elles  eurent  chanté.  — Fu- 
tur antérieur  surcomposé.  J'ai  eu  chanti',  lu  as 
eu  chaulé,  il  a  eu  chanté  ou  elle  a  eu  chanté; 
nous  avons  eu  chanté,  vous  avez  eu  chanté,  ils 
ont  eu  chanté  0!/  elles  ont  eu  chanté. — Plusque- 
parfait.  J'avais  chaulé,  tu  avais  chanté,  il  avait 
chaulé  ou  elle  avait  chanté;  nous  aviuns  chanté, 
vous  aviez  chanté,  ils  avaient  chanté  ou  elles 
avaient  chanté. — -Futur  simple.  Je  chaulerai,  tu 
chanteras,  il  chantera  ou  elle  chantera;  nous 
chanterons,  vous  chaulerez ,  ils  chauleront  ou 
elles  chanteront.  —  Futur  composé.  J'aurai 
chanlé,  tu  auras  chanté,  il  aura  chaulé  ou  elle 
aura  chanté;  nous  aurons  chanlé,  vous  aurez 
clianté,  ils  auront  chaulé  ou  elles  auront  chanté 
— Futur  prochain.  Je  vais  chanier,  tu  vas  chan- 
ter, il  va  cliauler  ou  elle  va  chanter;  no\is  allons 
chauler,  vous  allez  chauler,  ils  vont  chauler  oj 
elles  vont  chanier. — Futur  prochain  antérieur. 
J'allais  chanier,  lu  allais  chanier,  il  allait  chan- 
ter o!^  elle  allait  chanter;  nous  allions  chantt 
vous  alliez  chanter,  ils  allaient  chanter  ou  eUo;. 
allaient  chanter. 

Conditionnel. — Présent  ou  futur.  Je  chante- 
rais, lu  chaulerais,  il  chaulerait  ou  elle  chante- 
rait ;  nous  chanterions,  vous  chanteriez,  ils  chan- 
teraient ou  elles  chanteraient. — Premier  passé. 
J'aurais  chanté,  lu  aurais  chanté,  il  auraitchanté 
ou  elle  aurait  chante;  nous  aurions  chanlé,  vous 
auriez  chanté,  ils  auraient  chanlé  ou  elles  au- 
raient chanté.— i'eco/ii/josst'.  J'eusse  chanté,  lu 
eusses  chanlé,  il  eût  chanlé  o;/  elle  eût  cJianlé; 
nous  eussions  chanlé,  vous  eussiez  chanté,  ils 
eussent  chanlé  ou  elles  eussent  chanlé.  —  Passé 
prochain.  Je  viendrais  de  chauler,  lu  viendrais 
de  chanter,  il  viendrait  de  chanter  ou  elle  vien- 
drait de  chanter;  nous  viendrions  de  chanter, 
vous  viendriez  de  chanier,  ils  viendraient  de 
chanier  OM  elles  viendraient  de  chanter. 

Impératif. — Présent  ou  futur  simple.  Chante, 

10 


$46 


CON 


qu'il  chnnlc  ou  qu'elle  chante  ;  cliantons,  elmn- 
tez,  qu'ils  chanlcut  ou  qu'oUoschnntonl. — Futur 
composé.  Aie  ciiaiilé,  qu'il  ail  chaulé  ou  »iii'clle 
ail  cliaiiié;  ayons  chanté,  qu'ils  aient  chanté  oti 
qu'elles  aient  chanté. 

Subjonctif. — Présent  ou  futur.  Que  je  chante, 
que  lu  chantes,  qu'il  chante  w  <iu'elle  chante; 
que  nous  chantions,  que  vous  chantiez,  ([u'ils 
chantent  ou  qu'elles  cliantenl. — Imparfait.  (Juc 
je  chant;i«6c,  (]ue  tu  chantasses,  qu'il  chantât  ou 
qu'elle  chaniàt;  (|uenous  chantassions,  que  vous 
chantassiez,  qu'ils  chantassent  om  qu'elles  chan- 
tassent.— Pusse.  <.Kie  j'aie  chanté,  que  lu  aies 
clianlé,  qu'il  ait  chanté  on  qu'elle  ait  chanté; 
que  nous  avons  chanté,  que  vous  ayez  chanté, 
qu'ils  aient  chanté  OH  qu'elles  aient  chanté. — 
P/uiçwf/iHr/fiii.Quej'eussechantéjque  tu  eusses 
chanté,  qu'il  eut  chanté  ou  qu'elle  eût  chanté; 
que  nous  eussions  chanté,  que  vous  eussiez 
chanté,  qu'ils  eussent  chanté  ou  qu'elles  eussent 
chanté. — Passé  prochain.  Oue  je  vienne  de  chan- 
ter, que  tu  viennes  de  chanter,  qu'il  vienne  de 
chanter  om  qu'elle  vienne  de  chanter;  que  nous 
venions  de  chanter,  que  vous  veniez  de  chanter, 
qu'ils  viennent  de  chanter  ou  qu'elles  viennent 
déchanter. — Passé  prochain  antérieur.  Que  je 
vinsse  de  chanter,  que  tu  vinsses  de  chanter, 
qu'il  vint  déchanter  oii  qu'elle  vint  de  chanter; 
que  nous  vinssions  de  chauler,  que  vous  vins- 
siez de  chanter,  qu'ils  vinssent  de  chanter  ou 
qu'elles  vinssent  de  chanter. — Fvtur  prochain. 
Que  j'aille  chanter,  que  tu  ailles  chanter,  qu'il 
aille  chanter  ou  qu'elle  aille  chanter;  que  nous 
allions  chanter,  que  vous  alliez  chanter,  qu'ils 
aillent  chanter  ou  qu'elles  aillent  chanter.— Fu- 
tvr  prochain  antérieur.  Que  j'allasse  chanter, 
que  tu  allasses  chanter,  qu'il  allât  chanter  ou 
qu'elleallàt  chanter;  ([ue  nousallassicns chanter, 
que  vous  allassiez  chanter,  qu'ils  allassent  chanter 
ou  (ju'elles  allassent  chanter. 

Participe.  —  Présent.  Chantant.  —  Passé. 
Chanté,  chantée.  Voyez  Irrégulier  et  Défec- 
tueux. 

Seconde  conjugaison  en  ir.. 
Modèle,  Emplir. 

Inlinitif.— Einjjlir. 

Indicatif.  —  Présent.  J'emplis,  tu  emplis,  il 
emplit  ou  elle  emplit;  nous  emplissons,  vous  em- 
plissez, ils  emplissent  ou  elles  emplissent. — Im- 
parfait. J'emplissais,  tu  emplissais,  il  emplissait 
OM  elle  emplissait;  nous  emplissions,  vous  em- 
plissiez, ils  emplissaient  ou  elles  emplissaient.  — 
Pasité  prochain  Je  viens  d'emplir,  tu  viens  d'em- 
plir, il  vient  d'cuii)lir  ou  elle  vient  d'emplir; 
nous  venons  d'ernplir,  vous  venez  d'emplir,  ils 
viennent  d'emplir  oî/  elles  viennent  d'emplir. — 
Passé  prochain  unlérieur.  Je  venais  d'emplir,  tu 
venais  d'emplir,  il  venait  d'emplir  ov  elle  venait 
d'cnq)lir;  nous  venions  d'emplir,  vous  veniez 
d'cmiilir,  ils  venaient  d'emplir  ou  elles  venaient 
d'emplir. — Passé  prochain  postérieur.  Je  vien- 
drai d'eini)lir,  lu  viendras  d'emplir,  il  viendra 
d'emplir  ou  elle  viendra  d'emplir;  nous  vien- 
drons d'cinplir,  vous  viendrez  d'emplir,  ils  vien- 
dront d'emplir  ou  elles  viendront  d'emplir.  — 
Passé  simple.  J'emiilis,  lu  cm|)lis,  il  emplit  ou 
elle  emplit;  nous  cm|ilimes,  vous  empliies,  ils 
emplirent  ou  elles  emplirent.  —  Passé  composé. 
J'ai  empli,  tu  as  empli,  il  a  empli  ou  elle  a  em- 
pli; nous  avons  empli,  vous  avez  empli,  ils  ont 
empli   ou  elles  ont   empli.  —  Passé  antérieur 


CON 

composé.  J'eus  empli,  tu  eus  empli,  il  eut  em- 
pli ou  elle  eut  empli  ;  nous  eûmes  cm]ili,  vous 
eûtes  empli,  ils  curent  empli  ou  elles  eurent  em- 
pli.—  Passé  antérieur  surcomposé.  J'ai  eu  em- 
l)li,  lu  a'^'^u  empli,  ii  a  eu  empli  ou  elle  a  eu  em- 
|)li;  nous  avons  eu  emi»li,  vous  avez  eu  empli, 
ils  ont  eu  enqili  ou  elles  ont  eu  emi)li.  — Plus- 
qucparfait.  J'avais  empli,  tu  avais  empli,  il  avait 
empli  ou  elle  avait  empli;  nn.is  avions  empli, 
vous  aviez  empli,  ils  avaient  emiili  ou  elles  avaient 
empli.  —  Futur  simple.  J'emjjlirai,  tu  em[)liras, 
il  emi>lirao)^  elle  emplira;  nous  en)y)lirons,  vous 
emiilirez,  ils  empliront  ou  elles  empliron*. — Fu- 
tur composé.  J'aurai  empli,  lu  auias  cmj)li,  il 
aura  empli  ou.  elle  aura  empli  ;  nous  aurons  em- 
pli, vous  aurez  empli,  ils  auront  empli  ou  elles 
auront  enq)li.  —  Futur  prochain.  Je  vais  ou  je 
vas  emplir,  tu  vas  emplir,  il  va  cmjiliro?/  elle  va 
emplir;  nous  allons  cmjilir,  vons  allez  emplir,  ils 
vont  emplir  ou  elles  vont  cm]  lir. —  Futur  pro- 
chain antérieur.  J'allais  emplir,  tu  allais  emplir, 
il  allait  emplir  01/  elle  allait  omiilir;  nous  allions 
emplir,  vous  alliez  emplir,  ils  allaient  emplir  ou 
elles  allaient  emplir. 

Conditionnel. — Présent  ou  futur  J'emplirais, 
lu  emplirais,  il  emplirait  ou  elle  emplirait  ;  nous 
emplirions,  vous  empliriez,  ils  empliraient  ou 
elles  empliraient. — Prcrnier  passé.  J'aurais  em- 
pli, lu  aurais  empli,  il  aurait  empli  ou  elle  aurait 
empli;  nous  aurions  empli,  vous  auriez  empli, 
ils  auraient  empli  ou  elles  auraient  empli.  —  Se- 
cond passé.  J'eusse  empli,  tu  eusses  empli,  il  eût 
empli  ou  elle  eût  empli;  nous  eussions  empli, 
vous  eussiez  empli,  ils  eussent  empli  ou  elles 
eussent  empli.  —  Passé  prochain.  Je  viendrais 
d'emplir,  tu  viendrais  d'emplir,  il  viendrait  d'em- 
plir o'  elle  viendrait  d'emplir;  nous  viendrions 
d'emplir,  vous  viendriez  d'emplir,  ils  viendraient 
d'emplir  o«  elles  viendraient  d'emidir. 

Impératif. — Présent  ou  futur  simple.  Emplis, 
qu'il  emplisse  ou  qti'elle  emplisse;  emplissons, 
emplissez,qu'ilsemplissent'iî/ qu'elles  emplissent. 
—  Futur  composé.  Aie  empli,  qu'il  ait  empli  ou 
qu'elle  ait  empli;  ayons  empli,  ayez  empli,  qu'ils 
aient  empli  ou  (lu'ellcs  aient  empli. 

Subjonctif. — Présent  ou  /"î//>?r.  Que  j'emplisse, 
que  tu  emplisses,  qu'il  eniplisse  ou.  qu'elle  em- 
plisse; <iue  nous  emplissions,  que  vous  emplis- 
siez, qu'ils  emplissent  ou  qu'elles  emplissent.  — 
Imparfait-  Que  j'emplisse,  que  tu  emplisses, 
qu'il  emplit  ou  qu'elle  emplit;  que  nous  e;nplis- 
sions,  que  vousemi)lissiez,  qu'ils  emjilisseiu  ou 
qu'elles  emplissent. — Passé.  ()uo  j'aie  empli,  que 
tu  aies  empli,  qu'il  ail  empli  ou  qu'elle  ail  em- 
pli ;  que  nous  ayons  emiili,  (pie  vous  ayez  empli, 
qu'ils  aient  empli  om  qu'elles  aient  empli. — Plus- 
queparfait.  Que  j'eusse  empli,  que  tu  eusses  em- 
pli, qu'il  eût  empli  ou  qu'elle  eût  empli;  que 
nous  eussions  empli,  que  vous  eussiez  empli, 
qu'ils  eussent  empli  ou  qu'elles  eussent  empli. — 
Passé  prochain.  Que  je  vienne  d'emplir,  que  tu 
viennes  d'emidir,  (ju'il  vienne  d'cmiiliroj/  qu'elle 
vienne  d'emplir;  (jue  nous  venions  d'emplir,  que 
vous  veniez  d'emplir,  qu'ils  viennent  d'em|)lir  ou 
qu'elles  viennent  d'emplir. — Passé  prochain  an- 
térieur. Que  je  vinsse  d'emplir,  que  tu  vinsses 
d'emplir,  qu'il  vint  d'emplir  om  qu'elle  vint  d'em- 
plir; que  nous  vmssions  d'emplir,  (pic  vous  vins- 
siez d'emplir,  qu'ils  vinssent  d'emplir  ou  qu'elles 
vinssent  d'emplir.  — Futur  prochain.  Que  j'aille 
emplir,  que  tu  ailles  emplir,  qu'il  aille  emplir  om 
qu'elle  aille  emplir;  que  nous  allions  emplir,  que 
vous  alliez  emplir,  qu'ils  aillent  emplir  ou  qu'elles 


CON 

aillent  emplir.  —  Fvtur prochain  antérieur.  Que  ■ 
j'alhisse  emplir,  que  lu  ;ilhsses  emplir,  (pi'il  allât 
emplir  ou  qu'elle  allât  ciuplir;  que  uous  allas- 
sions emplir,  que  vous  allassiez  cuiplir,  (ju'ils  al-  ^ 
hissent  emplir  OK  qu'elles  allassent  emplir.  I 

Participe.  —  Présent.    Emplissant.  —  Passé. 
F.mpli,  emplie. 

Troisième  conjugaison  eu  oir.. 

Modèle,  Recevoir. 

Infinitif.— Recevoir. 

IùAkaWL  —  Présent.  Je  reçois,  tu  reçois,  il 
reçoit  ou  elle  reçoit;  nous  recevons,  vous  rece- 
vez, ils  reçoivent  ou  elles  reçoivent. — Imparfait. 
Je  recevais,  tu  recevais,  il  recevait  ou  elle  rece- 
vait ;  nous  recevions,  vous  receviez,  ils  rece- 
vaient cm  elles  recevaient.  —  Passé  prochain.  Je 
viens  de  recevoir,  lu  viens  de  recevoir,  il  vient 
de  recevoir  «/m  elle  vient  de  recevoir;  nous  ve- 
nons de  recevoir,  vous  venez  de  recevoir,  ils 
viennent  de  recevoir  ou  elles  viennent  de  rece- 
voir. —  Passé  prochain  ajitérieur.  Je  venais  de 
iccevoir,  lu  venais  de  recevoir,  il  venait  de  rece- 
voir ou  elle  venait  de  recevoir;  nous  venions  de 
recevoir,  vous  veniez  de  recevoir,  ils  venaienl  de 
recevoir  ou  elles  venaient  de  recevoir.  —  Passé 
présent  postérieur,  .le  viendrai  de  recevoir,  tu 
viendras  de  recevoir,  il  viendra  do  recevoir  ou 
elle  viendra  de  recevoir;  nous  viendrons  de  re- 
cevoir, vous  viendrez  de  recevoir,  ils  viendront 
de  recevoir  ou  elles  viendront  de  recevoir.  — 
Passé  simple.  Je  reçus,  tu  reçus,  il  reçut  ou  elle 
reçut;  nous  reçûmes,  vous  reçûtes,  ils  reçurent 
ou  elles  reçurent.  —  Passe  composé.  J'ai  reçu,  tu 
as  reçu,  il  a  reçu  ou  elle  a  reçu;  nous  avons 
reçu,  vous  avez  reçu,  ils  ont  reçu  ou  elles  ont 
reçu. — Passé  antérieur  composé.  J'eus  reçu,  lu 
eus  reçu,  il  eut  reçu  ou  elle  eut  reçu  ;  nous  eûmes 
reçu,  vous  eûtes  reçu,  ils  eurent  reçu  ou  elles  eu- 
rent reçu. — PdssL  antérieur  surco/itposé.  J'ai  eu 
reçu,  tu  as  eu  reçu,  il  a  eu  reçu  ou  elle  a  eu 
reçu;  nous  avons  eu  reçu,  vous  avez  eu  reçu, 
ils  ont  eu  reçu  ou  elles  ont  eu  reçu. — Plusquo- 
parfait.  J'avais  reçu,  lu  avais  rc-u,  il  avait  reçu 
ou  elle  avait  reçu;  nous  avions  reçu,  vous  aviez 
reçu,  ils  avaient  reçu  ou  elles  avaient  reçu.  — 
Futur  simple.  Je  recevrai,  lu  recevras,  il  rece- 
cevra  ou  elle  recevra;  nous  rccevi-ons,  vous  re- 
cevrez, ils  recevronl  ou  elles  recevront. — Futur 
composé.  J'aurai  reçu,  lu  auras  reçu,  il  aura 
reçu  ou  elle  aura  reçu;  nous  aurons  reçu,  vous 
aurez  reçu,  ils  aur  .ni  reçu  ou  elles  auront  reçu. 
— Futur  prochain.  Je  vais  ou  je  vas  recevoir,  tu 
vas  recevoir,  il  va  ou  elle  va  recevoir;  nous  allons 
recevoir,  vous  allez  recevoir,  ils  vont  recevoir  ou 
elles  vont  recevoir.— Fk^;//-  prochain  antérieur. 
J'allais  recevoir,  lu  allais  recevoir,  il  allait  rece- 
voir ou  elle  allait  recevoir;  nous  allions  recevoir, 
vous  alliez  recevoir,  ils  allaient  recevoir  ou  elles 
allaient  recevoir. 

Conditionnel.  —  Prescrit  ou  futur.  Je  rece- 
vrais, lu  recevrais,  il  recevrait  om  elle  recevrait; 
nous  recevrions,  vous  recevriez,  ils  recevraient 
ou  elles  recevraient. —  Premier  passé  J'aurais 
reçu,  lu  aurais  reçu,  il  aurait  reçu  ou  elle  aurait 
reçu;  nous  aurions  reçu,  vous  auriez  reçu,  ils 
auraient  reçu  ou  elles  auraient  reçu. —J'eco;»/ 
passe.  J'eusse  reçu,  tu  eusses  reçu,  il  eût  reçu 
ou  elle  eût  reçu;  nous  eussions  roçu,  vous  eus- 
siez reçu,  ils  cus^enl  reçu  nu  elles  eussent  reçu. 
—  Passé  prochain.  Je  viendrais  de  recevoir,  lu 
viendrais  de  recevoir,  il  viendrait  de  recevoir  nu 


CON 


147 


elle  viendrait  de  recevoir;  nous  viendrions  de 
recevoir,  vous  vicn.lrioz  de  recevoir,  ils  viori 
(Iraient  ou  elles  viemlraicnt  de  recevoir. 

Impératif.— /'rcs<?/(<  ou  futur  simple.  Reçois, 
qu'il  reçoive  ou  qu'elle  reçoive;  recevons,  rece- 
vez, qu'ils  reçoivent  ou  (lu'elli'.^  reçoivent. — Fu- 
tur composé.  .\ie  reçu,  qu'il  ail  reçu  01/  ipielle 
ait  reçu  ;  ayons  reçu,  ayez  reçu,  qu'ils  aient  reçu 
ou  qu'elles  aient  reçu. 

Subjonctif.  —  Présent  ou  futur.  Que  je  re- 
çoive, que  lu  reçoi\es,  qu'il  reçoive  om  qu  elle 
reçoive  ;  que  nous  recevions,  (pie  vous  reccN  iez, 
«iu'ils  reçoivent  OM  qu'elles  reçoivent.  —  Impar- 
fait. (^)ue  je  reçusse,  que  tu  reçusses,  qu'il  reçût 
ou  qu'elle  reçût  ;  que  nous  reçussions,  (]ue  vous 
reçussiez,  qu'ils  reçussent  om  (lu'clles  reçussent. 
— Passé.  Que  j'aie  reçu,  que  lu  aies  reçu,  mi'il 
ail  reçu  ou  «pi'elleail  reçu;  cpie  nous  ayons  reçu, 
que  vous  ayez  reçu,  (ju'ils  -lient  reçu  ou  qu'elles 
aient  reçu.  — Plusqueparfait.  •,)ue  j'eusse  reçu, 
que  tu  eusses  reçu,  iju'il  eût  reçu  ou  qu'elle  eût 
reçu;  que  nous  eussions  reçu,  tpie  vous  eussiez 
reçu,  qu'ils  eussent  reçu  om  qu'elles  eussent  reçu. 
—Passé prnchain.  Que  je  vinsse  de  recevoir,  (pio 
tu  vinsses  de  recevoir,  (pril  vint  de  recevoir  om 
qu'elle  vint  de  recevoir;  que  nous  vinssions  de 
recevoir,  que  vous  vinssiez  de  recevoir,  qu'ils 
vinssent  de  recevoir  om  qu'elles  vinssent  de  rece- 
voir.— Futur  prochain .  Que  j'aille  recevoir,  que 
lu  ailles  recevoir,  qu'il  aille  recevoir  ou  qu'elle 
aille  recevoir;  que  nous  allions  recevoir,  (jue 
vous  alliez  recevoir,  qu'ils  aillent  recevoir  ou 
qu'elles  aillent  recevoir.  —  F'utur prochain  anté- 
rieur. Que  j'allasse  recevoir,  que  tu  allasses  re- 
cevoir, qu'il  allât  recevoir  ou  qu'elle  allât  rece 
voir;  que  nous  allassions  recevoir,  (jue  vous 
allassiez  recevoir,  qu'ils  allassent  recevoir  ou 
qu'elles  allassent  recevoir. 

Participe.  —  Présent.  Recevant.  —  Passé. 
Reçu,  reçue. 

Quatrième  conjugaison  en  re. 
Modèle,  Rendre. 

Infinitif. — Rendre. 

Indicatif. — Présent.  Je  rends,  tu  rends,  il  rend 
r>u  elle  rend;  nous  reiid<jns,  vous  rend"z,  ils  ren- 
dent ou  elles  rendent. — Imparfait.  Je  rendais,  tu 
rendais,  il  rendait  ou  elle  rendait;  nous  rendions, 
vous  rendiez,  ils  rendaient  ou  elles  rendaient.  — 
Passé  prochain.  Je  viens  de  rendre,  tu  viens  de 
rendre,  il  vient  de  rendre  ou  elle  vient  de  rendre; 
nous  venons  de  rendre,  vous  venez  de  rendre,  ils 
viennent  de  rendre  nu  elles  viennent  de  rendre. 
— Passé  prochain  antérieur.  Je  venais  de  ren- 
dre, II?  venais  de  rendre,  il  venait  de  rendre  ov. 
elle  venait  de  rendre  ;  nous  venions  de  rendre, 
vous  veniez  de  rendre,  ils  venaient  de  rendre  ov 
elles  venaient  de  rendre. — Passé,  prochain  pnsti~ 
rieur.  Je  viendi'ai  de  rendre,  lu  viendras  de  ren- 
dre, il  viendra  de  rendre  ou  elle  viendra  de  ren- 
dre; nous  viendrons  de  rendre,  vous  viendrez  di 
rendre,  ils  viendront  derendie  ok  elles  viendroni 
de  rendre.  —  Passé  simple.  Je  rendis,  lu  rendis. 
il  rendit  ou  elle  rendit;  nous  rendimes,  vous  ren- 
dîtes, ils  rendirent  ou  elles  rendirent.  —  Passé, 
composé.  J'ai  rendu,  tu  as  rendu,  il  a  rendu  ou 
elle  a  rendu  ;  nous  avons  rendu,  vous  avez  rendu, 
ils  ont  rendu  om  elles  ont  rendu.  —  Passé  anté- 
rieur composé-  J'eus  rendu,  lu  eus  rendu,  il  ci!' 
rendu  nu  elle  eut  rendu;  nous  eûmes  rendu,  r  >-.:Jà 
eûtes  rendu  ,  ils  eurent  rendu  ou  elles  eurent 
rendu.  —  Passé  antérieur  surcomposé.  J'ai  eu 


148 


CON 


ren<Ki,  tu  as  eu  rendu,  il  a  eu  rendu  ou  elle  a  eu 
rendu;  nous  avons  eu  rendu,  vous  avez  eu  rendu, 
ils  ont  eu  rendu  ou  elles  onl  eu  rendu.  —  l'ius- 
queparj'ait.  J'avais  rendu,  tu  avais  rendu,  il  avait 
rendu  ou  elle  avait  rendu;  nous  avions  rendu, 
vous  aviez  rendu,  ils  avaient  rendu  ou  elles 
avaient  rendu.  —  /  utvr  simple-  Je  rendrai,  tu 
rendras,  il  rendra  ou  elle  rendra;  nous  rendrons, 
vous  rendrez,  ils  rendront  ou  elles  rendront.  — 
Futur  composé.  J'aurai  rendu,  lu  auias  rendu, 
il  aura  rendu  ou  elle  aura  renuu,  nous  aurons 
rendu,  vous  aurez  rendu,  ils  auront  rendu  ou 
elles  auront  rendu. — Futur  prochain.  Je  vais  ou 
je  vas  rendre,  lu  vas  rendre,  il  va  rendre  ou  elle 
va  rendre;  nous  allons  rendre,  vous  allez  rendre, 
ils  vont  rendre  ou  elles  vont  rendre. — Futur  pro- 
chain a/itérieur.  J';\\\a\s  rendre,  lu  allais  rendre, 
il  allait  rendre  om  elle  allait  rendre;  nous  allions 
reiidie,  vous  alliez  rendre,  ils  allaient  rendre  eu 
elles  allaient  rendre. 

Conditionnel. — Présent  ou  futur.  Je  rendrais, 
tu  rendrais,  il  rendrait  ou  elle  rendrait  ;  nous  ren- 
drions, vous  rendriez,  ils  rendraiei.t  ou  elles  ren- 
draient.— Premier  passé.  J'auiais  rendu,  tu  au- 
rais rendu,  il  aurait  rendu  ou  elle  aurait  rendu  ; 
nous  aurions  rendu  ,  vous  auriez  rendu  ,  ils 
auraient  rendu  ou  elles  auraient  rendu. — Secojid 
passé.  J'eusse  rendu,  tu  eusses  rendu,  il  eut 
rendu  ou  elle  eût  rendu;  nous  eussions  rendu, 
vouseussiez  rendu,  ils  eussent  rendu  ou  elles  eus- 
sent rendu. — Passé  prochain,  ic.  vien-drais  de  ren- 
dre, tu  viendrais  de  rendre,  il  viendrait  de  rendre 
ou  elle  viendrait  de  rendre  ;  nous  viendrions  de 
rendre,  vous  viendriez  de  rendre,  ils  viendraient 
de  rendre  ou  elles  viendraient  de  rendre. 

Impératif.  —  Présent  ou  futur  simple.  Rends, 
qu'il  rende  ou  qu'elle  rende;  rendons,  rendez, 
qu'ils  rendent  ou  «ju'elles  rendent.  —Futur  com- 
posé. Aie  rendu,  qu'il  ail  rendu  ou  tiu'elle  ait 
rendu;  ayons  rendu,  ayez  rendu,  qu'ils  aient 
rendu  ou  qu'elles  aient  rendu. 

Subjonctif.  Présent  ou  futur.  Que  je  rende, 
que  tu  rendes,  (|u'il  rende  ou  qu'elle  rende;  ()ue 
nous  rendions,  que  vous  rendiez,  qu'ils  rendent 
OM  qu'elles  rendent. — Imparfait.  Que  je  rendisse, 
que  lu  rendi>scs,  (juil  rendit  ou  qu'elle  rendit; 
que  nous  rendi^sions,  que  vous  rendissiez,  qu'ils 
rendissent  ou  qu'elles  rendissent.  —  Passé.  Que 
j'aie  rendu,  que  tu  aies  rendu,  iju'il  ait  rendu  ou 
qu'elle  ait  rendu;  (]ue  nous  ayons  rendu,  i]i:c 
vous  ayez  rendu,  qu'ils  aient  rendu  ou  iiu'ciles 
aient  rendu. — Plusqucparfuit.  «Jue  j'eusse  rendu, 
que  lu  eusses  rendu,  qu'il  eût  rendu  ou  qu'elle 
eût  rendu  ;  que  nous  eussions  rendu,  ([ue  vous 
eussiez  rendu,  qu'ils  eussent  rendu  ou  (lu'cUcs 
eussent  rendu.  —  Passé  prochain.  Que  je  vienne 
de  rendre,  que  tu  vienne.^  de  rendre,  (|u'il  vienne 
de  rendre  ow  tju'elle  vienne  de  rendre;  (jue  nous 
venions  de  rendre,  que  vous  veniez  de  rendre, 
qu'ils  viennent  de  lendre  ou  qu'elles  viennent  de 
rendre. — Passé  prochain  antérieur.  (,)ue  je  vinsse 
de  rendre,  que  lu  vinsses  de  rendre,  (ju'il  vint  de 
rendre  ou  <|u'elie  vint  de  rendre;  (jue  nous  vins- 
sions de  rendre,  que  vous  vinssiez  de  rendre, 
ju'ils  vins.sent  de  rendre  ou  qu'elles  vinssent  de 
/endre. — Futur  prochain.  Que  j'aille  rendre,  que 
lu  ailles  rendre,  qu'il  aille  rendre  ou  qu'elle  aille 
rendre;  que  nous  allions  rendre,  <iue  vous  alliez 
rendre,  qu'ils  aillent  ou  «lu'elles  aillent  rendre. — 
Futur  prochain  antérieur.  Que  j'allasse  rendre, 
que  lu  allasses  rendre,  iju'il  allât  ou  quelle  allât 
rendre;  que  nous  allassions  rendre,  que  vous  al- 
lassiez rendre,  qu'ils  ou  qu'elles  allassent  rendre. 


CON, 

Participe. — Présent.  Rendant.— /•a^se.  Rendu, 
rendue,  \oyez  Irrégulier,  Passif  cl  Neutre. 

C0\JDG.\L,  Co>JL-GALE.  Adj.    11  SUit  loUJOUrS  SOU 

subsl.,  et  fait  au  i)luriel  niaseidin  conjugaux. 

Tout  le  monde  sent  (pi'on  ne  i)cul  |)as  dire  un 
traite  conj'w/al,  xtn  contrat  conjugal,  une  béné- 
diction conjugale;  cependant  on  pourrait  le  dire, 
si  l'on  adnieliait  la  delinilion  (jue  l'.Acadcmic  nous 
donne  de  ce  mot.  C'est,  <lil-elle,  ce  qui  concerne 
l'union  entre  le  mari  et  la  femme.  Ainsi  un  ser- 
iiion  sur  l'union  des  cpouK  serait  un  sermon  con- 
jugal; un  conlral  de  mariaire  serait  un  contrat 
conjugal;  wm  bénédiction  nuptiale  serait  i/7ieié- 
nédiction  conjugale.  —  Conjuyul  ne  signiiic  pas 
ce  (jui  concerne  l'union  du  mari  et  de  la  femme  ; 
mais  ce  qui  a  un  rar.porl  d'eflel  avec  celle  union, 
ce  qui  en  découle  eonune  d'une  source,  ce  qui 
dérive  de  sa  nature  :  Lien  conjugal,  union  conju- 
gale, antour  conjugal,  foi  conjugale,  devoir  con- 
jugal, félicité  conjugale,  c[c. — Les  jj'rammairiens 
et  les  lexicograidies  n'indiquent  pas  de  pluriel  à 
ce  mot,  mais  il  nous  semble  (piC  l'on  jiourrait 
très-bien  dire  des  liens,  aes  devoirs  conjugaux. 
[Grammaire  des  Gramviaires,\\.  239) 

CoNjuG.tLCMENT.  Adv.  il  sc  mct  toujours  après 
le  verbe.  On  ne  peut  pas  dire  ils  ont  conjugale- 
ment vécu;  mais  ils  ont  vécu  cn}jngulement. 

CoNJuGui;r..  V.  a.  de  la  l'conj.  Assembler  ou 
réciter  les  différentes  inflexions  et  terminaisons 
que  reçoit  un  verbe,  selon  les  lemps  cl  les  modes. 

CoNJLRATEUR.  Subsl.  m.  Cc  mot  ne  signilie  pas 
un  simple  conjuré;  mais  un  clief,  un  promoteur, 
un  des  plus  ardents  complices  d'une  conjuration. 
— L'Académie  remaniuc  dans  sa  nouvelle  édition 
que  ce  sens  est  peu  usité. 

CoNjcRATio\.  Subst.  f.  L'Académie  dit  qu'on 
l'emploie  au  pluriel  dans  le  sens  de  prières.  11 
nous  semble  (lue  c'est  une  erreur .  Le  verbe  con- 
jurer se  prend  en  ce  sens;  mais  il  n'en  est  pas  de 
même  du  substanliL  On  ne  dit  pas  H  emploie  les 
conjurations,  je  vie  rendis  à  ses  conjurations. 
Voyez  Conspiration. 

*CoxNAissABi.E.  Adj.  des  deux  genres,  qui  se 
met  toujours  après  son  subsl.  11  n'est  guère  d'u- 
sage qu  avec  la  négative  :  Un  homme  qui  n'est 
pas  connaissable. 

CoN^Aiss.vNCE.  Subst.  L  Cc  substantif  ne  prend 
un  pluriel  que  quand  il  signilie,  en  paidant  des 
siiences,  les  connaissances  diverses  ([uc  l'on  pos- 
sède :  Cet  homme  u  bien  des  connaissances  ;  ou 
(luand  il  s'applii|ue  aux  peisonnes  avec  lesquelles 
on  a  qucl<pics  liaisons  d'habitude  :  Je  ne  veux 
pas  faire  de  nouvelles  connaissances. 

On  prend  pour  des  amis  de  simples  connaissance», 
El  que  de  ropcnlirs  suivent  ces  imprudences  ! 

(Gbess.,  i/e'cA.,  acl.  IV,  se.  iv,  24.) 

Co^^•AI.ssEDR.  Subst.  m.  Comnaissecse.  Subsl.  f. 
11  s'emploie  absulumenl  :  I^ous  êtes  connaisseur, 
vous  n'êtes  pas  connaisseur  ;  ou  bien  avec  la  pré- 
position en:  Connaisseur  en  musique,  en  ta- 
bleaux. Connaisseuse  en  vers. 

CoNNAiTr.E.  V.  a.  de  la  4'  conj.  Use  dit  négati- 
vement des  passions  (ju'on  n'a  point  éprouvées  : 
Je  ne  connaissais  pas  l'amour. 

Antoine,  tu  l«  sais,  n«  eonnatt  point  l'envie. 

{Volt.,  Mort  de  Cc'sar,  acl.  I,  sc.  I,  5.) 

Voltaire  l'a  dil  sans  négalion  dans  la  même  tra- 
gédie (acl.  m,  si:.  VI 11.  3S)  : 

...  Si  5.)  oTiudi:  imc  eût  connu  I)  venjewct. 


C0>' 
On  lit  dans  Coincillo  [Nicom.,  act.  I,  se.  m, 


CON 


i4& 


25) 

Ah!  seigneur,  excuse?,  si,  vous  connaissant  nul. 

On  connaît  mal,  dit  Yollaire,  quand  on  se 
trompe  au  caraclèrc.  I.aodicc  dit  à  Clcopâlie 
{Rodoq.,  net.  II,  se.  ii,  77)  :  Je  vous  connaissais 
mal.  Pholln  du  {Powpv.e,  ael.  I\',  se.  i,  25)  :  J'ai 
mal  connu  Ct'sar.  Mais  (piand  on  ignore  quel  est 
l'hoinmc  à  iiiii  l'on  |iarlo,  il  faut  dire  Je  ne  le 
connaissais  pas.  iJiemaïqiics  sur  Corneille.) 

On  dit  connailre  quelqu'un,  je  le  connais. 
Connaître  vnc  chose  ù  quelqu'un,  savoir  qu'il 
l'a,  qu'il  la  possède  :  Je  lui  connais  vnc  terre  et 
deux  maisons  à  Paris.  Je  lui  connais  un  goût 
décidé povr  les  plaisirs.  — On  dit  faire  connaî- 
tre quelque  chose  d  quelqu'un,  cl  être  connu  de 
quelqu'un.  Cependant,  avee  les  pronoms  person- 
nels, on  dit  cela  m'est  co7inv  ;  comment  savcs- 
vous  que  cela  ne  leur  était  pas  connu?  — Uaus 
le  sens  de  eoniiaisseur,  on  dit  se  connaître  en 
tableaux,  en  musique.  On  dit  aussi  s'y  connaî- 
tre, il  s'y  connaît,  lorstju'il  a  cl6  question  aupa- 
ravant de  la  cliose  dont  il  s'agit. 

Connaître,  dans  le  sens  d'avoir  autorité  de 
juger  de  quelques  matières,  est  neutre,  et  se 
construit  toujours  avec  de  ou  un  équivalent  : 

Si  la  justice  vient  à  connaître  dti  fait. 
Elle  est  un  peu  brutale  et  saisit  au  collet. 

(Regnard,  Légat.,  act.  IV,  se.  m,  8.) 

*  Connecter.  V. a.  délai"  conj.  Cemotn'cst 
point  usité.  Frédéric  II  l'a  employé  dans  une  de 
ses  lettres  à  Yollaire  :  Je  vous  e?iverrai  la  tra- 
duction du  Traité  de  Dieu,  de  l'Ame  et  du 
MoïKle,  jtjar  Ji^olf,  dès  qti'clle  sera  achevée;  et 
je  suis  sûr  que  la  force  de  l'évidence  vous 
frappera  dans  toutes  les  propositions,  qui  se 
suivent  fféomé'riquement  et  i^inmcvicni  les  unes 
arec  les  autres  comme  les  anneaux  d'une 
chaîne. 

Connu,  Connue.  Adj.  Il  récit  de,  par,  à  et  en  : 
On  est  connu  de  tout  le  monde.  On  est  connu 
par  son  esprit,  par  ses  talents,  par  ses  forfaits. 
On  est  connu  eu  France,  en  Angleterre.  On  est 
connu  à  Paris. 

Connu  seul  parmi  nous  par  ta  clémence  auguste. 

(Volt.,  AU.,  act.  V,  se.  v,  10.) 

CoNQUÉniR.  V.  a.  et  irrég.  de  la  2''  eonj.  Il  se 
conjugue  comme  acquérir.  Mais  il  n'est  guère 
usité  qu'à  l'nilinitif,  co/(7?/f'rù-,  au  passé  simple, 
je  conquis,  aux  leuq)S  composés,  j'ai  conquis, 
j'avais  conquis,  etc.,  au  participe  présent,  con- 
quérant ,  et  au  participe  passé  conquis ,  con- 
quise. 

CoNQuÈTf:.  Subst.  f.  Voltaire  a  dit  dans  une 
acception  que  n'indique  point  l'Académie  (Henr., 
II,  238)  : 

Et  l'on  porta  sa  ti-te  aux  pieds  de  Médicis, 
Conquête  digne  d'elle  et  digne  de  son  fils. 

Consacrer.  V.  a.  de  la  d"  conj.  Voici  quel- 
ques acceptions  de  ce  mot  que  l'Académie  n'a 
pas  indiquées  : 

Surtout  j'ai  cru  devoir  aux  larmes,  aux  prières, 
Consacrer  ces  trois  jours  et  ces  trois  nuits  entières 
(Rac,  Ath.,  act.  I,  se.  ii,  31.) 

Thàbes  depuis  longtemps  aux  horreurs  consacrée. 
(Volt.,  OEd.,  ad.  I,  se.  i,  7.) 


On  dit  qu'MM  lieu  est  consacré  à  la  dnulcur, 
q\]'une  som7ne  est  consacrée  au  soulagement  des 
pauvres,  etc. 

Consacrer  se  dit  |)our  rendre  étoin(>I,  rendre 
lierpétuel  dans  la  mémoire  des  Iminines  :  feWe 
seule  action,  par  laquelle  il  finit  su  rii^,  d  it 
consacrer  sa  mémoire  (A'oliairc).  On  con- 
sacra cet  événement  par  plusieurs  monuments. 
C'est  dans  le  mémo  sens  cpie  le  temps  consacre 
les  usages,  que  certains  iisages  sont  consacrés. 
Les  v.iaqcs  les  plus  consacrés  chez  un  peuple 
paraissent  aux  autres  ou  extravagants  ou  haïs 
sables.  (Voltaire.) 

Les  droits  de  mes  aïeux  que  Rome  a  consacre». 

(Rac,  Britan.,  ad.  IV,  8C.  ii,  7.) 

Consanguin  ,  Consanguine.  Adj.  L'm  ne  se 
prononce  point.  11  ne  se  met  qu'après  son  sub- 
stantif 

Consanguinité.  Subst.  f.  On  fait  sentir  I'm,  qui 
fait  diplilliongue  avec  Vi. 

CoNsciKNCE.  Subst.  f.  Terme  de  métaphysi- 
que. Selon  l'Académie,  il  se  dit  de  la  connais- 
sance qu'on  a  d'une  vérité  par  ic  sentiment 
intéiiour.  Ce  n'est  pas  là  ce  ipie  les  métaphysi- 
ciens entendent  i)ar  conscience.  Le  mol  con- 
science, pris  en  ce  sens,  est  un  sentiment  que 
donne  à  l'âine  la  connaissance  des  pereeptiom 
qui  sont  en  elle.  Si,  comme  le  vent  I.ocke  , 
l'àine  n'a  ])oinl  de  perceptions  dont  elle  ne 
prenne  connaissance,  en  sorte  qu'il  y  ;,il  contra- 
diction (|u'une  perception  ne  lui  soit  pas  connue, 
la  itcrccplion  et  la  conscience  doivent  étie  prises 
pour  une  seule  cl  même  opération.  Si  au  con- 
traire il  y  a  dans  l'àmc  des  jiereeptions  dont 
elle  ne  prend  jamais  connaissance,  ainsi  (pic  le 
prétendent  les  cartésiens,  les  maleluaneliistes  et 
les  Icibniziens,  la  conscience  et  la  iierccption 
sont  deux  opérations  trcs-distinctes.  Le  sentiment 
de  Locke  iiarait  le  mieux  fondé;  car  il  ne  pa- 
raît pas  qu'il  y  ail  des  perceptions  dont  l'âme 
ne  prenne  qiiehiue  connaissance  plus  ou  moins 
forte;  d'uii  il  résulte  <pie  la  perccplion  el^  la 
conscience  ne  sont  réellement  qu'une  même 
opération  sous  deux  noms.  En  tant  qu'on 
ne  considère  cette  opération  que  comme  une 
impression  dans  l'àine,  on  peut  lui  conserver  le 
nom  de  perception;  et  en  tant  qu'elle  avertit 
l'àinc  de  sa  présence,  on  peut  lui  donner  celui 
de  conscience .  (l.c  chevalier  de  .JaucDurt.)  Cdn- 
dillac  a  dit  :  J'appelle  perception  l'impression 
qui  se  produit  en  nous  ù  la  présence  des  ob- 
jets; sensatiiin,  cette  même  impression,  en  tant 
qu'elle  vient  par  les  sens;  conrience,  la  con- 
naissance qu'on  en  prend.  Quand  nous  ne  fixons 
point  notre  attention,  en  sorte  que  nous  rece- 
vons les  perceptions  qui  se  produisent  en  nous, 
sans  être  plus  avertis  des  unes  que  des  autres, 
la  conscience  est  si  légère,  que,  si  l'on  nous 
retire  de  cet  état,  nous  ne  nous  souvenons  pas 
d'en  avoir  éprouvé. 

L'Acadcmie  ne  définit  pas  mieux  le  mol  con- 
science pris  dans  le  sens  moral.  C'est,  (iit-clle, 
une  lumière  intérieure,  un  sentiment  inlcncur 
par  leipiel  l'humnie  se  rend  témoignage  a  lui- 
mcine  du    bien  et  du  mal  qn't\    fait.   La  con- 


sorte  qu'il  conclut  en  Ini-mcine  que  les  premières 
sont  oji  ne  .sont  nas  conformes  aux  dernières 


sont  ou  ne  sont  pas  con 


150 


CON 


Co.NSciENciEiSEMENT.  Adv.  Il  sc  mcl  jiprcs  le 
verbe;  //  a  agi  consciencieusement,  Ci  non  pas 
U  a  consciencieusement  agi. 

Consciencieux,  Consciencieuse.  Aiij.  H  suit 
ordinairemcnl  son  subsl.  :  Un  homme  conscien- 
cievx,  vne  femme  consciencieuse. 

Consécutif  ,  Conslcutive.  Adj.  Il  ne  se  dit 
qu'au  pluriel,  puisqu'il  a  rapport  à  plusieurs 
choses  (jui  se  suivent  :  Pendant  trois  jours 
consccutifs. 

Coxsécltivement.  Adv.  Il  se  met  loujoursaprès 
le  verbe  et  jarcais  entre  l'auxiliaire  et  le  participe: 
//  a  eu  consécutivement  trois  maladies. 

CoNSiiii,.  Subst.  ni.  L'Académie  le  définit, 
avis  que  l'on  donne  a  (juciqu'un  sur  ce  qu'il  doit 
faire  ou  ne  pas  l'aire.  r\ous  l'avons  dcliiii  dans 
notre  J^ourcau  Dictii  niiairc  de  la  langue  fran- 
çaise, raisons  cxposi'os  à  <iuclqu'un  dans  la  vue 
'de  l'ensaïrer  à  faire  ou  à  ne  i);is  l'aire  une  chose, 
ou  de  Tcclaircr  dans  la  conduite  ([u'il  doit  tenir. 
—  Conseil  en  ce  sens  n'a  point  de  régime  par 
lui-même;  il  ne  régit  les  noms  et  les  verbes 
qu'à  l'aide  des  verbes  auxquels  il  est  joint.  Ce- 
pendant J.-J.  Rousse-ju  a  dit  :  Je  finirai  ce 
que  j'ai  à  dire  par  un  conseil  à  vies  adver- 
saires. Féraud  prétend  qu'il  aurait  ùi'i  dire  en 
donnant  un  conseil  à  vies  adversaires.  C'est 
bien  là  le  sens  de  la  phrase;  mais  pourquoi  Rous- 
seau n'aurait-il  pas  pu  l'exprimer  par  un  tour 
elliptique?  Celte  plirasc  elliptique  est  claire;  c'est 
tout  ce  qu'il  faut. 

On  dit  demander  conseil  à,  et  prendre  conseil 
de,  sans  arlicie;  mais  on  ne  ilit  pas  suivre  con- 
seil, comme  Uollin  ;  C'était  un  petit  esprit,  mais 
fier,  plein  de  lui-même,  et  qui  aurait  cru  se 
dêslwnorer  sHl  avait  demandé  ou  suivi  conseil. 
Féraud,  qui  fait  celle  remarque,  convient  ce- 
pendant <jue  l'Académie  dit  suivre  co7iseil,  n\ms 
il  condamne  également  celle  phrase  dans  l'Aca- 
démie cl  dans  KoUin.  C'est  sans  doute  celle  faute 
de  l'Académie  (jui  aura  induit  Rollin  en  erreur. 
Dans  la  dernière  édition  de  son  Dictionnaire  on 
ne  trouve  point  col  exemple,  probablement  d'a- 
près l'observation  do  Féraud. 

Prendre  conseil  se  dit  figurément  et  élégam- 
ment des  choses  mêmes:  Je  prendrai  conseil  de 
la  situation  de  son  âme.  (Marmoniel.)  C'est-à- 
dire,  celle  situation  réglera  mes  démarches,  ma 
conduite.  Maurice  prend  conseil  des  événe- 
ments, distribue  des  secours,  donne  des  ordres, 
elc.  (Thomas.) 

Toi  gui,  courant  à  ta  ruine, 

Bejelaut  toute  discipline, 

N'as  pris  conseil  que  de  les  sens. 

;J.-B.  Ilouss.,  liï.  I,  Ode  iv,  59.1 

On  dit  aussi  au  sens  figuré  suivre  les  con- 
seils : 

Qu'un  cœur  qu'ont  endurci  la  fati^e  et  les  ans. 
Suivit  d'un  vain  plaisir  les  conseils  imprudents. 

(Rac,  Baj.,  acl.  I,  sc.  I,  179.) 

Bacine  a  dit  dans  les  Frères  ennemis  (act.  I, 
se.  V,  47): 

Vous  inspiret  au  roi  vos  contrits  dangereux. 

On  ne  le  dirait  pas  aujourd'hui.  On  inspire,  on 
conseille  des  démarches  ;  on  n'inspire  pas  des 
conseils.  Mais  du  teuqis  -de  Racine  ,  on  em- 
ployait conseil  pour  dessein,  résolution.  Bos- 
suet  a  dit  :  On  prit  aussitôt  après  d'autres  con- 
seils, et  il  voulait  dire  d'autres  résolutions. 


CON 

En  parlant  de  la  Providence,  on  donnait  autre- 
fois à  conseils  le  sens  de  décrets.  Bossuct  a  dil  : 
yoiki  l'ardre  des  cmseils  de  Dieu.  Aujourd'hui 
on  ne  lui  donne  plus  ce  sens. — On  dit  proverbia- 
lement/a  nuit  porte  conseil,  pour  signifier  qu'il 
ne  faut  pas  jtrendre  un  parti  à  la  hâte,  qu'il  faut 
se  donner  le  loisir  de  réfléchir  sur  une  affaire. 

Conseiller.  Subst.  m.  Conseillèhe.  Subst.  f. 
Celui,  celle  qui  donne  conseil.  Conseillère  ne  sc 
dil  pas  souvent  au  propre  ;  on  dit  cependant 
d'une  femme  tiui  a  donné  un  bon  on  un  mauvais 
conseil,  i\\ïcïïe  est  ujie  bonne  ou  une  mauvaiso 
conseillère.  —  On  le  dit  au  figuré  :  Le  déses- 
poir est  un  mauvais  conseiller,  la  faim  est  une 
mauvaise  conseillère. 

Consentant,  Consentante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  conscniir.  11  ne  se  dit  qu'en  style  de  palais,  et 
suit  toujours  son  subst.  :  La  partie  consen- 
tante. 

On  no  dit  pas  dans  le  langage  ordinaire,  j'en 
suis-  consentant,  elle  en  est  consentante;  mais 
j'y  consens,  elle  y  consent. 

Consentement.  Subsl.  m.  Ce  mot  n'a  point  de 
pluriel  :  Il  a  donné  son  consentement,  ils  ont 
donné  leur  consentement  ;  donner  son  consente- 
ment à  une  entreprise;  cela  s'est  fait  de  mon 
consentement. 

Consentir.  "V.  n.  et  irrégulicr  de  la  2'  conj.  II 
se  conjugue  comme  sentir.  Voyez  Irrégulier.  Ce 
verbe  exige  le  subjonctif  dans  la  proposition  sub- 
ordonnée :  Je  consentis  qu'il  s'él  ignût. 

Selon  l'Académie,  ce  verbe  régit  la  préposition 
à  devant  un  nom  :  Consentir  à  i/?j  mariage.  On 
ne  peut  donc  pas  dire  comme  Corneille  {Menteur, 
act.  "V,  sc.  ni,  49)  : 

. . .   Mon  indulgence,  au  dernier  point  venue, 
Consentait  à  tes  yeux  l'/iymen  d'une  inconnue. 

Consentir,  dil  Voltaire,  est  un  verbe  neutre  qui 
régit  la  préposition  à.  On  ne  dit  pas  consentir 
quelque  chose,  mais  à  quelque  chose.  Dans  quel- 
ques éditions,  on  a  substitué  approuvait  à  con- 
sentait. [Remarques  sur  Corneille) 

L'Académie  ne  dil  point  quelle  préposition  ré- 
git ce  verbe  devant  un  infinitif.  Dil-on  consentir 
à  faire  une  chose  ou  consentir  de  faire  une  chose"* 
Consentir  à  est  plus  usité;  cependant  on  trouve 
consentir  de  dans  de  bons  auteurs,  et  il  y  a  ap- 
parence que,  dans  la  remarque  de  Voltaire  que 
nous  venons  de  rapporter,  il  n'a  entendu  parler 
que  du  verbe  consentir  suivi  d'un  substantif, 
car  on  lit  dans  une  de  ses  Icltrcs,  je  consens  de 
prêter,  mais  je  ne  veux  plus  perdre.  Racine  dit 
aussi  : 

César  lui-même  ici  consent  de  vous  entendre. 

(Britan.,  act.  IV,  sc.  I,  2,) 

Je  puis  me  plaindre  à  tous  du  sang  que  j'ii  T«rsé, 
Mais  enfin  je  consens  d'oublier  le  passé. 

(Androm.,  aci.  IV,  sc.  V,  69.) 

Je  pense  «pi'il  faut  employer  à  lorsqu'il  s'agit 
d'une  action  tiue  l'un  consent  à  faire;  et  que  de 
est  préférable  lorsiiu'il  est  ([ueslion  seulement  de 
ne  pas  défendre,  de  ne  pas  empêcher,  de  ne  pas 
s'opposer.  On  dira  donc,  je  consens  de  le  voir,  de 
l'entendre,  c'est-à-dire,  je  ne  m'oppose  pas  à  ce 
(pi'il  se  présente  devant  moi,  à  ce  iiu'il  me  parle; 
mais  on  dira/e  consens  à  vous  suivre,  je  consens 
à  partir;  et  si  celle  lemarque  a  quelque  justesse, 
A  ollaire  aurait  dû  dire  :  Je  consens  à  prêter,  et 
non  pas  je  consens  de  prêter. 


CON 

CoNSKQuoiMENT.  Adv.  D'iinc  manière  consi'- 
qiientc.  11  se  incl  toujours  après  le  vorlie,  «H  n'a 
point  (Je  rèïiinc  en  ce  sens.  Quand  il  sigiiilie  en 
consèciuence,  il  rèsit  la  préposition  à  :  Consé- 
quevimcnt  à  7ws  arrangements. 

CoNSKQi'EKCE.  Yovcz  Conséquent. 

CONSÉQDENT,  CONSÉQUF.NTE.  Adj.  DcpuiS  IIH  dc- 

mi-sièclc  l'abus  s'était  établi  d'employer  consé- 
quent dans  le  sens  d'important,  de  cousidéi'able. 
Quelipies  autours  s'en  étaient  servis  en  ce  sens,  et 
les  gens  frivoles,  toujours  avitics  de  ce  cpii  a 
l'air  de  la  nouveauté,  l'avaient  introduit  dans  les 
salons.  Aujourd'lmi  on  dit  important,  considéra- 
ble. Il  n'y  a  plus  guère  que  (pielipies  bourgeois 
sans  instruction  qui  disent,  qwHls  font  un  com- 
merce conséquent,  qu'ils  ont  fait  une  entreprise 
conséquente  ;  et  en  parlant  ainsi  ils  l'ont  sourire 
les  personnes  (jui  savent  leur  langue.  On  a  banni 
avec  raison  cette  ex[)ression,  parce  (jue  la  langue 
n'en  a  pas  besoin,  et  qu'elle  est  contraire  au  sens 
naturel  du  mot. 

A  la  vérité,  l'Académie  dit  conséquence  pour 
importance,  et  elle  donne  pour  exemples  de  cette 
acception  un  homme  de  conséquence  ;  un  lioinme 
de  peu.  de  conséquence  ;  ri  ne  affaire  de  consé- 
quence; une  place,  une  charge,  un  emploi  de 
conséquence. 

On  pourrait  penser  que,  puisiiu'on  dit  consé- 
quence pour  importance,  il  devrait  être  permis  de 
dire  aussi  conséquent  \)ouv  importa?it ;  ce  raison- 
nement n'est  pas  jusie;  car  il  arrive  souvent  dans 
notre  langue  que  le  substantif  est  pris  dans  des  ac- 
ceptions qui  ne  peuvent  convenir  à  l'adjectif.  On 
dit  conséquence  pour  importance,  mais  aucun  dic- 
tionnaire ne  s'est  servi  du  mot  important  pour 
cxplicpicr  celui  de  conséquent. 

Mais  est-il  bien  vrai  que  l'oiidi-e,  ou  du  moins 
•que  l'on  doive  dire  conséquence  pour  impor- 
ia/jcc?  Dans  les  exemples  (jue  donne  l'Académie 
pour  appuyer  cette  assertion,  j'en  trouve  un  qui 
ne  peut  y  av  oir  rapport.  Quand  on  ilit  une  affaire 
de  conséquence,  on  ne  veut  pas  dire  \tne  affaire 
d'importance,  mais  une  affaire  (pii  a  ou  qui  est 
susce|>lible  d'avoir  des  suites  importantes.  C'est 
dans  le  même  sens  qu'on  dit  une  entreprise  de 
conséquence,  une  guerre  de  conséquence,  et  cela 
est  Conforme  au  sens  de  suites  que  l'Académie 
donne  au  mot  conséquence.  Mais  je  ne  saurais 
trouver  aucun  rapport  immédiat  entre  consé- 
quence et  importance,  cl  un  homme  de  consé- 
quence me  parait  aussi  étrange  qu'tt«  homme 
conséquent,  dans  le  sens  abusif  où  on  l'emploie. 

Voici  comment  je  pense  que  cette  façon  de 
parler  se  sera  introduite.  On  aura  dit  d'abord 
une  affaire  de  conséçiuencc ,  une  entreprise  de 
conséquence,  une  guerre  de  conséquence,  pour 
dire  une  affaire,  une  entreprise,  ruie  guerre  tpii  a 
ou  qui  est  susceptible  d'avoir  des  suites  impor- 
tantes: Comme  les  rois  de  Macédoine  ne  pouvaient 
pas  entretenir  un  grand  nombre  de  troupes,  le 
moindre  échec  était  de  conséquence.  (Montes- 
quieu,  Grandeur  et  décadence  des  Romains, 
chap.  v.)  Ensuite  on  aura  dit  abusivement  un 
homme  de  conséquence,  une  terre  de  conséquence, 
comme  on  dit  abusivement  aujourd'hui  un 
homme  conséquent,  un  emploi  conséquetit.  L'Aca- 
démie ayant  à  rendre  compte  de  ces  expressions, 
les  aura  rangées  sans  examen  sous  la  même  rubri- 

auo,  et  des  lecteurs  bénévoles  ont  cru,  sur  la  foi 
e  l'Académie,  qu'on  pouvait  dire  conséquence 
pour  importance.  Mais  que  signifieul  un  homme 
de  conséquence,  une  terre  de  conséquence'?  et 
quel  est  l'écrivain  sensé  qui  voudrait  aujourd'hui 


CON 


151 


employer  ces  expressions,  quoique  l'Académie  les 
a[iiprouve? 

Conservateur.  Subst.  m.  Conservatrice.  Subst. 
f.  11  ne  se  dit  qu'avec  la  prép)siiion  de  ou  un 
adjectif  i)0Ssessif  :  Dieu  est  le  conservateur  de 
toutes  choses; il  a  été  notre  conservateur.  Il  se 
prend  aussi  adjectivement  :  Les  lois  conserva- 
trices des  propriétés 

Conserver.  V.  a.  de  la  l"^'  conj.  On  dit  aussi 
se  cojiscrver,  dit  l'Académie,  pour  dire  se  con- 
duire si  bien,  si  sagement  en  un  temps  difficile, 
nu  cnlrc  des  iiersonnes  ennemies  ou  de  contraire 
humeur,  que  l'on  ne  se  mette  mal  avec  personne. 
File  donne  pour  exemple  de  cette  accci)tion  :  On  a 
bien  de  la  peine  à  se  conserver  entre  deux  par- 
tis si  animés  l'un  contre  l'autre.  Féraud  observe 
avec  raison  (pie  l'.Vcadémie  a  confondu  ici  se  con- 
server avec  se  maintenir. 

Considérable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
ordinairement  après  son  sui)st.  :  Une  dépense 
considérable,  tm  ouvrage  co7isidérable.  Voyez 
Conséquent. 

Considérablement.  Adv.  Cet  adverbe  peut  se 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe:  Ilacon- 
sidérablement  perdu  on  il  a  perdu  considérable- 
ment.  Il  s'emjjloie  sans  régime. 

CoNsiDÉR.vnoN.  Subst.  f.  Ce  substantif  n'a  de 
pluriel  que  dans  le  sens  de  raison,  motif:  Ils'e.it 
déterminé  par  toutes  ces  considérations. 

Consistant,  Consistante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  consister.  Il  régit  la  préposition  en  :  Une  es- 
cadre consistante  en  vingt  vaisseaux.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Consister.  V.  n.  de  la  l^conj.  On  ûii  la per- 
fection  de  l'homme  consiste  dansie  bon  usage  de 
sa  raison.  (Acad.)  Tout  son  savoir  consiste  dans 
quelques  morceaux  qu  il  a  appris  par  cœur.  On 
emploie  la  préposition  c/a/i*  devant  les  sulisiantifs. 
Devant  les  verbes,  on  emploie  la  préposition  à  .• 
La  libéralité  consiste  moins  à  donner  beaucoup 
qu'à  donfter  ci  propos.  (La  15ruyèie,  Du  Cœur, 
p.  282.)  L'esprit  delà  conversation  consiste  bien 
moins  à  montrer  beaucoup  d'esprit  qu'à  en  faire 
trouver  aux  attires.  (Idem,  De  la  Société,  p.  2S7.J 

Lorsque  consister  signifie,  être  composé  de,  il 
régit  la  préposition  en  :  Son  revenu  consiste  en 
rentes,  en  blés,  etc.  Cette  maison  consiste  en  une 
cour,  un  rez-de-chaussée,  trois  étages,  etc.  Cette 
flotte  cojisiste  en  tant  de  vaisseaux. 

Consjstorial,  Consistoriale.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  Il  fait  au  pluriel  con- 
sistoriaux. 

Consolable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  est  peu 
usité.  L'Académie  le  met  avec  la  négation  :  Il 
n'est  pas  consolable.  C'est  la  seule  manière  dont 
on  puisse  l'employer;  mais  il  vaut  mieux  dire 
il  est  inconsolable. 

L'Académie,  dans  ses  observations  sur  les  re- 
maïques  de  Vaugelas,  décide  (juc  consolable  ne 
se  dit  point  de  la  douleur.  L'usage  n'a  pas  res- 
pecté celte  décision.  On  dit  consoler  la  douleur, 
et  douleur  inconsolable  :  Il  était  abattu  par  une 
douleur  7?/e  rien  ne  pouvait  consoler.  (Fénelon, 
Télémaque,  liv.  XVI,  tom.  II,  p.  101.) 

Consolant,  Consolante.  Adj.  verbal  lire  du 
V.  consoler-  Il  peut  se  mettre  avant  son  subst.  : 
Cette  consolante  nouvelle.  Il  régit  pour  devant 
les  noms  :  Cette  nouvelle  est  bien  consolante  pour 
vous  ;  et  de  devant  les  verbes  :  H  est  bien  conso- 
lant pour  un  père  de  voir  ses  enfants  se  porter 
au  bien. 

Il  ne  se  dit  ordinairement  que  des  choses;  ce- 
pendant, en  parlant  d'une  personne,  on  dit  il 


152 


CON 


n'est  pas  cnnsolmit  ;  ot  on  pnrinnt  ironiquement  à 
une  ]tersoiiiic  qui  picvoit  dosclioses  alilii-'eMiiles  : 
f^ous  ii'ctcs  pus  consolant. 

Co>soL\TFUR  Siibsi.  m.  Consolatrice. Siibsl.  f. 
Il  régit  la  piéposilion  de  :  Il  est  le  consilalcur 
des  affligés.  —  On  l'einitloic  adjcctivcniciit  :  Un 
espoir  consolateur. 

CoNSOLATiF,  CoNSOLATivE.  Adj.  Inuslto  <iue  l'A- 
cadcniio  n  mis  dans  son  Dictionnaire.  On  ne  dit 
pas  V7ie  in'vvcllc  consolatire,  mais  vve  nouvelle 
ûonsolai.te.  —  rascai  a  employé  ce  mol  plusieurs 
l'ois  :  Je  tmus  coimncnccrai  ce  que  j'ui  ù  vous 
dire  par  vn  discours  bien  consulalii"  ci  ceux  qui 
ullt  assez  de  liberté  d'esprit  pour  le  concevoir  au 
fort  de  la  douleur.  (Pasral,  Pensées,  |).  34  J)  -/e 
vous  dirai  sur  cela  vu  beau  mot  de  saint  Augus- 
tin ,  et  bien  consolalif  jooMr  de  certaines  per- 
sonnes. (Id.,  p.  3()U.) 

Consolation.  Subst.  f.  Il  ne  se  dit  pas  seule- 
ment du  soulagement  que  l'on  donne  à  rafllir- 
tion,  a  la  douleur,  au  déplaisir  de  queliju'uu  ;  il 
se  dit  aussi  d'un  véritable  sujet  de  salisi'aclioii 
ou  do  joie  :  C'est  V7ie  grande  consolation  pour 
un  père  de  voir  ses  enfants  se  porter  au  bien. 

On  dit  avi.ir  de  la  consolation  à  faire  quelque 
chose.  Cl  avoir  la  consnlalion  de  faire  quelque 
chose.  la  première  phrase  se  dit  d'une  conso- 
lation que  l'on  se  fait  à  soi-même,  d'une  chose 
à  lacpicUe  on  attache  de  la  consolation  :  J'ui  de 
la  consi  Idlion  à  penser  que  vous  prenez  part  « 
mes  peines,  la  seconde  se  dit  d'une  chose  tpii 
est  Tiaiinenl  une  consolation  par  sa  nature  :  Jl 
vous  en  crûlera,  sans  doute  ;  mais  il  y  va  de  ma 
vie,  et  mus  aurez  la  consolation  de  m'avoir 
sauvé.  (Marmontel.) 

Consoler.  Y.  a.  de  la  1"^'  oonj.  Il  peut  se  dire 
des  choses,  soit  en  vers,  soit  en  prose  :  Les  scien- 
ces et  les  arts  ont  éclairé,  consolé  la  terre,  pen- 
dant que  les  guerres  la  désolaient  (Voltaire.)  // 
connaît  pour  les  devoirs  pénibles  un  prix  qui 
tonsole  de  leurs  rigueurs.  (J.-J.  Rousseau.) 
f^enez  consoler  mon  agonie.  (Voltaire.) 

De  peur  d'aigrir  les  maux  qu'elle  veut  consoler. 
Commencez,  console*  de  funestes  amours. 

On  dit  consoler  quelqu'un  dans  ses  peines, 
consoler  quelqu'un  sur  quelque  chose,  consoler 
quelqu'un  de  quelque  chose. 

On  peut  dire  il  se  console  d'avoir  perdu  son 
bien  ;  mais  on  ne  peut  pas  dire  je  le  console  d'a- 
voir perdu  son  bien,  la  raison  en  est  qu'ici 
rin(iiiiiir  «roù-  doit  se  rapporter  au  sujet  de  la 
phrase  ;  qu'il  s'y  rapporte  dans  la  première  phrase, 
et  qu'il  ne  s'y  rapporte  pas  dans  la  seconde. 

CoNSOMMATELR.  Subst.  ui.  C'cst  UM  tcrmo  d'é- 
conomie poiiii<iue,  qui  se  dit  de  ceux  qui  con- 
somment les  denrées,  par  opposition  à  ccu.xqui 
les  produisent  par  le  moyen  de  la  culture  cl  des 
fabriciucs  :  Les  cultivateurs,  les  fabricants  et 
les  consommateurs.  Je  ne  vois  pas  pouniuoi,  on 
ce  sens,  on  ne  dirait  j)as  consommatrices  au  Ic- 
minin. 

Féraud  prétend  que  con.tommateur  ne  se  dit 
que  dans  cette  phrase  consacrée  :  Jésus-Cln-ist 
est  l'auteur  etle  consommateur  de  notre  foi.  Dans 
cette  [iliiasc,  consouimateur  ne  signifie  pas, 
comme  dans  l'acception  préccdcnlc,  qui  con- 
somme; mais  qui  achève,  qui  accoini)lit. 

Consommation.  Subst.  f.  C'est  un  terme  d'éco- 
nomie politique  qui  se  dit  de  l'action  de  se  ser- 
vir des  choses  qui  se  détruisent  par  l'usage, 
comme  le  blé,  le  vin,  la  viande,  etc.,  et  de  l'effet 


CON 

de  celte  action  :  Faire  une  grande  con.tomma- 
tion  en  viande,  en  blé.  Les  productions  croissent 
en  raison  des  cnnsnnimations  —  Ce  mol  siguilie 
aussi  accoinpiisscmeni,  achèvement  :  La  con- 
sommation du  sacrifice,  la  consommation  des 
siècles. 

Bcauzée  dit  la  consommation  du  sacrifice,  et 
la  consommation  de  l'hostie.  Bossuet  a  dit  la  con- 
sorntnation  actuelle  de  l'Eucharistie.  Nous  pen- 
sons que  consommation  ne  doit  se  dire,  on  ce 
sons,  que  de  la  destruction  des  dourécs  par  l'u- 
sage; et  (jue  ce  terme  doit  rester  dans  le  langage 
du  commerce  ou  de  l'économie  politique.  On 
doit  donc  dire  la  ctnsomption,  et  non  la  consorn- 
mation  de  l'hoslic. 

Consommer.  Y.  a.  delà  l^conj.  Voltaire  a  dit 
{Alz.,  act.  Y,  se.  vil,  4)  dans  un  sens  que  l'on 
ne  trouve  i)oint  indique  dans  le  Dictionnaire  de 
V Académie  : 

Tu  Tcux  donc  jusqu'au  bout  consommer  ta  fureur. 

En  lisant  les  définitions  que  l'.^cadi'inie  donne 
des  \cvhcs  consommer  et  consumer,  on  n'aperçoit 
pas  bien  la  différence  qu'il  y  a  eiilrc  les  signiR- 
cations  de  ces  deux  mots.  Consommer,  dit-elle, 
se  dit  des  choses  qui  se  détruisent  par  l'usage, 
comme  vin,  viande,  bois,  et  toutes  sortes  de  pro- 
visions. Consumer,  selon  celle  même  .\cadéKie, 
signifie  détruire,  user,  réduire  à  rien.  Or,  on  dé- 
truit, on  réduit  à  rien  le  vin,  la  viande,  le  bois 
et  les  autres  sortes  de  provisions  que  l'on  con- 
somme. On  peut  donc  dire  également  con- 
sommer des  denrées,  et  consumer  des  den- 
rées. On  le  disait  autrefois;  aujourd'hui  on  ne 
dit  plus  que  consommer  en  ce  sens.  1, 'idée  com- 
mune de  destruction  entre  dans  la  signification 
d«  ces  deux  mots;  mais  consommer  suppose 
une  destruction  utile,  nécessaire,  relative  à  la 
reproduction;  consumer  ne  présente  qu'une  des- 
tru-clion  pure  et  simple,  abstraction  faile  de  tout 
autre  rapport:  Les  habitants  d'une  ville  consom- 
ment tant  de  blé,  de  vin,  etc.  \.\\  incendie  con- 
sume \G's,m-A\?,or\s,  lesdélruil.  On  coHsow/ne  beau- 
coup de  bois  dans  une  maison,  |)our  se  chauffer 
ou  pour  faire  la  cuisine  ;  le  l'eu  de  celle  chemi- 
née était  si  ardent,  i\n"\\  consuma  six  bûches  c/i  un 
quart  d'heure.  Consommation  est  le  substantif 
de  consommer^  cl  consomption  celui  de  consu- 
mer. 

CoNSONNANCE.  Subst.  f.  Ou  onlcnd  i)ar  ce  mot 
la  ressemblance  des  sons  des  mots  dans  la  même 
phrase  ou  période.  La  consonnance  se  trouve 
dans  nos  rimes,  mais  nous  ne  voulons  la  voir  que 
là;  et  nous  sommes  blesses  lorsque  deux  mois  de 
même  son  se  trouvent  l'un  près  de  l'autre,  comme 
les  beaux  esprits  pour  prix,  etc.  Si  Cicéron,  etc. 
Mais  même,  etc.  En  prose,  il  faut  éviter  égale- 
mont  les  rimes  et  les  consonnance?;  cependant 
elles  se  trouvent  IVécpiemuient  dans  nos  prover- 
bes :  Qui  langue  a,  à  Rome  va;  à  bon  chat  bon 
rat;  quand  il  fait  beau,  prend  ton  manteau; 
quand  il  pleut,  prends-le  si  tu  veux;  qui  terre  a, 
guerre  a,  etc. 

Consonne.  Subst.  f.  On  divise  les  lettres  en 
voyelles  et  en  consonnes.  Les  voyelles  sont  ainsi 
a|)i»eléesdu  mot  voix,  parce  (prclles  se  fonl  en- 
tendre par  elles-mêmes,  qu'elles  forment  toutes 
seules  un  son,  une  voix.  Les  consonnes,  au  con- 
traire, ne  sont  entendues  qu'avec  l'air  (jui  fait  la 
voix  ou  voyelle,  et  c'est  de  là  ipie  vient  le  nom 
de  coH*07i«e,c'e.>t-à-dirc  {\\\'\  sonne  arec  un  autre. 

L'alphabet  français  a  dix-neul  consonnes,  sa- 


CON 

voir  :  h,  c,  d,  f,  g,  h,  j,  k,  l,  m,  n,  p,  7,  r,  s,  f, 
v,x,  s.  Les  consonnes  ont  reçu  difrérenls  noms, 
relaliveuionl  aux  divers  orgones  (jui  seivenl  a  les 
prononcer.  On  api)ellc  labiales  celles  à  la  forma- 
tion desquelles  les  lèvres  sont  principalemenl  em- 
ployées, telles  (juc  b,p,  v,  f,  m  ;  linguales,  celles 
à  la  formation  desiinelles  la  langue  contribue  par- 
ticulièieiiieiit,  telles  (|uc  d,  n,  l,  r;  palatu/es, 
celles  dont  le  son  s'exécute  dans  l'intérieur  de  la 
bouche,  vers  le  milieu  de  la  langue  et  le  |)alais, 
telles  que  g,  j,  c,  k,  q,  el  les  sons  mouillés  ill, 
il,  ail,  aille;  dentales  ou  sifflantes,  celles  dont 
le  son  s'excculc  vers  la  poinic  de  la  langue  ap- 
puyée contre  les  lévi'cs,  telles  (juc  z  ci  c  doux; 
nasales,  celles  qui  se  prononcent  un  peu  du  nez, 
telles  que  m,  n,  gn  ;  gutturales,  celles  (jui  sont 
prononcées  avec  une  as(iii'alion  forte,  et  par  un 
mouvement  du  fond  de  la  gorge.  Il  n'y  a  de  con- 
sonne gutturale  en  français  que  la  lettre  h  quand 
elle  est  aspirée. 

Autrefois  on  appelait  les  consonnes  hé,  ce,  dé, 
effe,  gé,  ache,  elle,  emmc,  enne,  pé,  qu,  erre, 
esse,  té,  vé,  icse ,  zède.  Mais  aujourd'hui  on 
désigne  les  consonnes  i)ar  le  son  propre  qu'elles 
ont  dans  les  syllabes  où  elles  se  trouvent ,  en  ajou- 
tant seulement  à  ce  son  pioprc  celui  de  Ve 
muet,  qui  est  l'effet  de  l'impulsion  de  l'air  né- 
cessaire pour  faire  entendre  la  consonne.  Ainsi, 
au  lieu  de  dire  «h  lé,  un  ce,  vn  dé,  une  effe, 
on  dit  vn  be,  vn  ce,  un  de,  un  fe,  etc. 

Suivant  cctlc  nouvelle  appellation,  toutes  les 
lettres  de  l'alpliabct  sont  masculines;  suivant 
l'ancienne,  il  yen  a  (jui  sont  l'cminincs,  et  d'autres 
masculines.  Voyez  chaque  consonnc-a  son  article. 

Dans  plusieurs  mots  on  tlouble  les  consonnes, 
ou  par  raison  d'étymologie,  comme  opposer,  of- 
frir, à  cause  d'opponei-e  ,  offerrr;  ou  contre 
l'étyinologie,  comme  donner,  honneur,  personne, 
homme,  etc. ,  qui  viennent  de  donare,  honor, 
persona,  etc.  L'usage  seul  peut  apprendre  quand 
les  consonnes  se  doublent  ou  ne  se  doublent  pas 
dans  un  mot.  Cependant  voici  quelques  remar- 
ques qui  pourront  cire  utiles  en  plusieurs  occa- 
sions. 

On  ne  double  jamais  les  consonnes  h,  j,  k, 
q,  V,  x;  mais  on  double  les  consonnes  b,  c,  d,  f, 
g,  l,  m.,  n,  p,  r,  s  et  t. 

Une  règle  générale,  et  qui  ne  souffre  que  très- 
peu  d'exceptions,  c'est  que  (juand  les  consonnes 
sont  doublées,  et  ([uc  ce  n'est  pas  par  raison  d'é- 
tymologie,  c'est  presque  toujours  parce  que  les 
syllabes  qu'elles  forment  sont  brèves.  Les  con- 
sonnes (lui  se  doublent  le  plus  ordinairement 
par  celte  raison,  sont  /,  m,  n,  p,  t  ;  comme  dans 
ces  mots  inoelle,  pomme,  couronne,  frapper, 
trompette.  Les  mêmes  consonnes  sont  siuq)les 
dans  les  mois  pnële,  dôme,  trône,  tempête,  parce 
que  les  syllabes  qui  les  précèdent  sont  longues. 

Cependant  ces  consonnes  ne  se  doublent  pas 
après  toutes  les  voyelles.  Les  voyelles  a  et  e,  et 
surtout  la  dernière,  sont  celles  qui  font  le  plus 
communément  doubler  le  /  dans  les  syllabes 
brèves;  et  ce  doublement  à  l'égard  de  l'e  sert 
encore  à  le  faire  prononcer  ouvert,  comme  dans 
belle,  selle,  chandelle,  libelle,  sentinelle,  vais- 
selle, etc. 

Le  VI  se  double  souvent  après  Va,  Ve  et  Vo, 
quand  la  syllabe  est  brève  :  Grammaire,  anuno- 
niac,  femme,  homme,  somme.  11  en  est  de  même 
à  l'égard  du  n:  Bannir,  canne,  viéridienne, 
colonne. 

Le  p  se  double  à  la  fin,  et  plus  souvent  au 
commencement  des  mots,   après  les  voyelles  a, 


CON 


153 


0  :  frapper ,  envelopper,  apprendre,  rapporter,  op- 
poser, opprimer,  etc.  —  L'Académie  écrit  super, 
taper,  quoi(;ue  l'a  soit  bref. 

Le  t  se  double  après  a,  e,  0,  u,  mais  principa- 
lement après  e,  tant  pour  avertir  (pie  la  syllabe 
est  brève  ijue  pour  faire  prononcer  l'e  ouvert  : 
Patte,  battre,  bagatelle,  viouchclte,  etc. 

Souvent  la  raison  d'étyniologie  empèelie  que 
les  consonnes  ne  se  doublent,  quoiipie  employées 
dans  des  syllabes  brèves,  comme  dans  scandale, 
lame,  opérer,  dispute,  etc.  Souvent  aussi,  sans 
aucune  raison  d'étyinologic,  les  syllabes  sont 
brèves  et  les  consonnes  siuqtlcs,  comme  dans 
cabale,  culbute,  etc. 

On  i)cut  encore  établir  une  règle  générale 
pour  le  doublement  des  consonnes  :  c'est  que 
toutes  les  fois  qu'un  mot  commence  par  les 
voyelles  a  ou  0,  el  qu'elles  y  sont  employées 
comme  prépositions  inséparables,  les  consonnes 
qui  les  suivent  se  doublent.  On  connaît  (pièces 
voyelles  sont  employées  connue  pré|)osiiions 
inséparables  dans  un  mol,  lorsqu'eii  les  retran- 
chant de  ce  mot,  ce  qui  reste  est  un  mot  fran- 
çais (pii  entrait  (Jans  la  composition  du  premier 
Ainsi  en  retranchant  la  voyelle  a  du  mot  ap- 
prendre,  il  reste /)?'(?/irfr(?,  qui  est  un  autre  mol 
français.  La  voyellcfl  y  était  d<mc  employée  comme 
préposition  inséparable,  el  i)ar  conséipient  ap- 
prendre est  un  mot  composé  dont  le  simple  est 
prendre.  Suivant  celte  règle,  les  consonnes  sont 
doubles  dans  les  mots  acclamations,  accole?;  ac- 
commoder, affermir,  apparaître,  etc.  En  géné- 
ral, quand  une  voyelle  connncnce  un  mol  com- 
posé, on  double  la  consonne  (pii  suit  lorsiiuc  après 
celle  consonne  il  y  a  une  voyelle. 

On  doit  doubler  la  consoime  dans  la  formation 
des  temps  des  verbes  quand  ce  doublement  a 
lieu  à  leur  racine,  (pii  est  l'inlinitiL  On  écrira 
donc  vous  frappez  ,  je  mouille,  vous  promet- 
tez, clc,  parce  que  rinlinilif  s'écrit  avec  deux 
p,  deux  l,  etc.  :  Frapper,  mouil/er, promettre. 

Après  avoir  établi  comme  règle  générale  que 
quand  les  consonnes  sont  doubles,  c'est  pj-esque 
toujours  parce  (pie  les  syllabes  (prclles  fonnent 
sont  brèves,  nous  élablirons  comme  une  au  Ire  règle 
générale  que  le  doublement  des  coiisoimis  n'a  lieu 
pour  aucune  consonne  après  une  voyelle  longue 
ou  marquée  d'un  accent  cii'connexc.  Ainsi,  on 
écrit  côte  Cl  cnite,  bâtiment  et  battement,  tête  et 
tette,  etc.;  ajnhition,  danse,  temple,  infraction, 
ombre,  etc. 

Les  consonnes  les  plus  favorables  à  l'harmonie 
son!  celles  qui  détachent  le  plus  distinctement  les 
sons,  et  (pie  l'organe  cx('ciile  avec  le  plus  d'ai- 
sance cl  de  v(;lul)ililc.  Telles  sont  les  articula- 
tions simples  de  la  langue  avec  le  i)alais,  de  la 
langue  avec  les  dents,  de  la  lèvre  iniérieure  avec 
les  dents,  et  des  deux  lèvi-es  en^cinhle. 

Le  /,  la  plus  douce  des  articulations,  semble 
comnuini(]uer  sa  mollesse  aux  syllabes  dures 
qu'elle  sépare.  Fcnelon  en  a  fait  un  usage  mer- 
veilleux dans  son  style  :  On  fit  couler,  dit  Télé- 
inaipie,  des  flots  d'huile  douce  et  luisante  sur 
tous  les  membres  de  mon  corps.  (Liv.  Y,  I.  I, 
p.  iS'J.) 

Le  /,  si  j'ose  le  dire,  est  lui-même  comme  une 
huile  onctueuse  qui,  répandue  dans  le  slyle,  en 
adoucit  le  frottement;  cl  le  retour  fiéipient  de 
l'article  le,  lu,  las,  (ju'on  reproche  à  notre  lan- 
gage, est  peut-être  ce  qui  contribue  le  i)lus  à 
bii  donner  de  la  mélodie. 

Le  gazouillement  du  l  mouillé  peut  servir 
quekiuefois  à  l'harmonie  imitable,  mais  on  en 


154 


CON 


doit  réserver  l'usage  pour  les  peintures  qut  le 
demanileiil.  L'articulation  iiiouillce  (lui  termine 
le  mot  règne  sérail  insoutenable  si  elle  revenait 
fréqucuunent. 

*  Co^splIlANCE.  Subst.  m.  Mot  inusité,  em- 
ployé par  Mirabeau  dans  le  iiassaçe  suivant  :  Le 
corps  social  et  politique  exige  que  les  pouvoirs 
qui  les  gouvernent  aient  une  concordance  et  une 
conspira nce  c/i^Tei/x/)our  arriver  au  ii// qu'ils 
se  proposent,  c'est-à-dire  à  la  perlection  du  gou- 
vernement. 

Conspiration.  Si.bst.  f.  L'Académie  explique 
ce  mot  par  conjuration.  Ces  deux  mots  ne  si- 
gnilieiit  pas  la  même  chose.  La  conspiration^  dit 
Roubaud,  est  l'intelligence  sourde  de  gens  unis 
de  sentiments  pour  se  défaire  ou  se  délivrer,  par 
quebpie  grand  coup,  de  certains  personnages  ou 
de  certains  corps  importants  ,  puissants  ou  ac- 
crédités dans  l'Élat,  et  changer  la  face  des 
choses,  et  quclipiefois  aiissi  pour  nuire  à  des 
particuliers.  La  conjtiratir.n  est  l'association,  ou 
plutôt  la  confédération  liée  et  cimentée  entre  des 
citoyens  ou  des  sujets  puissants  ou  armés,  pour 
opérer  ,  par  des  entreprises  éclatantes  et  vio- 
lentes, une  révolution  mémorable  dans  la  chose 
publique. 

CoNSPiFER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Conspirer  à, 
c'est  concourir  à  :  Tout  conspire  à  la  fortune,  à 
la  ruine,  à  la  destruction  de,  etc. 

Tout  ce  que  vous  voyei  con.«pire  à  vo»  d»»irt. 

(Rac,  Britan.,  act.  U,  8C.  m,  123.) 

Tout  m'afflige  et  me  nuit  et  conspire  o  me  nuire. 

(Rac,  Phéd.,  act.  I,  se.  m,  9.) 

Conspirer  contre  annonce  un  mauvais  dessein: 
Conspirer  contre  VÉtat;  ils  conspirent  contre 
vous.  —  Il  est  quelcpiefois  actif,  et  il  se  dit  alors 
en  mauvaise  part  :  Ils  ont  conspiré  la  l'uine  de 
VÉlat;  ils  ont  conspiré  7ua perte. 

Féraud  dit  que  quand  conspirer  se  dit  des 
choses,  il  régit  la  préiwsition  à  devant  l'infinitif: 
Tout  conspire  à  me  chagriner,  à  vie  ruiner  ;  et 
(lu'cn  parlant  des  personnes,  il  régit  pour.  Ce- 
pendant \  oltaire  a  dit  en  parlant  des  choses  :  La 
nature  conspira  avec  la  fortune  pour  accabler 
l'État.  —  Conspirer  régit  à  avant  un  infinitif, 
lorsqu'il  signifie  concourir,  et  pour  lorsqu'il  si- 
gnifie faire  une  conspiration. 

CoNSTAMjiENT.  A(lv.  Il  pcut  SB  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe,  surtout  quand  le  sens 
du  verbe  n'est  i)as  comidet.  On  dit  il  a  con- 
stamment résisté;  maison  dit  mieux  encore  il 
a  constamment  refusé  de  répondre.  On  ne 
pourrait  pas  mci;ic  dire  autrement.  Il  a  refusé 
de  répondre  constamment  offrirait  un  autre 
sens. 

Constance.  Subst.  f.  L'Académie  définit  ce 
mot,  vertu  par  laquelle  l'àme  est  affermie  contre 
les  choses  qui  sont  capables  de  l'ébranler,  telles 
que  la  douleur,  l'adversité,  les  tourments,  etc. 
Celte  définition  parait  plutôt  convenir  à  la  fer- 
vieté.  —  La  constance  est  une  vertu  par  laciuellc 
l'àme,  toujours  ferme  dans  l'état  où  elle  s'est 
mise,  ou  dans  les  résolutions  qu'elle  a  formées, 
y  ])ersiste  imperturbablement,  et  ne  peut  être 
ébranlée  ni  par  l'espoir  ni  par  la  crainte.  La 
constance  suppose  nécessairement  une  action, 
une  résolution  antérieure  dans  le  sujet.  La  con- 
stance est  une  conduite  conséquente,  une  réso- 
lution soutenue,  c'est  ce  que  la  dcfinilion  de 
ÏAcadémie  n'indique  point.  Celle  définition  ne 
convienl  point  non  i>lus  à  la  constance  en  amour; 


CON 

celTe  que  nous  donnons  y  oc;n vient  également.  La 
fermeté  est  le  courage  de  suivre  ses  desseins  et 
sa  raison;  la  constance  est  une  persévérance  dans 
ses  gotits.  L'homme  ferme  résiste  à  la  séduction, 
aux  forces  étrangères,  à  lui-même;  l'homme 
constant  n'est  point  ému  i)ar  de  nouveaux  objets, 
il  suit  le  même  penchant,  qui  l'entraîne  toujours 
également. 

Constant,  Constanti:.  Adj.  Ce  mut  peut  précé- 
der son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent  ;  Celte  constante  fidélité,  ce  constant 
amour,  ^'oyez  Adjectif. 

Constant  régit  dans  ou  en:  H  est  constant 
dans  l'adversité  ;  elle  est  constante  en  amour  OU 
dans  ses  amours. 

Il  est  constant  que  régit  l'indicatif  quand  le 
sens  est  dffirmalif ,  et  le  sul)jonctif  ([uand  le  sens 
est  négatif  ou  inlerrogalif  :  //  sst  constant  qu'il  a 
dit  cela,  il  n'est  pas  constant  qu'il  ait  dit  cela. 
Est-il  constant  qu'il  ait  dit  cela? 

Constant,  dans  le  sens  de  persévérant,  régit 
dunsow  en  :  en,  lorsquelc  substantif  qui  suit  est 
pris  dans  un  sens  général  ou  indéterminé:  Con- 
stant en  amour,  en  amitié  ;  dans,  lorscjue  le^b- 
stanlifest  pris  Jans  un  sens  déterminé  :  Constant 
dans  ses  imours,  constant  dans  la  foi. 

Consterner.  Y.  a.  de  la  l"^'  conj.  Delille  et  Ra- 
cine l'ont  dit  des  choses  : 

Déjà  la  Renommée,  indiscrèle  déesse, 

A  da  ca  bruit  fatal  consterné  sa  tendreste. 

{Enéide,  lY,  427.) 

Ne  vous  fig'urez  point  que  dans  celte  journée 
D'un  lâche  désespoir  ma  vertu  consternée.  . . 

(Rac,  Baj.,  act.  II,  se.  v,  69.) 

On  est  accablé  d'un  désespoir,  abattu  par  le  déa- 
espoir,  dit  La  Harpe,  et  l'on  n'en  est  pas  con- 
sterné. On  ne  peut  cire  consterné  que  du  déses- 
poir d' autrui  :  Je  l'ai  vu  dans  -un  désespoir  qui 
m'a  consterné.  {Cours  de  littérature.) 

On  est  consterné  des  choses  ([ui  sont  l'occasion 
de  la  consternation  ;  on  est  consterné  par  les 
sentiments  intérieurs  qui  produisent  la  conster- 
nation :  .!e  suis  consterné  de  cette  nouvelle,  de 
cet  événement;  je  fus  consterné  par  une  terreur 
subite. 

CoNSTrrDANT,  Constituante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  constituer.  Il  se  dit  en  style  de  pratique 
et  en  physitpie  :  Ledit  sieur  constituant,  ladite 
dame  constituante.  Les  parties  constituantes 
d'un  corps. 

Constitutif,  Constitutive.  Adj.  Il  se  mcîl  tou- 
jours après  son  subst. 

Constitutionnel,  Constitutionnelle.  Adj.  Il 
se  met  ai)rés  son  subst.:  Acte  constitutionnel. 

Construction.  Subsl.  f.  Terme  de  grammaire. 
Ce  mot  vient  du  latin  construere,  qui  veut  dire 
bàlir,  arranger.  La  construction  est  l'arrangement 
des  mots  dans  le  discours. 

La  netteté  du  discours  dépend  beaucoup  des 
constructions.  Mais  comment  connaitrons-nous 
l'ordre  que  nous  devons  donner  aux  mots,  si 
nous  ne  concevons  pas  celui  que  les  idées  sui- 
vent (piand  elles  s'offrent  à  l'esprit?  Découvri- 
rons-nous couimenl  nous  devons  écrire ,  si  nous 
ignorons  comment  nous  concevons?  Celte  recher- 
che parait  d'abord  difficile;  ceiendant  elle  se 
réduit  à  quelque  chose  de  bien  simi)le.  F.n  effet, 
lorsque  nous  concevons,  nous  ne  faisons  et  ne 
pouvons  faire  que  des  jugements;  et  si  nous  ob- 
servons notre  esprit  lorsqu'il  en   fait  un,  nous 


CON 

saurons  ce  qui  lui  arrive  lorsqu'il  en  fait  plu- 
sieurs. 

A  roccasion  des  Grecs,  je  puis  ponscr  aux  fa- 
Ues  qu'ils  ont  imagiiices,  comme  à  l'occasion  des 
fables,  je  puis  penser  aux  Grecs.  L'ordre  dans  le- 
quel ces  idées  naissent  en  moi  n'a  donc  rien  de 
fixe. 

Mais  lorsque  je  dis  les  Grecs  eut  imuginc 
des  fables,  ces  idées  ne  suivent  plus  aucun  ordre 
do  succession  :  elles  me  sont  toutes  également 
présentes  au  moment  où  je  prononce  les  Grecs. 
Voilà  ce  qu'on  iippelle  ji/^/e»-.  Un  jugement  n'est 
donc  que  le  rapport  aperçu  entre  des  idées  qui  se 
présenleut  également  à  l'esprit. 

Quand  un  jugcmeiU  renferme  un  plus  grand 
nombre  d'idées,  nous  n'en  découvrons  les  rai>- 
porlsque  parce  tiuc  nous  les  saisissons  encore  tous 
ensemlile.  Car  pour  juger  il  faut  comparer,  et  on 
ne  compare  i)as  des  choses  (pi'on  n'aperçoit  pas 
en  même  teinjjs.  Lorsque  je  dis  les  Grecs  igno- 
rants ont  imaginé  des  fables  grossières,  no\\-'s>c\x- 
lemenl  j'r;perçois  le  raj)port  des  Grecs  aux  fables 
imaginées  ,  mais  j'aperçois  encore  au  môme  in- 
stant le  c-araclcre  d'ignorance  que  je  donne  aux 
Grecs,  et  celui  de  grossièreté  que  je  donne  aux 
fables.  Si  toutes  ces  choses  ne  s'offraient  pas  à  la 
fois  à  mon  esprit,  je  les  modiliei'ais  au  hasard  :  il 
pourrait  m'arriver  de  dire  les  Grecs  éclairés  ont 
imaginé  des  fables  raisonnables  ;  et  je  ne  saurais 
pourquoi  je  préférerais  une  épilhéle  à  une  autre. 
Il  est  vrai  que  je  puis  d'abord  avoir  dit  seule- 
ment les  Grecs  ont  imaginé  des  fables,  cl  avoir 
ensuite  ajouté  les  caractères  d'ignorance  et  de 
grossièreté.  Par  là  je  n'aurais  achevé  le  jugement 
qu'en  deux  reprises;  mais  enfin  je  ne  puis  m'as- 
surer  qu'il  est  exact  dans  toutes  ses  parties,  que 
parce  que  je  l'embrasse  dans  toute  son  étendue. 

Je  dis  plus,  c'est  que  si  notre  esprit  sent  que 
deux  jugements  ont  cpiclque  rapport  l'un  avec 
l'autre,  il  faut  nécessairement  (ju'il  les  saisisse 
tous  les  deux  à  la  fois.  Les  Grecs  étaient  trop 
ignorants  pour  ne  pas  imaginer  des  fables  gros- 
sières ;  et  ils  avaient  trop  d'esprit  pour  ne  les 
pas  imaginer  agréables  ;  on  ne  saisit  l'opposition 
qui  est  entre  ces  idées  que  parce  que  l'on  aper- 
çoit les  deux  jugements  ensemble. 

Quoique  plusieurs  idées  se  |)résentent  en  même 
temps  à  nous  lorsque  nous  pigeons,  »iue  nous 
raisonnons,  que  nous  faisons  un  système,  nous 
remarquons  qu'elles  s'arrangent  dans  un  certain 
ordre.  11  y  a  une  subordination  qui  les  lie  les 
unes  aux  autres.  Or,  plus  celte  liaison  est  grande, 
plus  elle  est  sensible,  plus  aussi  nous  concevons 
avec  netteté  et  étendue.  Si  nous  détruisons  cet 
ordre,  la  lumière  se  dissipe,  nous  n'apercevons 
plus  que  quehiues  faibles  lueurs. 

Puisque  celte  liaison  nous  est  si  nécessaire 
pour  concevoir  nos  propres  idées,  on  comprend 
combien  il  est  nécessaire  de  la  conserver  dans  le 
discours.  Le  langage  doit  donc  exprimer  sensible- 
ment cet  ordre,  cette  subordination,  celte  liaison. 
Par  conséquent,  le  principe  (pie  l'on  doit  se  faire 
en  écrivant  est  de  se  conformer  toujours  à  la  plus 
grande  liaison  des  idées. 

Ce  iirincipe  donnera  au  style  différents  carac- 
tères. Si  nous  réllèchissons  sur  nous-mêmes, 
nous  remarquerons  que  nos  idées  se  présentent 
dans  un  ordre  qui  change  suivant  les  sentiments 
dont  nous  sommes  affectés.  Telle  dans  une  occa- 
sion nous  frappe  vivement,  qui  se  fait  à  peine 
apercevoir  dans  une  autre.  Do  là  naissent  autant 
de  manièics  de  concevoir  une  même  chose,  que 
nous   éprouvons   successivement    d'espèces  de 


CON 


155 


passions.  De  sorte  que  si  nous  conservons  cet  or- 
dre dans  le  discours,  nous  conununiquerons  nos 
sentiments  en  communi(piaut  nos  idées. 

11  est  essentiel  d'observer  (pic  dans  une  propo- 
sition tous  les  mots  sont  subordonnes  à  un  seul. 
Dans  cette  plii:;se,  im prince  éclairé  est  persuadé 
qve  tous  les  hommes  sont  égaux,  et  qu'il  ne  se  met 
au-dessus  d'eux  qu'en  donnant  l'exemple  des 
vertus  ;  éclairé  est  subordonné  à  prince;  est  per- 
suadé, à  prince  éclaii-é ;  qve  tous  Icshavuncs sont 
égaux  et  qu'il  ne  se  met  au-dessus  d'eux,  à  per- 
suadé ;  et  qu'en  leur  donnant  l'exemple  des  ver- 
tus, il  ne  se  met  au-dessus  d'eux. 

Le  propre  des  mots  sulxirdonnés  est  de  modi- 
fier les  aulrcs,.soit  en  lesdélcnninant,  soit  en  les 
ex|)liquant.  Éclairé  modifie  prince,  parce  (ju'il 
le  détermine  à  une  classe  moins  générale;  et  tout 
le  reste  de  la  phrase  modifie/)rj«ce  éclairé,  parce 
qu'il  cxidique  l'idée  qu'on  s'en  fait.  11  faut  rcmar- 
(luer  aussi  que  tous  les  mots  des  [iropositions 
particulières  sont  subordonnés  les  uns  aux  autres, 
dans  le  même  ordre  où  ils  sont  ici  placés. 

Ces  rapports  de  subordination  se  reconnaissent 
à  différents  signes  :  au  genre  et  au  nombre ,  jom»- 
ces  éclairés,  princesses  éclairées;  à  la  place  que 
les  mois  occupent,  comme  on  le  voit  dans  tout  le 
tissu  de  cette  phrase;  aux  conjonctions,  comme 
dans  cet  exemple,  qve,  et;  aux  prépositions, 
comme  de  et  à. 

Quand  je  considère  dans  mon  esprit  le  juge- 
ment par  lequel  j'attribue  la  justice  à  Dieu,  je  vois 
deux  idées,  celle  de  Dieu  cl  celle  de  la  justice,  et 
je  les  vois  liées  d£  manière  que  l'une  esl  subor- 
donnée à  l'autre.  En  effet,  en  liant  ces  deux  idées 
pour  en  former  un  ju^^emenl,  la  premicre  qui  s'est 
présentée  à  mon  esprit,  c'est  celle  de  Dieu  ;  car  il 
faut  connaître  un  objet  avant  de  lui  allribuer  quc;!- 
<iue  chose.  X>teM  est  donc  l'idée  première,  i'idcc 
principale,  et  justice  l'idée  seconde,  l'idée  sub- 
ordonnée; et  si  je  veux  exprimer  d'une  manière 
claire  ce  jugement  par  des  mots,  il  faudra  (jne  je 
conserve  dans  l'arrangement  de  ces  mois  l'ordre 
qui  existe  dans  les  idées  que  chacun  de 
ces  mois  exprimera.  J'énoncerai  donc  le  sujet 
«vant  l'attribut,  el  pour  faire  comprendre  que  ces 
deux  objets  sont  liés  dans  mon  esprit,  je  placerai 
entre  l'un  et  l'nulrc  le  verbe  iiui_  exprime  cette 
liaison.  Je  dirai  donc  Dieu  est  juste,  et  par  la 
place  que  je  donne  à  chacun  de  ces  mots,  j'exprime 
les  rapports  qui  les  déterminent  successivement, 
et  la  liaison  qui  les  unil,  pour  en  former  une  pro- 
position complote. 

Voilà  la  construction  naturelle  des  mots  essen- 
tiels d'une  proposition  simple.  Mais  chacun  de 
ces  mots  peut  être  modifié  par  d'auUes  mots. 
Voyons  quelles  peuvent  être  ces  modilicaiionsct 
comment  elles  doivent  être  i)lacées. 

Les  modifications  sont  ou  des  adjectifs,  ou  des 
adverbes,  ou  des  substanlil's  précédés  d'une  pré- 
position, ou  d'autres  propositions,  ou  tout  cela 
ensemble.  Nous  allons  traiter  successivement 
des  modifications  du  nom,  de  celles  du  verbe,  et 
de  celles  de  l'atribut,  en  expu.sant  les  excellents 
principes  ipie  Condillac  a  donnés  sur  cette  ma- 
tière. 

Des  modifications  du  nom.  —  Le  nom  est  pro- 
prement le  premier  terme  de  la  proposition,  puis 
que  c'est  à  lui  que  tous  les  autres  se  rapportent. 
1  Ouand  la  modification  du  nom  est  un  adjectif, 
là  liaison  est  égale,  (iuel<iuc  arrangement  (lu'on 
suive.  Lorsque  je  dis  courageux  soldat,  on  voit 
bien  qu'au  moment  où  je  [)rononce  courageux, 
je  pense  à  un  nom  que  j'ai  dessein  de  modifier. 


15G 


CON 


Soldat,  quoique  énonce  le  second ,  est  donc  le 
premier  <l;ins  l'ordre  dos  idées,  cl  covraqeux  est 
un  mol  siiliurdoiiné.  De  là  n:iissenl  deux  sortes 
deconslriiclions  :  l'une  (]iii  suit  la  siibordiniilioii 
des  mots,  et  que  nous  nommerons  construction 
directe,  comme  dans  soldat  cnvruçieva: ;  l'autre 
qui  s'en  crarie,  el  t|ue  nous  nommerons  construc- 
tion renversée,  ou  inversion,  comme  dans  cou- 
ragevx  sddat. 

Mais  l'usîige  ne  laisse  pns  toujours  la  liberté  de 
mettre  à  notre  choix  l'adjectif  avant  ou  après  le 
nom  ,  et  il  ne  parait  pas  suivre  en  cela  de  loi  bien 
fixe.  Voyez  adjectif. 

Si  le  nom  est  moilifio  par  un  suiislanlif  précédé 
d'une  préposition,  ou  ce  subslantil'e^t  pns  d'une 
manière  vague,  ou  il  a  ini  sens  déterminé.  Dans 
le  premier  cas,  l'usage  ne  permet  qu'une  seule 
construction  :  L'homme  de  fortune  a  presque 
tovjovrs  des  reve7-s  à  craindre  ;  on  ne  dira  pas 
de  fortune  l'homme.  Dans  le  second  cas,  on  a  le 
choix  cnire  deux  constructions;  on  i)cul  dire  : 
Enfin  les  revers  de  la  fortune  sont  ù  crctindre, 
et  de  la  fortune  enfin  les  rerers  sont  ù  craindre. 
De  la  frtune  est  une  idée  déicrmiiiée,  sur  la- 
quelle l'esprit  s'arrôic;  il  attend  le  nom  qu'elle 
modifie,  et  il  lie  l'un  à  l'autre.  Il  ne  lui  est  pas 
si  naturel  de  se  lixer  d'abord  sur  une  idée  va- 
gue; c'est  pourquoi  l'on  ne  peut  pas  dire  de  for- 
tune l'homme. 

Il  faut  remarquer  que  la  transiiosilion  du  sub- 
stantif avant  le  nom  qu'il  modifie  demande  qu'ils 
soient  séparés  l'un  de  l'autre  par  quelque  ciiose, 
et  cela  ne  nuit  pas  à  la  liaison  des  idées;  car  il 
y  a  des  cas  où  les  idées  ne  sont  liées  qu'autani 
que  les  mots  se  suivent  immédiatemenl,  el  il  y  en 
a  d'autres  où  la  conslruciion  écarte  les  idées  jiour 
en  rendre  la  liaison  plus  sensible.  Tout  railifice 
consiste  à  présenter  d'abord  l'idée  qui,  dans  l'or- 
dre direct,  devrait  élre  la  dernière;  l'esprit  la  fixe 
et  la  lie  lui-même  a  celle  dont  elle  esl  sé|>arée,  et 
qu'elle  lui  a  fait  attendre.  Quand  on  lit  de  la  for- 
tvne,  on  attend  le  nom  que  ce  substantif  déter- 
mine; el  aussitôt  (]u'on  lit  les  revers,  la  liaison 
est  faite.  Or,  la  liaison  est  la  même,  soit  que  la 
construction  ra[)proche  elle-même  les  idées  en 
rapprochant  les  mois,  soit  qu'elle  écarle  les  mots 
avec  cet  art  qui  engage  l'esprit  a  rapprocher  lui- 
mêmeles  idées.  Ccsdeuxconsîruclionsont  chacune 
des  avantages,  et  sont,  selon  les  cas,  piéférables 
l'une  a  l'autre.  L'ordre  direct  est  le  point  fixe  que 
l'on  ne  doit  jamais  perdre  de  vue.  Les  construc- 
tions peuvent  s'en  écarter;  mais  il  faut  (ju'elles 
puissent  y  revenir  sans  effort,  aulremeni  elles  se- 
ront obscures,  ou  du  moins  embarrassées.  De  la 
fortune  enfin  les  revers  sont  a  craindre,  ne  s'en- 
tend (pie  |)arce  que  resjirit  rétablit  naturellement 
l'ordre  direct,  qui  esl  lesrevers  de  la  fortune  sont 
à  craindre. 

Dans  CCS  phrases  :  Un  excellent  fruit  d'I- 
talie, vn  fruit  excellent  d'Italie,  le  nom  frvit 
esl  m.odilic  par  un  adjectif,  excellent,  el  par  un 
subslaniif  indélerininé,  précédé  d'une  préposi- 
tion, d'Italie.  On  a  ici  deux  consiruclions,  parce 
(\n'excellenl  peut  avoir  deux  |)laces  différentes. 
Dans  la  première,  cependant,  fruit  se  lie  mieux 
avec  ses  inodilieations,  parce  qu'il  esl  place  entre 
les  deux;  aussi  esl-elle  préférable.  Avec  l'adjectif 
bon  on  n'aurait  absolument  qu'une  consiruction, 
parce  <iue  l'adjectif  bon  ne  peut  pas  être  mis  après 
son  suhstaiiiif,  el  que  par  conséquent  on  ne  peut 
pas  dire  fruit  hon. 

Quand  le  siibstanlifqui  modifie  esl  déterminé, 
on  a  quelquefois  quatre  constructiims,  et  d'au- 


CON 

1res  fois  deux.  Exemples  de  quatre  constructions  : 
La  victoire  sanglante  de  Fontenni;  la  sanglante 
victoire  de  l'ontrnji  ;  de  Fontenoi  la  victoire 
sangUmtc ;  de  Fontenoi  la  sanglante  victoire. 
Exemples  de  deux  constructions  :  Les  attirails 
assujettissants  de  la  grandeur;  de  la  grandeur 
les  attirailsassiijcttissunts.  On  a  le  choix  de  qua- 
tre coiislructiuiis  dans  la  i)reinière  phrase,  parce 
(pic  l'adjcciif  |)eul  se  metire  avant  ou  après  le 
subslanlif  ;  il  n'y  en  a  que  deux  dans  la  seconde, 
parce  que  l'adjectif  doii  nécessairement  suivre  le 
subslanlif.  Chacune  de  ces  constructions  a  son 
usage,  comme  on  le  verra  dans  la  suite;  elon  ne 
doit  pas  les  employer  indifféremment.  On  dira 
l'ambitieux ,  l'intrépide ,  le  téméraire  roi  de 
Suède,  et  le  roi  de  Suède  ambitieux,  intrépide, 
téméraire  ;  et  on  ne  dira  jamais,  le  roi  ambitieux, 
intrépide  ,  téméraire  de  Suède.  De  Suède  esl 
un  substantif  pris  vaguemeni,  el  qui  par  consé- 
(pient  ne  peul  pas  élre  séparé  du  nom  qu'il  mo- 
difie. 

Si  l'on  voulait  n'employer  qu'une  seule  épi- 
Ihcle,  on  ne  pourrait  la  Iransporier  après  le  sub- 
slanlif (jue  dans  le  cas  où  elle  sciait  accompagnée 
de  quelque  circonstance,  et  comme  renfermée 
dans  une  parenthèse.  Vous  ne  direz  pas  le  roi 
do  Suède  téméraire  entreprit,  quoi(iue  vous 
puissiez  dire  le  roi  de  Suède,  téméraire  en  cette 
occasion ,  entreprit.  Alors  téméraire  est  à  sa 
place,  parce  qu'il  doit  se  lier  à  la  circonstance 
exprimée  par  ces  mots,  en  cette  occasion  ;  vous 
pourriez  dire  aussi,  téméraire  eji  cette  occasion, 
le  roi  de  Suède  entreprit. 

11  faut  toujours  prendre  garde  que  les  transpo- 
sitions ne  donnent  point  lieu  à  des  équivoques. 
Ne  dites  donc  pas  peintures  des  mœurs  vires  et 
brillantes;  car  d'un  côlé  on  verrait  que  vous 
voulez  que  les  épilhèlcs  moiWficni  peintures,  et 
de  l'autre  elles  paraîtraient  modifier  mœurs. 

On  peul  encore  remanjucr  qu'il  doil  y  avoir 
une  certaine  proportion  enlre  les  parties  d'une 
phrase.  Si  celle  proportion  n'y  élait  pas,  l'oreille 
en  serait  blessée;  et  tout  ce  qui  l'offense  cause 
une  distraction  qui  ne  permet  pas  à  l'esprit  de 
saisir  égalemenl  la  liaison  des  idées.  Ne  dites  donc 
pas  on  trouve  dans  La  Bruyère  des  peintures 
vives,  brillantes  et  vraies  des  mœui-s.  Il  serait 
mieux  de  retrancher  quchiue  chose  d'un  côté  el 
d'ajouter  de  l'autre,  en  disant  on  trouve  dans  La 
Bruyère  des  peintures  vives  et  brillantes  des 
mœurs  de  son  siècle.  En  général,  il  ne  faut  pas 
multiplier  les  épithéles  sans  nccessiK',  car  tout 
mot  qui  n'est  pas  nécessaire  nuit  à  la  liaisi^n.  Au 
reste,  sans  compter  les  épiihcles,  il  suffit  d'avoir 
lespril  juste  pour  discerner  les  consiruclions  qui 
allèrent  la  liaison  des  idées;  il  serait  ridicule  de 
s'assujettir  a  coinpierles  mois. 

Si  la  modification  est  une  proposition,  elle  se 
joint  au  nom  par  le  moyen  des  adjectifs  conjonc- 
tif  qui,  que,  dont,  etc.,  précédés  quelquefois 
d'une  préposition  :  L'homme  qui  m'a  parlé  de 
vous, que  vous  connaissez,  à  qui  vous  avez  obli- 
gation. Ces  propositions  inciilenles  doivent  tou- 
jours suivre  le  nom  lorsqu'elles  en  sont  les  seules 
modifications.  S'il  y  en  a  plusieurs,  il  faut  les 
disposer  dans  la  gradalion  des  idées  :  l'urenne, 
qui  attaqua  les  troupes  de  l'Empire  avec  une 
armée  bien  inférieure,  qui  les  défit  dans  plu- 
sieurs combats  consécutifs,  et  qui  rnit  nos  fron- 
tières à  l'abri  de  toute  insulte. 

Si  la  modification  esl  tout  à  la  fois  formée  par 
des  adjectifs,  des  substantifs  el  des  proi)ositions, 
les  adjectifs  el  les  substantifs  se  construisent 


CON 

comme  nous  l'avons  rciiiarqué,  et  les  i»roposi- 
tions  incidentes  ne  viennent  jamais  qu'après  :  La 
sanglante  victoire  de  Fontenoi ,  sur  laquelle 
M.  f^oltaire  a  fait  iinpoëine.  On  voit  par  là  (|iio 
les  modilicalions  qui  licnnenl  le  plus  au  nom  sont 
celles  qui  smit  expiiuices  par  un  adjectif  ou  par 
un  subslanlif  précédé  d'une  préposition;  (ju'il 
est  de  la  nature  de  l'adjeclif  conjonctif  d'être 
toujours  entre  les  idées  qu'il  lie  ensemble,  et  ([ue 
par  consé(|ucnl  les  propositions  incidentes  ne 
sauraient  cire  transposées. 

Des  modifications  de  Vutlrihtit.  —  Quand  l'at- 
tribut est  un  adjectil",  il  |)cul  cire  modifié  i)ar  un 
adverbe  ou  par  un  sui).Manlirpréccdé  d'une  pré- 
position, les  adverbes  de  quanlilé  doivent  tou- 
jours précéder  l'adjcctil' :  Les  plié numèiies  sont 
plus  communs  depuis  que  les  observa  leurs  sont 
moins  rares.  Ceux  de  manière  pcnivenl  le  iirécé- 
der  ou  le  suivre  :  //  est  ouvertement  a:ubitieux, 
il  est  ambitieux  ouvertement.  Si  les  suhslanlifs 
précédés  d'une  jiréposition  sont  l'éiiuivalciU  d'un 
adverbe,  ils  doivent  eue  placés  après  l'adjectif: 
Jl  est  économe  sa/is  avarice,  il  est  courageux 
avec  prudence.  Ces  expi'cssions ,  sans  avarice, 
avec  prudence,  mariiucnt  la  manière  dont  on  est 
économe  ou  coura^'cux.  Mais  si  les  subslaniils 
précédés  d'une  pré|)osition  indiquaient  moins  la 
manière  que  le  rapport  au  terme,  à  la  cause,  ou 
à  queUpies  circonstances,  alors  les  transpositions 
auront  lieu  ou  n'auront  pas  lieu,  suivant  les  cas  : 
La  tige  des  plantes  est  toujours  perpendiculaire 
à  r/io?-z.30/j;  rapport  au  terme.  Un  prince  71'est 
grand  que  par  les  connaissances  et  les  vertus; 
rapport  à  la  cause.  On  est  bien  inférieur  aux 
autres  quand  (,71  ne  leur  est  supérieur  que  par 
la  naissance  ;  rapport  à  une  circonsiance.  Dans 
ces  exem[)lcs,  aucun  des  noms  précédés  d'une 
préposition  ne  saurait  changer  de  place. 

Quelquefois  l'adjeclif  et  le  verbe  sont  renfer- 
més dans  un  seul  mot.  Alors  rien  n'est  si  com- 
mun que  d  'S  exemples  où  les  transpositions  ne 
sont  pas  permises:  J'envie  mieux  commander  à 
ceux  qîii possèdent  deVor  que  d'en  posséder  moi- 
même  ,  disait  Fabricius  aux  ambassadeurs  de 
Pyrrhus. 

Exemples  où  la  transposition  peut  se  faire  : 
Aux  yeux  des  flatteurs,  un  tyran  est  un  grand 
homme i  mais  aux  yeux  de  son  peuple,  Vest-il? 
Pour  son  âge,  il  est  bien  peu  ucancé.  Avec  de 
l'attention,  on  se  corrige  de  ses  mauvaises  ha- 
bitudes ;  avec  de  l'application,  on  en  acquiert  de 
bonnes.  On  jiourrail  égalcmenl  dire  un  tyran  est 
un  grand  homme  aux  yeux  des  flatteurs,  mais 
Vest-il  aux  yeux  de  so?i  peuple  ?  Jl  est  bien  peu 
avancé  pour  son  âge,  etc. 

Après  Sait l  parait  David,  David  paraît  après 
Saiil.  Dans  ces  deux  constructions  ,  les  idées 
sont  également  liées,  car  l'une  n'est  (jue  le  ren- 
versement de  l'antre.  Mais  dans  David  après 
Saiil  parait ,  après  Saiil  David  paraît,  la  liai- 
son n  est  pas  si  grande.  Si  nous  ajoutons  sur  le 
trône,  voici  les  constructions  où  les  mois  se  sui- 
vront dans  la  plus  grande  liaison.  Après  Saiil, 
David  parait  sur  le  trône,  sur  le  trône  David 
parait  après  Saiil.  La  liaison  ne  serait  plus  si 
sensible  si  l'on  disait  David  paraît  après  Saiil 
sur  le  trône;  car  sur  le  trône  est  une  ciicon- 
stance  qui  ne  doit  fairequ'une  idée  avec  le  verbe 
paraît.  Si  le  nom  est  accompagné  de  plusieurs 
niodilications,  on  ne  pourra  se  permettre  ((u'une 
seule  construction  :  Après  Saiil  paraît  un  Da- 
vid, cet  admirable  berger,  vainqueur  de  Goliath 
et  de   tous  les  ennemis    du  peuple   de    Dieu; 


CON 


157 


grand  roi,  grand  conquérant,  grand  pr.phète  , 
di(/ne  de  chanter  les  mervei''es  de  lu  toute- 
puissance  dirine,  homme  enfin  selon  le  cœur  de 
Dieu,  et  qui  par  sa  pénitence  a  fait  même  tourner 
son  crime  ci  la  gloire  de  son  Créateur.  (IJossucl, 
Disc,  siirl'hist.  univ.,  1"  pa;'l.,chap.  \',  p  23)11 
est  aisé  de  sentir  i^uninoi  cette  conslrndion  est 
la  seule  bonne.  David  paraît  après  Saiil,  voilà 
les  parties  essentielles  de  la  proposition,  et  le 
principe  de  la  liaison  des  idées  exige  (pi'elles 
soient  rapprochées  leplusiiu'il  est  possible;  or, 
dans  la  phrase  (jn'on  vicnj  de  lire,  ces  parties 
essentielles  se  toiudient.  I^lles  seraient  s(';parées 
d'une  manière  cho(]nanlc  si  l'on  disait  ■  David, 
cet  adiitirablo  berger,  vainqueur  de  Goliath  et 
de  tous  les  ennemis  du  peuple  de  Dieu;  grand 
roi  et  grand  conquérant,  grand  prophète,  digne 
de  chauler  les  merveilles  de  la  toute-puissance 
divine,  homme  enfin  selon  le  cœur  de  Dieu,  ci 
qui  par  sa  pénitence  a  fait  mémo  tourner  soji 
crime  à  la  gloire  de  soti  Créateur,  parait  après 
Saiil. 

Il  faut  observer  sur  les  lemi»  composés,  qu'on 
peut  dire  également  :  Les  flatteurs  vi  us  ont  gâté 
priidigieusement ,  OU  vous  ont  prodigieusement 
gâté.  Mais  l'usage  ne  laisse  [ras  la  liberté  de 
transposer  tous  les  adverbes,  et  on  ne  peut 
dire,  par  exemple,  les  flatteurs  vous  ont  gâté 
bien,  (^iiand  la  modification  est  exprimée  par  un 
substantif  précédé  d'une  préposition,  elle  ne  doit 
jamais  précéder  le  participe.  On  ne  dira  pas  il 
710US  a  avec  magnificence  traités,  quoiipi'on  dise 
il  nous  a  7uagnifiqucment  traités.  La  raison  de 
cette  différence,  c'est  cpie  la  modification  ne 
formant  (prune  seule  idée  avec  le  participe,  on 
ne  peut  la  faire  précéder  que  dans  le  cas  où  l'on 
ne  craindrait  pas  tiu'elle  se  liât  avec  le  verbe. Or, 
dans  il  710US  a  avec  mag/iificence,  avec  semble- 
rait se  lier  au  verbe  a. 

Lorsque  l'allribul  est  un  substantif,  ses  modi- 
fications doivent  suivre  les  règles  (pic  nous  avons 
établies  en  paiianl  des  modifications  du  nom  ou 
du  sujet,  en  observant  cependant  (jue  les  trans- 
positions ne  sont  pas  aussi  fié(pientes  avec  l'at- 
tribut. (Juoiiju'on  pnjssc  liirc  le  téméraire  roi  de 
Suède  a  ruiné  ses  Etats,  on  ne  dira  pas  Char- 
les XII était  un  téméraire  roi.  La  laison  en  est 
sensible.  Au  conmiencement  de  la  proposition, 
le  sujet  n'est  d'abord  lié  a  rien,  puis(iue  c'est  à 
lui  (pie  tous  les  autres  mots  doivent  se  lier  à 
mesure  (|u'ils  sont  énoncés.  Il  est  donc  indiffé- 
rent (jue  je  le  nomme  directement,  ou  (]ue  je 
l'annonce  |)ar  un  qualificatif  (pii  le  fait  attendre 
naturellement;  je  dirai  donc  égalemcnl  bien  u/i 
fruit  excellent,  un  excellent  fruit.  Mais  lors(]ue 
le  nom  est  l'attribut  de  la  |)roposilion,  il  est  lié 
d'avance  avec  le  verbe,  il  est  attendu  immé- 
diatement avec  le  verbe,  et  je  romps  la  liaison,  je 
lrorni)e  l'attente,  si  je  fais  paraître  un  inodifi- 
catif  de  ce  nom  avant  ce  nom  même.  Quand  j'ai 
dit  Charles  X II  était,  on  attend  l'allribul.  Si  je 
dis  un  téméraire,  ce  qui  n'est  (pi'un  (inalificatif 
de  l'allribul,  la  liaison  est  rompue:  si  je  dis  un 
roi,  elle  est  enliére. 

Des  modifications  duverbe.  —  En  |)arlant  des 
modifications  de  ratiribnt,  nous  avons  parlé  des 
verbes  qui  le  renferment.  Il  ne  s'agira  donc  ici 
que  du  verbe  être,  qui  est  distinct  cl  séparé  de 
raltribni. 

Les  modifications  du  verbe  être  comprennent 
les  circonstances  de  temps,  de  lieu,  d'oidre,  et 
le  degré  d'assurance  avec  leipul  on  juge.  Ces 
modilicalions  peuvent  prendre  différentes  places. 


158 


CON 


On  peut  dire  ("iralcmcnt  :  Les  conseils  agréables 
sont  rarement  des  conseils  utiles;  ou  rare- 
ment des  conseils  agréables  so7it  des  conseils 
utiles.  Ce  qui  flatte  les  passions  n'est  pas 
d'ordinaire  ce  qui  rend  heureux  ;  ou  d'ordinaire 
ce  (jui  flatte  les  passions  n'est  pas  ce  qui  rend 
heureux.  Il  était  déjà  bien  habile  il  y  a  deux 
atis.  Déjà  cl  il  y  a  deux  ans  sont  des  inodili- 
cations  du  vcrlic  être  :  la  première  ne  peut  se 
déplacer,  parce  turclic  tient  essenlicilonienl  au 
veri)c;  la  seconde  [)eul  être  mise  au  cominonce- 
menl,   parce  (pi'cllc  lient  à  la  proposition  entière. 

11  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  que  les  idées 
ne  sont  j;imais  plus  liées  (jue  lorsquo  l'onirc  est 
direct  ,  et  qu'on  ne  doit  se  permettre  des  in- 
versions qu'autant  que  la  liaison  demeure  la 
même. 

Des  propositions  composées  par  la  multitude 
des  rapports.  —  Nous  avons  examiné  les  pro- 
positions composées  par  différentes  modifica- 
tions; nous  allons  maintenant  examiner  celles 
qui  le  sont  par  la  multitude  des  rapports. 

Un  verbe  peut  avoir  rapp^irl  à  un  objet  :  J'en- 
voie ce  livre  ;  à  un  terme,  à  voire  ami;  à  un 
motif  ou  à  une  fin,  pour  lui  faire  plaisir;  à  une 
circonstance,  dans  sa  nouveauté;  à  un  moyen, 
par  une  commodité.  11  semble  d'abord  qu'il  suf- 
firait d'ajouter  toutes  ces  choses  les  unes  aux 
autres;  cependant  le  plus  médiocre  écrivain  ne 
se  permettrait  pas  celte  phrase  :  J'envoie  ce  livre 
à  votre  ami  pour  lui  faire  plaisir,  dans  sa  nou- 
veauté, par  une  commodité.  Cherchons  la  ma- 
nière dont  doivent  être  construits  ces  différents 
rappi)rls. 

Premièrement ,  le  même  rapport  a  beau  être 
répété,  la  [)hrasc  n'en  sera  pas  moins  c  .irrecle. 
Telle  est  la  phrase  suivante,  qui  est  très-claire, 
a[U4iquc  le  rapport  d'objet  y  soit  répété  cinq 
f«is  :  Vous  ne  connaissez  pas  Tcnnui  qui  dévore 
les  grands,  Z'obsession  où.  ils  sont  de  cette  mul- 
titude de  valets  dont  ils  ne  peuvent  se  passer, 
rinqtiiétudc  quiles porte  à  changer  de  lieu  sans 
en  trouver  un  qui  leur  plaise,  la  peine  qu'ils 
ont  à  remplir  leur  journée,  et  la  tristesse  qui 
les  suit  jusque  sur  le  trône  [Lettres  de  madame 
de  Main  tenon).  Dans  ce  cas,  ou  il  y  a  quelque 
gradation  entre  les  idées ,  ou  il  n'y  en  a  point. 
S'il  y  a  une  gradation,  il  faut  s'assujettir  à  Tordre 
qu'elle  inditjue  ;  s'il  n'y  en  a  point,  on  peut  les 
disposer  comme  on  veut,  ou  du  moins  on  n'a  que 
l'oreille  à  consulter. 

Les  liomains  savaient  profiter  admirablement 
de  tout  ce  qu'ils  voyaient  du7is  les  autres  peu- 
ples de  coinviodc  pour  les  campements,  [lour  les 
ordres  de  bataille,  pour  le  genre  même  des  ar- 
mes, en  un  mot,  pour  faciliter  tant  l'attaque 
que  la  défense.  (BuSsuet,  Disc,  sur  Vhist.  univ., 
IIP  part.,  chap.  vi,  p.  46y.)  Voilà  un  exemple 
où  un  adjectif,  commode,  a  l'apport  à  plusieurs 
lins  indiquées  par  la  |)rcpositiou  pour.  Que  ce 
soit  un  verbe  ou  un  adjectif, et  quelque  soit  le 
rapport,  pourvu  (}u'il  soit  toujours  le  même,  il 
est  évident  que  la  construction  ne  souffre  point 
de  difficulté.  La  gradation  des  idées  était  le 
genre  des  armes,  les  campements  et  les  ordres 
de  bataille;  mais  Bossuel  a  fait  un  renverse- 
ment, parce  qu'il  a  voulu  faire  sentir  jusipi'où 
les  Romains  portaient  l'attention  qu'il  leur  at- 
tribue ;  c'est  à  quoi  contribue  encore  l'adjectif 
même. 

Comme  il  y  a  une  gradation  entre  les  rapports 
de  même  espèce,  il  y  en  a  une  également  entre  les 
rapports  d'espèces  différentes.  Le  verbe  est  plus 


CON 

lié  à  son  objet  qu'à  son  t'arme,  et  à  son  terme 
qu'à  une  circonstance.  Si,  par  exemple,  je  m'in- 
terromps après  avoir  dit  l'envoie... on  ne  me  de- 
mandera pas  d'abord  à  qui?  ni  où?  à  moins  qu'on 
ne  si'it  d'ailleurs  ce  que  j'ai  dessein  d'envoyer; 
on  demandera  quoi^  Si  j'ajoute  un  livre,  la 
première  «pieslion  ne  sera  \)ni  pourquoi?  m  par 
quelle  occasion?  mais  plutôt  à  qui?  On  volt 
par  11  que  ce  qu'il  y  a  de  plus  lié  au  verbe, 
c'est  l'objet,  et  qu'après  l'ob'et  c'est  le  terme.  II 
sera  donc  mieux  doiVivc j'envoie  ce  livre  à  votre 
ami,  (\\\c  j'envoie  à  vire  ami  ce  livre.  Remar- 
quons que  le  sens  de  celte  phrase  ,  pour  êlre 
fini,  doit  renfermer  im  objet  et  un  tenue;  et 
qu'il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  renferme  les  cir- 
constances, le  moyen,  la  fin  ou  le  motif.  Or,  on 
peut  appeler  nécessaires  toutes  les  idées  sans 
lcs(iuelles  le  sens  ne  saurait  être  terminé,  e" 
sur-ajoutécs  les  cirronstances,  le  moyen,  la  fin, 
le  motif,  toutes  les  idées  en  un  mot  qu'on  ajoute 
à  un  sens  déjà  fini. 

Puisque  le  sens  est  terminé  indépendamment 
des  idées  sur-ajoulées,  il  est  évident  que  lorsque 
aucune  n'est  énoncée,  le  verbe  ne  poitc  pas  à 
faire  des  questions  sur  l'une  plutôtque  sur  l'autre. 
Files  n'y  sont  pas  liées  essentiellement.  Si  l'on  fait 
des  questions,  ce  sera  uniquement  par  un  esprit 
de  curiosité,  et  elles  pourront  avoir  jiour  objet  les 
circonstances  plutôt  que  les  moyens,  les  moyens 
plutôt  que  la  fin,  et  réciproquement.  Je  puis 
ajonter  une  circonstance  à  la  phrase  donnée  pour 
exemple  :  J'envoie  ce  livre  à  votre  ami  dans  sa 
nouveauté,  n'altère  point  la  liaison  des  idées;  elle 
est  à  sa  place,  et  la  construction  est  bien  faite.  Je 
puis  encore  substituera  la  circonstance,  la  fin  ou 
Icmoyen,  et  je  dirai  également  h'Kn,  j'envoie  ce 
livre  à  votre  ami,  pour  lui  faire  plaisir;  ci  j'envoie 
ce  livre  à  votre  ami  par  une  commodité.  Mais  si 
je  veux  rassembler  les  circonstances,  les  moyens 
et  la  fin,  je  n'ai  pas  de  raison  pour  commencer  par 
l'une  de  ces  idées  plutôt  que  par  l'autre;  voilà 
pourquoi  la  construction  devient  choquante.  Cha- 
cune d'elles  a  le  même  droit  de  précéder,  et  la  der- 
nière paraît  hors  de  sa  place.  Lors  donc  que  je 
dis  j'envoie  ce  livre  à  votre  ami,  dans  sa  nou- 
veauté, pour  lui  faire  plaisir,  par  une  commo- 
dité,  ces  idées,  j^our  lui  faire  plaisir,  par  une 
commodité,  terminent  mal  la  phrase,  parce  qu'elles 
sont  trop  séparées  du  verbeauquel  elles  se  rappor- 
tent, et  que  d'ailleurs  elles  ne  sont  pas  liées  entre 
elles. 

la  multitude  des  rapports  n'est  donc  un  dé- 
faut que  parce  qu'elle  altère  la  liaison  des  idées; 
et  cette  altération  commence  lorsiju'à  l'objet  et 
au  terme  on  ajoute  encore  deux  rapports,  la  règle 
générale  est  donc  que  le  verbe  ne  peut  jamais 
avoir  que  trois  rajiports  après  lui.  Je  dis  après 
lui,  car  le  sens  étant  fini  indépendamment  des 
idées  sur-ajoulées,  le  verbe  ne  leur  manpie  point 
de  i)lace;  il  n'est  pas  plus  lié  aux  unes  qu'aux  au- 
tres, et  elles  peuvent  commencer  ou  terminer  la 
phrase. 

Par  le  moyen  de  ces  transpositions,  on  peut 
faire  entrer  dans  la  même  phrase  un  rapport  de 
plus.  On  dira  donc  :  Pour  faire  plaisir  à  votre 
ami,  je  lui  envoie  ce  livre  dans  sa  nouveauté  ; 
et  cette  construction  est  mieux  (\\\c,  j'envoie  ce 
livre  à  votre  ami,  dans  sa  nouveauté,  pour  lui 
faire  plaisir.  Quand  nous  commençcms  la  pre- 
mière construction,  l'idée  sur-ajouléc  pour  faire 
plaisir  à  votre  ami  attire  noire  attenlion,  et  nous 
fait  attendre  le  verbe  auquel  elle  est  subordonnée 
Aussitôt  donc  que  nous  Visons  j'envoie,  nous  l'y 


CON 

lions  naturcllcmcnl.  Il  n'en  est  pas  de  même  do 
la  seconde  construclion.  Au  contraire,  quand 
nous  arrivons  au  mol  «oKreaw^e,  nous  n'attendons 
plus  rien.  Le  sens  portera  bien  a  lier  encore /jot/r 
lui  faire  plaisir  à  j'envoie,  mais  la  liaison  ne  se 
fera  pas  si  naturellement.  Il  faut  qu'une  phrase 
semble  faite  d'un  seul  jet;  il  ne  faut  pas  qu'on 
paraisse  y  revenir  à  jdusieurs  rciu'ises.  Or,  (juand 
on  ajoute  à  la  lin  plusieurs  idées  à  un  sens  fini, 
il  semble  qu'on  a  oublié  ce  qu'on  veut  dire,  et 
qu'on  est  obligé  d'y  revenir  à  iilusicurs  fois. 

La  règle  est  donc  qu'on  peut  faire  entrer  dans 
une  pbrascaulant  d'idées  sur-ajoutéescju'on  veut, 
lorsqu'elles  ont  tontes  le  nicmc  rapport  avec  le 
verbe;  mais  si  elles  ont  dos  rapports  différents, 
on  n'en  pciU  faire  entrer  (pj'une,  lorsqu'on  n'en 
mel  poiiU  au  commencement  ;  et  on  en  peut  faire 
entrer  deux,  lorsqu'on  en  met  une  au  coumicncc- 
ment  et  une  à  la  lin. 

Il  ne  faut  pas  croire  cependant  qu'on  soit  tou- 
joure  libre  de  changer  la  jjlacc  des  idées  sur-ajou- 
lécs.  Dans,  le  mi  reçut  fièrement  les  députés  de 
Tournay,pour  avoir  osé  tenir  en  saprésence  (Fel- 
lisson,  Hist.  de  Louis  Xlf^,  liv.  Y,  l  ii,  p.  171), 
on  ne  peut  rien  transposer.  Mais  s'il  avait  d'abord 
été  question  du  roi  cl  de  ces  députés,  on  aurait 
pu  dire  également  le  mi  les  reçut  fèrement  pour 
avoir  osé  tenir  en  sa  présence,  ou  pour  avoir  osé 
tenir  en  sa  présence,  le  roi  les  reçut  fièrement. 

Il  faut  éviter  les  transpositions,'lorsqu'ilcn  peut 
naître  quelque  équivoque.  Quoiqu'on  puisse 
dire  par  la  voie  de  l'expérience,  la  philosophie 
fait  des  progrès,  on  ne  dira  i)as,  ce  n'est  pas  en 
imuginant  qu'on  découvre  la  vérité;  par  la  voie 
d^s  expériences,  la  philosophie  fait  des  progrès. 
ÇA\v,par  lu  voie  des  e.rpériences,  se  rapporterait 
a  ce  qui  précède,  comme  à  ce  qui  suit. 

Le  terme  n'a  pas  une  jilace  aussi  fixe  que  l'ob- 
jet, et  l'on  peul  souvent  le  transposer.  Juw  yeux 
de  l'ignorance,  tout  est  prodige  ou  tout  est  natu- 
rel, fait  un  sens  fini;  ce  qui  montre  que  le  terme 
peul  être  au  nombre  des  idées  sur-ajoulées.  Les 
circonstances  peuvent  à  leur  tour  devenir  dos 
idées  nécessaires.  En  voici  un  exemple  lire  de 
Bossuel  :  Près  du  déluge  se  rangent  le  décroisse- 
mcnt  de  lu  vie  humaine,  le  changement  dans  le 
vivre,  et  une  nouvelle  nourriture  substituée  aux 
fruits  delà  terre;  qiie/qnes  préceptes  donnés  à 
Noé  de  vive  voix  seulement ,  la  confusion  des 
langues  arrivée  à  la  tour  de  Babel,  etc.  {Disc. 
sur  l'hist.  univers.,  l"  part,  chap.  ii,  p.  13.) 
Près  du  déluge  cs\.  une  circonstance  absolument 
nécessaire  pour  terminer  le  sens  du  verbe  se  ran- 
gent. Ecmarciuons  que  Bossuel  n'a  i)as  suivi  l'or- 
dre direct,  |>arcc  (ju'il  l'a  irouvé  moins  jjropre  à 
lier  les  idées.  En  effet,  s'il  ciit  dit  le  décroisse- 
ment  de  la  vie  humaine,  le  changement  dans  le 
vivre,  etc.,  se  rangent  près  du  déluge,  l'esprit 
eût  été  suspendu  |)ar  l'énumération  de  cette  uuil- 
tilude  de  sujets,  cl  la  liaison  n'eût  été  formée 
qu'a  la  fin  de  la  phrase;  au  lieu  que,  dans  la  con- 
struction qu'il  a  choisie,  chaque  nom  se  lie  au 
verbe  à  mesure  (]u'il  est  prononce.  Avec  un  peu 
de  réflexion,  on  sent  facilement  les  occasions  où 
l'on  peul  à  son  choix  se  permettre  l'ordre  direct 
ou  l'ordre  renversé.  On  peul  dire  également  le 
rouge,  l'orangé,  le  jaune,  le  vert,  le  bleu,  l'in- 
digo, le  violet,  entrent  dans  la  composition  de 
chaque  faisceau  de  lumière,  ou  dans  la  compo- 
sition de  chaque  faisceau  de  lumière  entrent  le 
rouge,  l'orangé,  etc.  Mais  quand  je  disque  deux 
constructions  sont  bonnes ,  c'est  que  je  con- 
sidère une  phrase  comme  isolée.  Dans  la  suite 


CON 


159 


d'un  discours,  le  choix  n'est  Jamais  indifférent 
Nous  avons  vu  que  l'objet  doit  suivre  le  verbi- 
et  précéder  le  terme,  et  cela  est  vrai  toutes  les 
fois  que  l'objet  et  le  terme  ne  sont  pas  plus  com- 
posés l'un  que  l'autre.  Mais  si  l'objet  est  plus 
composé,  le  principe  de  la  liaison  des  idées  veut 
que  le  terme  précède  l'objet.  On  dira  fort  bien 
avec  madame  de  Maintenon  :  M.  dv  Cutinatsait 
son  métier,  jnais  il  ne  connaît  pas  Dieu  ;  le  roi 
71  aime  pas  à  confier  ses  affaires  à  des  gens  sans 
dévotion.  (Lettre  xli,  à  la  comtesse  de  Saint- 
Géran.)  Ce  tour  exprime  mieux,  (lUc  le  roi  n'aime 
pas  à  confier  à  des  gens  sans  dévotion  ses  affai- 
res, etc.  Mais  si  l'on  disait  M.  de  Cntinat  ne  con- 
naît pus  Dieu,  le  roi  ne  confie  pas  le  commande- 
ment de  ses  armées  à  des  incrédules,  ce  lour  ne 
serait  pas  le  meilleur,  quoitpie  les  idées  y  suivent 
le  même  ordre  que  dans  le  premier  exemple.  11 
serait  mieux  de  transporter  le  terme  avant  l'objet, 
cl  de  dire  :  Le  roi  ne  confie  pas  à  des  incrédules 
le  commandement  de  ses  années.  La  raison  de 
cette  transposition,  c'est  cpie  ce  terme  est  trop 
éloigné  du  verbe,  lorsipi'il  en  est  séparé  par  un 
objet  exprimé  en  beaucuup  plus  de  mots.  S'il 
était  lui-même  à  peu  près  aussi  composé,  il  fau- 
drait lui  faire  reprendre  sa  place,  et  préférer  ce 
lour  ;  Le  roi  7ie  confie  pas  le  commandement  de 
ses  armées  à  des  hommes  qui  sorit  sa7is  reli- 
gion, à  celui-ci,  le  roi  7\e  confie  pas  à  des  hom- 
mes qui  sont  sans  i-eligion  le  comviundement  de 
ses  armées.  Lorsqu'il  faut  que  le  terme  ou  l'objet 
soil  séparé  du  verbe  par  plusieurs  mots,  c'est  par 
le  terme  qu'on  doit  finir,  jiarcc  que  par  sa  nature 
il  est  moins  lié  au  verbe.  C'est  ainsi  que,  suivant 
les  circonstances,  les  mêmes  idées  s'arrangent  dif- 
féremment. Ces  règles  reviennent  à  celles  que 
nous  avons  données  pour  la  construction  des 
compléments.  "V'oyez  Complé7iie7its. 

Des  propositions  composées  de  plusieurs  su- 
jets ou  de  plusieurs  attributs.  —  On  peut  com- 
parer plusieurs  sujets  avec  un  même  attribut, 
plusieurs  attributs  avec  un  même  sujet,  ou  tout 
à  la  fois  plusieurs  sujets  et  plusieurs  attributs; 
et  dans  tous  les  cas,  on  a  une  proposition  com- 
posée de  plusieurs  autres.  La  construction  de 
ces  sortes  de  propositions  ne  souffre  point  de 
difficulté.  Lorsijue  Boileau  peint  la  mollesse  par 
ce  vers  {Lutr.,  II,  164)  : 

Soupire,  élend  les  bras,  ferme  l'œil,  cl  3'endort, 

il  renferme  quatre  attributs  dans  une  proposi- 
tion, cl  il  les  présente  dans  la  gradation  (jui  les 
lie  davantage.  L'ordre  des  mots  est  donc  alors 
déterminé  par  la  gradation  des  idées,  et  on  n'a  pas 
à  choisir  entre  deux  constructions.  Si  la  gradation 
n'a  pas  lieu,  les  idées  seront  également  liées,  quel 
que  soit  l'ordre  qu'on  leur  donne.  En  pareil  cas 
les  constructions  seront  arbitraires,  il  suffira  de 
consulter  l'oreille. 

De  la  construction  des  diverses  propositions 
entre  elles.  —  On  distingue  dans  le  discours  des 
propositions  principales,  des  projiosiiions  subor- 
données, et  des  propositions  incid'Mites.  Exami- 
nons comment  ces  diverses  propositions  se  lient 
entre  elles. 

Les  propositions  principales  se  lient  par  la 
gradation  des  idées,  par  les  conjoncti(ms,  par 
l'opposition,  ou  parce  que  les  dernières  expli- 
quent les  premières.  Par  la  gradation  :  D'un 
côté,  Vâme  donne  son  attention,  elle  compare, 
elle  juge,  elle  réfléchit,  elle  imagine,  elle  rai- 
sonne ;  de  l'autre,  elle  a  des  besoins,  des  désirs, 


160 


CON 


elle  a  des  passions,  elle  pense,  en  un  mot.  Par 
la  enul;iliuii  ol  les  conjonctions:  Le  peuple  at- 
tache uniquement  son  estime  aux  richesses  et 
au  povvbir,  cl  les  arands  selineurs  se  laissent 
gouverner  par  l'opinion  du  peuple,  l'ar  l'oiilio- 
silioii  :  le  désœiivrcincnl  fait  sentir  le  poids 
des  grandeurs,  roccupalion  les  rendrait  faciles 
à  supporter.  Par  l'opposilion  el  par  les  con- 
jonclions  :  Les  Macédoniens  savent  combat- 
tre tes  hommes,  mais  les  Scythes  savent  com- 
battre la  faim  et  la  soif.  IMirascs  liées  à  une 
aulrc,  parce  qu'elles  s'cxplitiuent  :  Chaque  espèce 
commence  où  une  autre  finit.  Rien  ne  ressemble 
plus  à  des  animaux  que  certaines  plantes  ;  rien 
ne  ressemble  plus  à  des  plantes  que  ccrluiiis 
animaux  ;  il  y  a  des  corps  organisés  qui  diffe- 
rent  ù  peine  des  corps  bruts.  (Fonlencllc.)  Dans 
lous  ces  cxcni|ilcs  il  y  a  une  gradation  d'idccs 
qui  en  fait  la  neltclé. 

De  la  construction  des  propositions  subordon- 
nées avec  lu  principale.  —  ISous  avons  vu  que, 
dans  Tordre  direct  des  idées,  le  sujet  est  le  pre- 
mier mot  de  la  proposition.  Or,  la  phrase  princi- 
pale est  également  la  première;  c'est  a  elle  que 
se  rapporieiil  toutes  les  phrases  subordonnées, 
comme  tous  les  mots  se  rapportent  an  sujet.  Pour 
dcmcler  une  phrase  principale  entre  les  autres,  il 
suflii  dune  de  consulter  l'ordre  direct  des  idées. 
Quelquefois  l'arrangement  de  ces  phrases  est  con- 
forme ù  l'ordre  direct  :  Alcibiade  coupa  la  queue 
ie  son  chien,  afin  que  les  Athéniens  parlassent 
de  cette  singularité.  D'aulies  l'ois  l'ordre  ren- 
versé a  la  |)rcférence  :  Lorsque  les  écrevisses 
quittent  leur  enveloppe  extérieure,  elles  se  dé- 
font lie  leur  estomac  et  s'en  font  un  autre.  La 
construction  directe  serait  les  écrevisses  se  dé- 
font de  leur  estomac  et  s'en  font  un  autre  lors- 
qu'elles, etc . 

Dans  une  suite  de  phrases,  chaque  phrase  prin- 
cipale peut  en  avoir  une  subordonnée  :  L'intelli- 
gence nm/s  7uanque  (principale)  pour  découvrir 
les  causes  naturelles  (subordonnée)  ;  les  yeux 
même  nous  manquent  pour  voir  les  effets.  Deux 
phrases  principales  peuvent  être  renfermces  dan^> 
une  seule;  alors  une  première  phrase  subordon- 
née [)ourra  se  rapporter  à  l'une,  et  une  seconde 
pourra  se  rapi>orier  à  l'autre  :  Madame  de  La 
Fayette  et  mndame  de  Coula nycs  essuyaient  des 
railleries;  celle-là,  parce  qu'elle  avait  tin  lit 
galonné  d'or;  celle-ci,  parce  quelle  avait  un  va- 
let de  chauibre. 

On  |)cut  subordonner  une  phrase  à  un  seul 
mot,  à  un  seul  verbe, s'il  est  à  l'impératif;  Son- 
ges que  viius  lui  devez  la  vie. 

Une  phrase  jwut  éirc  subordonnéeà  une  phrase 
qui  l'est  ellc-mcmc  :  Comptez,  dit  madame  de 
Maintcnon,  que  presque  tous  les  homtnes  noient 
leurs  parents  el  leurs  amis,  pour  dire  un  mot  de 
plus  au  roi,  et  pour  lui  montrer  qu'ils  lui  sacri- 
fient tout. 

L'nc  plirascest  souvent  comme  enveloppée  par 
des  propositions  subordonnées  :  Çuand  un  prince 
veut  se  faire  aiuier  de  ses  sujets,  il  n'est  rien 
qu'il  ne  tente  pour  faire  régner  partout  la  jus- 
tice. 

Un  grand  nombre  de  propositions  peuvent  cire 
subordonnées  à  une  seule  :  yous  avez  vu  i\\i'unc 
subordination  de  causes  et  d'effets  suppose  néces- 
sairement un  premier  principe;  que  l'ordre  qui 
est  dans  tnut  ce  que  nous  observons  prouve  son 
intelligence  et  su  puissance  infinie  ;  (\\i'il  est  in- 
dépendant, parce  qu'il  est  le  premier  ;  i\\i'il  est 
libre,  parce  que,   connaissant  tout  et  pouvant 


CON 

tout,  il  fait  tout  ce  qu'il  veut  ;  qu'il  est  immense 
et  éternel;  qu't'/  existe  dans  tous  les  temps  el 
dans  tous  les  lieux  ;  qvi'il  a  été,  est  et  sera  par- 
tout la  première  cause,  et  (pie  son  action  em- 
brasse tout  ce  qui  existe  ;  i\u' il  est  immuable, 
parce  que,  ne  pouvant  acquérir  de  connaissaîi- 
ces,  il  ne  peut  changer  de  dessein;  i\\x'il  est 
juste,  parce  que,  connaissant  tout  et  pouvant 
tout,  il  connaît  le  mieux,  il  le  peut,  et  qu'iln'est 
pas  en  lui  de  ne  pas  le  vouloir;  '\\i'cnfi?i  tous 
ses  attributs  nous  donnent  une  idée  de  la  Pro- 
vidence par  laquelle  ce  premier  principe  que 
710US  appelons  Dieu  pourvoit  à  tout. 

Dans  tous  les  exemples  que  nous  venons  de 
mettre  sous  les  yeux,  la  liaison  est  aussi  grande 
qu'elle  peut  l'être,  el  il  ne  manque  rien  à  la  net- 
teté des  conslruclions.  Tantôt  la  phrase  subor- 
donnée précède  la  pliiase  principale,  et  tantôt 
elle  la  suit.  (Jnand  elle  la  précède,  il  faut  que 
dés  qu'on  arrive  à  la  jn-incipale  on  voie  que 
c'est  celle  à  huinelle  la  subordonnée  se  rap- 
porte. Par  exenqtlc  :  Tandis  que  les  hommes 
adoptent  avec  tant  de  facilité  des  opinions  qu'ils 
7i' entendent  pas,  ils  se  refusent  aux  vérités  les 
plus  claires.  A  peine  lise/,- vous  ils,  «lue  vous 
voyez  que  c'est  le  conuncnccmenl  de  la  phrase 
principale,  à  laquelle  vous  devez  rapporter  la 
précédente. 

Lorsque  la  i)hrase subordonnée  vient  après,  il 
faut  aussi  «lu'en  lisant  le  premier  mol  vous  connais- 
siez à  quelle  phrase  principale  vous  devez  la  rap- 
porter. Par  exemple  :  On  remarque  des  choses 
si  singulières  sur  les  insectes ,  qu'on  croirait 
que  les  animaux  les  plus  admirables  par  le  mé- 
canisme soîit  ceux  qui  nous  ressemblent  Tnoins. 
On  n'a  pas  besoin  délire  ici  toute  la  phrase  sub- 
ordonnée pour  connaître  la  phrase  principale 
dont  elle  dépend. 
Yoix^i  un  exenq)le  où  celte  liaison  est  altérée  : 
Pfllybe  voyait  les  Romains  du  inilieu  de  la 
Méditerranée  porter  leurs  regards  partout  aux 
environs,  jusqu'aux  Espagnes  et  jusqu'en  Sy- 
rie; observer  ce  qui  s'y  passait;  s'avancer  ré- 
gulicrernent  et  de  proche  en  proche;  s'affermir 
avant  que  de  s'étendre  ;  ne  se  point  charger  de 
trop  d'affaires  ;  dissimuler  quelque  temps  et,  se 
déclarer  à  propos;  attendre  qu'Annibal  fût 
vaincti  pour  désarmer  Philippe,  roi  de  Macé- 
doine, qui  l'avait  favorisé  ;  après  avoir:  com- 
mencé l'affaire,  n'être  jamais  las  ni  contents 
jusqu'à  ce  que  tout  fiil  fiiit;  ne  laisser  aux  Ma- 
cédoniens aucun  moment  pour  se  reconnaître , 
et  après  les  avoir  vaincus,  rendre  par  un  décret 
public  à  la  Grèce,  si  lunglemps  captive,  la  li- 
berté, à  laquelle  elle  ne  pensait  plus;  par  ce 
moyen,  répandre  d'un  cote  la  terreur,  et  de  l'au- 
tre la  vénération  de  leur  nom  :  c'en  était  assez 
pour  faire  voir  que  les  Romains  ne  s'avançaient 
pas  à  la  conquête  du  monde  par  hasard,  mais 
pur  conduite.  (Bossuel,  Discours  sur  l'Histoire 
univ.,  111'  iiarl.,  chap.  yi,  /i86.) 

Après  avoir  commencé  l'affaire,  après  les  uvoii 
vaincus  par  ce  moyen,  sont  des  expressions  qui 
suspendent  la  liaison,  el  qui  rendent  le  discours 
languissant.  Après  avoir  commencé  l'affaire  a 
même  l'inconvcnient  de  paraître  appartenir  à  la 
piirasc  qui  précède  comme  à  celle  qui  suit.  1. 
faut  éviter  toule  équivoque;  car  ce  n'est  pas  as- 
sez que,  quand  on  a  lu  une  phrase,  on  sente  la 
vraie  liaison  des  idées;  Il  faut  que  dès  les  pre 
micrs  mots  on  ne  puiss-.;  pas  s'y  méprendre. 

Puisque  la  liaison  des  proposilions  ne  saurait 
se  faire  sentir  trop  rapidement,  il  serait  mieux 


CON 

(l'insérer  les  suspensions  dans  le  cours  d'une 
jilirase,  tiuc  de  les  placer  au  comuienccmeiit.  Il 
semble  (lonc  qu'il  eût  l'alUi  dire  répandre  par 
ce  moyen,  plutôt  (]uejB«r  ce  moyen  répandre. 

Rciiiarqucz  aussi  que  du  milieu  de  la  Médi- 
terranée l'ait  une  équivoque  :  on  ne  sait  d'a- 
bord si  c'est  l'olybe  tjui  voyait  du  milieu  de  la 
Méditerranée,  ou  si  ce  sont  les  Romains  qui  por- 
taient du  milieu,  etc. 

Un  autre  défaut,  c'est  de  construire  une  suite 
de  projiosilions  successivement  subordonnées  les 
unes  aux  autres. 

Le  Corrége  était  si  rempli  de  ce  qu'il  enten- 
dait dire  de  Raphaël,  qu'il  s'était  imaginé  qu'il 
fallait  que  l'artisan  qui  faisait  une  si  grande 
fortune  dans  le  monde  fût  d'un  mérite  bien  su- 
périeur.  (  Dubos,  liéflexions  critiques  sur  la 
poésie  et  sur  la  peinture,  t.  II,  p.  45.) 

Ce  n'est  i)as  parce  que  les  que  sont  répétés 
que  nous  sommes  choqués  de  ces  constructions  : 
il  y  a  de  longues  phrases  où  cette  conjonction 
est  fort  répétée  ;  c'est  donc  parce  que  la  même 
conjonction  sert  à  marquer  des  sub«rdinations 
toutes  différentes. 

On  peut  se  permcltre  deux  que  employés  de  la 
sorte,  parce  qu'il  est  bien  difficile  de  les  éviter; 
mais  on  ne  doit  jamais  s'en  permettre  davantage. 

Le  fil  des  idées  échappe,  quand  on  subordonne 
trois  ou  quatre  propositions  successivement  les 
unes  aux  autres.  Voici  encore  un  exemple  de  ce 
défaut  : 

Je  fis  entendre  au  roi  qu'autant  que  j'avais 
pu  pénétrer,  je  voyais  que  le  prince  d'Orange 
se  flattait  que  le  roi  d'Angleterre  se  démettrait 
de  sa  couronne. 

Quel(|uefois  un  écrivain  s'embarrasse,  par  la 
difficulté  où  il  est  de  lier  également  à  une  phrase 
princiiiale plusieurs  phrasessubordonnées.  JNicolc 
a  dit  : 

La  volonté  de  Dieu  étant  toujours  juste  et 
toujours  suinte,  elle  est  aussi  toujours  adora- 
ble, toujours  digne  de  soumission  et  d'amour, 
quoique  les  effets  nous  on  soient  quelquefois 
durs  et  pénibles, puisqu'il  u'y  a  que  des  âmes  in- 
justes qui  puissent  trouver  à  redire  à  la  justice. 

La  proi)osilion  principale  est  ici,  la  volonté  de 
Dieu  est  toti jours  adorable ,  etc.  Elle  est  pré- 
cédée d'une  proi)ositiun  subordonnée  et  suivie 
de  deux.  Kclranchez  la  dernière,  puisqu'il  n'y 
a,  etc.,  la  construction  sera  bonne;  mais  cette 
phrase  répand  de  l'embarras  i)arce  (lu'elle  n'est 
pas  à  sa  place,  car  elle  se  rapporte  immédiate- 
ment ù  la  principale  ;  de  la  confusion,  parce 
qu'elle  parait  d'abord  se  rapporter  à  la  subor- 
donnée qui  la  précède.  On  ne  corrigerait  pas  ce 
défaut  en  faisant  une  transposition;  mais  on  tom- 
berait au  contraire  dans  un  autre.  Il  n'y  avait 
qu'un  moyen  de  l'éviter,  c'était  de  dire  :  La  vo- 
lonté de  Dieu  est  toujours  digne  de  soumission 
et  d'amour,  quoique  les  effets  en  soient  quelque- 
fois durs  et  pénibles  ;  il  n'y  a  que  des  âmes  in- 
justes qui  puissent  trouver  à  redire  à  la  justice. 
vous  voyez  qu'en  retranchant  la  conjonction , 
vous  faites  de  la  phrase  subordonnée  une  phrase 
principale,  et  cjuc,  par  ce  moyen,  elle  se  lie  à  ce 
qui  la  précède. 

Quand  une  proposition  principale  se  lie  natu- 
rellement à  d'autres,  il  faut  bien  se  garder  d'en 
faire  une  phrase  subordonnée;  car  si  les  con- 
jonctions n'embarrassent  pas  le  discours ,  elles 
le  rendent  au  moins  languissant.  Je  pourrais 
dire  ;  On  ne  sent  guère  dans  les  divertissements 
de  la   cour  que   de   la   tristesse,  de  la  fatigue 


CON 


i6l 


et  de  l'ennui;  cl  le  plaisir  fuit  à  proportion 
qu'on  le  cherche,  parce  que  nos  princes  n'ont 
plus  rien  de  nouveau  à  voir ,  parce  qu'ils  voient 
tout  dans  leur  enfance,  et  que  dès  le  berceau  on 
leur  préparc  leur  ennui. 

Mais  uiadamc  de  Mainlenon  dit  l)eaucoup 
mieux  : 

On  ne  sent  guère  dans  les  dircrtissemcnts  de 
la  cour  que  do  la  tristesie,  de  la  fatigue  et  de 
l'ennui;  et  le  plaisir  fuit  à  proportion  qu'on  le 
cherche.  IVos  princes  n'ont  plus  rien  de  nouveau 
à  voir,  parce  qu'ils  voient  tout  dans  leur  enfance: 
dès  le  berceau  on  leur  prépare  leur  ennui. 

Les  phrases  subordonnées  se  lient  aux  prin- 
cipales ; 

i°  Par  les  conjonctions,  comme  nous  venons 
de  le  voir  dans  les  exemples  précédents. 

2"  En  mettant  à  l'infinitif  le  verbe  de  la  sub- 
ordonnée :  La  rosée  paraît  tomber  d'une  certaine 
région  de  l'air;  7nais  les  bons  observateurs  la 
voient  s'élever  de  la  terre  jusqu'à  cette  région 
11  faut  remarquer  cependant  que  l'on  pourrai' 
en  pareil  cas  considérer  la  subordonnée  et  la 
principale  comme  ne  formant  qu'une  seule 
l)hrase;  car,  dans  le  vrai,  l'un  de  ces  verbes  n'esl 
qu'une  circonstance  de  l'autre  :  Parait  tomber, 
c'est  tomber  en  apparence;  voir  s'élever,  c'est 
s'eleverà  la  vue;  maisil  importe  peu  de  discuter 
ici  s'il  y  a  deux  propositions  ou  s'il  n'y  enatiu'une. 

3"^  La  subordonnée  se  lie  à  la  principale  par 
des  prépositions  :  Les  arts  et  les  sciences  suffi- 
raient seuls  pour  rendre  un  règne  glorieux,  pour 
étendre  la  langue  d'une  nation  peut-être  plus 
que  des  conqu-étes  ;  pour  lui  donner  l'empire  de 
l'esprit  et  de  l'industrie,  également  flatteur  et 
utile;  pour  attirer  chez  elle  tine  multitude  d'é- 
trangers qui  l'enrichissent  par  leur  curiosité. 

4"  Par  des  gérondifs  :  yous  étudiez  une 
montre,  et  vous  en  découvrez  le  mécanisme  en  la 
décomposant ,  en  arrangeant  sous  vos  yeu.v 
toutes  les  parties,  en  les  examinant  séparément, 
en  observant  comment  elles  s'agencent  les  unes 
avec  les  autres,  et  en  considérant  comment  le 
mouvement  passe  du  premier  ressort  .jusqu'à 
l'aiguille  :  en  analysant  de  la  même  manière 
les  opérations  de  votre  âme,  vous  découvrirez 
ce  qui  se  passe  en  vous  quand  vous  pensez.  Re- 
marquez que  c'est  i)ropremcnl  la  préposition  en 
qui  lie  ici  les  i)hrascs. 

5"  Enfin  par  des  participes  :  Les  hommes  se 
sont  rassemblés,  ont  bâtides  villes,  et  ont  formé 
des  sociétés,  considérant  les  malheurs  d'une 
vie  sauvage,  réfléchissant  sur  les  secours  qu'ils 
pourraient  se  donner,  découvrant  de  nouveaux 
■moyens  pour  soulager  leurs  besoins,  et  commen- 
çant à  donner  naissance  aux  artsetatix  sciences. 
Ce  sont  là  les  participes,  car  vous  pourriez  dire  : 
parce  qu'ils  ont  considéré,  parce  qu'ils  ont  ré- 
fléclii,  etc.  On  sent  que  ces  sortes  de  jjroposilions 
subordonnées  peuvent  se  Iransposercoinme  toutes 
les  autres.  Mais  il  ne  faut  insérer  aucune  ex- 
pression qui  puisse  suspendre  la  liaison  et  rendre 
les  constructions  languissantes;  il  faut  éviter 
les  équivoques  et  se  souvenir  que  le  rapport  de 
chaque  pro[tosition  subordonnée  doit  se  faire 
sentir  des  le  premier  mot. 

De  la  construction  des  propositions  inci- 
dentes. —  La  place  d'une  pro|)osiiion  incidente 
est  après  le  substantif  qu'elle  modifie,  et  elle  se 
lie  à  ce  substantif  par  le  moyen  des  adjectifs 
conjonctifs  qui,  que,  dont,  etc.  :  Les  substances 
ont  des  qualités  relatives  (jUC  îious  pouvons 
connaître,  et  elles  en  ont  aussi  ({ue  nous  igno- 

11 


162 


CON 


rerons  toujours,  parce  qiiU  y  a  des  comparai- 
sons que  nous  ne  pouvons  pus  faire  ;  elles  ont 
encore  des  qualités  absolues  que  nous  ne  décou- 
vrirons jamais.  Les  pliilosiphes  qui  se  sont 
flattés  de  remonter  à  l'essence  des  choses,  et  qui 
ont  cru  trouver  Ui  nature  de  Vùinc  et  du  corps, 
ont  dit  des  absurdités,  ou  ont  prononcé  des  mots 
qui  ne  signifient  rien.  Les  sens  que  la  nature 
nous  a  dénués  pour  voirait  dehorx,  ne  nous  ap- 
prennent paint  pourquoi  les  corps  sont  étendus, 
et  710US  interrogeons  en  vain  cette  conscience 
par  laquelle  ?ious  observons  ce  gui  se  pusse  en 
nous;  nous  ne  pouvons  savoir  ce  qui  rend  Véime 
sensible.  Dans  cet  exemple,  il  y  a  des  i)ioposi- 
lions  inculcnips  qui  suivent  immédiaieineiil  le 
iubslanlif  ([u'cllcs  inodilienl  :  Des  comparaisons 
que,  les  philosophes  qui.  Il  y  en  a  d'aulres  qui 
ne  sont  séparées  du  subslanlif  que  par  des  ad- 
jex^lifs  :  Des  qualités  relatives  que,  des  qualités 
absolues  que.  Elles  doivent  èlre  ainsi  séparées, 
parce  tpi'ellcs  ne  se'  rapportent  pas  uniquement 
au  substantif  qualités,  mais  au  subslanlif  déjà 
modilié  par  les  adjectifs  ?•e/a^^^;e5  ou  absolues.  A 
ne  eonsulicr  que  les  mots,  la  séparaiion  est  encore 
plus  grande  liims  elles  en  ont  aussi  que  nous  igno- 
rerons toujours.  Mais  si  on  consulte  le  sens, 
on  verra  que  la  proposition  incidcnle  suit  im- 
médiatement le  substantif  qu'elle  modifie;  car 
elles  en  ont  aussi  est  la  même  chose  que  elles 
ont  aussi  des  qualités. 

,'usqu'ici  les  constructions  ne  souffrent  point 
de  (»>r'"cullés.  Il  sera  utile  cependant  de  s'anéter 
sur  quoques  exemples  : 

Le  microscope  nous  fait  voir  des  animaux  qui 
sont  vingt-sept  viillions  de  fois  plus  petits  que 
le  ciron.  Nous  connaissons  neuf  planètes  qui 
étaient  inconnues  aux  anciens.  Le  tumulte  et 
l'agitation  quientiroiine  le  trône,  en  bannit  les 
réflexions,  et  ne  laisse  jamais  le  souverain  avec 
lui-même  [Massillon.)  Oest  l'adulation  qui  fuit 
d'un  bon  prince  un  prince  né  pour  le  malheur 
de  son  peuple  ;  c'est  elle  qui  fait  du  sceptre  un 
joug  accablant,  et  qui,  à  force  de  louer  les  fai- 
blesses des  rois,  rend  leurs  vertus  mêmes  mé- 
prisables. (Massillon,  Petit  Carême,  sur  les  ten- 
tations des  grands,  p.  563.)  Je  ne  suis  pas  sicon- 
vaincu  de  notre  ignorance  par  les  choses  qui  sont 
et  dont  la  raison  nous  est  inconnue,  que  par 
celles  qui  ?ie  sont  pas  et  dont  nous  croyons  trou- 
ver la  raison.  (Foiilcnelle.) 

On  voit  dans  ces  exemples  que  la  proposition 
incidcnle  se  lie  à  un  nom  par  le  moyen  des  ad- 
jectifs ci>njonclil's  qui,  que,  dont,  etc. 

Des  grammairiens  disent  que  les  adjectifs  con- 
Jonctifs  se  rai)portent  toujours  au  substantif  qui 
lès  précède  iinmédiatemcnt;  mais  cette  règle  est 
tout  à  fait  fausse.  Dans  celle  phrase  :  Si  nous 
vous  reproclwns  sans  cesse  des  mouvements 
d'habitude  dont  vous  devriez  vous  défaire,  c'est 
que  vous  songes  peu  à  vous  corrirjer,  dont  ne 
se  rapjiorte  ccrlaincment  pas  à  habitude;  car  un 
adjectif  conjonctif  ne  se  rapporte  jamais  à  un 
nom  qui  n'a  pas  été  déterminé  par  un  article,  ou 
par  quelque  chose  d'équivalent.  En  effet,  d'//a- 
bilude  n'est  pas  là  pour  être  modifie  par  ce  qui 
suit,  mais  pour  Miodificrlui-mcmccequi  précède. 
Voila  pourquoi  l'esprit  lie  naiurelleiiient  dont 
a  mouveiiienls.  En  pareil  cas,  ce  serait  faire  une 
faute  (pie  de  rapporter  le  conjonctif  au  dernier 
substantif.  Ainsi  Verlol  s'est  mal  exprimé  lors- 
qu'il a  dit  il  les  fit  patriciens,  avant  de  les  élever 
à  la  dignité  de  sénateurs,  qui  se  trouvèrent  jus- 
qu'au nombre  de  trois  cents.  {Révolutions  romai- 


CON 

nés,  liv.  I,  t.  I,  p.  22.)  Si,  en  lisant  celle  jihrase, 
on  s'arrête  au  conjonctif,  on  croira  d'abord  que 
la  proposition  incidente  va  m*dilier  dionité.  Il 
n'était  dom-  pas  natun-1  qu'elle  modifiât  séna- 
teurs. "N'oici  un  excinjilo  d'une  autre  es|)ète  :  Il 
a  fallu  avant  toute  chose  vous  faire  lire  dans 
l'Ecriture  sainte  l'histoire  du  peuple  de  Dieu, 
qui  faille  fondement  de  la  relinion.  (Bu>suet, 
Avant-propos  du  Disc,  sur  Vliist.  univ-,  p.  6.) 
Ici,  du  peuple  ilù[crm'mc  l'espèce  iriiisloire,  el 
de  Dieu  détermine  l'espèce  de  peuple.  Ces  deux 
mots  étant  sulfisammenl  déterminés,  l'esprit  ne 
s'y  arrête  plus,  il  remonte  au  substantif /iw/oo-e, 
el  rapporte  à  ce  nom  la  proposition  incidente. 
Voilà  donc  un  second  cas  où  le  conjonctif  se 
lie  à  un  substantif  éloigné.  On  serait  ciRupié  de 
cette  construction  :  Fous  avez  appris  l'histoire 
du  perrple  de  Dieu,  qui  est  le  créateur  du  ciel 
et  de  la  terre.  C'est  donc  une  règlede  rapporter  le 
conjonctif  au  substantif  le  plus  éloigné,  loulcs  les 
fois  que  le  dernier  substantif,  n'étant  employé 
que  pour  déterminer  le  premier,  ne  demande 
lui-même  aucune  modification.  Mais  si  l'on  di- 
sait avec  Bossuet:  On  vous  a  montré  avec  soin 
l'histoire  de  ce  grand  royaume  «jue  vous  êtes 
obligé  de  rendre  heureux  {Avant-propos  du 
Disc,  sur  l'hisl.  univ.,  ]>.  6),  que  se  rapporte- 
rait à  ce  grand  royaume  ;  car  si  ce  substantif 
commence  à  être  déterminé,  il  ne  l'est  pas  assez, 
el  il  fait  encore  attendre  quehpie  autre  modifi- 
cation. Voila  le  seul  cas  où  la  iiroposition  inci- 
dente appartient  au  dernier  substantif. 

Jusqu'ici  on  n'a  parle  que  des  constructions 
où  les  substantifs  se  déterminent  successive- 
ment, parce  que  ce  sont  les  seuls  qui  puissent 
embarrasser.  Dans  les  autres,  on  sent  que  la 
construction  doit  être  faite  de  manière  que  le 
conjonctif  suive  immédiatement  le  subslanlif  au- 
quel il  a  rapport.  On  ne  dira  donc  pas  ils  trou- 
vèrent des  obstacles  dans  cette  guerre  (\\\'ils 
surmontèrent ,  ni  ils  trouvèrent  dans  cette 
guerre  des  obstacles  qu'ils  entreprirent  ;  mais 
on  dira  ils  trouvèrent  dans  cette  guerre  des  obs- 
tacles qu'î?*  surmontèrent. 

On  dit  une  espèce  de  fruit  qui  est  raikr  en 
hiver,  une  sorte  de  bois  qui  est  dur,  parce  que 
l'esprit  s'arrêtant  sur  les  mots  fruit  et  bois,  déjà 
détermines  par  ce  qui  précède,  leur  rapporte 
tout  ce  qui  suit.  Par  la  même  raison,  une  troupe 
de  soldats  qui  pillèrent  le  château,  sera  mieux 
qu'une  troupe  de  soldats  qui  piWn  le  château. 

La  règle  générale  que  l'on  doit  se  faire  dans  ces 
sortes  (le  cas,  c'est  de  n'avoir  nul  égard  a  la  forme 
matérielle  du  discours,  de  ne  jwint  examiner  quel 
est  le  dernier  substantif,  mais  de  considêrcrl'idée 
sur  laquelle  l'esprilsc  porte  le  plus  naturellement. 
Voici  un  passage  de  Fléchicr  où  vous  trouve- 
rez des  exemples  de  toute  espèce  : 

Cette  sagesse  (de  Tu  renne)  était  la  source  de 
tant  de  prospérités  éclatantes.  Elle  entretenait 
cette  union  des  soldats  avec  leur  chef,  qui  rend 
une  armée  invincible  .  elle  répandait  dans  les 
troupes  un  esprit  de  force,  de  courage,  et  de  con- 
fiance qui  leur  faisait  tout  souffrir,  tout  entre- 
prendre dans  l'exécution  de  ses  desseins  ;  elle 
i  rendait  enfin  des  hommes  grossiers  capables  de 
I  gloire.  Car,  messieurs,  qu'est  ce  qu'utie  armée? 
C'est  un  corps  animé  d'une  infinité  de  passions 
différentes ,  qu'un  homme  habile  fait  Jnouvoir 
pour  la  défense  de  la  patrie  ;  c'est  une  troupe 
d'hommes  armés  qui  suivent  aveuglément  les 
ordres  d'un  chef,  dont  ils  ne  save?il  pas  les  in- 
tentions; c'est  une  multitude  d'âmes,  pour  /« 


CON 

plupart  viles  et  mercenaires,  qui,  sans  sont/er  à 
leur  propre  rcpuiaiù'n,  travaillent  à  celle  des 
rois  et  des  conquérants  ;  c'est  vnasscmUage  con- 
fus de  libertins  qu'il  faut  assujettir  à  l'ohtis- 
sance,  de  lâches  qu'il  faut  mener  au  combat,  de 
téméraires  qu'il  faut  retenir,  d'impatients  qu'il 
faut  accoutumera  la  constance.  [Oraison  funèbre 
de  Turennc,  p.  117) 

Exerçons-nous  encore  sur  d'autres  exemples. 
Celle  consiruclion,  les  tableaux  de  Jiubens  qui 
sont  au  Ltixembovrg,  esl  Ibrl  correcte;  car  on 
sent  que  Kiibcns  n'est  là  (jue  pour  dL-ierniiner 
l'espèce  de  tableaux,  et  (ju'il  ne  demande  point 
d'être  modilié.  On  dirait  au  contraire  les  ta- 
bleaux de  ce  peintre  qui  vient  de  Jiume ,  parce 
i\\xc  peintre  veut  une  modification. 

Les  tableaux  de  Jiubens,  quiest  un  grand  pein- 
tre, est  donc  une  consiruclion  forcée.  Le  lecteur 
croit  d'abord  <iue  le  conjonclil'  qui  se  rapporte  à 
tableaux,  et  il  voit  ensuite  qu'il  se  rapporte  à 
Rubcns.  Celte  éciuivoque  est  momentanée,  elle 
est  levée  sur-le-champ;  mais  enfin  c'est  une 
équivoque,  elles  constructions  ne  sont  jamais 
plus  nettes  que  lorsque  le  rapport  indique  par  ce 
qui  précède  n'est  jamais  changé  par  ce  (jui  suit. 
C'est  un  effet  de  la  providence  divine  qui  est 
conforme  à  ce  qui  a  été  prédit  ;  c'est  xtn  effet  de 
la  providence  divine  qui  vcUIp  sur  7ious.  Voila 
deux  constructions  sur  lesquelles  les  grammai- 
riens ont  beaucoup  disserté.  Dans  la  preniière, 
qui  est  conforme  se  rapporte  à  effet,  comme  il 
doit  s'y  rapporter;  car  si  on  disait,  sans  achever 
la  phrase,  c'est  un  effet  de  la  providence  divine 
qui,  on  rapporterait  naturellement  qui  à  effet, 
plutôt  qu'à  providence  divine,  jiarce  (]ue  ce  mot 
est  celui  sur  lequel  rallenlion  s'arrête  jilus  parti- 
culièrement. On  est  prévenu  qn'un  effet  est  l'i- 
dée principale  dont  on  va  s'occuper,  et  celle  par 
conséquent  qui  sera  modifiée.  Quand  ensuite  on 
Ut  de  la  providence  divine,  l'attention  ne  s'y  ar- 
rête pas  comnr."  sur  des  mots  qui  font  attendre 
quelques  modifications;  au  contraire,  on  juge 
qu'ils  ne  sont  là  que  pour  déterminer  l'espèce 
d'effet  dont  on  parle,  et  par  conséquent  l'esprit 
revient  naturellement  au  mot  effet,  auquel  on  lie 
la  proposition  incidente,  quiest  conforme.  Il  esl 
donc  encore  naturel  de  rapporter,  dans  la  seconde 
phrase,  leconjonctif  ym' au  mot  effet,  et  cepen- 
dant le  mot  veille  force  à  le  rapporter  à  provi- 
vidence  divine.  Ce  conjonclif  a  donc  alors  un 
double  rapport.  Cependant  il  serait  rigoureux  de 
condamner  ces  sortesde  constructions,  car  l'équi- 
voque ne  s'aperçoit  pas  lorsque  le  sens  la  lève 
sur-le-champ. 

Il  y  a  des  écrivains  qui,  faute  d'avoir  saisi  la 
nature  de  ces  constructions,  rapportent  la  propo- 
sition incidente  au  dernier  sulJslanlif.  Ils  disent 
avec  confiance  les  tableaux  de  Jiubens,  qui  est 
un  grand  peintre.  Mais  lorsqu'ils  veulent  que  la 
proposition  incidente  modifie  le  premier,  ils  di- 
sent, dans  la  crainte  d'une  équivoque  imaginaire, 
les  tableaux  de  Jiubens  lesquels  ;  c'est  un  effet  de 
la  providence  divine  lequel.  Enfin  ils  sont  au 
bout  de  toutes  leurs  ressources,  (juand  les  deux 
substantifs  sont  au  même  genre  et  au  même  nom- 
bre. C'est  une  punition  de  la  providence  divine  ; 
ils  n'ont  plus  ici  de  moyen  pour  éviter  ré(iuivo- 
que.  Le  conjonclif  lequel  a  mauvaise  grâce  dans 
ces  dernières  consiriictions.  C'est  (pie  si  ce 
conjonclif  est  emi>loyé  pour  raiiprociierd'un  mot 
une  proposition  qui  devrait  [ilulôt  appaitenir  à 
une  auire,  on  est  choqué  parce  qu'on  sent  une 
violence  faite  à  la  liaison  des  idées;  si,  au  con- 


CON 


IC.5 


traire,  ce  conjonclif  sert  à  lier  une  projH)siiiuii  a 
un  mot  auquel  elle  se  liait  déjà  d'clie-méme,  ou 
est  encore  choqué,  parce  qu'on  n'aime  pas  aiwr- 
cevoir  des  |»récautioiis  supcrllues. 

En  effet,  nous  voulons  qu'un  écrivain  soit  clair, 
et  qu'il  le  soii  sans  travail.  La  bcaiiic  des  con- 
structions dépend  toujours  de  l'ordic  des  idées, 
et  le  lecteur  est  fatigué  des  efforts  d'un  écrivain 
parce  t|u'il  les  partage. 

JHusieurs  propositions  incidentes  ptuvent  se 
rapporter  à  un  seul  substantif: 

Tel  fut  cet  empereur  (Titus)  sous  qui  Rome  adorée 
Vil  renaître  les  jours  de  Saturne  et  de  llliée, 
Qui  rendit  de  son  joug  l'univers  amoureux; 
Çu'on  n'alla  jamais  voir  sans  revenir  heureux; 
Qui  soupirait  le  soir  si  sa  main  fortunée 
N'avait  par  ses  bienfaits  signalé  sa  journée. 

(BoiL.,  Épdre  I,  109.) 

Tous  ces  qui  se  rapportent  à  empereur,  ceux  qui 
en  sont  le  plus  loin  comme  celui  qui  en  esl  le  plus 
près,  et  celle  construction  est  fort  bonne. 

La  construction  suivante,  au  contraire,  esl 
très-défectueuse,  quoique  le  conjonclif  se  rai>- 
porte  presque  toujours  au  subslanlif  qui  le  jiré- 
cède  presque  immédiatement  :  //  faut  se  conduire 
par  les  lumières  de  la  foi,  qui  nous  apprennent 
que  l'insensibilité  est  d'elle-même  tin  très-grand 
mal  qui  nous  doit  faire  app-<-éhender  cette  me- 
nace terrible  que  Dieu  fuit  aux  âmes  qui  ne 
sont  pas  assez  touchées  de  sa  crainte.  (Nicole, 
Essais  de  morale,  3'  traité.  De  lu  crainte  de 
Dieu,  chap.  iv.)  Ce  n'est  pas  là  une  phrase  où 
les  idées  soient  liées,  c'est  une  suite  de  jilirases 
qui  tiennent  mal  ensemble.  L'esprit  s'écarte  in- 
sensiblement du  point  d'où  il  esl  parti,  et  on  ne 
sait  plus  où  l'on  est.  En  effet,  le  iircmicr  qui  se 
rapporte  à  lumière,  \e  second  n  grand  mal  OU  à 
insensibilité,  le  troisième  à  menace,  et  le  dernier 
à  âmes. 

W  semble  que  Nicole  aurait  pu  dire  :  Il  faut  se 
conduire  par  les  lumières  de  lu  foi,  qui  nous  ap- 
prennent que  l'insensibilité  est  d'elle-même  un 
très-grand  mal,  et  qu'elle  doit  nous  faire  appré- 
hender cette  menace  terrible  que  Dieu  fait  aux 
âmes  trop  peu  touchées  de  sa  crainte. 

On  n'ignore  pas  que  peu,  de  temps  après  la 
mort  d'Auguste,  la  poésie,  qui  avait  brillé  avec 
tant  d'éclat  suus  les  yeux  de  ce  prince,  s'éclipsa 
peu  à  peu  sous  ses  successeurs,  et  demeura  enfin 
comme  éteinte  dans  les  ténèbres  de  la  barbarie, 
qui  amena  du  fond  du  Nord  ce  déluge  de  nations 
féroces  f\n'\,  des  débris  de  l'empire  romain,  forma 
la  plupart  des  roijaumes  t\m  subsistent  aujour- 
d'hui dans  l'Europe,  (i)ubos.) 

Il  y  a  ici  le  même  défaut  que  dans  l'exemple 
précédent  :  car  un  conjonclif  se  ra|)portc  à  ténè- 
bres, un  autre  à  nations,  cl  le  dernier  à  royau- 
mes. 

Le  vice  esl  encore  plus  grand  lorsque  les  con- 
jonclifs  se  rapportent  lanlôl  au  dernier  siilistan- 
lif,  tanlôt  à  un  substantif  éloigné  ;  car  il  en  résulte 
ou  de  l'embarras  ou  des  êquivocpies. 

Nous  tombons  sa?ts  y  penser  dans  une  infinité 
de  petites  fautes  à  l'égard  de  ceux  avec  qui 
nous  vivons,  (jui  disposent  à  prendre  en  mau- 
vaise part  ce  qu'ils  souffriraient  sans  peine, 
s'ils  n'avaient  dtjà  un  routmencemcnt  d'aigreur 
dans  l'esprit.  {^\iH)\t:,  Essais  de  morale, k' yvit\\.é. 
Des  moijens  de  conserver  la  paix  parmi  les 
hommes,  chap.  ii.) 

On  pourrait  éviicr  le  second  qui  en  disant  et 
parla  nous  les  disposons,  Clc. 

Qui  ne  croirait  que  ceux  que  Dieu  a  éclaires 


16  i 


CON 


par  de  ii pures  lumières,  à  gui  il  a  découvert  la 
double  fin  et  la  doiible  éternité  de  bonheur  ou  de 
misère  {\\\\  les  attend,  qui  ont  l'esprit  rempli  Je 
ces  grands  et  effroyables  ubjets,i\\Ù  ont  préféré 
Dieu  à  toute  chose,  qui  7ie  croirait,  dis-je,  qu'ils 
sont  incapables  d'être  touchés  des  bagatelles  du 
mondée  (Nicole.) 

Si  en  lisant  ces  exemples  vous  vous  arrélcz  à 
chaque  71/»,  vous  remarquerez  (juc  vous  rappoi- 
tcz  nalurcllemcnl  le  second  au  nicuie  nom  auquel 
vous  avez  rapporlé  le  premier;  et  cepcndanl , 
lorsque  vous  conlinuez  de  lire,  le  sens  demande 
que  vous  le  rapportiez  à  un  autre.  Ces  doubles 
rapports  sont  toujours  vicieux,  parce  que,  s'ils  ne 
causent  pas  d'ccpiivoqucs,  ils  embarrassent  au 
moins  la  construction. 

Les  étoiles  fixes  fie  sauraient  être  moins  éloi- 
gnées de  la  terre  que  de  vingt-sept  mille  sis 
cent  soixante  fois  la  distance  d'ici  au  soleil,  qui 
est  de  trente  mil/ions  de  lieues. 

On  ne  peut  pas  absolument  blâmer  cette  der- 
nière proposition  incidente;  mais  il  me  semble 
qu'elle  termine  mal  la  phrase,  et  qu'un  tour  où 
on  l'eût  évitée  eût  été  ])réfcrable. 

Il  7i'y  a  personne  dans  le  monde  si  bien  lié 
avec  710IIS  de  société  et  de  bienveillance,  qui  ?ious 
goûte,  qui  nous  fuit  mille  offres  de  services,  et 
qui  -nous  sert  quelquefois,  qui  n'ait  en  soi,  par 
l'attachement  à  son  intérêt,  des  dispositions  très- 
proches  à  rompre  acoc  nous,  (l.a  Bruyère.) 

Il  n'y  a  qu'une  affliction  qui  dure,  qui  est  celle 
qui  rient  de  la  perte  des  biens.  (La  Bruyère,  Des 
biens  de  fortune,  302.) 

Il  eût  été  mieux  de  dire  cest  celle  qui,  etc. 

Racine,  exact  imitateur  des  anciens,  dont  il 
a  suivi  exactement  la  netteté  et  la  simplicité  de 
Faction.  fLa  Bruyère.) 

Cette  phrase  est  mauvaise,  parce  que  la  net- 
teté et  la  simplicité  se  construisent  à  la  fois  avec 
don^,  qui  les  précède,  et  avec  de  l'action,  qui  les 
suit. 

A  cette  lumineuse  théorie,  que  nous  devons  à 
Condillac,  nous  ajouterons  quelques  règles  parli- 
cu'iéres  à  la  forme  des  phrases. 

Dans  la  phrase  expositive,  le  sujet  se  place  or- 
dinairement avant  le  verbe,  et  celui-ci  précède  à 
son  tour  l'objet  cl  le  terme,  c'est-à-dire,  le  régime 
direct  et  le  régime  indirect,  lorsqu'ils  sont  énon- 
cés par  des  expressions  formelles,  et  non  simple- 
ment désignés  par  des  pronoms  personnels  ou  re- 
latifs. Ainsi  l'on  dit  Pierre  envoie  un  livre  à  son 
frère.  On  ne  saurait  changer  cet  ordre  sans  ren- 
verser entièrement  le  sens.  Cette  règle  s'observe 
également  dans  la  phrase  impérative,  qui  n'ad- 
met de  sujet  qu'en  troisième  personne.  On  dirait 
donc  qu'il  envoie  un  livre  à  son  frère.  Elle  a  lieu 
aussi  dans  la  phrase  interrogative,maisseulement 
lorsque  le  sujet  est  énoncé  par  qui  :  Qui  m'a  en- 
voyé ce  livre?  iMais  dans  la  phrase  interrogative, 
lorsque  le  sujet  est  énoncé  par  un  autre  nom  que 
qui  ou  quel,  il  ne  se  [)lace  qu'après  le  verbe  : 
Convient-il  du  fait?  Parle-t-il  de  cette  affaire? 
Si,  dans  ce  cas,  le  verbe  était  u  un  tcm|)S  com- 
posé, le  pronom  se  meUrait  entre  le  verbe  auxi- 
liaire et  le  participe  :  Étes-vous  cofivcnus  de  ros 
faits  ?  Avez-vovs  répondu  à  cette  lettre  ? 

Les  sujets  des  petites  phrases  que  l'on  place 
dans  les  grandes,  soit  pour  citer,  soit  pour  indi- 
quer à  qui  l'on  adresse  la  parole,  se  mettent  après 
le  verbe,  ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  En- 
fin,  disait  ce  grand  homme;  songez  donc,  lui  a- 
t-on  dit. 
Dans  la  phrase  expositive,  le  sujet  peut  se 


CON 

placer  après  le  verbe,  lorsque  le  sens  exclut  tout 
régime  direct,  ou  que  du  moins  il  n'est  énonce 
que  par  les  mots  ce,  que,  le,  tel,  comme  dans  ces 
excm|tles  :  Ce  que  pense  le  philosophe  n'est  pas 
toujours  ce  que  dicte  la  raison;  c'est  ainsi  que 
le  voulut  la  Providence.  Tel  parut  à  nos  yeux 
l'éclat  de  sa  beauté. 

Le  sujet  peut  encore  cire  placé  après  le  verbe 
lorsqu'il  y  a  à  la  tète  de  la  phrase  quelque  mot 
qui,  selon  l'usage,  favorise  cette  inversion;  on 
ne  dirait  pas  bien  obéit-il  pour  il  obéit  ;  maison 
dirait  fort  bien  il  respecte  beaucoup  son  père; 
aussi  lui  obéit-il  sur-le-champ. 

Le  verbe  ne  se  met  jamais  a  la  tète  de  la  phrase 
expositive,  mais  il  s'y  trouve  assez  ordinaire- 
ment dans  la  phrase  interrogative  et  impérative  : 
Gagne-t-on  le  ciel  en  tourmentantleshomm.es? 
Bègle  tu  propre  conduite ,  avant  de  critiquer 
celle  des  autres. 

Lorsque  le  régime  direct  et  le  régime  indirect 
sont  énonces  par  des  pronoms  personnels  non  ac- 
compagnés de  prépositions,  ils  se  placent  entre 
le  sujet  et  le  verbe  :  Les  pa-isions  nous  tour- 
mentent, la  loi  Tions  ordonne,  il  n'a  pas  la  force 
de  se  corriger  de  ses  défauts. 

Quand  de  plusieurs  |)ronoms  l'un  exprime 
le  régime  direct  et  l'autre  le  régime  indi- 
rect, me,  te,  se,  nous,  vous,  se  mettent  les  pre- 
miers; ensuite  le,  la,  les,  puis  lui  et  leur  ;  enfin 
y  et  en.  Exemples  :  Prêtez-moi  votre  livre,  je 
vous  le  remettrai  demaiji  ;  si  vous  me  le  refu- 
sez; aurez-vous  le  courage  de  le  leur  dire?  Il 
?i'a  pas  voulu  vous  y  mener.  On  suit  aussi  cette 
règle  dans  la  phrase  impérative  pour  la  troisième 
personne  :  Qu'on  me  \e  pardonne  ;  et  même  pour 
la  seconde  et  la  première  personne,  lorsque  le 
sens  est  négatif  :  Ne  leur  cm  épargnons  pas  la 
peine,  ne  leur  en  épargnez  pas  la  peine. 

Mais  si  le  sens  est  afiirmatif  à  la  seconde  ou  à 
la  première  personne,  ces  pronoms  se  placent 
après  Le  verbe,  de  façon  que  le,  la,  les,  qui  n'a- 
vaient que  la  seconde  |)lace,  prennent  la  pre- 
mière, et  faisant  reculer  les  autres,  le  pronom 
en,  qui  était  près  du  verbe,  s'en  trouve  le  plus 
éloigné:  Renvoyé z-\G-n\o\,  présente z-Xa^AQwr  de 
bonne  grâce,  pu7iissez-\Q'î>-en  rigoureusement, 
approchons-nous-en  avec  respect. 

Le  régime  direct  énoncé  par  les  mots  tout  et 
rien  se  place  après  le  verbe  quand  celui-ci  est  à 
un  temps  simple  :  Il  soumet  tout,  il  ne  dit  rien. 
Mais  quand  le  verbe  est  à  un  temps  composé,  ce 
régime  direct  se  met  entre  l'auxiliaire  et  le  parti- 
cipe :  //  a  tout  soumis,  ils  ont  \.o\\i  prévu,  il 
na  rien  dit. 

Dans  la  forme  interrogative,  le  circonstan- 
ciel énoncé  par  un  adverbe  ne  se  met  qu'après  le 
sujet,  et  avant  bu  après  le  participe  :  Aimeru- 
t-elle  constamment?  Nos  amis  arrive  i07it-ils  au- 
jourd'hui ?  Avez-vous  beaucoup  gagnéf  Avez- 
vous  gagné  beaucou|)  ? 

Dans  la  forme  impérative,  il  est  renvoyé  après 
tous  les  pronoms  qui  suivent  le  verbe,  pour  faire 
fonction  de  régime  direct  ou  indirect  :  Répon- 
dez-lui hardiment,  offrons-la-lui  galamment. 

Quelquefois,  dans  les  phrases  impcratives,  l'ad- 
verbe peut  être  placé  entre  le  régime  direct  et  le 
régime  indirect,  suivant  l'intérêt  delà  clarté  ou 
de  l'harmonie  :  Faites-lui  i-espectueusement  vos 
observations,  adressez-vous  imfnédiatement  à 
lui,  sacrifiez-leur  plutôt  celle-ci. 

Nous  n'avons  parlé  jusqu'ici  que  des  con- 

tructions  pleines,  c'est-à-dire  de  celles  où  tous 

I  les  mots  sont  exprimés.  U  y  a  une  autre  espèce 


CON 

de  construction  que  l'on  nomme  elliptique,  cl 
qui  consiste  à  supiniiner  les  mots  que  l'esprit 
peut  supi)loer  facilcmoiit.  Nous  expliquons  à  l'ar- 
ticle Ellipse  tout  ce  (pii  a  rapport  à  ces  sortes 
de  constructions.  Voyez  Complément,  Ellipse, 
Liaison,  Période. 

Les  grammairiens  distinguent  trois  sortes  de 
consiruclions  :  1°  La  construction  ncccssairc,  si- 
gnif.cative  OU  énonciatirc  ;  c'est  celle  i)ar  la- 
quelle seule  les  mots  font  un  sens;  on  l'appelle 
aussi  construction  simple  Ct  construction  natu- 
relle, parce  que  c'est  celle  qui  est  la  plus  con- 
forme à  l'état  des  choses,  et  (|uc  d'ailleurs  elle 
est  le  moyen  le  plus  propre  et  le  plus  facile  que 
la  nature  nous  ait  donné  pour  faire  connaître  nos 
pensées  par  la  parole;  c'est  ainsi  que,  lorsque 
dans  un  traité  de  géométrie  les  propositions  sont 
rangées  dans  un  ordre  successif  qui  nous  en  fait 
apercevoir  aisément  la  liaison  ct  le  rapport,  sans 
qu'il  y  ait  aucune  proposition  intermédiaire  à 
suppléer,  nous  disons  que  les  propositions  de  ce 
traité  sont  rangées  dans  l'ordre  naturel.  Celle 
construction  est  aussi  appelée  nécessaire,  parce 
que  c'est  d'elle  seule  que  les  autres  consiruclions 
empruntent  la  proiiriélé  qu'elles  ont  de  signilier, 
au  point  que  si  la  construction  nécessaire  ne 
pouvait  pas  se  retrouver  dans  les  autres  sortes 
d'énonciations,  celles-ci  n'excileraient  aucun  sens 
dans  l'esprit,  ou  n'y  exciteraient  pas  celui  qu'on 
voulait  y  faire  nailrc.  2"  La  seconde  sorte  de 
conslruciion  est  la  construction  figurée.  3°  En- 
fin la  troisième  est  celle  où  les  mots  ne  sont  ni 
tous  arrangés  suivant  l'ordre  de  la  construction 
simple,  ni   tous  disposés  selon  la  construction 

figurée.  Cette  troisième  sorte  d'arrangement  est 
a  plus  usitée.  On  lui  a  donné  le  nom  de  con- 
struction usuelle. 

La  construction  simple  est  celle  par  laquelle 
on  a  commence  à  nous  donner  l'exemple  et  l'u- 
sage de  l'élocut'on.  D'abord  on  nous  a  montré 
l'objet,  ensuite  on  nous  l'a  nommé;  puis  on 
ajoutait  les  mois  qui  le  modifiaient,  qui  en  mar- 
quaient les  qualités  ou  les  actions,  et  que  les  cir- 
constances ou  les  idées  accessoires  pouvaient  ai- 
sément nous  faire  connaître. 

A  mesure  que  nous  avancions  en  âge  et  que 
l'expérience  nous  apprenait  le  sens  et  l'usage  des 
prépositions,  des  adverbes,  des  conjonctions,  et 
surtout  des  différentes  terminaisons  des  verbes 
destinées  à  marquer  le  nombre,  les  personnes  et 
les  temps,  nous  devenions  plus  habiles  à  démê- 
ler les  rapports  des  mois  et  à  en  apercevoir  l'or- 
dre successif  qui  forme  le  sens  total  des  phrases. 

Cette  manière  d'énoncer  les  mois  successive- 
ment, selon  l'ordre  de  la  modilicalion  ou  déter- 
mination que  le  mot  qui  suit  donne  à  celui  (jui 
le  précède,  a  fait  règle  dans  notre  esprit.  Elle  esl 
devenue  noire  modèle  invariable,  au  point  que, 
sans  les  secours  qui  nous  aident  à  la  rétablir,  les 
mots  ne  présentent  «lue  leur  signification  abso- 
lue, sans  que  leur  ensemble  puisse  former  aucun 
sens. 

Cet  ordre  esl  le  plus  propre  à  faire  apercevoir 
les  parties  que  la  nécessiié  de  1  elocution  nous 
fait  donner  à  la  pensée;  il  nous  indique  les  rap- 
ports que  ces  parties  ont  entre  elles;  rapports 
dont  le  concert  produit  l'ensemble,  et,  pour  ainsi 
dire,  le  corps  de  chaque  pensée  particulière. 

Cette  conslruciion  esl  appelée  naturelle  parce 
que  c'est  celle  que  nous  avons  apprise  sans  maî- 
tre, par  la  seule  constilulion  mécanique  de  nos 
organes,  et  parce  quelle  suit  la  nature,  c'esl-à- 
dire  parce  qu'elle  énonce  les  mots  selon  l'état 


CON 


165 


où  l'esprit  conçoit  les  choses  :  Le  soleil  est  lumi- 
neux. On  suit,  ou  l'ordre  de  la  relation  des  cau- 
ses avec  les  effets,  ou  celui  des  effets  avec  leurs 
causes;  c'est-à-dire  que  la  conslru<iiiin  simple 
procède,  ou  en  allant  de  la  cause  à  l'cffel,  ou  de 
l'agent  au  patient,  comme  quand  on  dit  IHeu  a 
créé  le  monde,  .-higuste  vainquit  Antoine  ;  c'csi 
ce  que  les  grammairiens  appellent  la  voir  active; 
ou  bien  la  conslruciion  énonce  la  pensée  en  re- 
montant de  l'effet  à  la  cause,  et  du  i)atienl  à  l'a- 
gent, ce  que  les  gramniairicns  appellent  la  voix 
passiie  :  Le  monde  a  été  créé  par  l'Etre  tout- 
puissant.  Antoine  fut  vaincu  par  Auguste.  La 
construction  simple  présente  d'abord  l'objet  ou 
le  sujet,  ensuite  elle  le  qualifie  selon  les  proprié- 
lés  ou  les  accidents  que  les  sens  y  découvrent, 
ou  que  l'imagination  y  suppose. 

Or,  dans  l'un  et  dans  l'autre  de  ces  deux  cas, 
l'élat  des  choses  demande  que  l'on  commence 
par  nommer  le  sujet,  dont  on  dit  ensuite  ou  ^\\\'il 
est,  ou  qu'tZ  fait,  ou  qu'z'Z  souffre,  ou  qu'il  a, 
soit  dans  le  sens  profire,  soit  au  ligure. 

l.ors(iue  les  mots  essentiels  à  la  proposition 
ont  des  modificalifs  t]ui  en  étendent  ou  qui  en 
restreignent  la  valeur,  la  construction  simple 
place  ces  modificalifs  à  la  suite  des  mots  (pi'ils 
inoilificnt.  Ainsi  tous  les  mois  se  trouvent  ran- 
gés successivement  selon  h-;  rapport  immédiat  du 
mot  qui  suit  avec  celui  ipii  le  précède;  par 
exemple  :  Alexandre  vuiw/iiit  Darius,  voilà  une 
simple  proposition;  mais  si  j'ajoute  des  modifi- 
califs ou  adjoints  à  cha*  un  de  ces  termes,  la  cofi- 
struction  simple  les  placera  successivement  selon 
l'ordre  de  leur  relation  •  Alexandre,  fils  de  Phi- 
lippe et  roi  de  Macédoine,  vainquit  avec  peu.  de 
troupes  Vwius,  roi  des  Perses,  qui  était  à  la 
tête  d'une  armée  nomhreuse. 

Si  l'on  énonce  Ces  cnv,onstances  dont  le  sens 
tombe  sur  loulc  .a  piuposilion,  on  peut  les 
placer  au  .".^•.Timencement  ou  à  la  fin  de  la  pro- 
position. 

Les  liaisons  des  différentes  parties  du  dis- 
cours, telles  que  cependant,  sur  ces  entrefai- 
tes, dans  ces  circonstances ,  mais,  quoique, 
après  que,  avant  que,  cli;.,  doivent  précéder  la 
proposition  où  elles  si'  irouvenl,  parce  (]ue  ces 
liaisons  ne  sont  pas  des  parties  nécessaires  de  la 
proposition  ;  elles  ne  sont  que  des  adjoints,  ou 
des  transitions,  un  des  conjonctions  particulières 
qui  lient  les  propositions  partielles  dont  les  pé- 
riodes sont  composci.*.  Par  la  même  raison,  les 
relatifs  f/«i,  que,  dont,  précèdent  lous  les  mots 
delapropositionàla(iuellcilsappariiennent,  parce 
•ju'ils  servent  à  lier  celle  proposition  àiiueliiue 
rapjiort  d'une  aulVe,  el  que  ce  qui  lie  doit 
élrc  entre  deux  termes.  Ainsi  dans  cet  exemple  : 
Le  Dieu  que  nous  adorons  est  un  Dieu  tout- 
puissant,  r/(/e  est  avant  nous  adorons,  quoiqu'il 
dépende  de  nous  adorons. 

La  construction  figurée  est  celle  où  l'ordre  et 
le  procédé  de  l'analyse  énonciative  ne  sont  pas 
suivis,  quoiqu'ils  doivent  toujours  élre  aperçus, 
rectifiés  ou  suppléés.  Celte  seconde  espèce  de 
conslruciion  esl  appelée  construction  figurée 
parce  qu'en  effet  elle  prend  une  figure,  une 
forme  qui  n'est  pas  celle  de  la  construction 
simple. 

11  y  a  quatre  sortes  de  figures  qui  sont  d'un 
grand  usage  dans  la  construction  figurée  de  la 
langue  française,  savoir:  l'ellipse,  le  pléonasme^ 
la  syllepse  ou  synthèse,  l'inversion  ou  hyperhate. 
Voyez  ces  mots. 

La  construction  usuelle  est  composée  des  deux 


166 


CON 


précédentes.  On  l'appelle  ninsi  parce  qu'on  rn- 
lenil  par  celle  construction  l'arrangemenl  des 
mots  ([ui  esl  en  usage  dans  les  livres,  dans  les 
lellreset  dans  la  conversation  des  çeiH  instruits. 
Celle  construction  n'est  souvent  ni  toute  simple, 
ni  toute  figurée.  Les  figures  dont  nous  avons 
parlé  se  trouvent  souvent  dans  la  construction 
usuelle,  mais  elles  n'y  sont  pas  nécessaires;  et 
mémo  communément  l'élégance  est  jointe  à  la 
simplicité;  et  si  elle  admet  des  transpositions, 
des  ellipses,  ou  quelque  autre  ligure,  elles  sont 
aisées  à  ramener  à  l'ordre  de  l'analyse  énoncia- 
live. 

On  appelle  aussi  constmcHon  grammaticale , 
ou  analyse  nrammaticale ,  l'explication  des  di- 
verses fonctions  des  mots  qui  entrent  dans  la 
structure  des  phrases,  et  l'indication  de  leurs 
rapports  les  uns  avec  les  autres  dans  l'expres- 
sion des  pensées.  Il  esl  bon  d'accouiumer  les 
jeunes  gens  à  faire  ces  explications;  ces  exer- 
cices leur  sont  trcs-ulilcs;  ils  les  accoutument 
a  bien  connaître  les  fondements  de  la  construc- 
tion, elles  mellenl  en  étal  de  rendre  compte  de 
chaque  partie  du  discours. 

Quelques  grammairiens  ont  donné  des  modèles 
de  ces  exercices  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de  meilleur 
en  ce  genre,  c'est  la  construction  grammaticale  et 
raisonnée  de  l'idylle  de  madame  Deshouliéres 
intitulée  les  Moutons,  et  qui  esl  de  Dumarsais. 
Nous  allons  la  donner  ici  ;  les  principes  qui  y 
sont  développés  sont  applicables  à  toute  sorte  de 
composition. 

Construction  c/rammaticale  et  raisonnée  de 
Vidylle  de  madame  Deshouliéres  intitulée 
les  iMoutons  : 

Hélas  !  petits  moutons,  qne  vous  êtes  heureux  ! 

f^'ous  êtes  heureux,  c'est  la  proposition. 

Hélas! petits  moutons,  ce  sont  des  adjoints  à 
la  proposition,  c'esl-à-dire  (jue  ce  sont  des  mots 
qui  n'entrent  grammaiicalernent  ni  dans  le  sujet, 
ni  dans  l'allribul  de  la  proposition. 

Hélas!  c'est  une  interjection  qui  marque  un 
sentiment  de  compassion.  Ce  sentiment  a  ici  pour 
objet  la  personne  même  qui  parle;  elle  se  croit 
dans  un  élat  plus  malheureux  que  la  condition 
des  moutons. 

Petits  moutons  ;  ces  deux  mois  sont  une  suite 
de  l'exclamation;  ils  marquent  que  c'esl  aux 
moulons  que  l'auteur  adresse  la  parole;  il  leur 
parle  comme  à  des  personnes  raisonnables. 

Moutons ,  c'est  le  substantif ,  c'est-à-dire  le 
suppôt,  l'être  existant,  c'est  le  mol  qui  explique 

TOUS. 

Petits,  c'esl  l'adjectif  ou  qualificatif;  c'est  le 
mol  qui  marque  ([ue  ron  regarde  le  substantif 
avec  la  qualilicalion  que  ce  mol  exprime;  c'est  le 
subslanlif  même  considéré  sous  un  tel  point  de 
vue. 

Petit  n'est  i)as  ici  un  adjoi-lif  f|ui  marque  di- 
rectement le  volume  et  la  poiiiesse des  moulons; 
c'esl  plutôt  un  terme  d'affection  et  de  tendresse. 
La  nature  nous  inspire  ce  soniimcnt  pour  les 
enfants  et  pour  les  petits  des  animaux,  qui  ont 
plus  besoin  de  noire  secours  que  les  grands. 

Petits  moutoîis ;se\on  l'ordre  de  l'analyse  énon- 
ciative  de  la  pensée,  il  faudrait  dire  inoutons 
petits,  car  petits  suppose  moutons;  et  on  ne 
met  petits  au  pluriel  cl  au  masculin,  (juc  parce 
que  moutons  est  au  pluriel  el  au  masculin.  L'ad- 
jeclif  suil  le  genre  et  le  nondirc  de  son  sub- 


CON 

stantif,  parce  que  l'adjeciif  n'est  que  le  substantif 
même  considéré  avec  telle  ou  telle  qualification; 
mais  parce  que  CCS  différenles  considérations  de 
l'esprit  se  font  inlérieuremenl  dans  le  même  in- 
stant, et  qu'elles  ne  sont  divisées  que  par  la  né- 
cessité de  renonciation,  la  conslruclion  usuelle 
place,  au  gré  de  l'usage,  certains  adjectifs  avant, 
cl  d'autres  après  Icurs'substanlifs. 

Que  vous  êtes  heureux!  que  est  pris  adver- 
bialement, et  vient  du  lalin  quantum,  ad  quan- 
tum, à  quel  point,  combien;  ainsi  que  modifie  le 
verbe  :  il  marque  une  manière  d'être,  el  vaut 
autant  que  l'adverbe  combien. 

Fous  est  le  sujet  de  la  proposition  ;  c'esl  de 
vous  que  l'on  juge  :  vous  esl  le  pronom  de  la  se- 
conde personne;  il  est  ici  au  pluriel. 

Etes  heureux  ,  c'est  l'atlribut,  c'esl  ce  qu'on 
juge  de  vous. 

Etes  esl  le  verbe  qui,  outre  la  valeur  ou  si- 
gnification particidiére  du  qualificatif  qu'il  ren- 
ferme, marque  encore  l'action  de  l'esprit  qui 
attribue  ou  applique  celle  valeur  à  un  sujcl. 

Etes;  la  leninnaison  de  ce  verbe  marque 
encore  le  nombre,  la  personne  et  le  temps  pré- 
sent. 

Heureux  est  le  qualificatif  que  l'espni  consi- 
dère comme  uni  et  identifié  à  tous,  à  voire  exis- 
tence; ce  que  nous  appelons  le  rapport  d'i- 
dentité. 

V^ns  paissez  dans  nos  champs  sans  souci,  s.ins  alarmes. 

Voici  une  autre  proposition. 

yous  en  est  encore  le  sujet  simple  :  c'est  un 
pronom  substantif;  car  c'esl  le  nom  de  la  se- 
conde personne,  en  tant  qu'elle  esl  la  personne 
à  qui  on  adresse  la  parole;  commo  roi,  pape  , 
sont  des  noms  de  personnes  en  tant  (pi'elles 
possèdent  ces  dignités.  Ensuite  les  circonstances 
font  connaître  de  (juel  roi  ou  de  (jucl  pape  on 
entend  parler.  De  même  ici  les  circonstances, 
les  adjoints,  font  connaître  que  ce  vous,  ce  sont 
les  moutons.  C'est  se  faire  une  fausse  idée  des 
pronoms  (jue  de  les  prendre  pour  de  simples  vice- 
gérants,  et  de  les  regarder  comme  des  mois  mis  a 
la  place  des  vrais  noms. 

Paisses  esl  le  verbe  dans  un  sons  neutre, 
c'esl-à-dire  que  ce  verbe  marque  ici  un  étal  du 
sujet  :  il  exprime  en  un  temps  l'action  el  le 
terme  de  l'action  :  car  vous  paisses  est  autant 
que  vous  manges  l'herbe.  Si  le  terme  de  l'ac- 
tion était  exprimé  séparément,  el  qu'on  dit 
vous  paissez  l'herbe ,  ce  verbe  serait  actif 
transitif. 

Dans  nos  champs,  voilà  une  circonstance  de 
l'action. 

Dans  est  une  préposition  qui  marque  une 
vue  de  l'esprit  par  rapport  au  lieu;  mais  dans  ne 
détermine  pas  le  lieu  ;  c'est  un  de  ces  mots  in- 
complets qui  ne  font  qu'une  partie  d'un  sens 
particulier,  cl  qui  ont  besoin  d'un  autre  mot  pour 
former  ce  sens.  Ainsi  dans  esl  la  préposition,  et 
nos  champs  en  est  le  complément.  Alors  les 
mots  dans  nos  champs  font  un  sens  particulier 
qui  entre  dans  la  composition  de  la  proposition. 
Ces  sortes  de  sens  sont  souvent  exprimés  en  un 
seul  mot  qu'on  appelle  adverbe. 

Sans  souci,  voilà  encore  une  préposition  avec 
son  complément:  c'est  un  sens  particulier  qui 
fait  une  incise.  Incise  vient  du  latin  incisum. 
qui  signifie  coupé;  c'esl  un  sens  détaché  qui 
ajoute  une  circonstance  déplus  à  la  proposition. 
Si  ce  sens  était  supprimé,  la  proposition  aurait 


CON 

une  circonstance  do  moins,  mais  elle  n'en  serait 
pas  moins  proposition. 
Sans  alarmes  est  une  autre  incise. 

Aussitôt  aimés  qu'amoureux, 
On  ne  vous  force  point  à  répandre  des  larmes. 

Voici  une  nouvelle  période;  elle  a  deux 
membres. 

Aussitôt  aimés  qu'amoureux,  c'est  le  premier 
membre,  c'csl-à-dirc  le  premier  sens  partiel  qui 
c.Mire  dans  la  composition  de  la  période.  Il  y  a  ici 
ellipse,  c'est-à-dire  (jue  |X)nr  l'aire  la  construction 
pleine,  il  faut  snppircr  des  mots  que  la  construc- 
tion usuelle  supprime,  mais  dont  le  sens  est 
dans  res[)rit.  Jussitôt  aimés  qu'amoureux,  c'est- 
à-dire,  comme  vous  êtes  aimés  aussitôt  que  vous 
êtes  amoureux. 

Comme  Qs\  ici  un  adverbe  relatif  qui  sert  au 
■raisonnement  ,  et  qui  doit  avoir  un  corrélatif; 
comme,  c'est-à-dire,  et  parce  que  vous  êtes. 

P^ous  est  le  sujet,  êtes  aimés  aussitôt  est  l'at- 
tribut. Jussiiôt  (^si  un  adverbe  relatif  au  temps, 
dans  le  même  temps. 

Que,  autre  adverbe  de  temps;  c'est  le  corréla- 
tif d'aussitôt.  Que  appartient  à  la  proposition 
suivante,  que  vous  êtes  amoureux  ;  ce  que  vient 
du  latin  in  quo,  dans  lequel,  cum. 

Vous  êtes  amoureux,  c'est  la  proposition  cor- 
rélative de  la  précédente. 

On  ne  vous  force  point  à  répandre  des  lar- 
vtes.  Cette  proposition  est  la  corrélative  du  sens 
total  des  deux  itropositions  précédentes. 

On  est  le  sujet  de  la  proposition.  On  vient  de 
homo.  On  se  jjrend  dans  un  sens  indéfini,  indé- 
terminé; une  personne  quelconque,  un  individu 
de  votre  espèce. 

Ne  vous  force  point  à  répandre  des  larmes. 
Voilà  tout  l'attribut;  c'est  l'attribut  total,  c'est 
ce  qu'on  juffe  de  on. 

Force  est  lo  verbe  qui  est  dit  de  on;  c'est  pour 
cela  qu'il  est  au  singulier  et  à  la  troisième  per- 
sonne. 

Ne  point;  ces  deux  mots  font  une  négation; 
aiï:?!la  pro[)Osiliou  est  négative. 

f^'ovs  ;  ce  mot,  selon  la  construction  usuelle, 
est  ici  avant  le  vcrlic;  mais,  selon  l'ordre  de  la 
construction  dos  vues  do  l'ospiit,  vou.i  est  après 
le  verbe,  i)uisqu'il  est  le  terme  ou  l'objet  de  l'ac- 
tion de  forcer. 

A  répandre  des  larmes.  Répandre  des  larmes  ; 
ces  trois  mots  font  un  sons  total  qui  est  le  com- 
plément do.  la  préposition  à.  Cette  préposition 
met  ce  sens  total  en  rapport  avec  force,  forcer. 

Mépandre  des  larmes.  Des  larmes  n'est  pas  le 
complément  immédiat  de  répandre;  des  larmes 
est  ici  dans  un  sens  partitif;  il  y  a  ici  ellipse  d'un 
substantif  générique  :  Répandre  u?ie  certaine 
quantité  de  les  larmes. 

Vous  ne  formez  jamais  d'inutiles  désirs. 

f^ous,  sujet  de  la  proposition  ;  les  autres  mots 
sont  l'attribut. 

Formez  est  le  verbe  à  la  seconde  personne  du 
présent  de  l'indicatif. 

iVe  est  la  nogation  qui  rend  la  proposition  né- 
gative. Jamais  est  un  adverbe  de  temps.  Jamais, 
en  aucun  temps. 

D'inutiles  désirs.  C'est  encore  un  sens  parti- 
tif; vous  ne  formez  jamais  certains  désirs,  cpiel- 
qucs  désirs  qui  soient  du  nombre  des  désirs  in- 
utiles. D'inutiles  désirs.  Quand  le  substantif  et 
l'adjectif  sont  ainsi  le  déterminant  d'un  verbe, 


CON 


<67 


ou  lo  complcmont  d'une  proposition,  dans  un  sens 
allu-matil,  si  l'adjectif  précède  le  substantif  il 
tient  liou  d'article,  et  manpie  la  sorte  ou  espèce, 
vous  formez  d'inutiles  désirs  ;  on  qualilie  d'in- 
utiles les  désirs  «pie  vous  formez.  Si,  au  con- 
traire, le  substantif  précède  l'adjectif,  on  lui  rend 
l'article,  c'est  le  sens  individuel,  rows /'.o-we^ 
des  désirs  inutiles;  on  veut  dire  ijuc  les  désirs 
particuliers  ou  singuliers  (pic  vous  formez  sont 
du  nombre  des  désirs  inutiles.  Mais  dans  le  sens 
négatif  on  dirait  vous  ne  formez  jamais,  pas, 
point  de  désirs  inutiles;  c'est  alors  le  sons  sjjé- 
ciNiiuc.  11  ne  s'agit  point  de  déterminer  tels  ou 
tels  désirs  singuliers;  on  ne  fait  quo  marquer 
res|)cce  ou  sorte  de  désirs  que  vous  formez. 

Dans  vos  tranquilles  cœurs  l'amour  suit  la  nature. 

La  construction  est,  l'amour  suit  la  nature 
dans  vos  cœurs  tranquilles.  L'amour  est  le  su- 
jet de  la  proposition,  et  i)ar  cette  raison  il  pré- 
cède le  verbe;  la  nature  est  le  terme  de  l'action 
de  suit,  et  par  cette  raison  ce  mot  est  après  le 
verbe. 

Sans  ressentir  ses  maux,  vous  avei  ses  plaisirs. 

Construction  :  F'ous  avez  ses  plaisirs  sans 
ressentir  ses  maux.  Fous  est  le  sujet,  les  autres 
mots  sont  l'attribut. 

Sans  ressentir  ses  maux.  Sans  est  une  pré- 
position dont  ressentir  ses  maux  est  le  com- 
[)lément.  Ressentir  ses  maux  est  un  sens  parti- 
culier équivalent  à  un  nom.  Ressentir  csl  ici  un 
nom  verbal.  Sans  ressentir  est  une  proposition 
implicite,  sa7is  que  vous  en  ressentiez.  Ses  man.v 
est  ai)rès  l'infinitif  ressentir,  parce  qu'il  en  est 
le  déterminant;  il  est  le  terme  de  l'action  de  res- 
sentir. 

L'ambition,  l'honneur,  l'intérêt,  l'imposture, 
Qui  font  tant  de  maux  parmi  nous. 
Ne  se  rencontrent  point  chez  vous. 

Cotte  période  est  composée  d'une  proposition 
|)rincipale  et  d'une  proposition  incidonie.  Une 
l)roposition  (|ui  tombe  entre  le  sujet  et  l'attribut 
d'une  proposition  est  ai)pelce  proposition  inci- 
dente, du  latin  incidere,  tomber  dans  ;  et  la  pro- 
l)Ositiuii  dans  laquelle  tombe  l'incidente  est  ap- 
])elée  proposition  principale,  parce  (pi'ordinai- 
reinent  elle  contient  ce  que  /'on  veut  principale- 
ment faire  entendre  : 

L'ambition,  l'honneur,  l'intérêt,  l'imposture, 
Ne  se  rencontrent  point  cliez  vous. 

Voilà  la  proposition  principale. 

L'ambition,  l'honneur,  Vintérêt,  l'iinposture; 
c'est  là  le  sujet  de  la  proposition.  Cette  .sorte  de 
sujet  est  ajipelé  sujet  multiple,  parce  (juc  ce  sont 
plusieurs  individus  qui  ont  un  attribut  commun. 
Les  individus  sont  ici  des  individus  métaphysi- 
ques, des  termes  abstraits,  à  l'imitation  d'objets 
réels. 

Ne  se  rencontrent  point  chez  vous  est  l'attri- 
but. Or,  on  pouvait  dire  l'ambition  ne  se  ren- 
contre point  chez  vous  ;  l'honneur  ne  se  ren- 
contre point  chez  vous;  Vintérêt,  etc.;  ce  qui 
aurait  l'ait  quatre  propositions.  En  rassemblant 
plusieurs  sujets  dont  on  veut  dire  la  même  chose, 
on  abrège  le  discours  et  on  le  rend  plus  vif. 

Qui  font  tant  de  maux  parmi  nous,  c'est  la 
proposition  ineidoiite.   Qui  en  est  le  sujet;    il 


168 


CON 


rappelle  à  l'esprit  l'ambition ,  l'honneur,  l'inle- 
rêt,  l'iinposuire,  dont  on  vient  de  parler 

Font  tant  di  viavx  parmi  vous,  c'est  1  attribut 
de  la  proposition  incidente. 

Tant  de  vtaiix,  c'est  le  déterminant  de  fout, 
c'est  le  terme  de  l'action  de  font. 

Tant  vient  de  l'adjectif /f'/i/i/*,  taiitn,  tantiim. 
Tant  est  pris  ici  subslanlivement  :  Tcintum  via- 
lorvm,  une  si  grande  quanlilc  de  maux. 

De  maux  est  le  qualilicalif  de  tant;  c'est  un 
des  usases  de  la  préposition  de,  de  seivir  a  la 
qualilicaiion.  ... 

Maux  est  ici  dans  un  sens  spécifique,  indc- 
lini,  et  non  dans  un  sens  individuel;  ainsi  maux 
n'est  pas  précédé  de  l'arlicle  les. 

Parmi  nous  est  une  circonstance  de  lieu; 
nous  est  le  complément  de  la  préposition  parmi. 

Cependant  nous  avons  la  raison  pour  partage, 
Et  TOUS  en  ignorez  i'ujage. 

Yoilà  deux  propositions  liées  entre  elles  par 
la  conjonction  et. 

Cependant,  adverbe  ou  conjonction  advcrsa- 
tive,  c'est-à-dire  qui  marque  restriction  ou  op- 
position par  rapport  à  une  autre  idée  ou  pensée. 
Ici  cette  pensée  est  nous  avons  la  raison;  ce- 
pendant, malgré  cet  avantage,  les  passions  font 
tant  de  maux  parmi  nous.  Ainsi  cependant  mar- 
que opposition,  contrariété,  entre  avoir  la  raison 
et  avoir  des  passions.  11  y  a  donc  ici  une  de  ces 
propositions  que  les  logiciens  appellent  adversa- 
tives  ou  discrétives. 

Nous  est  le  sujet;  avons  la  raison  pour  par- 
tage c?:iVMi\h[}l. 

La  raison  pour  partage.  I.'anlcur  pouvait 
dire,  la  raison  eu  partage;  mais  alors  il  y  aurait 
un  bâillement  ou  hiatus,  parce  que  la  raison  linit 
par  la  voyelle  nasale  on,  qui  aurait  été  suivie  de 
en.  Les  puëles  ne  sont  pas  toujours  si  exacts,  et 
redoublent  le  n  en  ces  occasions,  la  raison-n-en 
partage;  ce  qui  est  une  prononciation  vicieuse. 
iD'un  autre  côté,  en  disant  pour  partage,  la  ren- 
contre de  ces  syllabes  pour,  ^ar,.est  désagréable 
à  l'oreille. 

yous  en  ignorez  l'usage.  F'ous  est  le  sujet; 
en  ignorez  l'usage  est  l'attribut.  Ignorez  est  le 
verbe;  l'usacc  est  le  déterminatif  de  ignorer; 
c'est  le  terme  de  la  signilicalion  d'ignorer;  c'est 
une  chose  ignorée;  c'est  le  mot  qui  détermine 
ignoi'ez. 

En  est  une  sorte  d'adverbe  pronominal.  Je  dis 
que  en  est  une  sorte  d'adverbe,  parce  qu'il  si- 
gnifie autant  qu'une  préposition  et  un  nom;  eu, 
inde:  de  cela,  de  la  raison.  En  est  un  adverbe 
prtnominai,  parce  qu'il  n'est  employé  que  pour 
réveiller  l'idée  d'un  autre  mot,  vous  ignorez  Vu- 
sage  de  la  raison. 

Innocents  animaux,  n'en  soyez  point  j  iloux. 


C'est  ici  une  cnonciation  à  l'impératif. 

Innocents  animaux  ;  ces  mots  ne  dépendent 
d'aucun  autriï  (jui  les  précède,  et  sont  énoncés 
sans  article;  ils  inanpienl,  en  pareil  cas,  la  per- 
sonne à  qui  l'un  adresse  la  parole. 

Soyez  est  le  verbe  à  l'impératif;  ne  point  est  la 
négation. 

En,  de  cela,  de  ce  que  nous  avons  la  raison 
pour  partage. 

Jaloux  est  l'adjectif;  c'est' ce  qu'on  dit  que  les 
animaux  ne  doivent  pas  être.  Ainsi,  selon  la  pen- 
sée, jaloux  se  rapporte  à  animaux,  par  rapport 


CON 

d'identité,  mais  négativement  :  Ne  soyez  point 
jaloux. 

Ce  n'est  pas  un  grand  avantage. 

Ce,  c'est  ce  que  les  grammairiens  appellent 
pronom  de  la  troisième  personne;  hoc,  c<?,  cela. 
A  savoir,  (yi/e  nous  avons  la  raison  n'est  pas  un 
grand  avantage. 

Celte  ficre  raison  dont  on  fait  t&nt  de  bruit. 
Contre  les  passions  n'est  pas  un  sir  remède. 

Voici  une  proposition  principale  et  une  propo- 
sition incidente. 

Cette  ficre  raison  n'est  pas  un  remède  sûr 
contre  les  passions,  voila  la  proposition  prin- 
cipale. 

Dont  on  fuit  tant  de  bruit,  c'est  la  proposi- 
tion inciilcnie. 

Botit  est  encore  un  adverbe  pronominal;  de 
laquelle,  touchant  laquelle.  Dont  vient  de  ujide; 
nous  nous  en  servons  pour  duquel,  de  laquelle, 
de  qui,  de  quoi. 

On  est  le  sujet  de  cette  proposition  inci- 
dente. 

Fait  tant  de  bruit  en  est  l'attribut.  Fait  est 
le  verbe;  ta7it  de  bruit  est  le  déterminant  de 
fait. 

Un  peu  de  vin  la  trouble,  un  enfant  la  séduit. 

Un  peu  de  vin  la  tro%ihle.  Un  peu;  peu  est  un 
substantif,  parum  vini,  une  petite  (luantité  de 
vin.  On  dit  le  peu,  de  peu,  à  peu,  pour  peu.  Peu 
est  ordinairement  suivi  d'un  (iualilicatif.  X>e  um 
est  le  qualificatif  de /jcîi,  im  peu.  Un  et  le  sont 
des  adjectifs  prépositifs  qui  iiKli(]iicnt  des  indi- 
vidus. Le  et  ce  indiquent  des  individus  dé- 
terminés; au  lieu  que  un  indiipic  un  individu 
indéterminé;  il  a  le  même  sens  que  quelque. 
Ainsi  ■un  peu  est  bien  différent  de  le  peu;  celui- 
ci  précèLle  l'individu  déterminé,  et  l'autre  l'in- 
dividu indéterminé. 

Un  peu  de  vin  ;  ces  quatre  mots  expriment 
une  idée  particulière,  qui  est  le  sujet  de  la  pro- 
position. 

Latrouhle,  c'est  l'attribut;  <roj/6/eestle  verbe; 
la  est  le  terme  de  l'action  du  verbe.  La  est  un 
pronom  de  la  troisième  personne,  c'est-à-dire 
que  la  rappelle  l'idée  de  la  personne  ou  de  la 
chose  dont  on  a  parlé  :  Trouble  la  ,  elle ,  la 
raison. 

Un  enfant  (l'Amour)  la  séduit  C'est  la 
même  construction  (juc  dans  la  proposition  pré- 
cédente. 

Et  déchirer  un  cœur  qui  l'appelle  à  son  aid«, 
Est  tout  l'elTet  qu'elle  produit. 

I.a  construction  de  cette  petite  période  mérite 
atlciilion.  Je  dis  période ,  grammaticalement 
parlant,  parce  que  cette  phrase  est  composée  de 
trois  propnsilions  grammaticales;  car  il  y  a 
trois  verbes  à  l'indicatif  :  appelle,  est,  pro- 
duit. 

Déchirer  un  cœur  est  tout  l'effet,  c'est  la  pre- 
mière proposition  grammaticale;  c'est  la  propo- 
sition principale. 

Déchirer  un  cœur,  c'est  le  sujet  énoncé  par 
plusieurs  mots  qui  font  un  sens  «jui  pourrait  éire 
énoncé  par  un  seul,  si  l'usage  en  avait  établi  un. 
Trouble,  agitation,  repentir,  remords,  sont  à  peu 
près  les  étiuivaients  de  déchirer  un  cœur. 

Déchirer  un  cœur  est  donc  le  sujet,  et  est 
tout  Veffet,  c'est  l'attribut. 

Qui.  rappelle  à  son  aide  est  une  proposition 
incidciile. 


CON 

Qui  en  est  le  sujet  ;  ce  qui  rappelle  cœur. 

L'appelle  à  son  aide,  c'est  l'attribut  de  quit- 
ta est  le  terme  de  l'action  d'appelle  :  appelle  elle, 
appelle  la  raison. 

Qu'elle  produit,  elle  produit  lequel  effet.  C'est 
la  troisième  proposition. 

Elle  est  le  sujet;  ce  mot  rappelle  la  raison. 

Produit  que,  c'est  l'attribut  d'elle;  que  CSl  le 
terme  Coproduit  ;  il  nippcile  cff^et. 

Que  étant  le  déterminant  ou  terme  de  l'action 
de  produit,  est  après  produit  dans  l'ordre  des 
pensées  et  selon  la  construction  simple  ;  mais  la 
construction  usuelle  l'énonce  avant  produit; 
parce  que  le  que  étant  un  relatif  conjonclif,  il 
rappelle  effet  et  joint  elle  produit  avec  effet.  Or, 
ce  qui  joint  doit  être  cntic  deux  termes:  la  rela- 
tion en  est  jilus  aisément  aperçue. 

Voilà  trois  propositions  grammaticales;  mais 
logiquement  il  n'y  a  cpi'une  seule  proposition. 

Et  déchirer  un  cœur  qui  l'appelle  à  son  aide. 
Ces  mots  l'ont  un  sens  total,  qui  est  le  sujet  de  la 
proposition  logique. 

Est  tout  l'effet  qu'elle  produit.  Voilà  un  autre 
sens  total,  qui  est  l'attribut  .•  c'est  ce  qu'on  dit  de 
déchirer  un  cœur. 

Toujours  impuissante  et  sévère, 
Elle  s'oppose  à  tout,  et  ne  surmonte  rien. 

Il  Y  a  encore  ici  ellipse  dans  le  premier  mem- 
bre de  celle  phrase.  La  construction  pleine  est  : 
La  raison  est  iotijours  impuissante  et  sévère; 
elle  s'oppose  ù  tout,  parce  qu'elle  est  sévère;  et 
elle  ne  surmonte  rien,  parce  qu'elle  est  im- 
puissante. 

Elle  s'oppose  à  tout  ce  que  nous  voudrions 
faire  qui  nous  serait  agréable.  Opposer  (ponerc 
ob),  poser  devant  ;  s'opposer,  opposer  soi,  se 
mettre  devant  comme  vn  obstacle.  Se  esl  le  terme 
de  l'action  d'opposer.  La  construction  usuelle 
le  met  avant  son  verbe,  comme  me,  te,  ce, 
que,  etc. 

Ne  surmonte  rien.  Bien  est  ici  le  terme  de 
l'action  de  surmonter.  Bien  est  toujours  accom- 
pagné de  la  négation  exprinice  ou  sous-enlenduc. 
Rien  (nuUaiu  rem). 

Sous  la  garde  de  Tolre  chien 
Vous  devez  beaucoup  moins  redouter  la  culèrj 

Des  loups  cruels  et  ravissants. 
Que,  sous  l'autorité  d'une  telle  chimère, 

Nous  ne  devons  craindre  nos  sens. 

Il  y  a  ici  ellipse  et  synthèse.  La  synthèse  se 
fait  lorsque  les  mots  se  trouvent  exprimés  ou 
arrangés  selon  un  certain  sens  que  l'on  a  dans 
l'esprit. 

De  ce  que  {ex  eo  quod,  propterea  quod)  vous 
êtes  sous  la  garde  de  votre  chien,  vous  devez 
redouter  la  colère  des  loups  cruels  et  ravissants, 
beaucoup  moins;  au  lieu  (pie  nous,  qui  ne  som- 
mes (|ue  sous  la  garde  de  la  raison,  qui  n'est 
qu'une  chimère,  nous  n'en  devons  pas  craindre 
nos  sens  beaucoup  moins. 

Nous  n'en  devons  pas  moins  craindre  nos 
sens,  voilà  la  synthè.^e  ou  syllepse  qui  attire  le 
ne  dans  cette  phrase. 

La  colère  des  loups.  La  poésie  se  permet  cette 
expression;  l'image  en  est  plus  noble  et  plus 
vive;  mais  ce  n'est  pas  par  colère  que  les  loups 
■îl  nous,  nous  mangeons  les  moutons. 

Beaucoup  moins,  c'est  une  expression  adver- 
biale qui  sert  à  la  comparaison,  et  qui  par  con- 
équent  demande  un  corrélatif,  que,  eic. 


CON  169 

Ne  vaudrait-il  pas  mieux  vivre  comme  vous  faites, 
Dans  une  douce  oisiveté... 

'\'oilà  une  proposition  qui  fait  un  sens  incom- 
plet, parce  que  la  corrélative  n'est  pas  exprimée; 
mais  elle  va  l'être  dans  la  période  suivante,  qui  à 
le  même  tour. 

Comme  vous  faites  est  une  proposition  inci- 
dente. 

Connue,  adverbe,  quomodo,  à  la  manière  dont 
vous  le  faites. 

Ne  vaudrait-Il  pas  mieux  être  comme  vous  êtes. 
Dans  une  heureuse  obscurité. 
Que  d'avoir,  sans  tranquillité. 
Des  richesses,  de  la  naissance. 
De  l'esprit  et  de  la  beauté  7 

11  n'y  a  dans  cette  période  que  deux  proposi- 
tions relatives,  et  une  incidente. 

Ne  vaudrait-il  pas  viieux  être  comme  vous 
êtes,  dans  une  heureuse  obscurité,  c'est  la  pre- 
mière |)roposition  relative,  avec  l'incidente  comme 
vous  êtes. 

Notre  syntaxe  marque  l'interrogation  en  met- 
tant les  pronoms  personnels  après  le  verbe , 
même  lorsque  le  nom  est  exprimé  :  Le  roi  ira- 
t-il  à  Saint-Cloudf  Aimez-vous  la  vérité'^ 
Irai-je? 

Voici  quel  est  le  sujet  de  cette  proposition.  Il 
(illud\  ceci,  à  savoir,  être  dans  une  heureuse 
obscurité;  sens  total  énoncé  par  plusieurs  mots 
équivalents  à  un  seul;  ce  sens  total  est  le  sujet 
de  la  proposition. 

Ne  vaudrait-il  pas  mieux,  voilà  l'attribut 
avec  le  signe  de  l'interrogation. 

Que  (quam),  c'est  la  conjonction  ou  particule 
qui  lie  la  proposition  suivante,  en  sorte  que  la 
proposition  précédente  et  celle  qui  suit  sont  les 
deux  corrélatives  de  la  comparaison. 

Que  la  chose,  l'agrément  d'avoir,  sans  tran- 
quillité, Vabondancc  des  richesses ,  l'avantage 
de  la  naissance  ,  de  l'esprit  et  de  la  beauté; 
voilà  le  sujet  de  la  proposition  corrélative. 

Ne  vaut,  qui  est  sous-enlendu,  en  est  l'at- 
tribut. 

Ne,  parce  qu'on  a  dans  l'esprit  ne  vaut  pas 
tant  que  votre  obscurité  vaut. 

Ces  prétendus  trésors,  dont  on  fait  vanité, 
Valent  moins  que  votre  indolence. 

Ces  prétendus  trésors  valent  inoins,  voilà  une 
proposition  grammaticale  relative  ; 

Que  votre  indolence  ne  vaut,  voilà  la  corré- 
lative. 

Votre  indolence  n'est  pas  dans  le  même  cas  ; 
elle  ne  vaut  pas  le  moins;  elle  vaut  bien  da- 
vantage. 

Dont  on  fait  vanité  est  une  ijrojiosilioii  ir/ci- 
dcnle  :  on  fuit  vanité  desquels,  à  cause  desquels. 
On  dit  faire  vanité,  tirer  vanité  de,  dml,  des- 
quels. On  fuit  vanité;  ce  moi  vanité  QWW'c  dans 
la  composition  du  verbe,  et  ne  marque  pas  une 
telle  vanité  en  particulier;  ainsi  il  n'y  a  point 
d'article. 

Ils  nous  livrent  sans  cesse  à  des  soins  criminels. 

Ils.  Ces  trésors,  ces  avantages;  ils  esl  le 
sujet. 

Livrent  nous  sans  cesse  à,  etc.  C'est  l'at- 
tribut. . 

A  des  soins  criminels ,  c'est  le  sens  partilil , 


170 


CON 


c'est-a-dirc  «nie  les  soins  auxquels  ils  nous  livrent 
soni  tlu  nombre  des  soins  criminels. 
Sans  cesse,  façon  de  parler  adverbiale. 

Par  eux  plus  d'un  remords  nous  ronge. 

Plus  d'un  remords,  voilà  le  sens  complexe  de 
la  proposition. 

Jtonçc  710US  par  eux:  à  l'occasion  de  ces  tré- 
sors ;  ccsl  l'atlribut. 

Plus  d'un  remords;  plus  est  ici  substantif; 
il  signillc  une  quanlilé  de  remords  plus  grande 
que  celle  d'un  seul  remords. 

Kous  voulons  les  rendre  éternels, 
Sans  songer  qu'eux  o(  nous  passerons  comme  un  songe. 

Nous  est  le  sujet  de  la  proposition. 

flouions  les  rendre  éternels,  sans  songer,  etc., 
c'est  l'allribul  logique. 

flouions  est  un  verbe  actif.  Quand  on  veut,  on 
veut  quelque  chose.  Les  rendre  éternels,  ren- 
dre ces  trésors  éternels  ;  ces  mots  forment  un 
sens  qui  est  le  terme  de  l'action  de  voulons. 

Sans  songer  qu'eux  et  nous  passerons  comme  un  songe. 

Sans  songer.  Sans,  préposition;  songer  est 
pris  ici  subsiantivcment;  c'est  le  complément  de 
la  préposition  sans,  sans  la  pensée  que.  Sans 
songer  peut  être  regarde  comme  une  proposition 
implicite:  sans  que  nous  songions. 

Que  est  ici  une  conjonction  qui  unit  à  songer 
la  chose  que  l'on  ne  songe  point. 

Eux  et  nous  passerons  comme  vu  songe.  Ces 
mois  forment  un  sens  total  qui  exprime  lu  chose 
à  quoi  l'on  devrait  songer.  Ce  sens  lotal  est 
énoncé  dans  la  forme  dune  proposition,  ce  qui 
est  fort  ordinaire  en  toutes  les  langues. 

Il  n'est  dans  ce  vaste  univers 
Rien  d'assuré,  rien  de  solide. 

Il  (illud,  nempe),  ceci,  à  savoir,  rien  d'assuré, 
rien  de  solide.  Quelque  chose  d'assuré,  quelque 
chose  de  solide,  voilà  le  sujet  de  la  proposition  ; 
n'est  (pas)  dans  ce  vaste  univers,  eu  voilà  l'at- 
tribut. La  négation  ?ie  rend  la  proposition  néga- 
tive. 

D'assuré.  Ce  mot  est  pris  substantivement. 
D'assuré  est  encore  ici  dans  un  sens  qualificatif, 
et  non  dans  un  sens  individuel,  et  c'est  pour  cela 
qu'il  n'est  précédé  que  de  la  préposition  de  sans 
article. 

Des  choses  d'ici-bas  la  fortune  décide 
Selon  ses  caprices  divers. 

Lu  fortune,  sujet  simi)le,  terme  abstrait  per- 
sonnilié;  c'est  le  sujet  de  la  i)roposilion.  Quand 
nous  ne  connaissons  pas  la  cause  d'un  événe- 
ment, notre  imagination  vient  au  secours  de  notre 
esprit,  qui  n'aime  pas  à  demeurer  dans  un  état 
vague  et  indéterminé  ;  elle  le  lixe  à  des  fantômes 
qu"elle  réalise,  et  auxquels  «lie  donne  des  noms, 
fortune,  hasard,  bonheur,  malheur. 

Décide  des  choses  d'ici-bas  selon  ses  caprices 
divers,  c'est  l'attribut  complexe. 

Des  choses,  de  les  choses;  de  signifie  ici  tou- 
chant. 

D'ici-bas  détermine  choses;  ici-bas  est  pris 
subsianlivemenl. 

Selon  ses  caprices  divers  est  une  manière  de 
décider;  selon  esl  la  préposition;  ses  caprices 
divers  ebt  le  complément  de  la  préposition . 


CON 

Tout  l'effort  de  nolic  prudence 
Ne  peut  nous  dérober  au  moindre  de  ses  coups. 

Tout  Veffort  de  notre  prudence,  voilà  le  sujet 
complexe  ;  de  notre  prudence  détermine  l'effort, 
et  le  rend  sujet  complexe.  L'effort  de  est  un  in- 
dividu mélapliysique  et  par  imilalion;  comme 
un  tel  homme  ne  peut,  de  même  tout  l'effort  ne 
peut. 

Ne  peut  dérober  nous  ;  et  selon  la  construc- 
tion usuelle,  nous  dérober. 

Au  moindre,  à  le  moindre;  à  est  la  préposi- 
tion ;  le  moindre  est  le  complément  de  la  prépo- 
sition. 

Au  moindre  de  ses  coups,  au  moindre  coup  ';'  " 
ses  coups;  de  ses  coups  est  dans  le  sens  parti  if. 

Paissez,  moulons,  paissez  ^ans  règle  et  sans  science; 

Malgré  l.i  trompeuse  aj>parcncc. 
Vous  êtes  plus  heureux  et  plus  sages  que  nous 

La  trompeuse  apparence  est  ici  un  individu 
métaphysique  personnifié. 

Malgré.  V.c  mot  est  compose  de  l'adjectif  wau- 
vais  et  du  substantif  ^re,  qui  se  prend  pour  vo- 
lonté, goût.  Avec  le  mauvais  gré  de,  en  retran- 
cliani  le  de  à  la  manière  de  nos  pères,  (pii  suppri- 
maient souvent  cette  préposition.  Les  anciens 
disaient  maugré,  puis  on  a  dit  malgré;  malgré 
moi,  avec  le  mauvais  gré  de  moi.  Aujourd'hui, 
on  fait  de  malgré  une  préposition:  malijré  la 
trompeuse  apparence,  qui  ne  cherche  qu'à  en 
imposer  et  à  nous  en  faire  accroire,  vous  êtes  au 
fond,  et  en  réalité,  plus  heureux  et  plus  sages  que 
nous  ne  le  sommes. 

CONSDBSTANTIEL,  CONSIBSTANTIELLE.  Adj.    11  UC 

se  met  qu'après  son  subst.  absolument,  ou  suivi 
de  la  préposition  à  :  Les  trois  personnes  de  la 
Trinité  sont  consubstantielles.  Le  Fils  est  con- 
suhstantiel  au  Père. 

CoNSUBSTAMiELLEMEM.  Adv.  Il  nc  sc  iTict  qu'a- 
près  le  verbe. 

CoNSDLTAîST.  Adj.  iTi.  11  sc met  api'ès  SOU  subst.  : 
Avocat  consultant,  médecin  consultant. 

Consulter.  Y.  a.  delà  l"conj.  Montesquieu 
a  dit  consulter  les  intérêts  des  autres,  et  celle 
exiiression  esl  très-juste  :  Tous  les  particuliers 
convinrent  qu'ils  n'obéiraient  plus  à  personne  ; 
que  chacun  veillerait  uniquement  à  ses  iîitéréts, 
sans  consulter  ceux  des  autres.  (XP  lettre  per- 
sane.) 

L'Académie  donne  pour  exemple  :  Il  en  veut 
consulter  avec  ses  amis,  .autrefois  on  disait  con- 
sulter de,  en  consulter,  nu  lieu  de  consulter  sur. 
Bossuet  a  dit  :  Il  consulta  son  évcque  de  la  ina- 
nière  dont  les  solitaires  qui  n'ont  point  de  prê- 
tres doivent  recevoir  les  saints  mystères.  A  au- 
gelas  a  dit  aussi  :  Il  en  faut  consulter  les  maîtres. 
Aujourd'hui  on  ne  dit  plus  que  consulter  sur.  — 
L'Académie  dit  aussi  :  Cette  affaire  a  été.  con- 
sultée aux  meilleurs  avocats,  cette  maladie  a 
été  consultée  auxplus gi-ands  médecins.  11  nous 
semble  que  ces  phrases  ne  sont  pas  françaises. 
On  consulte  sur  une  uffciire,  sur  une  maladie; 
mais  il  y  a  quelque  chose  de  barbare  à  dire 
qu'une  affaire  a  été  consultée  à  des  avocats 
(m'une  maladie  a  été  consultée  à  des  médecins 
Consulter,  en  ce  sens,  signifie,  selon  l'Académie, 
conférer  ensemble,  délibérer.  Or,  on  ne  peut  pas 
dire  qu'une  affaire  a  été  conférée,  a  été  délibérée 
à  quelqu'un.  Il  faut  dire  en  ce  sens  a  été  exami- 
née par  les  jneilleurs  avocats. 

Co.vsuMAPiT,  CoNsu.vA^iTE.  Adj.  qui  ne  se  met 
(ju'après  son  subsl.  :  Un  feu  consumant. 


CON 

CoNscMÉ,  CoTisuMKE.  Participe  et  adj.  Bacine  a 
tSl  consumé  en  cendres. 

J'attendais  que  le  temple,  m  cendres  consuma. 

[Âth.,  ad.  V,  se.  II,  9.) 

Voyez  Embrasé. 

Consumer.  V.  a.  lic  la  1"  conj.  —  On  dit  se 
consumer  de,  et  se  consumer  eji  :  Potirqnoi  me 
consumerui-je  encore  de  travail  et  d'inqtiiélude? 
(Marmoutcl.)  Pendant  que  je  me  consumais  en 
regrets  inutiles.  (Fcnclon,  Télémaque.)  A'oyez 
Co'^sommer. 

Contact.  Siilist.  m.  On  prononce  les  deux  con- 
sonnes lin.ilcs.  VérMiul  prétend  que  l'on  prononce 
contac;  il  se  tromiie.  Autre  avis  est  celui  de  l'A- 
cadémie. 

Contagieux,  Contacieise.  Adj.  Dans  le  sens 
propre,  il  suit  toujours  le  subst.  :  Une  maladie 
contagieuse,  une  fièvre  contagieuse.  Au  ligure, 
on  peut  le  faire  précéder,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Cette  contagieuse  erreur,  ce  con- 
tagieux exemple. 

Contemplateur.  Suhst.  m.  Selon  rAcadcmic, 
il  fait  au  féminin  contemplatrice.  Il  est  peu  usité 
sous  celle  forme,  et  l'Acadcmie  n'en  donne  point 
d'exemple. 

Contemplatif,  Contemplative.  Adj.  Il  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  yie  contemplative, 
philosophe  contemplatif. 

Contemporain  ,  Contemporaine.  Adj.  Il  suit 
toujours  son  subst.  :  Les  auteurs  contempo- 
rains. 

Contempteur.  Subst.  m.  On  prononce  le  p  II 
ne  se  dit  point  au  féminin  : 

Le  contempteur  des  dieux,  l'exemple  des  tyrans, 
Mézence  le  premier  conduit  les  fiers  Toscans. 

(Delil.,  Énétd.,  VII,  903.) 

L'Académie  dit  qu'il  est  surtout  du  style  sou- 
tenu. La  Harpe  l'a  employé  dans  le  style  didac- 
tique', et  il  n'y  parait  pas  déplacé  :  On  dirait 
qu'il  y  a  une  sorte  de  providence  qui  condamne 
les  contempteurs  des  grands  hommes,  non-seule- 
ment à  heurter  le  bon  sens  dans  leurs  opinions , 
mais  à  les  décréditer  eu.v-vièines,  s'il  en  était 
besoin ,  par  une  ignorance  hoîitcuse  des  premiers 
éléments  de  l'art  d'écrire.  [Cours  de  litlér.)  La 
Bruyère  a  dit  aussi  :  Les  contempteurs  d'Ho- 
mère, les  contempteurs  des  anciens. 

CoNTEMPiiBLE.  Adj.  dcs  dcux  gonrcs.  On  pro- 
nonce contanptible,  en  faisant  sentir  lejo.  L'Aca- 
démie dit  qu'il  est  vieux.  \'augelas,  qui  l'a  con- 
danmé  dans  Malherbe,  dit  qu'on  doit  préférer 
méprisable,  (jui  est  plus  beau,  plus  fran(;ais  et 
plus  en  usage  que  contemptible.  Je  ne  vois  rien 
<\\i\  soit  plus  beau  dans  méprisable  (pie  dans  con- 
temptible, et  s'il  fallait  prononcer  d'après  reflet 
que  l'un  et  l'autre  fait  à  l'oreille,  je  pense  que  le 
dernier  aurait  la  préférence.  jNIais  Vaugelas  n'est 
plus  aujourd'hui  une  autorité.  Il  ne  s'agit  i)as  de 
savoir  lequel  est  le  plus  beau  de  ces  deux  mots, 
mais  s'ils  signifient  exactement  la  même  chose; 
s'ils  ont  été  adoptés  par  les  auteurs  de  nos  jours 
pour  marquer  des  luianccs  différentes;  cnlin,  si 
le  besoin  de  renonciation  exige  que,  dans  certains 
cas,  on  préfère  l'un  ;i  l'autre.  A^ollaire  a  employé 
plusieurs  fois  le  mot  contemptible.  En  parlant 
d'une  thèse  de  l'abbé  de  Prades  qui,  après  avoir 
été  adoptée  solennellement  par  la  Sorboniie,  fut 
scandaleusement  proscrite  par  la  mèineSorbonne, 
A  l'instigation  des  jésuites  et  d  un  evéque  minis- 
tre,il  a  dit  :  Mais  s'il  estpermis  d'attester  Dieu 


CON 


171 


dans  une  affaire  «hmi  contemptible,  on  prend 
ici  Dieu  à  témoin  que,  dans  toute  cette  relalinn, 
on  n'avance  pas  un  fait  qui  ne  soit  dans  la  plu.s 
e-racte  vérité.  [Tombeau  de  la  Surbonne)  Il  nous 
semble  que  contemptible  est  ici  l'oxpiossioii 
(•(iiivciiable,  et  que  méprisable  ne  rendrait  pas 
exactement  l'idée  de  l'auteur.  En  el'fct,  méprisa- 
ble se  dit  des  |)ersonnes,  de  leurs  sentiiucnls,  de 
leur  conduite,  de  leurs  actions,  et  indique  (juel- 
que  chose  de  bas,  de  lâche,  de  contraire  a  l'hon- 
neur, à  la  probité,  aux  sentiments  nobles  et  géné- 
reux qui  constituent  le  caractère  de  l'homme  es- 
timable. L'épilhète  Acviéprisable  convenait  donc 
parfaitement  aux  docteurs  de  Sorhunne  (jui  pros- 
crivirent cette  thèse  après  l'avoir  api)roiiV('C,  à 
ceux  (]ui  la  proscrivirent  sans  l'avoir  lue,  pour 
faire  plaisir  aux  jésuites  et  au  ministre,  à  ceux 
qui  se  battirent  a  coups  de  poing  dans  celte  ri- 
dicule délibération.  Elle  convenait  parfaitement 
aux  jésuites  qui  avaient  suscité  celte  odieuse  per- 
sécution, et  au  ministre  qui  s'était  rendu  l'in- 
slrumcntdc  leurs  passions.  Mais  pouvait-on  dire 
que  celle  affaire  était  méprisable  dans  le  même 
sens  qu'on  le  disait  des  hommes  qui  s'en  occu- 
paient d'une  manière  si  passionnée  cl  si  scanda- 
leuse? Non,  sans  doute;  car  on  sent  (jUi',  dans  le 
premier  cas,  méprisable  suppose  des  seniimcnts, 
des  intentions,  des  intrigues,  des  actions  dignes 
de  blànie  et  de  mépris,  toutes  choses  qu'on  ne 
saurait  dire  de  l'action  considérée  en  elle-même, 
et  sous  le  point  de  vue  de  sa  propre  nature.  Ce- 
pendant, celle  affaire  est  aussi  digne  de  mépris. 
il  fallait  donc  une  autre  épithèlc  qui  mar(iuàt, 
non  des  intentions,  des  sentiments,  des  passions, 
des  actions  dignes  de  mépris,  mais  une  nature 
de  choses  qui  méritait  par  elle-même  ce  senti- 
ment, et  contemptible  nous  semble  un  mol  tout 
cà  fait  propre  à  marijucr  cette difrércnce. 

Voltaire  s'est  servi  de  cette  expression  en  par- 
lant des  choses  supposées,  des  faux  actes,  des  lé- 
gendes et  des  fables  inventées  [loiir  établir  ou 
maintenir  l'esclavage  des  habitants  du  mont  Jura. 
Les  faussaires  étaient  des  gens  inéprisubles.  Ces 
actes,  considérés  comme  inventés  par  eux  dans  le 
dessein  de  tromper,  étaient  des  impostures  mé- 
prisables; mais  ces  actes,  considéiés  comme  des 
mensonges  établis,  sur  lesquels  on  voulait  fonder 
le  droit  de  servitude,  étaient  des  mensonges  con- 
temptlbles.  A'oici  le  passage  :  Je  ris,  avec  le  sen- 
timent douloureux  de  la  piété  indignée  d'avoir 
été  trompée  par  des  fables,  que  toutes  les  légen- 
des de  saint  Claude  n'étaient  qu'un  ramas  dis 
plus  grossiers  mensonges  inventés,  comme  le  dit 
Baillet,  au  douzième  et  au  treizième  siècle.  Je 
ris  que  des  diplômes  de  l'empereur  Charlemagnc, 
de  l'empereur  Lothairc,  d'un  Louis  l'Acetigle 
se  disant  roi  de  Provence,  de  l'empereur  Fré- 
déric L"",  de  l'empereur  Charles  11^,  de  Sigis^ 
mond,  son  fils,  étaient  autant  (/'im[)0Sture9  aussi 
méprisables  que  la  légende  dorée. 

C'était  .pourtant  sur  ces  mensonges  si  con- 
temptibles  aux  yeux  de  tous  les  savants,  et  si 
punissables  aux  yeux  de  la  justice,  qu'autre  fins 
les  moines  de  Saint-Claude  avaient  fondé  leurs 
richesses,  leurs  usurpations  et  l'esclavage  du 
malheureux  peuple  dont  la  Providence  m'a  fait 
le  pasteur.  [La  Foix  du  Curé,  art.  1) 

Ici  la  différence  entre  méprisable  et  contemp- 
tible est  bien  marquée.  Ces  actes  sont  des  im- 
postures  méprisables  ;  imposture  suppose  l'in- 
lenlion  d'en  imposer,  de  tromper  :  ces  actes  sont 
des  mensonges  contemptiblcs  aux  yeux  de  tous 
les  savants,  parce  que  tous  les  savants,  en  e.xa- 


n2 


CON 


minant  la  nature  de  ces  actes,  les  ont  reconnus 
faux,  par  conséquent  nullement  propres  à  établir 
les  prétentions  des  faussaires,  par  conséquent 
conlemptibles. 

Nous  ne  prétendons  pas  inférer  de  là  que  l'ad- 
jectif con/emp^We  si»ii  gi-ncralement  reçu;  mais 
seulement  (ju'un  aiileur  du  premier  ordre  en  a 
fait  usage  pour  exiiriiner  une  nuance  qu'il  ne 
pouvait  pas  exprimer  p;ir  le  mot  iiu'prisahle  ;  que 
par  conséquent  celle  expression  est  nécessaire, 
et  que  c'est  peut-être  la  décision  de  Yaugelas 
contre  Malherbe  qui  l'a  fait  rejeter  par  des  écri- 
vains trop  timides  ou  trop  soumis. 

D'après  les  |)rincipes  que  nous  venons  de  po- 
ser, nous  pensons  que  contempiille  ne  peut  se 
dire  que  des  choses, ou  des  personnes  par  rapport 
aux  choses,  et  qu'il  ne  faut  pas  dire, commel'Aca- 
démic,  il  s'est  rendu  contemptible  ,  c'est  un 
homme  vil  et  contemptible.  Mais  Voltaire  a  pu 
dire  les  contemptible  s  théologiens,  parce  qu'il 
regardait  comme  contcmpliblcs  les  matières  dont 
ils  s'occupaient. 

Contenant,  Contenante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  contenir  :  Partie  contenante,  partie  contenue. 
11  suit  toujours  son  subst. 

Co.ntend.ant,  Contendante.  Adj.  Ce  mot  est 
peu  usité,  si  ce  n'est  au  palais.  Partout  ailleurs 
on  préfère  compétiteur,  concurrent,  prétendant. 
L'Académie  dit  les  princes  contenda7its ;  cette 
expression  ne  se  trouve  guère  que  dans  sjn 
Dictionnaire. 

Contenir.  \.  a.  de  la  2°  conj.  Il  se  conjugue 
comme  tenir.  Voyez  ce  mot. 

Se  contenir  signille  se  retenir,  s'empêcher  de 
faire  paraître  quehiue  sentiment  vif,  et  particu- 
lièrement sa  colère;  on  dit  aussi  dans  ce  sens: 
Contenir  sa  colère,  son  indignation,  ses  trans- 
ports. 

Priam  ne  confient  plus  son  douloureux  transport, 
(Deul.,  Ènéid.,  Il,  720.) 

Pourra-t-il  contenir  l'horreur  qu'il  a  pour  moi  ? 
(Rac,  Iphig.,  act.  III,  se.  IH,  24.) 

Content,  Contente.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  liomme  content,  v 71e  femme 
contente.  Avant  un  substantif  il  régit  la  préposi- 
tion de  :  Il  est  content  de  son  sort,  de  sa  for- 
tune. 

Qui  vil  content  de  rien  possède  loute  chose. 

(BoiL.,  Épttre  V,  58.) 

Contentement.  Subst.  m.  Il  n'a  point  de  plu- 
riel, et  l'Académie  a  blâmé  ce  vers  de  Corneille 
(Cid,  édition  de  Voltaire,  acl.  I,  se.  ii,  2)  : 

El  que  (oui  se  dispose  à  leur»  contentement». 

Cependant  en  4835  elle  admet  le  pluriel  :  Ses 
enfants  lui  donnent  toutes  sortes  de  cojitente- 
ments. 

L'Académie  explique  ce  mol  par  joie,  plaisir, 
satisfaction.  Aucun  de  ces  mots  n'indique  conjplij- 
temcntce  que  c'est  qucleconicnlement.  I.econlen- 
lemcul  est  un  sentiment  de  joie,  d'une  joie  douce, 
jiroduite  par  la  satisfaction  des  désirs.  Votre  m- 
tis faction  est  d'obtenir  ou  d'avoir  obtenu;  votre 
conte?iiemcnt  esl  de  jouir,  et  de  jouir  en  paix. 

Contenter.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Se  contenter 
régit  la  préposition  c?e  devant  les  noms  et  devant 
les  verbes  :  Se  contenter  de  sa  fortvjie,  ,«<?  con- 
tenter d'avoir  de  quoi  vivre.  —  Contentez-vous 
de  m'avoir  trompé. 


CON 

Contentieusement.  Adv.  Il  se  met  toujours 
après  le  verbe. 

Contentieux  ,  Contentiecse.  Adj.  Il  se  met 
après  son  subst.  :  Droit  contentieux,  point  con- 
tentieux. 

Contentioic.  Subst.  f.  Ce  substantif  a  une  si- 
gnilication  que  n'a  pas  son  adjectif  coH/e/i/iewx; 
c'est  lorsqu'il  se  prend  pour  grande  application 
d'esprit. 

Co^TEND.  Subst.  m.  Comme  terme  didactique, 
il  s'emploie  absolument  :  Le  contenant  et  le 
contenu.  (,)uand  il  signifie  ce  (jue  contient  un 
écrit,  un  discours,  il  régit  la  préposition  de  : 
Le  contenu  de  sa  lettre,  le  contenu  de  l'arrêt. 
Quand  on  dit  je  vous  dirai  le  contenu,  il  y  a 
ellipse;  c'est-à-dire  le  contenu  de  la  lettre,  du 
discours,  etc. 

Conter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Bacine  a  dit 
conter  son  enfance  pour  dire  conter  le  sort,  les 
événements  de  son  enfance  {Ath.,  act.  V,  se. 
VI,  o)  : 

Nos  léTites,  du  haut  de  nos  sacrés  parvis, 
D'Ochosias  au  peuple  ont  annoncé  le  fils, 
Onl  conté  son  enfance  au  glaive  dérobée, 
Et  la  fille  d'Achab  dans  le  piège  tombée. 

On  ne  pourrait  pas  dire  cela  en  prose. 

Contestable.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit 
toujours  son  subst.  :  Une  maxime  contestable, 
une  opinion  contestable. 

Conteste.  Subst.  f.  Procès,  contestation.  Ce 
mot  n'est  pins  usité  nulle  part.  Anciennement  on 
disait  contest,  dont  on  a  fait  conteste. 

La  maison  à  présent,  comme  savez  de  reste. 
Au  bon  monsieur  Tartufe  apparlicnt  sans  conteste. 
(Mol.,  Tartufe,  acl.  Y,  se.  iv,  37.) 

Contedr.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme 
on  dit  conteuse. 

CoNTiGO,  CoNTiGLE.  Adj.  Gu  sc  proncHce 
comme  dans  aigu  ,  en  faisant  sentir  Vu.  Gué 
dans  contiguë  fait  deux  syllabes,  contigu-ë. 

Contiguïté.  Subst.  f.  On  prononce  contiguî-té 
en  faisant  sonner  I'm  et  \'i  à  part. 

Continence.  Subst.  f.  Ce  substantif  n'a  point  de 
pluriel. 

Continent,  Continente.  Adj.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.,  et  est  pou  usité. 

Continu,  Continue.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Etendue  continue,  travailconti- 
nu,  fièvre  continue  II  ne  faut  pas  confondre  ce  mol 
avec  l'adjectif  continuel.  Ce  (jui  est  continu  n'est 
pas  divisé;  ce  qui  est  continuel  vCcsi  pas  inter- 
rompu. Une  chose  est  continue  parla  tenue  de  sa 
constitution;  cWc  q?,\.  continuelle  parla  tenue  de 
sa  durée.  Il  peut  y  avoir  de  l'interruption  dans  ce 
qui  est  continuel;  ce  qui  est  continu  n'en  souf- 
fre point:  Un  jeu  continuel,  des  pluies  conti- 
nuelles, des  querelles  continuelles  ;  une  fièvre 
continue.  L'étendue  est  une  quantité:  continue. 

Continuel,  Continuelle.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  Voyez  Cuntinu. 

Continuellement.  Adv.  Il  peut  se  placer  en- 
tre l'auxiliaire  et  le  parlicipû  :  //  a  écrit  conti- 
nuellement, ou  il  a  continuellement  écrit. 

Continuer.  V.  a.  et  n.  de  la  1'*  conj.  Ce 
verbe  employé  neutralement  régit  tantôt  à,  tan- 
tôt de  devant  un  infinitif.  11  régit  à  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  verbe  (lui  indique  une  action  faite 
par  le  sujet  avec  une  intention  dirigée  vers  un 
but:  Il  co7itinuait  à  lui  dire  des  injures;  il 
continuait  à    le  frapper'   il  co7itinuait  à   /«» 


CON 

parler.  Mais  quand  rien  n'indi(iue  dans  la 
phrase  une  inlcntion  dirigée  vers  un  but,  il  faul 
mcllrc  de  :  Il  continuait  Reparler,  il  continuent 
de  marcher,  la  ricicre  continue  de  couler.  11 
faut  donc  dire  il  continuait  à  faire  la  guerre, 
et  non  pas  il  continuait  de  faire  la  guerre. 
—  Selcfn  Marmonicl,  continuer  à  exprime  qu'on 
fait  une  chose  sans  ii)teirui)lion  ;  continuer  de, 
qu'on  la  fait  avec  interruption,  en  la  reprenant 
de  temps  en  lenips.  Voyez  Commencer. 

CoMiNuiTÉ.  Subst.  f.  L'm  et  l'i  font  deux  syl- 
labes. 

Contractant,  Contractante.  Adj.  verbal  lire 
du  \.' contracter.  Il  ne  se  dit  qu'au  féminin 
et  au  pluriel  avec  partie  :  Les  parties  contrac- 
tantes. On  ne  dit  jjas  une  partie  contractante, 
mais  vue  des  parties  contractantes.  Il  se  met 
toujours  après  son  subst. 

Contraction.  Subsl.  f.  En  termes  de  gram- 
maire, ce  mot  signilic  la  réduction  de  deux  syl- 
labes en  une.  C'est  ainsi  que  nous  disons  le  mois 
d'out  au  lieu  du  mois  d'aot'it.  Du  est  aussi  une 
contraction  pour  de  le;  des  pour  de  les;  au 
pour  à  le;  aux  pouv  à  les.  Voyez  Adjectifs  pré- 
positifs. 

CoNTRADicTEDR.  Subst.  m.  Cclui  qui  contrcdit. 
Il  n'a  point  de  féminin. 

Contradiction.  Subst.  f.  L'Académie  définit 
ce  mot,  action  de  contredire,  opposition  aux  sen- 
timents et  aux  discours  de  quehju'un  ;  discours 
par  lequel  on  combat  les  avis  d'un  autre.  Mon- 
tesquieu a  employé  ce  mol  dans  une  acception 
qui  n'a  aucun  rapport  à  ces  définitions:  J'ai 
étudié  son  caractère,  et  j'y  ai  trouvé  des  con- 
tradictions qu'il  m'est  impassible  de  résoudre. 
(37'  lettre  persane.) 

Contradictoire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se 
met  après  son  subst.  :  Propositions  contradic- 
toires, jugement  contradictoire. 

Contradictoire.ment.  Adv.  DduS  le  langage 
ordinaire,  il  se  met  entre  l'auxiliaire  et  le  par- 
ticipe :  Ces  deux  propositions  sont  conlradictoi- 
renient  opposées,  et  non  pas  sont  opposée:!  con- 
tradictoirement.  Mais  en  style  de  palais,  jI  se 
met  après  le  verbe.  On  dit  qu'wM  arrêt  a  été 
rendu  contradictoirement,  et  non  pas  a  été  con- 
tradictoii-ement  rendu. 

Contraindre.  V.  a.  de  la  4*  conj.;  il  se  con- 
jugue comme  craindre.  Les  dictionnaires  disent 
que  ce  verbe  régit  à  et  de;  mais  ils  ne  nous 
disent  pas  dans  quels  cas  l'une  de  ces  préposi- 
tions est  préférable  à  l'autre,  ^suppose  un  but, 
une  tendando^'  une  action.  Il  faut  donc  préférer  à 
toutes  les  fois  que  ces  idées  sont  comprises  dans 
la  phrase;  et  de  dans  tous  les  autres  cas.  On  ne 
peut  donc  pas  dire,  comme  l'Acadoinie,  on  le  con- 
traignit de  faire  ou  à  faire  telle  chose,  il  faut  à 
faire:  On  le  contraignit  à  marcher,  à  s'avancer, 
à  se  battre;  il  s'agit  d'une  action.  Mais  on  dira 
un  le  contraignit  de  se  taire,  de  céder,  de  se  te- 
nir en  repos,  de  prendre  la  fuite.  Celte  diffé- 
rence est  assez  bien  uiarquée  dans  les  deux  exem- 
ples suivants  : 

Et  combattre  des  feux  contraints  de  se  caclier. 

(Rac,  Iphig.,  act.  II,  se.  I,  118.) 

Faut-il  qu'à  t'admirer  ta  fureur  me  contraigne. 

(YoLT.,  Zaïre,  act.  V,  se.  i,  83.) 

C'est  donc  à  tort  qu'on  a  trouvé  deux  fautes 
dans  ces  vers  de  Boileau  (sat.  X,  500)  : 

Elle  a  pour  premier  point 


CON 

Exigu  qu'un  époux  ne  la  contraindrait  point 
.4  traîner  après  elle  un  pompeux  équipage, 
Ni  surtout  de  souffrir. 


173 


Tout  est  bien  dans  ces  vers.  On  contraint  à  traî- 
ner, parce  (jue  traîner  indique  une  action;  on 
contraint  de  souffrir,  parce  que  souffrir  n'a 
qu'un  sens  passif. 

Contraint,  Contrainte.  Adj.  Il  suit  ordinaire- 
ment son  subsl.  :  Un  air  contraint,  des  viaitières 
contraintes. 

Contrainte.  Subst.  f.  Co  mot  n'a  de  plm-ipl 
qu'en  style  de  jurisprudence  .  On  emploie  ta  con- 
trainte, et  non  pas  les  contraintes.  On  use  de 
contrainte,  cl  non  pas  de  contraintes.  Cci)ondani 
Bossuet  a  dit  :  Par  ses  soins,  le  mariage  devien- 
dra si  libre,  qu'il  n'y  aura  plus  à  se  plaindre  de 
ses  contraintes  et  de  ses  incommodités.  Con- 
traintes O.si  pris  ici  pour  diverses  sortes  de  gènes. 

Contraire.  Adj.  des  deux  genres.  Voltaire  a 
dit  au  singulier  un  effort  contraire,  pour  signi- 
fier t^f^  efforts  contraires;  et  sa  pensée  est  bien 
rendue. 

On  saisit,  on  reprend,  par  un  contraire  effort, 
Ce  rempart  teint  de  sang,  tliéitre  de  la  mort. 

[Ilenr.,  VI,  255.) 

On  voit  par  cet  exemple  (ju'cn  iwésie  cet  adjectif 
peut  se  mettre  avant  le  substantif.  11  peut  aussi 
quelquefois  le  i)récéder  en  prose  :  Ils  faisaient 
de  contraires  efforts  pour,  etc. 

Contrariant,  Contrariante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  contrarier.  11  se  dit  des  jjcrsoniies  cl  des 
choses  :  Il  est  contrariant,  cette  nouvelle  est  bien 
contrariante.  H  se  met  ordinairement  après  son 
subsl. 

Contravention.  Subst.  f.  Il  régit  la  préposition 
à  :  Une  contravention  aux  lois. 

Contre.  Préposition.  Jamais  en  aucun  cas  on 
ne  doit  en  écrivant  èlider  l'e  muet  de  cette  pré- 
position ;  Contre  eux,  contre  elles.  Cu/ii/e  se  place 
ordinairement  après  le  verbe  ;  Il  a  parlé  contre 
moi;  mais  il  peut  aussi  se  placer  devant,  et  mcine 
à  la  tète  de  la  phrase:  Oest  contre  vous  que  je 
veux  me  battre.  Contre  un  tel  ennemi  le  courage 
est  inutile. 

On  employait  autiefois  coîitre  adverbialement 
et  sans  régime.  On  disait^e  me  suis  élevé  contre, 
j'ai  parlé  contre.  L'Académie  dit  ijuil  s'emploie 
quehpiefois  adverbialement ,  et  elle  donne  les 
excinplcs  suivants  :  Parler  pour  et  contre  ;  quand 
on  fit  cette  proposition,  tout  le  monde  s' éleva  con- 
tre. Pour  moi,  je  suis  contre.  Je  n'ai  rien  à  dire 
contre.  Celte  préposition  ne  se  prend  plus  en  ce 
sens  que  dans  le  discours  familier,  et  dans  la 
phrace  consacrée  joor^e/-  ;;owr  et  contre. 

L'Académie  ne  dit  pas  tenir  contre  ;  cependant 
c'est  une  expression  très- usitée: 

Mes  pleurs,  belle  Eriplulc, 
Ne  tiendront  pas  longtemps  contre  les  soins  d'Achille. 
;Rac.,  Iphig.,  act.  II,  se.  m,  14.) 

En  parlant  des  choses,  on  emploie  quehiuefois 
contre  dans  le  sens  à'auprès,  proche  :  Sa  maison 
est  contre  Za  mienne;  mais  il  n'y  a  que  les  gens 
du  peuple  qui  disent  s'asseoir  contre  quelqu'un; 
il  a  passé  contre  moi. 

Contre.  Particule  inséparable  quf  se  met  au 
commencement  de  certains  mois.  T-He  conserve 
le  même  sens  d'opposition  qui  est  propre  a  la  pré- 
position; contredire,  contremander,  contrevenir, 
contrefaire,  imiter  contre  la  \éiité.  Contrefait 
veul  dire  quelquefois  fait  contre  les  lois  ordinai- 
res et  les  proportions  de  la  nature  ;  contre- 


17* 


COiN 


tirer  une  eslampe,  c'est  la  tirer  dans  un  sens  op- 
posé cl  ciiiiliairc.  Mais  i^ims  contresigner,  contre 
veut  sculcineiu  dire  auprès. 

Dans  tous  les  substantifs  dans  la  cump<JSilion 
desquels  entre  la  préposition  contre,  et  ou  elle  est 
sépaiôeparun  tiret,  le  stihsliinlif  qui  la  suit  prend 
seul  la  niar(pie  du  pluriel  :  une  cnntrc-ulLc,  un 
contre-amiral,  vnc  contro-husse,  une  cuntro-bat- 
teric ;  des  contre-ullces,  dos  conlrc-umirauJ-',  des 
contre-basses,  des  contre-batteries,  etc. 

Co.NTRKDir.E.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4  coiij. 
11  se  eonjujj'ue  comme  dire,  excepté  .i  la  :^ccollde 
personne  du  iiluricl  du  présent  de  l'indicatif,  où 
l'on  dit  vous  contredisez,  au  lieu  de  vous  cunlre- 
dites.  On  dit  aussi  contredisez -à  riui|icratil'. 

Du  temps  de  Corneille  et  de  Jlacuic,  on  em- 
ployait ce  xerbc  ncutrak-ment,  et  l'on  disait  con- 
tredire ù  quelqu'un. 

En  l'étal  où  jt  suis,  !es  maux  dont  je  soupire 
H'ôtent  U  lil>oiie  de  te  rien  contredire. 

(Corneille.) 

Les  dieux  ont  prononcé;  loin  de  leur  contredire. 
C'est  à  tous  à  passer  du  coté  de  Tempire. 

(ilAC,  Britan.,  acl.  11,  se.  lll,  61.) 

Bossuet  a  dit  aussi  :  Elles  ne  contredisent  point 
au  iéinoignage  ejcttrieur  des  Ecritures. 

Aujourd'hui  ce  verbe  s'emploie  toujours  acli- 
veincnt,  et  ne  prend  que  le  régiinp  direct  :  Con- 
tredire quelqu'un ,  contredire  une  proposition, 
se  contredire. 

Contredisant,  Contredisante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  contredire,  lise  met  après  son  subst.  :  Un 
esprit  contredisant,  une  humeur  contredisante. 

Contrefaire.  V.  a.  et  irrégulier  de  la4''conj. 
Il  se  conjugue  comme  faire,  ymjez  ce  mot. 

Contre-pied.  Subst.  m.  Il  signifie  ce  qui  est 
contraire  ù,  et  nc  se  dit  point  au  pluriel. 

COiNTRE-poiL.  Subst.  m.  Il  signifie  le  rebours 
du  poil,  le  sens  contraire  à  celui  dont  le  poil  est 
couché.  11  ne  se  dit  point  au  pluriel. 

CoMRE-SENs.  Subst.  m.  Nice  dans  lequel  on 
tombe  quand  le  discours  rend  une  autre  pensée 
que  celle  qu'on  a  dans  l'esprit,  ou  que  l'auteur 
qu'on  interprète  y  avait.  Ce  vice  nait  toujours 
d'un  défaut  de  logique,  quand  on  écrit  de  son  pro- 
pre fondSjOu  d'ignorance  soil  de  la  matière,  soit  de 
la  langue,  quand  on  écrit  d'après  un  autre. 

Ce  défaut  est  particulier  au.\  traduclions;  quel- 
que soin  que  l'on  donne  à  la  traduction  d'un  au- 
teur ancien,  il  est  difficile  de  n'y  faire  aucun 
contre-sens.  Les  usages,  les  allusions  a  des  faits 
particuliers,  les  différentes  acceptions  des  mots  de 
ia  langue,  et  une  infinité  d'autres  circonstances 
peuvent  y  donner  lieu. 

Il  y  a  une  autre  espèce  de  cordée-sens,  dont  on 
a  moins  parlé,  et  qui  est  pourtant  plus  blâmable 
encore,  parce  qu'il  est,  pour  ainsi  dire,  plus  in- 
curable: c'est  celui  que  l'on  fait  en  s'écartant  du 
génie  cl  du  caractère  de  son  auteur.  La  traduc- 
tion ressemble  alors  à  un  portrait  qui  rendrait 
grosbièrcmcnl  les  traits,  sans  rendre  ta  physiono- 
mie, ou  en  la  rendant  autre  qu'elle  n'est,  ce  qui 
est  encore  pis.  Par  exemple  une  traduction  de  Ta- 
cite dont  le  style  nc  serait  point  vif  et  serré,  quoi- 
que bien  écrite  d'ailleurs,  serait  eu  (juclquc 
manière  un  contre-sens  perpétuel,  et  ainsi  des 
autres. 

Corneille  a  dit  (Cid,  1"  édition,  acl.  III,  se. 
•vi,  35)  : 

1'iimour  n'est  qu'un  plaisir,  et  l'honneur  un  doToir. 


CON 

La  construction  de  cette  phrase  met  nécessaire- 
ment de  niveau  Vamour  ci  Vhonneur,  et  jiiéscnte 
l'un  et  l'autre  connue  également  méprisables  :  en 
un  mot  elle  a  le  même  sens  que  celle-ci  : 

L'amour  n'est  qu'un  plaisir,  l'banueur  n'est  qu'un  devoir. 

Il  est  certain  que  ce  n'était  pas  l'intention  de 
Corneille;  ainsi  ce  grand  poète  a  fait  un  contre- 
sens. 

Il  faut  prendre  garde  de  confondre  l'amphibo- 
logie et  le  contre-sens.  L'amphibologie  est  dans 
une  phiase  qui  peut  également  scrvn-à  énoncer 
plusieurs  sens  différents,  cl  que  rien  de  ce  qui  la 
constilue  nc  détermine  à  l'un  iiluiôt  (ju'a  l'autre; 
le  co«/re-5e/i5  est  dans  une  phrase  qui  ne  peut 
avoir  qu'un  sens,  mais  qui  aurait  dû  être  con- 
struite de  manière  ù  en  avoir  un  autre. 

CoNTREVALLàTioN.  Subst.  f.  Lcs  dcux  Z  sc  pfe- 
noncent  sans  qu'on  les  mouille. 

Co.NTBEVENiR.  Y.  U.  dc  la  2"^  conj.  Plusieurs 
grammairiens  pensent  que,  quoique  ce  verbe  soit 
composé  du  verbe  venir,  il  prend  l'auxiliaire 
avoir.  L'Académie  avait  mis  dans  son  édition  de 
1762  des  exemples  avec  l'auxiliaire  avoir  et 
l'auxiliaire  être  :  Il  prétendait  71' avoir  point  con- 
trevenu, n'être  point  contrevenu  à  In  loi.  Dans 
son  édition  de  171)8  et  dans  celle  de  1835,  elle  n'a 
mis  que  le  premier. 

Nous  pensons  que  ce  verbe  ne  prend  que 
l'auxiliaire  avoir,  parce  qu'il  n'exprime  rcellemeot 
qu'une  action. 

CoNTBiBUABLE.  Subst.  m.  Bua  fait  deux  sylla- 
bes. 

Contribuer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  fiwer  fait  deux 
syllabes:  Contribuer  à  quelque  chose,  coniributr 
de  ses  deniers  à  la  construction  d'une  église.  — 
Contribuer  pour  l'entretien  des  routes. 

Contrit,  Contrite.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  subst.  :  Un  cœur  contrit,  une  âme  conr 
triW 

Controversé,  Controversée.  Adj.  qui  De  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  point  controcersé, 
une  7naticre  co7iiroversée 

CoNTus,  Contl'se.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst  :  Une  partie  co/ituse,  un  muscle  con- 
tus. 

Convaincant,  Convaincante.  Adj.  verbal  tiré 
du  v.  co7ivai7icre.  11  se  met  toujours  après  son 
subst.  :  U/i  <itgu7nent  convaincant,  une  7-aison 
convaincante. 

Convaincre.  V.  a.  de  la  4=  conj.  Il  se  conjugue 
commr)  vaincre.  On  dit  convaincre  quelqu'un-  de 
quelque  chose  ;  le  convaincre  par  de  bonnes  rai- 
so7is;  se  convaincre  par  l'expéric/ice,  par  ses 
propres  yeux;  se  laisser  co/ivuiiicre  à  l'évi- 
de/tce. 

Convalescent,  Convalescente.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Uuc  personne  convales- 
cente. 

Convenable.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met 
après  son  subst.  Ce  mot  s'eiTy,>loic  absolument  ou 
est  suivi  de  la  préposition  à  .•  Faire  un  inaiiaf/e 
C07ivenable ,  faire  une  dt'pensc  co/ivenable  à  sa 
fortune. 

Convenablement.  Adv.  11  se  met  avec  un  ré- 
gime ou  sans  régime  :  //  vit  co/ivenablcmcnt  à 
sen  état,  il  a  répondu  covve7iableinent.  Dans  ces 
deux  cas,  il  se  met  aprè.>  le  verbe. 

Convi;nir.  V.  n.  et  irrégulier  dc  la  2'  conj.  Il 
se  conjuiTUC  comme  venir.  Voyez  Irrégulier. 

11  piciïd  l',iiixili;iirc  avoir  quand  il  signifie  être 
convenable  :  Cela  m'aurait  assez  convenu.  Cette 


CON 

marchandise  ne  lui  a  pas  co?ire7iu.  Tl  prend 
l'auxiliaire  éire  quand  il  signifie  demeurer  d'M:- 
cord.  iVûiw  sommes  co/(re«HS  de  nos  faits. 

Conventionnel,  Conventionnelle.  Adj.  Qui 
suppose  une  convention.  Il  se  met  ai)rès  son 
subst.  :  f^aleur  conventionnelle,  bail  conven- 
tionnel. 

Conventuel,  Conventuelle.  Adj.  qui  se  met 
après  son  subst.  De  couvent,  qui  concerne  le  cou- 
vent :  Assemblée  conventuelle,  messe  conven- 
tuelle. J\Jeiise  convenivelle. 

Conventdellement.  Adv.  Il  se  met  toujours 
après  le  verbe  :  Ils  vivent  conventucllement. 

Conversation.  SnWst.  f.  L'Académie  le  définit, 
entretien  familier.  Cctlcdofinilion  n'est  pas  cxacle. 
Le  mot  lie  conversation  désigne  desdiscoursenlrc 
gens  égaux,  ou  à  peu  près  égaux,  sur  tontes  les 
matières  que  présente  le  hasard.  Il  y  a  cette  diffé- 
rence cnlie  conversation  Q\.  entretien,  que  le  pre- 
mier se  dit  en  général  dequelquediscours  mutuel 
que  ce  puisse  cire;  au  lieu  qu'entretien  se  dit 
(l'un  discours  mutuel  qui  roule  sur  quehpie  objet 
détermine.  Ainsi,  on  dit  qu'wn  homme  est  de 
bonne  conversation,  pour  dire  qu'il  parle  bien  des 
différents  objets  sur  lesquels  on  lui  donne  lieu  de 
parler;  on  ne  dit  point  qu'il  est  d'un  bon  entre- 
tie?i.  Entretien  se  dit  de  supérieur  à  inférieur; 
ou  ne  dit  pas  d'un  sujet  qu'il  a  eu  une  conversa- 
tion avec  le  roi,  on  dit  qu'il  a  eu  un  entretien. 
On  se  sert  aussi  du  mot  d'entretien  quand  le 
discours  roule  sur  une  matière  importante.  On 
dit,  par  exemple,  ces  deux  princes  ont  eu  ensem- 
ble un  entretien  sur  les  moyens  de  faire  la  paix 
entre  eux.  Entretien  se  dit  pour  l'ordinaire  des 
conversations  imprimées,  à  moins  que  le  sujet  de 
la  conversation  ne  soit  pas  sérieux  ;  on  dit  les  en- 
tretiens deCicéron  sur  la  nature  des  dieux.  Dia- 
logue est  propre  aux  conversations  dramatiques, 
et  colloqueaux  conversations  polémiqucset  publi- 
ques qui  ont  pour  objet  des  matières  de  doctrine, 
comme  !e  colloque  de  Poissy.  Lorsque  plusieurs 
personnes,  surtout  au  nombre  de  plus  de  deux, 
sont  rassemblées  et  parlent  entre  elles,  on  dit 
qu'elles  sont  en  conversation,  et  non  pas  en  en- 
tretien. 

Convier.  V  a.  de  la  \"  conj.  Il  régit  à  devant 
les  noms  :  Convier  à  un  festin,  à  une  assemblée. 
Devant  les  verbes  il  régit  à  ou  de.  L'Académie  dit 
convier  de  faire  telle  chose,  à  faire  telle  chose. 
Il  doit  y  avoir  <iuelt|ne  diltVrence  entre  ces  deux 
phrases,  et  cette  différence  doit  se  trouver  dans 
la  nature  des  deux  prépositions  :  Je  convie  r/vel- 
'/u'un  à  se  rendre  à  une  assemblée,  à  s'y  trouver  ; 
je  lui  indique  un  but,  un  lieu  où  je  l'invite  à  se 
rendre.  La  préposition  à  convient  bleu  dans  ce 
cas.  Mais  si  l'invitation  n'a  pour  objet  (pi'une  dé- 
termination, qu"un  pur  acte  de  la  volonté,  qui  ne 
suppose  pas  un  but,  c'est  de  qu'il  convient  d'em- 
ployer :  je  ne  l'invite  pas  à  venir,  à  se  trouver  à 
un  lieu  ;  je  le  prie  de  prendre  une  détermination. 
Yoilà  pouiquoi  je  pense  que  Corneille  a  très-bien 
dit(Ci».,act.  V,  se,  m,  37]  : 

Soyons  amis,  Ciniia;  c'est  moi  qui  t'en  convie. 

Convoitable,  Convoitedx,  Convoiteuse.  Adjec- 
tifs. L'Académie  dit  qu'ils  vieillissent;  elle  aurait 
dû  dire  qu'ils  sont  vieux  et  hors  d'usage. 

Convoyer.  V.  a.  de  la  1"^  conj.  Il  se  conjugue 
comme  employer.  Ployez  ce  mot. 

CoHVULsiF,  CoNVULsivE.  Adj.  Il  se  met  après 
son  subst.  :  Mouvement  convulsif. 


COR 


175 


Coopérateur.  Subst.  m.  En  parlant  d'uncfemme, 
on  dit  «oopératrice. 

Copieusement.  Adv.  Il  se  met  ajirés  le  verbe, 
ou  entre  l'auxiliaire  et  le  partici|ie:  lia  mangé 
copieusement,  il  a  copieusement  bu. 

Copieux,  Copieuse.  Adj.  Il  peut  qnchpicfois  se 
mettre  avant  sou  subst.  :  Après  un  copieux  repas. 

CopuLATiF,  CopuLATivE.  Adj.  Tcruie  dc  gram- 
maire. On  ap|)elle  conjonctions  copululives  celles 
qui  ne  servent  qu'a  lier  des  mots  ou  des  phrases, 
sans  ajouter  aucune  autre  niodilication.  11  y  à 
deux  conjonctions  copulatives,  et  et  ni;  elles  ne 
diffèrent  entre  elles  qu'eu  ce  que  la  liaison  que 
l'une  exprime  tombe  purement  sur  les  choses 
pour  les  joindre;  au  lieu  que  la  liaison  exprimée 
par  l'autre  tombe  directement  sur  la  négation  at- 
tribuée aux  choses,  et  la  leur  rend  cumnainc. 

Coq.  Subst.  in.  On  prononce  le  q,  e.xccplé  dans 
coq  d'Inde. 

Coq-a-l'ane.  Subst.  m.  Ce  mot  signifiant  un 
discours  sans  suite,  sans  liaison,  lorsiju'on  le  met 
au  pluriel,  la  pluralité  ne  peut  tomber  que  sur  le 
mot  discours  qui  est  sous-entendu,  et  nullement 
sur  les  mots  C09  ou  âne.  On  dit  donc  au  pluriel 
des  coq-à-Vâne. 

CoguET,  Coquette.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  lursque  l'analogie  et  l'harinonie 
le  permettent  :  Une  femme  coquette,  une  humeur 
coquette;  cette  coquette  humeur.  Aboyez  Adjec- 
tif. 

Cor.  Subst.  m.  A  cor  et  à  cris.  Il  y  a  certains 
gallicismes,  surtout  parmi  nos  locutions  prover- 
biales, où  la  moindre  inversion  devient  une  faute 
de  langue  même  en  vers.  Ainsi  l'on  n'a  pas  le  droit 
de  due  par  vaux  et  par  monts  ,coiiuue  La  Fon- 
taine, vaux  n'étant  français  que  dans  cette  accep- 
tion et  ce  lour, par  monts  et  par  vaux,  ni  «  cris 
et  à  cor,  comme  Marot  : 

Lor3  eux,  cuidant  que  fusse  en  grand  crédit, 
M'ont  appelé  monsieur  à  cris  et  cor. 

(Ch.  Nodikb,  Exomcn  critique  des  dict.') 

Corail.  Subst.  m.  11  fait  au  pluriel  coraux,  qui 
se  dit  en  parlant  d'une  collection  de  pièces  de  co- 
rail :  Ce  naturaliste  a  de  beaux  coraux.  [Dict. 
de  l'Acad.) 

Cordial,  Cordiale.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  substantif  lorsque  l'analogie  et  l'iiarmo- 
nie  le  permettent:  Je  fus  touché  de  cette  cordiale 
amitié.  Voyez  Adjectif. 

Dans  le  sens  propre,  il  fait  cordiaux  au  pluriel 
ma>culin  :  Des  remèdes  cordiaux. 

Cordialement.  Adv.  11  se  met  toujours 
après  le  verbe.  On  ne  dit  pas  il  vi'a  cordia- 
lement parlé,  mais  il  m'a  parlé  cordialement. 
iMadaincde  Sévignc  d\s:x\\.  que  cordiale  ment  était 
un  mot  de  sa  grand'mére.  11  parait  qu'il  a  ra- 
jeuni. 

Coriace.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  tou- 
jours après  son  subst.  :  friande  coriace. 

Cornu,  Cornue.  Adj.  L'Académie  dit  une  pièce 
de  terre  cornue,  un  pain  cornu.  Voltaire  a  dit  des 
montagnes  cornues  {JEpUreXXW,  i)  : 

Du  fond  de  cet  anlre  pierreux, 
Entre  deux  montagnes  cornues,  etc. 

Cet  adj.  suit  toujours  son  subst. 

Coi-.oLLAiRF..  Subst.  m.  On  prononce  les  deuxi 
sans  les  mouiller. 

Corporel,  Corporelle.  Adj.  Qui  appartient  au 
corps,  qui  concerne  le  corps.  Il  se  met  après  soi) 


476 


COR 


subst.  :  Plaisir  corporel,  peine  corporelle,  pu- 
nition coiporclle. 

CoiipoRt;i.LF.MEM.  Adv.  11  se  met  toujours  n près 
le  verbe  :  lia  été  puni  corpnrcllcment,  et  non  pas 
t7  a  été  corporellement  puni. 

Corps.  Subst.  m.  l)cv;mt  une  consonne  on  pro- 
nonce cor;  devant  une  voyelle  on  prononce  cors 
en  faisant  sentir  le  s.  On  demande  comment  il  faut 
écrire  au  pluriel  les  substantifs  composés  cnrps- 
de-hûtiment,  corps-de-garde,  corps-de-logis.  D'a- 
près les  rèçlcs  ijue  nous  avons  données  au  mot 
Composé,  il  n'y  a  que  les  substantifs  corps  (jui 
puissent  prendre  ici  le  pluriel;  les  autres  mois 
doivent  rester  comme  ils  seraient  s'il  n'y  avait 
point  décomposition.  Ainsi  il  faut  dire  des  corps- 
de-hûtiment ,  des  curp.s-de-gurde ,  des  cojps-de- 
logis. 

Correct,  Correcte.  .4dj.  Féraud  dit  qu'on  pro- 
nonce korek  au  masculin.  11  nous  semble  que  le  t 
se  fait  sentir  au  masculin  comme  au  féminin,  lise 
met  toujours  ai)rès  son  subst.  :  Un  style  correct, 
une  phrase  correcte. 

CoRRECTEME.NT.  Adv.  On  pcul  Jc  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Dessiner  correcte- 
ment, (crire  correcteî/ient;  cela  est  correctement 
dessiné,  correctement  écrit. 

Cor.RECTioN.  Subst.  f.  On  appelle  correction 
une  ligure  de  rhétorique  qui  consiste  à  corriger 
ou  à  explicjucr  une  expression,  une  pensée  qui'est 
déjà  avancée.  Celle  figure  est  très-propre  à  lixer 
ou  a  réveiller  l'attention  des  auditeurs  ou  des  lec- 
teurs. \oici  un  exemple  de  correction  :  Non,  je 
ne  ptiis  plus  vivre  dans  celte  incertitude  •  Que 
dis-je?  Iitlas!  Je  ne  suis  que  trop  certain  que 
711071  père  n'est  plus  ;  je  vaii  rherckei  i>on  ombre 
jusque  dans  les  enfers.  (Fénel.,  Télém.,  liv. 
XVlll,  t.   II,  p.   2tj3.) 

CORRECTION.NEL  ,    CORRECTIONNELLE.    Adj.    11    SC 

met  après  son  subst.  :  .luridiction  correctionnelle, 
tribunal  correctionnel. 

CoRRÉr.AiiF ,  Corrélative.  Adj.  qui  suit  son 
subst.  Terme  de  grammaire.  Ce  terme  désigne,  de 
deux  choses  qui  ont  rapport  entre  ellc.^,  et  qu'on 
considère  par  ce  rapport,  celle  qui  n'est  jias  pré- 
sente à  l'esprit,  ou  dont  on  ne  lait  pas  premiére- 
inent  ou  spécialement  mention,  soit  dans  le  dis- 
cours, suit  dans  un  écrit.  Parexemijle,si  je  pense, 
je  parle  ou  j'écris  de  l'honmie  comme  père  , 
l'homme  considéré  comme  fils  sera  son  corrélatif; 
si  je  pense,  je  parle  ou  j'écris  de  l'homme  comme 
fils,  l'homme  considéré  comme  père  sera  sou  cor- 
rélatif. —  Corrélatif  ^a  prend  aussi  dans  un  autre 
sens,  comme  quand  on  é\\.  vieux  et  jeune  sont  des 
corrélatifs.  Alors  corréUitifcsl  apfilicjué  aux  deux 
objets  de  la  corrélation,  et  l'on  assure  qu'ils  ont 
entre  eux  celle  espèce  de  rapport,  sans  avoir  l'un 
plus  présent  a  l'esprit  (jue  l'autre. 

C0RRESP0>DANT,  CORRESPONDANTE.  Adj.  VCrbal 

tiré  du  V.  correspondre.  l\  se  met  toujours  après 
son  subst.  :  Deux  idées,  deux  mots,  deux  objets 
correspondants. 

CoRRiGKR.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dansée  verbe  le 
g  doit  toujours  avoir  la  prononciation  du  j,  et  alin 
qu'il  la  conserve  dans  les  temps  où  il  est  suivi 
d'un  a  ou  d'un  o,  il  faut  mettre  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o:  Je  corrigeais,  corrigeons,  et  non 
pas  corrigais,  corrigons.  Se  corriger  régit  la  pré- 
position de  :  Se  corriger  de  ses  défauts. 

CoRr.iGiRLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  dit 
que  négativement  :  Cet  homme  n'est  pas  corri- 
gible, et  ne  se  met  qu'après  son  subst.  On  dit 
plus  ordinairement  incorrigible  :  C'est  un  homme 
incorrigible. 


COU 

Corrosif,  Cohrosite.  Adj.  Il  se  met  après 
son  subst.  :  Humeur  corrosive,  du  sublimé  cor- 
rosif. 

Corroyer.  Y.  a,  de  la  1"  conj.  Dans  la  con- 
jugaison de  ce  verbo,  on  conserve  l'y  de  l'infi- 
nitif, excepté  devant  un  e  inuel  :  Je  corroie,  iu 
corroies,  il  corroie  ;  ils  corroient,  je  corroierai, 
tu  corroieras;  il  corroiera,  etc. 

CoTiGNAC.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'on  ne 
prononce  pas  le  e  final  ;  je  crois  ([u'elle  se 
trompe.  Je  n'ai  jamais  entendu  dire  du  cotigna. 
11  paraît  que  Féraud,  Gallel,  Boisic  et  Catineau 
pensent  comme  moi;  car  aucun  d'eux  n'a  re- 
cueilli cette  reman|uc  de  l'Académie.  Mais  la 
Grammaire  des  Grammaires  tient  pour  coti- 
gna. —  «  Ce  mot  n'étant  pas  tré.s-usité,  il  n'est 
pas  étonnant  (jue  la  prononciation  en  soit  in- 
cei-taine;  l'usage,  i)our  ainsi  diie,  n'existe  pas. 
Si  l'analogie  devait  nous  guider,  nous  serions 
assez  porté  à  prendre  pour  lype  cognac  ;  mais  il 
vaut  mieux  se  soumettreà  l'Académie.»  (Lemaire, 
Grammaire  des  Gratn?naires,  ]).  3S.) 

Cotillon.  Subst.  in.  On  mouille  les  l. 

Coton.  Subst.  m.  Ce  n'est  point  figurément, 
comme  le  dit  l'Académie,  que  coton  se  dit  du 
poil  follet  qui  vient  aux  joues  et  au  menton  des 
jeunes  garçons.  Ce  mot  se  dit  par  extension  :  On 
voit  déjà  un  léger  coton  sur  ses  joues. 

Vamcmenl  sur  (iihc  menton 
La  main  de  l'aimable  jeunesse 
N'a  mis  encor  que  son  coton,  clc. 

•Volt  ,  Épttre  XLII,  10.) 

Côtoyer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Aller  côte  à  côte 
de  quoiqu'un  Dans  la  conjugaison  de  ce  verbe, 
on  conserve  l'y  de  1  uiliniiif  excepté  devant  un  e 
muet  :  Je  côtoie,  tu  cùluics,  il  côtoie,  ils  côtoient, 
je  côtoierai,  je  côtoiciais,  etc. 

Couchant.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  coucher. 
Il  ne  se  dit  que  dans  ces  deux  phrases  où  il  suit 
son  subst.  :  Chien  couchant,  soleil  couchant. 

r.oDcnE.  Subst.  f.  Dans  le  style  poéticiue,  il  se 
dit  non-seulement  du  lit  où  l'on  se  met  pour 
dormir,  mais  aussi  du  lit  sur  lequel  les  anciens  se 
plaçaient  pour  prendre  leurs  rejws  ; 

Alors,  environné  d'une  assemblée  immense. 
De  la  couche  élerée  où  siège  le  héros .  .  . 

(Delil.,  Énéid.,  II,  2.) 

CoicHER.  V.  a.  et  pronom,  de  la  i"  conj. 
Quelques  personnes  disent  aller  coucher,  pour 
aller  se  coucher;  allons  coucher,  pour  allons 
nous  coucher  ;  ce  sont  des  expressions  vicieuses. 
—  Eegnard  a  fait  cette  faute  dans  le  Joueur  (act. 
II,  se.  IV,  42)  : 

...  et  vo  coucher  sans  bruit. 

Il  faut  direct  va  se  coucher.  — Racine  donne  à 
ce  verbe  pris  neulralement  le  verbe  être  pour 
auxiliaire  {Plaideurs,  act.  I,  se.  i,  24)  : 

Il  j  aérait  couché  sans  manger  et  sans  boire. 

Il  y  serait  couché  n'est  pas  français,  dit  d'O- 
livet,  pour  signifier  il  y  aurait  passé  la  nuit 
Voyez  Auxiliaire. 

Coucher.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  se  met  poim. 
au  pluriel,  excepté  en  astronomie.  Les  astrono 
mes  distinguent  trois  couchers  des  étoiles  :  le 
cosmique,  l'achronique  et  l'héliaque. 

Cou-de-pied.  Subst.  m.  QueUjues  personnes 
écrivent  coude-pied.  C'est  une  faute.    Le  pied 


cou 

n'a  point  de  coude.  I.;i  partie  supérieure  du  pied 
de  l'homme  se  nommait  autrefois  col-de-picd, 
qu'on  i)rononce  et  qu'on  éi-ril  aujourd'hui  cou- 
de-pied. —  ((  Nous  avons  probablement  tiré  cette 
expression,  dit  M.  Balin,  de  l'italien  collo  del 
piede,  non  parce  que  cnllo  signilie  cou,  mais 
parce  (ju'il  sluniliait  autrefois  la  partie  lapins 
haute  dv  la  montagne,  colline,  cime.  On  trouve 
à  peu  prés  la  même  sitrnilication  en  latin,  car  col- 
luiH  7no«<w  signilie  V'.  penchant  i\G  la  montagne. 
Et  en  cficl,  ce  que  nous  api)clons  le  cou-de-pied 
est  bien  la  partie  la  plus  élevie,  \c  penchant  du 
pied.  »  {Manuel  des  amateurs  de  la  langue 
françaisi',  \"  année,  p.  151  et  24.) 

Coudre.  V.  a.  et  irrég.  de  la  h'  conj.  Voici 
comment  il  se  conjugue. 

Indicatif.  — Présent.  Je  couds,  lu  couds,  il 
C9ud  ;  nous  cousons,  vous  cousez,  ils  couserrt. — 
Imparfait.  Je  cousais,  tu  cousais,  il  cousait; 
nous  cousions,  vous  cousiez,  ils  cousaient.  — 
Passé  simple.  Je  cousis,  tu  cousis,  il  cousit  ; 
nous  cousîmes ,  vous  cousîtes  ,  ils  cousirent. 
Quelques-uns  disent  Je  cousus.  —  Futur.  Je 
coudrai,  tu  coudras,  il  coudra;  nous  coudrons, 
vous  coudrez,  ils  coudront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  coudrais,  tu  cou- 
drais, il  coudrait;  nous  coudrions,  vous  cou- 
driez, ils  coudraient 

Impératif.  — Présent.  Couds,  qu'il  couse; 
cousons,  cousez,  qu'ils  cousent. 

Subjonctif.  Présent.  Que  je  couse  ,  que  lu 
couses,  qu'il  couse;  que  nous  cousions,  que 
vous  cousiez,  qu'ils  cousent.  — Imparfait.  Que 
je  cousisse,  que  lu  cousisses,  qu'il  cousit;  (pic 
nous  cousissions,  que  vous  cousissiez,  qu'ils 
cousissent.  Ctndillac  dit  que  je  coususse. 

Participe.  —  Présent.  Cousant.  —  Passé. 
Cousu,  cousi;e. 

Il  prend  l'auxiliaire  avoir  dans  ses  temps  com- 
posés. 

CouLAMME.T.  Adv.  Il  sc  mct  toujours  après  le 
verbe  :  Cela  est  écrit  coulamment . 

Coulant,  Coclante.  Adj.  Il  se  met  après  son 
subst.  :  Ruisseau  coulant,  style  coulant,  vers 
coulant. 

Coulant.  Subst.  m.  C'est,  selon  l'Académie, 
un  diamant  ou  une  pierre  précieuse  que  les 
femmes  i)ortenl  pour  ornement  à  leur  cou ,  et 
qui  esl  enfilé  à  un  cordon  de  soie,  en  sorte  qu'on 
le  peut  hausser  et  baisser.  On  a  remarqué,  au 
sujet  de  cette  définition  ,  que  le  coulant  d'un 
collier  en  est  la  parlie  au  moyen  de  laquelle  on 
peut  le  resserrer  ou  le  relâcher  à  volonté.  Il  y  a 
des  coulants  de  diamants  et  daulres  pierres 
précieuses;  il  y  en  a  d'or,  d'argent,  de  cui- 
vre, etc. 

Couler.  Y.  a.  de  lai"  conj.  Voltaire  l'a  em- 
ployé dans  un  sens  qui  ne  se  trouve  pas  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Académie  : 

Henri  Toit  ces  beaux  lieux,  et  soudain  i  leur  vue 
Sent  couler  dans  son  àine  une  joie  inconnue. 

(flenr.,  VII,  232.) 

Couleur.  Subst.  f.  On  dit  un  beau  couleur  de 
feu  ;  le  couleur  de  rose,  d'or,  d'eau,  de  chair,  de 
citron,  etc.  C'est  ainsi  qu'il  faul  parler  el  écrire, 
et  c'est  ainsi  qu'on  parle  en  effet  depuis  plus 
d'un  siècle. 

Ceux  qui  disent,  conformément  à  l'usage  ,  le 
couleur  de  feu,  un  heau  couleur  d'or,  etc.,  cl 
qui  en  donnent  pour  raison  que  le  mot  couleur 
esl  pris  alors  au  masculin ,  sc  trompent  dans 
cette  prétondue  exception,  aussi  bien  que  ceux 


co: 


177 


qui  veulent  qu'il  y  ait  ici  quelque  substantif 
masculin  sous-cntcndu,  tel  que  ruhun,  habit,  etc., 
comme  si  l'on  disait  un  ruban  coulrur  de  feu', 
un  habit  couleur  de  rose  ;  car  si  l'un  v  veut  faire 
attention,  on  verra  que  le  mol  couleur  est  toujours 
féminin  par  lui-même;  mais  couleur  de  feu,  cou- 
leur de  rose,  sont  des  expressions  absolues  i|ui 
ne  dmi  qu'un  seul  mol,  connue  muge,  jaune, 
vert,  et  tous  les  autres  noms  abstraits  de  couleur', 
qui  sont  toujours  masculins. 

Sur  quoi  il  faut  remaripier  : 

1  Que  tous  ces  mots  composés  expriment  des 
teintes  do  couleurs  primitives  absolues,  el  que 
ces  teintes  ou  ces  nuances  n'ayant  point  de  mot 
propre,  sont  exprimées  d'ajn'os  les  corps  colo- 
rés qui  en  font  le  sujet,  par  l'addition  du  mol 
couleur,  couleur  de  rose,  couleur  d'or,  etc.;  ou 
plus  brièvement,  connnc  orangé,  violet,  gris-de- 
lin,  feuille-morte,  d'après  la  couleur  des  oran- 
ges, dos  violettes,  de  la  Heur  du  lin,  des  feuilles 
mortes.  Or,  ceux-ci  étant  visiblement  masculins, 
même  lorsque  le  sujet  de  comparaison  est  fémi- 
nin ,  comme  dans  feuille-morte  ,  ni  plus ,  ni 
moins  que  dans  gris-de-lin,  selon  l'analogie  gé- 
nérale des  noms  absolus  de  couleur,  la  même 
analogie  demande  que  les  composés,  couleur  de 
rose,  couleur  de  chair ,  etc.,  Soient  aussi  mas- 
culins. 

2"  On  dit  le  rouge,  le  vert,  le  bleu  ;  et  un  rouge 
brun,  un  rouge  tirant  sur  le  jaune,  un  vert  d'o- 
live, el  par  la  même  raison  un  couleur  d'or,  un 
couleur  de  rose;  elle  mol  de  couleur  n'est  pas 
plus  masculin  dans  ces  derniers  que  celui  de 
feuille  dans  feuille-morte.  Quoiqu'on  dise  un 
beau  feuille  morte,  c'est  le  mol  composé  pris  en 
eiilierqui  esl  masculin,  el  non  sa  partie  compo- 
sante, couleur  ou  feuille. 

3"  Lorsque  le  mot  générique  de  couleur  est 
suivi,  en  tant  que  tel,  d'un  autre  qui  désigne 
l'espèce,  il  demeure  substantif  féminin;  el  cet 
au  Ire  devient  son  adjeclif,comme  lu  couleur  verte, 
blanche,  noire,  etc.  C'est  donc  mal  parler  de 
dire,  la  couleur  de  cerise,  la  couleur  de  feu,  de 
rose,  etc.,  par  la  raison  (jue  le  mol  sul)Slanlif 
couleur  régit  alors  l'article.  Il  faudrait  dire  la 
couleur  des  cerises,  ou  do  la  cerise,  la  couleur 
du  feu,  celle  de  la  rose,  etc.,  comme  on  le  dit  en 
effet  dans  bien  des  occasions. 

4"  On  voit  par  là  combien  la  remarque  de  ceux 
qui  ne  voudraient  ap|)liqucr  l'expression  dont  il 
s'agit  qu'aux  habits  el  aux  rubans,  au  qui  pen- 
sent que  ces  mois  y  sont  toujours  sous-cnlendus, 
esl  fui  ile  el  mal  fondée.  «  Les  marchands  merciers 
de  Paris,  dit  Richelol  dans  la  première  édition 
de  son  dictionnaire,  imprimée  à  Genève  en  168D, 
font  souvent  le  mot  de  couleur  masculin,  enpar- 
lunt  de  leurs  rubans.  Ils  disent,  nous  avons  du 
beau  couleur  de  fou,  voulez-vous  du  couleur  de 
feu?  Les  habiles  gens  que  j'ai  consultés  lù-des- 
sus  co?idamne7it  ces  façons  déparier.  Ils  croient 
qu'il  faut  dire  et  écri'^e,  nous  avons  du  beau 
ruban  couleur  de  feu  ,  voulez-vous  du  ruban 
couleur  de  feu?  j'en  ai  du  forl  beau.  »  D'où  je 
conclus  sculemenl  ou  q\ie  l'usage  a  changé  et 
s'est  déclaré  en  faveur  des  marchands,  ou  que 
Richelel  el  les  habiles  gens  (ju'il  avait  consultés 
se  trompaient,  el  ne  i)ensaieiil  |ias  bien  en  celle 
occasion  à  l'analogie  du  langage.  Ce  serait,  si  je 
ne  me  trompe,  un  scrupule  vain  cl  puéril  de  ne 
vouloir  employer  les  mots  de  couleur  de  feu, 
couleur  de  rose,  au  mnsciilin,  qu'on  parlant  d'ha- 
bits ou  de  rubans,  el  de  faiie  «lifllculté  dédire, 
par  exemple  :  Le  couleur  de  feu  dominait  dans 

12 


178 


COU 


Vaterore  boréale  qui  parut  hier  au  .mir.  Le  cnu- 
leuT  de  rose,  le  cavleur  de  chai'  et  le  couleur 
d'eau  sont  du  nmnbre  des  coulrnrs  que  les  pein- 
tres appellent  légères,  pour  les  distinrfver  de 
celles  qu'ils  nomment  pesantes,  teivestres.  (Ar- 
ticle (Je  M.  de  Mairon,  approuve  par  rAcadcmie 
française.) 

Cocp.Subst.  m.  Le  p  ne  se  prononce  que  dcvnnt 
une  voyelle.  Coup  se  dit  des  actions  humaines. 

Cel  ouvrage,  madame,  est  un  eoup  d'Agrippine. 

(Ric,  Bn<an.,  acU  A',  se.  i,  51.) 

Noa,  non,  Brilannicus  esUmorl  empoisonné  ; 
Narcisàe  a  fail  le  coup,  vous  l'avez  ordonné. 

\Idcm,  acl.  T,  se.  Tl,  10.) 

Voltaire  a  critiqué  les  vers  suivants  de  Cor- 
DeiUe  et  de  Racine  : 

Sladaine,  encore  un  coup,  cet  homme  est-il  à  tous  f 
(CoBN.,  A'icom.,  act.  I,  se.  il,  84.) 

.Madame,  encore  un  coup,  qu'en  peut-il  arriver? 

^Rac,  Bérén.,  act.  III,  se.  m,  55.) 

Encore  un  coup,  allons,  il  n'y  faut  plus  penser. 

[Idem,  act.  II,  se.  Il,  212.. 

Encore  un  coup  est  une  façon  de  parler  trop  fa- 
milière el  presque  basse,  dont  Bacine  faisait 
trop  souvent  usage.  [Hemarques  sur  la  Bérénice 
de  Bacine.) 

Il  a  dit  aussi  dans  ses  Remarques  sur  le  Cid 
(act.  ÏI,  se.  Il,  ■13),  que  coup  d'essai,  coup  de  maî- 
tre,SOtd  des  termes  fainilicis  qu'on  ne  doit  jamais 
employer  dans  le  tragique. 

On  dit  adverbialement,  coiip  sur  coup,  tout 
d'un  coup,  tout  à  coup.  Ces  trois  expressions  ne 
signifient  pas  la  même  chose.  Coup  sur  coup  se 
dit  de  ce  qui  se  fait  successivement,  mais  sans 
interruption  :  Ils  sont  arrivés  coup  sur  coup; 
tout  d'un  coup,  de  ce  qui  se  fait  en  même  temps  : 
Ils  ont  résolu  de  partir  tout  d'un  coup;  tout  à 
coup,  de  ce  qui  se  fait  soudainement  et  comme 
à  l'improvisle  .•  Ils  ont  disparu  tout  à  coup. 

CoDPABLE.  Adj.  des  deu.v  genres.  L'Académie 
ne  le  dit  que  des  personnes;  cependant,  au  fi- 
guré, il  se  dit  aussi  des  choses  :  Sa  main  coupa- 
ble, sa  tête  coupable. 

La  justice,  fuyant  nos  coupables  climats. 
Sons  le  chaume  innocent  porta  ses  derniers  pas. 

iDelil.,  Géorg.,  II,  569.) 

Coupable  se  dit  quelquefois  absolument  :  //  est 
omipahle;  et  quelquefois  il  régit  la  préposition 
de  :Il  est  coupa  Lie  de  ce  crime. 

Cet  adj.,  au  ligure,  jieut  se  mettre  avant  son 
subsl.,  même  en  prose:  Celte  coupable  démarche. 

J'en  ai  trop  froloiigé  la  coupahU  durée. 

(Hac,  Phid.,  act.  I,  se.  m,  65.) 

CoDPE.  Subsl.  f.  On  voit  dans  plusieurs  épitres 
de  Marot,  dit  La  Harpe,  que  l'oreille  lui  avait 
appris  que  l'enjambement,  qui  est  par  lui-même 
vicieux  dans  l'hexamclre,  à  moins  qu'il  n'ait  une 
intention  marquée  et  un  effet  particulier,  non- 
seulement  sied  très  bien  aux  vers  de  cinq  pieds, 
mais  même  produit  une  beauté  rhyihmiipie,  en 
arrêtant  le  sens,  ou  suspendant  la  phrase  à  l'hé- 
mistiche : 

B'ef,  le  vilain  ne  s'en  voulal  aller 
t'oorii  petit 


COU 

Pinaleinent  de  ma  chambre  il  s'en  va 

Droit  à  l'élable 

(Ép«rf  I,  24,  51.) 

Cette  coupe  est  très-gracieuse  dans  celte  es- 
pèce de  vere,  [lourvu  qu'on  ne  la  prodigue  pas 
trop;  car  on  ne  savuait  trop  redire  à  ceux  qui 
sont  toujours  prêts  à  abuser  de  tout,  que  l'e.^cès 
des  meilleures  choses  est  vin  mal,  et  tjue  l'emploi 
fréquent  des  mêmes  beautés  devient  al'feclalion 
et  monotonie.  Voyez  le  comniencemcnt  de  l'épî- 
trede  Voltaire  sur  b  calomnie  [Epître  XXXV)  : 

Ecoulez-moi,  respectable  Emilie  : 
Vous  êtes  belle  :  ainsi  doncla  maillé 
Du  genre  humain  sera  vulrt  ennemie  ; 
A'ous  possédez  un  sublime  génie: 
On  vous  craindra  ;  votre  simple  amitié 
Est  confiante,  et  vous  serez  trahie. 

Ces  vers  sont  parfaitement  coupes;  mais  si 
tous  les  vers  de  la  pièce  étaient  de  même,  cela 
serait  insupportable.  (La  Harpe,  Cours  de  Litté- 
rature, 2''  part.,  liv.  1,  chap.  i,  t.  IV,  p.  75.) 

On  appelle  coupe  des  phrases  ou  cotipe  du  style 
la  manière  de  composer  le  discours  do  phrases 
plus  ou  moins  longues,  suivant  la  nature  des 
idées.  Voici  ce  que  dit  Condillac  sur  cette  partie 
du  style. 

La  liaison  des  idées,  si  on  sait  la  consulter, 
doit  naturellement  varier  la  coupe  des  phrases 
c'  les  renfermer  chacune  dans  de  justes  propor- 
tions. Les  unes  seront  simples,  les  autres  com- 
posées, et  plusieurs  formées  de  deux  membres, 
de  trois  ou  davantage.  La  raison  en  est  que  tou- 
tes les  parties  dun  discours  ne  sauraient  être 
susceptibles  d'un  même  noml)re  d'accessoires. 
Tantôt  les  idées,  pour  se  lier,  veulent  élre  con- 
slruitcs  ensemble;  d'autres  fois  elles  ne  veulent 
que  se  suivre;  il  suffit  de  savoir  faire  ce  discer- 
nement. Le  vrai  moyen  d'écrire  d'une  manière 
obscure,  c'est  de  ne  "faire  qu'une  i)hrascoù  il  en 
faut  plusieurs,  ou  d'en  faire  jjlusieurs  où  il  n'en 
faut  qu'une.  Si  deux  idées  doivent  se  modifier, 
il  faut  les  réunir;  si  elles  ne  doivent  pas  se  modi- 
fier, il  faut  les  séparer. 

Ce  même  Dieu  gui  a  fait  l'cnchaîneiuent  de 
Vunivers,  et  qui,  tout-puissant  par  lui-même, 
a  voulu,  pour  établir  l'ordre,  que  les  parties 
d'un  si  grand  tout  dépendissent  les  unes  des  au- 
tres ;  ce  même  Dieu  a  voulu  aussi  que  le  cours 
des  choses  humaines  eut  sa  suite  et  ses  propor- 
tions :  je  veux  dire  que  les  hommes  et  les  na- 
tions ont  eu  des  qualités  proportionnées  ù  l'élé- 
vation à  laquelle  ils  étaient  destinés  ;  et  qu'à  la 
réserve  de  certains  coups  extraordinaires  où 
Dieu  voulait  que  sa  main  parût  toute  seule,  il 
n'est  point  arrivé  de  grand  changement  qui 
n'ait  eu  ses  causes  dans  les  siècles  précédents. 
(Bussuet,  Disc,  sur  l'hist.  univers.,  Z"  part., 
ch.  ii,p.  41J.) 

On  voit  que  tout  le  premier  membre  de  la  pé- 
riode de  Bossuet  est  destiné  à  modifier  l'idée  de 
Dieu  ;  cl  cela  doit  élre,  parce  que  c'est  comme 
ordonnateur  de  l'univers  que  Dieu  a  marqué 
aux  choses  humaines  leur  suite  et  leurs  propor- 
tions. L'uni(iue  objet  de  Bossuet  est  d'expliquer 
comment  il  n'arrive  rien  qui  n'ait  ses  causes  dans 
les  siècles  précédents.  Ln  rassemblant  dans  une 
période  toutes  les  idées  ([ui  concourent  au  déve- 
loppement de  sa  pensée,  il  forme  un  tout  dont 
les  parties  se  lient  sans  se  confondre. 

Bossuet  connaissait  parfaitement  la  coupe  du 
style.  QueUiuefois  il  va  rapidement  par  une  suite 
de  phrases  très  courtes;  d'autres  fois  ses  périodes 


cou 

sont  d'une  grande  paçe,  et  elles  ne  sont  pas  trop 
Ioniques,  pince  <|ue  ions  les  niembres  en  sont 
dislincls  cl  sans  emharns;  soit  (lu'il  en  accu- 
mule les  idéi's,  suit  qu'il  les  sf|)arc,  il  a  toujours 
le  style  de  la  ciiose.  Il  va  me  lournii-  un  exemple 
d'une  autre  espèce. 

Les  Egyptiens  sont  les  premiers  où  Von  ait  su 
les  règles  du  gotircnicinent.  Cette  nation  grave 
et  sérieuse  connut  d'abord  la  vraie  fin  de  ta  po- 
litique, qui  est  de  rendre  lu  vie  commode  et  les 
peuples  heureux.  La  température  toujours  uni- 
forme du  pays  y  fuisoKt  les  esprits  solides  et 
constants.  Comme  la  rcrtii  est  le  fondement  de 
toute  société,  ils  l'ont  soigneusement  cultivte. 
Leur  principale  vertu  a  été  la  recon?iaissunce  ; 
et  la  glaire  qu'on  leur  a  donnée  d'être  les  plus 
reconnaissants  do  tous  les  hommes,  fait  voir 

futls  étaient  les  plus  sucialles.  [Discours  sur 
Hist.  univers.,  o''  i)arl.,  cliap.  m,  p.  416.) 

Ce  passjise  est  furuié  de  plusieurs  assertions 
qui  veulent"  chacune  être  énoncées  séparcuieut; 
et  ce  serait  leur  l'aire  violence  que  de  les  réunir 
dans  une  seule  période,  la  règle  générale  pour 
les  périodes,  c'est  que  plusieurs  idées  ne  sau- 
raient se  réunir  en  une  idée  principale  pour  for- 
mer un  tout  dans  une  proportion  exacte,  qu'elles 
ne  produisent  naturellement  des  membres  distin- 
gués par  des  repos  marqués. 

Je  ne  m'arrêterai  point  à  distinguer  les  pério- 
des suivant  le  nouilirc  de  leurs  membres.  La  régie 
est  la  même  pour  toutes  :  les  parties  en  seront 
toujours  dans  de  justes  proportions,  si  le  principe 
de  la  liaison  des  idées  est  bien  observé. 

Mais  il  y  a  lies  écrivains  qui,  alïectant  le  style 
périodique,  confondent  les  longues  phrases  avec 
les  périodes.  Leurs  phrases  sont  d'unclongueur 
insupportable;  on  croit  qu'elles  vont  (inir,  et 
elles  recominenccMl  sans  permettre  le  plus  lé- 
ger repos  :  il  n'y  a  ni  unité  ni  proportion,  et  il 
faut  une  apjilication  bien  soutenue  pour  n'en 
rien  laisser  échapper.  Polisson ,  tout  estimé 
qu'il  est,  va  m'en  fournir  un  exemple;  il  en  est 
plein. 

Les  blessures  étalent  plus  mortelles  pour  les 
Maures;  car  ils  se  contentaient  de  les  laver  dans 
Veau  de  la  711er,  et  disaient,  par  une  inanicre  de 
proverbe  ou  de  centon  de  leur  pays,  que  Dieu, 
qui  les  leur  avait  données,  les  leur  ùterait. 
Cela  toutefois  moins  par  le  mépris  que  par  l'i- 
gnorance des  remèdes;  car  ils  estimaient  au 
dernier  point  un  renégat,  leur  unique  chirur- 
gien, (i  qui,  par  une  politique  bizarre,  à  cha- 
que blessé  de  conséquence  qui  mourait  entre  ses 
mains,  ils  donnnienl  un  certain  nombre  decoups 
de  bâton,  pour  le  chéitier  plus  ou  moins,  sui- 
vant l'imjry.r tance  du  mort,  puis  autant  de  piè- 
ces de  kuit  réaies  pour  le  consoler,  et  l'exhor- 
ter à  mieux  faire  à  l'avenir. 

Ce  n'est  pas  là  une  période  que  fait  Pclis- 
son;  ce  sont  plusieurs  phrases  qu'il  ajoute  les 
unes  aux  autres,  et  qu'il  lie  mal.  Voila  où  l'on 
tombe  lorsqu'on  veut  lier  ensemble  des  phrases 
qui  ne  se  lient  pas  naturellement.  11  serait  mieux 
de  les  séparer  par  des  repos. 

11  y  a  des  écrivains  qui  s'occupent  à  entremê- 
ler les  phrases  longues  et  les  phrases  courtes  ; 
mais  l'esprit  qui  s'arrête  à  ce  petit  mécanisme 
n'esl  pas  capable  de  se  porter  sur  le  fond  des 
choses.  Si  l'on  considère  ([ue  les  pensées  qui  for- 
ment le  tissu  du  dise*  urs  n'ont  lias  chacune  le 
même  nombre  d'accessoires,  on  jugera  que  les 
phrases  seront  naturellement  inégales,  toutes  les 


COU 


179 


fois  qu'on  les  aura  rendues  avec  les  accessoires 
qui  leur  sont  propres. 

CocpÉ,  Coupée.  Adj.  et  iiarlicipe.  On  appelle 
style  coupé  un  Style  dont  les  [ibrases  sont  cour- 
tes el  peu  liées.  11  est  opjiosé  au  style  pério- 
diijue.  Chaque  pensée  a  son  étendue,  ciiaque 
image  son  caractère,  chaque  mouvement  de  l'àme 
son  degré  de  force  el  de  rapidité.  ïanlôl  la  pen- 
sée demande  le  développement  de  la  période  ; 
tantôt  les  traits  de  lumière  dont  l'esprit  est  frajjpe 
sont  comme  autant  d'éclairs  qui  se  succèdent  ra- 
l)idemenl  :  le  style  cou[)é  est  propre  à  les  pein- 
dre. Ce  style  convient  encore  mieux  aux  mouve- 
ments impétueux  de  l'àme;  c'est  le  langage  du 
pathétique  véhément  et  |)assionné  ;  el,  quoiijue 
le  style  périodique  ait  plus  d'impulsion  à  raison 
de  sa  masse,  le  style  coupé  ne  laisse  pas  d'avoir 
quelquefois  autant  et  plus  de  vitesse.  Voyez 
Coupe,  Style. 

CocPE-GORGE.  On  dit  au  pluriel  des  coupe- 
gorge.  Dans  cette  expression,  il  y  a  ellipse;  c'est 
connue  si  l'on  disait  des  lieux  où  l'on  coupc  la 
gorge.  La  pluralité  ne  tombe  donc  pas  sur  gorge, 
mais  sur  lieux.  Quant  au  mol  coupe,  c'est  un 
verbe  qui  ne  peut  prendre  la  marque  du  pluriel 
particulière  au  nom. 

Coupe-jarret.  Subst.  m.  L'Académie  écrit  au 
pluriel  des  coupe-jarrets.  La  pluralité  doit  tom- 
ber ici  sur  le  mot  sous-entcndu  hommes,  des 
hommes  qui  coupent  les  jarrets;  et  l'on  devrait 
écrire  au  singulier  un  coupe-jarrets.  Mais  puis- 
que l'usage  veut  que  l'on  écrive  au  singulier  un 
coupe-jarret,  il  faut  écrire  au  pluriel  des  coupe- 
jarret,  car  il  s'agit  ici  de  plusieurs  hommes,  et 
non  pas  de  plusieurs  jarrets.  Voyez  Composé. 

Couple.  Subst.  Il  est  masculin  lorsiiu'il  se  dit 
de  deux  personnes  unies  ensemble  par  amour  ou 
par  mariage,  ou  seulement  envisagées  comme 
pouvant  former  cette  union  :  Un  couple  d'a- 
mants, un  couple  d'époux,  f^oilù  un  beau  couple. 
— L'Académie  admet  encore  le  masculin  pour  dé- 
signer deux  êtres  animés  unis  par  la  volonté, 
par  un  sentiment,  ou  par  toute  autre  cause  qui 
les  rend  propres  à  agir  de  concert  :  Un  couple 
d'amis,  un  couple  de  fripons,  un  beau  couple  de 
chiens.  — 11  est  aussi  masculin  lorsipi'on  l'appli- 
que à  des  animaux  que  l'on  a  accouplés  :  un 
couple  de  pigeons.  Couvle  est  féminin  quand  il 
est  employé  pour  signifier  deux  choses  (luelcon- 
qucs  d'une  même  espèce,  qui  ne  vont  pas  ensem- 
ble nécessairement,  el  qui  ne  sont  unies  qu'acci- 
dentellement. On  s'en  sert  môme  en  ce  sens  en 
parlant  des  animaux,  lorsqu'on  ne  les  envisage 
que  par  le  nombre:  une  couple  de  bœufs;  une 
couple  de  bottes  de  confitures.  (Juand  deux  choses 
vont  nécessairement  ensemble,  on  dit  une  paire; 
une  paire  de  gants.  Delille  ne  s'est  point  asservi 
à  cette  règle  dans  les  vers  suivants  (Enéide,  V, 
551)  : 

11  dit,  et  de  ses  mains  fait  toml)er  sur  le  sable 
De  castes  menaçants  un  coupla  épouvantable. 

11  aurait  dû  dire  une  paire;  mais  une  paire  n'en- 
tre point  dans  le  style  noble.  11  y  aurait  trop  de 
sévérité  à  trouver  cette  expression  mauvaise  en 
poésie. 

*  CouPLETEUR,  *CoupLETiEK.  Substautifs  mas- 
cr.lins.  On  disait  il  y  a  quelque  Icmps  coupleteur 
au  lieu  de  chansonnier.  On  dit  aujourd'hui  c«»- 
plcticr,  dans  un  sens  de  dénigrement,  qui  signifie 
les  auteurs  qui  l'ont  les  couplets  des  vaudevilles. 


180 


COU 


ou  qui  ne  sont  connus  que  par  des  chansons  mé- 
diocres ou  mauvaises. 

CouPLÉTER.  V.  a.  de  la  d"  conj.  L'Academic 
dit  que  ce  verbe  signifie  faire  une  chanson, 
faire  des  couplets  contre  quelqu'un.  On  dit  chan- 
son jier. 

CoDR.  Subst.  f.  Faire  la  cour. 

Je  le  sais,  ma  princesse,  el  qu'il  vous  /ai'<  la  cour. 
(Corn.,  fl'icom.,  acl.  1,  se.  i,  18.) 

Faire  la  cour,  dans  celte  acception,  est  banni  du 
style  tragique.  (Voltaire,  Remarques  sur  Cor- 
neille.) . 

CoL'RAGK.  Subst.  m.  On  dit  sans  article  donner 
courage; perdre,  prendre,  reprendre  courage. 

Ton  courage  était  bon,  ton  devoir  l'a  trahi. 

(Corn.,  Pol.,  acl.  I,  se.  iv,  68.) 

On  dit  bien  dans  le  style  familier,  tu  as  bon  cou- 
rage, mais  non  pas,  ton  courage  est  bon.  (Vol- 
taire, Meviarques  sur  Corneille.) 

Courage,  dans  le  sens  d'homme  courageux, 
prend  un  pluriel  :  Les  grands  courages  ne  se 
laissent  point  abattre  par  Vadtersité.  (Acad.) 

Corneille  a  dit  [Cin.,  act.  I,  se.  m,  65)  : 

Vous  dirai-je  les  noms  de  ces  grands  personnages, 
Dont  j'ai  dépeint  les  morts  pour  aigrir  les  courages  ? 

Dans  le  temps  de  Corneille,  dit  Voltaire,  on 
disait  les  courages  pour  les  esprits;  on  peut 
même  encore  se  servir  du  mot  courages  en  ce 
sens. 

Coc RAGEUSEMENT.  Adv.  On  pcut  Ic  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  pnrliL'ipc  :  //  s'est  défendu  cou- 
rageusement,ou  il  s'est  courageusement  défendu. 

CoDRAGEUx,  Courageuse.  Adj.  On  peut  quel- 
quefois le  mettre  avant  son  subst.,  môme  en 
prose  :  Une  courageuse  ardeur,  un  courageux 
dévouement. 

Couramment.  Adv.  Il  se  met  toujours  après  le 
verbe.  On  dit  cela  est  écrit  couramment,  et  non 
pas  cela  est  couramment  écrit. 

Courant,  ante.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  courir. 
Il  se  met  toujours  après  son  subst.  :  Un  ruisseau 
courant;  l'intérêt  courant. 

Courber.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Se  courber  de- 
vant quelqu'un  signifie  lui  donner  des  marques 
de  soumission,  de  respect  : 

L'insolent  devant  moi  ne  se  courba  jamais. 

(Rac,  Eath.,  act.  III,  se.  i,  52.) 

CooRiB.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  2°  conj. 

Indicatif.  —  Présent.  Je  cours,  tu  cours,  il 
court;  nous  courons,  vous  courez,  ils  courent.— 
Imparfait.  Je  courais,  lu  courais,  il  courait; 
nous  courions,  vous  couriez,  ils  couraient.  — 
Passé  simple.  .Te  courus,  tu  courus,  il  courut; 
nous  courûmes,  vous  courûtes,  ils  coururent. — 
Futur.  Je  courrai,  tu  courras,  il  courra;  nous 
courrons,  vous  courrez,  ils  courront. 

Conditionnel.— Prcie/i^  Je  courrais,  tu  cour- 
rais, il  courrait;  nous  courrions,  vous  courriez, 
ils  courraient. 

Impératif.  —  Présent.  Cours,  qu'il  coure; 
courons,  courez,  qu'ils  courent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  coure,  que  tu 
coures,  qu'il  coure;  que  nous  courions,  que 
vous  couriez,  qu'ils  courent.  —  Imparfait.  Que 
je  courusse,  que  tu  courusses,  qu'il  courût;  que 


COU 

nous  courussions,  que  vous  courussiez,  qu'ils 
courussent. 

Participe. — Présent.  Courant. — Passé.  Couru, 
courue. 

Courir,  exprimant  ime  action,  prend  l'auxi- 
liaire avoir.  Il  ne  prend  l'auxiliaire  ét7-e  que  dans 
un  sens  passif,  lors(iu'il  sienilie  être  suivi,  être 
recherché  :  Ce  prédicateur  est  fort  couru. 

On  pourrait  croire  (pie  le  verbe  cmirir  prend 
pour  auxiliaires  le  verbe  avoir  et  le  verbe  <?/re, 
quand  on  lit  ces  vers  de  Racine  {Bérén.,  act.  II, 
se.  1,2): 

J'ai  couru  chei  la  reine; 
Dans  son  appartement  ce  prince  avait  paru. 
Il  en  était  sorti  lorsque  j'y  «uis  couru. 

D'Olivet  a  repris  avec  raison/e  suis  couru  II  n'y 
a  pas  ici,  comme  dans  le  vcrhc  partir  et  plusieurs 
autres,  deux  idées  distinctes,  une  action  et  un 
étal;  c'est  uniquement  une  action;  il  faut  tou- 
jours l'auxiliaire  avoir. 

Dans  le  sens  actif,  ce  verbe  s'emploie  pour 
parcourir  :  J'ai  couru  toxite  la  ville  pour  vous 
trouver,  je  cours  tout  le  sérail.  (Montes(}uieu,  T 
lettre  persane.) 

Couronne.  Subst.  f. 

Remetlez  en  ses  mains,  trine,  sceptre,  couronnp. 
(Corn.,  Pompé';,  act.  II,  se.  IV,  57.) 

Ce  ne  sont  pas  trois  choses  différentes;  c'est  la 
même  idée  sous  trois  diverses  figures.  (Voltaire, 
Remarques  sur  Corneille .) 

CounoNNÉ,  Couronnée.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.,  et  qui  régit  souvent  la  pré- 
position de  :  Un  prince  couronné.  Couronné  die 
lauriers,  couronné  de  roses. 

Couronner.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Racine  a  dit: 

Il  va  sur  tant  d'Etats  couronner  Bérénice. 

[Bérén.,  act.  I,  se.  IV,  39.} 

Couronner  quelqu'uji  sur  des  États  n'est  sup- 
portable ni  en  vers,  ni  en  prose. 

Courrier.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'on 
l'emploie  en  parlant  de  celui  (]ui  court  la  poste 
pour  porter  des  dépêches.  Féraud  observe  qu'elle 
aurait  dû  ajouter  à  cheval,  car  chaque  homme 
qui  court  la  poste  en  chaise  n'est  pas  un  courrier. 
— Il  y  a  des  courriers  achevai  et  en  chaise  :  Le 
courrier  de  la  malle. 

Courroucer.  V.  a.  delà  4"  conj.  L'Académie 
dit  de  la  mer  qu'cWe  se  courrouce,  qu'elle  est 
courroucée.  Delille  a  dit  courroucer  les  eaux  pour 
courroucer  la  mer  : 

Lorsqu'un  astre  funeste, 
Déohainant  la  tempête  et  courrouçant  les  eaux, 
Parmi  d'affreux  rochers  a  jeté  nos  vaisseaui. 

(Énéid.,  I,  742.) 

Courroux.  Subst.  m.  Autrefois  on  employait  ce 
mot  au  pluriel,  et  les  poètes  s'en  trouvaient  bien. 
Aujourd'hui  il  ne  s'emploie  plus  qu'au  singu- 
lier : 

Poursuivez,  s'il  se  peut,  un  courroux  légitime. 

(lUc,  Baj.,  act.  V,  se.  iv,  90.) 

On  dit  suivre  le  courroux,  et  poursuivre  la  ven- 
fjcance.  La  raison  en  est  simple.  Suivre  le  cour- 
'roux,  c'est  se  laisser  mener  par  \\\\;  poursuivre 
la  vengeance,  c'est  courir  après  pour  la  trouver. 
Telle  est  la  différence  de  ces  deux  termes,  au  fi- 


cou 

guré  comme  au  propre.  (La  Harpe,  Cours  de  lit- 
térature.) 

L'Académie  explique  ce  mol  par  colère.  Mais 
il  y  a  de  la  diffcieiicc  entre  l'un  cl  l'aulre.  La  co- 
lère esl  une  passion  inlcrieure  cl  plus  durable, 
qui  se  cache  queiciuefois;  le  courroux  suppose 
quelque  chose  qui  lient  de  la  supériorité,  et  qui 
respire  hautement  la  vengeance  ou  la  punition. 
Le  cœur  est  réellement  piqué  dans  la  colère; 
souvent  le  courroux  n'a  d'autre  motif  que  la  va- 
nité. 

Cocns.  Subst.  m.  Bacîne  l'a  employé  (igurément 
{Iphig.,  acl.  I,  se.  I,  69)  : 

Ulysse,  en  apparence,  approuvant  mes  discours, 
De  ce  premier  torrent  laissa  passer  le  cours. 

Court,  Cocrte.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.  lorsque  l'harmonie  et  l'analogie  le 
permettent.  On  ne  dit  pas  court  habit,  courts 
cheveux,  court  cou  ;  mais  on  dit  courte  queue, 
courte  réprimande,  courte  prière;  etc.  Voyez 
Adjectif. 

Cet  adjectif  se  prend  souvent  adverbialement  : 
Cette  femme  demeura  court,  couper  les  cheveux 
court. 

CouRT-BODiLLON.  Subst.  m.  On  mouille  les  l. 
Comme  il  signifie  une  manière  d'apprêter  le 
poisson,  il  ne  peut  avoir  de  pluriel.  On  AMune 
caipe  au  court-bouillon,  et  des  carpes  au  court- 
bouillon  ;  comme  ou  dit  un  poulet  ù  la  broche,  et 
des  poulets  à  la  broche. 

CoDRTE-BOTTE.  Subsl.  lu.  11  uc  s'agit  point  ici 
de  bottes,  mais  de  certains  hommes  très-petits, 
qu'on  désigne  par  le  nom  de  courte-botte.  La  plu- 
ralité ne  doit  donc  pas  tomber  sur  ioiie,mais  sur 
homme,  qui  est  sous-cntcndu:  Des  courte-botte. 

CouRTE-poiMTE.  Subst.  f.  Ou  devrait  dire  con- 
tre-pointe,  comme  on  dit  contre-pointer  ;  et  on  le 
disait  autrcfoi!^.  Il  signifie  proprement  une  sorte 
de  couverture  où  les  pointes  ou  points  sont  pi- 
qués les  uns  co7i/re  les  autres.  Quand  on  écrivait 
contre-pointe  au  singulier,  on  écrivait  contre- 
pointes  au  pluriel.  .Mais  l'usage  ayant  changé  la 
préposition  contre  en  un  adjectif  courte,  cet  ad- 
jectif doit  prendre  comme  son  substantif  la 
marque  du  pluriel,  et  l'on  doit  écrire  des  courtes- 
pointes. 

Coûtant.  Adj.  verbal  tiré  du  verbe  coûter.  Il 
n'a  point  de  féminin  :  Le  prix  coûtant. 

Couteau.  Subst.  m.  Féraud  dit  que  ce  mot  ne 
peut  être  employé  dans  le  style  noble,  et  blâme 
la  phrase  suivante  de  Bossuet  :  Ainsi  deux 
mauvaises  sectes  seront  percées  du  même  coup, 
et  à  travers  du  socinien,  le  calviniste  portera  le 
couteau  jusque  dans  so?i  propre  sein. 

Féraud  veut  que  dans  le  style  noble  on  dise 
glaive.  Mais  glaive  ne  signifie  pas  la  même 
chose  que  couteau.  On  dira  bien  le  glaive  de  la 
justice,  mais  on  ne  dira  pas  le  glaive  d'un  as- 
sassin. Les  exemples  suivants ,  et  une  foule 
d'autres  qvie  nous  pourrions  citer,  prouvent  que 
l'on  emploie  fréquemment  le  mot  couteau  dans  le 
style  noble  : 

C'est  peu  que  de  Toulo«r,  sous  an  couteau  mortel. 
Me  montrer  votre  cœur  fumant  sur  un  autel  ; 
D'un  appareil  d'iiynien  couvrant  ce  sacrifice, 
Il  veut  que  ce  soit  moi  qui  vous  mène  au  supplice  ; 
Que  ma  crédule  main  conduise  le  couteau. 

{Rac,  Iphig.,  act.  III,  se.  TI,  27.) 

De  festons  odieux  ma  fille  couronnée, 
Tend  la  gorge  aux  couteaux  par  son  père  apprêtés. 
(Ric,  Iphig.,  acl,  V,  se.  IT,  28. j 


COU  181 

El  sur  l'autel  proctiain 

Prend  le  sacré  eout«au,  le  plonge  dans  son  sein. 

(Rac,  Iphig.,  acl.  V,  se.  vi,  56.) 

Du  perfide  cou(«au  comme  eux  il  fut  frappé. 

(Rac,  Ath.,  act.  lY,  se.  m,  10.) 

Qu'il  règne  donc  ce  fils,  ton  soin  et  ton  ouvrage  I 
Et  que,  pour  signaler  son  empire  nouveau. 
On  lui  fasse  en  mon  soin  enfoncer  le  couteau. 

(Rac,  Ath.,  acl.  V,  se.  vi,  56.) 

Il  tient  encor  ce  couteau  parricide 

Dont  le  conseil  des  seize  arma  sa  main  perfide. 

(Volt.,  Henr.,  Vit,  168.) 

El  la  trêve  pour  toi  n'est  qu'un  moyen  nouveau 
Pour  Tenir  dans  nos  mains  enfoncer  le  couteau. 

(Volt.,  Jfahom.,  acl.  II,  se.  T,  11.) 

C'était  peu  que  les  tiens,  altérés  de  Ion  sang, 
Eassenl  ose  porter  la  couteau  dans  ton  flanc. 

(CbÉbillok,  Electre,  act.  I,  se.  I,  19.) 

La  prêtresse  d'abord,  sous  les  couteaux  sanglantj. 
De  quatre  taureaux  noirs  a  déchiré  les  flancs. 

(Dblil.,  Énéid.,  YI,  315.) 

El  le  sacre  couteau 
Immole  à  Jupiter  un  superbe  taureau. 

[Idem,  III,  50.) 

Coutelas.  Subst.  m.  Corneille  s'est  servi  de 
ce  mot  dans  Pompée  (act.  II,  se.  ii,  5S),  et  l'on 
dit  à  ce  sujet  qu'il  ne  peut  être  employé  aujour- 
d'hui en  poésie  que  dans  le  style  burlesque. 

Cependant  Voltaire  l'a  souvent  employé  dans  la 
Henriade  : 

Au  mousquet  réuni,  le  sanglant  coutelat 
Déjà  de  tous  côtés  porte  ut:  double  trépas. 

(VIII,  165;; 

Furieuse,  elle  approche  avec  un  coutela» 
De  ce  fils  innocent  qui  lui  tendait  les  bras. 

(X,  287.) 

Le  monstre  au  même  instant  tire  son  coutelas. 
L'en  frappe,  et  dans  le  flanc  l'enfonce  avec  furie. 
ÇV,  316  ' 

Coûter.  V.  n.  de  la  1"  conj.  On  demande  s'il 
laul  écrire  :  Les  frais  considérables  que  cette 
affaire  m'a  coiilcs,  ou  les  frais  considérables  que 
cette  affaire  nia  coûté.  On  ré|)ondra  facilement 
à  cette  question,  si  l'on  se  rappelle  «pie  le  participe 
ne  peut  entrer  en  concordance  avec  le  régime  qui 
le  précède  que  quand  le  verbe  a  un  régime  di- 
rect, c'est-à-dire  qu'il  estactif.Or,  coûter  n'est  pas 
un  verbe  actif  ;  les  frais  considérablesne  peut  donc 
étrelerégimedirectdu  participe;  l'accord  ne  sau- 
rait donc  avoir  lieu.  Ainsi  l'on  doit  écrire /«/"raw 
considérables  que  cette  affaire  m'a  coûte.  Le 
sens  est  cette  affaire  m'a  coûté  des  frais  consi- 
dérables, et  non  pas  m'a  coûté  les  frais  considé- 
rables. On  ne  peut  donc  approuveras  phrases 
suivantes  :  f^ous  n'avez  pas  oublié  les  soins  que 
vous  m'avez  coûtés  depuis  votre  enfance.  (Fé- 
neloii,  7e7eTO.,  liv.  VII,  1. 1,  p.  2ol.)  Il  faUait 
coûté. 

Que  de  soins  m'eût  coites  cette  tête  charmante! 

(Rac,  Phèd.,  acl.  Il,  se.  r,  77.) 

Après  tous  les  ennuis  que  ce  jour  m'a  coité», 
Ai-je  pu  rassurer  mes  esprits  agites  ? 

(Rac,  Britan.,  acl.  V,  se.  T,  5.) 

Dans  la  dernière  édition  de  son  Dictionnaire, 
l'Académie  s'e.xprime  ainsi  au  sujet  de  ce  mot: 


d82 


COU 


«  Le  vribc  couler  élaul  neutre,  n'a  point  de  p.ir- 
iicipe  ;  cependant  plusieui-s  personnes  écrivent 
les  vinnt  mille  francs  que  cette  maison  m'a 
coûtés;  les  efforts  que  ce  travail  m'a  coûtés, 
la  peine  qu'il  m'a  coûtée.  L'cxactilude  gram- 
matieale  exige  7n'a  coûté.  « 

Coûteux,  Coûteuse.  Adj.  Il  se  met  après  son 
subst. 

CouTCME.  Subst.  f.  On  dit  sans  article  avoir 
coutume.  Le  Dictionnaire  de  {'.académie  dit 
quoroiV  coutume  s'emploie  en  parlant  des  corps 
inanimés.  INous  ne  le  pensons  jws.  \.e  mol  cou- 
tume vient  du  latin  consuctvdo,  (|iii  signilic  liabi- 
ti'.do  conlraclée,  et  ne  se  dit  point  des  choses 
inanimées.  Dans  le  temps  que  l'on  disait  iwoir 
coutume  des  choses  inanimées,  on  lui  préférait 
avoir  accoutumé,  qui  ne  valait  guère  mieux. 
Avoir  accoutumé  a  été  rejeté,  et  avoir  covttttuc 
est  resté  dans  les  dictionnaires  ,  quoiqu'il  soil 
aussi  banni  du  langage.  L'Académie  dit  :  Ce 
pommier  Cl  coutume  de  donner  beaucoup  de  fruits; 
cette  cheminée  a  coutume  de  fumer;  les  pierres 
qui  viennent  d'être  tirées  de  la  carrière  ont 
coittumc  de  se  fendre  à  la  gelée.  On  pourrait  donc 
dire  aussi  une  plume  qui  a  coutume  de  bien  écrire, 
un  canif  qui  a  coutume  de  bien  couper,  etc.;  on 
ne  trouve  ces  expressions  dans  aucun  bon  auieur 
moderne.  En  effet,  pourquoi  aller  détourner  un 
mot  de  sa  véritable  signification,  pour  exprimer 
des  choses  que  l'on  exprime  naturellement  d'une 
autre  manière?  Ne  peut-on  pas  dire  ce  pommier 
lionne  ordinairement  beaucoup  de  fruits;  les 
pierres  nouvellement  tirées  de  la  carrière 
sont  sujettes  à  se  fendre,  etc. 

^'oltaire  a  dit  :  Les  Anglais  ont  la  coutume  de 
finir  presque  tous  leurs  actes  par  irne  compa- 
raison {Lettre  à  M.  Maffei  en  tête  de  Mé- 
rope),  et  Roubaud  critique  cette  phrase.  Avoir 
la  coutume,  dit-il,  n'est  pas  correct  ;  l'article  la 
est  de  trop.  Cette  critique  me  scmlde  fausse.  On 
dit  avoir  coutume  lorsqu'on  parle  d'une  chose 
commune,  assez  ordinaire  cl  qui  se  voit  souvent  : 
Avoir  coutume  de  mentir,  de  se  lever  matin. 
Mais  lorsfju'on  parle  d'une  coutume  extraordi- 
naire, sintrulière,  on  dit  avoir  la  coutume  :  Il  y 
a  des  pays  oii  les  femmes  ont  la  coutume  de  se 
percer  le  nez  pour  y  pendre  des  joyav.v.  Or, 
comme  la  coutume  de  finir  presque  tous  les  ac- 
tes des  tragédies  par  une  comparaison  n'est  point 
connue  des  autres  nations,  et  surtout  des  Fran- 
çais, Voltaire  a  dû  dire  ont  la  coutume,  et  non 
pas  ont  coutume.  —  «Il  nous  semble  queYol- 
tïire,  i>ar  l'expression  qu'il  emploie,  ne  s'occupe 
pas  de  taire  une  restriction  pour  un  usage  connu 
sevilemcnl  îles  Anglais  ;  il  se  fut  exprime  de  même 
quand  il  s'agirait  de  tous  les  peuples  du  monde. 
Mais  seulement  le  sens  n'est  i)as  le  même  dans 
les  deux  locutions.  Avoir  coutume  est  une  phrase 
faite  pour  indiquer  une  habitude  continuelle, 
une  manière  d'être  passée  dans  les  usages  de  la 
vie.  Avoir  la  coutume  désigne  une  mode  adop- 
tée, une  sorte  de  convention  générale,  mais  non 
un  acte  continu.  Le  premier  tient  à  la  nature, 
c'est  l'effet  d'un  penchant  qui  nous  enliainc;  le 
second  tient  à  l'opinion,  et  peut  changer  au  gré 
de  ses  caprices.  »  (A.  Lemaire,  Grammaire  des 
Grammaires,  \t.  1107.) 

CocTOMiER  ,  CouTLMiiiRE.  Adj.  11  régit  de  : 
Coutumier  du  fuit,  coutumier  de  vientir.  Il  se 
met  aussi  absolument  :  Pays  coutumier,  droit 
coutumier 

Et  mes  veux,  éclairés  de  célestes  lumières. 


CRA 

Xe  trouvent  plus  aux  siens  leurs  grlces  eoulumiért». 
(CoBN.,  Pol.,  ad.  IV,  se.  II,  55.) 

C'est  dommage,  dit  Voltaire,  que  ce  dernier  mot 
ne  soit  plus  d'usage  que  dans  le  burlesque.  {Be- 
marques  sur  Corneille.) 

Couvre-chef.  Subst.  m.  Coiffure  qui  sert  à 
couvrir  le  chef.  Au  iiluricl,  citefwc  |)rend  point 
de  s.  La  pluralité  tond)C  sur  coi/fc,  qui  est  sous- 
entendu.  11  faut  donc  écrire  des  courre-chef. 

Couvr.E-FEc.  Subst.  m.  L'stcnsilc  (pii  sert  à 
couvrir  le  feu.  Quand  ce  mot  est  U'.is  au  pluriel, 
la  pluralité  ne  peut  affecter  (jue  le  mol  ustensile, 
(]ui  est  sous-entendu,  et  non  le  mol  feu  ;  car  il 
s'agit  de  couvrir  le  feu,  et  non  de  couvrir  les 
feux. 

CouvRE-viicD.  .'^ubst.  m.  Couverture  qui  sert 
à  couvrir  les  pieds.  On  déviait  éciire  couvre- 
pieds,  car  il  s'agit  de  ce  (jui  couvre  non  le  pied. 
m-A\s  les  pieds.  Mais  jtuisque  l'usage  veul  qu'on 
écrive  piei  sans  s  au  singulier,  on  doit  l'écHrc 
de  même  au  pluriel,  car  à  l'un  el  à  l'autre  nom- 
bre, il  a  la  même  signilicalion.  Ecrivez  donc  des 
couvre-pied. 

CouvKiR.  V.  a.  de  13  2""  conj.  Voici  quelques 
exemples  où  ce  mot  est  pris  dans  des  acceptions 
qui  ne  sont  point  indiquées  dans  le  Dictionnaire 
de  V Académie,  ou  qui  le  sonl  mal  : 

Le  ciel,  qui  dans  mes  mains  a  remis  voire  enfance, 
D'une  profonde  nuit  couvre  voire  ll.^is^ance.  . . 

(Volt.,  OEd.,  act.  V,  se.  li,  5S.) 

Tout  imila  Paris;  la  mort,  sans  résistance, 
Couvrit  en  un  moment  la  face  de  la  France. 

(Volt.,  Henr.  II,  533.) 

Couvrant  leurs  intéréls  de  l'inlérél  des  cieut. 

[Idem,  II,  27.) 

Dispersez  sur  les  mers  ou  novei  leurs  vaisseaux. 
Et  de  leurs  corps  épars  couvrez  au  loin  les  eaux. 
(DïLiL.,  Ènéid.,  l,  112.} 

Le  héros,  à  ce  discours  Itatleur, 

Sentit  couvrir  son  front  d'une  noble  rougeur. 

(Volt.,  Henr.,  III,  161.) 

Corucillea  dit  dans fl'eradius (act.  IV,  se.  iv,  443): 

Couvert  ou  de  louange,  ou  d'opprobre  éternel. 

11  faut  d'un  opprobre  éternel,  dit  Voltaire  ;  à'op- 
probrc  est  ici  absolu,  et  ne  souffre  point  d'cpi- 
thèle.  [Remarq.  sur  Corneille.) 

Crabe.  Animal  de  mer  du  genre  des  crusta- 
cés. Trévoux  et  l'abbé  Prévost  [Dict.  portatif) 
font  ce  mot  féminin  ;  mais  l' .académie,  les  autres 
lexicographes  el  les  naturalistes  ne  lui  donnent 
(lue  le  genre  masculin. 

Crac.  Espèce  d'interjection.  On  prononce  le  c 
final. 

Crmndre.  V.  a.  de  la  4*  conj.  Il  y  a  quelque 
difficulté  dans  l'emploi  de  la  négative  ne  e.i  ne 
pas  avec  le  verbe  craindre,  lorsipi'il  est  suivi 
d'une  phrase  subordonnée.  Quand  on  ne  sou- 
haite [)as  la  chose  exprimée  par  le  verbe  de  la 
phrase  subordonnée,  on  emploie  ne  sans  pas,  si 
la  forme  de  la  phrase  principale  est  affirmative 
ou  intcrrogative.  Quand  je  dis^'e  crains  que  la 
maladie  ne  decienne  mortelle,  je  ne  souhaite  i)as 
(lu'elle  devienne  mortelle,  et  par  celte  raison  je 
mets  7t«  sans  pas. 

Craignez,  seigneur,  erairjnoz  que  le  ciel  rigoureii.\ 
Ife  vous  haïsse  assez  pour  exaucer  vos  vœux. 

(RiC,  Phéd.,  act.  V,  se.  Ill,  22.) 


CRA 

Il  en  est  de  même  lorsque  la  phrase  est  inter- 
rogative  :  Crai^nez-rous  qu'il  ne  riejme9 

Quoi!  craignex-uout  déjà  qu'ils  no  soient  écoutés? 
[Idem,  act.  lY,  se.  IV,  14.) 

Cependant  le  même  Racine  a  dit  {Bérénice, 
act.  V,  se.  V,  45)  : 

Quoi  !  dans  mon  désespoir  Irouvei-Tous  tant  de  charmes? 
Cra<gne»-voui  que  mes  joux  versent  trop  peu  de  larmes  ? 

Mais  ici  trop  peu  tient  lieu  de  la  négation;  car 
on  rend  le  uiéme  sens  itarcraiffucz-vous  que  mes 
yeux  ne  versent  pas  assez  de  larmes? 

Si  la  phrase  principulc  esl  néi-'alivc,  il  ne  faut 
mettre  aucune  uégaliDn  à  la  {)hrase  subordon- 
née :  Je  ne  crains  pas  qu'il  \  lenne. 

Hélas  !  on  ne  craint  pas  qu'il  venge  un  jour  son  père  ; 
On  craint  qu'il  n'essuyât  les  larmes  de  sa  mère. 

(lUc,  Androm.,  acl.  I,  se.  iv,  20.) 

Si  la  piirase  principale  est  négative  et  interro- 
galive  en  même  temps,  on  met  ne  à  la  subordon- 
née :  Ne  craijncz-rovs  pas  qu'il  ne  vienne^ 

El  vous  ne  craignci  pa^ 

Que  du  fond  de  l'abîme  enlr'ouvcrt  sous  ses  pas 
Il  ne  sorte  à  l'instant  des  feux  qui  vous  emïirasent. 
Ou  qu'en  tombant  sur  vous  ces  murs  ne  vous  écrasent? 
(lUc,  Ath.,  act.  III,  se.  V,  3.) 

Si  l'on  souhaite  que  la  chose  exprimée  par  le 
verbe  de  la  phrase  subordonnée  arrive,  ait  lieu, 
il  faut  mellre  ne  pasix  la  subordonnée.  Par  exem- 
ple, quand  je  dis  je  crains  que  mon  frère  n'ar- 
rive pas  ce  soir,  il  est  évident  que  je  souhaite 
qu'il  arrive,  et  voilà  pourquoi  je  mets  ne  pas. 
Dans  ce  cas,  il  faut  mettre  7ie  pas,  quelle  que  soit 
la  forme  de  la  proposition  principale  :  Je  crains 
qu'il  n'arrive  pas,  je  ne  crains  pas  qu'il  n'ar- 
rive pas,  cra'^iicz-votfs  qu'il  n'arrive  pas? 

Craint,  Craime.  Participe  du  verbe  craindre. 
L'abbé  Régnier  pense  qu'il  faut  éviter  d'employer 
ce  participe  au  féminin,  à  cause  de  sa  ressem- 
blance avec  le  substantif  crainte.  Celui  qui  di- 
rait c'est  une  maladie  que  j'ai  crainte,  obéirait 
à  la  grammaire,  mais  révolterait  l'oreille.  Alors, 
continue  cet  auteur,  il  faudrait  s'exprimer  diffé- 
remment, cl  dire,  c'est  une  maladie  que  j'ai  ap- 
préhendée. 

Cependant  d'Olivet  (Essais  de  Grammaire, 
p.  192) ,  Vaugclas  (5  ;U"  Jiemarque),  Thomas 
Corneille  (sur  cette  Remarque),  et  Wailly  (page 
267),  pensent  qu'on  dirait  très-bien  les  choses 
que  j'ai  craintes,  pourvu  qu'on  eût  l'attention 
de  placer  ce  imnicipe  de  manière  qu'on  ne  pût 
pas  le  confondre  avec  le  substantif  crainte  :  Elle 
fui  plus  crainte  qu'aimée,  ajoutent-ils,  n'a  rien 
iiui  choque,  parce  que  leplus  qui  précède  le  par- 
ticipe ôte  l'équivotiue. 

Crainte.  Subst.  f.  De  crainte  que,  de  crainte 
rf«,sont  des  expressions  conjonctives.  De  crainte 
qve  régit  le  subjonctif  avec  la  négation  71e.  De 
crainte  de  régit  l'inlinitif  sans  négation.  De 
crainte  que  l'heure  ne  fût  passée,  de  crainte  de 
vous  déplaire,  .\vant  un  substantif  on  su|)prinie 
quelquefois  le  premier  de,  et  l'on  dit  crainte  d'ac- 
cident, crainte  de  pis  ;  mais  celle  suppression  ne 
peut  avoir  lieu  devant  un  verbe.  On  disait  au- 
trefois crainte  de  manquer,  crainte  qu'il  ne 
vienne  ;  on  ne  le  dit  plus  aujourd'hui. 

Comme  si  notre  Rome  eût  fait  toutes  vos  craintet. 
(CoR5.,  Hor.,  act.  I,  se.  I,  68.) 


CRÈ 


183 


On  ne  fait  pas  une  crainte,  on  la  cause,  on 
l'inspire,  on  l'excile,  on  la  fait  nailre.  (Voluirc, 
Remarq.  sur  Corneille.) 

CitAirsTiF,  Craintive.  Adj.  On  i)eut  quelque- 
fois le  ineltre  avant  son  subst.  :  Une  craitUire 
espérance. 

CRAPULtiR.  V.  n.  de  la  1"^'  conj.,  selon  l'Aca- 
démie. Elre  dans  la  crapule.  Ce  verbe  n'csi  iwinl 
usité. 

Crapuleux,  Crapuleuse.  Adj.  On  peul  quel- 
quefois le  mettre  avant  son  subst.  :  Cette  crapu- 
leuse conduite  le  fait  mépriser  de  tout  le  inonde. 

Cr.ASSANE.  ^  oyez  Cresune. 

Crasseux,  Crasseuse.  Adj.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst. 

Craïonner.  y.  a.  de  la  1'''  conj.  Ce  mol  s'em- 
ploie ligurément  en  littérature  : 

...   Ce  roi,  dont  le  nom  fait  trembler  tant  de  roii. 
Voulut  bien  que  ma  main  crayonnât  ses  exploita. 
(BuiL.,  Èpttre  X,  107.) 

Créance.  Subst.  f.  H  s'emploie  dans  le  sens  de 
croyance. 

Soigneur,  à  vos  soupçons  donnez  moins  do  cre'anc». 
(lUc,  Britan.,  acl.  111,  se.  ?,  21.) 

Créateur.  Subst.  m.,  qui  s'einploic  aussi  ad- 
jectivement. L'Académie  ne  lui  donne  point  de 
féminin.  Cependant  créatrice  est  très-usilc  : 
Quand  l'imagination  créatrice  eut  élevé  les  pre- 
miers monuments,  qu'est-il  arrivée  Le  senti- 
ment général  fut  d'abord  sans  doute  celui  de 
l'admiration.  {La  Harpe,  Inlrod.  au  Cours  de 
Littér.,  p.  I.)  LàfUne  industrie  créatrice  de  jouis- 
sances appelait  les  riches  de  tous  les  climats. 
(A'olney.) 

Créature.  Subst.  f.  : 

Je  ne  veu.x  que  le  nom  de  votre  créature. 

(CottK.,  Sert.,  acl.  II,  se.  ii,  78.) 

Créature.  Ce  mot ,  dans  notre  langue,  n'est 
em|)loyé  que  pour  les  subalternes  qui  doivent 
leur  forlune  à  leurs  jiatrons.  [Remarq.  sur  Cor- 
neille.) Voltaire  n'a  pensé  ici  «pi'à  l'acception 
qu'il  délinit  ;  car  on  sait  que  ce  mot  en  a  d'au- 
tres dans  la  langue  française.  Créature  signilie 
aussi  être  créé  :  Les  créatures  corporelles,  les 
créatures  incorporelles. 

CuEDO.  Subsl.  m.  On  prononce  credo.  Il  ne 
prend  point  de  5  au  pluriel. 

Crédulk.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  quel- 
quefois le  mettre  avant  son  subst.  :  Un  homme 
crédule,  une  femme  crédule; —  crédule  espoir. 

Mais  ne  llallez-ïous  point  un  crédule  traiispoil? 

(Gbesset,  Sidneij,  acl.  11,  se.  viii,  18.) 

Crémaillère,  Crémaillon.  Dans  ces  deux  mois, 
on  mouille  les  /. 

Crêpe.  Subst.  m.  Ce  mot  s'emploie  figurémcnt. 
Dclillea  dit  en  parlant  de  la  nuit  (£'/itftc/e,Il,  329)' 

Déjà  du  haut  des  oieux  jeianl  ses  erépet  sombres  ; 

et  ailleurs  {Enéide,  III,  GSO)  : 

Le  jour  tombe,  et  la  nuit  de  son  Irùne  d'théne 
Jette  son  crêpe  obscur  sur  les  monts,  sur  les  Ilots.  . . 

Ckesane.  Subst.  f.  On  dit  aussi  plus  exacte- 
ment, mais  plus  rarement,  crassane.  (Acad.  1S35'. 

Crète-coeur.  Sul-sl.  m.  Ce  subsianlif  étant 
conq'osé  d'un  vcrl.c  ol  d'un  substanllf,  rc  der- 
nier devrait  prendre  seul  un  s  au  pluriel,  si  le 


184 


CKO 


sens  le  permettait.  Mais  il  s'agit  ici  de  choses  qui 
crèvent  le  cœur,  et  non  de  choses  qui  crèvent  les 
cœurs.  11  faut  donc  écrire  des  crève-cœvr,  et 
non  pas  des  crève-cœurs,  et  encore  moins  des 
crères-cœurs.  Voyez  Composé. 

Cpever.  y .  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  Crever,  pris 
neulralemcnt,  prend  l'auxiliaire  avoir  (|uand  il 
indique  une  action,  et  l'auxiliaire  être  quand  il 
exprime  un  état.  Dans  le  premier  cas  on  dit  la 
bombe  a  crevé,  et  dans  le  second  la  bombe  est 
erevée. 

Creux,  Creuse.  Adj.  Dans  la  prose  ordinaire, 
il  suit  son  subst.;  mais  dans  la  prose  poétique 
et  dans  les  vers  il  le  précède  souvent.  Fénelon  a 
dit  dans  Télémuque  :  Il  représentait  les  sombres 
forêts  qui  cmirreiit  les  montagnes  et  les  creux 
vallons  —  Partout  la  charrue  avait  laissé  de 
creux  sillons.  Voyez  Adjectif. 

Cm.  Subst.  m.  11  serait  difficile  de  connaître 
les  noms  que  l'on  a  donnés  aux  différents  cris 
des  animaux,  s'il  fallait  les  chercher  dans  les  dic- 
tionnaires à  chaque  article  qui  leur  est  consacré. 
Voici  une  liste  de  ces  cris  qui  facilitera  celte 
connaissance:  l'alouette  ^j-iso^e;  l'àne  6rat<;  le 
^œuf  beugle  ;  la  brebis  et  le  mouton  bêlent;  les 
;purdons,  les  mouches,  les  abeilles  et  les  hanne- 
tons bourdonnent;  le  cerf  brame  ;  le  chat  miaule; 
achevai  hennit  ;\e  chien  jappe  ou  aboie;  la  ci- 
gogne craquette;  le  cochon  grogne  ;  le  corbeau 
croasse;  le  dindon  glovglonte  ou  glouglote  ; 
la  grenouille  coasse;  l'hirondelle  gazouille; 
le  lion  rugit;  le  lor»;)  hurle;  le  merle,  les 
oies  et  le  serpent  sifflent;  le  paon  braille  ou 
triaille;  le  pigeon  et  la  colombe  roucoulent  ;  la 
poule  glousse;  les  petits  YtouXaVs  piaulent  ;  le  re- 
nard et  les  petits  chiens  _9/a/)i55e/i<;  le  rossignol 
gringotte;  le  taureau  mugit;  la  tourterelle ^rewif, 
roucoule. 

Criant,  Criante.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  crier. 
11  se  met  après  son  subst.  :  Une  injustice  crian- 
te, cela  est  criant. 

Criard,  Criarde.  Adj.  En  prose,  il  se  met  après 
son  subst.  :  Humeur  criarde. — Oiseaux  criards. 
Dettes  criardes. 

Cric.  Subst.  m.  Machine  dont  on  se  sert  pour 
enlever  de  terre  des  corps  très-pesants.  On  ne 
prononce  point  le  c  final. 

Cric-crac.  Onomatopée.  On  fait  sentir  le  c  à  la 
fin  de  chaque  syllabe. 

Crier.  V.  n.  et  a.  Racine  a  dit  dans  Athalie 
(act.  I,  se.  I,  89)  : 

Le  sang  de  nos  rois  crie,  et  n'esl  point  écouté. 

L'Académie  n'indique  point  cette  acception. 

Criminel,  Criminelle.  Adj.  11  peut  se  mettre 
avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  De  criminels  désirs,  ce  criminel 
dessein.  On  ne  dit  pas  un  criminel  prince,  et 
encore  moins  un  criminel  homme.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Criminellement.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe  : 
On  l'a  poursuivi  criminellement,  et  non  pas  on 
l'a  criminellement  poursuivi. 

Cristallin,  Cristalline.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Des  eaux  cristallines. 

Cristallisation,  Cristalliser.  Dans  ces  deux 
mots,  on  ne  prononce  qu'un  l. 

Critiquable.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
après  son  subst.  :  Un  ouvrage  critiquable. 

Croc.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  c 
final. 

Croc-en-jambe.  Subst.  composé  m.  Le  c  final 


CRO 

de  croc  se  prononce  dans  ce  mot.  11  fait  au  plu- 
riel des  croc-en-jambe.  ^'oyez  Composé. 

Crochu  ,  Crochue.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  subst.:  Des  doigts  crochus,  des  mains 
crochues. 

Croire.  V.  a.  et  irrég.  de  la  h'  conj.  A'^oici 
comment  il  se  conjugue  ~: 

Indicatif. — Présent.  Je  crois,  tu  crois,  il  croit; 
nous  croyons,  vous  croyez,  ils  croient.  — Impar- 
fait. Je  croyais,  tu  croyais,  il  croyait;  nous 
croyions,  vous  croyiez,  ils  croyaient.  —  Passé 
simple.  .Je  crus,  lu  crus,  il  crut;  nous  crûmes, 
vous  crûtes,  ils  crurent.  —  Futur.  Je  croirai, 
tu  croiras,  il  croira;  nous  croirons,  vous  croirez, 
ils  croiront. 

Conditionnel.  —  Présent:  Je  croirais,  lu  croi- 
rais, il  croirait  ;  nous  croirions,  vous  croiriez,  ils 
croiraient. 

Impératif.  —  Présent.  Crois,  qu'il  croie; 
croyons,  croyez,  qu'ils  croient. 

Subjonclif. — Présent.  Que  je  croie,  que  tu 
croies,  qu'il  croie;  que  nous  croyions,  (jue  vous 
croyiez,  qu'ils  croient.  —  Imparfait.  Oue  je 
crusse,  que  tu  crusses,  qu'il  crût;  (jue  nous 
crussions,  que  vous  crussiez,  qu'ils  crussent. 

Participe.  —  Présent.  Croyant.  —  Passé.  Cru, 
crue. 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

Ce  verbe,  lorsqu'il  est  employé  sans  négation, 
demande  que  le  verbe  de  la  proposition  qui  lui 
est  subordonnée  soit  mis  à  l'indicatif;  et  lors- 
qu'il est  employé  avec  la  négation,  il  exige  que  le 
verbe  de  la  proposition  subordonnée  soit  mis  au 
subjonctif. 

Croire  quelque  chose,  c'est  l'estimer  vérita- 
ble :  Je  crois  ce  que  vous  me  dites,  Je  crois  l'im- 
mortalité de  l'âme.  Croire  à  quelque  chose,  c'qs{ 
y  ajouter  foi,  y  avoir  confiance,  s'y  fier  :  Je  crois 
à  la  miséricorde  divine.  Je  ne  crois  pas  à  l'ef- 
ficacité de  ce  remède.  Croire  quelqu'un,  c'est 
ajouter  foi  à  ce  (ju'il  dit.  Il  ne  faut  pas  croire  les 
menteurs.  Croire  à  quelqu'un,  c'est  croire  à  son 
existence.  Croire  aux  sorciers,  c'est  croire  (|u'il 
yen  a.  Croire  les  ^orcier^,  c'est  croire  ce  qu'ils 
disent.  —  Croire  se  joint  (juclquefois  à  la  par- 
ticule en  :  En  croire  quelqu'un,  il  n'en  sera  pus 
cru,  encroire  quelque  chose.  Si  j'en  crois  ce  que 
j'ai  vu,  ce  que  j'ai  entendu. 

Si  j'en  croit  sa  fierté,  si  j'en  crois  ses  hauts  faits, 
Sans  doute  il  est  issu  d'une  race  divine. 

(^Delil.,  Énéid.,  IV,  18.) 

Que  n'en  cro]/ais-je  alors  ma  tendresse  alarmée  t 
(Rac,  fphig.,  act.  I,  se.  i,  69.) 

Croire  en  se  dit  en    matière  de  foi  religieuse  : 
Je  crois  en  Dieu,  je  crois  en  Jésus-Christ. 
Corneille  a  dit  [Menteur,  act.  I,  se.  iv,  12)  : 

La  plus  belle  des  deux,  je  crois  que  ce  soit  l'autre. 

«  Je  crois  que  ce  soit,  dit  Voltaire,  est  une 
faute  de  grammaire.  Je  crois,  étant  une  chose 
positive,  e'xige  l'indicatif.  Mais  pourquoi  dit-on 
je  ci'ois  qu'elle  est  aimable,  qu'elle  a  de  l'esprit  ; 
et  croyez-vous  qu'elle  soit  aimable,  qu'elle  ait 
de  l'esprit?  C'est  que  croyez-vous  n'est  point  po- 
sitif. Croyez-vous  exprime  le  doute  de  celui  qui 
interroge.  Je  suis  sûr  qu'il  roj/.ç  satisfera;  é/es- 
vous  sur  qu'il  vous  satisfasse?  A^ous  voyez , 
ajoute-t-il,  par  cet  exemple,  que  les  règles  de  la 
Srammaire  sont  fondées  pour  la  plupart  sur  la 


CRO 

raison,  et  sur   cette  loj^iquc  naturelle  avec  la- 
quelle naissent  tous  les  lioinnics  bien  organisés.  » 

11  y  a  une  uhservation  à  faire  sur  ce  principe  de 
Vollaire,  c'est  que  croyez-vous  n'ex|)rimc  pas 
toujours  le  doute,  et  que  dans  ce  cas  il  doit 
être  suivi  de  l'indicatif.  Ouand  je  dis  croyez-vous 
qu'elle  ait  de  l'esprit?  Croyez-vous  qu'elle  soit 
belle?  Je  doute  en  effet  si  elle  a  de  l'esprit,  je 
doute  si  elle  est  belle;  et  je  doute  aussi  si  celui 
à  qui  je  parle  lui  croit  de  l'esprit,  de  la  beauté; 
et  ma  tiucstion  tend  à  m'en  éclaircir.  Mais  si  je 
suis  persuadé  d'un  côte  qu'une  femme  n'a  pas 
d'esprit  et  qu'elle  est  laide,  et  si  de  l'autre  une 
personne  m'a  dit  des  choses  qui  m'assurent 
qu'elle  croit  que  cette  femme  a  de  l'esprit  et 
qu'elle  est  belle,  je  dirai  à  cette  personne  croyez- 
vous  que  celte  femme  a  de  l'esprit?  croyez-vous 
qu'elle  est  heVc?  parce  qu'il  n'y  a  rien  dans  ces 
phrases  qui  annonce  le  doute  ou  l'incertitude, 
que  jo  ne  veux  m'éclaircir  de  rien,  et  que  je  ne 
fais  ces  questions  que  comme  une  espèce  de  re- 
proche a  une  personne  qui  croit  positivement 
une  chose  qui  n'est  pas  vraie.  Cruyez-vous 
qu'elle  a  de  l'esprit,  vt]}vè-i  avoir  lu  toutes  les 
sottises  qu'elle  a  écrites?  Cruyez-vous  qu'elle 
est  ôeZ/e  avec  un  nez  écrasé,  une  taille  contre- 
faite, etc. 

On  dit  aussi  croyez-vous  qu'il  partira,  qu'il 
reviendra,  etc.,  avec  l'indicatif,  (juand  on  est 
persuadé  qu'il  ne  partira  pas,  qu'il  ne  reviendra 
pas;  et  croyez-vous  qu'il  parte,  qu'il  revienne, 
avec  le  subjonctif,  quand  on  doute  s'il  partira, 
s'il  reviendra. 

Croissant  ,  Croissante.  Adj.  verbal  tiré  du 
v.  croître.  11  suit  toujours  son  subst.  :  Sédi- 
tion croissante,  taxe  croissante. 

Croître  V.  n.  de  la  4"  conj.  Voici  comment 
il  se  conjugue. 

Indicatif.  — Présent.  Je  croîs,  tu  crois,  il 
croit  ;  nous  ''roissons,  vous  croissez,  ils  crois- 
sent. —  Imparfait.  Je  croissais,  tu  croissais,  il 
croissait  ;  nous  croissions ,  vous  croissiez,  ils 
croissaient.  —  Passé  simple.  Je  crûs,  tu  crûs, 
il  crût;  nous  crûmes,  vous  crûtes,  ils  crûrent. — 
Futur.  Je  croîtrai,  lu  croîtras,  il  croîtra;  nous 
croîtrons,  vous  croîtrez,  ils  croîtront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  croîtrais,  tu  croî- 
trais, il  croîtrait;  nous  croîtrions,  vous  croîtriez, 
ils  croîtraient. 

Impératif.  Présent.  Crois,  qu'il  croisse;  croîs- 
sons,  croissez;  qu'ils  croissent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  croisse,  que  lu 
croisses,  qu'il  crorsse;  que  nous  croissions,  que 
vous  croissiez,  qu'ils  croissent.  —  Imparfait. 
Que  je  crusse,  que  tu  crusses,  qu'il  crût;  que 
nous  crussions,  que  vous  crussiez,  qu'ils  crus- 
sent. 

Participe. — Présent.  Croissant.  — Passé.  Crû, 
crue. 

Les  grammairiens  disent  que  ce  verbe  se  con- 
jugue indifféremment  avec  l'auxiliaire  être  ou 
l'au.xdiaire  avoir.  Cela  n'est  i)as  vraisemblable. 
Ces  deux  auxiliaires  exprimant  des  idées  diffé- 
rentes, il  doit  y  avoir  de  la  différence  entre  les 
phrases  où  on  les  emploie.  Quand  on  dit  la  rivière 
a  crû  depuis  hier,  on  veut  exprimer  par  la  l'ac- 
tion des  eaux  qui  se  sont  élevées  au-dessus  des 
eaux  de  la  veille.  Mais  si  l'on  dit  la  rivière  est 
crue,  on  veut  dire  seulement  que  les  eaux  sont 
dans  un  état  d'élévation  supérieure  à  celui  où 
elles  étaient  auparavant.  En  deux  jours,  la  ri- 
vière a  crû  de  deux  pieds  ;  depuis  hier,  la  rivière 
est  crue  de  deux  pieds. 


CRU 


185 


Corneille  a  dit  dans  le  Cid  (acte  II,  se.  ix, 
94)  : 

M'ordoiincr  du  repos,  c'est  croître  met  malheurt. 

Voltaire  dit  à  celte  occasion  :  Croître  aujour- 
d'hui n'est  plus  actif.  On  dit  accrcîire  ;  mais  il 
me  semble  ([u'il  est  permis  en  vers  de  dire 
croître  mes  tourments,  mes  ennuis,  mes  dou- 
leurs, 7nes  peines-  {Remarques  sur  Corneille.) 
Les  pièces  de  Racine  offrent  beaucoup  d'exem- 
ples de  celle  tournure  : 

Je  ne  prends  point  plaisir  à  croîtra  ma  miière. 

(Boj.,  acl.  III,  se.  III,  25.) 

Tu  verras  que  les  dieux  n'ont  dicté  cet  oracle 
Que  pour  croître  à  la  fois  sa  gloire  et  mon  tourment. 
{Iphig.,  acl.  IV,  se.  I,  26.) 

Que  ce  nourel  lionncur  va  crottre  ton  audace  .' 

[Etth.,  IV,  se.  m,  13.) 

Ce  verbe  régit  quelquefois  la  préposition  en  : 
Croître  en  vertus,  en  grâces,  en  beauté. 

Croquant,  Croqdante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  croquer.  11  se  met  après  son  subst.  :  Bis- 
cuit croquant;  tourte  croquante. 

Croque-mort,  Ckoque-note.  Substantifs  mascu- 
lins. On  écrit  au  pluriel  des  croque-morts,  des 
croque-notes.  Voyez  Composé. 

Croulant,  Croulante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  crouler.  Il  suit  son  subst.  :  Edifice  croulant. 

Croupissant,  Croupissante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  croupir.  11  se  met  après  son  subst.  :  Des 
eaux  croupissantes. 

Croustilleusement.  Adv.  peu  usilé  cjui  ne 
peut  se  mettre  qu'après  le  verbe. 

Croustilleux,  Croustilleuse.  Adj.  que  l'on 
met  quelquefois  avant  son  subst.  :  De  croustil- 
leuses  plaisanteries. 

Croyable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  mcl 
toujours  après  son  subst.  :  Un  homme  croya- 
ble,  une  nouvelle  croyable,  cela  n'est  pas 
croyable. 

Le  que  après  croyable  régit  l'indicatif  si  la 
phrase  est  al'firmalive  ;  Il  est  croyable  (lue  cela 
est  ainsi.  Il  régit  le  subjonctif  si  la  phrase  est 
négative  ou  intcrrogative  :  Il  n'est  pas  croyable 
que  cela  soit  ainsi;  est-il  croyable  que  cela  soif 
ainsi? 

Cru,  Crue.  Adj.  11  se  mcl  toujours  après  son 
subst.  :  friande  crue,  des  fruits  crus. 

Crucifix.  Subst.  m.  Le  x  ne  se  prononce 
pas. 

Cruel,  Crlelle.  Adj.  11  peut  se  mettre  avant 
son  subst.  :  Un  tyran  cruel,  un  cruel  tyran; 
une  cruelle  nouvelle  ,  une  nouvelle  cruelle. 
Un  cruel  homme,  une  cruelle  femme.  Ces  deux 
derniers  exemples  ne  se  disent  pas  d'un  homme 
ou  d'une  femme  qui  ont  de  la  cruauté,  mais 
d'un  homme  ou  d'une  femme  qui  ne  se  laissent 
pas  toucher  par  les  plus  vives  instances,  ou  qui 
font  eux-mêmes  des  instances  qui  fatiguent. 
Quand  on  veut  dire  qu'ils  ont  de  la  cruauté,  on 
dit  un  homme  cruel,  une  femme  cruelle.  Voyez 
Adjectif. 

Voltaire  a  donné  un  régime  à  cet  adjectif,  et 
je  crois  qu'on  peut  l'imiter. 

Tous  deux  hais  du  peuple,  et  tous  deux  admirés; 
Enfin,  par  leurs  efforU  ou  par  leur  industrie, 
Utiles  à  leurs  rois,  cruclt  à  la  patrie. 

(iïenr.,Vn,545.) 


186  CUL 

Racine  «  dit  aussi  [IphigéTne,  acl .  1 1 ,  se  ii,  42)  : 
Les  die-:i  depuis  longtemps  me  sont  cruels  et  sourds. 

On  dit  aussi  cruel  envers  quelqu'un.  j 

CHCELLKSIE^T.  Ailv.  11  |)eul  se  motlrc  entre 
rauxiliaiic  et  le  pnrlicipe:  On  l'a  battu  cruelle- 
ment, on  t'a  cruellement  battu. 

CRUME^T.  Aiiv.  11  se  mol  toujours  nprcs  le 
verbe  :  //  m'a  dit  cela  crûment,  et  non  pas  */ 
m'a  crûment  dit  cela. 

CutiLLiu.N  .  a.  iiié;-'.  de  l:i  2'  conj.  On  prononce 
Keuillir. 

Indicatif  — /'/•f'^eni.  Je  cueille,  tu  cueilles, 
il  cueille  ;  nous  cueillons,  vous  cueillez,  ils  cueil- 
lent. —  Imparfait.  Je  cueillais,  lu  cueillais,  il 
cucillail;  nous  cueillions,  vous  cueilliez,  ils 
cueiUaicnl.  — Passé  simple.  Je  cueillis,  lu  cueil- 
lis, il  ciieiliil;  nous  cueilliines,  vous  cueilliles, 
ilscucillirenl.  —  Fntur.  Je  cueillerai,  tu  cueil- 
leras, il  cueillera;  nous  cueillerons,  vous  cueil- 
lerei;,  ils  cueilleronl. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  cueillerais,  lu 
cueillerais,  il  cueillerait;  nous  cueillerions,  vous 
cueilleriez,  ils  cueilleraient. 

Impératif.  —  Présent.  Cueille,  qu'il  cueille; 
cueillons,  cueillez,  qu'ils  cueillent. 

Subjonctif.  — Présent.  Oue  je  cueille,  que  tu 
cueilles,  qu'il  cueille;  (fue  nous  cueillions,  que 
vous  cueilliez,  qu  ils  cucillciU.  —  Imparfait. 
Que  je  cueillisse,  que  tu  cueillisses,  qu'il  cueil- 
lil;  que  nous  cueillissions,  que  vous  cueillis- 
siez, (ju'ils  cueillissent. 

Participe.  —  Présent.  Cueillant.  —  Passé. 
Cueilli,  cueillie. 

Ce  verbe  jircnd  l'auxiliaire  avoir. 

Cuiller.  Subst.  m.  On  prononce  fortemenl  le 
r  comme  dans  fer  et  iner. 

Cuisant,  Clisame.  Adj.  11  i)cul  précéder  son 
subsl.,  même  en  prose  :  Une  cuisante  douleur, 
taie  douleur  cuisante. 

Cul.  Subsl.  ui.  On  ne  prononce  point  le  l  dans 
ce  mol,  el  plusieurs  ne  l'écrivent  pas.  Vollairc 
esl  de  ce  nombre,  et  il  ne  cesse  de  crier  conlre 
l'usage  trop  fréquent  qu'on  fait  de  ce  mol  dans 
notre  langue.  11  csl  indigne,  dit-il,  d'une  langue 
aussi  polie  et  aussi  universelle  que  la  noire , 
d'employer  si  souvent  un  mol  déshonnélc  et  ri- 
dicule, pour  signilier  des  choses  comiimnes  qu'on 
pourrait  expriiner  aulrement.  Pourquoi  nommer 
cu-d'ùne  Cl  cu-de-cheval  des  orties  de  mer? 
Pourquoi  donc  donner  le  nom  de  cu-bhmc  a  1'(e- 
nanle,  el  de  ciL-rovge  à  l'épciche?  Celle  epeiche 
est  une  espèce  de  pivcrl,  el  l'œnanlc  une  espèce 
de  moineau  cendré.  11  y  a  un  oiseau  que  l'un 
nomme  fétu  en-cu,  ou  puiUe-en-cu  ;  on  avait 
cent  niaiiicres  do  le  désigner  d'une  expression 
beaucoup  plus  précise.  IN'csl-il  pas  impcrli- 
ncnl  d'appeler  cu-de-vaisseau  le  fond,  de  la 
poiipe? 

On  se  sert  communément  du  mot  cu-de-lampe 
pour  exprimer  un  (leurun,  un  petit  cartouche, 
un  pendeulif,  un  encorbcllcmcnl,  une  base  de 
pyramide,  un  placard,  une  vigncllc.  Un  graveur 
se  sera  imaginé  ipie  ccl  orncuieut  ressemble  à  la 
base  d'une  lampe  :  il  l'aura  nommé  cu-de-lumpe 
pour  avoir  plus  lot  l'ail,  el  les  achcieurs  auront 
répété  ce  mot  après  lui.  C'est  ainsi  que  les  lan- 
gues se  forment.  Ce  sonl  les  artisans  (jui  ont 
nommé  leurs  ouvrages  et  leurs  inslrumcnls. 

Ceriainemenl  il  n'y  avait  aucune  néce.ssilé  de 
donner  le  nom  de  'cu-de-fuur  aux  voûtes  sphé- 
riques ,    d'autant    plus  que   ces   voûtes   n'oul 


CUK 

rien  de  celle  d'un  four,  qui  est  toujours  sur- 
baissée. 

Le  fond  d'un  artichaut  est  formé  et  creusé  en 
ligne  courbe,  elle  nom  de  eu  ne  lui  convient  en 
aucune  manière.  Les  c4ievaux  onl  quelquefois  une 
lâche  vcrdâlre  dans  les  yeux,  on  l'appelle  cu~de- 
verre.  Une  aulre  maladie  des  chevaux,  qui  es. 
une  es[)cce  d'crysipèle ,  csl  appelée  cu-de- 
pnvle.  Le  haut  d'un  chapeau  est  ajjpelé  cu-de- 
chapenu.  Il  y  a  des  boulons  a  coinpariiinenls  qu'on 
ai)pclle  boutons  à  cudc-dé. 

Comment  a-l-on  pu  donner  le  nom  de  cii-de- 
sac  à  l'aiigipartiis  des  l'ioiiiains?  Les  Italiens 
onl  [tris  le  WKJia  lï a njiporto ,  pour  signifier  s/ra'i« 
scnza  vscila.  On  lui  donnait  autrefois  chez  nous 
le  nom  à'impasse,  (jui  csl  expressif  cl  sonore. 
C  est  une  grossièreté  énorme  que  le  mot  cu-de- 
5«c  ail  prévalu.  (Dictionnaire philosophique.') 

CUL-DE-FOCR,     CUL-DE-I.AMPE,     CCL-DE-SAC,     ClC. 

Substantifs  masculins.  Ces  mots  étant  composés 
de  deux  substantifs  joints  par  une  préposition, 
il  n'y  a  que  le  premier  ([ui  doive  être  au  pluriel; 
ainsi  il  faut  écrire  des  culs-de  four,  des  culs-de- 
lampe,  des  culs-de-sac.  elc.  Voyez  Composé, 
Cul. 

CcLTivACLE.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Un  terrain  culti- 
vable. 

Cultivateur.  Subst.  m.  Raynal  a  dit  adjecti- 
vement :  Une  société  cultivatrice.  Ccsi  unmoldc 
plus,  et  il  esl  utile. — L'Académie  ne  reconnail  pas 
ce  féminin,  mais  elle  emploie  le  masculin  adjec- 
tivement :  Les  peuples  cultivateurs. 

Cultiver.  V.  a.  delà  1"  conj. 

Racine  a  dil  dans  Athalie  (act.  IV,  se.  ii,  6)  : 

Il  est  temps  de  montrer  celle  ardeur  el  ce  zèle 
Qu'au  fond  de  votre  cœur  mes  soins  ont  cultivéï. 

Delille  a  dit  cultiver  les  mœurs  : 

El  ceux  qui,  de  nos  arts  utile:  inventeurs. 
Ont  défriché  la  vie  et  cultivé  les  mœurs 

[Énéid.,  YI,  893.) 

Culture.  Subsl.  f.  Voltaire  a  dit  dans  la  Hen- 
riade  (111,  11),  la  culture  des  ans: 

Des  premiers  ans  durci,  la  funeste  culture 
K'avait  que  trop  en  lui  corrompu  la  nature. 

*  CxniCTATEUR.  Subsl.  m.  forme  du  latin  C7<«r 
iator.  Ce  mol  nouveau  csl  inutile  puisque  nous 
avons  tempnriscur,  ijui  signilie  la  même  chose. 
\'ollaire  <';crit  à  un  de  ses  amis  :  Je  reverrai  Ma- 
riamne  et  Zuliine  quand  je  retrouverai  ma  tète, 
j'entends  ma  tète  poétique;  à  présent  je  suis 
tout  en  prose  :  vie  voilà  cunctalcur.  Attendons. 
Celle  expression  csl  employée  ici  en  plaisanlanl; 
ce  n'est  pas  une  raison  pour  en  faire  un  mot  de 
la  langue. 

Cupide.  Adj  des  deux  genres.  On  peut  le  mcllrc 
avant  son  sub^l.  lorsque  l'analogie  el  l'harmonie 
le  permellenl  :  Une  cupide  ardeur,  un  Iwmvie 
cupide. 

Curateur.  Subsl.  m.  Ln  parlant  d'une  femme, 
on  dit  curatrice. 

CuRATiF,  Cuiutive.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  subsl. 

Cuhe-de>t.  Subsl.  m.  On  devrait  encore  écrire 
cure-dents,  car  il  s'agil  d'un  insirumcnt  propre 
à  curer  les  dents.  Mais  puiscpi'on  écrit  cure- 
dent  au  singulier,  on  ne  peut  pas  écrire  cure- 
denis  au  pliTriel,  car  la  pluralité  du  mol  composé 


DAN 


li 


ne  tombe  pas  sur  dent,  mais  sur  instniment,  qui 
esl  sous^•nlelnla.  Voyez  Composé.  — L'Acadé- 
mie met  au  singulier  cure-dent  el  au  pluriel 
cure-dents  :  Acheter  des  cvre-dcnts. 

Cure-oreille.  Subst.  m.  On  devrait  écrire 
cure-oreilles,  car  il  s'açit  d'un  instrument  (jui 
sert  à  curer  les  oreilles.  Mais  comme  l'usage  veut 
que  ce  mot  reste  sans  s  au  singulier,  Il  ne  faut 
pas  lui  en  donncrun  au  {)luriel,  car  un  instrument 
destiné  à  curer  Voreille  au  singulier  ne  peut  pas 
être  au  pluriel  un  instrument  destiné  à  curer  les 
oreilles.  La  pluralité  de  la  totalité  du  mot  com- 
pose ne  peut  loml)er  que  sur  instrument,  qui  est 
sous-entendu.  Voyez  Composé  cl  Cure-dent. 

CoRiEDSEMUNT.  Adv.  11  pcut  se  mettre  entre 
l'auxiliaiie  et  le  participe  :  Il  a  curieusement 
observé  ce  phénomène.  Il  avait  observé  curieu- 
sement ce  phénomène. 


CoRiEUX,  Curieuse.  Adj.  On  dit  curieux  de 
tahleava-,  curieux  de  peinture.  Devant  un  in- 
finitif il  régit  la  préposition  de  :  Je  suis  curieux 
de  voir  la  fin  de  cette  affaire.  Cet  adj.  suit  ordi- 
nairement son  sulist.  :  Un  homme  curieux,  une 
femme  curieuse,  un  livre  curieux. 

Curiosité.  Sul)st.  f.  Il  ne  s'emploie  au  pluriel 
que  lorsqu'il  signifie  choses  rares,  exlraoïdiuai- 
res,  parmi  les  productions  de  la  nature  ou  des 
arts  :  Un  cabinet  de  curiosités,  il  passe  sa  vie  à 
rassembler  des  curiosités,  un  niarchand  do  cu- 
riosités. 

Cynique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  peut  se  met- 
tre avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'har- 
monie le  permettent  :  Discours  cijn^ue,  pkilo- 
sophic  cynique;  ces  cyniques  discours.  Voyez 
Adjectif. 


D. 


D.  Subst.  m.  C'est  la  quatrième  lettre  de  l'al- 
phabet, et  la  troisième  des  consonnes. 

Le  son  propre  de  cette  lettre  se  fait  sentir  dans 
danois,  désir,  Diane,  douleur,  duché.  Acciden- 
tellement, elle  a  le  son  du  t.  C'est  ce  qui  arrive 
iors(iu'clle  se  trouve  à  la  fin  d'adjectifs  immé- 
diatement suivis  de  leurs  subslantils,  et  que 
ceux-ci  conunencent  par  une  voyelle  ou  un  h 
non  aspiré  :  Second  abrégé,  grand  homme,  pro- 
fond abîme;  on  prononce  seco?t-tabrégé ,  gran- 
tliomvie,  profon-tahime.  D  j)rend  aussi  le  son  du 
t  dans  le  même  cas,  s'il  est  à  la  fin  d'un  verbe 
suivi  de  il,  elle,  on  :  Entend-il^  cond-elle  bien  9 
répond-on  ainsi?  Pi'Ononcez  enten-tilf  cou-telle 
lien?  répnn-ton  ainxi? 

«  Cette  liaison  n'a  pas  lieu  seulement  avec  les 
pronoms,  mais  encore  avec  d'autres  mots,  sur- 
tout dans  le  style  soutenu  ;  ainsi  l'on  fera  sonner 
U  apprend  assez  bien  ;  il  répond  à  tout  ;  on  vous 
rend  enfin  justice;  il  prend  intérêt,  etc.,  et 
ainsi  avec  toutes  les  troisièmes  personnes  du  pré- 
sent de  l'indicatif  dans  les  verbes.  »  (A.Lemaire, 
Grammaire  des  Grammaires,  p.  40.) 

Lorsque  le  d  final  se  trouve  à  la  fin  d'un  ad- 
jectif qui  n'est  |)as  immédiatement  suivi  de  son 
substantif,  on  ne  le  fait  point  sentir  :  Un  abîme 
profond  effraie. 

Dans  la  conversation,  on  ne  fait  pas  sentir  le 
d  final  d'un  substantif,  m.ême  lorsque  ce  substan- 
tif est  immédiatement  suivi  d'un  adjectif,  comme 
dans  un  froid  excessif,  un  bnrd  escarpé.  Pro- 
noncez un  froi-exncs.nf,  un  bor-escarpé . 

On  prononce  comme  un  tXn  d  final  de  fond  et 
de  pied,  dans  les  exemples  suivants  :  De  fond- 
en-comble,  de  pied-en-cap .  H ans  pied-à-pied  le 
d  ne  se  fait  j)as  sentir. 

D.  Expression  abrégée  du  mot  don  ou  dnm,  en 
parlant  d'un  seigneur  espagnol  ou  d'un  moine  de 
Saint-Benoit.  —  F.xpression  abrégée  du  mol  dame, 
dans  l'abréviation  N.-D.  pour  Notre-Dame.  — 
Signe  de  douceur,  en  caractères  de  musique. — 
Signe  du  dessus,  à  côté  ou  sur  l'enveloppe  d'une 
partie  de  chant. — Sur  les  gravures,  del.  est  l'a- 
bréviation de  delineavit,  et  suit  le  nom  de  l'au- 
teur du  dessin;  direx.  est  pour  direxit,  et  dé- 
signe celui  quia  dirigé  le  travail. — Dans  l'usage 
du  commerce,  d"  se  met  pour  ditooM  dit,  et  dans 
les  anciens  comptes,  d.  signifie  detiier. — D,  sur 
les  monnaies,  est  la  marq'ue  de  la  ville  de  Lyon. 


Da.  Particule  postpositive  que  l'on  met  quel- 
quefois après  les  mots  oui  cl  nejini,  pour  donner 
j)lus  de  force  à  l'affirmation  ou  a  la  négation  ex- 
primée par  ces  mots,  t^ette  particule  était  autre- 
fois [dus  usitée  comme  affirmative  :  Il  avait  une 
épée  da.  C'est  un  habile  homme  da.  Plus  ancien- 
nement, on  l'écrivait  dea. 

Daigner.  V.  n.  de  la  i'"  conj.  On  mouille  le  f/n. 

Féraud  observe  avec  raison  que  ce  verlic  est 
peu  usité  à  la  première  personne,  à  moins  (ju'on 
ne  fasse  parler  Dieu  ou  un  souverain,  ou  (ju'on 
ne  parle  en  plaisantant,  ou  dans  le  dépit.  En  con- 
séquence, il  blâme  cette  phrase  de  Bossuel  :  Je 
ne  daignerai  ni  les  avorter  7ii  les  jiier.  Cela  pa- 
raît, dit-il,  trop  fier  et  trop  hautain. 

Daim.  Subst.  m.  On  prononce  duin. 

Daine.  Subst.  f.  Femelle  du  daim.  Les  chas- 
seurs prononcent  dine. 

Dam.  Subst.  m.  On  prononce  dan. 

Damas.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  s. 

Dame.  Subst.  f.  Ce  mot  n'est  usité  qu'en  parlant 
des  Européennes  et  de  nos  pays  policés.  11  n'y  a 
point  de  c/awcs  parmi  les  sauvages;  et  Buffon,en 
critiquant  un  passagedii  i)ère  Charlevoix,  qui  par- 
lait des  dames  de  Saint-Doiningue,  demande  s'il 
y  avait  des  dames  ù  Saint-Domingue  quand  on 
en  fit  la  découverte. 

Dame-jeanne.  Subst.  composé  féminin.  Grosse 
bouteille.  On  sent  que  pour  mettre  ce  nom  au 
pluriel  il  ne  faut  pas  faire  tomber  la  pluralité  sur 
dame  ni  sur  Jeanne,  mais  sur  le  mot  bouteille, 
(jui  est  sous-enlcndu.  On  dit  donc,  au  pluriel  des 
dame-jeanne ,  c'est-à-dirc  des  bouieilles  de  Li 
dame  Jeanne.  Voyez  Composé. 

Damnable.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne  pro- 
nonce pas  le  m.  On  adj.  peut  se  metlre  avant 
son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent:  Cette  opinion  dumnahle,  cette  damr- 
nablc  opinion.  A'oyez  Adjectif. 

Damnablement.  Adv.  peu  usité.  On  ne  pro- 
nonce pas  le  m.  On  pourrait  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Il  a  damnablement  abusé 
de  ma  confiance. 

Damnation.  Subst.  f.  On  ne  prononce  point 
le  m  :  Le  dogme  de  la  damnation. 

Damner.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  ne  prononce 
point  le  m. 

Danger.  Subst.  m.  :  Etre  en  danger  ÔlQ  mort. 


Il 


DAN 


en  danger  de  mourir,  il  y  a  du  danger  à  suivre 
citte  entreprise. 

Danokiieusemknt.  Ailv.  On  le  mol  ordinaire- 
ment cnlrc  rauxiliiiirc  cl  le  pailicipe  ;  Il  est  dan- 
gereusement blessé,  il  est  dangereusement  ma- 
lade. 

Dangerf.lx,  Dangf.recse.  Atlj.  :  //  est  dange- 
reux de  résister.  Avant  les  noms  il  régiljDwj/r  •• 
Cela  est  dangereux  pour  la  patrie. 

Cet  adjectif  peut  se  placer  avant  son  substan- 
tif lorsiiue  l'analogie  et  riiannonie  le  pei  inettciil. 
On  ne  (lit  |)as  un  dangereux  homme,  mais  on  dit 
vn  dangereu.v  coquin,  une  dangereuse  blessure. 
Une  personne  sage  méprise  les  froides  et  dan- 
gereuses fictions  des  ruvians.  (Bossuet.) 

Que  c'est  un  dunjereui  poison 

Qu'une  délicate  louange  ! 

(Cbiclibd,  Deuxième  Épttre  à  il.  Dangeau,  18.) 

Dans.  Prépos.  Le  s  ne  se  prononce  point  devant 
une  consonne  ou  un  h  aspiré.  Il  se  prononce 
comme  un  ;;  devant  une  voyelle  ou  un  h  non  as- 
piré. 

Les  règles  qu'on  donne  sur  l'emploi  de  celte 
préposilio'n  et  sur  les  nuances  tiui  lu  distinguent 
de  la  préposition  en  sont  vagues  et  incertaines. 
Girard,  et  après  lui  tous  les  autres  grammairiens, 
ont  dit  que  dans  emporte  avec  soi  une  idée  ac- 
cessoire de  singularité  ou  de  détermination  indi- 
viduelle, et  voilà  pourquoi ,  ajoutent-ils,  dans 
est  toujours  suivi  de  l'article  devant  les  noms 
appellalifs;  au  lieu  que  en  présente  un  sens  qui 
n'est  point  resserré  à  une  idée  singulicre.  C'est 
ainsi  qu'on  dit  d'un  domestique,  î(!  est  en  mai- 
son, c'est-à-dire  dans  une  maison  quelconque; 
au  lieu  que  si  l'on  disait  il  est  dans  la  maison  , 
on  indiquerait  une  maison  individuelle  détermi- 
née par  Icscirconstances.On  dit  il  est  en  France, 
c'est-à-diru  en  quelipie  lieu  delà  France;  il  est 
enville,  cela  veut  dire  qu'il  est  hors  de  la  maison, 
mais  qu'on  ne  sait  pas  en  (juel  endroit  particulier 
de  la  ville  il  est  allé.  On  dit  il  est  en  prison,  ce 
qui  ne  désigne  aucune  prison  quelconque;  mais 
on  dit  il  est  dans  la  prison  de  la  Force,  ce  qui 
donne  une  idée  plus  précise.  Quand  on  dil  il  est 
dans  les  cachots,  on  ajoute  une  idée  plus  particu- 
lière à  l'idée  d'être  en  prison  ;  aussi  met-on  l'ti'ticle 
en  ces  occasions  :  Il  est  en  liberté,  il  est  en  fu- 
reur, il  est  en  apoplexie;  toutes  ces  expressions 
marquent  un  étal,  mais  bien  moins  déterminé  que 
lorsqu'on  dit  il  est  dans  une  entière  liberté,  il  est 
dans  une  extrême  fureur.  On  dit  il  est  en  Es- 
pagne, et  on  dil  il  est  dans  le  royaume  d'Espa- 
gne ;  il  est  en  Languedoc,  et  il  est  dans  la  pro- 
vince du  Languedoc, 

Une  multitude  d'exemples  prouvent  que  celte 
règle,  qui  peut  servir  à  expliquer  quelques  cas 
particuliers,  n'est  poinl  tirée  de  la  nature  de  ces 
deux  prépositions,  cl  n'en  marque  pas  clairement 
la  différence. 

En  n'einporle  pas  toujours  un  sens  qui  n'est 
point  resserré  à  une  idée  singulière,  car  on  dit  eti 
ce  moment,  en  cette  circonstance,  en  vion  parti- 
culier, en  ce  lieu-ci,  en  cet  endroit-là,  en  ce 
temps-là.  Dans  chacune  de  ces  phrases,  en  a  rap- 
port à  une  idée  précise  cl  déterminée;  et  comme 
on  dil  également  dans  ce  movient,  dans  cette  cir- 
constance, dans  mon  particulier,  dans  ce  licuci, 
dajis  cet  endroit-là,  la  règle  n.'enscigne  rien  sur 
la  différence  des  deux  prépositions. 

Quand  on  dit  qu'un  domestique  est  en  maison, 
cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  est  dans  une  maison 


DAN 

quelconque,  mais  cela  signifie  qu'il  n'est  plus  sans 
emploi, sans  condition,  ([u'il  n'csl  jjlussur  le  pavé. 
Cela  est  si  vrai  (jue,  pour  obtenir  cette  réponse, 
il  est  en  maison,  on  ne  demanderait  pas  est-^ 
dans  une  inaisnn  quelconque?  mais  est-il  tou- 
jours sans  place?  est-il  toujours  sur  le  pavé'f  et 
c'est  à  ces  dernières  (luestions,  et  non  à  la"  pre- 
mière, que  l'on  répondrait  il  est  en  maison.  En 
maison,  dans  ce  cas,  indique  un  état  lixe,  distin- 
gué de  l'étal  où  le  domestique  était  auparavant; 
el,  en  ce  sens,  l'idée  n'est  ni  vague,  ni  indéter- 
minée. Il  ne  s'agit  point  de  savoir  s'il  est  dans 
telle  ou  telle  maison;  mais  s'il  est  en  service 
ou  s'il  n'y  est  pas;  et  quand  on  dit  qu'il  est  en 
maison,  on  exprime  d'une  manière  déterminée  le 
premier  de  ces  états. 

Il  est  en  France  ne  signifie  pas  il  est  en  quel- 
que lieu  de  la  France  ;  mais  il  n'est  pas  en  Italie, 
en  Espagne,  en  Hollande,  etc,  etc.,  mais  seule- 
ment en  France.  C'est  une  idée  finie,  un  lieu  dé- 
terminé, relativement  aux  autres  pays  où  il  pour- 
rait être.  C'est  la  réponse  à  dans  quclpays  est-il? 
et  non  pas  à  est-il  dans  quelque  lieu  de  la 
France?  Il  es'  en  ville  veut  bien  dire  il  est  hors 
de  sa  maison;  mais  il  ne  signifie  pas  qu'on  ne 
sait  j)as  dans  (|uel  endroit  de  la  ville  il  est  allé. 
On  dit  à  quelqu'un  que  je  dîne  en  ville,  et  cela 
veut  dire  que  je  ne  dine  pas  chez  moi.  Mais  en 
disant  cela,  on  peut  fort  bien  savoir  en  quel  en- 
droit je  dine.  Toutes  ces  explications  sont  donc 
fausses,  el  par  conséquent  la  règle  l'est  aussi. 

Le  pcre  Bouhours  a  fait  sur  ces  deux  préposi- 
tions des  remarques  qui  ne  sont  pas  plus  satis- 
faisantes. Selon  lui,  on  met  toujours  en  devant 
les  noms  lorsqu'on  ne  leur  donne  point  d'article. 
Mais  que  signifie  colle  règle,  si  on  ne  m'enseigne 
pas  en  inénie  temps  quand  il  faut  ne  pas  donner 
l'article  aux  noms?  D'ailleurs  il  n'esl  pas  vrai 
que  en  ne  soit  jamais  suivi  de  l'article.  On  dit 
en  l'absence  de  ?non  père,  en  l'état  où  je  suis, 
mettons-nous  en  la  présence  de  Dieu. 

Tâchons  de  trouver  des  règles  plus  claires  et 
plus  sijres. 

En  indique  un  rapport  de  lieu.  Dans  et  à  in- 
diquent aussi  un  rapport  de  lieu.  Quelles  sont  les 
nuances  qui  distinguent  ces  rapports,  et  qui  exi- 
gent l'une  ou  l'autre  de  ces  prépositions? 

Un  lieu  peut  être  considéré  comme  un  point 
où  l'on  tend,  comme  un  point  où  l'on  est  fixé. 
C'est  la  préposition  à  qui  doit  marquer  ccsra[>- 
ports.je  vais  à  Paris,  je  demeure  à  Paris,  je 
demeure  à  Paris  pendant  six  mois  de  l'année. 

Un  lieu  peut  être  considéré  comme  un  espace 
circonscrit  par  des  bornes  dans  lesquelles  il  est 
contenu.  C'est  la  préposition  dans  qui  sert  tou- 
jours à  marquer  le  rapporta  un  lieu  considéré  sous 
ce  point  de  vue  :  Je  suis  dans  Paris,  je  vis  dans 
Paris.  Nous  entrons  dans  Paris.  Les  troupes 
entraient  dans  Paris.  L'ennemi  est  dans  Paris. 
Les  ennemis  sont  dans  la  France. 

Enfin  un  lieu  peut  être  considéré  seulement 
comme  une  étendue  distincte  d'une  autre  éten- 
due, et  la  préposition  en  indiciuc  toujours  ce 
rapport.  Quand  je  dis  i^  est  en  France,  j'indique 
le  lieu  où  il  est  par  distinction  des  autres  royau- 
mes ou  pays  où  il  pourrait  être,  et  où  il  n'est  pas. 
En  marque  donc  ici  distinction,  opposition,  ex- 
clusion, et  ne  rappelle  aucune  idée  de  bornes  ou 
de  limites  :  En  quel  pays  est-il?  —  En  France. 
Est-il  en  Italie?  —  Non,  il  est  en  France. 

On  peut  remarquer  par  ces  exemples  combien 
est  fausse  la  règle  des  grammairiens  cjui  dit  que 
en  emporte  un  sens  qui  n'est  point  resserré  à  une 


DAN 

idée  singulière;  car  ici  on  se  sert  de  celte  prépo- 
sition, précisément  quand  l'idée  est  singulière, 
en  Italie,  en  Espiigne;  et  l'on  ne  peut  plus  s'en 
servir  quand  elle  est  suivie  d'un  mot  qui  présente 
l'idée  d'une  nianiore  générique;  c'est  alors^au 
contraire,  qu'il  laut  employer  dans.  On  ne  dit  pas 
U  est  an  royaume  de  France,  en  royaume  d'Es- 
pagne; il  faut  nécessaircnieiit  dire  il  est  dans  le 
royaume  de  France,  dans  le  royaume  d'Espa- 
gne. 

D'après  la  règle  que  nous  combatlons,  et  t]ui 
met  toujours  en  avec  un  sens  indélini  ou  indéter- 
miné, et  dans  avec  un  sens  delini  ou  délcrniiné, 
un  étranger  doit  dire  il  est  dans  l'Espagne, 
au  lieu  de  il  est  en  Espagne  ;  et  il  est  en  royau- 
vie,  au  lieu  dei7  est  dans  i/«  royaume;  car  le  mot 
Espagne  présente  une  idée  déterminée,  et  le  mot 
royaume  une  idée  indélerniinée. 

Un  lieu  considéré  sous  les  trois  points  de  vue 
que  nous  venons  d'indicpicr,  offre  toujours  une 
idée  déterminée.  Sous  le  picmier,  le  lieu  est  dé- 
terminé, pui^qu'il  est  considéré  comme  un  point, 
je  vais  à  Paris.  Sous  le  second  il  est  délcrininé, 
puisqu'il  est  considéré  comme  contenu  dans  des 
bornes,  dans  des  limites  :  Nous  entrons  dans 
l'Espagne  ;  nous  serrons  des  hardes  dans  une 
armoire.  Sous  le  troisième  il  est  déterminé,  puis- 
qu'il est  considéré  comme  distingué,  séparé  d'un 
autre  lieu  ou  de  plusieurs  autres  lieux  :  Il  est 
en  ville,  il  est  en  France,  faille  est  déterminé 
par  rapport  a  la  maison  de  celui  dont  on  parle; 
France  l'est  par  rapport  aux  autres  pays.  On  ne 
dit  pas  en  Paris,  en  Lyon,  en  Bordeaux,  pai'ce 
que  les  Uuuis  propres  Paris,  Lyon,  Bordeaux, 
indi(iueiit  des  lieux  qui  ne  sont  considérés  que 
comme  des  enceintes  circonscrites  par  des  bornes 
.  ou  des  limites. 

On  ne  met  pas  non  plus  en  devant  les  noms  de 
provinces  dans  la  composition  desquels  il  entre 
un  article,  comme  le  Maine,  le  Perche  ;  pàixc 
que  ces  nom^  ont  été  dans  l'origine  des  noms  de 
lieux  particuliers  que  l'on  a  étendus  à  des  pro- 
vinces, mais  qui  n'en  ont  pas  moins  conservé  les 
rapports  de  leur  origine.  Ainsi  on  dit  aller  au 
Maine,  au  Perche,  et  être  au  Maine,  au  Per- 
che. Ou  ne  dit  pas  en  Pérou,  en  Mexique,  etc.; 
parce  qu'a  cause  de  leur  éloignement,  ces  empi- 
res, successivement  découverts,  n'ont  été  consi- 
dérés »u  commencement  que  comme  des  lieux 
particuliers,  et  que  leurs  noms  ont  conservé  les 
rapports  propres  à  ces  premières  idées.  On  dit 
donc  il  est  allé  au  Mexique,  au  Pérou;  être 
au  Pérou;  ce  sont  des  exceptions;  mais  on  dit 
aller  en  Amérique ,  être  en  Amérique  ,  parce 
qu'on  a  inventé  ce  nom  pour  l'appliquer  a  un 
pays  d'une  grande  étendue. 

On  peut  voyager  en  carrosse,  en  diligence,  en 
cabriolet,  cacliarrelte,c\\  chaise  de  poste.  Quand 
je  dis  que  je  \oyageen  chaise  de  ;?oi/e,  j'indique 
cette  voilure  par  opposition  à  toute  autre,  à  l'ex- 
clusion de  touic  auirc.  Mais  si  je  n'ai  pas  inten- 
tion de  marquer  celte  opposition,  cette  distinc- 
tion, cette  exclusion,  et  ([ue  je  ne  veuille  consi- 
dérer la  chaise  de  poste  que  comme  un  lieu  cir- 
conscrit dans  lequel  je  suis  ou  je  puis  être  con- 
tenu, je  ne  me  sers  plus  de  la  proposition  en, 
mais  j'emploie  dans  pour  marquer  ce  rapport. 
Ainsi  l'on  dit  j'étais  dans  ma  chaise  de  poste 
quand  je  vous  ape7'çus ;  je  voyageais  dans  ma 
chaise  de  poste.  Je  disje  monte  eu  voiture  (\ud.n([ 
je  veux  marquer  que  je  quitte  la  terre  puur  pas- 
ser en  voilure;  il  y  a  opposition  de  lieu.  Mais  je 
dis  je  monte  dans  la  voiture,  je  monte  dans  ma 


DAT 


189 


voiture,  quand  je  n'ai  en  vue  que  mon  entrée 
dans  la  vuilurc  qui  va  me  contenir. 

On  peut  exercer  un  commerce  en  chambre,  en 
magasin,  en  boutique  ;  et  chacune  de  ces  expres- 
sions, au  moyen  de  la  préposition  en,  est  oppo- 
sée aux  deux  autres.  Mais  s'il  n'est  point  (|ucs- 
tion  de  cette  opposition,  ei  seulement  du  lieu 
circonscrit  propre  à  contenir,  c'est  de  la  |)répo- 
silion  dans  que  je  me  servirai.  Je  dirai  donc  il 
travaille  dans  la  boutique,  dans  le  magasin,  dans 
sa  chambre 

Un  prédicateur  est  en  chaire,  lorsqu'il  n'est 
plus  à  l'endroit  où  il  était  avant  (jue  d'y  mon- 
ter; il  est  dans  la  chaire  lorsqu'il  y  est  renfer- 
mé. Etre  en  prison,  c'est  n'élre  pas  libre  de  sor- 
tir d'un  lieu  où  l'on  est  ;  être  dans  une  prison, 
c'est  èlre  renfermé  entre  les  murs  d'une  prison. 
Etre  en  l'air,  c'est  ne  plus  toucher  à  terre;  être 
dans  l'air  ou  dans  les  airs,  c'est  èlre  environné 
de  l'air,  être  au  milieu  de  l'air.  Etre  dans  Veau, 
c'est  élreenvirunné  d'eau  ;  éti-e  eu  eau,  c'est  être 
dans  un  état  de  transpiration  extraordinaire,  dis- 
tingué de  tout  autre  état  de  transpiration. 

On  dit  être  en  chemise,  en  veste,  en  habit, 
en  pantalon,  etc.  ;  et  dans  chacune  de  ces  ex- 
pressions en  distingue  chacun  de  ces  états  de 
tous  les  autres;  mais  on  dit,  sans  marquer  cette 
opposition,  il  était  enveloppé  dans  sa  redingote, 
je  passe  mes  jambes  dans  mon  pantalon,  mes 
bras  dans  les  manches  de  mon  habit. 

En,  marquant  un  rapport  de  lieu,  indique 
donc  toujours  opposition,  distinction,  l.e  même 
caractère  se  remarque  quand  celle  préposition 
marque  un  rapport  de  temps,  cl  elle  diffère  de 
même  de  la  préposition  dans.  Nous  sommes  en 
hiver  se  dit  à  l'exclusion  des  trois  autres  sai- 
sons ;  nous  sommes  dans  l'hiver  se  dit  par  rap- 
port aux  deux  époques  entre  lesiiucllos  l'hiver 
est  couq)ris.  On  dit  7ious  entrons  dans  l'hiver,  et 
non  pas  nous  entrons  en  hiver.  Je  ferai  cet  ou- 
vrage en  deux  jours  se  dit  par  opposition  à  un 
temps  plus  ou  moins  long  qu'on  pourrait  y  em- 
ployer. Je  ferai  cet  ouvrage  dans  deux  jours  se 
dit  sans  opposition,  seulement  par  rapport  à  l'es- 
pace de  temps  après  lequel  on  commencera  l'ou- 
vrage. 

Dans  tous  les  autres  cas  où  l'on  emploie  la  pré- 
position <?7i,elle  emporte  toujours  celle  idéed'op- 
posiiiou,  de  distinction,  d'cxclusiun.  Etre  en  vie 
est  opposé  à  n'élre  pas  mort  ;  être  en  santé,  c'est 
n'élre  pas  malade;  être  en  liberté,  c'est  n'élre  pas 
esclave  ou  détenu.  On  met  un  homme  en  liberté 
quand  on  le  fait  sortir  de  prison  ;  il  était  en  pri- 
son, il  est  en  liberté,  (.es  deux  états  sont  oppo- 
sés et  s'excluent  l'un  l'autre. 

On  est  en  paix  quand  on  n'est  pas  en  guerre, 
en  guerre  quand  on  n'est  pas  en  paix-jE";;  marque 
l'opposiiion  entre  l'iui  et  l'autre  éiat;  mais  on  dit 
le  commerce  et  les  beaux-ai-ts  fleurissent  ilstn'ila 
paix  ;  des  cruautés  s'exercèrent  dans  la  guerre. 
11  n'y  a  point  là  d'opposition,  il  ne  s'agit  que  de 
ce  qui  se  passe  dans  la  guerre  ou  dans  la  paix 
On  (lit  qu'««e  armée  est  rangée  en  bataille,  par 
opiiosilion  aux  autres  manières  dont  elle  peut 
être  rangée  ou  disposée.  Dans  la  bataille,  et  non 
pas  en  bataille,  on  distingua  un  soldat  qui  fit 
des  prodiges  de  valeur;  il  n'y  a  (>oinl  la  d'op- 
position. Etre  en  prière  manpie  exclusion  de 
toute  autre  occupation.  Dans  la  prière  on  élève 
son  cœur  ù  Dieu  ;  il  n'y  a  point  la  d'opposition; 
dans  marque  l'action  de  la  prière  d'une  manière 
absolue. 

Datif.  Subst.  m.  On  prononce  le/".  Ce  mot  est 


J90 


DE 


un  terme  ilo  çrainniaire  pour  les  langues  qui  ont 
des  cas.  ^'oyez  Cas. 

Davvmace.  Adv.  Cet  adverbe  était  autrefois 
suivi  de  que;  aujourd'hui  on  ne  reni|iioie  plus 
avec  celle  conjonction.  11  ne  faut  |kis  conroiidrc 
plus  avec  davantage.  Voici,  d'après  Bcauzce,  en 
quoi  CCS  deux  mots  différent. 

Plus  s'cjnploie  pour  clablir  explicitement  et 
dirccicincnt  une  comparaison.  Daianlage  en 
rappelle  implicilemcnl  l'idée  et  la  i"enversc.  Après 
plus,  on  met  ordinairement  un  (/uc  qui  amène  le 
second  terme  ou  le  terme  conséquent  du  rapport 
énoncé  dans  la  phrase  comparative;  après  da- 
vantage, on  ne  doit  jamais  mcilre  que,  parce  (juc 
le  second  terme  est  énoncé  auparavant.  Ainsi 
l'on  dira,  i)ar  une  comparaison  directe  cl  cxj)!!- 
cite,  les  Bomains  ont  plus  de  bonne  foi  que  les 
Grecs;  mais,  dans  la  comparaison  inverse  et  im- 
plicite, il  faut  dire  les  Grecs  nont  guère  de 
bonne  foi,  les  Romains  en  ont  davantage.  C'est 
une  faute  d'employer  davantage  pour  le  plus. 
On  dit  c'est  celui  que  j'aime  le  idus;  et  non  pas, 
c'est  celui  que  j'aime  davantage. 

Davantage  n'est  guère  bien  placé  qu'après  les 
verbes  :  Je  vous  en  aime  davantage.  Celui-là 
m'aurait  plu  davaiilage,  et  non  pas  m'aurait  da- 
vantage p^;/.  Cependant  lorsiiue  le  verbe  est  à 
l'infinilil,  davatuur/e  peut  le  précéder  :  //.  nest 
rien  qu'oji  doive  davantage  recommander  axtœ 
jeunes  gens  que  de;  ou  bien  il  n'est  rien  qu'on 
doive  recomînander  davantage  auje  jeunes  gens 
que  de. 

De.  Prép.  Elle  sert  à  marquer  différents  rap- 
ports. Nous  en  avons  parlé  au  long  à  l'article 
.îdjectif.  Voyez  ce  mot. 

Je  lui  dispute  tout,  jusqu'à  l'amour  de  Rome. 

(Volt.,  Rome  sauvée,  act.  FV,  se.  Il,  52.) 

Le  vers  précédent  indique  que  l'aviour  de  Borne 
ne  veut  dire  que  l'amour  pour  Borne.  Mais  re- 
marquons, en  passant,  que  tel  est  dans  ces  sortes 
de  phrases  l'inconvénient  de  la  particule  «fe,  que 
souvent  elle  est  susceptible,  par  elle-h;ême,  du 
sens  actif  et  du  sens  passif;  et  que,  pour  éviter 
l'amphibologie,  il  faut  avoir  soin  de  déterminer 
l'un  ou  l'autre.  Ainsi,  dans  ces  vers  de  Racine 
{Britaîinicus,  act.  III,  se.  m,  jl)  : 

Et  nourrir  dans  son  âme 
Le  mépris  de  sa  mère  et  l'oubli  de  sa  femme, 

il  n'y  a  pas  à  se  méprendre  ;  mais  le  second  se- 
rait tout  aussi  bon  dans  le  sens  contraire,  si  l'on 
disait  :  //  souffre  sans  se  plaindre  le  mépris  de 
sa  mère  et  l'oubli  de  sa  femme.  (La  Harpe,  Cours 
de  littérat.) 

D»  deuil  et  de  grandeur,  tout  oiïre  ici  l'image. 

(Volt.,  Oreste,  act.  II,  se.  i,  56.) 

Faute  de  langage,  dit  La  Harpe  :  l'image  exprime 
ici  une  idée  d<'iiiiie,  à  cause  de  l'arûclej  et  la 
particulf!  de,  placée  comme  elle  est,  une  idée  in- 
dé(iiiie.  La  justesse  grammaticale,  conforme  à  celle 
des  idées,  evigel'une  des  deuxconsiructions.  Une 
image  de  deuil  et  de  grandeur,  ou  l'image  du 
deuil  et  de  lu  grandeur.  H  était  facile  de  faire 
ainsi  le  vers  : 

Du  deuil  et  des  grandeurs  tout  offre  ici  l'image. 

[Cours  de  liltcratvre .) 

Que  je  tâche  de  vaincre  un  indigrie  courroux 
El  vous  donner  pour  lui  l'amour  cju'il  a  pour  tous. 
(Con.v.,  Cin.,  act.  III,  se.  IT,  62.) 


DE 

Voyez  Pn'position. 

Quand  on  lit  dans  le  Dictionnaire  ds  l'.lcadé- 
mie:  Couverture  de  mulet,  Cl  couverture  de  che- 
vau-x  ;  gelée  de  pomine,  de  groseille,  Ct  golee  de 
coings  ;  un  pied  d'œillet,  ct  un  pied  d'œillels,  on 
se  demamie  |)Ourquui  ces  seconds  substantifs  sont 
tantôt  au  singulier,  tanlôt  au  |)luriel;  et  l'on  dé- 
sirerait savoir  s'il  n'y  a  jjas  une  règle  pour 
l'emploi  de  l'un  ou  de  l'autre  nombre. 

Simplifions  la  question.  Il  ne  s'agit  ici  que  de 
choses  tirées  ou  extraites  d'un(;  certaine  espèce, 
d'une  certaine  classe  d'elles,  de  l'huile  d'olive; 
ou  de  choses  laites,  composées  d'individus  de 
certaines  espèces,  de  certaines  classes,  comme .7c- 
lée  de  groseilles,  pâle  d'amandes. 

Dans  le  premier  cas,  le  second  mot  ne  prend 
jamais  le  pluriel,  parce  qu'il  a  un  sens  indéter- 
miné, et  qu'il  iiidi(|ue  une  espèce,  une  classe, 
une  sorte.  Dans  le  second  cas.  il  prend  le  pluriel, 
parce  iju'il  a  un  sens  déterminé,  et  qu'il  signifie 
des  individus  d'une  espèce,  d'une  classe,  il'une 
sorte,  qui  cnlrent  dans  la  compusilion  de  la  chose. 
On  dit  de  l'huile  d'olive,  et  non  pas  de  l'huile  d'o- 
lives, parce  que  les  olives  n'cnlient  pas  indivi- 
duellement dans  la  composition  de  l'huile,  mais 
que  l'huile  en  est  tirée,  extraite;  mais  on  dit  un 
baril  d'olives,  une  assiette  d'olives,  parce  que  le 
baril,  l'assiette,  sont  composés  d'un  nombre  d'in- 
dividus de  l'espèce  de  fruit  nommé  olive.  Du 
suc  de  pomme, &\.  non  pastZi/  suc  de  pommes,  parce 
que  le  suc  est  extrait  de  1  e.-^pèic  de  fruit  nommé 
pomme;  el?/«e  marmelade  (/c^wwmes,  [jarcequc 
des  pommes  entrent  individuellement  dans  la 
composition  de  la  marmelade.  Des  queues  de  cite- 
rai, du  crin  de  cheval,  sont  tirés  de  l'espèce  d'a- 
nimal nommé  cheval;  une  troupe  de  chevaux  est 
composée  de  plusieurs  individus  de  cette  espèce. 
Un  troupeau  de  moutons  est  composé  de  plu- 
sieurs individus  de  l'espèce;  des  gigots  de  mou- 
ton sont  tirés,  séparés  de  quelque  animal  de  l'es- 
pèce. Un  bouquet  de  roses  est  composé  de  plu- 
sieurs individus  que  l'on  nomme  des  roses;  un 
bouquet  de  jasmin  est  tiré  d'une  espèce  de  plante 
que  l'on  nomme  jasmin.  De  l'eau  de  poulet  est 
tirée  d'une  espèce  d'animal  que  l'on  nomme  pou- 
let ;  une  fricassée  de  poulets  est  composée  de 
plusieurs  individus  qui  portent  ce  nom.  On  dit 
de  ta  gelée  de  groseilles,  et  non  de  la  gelée  de 
groseille,  parce  que  les  groseilles  entrent  indivi- 
duellement dans  la  composition  de  cette  espèce 
de  confiture;  et  l'on  dit  du  sirop  de  groseille,  du 
sirop  de  citron,  parce  que  le  sirop  est  tiré  de  la 
groseille,  du  citron,  et  que  ces  fruits  n'entrent 
pasindividuelleiucnt  dans  sa  composition.  On  dit 
de  la  gelée  de  viande,  de  poisson,  parce  <]ue  la 
viande,  le  poisson,  n'entrent  pas  comme  indivi- 
dus dans  la  composition  de  celte  gelée.  Conserve 
de  7iiauve,  de  romarin,  de  capillaire,  de  violette, 
il  s'agit  d'espèces;  conserve  de  pistaches,  de  ci- 
tro7is,  de  roses,  il  s'agit  d'individus.  Pâte  d'a- 
mandes, de  pommes,  d'abrn^ots,  de  cerises,  de 
raisins,  composée  avec  des  amandes,  des  pom- 
mes, etc.  De  la  fécule  de  pomme  de  terre,  tirée, 
extraite  de  la  pomme  de  terre;  un  ragoût  de 
pommes  de  terre,  fait  avec  des  pommes  de  terre. 
Des  morceau.T  de  brique,  tirés  de  [ilusicurs  bri- 
ques; une  muraille  de  briques,  composée  de  bri- 
ques. 

Quand  il  ne  s'agit  ni  d'extraction,  ni  de  com- 
posilion,  il  faut  examiner  si  le  second  mot  est 
pris  dans  un  sens  général  et  indéfini,  ou  dans  un 
sens  particulier  ou  individuel:  dans  le  premier  cas, 
ce  second  mot  ne  prend  point  de*;  dans  le  second,  il 


DÉB 

e»  prend  un.  Des  (jens  de  plume  sont  des  gens 
qui  se  servenl  de  la  |)lunie  en  général,  qui  vivent 
du  travail  de  la  pliinic  en  général.  Des  caprices 
de  femme  sont  des  caprices  que  l'on  attribue  au 
sexe  en  général  ;  une  pension  de  femmes  est  com- 
posée d'individus.  Ou  ■,ï\)\)cl\c  marchand  de  plume 
celui  qui  vend  en  masse  de  la  plume  pour  l'aire 
des  lits,  des  oreillers,  de.  ;  xin  marchand  de  plu- 
mes est  un  marcliaud  qui  vend  des  plumes  a 
écrire;  c'est  le  sens  individuel.  Un  marchand 
d'arbres,  un  marchand  d'estampes,  une  mar- 
chande d'abricots,  toutes  ces  choses  se  vendent 
par  individus.  Un  marchand  de  paille,  un  mar- 
chand de  foin  ne  vend  pas  indivulucllcment  une 
paille,  deux  pailles,  etc.,  il  vend  en  masse  des 
parties  tirées  de  rcspére.  On  dit  une  marchande 
de  poisson,  Y'M'cc  ([uc  le  poisson  ne  se  vend  pas 
toujours  individuellement,  mais  souvent  par 
morceaux,  jjar  tranches,  comme  la  morue,  le 
saumon,  la  raie,  etc.;  maison  dil«/(e  marchande 
de  carpes,  d'écrevisses,  parce  (lue  les  carpes  et 
les  écrevisses  se  vendent  ainsi.  Un  marchand  de 
rin  est  un  marchand  (]ui  vend  en  général  l'espèce 
de  liqueur  que  l'on  appelle  vin  ;  mais  si  l'on  vou- 
lait indi(pier  des  espèces  [)articulièrcs,  il  l'audrail 
dire,  par  exenq)le,  un  marchand  de  vins  fins.  On 
dit  de  même  un  marchand  de  drap,  de  toile;  cl 
xin  marchand  de  draps  de  Louviers  et  d'Elbeuf, 
un  marchand  de  toiles  blanches,  de  toiles  r/ri- 
ses,  etc.  Voyez  Adjectif. 

Dé.  Particule  prépositive  qui  se  met  au  com- 
mencement de  certains  mots.  (Quelquefois  elle 
est  ampliative,  c'est-à-dire  qu'elle  sert  a  étendre 
la  signilication  du  mot,  comme  ûansdiclurer,  dé- 
couper, détremper,  dévorer.  D'autres  l'ois  elle  est 
négative,  et  sert  à  maniuer  la  suppression  de  l'i- 
dée énoncée  par  le  mol  simple,  conune  dans  dé- 
barquer, décamper,  dédire,  défaire,  dégénéré, 
déloyal,  démasqué,  dénaturé,  dépourvu,  dérègle- 
ment, désabuser,  dévaliser. 

DÉB,\G0CLEn ,  DÉB.\G00LEnR.  Tcrmcs  ti'és-Las 
qui  ne  méritaient  pas  d'élre  recueillis  par  l'Aca- 
démie. 

DÉBAPTISER.  V.  a.  de  la  d'*  conj.  On  ne  pro- 
nonce paslcjo.  L'Académie  dit  qu'il  n'est  guère 
d'usage  que  dans  cette  phrase,  il  se  ferait' plu- 
tôt débaptiser  que  de  faire  telle  chose.  Voltaire 
a  dit  dans  l'Ingénu  chap.  v),  si  l'on  vie  prive  de 
la  belle  Saint-Yves,  sous  prétexte  de  jnon  bap- 
tême, je  vous  avertis  que  je  l'enlève  et  que  je 
me  débaptise. 

*Débarbariser.  V.  a.  de  la  1"'  conj.  L'Acadé- 
mie ne  l'a  i)oinl  mis  dans  son  Dictionnaire.  Vol- 
taire a  dit  :  Nos  welchcs  du  parterre,  qu'on  a  eu 
tant  de  peine  À  dcliarhariser,  «e  doutent  très-ra- 
rement si  une  pièce  est  bien  écrite. 

DÉBARBODiLLER.  V.  a.  de  la  1"^'  conj.  On  mouille 
les  II. 

Débarras,  Débarrasser.  Dans  ces  deux  mots, 
on  ne  prononce  qu'un  r. 

DÉB.iTTRE.  \ .  a.  et  irrégulier  de  la  4'  conj.  11 
se  conjugue  comme  battre,  ^■oyez  ce  mot. 

Corneille  a  dit  dans  Nicomède  (act.  V,  se.  v, 
44). 

Amusei-le  du  moins  à  débattra  avec  vous. 

Débattre,  dit  Voltaire,  est  un  verbe  réfléchi 
qui  n'emporte  point  son  action  avec  lui.  Il  en  est 
n\nsi  ûe  plaindre,  co7irenir.  On  dit  se  plaindre, 
se  contenir,  se  débattre.  Mais  quand  débattre  est 
actif,  il  faut  un  sujet,  un  objet,  un  régime  :  Nous 


DÉB 


191 


avons  débattu  ce  point,  cette  opinion  fut  débat- 
tue, [liemarquvs  svr  Corueille  ) 

DÉncT.  Subsi.  m.  On  lait  sentir  le  t  iinal. 

Débiffer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Vieux  mot  qui 
n'est  plus  usité,  et  (pie  r,\cadémiea  recueilli  dans 
son  Dictionnaire.  11  signiliait  gûter  le  tempéra- 
ment, rendre  dilTirme,  déliijùrer.  L'.\e;!démie 
prétend  qu'on  dit  en  ce  sens  être  tout  débi/fé,  et 
visage  debiffé,  estomac  débiffé.  Ou  ne  sérail  pas 
compris  si  l'on  employait  aujourd  hui  ces  expres- 
sions. 

Dkbile.  Adj.  des  deux  genres.  L'Académie  le 
drlinii,qui  manque  de  forces.  Mais /fu'4Z<?  signifie 
aussi  (pii  mamiue  de  forces,  et  cependant  ces  ad- 
jectd's  ne  [leuvent  être  employésl'un  pour  l'autre. 
—  Le  sujet  faible  n'a  pas  assez  de  force  relative; 
le  sujet  débile  est  d'une  grande  faiblesse.  Le  i)re- 
mier,  fort  juscju'a  un  certain  point,  ne  rcuq)lit 
bien  (pi'uuc  certaine  carrière;  le  second,  avec  un 
air  toujours  faible, ne  la  remplit  <iue  dil'lirilement. 
Une  vue  faible  ne  soutient  pas  le  grand  jour;  le 
joiu-  faliçue  une  vue  débile.  Un  estomac  faible 
digère  bien  une  certaine  dose  d'aliments;  un  es- 
tomac dibile  digère  toujours  mal.  L'esprit  faible 
n'a  pas  assez  de  force  pour  résister,  pour  [icnser 
et  agir  d'après  lui  contre  le  vœu  d'un  autre;  il 
est  subjugué  par  l'ascendant  (|ue  vous  prenez  sur 
lui;  l'esprit  débile  n'a  pas  la  force  de  se  détermi- 
ner, de  penser,  d'agir  d'après  lui-même  et  avec 
suite;  il  obéit  a  l'impulsion  (pic  le  premier  objet 
lui  donne.  Faible  est,  tant  au  propre  qu'au  fi- 
guré, d'un  usage  inliiiiment  plus  étendu  (pic  dé- 
bile. Un  soutien,  un  appui,  un  moyen,  un  ressort, 
un  roseau,  un  mur,  une  poutre,  une  monnaie,  un 
ouvrage,  un  discours,  un  raisonnement,  etc., 
sont  faibles  et  non  débiles.  C'est  par  le  privilège 
de  poète  que  Boileaua  dit  un  débile  arbrisseau. 
Dcbile  ne  s'applique  guère  qu'aux  animaux ,  à 
leurs  facultés,  à  leurs  membres,  et,  par  analogie, 
à  cerlaiiies  facultés  spirituelles  de  l'homme  : 
ainsi,  l'on  dira, aussi  bien  dans  le  style  simple  (pic 
dans  le  style  élevé,  (pic  l'esprit  devient  débile 
comme  le  corps,  à  mesure  ([u'on  vieillit.  L'em- 
jdoi  ligure  de  ce  mot  est  très-bon  lors(iu'il  s'agit 
de  désigner  dans  le  moral  un  rapport  actuel  et 
intime  avec  le  physi(iuc. — Cet  adj.  peut  se  mettre 
avant  son  subst.  lorsiiue  l'analogie  et  l'harmonie 
le  i)erniellent.  On  ne  dit  ])as  un  débile  corps, 
mais  on  dit  un  débile  enfant,  un  débile  vieillard. 
Voyez  Adjectif 

Débitelt..  Subst.  m.  Qui  doit.  En  parlant 
d'une  femme  on  dit  débitrice.  Dans  le  sens  de 
débiter  des  nouvelles,  on  dit  au  féminin  deôi- 
leuse. 

Déblayer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conjuguî 
comme  payer.  Voyez  ce  mot. 

Débonnaire.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  après  son  subst.,  (juand  l'analogie  cl  l'har- 
monie le  permettent:  Caractère  débonnaire  ;  hu- 
meur débonnaire ,  cette  débonnaire  humeur.  Un 
homme  débonnaire,  et  non  pas  mm  débonnaire 
homme,  ^'oyez  Adjectif. 

Débord.  Subst.  m.  11  n'est  pins  usité  qu'en 
tenues  de  monnaie,  pour  signilier  ce  (}ui  est  au 
delà  des  cordons  de  la  légende;  et  r.\cadéinic  ne 
le  dit  point  en  ce  sens. 

Déborder.  V.  n.  On  lit  dans  le  Dictionnaire 
de  l'Académie,  la  rivière  a  débordé,  lu  rivière 
est  débordée.  Le  premier  exprime  l'action,  le  se- 
cond l'état. 

DÉBOUCHÉ,  DÉBOccHEMENT.  Substanlifs  mascu- 
lins. L'Académie  dit  ces  deux  mots  d'un  moyen 
de  se  défaire  des  marchandises  ou  des  billets 


192 


DEB 


dont  il  n'esl  pas  aise  de  trouver  le  débit  ou  de 
faire  un  bon  emploi.  Le  premier  se  dit  en  ce 
sens  :  On  cherche  vn  débouché  poitr  ses  marchan- 
dises, pour  ses  billets;  le  second  ne  se  dit  |)ius. 
Debout.  Adv.  Les  poètes  disent  (pieI<|uefois 
être  debout  dans  le  sens  de  subsister  encore  : 

IIj  TÎTenl  cepeiuljnt,  et  leur  temple  esl  debout. 

(lUc,  a<h.,acl.  II,  se.  V,  138.) 

Aacine  a  dit  aussi  dans  un  autre  sens(y^Ma/i>, 
act.  V,  se.  IV,  8)  : 

Songei  qu'autour  de  tous. 
L'ange  exteruiinateur  esl  debout  avec  nous. 

Débris.  Subsl.  m.  Racine  a  souvent  employé 
débris  au  singulier  : 

Il  n'a  point  détourné  ses  regards  d'une  fille, 
Seul  reste  du  débrit  d'une  illustre  famille. 

[Britan.,  act.  II,  se.  ui,  29.) 

D'un  malhenreux  empire  acheter  le  débris. 

(Mithrid.,  act.  I,  se.  I,  18.) 

Quel  dibriê  parle  ici  de  Tolre  résistance? 

(Iphig.,  act.  IV,  se.  iv,  94.) 

Par  une  belle  chute  il  faut  me  signaler, 

Et  laisser  un  débrii,  du  moins  après  ma  fuite. 

Qui  de  mes  ennemis  retarde  la  poursuite. 

{Baj.,  act.  lY,  se.  vil,  36.) 

Chargeant  de  mon  débrtt  les  reliques  plus  chères. 
(Baj.,  act.  III,  se.  il,  31.) 

On  a  remarque  sur  ce  dernier  vers  qu'on  ne  dit 
point  le  débris  de  quelqu'un.  Voltaire  met  ordi- 
nairement débris  au  pluriel: 

Ces  califes  tremblants  dans  leurs  tristes  grandeurs, 
Conchés  sur  les  débrie  de  l'autel  et  du  trône. 

[Zaïre,  act.  I,  »c.  11,  16.) 

Ad  milieu  des  d^brzt  des  temples  renversés. 

[Idem,  act.  II,  se.  I,  77.) 

k.  peine  as-tu  caché  sous  ces  rocs  escarpés 
Quelques  tri$tes  débris  au  naufrage  échappés. 

(Oreste,  act.  II,  se.  i,  9.) 

Dans  ses  sombres  fureurs  Âssur  enveloppé 
Rassemble  les  débris  d'un  parti  dissipé. 

{Sémir.,  act.  V,  se.  l,  57.) 

Amis,  il  faut  tomber  sous  les  débris  des  lois, 

(ifort  de  César,  aci.  II,  te.  m,  2.) 

Sur  les  débris  d'un  trône  écrasé  par  vos  mains. 

(Brut.,  act.  III,  se.  vu,  26.) 

Près  de  ce  Capitole  où  régnaient  tant  d'alarmes. 
Sur  les  pompeux  débris  de  Bellone  et  de  Mars, 
Un  pontife  est  assis  au  trône  des  Césars. 

{Henr.,  IV,  179.) 

Delille  l'emploie  aussi  ordinairement  au  pluriel  : 

Alors  s'offrent  aux  yeux,  flottant  de  toutes  parts. 
Un  mélange  confus  de  voiles,  d'étendards. 
Les  débris  d'Uion,  son  antique  opulence. 

[Énéid..  I,  171.) 

Et  leurs  mains  diligentes 
Reeaeillent  les  débris  de  leurs  rames  flottantes. 
{Enéid.,  Y,  285.) 

Sergeste,  qui,  tâchant  de  reprendre  son  cours. 
Luttant  contre  son  roc,  implorant  du  secours, 
Bisayfcit  vainement  quelques  débris  de  rames. 
(Énéid.,  V,  297.) 


DEC 

Partout,  chez  ce  poëte,je  trouve  rfe'irtï  au  plu- 
riel, excepté  dans  les  deux  passages  suivants  : 

Au  moment  où  sa  bouche. 
Comme  un  gouffre  profond  revomit  sur  sa  couche, 
Parmi  des  Ilots  de  sang,  la  chair  des  malheureux. 
Effroyable  débris  de  son  festin  affreux. 

{Énéid.,  111,  870.) 

Ici,  la  chair  des  malheureux,  étant  au  singulier, 
on  ne  peut  pas  dire  (jue  la  chair  des  malheureux 
sont  des  débris.  I.c  singulier  est  donc  selon  les 
règles.  Il  en  est  de  même  dans  les  vers  suivants 
néid.,  VI,  633)  : 

Déiphobe  soudain  frappe  ses  yeux  surpris, 
De  la  race  des  rois  misérable  débris. 


{é> 


Déiphobe  ne  peut  pas  être  des  débris.  Je  crois 
que  c'est  seulement  dans  des  cas  semblables  que 
l'on  peut  employer  débris  au  singulier. 

Décacheter.  V.  a.  dclal"conj.  Il  se  conjugue 
comme  cacheter.  Voyez  ce  mot. 

Décadence.  Subst.  f.  Le  père  Bouhours  a  dit, 
et  l'usage  aconfiriné  que  ce  mot  ne  s'emploie  qu'au 
ligure.  On  dit  qu'wn  empire  tombe  en  décadence  ; 
mais  on  ne  dit  pas  qu'j/«e  maison,  qu'un  palais 
tiivibe  en  décadence;  on  dit  (ju'iZs  tombent  en 
ruine. — Quand  on  dit  qu'«ne  maison  tombe  en 
décadence,  c'est  que  le  mot  maison  est  pris  pour 
famille. 

Décalquer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Voyez  Cal- 
quer. 

Décampkh  V.  a.  de  la  1"  conj.  Quoique  l'Aca- 
démie ne  donne  à  ce  mot  que  l'auxiliaire  aroir,  il 
est  certain  qu'on  le  conjugue  aussi  avec  l'auxi- 
liaire être.  Madame  de  Sévigné  a  dit,  les  troupes 
sont  décampées.  Avec  l'auxiliaire  avoir,  ce  verbe 
signifie  une  action  :  les  troupes  ont  décampé  hier 
matin  ;  avec  l'auxiliaire  être,  il  signifie  l'état  qui 
résulte  de  l'action  de  décamper  :  Je  me  rendis  au 
camp,  et  je  vis  avec  surprise  que  les  troupes 
étaient  décampées. 

Décanat.  Subst.  m.  Le  t  ne  se  prononce 
point. 

Décéder.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Ce  mot  ne  se 
dit  qu'en  termes  de  palais  et  d'administration. 
Dans  le  langage  ordinaire  on  dit  mourir.  —  Dans 
un  acte  de  notaire,  ou  un  prorés-verbal,on  dit  le- 
quel est  décédé  le...  ;m\\\s  ailleurs  on  dit /non  frère 
est  mort,  et  non  pas  mon  frère  est  décédé. 

Déceler.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce"verbe,  toutes  les  fois  que  le  l  est  suivi 
d'un  e  inuct,on  met  un  accent  grave  sur  Ve  qui 
précède  :  Je  décèle,  je  décèlerai. 

Décemment.  Adv.  On  peut  le  mettre  avant  le 
verbe  :  Il  est  décemment  vêtu,  il  est  vêtu  décem- 
ment. 

Décemviral,  Décemvirale.  Adj.  Il  se  met  tou- 
jours après  son  subst.  On  ne  trouve  nulle  part 
décemviraux  au  pluriel;  mais  si  l'on  avait  besoin 
de  ce  terme,  je  ne  vois  pas  pourquoi  on  ne  l'em- 
ploierait pas. 

Décemvirat.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas 
loi. 

Décence.  Subst.  f.  Féraud  prétend  qu'on  dit 
décences  au  pluriel,  et  il  cite  à  l'appui  de  son  as- 
sertion la  phrase  suivante  d'un  ai:leur  obscur: 
Philippe,  bravant  toutes  les  lois  et  toutes  les  dé- 
cences.— On  ne  dit  p:is  des  décence.^,  comme  on 
dit  des  bienséances.  Des  bienséances  sont  des 
actions  conformes  aux  temps,  aux  lieux,  aux  per- 
sonnes, et  ces  actions  sont  de  différentes  sortes. 


DEC 

La  décence  est  la  conformité  des  actions  avec  les 
temps,  les  lieux,  etc.;  et  cette  conformité  est 
une:  On  met  de  la  décence  dans  ses  actions; 
mais  des  actions  décentes  ne  sont  pas  des  dé- 
cetices. 

Décennal,  Décennale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.  :  Maaistrature  décennale,  fête 
décennale.  11  fait  au  pluriel  décennaux  :  F'œiix 
décennaux,  jeux  décennaux. 

Décent,  Décente.  Adj.  On  i>('Ul  tpiejqnefois  le 
mettre  avant  son  subst.,  (M)  c()n^ultant  l'oreille  et  l'a- 
nalogie :  Un  homme  décent,  une  femme  décente, 
des  manières  décentes,  une  conduite  décente, 
cette  conduite  décente,  ces  décentes  manières. 

*  Déceptif.  Adj.  Trompeur,  séduisant. 

Ce  présent  déceptif  3.  bu  toute  leur  force. 

(Corn.,  Médée,  act.  lY,  se.  ii,  25.) 

Déceptif  n'est  pas  bon,  mais  il  est  là,  et  ce  passage 
de  Médée  est  remartjuable  par  le  style,  comme 
une  très-grande  partie  de  cette  tragédie  si  mépri- 
sée. (Ch.  Nodier,  Examen  critique  des  Dict.) 

Décès.  Subst.  m.  On  peut  ai)pliquer  à  ce  mot 
les  observations  que  l'on  a  faites  sur  le  mot  décé- 
der. Voyez  ce  mot. 

*  Décesser.  Ce  mot,  qui  n'est  pas  français, 
n'est  mis  ici  que  parce  que  plusieurs  personnes 
l'emploient.  On  dit  abusivement  qn' une  personne 
ne  décesse  de  parler,  pour  dire  qu'elle  parle  con- 
tinuellement. Il  faut  dire,  en  ce  cas,  qu'elle  ne 
déparle  pas,  ou  qu'elle  ne  cesse  de  parler. 

Décevam,  Décevante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
décevoir.  On  pourrait  dans  quelques  cas  le  mettre 
avant  sdu  subst.  :  Un  espoir  décevant;  ce  déce- 
vant espoir. 

Décevoir.  Y.  a.  de  la  3"  conj.  Il  paraît  que  ce 
verbe  est  plus  usité  dans  les  temps  composés  que 
dans  les  temps  simples  : 

Par  quelle  trahison  le  cruel  m'a  déçue  ! 

(Rac,  Iphig.,  act.  Y,  se.  m,  41.) 

Cruelle  !  quand  ma  foi  vous  a-t-elle  déçue  ? 

(Rac,  Phéd.,  act.  I,  se.  m,  St.) 

Déchaînement.  Subst.  m.  Il  ne  se  dit  qu'au  fi- 
guré. On  ne  dit  pas  le  déchaînement  d'un  pri- 
sonnier, pourdire  l'action  de  lui  ôter  ses  chaînes. 
11  signifie  un  emportement  extrême  qui  s'exprime 
par  des  discours  violents  ou  des  paroles  inju- 
rieuses :  Son  déchaînement  contre  cet  homme  est 
extrême,  son  déchaînement  contre  la  philosophie 
est  ridicule. 

Déchaîner.  "V.  a.  de  la  l"conj.  Delille  a  dit 
{Énéid.,ï,15): 

F.lle-même,  lonnanl  du  milieu  des  nuages. 
Bouleversa  les  mers,  déchatna  les  orages. 

Il  se  dit  au  propre  et  au  figuré,  au  lieu  que 
déchaînement  ne  se  dit  qu'au  figuré.  Déchaîner, 
c'est  ôier  la  chaîne  ou  les  chaînes,  détacher  la 
chaîne  ou  les  chaînes;  et  au  ligure,  c'est  exciter, 
animer,  irriter  contre  quelqu'un  ou  quelque 
chose  •  On  Va  déchaîné  contre  vous.  Il  est  dé- 
chaîné contre  la  philosophie. 

*DÉCHALANDEn.  Y.  a.  de  la  1" couj.  Ou dit plus 
ordinairement  désachalander. 

DÉcHAKGE,  Déchabgesient.  Substautifs,  le  pre- 
mier féminin,  le  second  masculin.  Décliarge  se 
dit  des  voilures,  chariots,  etc.,  et  décharge7nent 
des  navires,  des  bateaux,  etc.  — Cependant  l'Aca- 
démie dit  aussi  le  déchargement  d'une  diligence. 

Déchiffr.\ble.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne 


DEC 


lyô 


prononce  qu'un  f.  11  se  met  toujours  après  son 
subst.,  et  ordinairement  avec  la  négation:  Cetl* 
écriture  n'est  pas  déchiffrable,  son  écriture  ft'est- 
elle  pas  déchiffrable? 

Déchiffrement,  Déchiffrer,  Déchiffreur. 
Dans  ces  trois  mots,  que  l'on  ôt-rit  avec  deux  f,  on 
n'en  prononce  qu'un. 

Déchirant,  Déchirante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  déchirer.  Il  ne  se  dit  qu'au  figuré  :  Un  combat 
déchirant  entre  la  tendresse  maternelle  et  la 
piété  filiale.  Il  y  a  dans  celte  tragédie  plusieurs 
situations  décliiranles.  (Voltaire.) 

DÉCHIRE.MENT.  Subst.  m.  Au  propre,  il  ne  se 
dit  guère  que  du  déchirement  des  habits  qui 
avait"  lieu  chez  les  Juifs  pour  marquer  de  la  dou- 
leur ou  de  rindigiiatioM.  On  dit  aussi  //  y  a  eu  dé- 
chirement des  fibres,  des  muscles.  (Acad.,  1S35.) 
Au  ligure,  on  dit  déchirement  d'entrailles,  déchi- 
rement de  cœur,  etc. 

Déchoir.  Y.  n.,  irrégulier  et  défectueux  de  K' 
3"  conj.  Yoici  comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif. — Présent.  Je  déchois,  tu  déchois,  i- 
déchoit;  nous  déchoyons,  vous  déchoyez,  ils  dé- 
choient.—  Iiiiparfuil.  Il  n'est  pas  usité. —  Passl 
simple.  Je  déchus,  tu  déchus,  il  déchut;  nous 
déchûmes,  vous  déchûtes,  ils  déchurent.  —  Fu- 
tur. Je  décherrai,  tu  déchorra^,  il  décherra; 
nous  décherrons,  vous  dôchcrrez,  ils  dccher- 
ront. 

Conditionnel.— /'/•ese/j;.  Je  décherrais,  tu  dc- 
cherrais,  il  décherrait;  nous  décherrions,  von-; 
décherriez,  ils  décherraient. 

Impératif.  —  Présent.  Déchois,  qu'il  déchoie  ; 
déchoyons,  déchoyez,  qu'ils  déchoient. 

Subjonctif. — Présent.  Que  je  déchoie,  que  tu 
déchoies,  qu'il  déchoie;  que  nous  déchoyons, 
que  vous  déchoyez,  qu'ils  déchoient. — Imparfait, 
Que  je  déchusse,  que  tu  déchusses,  qu'il  déchût  ; 
que  nous  déchussions,  que  vous  déchussiez, 
qu'ils  déchussent. 

Participe. —Prtfsewi.  Il  n'y  en  a  point. — Passé. 
Déchu,  déchue. 

Ce  verbe  prend  l'auxiliaire  avoir  ou  l'auxiliaire 
être,  suivant  qu'il  exprime  une  action  ou  un  état: 
Depuis  ce  moment  Ù  a  déchu  de  jour  en  jour,  il 
a  fait  l'action  de  déchoir  II  y  a  longtemps  qu'ils 
sont  déchus  de  ces  privilèges,  il  y  a  longtemps 
qu'ils  n'en  jouissent  plus;  c'est  un  état  qui  ré- 
sulte de  l'action  de  déchoir. 

Yo.s  ennemis,  déchus  de  leur  vaine  espérance, 
Sont  allés  chez  Pallas  pleurer  leur  impuissance. 

(Rac,  Britan.,  act.  II,  se.  Il,  3.) 

DÉCIDÉ,  DÉCIDÉE.  Adj.  Avoir  vn  goût  décidé 
pour  les  beaux-arts.  Expression  qui  s'est  intro- 
duite dans  la  langue  par  abus.  Voyez  Langue 
française. 

DÉCIDÉ.MENT.  Adv.  Il  pcut  sc  mcttrc  avant  ou 
après  le  verbe,  ou  entre  l'auxiliaire  et  le  parti- 
cipe ;  Décidément,  ils  ont  pris  leur  parti;  ils 
ont  pris  décidénient  leur  parti;  ils  07it  décidé- 
ment pris  leur  parti. 

DÉCIDER.  V.  a.  de  la  l"^""  conj.  Décider  une  af- 
faire, une  question.  Décider  quelqu'un  à. . .  Se 
décider  «...  Décider  de  la  vie  et  de  la  mort 
des  hommes.  Décider  de  tout,  décider  sur  tout. 

Décider,  dans  le  sens  de  résoudre,  prendre 
une  résolution,  prend  de  avant  l'infinitif  suivant  : 
H  a  décidé  de  renvoyer  son  domestique. 

*  DÉCIDEUR.  Subst.  m.  Voltaire  a  employé  ce 
mot,  qui  n'est  point  usité,  mais  qui  peut  être  bon 
dans  quelques  cas  particuliers  :  Décideur  impi- 
toyable, pédagogue  à  phrases,  raisonneur  fourré, 

13 


{§4 


DEC 


tu  cherches  les  hnrne.i  de  ton  esprit;  elles  sont  j 
au  bout  de  ton  nez.  (Voltaire.)  j 

Déciileb.  V.  a.  de  la  4"  conj.  L'Académie  a  I 
écrit  desciller,  puis  dessiller.  Il  semlde  qu'il  est  1 
mieux  d'ocrivc  déctller,  puis(|ue  ce  mot  vient  de 
cils. — En  dS35,  IWiadcinio  reconnaît  cette  orlhu-  | 
graphe,  tout  en  iircfcraiit  dessiller.  CU.  JNodicr,  j 
dans  son  Examen  critique  des  dictionnaires,  se 
déclare  pour  ii(ct7/er. 

Décimal,  Dk(;i.mai,e.  Adj.  qui  suit  toujours  son  j 
SUbst.  :  Calcul  décimal,  arithmétique  décimale, 
fraction  dccimule.  Il  n'a  point  de  pluriel  au  mas-  : 
culin. 

DÉCISIF,  Décisive.  Adj.  Il  se  met  toujours  après 
son  sulist.  :  Point  décisif,  bataille  décisive.  — 
Esprit  décisif,  ton  décisif.  Décisif  n'n  pas  exac-  I 
tenieiit  hi  niènic  ^ignilicalion  dans  iin  argument  | 
décisif ,  C\.  vn  homme  décisif.  Un  argument  dé-  \ 
cisif  e>l   un  ari^'unicul  (jui ,  par  sa  force  et  sa  j 
clarté,  décide  la  ([uesliim  et  termine  la  discus-  j 
sion.  Dans  un  homme  décisif,  l'adjectif  emporte 
l'idée  d'un  honiine  qui  s'en  fait  accroire,  (jui  se 
croit  mieux  instruit  ijue  les  autres,  et  (]ui,  d'a- 
près cela,  décide  ou  a  l'habitude  de  décider  avec 
une  certaine  arrogance.  C'est  dans  ce  sens  qu'on 
dit    aussi    vn   ton   décisif,    vn  air  décisif.  — 
Ce  mol  se  prend  en  mauvaise  part  toutes  les 
fois  qu'il   est  appli(iué  aux  personnes  ou   aux 
choses  qui  ont  lapport  aux  personnes.  Lorsqu'on 
dit  vn  homme  décisif,   on  entend  toujours  un 
homme  qui  a  le  défaut  de  décider  avec  une  pré- 
tention maniuce.  J.-J.  Kousseauadit en  ce  sens: 
Rien  iiest  si  décisif  qxie  l'ignorance  ;  et  le  dovte 
est  aussi  rare  parmi  le  peuple  qvc  l'affirmation 
chez  les  rrais  philosophes.  {Discours  sur  cette 
question  :  Quelle  est  la  vertu  la  plus  nécessaire 
avx  héros?  l.  Xlll,  p  437.) 

Décisivehent.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  lï  a  parlé décisivement,  el  non  pas  il  a 
décisivement  pai-lé. 

Décl.imatelr.  Subst.  m.  Selon  l'Académie,  on 
dit  d'un  houiMie  (pii  récite  en  public,  c'est  un 
bcm  déclamateur,  vn  mavrais  déclamalevr;  et 
dans  ce  sens,  on  n'a  égard  qu'au  ion  el  aux 
gestes.  Nous  jiensons  qu'on  emploie  rarement 
celte  expression  en  ce  sens;  on  dit  pluiôt  un 
homme  ipii  déclame  bien,  qui  déclame  mal.  Le 
mot  déclamateur  s'emploie  plus  généralement 
pour  signilier  un  oraleur  boursouflîé,  enqihati- 
que,  fad)le  de  pensée  et  bruyant  d'expression. 
—  On  l'emploie  aussi  adjectivement  :  Ton  décla- 
mateur. En  ce  sens,  il  se  prend  toujours  en  mau- 
vaise part.  \'oyc7.  Déclamatoire. 

DÉCI..4MAT10N.  Subst.  f.  Cc  uiot  sc  prend  en 
bonne  et  en  mauvaise  part.  En  bonne  part,  c'est 
l'expression  du  discours  par  les  traits  du  visage, 
par  le  gf^stc  et  par  la  voix.  On  dit  en  ce  sens /'«r/ 
de  la  déclamation.  Ce  mot,  [)ris  en  mauvaise 
part, se  dit  de  la  fausse  élo(iuence,  de  l'élocpience 
boursouflli'e,  cnqdiatique  cl  bruyante  d'expres- 
sion. Déclamation  se  prend  aussi  en  mauvaise 
part,  dans  réloquence  poétique.  Elle  consisic 
dans  des  moyens  fi)rccs  qu'on  emploie  pour 
(^mouvoir,  on'dansiin  pathétique  qui  n'est  point 
à  sa  place.  {Encyclipédie.) 

DÉctAjiAToir.E.  Adj.  des  deux  genres.  L'Aca- 
démie le  déliiiil,  i;ui  appartient  à  la  déclama- 
tion, el  donne  jiour  exemple,  art  déclamatoire. 
Je  doulc  (pi'oii  le  |)renne  aujourd'hui  en  bonne 
part.  —  La  différence  entre  déclamateur  et  dé- 
clamatoire ,  pris  .-idjectivement ,  c'est,  ce  me 
semble,  (pie  le  j)rciïiicr  se  dit  particulièrement 
du  déclamateur  et  de  ce  qui  a  rapport  au  défaut 


DEC 

qui  le  caractérise;  et  que  déclamatoire  se  dit 
mieux  des  choses  qui  rendent  le  sujet  amiwulé. 
On  dit  bien  un  ton  déclamateur,  et  il  inc  semble 
que  style  déclamatoire  esl  plus  exact  (jue  style 
déclamateur. 

*  Déclaratedr.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  se  trouve 
point  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie.  Vol- 
taire a  appehï  les  théologiens  les  déclara tettrs  des 
commandements  célestes. 

Déclarer.  V.  a.  de  la  i'"  conj.  L'Académie  le 
délinil,  manifester,  faire  connaître.  Déclarer, 
c'est  dire  les  choses  exprés  et  a  dessein,  pour 
en  instruire  ceux  â  (pii  on  ne  veut  pas  qu'elles 
demeurent  inconnues.  Ce  qui  était  inconnu  el 
incertain,  on  le  déclare  en  l'exposant  et  en  l'ap- 
l)uyaut  d'une  manière  positive.  Ce  qui  était  ignoré 
ou  obscur,  on  le  manifeste  en  le  dcvelopi)ant 
ouvertement  ou  en  l'étalant  au  grand  jour. 

Déclin.  Subst.  m.  Voltaire  a  dit  le  déclin  de 
mes  ans  : 

Illustres  chevaliers,  vengeurs  de  la  Sicile, 
Qui  daignez,  par  égard  au  déclin  de  mes  ans. . , 

[TancT.,  act.  I,  se.  I,  I.) 

Ayez  pitié  du  déclin  de  mes  ans. 

(Enf.  prod.,  act.  V,  se.  T,  82.) 

DÉCLINABLE.  Adj.  dcs dcux  genres.  II  se  dit  des 
noms  qui,  dans  les  langues  transpositives,  va- 
rient leiu's  désinences  selon  les  cas  des  déclinai- 
sons de  ces  langues.  Il  se  met  après  son  subst.  : 
Les  noms  de  la  langue  lutine  sont  déclinables. 
Les  noms  de  la  langue  française  ne  sont  pas  dê- 
clinubles. 

On  appelle  invariables  ceux  qui  ne  prennent 
ni  la  marque  du  féminin  ni  celle  du  pluriel  :  Les 
adverbes  sont  invariables. 

Décocher.  V.  a.  de  la  l'«  conj.  On  l'emploie 
figurément  : 

Et  que  feront  fous  les  traits  satiriques 
Que  d'un  bras  faible  il  décoche  aujourd'hui? 

(Volt.,  Épttre  XXÏV,  1&4.) 

DÉcotLETER.  V.  a.  et  n.  de  la  l'«  conj.  Lors- 
que le  t  est  suivi  d'un  e  muet,  on  met  un  accent 
grave  sur  ïe  qui  précède  :  f^ovs  avez  là  un  ha- 
bit qui  décolleté  beaucoup.  (Acad.) 

Décoloration.  Subst.  f.  De  décolorer  on  a  fait 
décoloration,  mot  nouveau  qui  peut  être  utile  : 
f^oici  novembre,  voici  lu  chute  des  feuilles,  le 
départ  des  beaus  jours  cl  le  triste  marnent  de  la 
dt-colo ration  de  la  nature.  —  L'Académie  adinel 
ce  mol  dans  sa  nouvelle  édition,  mais  seulement 
comme  terme  de  médecine  :  Jm  décoloration  de 
la  peau. 

Décoloré,  Décolorée.  Participe  et  adj.  Il 
s"em|)loie  au  figuré.  On  dit  un  style  décoloré, 
une  figure  décolorée. 

Décombres.  Subst.  m.  pluriel.  Menus  débris 
d'un  ouvrage  de  maçonnerie  qu'on  a  abattu  ou 
démoli  :  Il  faut  eidever  tous  ces  décombres . 

Décompte,  Décompter.  Dans  ces  deux  mots 
on  ne  prononce  point  le  p. 

Déconseiller.  V.  a.  de  la  4"  conj.  On  mouille 
les.^ 

*  Déconstrdire.  V.  a.  de  la  4'  conj.  Mot  nou- 
veau. En  parlant  d'une  mtichinc,  démonter  si- 
giiilîela  même  chose,  el  pour  les  bâtiments  nous 
avons  démolir.  Déconstruire  esl  donc  inutile  au 
propre.  Au  figuré,  en  parlant  do  discours,  de 
phrases,  de  vers,  le  mol  déconslruire  esl  utile. 
On  construit  une  phrase,  et  l'arrangement  des 


DEC 

mots  dans  l'ordro  convenable  s'appelle  construc- 
tion. On  ne  penl  applicpier  ici  ni  démonter  ni 
démolir.  Il  niaïKpiail  donc  un  mol  i)iiur  signilier 
le  dérangement  de  consiruclion  d'un  discours, 
d'une  i)l)rase,  d'un  vers,  l.a  Harpe  a  exprimé 
heureusement  celte  idée  jiar  déconstruire.  Dé- 
conslruire  vne  phrase,  déconstruire  des  vers. 
Des  vers  déconstruits,  devenus  semblables  à  de 
la  prose  par  la  su[tpression  de  la  rime  et  de  la 
mesure:  La  poésie  française  déconstriiite  res- 
se table  à  de  Ve.vcellente prose.  [Cours  de  littéra^ 
turc.)  — Nous  pensons  que  l'on  pourrait  cin- 
])loycr  dans  le  même  sens  le  substantif  décon- 
struction . 

Décorum.  Subst.  m.  tiré  du  latin.  Il  n'a  point 
«le  ])luriel.  Garder  le  décorum,  c'est  garder  les 
bienséances. 

Découdre.  Y.  a.  et  irréç.  de  la  i"  conj.  11  se 
conjugue  comme  coudre.  Voyez  ce  met. 

*Découviîeur.  Siibst.  m.  ISiot  inusité  qui  peut 
être  quelquelois  bien  placé.  Voltaire  a  dit  :  Quel 
fut  le  pris  des  sennces  inouïs  de  Cor/ez9  ce- 
lui qu'eut  Colomb.  Il  fit  persécuté,  et  le  même 
évêqxie  Fo7iseca  ,  qui  aidait  contribué  à  faire 
renvoyer  le  découvreur  de  l'Amériqtic  charr/é 
de  fers,  vtidut  faire  traiter  de  même  celui  qui 
en  était  le  vainqueur.  (Essai  sur  les  mœurs  , 
cliap.  cxLvii.) 

Décodvrir.  V.  a.  et  irrég.  de  la  2*  conj.  Il  se 
conjugue  coimme  couvrir.  A'oyez  Irrégulier. 

Racine  a  dit  dans  Iphigénie  (act.  I,  se.  i,  144)  : 

Hais  surloiit  ne  va  point,  par  un  zèle  indiscret, 
Découvrir  à  ses  yeiix  mon  ftincsle  secret. 

On  dit  figiirémenl  qu'Mw  homme  se  découvre 
trop,  pour  dire  qu'il  donne  trop  à  connaître  ses 
alTaires,  ses  secrets,  ses  sentiments.  — On  dit 
aussi  simplement  en  ce  sens  qu'M«  homme  se  dé- 
couvre. 

Je  n'accepte  la  main  qu'elle  m'a  présentée. 

Que  pour  ra'armer  contre  elle,  et,  sans  me  découvrir, 

Traverser  son  bonheur,  que  je  ne  puis  souffrir. 

{Hac,  Iphig.,3LCl.  II,  se.  i,  112.) 

DÉCRLDiTER.  V.  3.  de  la  1"  conj.  On  confond 
quel(]uefois  ce  mot  avec  décrier.  Tous  deux 
blessent  la  considération  dont  jouissait  l'objet  sur 
(pii  tombe  l'attaque.  Le  premier  va  directement 
a  l'honneur,  le  second  au  crédit.  On  décrie  une 
femme  en  disant  d'elle  des  choses  qui  la  font 
passer  pour  une  personne  peu  régulière.  On  dé- 
crrdile  un  marchand,  un  négociant,  en  publiant 
qu'il  est  ruiné.  L'esprit  de  parti  décrie  les  per- 
sonnes pour  venir  plus  aisément  à  bout  de  dé- 
créditer leui's  oi)inions. 

Décrépit,  Décrépite.  Adj.  Il  se  met  ordinai- 
rement après  son  subst.  :  Jc/e  décrépit,  vieil- 
lesse décrépite.  On  peut  le  faire  précéder  son 
substantif  quand  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent. On  ne  dit  pas  vn  décrépit  âge,  parce 
qu'il  n'y  a  pas  assez  d'analogie  entre  ces  deux 
mots;  mais  on  dira  bien  une  décrépite  vieillesse. 
Voyez  Adjectif 

Décret.  Subst.  m.  Voltaire  a  dit  dans  iÇeWra- 
TOs(act.  I,  se.  m,  8): 

D'un  Dieu  qui  conduit  tout,  le  décret  oleniel 
Vous  amène  à  mes  yeux  plus  que  l'ordre  d'un  père. 

DÉCRIER.  V.  a.  de  la  l^e  conj.  Voyez  Décrédi- 
ter. 

Déccire.  V.  a.  et  irrég  de  la  4''  conj.  Il  se 
conjugue  comme  écrire.  Voyez  ce  mot. 

Décroître.  V.  n.  de  la  li<^  conj.  Ce  verbe  prend 


DÉF 


195 


l'auxiliaire  avoir  ou  l'auxiliaire  être.  Le  premier 
a  rap|)ort  a  l'action,  le  second  à  l'état  :  La  rivière 
est  décrue,  la  rivière  a  décru. 

Décrue.  Subst.  f.  Mot  nouveau  qui  se  dit 
pour  décroisscment,  et  qui  exprime  une  nuance 
(lifférenie.  Le  décroissemenl  est  l'.uiiou  dedécrol- 
trc,  et  la  décrue  est  la  quantité  dont  la  cliosc  a  dé- 
cru :  La  crue  et  la  décrue. 

DÉDAiGNEt;.  V.  a.  de  la  l"'  conj.  On  mouille 
le  gn. 

...  Ce  cœur,  c'est  trop  vous  le  celer. 
N'a  pas  d'un  chaste  amour  dédaigné  de  brûler. 

(Rac,  Phèd.,  act.  IV,  se.  ii,  85.) 

Dédaigneusemi'.nt.  Adv.  On  mouille  \cgn.  Il 
se  met  après  le  verbe  :  Il  m'a  regardé  déda-i- 
gneusement,  et  non  pas  il  m'a  dédaigneusement 
regardé. 

Dédaigneux,  Dédaigneuse.  Adj.  On  mouille  le 
g>i.  On  peut  le  mellre  avant  son  subst.  lorsque 
l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent.  Ou  ne  dit 
pas  un  dédaigneux  homme  ,  une  dédaigneuse 
femme  ;  mais  on  dit  bien  celte  dédaiiinevsc  ré- 
ponse, ces  dédaigneuses  manières',  loi^scpie  ce 
(]ui  précède  a  établi  une  analogie  étroite  entre 
cet  adjectif  cl  ces  snbslantil's.  Voyez  Adjectif. 

Quand  on  donne  un  régime  à  cet  adjectif,  on 
se  sert  de  la  i)réposition  de  : 

Tout  monarque  indolent,  dédaigneux  de  s'instruire. 
Est  le  jouet  honteux  de  qui  veut  le  séduire. 

(Volt.,  Épttre  XLVI,  45.) 

Dédain.  Subst.  m.  Voyez  Fierté. 

Dedans.  Adv.  Autrefois  on  employait  dedans 
comme  préposition,  au  lieu  de  dans.  On  disait 
dedans  la  maison,  dedans  la  ville.  Aujourd'hui 
ou  ne  le  dit  plus. 

Va  dedans  les  enfers  plaindre  ton  Curiace. 

(Corn.,  Hor.,  act.  IV,  se.  v,  70.) 

Le  mot  de  dedans,  dit  Voltaire,  est  toujours  un 
solécisme  quand  on  lui  donne  un  régime.  On  ne 
peut  l'employer  (juc  dans  un  sens  aiisolii  :  Etes- 
vous  hors  du  cabinet?  Je  suis  dedans.  i\lais  il 
est  toujours  mal  de  dire  dedans  ma  chambre, 
dehors  de  ma  chambre.  (Volt.,  Remarques  sur 
Cûrneille.) 
Dedans.  Subst.  m. 

Et  quoique  le  dehors  soit  sans  émotion. 
Le  dedans  n'est  que  trouble  et  que  sédition. 

(Corn.,  Poly.,  act.  II,  se.  ii,  43.) 

Le  dehor'i  el  le  dedans  ne  sont  pis  du  Style  no- 
ble. (Volt.,  Hemarq.  sur  Corneille) 

DÉnicAToiRE.  Adj.  f.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Epttre  dédicatoirc. 

Dédire.  V.  a.  el  iriégulier delà  4*  conj.  Il  se 
conjugue  comme  dire,  à  l'eKceplion  de  la  se- 
conde personne  du  présent  de  l'iiidicalif,  oii  l'on 
dil  vous  dédisez,  au  lieu  de  tmus  dédites;  on  dit 
aussi  dédisez-vous  à  riinf)ératif.  A  oyez  Dire. 

Défaillance.  Subst.  f.  Les  /  sont  mouillés. 

Défaillant,  Défaillante.  Adj.  verbal  lire  du 
V.  défaillir.  Les  l  sont  mouillés  :  La  nature  dé- 
faillante. 

Toi-même  rappelant  ma  force  défaillante. 

(Rac,  Phid.,  act.  III,  se.  I,  33.) 

Défaillir.  V.  n.  de  la  2'  conj.  On  mouille 
les  l.  11  n'est  plus  guère  usil  •  (ju'à  la  prcinière 
personne  du  pluriel  do  l'indicatif,  n  mis  défail- 
lons ;  à  l'imparfait,  je  défaillais  ;  ctu  passé  sim- 


496 


DÉF 


pie,  je  défaillis;  cl  à  rinlinilif,  dcfuillir.  On 
mouille  les  l. 

J'ïi  senti  défaillir  ma  force  et  mes  esprit.-. 

(Ric,  Daj.,  ad.  Y,  se.  i,  H.) 

DÉFAIRE.  V.  a.  Cl  irréjulier  de  !;i  i^'conj.  Il 
5e  conjugue  coiiune  fuire.  Voyez  ce  mot. 
Défaite.  Subsl.  f. 

,  .  .   Fille  qui  rieillit  tombe  dans  le  mépris. 
C'est  un  nom  glorieux  qui  se  garde  avec  honte. 
Sa  défaite  est  filrlieuse  h  moins  que  d'être  prompte. 
(ConM.,  ilcnttur,  act.  H,  se.  Il,  34.) 

L'usage  permel  qu'on  dise  cette  fille  est  de  dé- 
faite, c'csl-à-dirc  clic  est  liellc,  on  pciii  s'en  dé- 
faire, la  marier.  .Mais  la  défaite  d'une  fille  ex- 
prime liguirmcnl  qu'elle  s'est  rendue.  (VoUaire, 
Remarques  sur  Corneille) 

Défaut.  Subsl.  m.  On  dit  adverbialement  au 
défaut,  pour  dire  au  lieu,  à  la  place.  Dans  ce 
sens,  à  défaut  est  un  barbarisme,  c.\cc|)lé  le  cas 
où  le  mol  défaut  est  précédé  des  adjectifs  pos- 
sessifs mon,  ton,  son  ,  clc.  Ainsi  l'on  dit  .se  ser- 
vir de  nouveaux  ouvriers,  pour  suppléer  au  dé- 
faut des  anciens.  (Acad.)  A  son  défaut,  je  vous 
servirai.  A  mon  défaut,  ce  sera  vion  frère  qui 
viendra.  —  L'Académie,  en  1833,  admet  parmi 
ses  exemples:  Au  défaut, ci  défaut  d'aulresarmes, 
il  prit  une  barre  de  fer  ;  à  défaut  de  vin  ,  nous 
boirons  de  l'eau.  Girault-Duvivier  pense  que  au 
défaut  de  signifie  à  la  place  de,  et  à  défaut  de, 
fa%ite  de. 

Défavobable.  Adj.  des  deux  génies  :  Un  cas 
défavorable,  un  jugement  défavorable. 

On  peut  le  meure  av;ml  son  subsl.,  lorsque  l'a- 
nalogie et  rbarmuuiele  permellcnl.  On  ne  dit  pas 
un  défavorable  cas,  mais  on  pourrait  dire  cette 
défavorable  opinion,  si  ce  qui  précède  avait  établi 
une  analogie  élroiie  entre  cet  adjectif  ei  le  mot  opi- 
nion. A'oycz  Adjectif. 

DÉFAvonABLi  MENT.  Adv.  Il  sc  met  après  le 
verbe.  On  dit  on  Va  traité  dé  favorablement ,  et 
non  I)as  on  Va  défavorablement  traité. 

Défectif.  Adj.  m.  Terme  de  granunaii'e.  On 
appelle  verbes  défectifs  ou  défectueux  ceux  qui 
n'ont  pas  lous  les  modes  ou  tous  les  lein|)s  qui 
sont  en  usage  dans  les  verbes  réguliers.  Ilègle  gé- 
nérale :  Tuut  verbe  «;ui  n'a  puini  de  passé  sim- 
ple n'a  point  d'imparfait  du  subjonctif;  tout 
verbe  qui  n'a  point  de  participe  i)résent  n'a 
point  d'impai  lail  de  l'indicatif,  et  point  de  pré- 
sent du  subjonctif;  tout  veilie  ([ui  n'a  point  de 
futur  n'a  poini  de  conditionnel,  iùi  un  mol,(iuand 
un  temps  primitif  maïKiue  ,  les  dérivés  de  ce 
temps  nu'MKiucnl  aussi.  Celle  règle  a  très-])cu 
d'exceptions.  A  l'arlicle  de  clia<iucverl)e  défectif, 
on  trouve  les  observations  (]ui  lui  sont  propres. 

DÉFENDEuit.  Subst.  m.  Qui  se  défend  en  justice 
contre  un  demandeur.  On  dit  au  féminin  défen- 
deresse. 

Défendre.  V.  a.  de  la  4'  conj. 

£t  qu'au  lieu  d'attaquer  il  a  peine  à  défendrt. 

(ConN.,  Serlor.,  act.  I,  se.  ii,  26.) 

Z)i'/enire,  dit  Voltaire,  n'est  pris  neulralemen'tlue 
quand  il  signifie  [iroliiber,  ne  vouloir  \iS:  Je  dé- 
fends qu'on  marche  de  ce  côté\,je  défends  qu'on 
prenne  les  armes,  [fiemarq.  sur  Corneille.) 

Défendre  a  beaucoup  d'analogie  avec  empê- 
cher ;  l'un  et  l'autre  exprime  un  obstacle  apporté. 
Mais  défendre,  opposé  direct  de  permettre,  ex- 
prime un  obstacle  apporté  par  une  volonté  puis- 
sante qui  agit;  c'est  un  ordre  précis  i)0ur  qu'une 


DÉF 

chose  ne  soit  pas.  En  ce  sens,  il  régit  la  préposi- 
tion rfe  avec  l'infinitif,  s;uis  négation,  ou  la  ccn- 
jonclion  que  avec  le  subjonctif:  Il  défendit  lu 
général  de  s'élnigner.  Il  défendit  i\u'il  s'éltn- 
gnût.  On  emploie  de  quand  le  verbe  défendre  a 
un  régime  indirect  :  J'ai  défendu  éi  mon  fils  de 
le  voir.  On  em|)li)ie  que  ^\\.^^^n^\  le  \c\\)G  défendre 
ne  régit  pas  un  inlinilif  :  Il  défendit  qn  aucun 
étranger  entrât  dans  la  ville,  (\oliaire,  Char- 
les XII.) 

J'ai  même  défendu,  par  une  expresse  loi, 
Çu'on  osât  prononcer  votre  nom  devant  moi. 

(lUc,  Phéd.,  act.  II,  se.  T,  25.) 

Défensif,  Défensive.  Adj.  11  se  met  toujours 
après  son  subst.  :  Traité  défensif,  armée  défen- 
sive. 

Déférant, Déférante.  Adj.  verbal  lirédu  v.dc- 
férer.  On  ne  le  dit  qu'en  ces  phrases  :  Esprit 
doux  et  déférant,  humeur  douce  et  déférante. 
L'Académie  donne  \)ovv  exemple  :  Je  Vai  tou- 
jours trouvé  dcfévaui  à  ce  que  j'ai  désiré  de  lui. 
Féraud  n'admet  point  celle  phrase,  et  je  crois 
qu'elle  n'esl  pas  française.  On  ne  le  met  qu'après 
son  subst. 

*  DÉFED1LLÉ,  Défedii.lée.  On  ne  le  trouve 
point  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie.  JNous 
croyons  cependant  tpi'on  i)cut  dire  un  arbre  dé- 
feuillé.  J.-J.  Rousseau  a  dit  {Réccries,  2''  pro- 
menade, t.  XVII,  |).  41)  :  La  campagne,  encore 
verte  et  riante,  mais  défeuillce  en  partie  et  déjà 
presque  déserte,  offrait  partout  V  image  de  la  so- 
litude et  des  approches  de  Vliiver. 

Défiant,  Défiante.  Adj.  ([ui  se  met  ordinai- 
rement après  son  subsl.  :  Un  homme  défiant,  une 
femme  défiante.  On  peut  le  mciire  avant  son 
subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent. On  ne  dit  pas  i/h  défiant  homme,  une 
défiante  femme,  parce  qu'il  n'y  a  pas  une  analo- 
gie étroile  cnlre  cet  adjectif  et  les  mots  homme 
et  femme;  mais  on  dira  bien  une  défiante  ré- 
serve, ou  cette  défiante  conduite,  si  ce  (|ui  pré- 
cède a  éiabli  une  analogie  olroile  entre  ces  deux 
mois.  Voyez  Adjectif. 

Déficit.  Subsl.  m.  On  prononce  le  t.  Ce  mol, 
étant  em[)runlé  du  lalin,  ne  prend  point  de  s  au 
pluriel.  On  écrit  des  déficit. 

Défier.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  l'emploie  au 
figuré  :  Défier  les  dangers,  défier  la  mort. 

Ce  formidable  amas  d'armes  élinceUnles, 
Cet  or,  ce  fer  brillant,  eti  lances  éclatantes. 
Défiaient  dans  les  camps  les  rayons  du  soleil. 

(Volt.,  Henr.,  Mil,  41.) 

Défier,  dans  le  sens  de  faire  un  défi,  régit  la 
préposition  d  :  Défier  quelqu'un  à  boire,  à  qui 
sautera  le  mieux  ;  défier  quelqu'un  aux  échecs, 
au  trictraf.. 

Quand  il  signifie  mettre  quelqu'un  à  pis  faire, 
déclarer  qu'on  ne  le  crainl  pas,  il  régit  dé  iVous 
me  menacez  de  vie  battre,  je  vous  en  défie,  je 
vous  défie  i\(i  ]k  faire. — On  dit  auss,\  je  vous  défie 
de  deviner  cette  énigme.  Je  vous  défi£  dQm'uu- 
blier,  etc. 

Défini.  Adj.  m.  ïcrine  de  gramm.  Il  se  dit  de 
l'article  le,  la,  les,  soil  qu'il  soit  simple  ou  qu'il 
soit  joint  a  la  préposition  de  ou  à.  Ainsi  du,  au, 
des,  aux,  sont  des  articles  définis,  car  du  c>l  pour 
de  le;  au,  jjour  à  le  ;  des,  pour  de  Us  ;  et  auje, 
pour  à  les.  On  les  appelle  définis  parce  que  ce 
sont  des  prénoms  ou  préposiiil's  qui  ne  se  mettent 
que  devant  un  nom  pris  dans  un  sens  précis,  cir- 
conscrit, déterminé  et  individuel.  Ce,  cet,  cette. 


DEF 

est  aussi  un  prépositif  défini,  mais  de  plus  il  esl 
démonstralif. 

Quand  un  nom  est  pris  dans  un  sons  indéfini, 
on  ne  mot  point  l'arlide  le,  la,  Iss  ;  on  se  con- 
tente de  moitié  la  préiiobilion  de  ou  la  préposi- 
tion à,  que  los  çrainmairiens  appellent  alors  mal 
à  i)ropos  articles  indéfinis.  Ainsi  le  palais  du 
roi  pour  de  le  roi,  c'est  le  sens  défini  ou  iiulivi- 
duol;  un  palais  de  nd,  c'est  un  sens  indéliiii,  in- 
déterminé ou  d'cs|)<''ce,  parce  qu'il  n'est  dit  d'au- 
cun roi  en  parlionlior. 

Défini  et  indi'fmi  se  disent  aussi  du  prétérit 
dos  verbes  français.  I.e  prétérit  est  rendu  par/'ui 
fait  ou  parjV  fis.  L'un  esl  appelé  prétérit  défini 
ou  absolu,  cl  l'autre  iiKiéliiii  ou  rolatif;  sur  quoi 
les  i^rammairiens  ne  sont  pas  bien  d'accord,  les 
uns  appelant  défini  ce  (jne  les  autres  appellent 
indéfini.  Pour  moi,  dit  Dumar^ais,  dont  nous  ti- 
rons cet  article,  je  crois  ^\\\o.  j'ai  fait  est  défini 
et  absolu,  ci  quojV  fis  est  indéfini  et  relatif  :  Je 
fis  alors,  je  fis  Vunnée passée.  Mais,  après  tout, 
l'essentiel  esl  de  bien  entendre  la  valeur  de  ces 
prétérits  et  la  différence  <pi'il  y  a  de  l'un  à  l'au- 
ti'î,  sans  s'arrêter  à  des  minuties. 

*  Définisseur.  Subst.  m.  Mot  inusité.  Vol- 
taire appelail  Locke  le  définisseur. 

Définitif,  DÉFiNiTivi;.  Ailj.  11  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  y4rrct  définitif,  sentence  défi- 
nitive, jugement  définitif. 

Définition.  Subst.  f.  Les  définitions  consistent 
à  expliquer  un  mol  par  un  autre  ou  par  plusieurs 
autres.  Elles  doivent  être  claires,  précises  et  aussi 
courtes  qu'il  est  possible;  car,  en  ce  genre,  la 
brièveté  aide  à  la  clarté.  Domerguc  a  observé 
que  les  définitions  du  Dictionnaire  de  P Acadé- 
mie sont  vaçucs  et  souvent  trompeuses.  Dans 
rexlrême  difficulté,  (Util,  dans  la  presque  im- 
possibilité de  bien  définir,  celle  savante  compa- 
gnie devrait  substituer  à  ses  définitions  une  dé- 
composition étymologique  de  chaque  mot,  et  des 
exemples  bien  choisis  qui  en  détermineraient  les 
difféients  emplois. 

DÉFINITIVEMENT.  Adv.  Ou  pcut  le  melirc  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe.  On  dit  cette  affaire  a 
été  jugée  définitivement,  et  cette  affaire  a  été 
définitivement  jugée. 

*  Défléchir.  V.  n.  do  la  2'  conj.  On  ne  le 
trouve  point  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie, 
et  il  n'est  pas  usité.  H  est  cependant  bion  placé 
dans  cette  phrase  de  J.-J.  Rousseau  :  Tous  les 
premiers  mouvements  de  la  nature  sont  bons  et 
droits;  mais  bientôt,  manquant  de  force  puur 
suivre  à  travers  tant  de  résistance  leur  pre- 
mière direction,  ils  se  laissent  déflécliir  par 
viille  obstacles  qui  les  détournent  de  leur  vrai 
but.  Quel  autre  mot  pourrait  exprimer  la  pensée 
de  Rousseau? 

DÉFLEur.iR.  V.  n.  de  la  1^  conj.  L'Académie 
prétend  (pi'il  ne  se  dit  qu'on  parlant  des  arbres 
ou  des  arbrisseaux  qui  viciment  à  perdre  leuis 
fleurs.  Ce|)eiidanl  ou  dit  des  tiges  défleuries,  des 
prés  défleuris,  etc. 

Défrayer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  payer.  Voyez  ce  mot. 

Défricher.  V.  a.  de  la  1''  conj.  Ce  verbe 
s'emploie  au  figuré,  et  l'Académie  en  a  donné 
pour  excmiile:  Amyot  est  un  des  premiers  écri- 
vains qui  défriclièrent  notre  langue.  Delillp  a  été 
plus  hardi,  il  a  dit  défricher  la  vie  [Énéid., 
111,11 1: 

Etceui  qui,  do  oos  arts  utiles  inventeurs, 
Onl  défriché  la  vie  et  cultivé  les  mœurs. 


DIX 


197 


Défont,  Défunte.  Adj.  L'Académie  dit  qu'il 
n'est  guère  d'usage  que  dans  ces  phrases,  le  roi 
défunt,  la  défunte  reine.  Férauil  observe  avec 
raison  qu'on  dit  jiliis  commuiionicnt  le  feu  roi, 
la  feue  reine.  \\  n'est  usité  que  dans  le  langage 
familier.  Voyez  Feu. 

DÉciAGER.  V.  a.  de  la  1''  conj.  Dans  ce  verbe 
le  (7  doit  toujours  avoir  la  pinnoiu-iation  du /,- 
et  jiour  la  lui  conserver  lorsijii'il  est  suivi  d'un 
a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a  ou 
cet  o:  Je  dégageais,  dégageons,  et  non  pas  je 
dégagais,  dégagons. 

On  dit  dégager  .sa  parole,  dégager  .yes  ser- 
ments  : 


Je  retigns  dégager  met  serments  et  les  liens. 

(Volt.,  Zaïre,  aci.  I,  se.  iv,  2.) 

DÉGAINER.  V.  n.  de  la  1"  conj.  L'Académie  dit 
qu'il  est  actif,  et  dans  tous  les  exem[)les  (lu'elle 
en  donne  il  est  pris  dans  un  sens  ncMrc:  Il  faut 
dégainer,  on  t'a  forcé  à  dégainer. 

Dégeler.  V.  a.  de  la  1""  conj.  Dans  la  conju- 
gaison do  ce  verbe,  on  double  la  huirc  l  lors- 
qu'elle est  suivie  d'un  e  muet  :  Je  dégelle,  tu 
dégelles,  il  dégelle,  ils  dégellent  ;  je  dégelle- 
rai,  etc. 

DÉGÉNÉRER.  V.  n.  de  la  l"''  conj.  On  dit  il  a 
dégénéré,  pour  exprimer  l'action,  et  il  est  dégé- 
néré, pour  signifier  l'état.  Féraud  biàine  cette 
phrase  de  Veitol  :  Plu.sieurs  disaient  ,  pour 
sojider  les  esprits,  que  l'état  monarchique  était 
préférable  à  une  république  qui  était  dégénérée 
en  pure  monnrchic.  [Révol.  ?'n7/(«t/(e.ç,  liv.  XIII, 
t  11,  p.  '.jSô  )  Il  l'ailait ,  selon  lui,  qui  avait  dégé- 
néré. —  Qui  était  dégénérée  est  l'expression 
juste.  Quand  on  voulait  insinuer  que  l'état  mo- 
narchique était  préférable  à  une  république,  etc., 
on  n'eniendait  pas  jiar  l<à  une  republique  qui 
avait  dégénéré,  qui  avait  fait  l'.ictiDn  de  dégé- 
nérer; mais  une  républiqtie  dégénérée,  qui  était 
dans  un  étal  qui  était  la  suite  de  la  dégonéra- 
tion,  qui  était  dégénérée. 

Ce  verbe  s'emploie  quelquefois  absolument  : 
Il  dégénère,  il  a  dégénéré.  Quelquefois  aussi  il 
régit  la  préposition  de  et  la  proposition  en.  On 
oinitloie  de  lorsqu'on  veut  manjucr  l'origine  pure 
dont  on  s'est  écarté  :  Il  a  dégénéré  de  la  vertu 
de  ses  ancêtres;  alors  il  ne  se  dil  que  dos  per- 
sonnes. En  parlant  dos  choses,  on  emploie  en, 
ce  qui  marque  l'imperfection  dans  hupieilc  une 
chose  est  tomboc  :  La  démocratie  di'goncic  or- 
dinairement en  anarchie,  et  la  monwrchie  en 
tyrannie  ;  alors  il  ne  se  dit  que  des  clioses. 

DÉGINGANDÉ,    DÉGINGA.MIKE.    Adj.      ExpCOSSion 

familière  qui  se  dil  d'une  |)orS(jnnedont  la  con- 
tenance et  la  démarche  sont  mal  assurées,  comme 
si  elle  était  toute  disloipiéc.  —  L'Académie  a 
oublié  d'indiquer  que  celle  expression  s'emploie 
aussi  au  ligure:  Esprit  dégingandé,  style  dégin- 
gandé, pensées  déginqandées.  Je  pense  qu'il  ne 
faut  rien  de  plus  à  des  conduites  aussi  ài^in- 
gandéos  7j/(? /es  nôtres.  (Sévigné.)  Cette  rage  de 
vi'éloigner  encore  de  vous,  et  de  voir  pour  quel- 
que temps  notre  commerce  dégingandé,  7ne  donne 
une  véritable  tristesse.  (Idem.)  f^ou s  verrez  que 
cette  pièce  nest  pas  si  dégingandée.  (Volt.) 

Dégoûtant,  Dégoûtante.  Adj  verbal  tiré  du 
v.  déqoûter.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst. 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  pcrmejtent.  On 
ne  dit  pas  un  dégoûtant  homme ,  une  dégoûtante 


198 


DEH 


femme;  mais  on  dit  de  découlantes  injures,  ce 
déffoélaiit  repas.  Aboyez  Adjectif,  Fastidieux. 

Dégouttant,  Dégouttantk.  Ailj.  verbal  tiré 
du  verbe  d^gmitter.  11  ne  se  iiicl  (jii'aprcs  son 
subst.  On  le  dit  absolumenl  :  Du  linge  dégmittant ; 
et  avec  la  |irt>ix)sition  de  :  Être  dégouttant  de 
sueur,  de  sang. 

DÉGRAFEii.  V.  a.  de  la  d"  conj.  Détacher  une 
chose  qui  oiail  attachée  avec  une  agrafe  ou  des 
agrafes  :  Dégrafer  une  jupe. 

Quelques  personnes  disent  désagrafer  ;  mais 
celle  expression,  indimiOc  dans  le  Dictionnaire 
de  Trévoux,  n'est  pas  du  bon  usage. 

Dégravo^er.  y.  a.  de  la  \."  cunj.  Il  se  dit  de 
l'eau  qui  dégrade,  qui  déchausse  des  [)ilotis,  des 
murs.  Dans  la  conj.  de  ce  verbe,  on  conserve  l'y 
de  l'inDnitif,  excepté  avant  un  e  muet  :  Je  de- 
graroie,  tu  dégravoies,  ils  dégravoient,  je  dé- 
gratoierai,  etc. 

Degré.  Subst.  m.  Plusieurs  personnes  pronon- 
cent et  écrivent  degré;  c'est  a  tsrt.  En  termes  de 
grammaire,  on  ledit  des  adjectifs  qui,  par  des  par- 
ticules prépositives,  maniuent  ou  le  plus,  ou  le 
moins,  ou  l'excésdans  la  qualification  qu'on  donne 
au  substantif.  Savant,  plus  savant,  moins  savant, 
très  ou  fort  savant.  Ce  mol  degré  se  prend  alors 
dans  un  sens  figuré;  car,  comme  dans  le  sens 
propre,  un  degré  sert  à  mouler  ou  à  descendre, 
de  môme  ici  la  particule  prépositive  sert  a  rele- 
ver ou  à  rabaisser  la  signilicalion  de  l'adjeclif. 
11  y  a_  Irois  degrés  do  couiparaison,  ou  lilutùt  de 
signification.  Le  positif,  qui  est  l'adjectif  même, 
sans  aucun  rapport  de  comparaison,  savant  ;  le 
comparatif,  qui  est  l'adjectif  avec  comparaison 
de  plus  ou  de  moins  dans  la  qualité  de  deux 
choses  comparées,  plus  savant,  vioins  savant; 
le  superlatif,  <iui  est  l'adjectif  exprimant  la  qua- 
lité portée  au  suprême  degré  de  plus  ou  de 
moins,  très-savant,  fort  savant;  le  plus  savant, 
le  moins  savant.  On  appelle  superlatif  absolu 
celui  qui  exprime  d'une  manicic  absolue  une 
qualité  portée  au  suprême  degré,  fort  savant, 
très-savant.  On  apjiclle  superlatif  relatif  celui 
qui  exprime  une  qualité  à  un  degré  plus  élevé  ou 
moins  élevé  dans  un  objet  que  dans  un  autre, 
le  plus  savant,  le  moins  savant.  \'oyez  Positif, 
Comparatif  el  Superlatif. 

Dégringoler.  V.  a.  el  n.  de  la  1""'  conj. 
Voltaire  l'a  employé  au  figuré  :  Si  deux  ou  trois 
personnes  ne  soutenaient  Je  bon  goût  dans  Paris, 
nous  dégringolerions  cfans  lu  barbarie.  Il  est  fami- 
lier. 

Déguigmonnf.r.  V.  a.  de  la  1"  conj..  On  ne  fait 
pas  sentir  Vu  de  gui,  cl  l'on  mouille  gri.  11  est 
familier. 

DÉGuisF.R.  V.  a.  de  la  l''«  conj.  Voltaire  a  dit 
dans  OEdipe  (act.  IV,  se.  i,  155)  : 

Je  diguitai  partout  ma  naissance  et  mon  nom. 

Je  n'aurais  point  percé  les  ténèbres  frivoles 
D'un  vain  sens  dégmié  sous  d'obscures  paroles. 

[Idem,  act.  II,  se.  m,  32.] 

Bacine  a  dit  dans  Esther  (act.  IV,  se.  i,  13)  : 
Se  déguiser  le  front  de  fausses  couleurs: 

Quiconque  ne  sait  pas  dévorer  un  aOront, 
Ni  de  fausses  couleurs  >e  déguiser  le  front. 

Déhanché,  Déhanchée.  Adj  qui  suit  toujours 
«;or  snbsl.  :  Un  homme  déhanché,  un  cheval 
déhanché. 

Déhonté,  Démontée.  Adj   Ce  mot  ne  se  trouve 


DEJ 

jMs  dans  les  dictionnaires.  Cependant  quelques 
personnes  rcmploionl  pour  signifier  qui  est  sans 
honle,  sans  pudeur,  (jui  a  perdu  toute  honte, 
toute  pudeur.  Marmuntel  dit  que  c'e^t  un  vieux 
mot  qu'on  devrait  conserver.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  Voyez  Éhonté.  —  Dans  sa  dernière 
édition,  l'Acadcmie  admet  le  mot  (ie/io»)/e  comme 
synonyme  de  éhonté. 

Dehors.  Adv.  de  lieu.  11  est  opposé  à  dedans. 
Hors  est  la  préposition  qui  correspond  à  ce  mot, 
comme  dans  correspond  à  dedans.  Dehors  ne 
prend  point  de  régime  :  Restez  dedans,  j'irai 
dehors.  Il  y  a  par  conséquent  une  faute  daiîs  ces 
vers  de  Racine  : 

Mille  objets  de  douleur  dccliiraient  mes  entrailles. 
J'en  voyais  et  dehors  el  dedan$  nos  muraillet. 

^Frères  ennemie,  ael.  II,  se.  I,  45.) 

Quelquefois  il  est  préposition,  el  alors  il  prend 
un  régime  :  Passer  par  dehors  la  ville. 

Dehors.  Subst.  m.  Au  figuré  il  ne  se  dit  qu'au 
pluriel  : 

Nul  sur  ses  passions  n'eut  jamais  plus  d'empire, 
El  ne  sut  mieuT  cacher  sous  des  dehors  trompeurs 
Des  plus  vastes  desseins  les  sombres  profondeurs. 
(Volt.,  Uenr.,  lU,  72.) 

Déification.  Subst.  f.  La  déification  n'est  pas 
la  même  chose  que  Vaputhéose.  La  déificmtion 
est  l'acte  d'une  imagination  sujierslitieuse  et 
craintive,  qui  suppose  la  divinité  où  il  n'y  a 
que  la  créature,  et  qui,  en  conséquence,  lui  rend 
un  culte  de  religion.  L'apothéose  est  la  cérémo- 
nie par  laquelle  les  emi)eieurs  romains  étaient, 
après  leur  mort,  transmis  au  nombre  des  dieux. 
(Girard.) 

Déifier.  V.  a.  de  lad"  conj.  L'Académie  n« 
dit  pas  se  déifier.  Voltaire  a  dit  dans  Mahomet 
(act.  V,  se.  IV,  4i/  : 

A  force  de  forfaits  tu  t'es  déifié. 

Déjà.  Adv.  de  temps.  Il  se  met  ordinairement 
après  le  verbe  dans  les  temps  siini)les  :  Il  revient 
déjà.  Dans  les  temps  composés,  il  se  place  entre 
l'auxiliaire  el  le  participe  :  //  est  déjà  revenu,  il 
a  déjà  reconnu  son  erreur.  Qnelipicfois  on  le 
Iilace  à  la  tête  de  la  phrase,  surtout  'lans  le  style 
historique  :  Déjà  l'ennemi  avait  pris  la  fuite  ;  et 
dans  le  style  oratoire:  Déjà  se  répandaient  dans 
nos  campagnes  ces  liordvs  de  barbares. 

Déjeuner.  V.  n.  de  laJ"'"  conj.  L'Académie  dit 
déjeuner  d'un  pâté,  el  queltiues  grammairiens 
en  ont  conclu  que  les  trois  verbes  neutres,  dé~ 
jeûner,  dîner  Cl  souper,  tiu\ycn\.  être  suivis  de  la 
jjréposilion  de,  (juand  ils  précèdent  un  nom. 
Ainsi,  selon  eux,  il  faut  dire  déjeuner  de  café, 
dîner  d'w/j  dindon,  souper  d'i/zi  poulet.  Je  pense 
que  l'Académie  el  ces  grammairiens  sont  dans 
l'erreur  ;  el  l'usage,  inak'rc  leur  prétendue  règle, 
rejette  cette  façon  de  parUîr. 

Si,  après  avoir  mangé  d'un  pâté  à  mon  souper, 
il  en  reste  un  morceau,  je  dirai  bien  gardes  ce 
morceau  de  pâté,  j'en  déjeunerai  demain;  et 
cela  veut  dire  j'en  ferai  mi»n  déjeuner,  cela  suf- 
fira pour  mou  déjeuner.  On  dira  aussi  dans  le 
même  sens,  après  un  grand  déjeuner,  gardes  et 
qui  reste  du  déjeuner,  nous  en  dînerons. 

Hélas  !  reprit  l'amant  infortuné. 
L'oiseau  n'est  plus  ;  vous  en  avez  dinc. 

(La  Fo.m.,  le  Faucon,  223.) 


DÉL 

Mais  on  ne  dit  pas  dt' jeûner,  dîner,  souper  de 
quelque  chose,  \m\\v  sigiiKicr  ce  qu'on  num;.'e 
à  CCS  repas.  On  dil  iorl  h\cn  il  <iag ne  cent  km i s 
par  an,  et  il  en  vil;  mais  il  ne  s'ensuit  pas  de 
là  qu'on  puisse  iliie  il  vit  de  cent  louis. 

II  parait  que  cette  expression,  telle  qu'on  veut 
l'établir,  se  dirait  de  tout  ce  (pi'on  inani^'c  à 
déjeuner,  à  dincr,  etc.  Dcjcimer  de  café,  c'est 
prendre  du  cale  jiour  son  déjeuner.  II  faudrait 
donc  dire,  en  parlant  du  diner,  j'ai  dîné  de 
soupe,  de  bouilli,  de  rôti,  etc.,  ce  qui  serait 
très-ridicule. 

Du  reste,  je  pense,  avec  les  grammairiens  que 
je  combats,  qu'il  ne  faut  pas  "dire  j'ai  déjeuné 
avec  du  pâté,  avec  du  jambon,  avec  du  café, 
parce  qu  on  dit  j'ai  dijcuné  avec  won  frère, 
avec  mes  amis,  et  que  cet  avec  rendrait  le  sens 
louche.  Mais  le  de  rend  de  même  le  sens  louche 
dans  j'ai  déjeuné  de  café,  car  on  dit  déjeuner 
de  bon  appétit,  déjeuner  de  bonne  heure.  On 
me  demandera  sans  doute  conuncnt  il  faut  s'ex- 
primer eu  Cl'  cas.  Je  crois  ipi'il  faut  dire  :  J'ai 
pris  du  café  à  mon  déjeuner  ;  j'ai  mangé  du 
pâté  à  mon  déjeuner;  (ju'avez-vous  mangé  à 
vctre  déjeuner,  à  votre  diner,  à  votre  souper? 
ou  choisir  (pieliiue  autre  tourcjui  exprime  exac- 
tement ce  ([u'on  veut  dire,  connue  je  n'ai  pris 
que  du  café  à  mon  déjeuner,  je  n'ai  manç/é  que 
du  bouilli  à  mon  dîner,  etc. 

Déjklineh.  Subst.  m.  On  prononce  déjeuné,  et 
beaucoup  de  personnes  écrivent  ainsi. 

Déjouer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Mot  nouveau 
(}ue  l'usage  a  consacré,  il  ne  se  dit  que  des  pro- 
jets et  des  desseins  nuisibles  :  Nozts  déjouons 
ceux  qui  veulent  nous  jouer.  On  ne  dit  pas  dé- 
jouer une  entreprise  utile,  un  dessein  honnête; 
mais  on  dit  déjouer  un  complot,  déjouer  une  in- 
trigue. 

DÉJL'CHER.  V.  n.  de  la  1""  conj.  II  prend  tantôt 
l'auxiliaire  "ire,  tantôt  l'auxiliaire  avoir.  Ou  dit 
les  poules  ont  déjuché,  pour  marquer  l'action  de 
déjucher;  ci  elles  sont  déjuchées,  pour  signifier 
l'état  qui  résulte  de  l'action  de  déjucher. 

Delà.  Préposition.  11  s'écrit  toujours  d'un  seul 
mol,  c'est-à-dire  sans  trait  d'union  eiUre  deux  : 
Deh'i  la  rivière,  delct  les  monts.  On  écrit  aussi 
au  delà,  par  delà;  et  non  pasaw-cieZà,  par- 
delà. 

De  là,  écrit  en  deux  mots,  est  la  préposition 
de  et  l 'ad verve  là  :  De  là  à  la  rivière  il  y  a 
cent  toises;  c'est-à-dire  de  cet  endroil-W  à  la 
rivière,  etc. 

DÉLACER.  V.  a.  de  la  '!'<=  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  c  a  la  prononciation  de  se  ;  et  pour  Ui  lui  con- 
server à  lous  les  temps  et  à  toutes  les  personnes, 
il  faut  mettre  une  cédille  dessous  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'uno.  Ainsi  on  écrit  ; 
Nous  délaçons,  je  délaçais,  je  délaçai,  et  non 
pas  nous  délaçons,  etc. 

1)ÉLATEUR.  Subst.  m.  Il  fait  au  féminin  déla- 
trice, l'accusateur  s'adresse  à  la  justice  ;  il  sol- 
licite une  vengeance  juste  et  légitime;  c'est  une 
action  particulière.  Le  dénonciateur  annonce, 
manifeste  un  fait,  le  rend  [)ublic;  il  défère  à  la 
justice,  à  la  société,  un  crime,  un  complot  qui 
intéresse  la  sûreté  [)ublique.  Le  délateur  chercha, 
découvre,  défère  ou  rapporte  servilement  ce  qu'il 
croit  avoir  vu,  et  souvent  ce  qu'il  est  intéressé  à 
faire  croire.  On  peut  (luelquefois  a[iprouver  l'ac- 
cusuteur,  ou  louer  le  dénonciateur,  mais  le  dé- 
lateur est  toujours  méprisable. 

Dehyer.  V.  a.  de  la  l'''  conj.  Il  se  conjugue 
comme  Payer.  Voyez  ce  mot. 


DÉL 


199 


Délectable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  lorscpic  ranaloi;ie  et 
l'harmonie  le  permettent.  On  dit  un  lieu  délec- 
tdlilc,  VU  séjour  dvlcctuble;  on  ne  dil  pas  un 
délectable  lieu,  mais  on   dit  un   délectable   sé- 


et  lieu,  \oyez 


jour,  parce  qu'il  y  a  plus  d'analogie  entre  délec- 
table et  séjour  (pi'eutre  délectable  et 
Adjectif. 

DÉLIBÉRANT,  DÉLIBÉRANTE.  Adj.  Verbal  lire  du 
v.  délibérer.^  H  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Assemblée  délibérante. 

DÉLiBÉisATiF ,  Délibérative.  Adj.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Genre  délibératif, 
voix  délibérative . 

Délibérément.  Adv.  Il  se  mot  après  le  verbe; 
Marcher  délibérément.  Agir  délibérément.  C'c.it 
le  défaut  de  filtration  du  sua  nerveux  qui  fait 
que  les  Anglais  se  tuent  si  délibérément.  (Vol- 
taire.) 

Déi.ibéiîer.  V.  n.  de  la  1"^*  conj.  : 

Kl  je  puis  dire  enfin  que  jamais  potciital 
N'eut  à  délibérer  d'an  si  ^'nuid  coup  d'Élal. 

(CoKN.,  ad.  I,  se.  I,  47.) 

L'usage,  dit  Voltaire,  veut  aujourd'hui  que  déli- 
bérer soit  suivi  de  sur;  mais  le  de  est  aussi  i)er- 
mis  :  On  délibéra  sur  le  sort  de  Jacques  II, 
dans  le  conseil  du  prince  d'Orange.  Mais  je  crois 
que  la  règle  est  d'employer  rfe  quand  on  spécifie 
les  intérêts  dont  on  parle  :  On  délibère  aujour- 
d'hui de  la  nécessité  d'envoyer  des  secours  en 
Allemagne.  On  délibère  sur  de  grands  intérêts, 
sur  des  points  importants.  (Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

DÉLICAT,  Délicate.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  lorscpie  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Un  mets  délicat,  une  viande  déli- 
cate ;  goût  délicat;  une  affaire  délicate,  UM 
crainte  délicate,  ces  délicates  craintes  ;  santé 
délicate,  cette  délicate  santé. 

Que  c'est  un  dangereux  poison 
Qu'une  délicat':  louange  ! 
iC.HAULiEC,  Deuxième  épttre  à  M.  Dangeau,  18.) 

On  dit  au  \î\^\\ïéi\\\'  une  pensée  est  délicate,  lors- 
que les  idées  en  sont  liées  entre  elles  par  des  rap- 
ports peu  communs  qu'on  n'aperçoit  pas  d'abord, 
(pioiqu'ils  ne  soient  point  éloignés,  (pii  causent 
une  surprise  agréable,  qui  réveillent  adroite- 
ment des  idées  accessoires  et  secrètes  de  vertu, 
d'honnêteté,  de  bienveillance,  de  volupté,  de 
plaisir,  et  <pii  insinuent  indirectement  aux  autres 
la  bonne  opinion  qu'on  a  ou  d'eux  ou  de  soi.  On 
(lit  d'une  expression  «pi'ellc  est  délicate,  lors- 
(]n'elle  rend  l'idée  clairement ,  mais  qu'elle  est 
empruntée,  par  métaphore,  d'objets  écartés,  qye 
nous  voyons  tout  d'un  coup  rapprochés  avec 
plaisir  et  surprise. 

Délicatement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  est  délicatement 
travaillé,  cela  est  travaillé  délicatement. 

Délice.  Subst.  m.  et  L  Vaugclas,  Thomas  Cor- 
neille et  Ménage  disent  que  ce  mot  ne  doit  pas 
s'employer  au  singulier.  L'Académie  et  quelques 
grammairiens  modernes  ne  sont  pas  de  cet  avis,  et 
je  crois  qu'ils  ont  raison. 

Au  singulier,  délice  est  masculin  :  C'est  un 
délice,  c'est  un  grand  délice. 

Au  pluriel,  délices  est  féminin:  Dans  les 
Champs-Elysées...  les  rois  foulent  à  leurs  pieds 
les  molles  délices  et  les  vaincs  grandeurs  de 


200 


DEL 


leur  ancienne  condition,  qu'ils  déplorent.  (Fcnel., 
Télémaque,  liv.  XIX,  l.  11,  p.  232.) 

Uéliciel'sement.  Adv.  On  pcul  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  cl  le  p.Trlicipe  :  I^ous  avons  n'eu  di'- 
licieu sèment;  nous  avons  délicieusement  vécu. 
DÉLICIEUX,  Délicieuse.  Adj.  On  peut,  lorsiiuc 
l'harmonie  et  l'uiudogie  le  pcnnciteiit,  le  iihicer 
avant  son  sul)Sl.  :  C'est  un  homme  délicieux,  vn 
lieu  dclicieux,  tin  séjour  délicieux,  un  délicieux 
séjour. 

Dki  iÉ,  Déliée.  Adj.  (^ui  ne  se  met  qu'après 
son  suhsi.  Il  se  dit  au  propre  de  tout  ce  qui  a 
tros-i)eu  dï'i)aisseur  relativement  à  sa  longueur  : 
Un  fil  délié,  un  trait  délié,  etc.;  et,  au  figuré, 
d'un  esprit  propre  aux  afCaires  épineuses,  fertile 
en  expédients,  insinuant,  lin,  souple,  cache;  qua- 
lités qui  lui  sont  communes  avec  l'esprit  fourbe 
et  méchant.  Cependant  on  peut  être  délié  sans 
être  ni  méchant  ni  fourbe. 

Un  discours  délié  est  celui  dont  on  ne  dislin- 
gue pas  du  premier  coup  d'œil  l'artifice  et  la  fin. 
II  ne  faut  pas  confondre  le  délié  avec  le  délicat. 
Les  gens  (ieVica/i  sont  assez  souvent  déliés  ;mn\^ 
les  gens  déliés  sont  rarement  délicats.  Répandez 
sur  un  discours  délié  la  nuance  du  sentiment,  et 
vous  le  rendez  délicat.  Supposez  à  celui  qui  lient 
un  discours  délicat  quelque  vue  inlére.>sie  cl 
secrète,  el  vous  en  ferez  a  l'instant  un  homme 
délié. 
Délit.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  t. 
Délirant,  Délirante.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  dé- 
lirer. Il  ne  se  dit  guère  qu'au  figuré  :  Une  ima- 
gination délirante. 

Délirer.  Y.  n.  de  la  1"  conj.  Il  signifie  être 
en  délire  ;  Je  m'aperçus  qu'il  délirait. 

Délivrcu.  y.  a.  de  la  l"^"'  conj.  :  Délivrer  quel- 
que chose  à  quelqu'un  ,  délivrer  quelqu'un  de  \ 
quelque  chose. 

Délivrer,  dans  le  sens  de  livrer,  ne  peut  avoir 
deux  régimes  de  personne.  On  dit  bien  délivrer 
des  marchandises  à  quelqu'un  ;  maison  ne  doit 
pas  dire  délivrer  un  prisonnier  à  quelqu'un. 
(Bouhours,  de  Waiily.) 

Déloger.  Y.  a.  et  n.  de  la  i"  conj.  Dans  ce 
verbe,  le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  j; 
et  pour  lui  conserver  cette  prononciation  lors- 
lu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un 
»  muel  avant  cet  a  ou  cet  o  :  Je  délogeais, 
iélogcons,  et  non  \yds  j'e  délogais,  délogons. 

Déloyal,  Déloyale.  Adj.  Il  est  peu  usité  au- 
jourd'hui. On  pourrait,  dans  quelques  cas,  le  met- 
tre avant  son  subst.  :  Ce  déloyal  umi.^  Il  n'a 
point  de  masculin  au  pluriel.  Y ijyaz  Jdjectif. 

Déloyalkment.  Adv.  Ce  mot  est  peu  usilé.  On 
ne  pourrait  j)asle  metlre  entre  l'auxiliaire^  el  le 
participe.  On  pourrait  dire  il  en  a  usé  déloya- 
lement  envers  moi,  et  non  pas  il  en  a  déloyalc- 
ment  usé  envers  moi. 

Délustrer.  y.  a.  de  la  \"  conj.  Je  ne  sais 
pourquoi  ce  mot  n'est  pas  employé  dans  la  lan- 
gue. Il  signifie  ôter  le  lustre,  faire  perdre  le  huî- 
tre. Il  est"  vrai  «lUC  nous  avons  rfeVain-,  mais  ce- 
lui-ci ne  se  dit  que  des  draps  et  dcséiolfes.  —  En 
48:^5,  rAcadémic  admet  délustrer  dans  le  sens 
d'ôter  le  luslre,  et  le  seul  exemple  (lu'elle  en 
donne  est  :  Délustrer  une  e'^o^.— Cérulti  l'a  em- 
ployé an  figure  :  Un  nom  illustré  par  la  valeur 
ou  par  le  génie  ne  saurait  être  délustn;  ni  par 
la  calomnie  ni  par  le  despotisme.  —  L'analugie 
■entre  illustré  cl  délustré  me  semble  un  peu  for- 
cée.  Cela  vient  sans  doute  de  ce  que  l'esprit 


DEM 

n'est  pas  accoutumé  a  prendre  le  mot  délustré 
dans  le  sens  figuré. 

DÉ.MAIGRIR.  V.  n.  de  la  2'^  conj.  L'Académie, 
dans  l'édition  de  1798  et  dans  celle  de  1835,  dit 
que  ce  mol  signifie  devenir  moins  maigre.  Mal- 
gré cette  autorité,  les  bons  dictionnaires  n'ont 
lioini  adopté  celte  expression.  En  effet,  on  ne  sait 
trop  ce  qu'elle  signifie. 

Demain.  Adv.  de  temps.  Il  peut  se  mettre 
avant  ou  après  le  verbe,  mais  jamais  entre  l'auxi- 
liaire et  le  partici[)e  :  Demain  firai,  ou  j'irai 
demain.  On  ne  dit  pas  ?ious  aurmis  demain  dîné 
à  cinq  heures,  mais  demain  nous  aurons  dîné  à 
cinq  heures. 

Selon  (iucli]ues  grammairiens,  on  peut  dire  in- 
différemment demain  au  inalin  OU  demain  ma- 
tin; mais  si  ces  deux  expressions  sont  également 
bonnes  en  elles-mêmes,  celle  qui  est  exprimée  en 
moins  de  mots  doit  être  la  meilleure.  Disons  donc 
hier  matin,  et  non  |)as  hier  au  matin. 

Demander.  Y.  a.  et  n.  de  lai"  conj.  :  Deman- 
der quelque  chose  à  quelqu'un,  demander  une 
stmune  à  emprunter. — Quand  demander  est  neu- 
tre, régit-il  d  ou  de  devant  un  verbe?  Faut-il 
dire  il  demande  d'être  reçu,  ou  à  être  reçu  dans 
cette  compagnie"^  Il  demande  à  entrer  on  il  de- 
mande d'entrer?  —  Si  l'objet  de  la  demande  est 
une  action,  il  faut  employer  à  :  Il  demande  à 
parler,  il  demande  à  entrer,  il  demande  à  vous 
parler,  il demandei\  entrer  dans  cette  conipagnic, 
il  demande  à  vous  suivre.  Lorsque  l'objet  de  la 
demande  n'est  pas  de  faire  une  action,  il  faut  em- 
ployer de  .•  Il  demande  d'être  reçu  dans  cette  com- 
pagnie Il  demande  de  ne  pas  vous  suivre.  Il 
demande  d'être  dispensé  de  cette  démarche.  De- 
mander, neutre,  régit  aussi  que  avec  le  subjonctif: 
Ils  demandèrent  au  roi  qu'il  leur  fût  permis  de 
retourner  dans  leur  patrie. 

Demandeur.  Subst.  m.  Dans  le  langage  ordi- 
naire, on  dit  au  léminin  demandeuse  ;  en  style 
de  palais,  demanderesse. 

Démangeaison.  Subst.  f.  Au  figuré,  il  régit  lie 
avec  l'inOnitif  :  Avoir  la  démangeaison  de  par- 
ler, de  courir,  etc. 

Il  f.iut  qu'un  galanl  homme  .lit  toujours  grand  empire 
Sur  les  démangeaisons  qui  nous  prennent  d'écrire. 
(Mol.,  Misanthr-,  acl.  I,  se.  u,  96.) 

DÉMANGER.  V.  n.  de  la  \"  conj.  Dans  ce  verbe 
le  ^  doit  toujours  avoir  la  prononciation  du  j  ; 
el  pimr  la  lui  conserver  lorsqu'il  est  suivi  d'un  a 
ou  d'un  0,  on  met  un  e  muet  devant  cet  a  ou  cet 
0  :  démangeais,  démangeai,  ct  non  pas  déman- 
gais,  démangai. 

DÉMARQUER.  Y.  a.  dc  la  1"  conj.  Il  ne  se  dit 
point  dc  la  marque  qu'on  ôle,  mais  de  la  chose 
dont  on  ôle  la  marque  :  Démarquer  vn  livre. 

Démasquer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  n'a  que  le 
régime  direct  :  Démasquer  quelqu'un.  On  ne  dit 
point,  en  parlant  de  queit]u'un  iiu'on  veut  faire 
connaître, /s  vous  le  démasquerai. 

DÉ.MÈLER.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  Voltaire  a  dit 
dans  Sémiramis[^c{.  II.  se.  i.  41)  : 

J'ai  démêle  son  ime,  el  j'en  vois  la  noirceur. 

DÉMEMBREMENT.  Subst.  m.  l.'Acadciiiie  dk 
avec  raison  que  ce  mot  ne  se  dit  ([u'au  figuré  ; 
Le  démembrement  d'une  terre,  d'un  royaume. 

Démembrer.  V.  a.  de  la  1'''^  conj.  Ce  verbe, 
non  plus  que  le  ?,\\\)^\M\\\i  démembrement,  ne  se 
dit  point  au  propre.  Cependant  l'Académie  dit 


DÉM 

qu'il  est  usité  en  ce  sens,  et  elle  donne  pour 
exemple  :  Les  bacchantes  déchirèrent  et  déinein- 
brèrenl  Punllm.  Coriainciuenl  un  homme  qui 
est  déchire  doit  cire  à  peu  près  démembré,  et 
la  seconde  expression  ajoute  peu  de  chose  a  la 
première.  Il  se  ferait  plutôt  démembrer  et  mettre 
en  pièces.  C'est  la  miMiie  faute  que  dans  l'exem- 
ple précédent.  Mettre  en  pièces  signifie  a  [kîu 
l)rés  la  même  chose  (|ue  démembrer,  qui  n'est 
pas  français  en  ce  sens. 

Démentir.  V.  a.  et  irrég.  de  la  2*  conj.  Il  se 
conjugue  comme  sentir.  Voyez  Irrégulier. 

L'Académie  dit  qu'il  signifie  (igurément  faire 
des  choses  indignes  de  sa  naissance,  de  son  ca- 
ractère, de  sa  profession.  Racine  a  dit  en  ce  sens 
dans  Iphigénie  (acl.  II,  se.  iv,  J9)  : 

Mais  puisque  désormais  son  làclie  repentir 
Dément  le  sang  des  dieux  dont  on  le  fait  sortir. 

Mais  démentir  se  dit  aussi  d'une  chose  mau- 
vaise, odieuse  : 

Vous  ne  dimentez  point  une  race  funeste. 

(Rac,  IpMg.,  act.  IV,  se.  IV,  82.) 

On  dit  aussi  son  cœur  dément  sa  bouche  : 

Kt  ne  voyais-lu  pas  dans  mes  emportements 
Que  mon  cœur  démentait  ma  bouche  à  tous  moments? 
(Rac,  Androm.,  act.  V,  se.  m,  55.) 

Se  démentir.  Voltaire  l'a  dit  de  la  fierté  et  du 
sort  : 

Celte  fierté  qu'en  nous  soutient  la  modestie 
Dans  mon  cœur  à  ce  point  ne  s'est  point  démentie. 
(Zaïre,  act.  I,  se.  I,  65.) 

Jlais  je  connais  le  sort,  il  peut  se  démentir. 

(.We'rop.,  act.  I,  se.  IV,  55.) 

Démériter.  V.  n.  de  la  1"^  conj.  On  AW.  démé- 
riter auprès  de  quelqu'un,  et  déviériter  de  quel- 
qu'un. Je  l«îiise  que  démériter  auprès  de  quel- 
qu'un, c'est  faire  quelque  chose  qui,  sans  le  lou- 
cher directement,  ])rive  cependant  de  sa  bien- 
%"cilIonce.  Je  sais  qu'une  personne  s'intéresse  à 
moi,  (lu'ellc  a  à  cœur  (juc  j'aie  une  conduite  ré- 
gulière :  si  je  me  conduis  mal,  je  démérite  au- 
près d'elle.  Je  jouis  de  la  confiance  d'une  per- 
sonne, et  j'en  'àhusc  :  je  démérite  d'elle. 

Déiviesuré,  Démesui'.ée.  Adj.  11  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  siîbst.  :  Une  grosseur  démesurée,  une 
ambition  démesurée. 

DÉJiEsuRÉmENT.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Il  est  démesurément  rjrand. 

DÉMETTRE.  V.  a.  et  irrég.  de  lu  A*"  conj.  11  se 
conjugue  comme  mettre.  \  oyez  ce  mot. 

DEJiECREr..  V.  n.  de  la  1"'  conj.  Ce  verbe 
prend  l'auxiliaire  avoir,  si  l'on  veut  faire  enten- 
drequc  le  sujet  n'est  plus  au  lieu  dont  il  csl  ques- 
tion, qu'il  n'y  était  plus  ou  (pi'il  n'y  sera  plus  à 
l'époque  dont  il  s'agit.  Ainsi  l'on  du-a  :  Il  a  de- 
meuré six  mois  à  Madrid,  il  a  demeuré  long- 
temps à  Paris,  il  a  demeuré  longteinps  en  che- 
min, il  a  demeuré  quelque  temps  en  Italie.  J'ai 
demeuré  captif  en  Egypte  comme  Phénicien. 
(Fénel.,  Télémaque,  liv.  III,  t.  I,  p.  120.) 

L'n  grammairien  prétend  qu'il  fallait  j'ai  été 
captif  ;  la  moindre  reflexion  fera  sentir  la  difi'é- 
rence  entre /'^it  été  et  j'ai  demeuré  captif;  le 
premier  est  vague  cl  n'a  aucun  rapport  à  la  du- 
rée de  la  captivité;  le  second  marque  celle  du- 
rée, quoique  d'une  mnnicre  indéfinie.  Celui  qui  a 
été  captif  peut  ne  l'avoir  élc  qu'un  jour;  celui 


DEM 


201 


qui  a  demeuré  captif  Vil  été  pendant  un  temps 
considérable.  Le  besoin  d'exprimer  ces  nuances 
et  l'exemple  de  Fénclon  justifient  cette  expres- 
sion. 

Si  l'on  veut  exprimer  (pie  le  sujet  est  encore 
au  lieu  donl  il  esl  (|uestioii,  (pi'il  y  élail  ou  ipi'il 
y  sera  encore  à  Icpotpie  dont  il  s'agil,  dp;He»n't' 
prend  l'auxiliaire  être  :  Il  est  demeuré  en  chc- 
7iiin,  mon  frère  est  demeuré  à  Paris  pour  faire 
ses  études;  il  est  demeuré  court  en  haranguant 
le  roi;  il  est  demeuré  deux  mille  hommes  sur  la 
place. 

Ma  langue  embarrassée 

Dans  ma  liouche  Tingt  fois  a  demeuré  glacée. 

{Rac,  Dérén.,  act.  II,  se.  Il,  137.) 

Dans  ces  vers,  dit  d'OIivct,  demeurer  ne  saurait 
être  pris  que  pour  rester;  ainsi  ma  langue  est 
demeurée  glacée  était  la  seule  bonne  inaiiièrc  de 
[larior. 

Demi,  Demie.  Adj.  Cet  adj.  se  met  avant  ou 
après  son  subst.  Quand  il  le  piécèdc,  il  est  inva- 
riable, c'est-à-diie  (ju'il  ne  prtMid  jiunais  ni  le  fé- 
minin ni  le  pluriel  :  Un  demi-cercle,  un  demi- 
bastion,  une  demi-lune,  deux  demi-cercles.  Mais 
quand  il  suit  son  subslanlif  il  cesse  d'èlre  inva- 
riable, c'esl-àdire  qu'il  prend  seiilcinenl  la  mar- 
que du  féminin  quand  ce  subslanlif  esl  féminin, 
mais  il  ne  prend  pas  la  manpie  du  pluriel  :  Un 
iour  et  demi,  une  heure  et  demie,  deux  heures 
el  derme. 

Demie,  subst.,  prend  la  marque  du  pluriel; 
Une  pendule  qui  sonne  les  demies. 

*  Demi-hiatus.  Siil)sl.  m.  Son  désagréable  qui 
résulte  de  la  prononciation  d'un  e  inncl  que  l'on 
est  obligé  de  prononcer  au  milieu  d'un  vers  : 

On  leur  fait  admirer  les  baies  qu'on  leur  donne. 

(COBM.,  Menteur,  acl.  I,  se    VI,  34.) 

Baies  signifie  ici  bourdes,  cassades.  Il  faut 
éviter  soigneusement  au  milieu  des  vers  ces  mots 
baies,  braies,  etc.,  el  ne  les  jamais  faire  rencon- 
trer par  des  syllabes  qui  les  heuricnl.  On  esl 
obligé  de  faire  baiesdc  deux  syllabes,  el  ce  son  esl 
tiès-désagreable;  c'est  ce  ipi'on  appelle  \c  demi- 
hiatus-  (Voltaire,  Rcmarq.  sur  Corneille.)  L'A- 
cadémie ne  met  point  ce  mol. 

*  DÉMiTRER.  V.  a.  de  la  d"  conj.  F.xprcssion 
de  circonslance  qui  signilie  délruire  les  évéques, 
leur  ôter  leurs  évérhés.  Vollaire  a  dit  :  Nous  ne 
voulonspas  votis  démilrer. 

Démocratique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se 
met  ajirôs  son  subsl.  :  Gouvernement  déinocrati- 
que,  maximes  démocratiques. 

Démocratiquement.  Adv._  11^  se  met  après  le 
verbe  :  Ce  pays  est  gouverné  démocratiquement, 
et  non  pas  est  démocratiquement  gouverne. 

Demoiselle.  Subst.  f.  Terme  devenu  commun 
à  toutes  les  filles  d'honnèie  famille,  el  par  lequel 
on  les  dislingue  des  femmes  mariées.  On  esl  quel- 
quefois fort  embarrassé  aujourd'hui  pour  l'em- 
ploi de  ce  mot.  Autrefois  on  disait  d'une  |icrsonne, 
de  (juclque  condition  (lu'elle  fût.  qu'elle  avait 
un  garçon  et  deux  flics.  Aujourd'hui  que  le  mot 
file  est  devenu  un  terme  injurieux,  personne  ne 
veut  plus  avoir  ilp,s  fdles,  tout  le  monde  veut 

avoir  (]iis  demoiselles.  Une  fe le  du  peuiiledil 

qu'elle  a  deux  demoiselles,  [loiir  dire  qu'elle  a 
deux  filles,  ce  qui  parait  ridii-ule  d'après  l'ac- 
ceplion  commune  du  mol  demoiselle. 

DÉMOLIR.  V.  a.  de  la  2' conj.  L'Âcndémic  le 
définit  détruire,  abattre  pièce  à  pièce.  On  ne  dé- 


t>02 


DÉN 


/M/tVpns  ce  (|ii'on  démolit,  les  matériaux  restent; 
l'idée  prupie  de  démolir  n'est  JKIS  à'ahatlie  pièce 
ù  pièce,  mais  de  rompre  la  liaison  d'une  ni;i>se 
eoiisiruite. 

Dkmon.  Subst.  m.  Voltaire  a  dit  dans  la  Ilen- 
riade  (1,  93)  le  démon  du  curiiuge  : 

Dans  nos  champs  dosolos  le  démon  du  carnage 
Oi'ji  jusqu'aux  deux  meri  avait  porté  aa  rage. 

Dans  VEnfunt  pi-odique  (act.  II,  se.  i,  33),  il 

se  prend  ihiiis  le  sens  de  génie  : 

En  vérité,  les  filles,  comme  on  dit. 
Ont  un  démon  qui  leur  forme  l'esprit. 

Démoniaqde.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit 
toujours  son  subst.  :  Un  homme  démoniaque, 
une  femme  démoniaque. 

♦JDémonisme,  Démomste.  Substantifs  mascu- 
lins. On  a  fait  signilier  au  mot  di'monisme  l'ado- 
ration, le  culte  des  dénions;  et  à  démonisle,  celui 
qui  adore  les  dénions  ou  un  démon  :  L'alhéisme 
exclut  toute  relif/ion.  Le  démonisle  peut  avoir 
un  culte.  (Diderot.) 

DÉMONSTRATEUR.  Subst.  m.  Il  nc  se  dit  point 
d'une  femme.  Mais  s'il  s'en  trouvait  une  qui  fit 
des  démonstrations  de  botanique,  je  ne  vois  pas 
pourquoi  on  ne  dirait  pas  d'elle  que  c'est  une  dé- 
monstratrice. Il  est  vrai  que  l'expression  est  un 
peu  dure;  mais  il  vaut  mieux  avoir  une  expres- 
sion dure  pour  rendre  une  idée  que  de  n'en  pas 
avoir  du  tout. 

Démonstratif,  Démonstrative.  Adj.  Il  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Arqument  démonstra- 
tif, preuve  démonstrative. 

Plusieurs  grammairiens  appellent /jrowom*  dé- 
monstratifs ce  que,  à  l'exemple  de  plusieurs  au- 
tres çrammairieiis,  nous  appelons  adjectifs  dé- 
monstratifs. A'oyez  Adjectif. 

Dé.monstrativemf.nt.  Adv.  Il  peut  se  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  nous  a  dé- 
monstrativement  prouvé,  ou  il  nous  a  prouvé 
démon  stralivetnent. 

Démontrable.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit 
toujours  son  subst.  :  Proposition  démontrable. 

DÉMONTRER,  PuoLVER.  Vcrbes  actifs  de  la  ^^'' 
conj.  Démontrer,  c'est  prouver  par  la  voie  du 
raisonnement,  par  des  conséiiuences  nécessaires 
d'un  principe  évident.  Prouver,  c'est  établir  la 
vérité  d'une  chose  par  des  preuves  de  fait  ou  de 
raisonnement,  par  un  témoignage  incontestable, 
des  preuves  justificatives,  etc.  On  ne  démontre 
point  les  faits,  on  ne  démontre  que  les  proposi- 
tions; mais  on  prouve  les  propositions  et  les 
faits.  Le  géomètre  démontre;  le  i)iiysicicn  ne  dé- 
montre pas,  il  prouve  seulement.  C'est  (jue  les 
vérités  physiiiues  sont  des  phénomènes  qui  se 
montrent  et  ne  se  démontrent  pas;  au  lieu  que 
les  vérités  géométriques  sont  des  propositions 
qui  se  démontrent  sans  se  montrer.  On  prouve 
tout  ce  que  l'on  démontre  ;  mais  on  ne  démontre 
pas  tout  ce  qu'on  prouve. 

DtNiER.  V.  a.  délai"  conj.  Déîiier,  dans  le 
sens  de  refuser,  ne  se  dit  plus.  On  le  trouve  en- 
core dans  Racine  : 

Possédant  une  amour  qui  me  fût  déniée. 

(Uic,  MUhnd.,  ad.  III,  se.  v,  2t.) 

Pour  obtenir  les  vents  que  le  ciel  tous  dénie... 

(RiC,  Iphig.,  act.  I,  se.  1,  61.) 

*  Démgredr.  Subst.  m.  Mot  nouveau  qui  peut 
être  utile  :  On  n'entend  partout  tant  de  déni- 
greurs que  parce  que  les  hommes  sont  engéyiéral 


DÉP 

médiocres,  sots,  et  jaloux  de  toute  espèce  de  suc- 
cès. (.Mercier.) 

Dénonciatixr.  Subst.  m.  l'.n  parlant  d'une 
femme,  quelques  auteurs  ont  dit  dénonciatrice. 
— L'Académie  admet  ce  féminin  dans  sa  dernière 
édition.  —  1. inguet  l'a  dit  adjectivement  [Juurn. 
politiq.  et  litt.,  t.  IX,  p.  227).  Kien  n'empêche 
de  se  servir  de  ce  mot.  Voyez  Délateur. 

Dénotation,  et  Dénoter.  Deux  mots  qui  sont 
vieux,  et  que  r.\cadéiiiie  aurait  pu  retrancher 
de  son  Dictionnaire. 

Dénol'mknt.  Subst.  m.  C'est  le  point  où  aboutit 
el  se  résout  une  intrigue  é[)ique  ou  dramatique. 
L'Académie  n'appli<iue  le  mot  dénuement  qu'à 
l'intrigue  dramatique. 

Le  dcnoiimenl  de  l'épopée  est  un  événement 
qui  tranche  le  lil  de  l'action  par  la  cessation  des 
périls  ou  des  obstacles,  ou  par  la  consommation 
du  mallieur.  Le  dénoùincnt  <!e  la  tragédie  est 
souvent  le  même  cpie  celui  du  poëmc  épique  , 
mais  communément  amené  avec  i)lus  d'art. 

DÉNOUER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
dit  (]u'il  signifie  figuréinenl  rendre  plus  souple, 
plus  agile,  ou,  en  parlant  d'une  ])ièce  de  théâtre, 
démêler,  développer.  Racine  l'a  dit  d'un  hymen  : 

Rome,  aussi  bien  que  moi,  vous  donne  Sun  suffrage, 

Uépudie  OcUvie,  et  me  fait  dénouer 

Un  liymen  que  le  ciel  ne  veut  point  avouer. 

(Rac,    BriJan.,  act.  Il,  se.  ni,  70.) 

Df.nse.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
ordinairement  qu'après  son  subst.  :  Corps  dense. 

Dentale.  Adj.  f.  Il  se  dit  de  certaines  con- 
sonnes qu'on  ne  peut  prononcer  sans  que  la 
langue  touche  les  dents.  Le  d  et  le  t  sont  des 
consonnes  dentales.  11  ne  se  met  qu'après  son 
subst. 

Denté,  Dentée.  Adj.  Il  ne  se  met  (ju'après  son 
subst.  :  Bouc  dentée.  Voyez  le  mot  suivant. 

Dentelé,  Dentelée.  Adj.  Qui  est  taillé  en 
forme  de  dents.  L'Académie  donne  pour  exemple 
U71C  roue  dentelée:  nous  pensons  qu'une  roue 
est  dentée  ,  parce  qu'elle  a  des  pointes  qu'on 
a|)pelle  dents,  mais  (lu'clle  n'est  pas  dentelée, 
parce  que  ce  mot  ne  peut  se  dire  que  des  choses 
(jui  sont  en  forme  de  dents,  mais  non  do  celles 
qui  ont  réelleuienl  des  dents.  On  appelle  on  bo- 
tanique feuille  denieU'e,  et  non  pas  feuille  den- 
tée, une  feuille  dont  le  bord  a  des  échancrures 
(lui  forment  des  espèces  de  dents. 

Dénué,  Dénuée  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.,  et  qui  régit  ordinairomenl  la  prépo- 
sition de  :  Dénué  d'enlendement,  d'esprit,  de 
bon  sens  ;  dénué  de  secours,  d'assistance,  etc. 

Di.PAREJLLER.  \ .  II.  dc  la  1'"  coiij.  On  mouille 
les/. 

DÉPARLER.  V.  n.  de  lai"  conj.  11  est  familier, 
et  ne  se  met  qu'avec  la  négation  :  Eiie  ne  dé- 
parle pas.  Il  7i'a  pas  déparlé  de  toute  la  soirée. 
On  ne  dit  pas  il  déparle  pour  sigiiilicr  il  nc  sait  ce 
qu'il  dit  : 

Tu  n'imagines  pas  que  ma  joie  est  u\(rcme 

D'y  voir  cerlaiiies  sens,  tout  fiers  de  leur  maintien. 

Qui  ne  déparient  pat,  cl  qui  ne  disent  rien. 

(Regmahd,  Damocrite,  act.  II,  se.  v,  11.) 

Point  ne  manquait  du  don  de  la  parole 
L'oiseau  disert;  hormis  dans  les  repas, 
Tel  qu'une  nonne,  il  ne  déparlait  pas. 

I^Gresset,  Vert-Vert,  II,  £.) 

DÉPARTIR.  V.  a.  irrég.  de  la  '2."  conj.  Il  s'cia 


DÉP 

ploie  souvent  avec  le  pronom  personnel,  et  se 
conjugue  coiniue  Partir. 

Déi'E(;i.r.  V.  a.  delà  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  ca  la  pninoncialion  de  se,  et  pour  la  lui  con- 
server à  lous  les  leinps  cl  à  louies- les  personnes, 
il  faut  nieiirc  une  cédille  dessous  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  o  ou  d'un  a.  Ainsi  on  écrit 
nous  dipcçiis,  je  dcpeçuis,  je  dépeçai,  et  non 
pas  Hoiis  dépeçons,  etc. 

DÉPEiNDiiE.  V.  a.  de  la  4'  conj.  Racine  l'a  dit 
des  personnes  {Phèdre,  acl.  I,  se.  i,  77)  : 

Quand  lu  me  dcpeignaia  ce  ht^ros  intrépide. 

On  dit  aussi  familièrement  Dépeindre  une 
personne.  Dépcignez-notts  l'homme  do7it  vous 
parlez.  Je  ne  l'ai  vu  qu'un  instant,  je  ne  sau- 
rais vous  le  dépeindre,  f^ous  me  l'avez  si  bien 
dépeint  que  je  le  reconnaîtrais  ù  la  première 
vue. 

Dépenaillé,  DÉPE^AILLÉE.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  dépenaillé,  une 
femme  dépenaillée. 

DÉPENDAMMK^T.  Adv.  Commc  cet  adverbe  a 
toujours  un  régime,  il  ne  peut  se  mettre  qu'a- 
prés  le  verbe  :  Uàme  agit  dépendamment  de  ses 
organes. 

Dépendance.  Subst.  f.  Devant  un  substantif, 
il  régit  la  l)i'Cposilion  de  :  Les  enfants  sont  dans 
la  dépendance  de  leurs  parents. 

DÉPE^DA^T,  Dépendante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  dépendre.  Il  se  met  toujours  après  son  subsl. 
Il  régit  (}U(i(iuefois  de:  Elle  est  dépendante  de 
sa  mère.  Cette  affaire  est  dépendante  de  lu  vo- 
lonté du  prince. 

Dépensier,  Dépensière.  Adj.  <)ui  aime  ex- 
cessivement la  dépense,  qui  dépense  excessive- 
ment. 11  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

*  Déperséclter.  y.  a.  de  la  1"  conj.  Mot 
nouveau  que  Voltaire  a  employé  de  la  manière 
suivante  :  Peut-être  y  auru-t-il  enfin  des  âmes 
raisonnables  qui  rougiront  de  cet  exemple  de 
barbarie  au  dix-huitième  siècle,  et  qui  tâcheront 
d^effacer  cette  flétrissure  en  faisant  dépersé- 
cuter le  compagnon  de  cet  infortuné.  Celle  ex- 
pression iiio  parait  propre  à  réussir. 

♦Dépersuader.  Y.  a.  de  la  1"=  conj.  On  ne  le 
trouve  point  dans  le  Dictionnaire  de  l'Jcadémie. 
Féraud  dit  qu'il  est  vieux.  On  s'en  sert  quelque- 
fois dans  le  discoui-s  familier,  et  J.-J.  Rous- 
seau l'a  employé  dans  le  passage  suivant  :  Avant 
de  le  déclarer  innocent,  il  faut  que  je  le  croie  ; 
et  je  crois  s-i  décidément  le  contraire,  que  vous 
aurez  peine  à  me  dépersuader. 

Dépit.  Subsl.  m. 

Et  je  m'ose  assurer  qu'en  dépit  de  mon  crime, 
Mon  sang  leur  servira  d'assez  pure  victime. 

(Corn.,  Cin.,  act.  IV,  se.  vu   30.) 

On  ne  peut  [)as  dire  en  dépit  de  mon  crime , 
comme  on  dit  inahjré  mon  crime,  parce  qu'un 
crime  n'a  point  de  dépit.  On  dit  bien  en  dépit  de 
ma  haine,  de  mon  amour,  parce  que  les  pas- 
sions se  personnifient.  (Volt. ,  Remarques  sur 
Corneille.  ) 

Déplaire.  V.  n.  Ce  verbe  étant  essentielle- 
ment neutre,  reste  invariable  au  participe  lors- 
qu'il est  employé  avec  le  pronom  personnel. 
Voyez  Plaire. 

Déplaisant,  Déplaisante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  déplaire.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst. 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permcllcnl. 
On  ne  dit  pas  un  déplaisajit  homme,  un  déplai- 


DÉP 


205 


sont  lieu  ;  mais  on  dit  un  séjour  déplaisant,  ou 
un  déplaisant  séjour.  Yoyez  Adjectif 

Déplaisir.  Subst.  m.  llacinc  a  dit  dans  An- 
droiiiaque  (act.  II,  se.  i,  67),  un  cœur  accablé  de 
déplaisirs  : 

El  qu'un  cœur  accablé  de  tant  de  déplaisirs. 
De  ses  perséculeurs  ait  brigue  les  soupirs. 

Déploiement.  Subst.  m.  Mirabeau  a  employé 
ce  mot  au  figuré  :  Quand  la  nation  s'élance  du 
néant  de  la  servitude  vers  la  création  delà  li- 
berté, quand  la  politique  va  concourir  avec  la 
nature  au  déploiement  immense  de  ses  hautes 
idées . . . 

Déplorable.  Adj.  des  deux  genres.  L'Acadé- 
mie, dans  son  édition  de  1762,  avait  dit  (lue  ce 
mol  ne  se  disait  (lue  des  choses  :  Etat  déplora- 
ble, sort  déplorable,  condition  déplorable;  dans 
ses  deux  dernières  éditions,  elle  a  ajouté  iju'il  se 
<iit  quelijucfois  des  personnes,  on  poésie  cl  dans  le 
siyle  souienu.  Féraud,  dont  le  Dictionnaire  a  paru 
longtemiis  avant  l'année  1798,  ne  veut  point  iju'il 
se  dise  des  personnes, malgré  l'autorité  de  Racine, 
qui  l'a  employé  ainsi  dans  plusieurs  de  bcs  tragé- 
dies. Pour  nous,  nous  adoptons  la  dernière  édi- 
tion de  l'Académie;  et  voici  les  exemples  sur  les- 
quels nous  nous  appuyons  : 

Je  te  TÎs  à  regret,  en  cet  état  funeste. 
Prêt  i  suivre  partout  le  déplorable  Oiesle. 

(Rac,  Androm.,  act.  1,  se.  i,  45.) 

Vous  voyez  devant  vous  un  prince  déplorable. 

(Rac,  Phéd.,  act.  Il,  se.  ii,  67.) 

Phèdre  épargnait  toujours  un  père  déplorable. 

[Idem,  acl.  IV,  se.  I,  14.) 

Va,  c'est  trop  accabler  nn  père  déplorable. 

iVoLT.,  Tancr.,  act.  IV,  se.  VI,  63  ) 

Racine  le  fils  défendit  dans  le  temps  celte  ex- 
pression de  son  père  contre  la  décision  de  l'Aca- 
démie; et  il  demandait  si  ces  exemples  n'avaient 
pas  autant  d'autorité  qu'une  décision  dont  la 
raison  ne  frappe  pas.  Féraud  répond  qu'en  fait 
de  langage,  ce  n'est  pas  la  raison  qui  décide, 
mais  l'usage.  Mais  comment  l'usage  s'établit-il? 
est-ce  par  une  décision  de  l'Académie  ou  par  les 
bons  auteurs  ?  et  peut-on  adopter  colle  décision 
donnée  au  hasard,  quand  Racine,  Voltaire,  Cré- 
billon  et  plusieurs  autres  auteurs  ont  établi 
l'usage  contraire? 

DÉPLORABLEMENT.  Adv.  11  sc  mct  loujoufs  aprés 
le  verbe  :  Il  s'est  conduit  déplorablemcnt. 

Déplorer.  V.  a.  de  la  1"' conj.  L'Académie, 
dans  ses  éditions  de  -171)8  et  de  4835,  ne  s'est  pas 
rétractée  sur  le  vorbe  déplorer,  comme  elle  l'a 
fait  sur  l'emploi  de  l'adjectif  déplorable.  Mais 
puisqu'on  dit  en  poésie  vn  homme  déplorable, 
pourtpioi  ne  dirait-on  [)as  aussi  en  poésie  déplo- 
rer une  personnel  Fn  effet,  Racine  l'a  dit,  et  je 
crois  qu'on  pourrait  en  trouver  des  exemples 
dans  d'autres  poêles. 

Infortunés  tous  deux,  dignes  qu'on  vous  déplore. 

'l'rcres  ennemis,  act.  V,  sc.  II,  23.) 

Déployeu.  y.  a.  de  lai"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  Employer.  Voyez  ce  mol.,  Uelille  a  dit 
déployer  une  enseigne  aux  vents  {Enéide,  VIII, 

81)9)  : 

L'autre  déploie  aux  vents  une  enseigne  flollanle. 

Ce  verbe  s'emploie  beaucotip  au  figuré  • 


204 


DEP 


Dieu,  déployant  sur  lui  sa  vengeance  sctère, 
Marqua  ce  roi  mourant  du  sceau  de  sa  colère. 

(Volt.,  Henr.,  III,  190 

N'attendez  pas,  roon  fils,  qu'avec  un  ton  sévère 
Je  déploit  à  vos  yeux  raulorili;  de  mère. 

(Volt.,  Indiêcret,  se.  I,  1.' 

Votre  cœur  généreux,  trop  simple  et  trop  ouvert, 
A  cru  qu'en  cette  cour,  ainsi  qu'en  votre  armée. 
Suivi  du  vos  exploits  cl  de  la  renommée, 
Vous  pouviei  déployer,  sincère  impunément, 
La  fierté  d'un  héros  et  le  cœur  d'un  amant, 

(Volt.,  Sémir.,  acl.  II,  se.  i,  10.) 

t:e  verlie  s'emploie  avec  le  pronom  personnel, 
tant  au  propre  qu'au  figuré  : 

En  tourbillons  fumants  la  flamme  ta  déploie. 

(Dbl.,  Énéid.,  V,  904.) 

Durant  ces  grands  débats,  du  monarque  de  Troie 
L'armée  impatiente  en  ordre  te  déploie. 

{Idtm,  XI,  547.) 

Hélas  !  qu'en  liberté  votre  cœur  te  déploie. 

(Volt.,  Ores(e,  act.  II,  se.  ii,  33.) 

Madame,  il  faut  enfin  que  mon  cœur  te  déploie. 

(A'OLT.,  Uér.,  act.  I,  se.  iii,  1.) 

Déposant,  Déposante.  Subst.  verbal  tiré  du 
f.  déposer.  Il  ne  se  dit  qu'en  termes  de  pratique  : 
Les  témoins  déposants. 

Dépositaire.  Adj.  des  deux  genres.  Lorsque 
ce  inot  est  appliqué  à  une  femme,  l'article  et  les 
adjectifs  qui  raccompagnent  prennent  le  genre 
féminin  :  Elle  est  ma  dépositaire.  (Acad.) 

Klle  est  de  mes  serments  seule  dépotitaire. 

(Ràc,  Jphig.,  act.  IV,  se.  VI,  72.) 

Dépodille  ,  DÉPOUILLEMENT.  Dans  ces  deux 
m*ts,  on  mouille  les  l.  Racine  a  dit  : 

Les  ronces  dégouttantes 
Portent  de  ses  cheveux  les  dépouilles  sanglantes. 
(Rac,  Phéd.,  acl.  V,  se.  vi,  70.) 

Les  cheveux  sont  les  dépoiiilles  delà  tête;  mais 
quelles  peuvent  être  les  dépouilles  des  chè- 
re us;? 

Dépouiller.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  On  mouille 
les  l.  On  dit  aussi  se  dépoviller.  Le  père  Bou- 
liours  voulait  que  l'on  employât  l'actif  dans  le 
sens  pro])rc,  et  le  réciproque  dans  le  figuré:  Dé- 
pouiller ses  habits,  se  dépouiller  du  faste.  Il 
ne  paraît  pas  que  cette  observation  ait  fait  for- 
tune; car  plusieurs  bons  écrivains  ont  employé 
l'actif  au  figuré  : 

Eh  bien!  dépouille  enfin  cette  douceur  contrainte. 
(Rac,  Alex.,  acl.  IV,  se.  m,  64.) 

Avez-vous  dépouillé  cette  haine  si  vive  î 

(Rac,  Àth.,  act.  II,  se.  v,  4.) 

Et  l'Académie  elle-même  a  dit  il  faut  avoir  dé- 
pouillé to7ite  humanité  pour. . . 

Férauii  admet  la  remanpie  du  père  Bouhours, 
en  y  mettant  pour  leslriclion  que  l'actif  est  plus 
l'iéganl  (jue  le  réciproque  dans  la  poésie  el  le  dis- 
cours soutenu;  et  que  le  réciproque  est  préfé- 
rable dans  le  discours  familier.  Je  pense  que 
Féraud  a  raison. 

L'Académie  dit  également  dépouiller  le  vieil 
homme,  et  se  dépouiller  du  vieil  homme.  La 
première  expression  est  consacrée  dans  le  lan- 


DEP 

gage  de  l'Écriture  sainte;  partout  ailleurs  il  faut 
eini)loycr  la  seconde.  A'oycz  Vieux. 

*  Di'PiiAVATEiR.  Subst.  m.  L'Académie  admet 
dépravati"n  et  dépraver;  elle  n'admet  pas  dé- 
prurateur,  mot  nouveau  (pie  l'usage  n'a  point 
sanctionnné,  mais  qui  serait  utile  pour  tlcsigncr 
d'une  manière  précise  les  plus  giaiuls  ennemis  de 
la  société.  On  médira  que  nous  avons  c«rn/;)/CMr; 
mais  parce  que  nous  avons  corrompre,  on  n'a  pas 
rejeté  dépraver.  La  momcdilTcrciiccfpii  existe  en- 
tre les  deux  verbes  exisleiait  eiilie  les  deux  subst. 

Déprécation.  Subst.  f.  C'est  une  ligure  de  rhé- 
torique par  latpieile  l'orateur  implore  l'assis- 
tance, le  secours  de  quoliiu'un,  ou  par  laquelle 
il  souhaite  qu'il  arrive  ipielque  punition  ou  quel- 
que grand  mal  à  celui  (|ui  jjarlei'a  faussement 
de  lui  ou  de  son  adversaire.  Celle-ci  s'appelle 
iiliis  pro[)remeiit  imprécation. 

Déprédatkuu.  Subst.  m.  L'Acadcmien'avait  pas 
mis  ce  mot  dans  son  édition  de  1762,  elle  le  met 
dans  celle  de  171)8  et  dans  celle  de  1835;  mais  les 
exemples  qu'elle  en  donne  semblent  en  restreindre 
le  sens  au  i)illage  fait  par  des  administrateurs, 
des  tuteurs,  des  domestiques,  etc.  Féraud  observe 
avec  raison  qu'on  le  dit  de  toute  sorte  de  pillage. 

Hardi  déprédateur,  et  soldat  indompté. 

[Énéid.,  VII,  1055.) 

DÉPRENDRE.  V.  a.  de  la  4'  conj.  L'Académie 
dit  qu'il  signifie  £fl/cfc7^e>•,  et  donne  pour  exemple 
ces  deux  doyues  étaient  tellement  acharnés  l'un 
contre  l'autre,  qu'un  eut  toutes  les  peines  du 
monde  à  les  dépreiidre.  Elle  dit  (|u'on  l'emploie 
aussi  au  figuré  :  Il  est  tellement  attaché  à  cette 
personne  qu'il  ne  saurait  s'en  déprendre. — Ce  mot 
n'est  point  usilé,  et  il  est  inutile,  carc^e'/ac/ier,  qui 
est  plus  clair  et  plus  conforme  à  l'analogie,  signifie 
la  môme  chose.  Féraud,  (jui  adoiHe ce  verbe,  n'en 
donne  pour  exemple  qu'une  phrase  de  l'iélifde  la 
Bretonne.  Mais  l'on  sait  que  cet  auteur  n'était 
pas  difficile  sur  le  choix  des  expressions. 

*  Déprisant,  DKPR1SA^TE.  Adj.  verbal  tiré  du 
v.  dépriser.  Quelipies  auteurs  modernes  s'en  sont 
servis;  mais  l'usage  ne  l'a  pas  encore  adopté.  Fé- 
raud remarque  avec  raison  que  déprisant  disant 
moins  que  méprisant,  il  pourrait  être  utile  dans 
le  cas  où  méprisant  serait  trop  fort  :  Employer 
une  expression  déprisante. 

Dépriser,  Mépriser.  Aerbes  actifs  de  la  1" 
conj.  Mépriser,  coniemnerc,  c'est  ne  faire  aucun 
cas  d'une  chose;  dépiiser,  depretiarc ,  dans  la 
basse  latinité,  el  dans  Cicéroii  dcprimerc,  c'est 
ôler  du  prix,  du  mérite,  de  la  valeur  d'une  chose. 
Mépriser  ù\\.  donc  beaucoup  plus  que  dépriser. 
Un  acheteur  peut  dépriscr  une  bonne  marchan- 
dise que  le  vendeur  prise  trop  haut.  On  i)eutaV- 
priser  les  choses  au  delà  de  l'ciiuilé,  mais  on  7né- 
prise  les  vices  bas  el  honteux.  On  déprise  sou- 
vent les  choses  les  plus  estimables,  mais  on  ne 
saurait  les  mépriser.  Tout  le  iDondc  méprise  la 
froide  avarice,  et  (juelques  gens  seulement  dépri- 
sent les  avantages  de  la  science.  Le  premier  sen- 
timent est  fondé  dans  la  nature,  l'auire  est  une 
folle  vengeance  de  l'ignorance.  En  vain  une  pa- 
rodie tenïerait  de  jeter  du  ridicule  sur  une  belle 
scène  de  Corneille,  tousses  traits  ne  sauraient  la 
dépriser.  En  vain  s'attacherait-on  <]iiol(pielbis  à 
dc.priser  certaines  personnes  pour  laiic  croire 
(|u'on  les  viéprise ;  cette  affectation  est  au  con- 
traire le  langage  de  la  jalousie,  un  chagrin  de  ne 
pouvoir  mépriser  ceux  contre  lcs(picls  on  dé- 
clame avec  hauteur.  La  grandeur  d'âme  mépnse 
la  vengeance;  l'envie  s'efforce  de  dépriser  les 


DER 

belles  actions;  l'émulation  les  prise,  les  admire 
et  tâche  de  les  imiter. 

Notre  laiiçiie  dit  estimer  et  estime,  mépnser 
et  mépris  ;  mais  elle  ne  dit  que  dépriser,  et  n'a 
point  adopté  dépris.  Cependant  ce  substantif 
nous  manque  dans  (pieiques  occasions  où  il  serait 
nécessaire  pour  désigner  le  sentiment  (jui  tient 
le  milieu  entre  l'estime  et  le  mépris,  et  pour  ex- 
primer, connue  fait  le  verbe,  celte  dilTérence.  Par 
exemple,  le  dépris  dos  honneurs,  des  riches- 
ses, etc.,  serait  un  terme  plus  juste,  i)lus  exact 
que  celui  de  mépris  des  richesses,  des  hon- 
neurs, etc.,  (jue  nous  employons;  parce  que  le 
mot  de  mépris  ne  doit  tombei'  (jue  sur  des  choses 
basses,  honteuses;  et  que  ni  les  richesses  ni  les 
honneurs  ne  sont  dans  ce  cas,  tjuoiqu'on  puisse 
les  trop  estimer,  et  les  priser  au  delà  de  leur  va- 
leur. (Kxtrail  du  Nouveau  Dictionnaire  de  la 
langue  française.) 

Depcis.  Préposition.  Devant  une  voyelle,  on 
prononce  le  s  connue  un  s  :  Depui-zime  heure. 

Depuis  ne  régit  point  les  verbes  à  l'infinitil', 
mais  la  conjonction  que  avec  l'indicatif:  Depuis 
que  je  suis  arrivé,  et  non  pas  depuis  être  arrivé. 

Ah!  depuis  qu'une  femme  a  le  don  de  se  taire. 

(Corn.,  Menteur,  acl.  I,  se.  17,  15.) 

Depuis,  dit  Voltaire  au  sujet  de  ce  vers,  rie  peut 
être  employé  pour  quand,  pour  dès  là  que,  lors- 
que. Le  mol  depuis  dénote  toujours  un  temps 
passé;  il  n'y  a  point  d'exception  a  celte  règle. 
[Remarques  sur  CornctUe.) 

Après  depuis  que,  suivi  d'un  mot  qui  signifie 
une  quantité  déterminée  de  temps,  on  supprime 
pas  :  Depuis  que  je  ne  vous  ai  vu.  Mais  il  faut 
pas  ou  poi/it  si  le  verbe  est  au  présent  :  Depuis 
que  nous  ne  nous  voyons  pas. 

Il  semblerait  inutile  de  remarquer  ici  eue  du 
depuis  est  une  mauvaise  expression  qui  n'est  plus 
usitée  que  parmi  le  Uis  peuple;  mais  comme  elle 
se  trouve  dans  Montesquieu,  quelques  personnes 
pourraient  croire  qu'il  est  permis  de  l'employer 
après  lui  :  Cela  fit  à  peu  près  la  même  révolution 
que  la  conquête  des  Indes  a  faite  du  depuis  en 
Europe.  (Monlesquieu.)  Du  depuis  n'est  plus 
supportable  aujourd'hui. 

Depuis  est  aus^i  adverbe,  et  alors  il  ne  prend 
point  de  régime.  Il  se  i)Iace  ou  devant  ou  après  le 
verbe,  quelquefois  mciiie  à  la  léle  de  la  phrase, 
mais  jamais  on  ne  doit  le  mettre  entre  l'auxiliaire 
et  le  participe  :  Je  iien  ai  pas  entendu  parler  de- 
puis. Il  ne  cessa  depuis  de  me  tourmenter.  De- 
puis il  s'est  fait  d'autres  amis.  On  ne  dirait  pas 
H  s'est  depuis  fait  d'autres  amis. 

Députer.  Ce  verbe  est  tantôt  actif,  tantôt  neu- 
tre :  Le  roi  députa  le  cardinal  à  la  diète.  Ils  dé- 
putèrent au  roi  pour  le  supplier  de  revenir  dans 
sa  capitale.  (Voltaire.) 

DÉRACINEMENT.  Subst-  m.  DÉBACiKER.  V.  a.  de 
la  1"  conj.  Le  substantif  ne  se  dit  qu'au  propre  : 
Le  déracinement  d'un  arbre.  Le  verbe  se  dit  au 
propre  et  au  ligun''  :  Déraciner  un  arbre,  déraci- 
ner le  vice,  déraciner  une  opinion,  une  erreur. 

Déraisonnable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se 
met  ordinairement  apiès  son  subst.  :  Un  hoinme 
déraisonnable,  une  femme  déraisonnable,  des 
proposilionsdéraisonnables.\ oyez  Irraisonnable. 

Déraisonnablement.  Adv.  Il  se  met  toujours 
après  le  verbe,  et  jamais  entre  l'auxiliaire  et  le 
partici|ie.  On  dit  il  a  parlé  déraisonnablement,  et 
DOD  paSiV  u  déraisonnablement  parlé. 

DÉBiNGEB.  \.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 


DÉR 


205 


I  le^  doit  toujours  se  jirononcer  comme  un  J;  et 

pour  lui  conserver  cette  prononciation  lorstpril 

1  est  suivi  d'un  a  ou  d  un  o,  on  met  un  e  muet 

avant  cet  a  ou  cet  0  :  Je  déram/cais,  dérangeons, 

et  non  pas/e  dérangais,  dérangnns. 

Dératé,  Dératée.  Adj.  L'Académie  dit  qu'il 
signifie  au  figurera;:,  alerte,  élmirdi.  Je  doute 
(pi'on  se  fit  comprendre  en  disant  ce  petit  garçon 
est  dératé,  cette  petite  fille  est  dératée,  pour  dire 
ce  petit  garçon  est  gai,  celte  iietite  fille  est  gaie. 

Derechef.  Adv.  L'nesecondc  fois,  une  autre  fois, 
de  nouveau.  L'Académie  dit  qu'il  vieillit.  On  peut 
dire  qu'il  est  vieux,  et  qu'on  ne  l'emploie  plus  que 
dans  le  genre  burlesque.  J.-J.  Housseau  l'a  em- 
ployé assez  souvent,  mais  cela  ne  l'a  pas  rajeuni. 

Dérèglement.  Adv.  Il  se  met  toujours  après  le 
verbe,  et  jamais  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  : 
//  a  vécu  dérèglement,  et  non  pas  il  a  déréglé- 
mo?it  vécti. 

Dérivation.  Subst.  f.  On  se  sert  de  ce  mol  en 
grammaire  pour  signifier  la  descendance,  et  pour 
ainsi  dire  la  généalogie  des  mots.  La  dérivation 
est  la  manière  de  faire  prendre  à  un  mol,  au 
moyen  de  ses  diverses  inHcxions,  les  formes  éta- 
blies par  l'usage  pour  exprimer  les  idées  acces- 
soires qui  peuvent  modifier  celles  dont  il  est  le 
type.  —  Très-souvent  la  consonne  finale  d'un  mol 
ne  sonne  pas;  pour  la  connaiire  il  l'aiil  avoir  re- 
cours à  la  dérivation,  c'est-à-dire  qu'il  faut  con- 
sulter les  mots  qui  en  sont  formés  el  iju'on  appelle 
dérivés.  D'après  ce  principe  on  écrira  abus,  bigot, 
champ,  chant,  parfum,  sang,  etc.,  à  cause  des 
dérivés  abuser,  bigoterie,  champêtre ,  chanter, 
parfumer,  sanglant,  elc.  Le  nombre  des  mois 
qui  sont  terminés  par  une  consonne  nulle  pour 
l'oreille,  el  qui  n'ont  point  de  dérives,  n'est  pas 
grand,  si  l'on  considère  la  multitude  des  mots 
auxquels  la  dérivation  s'ajjplique.  {Grammaire 
des  grammaires,  p.  941.) 

Dérivé,  Dérivée.  Part,  passé  du  verbe  dé- 
river, terme  de  grammaire.  Il  se  prend  subslan- 
livement,  comme  quand  on  dit  le  dérivé  sup- 
pose un  autre  mot  dont  il  dérive.  Il  se  prend 
aussi  adjectivement,  comme  (juand  on  dit  un  mot 
dérivé.  On  appelle  c?e'm-e'  un  mol  qui  vient  d'un 
autre  qu'on  appelle jo?-wa7ï/.  Par  exemple,  morta- 
lité est  dérivé  de  mort,  légiste  de  lea;,  qui  signi- 
fie loi.  Notre  poésie  ne  souffie  pas  (a  rime  du  dé- 
rivé avec  le  primitif,  comme  d'ennemi  avec  ami 
(Dumarsais.)  Voyez  l'article  précédenl. 

Dernier,  Dernière,  Adj.  Il  se  mei  ordinaire- 
ment avant  son  subst.  :  Bendre  le  dernier  soupir, 
rendre  les  derniers  devoirs.  Le  dernier  jotir.  Ce- 
pendant au  féminin  on  le  met  (|ueli]uefois  après, 
surtout  dans  le  style  noble  :  Une  grâce  dernière, 
mie  faveur  dernière,  à  son  heure  dernière. 

Il  y  a  de  la  différence  entre  la  dernière  année 
el  V année  dernière .  La  premièrcexpression  signi- 
fie la  dernière  des  années  dans  une  période  donl  on 
parle  :  La  dernière  année  de  son  règne.  La  seconde 
signifie  l'année  qui  précède  immédiatementcelleoù 
l'on  parle  :  J'ai  beaucoup  voyagé  l'année  dernière. 

Dernièrement.   Adv.  il  se  met  toujours  après 

le  verbe  :  Il  a  dit  dernièrement  que ,  et  non 

pas  il  a  dernièrement  dit. 

DÉROBER.  V.  a.  de  la  1'^''  conj.  Voici  quelques 
acceptions  de  ce  mol  qui  ne  sont  [loint  indiquées 
dans  le  Dictionnaire  de  l'.-icadémic,  ou  qui  le 
sont  d'une  manière  obscure  : 

Je  dérobai  une  victime  à  mes  ennemis.  (Mon- 
tesquieu, VHP  lettre  persane.)  Je  prie  le  ciel 
qu'il  te  dérobe  à  tous  les  dangers.  (Montesquieu, 
Lettres  persanes.) 


206 


DES 


....   Quels  empreasements 
ToDt  dérobent  sitôt  à  nos  embrasifmfntt  ? 

(KiC,  Iphig.,  act.  II,  se.  Il,  1.'; 

Qaoi  !  vous  Toulei  tous  dérober  à  moi  '' 

(VotT.,  A'an.,  ad.  Il,  se.  ni,  -. 

Tel,  d'un  conp  mcertain  par  le  prélrt  frappe. 
Mugit  on  fier  tanreBu  de  l'autel  «chappc. 
Qui  du  fer  suspendu,  rictiiDe  déjà  prite, 
A  la  baclie  trempée  a  dérobé  sa  tête. 

(Delil.,  Énéid.,  II,  291.) 

Me  puis-je  aï«c  honneur  de'roirr  avec  vous..,,? 
(Uac,  PWd.,  act.  Y,  se.  i,  52.) 

Peut-on  de  nos  malheurs  lui    dérohrr  l'histoire  ? 
(Rac,  Àth.,  ael.  II,  se.  m,  91  i 

DÉROGEANT,  DÉROGEANTE.  Atlj.  vcrLal  lii'é  du 
V.  diror/cr.  Il  se  met  après  son  subst.  :  ..Jc/c 
dérrgeant.  Des  actimis  dérogeantes. 

DÉnoGF.i:.  V.  n.  de  b  J^conj.  Dans  ce  verbo, 
le^  doil  loujoufs  avoir  la  prononciation  du  _;',• 
el  pour  la  lui  conserver  lors(iu'il  est  précédé  d'un 
a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a  ou  ri-i 
o:Je  dérogeais,  dérogeons  ;  el  non  pas^e  déro- 
ffois,  dérogons. 

Dérouiller.  V.  a.  de  la  1"  conj.  l-e  mot  ne 
parait  pas  propre  au  genre  noble.  Cependant  I)e- 
lille  a  osé  l'employer  dans  sa  traduction  de  \'E- 
néide  (VII,  807)  : 

Chacun  hâte  à  l'enri  son  appareil  guerrier, 
L'un  dérouille  son  dard,  l'autre  son  bouclier. 

Je  ne  crois  pas  que  l'on  puisse  proposer  ce  der- 
nier vers  pour  exemiile. 

DÉnouLER.  V.  a.  de  la  1"  conjugaison  :  On  dé- 
roule une  étoffe,  on  déroule  vn  plan,  une  carte 
de  géographie,  on  déroule  un  drapeau.  Mais  ces 
expressions  ne  sont  pas  du  style  noble;  et  je  ne 
pense  pas  qu'on  |)uissc  admirer  ce  vers  de  Ue- 
lillc  [Enéide,  VII,  5S7)  :       » 

Rassemble  les  soldats,  déroule  tes  drapeaux. 

Dérouter.  V.  a.  delà  1""  conj.  Ce  verbe  n'est 
pas  admis  dans  le  style  noble  ;  et  Bossuet  ne  s'est 
pas  exprime  convenablement  quand  il  a  dit  :  C'est 
ainsi  que  Dieu  déroute  les  hommes. 

Derrière.  Propos.  Elle  est  opposée  à  devant: 
Derrière  lu  porte,  derrière  lamaison-  Quelque- 
fois il  est  adverbe,  et  alors  il  n'a  point  de  régime  : 
Allez  devatit,  je  resterai  derrière. 

Derrière.  Subst.  m.  11  est  un  peu  moins  mal- 
honnête que  cul,  excepté  quand  il  est  accomi)a- 
gm;  des  adjcclils  [losscssifs  mon,  ton,  son,  leur 
On  dit  fort  bien?'/  s'est  écorché  le  derrière. — Der- 
rière, au  jibiiiel,  se  dit  en  parlant  d'une  armée  : 
Les  derrières  de  l'armée  sont  en  sûreté. 

Des.  Mot  qui  tient  de  la  préposition  ie  et  de 
rarlicle/e.y.  Il  ccpiiviiul  à  de  les.  Voyez  adjec- 
tif. On  ne  met  point  d'accent  sur  l'e. 

Dès.  .Prc()os.  de  temps  ou  de  lieu  ;  Dès  l'en- 
fance, dès  le  point  du  jour,  dès  la  source.  En 
ce  sens,  Ve  prend  l'accent  grave. 

Des  cgaui?  Vés  longtemps  Mahomet  n'en  a  plus. 

(Volt.,  Mahom.,  act  II,  se.  T,  84.) 

DÉS.  Particule  prépositive  qui  se  met  au  com- 
mencement de  certains  mois,  et  qui  esl  toujours 
négative  el  sert  à  marquer  la  suppression  de  l'i- 
dée énoncée  \r,\v  le  mot  simple,  loinmc  dans  dés- 
accorder, désennuyer,  déshabiller,  déshériter, 
déshonneur,  désintéressement ,  désordre,  désu- 
«io/i,  etc. 


DÉS 

Désabuser.  V.  a.  do  la  4"  conj.  L'Académie  !e 
définit  dt'lrompor  de  (pieltiue  fausse  croyance.  11 
y  a  quelque  différence  entre  détromper  el  désu- 
buscr.  Le  jjremier  suppose  (ju'on  nous  a  induits 
malicieusement  en  erreur,  en  nous  donnant  pour 
vrai  ce  qui  est  faux.  In  homme  m'a  vendu  du 
cuivre  pour  de  l'or,  je  reconnais  ([ue  c'est  du 
cuivre,  je  suis  détrompé.  Désabuser  suppose 
(|u'on  a  abusé  de  notre  faiblesse,  de  noire  crédu- 
lilé,  de  notre  légèreté,  pour  nous  induire  en  er- 
reur. Les  charlatans  abusent  la  populace  par  de 
faux  raisonnements,  par  des  faits  conlrouvés  el 
absurdes,  et  quand  ils  l'ont  abusée,  ils  la  trom- 
pent en  lui  vendant  de  mauvaises  drogues  pour 
des  remèdes  efficaces.  On  est  détrompé  (iujukI 
on  voit  que  les  drogues  n'opèrent  point;  mais 
on  n'est  pas  désabusé  si  l'on  n'a  pas  perdu  toulf 
confiance  dans  les  discours  du  trompeur.  —  On 
est  détrompé  des  grandeurs  lorsqu'on  éprouve 
qu'elles  n'ont  pas  le  prix  qu'on  y  avait  attaché: 
on  en  est  désabusé  lorscju'on  n'est  plus  abusé  par 
les  faux  raisonnements  qui  avaient  engagé  à 
croire  Icgôremenl  qu'elles  avaient  un  grand  prix. 
Un  boinuie  qui  n'a  jamais  joui  dos  grandeurs  qu'il 
désire  peut  en  être  désabusé  ;  mais  il  ne  peut 
en  être  détrompé  que  par  la  joui.ssance. 

Désaccoutumance.  Subst.  f.  Ce  mot,  conservé 
parr.\cadémie,  n'est  plus  usité  aujourd'hui. 

Désaccoutumer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  :  Désac- 
coutumer quelqu'un  ilc  quelque  chose.  Se  désac- 
coutumer de  jouer. 

Désagréable.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  mel 
a[)rés  son  subst.  .■  Une  personne  désagréable,  un 
discours  désagréable,  une  visite  désagréable. 
Avec  le  verbe  être,  il  régit  quelquefois  à  devaul 
un  infinitif  :  Cela  est  désagréable  a  voir,  à  en- 
tendre. Mais,  quand  ce  verbe  est  impersonnel, 
l'adjectif  régit  de  :  Il  esl  désagréable  de  le  voir, 
de  l'entendre. 

DÉsAGnÉ\nLi.MENT.  Adv.  11  se  met  toujours 
après  le  veri)o,  cl  jamais  entre  l'auxiliaire  el  le 
participe  :  Il  a  parlé  désagréablement,  el  DOU 
pas  il  a  désug réublement parlé . 

Désaguéer.  V.  n.  de  la  i"  conj.  On  le  dit 
des  choses,  mais  non  des  personnes  :  Si  cela  ne 
vous  désagrée  pas.  On  ne  dit  pas  cette  personne 
me  désagrée  ;  il  faut  dire  me  déplaît,  ou  ne  m'est 
point  agréable. 

Désaltérer.  V.  a.  delà  1"  C(mj.  C'est  apaiser 
la  soif.  Fénelon  a  dit  :  //  chantait  les  délicieuses 
nuits  de  Fêté,  oit  les  zéphyrs  rafraîchissent  les 
ho7nmes,  et  où  la  rosée  désaltère  la  nature.  (7'e- 
lém.,\iv.l\,  U  1,106.) 

Désappareiller.  V.  a  de  la  l"^*"  conj.  11  est 
peu  tisilé.  On  dit  plus  ordinairement  dépareiller. 

Désappointé.  Voyez  Ajpuinté. 

Désapprendre.  V.  a.  et  irrég.  de  la  4"  conj. 
Il  se  conjugue  coiumn prendre.  \'oyez  ce  mot. 

Désapproratelr.  Adj.  dont  le  féminin  esl  dés- 
approbatrice. Un  esprit  désapprobateur,  des  in- 
tentions désapprobatrices.  H  se  [)rend  aussi  sub- 
stantiveinenl  :  Il  eut  un  grand  nombre  de  désap- 
probateurs. 11  ne  se  met  iju'après  son  subst.  Ce 
mot  a  été  introduit  par  Monles(]uieu  :  Je  n'ai 
poii.t  l'esprit  désapprobateur.  L'usage  l'a  con- 
sacré. 

Désapprobation.  Subst.  f.  C'est  un  mol  nou- 
veau que  Féraud  trouve  inutile.  >Iais  s'il  est 
vrai,  comme  le  dit  Roubaud,  tpic  désapprouver 
signifie  simplement  ne  pas  approuver,  et  improu- 
ver, blâmer,  condamner,  il  y  a  la  même  diffé- 
rence entre  désapprobation  et  improbation;  ce 
qui  suffit  pour  faire  adopter  le  premier,  puisqu'il 


DÉS 

exprime  une  nuance  (iiie  l'on  ne  peut  exprimer 
par  unaiilrc  mot. — En  1835,  l'Académie l'adinot. 

DÉsAPPiioivER  V.  a.  delà  1'-  conj.ll  nesignilic 
pas,  comme  dil  l'Académie,  Idàmer,  condamner, 
trouver  mauvais;  mais  seulement  ne  jias  approu- 
ver, u'êlre  pas  [lour,  juçer  autrement,  Blâmer, 
trouver  mauvais,  c'c^t  improm-er.  On  désnp- 
protive  ce  ijui  ne  paraît  i)as  bien,  bon,  convena- 
ble; on  iiiiprovre  ce  qu'on  trouve  mauvais,  rc- 
préhensible,  vicieux. 

DÉsASTKEusEMENT.  Adv.  Il  sc  met  après  le 
verbe.  On  dil  la  fête  a  fini  désastreusement,  et 
non  pas  la  fvte  a  désasireusement  fini. 

Désastreux,  Dksastrkuse.  Adj.  Il  ne  se  dit  que 
des  choses,  et  peut  se  mettre  avant  son  sulist. 
lorsque  l'iiarmonic  et  l'analogie  le  permettent  : 
Un  événement  désastreux,  un  désastreux  évé- 
nemenl. 

Désavastageusement.  Adv.  Il  sc  met  toujours 
après  le  verbe,  et  jamais  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  //  a  parlé  désavantagea  sèment  de 
vous,  et  non  pas  il  a  désavantageusement  parlé 
de  tous. 

Désavantageux,  Désavantagkuse.  Adj.  Il  se 
met  toujours  après  son  subst.  :  Une  chnise  dés- 
avantageuse, des  discours  désavantageux,  un 
mariage  désavantageux. 

Désaveu.  Subst.  m.  Racine  a  dit  {Phèdre, 
act.I,  sc.  I,  67)  : 

Des  sentiment-  d'un  cœur  si  fier,  si  dédaigneux. 
Peux-tu  me  demander  le  desoueu  honteux? 

Descendre.  V.  n.  de  la  4°  conj.  Les  grammai- 
riens disent  que  descendre,  suivi  d'un  régime 
direct,  prend  l'auxiliaire  avoir  :  Il  a  descendu 
la  montagne;  cl  que  descendre  sans  régime  ou 
suivi  d'un  régime  indirect  prend  être  :  Le  bal- 
lon est  de.icendu,  elles  sont  descendues  de  leur 
char.  Celle  règle  n'est  \)as  exacte.  Avoir  des- 
cendu, suivi  ou  non  d'un  régime  direct,  exprime 
une  action  :  J'ai  descendu  les  degrés  ;  le  haro- 
mètre  a  descendu  de  quatre  degrés;  il  a  descendu 
pour  venir  ici,  c'est-à-dire,  j'ai  fait  l'action  de 
descendre,  il  a  fait  l'action  de  descendre,  etc.; 
et  c'est  pour  exprimer  cette  action  qu'on  emploie 
le  verbe  auxiliaire  avoir.  Mais  être  descendu  ex- 
prime un  état  relatif  à  l'action  de  descendre  faite 
précédemment  :  f^otre  père  est-il  en  haut?  iVon, 
il  est  descendu.  Quaiid  a-t-il  descendu?  Il  y  a 
ime  heure.  Depuis  quand  est-il  descendu'/  De- 
puis une  heure,  (^uand  on  fait  l'action  de  des- 
cendre, on  descend;  quand  on  a  fait  celle  action, 
on  dit  qu'on  a  descendu,  si  l'on  veut  exprimer 
ipi'on  l'a  faite;  et  qu'ow  est  descendu,  si  l'on 
veut  exprimer  l'état  où  l'on  se  trouve  après  l'a- 
voir faite  :  J'ai  descendu  la  7nontagne  en  dix 
minutes,  et  il  y  a  une  demi-heure  que  je  suis 
descendu.  —  La  décision  donnée  par  l'Académie, 
dans  sa  dernière  édition,  est  tout  à  fait  conforme 
à  ces  principes  :  i<  Descendre  se  conjugue  avei; 
le  verbe  avoir  ou  avec  le  verbe  être,  selon  que 
l'on  considère  l'action  ou  son  résultat.  » 

On  dit  descendre  att  tombeau,  descendre  dans 
la  tombe,  descendre  chez  les  morts. 

Ah!....  puisque  enfin  mes  mains  ont  pu  former  cesnreuds, 
Cher  Uontèze,  au  tombeau  je  d^sc^nis  trop  heureux. 
(Volt.,  Mz.,  act  I,  sc.  u,  29.) 

Je  descends  dans  la  tombe  avec  cette  infamie. 

(Volt.,  Oreste,  acl.  V,  sc.  vi,  9.) 

Mon  âme  chez  les  morts  descendra  la  première. 

(Rac,  Phèd.,  act.  I,  sc.  m,  78.) 


DES 


207 


On  dira  que  Titus  detcmdant  chez  les  morts... 

(Volt.,  Brut.,  act.  V,  sc.  vil,  49.) 

Voltaire  a  dit  aussi  dans  OEdipe  (act.  H, 
sc.  IV,  7)  : 

J'ai  pour  vous  trop  d'estime,  et  je  ne  pense  pas 
Que  vous  puissiez  descendre  à  des  soupçons  si  bas. 

Descriptif  ,  Descriptive.  Adj.  On  appelle 
poème  descriptif  un  pocme  dont  le  sujet  con- 
siste jirincipali'ment  à  décrire  les  objets;  et 
gcni-e  descriptif  le  gonre  qui  a  pour  but  la  des- 
cription des  objets. 

1)escrii>tion.  Subst.  f.  La  description,  en 
termes  de  bol les-lel  1res ,  est  une  figure  par  la- 
quelle on  peint  aux  autres  les  objcis  tels  ipi'on 
se  les  représente.  I.a  description  csl  une  défini- 
tion imparfaite  et  peu  exacte,  dans  la(iuelle  on 
tàclicde  faire  connaître  une  chose  par  (piehiucs 
propriétés  et  circonstances  qui  lui  sont  jjarticu- 
lières.  C'est  la  ligure  favorite  des  orateurs  cl  des 
poêles. 

*  DÉsÉBORGNEii.  V.  a.  dc  Kl  1'*  conj.  Mot  inu- 
sité que  \ollairc  a  employé  dans  une  de  ses 
lellies  à  Frédéric  H  :  O  vous  qui  ctvs  l'apôtre 
de  la  vérité,  recevez  les  hommages  du  petit  coin 
de  mon  esprit  purifié  de  la  rouille  de  la  super- 
stition, et  déséborgncz  mes  cnuipagnons. 

Désenhayer.  V.  a.  de  la  I''' conj.  lise  conju- 
gue comme  Payer.  Voyez  ce  mol. 

Désentêter.  V.  a.  de  la  1""  conj.  C'est  un 
vieux  mol  que  l'Académie  a  mis  dans  son  Dic- 
tionnaire. Il  suffit  de  rapporter  les  exemples 
(lu'cUeen  donne  pour  faire  sentir  qu'on  ne  peut 
plus  rcnq)loyer  aujourd'hui  :  On  ne  saurait  le 
désentêter  de  cette  fcnnne;  c'est  une  opinion 
dont  il  faut  essayer  de  le  désentêter,  dont  il  ne 
peut  se  désentêter. 

Désert,  Déserte.  Adj.  Il  ne  sc  met  qu'aiirès 
son  subst.  :  Une  campagne  déserte,  des  lieua; 
déserts. 

Désert.  Subst.  m.  Féraud  observe  que  Buffon 
a  employé  ce  mot  au  figuré,  et  lui  a  fait  régir  la 
préposition  de  :  Quel  désort  de  spéculutùm  dam, 
lu  philnsophie  de  Platon!  Nous  ne  conseillerons 
à  iiorsonne  de  l'employer  de  celte  manière. 

Déserter.  V.  a.  de  la  1'^^  conj.  Déserter  la 
ville,  déserter  la  province;  déserter  l'armée, 
déserter  le  service.  —  Déserter  d'«/;e  chambre, 
déserter  du  régiment.  — 11  se  dil  aussi  aJjsolu- 
incnt  :  Ce  sildut  a  déserté.  —  Déserter  de  se 
dit  d'un  lieu  particulier  où  l'on  est,  d'où  l'on 
son.  Ondé.ierte  VarméV,  on  dé.scrtc  le  service; 
on  déserte  de  son  régiment,  on  déserte  le  royaume, 
la  province  ;  on  déserte  d'une  chambre. —  On 
employait  autrefois  déserter  dans  le  sens  de 
rendre  désert  :  C'est  vouloir  en  quelque  sorte 
déserter Z«  cour  que  de  combattre  Vauibition,  qui 
est  l'âme  de  ceux  qui  lu  suivent.  (Bossuct,  Ser- 
mon du,  A"  dimanche  de  carême.)  La  farce  dc  ses 
discours,  qui  pensa  déserter  la  P\ance  et  l'Me- 
magne, en  inspirant  aux  peuples  le  dé  si''  de  se 
croiser,  passa  pour  indiscrétion  et  faux  zèle. 
(Massillon,  Panégyri'/ne  de  saint  Llernurd.) 

On  ne  rem[)loiè  plus  aujourd'hui  dans  ce 
sei^s. 

Déserteur.  Subst.  m.  La  différence  entre  un 
déserteur  et  un  transfuge,  c'est  que  le  terme  dc 
transfuce  ajoute  à  celui  de  déserteur  l'idée  acces- 
soire de  passer  au  service  des  ennemis.  Au  propre, 
il  se  dit  absolument;  au  figure,  il  régit  la  prcito- 
sition  de  :  Déserteur  de  la  foi,  déserteur  d\i  bon 
parti. 


X08 


DES 

autels  Mime  dctertetir, 

{Rac,  Ath.,  acl.  I,  se.  1,  37.) 


DÉSESPÉRA^T,  DÉSESPÉRANTE.  Adj.  vcrbal  tiré 
du  V.  désespérer.  On  peut  (iuel<juerois  le  iiiellre 
avant  son  suhsl.  lorsiiuc  l'iinulugic  el  riinriiionie 
le  |)ermcllcnt  :  Une  affaire  désespérante ,  une 
nouvelle  désespérante,  cette  désespérante  idée. 
Veycz  Adjectif. 

15ési  sl>ÉR^hll:^T.  Adv.  L'Académie,  qui  a  re- 
cueilli ce  mol,  (lit  t]u'il  signifie  rpcrdiiment, 
avec  excès;  et  elle  doime  pour  cxcmi>lc  :  Il  est 
désespérément  atiKvreii.r.  Nous  ne  pensons  pas 
que  CCI  adverbe  soit  usité. 

DÉsESPÉiu-n.  ^  .  n.  de  la  d"  conj.  Apres  ce 
verbe  procéiié  de  ne,  et  suivi  de  la  conjonction 
que,  la  phrase  amenée  par  cette  conjonction  de- 
mande (|iron  rcpcle  ne,  mais  tout  seul  :  On  ne 
désespérait  pas  que  vous  ne  dcr^inssiez  riche. 
(Boau/i'C.) 

DÉSKsroiR.  Subst.  m. 

El  par  le»  dèiespoiis  d'une  cliasle  amitié, 
Nous  aurions  des  deui  camps  lire  quelque  pilié. 

(CouN.,  //or.,  acl.  lit,  se.  il,  13.) 

On  n'emploie  plus  aujourd'hui  désespoir  au 
pluriel;  il  fait  pourtant  un  très-bel  effet.  Mes  dé- 
plaisirs ,  vies  craintes,  mes  douleurs,  mes 
ennuis,  disent  plus  que  mon  déplaisir,  ma 
crainte,  etc.  rounjuoi  ne  pourrait-on  pas  dire 
mes  désespoirs,  comme  on  dit  mes  espérances? 
Ke  jieut-on  jias  désespérer  de  plusieurs  choses, 
comme  on  peut  en  espérer  plusieurs?  (Voltaire, 
Bemurques  sur  Corneille.) 

C'est  diiiiiipr  au  mot  désespoir  une  acception 
qu'il  n'a  jainriis  eue,  ce  qui  vient  d'une  poiile 
confusion  d'idées  facile  à  éclaircir.  Nous  attri- 
buons deux  sens  au  mot  espérance  :  celui  d'un 
sentiment  général  (jui  embellit  et  charme  la  vie, 
et  celui  d"une  attente  particulière  (jui  peut  se 
multiplier  a  l'inlini  dans  la  pensée  el  par  con- 
sé(iuent  se  pluraliser  dans  l'expression.  Le  mot 
désespoir  n'a  d'autre  sens  que  celui  qui  répond 
à  la  première  de  ces  acceptions,  c'csl-à-dire 
celui  d'un  sentiment  absolu  ;  le  second  n'est  pas 
français.  (Ch.  Kodier,  Examen  critique  des 
dictionnaires.) 

Déshluber.  Selon  l'Académie,  verbe  actif  de 
la  \"  conj.,  et  qui  sigiulie  déranger  les  heures 
ordinaires  des  occupations  Ce  mot  ne  se  ti'ouve 
pas  dans  rédition  de  1762;  il  est  dans  celle  de 
1798  et  dans  celle  de  1835.  On  le  trouve  à  la 
vérité  dans  les  glossaires;  mais  il  signilic  rom- 
pre, séparer,  abandonner.  L'Académie  ajoute 
qu'on  dit  aussi  se  désheurer,  pour  tlire  se  dé- 
ranger de  ses  heures  ordinaires.  On  trouve  cette 
exi)ression  dans  les  Mémoires  du  cardinal  de 
Retz,  mais  comme  une  expression  populaire. 
Elle  n'est  encore  usitée  aujourd'hui  que  parmi 
les  gens  peu  instruits. 

Désho^>ête.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se 
dit  que  des  choses,  cl  se  met  ordinairement  après 
son  subst.  ;  Une  action  déshonnStc,  une  pensée 
déshonncte.  — On  confond  assez  souvent  les  deux 
expressions  déshonncte  et  viulhoniicle.  Voici , 
selon  Bouhours,  en  quoi  elles  ddfèrenl.  Dés- 
honncle  est  conlre  la  pureté  ,  malhonnête  est 
<:ontre  la  civilité,  et  quelquefois  conlre  la  bonne 
foi,  contre  la  droiture.  Des  pensées,  des  jtaroles 
déshojinêles,  sont  des  pensées,  des  paroles  qui 
blessent  la  chaslelé  et  la  pureté.  Des  actions, 
des  manières  malhonnêtes,  sont  des  actions,  des 
manières  qui  choquent  les  bienséances  du  inonde, 


DÉS 

l'usage  des  honnêtes  gens,  la  probité  naturolle.  et 
qui  sont  d'une  personne  peu  polie  cl  peu  rai- 
sonnable. 

Désuomnêtement.  Adv.  11  se  met  toujours 
après  le  verbe:  Il  a  parlé  déshonnétement ,  et 
non  pas  il  a  déshonnétement  parlé. 

Déshonnêteté.  Subst.  f.  Ce  mol  est  peu  usilé. 
Il  y  a  la  même  dilférence  entre  déshonnêteté  et 
malhonnêteté  qu'entre  déshoiiiiéte  (voyez  ce  mol) 
et  malhonnête,  si  ce  n'est  (jue  déshonnêteté  el 
malhonnêteté  se  disent  dos  personnes  comme  des 
choses.  11  faut  remarquer  encore  (pic,  comme 
déshonnête  et  7/;uWo«/iê/p  sont  opposés  à  honnête, 
qui  signifie  également  une  personne  chaste  el  une 
personne  polie,  déshonnêteté  el  malhonnêteté  le 
sont  à  honni' teté,  qui  a  aussi  deux  significations; 
car  de  même  que  nous  disons  d'une  personne 
qu'elle  est  fort  honnête,  pour  inarquer  sa  régu- 
larité ou  sa  politesse,  nous  exprimons  l'un  et 
l'autre  par  le  mot  iVhonnêtelé.  (Boub.ours.) 

DÉSH0N0RABI.E.  Adj.  dcs  dcux  genres.  Ce  mot 
est  jieii  usité.  Ondii  plus  ordinairement  désho- 
norant: Un  acte  déshonorable,  dit  Mercier, 
7i'est  pas  toujours  un  acte  déshonorant.  Tant  pis. 
—  Celte  dislinclion  est  jusle. 

Désignatif,  DÉsifiNiTivE.  Adj  On  mouille  le 
ffn.  Qui  désigne,  qui  fait  connaiire  par  un  signe  : 
Les  raisins  sont  un  attribut  désignatif  de  Bac- 
chus.  (Acad.)  Il  ne  se  )\\o\  (pi'iqirés  son  subst. 

Désignation,  Design ir.    On  mouille  le  yn. 

Désinence.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  11 
signifie  la  même  chose  que  iermitiaisofi. 

*  Désinvolte.  Adj.  des  deux  genres  Sans  trou- 
ble, sans  inquiétude,  sans  embarras.  Mol  inusité 
que  Voltaire  a  employé  :  Après  toutes  les  scènes 
de  carnage  dimt  il  venu  il  d'être  téninin,  Birton 
était  aussi  gai  et  aussi  désinvolte  que  s'il  était 
revenu  de  la  comédie 

Désir.  Subst.  m.  On  s'obstine  au  théâtre,  dans 
la  déclamation  et  dans  le  chanl,  à  prononcer 
comme  un  e  muet  Ve  des  mots  désir,  désirer , 
désirable,  désireux;  mais  le  .y  qui  est  après  n'est 
pas  une  lettre  purement  euphonique;  elle  fait 
partie  du  mot  auquel  la  préposition  dé  est 
ajoutée.  (Gramtnaire  des  gramrnaires,  p.  1116.) 
Féraud  prétend  que  l'usage  est  partagé  sur  cette 
prononciation;  s'il  l'esl  iJans  la  conversation,  il 
ne  l'est  point  assurément  dans  les  dictionnaires 
et  dans  les  ouvrages  des  auteurs  instruits;  on 
trouve  partout  désir.  —  //.Académie  écrit  désir; 
mais  elle  rccoimail  que  /dusienrs  font  Ve  muet, 
surtout  dans  la  conversation.  Comme  elle  ne  con- 
damne pas  foriiicllcmeui  cette  prononciation,  on 
peut  en  conclure  qu'elle  la  tolère.  Cependant  il 
est  mieux  de  l'éviter.  (A.  Lemaire.) 

Désirable.  Adj.  de.s  deux  genres.  Il  se  mel 
après  son  subst.  :  Un  état  désirable,  une  situa- 
tion désirable.  Voyez  Désir. 

Désirer.  V.  a.  de  la  1""  conj.  Désirer  des  ri- 
chesses ,  désirer  quehjue  chose  de  quelqu'un. 
Lorsque  dmrcr  est  suivi  d'un  verbe  à  l'infinitif, 
ce  verbe  peut  signifier  une  action  simple  et  déter- 
minée, c'est-à-dire  (jui  ne  renferme  pas  une  idée 
accessoire  de  doute,  d'incciiilude,  comme  dans 
je  désire  voir  cet  homme,  je  désire  l'entendre,  je 
désire  prendre  du  café,  du  chocolat;  je  désire 
me  proynener.  Dans  toutes  ces  phrases,  voir,  en- 
tendre, prendre,  me  pro?nrncr,  équivalent  à  des 
substantifs;  c'est  comme  si  l'on  disait  je  désire 
cette  chose  savoir,  voir,  entendre,  etc. 

Le  verbe  qui  suit  désirer  pctil  signifier  aussi 
une  action  qui  renferme  une  idée  accessoire  de 
contingence,  de  doute,  d'incertitude.  Alors  l'ex- 


DÉS 

pression  de  ce  verbe  nV-quivaut  pas  à  un  subslan- 
lif.  Je  désire  de  réussir,  ne  veut  pas  dire  exacle- 
ment  :  Je  désire  cela,  savoir,  réussir  ;  car  réussir 
ne  désigne  pas  une  chose  déliiiic,  délennince, 
mais  une  chose  vague,  incertaine,  «jui  dépend  de 
divers  moyens,  de  divers  événements,  du  sort, 
delà  fortune,  etc.  Je  désire  de  réussir  |)eul  se 
rendre  exactement  par/e  désire  qu'il  arrive  que 
je  réussisse,  ou,  de  lous  les  événements  qui  peu- 
vent me  faire  réussir  ou  vi'empccher  de  réussir, 
je  désire  que  les  premiers  arrivent. 

Dans  le  premier  cas,  désirer  ne  doit  pas  être 
suivi  de  de;  dans  le  second,  il  régit  cette  prépo- 
sition. Ainsi  l'on  dira  je  désire  le  voir,  l'enten- 
dre, parce  que  voir,  entendre,  exiiriment  des  ac- 
tions simples  et  déterminées.  Mais  on  dira  je 
désire  de  le  rencontrer,  parce  que  le  verbe  7-en- 
contrer  n'exprime  pas  une  action  simple  et  déter- 
minée, mais  une  action  qui  dépend  de  certaines 
circonstances,  qui  einpurle  une  idée  de  doute  et 
d'incertitude.  On  dira  par  la  même  raison,  il  dé- 
sire ôc.  ffagner  son  procès,  je  désire  de  remporter 
U  pris,  et  non  pas,  il  désire  gagner  son  procès, 
il  d(si}-e  remporter  le  prix.  On  dira  aussi  il  dé- 
sire de  lui  plaire,  il  désire  d'obtenir  cette  grâce, 
U  désire  d'amasser  des  richesses  ;  et  il  désire  al- 
ler à  cette  fête,  il  désire  partir  bientôt.  Cepen- 
dant il  faudrait  dire  il  désire  d'aller  à  cette  fête, 
il  désire  de  partir  bientôt,  si  la  personne  dont  on 
parle  avait  en  vue  des  obstacles  ([ui  pourraient 
l'empêcher  d'aller  à  la  fête  ou  de  partir,  et  si  ces 
obstacles  rendaient  les  actions  douteuses  et  incer- 
taines.— La  di'cision  donnée  par  1' .académie  dans 
sa  dernière  édition  est  tout  à  fait  conforme  à  ces 
principes  :  «  Désirer  devant  un  verbe  à  l'infinitif 
est  suivi  de  de  lorsqu'il  exprime  un  désir  dont 
l'accomplissement  est  incertain,  difficile  ou  indé- 
pendant de  l;i  volonté;  quand  au  contraire  il  ex- 
prime un  désir  dont  l'accomplissement  est  certain 
ou  facile,  et  plus  ou  moins  dépendant  de  la  vo- 
lonté, il  s'eiiii  loie  sans  la  préposition  de.  » 

Il  faut  remarquer  que  l'on  emploie  l'infinitif 
quand  le  verbe  régi  se  rapporte  au  sujet  du  verbe 
désirer,  et  qu'on  se  sert  de  que  avec  le  subjonctif 
quand  il  ne  s'y  rapporte  pas:  Je  désire paptir,  je 
désire  que  vous  partiez. — Avec  le  verbe  être  em- 
ployé impersonnellement,  on  met  toujours  que  : 
Il  est  à  déiirer  qu'il  réussisse.  A  oyez  Désir. 

Désif.ecx,  Dksireuse  Adj.  l'Académie  dit  qu'il 
n'est  guère  d'usage  que  dans  le  style  soutenu.  Il 
y  a  longtemps  qu'on  l'a  banni  de  la  langue,  et  je 
ne  crois  pas  que  deimis  Bossuet,  qui  a  dit  dé- 
sireux de  la  paix,  on  le  trouve  ailleurs  que 
dans  quelques  pièces  marotiques.  Cet  adj.  est 
toujours  lié  avec  un  subst.  par  la  préposition  de  : 
Désireux  de  gloire,  désireux  d'honneur.  Voyez 
Désir. 

Dès  lors.  Expression  adverbiale.  Elle  se  met 
ou  au  commencement  de  la  ])hrase,  ou  après  le 
verbe;  elle  peut  aussi  se  mettre  entre  l'auxiliaire  et 
le  pai'ticijie  :  //  avait  dès  lors  imaginé  ce  moyen, 
ouil  avuitimaginé  dès  hirsiin  moyen  de,  ou  dès 
lors  il  avait  imaginé  le  moyen . 

Désobéissant,  Désobéissante  Adj.  verbal  tiré 
du  v.  désobéir.  Une  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  enfant  désobéissant,  une  fille  désobéissante . 

Désobligeamment.  Adv.  Il  se  met  toujours 
après  le  verbe,  et  jamais  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  Il  m'a  répondu  désobligeamment,  et 
non  pas  t7  m'a  désobligeamment  répandu. 

Désobligeant.  Désobligeante.  Adj.  verbal  tiré 
i,i   V.  désobliger.  Il  se  met  après  sou  subst.  : 


Dr:s 


209 


Un  homme  désoljligeant,   une  parole   désobli- 
geante. 

Désoccupation.  Subst.  f.  Féraud  prétend  qu'on 
dit  plutôt  désœuvrement.  On  du  l'un  ou  l'autre, 
selon  les  cas.  Le  mol  de  désoccupation,  dit  le 
Dictionnaire  de  Trévoux,  s'appllipie  à  l'action 
de  l'esprit  comme  à  celle  du  corps;  et  celui  de 
désœuvrement  convient  i)articulièremoiit  à  cette 
dernière  sorte  d'action.   Voyez  l'article  suivant. 

Désoccupé,  Désoccupée.  Adj.  Féraud  dit  iiu'il 
est  moins  en  usage  que  désœuvré.  La  Touche 
avait  senti  qu'il  y  a  une  différence  entre  ces 
deux  expressions.  Bien  des  gens,  dit-il,  disent 
désœuvré  pour  désoccupé.  Uoubaud  nous  a  ex- 
pli([ué  cette  différence.  L'homme  désoccupé  n'a 
point  d'occupation,  l'hounne  désœuvré  ne  fait 
œuvre  quelconque.  'L'occupation  est  un  emploi 
de  ses  facultés  et  du  temps  (pii  demande  de  l'ap- 
plication, de  l'assiduité,  de  la  tenue.  L'tt?/(t-j-e 
est  une  action  ou  un  travail  (iuelcon(|ue  qui  nous 
exerce  et  ne  nous  laisse  pas  dans  l'inaction.  On 
e>t  désoccupé  i\\n\nd  on  n'a  rien  à  faire,  mais,  à 
|)ropremenl  parler,  rien  de  ce  <iui  r,cci//)C.  On  est 
désœuvré  lorsqu'on  ne  fait  absolument  rien , 
même  rien  qui  amuse,  parce  qu'on  ne  veut  rien 
faire.  L'homme  (^i''5ocf(//)e'  a  du  loisir;  l'homme 
désœuvré  est  tout  oisif.  La  Bruyère  dit  qu'à  la 
ville,  comme  ailleurs,  il  y  a  une  classe  de  sottes 
gens,  c'est  celle  des  gens  fades,  oisifs,  désoccu- 
/}J.y.- ils  pèsent  aux  autres.  Le  temps,  dit-il  en- 
core, pèse  aux  gens  désœuvrés,  et  parait  court 
à  ceux  qui  sont  occupés  ulilement.  Vous  recon- 
nailrez  l'homme  désoccupé  à  un  certain  air  de 
malaise  et  d'inquiétude;  il  semble  chercher  (piel- 
(juc  chose  qui  lui  manque.  Vous  reconnaîtrez 
l'homme  désœuvré  à  un  certain  air  de  langueur 
et  d'inertie;  il  semble  attendre  queUiue  chose 
(jui  l'anime.  Cet  adjectif  ne  se  met  qu'après  son 
substantif. 

Désoeuvré,  Désoeuvrée.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  désœuvré,  une 
femme  désœuvrée,  des  gens  désœuvrés.  Voyez 
Désoccupé. 

Désoeuvrement.  Subst.  m.  Voyez  Désoccupa- 
tion. 

Désolant,  Désolante.  Adj.  verbal  lire  du  v. 
désoler.  U  ne  se  mel  qu'après  son  subst.  :  Ce  que 
vous  dites  là  est  désolant.  Une  nouvelle  déso- 
lante. C'est  un  homme  désolant. 

Désolateur.  Subst.  m.  Ce  mot,  hasardé  au 
conunencement  du  dix  septième  siècle,  n'est  pas 
très-usité.  L'Académie  dit  ce  conquérant  fut  le 
désolateur  de  l'Asie.  Bien  n'empêcherait  de  dire 
au  \cvcï\ï\\n  désolutrice . 

Désoler.  V.  a.  de  la  i"  conj.  L'Académie 
donne  peu  d'exem])les  pour  ce  mol,  pris  dans  le 
sens  de  causer  une  grande  aflliclion  .  En  voici 
(iuel(|ues  autres  qui  feront  mieux  connaître  son 
emploi  : 

Quoi,  toujours  de  ce  Juif  l'image  tous  dê$ote  ! 

(Rac,  Eith.,  acl.  IV,  se.  Ii,  S.) 

De  quoi  ïiens-lu  llaller  mon  esprit  désolé? 

(Rac,  Phéd.,  acl.  111,  se.  l,  3.) 

L'amour  des  nouveautés,  le  faux  zèle,  la  crainic, 
De  la  Mecque  alarmée  ont  désolé  l'enreinle. 

(Volt.,  «ahom.,  acl.  I,  se.  i,  29.) 

DÉsoBnoNNÉ,  DÉSORDONNÉE.  Adj.  Féraud  n'ap- 
prouve pas  l'Académie  d'avoir  dit  ce  mol  des 
personnes:  Un  homme  désordonné  dans  sa  f.otir 

14 


2i0 


DÉS 


duùâ.  Le  réçiine  qui  suit  celle  expression  la  rend 
claire.  Dclillc  r;i  dil  absolunicni,  cl  je  ne  trois 
pas  qu'on  puisse  l'en  blàuier.  {Éncid.,  Vil,  505)  : 

Alors,  les  yeux  hagards,  pâle,  déiordonnie, 
A  toute  sa  fureor  elle  erre  aliandonnce. 

Il  l'a  employé  plus  clt'ïammenl  dans  les  vers  sui- 
vants (£nf«f.,  Vlll,  247)  : 

Voyez-Tons  dans  les  airs  ces  rochers  suspendus, 
Ces  éclats,  ces  débris  au  hasard  répandus. 
De  ce  mont  cnlr'ouTort  l'horreur  détordonnie, 
El  de  son  antre  affreux  la  toute  abandonnée? 

Désoedomuément.  Adv.  11  est  [hîu  usité,  et  se 
met  après  le  \erbe  :  Vivre  dêsordonnèment,  il  a 
toujours  vécu  dttordonnéme nt,  et  non  pas  dcs- 
ordonnénient  vécu. 

Désordosneb.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
n'a  [las  mis  ce  mot  dans  son  Dictionnaire.  Ce- 
pendant il  fait  un  assez  bon  effet  dans  les  vers 
suivants  : 

Atinas  même  fuit,  et  de  ses  \ctérans 
Un  tumulte  confus  desordonne  les  rangs. 

(Dbiil.,  iBnetd.,  XI,  il6t.) 

Mais  à  son  dieu  déji  tous  ses  sens  s'abandonnent; 
Ses  chereux,  son  regard,  ses  traits  se  désordonnent. 
(/dfin,  yi,  67.) 

Désordonner  signifie  troubler  l'ordre;  se  dèsor- 
doniier,  se  déranger,  se    confondre,  sortir    de 
l'ordre. 
DÉsoaDRE.  Subst.  m. 

Et  ma  bouche  et  mes  yeux,  du  mensonge  ennemis. 
Peut-être  dans  le  temps  que  je  voudrais  lui  plaire. 
Feraient,  par  leur  désordre,  un  effet  tout  contraire. 
(Rac,  Baj.,  act.  Il,  se.  v,  80.) 

La  Harpe  dit  au  sujet  de  ces  vers:  a  On  ne  peut 
pas  dire  le  désordre  de  ma  Louche  et  de  mes  yeux. 
L'intervalle  d'un  vers  rend  la  faute  moins  sen- 
sible, mais  non  pas  moins  réelle.  »  {Cours  de  lit- 
térature.) 

*  Désorganisatedr.  Subst.  pris  adjectivement. 
Ce  mot,  né  dans  la  Révolution,  s'est  maintenu. 
Système  désorganisateur.  Je  ne  vois  pas  pour- 
quoi on  ne  dirait  pas  au  féminin  désorganisa- 
trice. 

DÉsoRGAMSATiON.  Subst.  f.  L'Acadéuiie  a  mis 
ce  mol  dans  son  édition  de  1798,  et  elle  l'a  con- 
servé dans  celle  de  JS.35.  Il  est  né  dans  la  Révolu- 
lion,  ei  l'usage  l'a  adopté. 

Désof.gamser.  Mol  nouveau ,  né  dans  la  Révolu- 
lion,  et  que  l'usage  a  adopte.  1,'Acadéiiiie  l'a  mis 
dans  son  édition  de  1798  et  dans  celle  de  1S35. 

Désormais.  Adv.  H  ne  se  met  qu'avec  le  futur. 
11  faut  dire  il  est  temps  à  présent,  je  suis  trop 
vieux  à  présent;  et  avec  le  futur,  je  ne  sortirai 
plus  désormais  si  tard. 

J.-J.  Rousseau  a  donc  eu  tort  de  dire:  Dans 
l'état  oit  sont  désormais  les  choses.  [Emile.)  On 
disait  iiulrefois  desor,  de  hâc  horâ. 

*  Désolci.  Subsl.  m.  On  prononce  dessouci. 
Diderot  avnil  dil  que  Séncque,  dans  sa  treizième 
leltre,  traitait  du  courage  que  donne  la  vertu,  et 
du  désouci  de  l'avenir.  On  lui  a  reproché  d'avoir 
créé  celle  expression  nouvelle,  comme  on  a  re- 
proché à  r;it)bé  de  Sainl-Pierre  d'avoir  créé  celle 
de  bienfaisance,  qui  est  aujourd'hui  si  bien  éta- 
blie. «  Mais,  dit  Diderot,  d'ancienne  ou  de  nou- 
«  velle  création,  qu'importe?  Nous  manquc-t- 


DES 

«  elle?  Ne  doit-on  pas  compter  désouci  de  l'ave- 
«  nir  piumi  les  mots  dont  la  diselle  appauvrit 
«i  noire  langue?  i> — Ce  mot  est  nécessaire,  il  est 
sonore,  cl  l'on  ne  doit  pas  craindre  en  reiiq)loyant 
à  propos  d'être  repris  par  les  gens  sensés. 

*  I)K.<.poTiE.  Subsl.  f.  On  ne  trouve  point  co 
mol  dans  les  dictionnaires.  Il  signifie  gouverne 
ment  où  la  souveraineté  réside  dans  la  vulonléd'ui' 
despote.de  même  i]\ie  démocratie  signifie  gouvei 
nemenloùla  souveraineté  réside  dans  le  peuple 
C'est  autre  chose  que  le  desputisme.  Il  peut  ) 
avoir  du  d^.-<piitismc  dans  un  Etal  sans  (pie  la  des 
potie  y  soil  établie.  L'établissement  de  cet  officiel 
devrait  avoir  été  fait  lors  de  l'établissement  de 
la  7noHarchie  et  delà  despolie.  (\olt..  Commen- 
taire sur  l'Esprit  des  lois,  XLllI.) 

Dt»ssEiN.  Subst.  m.  Projet,  résolution,  inten- 
tion de  faire  quelque  chose.  Racine  a  dit  en  ce 
sens  : 

Peut-elle  contre  vous  former  quelques  desseins? 

[Phéd.,  act.  I,  se.  1,  47.) 

Il  fant  que  vous  soyet  instruit,  même  avant  tous. 
Des  grandi  desseins  de  Dieu  snr  son  peuple  tl  sur  tous. 
^wiUl.,  act.  IV,  se.  Il,  3.) 

Mais  il  a  dit  aussi  : 

El  ne  le  forçons  pas,  par  ce  cruel  mépris. 
D'achever  un  dcssem  qu'il  peut  n'aToir  pas  pris. 

Alex.,  act.  I,  se.  m,  15.) 

Cette  expression,  achever  un  dessein,  a  été  l'ob- 
jet d'une  grande  discussion.  L'abbé  d'Olivet  l'a 
condamnée  en  disant  :  On  dit  exécuter,  nun  acJie- 
ver  un  dessein.  Achever  ne  se  dil  ijuc  de  ce  (|ui 
est  commencé.  Or,  ce  qui  est  un  dessein,  c'esl-à- 
dire  un  projet,  n'est  pas  quelque  chose  de  com- 
mencé; ou  si  c'est  quelque  chose  de  commencé, 
ce  n'est  plus  simplement  un  dessein,  c'est  une 
entreprise.  L'abbé  Desfonlaincs  était  pour  ache- 
ver un  dessein ,  et  Racine  fils  défendait  l'ex- 
pression de  son  père,  Féraud  dil  qu'il  ne  vou- 
drait pas  la  condamner  eu  vers,  mais  qu'il  ne 
voudrait  pas  l'employer  en  prose.  —  Ce  qui  est 
contraire  a  la  raison  est  mauvais  en  vers  comme 
en  prose.  Or,  il  est  évident  qu'on  ne  com- 
mence ni  n'achève  un  dessein,  un  projet,  une 
résolution;  on  les  exécute;  et  le  couiincuce- 
mcnt  et  V(ichèveme?it  ne  peuvent  se  dire  que 
de  l'e.xécution.  Racine  avait  fait  une  faute  sem- 
blable en  disant  dans  les  Frères  ennemis  (acL  R', 
se.  III,  105)  : 

Hâtei-Tous  donc,  cruels,  de  me  percer  le  sein. 
Et  eommeni»  par  moi  votre  horrible  dessein. 

Gresset.,  imilaBt  Racine ,  a  dit  dans  Edouard 
(act.  1,  se.  I,  73)  : 

Parmi  ces  ennemis  j'ai  conduit  mon  dessein, 
\'A,  prêt  à  l'achever,  je  puis  finstruire  enfin. 

Tant  il  est  vnii  que  les  fautes  des  grands  hommes 
peuvent  avoir  de  fâcheuses  conséquences! 

Desservir.  V.  a.  et  irrcg.  de  la  2'  conj.  11  se 
conjugue  comme  sentir.  Voyez  Irrégulier 

Dessiccatif,  Dessiccative.  Adj.  qui  se  met  après 
son  subst.  .  Onguent  dessiccatif,  eau  dessicca- 
tive 

Dessiller.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Voyez  Dè- 
ciller. 

Dessinateur  Subsl.  m.  Il  y  i  boau''Ok»;'  de 
feniuies  qui  dessinent,  et  qui  dess\neiil  biCi.'.,  les 
appellera-t-on  dessinateurs  ou  dessinatricesf  II 


DES 

y  a  prés  de  deux  cents  ans  que  l'Académie  tra- 
vaille à  son  Diclionnairo,  et  elle  ne  nous  a  p;is 
encore  appris  s'il  faut  dire  décoratrice,  dessina- 
trice, appréciatrice,  etc.  Je  pense  que  nous  ferions 
bien  d'employer  ces  mois,  en  attendant  sa  déci- 
sion. 

Dessobler.  y.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  n'est  pas 
seulement  un  terme  populaire,  comme  le  dit  l'A- 
cadémie, mais  un  terme  bas,  aussi  bas  que  cet 
exemple  qu'elle  nous  donne  :  O/i  prétend  que  la 
soupe  à  l'ognon  dessoûle  ceux  qui  ont  trop  bu. 
Selon  l'Académie,  ce  verbe  est  aussi  neutre.  Les 
gens  qui  se  piquent  de  politesse  dans  le  langage 
n'emploienl  point  ce  mot;  ils  disent  désenivrer. 

Dessods.  Subsl.  m.  Devant  une  voyelle,  on 
prononce  le  5  final  comme  un  z  :  Touchez  le  des- 
sov-zet  le  dessus. 

Dessous  est  aussi  adverbe.  En  ce  sens,  il  n'a 
point  de  régime.  On  ne  dit  pas  dessous  l-a  table, 
mais  sous  la  table.  On  le  cherchait  sur  le  lit,  il 
était  dessous.  Il  n'est  ni  dessus,  ni  dessous. 
Ainsi  ne  dites  ])as  parmi  les  animaux  il  y  en  a 
qui  vivent  dessous  la  terre  ;  mais  il  ij  en  a  qui 
vivent  sous  terre. 

Autrefois  on  employait  indifféremment  ce  mot 
comme  préposition  et  comme  adverbe  : 

Ses  sacrilèges  mains 

Dessous  un  même  joug  rangent  tous  les  liumains. 
(lUc,  Alex.,  acl.  II,  se.  ii,  9!.) 

Rome  est  dessous  vos  lois  par  le  droit  de  la  guerre. 
(Corn.,  Cin.,  act.  II,  se.  i,  67.) 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers,  on  disait  au- 
trefois dessinis  au  lieu  de  sous;  dessus  au  lieu 
de  sur.  Dessous  est  adverbe  et  n'est  point  préposi- 
tion. (Remarques  sur  Corneille ) 

Voltaire,  qui  relève  cette  faute,  la  fait  lui- 
même  dans  sa  7;?'"  épitre  (v.  3)  : 

Vous  iloimei  dessous  les  courtines 
Et  des  Grâces  et  des  neuf  Sœurs. 

L'Académie  dit  qu'on  l'emploie  quelquefois 
comme  préposition,  et  donne  pour  exemples  : 
J'ai  cherché  inutilement  dessus  et  dessous  ?e  lit  ; 
on  a  tiré  cela  de  dessous  la  table.  Je  ne  crois 
pas  que  le  premier  exemple  soil  régulier.  Il  faut 
dire  j'ai  cherché  dessus  le  lit  et  dessous  ;  ou 
bien  prendre  un  tour  qui  mette  à  même  de  dire 
j'ai  cherché  dessus  et  dessous.  Quant  à  rriuiro 
exemple,  jiî  crois  que  dessous  y  est  prissubslanti- 
vement  :  On  a  tiré  cela  de  dessous  la  table,  c'est- 
à-dire  du  dessous  de  la  table.  Au  moyen  de  cette 
explicaticm,  Voltaire,  qui  dit  ciue  dessous  n'est 
pas  préposition,  ne  se  trouverait  point  en  contra- 
diction avec  l'Académie. 

Dessds.  Adv.  On  peut  appliquera  cet  adverbe 
tout  ce  que  nous  avons  dit  de  dessous. 

Soit  que  Rome  succombe,  on  qu'elle  ait  le  dessus. 
(Corn.,  Hor.,  act.  I,  se.  m,  95.) 

Avoir  le  dessus  ou  le  dessous  ne  se  dit  que  dans 
la  poésie  burlesque.  (Volt.,  Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

l'ai  trop  par  tos  avis  consulté  là-d-asus. 

(Corn.,  Cin.,  act.  IV,  se.  ly,  27.) 

La-dessus,  là-dessous,  ci-dessus,  ci-dessous, 
termes  familiers  qu'il  faut  absolument  éviter,  soil 
en  vers,  soit  en  prose.  (Volt.,  Remarques  sur 
Corneille.) 


DES 


2H 


Destin.  Subst.  va.  Destin,  en  poésie,  se  dit 
pour  vie  : 

Il  craint  ces  assassins 

Qui  du  roi  v»lre  époux  ont  tranché  le»  d<'iti'ris. 

(Volt.,  3lér.,  acl.  1,  se.  ii,  15.J 

Oui,  j'aurais  de  mes  jours  prolongé  ses  deXi'ns. 
(Volt.,  Mort  de  César,  act.  IH,  se.  vni,  4.) 

Jurer  donc  avec  moi 

Par  les  mines  sacrés  de  tous  les  vrais  Romains 
Qui  dans  les  champs  d'Afrique  ont  fini  leurs  destin»,  etc. 
(Jdem,  acl.  II,  se.  iv,  124.) 

Dans  les  champ!!  d'Ilion,  les  armes  à  la  main, 
Que  n'ai-je  pu  finir  mon  malheureux  desdn? 

(Delil.,  Éndid.,  I,  143.) 

....   Et  si  dans  mes  alarmes 
Le  ciel  me  permcltait  d'abréger  un  destin 
Nécessaire  à  mon  lils,  etc. 

(Volt.,  Orphelin  do  la  Chine,  act.  I,  se.  v,  16.) 

La  Harpe  dit  au  sujet  de  ces  derniers  vers,  «7» 
destin  ne  peut  en  aucune  manière  être  le  syno- 
nyme d'une  vie.  Ou  dit  tros-liicn  une  vie  néces- 
saire à  mon  fils,  mais  jamais  une  mAin  ne  dira 
que  son  destin  est  nécessaire  à  son  fiis  ;  celle 
diction  est  trop  négligée  et  trop  vicieuse.  (L;: 
Harpe,  Cours  de  littér.) 

Si  destin,  chez  les  poêles,  est  synonyme  de  v' 
dans  les  exemples  que  nous  avons  cités,  pour- 
quoi ne  pourrait-il  pas  l'élre  dans  <elui  que  cri- 
tique La  Harpe?  Et  si  desti7i  signifie  vie,  pour- 
quoi ne  dirait-on  pas  un  destin  nécessaire  à  mon 
fils?  Abréger  un  destin  n'est  jias  plus  étrange 
que  trancher  les  destins,  protéger  les  destins, 
finir  ses  destins,  finir  mon  destin.  Il  faut  remar- 
quer ici  que  les  poêles,  dans  cette  acception, 
mettent  indifféremment  destin  au  singulier  / 
au  pluriel.  Voyez  Fatalité. 

Destiner.  V.  a.  de  la  -1"  conj.  :  Destiner  pout 
a  rapport  à  l'emploi  :  Il  a  destiné  ret  argent 
l)0ur  les  pauvres.  Destiner  à  a  rapport  au  but  : 
Il  a  destiîié  cet  argent  aux  pauvres. 

Destitoaiîle.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met 
après  son  subst.  :  Un  officier  destituable. 

Destrdctedr.  Subst.  m.  (pii  so  prend  adjecti- 
vemenl  :  Les  destructeurs  de  Troie,  un  torrent 
destructeur. 

Queltiues  dictionnaires  ont  mis  destructrice  en 
parlant  d'une  femme.  L'Académie  ne  le  met  point. 
Cependant  Moutesnuieu  l'a  employé  :  C'était  une 
nation  bien  destructrice  que  celle  des  Goths. 
Loi  qui  devient  destruirii  i.  e  tiw  corps  politique. 
Féraud  dit  que  ce  mol  est  bien  dur.  Ce  n'est  pas 
une  raison  pour  le  rejetei.  Il  est  nécessaire  cl 
conforme  à  l'analogie.  Il  prétend  que  destruc- 
tive a  le  même  sens,  et  qu'il  doit  être  préféré, 
parce  <iu'il  est  aussi  énergitjue  et  plus  doux. 
Destructif  n'a  pas  le  même  sens  que  destruc- 
teur: celui-ci  mar(]ue  la  volonté,  rinlenlioii  de 
détruire;  celui-là  n'indiiptt,  que  l'aclion  de  dé- 
truire. On  dit  un  homme  destructeur,  un  animal 
destructeur  ;  et  on  ne  dil  pas  un  homme  des- 
tructif, un  animal  destructif.  On  ne  pomrait 
doue  pas  dire  une  nation  destructive ,  au  lieu 
li'uîie  nation  destructrice.  Maison  pourrait  dire 
une  loi  qui  devient  destructive  du  corps  politi- 
que, SU  lieu  de  qui  devient  destructrice,  coiaaie 
a  dil  Montesquieu. 

Destructif,  Destructivi;.  Adj.  qui  se  met  tou- 
jours après  son  subst.  :  Un  principe  destructif, 
une  cause  destruetive.  Voyez  Destructeur. 

Désuétude.  Subst.  f.  Le  s,  quoique  entre  deux 


212 


DÉT 


voyelles,  conserve  sa  prononriation  primitive  se. 
parce  que  ce  mol  osl  considère  comme  composé 
dedévl  (Je  sm'tudc,  el  l'on  prononce  conmie  si 
ces  deux  (Mémoiils  élaicnl  séparés,  dé-suélude, 
ce  qui  rend  la  lellre  «  initiale. 

*  DtsisiTÉ,  DÉSLSiTÉE.  Adj.  On  prononce 
dêzvsité.  Il  ne  se  met  (lu'après  sun  suhsl.  :  Son 
confesseur  l'avait  assujetti  à  ces  pratiques  peu 
convenables,  et  aujourd'hui  désusilces.  (\«'lt., 
Sièclede  Lo}iisXIf'',c\\ip.  xxviii.)  Cet  adjeclilest 
nécessaire  Inusité  ne  le  remplace  |)ninl.  Inusité 
signilieiiui  n'est  point  en  usaçe;  désusitéxcnxàwa 
qui  a  été  en  usage,  et  dont  on  a  quitté,  al)an(ion- 
né,  nc^liiré  l'usage,  de  manière  qu'il  n'existe  plus. 

Détail.  Subst.  m.  I.e  père  Bouhours  n'approu- 
vait \tn«,  détails  Ml  pluriel.  11  esl  très-usilé  au- 
jourd'liui  :  Je  n'aime  pas  les  détails. 

Le  pluriel  de  ce  mot  a  un  sens  diflercnt  du 
singulier.  Le  détail  esl  l'action  déconsidérer,  de 
prendre,  de  mcilrc  la  chose  en  petites  parties, 
ou  dans  les  moindres  divisions.  Les  détails  sont 
ces  petites  pailiosou  ces  petites  divisions,  telles 
qu'elles  si  ni  dans  l'objet  même.  Nous  faites  le 
détail,  el  non  les  détails,  d'une  histoire,  d'une 
affaire,  dune  aventure;  vous  en  faites  Ze  détail 
en  rapportant,  en  parcourant,  en  présentant  les 
détails,  de  la  chose  jus(pie  dans  les  plus  petites 
parlicularilés.  Nous  n'en  faites  pas  les  détails, 
parce  qu'ils  existent  par  eux-mêmes  dans  la  chose; 
ce  sont  les  petits  objets  ou  les  objets  |)arliculiei's 
qu'on  peut  détailler  ou  considérer,  et  employer 
en  détail. 

Il  y  a  dans  la  police ,  dans  le  commerce , 
dans  le  ménage,  dans  la  linance,  mille  petits 
détails,  mille  petites  affaires  dont  le  détail  ou 
l'exposition  détaillée  n'aurait  point  de  lin.  Un 
minisire  s'occupe  en  gros  ou  en  gi'and  des 
affaires  ou  des  grandes  affaires;  il  laisse  les 
détails  ou  les  petites  affaires,  el  les  particularités 
des  grandes  affaires  à  ses  commis;  ses  couunis 
lui  en  font  ensuite  le  détail  ou  le  nippon.  — 
Détail  annonce  la  manière  dont  vous  représentez 
les  choses  ;  el  détails  les  choses  inonies  (jue  vous 
représentez.  Qucl(|uefnis  on  dit  indiflércunnenl  el 
bien,  détail  e\  détails,  mais  sans  (pie  leiu'  signi- 
fication soil  absolument  la  même,  quoi^iue  les 
deux  phrases  reviennent  à  peu  près  a  la  même 
idée.  .Ainsi  on  dira  voilà  le  détail,  el  voila  les 
détails  de  l'affaire.  Mais  détail  signifie  propre- 
ment le  récit  détaillé  que  vous  en  avez  fait,  el  dé- 
tails ce  <ine  la  chose  avait  de  plus  particulier. 
Ox\  (\\\.  beautés  de  détail,  pour  beautés  que  l'on 
trouve  en  détaillant,  ou  beautés  de  certains  dé- 
tails ;  esprit  de  détail ,  OU  propre  à  saisir  el  a 
régler  les  |)lus  petits  détails 

Détailler.  V.  a.  de  la  i"  conj.  On  mouille 
les  /. 

Dételf.r.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  double  la 
lettre  l  dans  les  temps  de  ce  verbe  où  elle  esl  sui- 
vie d'un  e  muet  :  Je  dételle,  je  détellerai,  il  dé- 
tellera, il  détellerait:  on  ne  met  (pi'un  nors(]uc 
cette  lettre  esl  suivie  de  toute  autre  lellre  (jifun 
e  muet  :  Je    dételais,  j'ai  di'telé,  ils  dételèrent. 

Dktemr.  V.  a.  de  la  2""  conj.  Il  se  conjugue, 
comme  tenir.  Voyez  [rrégulier. — Ce  verbe  n'est 
guère  usité  ipTau  i)alais. 

Détenteur  Suiist.  m.  Ce  mol  n'est  guère  d'u- 
sage (pi'en  style  de  palais.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  détentrice  :  Détenteur ,  détentrice  d'un 
héritage. 

\jr.  1  EN  u,  Détr;\ue.  Part,  passé  du  verbe  détenir, 
et  adj.  Voltaire  l'emploie  subslanlivcmenl,  pour 
fiignilier  ceux  qui  sonl  en  prison  :  Les  détenus  ?)« 


DËT 

s'entre-cnmmuniquent  que  des  exhalaisons  em- 
pestées. Féraud  dit  qu'on  peut  regarder  ce  sub- 
stantif comme  un  néologisme.  —  11  ne  l'est  plus 
aujourd'hui.  11  esl  généralement  adopté  en  ad- 
ministration,  pour  signifier  une  personne  rete- 
nue en  prison  de  (|ueh|ue  manière  (juc  ce  soil, 
et  pour  (|uelque  cause  (pjc  ce  puisse  être.  l.e> 
prévenus  el  les  condamnés,  lorsqu'ils  sont  en 
l)rison,  sont  désignés  par  le  mol  général  de  déte- 
nus. 

Déterger.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Dans  tous  les 
temps  de  ce  verbe,  g  doit  se  prononcer  comme 
un  j,  el  pour  lui  conserver  cette  prononciation 
lors(]u'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  rnet  un 
e  muet  avant  cet  a  ou  cet  o:  Je  détergfais,  dé- 
tergcons,  et  non  pas  je  détergais,  détergons. 

Déterminant,  Déterminante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  déterminer.  Il  se  mel  après  son  subst.  : 
Motif  déterminant,  raison  déterminante.  Voyez 
Déterminatif. 

Déterminatif,Déterminative.  Adj.  quel'on em- 
ploie aussi  subslanlivement.  Terme  de  gi'ammaire. 
Il  se  dit  d'un  mol  ou  d'une  phrase  qui  restreint 
ou  détermine  la  signification  d'un  autre  mot,  el 
(jui  en  fait  une  application  individuelle.  Tout 
verbe  actif,  toute  lu-éposition,  tout  individu  qu'on 
ne  désigne  pas  par  le  nom  de  son  espèce,  a  besoin 
d'être  suivi  d'un  déterminatif:  Il  aime  la  vertu , 
il  dcmeuj-e  avec  son  père,  il  est  dans  la  maison  ; 
vertu  esl  le  déterminatif  de  aime;  son  père, 
d'avec;  et  la  maison,  de  dans.  Le  mol  lumière 
est  un  mot  générique.  11  y  a  plusieurs  sortes  de 
lumières;  mais  si  on  ajoute  du  soleil,  alors  lu- 
mière deviendra  un  nom  individuel,  qui  sera  res- 
treint à  ne  signifier  que  la  lumière  individuelle 
du  soleil.  Ainsi,  dans  cet  exemple,  du  soleil  esl 
le  déterminatif  ou  le  d(Herinuiant  de  lumière. 
(Dumarsais.)  \oyez  Complémeni,  Régime. 

*Détermination,  *  Déterminaison  Substantifs 
féminins.  L'Académie  n'exjilique  point  le  mot 
détermination  comme  terme  de  grammaire.  Dé- 
termination, dit  Dumarsais,  est  un  terme  ab- 
strait. Il  se  dit  de  l'clfei  que  le  mot  qui  en 
suit  un  autre  au(iuel  il  se  nqiporle  produit  sur 
ce  mot-là  ;  L'amour  de  Dieu;  de  Dieu  a  un 
tel  rapport  de  d(Herminalion  avec  amour,  qu'on 
n'entend  plus  jiar  amour  cette  passion  profane 
qui  perdit  Troie;  on  entend,  au  contraire,  ce 
feu  sacré  qui  sanctifie  toutes  les  vertus. 

Ce  mol  de  détermination  a  |irol)ablement  paru 
à  Beauzée  tiop  éloigné  de  sa  signification  primi- 
tive, dans  le  sens  que  lui  donne  Dumarsais;  il 
y  a  substitué  le  mol  déterminaison,  qui  paraît 
plus  analogue,  el  par  conséquent  plus  convena- 
ble. Voici  comme  il  s'exprime  à  l'article  Mot 
dans  le  Dictionnaire  encyclopédique  :  Nous  pou- 
vons donc  en  conclure  que  les  adjectifs  et  les 
verbes  ?ie  présentent  à  Vesprit  que  des  éti'es  in- 
déterminés, puisqu'ils  ont  besoin  d'une  déter- 
minaison accidentelle  pour  pouvoir  prendre  tel 
ou  tel  cas. 

Déterminément.  Adv.  Il  se  met  toujours  après 
le  verbe  :  //  l'a  voulu  déterminément,  et  non  pas 
il  l'a  déterminément  voulu. 

Déter.miner.  V.  a.  delal"^'  conj.  Ce  mot  signifie 
en  grammaire  restreindre  la  signification  d'un  mol, 
et  en  l'aire  une  ai)plication  individuelle.  Dans 
celte  phrase,  Vumour  de  Dieu,  de  Dieu  déter- 
mine le  mot  amour  et  eu  lait  l'application  indi- 
viduelle. 

{^'Académie  dit,  il  s'est  déterminé  ;  détermi- 
nez-vous o  quelque  chose.  Montesquieu  a   dit 


DET 

dans  la  XXIX'  lettre  persane:  Dans  le  doute. 
Us  tiennent  pour  règle  de  se  déterminer  du  côté 
de  la  rigueur. 

Détestable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit 
des  personnes  et  des  choses,  et  peut  se  mettre 
avant  son  subst.  lorsque  l'harnionic  et  l'analogie 
le  permettent.  On  peut  dire,  suivant  la  ma- 
nière dont  on  est  affcclé  :  Un  homme  détestable 
ou  MM  détestable  homme;  un  tyran  détestable, 
OU  un  détestable  tyran;  un  système  détestable, 
OU  ««  détestable  système.  Voyez  .idjcctif. 

Détestabi.kmi.m.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  //  «  chanté détestable- 
ment,  ou  il  a  déleslublemcnt  chanté. 

*Détiarer.  V.  a.  (le  la  I"  coiij.  Expression  de 
circonstance  qui  signifie  ôicr  la  tiare,  abolir  la 
papauté.  Voltaire  a  dit  :  Nous  ne  voulons  pas 
vous  démitrer,  vous  détiarer. 

DÉTO^NEr^.  V.  a.  de  la  I"conj.  Détonner,  dit 
l'Académie,  s'emploie  au  figuré.  On  dit  en  par- 
lant d'un  ouvrage  d'esprit  -p/'il  y  a  des  choses 
qui  détonnent,  pour  dire  iju'il  y  a  des  choses  qui 
ne  sont  pas  dans  le  ton  général  de  l'ouvrage.  Je 
crois  qu'il  y  a  peu  d'occasions  où  l'on  puisse  se 
servir  de  coite  expression.  On  dirait  plutôt  au 
figure  il  y  a  des  disparates  dans  cet  ouvrage; 
il  n'y  a  pas  d'accord  dans  cet  ouvrage. 

Détodr.  Subst.  m.  fcraud  prétend  que  dans  le 
sens  d'adresse,  de  subtilité  pour  venir  à  bout 
de  ce  qu'un  veut  faire,  détours  ne  se  dit  point 
au  pluriel.  On  dit  cependant  il  cherche  à  vous 
tromper  par  ces  détours;  et  on  lit  dans  Racine 
[Iphigénie,  act.  I,  se.  il,  83)  : 

Non,  non,  tous  ces  détour»  sont  trop  ingénieux. 

Détocrné,  Détournée.  Adj.  qui  se  met  tou- 
jours après  son  subst.,  comme  tous  ceux  qui  sont 
formés  de  participes  passés  :  Chemin  détourné, 
louange  détournée. 

*  DÉT0CRNE3IENT.  Subst.  m.  Actiou  de  détour- 
ner. Molière  a  dit  [Critique  de  V Ecole  des 
Femmes,  se.  m)  :  Leurs  détournements  de  tête 
et  leurs  cachcments  de  visage.  Il  n  est  pas  fran- 
çais en  ce  sens.  .Mais  Féraud  remarque  avec 
raison  qu'on  dit  bien  le  détournement  des  fonds, 
le  détournement  des  deniers.  L'Académie  ne  le 
met  ni  dans  l'un  ni  dans  l'autre  sens. 

Détracter.  V.  a.  de  la  1'"  conj.  Détracter 
vient  du  mot  lalin  detrectare,  (jui  est  un  ver- 
be actif,  et  qui  signifie  la  même  chose.  Je 
pense  donc  (jue  détracter  est  aussi  un  verbe 
actif,  et  qu'on  peut  à\vc  détracter  quelqu'un,  dé- 
tracler  le  mérite  de  quelqu'un.  Détracter,  c'est 
diminuer  l'éloge  de  quelqu'un.  L'Académie 
donne  pour  exemple  détracter  de  son  prochain. 
Je  croirais  qu'on  peut  le  dire,  si  j'en  voyais  des 
exemples  dans  les  bons  auteurs. 

Détractecr.  Subst.  m.  qui  s'emploie  aussi 
adjectivement.  On  le  dit  absolument  ou  avec  la 
préposition  de  :  C'est  un  détracteur,  un  détrac- 
teur d'Homère.  On  ne  trouve  nulle  part  si  l'on 
peut  ou  si  l'on  ne  peut  pas  dire  détractrice  au  fé- 
minin. Je  ne  vois  pas  ce  qui  empêcherait  de  se 
servir  de  ce  mot. 

Détriment.  Subst.  m.  L'Académie  ne  donne 
pas  une  idée  juste  de  ce  mot,  en  l'expliquant  par 
dommage,  préjudice.  Le  dommage  attaque  direc- 
tement les  choses,  el  rejaillit  sur  les  personnes: 
l'idée  de  ce  mot  est  physique.  L'idée  de  préju- 
dice est  plutôt  morale;  c'est  un  mauvais ellet  (jui 
resuite  de  l'action  d'un  autre.  Le  dttriment  est 
une  altcralion  et  une  dégradation  ;  c'est  uu  dom- 


DEU  21.-» 

mage  opéré  sur  la  chose,  et  par  relation  sur  la 
personne.  De  (juelque  manière  que  vous  o|)éricz 
la  perte,  le  dépèrisseuieiu,  la  diminution  d'une 
chose,  vous  faites  ou  vous  causez  du  dommage. 
L'ne  nouvelle  maison  de  commerce  qui  croise  les 
autres,  et  leur  enlève  des  bénéfices  par  sa  con- 
currence, leur  poile  préjudice,  mais  sans  atten- 
ter aux  droits  d'autrui.  Une  exemi)iion  parlicu- 
lièie d'impôt  tourne  au  détriment i\vi  peuple,  sur 
qui  l'inqiôl  est  rejeté.  L'auteur  du  dommage  fait 
une  action  qui  fait  le  mal  d'autrui;  l'auteur  du 
préjudice  fait  Son  affaire  dont  il  résulte  (|uelque 
mal  pour  autrui;  \'nu{cur  ihi  détriment  fait  une 
chose  qi.i  devient  un  mal  pour  autrui. 

DÉTf.ojiPER.  V.  a.  de  la  I''"'  conj.  On  dit  bien 
détromper  quelqu'un,  c'est-à-dire  le  désabuser, 
le  tirer  d'erreur.  Mais  dit-on,  comme  le  prétend 
l'Académie,  je  veux  vous  détromper  de  cet 
homme-la?  J'en  doute  II  est  vrai  que  Bossuet  a 
dit  :  C'en  serait  assez  pour  se  détromper  de  tels 
docteurs.  Mais  cette  manière  de  s'exprimer  n'a 
pas  été  imitée;  et  je  pense,  comme  Féraud,  ([u'en 
parlant  des  personnes,  désabuser  vaut  mieux.  O» 
détrompe  d'une  erreur,  mais  on  ne  détrompe  pas 
une  erreur,  parce  qu'on  ne  peut  détromper  que 
ce  qui  est  trompé,  et  qu'une  erreur  ne  peut  pas 
être  trompée.  C'est  donc  avec  raison  qu'on  a  re- 
proi  hé  a  Racine  d'avoir  dit  dans  Phèdre  (act.  I, 
se.  V,  21)  : 

Délrorapei  $on  erreur,  flécliisseï  son  courage. 

Voyez  Désabuser. 

Détruire.  V.  a.  delà  4' conj.  Ce  mot  ne  signi- 
fie ni  démolir,  ni  abattre,  ni  ruiner,  ni  renver- 
ser un  édifice,  comme  le  dit  l'Académie.  On  abat 
un  mur,  et  on  ne  le  détruit  jias,  car  les  maté- 
riaux restent;  on  ruine  un  château  sans  \e  dé- 
truire ,  il  reste  un  château  en  ruines;  le  vent 
renverse  une  tour,  et  ne  la  détruit  pas.  Dé- 
truire, c'est  rompie,  anéantir  les  ressorts,  les 
formes,  l'arrangement  des  parties,  la  construc- 
tion d'une  chose,  jusqu'à  ce  qu'il  n'en  reste  plus 
aucune  apparence.  Racine  a  dit  se  détruire  dans 
une  acception  que  l'Académie  n'indique  pas  : 

Tous  ses  projets  semblaient  l'un  l'autre  se  détruire. 
{Ath.,  act.  III,  se.  in,  28.) 

Comme  on  voit  tous  ses  vœux  l'un  l'autre  se  détruire  .' 
[Phèd.,  act.  I,  se.  m,  10.) 

Deuil.  Subst.  m.  Le  l  final  se  mouille.  Vol- 
taire a  <i\i porter  le  deuil  de  moi,  pour  éviter  l'é- 
quivoque qu'il  y  auraiteucdansp»;-<c)-  /«<)«  deuil. 
Je  croyais  bien  que  ce  serait  elle  qui  porterait 
le  deuil  de  moi.  [Correspondance .) 

Deux.  Adj.  des  deux  genres,  qui  se  met  avant 
son  subst.  :  Deux  hommes,  deux  chevaux,  deux 
maisons.  —  On  dit  aussi  chapitre  deux,  article 
deux.  Alors  deux  est  pris  pour  deuxième.  Fcraud 
demande  si  l'on  doit  dire  tous  deux,  toutes  deux, 
ou  tous  les  deux,  toutes  les  deu.v.  11  pense  que 
tous  deux  vaut  mieux  dans  le  discours  familier, 
et  tous  les  deux  dans  le  style  soutenu.  Madame 
de  Sévigné  a  dit  elles  vous  embrassent  toutes 
«fewor;  cl  Marmontel,  sa  délicatesse  blessée  sera 
leur  supplice  ù  tous  deux.  Féraud  ne  donne  point 
d'exemiile  ie  tous  les  deux.  Cependant  je  pense 
que  de  même  qu'on  ne  dirait  pas  tous  douze, 
tous  vingt, c[c.,  on  ne  doit  pas  dire  non  plus  <ous 
deux,  el  que  c'est  abusivement  (juc  cette  façon 
de  parler  s'est  introduite  dans  le  langage  famiu'isf^ 


2i4 


DEV 


lorsqu'il  n'est  question  que  d'un  petit  nombre 
seulement,  toux  deux,  tous  trois.  Le  mieux  est  de 
dire  tous  les  deux,  tous  les  iruis. — Lorsque tf^i/x 
n'es!  [iSii  suivi  de  l'espère  noinbrée,  ou  cju'il  est 
suivi  du  nom  de  l'espèce  nombrée  commençant 
par  une  consonne  ou  un  h  aspire,  x  ne  se  pro- 
nonce point,  on  allonge  seulement  la  syllabe.  J'en 
ai  deux,  ils  sont  deux,  deux  rnaiso/is,  deux 
chambres,  prononce/,  deu.  —  Lors(jue  c^ei/a- est 
suivi  du  nom  de  la  chose  nombrée,  commençant 
par  une  voyelle  ou  par  un  h  muet,  on  prononce 
le  X  avec  un  sifflement  faible,  c'est-à-dire  comme 
un  s. 

DtL'xiÈME.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  or- 
dinairement avant  son  subsl.  :  Le  deuxième 
étage;  la  deuxième  maisoît.  On  dit  chapitre 
deuxième,  article  deuxième.  Le  x  se  prononce 
comme  nn  ;;. 

DixxiÈMEMENT.  Ailv.  On  peut  le  mettre  avant 
ou  après  le  verbe  :  Deuxièmevient,  je  vous  di- 
rai, ou  je  vous  dirai  deuxiè/uemejit. 

DÉvAr.ER.  V.  a.  et  n.  de  la  l"' conj.  Ce  verbe 
ètnil  usité  autrefois,  même  dans  le  style  noble;  il 
ne  l'est  [Aus  aujourd'hui  dans  aucun  slyle.  Cor- 
neille avait  dit  iIîodoc/.,nc\..  Il,  se.  ii,  7o)  : 

On  ne  raonlcra  point  au  rang  dont  je  dévale,  . . 

On  dirait  aujourd'hui  d'oii  je  descends. 

Devancer.  V.  a.  de  la  l"conj.  Dans  ce  verbe, 
le  c  a  la  prononciation  do  se  ;  et  pour  la  lui  con- 
server à  tous  les  temps  et  à  toutes  les  personnes, 
il  faut  mettre  une  cédille  dessous  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi  on  écrit 
nous  dcvançims,  je  devançais,  je  devançai,  et 
non  [las  non  s  devancoiis ,  etc. 

Devant.  Prép.  On  disait  autrefois  deranf  ytic 
pour  avant  que.  Racine  cl  Boileau  s'en  sont  servis 
plusieurs  fois,  et  Voltaire  les  a  encore  imités  : 

Devant  que  votre  âme. 
Prévenant  mon  espoir,  m'eût  déclaré  sa  flamme. 

(Rac,  Bai,,  ac''  Y,  se.  iv,  25.) 

Âh!  devant  qu'il  expire.  .  . 
(Volt.,  Tancr.,  act.  Y»  se  ï  >  31.) 

Voyez  Avant. 

Dévastateuiî.  Subst.  m.  qui  s'emploie  adjecti- 
vement. L'Académie  de  1762  n'avait  ])as  mis  ce 
mot  dans  son  Dictionnaire;  celle  de  179.S  l'a 
adopté,  et  elle  nous  apprend  que  l'on  dit  au  fé 
minin  dévastatrice.  C'est  un  mol  que  Raynal  et 
quehpies  autres  auteurs  ont  employé  fréquem- 
ment, et  (|ue  l'usage  a  adopté. 

Développek.  vTa.de  laI"conj.  Racine  a  dit 
dans  Esther  (act.  III,  se.  iii,  7)  : 

Mais  ce  sujet  zélé  qui  d'un  œil  si  subtil 
Sut  de  ce  noir  complot  développer  le  fil. 

On  développe  une  affaire  qui  est  embrouillée, 
on  développe  une  difficulté,  un  mystère  ;  mais  on 
ne  développe  pas  le  fil  d'un  complot,  on  le  dé- 
brouille. 

Devemr.  V.  n.  de  la  2'  conj.  Il  se  conjugue 
comme  i-e/uV,  mais  il  prend  l'auxiliaire  être.  Ce 
verbe  régit  ordinairement  des  adjectifs  et  des  sul>- 
stantifs  pris  adjeclivement.  Devenir  yrund,  ri- 
che, savant,  jaloux,  fâcheux;  devenir  flatteur. 
Quand  la  phrase  exprime  l'état  précédent,  on  le 
joint  par  de  à  la  phrase  qui  exprime  l'état  nou- 
veau :  //  devint  riche  de  pauvre  qu'il  était.  Alors 
celte  seconde  phrase  peut  être  mise  la  première. 
De  pauvre  qu'il  était,  il  devint  riche.  On  dit 


DEV 

aussi  les  plaisirs  auxquels  il  était  le  plus  adojmé 
lui  étaient  devenus  insipides.  Mais  on  ne  peut 
employer  ce  régime  indirect  ([u'avec  un  adjectif. 
Corneille  a  dit  (act.  IV,  se.  vu,  64)  : 

A  quel  point  ma  vertu  devient-elle  réduite  ! 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Devient  ré- 
duite n'est  pas  français.  Le  mot  de^venir  ne  con- 
vient jamais  qu'aux  affections  de  l'àme;  o»  de- 
vient faible,  malheureux,  hardi,  timide,  etc.  ; 
mais  on  ne  devient  i)as  forcé  à,  réduit  à. 

Ici  Voltaire  se  trompe.  Devenir  se  dit  aussi 
bien  des  changements  du  corps  que  des  affections 
deTâme.  On  devient  grand,  gros,  gras,  maigre, atc. 
Il  aurait  dû  dire  que  devenir  ne  se  joint  point  a 
des  iiarticipcs  pris  adjectivement. 

Dévei'.gonué,  Dévergondée.  Il  est  familier,  et 
ne  se  met  qu'après  son  sulisl.  On  l'emploie  aussi 
substantivement  :  C'est  un  dévergondé,  une  dé- 
vergondée. 

Devers.  Préposition  de  lieu.  Autrefois  on  em- 
ployait cette  préposition  pour  signifier  du  côté  de: 

C'est  ainsi,  devers  Caen,  que  tout  Normand  raisonne. 
(BoiL.,  ÉpUre  II,  30.) 

Aujourd'hui  on  dit  simplement  vers  :  H  de- 
meure vers  Toulouse.  —  Devers  se  joint  quel- 
quefois avec  la  préposition  par,  et  alors  il 
n'est  guère  d'usage  ([u'avec  les  pronoms  person- 
nels :  Betenir  des  papiers  par  devers  soi.  Avoir 
le  bon  goût  par  devers  soi.  Il  n'y  avait  guère 
d'homme  considérable  qui  n'eût  par  devers  lui 
quelque  prédiction  qui  lui  promettait  V empire. 
(Montesquieu,  Grandeur  et  décadence  des  Ro- 
mains, chap.  XXI.) 

Déverser.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Depuis  quel- 
que temps,  un  a  donné  à  ce  mot  une  nouvelle 
acception.  On  l'emploie  au  figuré  pour  verser,  ré- 
pandre. On  dit  déverser  le  mépris  sur  quelqu'un. 
L'Académie,  dans  son  édition  de  18:î5,  ne  donne 
point  d'exemple  de  ce  sens. 

DÉVÊTIR  (se).  V.  a.  et  irrégulicrde  la  2''  conj. 
Il  se  conjugue  comme  vêtir.  Il  prend  l'auxiliaire 
être  comme  tous  les  autres  verl)cs  pronominaux. 

Dévideur,  Dévidedsp  L'Académie  le  fait  adj. 
et  subst.  Il  n'est  que  suliiUanlif. 

Devin.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme,  oi. 
dit  devineresse.  Voyez  Ifevinevr. 

Devineup..  Subst.  m.  11  se  dit  i)0iir  devin  en 
plaisantant,  et  dans  le  style  burlesque.  En  par- 
lant d'une  femme  on  dit  devineuse  dans  le  même 
sens  et  dans  le  môme  style.  La  Fontaine  a  dit 
(liv.  VII,  fable  XV,  43): 

Chez  la  devineuse  on  courait. 
Pour  se  faire  annoncer  ce  que  l'on  désirait. 

Il  emploie  aussi  dans  la  même  fable  devine  dans 

le  même  sens  (vers  33)  : 

Moi,  devine  !  On  se  moque  :  eh  !  messieurs,  sais-je  lire? 

Cefémininn'a  point  été  consacré  par  l'Académie. 

Devise.  Subst.  f.  Voyez  Emblème. 

Deviser.  V.  n.  de  la  l'^'  conj.  Férauddit  qu'il 
est  vieux.  L'Académie  se  contente  de  dire  qu'il 
est  familier.  Je  dirais  iiresquc  (juil  est  naïf.  C'est 
causer  de  choses  et  d'autres  i)ar  manière  d'amu- 
sement :  Nos  voyageurs  devisaient  en  chemin. 
(Voltaire.)  Ce  mol  est  ancien,  mais  il  n'est  pas 
vieux. 

Devoir.  V.  a.  de  la  3'  conj.  On  dit  sans  article: 
Un  fils  doit  respect  à  son  père,  un  citoyen  doit 


DEV 

obéissance  aux  lois,  un  svjet  doit  obéissance  à 
son  souverain.  Toutes  ces  phrases  ne  se  disent 
que  d'un  devoir  fondé  sur  la  nature  ou  sur  les 
premiers  principes  de  la  société.  IMais  cpiand  il 
s'agit  de  choses  qui  dépendent  en  quelque  sorte 
de  la  volonté  et  des  circonstances,  il  faut  employer 
l'article  :  Je  vous  dais  des  remcrciments  pour 
vos  bons  oMces  ;  et  non  pas,  je  vous  dois  re  mer- 
ciments.  Je  dois  du  respect  à  votre  âge,  à  votre 
place. 

L'Académie  ne  l'indique  point  dans  l'acception 
suivante: 

Deerui-je  au  dépit  qui  le  presse 
Ce  ({uc  j'aurais  voulu  detoir  à  sa  tendresse  ? 

(^'0LT.,  Brut.,  acl.  Ht,  se.  IV,  10.) 

11  s'emploie  avec  le  pronom  personnel  régime  in- 
direct, dans  le  sens  d'être  obligé  :  On  se  doit  à 
soi-même  de  respecter  les  bienséances.  Je  me 
devais  de  faire  celte  démarche.  (Acad.)  11  s'em- 
ploie également  avec  le  pronom  personnel  régime 
direct,  et  alors  il  signifie  être  tenu  de  se  dévouer, 
de  se  sacrifier  : 

Sa  mort  tous  laisse  un  fils  à  qni  tous  tous  devez. 
(Rac,  Phèd.,  act.  I,sc.  y,  7.) 

Voltaire  a  dit  dans  Mérope  (act.  I,  se.  iii,  8)  : 

Nous  devons  l'un  à  l'autre  un  mutuel  soutien. 

La  Harpe  a  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  La  rigueur 
grammaticale  exigerait  nous  nnjis  devons.  Je  crois 
qu'en  poésie  on  doit  d'autant  plus  supprimer  cette 
répétition  de  pronom,  qu'elle  n'est  pas  agréable  à 
l'oreille,  et  que  l'un  à  l'autre  exprime  suffisam- 
ment la  récijirocité.  Je  doute  de  la  justesse  de 
cette  observation. 

Devoir.  Subst.  m.  L'Académie  ne  dit  pas  so7-- 
tir  de  son  devoir.  Si  les  femmes  que  tu  gardes 
voulaient  sortir  de  leur  dcroir,  tu  leur  en  ferais 
perdre  l'espérance.  (Montesquieu,  II"  lettre  per- 
sane.) 

DÉvor.«.NT,  DÉvor.ANTE.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
dévorer.  11  peut  dans  quelques  casse  mettre  avant 
son  subst.  :  Une  dévorante  ardeur;  un  lio7i  dé- 
vorant, une  soif  dévorante . 

•  Dévouatelb.  Subst.  m.  qui  peut  être  pris  ad- 
jectivement. t>e  mot  expressif  et  utile,  qui  était 
en  usage  autrefois,  n'a  pas  été  conservé  j)ar  l'A- 
cadémie. Ou  le  trouve  dans  les  anciens  diction- 
naires, dans  quelques  modernes,  et  dans  de 
bons  auteurs.  Il  ne  s'emploie  qu'au  figuré.  Rien 
n'empêche  de  dire  dévoratrice  au  féminin. 

Dévorer.  V.  a.  de  la  1'^'  conj. 

La  flamme  dévorait  les  loils  de  mes  ancêtres. 

(Delil.,  Ènéid.,  H,  1010.) 

Et  de  SCS  TŒu.t  hardis  l'orgueilleuse  espérance 
Dévorait  en  secret,  dans  le  fond  de  son  cœur. 
De  ce  grand  nom  de  roi  le  dangereux  honneur. 

fV'oLT.,  Uenr.,  YI,  64.) 

Durant  ces  mots,  Didon,  dévorant  son  olTense, 
A  peine  à  contenir  sa  longue  impatience,  etc. 

(Dblil.,  Ènéid.,  VS' ,  515.) 

Il  faut  enGn  que  je  tous  ouvre  un  cœur 
Qui  longtemps  dcTaiit  tous  dévora  sa  douleur. 

(YoLT.,  Sémir.,  act.II,  se.  vu,  1.) 

La  plupart  de  ces  acceptions  ne  sont  pas  indi- 
quées dans  le  Dictionnaire  de  l'académie.  On 
n'y  trouve  pas  non  plus  dans  un  sens  passif,  é<re 
dévoré  de  douleur,  de  chagrin,  etc.   Il  n'en   est 


DIA 


215 


pas  die  même  de  moi,  qiU,  enfermé  dans  une  af- 
freuse prison,  suis  toujours  environné  des  mi- 
mes objets,  et  (\evori:  des  mêmes  chagrins.  (Mon- 
tesquieu, IX'  lettre  persane.) 

*  Dévoreur.  Subst.  m.  .Mot  inusité,  dont  J.-J. 
Rousseau  a  fait  un  emploi  que  l'on  ne  saurait 
désapprouver.  Dans  les  festins  d'Homère,  dit-il, 
on  tue  un  bœuf  pour  réguler  ses  holes,  comme  on 
tuerait  de  nos  jours  un  cochon  défait.  En  lisant 
qu' Abraham  seri'it  un  viau  à  (rois  personnes, 
qu'Eumée  fit  rôtir  deux  chevreaux  pour  le  dîner 
d'Uly.'ise,  et  qu'autant  en  fit  Rebecca  pnur  celui 
de  son  mari,  on  peut  juger  quels  ten'ibles  dévo- 
reurs de  viande  étaient  les  hommes  de  ce  temps- 
là. 

Dévot.  Dévote.  Adj.  On  peut  le  meltrc  avant 
son  subst.  lorsijuc  l'analogie  et  l'harmonie  le 
perracttcnl  :  Un  homme  dévot,  une  femme  dé- 
rote, lésâmes  dérotes,  une  ardeur  dévale,  cettr 
dévote  ardeur.  Ouehpiefois  il  régit  la  |;rcposilioi' 
«  .•  //  est  dévot  à  la  fvcrge.  Voyez  Adjectif. 

Dévoteme.nt.  Adv.  On  j)eut  quclipielois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  «  en- 
tendu dévotement  la  messe,  ou  il  a  entendu,  ia 
messe  dévotement. 

Dévotiecx,  Dévotiecse.  Adj.  11  est  vieux. 
Cependant  il  y  a  des  cas  où  l'on  pourrait  l'em- 
ployer utilement  ,  on  parlant  d'une  dévotion 
aveugle  et  superstitieuse. 

Dévotion.  Subst.  f.  Il  s'emploie  au  pluriel  en 
parlant  de  certaines  praliipies  religieuses.  Mon- 
tesi]uieu  a  dit .-  Lorsque  nnis  eûmes  fuit  nos  dé- 
volions sur  le  tombeau  delà  vierge,  qui  a  mis 
au  monde  douze  prophètes (l"^  lettre  per- 
sane.) 

Di.  Particule  prépositive  qui  se  met  au  com- 
mencement de  certains  mots  et  dont  le  sens  est 
ordinairement  extonsif.  Diriger,  c'est  n^gler  de 
point  en  point;  dilater,  c'est  donner  beaucoup 
d'étendue  ;  diminuer ,  c'est  rendre  plus  me- 
nu, etc. 

Dhble.  Subst.  m.  Quoique  l'Académie  expli- 
que ce  terme  par  celui  de  démon,  il  faut  se  gar- 
der de  les  confondre.  Diable  se  prend  loujours 
en  mauvaise  pari,  et  démon  quelquefois  en  Iwjnne 
part.  la  malice  est  l'apaiiigedu  diable,  la  fureur 
celui  du  démon.  On  dit  ipie  \e  diable  se  mêle  des 
affaires  «pii  vont  de  travers;  et  que  le  démon  de 
la  jalousie  trouble  un  mari.  Ce  n'est  pas  le  diable 
qui  agite  les  poètes  dans  leur  enthousiasme,  mais 
un  démon.  —  Quoique  diable  se  prenne  toujours 
en  mauvaise  part  dans  le  sens  d'esprit  malin,  il 
se  prend  en  bonne  part  dans  «ieux  expressions  fa- 
milières. On  dit  c'est  un  bon  diable,  j)our  dire 
tm  bon  garçon;  et  c'est  un  pauvre  diable,  pour 
dire  un  houmie  malheureux,  qui  est  dans  la  peine, 
dans  la  misère. 

Diabolique.  Adj.  des  deux  genres.  11  peut 
quelquefois  se  mettre  avant  son  subst.  :  Tenta- 
tion diabolique;  il  avait  de  diaboliques  inten- 
tions. 

Diaboliquement.  Adv.  Tl  se  met  après  le  verbe, 
mais  (juelquefois  avant  l'adjectif  :  C'est  une 
chose  diaboliquement  inventée,  ou  inventée  dia- 
boliquement. 

Diagonal,  Diagonale.  Adj.  Cet  adjectif  ne 
s'appliquant  qu'au  mot  ligne,  ne  i)eut  avoir  de 
pluriel  au  masculin. 

Dialecte.  Subst.  m.  «  L'Académie  française, 
dit  D-jmarsais,  fait  ce  mot  masculin;  et  c'est  l'u- 
sage le  plus  suivi  Cependant  Danct,  Richelet  «'t 
l'auteur  du  Novùius,  le  font  du  genre  féminin 


216 


DIC 


Les  Lutins,  dit  ce  dernier,  en  parlant  de  la  dia- 
lecte éoliqiic,  ont  suivi  particulièrement  cette 
dialecte... S' i\  m'est  permis  dédire  lllon^enlimeIlt 
particulier,  il  me  parait  que  ce  mol  étant  purement 
grec,  et  n'ctanl  en  usage  que  parmi  les  gens  de  let- 
•res,  et  seulement  (juand  il  s'agit  de  grec,  on  n'au- 
.•ait  du  lui  donner  que  le  genre  (lu'il  a  en  grec, 
et  c'est  ce  que  les  Latins  ont  fait.  Quoi  ([u'il  en 
soit  du  genre  de  ce  mot,  passons  à  ce  ([u'il  si- 
gnifie. La  dialecte  n'est  pas  la  même  chose  que 
l'idiotisme.  L'idiotisme  est  un  tour  de  phrase  par- 
ticulier, et  tombe  sur  la  phrase  entière;  au  lieu 
que  la  dialecte  ne  s'entend  que  d'un  mot  (jui 
n'est  pas  tout  a  fait  le  même,  ou  (jui  se  prononce 
autrement  ipie  dans  la  langue  commune.  Par 
exemple,  le  mol  fille  se  prononce  dans  noire  lan- 
gue comnmne  en  mouillant  les  /,- mais  le  peuple 
de  Paris  prononce  fi-ye  sans  /;  c'est  ce  qu'en 
grec  on  appellerait  une  dialecte  ;  si  le  mot  de  dia- 
lecte était  en  usage  parmi  nous,  nous  pourrions 
dire  que  nous  avons  la  dialecte  picarde,  la  cham- 
penoise; mais  le  gascon,  le  basque,  le  languedo- 
cien, le  provençal,  ne  sont  pas  des  dialectes,  ce 
sont  autant  de  langages  particuliers,  dont  le 
français  n'est  pas  la  langue  commune,  comme  il 
l'est  en  Normandie,  en  Picardie  et  en  Cham- 
pagne. » 

Malgré  l'opinion  de  Dumarsais,  qui  est  fondée 
sur  la  raison,  je  pense  ((ue,  puisque  l'erreur  de 
l'Académie,  qui  a  fait  dialecte  masculin,  a  été 
confirmée  par  l'usage,  il  faut  l'adupter 

DiALOGiQnE.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met 
toujours  après  son  subsl.  ;  Forme  diulogique. 

Diamétral,  Diamétrale.  Adj.  qui  se  met  tou- 
jours après  son  subsl.  :  Ligne  diumêtrule.lX  n'a 
point  de  masculin  au  pluriel. 

DiAiiÉTRALE.ME.M.  Adv.  Il  SB  met  avant  l'adj. 
qu'il  modifie  :  Ces  deux  choses  sont  diamétrale- 
ment opposées. 

Diatribe.  Subsl.  f.  Il  ne  se  prend  qu'en  mau- 
vaise pan,  et  se  dit  d'une  critique  amèie  et  vio- 
lente. 

DicTAMEN,  Subst.  m.  Le  sentiment  intérieur  de 
la  conscience.  Le  passage  suivant  de  J.-J.  Rous- 
seau aidera  à  comprendre  la  véritable  signilica- 
tion  de  ce  mot.  kY  a-t-il  un  Dieu?  dit-il, /e 
sens  se  joindre  à  mes  raisonnemejtts  le  poids 
de  l'assentiment  intérieur.  Je  trouve  dans  ce 
Jugement  intérieur  une  sauvegarde  contre  les 
sophismes  de  ma  raison.  Craignons  qu'en  cette 
occusian  nous  ne  confondions  les  penchants  se- 
crets de  nutre  cœur,  qui  nous  égarent,  avec  ce 
dictamcn  plus  secret,  plus  interne  encore,  qui 
réclame  et  murmure  contre  ses  décisions  inté- 
ressées, et  nous  ramène  en  dépit  de  nous  sur  la 
route  de  la  vérité.  Et  après  tout,  combien  de 
fois  la  philosophie  elle-même ,  arec  toute  sa 
fierté,  n'est-elle  point  forcée  de  recourir  à  ce 
diclamcn  quelle  affecte  de  mépriser?  N'est-ce 
pas  lui  qui  seul  faisait  marcher  Diogène ,  pour 
toute  réponse,  devant  Zenon, qui  niait  le  mou- 
vementi  » 

Dictateur.  Subst.  m.  On  n'a  pas  occasion  de 
«lire  diclatrice  au  féminin. 

Diction.  Subst.  L  Pour  prendre  une  idée  jusle 
delà  signification  du  mot  diction,  il  ne  faut  pas 
le  confondre,  comme  on  fait  souvent,  avec  celui 
de  style:  le  premier  a  une  accci)lion  beaucoup 
l'Ius  étendue  (|uc  le  second.  Diction  se  dit  pro- 
p:  emenl  des  qualités  générales  et  grammaticales 
du  discours,  c'esl-à-dire  de  la  clarté  et  de  la  |)u- 
ici.é.  Elles  sont  indispensables  dans  tiuehiue 
ouvrage  que  ce  puisse  être.  Style,  au  contraire. 


DLD 

se  dit  des  qualités  du  discours  plus  particu- 
lières, plus  difficiles  et  ^)lus  rares,  qui  marquent 
le  génie  et  le  talent  de  celui  qui  parle  ou  qui 
écrit. 

La  diction  doit  être  claire,  parce  que  le  pre- 
mier but  de  la  parole  élanl  de  rendre  les  idées, 
on  doit  parler  non-seulement  pour  se  faire  en- 
tendre, mais  encore  de  manière  ipi'on  ric  puisse 
point  ne  pas  être  entendu.  La  diction  doit  être 
pure,  c'est-à-dire  ne  consisler  (|u'en  termes  qui 
soient  corrects  et  en  usage,  placés  dans  leur  ordre 
naturel;  elle  doit  être  également  dégagée  de 
termes  nouveaux,  à  moins  cpie  la  nécessité  ne 
les  exige,  et  de  mois  vieillis  ou  tombés  en  dis- 
crédit. De  plus,  la  didion  doit  être  élégante, 
qualité^iui  consiste  principalement  dans  le  choix 
l'arrangement  cl  l'harmonie  des  mots. 

Dictionnaire.  Subst.  m.  On  ne  prononce  qu'un 
n.  On  (lit  un  dictiomtaiie  de  langue,  un  diction- 
naire de  science. 

Dicton,  Dictum.  Subslantifsmasculins.  Cesdeux 
mots,  bien  différents  quant  au  sens,  ne  doivent 
élre  ni  prononcés,  ni  écrits  de  même.  Dicton  est 
un  proverbe  ou  une  sentence  commune  qui  est 
dans  la  bouche  de  tout  le  monde.  C'est  aussi  une 
raillerie  ou  un  mot  plaisant  et  picjuant  contre 
quelqu'un.  Dictum,  mot  emprunlé  du  latin,  el 
que  l'on  prononce,  comme  dans  cette  langue,  en 
faisant  sentir  le  vi,  est  la  partie  de  la  sentence 
ou  de  l'arrêt  dans  laquelle  le  juge  parle,  et  qu'on 
appelle  le  dispositif.  On  dit  plus  communément 
dispositif. 

Didactique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Genre  didactique,  poème 
didactique. 

Ce  mot  se  dit  de  la  manière  de  penser  ou  d'é- 
crire dont  on  fait  usage  pour  enseigner.  Le  prin- 
ci|)e  de  la  plus  grande  liaison  des  idées,  dit  Con- 
dillac,  doit  être  considéré,  danslcgenredidactique, 
par  rapport  à  la  capacité  de  l'esprit.  En  effet, 
moins  les  idées  sont  familières,  moins  l'esprit  en 
peut  embrasser  à  la  fois.  Ce  ne  sera  donc  pas 
assez  de  ne  faire  entrer  dans  une  phrase  que  les 
idées  qui  peuvent  naturellement  s'y  construire, 
il  faudra  encore  examiner  jusqu'à  quel  point 
elles  doivent  être  étrangères  aux  lecteurs.  Plus 
elles  lui  seront  difficiles  à  saisir,  moins  on  doh 
en  faire  entrer  dans  une  même  plirase.  En  sui- 
vant celte  règle,  on  ne  s'écarlera  pas  du  principe 
de  la  plus  grande  liaison,  mais  on  l'observera 
d'une  maniéic  plus  convenable. 

Le  style  des  ouvrages  didacli<pies  demande 
donc  qu'ordinairement  les  [ihrases  en  soient 
courtes.  Il  veut  encore  qu'il  y  ail  entre  elles  une 
gradation  sensible.  11  n'aime  poinl  les  passages 
bruscjucs,  à  moins  que  les  idées  intermédiaires 
ne  se  suppléent  facilement  ;  et  il  rejette  les  tran- 
sitions lorsqu'elles  ne  semblent  faites  que  pour 
rapprocher  des  choses  qui  ne  doivent  pas  natu- 
rellement se  suivre.  11  ne  connaît  qu'une  ma- 
nière de  lier  les  idées,  c'est  de  les  mettre  chacune 
a  leur  place.  Parla  il  évite  les  longueurs  el  les 
redites,  et  il  atteint  à  la  plus  grande  précision. 
11  est  vrai  que  celle  précision  présentera  quel- 
(piefois  les  choses  si  rapidement,  (|u'elles  échap- 
peront aux  lecteurs  qui  nelisenlpasavec  réflexion. 
Mais  si  l'on  voulait  se  mettre  à  leur  portée,  on 
serait  diffus  a  l'excès,  el  on  le  serait  souvent  en 
pure  perle.  Ln  écrivaincjuiiend  àia  perfection  se 
conlenie  d'être  entendu  de  ceux  (]ui  savent  lire. 
Il  viendra  un  temps  où  personne  n'osera  lui  faire 
le  reproche  d'obscurité. 
Ce  n'est  pas  assez  que  les  pensées  soient  pre- 


DIE 

semées  dans  tout  leur  jour,  il  est  nécessaire  que 
des  exemples  les  rcnticut  plus  sensibles;  mais  il 
faut  qu'il  n'y  on  ait  point  trop  pour  los  lecteurs 
inslrniis,  cl  ipi'il  y  en  ait  assez  pour  les  autres. 
Ceux  «lui  a  la  lumière  joindront  ragrément 
seront  très-propres  à  cet  elTet;  car  on  craimlra 
moins  de  les  prodiguer.  Tout  consiste  à  puiser 
dans  de  bonnes  sources.  J'ajouterai  encore  que, 
si  un  exemple  est  nécessaire  pour  faire  entendre 
une  pensée,  ce  n'est  pas  par  la  pensée  qu'il  faut 
commencer,  comme  on  fait  comnuuiémcnt  ;  c'est 
par  l'exemple. 

L'instruction  est  sèche  quand  elle  n'est  pas 
ornée.  Un  écrivain  doit  imiter  la  nature  ,  «]ui 
donne  de  l'iigrcment  à  tout  ce  qu'elle  veut  rendre 
utile.  Elle  n'crit  rien  fait  pour  notre  consorva- 
^on  si  les  sensations  qui  nous  instruisent  n'eus- 
rent  pas  été  agréat)les.  Tracez-vous  donc  tuie 
route  à  travers  les  plus  beaux  paysages  ;  q\ic  ce 
que  l'arcliitcctiue,  la  peinture,  ont  de  plus  beau 
y  forme  mille  points  de  vue;  en  un  mot,  enq)i'un- 
ÎC7.  des  arts  et  île  la  nature  tout  ce  qui  est  propre 
à  embellir  la  vérité.  Cependant  prenez  garde  de 
ne  pas  l'obscurcir;  elle  veut  être  orncc,  mais  elle 
ne  veut  rien  qui  la  cache.  Le  voile  le  plus  léger 
l'embarrasse. 

On  ne  saurait  trop  étudier  son  sujet.  D'abord, 
il  le  faut  dépouiller  de  tout  ce  qui  lui  est  étran- 
ger, ensuite  le  considérer  par  rai)port  à  la  fin 
qu'on  se  propose,  et  uemidoyer  pour  l'embellir 
et  pour  le  développer  que  des  idées  qui  se  lient 
également  a  ces  deux  points  fixes. 

Dans  les  détails  du  style,  il  faut,  parmi  les 
tours  <iui  se  conforment  à  la  pins  grande  liaison 
des  idées,  choisir  ceux  qui  expriment  l'intérêt 
qu'il  est  raisonnable  de  j)rendre  aux  vérités  qu'on 
enseigne.  Le  style  serait  ridicule  si  les  expres- 
sions marquaient  un  intérêt  trop  grand;  Userait 
froid  si  elles  n'en  marquaient  aucun.  Quoique  le 
propre  du  philosophe  soit  de  voir,  il  n'est  pas 
condamné  à  être  (jrivé  de  sentiment,  et  on  s'in- 
téresse peu  aux  matières  qu'il  traite,  s'il  ne  pa- 
raît pas  s'y  intéresser  lui-même.  Il  observera  tout 
ce  que  nous  avons  dit  sur  les  constructions  et 
les  différentes  espèces  de  tours,  et  il  emploiera 
les  figures,  moins  pour  donner  de  l'agrément  à 
son  style,  que  pour  répandre  une  plus  grande 
lumière. 

Diérèse.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  Voyez 
Ti-éma. 

Dieu.  Subst.  m.  Quelques  grammairiens  pen- 
sent que  le  pronom  on  ne  doit  pas  être  employé 
en  [Kirlant  de  Dieu.  En  effet,  on  vient  du  mot 
homme,  et  signifie  (jueliprun  ou  quelques-uns 
d'entre  les  honmies  :  il  ne  peut  donc  être  ap- 
pliqué à  Dieu.  Ainsi,  dit  de  Wailly,  au  lieu  de 
dire  au  jtigcinent  dernier,  on  ne  nous  demav- 
dcta-pxxs  <.<:  •/Ma  /i.mj  uv^m  fuii ^  ùilM  Dliil  Ui.' 
noîis  demandera  pas. 

r.acinc  a  dit  dans  Phèdre  (act.  IV,  se.  vi, 
30)  : 

La  raorl  est  le  seul  dieu  que  j'osais  implorer. 

On  a  critique  mal  à  propos  ce  vers  en  disant  la 
mort  n'est  point  un  dieu,  mais  une  déesse.  Cette 
critique  est  absurde.  Dieu  est  pris  ici  dans  un 
sens  générique  :  c'est  conune  s'il  y  avait  je  n'o- 
sais implorer  d'autre  dieu  que  la  mort. 

On  a  prétendu  (lu'on  ne  doit  jamais  employer/jar 
avant  le  nom  de  Dieu,  et  que  l'on  doit  dire  :  Toutes 
nos  actions  et  toutes  nos  pensées  seront  jvpees 
de  Dieu  à  la  résurrection,  et  non  pas  par  Dieu. 


Diï!' 


217 


Cette  décision  a  sans  doute  pour  motif  d'éviter 
l'équivoque  avec  le  juron  vulgaire  purdieu.  Ce 
scrupule  paraît  minutieux  et  ne  suffit  pas  i)our 
vitilcr  les  régies  du  langage.  On  ne  peut  pas  dire 
l'homme  a  été  créé  de  Dieu,  il  faut  nécessaire- 
ment dire  pur  Dieu.  Voltaire  a  dit  :  f^ous  dites 
que  ces  livres  sont  écrits  par  Dieu  mctne.  [Diu- 
Iffues.) 

DiFFAMA>T,  Diffamante.  Adj,  verbal  tiré  du  v. 
diffamer.  Il  ne  se  dit  que  des  choses,  et  se  mci 
toujours  après  son  subst.  :  Discours  diffamant, 
paroles  diffamantes.  Eu  parlant  des  écrits,  on 
dit  diffamatoire.  Voyez  cC  mol. 

Diffamateur.  Subst.  m.  Qui  diffame.  11  y  a 
aussi  des  fenunes  (jui  diffament;  les  appellera-t- 
on des  diff^u matrices?  L'Académie  ne  dit  ni  oui 
ni  non.  C'est,  je  crois,  une  licence  que  l'on  peut 
prendre  sans  inconvénient. 

Diffamatoire.  Adj.  des  deux  genres,  lise  dit 
particulièrement  des  écrits  publics  qui  tendent  a 
diffamer. 

Différemment.  Adv.  Il  s'emploie  absolument 
ou  avec  la  préposition  de:  Ils  en  parlent  tous 
deux  différemment.  Il  a  rapporté  l'affaire  dif- 
féremment éc  ce  quelle  s'est  passée.  11  se  met 
toujours  après  le  verbe. 

Différend.  Subst.  m.  Débat.  Il  s'écrit  avec  un 
d  final,  qui  le  distingue  de  l'adjectif  différent, 
(\m  s'écrit  avec  un  t. 

Différent,  Différente.  Adj.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.  surtout  au  pluriel  :  Les  diffé- 
rents talents,  les  différentes  espèces.  Maison  dit 
aus>i  des  talents  différents,  des  espèces  diff'é ren- 
tes. (Juehiuefois  il  régit  la  préposition  de  :  Ils  sont 
différents  d'humeur,  de  langage. 

Diffékf.ntiel,  DiFFÉRi.MiEi-LE.  Adj.  dcs  dcux 
genres,  lise  met  toujoiu's  après  son  subst.  : 
Quantité  différentielle,  calcul  différentiel. 

Différer.  V.  a.  et  n.  de  la  l'"  conj.  Dans  le 
sens  de  remettre  a  un  autre  temps,  il  régit  la 
[U-éposition  de  devant  un  infiniiir:  //  diffère  Ad 
venir.  Dans  le  sens  de  n'èlie  l)as  de  même,  il  ré- 
git de  devant  les  noms  :  //  diffère  de  son  frère, 
Voltaire   dit  dans  Brutus  (act.  I,  se.  i,  39)  : 

Rome  sali  à  quel  point  la  liberté  m'ai  clicre; 
Mais,  plein  du  nicine  esprit,  mon  sentiment  itifire. 

La  phrase  grammaticale  n'est  pas  complète.  En 
prose,  il  faudrait  donner  un  régime  à  ce  verbe, 
et  dire  mon  sentiment  diffère  du  vôtre. 

Difficile.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  dit  quel- 
quefois absolument,  et  (luelquefois  il  régit  la 
préposition  d  ou  la  préposition  de.  Quand  il  est 
pris  absolument,  on  peut  le  mettre  avant  son 
.«ui'St.,  suivant  l'analogie  ou  l'iiannonie  .  Une 
entreprise  difficile ,  cette  difficile  entreprise. 
Quand  il  a  un  régime,  il  ne  se  met  qu'après  son 
substantif. 

Difficile,  avec  le  verbe  être,  régit  à  devant  les 
verbes  :  Il  est  difficile  à  contenter;  ce  mot  est 
difficile  à  prononcer;  mais,  ipiand  le  verbe  être 
est  pris  impersonnellement,  il  faut  meltrc  de  :  Il 
est  difficile  de  bien  écrire.  On  dit  homme  difficile 
d  vivre,  c'est-à-dire  avec  lecpiel  il  est  dilhcilc 
de  vivre. 

Difficilement.  Adv.  Quelquefois  on  le  met  au 
commencement  de  la  phrase,  mais  alors  i!  faut 
mettre  le  pronom  sujet  du  verbe  après  son  verbe, 
comme  dans  les  phrases  interrogalives  :  Difficile^ 
ment  irouvera-t-on  des  gens  qui  veuillent...  Par 


218 


DIG 


tout  ailleurs  il  se  met  après  le  verbe,  et  jamais 
nn  ne  le  phicc  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il 
écrit  difficilement,  il  a  pnrlr  difficilement,  et  non 
pas  il  u  difficilement  parlé. 

DimciLTUEUx,  DiFFicLLTtEcsF.  Ad'  11  nc  sc 
«lit  que  des  i)ersoni)es  ou  des  facultés  intellec- 
tuelles ijiii  foui  partie  ilos  personnes  :  Un  homme 
difficiilliieii.r,  un  espHt  difficvUueux,  un  carac- 
tère difficiiliiieux.  11  ne  se  uici  jzuérc  ([u'aprcs 
son  sul)Slantif.  / 

DirronMi;.  Adj.  des  deux  çcnres.  Il  sc  met  or- 
dinairement après  son  subst.;  (jueliiiicfois  on  peut 
le  placer  avant,  connue  dans  celle  phrase  de 
J.-J.  Rousseau  :  Le  difforme  contiaslc  de  la  pas- 
sion qui  criiit  raisonner,  et  de  l'entendement  en 
délire...  A' oyez  Adjectif. 

DiKFDS,  Diffuse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.:   Un  orateur  diffxis,  tin  style  diffus. 

L'Ai-adoiiiie  délinil  ce  moi  :  verbeux,  prolixe, 
trop  abondant  en  paroles.  Les  mots  prolixe 
et  diffus  n'expriment  point  la  même  idée.  Le  dé- 
faut Awprolixe  consiste  à  dire  fort  longuemeni, 
comme  par  de  vaincs  circonlocutions,  ce  qu'il 
aurait  fallu  dire  en  bref.  Le  défaut  du  diffus 
consiste  à  en  dire  beaucoup  plus  qu'il  nc  faudrait 
par  des  accessoires  superflus.  Le  diffus  se  ré- 
pand en  paroles  qui  délaient  la  pensée  dans  des 
idées  hors  d'a-uvre;  \c  prolixe  s'étend  en  mots 
qui  délaient  l'expression  sans  aucune  utilité. 

])IFFusÉM^:^T.  Adv.  Use  met  après  le  verbe,  et 
jamais  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  lia  parlé 
diffusément,  et  non  pas  il  a  diffusément  parlé. 

Digérer.  Y.  a.  de  la  l'^  conj.  Dans  le  sens  de 
supporter  quelque  chose  de  fâcheux,  on  lui  fait 
quchpiefois  régir  que  avec  le  subjonctif,  lorsque 
la  phrase  est  néirative  ou  inlcrrogative  ;  Il  ne 
pouvait  digérer  qu'on  l'obligeât  à  partir.  Pour- 
rait-il digérer  qu'on  l'obligeât  à  partir? 

Digestif,  Digustive.  Adj.  Il  se  met  toujours 
après  son  subst.  :  Remède  digestif. 

Digne.  Adj.  des  deux  çenres.  On  mouille  le 
gn.  Quand  il  est  sans  régime,  il  précède  toujours 
son  subst.  Un  digne  inagistrat ,  un  digne 
homme,  un  digne  sujet;  et  non  i)as  un  magistrat 
digne,  un  homme  digne,  un  sujet  digne. 

Vous  a-t-elle  appris 
De  l'orgueil  d'un  sujet  quel  est  le  digne  prix? 

(Volt.,  Sémir.,  aci.  II,  sc.  ii,  5.) 

Quand  digne  a  un  régime  ou  un  complément, 
il  se  met  après  son  subst.  :  Un  magistrat  digne 
de  louange,  un  homme  digne  de  récompense,  clc. 
Dans  les  phrases  négatives  et  iir.crrogativcs,  il 
régit  que  avec  le  subjonctif  :  Il  n'était  pas  digne 
qu'on  fit  quelque  chose  pour  lui.  Etes-voxis  di- 
gne qu'on  fasse  quelque  chose  pour  vous? 

Digne,  dans  une  phrase  aflirmalivc,  sc  dit 
ègalciiicnt  du  bien  et  du  mal  .  //  est  digne  de  ré- 
compense; il  est  digne  de  punition ,  il  e.st  digne 
do  luépris.  Mais  avec  une  negalion  ou  ipielque 
modilicaiif  équivalent,  il  ne  se  dit  que  du  bien  : 
Il  n'est  pas  digne  de  récompense,  il  ti'est  pas 
digue  de  votre  amitié,  il  est  peu.  digne  de  votre 
estime.  On  ne  dirait  pas  il  n'est  pas  digne  de 
punition,  il  est  peu  digne  de  votre  haine.  Il  fau- 
drait dire  //  ne  mérite  pas  une  punition,  ou 
qu'on  le  punisse. 

DiGMEJiE^T.  Adv.  On  mouille  le  gn.  On  le  met 
après  le  temps  dans  les  verbes  simples;  et  dans 
les  temps  composés,  entre  l'auxiliaire  cl  le  parti- 
cipe :  On  le  récompensera  dignement.  Il  a  été 
dignement  récompensé.  On  ne  le  dit  que  du  bien. 


DIM 

AU  lieu  de  dire  tV  a  été  dignement  puni,  il  faut 
dire  il  a  été  puni  comme  il  le  méritait. 

DicMTAiiK,  DiCMTÉ.  Dans  CCS  deux  mots,  on 
mouille  }Cj7». 

DiGL'E.  Subst.  m.  L'm  nc  se  prononce  pas;  il 
n'est  dans  ce  mol  que  pour  donner  au  g  un  son 
fort,  qu'il  n'a  pas  devant  \'e. 

Dilapidation.  Sul)St.  ï.  Dilapider.  A',  a.  delà 
1""  conj.  L'Académie  explique  le  premier  de  ces 
mots  par  dépense  excessive  cl  désordonnée,  le 
second  par  dépenser  avec  excès  cl  avec  désordre, 
(^e  n'est  point  la  l'idée  ([u'ils  |)résenleril.  Dilapi- 
der, du  latin  dilapidare,  signilic  littéralcincnt 
ôler  les  i)icrres,  démolir,  disperser  les  pierre; 
d'un  èdilice.  iSous  nc  l'employons  qu'au  ligure 
et  il  nc  peut  s'a|)pli(iuer  qu'a  la  dcstruolion  d'um 
grande  fortune,  d'une  fortune  bien  fondée,  biei 
établie,  bien  solide,  comme  un  cdilice.  Celui  qu 
dépense  les  fonds  avec  les  :"evcnus  d'une  bclk 
fortune,  dilapide.  Les  mauvais  administrateurs 
travailleul  souvent  à  dilapider  la  fortune  publi- 
que. 

DiLâYER.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  Différer,  re- 
mettre à  un  autre  temps.  Il  est  vieux  cl  hors  d'u- 
sage. Féraud  prétend  qu'ilscditencore  dans  lesens 
neutre.  Il  ne  sc  dit  plus  ni  à  l'aclif  ni  au  neutre. 

DiLECTioN.  Subst.  [.  Meux  mol  conserve  par 
l'Académie,  mais  qui  n'est  plus  usité. 

Mercier  donne  à  ce  mot  une  acception  que 
l'on  nc  trouve  point  dans  les  dictionnaires.  La 
diicction,  dit-il,  est  un  amour  calme,  profond, 
durable  :  Heureux  celui  qui  trouve  la  diicction 
dansle  vif  sentiment  de  i'a/rtoi/r.'  Diicction  filiale. 
Ils  s'enti-'aimaient  d'une  dilection  vraiment  fi- 
liale. On  sent  que  cette  expression  renfcrtnc 
quelque  chose  que  n'expriment  point  les  mots 
analogues;  mais  l'usage  ne  l'a  point  consacrée. 

Dilemme.    Subst.    m.    On    ])rononce    dilème. 

Diligemment.  Adv.  Il  pcul  sc  mcilrc  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  travaillé  dili- 
gemment ;  il  a  diligemment  travaillé. 

Diligence.  Subst.  L  Ce  mol  ne  prend  de  plu- 
riel ([ue  dans  le  sens  de  poursuites,  faire  ses  di- 
ligences ;  cl  lorsqu'il  sc  dit  de  certaines  voilu- 
res publiques. 

Diminutif,  Diminutive.  Adj.  qui  se  prend  sou- 
vent substantivement.  En  termes  de  grammaire, 
on  le  dil  d'un  mol  qui  signilic  une  chose  plus 
pcnie  (]ue  celle  ipii  est  désignée  par  ir  [iriinilif. 
V;\v  exemple,  muisonnctte  est  le  diminulif  de 
maison;  monticule  de  rnont  ou  montagne  ;  gln- 
bulc,(i>'  glibc.  Ce  sont  là  des  diminutifs  pliysi- 
quc.-<.  Tels  sont  o\n-orc  perdreau,  de  perdri.v  ; 
faisandeau  ,  de  faisan;  poulet  et  poulette,  <lc 
poule.  Outre  ces  diminutifs  physiciues,  il  y  a  en- 
core des  diminutifs  de  compassion,  de  lendrcssc, 
d'amilic,  en  un  mol  de  sentiment.  C'esl  à  l'occa- 
sion de  ces  sentiments  leudrcs  (]uc  nos  poètes  ont 
fait  autrefois  tant  de  diminutifs  :  rossignolel, 
iendrclet ,  agnelet ,  herbelle,  f  curette,  grassetle, 
etc.  Le  goût  des  diiiiinuiifs  est  depuis  longtemps 
passé  parmi  nous.  On  peut  emiiloycr  ceux  qui 
sonl  autorisés  par  l'usage;  mais  il  faut  sc  gar- 
der d'en  introduire  de  nouveaux. 

Les  diminulifs  suiveni  le  genre  de  leurs  pri- 
mitifs. Maisonnette  e>l  du  féminin,  parce  (jue  le 
primitif  maison  est  de  ce  genre  ;  ghibulc  est  mas- 
culin comme  son  primitif  globe;  monticule  est 
masculin,  parce  qu'il  dérive  île  mont.  Il  faut  ex- 
cepter perdreau,  qui  est  masculin,  et  dont  le 
primitif,  perdrix,  est  féminin. 

Diminution.  Subst.  L  L'Académie  dil  sans  ar- 
ticle,   demander  diminution.    Féraud    observe 


DIP 

avec  raison  qu'on  dit  bcnucoup  mieux  demander 
dt  la  dïminiiliit/i. 

*  DiNAToini:.  Adj.  des  deux  genres.  On  dil 
déj'cvitcr  dînatoire ,  \)0uv  iVwd  un  déjeuner  <jui 
sei'l  en  même  temps  de  diner.  Féraud  |)rélend  que 
ce  mot  est  un  terme  de  province.  Je  crois  (pi'on 
le  dit  a  Paris  comme  ailleurs.  L'Académie  ne  le 
met  point.  Il  est  familier,  et  ne  se  met  qu'après 
son  substantif. 

^Dj.M)i;.  Subst.  f.  Dans  l'usage,  on  le  fait  tan- 
tôt masculin,  tantôt  féminin.'  On  dit  un  dinde 
pour  sisnilicr  le  mâle,  et  vnc  dinde  pour  la  fe- 
melle. Punie  d'Inde,  qu'indique  l'.Académio,  est 
plutôt  un  terme  d'histoire  naturelle  ou  de  basse- 
cour,  (]u'un  mot  du  langage  ordinaire.  Quand 
on  dit  simplement  dinde,  on  ne  met  point  d'a|)os- 
troplie,  et  il  prend  un  s  nu  pluriel  :  Les  dindes. 
Quand  on  dit  poule  d'/nde,  coq  d'Inde,  on  met 
l'apostrophe,  et  le  s,  signe  du  pluriel,  se  met  à 
poule  ou  à  coq,  et  non  pas  à  Ijtde  :  Des  iwiiles 
d'hide,  des  coqs  d'Inde. 

DI^no^.  Subst.  m.  Quand  on  dit  vn  trovpeau 
de  dindons,  (larder  les  dindons,  on  entend  jjar 
là  les  màlcs,  les  femelles  et  les  i)ctits. 

Dindonneau.  Subst.  ni.  L'Académie  le  définit 
petit  dindon  ou  petite  dinde.  Cela  n'est  pas  exact. 
Un  dindonneau  est  un  jeune  dinde,  ou  une  jeune 
dinde  qui  n'a  pas  encore  pris  toute  sa  crois- 
sance. Élever  des  dindonneaux. 

DIner.  V.  n.  de  la  '\"  conj.  Voyez  Déjeuner. 
DÎNr.r,.  Subst.  m.  On  prononce  dîné,  et  beau- 
coup de  personnes  écrivent  ainsi. 

DiPHTHONGDE  OU  DiPHTONGUE.  Subsl.  f.  Ce  inot 
par  lui-même  est  adjectif;  mais  dans  l'usage  on 
le  prend  suhslnntivement.  Une  diphlhongue  est 
une  syllabe  qui  fait  entendre  le  son  de  deux 
voyelles  par  une  même  émission  de  voix,  mo- 
difiée par  le  concours  des  mouvements  simulta- 
nés des  organes  de  la  parole.  L'essence  de  la 
diphlhongue  consiste  en  deux  points:  1"  ([u'il 
n'y  ait  pas,  du  moins  sensiblement,  deux  mou- 
vements successifs  dans  les  organes  de  la  pa- 
role; 2'  que  l'oreille  sente  distinctement  ces  deux 
voyelles  par  la  même  émission  de  voix.  Quand 
on  prononce  Diev,  j'entends  Vi  et  la  voyelle  eu, 
et  ces  deux  sons  se  trouvent  réunis  en  une  seule 
syllabe  et  énoncés  en  un  seul  temps.  Celte  réu- 
nion, qui  est  l'effet  d'une  seule  émission  de  voix, 
fait  la  diphthongue.  Ainsi  ieu  est  une  diphthon- 
gue.  L'oreille  seule  est  juge  de  la  diphthongue; 
on  a  beau  écrire  deux,  ou  trois, ou  t]uatre  voyelles 
de  suite,  si  l'oreille  n'entend  (jti'un  son,  il  n'y  a 
point  de  diphlhongue.  Parexemple,  an,  ai,  aient, 
prononcés  à  la  française,  ne  sont  point  des  dii)h- 
thongues. 

Cette  différence  entre  l'orthographe  et  la  pro- 
nonciation, dit  Dumarsais,  a  donne  lieu  à  nos 
grammairiens  de  diviser  les  diphthongucs  en 
vraies  ou  propres,  et  en  fausses  ou  improjires.  Ils 
appellent  aussi  les  premières,  diphthongucs  de 
l'oreille,  et  les  autres,  diphthongucs  aux  yeux. 
Ainsi,  œ  et  œ,  qui  ne  se  prononcent  pîus  au- 
jourd'hui que  conune  un  e,  ne  sont  diphthongucs 
qu'aux  yeux;  c'est  improprement  qu'on  les  aj)- 
pellc  diphthongucs.  iS'os  voyelles  sont  a,  é,  è, 
e,  i,  0,  n,  eu,  e  muet,  ou.  Nous  avons  encore  nos 
voyelles  nasales  an,  en,  in,  on,  vn.  C'est  la 
combinaison  ou  l'union  de  deux  de  ces  voyelles 
en  une  seule  syllabe,  en  un  seul  temps,  qui  fait 
la  diphthongue.  Nos  grammairiens  ne  sont  pas 
d'accord  sur  le  nombre  de  nos  diphlhongues. 
Voici  celles  qui  ont  été  indiquées  par  les  plus  cé- 
lèbres d'entre  eux. 


DIP 


2f9 


-«,  ler  qu'on  l'entend  dans  l'interjection  de 
douleiu'  ou  d'exclamation  aie,  et  (]uaiid  l'«  entre 
en  conqjosilion  dans  la  même  syllabe  avec  le 
mouillé  fort,  comme  dans  mail,  bail,  de  l'ail 
attirail,  éventail,  portail, -OH  {]n"\\  est  suivi  diJ 
mouillé  faible,  comme  dans  Blaye,  ville,  les  ilcs 
Lucaies. 

Eau.  Fléau  est  de  deux  syllabes;  Sceau  et 
eau  se  prononcent  comme  un\»  long,  et  alon> 
leur  ensemble  n'est  qu'une  diphthongue  ocu- 
laire, ou  une  sorte  de  demi-diphlliongue. 

Ei.  Nous  ne  prononçons  guère  celte  diphthon- 
gue que  dans  des  mots  étrangers,  bei  ou  bcy,  dei 
ou  dey  ;  ou  avec  le  n  nasal,  comme  dans  teindre, 
Heims,  ville.  Selon  quel(|ues  grammairiens,  on 
entend  en  ces  mots  un  i  très-f;rible,  ou  un  son 
particulier  qui  tient  de  Vc  et  de  Vi.  Il  cri  est  de 
même  devant  le  son  mouille,  <iaiis  les  mots  so- 
leil, conseil,  sommeil,  etc.  .Mais  selon  d'autres, 
il  n'y  a  dans  ces  derniers  que  \'e  suivi  du  son 
mouilh',  conse-il,  sovxvie-il,  et  de  même  avec  les 
voyelles  a,  eu,  en.  Ainsi,  selon  ces  grammairiens, 
diins  œ/Z,  qu'on  prononce  ei/i'Z,  il  n'y  a  (pie  e»/. 
suivi  du  son  mouillé,  ce  «lui  parait  jilus  exact. 
Comme  dans  la  prononciation  du  son  mouillé, 
les  organes  commencent  d'abord  par  être  disposés 
comme  si  l'on  allait  prononcer  i,  il  semble  (pi'il  y 
aitz;  mais  on  n'entend  que  le  son  mouillé,  qui 
dans  le  mouillé  fort  est  une  consonne.  Mais  à 
l'égard  du  mouillé  faible,  c'est  un  son  mitoyen 
qui  parait  tenir  delà  voyelle  et  de  la  consonne, 
comme  dans  moyen,  puyen.  Dans  ces  mots,  yen 
est  un  son  bien  différent  de  celui  qu'on  entend 
dansj/tien,  bien,  rien. 

lu.  Diacre,  diamant,  fiacre,  viande,  négo- 
ciant, etc. 

lé.  Pied,  amitié,  pitié,  premier,  dernier,  etc. 

lè.  f^olière,  niais,  biais,  que  l'on  prononce 
niés,  biès,   fier,  tiers,  miel,  fiel,  etc. 

Icn.  Bien,  mien,  tien,  lien,  comédien,  etc. 
Dans  ces  mots  la  diphthongue  a  le  son  qui  ap- 
proche de  l'c  fermé;  et  dans  patient,  inconvé- 
jiient,  elle  a  le  son  à'ian. 

Ieu,  Dieu,  lieu,  deux,  mieux,  etc. 

lo.  Fiole,  carriole,  viole,  surtout  en  prose. 

Ion.  Pion,  action,  que  nous  aimions.  Ion  est 
souvent  de  deux  syllabes  en  vers. 

lou.  Cette  diphthongue  n'est  d'usage  que  dans 
nos  provinces  méridionales,  ou  dans  des  mots 
(pli  en  viennent:  Montesquiou,  chiourme,  Oliou- 
les,  ville. 

Ya,  yan,  ye,  ye,  etc.  Duclos  ne  veut  pas  qu'il 
y  ait  de  diphlhongue  dans  ayant  ;  mais  Dumar- 
sais, et  plusieurs  autres  grammairiens  distingués, 
mènent  au  rang  des  diphthongiies  les  sons  com- 
posés de  Vi  grec  et  de  la  voyelle  sui\anle,  dans 
les  mots  où  celte  lettre  tient  lieu  de  deux  i. 
Ainsi  ils  reconnaissent  une  diphthongue  dans  les 
mots  ayant,  voyant,  payant,  employer,  que  l'on 
[iroiioncc  ai-iant ,  roi-iaîit,  pai-iant  ,  emploi— 
ier. 

Oi.  La  prononciation  naturelle  de  cette  diph- 
lhongue est  de  faire  entendre  Vo  cl  l'i.  C'est  ainsi 
(ju'on  prononce  coininuiiémentroi-yè-/e,  moi-yen, 
loi'yal,  roi-yati-me;  qu'on  écrit  voyelle,  moyen, 
loyal,  royaume. 

Les  autres  manières  de  prononcer  la  dijihthon- 
gue  oi  ne  peuvent  pas  se  faire  entendre  exacte- 
ment par  écrit.  Cependant  ce  <pic  nous  allons 
observer  pourra  n'éire  pas  inutile  pour  plusieurs 
de  nos  lecteurs. 

11  y  a  des  mots  où  oi  est  presque  toujours 
changé  en  oe,  d'autres  où  oi  se  change  en   oa. 


S2& 


DIR 


d'autres  enfin  où  il  se  change  en  oua;  mais  il  ne 
foui  jKis  |iertlre  de  vue  que,  hors  les  mots  où  l'un 
entend  \'o  cl  Vi,  il  n'est  pas  possible  de  rcpio- 
senlei-  bien  exaclenient  par  écrit  les  diffOrcnles 
prononciations  de  celte  dipblhongue. 

Ot  prononcé  par  oe,  où  Ve  a  un  son  ouvert  «[ui 
approtlic  de  l'a,  foi,  loi,  froid,  soit,  toit,  i/ioi,  à 
foison,  quoi,  coiffe,  oiseau,  joie,  doigt,  abois,  il 
doit,  etc. 

Ot  prononcé  jiar  na,  mois,  pois,  noix,  trois, 
Troie,  ville;  prononcez  inoa,poa,  etc. 

Oi  prononcé  jiar  oua,  lois. 

Dans  les  mois  où  oi  est  suivi  d'un  e  muel  final, 
il  paraît  rendre  un  son  un  peu  plus  ouvert  (pie 
quand  ii  n'en  est  pas  suivi.  La  prononciation  de 
soie,  voie,  n'esl  pas  la  même  ijuc  celle  de  soi,  toi. 

Oiii.  Sii/i,  Lin,  besoin,  foin,  joindre,  moins. 
On  doit  plulôl  prononcer  en  ces  mots  une  sorlc 
d'e  nasal  après  l'o,  (juc  de  prononcer  outn. 
Ainsi  prononcez  soein  plulôl  que  souin. 

Oua  écrit  par  va,  éqnateur,  êcjuatinn,  aqua- 
tique ,  quinquagésime  ;  prononcez  équiniateur, 
éqiiovatinn,  aqvouatiqve,  quinqxiouugésime . 

Oc.  Pi  ële,  poëine, poétique.  Ces  mots  sont  plus 
ordinaiicmenl  de  trois  syllabes  en  vers;  dans  la 
liberté  de  la  conversation,  on  prononce jdo<?  comme 
dipblhongue. 

Ouan.  Rouen,  ville.  Diphlhongue  en  prose. 

Oue.  Ouest. 

Oui.  Oui,  Louis.  Le  dernier  est  de  deux  syl- 
labes en  veis. 

Ovin. , Baragouin,  babouin. 

Uc,  Ecuelle,  casuel,  équestre,  ruelle,  truelle. 

Ui.  Lui,  bruit,  fruit,  étui,  huit,  luire,  je  suis, 
suisse. 

Uin.  Juin,  quinquagésime,  Quintilien. 

On  ne  parle  pas  ici  de  Cuen,  Laon,  paon, 
Jean,  parce  <ju"on  n'entend  aujourd'hui  qu'une 
voyelle  nasale  en  ces  niols-là;  on  prononce  Can, 
Lan,  pan,  Jan. 

Il  faut  oiiservo»'  (|u'il  y  a  des  combinaisons  de 
voyelles  qui  sont  diphlhongucs  en  prose  cl  dans 
la  conversation,  et  que  nos  poètes  font  de  deux 
syllabes. 

Cette  lîère  raison  dont  on  fait  tant  de  bruit, 
Contre  les  passions  n'est  pas  un  sAr  remède. 

(DEsnocLiÉRES,  lus  Moulons,  idylle,  17.) 

La  plupart  des  mois  en  ion  et  ions  sont  diph- 
thongues  en  prose.  (Extrait  de  Dumarsais.) 

Diue.  y.  a.  et  irrégulier  de  la  4"  conj.  11  se 
conjugue  ainsi  qu'il  suit  : 

Indicatif. — Présent.  Je  dis,  tu  dis,  il  dit;  nous 
disons,  vous  dites,  ils  disent.  —  Imparfait.  Je 
disais,  tu  disais,  il  disait;  nous  disions,  vous  di- 
siez, ils  disaient. — Passé  simple.  Je  dis,  tu  dis, 
il  dit;  nous  dîmes,  vous  dîles,  ils  dirent. —  Fu- 
tur. Je  dirai,  tu  diras,  il  dira;  nous  dirons,  vous 
direz,  ils  diront. 

Condilionnel. — Présent.  Je  dirais,  lu  dirais,  il 
dirait;  nous  dirions,  vous  diriez,  ils  diraient. 

Impératif.  —  Présent.  Dis,  qu'il  dise,  disons, 
dites,  qu'ils  disent. 

Subjonclif. — Présent.  Que  je  dise,  que  lu  di- 
ses, qu'il  dise;  que  nous  disions,  que  vous  disiez, 
qu'ils  disent.  —  Imparfait.  Que  je  disse,  tpio  tu 
disses,  qu'il  dit;  que  nous  dissions,  (jue  vous  dis- 
siez, qu'ils  dissent. 

Participe.  — Présent.  Disant. — /'aw*.'.  Dit, dite. 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

Dire  du  bien,  du  mal  de  quelqu'un  ; — dire  des 


DIS 

iti jures,  des  duretés; —  dire  ses  prières,  sa  I»- 
çon,  Cic  ; — dire  la  inesse ; — dire  à  quelqu'un  du 
bien  de  quelqu'un. 

Lorsiju'il  y  a  une  phrase  su'nordoiméc  au 
verlie  dire,  le  verbe  de  celle  phrase  est  mis  à 
l'indicatif  si  la  première  est  aflinualive  :  On  du 
que  vous  l'avez  trompé;  il  est  mis  au  subjonct-' 
si  la  première  phrase  esi  négative  :  Je  ne  dispx^ 
que  vous  l'ayez  trompé.  11  en  est  de  méu)e  si  h 
plirase  est  interrogalive  :  Ai-je  dit  que  vous 
l'ayez  trompé'^ 

L'Académie  donne  comme  une  locution  fami- 
lière, on  dirait  d'un  fou,  d'un  homme  ivre.  On 
dirait,  vous  diriez,  se  disent  (pielciuefois  pour  il 
semble,  même  dans  le  style  noble.  On  dirait  çue 
le  livre  des  décrets  ait  été  ouvert  à  ce  prophète. 
(Bossuel,  Disc,  sur  l'hist  univers.,  II''  part., 
chap.  x,p.223.) 

On  eût  dit  que  du  haut  de  son  Louvre  falal, 
Mcdicis  à  la  France  eût  donné  le  signal. 

(Volt.,  Henr.,  II,  351.) 

Là  TOUS  diriez  que  Mars  a  concentré  sa  rage. 

(Delil.,  Énéid.,  II,  586.) 

11  faut  observer  qu'en  ce  sens,  plusieurs  auteurs 
mènent  le  second  verbe  au  subjonclif. — Il  est  tou- 
jours à  l'indicatif  dans  les  exemples  de  l'Acadé- 
mie :  On  dirait  à  l'entendre  ([u'il  peut  tout  faire. 
On  eut  dil  qu'il  était  mort. 

Dir.ECT,  Directe.  Adj.  On  prononce  le  t  final. 
Il  se  met  toujours  après  son  subsl.  :  Ligne  di- 
recte,rayon  direct,  mouvement  direct. 

Dip.ECTEMEM.  Adv.  Dans  le  sens  de  droit,  tout 
droit,  en  ligne  droite,  il  se  met  entre  l'auxiliaire 
et  le  parlici|)e  :  Les  deux  pôles  sont  directement 
opposés.  Figurément,  dans  le  sens  dernièrement, 
il  se  place  de  même  ;  Ces  deux  hmnmes  sont  di- 
rectement opposés,  leurs  caractères  sont  directe- 
juent  opposés. 

Figurément,  dans  le  sens  de  sans  entremise,  il 
se  met  après  le  verbe,  ou  enlre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  //  s'est  adressé  directement  au  roi.  Il 
s'est  directement  adressé  au  roi. 

Directeur.  Subsl.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dil  directrice. 

Direction.  Subsl.  f.  Il  n'a  de  pluriel  qu'en 
I)arlanl  de  certains  emplois,  ou  du  mouvement  de 
quelqu'un  ou  de  quehpie  chose  dans  un  certain 
sens  :  Il  y  a  deux  directions  vacantes.  On  en- 
voya des  échiireurs  dans  toutes  les  directions. 

Diriger.  V.  a.  de  la  1""  conj.  Dans  ce  verbe,  le 
g  doit  toujours  avoir  la  prononciation  du  j ;  et 
pour  lui  conserver  celle  prononciation  lorsiiu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
avant  cet  a  ou  cet  o  :je  dirigeais,  je  dirigeai,  et 
non  pas  je  dirigais,je  dirigai. 

Dis.  Particule  piéposilivc,  qui  se  met  au  com- 
mencement de  certains  mois,  et  qui  a  le  plus  sou- 
vent un  sens  négatif,  comme  dans  discordance, 
disgrâce,  disproportion,  disparité.  (Juclquefois 
elle  marque  disparité.  Disputer  [disputare]  signi- 
fie \\\.\C'n\(imc\\\.  diversa  pulare,  ce  (]ui  csl  l'ori- 
gine des  disputes;  disposer,  placer  les  diverses 
parties,  elc.  Dans  diffamer,  difficile,  difforme,  le 
s  final  de  la  particule  dis  est  changé  en  f  i\  cause 
du  f  initial  des  mots  simples,  et  elle  a  un  sens 
négatif. 

Discerner.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
donne  pour  exemples  :  Discerner  le  flatteur  d'a- 
vec l'ami,  le  bondu  mauvais,  le  vrai  du  faus,  le 
bien  d'avec  le  mal.  Racine  a  dil  dans  Esther 
(act.  m,  se.  VI,  6)  : 


DIS 

On  Terra  i'intoeent  discerné  du  coupable. 

Mais  s'il  faut  dire  discerner  une  chose  d'une  au- 
tre ou  d'avec  une  autre,  on  peut  donc  le  blâmer 
d'avoir  dit  (jPhèd.,  acl.  V,  se.  m,  17)  : 

Discernez-vous  si  mal  le  crime  el  l'innocence? 

Je  crois  qu'on  peut  le  dire.  Discerner  l'innocent 
du  coupable,  c'est,  en  les  comparant  l'un  avec 
l'autre,  distinguer  celui  qui  est  innocent  de  celui 
ou  d'avec  celui  i\u\  est  coupable.  Mais  discerner 
le  crime  et  l'innocence  OU  discerner  l'innocent  et 
le  coupable,  c'est,  entre  plusieurs  choses,  discer- 
ner ce  qui  est  crime  et  ce  qui  est  iiuiOLcnco  ;  en- 
tre plusieurs  personnes,  ceux  qui  sont  innocents 
et  ceux  qui  sont  coupables.  La  première  action 
tombe  sur  la  comparaison;  la  seconde  sur  la  chose 
ou  la  personne  niénie. 

Disciple.  Subsi.  m.  Selon  l'Académie,  c'est  ce- 
lui qui  aiiprcnd  d'un  maitre  (juclque  science  ou 
quelc|ue  art  libéral  Cette  déliniiion  est  faulive. 
Celui  qui  appicnd  d'un  peintre  la  peinture,  qui 
est  un  art  libéral,  n'est  pas  le  disciple,  mais  l'é- 
lève de  ce  peintre.  Le  lerrae  de  disciple  ne  suj)- 
pose  pas  qu'on  appienne  d'un  maîlre,  mais  seule- 
ment des  adhésions  au.x  sentiments  d'un  mailre, 
sans  rien  inditiuer  de  la  manière  dont  on  en  a 
pris  connaissance. 

DisciPLiNABLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
après  son  subst.  :    Un  animal  disciplinable . 

DiscoMiNUER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Disconti- 
nuer un  ouvrage.  Avant  un  verbe,  il  régit  la  pié- 
posilion  de:  lia  discontinué  de  travailler.  Il  se 
dit  aussi  absolument  :  La  pluie  a  discontinué.  Il 
ne  faut  pas  confondre  ce  terme  avec  cesser  et 
finir.  On  finit  en  achevant  l'entreprise,  on  cesse 
en  l'abanaonnant,  ou  discontinue  en  l'interrom- 
pant. 

Disco.NVENANCE.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire. 
On  le  dit  dos  mots  qui  composent  les  divers  mem- 
bres d"\me  période,  lorsqu'ils  ne  conviennent 
pas  entre  eux  ,  parce  qu'ils  sont  construits 
contre  l'analogie,  ou  parce  qu'ils  rassemblcnWes 
idées  disparates  entre  lesquelles  l'esprit  aperçoit 
de  roj)position,  ou  ne  voit  aucun  rapport.  Dans 
celle  période  :  Notre  réputation  ne  dépend  pas 
des  louanges  qu' on  nous  donne,  viais  des  actions 
louables  que  nous  faisons  ;  \\  y  a  disconvenance 
entre  les  deux  membres,  en  ce  que  le  premier 
présente  d'abord  un  sens  négatif,  ne  dépend  pas  ; 
et  que  dans  le  second,  on  sous-entend  le  même 
verbe  dans  un  sens  affirmaliL  II  y  a  disconve- 
nance entre  les  membres  d'une  phrase  quand  le 
premier  membre  étant  alfirmatir,  on  le  joint  au 
second  par  la  conjonction  ni.  Nous  défendons 
que  vous  insultiez  un  malhcureu.T,  ni  que  vous 
lui  refusiez  votre  assistance;  il  fallait  etque,cic. 
La  même  disconvenance  a  lieu  quand  dans  une 
phrase  le  premier  membre  étant  négatif,  on  le 
joint  au  second  membre  par  la  conjonction  et. 
Ainsi,  il  ne  faut  pas  dire  il  n'a  jamais  connu  l'a- 
mitié el  ses  douceurs;  mais,  il  n'a  jamais  connu 
Vamilié  ni  ses  d luceurs. 

Nos  grammairiens  soutiennent  que ,  lorsque 
dans  le  premier  membre  d'une  période  on  a  ex- 
primé un  adjectif  auquel  on  a  donné  ou  le  genre 
masculin  ou  le  genre  féminin,  on  ne  doit  pas,  dans 
le  second  membre,  sous-entendre  cet  adjectif  en 
un  autre  genre,  comme  dans  ce  vers  de  Racine 
{Britann.,  act.  I,  se.  i,  J20)  : 

Si  réponse  est  dictée,  et  même  son  silence. 


DIS 


221 


Les  oreilles  et  les  imaginations  délicates  veulent 
qu'en  ces  occasions  l'ellipse  soit  précisément  du 
même  mot  au  même  genre;  autrement. e  serait  un 
mot  dilferenl.  Les  adjectifs  (pii  ont  la  même  ter- 
minaison au  masculin  el  au  féminin,  m^o,  ^J/e 
volage,  ne  sont  pas  exposés  à  cette  disconvènance! 

Voici  une  disconvenance  de  lein|)s.  Il  regarde 
voire  malheur  comme  une  punition  du  peu  de 
complaisance  que  vous  avez  eu  pour  lui,  dans  le 
temps  qu'il  vous  pHa,  etc.  Il  fallait  diic  que 
vous  eûtes  pour  lui  dans  le  temps  qu'il  vous  pria. 

Une  disconvenance  bien  sensible  est  celle  qui 
se  trouve  assez  souvent  dans  les  mots  d'une  mé- 
taphore. Les  expiessions  inétaphoriq\ies  doivent 
être  liées  entre  elles  de  la  même  manière  cju'elles 
le  seraient  dans  le  .sens  propre.  On  a  reproché  à 
Malherbe  d'avoir  dit  (liv.  II,  ode  pour  le  roi,  2): 

Prends  ta  foudre,  Louis,  et  va  comme  un  lion. 

Il  fallait  dire  comme  Jupiter;  il  y  a  disconve- 
nance entre  foudre  el  lion. 

Dans  les  premières  éditions  du  Cid,  Chimène 
disait  (act.  111,  se.  iv,  133)  : 

Malgré  des  feux  si  beaux  qui  rompent  ma  colère. 

Feux  et  rompre  ne  vont  point  ensemble.  C'est 
une  disconvenance,  comme  l'Académie  l'a  re- 
mar.jué.  Ecorce  se  dit  fort  bien,  dans  un  sens 
mélai)horique,  pour  les  dehors,  l'apparence  des 
choses;  ainsi  l'on  dit  que  les  ignorants  s'arrêtent 
à  l'écorce,  i\n'ils  s'amusent  à  l'écorce  (ies  verbes 
Conviennent  fort  bien  avec  écorce  i)ris  au  pro- 
pre; maison  ne  dit  pas  au  propre  fondre  l'é- 
corce. Fondre  se  dit  de  la  glace  ou  du  métal. 
Fondre  l'écorce  est  donc  une  expression  trop 
hardie  dans  ces  vers  de  Rousseau  (  ode  YIII , 
liv.  m,  3)  : 

Et  les  jeunes  zéphyrs  par  leurs  cliaudes  haleines 
Ont  fondu  l'écorce  des  eaux. 

On  doit  encore  éviter  les  disconvenances  dans 
le  style,  comme  lorsque,  traitant  un  sujet  grave, 
on  se  sert  de  termes  bas,  ou  qui  ne  conviennent 
qu'au  slyle  simple.  11  y  a  aussi  des  disconve- 
nances dans  les  pensées. 

Après  avoir  extrait  ces  remarques  de  Dumar- 
sais  et  de  quelques  autres  grammairiens,  qu'il 
me  soit  permis  d'observer,  au  sujet  des  adjectifs, 
qu'une  disconvenance  grammaticale  n'est  pas 
toujours  une  disconvenance  poétique.  Il  est  cer- 
tain (^ue  dans 

Sa  réponse  est  dictée  et  même  son  silence, 

(Rac,  Britan.,  act.  I,  se.  I,  120.) 

il  semble  que  c'es\.  dictée  qui  est  sous-entendu; 
et  dictée  ne  peut  se  rapporter  à  silence,  qui  est 
du  masculin.  Mais  si  l'on  y  fait  bien  attention, 
ce  n'est  pas  dictée  qui  est  sous-enlendu  ;  c'est  est 
dicté;  son  5i7e/ice  amène  celle  ellqise,  el  la  rend 
nécessaire  et  naturelle.  C'est  comme  s'il  y  avait  sa 
réponse  est  dictée,  et  même  son  silence  est  dicte. 
11  en  est  de  même  des  disconvcnances  que  les 
Erammairiens  trouvent  quelquefois  dans  des  phra- 
ses où  un  verbe  au  siiiiiulier  dans  un  membre 
est  sous-enlendu  au  i)luricl  dans  le  mendîie  sui- 
vant. Ces  disconvcnances  i)envcnt  paraître  des 
négligences  en  prose;  mais  souvent  en  vers  elles 
sont  des  beautés;  ou  pluiôl  si  l'on  analyse  bien 
les  idées,  on  trouvera  <iu'il  n'y  a  pas  toujours  des 


222 


DIS 


disconvcnaneesdans  des  phrases  où  le  froid  gram- 
mairien  croil  en    apercevoir. 

Disconvenir.  V.  n.  delà  2*  conj.  Il  se  conju- 
gue avec  l'auxiliaire  être.  Disconvenir  <Vune 
chose,  disconvenir  d'«ro/r  dit,  d'avoir  fuit  une 
chose,  l.orstiuc  le  verbe  disconvenir  csl  em- 
ployé avec  une  négative,  et  qu'il  est  suivi  de  la 
conjonction  qve,  le  verbe  de  la  phrase  subordon- 
née doit  aussi  prendre  ne.  f^ous  ne  sauriez  dis- 
convenir qu'il  ne  vous  ait  parlé.  Cet  exemple 
est  tiré  de  l'Académie;  mais  elle  dit  aussi  vous 
ne  sauriez  disconvenir  qu'il  vous  a  parlé;  cl 
c'est  une  faute,  comme  l'a  irés-bien  observé 
Féraud. 

DiscoRD.  Subsl.  m.  L'Académie  dit  qu'il 
vieillit.  11  ne  se  souffre  pas  même  en  vers.  Cor- 
neille a  dit  dans  les  Horaces  (acl.  III,  se.  ii,  50)  : 

Puisque  cliacun,  Jit-il,  s'édiaufTe  en  ce  discord; 

et  Voltaire  remarque  à  ce  sujet  qu'ew  ce  discord 
ne  se  dit  plus,  mais  qu'il  est  à  reercller. 

Roubaud  regrette  aussi  ce  mot.  Voici  com- 
ment il  s'exprime  à  ce  sujet.  «  Malherbe,  et 
plusieurs  autres  poètes  avant  et  ai)rès  lui , 
ont  dit  discord  pour  discorde,  ainsi  que  ^'auçe- 
las  et  d'autres  grammairiens  l'ont  observé.  Pour- 
quoi ne  serail-il  pas  permis  de  dire  discord  ou 
discorde,  comnie  on  dit  Zéphyr  ou  Zéphi/re? 
Nous  avons  laissé  perdre  discord.  Marmonlel  le 
regrette  dans  son  discours  sur  V autorité  de  l'u- 
saç/e;  un  orateur  moderne  l'a  hasardé  dans  l'éloge 
funèbre  d'un  grand  iirince  :  La  lutte  et  le  dis- 
cord des  pouvoirs  était  extrême.  Faudrait-il  le 
réhabiliter?  Oui,  sans  doute,  s'il  est  utile,  et  s'il 
n'est  pas  purement  et  simplement  le  mot  de  dis- 
corde tronqué  et  sans  idée  particulière.  —  I.e 
discord  est  à  la  discorde  ce  qu'est  \'accord  à  la 
foncorde.  Discord  n'est  donc  jjas  moins  utile 
qu'«ccor(i;  et  le  discord  diffère  de  la  discorde 
comme  l'accord  de  la  concorde.  Le  discord  romjil 
Vaccord  et  l'harmonie  des  cœurs,  des  volontés, 
des  sentiments,  etc.  La  discorde  détruit  la  con- 
corde ou  le  concert  et  l'accord  parfait  et  soutenu 
de  tous  les  cœurs,  de  toutes  les  volontés,  de  tous 
les  sentiments,  etc. 

Discordant,  Discordante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  discorder.  Il  se  met  après  son  subsl.  :  Ton 
discordant,  voix  discordante,  humeurs  discor- 
dantes. 

Discorde.  Subsl.  f.  Voyez  Discord, 

DiscouHEUR.  Subsl.  m.  En  parlant  d'une  femme 
on  dit  discoureuse. 

Discourir.  V.  n.  cl  irrég.  de  la  2*  conj.  Il  se 
conjugue  comme  courir,  et  régit  de  ou  sur. 
Discourir  sur  quelque  chose,  c'est  en  parler  avec 
ordre,  avec  méthode;  en  parler  à  fond.  Discou- 
rir de  quelque  chose,  c'est  en  parler  sans  appro- 
fondir la  matière.  —  L'Académie  admet  les  deux 
prépositions  dans  le  même  sens  ;  Sncrate  passa  le 
dernier  jour  de  .in  vie  d  discourir  de  l'iinmor- 
talitéde  l'âme,  sur  l'immortalité  de  l'âme. 

DiscoDRs.  Subsl.  m.  Corneille  a  dit  dans  les 
Horaces  (acl.  II,  se.  v,  45)  : 

Qae  les  pleurs  d'une  unanle  ont  de  puissants  dùcours .' 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers  ;  Remar- 
quez qu'on  peut  dire  le  langage  des  pleurs, 
comme  on  dit  le  langage  des  yeux.  Pour<]uoi? 
Parce  (|ue  les  regards  et  les  pleurs  expriment  le 
sentiment;  mais  on  ne  peut  dire  le  discours 
des  pieu )s,  parce  que  le  mot  discours  tient  au 


DIS 

raisonnement.  Les  plturs  n'ont  point  de  discours; 
et  de  1)1  us,  avoir  des  discours  est  un  barbarisme. 
{^Remarques  sur  Curneillle.) 

Discocr.Tois,  Discourtoise.  Adj.  Il  est  vieux 
ainsi  (}ue  discourtoisie. 

Discrédité,  Discréditée.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Papier  discrédité,  actions 
discréditées,  c'est-à-dire  qui  ne  sont  plus  en 
crédit. 

Discret  ,  Discrète.  Adj.  Il  ne  se  met  guère 
(qu'après  son  subst.  :  Un  homme  discret,  une 
femme  discrète. 

Discrètement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Il  s'est  conduit  discrètement,  et  non  pas  il  s'est 
disci  ntement  conduit. 

Disert,  Diserte.  Adj.  Il  se  met  après  son 
subsl.  :  Un  homme  disert.  11  se  dit  des  personnes 
et  des  choses  :  Un  discours  disert,  un  homme 
disert.  La  définition  de  l'Académie  ne  oonne 
pas  une  idée  juste  de  la  signilication  de  ce  mol; 
c'est,  dit-elle,  celui  ou  celle  qui  parle  aisément, 
et  avec  quelque  élégance.  Le  discuurs  disert  est 
non-seulement  Incile  et  élégant,  mais  aussi  clair, 
I)ur,  el  uiôme  brillant.  Il  diffère  du  discours 
éloquent  en  ce  qu'A  est  faible  et  sans  feu,  et 
que  le  discours  éloquent  est  vif,  animé,  persuasif, 
loucliani;  qu'il  émeut,  qu'il  élève  l'âme  et  la 
nKiiirisc.  Celle  différence  peut  s'ap[iliquer  a 
l'homme  disert  et  a  Vhoinme  cloquent. 

DisERTEMENT.  Adv.  Il  sc  met  après  le  verbe: 
n  a  parlé  disertement. 

DisETTEPx,  Disettedse.  Adj.  L'Académie  dit 
qu'il  a  vieilli.  Deux  auteurs  modernes  l'ont  em- 
ployé assez  heureusement  :  La  classe  laborieuse 
et  disetteuse  (Linguel.)  La  vie  dure  et  diset- 
teuse  des  sauvages.  (Raynal.) 

Disgrâce.  Subst.  f.  L'Académie  donne  à  ce 
mot  une  signiûcalion  qui  n'est  point  autorisée  par 
l'usage.  Elle  prétend  que  disgi-dce  s'emploie  pour 
siguilier  mauvaise  grâce  dans  le  mainlien,  la 
démarche,  la  manière  de  parler;  et  elle  donne 
pour  exemple  :  Cette  femme  est  jolie,  mais  elle 
a  de  la  disgrâce  dans  la  taille i  cette  actrice  est 
pleine  de  disgrâce. 

Les  lexicographes  instruits  sc  sont  bien  g;irdés 
de  copier  cet  article  de  l'Académie,  ou  bien  ils 
en  ont  indiqué  la  fausseté.  On  dit  bien  qu'une 
personne  est  disgraciée  de  la  nature,  ou  qu'elle 
a  qucUiue  chose  de  disgracieux  dans  la  taille , 
dans  le  maintien,  dans  la  démarche,  dans  la  ma- 
nière de  parler;  mais  on  ne  dit  pas  en  ce 
sens  ([u'c^c  a  de  lu  disgrâce  dans  la  taille,  OU 
qu'elle  est  pleine  de  disgrâce.  — Ou  ne  dit  pas 
non  plus  dans  le  même  sens,  comme  le  dit  l'A- 
«•iidéiiiie,  cet  homme  met  de  la  disgrâce  jusque 
dans  le  bien  qu'il  fait. 

Disgracieux,  Disgracieuse.  Adj.  Il  se  met 
ordinairement  après  son  subst.  Cependant  on 
pourrait  dire  u?t  disgracieux  événement ,  une 
disgracieuse  rencontre.  Voyez  Disgrâce. 

DisjONCTiF,  DisjONCTivE.  Adj.  Tcruie  de  gram- 
maire. 11  n'est  d'usage  qu'au  féminin.  On  le  dit 
de  certaines  conjonctions  qui  d'abord  rassemblent 
les  parties  d'un  discours,  pour  les  faire  consi- 
dérer ensuite  séparément.  Ou,  ni,  soit,  sont  des 
conjonctions  disjonctives.  Ce  mol  s'emploie  aussi 
substantivement,   une  disjonttive. 

On  demande  si  lorsqu'il  y  a  plusieurs  substan- 
tifs sé|)arés  jiar  une  disjonciive,  le  verbe  qui  se 
rapporte  à  ces  substantifs  doit  être  au  singulier 
ou  au  pluriel;  faut-il  dire,  on  la  force  ou  la  dou- 
ceur le  feront,  OU  le  fera'?  Vaugelas  dit  qu'il 


DIS 

feut  dire  le  fera;  Paliu  soutient  qu'on  dit  égale- 
ment bien  le  fera  et  le  feront.  1,'usage  s'esf  dé- 
claré pour  Vaugelas.  \'oyez  Accord  ,  Adver- 
satif. 

DisPAiîAÎTr.E.  V.  n.  de  la  4'  conj.  Ce  verlie 
prend  l'auxiliaire  avoir  ou  l'auxiliaire  être.  On 
peut  le  considérer  tantôt  comme  ex[irimant  une 
action,  laniôt  comme  exprimant  un  état  résul- 
tant d'une  action.  Quand  je  A\slcjour  covimencc 
à  disparaître,  j'exprime  cvidemnienl  le  com- 
mencement d'une  action;  et  (juand  je  dis  le 
jour  a  disparu,  j'exprime  cette  action  comme 
entièrement  laite.  Mais  faisant  abstraction  de 
l'action,  je  puis  considérer  le  jour  comme  ne  [la- 
raissanl  plus,  par  suite  de  l'action  d'avoir  dis- 
paru ;  alors  j'exprime  un  état,  cl  je  dis  le  jour 
esi  disparu  ;  .l.-J.  Rousseau  a  dit:  C'est  uinsi 
que  la  modestie  naturelle  au  sexe  est  disparue 
peii  à  peu  H  aurait  dû  dire  a  disparu;  peu  ù  peu 
indique  une  action  qui  se  fait  successivement. 
Dubos  a  mieux  dit  :  Les  graiids  auteurs  étaient 
disparus  depuis  longtemps. 

Disparition.  Subst.  f.  Quelques  auteurs  ont 
écrit  disparution,  probablement  parce  qu'en 
termes  de  palais  on  dit  comparution.  On  ne  trouve 
plus  aujourd'hui  que  disparition  dans  le  Dic- 
tionnaire de  V Académie  et  dans  les  bons  auteurs. 

Dispendieux,  Dispendiedse.  Adj.  Il  ne  se  dit 
que  des  choses,  et  se  met  ordinairement  après 
son  subst.  :  Une  entreprise  dispendieuse  ,  vn 
luxe  dispendieux. 

DispENsvïKun.  Subst.  m.  Qui  dispense,  qui 
distribue.  Il  se  dit  (luebjuefois  absolument  :  Un 
bon  dispensateur;  et  (|uelquefois  aussi  il  a  pour 
complément  un  substantif  avec  lequel  il  est  lié 
par  la  préposition  de  :  Il  est  le  dispensateur  des 
grâces  du  prince,  ^'oltaire  a  dit  les  disjiensa- 
teurs  de  l'immortalité  : 

Prince,  ne  crois  donc  poin)  que  ces  liommes  vulgaires 
Qui  prodifiient  aux  grands  des  écrits  inerceaiires, 
Imposant  par  leurs  vers  à  la  postérité, 
Soient  les  dispensateurs  de  l'immortalité. 

[Épitrc  XII,  67.) 

En  parlant  d'une  femme,  on  dit  dispensatrice. 

Dispos.  Adj.  Il  n'a  pas  de  féminin,  et  ne  se  dit 
proprement  ipie  des  hommes. 

Disposer.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  Disposer, 
actif  dans  le  sens  d'arranger,  prend  le  régime  di- 
rect :  On  dispose  une  maison,  un  jardin,  des 
appartements.  Disposer,  dans  !e  sens  de  prépa- 
rer et  applitjué  aux  personnes,  régit  la  préposi- 
tion à  devant  les  noms  et  les  verbes  :  On  l'a 
disposé  à  l'obéissance  ;  on  l'a  disposé  à  partir. 

.1  le  cherclier  (Dieu)  la  peur  nous  dispose  et  nous  aide. 
iBoiL.,  Épitre  XU,  35.) 

On  dit  dans  le  même  sens,  se  disposer  à,  être  dis- 
pose a.  Disposer,  neutre  dans  le  sens  de  faire  ce 
qu'on  veut  de  quelqu'un  ou  de  quelque  chose, 
régit  la  pn-position  de  :  Il  a  disposé  de  ses  en- 
fants, il  a  disposé  de  sonbien. 

Disposition.  Subst.  f.  Terme  de  littérature. 
Partie  de  la  rhétorique  qui  consiste  à  placer  et 
ranger  a  vei'  oidre  et  justesse  les  différentes  parties 
d'undi.NCours. 

Disputant.  Part,  actif  du  v.  disputer.  Voltaire 
eu  a  fait  un  substantif  : 

Je  distinguai  toujours  de  la  religion 

Les  malheurs  qu'apporta  la  superstition. .  . 

J'ai  dit  aux  dicputantt,  l'un  sur  l'autre  acharnés  : 

Cessez,  impertinents;  ceiseï,  infortunés. 


DIS 


223 


Très-soli  enfants  de  Dieu,  chérissei-vous  en  frères, 
Et  ne  vous  mordei  point  pour  d'absurdes  cliimérec. 

Dispute.  Subst.  f.  L'Académie  explique  ce  mol 
par  débat,  contestation.  La  dispute  cA  une  con- 
versation entre  deux  iiorsonncsà  l'occasion  d'une 
chose  sur  laquelle  ils  sont  d'avis  diffcrcnl.  Le 
débat  est  une  conversation  tumultueuse  entre 
plusieurs  persoimes.  La  contestation  caI  une  dis- 
pute entre  plusieurs  persoimes  considorahles  sur 
un  objet  important,  ou  entre  deux  particuliers 
pour  une  affaire  judiciaire. 

Disputer.  V.  a.  de  la  i'"  conj.  Il  prend  lepro- 
n»iu  personnel  dans  le  sons  i.\c préte7idre  concur- 
remment à,  et  alors  il  est  suivi  d'un  régime  di- 
rect :  Plusieurs  villes  se  disputent  l'honneur 
d'arnir  donné  le  jour  à  Homère.  (Barlliél.,.^yia- 
charsis,  Introduct.,  t.  I,  p.  54.)  Mais  lors<pi'il 
est  employé  dans  un  sens  absolu,  indépendant,  et 
(ju'il  signilic  être  en  débat,  en  contestation,  c'csi. 
un  gasconisme  «lue  d'en  faire  usage  avec  le  pro- 
nom personnel;  alors,  au  lieu  de  dire  ils  se 
sont  longtemps  disputés,  dites  ii/.s  ont  longtemps 
disputé,  ils  disputent  perpétuellement.  (Acad.) 
{Grammaire  des  Grammaires,  p.  1120.) 

Dispdtedr  Subst  m.  Qui  aime  à  disputer,  à 
conlredirc  :  Grand  dispu leur,  ardent  disputeur, 
disputeur  opiniâtre.  (Acad.)  Montesquieu  lui 
donne  une  signification  plus  étendue  :  Ceux 
dont  je  viens  de  te  parler  disputent  en  langue 
vulgaire  ;  et  il  faut  les  distinguer  d'une  autre 
sorte  de  dispuieurs  qui  se  servent  d'une  langue 
barbare  qui  sernble  ajouter  quelque  chose  d 
la  fureur  et  à  l'opiniâtreté  des  combattants. 
(xXxvi"^  lettre  persane.) 

J.-J.  Rousseau  l'a  employé  adjectivement  :  A 
force  de  disputer  contre  l'Eglise  romaine,  le 
clergé  protestant  prit  P esprit  disputeur  et  poin- 
tilleux. 

Voltaire  a  dit  adjectivement,  disputeuse.  On 
se  querellait  depuis  longtemps  sur  la  Trinité, 
lorsque  Arius  se  mêla  de  la  querelle  dans  la  dis- 
[tuleuse  ville  d'Alexandrie. 

Dissertateur.  Subst.  m.  Voltaire  a  employé 
le  mot  dissertcuse ;  il  a  écrit  à  madame  du  Dcf- 
fand  ;  Ne  craignez  point  de  faire  la  disser- 
teuse,  ne  craignez  point  de  joindre  aux  grâces 
de  votre  personne  la  force  de  votre  esprit... 
[Corresp.)  Disserieuse  est  pris  dans  un  autre 
senstiue  dissertateur  ou  dissertutrice. 

Dissertation.  Subst.  f.  Ouvrage  sur  (juclquc 
point  particulier  d'une  science  ou  d'un  art.  La 
dissertation  est  ordinairement  moins  longue  «lue 
le  traité.  D'ailleurs,  le  traité  renl'erme  toutes  les 
questions  générales  et  pariiculières  de  son  objet; 
au  lieu  que  la  dissertation  n'eu  comprend  que 
quehiucs  questions  générales  ou  particulières. 
Ainsi  un  Iraité  d'arithméti(]ue  est  composé  do 
tout  ce  qui  appartient  a  l'arilhinétiiiue;  \hk  dis- 
sertation sur  l'arillimélique  n'envisage  l'art  de 
compter  (jue  sous  quelques-unes  de  ses  faces  gé- 
nérales ou  particulière.^.  Si  l'on  compose  sur  une 
matière  autant  de  dissertations  qu'il  y  a  de  diffé- 
rents points  de  vue  piincipaux  sous  Icstjuels  l'es- 
prit peut  la  considérer;  si  chacune  de  ces  disser- 
tations est  d'une  étendue  proportionnée  a  son  ob- 
jet particulier,  et  si  elles  sont  toutes  ciichainécs 
par  quelque  ordre  méthodique,  on  aura  un  traité 
com|)let  de  celte  matière. 

*Disseetecse.  Subst.  f  Voyez  Dissertateur. 

Dissimulé,  Dissimulée.  Adj.  Il  ne  se  met  (ju'a- 
prés  son  subst.  :  Un  homme  dissimule,  un  es- 
prit dissimulé,  un  caractère  dissimulé. 


224 


DIS 


DissiMULi.R.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Voltaire  a 
dil  dissimuler  avec  quelqu'un. 

Hors  dix  ou  doute  amis,  à  qui  je  puij  parler, 
Avec  toute  la  cour  je  Tais  dissimuler. 

(Indiêcr.,  se.  II,  3.) 

11  est  usité  avec  ce   régime  :   Ce  n'est  pas 
avec  vous  que  je  voudrais  dissimuler. 

Se  dissimuler.  Ce  verbe,  employé  «Jans  une 
l»li!'ase  négative  ou  inlerroaalive  avec  le  vcrhc 
p-iuvoir,  legil  le  subjonctif  précédé  de  71e  :  Si 
cette  femme  était  jolie  autrefois,  on  ne  peut  se 
dissimuler  qu'elle  ne  soit  aujourd'hvibien  laide. 
Mais  dissimuler  sans  le  pronom,  (|iioi(iuc  dans  le 
sens  négatif,  semi>le  exiger  l'indicatif  :  Je  ne  dis- 
simule pus  r/i,c  je  n\n  pas  toujours  élit  de  cet 
avts.  Au  conliMirc,  d.ins  le  sens  afliniKilif,  il  lé- 
gil  le  subjonciif,  ce  qui  e>t  l'opposé  de  plusieurs 
verbes  :  Il  dissimula  qu'il  eût  eu  part  à  cette  ac- 
tion. La  raison  en  est  tpjc  dissimuler  iwrlo  avec 
lui  le  sens  négatif.  Dissimuler,  c'est  ne  pas  inon- 
Irer,  nejias  faire  paraître,  de  sorte  que  quand  il 
est  joint  avec  une  négative,  le  sens  devient  aflir- 
malil  :  Ne  pouvoir  dissimuler,  c'est  être  obligé 
de  monirer,  de  faire,  de  dire;  au  contraire, 
quand  dissimuler  est  sans  négative,  c'est  alors 
«lue  le  sens  est  vraiment  négatif,  et  que  le  sub- 
jonctif est  dans  l'analogie  et  dans  le  génie  delà 
langua  (Férauo.^ 

Dissipateur.  Su  *,  m.  II  ne  se  dit  que  des  per- 
sonnes. En  parlant  ^  ne  femme,  on  dit  dissipa- 
trice. L  Académie  n'ii.  -"ue  pas  la  véritable  sisni- 
licalion  de  ce  mot.  I.e  a  -ipateur  el  laprodïnue 
dépensent  beaucoup;  ma.  'es  dépenses  du  pre- 
mier sont  lolles  et  extra  vag.  «s,  les  dépenses  du 
second  ne  sont  qu'inutiles. 

Dissipation.  Subst.  f.  II  se  û  lans  les  mêmes 
sens  (|ue  dissiper,  excepté  dans  .  'yi  de  disper- 
ser, écarter,  etc.  On  dit  la  dissipât.  \  des  biens , 
des  finances  ;  vivre  dans  la  dissipati  \i  ;  mais  on 
ne  dit  pas  la  dis.sipation  des  brouillards,  des  nua- 
ges, etc.;  la  dissipation  d'une  armée.  11  se  dit 
au  pluriel  dans  le  premier  sens  :  Il  s'est  ruiné 
par  ses  dissipations.  Dans  le  second  sens,  on  ne 
le  dit  qu'au  singulier:  /^it-re  dans  la  dissipation, 
et  non  pas  dans  les  dissipations. 

Dissiper.  V.  a.  delà  l'M'onj.  Dissiper,  ac- 
tjl,  a  ordinairement  des  personnes  pour  sujet  :  // 
dissipe  son  bien. 

Des  trésors  de  la  France  ils  dissipaient  les  restes. 
(Volt.,  Henr.,  UI,  60:') 

Se  dissiper,   réfléchi,  n'a  pour  sujet  que  des 

R.';çine  a  employé  l'actif  dans  une  occasion  où 
il  fallait  le  réfléclii  (  Plaideurs,  act.  L  se  v 
25): 


Elle  voit  diisiper  sa  jeunesse  en  regrets, 
Mon  amour  en  fumée,  et  son  bien  en  procès. 

Il  fallait  se  dissiper. 

Dissoi-u,  Dissolue.  Adj.  Il  ne  se  dit  que  des 
mœurs,  surtout  relativement  à  rincontincn.e  et 
se  met  ajirésson  subst.  :  Un  homme  dissolu,  une 
femme  dissolue,  des  mœurs  dissolues,  une  vie 
dissolue  (Jueliiuefois  il  régit  dans  :  Etre  dis- 
solu (i,\i)fi  ses  mœurs,  dansées  discours. 

Dissoluble.  Adj.  des  deux  genres,  (^ui  peut 
être  dissous.  II  se  met  après  son  subst.  :  jMétal 
dissoluble,  substance  dissoluble. 

Dissolument.  Adv.  II  se  met  aurcs  le  verbe  : 


DIS 

//  a  toujours  vécu  dissolument,  el  non  pas  il  a 
toujours  dissolument  vécu.  Il  est  peu  usité 

Dissoldtio.n.  Subst.  f.  Il  se  prend  dans  Icscns 
de  dissous  et  de  dissolu  :  La  dissolution  des  mé- 
taux, lu  dissolution  d'un  mariage,  la  dissolu 
lion  des  mœurs.  Dans  ce  dernier  sens,  il  a  un 
pluriel  :  Etre  plongé  dans  toutes  sortes  de  disso- 
lutions. (Acad.) 

Dissolvant,  Dissolvante.  Adj.  verbal  tiré  du 
v._  dissoudre.  Il  se  met  après  son  subst.  :  ..Jcide 
dissolvant,  qualité  dissolvante. 

DissONA.NT.  Dissonante.  Adj.  11  se  met  après 
son  subst.  :  f^oix  dissonante,  instrument  disso- 
nant. 

Dissoudre.  V.  a.  et  irrégnlier  de  la  -i»  coiij. 
Il  se  conjugue  comme  absoudre.  Voyez  ce  mot 

L'eau  dissout  le  sucre,  le  sel.  —  Dissoudre 
une  société.  Dissoudre  vu  mariage. —  Le  fer  se 
dissout  dans  l'eau  forte.— Une  société  se  dissout 

DissuADEii.  V.a.  de  la  l"^conj.  Il  ré-it  de  de- 
vant les  noms  et  devant  les  verbes  :  Dissuader 
que/qu'un  (l'une  entreprise.  Je  l'ai  dissuadé  de 
faire  cette  entreprise. 

Dissyllabe.  Adj.  m.  Il  se  dit  d'un  mot  qui  n'a 
que  deux  syllabes,  f^er-lu  est  di.ssyllabe.  Ce  mot 

gg 1 :    ,..1      ...  J 

d 


c  prend  aussi  subslantiveincnl  :  Les  dixujUulet 

'oivent  être  mêlés  avec  d'autres  mots.  Ln  mot  est 
A[>\K\(i  monosyllabe  quand  il  n'a  ([u'une  syllabe' 
dissyllabe,  quand  il  en  a  deux;  trisyllabe] 
quand  il  en  a  trois;  mais  après  ce  nombre  les 
mots  sont  dits  polysyllabes,  c'est-a-dirc  de  plu- 
sieurs syllabes. 

Distance.  Subst.  f.  La  distance  des  lieux, 
la  distance  ù'une  chose  à  une  autre.  Lu  distance 
entre  une  chose  et  une  autre.  Lu  distance  de- 
puis uhe  chose  jusqu'à  une  autre. 

Distant,  Distante.  Adj.  qui  se  met  après  son 
subst.  Il  ne  se  dit  point  au  liiruré  :  Deux  villes 
sont  distantes  l'une  de  l'autre;  deux  épnqucssont 
distantes  l'une  de  l'autre;  mais  on  ne  dit  pas 
qu'un  homme  est  distant  d'un  autre  homme,  pour 
sigiiilicr  (ju'il  a  un  mérite  bien  suiiéricur  ou  bien 
intérieur. 

Distillateur.  Subst.  111  On  ne  jtrononcc  qu'un 
/.  On  ne  trouve  point  d'exeini)le  de  distilla trice 
au  féminin.  Mais  si  l'occasion  s'en  présentait  iê 
pense  qu'on  iiourrajt  le  dire. 

Distinct,  Distincte.  Adj.  II  s'emploie  sans  ré- 
gime, et  se  met  après  smi  subst.  :  Deux  choses 
distinctes,  un  son  distinct,  une  voix  distincte 

Distinctement.  Adv.  Clairement,  nelleinent  H 
se  met  apris  le  verbe  :  Il  a  parlé- dislinctemcrl, 
et  non  pas  il  a  distinctement  parlé. 

DiSTiNCTiF,  Distinctive.  Adj.  Il  se  met  3|)ics 
son  subst.  :  Caractère  dislinclif,  marque  dis- 
tinctive. 

Distinction.  Subst.  f.  La  distinction  d'une 
chose  et  d'une  autre.  Distinction  d'une  chose 
d'avec  une  autre.  Distinction  entre  une  chose  cl 
une  autre. 

Distinguer.  V.  a.  delà  l^conj.  Distinguer  la 
fausse  monnaie  d'avec  la  i(;/(«e.  (Acad.)  Distin- 
guer une  chose  d'une  autre. 

Yoiii,  je  crois,  la  dirCércnce  entre  distinguer 
de  et  distinguer  d'avec.  Distinr/ucr  une  chose 
d'une  autre,  c'est  saisir  les  nuances  (pi'il  y  a  en- 
tre les  qualités  analogues  des  di-ux  choses:  Il 
faut  distinguer  la  bienfaisance  de  la  charité,  la 
piété  lie  la  dévotion.  Distinguer  une  chn.se  d'avec 
une  autre,  c'est  démêler,  enliedeux  choses  qui 
paraissent  semblable.^  le>  (pialiiés  réelles  qui  les 
rendent  dilTcreiUcs.  Distinguer  vn  honnête 
homme  d'avec  un  hypocrite,  c'(;st  saisir  la  diffé- 


DIV 

rence  qu'il  y  a  entre  les  qualités  qui,  quoique 
dissemblables,  ont  des  apparences  qui  pourraient 
les  faire  confondre.  Cette  explication  s'accorde 
avec  les  exemples  donnés  par  l'Académie,  et 
avec  ceux  que  l'on  trouve  dans  les  bons  auteurs. 
Dans  le  premier  sens,  disiiitç/iions  la  sensation 
du  senti'ueiil  [Bnnon);dà\\A  le  second,  distinguer 
fa  fausse  monnaie  d'avec  la  bonne  (Acad.)  ;  dis- 
tinguer l'ami  d'avec  le  flatteur  (Acad.).  On  n'a 
<]u'à  lire  Virgile  ou  Racine,  on  distinguera  ai- 
si'ment  le gt'nie  qui  les  élève  d'avec  le  talent  qui 
les  soutient,  et  qui  ne  les  quitte  jamais.  (Mar- 
niontcl,  Eléments  de  litt.,  article  Génie.)  Ils  ne 
peuvent  plus  distinguer  un  .tcntimenl  d'avec  un 
sentiment.  (Montesquieu,  Temple  de  Gnide,  IV.) 
Distinguer  de  su()pose  des  nuances;  distinguer 
d'avec  suppose  des  différences.  —  L'Académie, 
dans  sa  dernière  édition,  semble  admettre  indis- 
tinctement les  doux  réginies  ,  car  après  avoir 
donné  pour  exemple  :  Distinguer  l'ami  d'avec  le 
flatteur,  elle  met  :  Je  sais  vous  distinguer  de  lui, 
sans  indiquer  aucune  différence  entre  ces  deux 
manières  de  s'exprimer. 

DiSTR.unE.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4'  conj.  Il 
se  conjugue  comme  traire.  Voyez  ce  mot.  —  11 
s'emploie  souvent  avec  le  pronom  personnel. 

C'est  là  que,  solitaire, 
De  son  image  en  vain  j'ai  voulu  me  distraire. 

(Rac,  Britan.,  ad.  II,  se.  il,  27.) 

Distrait,  Distraite.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  distrait,  une  femme 
distraite,  un  esprit  distrait. 

DisTRiBOTECR.  Subst.  m.  Distributeur  de  grâ- 
ces, de  récompenses.  En  parlant  d'une  femme,  on 
dit  distributrice.  Féraud  trouve  ce  dernier  très- 
dur.  11  ne  l'est  pas  plus  que  beaucoup  d'autres. 

DiSTRiBDTiF ,  DisTRiBDTivE.  Adj.  Di  parlant 
des  choses,  qui  distribue  :  Justice  distributive. 

En  termes  de  grammaire,  on  dit  sens  distri- 
butif,  par  opposition  à  sens  collectif.  Distributif 
vient  de  distribuere,  distribuer;  collectif  vient 
de  colligere ,  recueillir,  assembler.  Saint  Pierre 
était  apôtre  ;  apôtre  est  là  dans  le  sens  distributif, 
c'est-a-dire  que  saint  Pierre  était  l'un  des  apô- 
tres. 

Il  y  a  des  pro[)ositions  qui  passent  pour  vraies 
dans'le  sens  collectif,  c'est-à-dire  quand  on  parle 
en  général  de  toute  une  espèce,  et  qui  seraient 
très-fausses  si  l'on  en  faisait  l'application  à  cha- 
que individu  de  l'espèce,  ce  qui  serait  le  sens 
distributif.  Par  exemitle,  on  dit  des  habitants  de 
certaines  provinces  qu'ils  sont  vifs,  emportés,  ou 
<iu'ils  ont  tel  ou  tel  défaut;  ce  qui  est  vrai  en  gé- 
néral, et  faux  dans  le  sens  distributif;  car  on  y 
trouve  des  particuliers  qui  sont  exempts  de  ces 
défauts,  et  doués  des  vertus  contraires.  (Dumar- 
sais.)  Voyez  Sens. 

DisTr.iBLTi\EME>T.  Adv.  Dans  le  sens  distribu- 
tif. Cela  est  faux  distributivement. 

District.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  /. 

Dit.  Subst.  m.  Le  t  ne  se  prononce  pas. 

Diurétique.  Adj.  des  deux  genres  ([ui  se  met 
après  son  subst.  :  Remède  diurétique. 

Divan.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'on  ap- 
pelle ainsi  dans  le  Levant  le  conseil  du  Grand 
Seigneur.  L'Académie  s'est  trompée  :  c'est  en 
France,  et  non  dans  le  Levant,  que  l'on  donne  ce 
nom  au  conseil  du  Grand  Turc. 

Divers,  Diverse  Adj.  11  se  met  très-souvent 
avant  son  subst.  :  Ils  sont  de  divers  sentiments, 
^opinions  diverses,  divers  tempéraments,  di- 


DIV 


225 


verses  propositions.  On  le  met  toujours  au  plu- 
riel ;  car  lorsqu'il  y  a  diversité,  il  y  a  nécessaire- 
ment deux  objets  au  moins. 

La  lettre  s  est  muette  dans  le  mot  divers,  ex- 
cepté lorsqu'elle  est  suivie  d'un  mot  qui  com- 
mence par  une  voyelle  ou  un  h  muet.  On  pro- 
nonce diver-zavis,  diver-zagréments,  et  non  j: 
diver  avis,  diver  agréments. 

Diverse.me.nt.  .4dv.  Il  se  met  ordinairement 
après  le  verbe:  On  en  a  parlé  diversement.  On 
peut  expliquer  cela  diver.'icment. 

Divertir.  V.  a.  de  la  2'' conj.  L'Académie  dit 
que  se  divertir  vé^ii  la  préposition  à;  Les  jeu- 
nes gens  se  divertissent  à  jouer  à  la  paume  ;  ces 
messieurs  voulaient  se  divertir  à  mes  dépens; 
divertissez-vous  à  quelque  chose.  Maisclh;  ne  dit 
pas  qu'il  régit  aussi  la  préposition  de  en  parlant  des 
choses  :  Je  me  suis  diverti  de  tout  ce  qu'il  m'a 
dit. 

Divertissant,  Divertissante.  Adj.  Il  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Un  homme  divertis- 
sant, un  spectacle  divertissant,  une  humeur  di- 
vertissante. 

Divin,  Divine.  Adj.  11  peut  se  mettre  avant 
son  subst.  lorsque  l'harmonie  et  l'analogie  le  per- 
mettent. On  dit  providence  divine,  et  divine  pro- 
vidence; oracles  divins,  et  divitis  oracles;  ma- 
jesté divine,  et  divine  majesté  ;  appas  divins,  t?l 
divins  appas.  Mais  on  ne  dit  pas  divin  homme, 
divin  service,  divin  office,  etc.  A'oycz  Adjectif. 

Cet  adjectif,  exprimant  une  qualité  absolue, 
n'est  pas  susceptible  de  comparaison,  soit  en  plus 
soit  en  moins,  et  on  ne  peut  l'employer  avec  les 
mois  plus ,  extrêmement,  infiniment,  moins, 
aussi,  autant,  si,  combien.  C'est  donc  avec  rai- 
son qu'on  acriliquece  vers  de  Boileau(//.  P.,  L, 
161)  : 

Sans  la  langue,  en  un  mot,  l'auteur  le  plus  divin. 

On  peut  être  divin,  mais  on  ne  peut  pas  élrt 
plus  ou  moins  divin.  Voyez  Absolu. 

Divinement.  Adv.  11  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Les  prophètes  ont  été 
divinement  iiispirés.  Il  a  travaillé  divinement 
bien,  ou  il  a  divinement  bien  travaillé. 

Diviser.  V.  a.  de  la  l'«  conj.   Lors(iu'on  dit 
rfiVwcreH,  les  substantifs  qui  suivent  doivent  être 
employés  sans  article  :  Le  poëme  dramatique  se 
divise  en  tragédie  et  en  comédie,  et  non  pas  e 
la  tragédie  et  en  la  comédie. 

Divisé,  Divisée.  Part,  cl  adj.  Voltaire  a  dite?» 
visé  d'intérêt. 

Vos  yeux  ne  verront  plus  tous  ces  chefs  ennemis 
Divisés  d'intérêt,  et  pour  le  crime  unis. 

(4fïr.,act.  I,  se.  i,  7.) 

Divisible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 
jours son  subst.  :  Matière  divisible.  Quantité 
divisible. 

Division.  Voyez  Tiret. 

Divorce.  Subst.  m. 

Ils  ont  asseï  longtemps  joui  de  nos  dtvorcM. 

(CoRW.,  Wor.,  act.  I,  se.  iv,  65  ) 

Ce  mot  de  divorce,  dit  Voltaire,  s'il  ne  signifiait 
que  des  querelles,  serait  impropre;  mais  il  dénote 
des  querelles  de  deux  peuples  unis,  et  par-là  il 
est  juste,  nouveau  ci  cxcelïcnl.  [Remarques  sur 
Corneille.) 

Divorcer.  Mot  nouveau  que  l'usage  a  adopte  : 
Les  deux  époux  sont  divorcés.  Divorcé ,  é,vor- 

15 


226 


DOC 


cée,  atlj.,  est.  dit  l'aVibé  Féraud,  un  mot  forgé 
par  Voltaire  :  Les  deux  époux  sont  réellement 
diviircés,  c'est  nn  vrai  barbarisme. — Ce  mot  est 
nouvcUcinent  introduit  en  France,  mais  il  n'est 
pas  novivcau  dans  la  langue.  Dans  tous  les  pays 
protestants  où  l'on  parle  français,  on  s'en  est  tou- 
jours servi,  et  il  n'était  guère  possible  de  s'en 
{«sscr.  Ainsi,  quoi (pi'en  dise  l'abbé  Féraud,  A'ol- 
taire  n'a  point  forgC*  oe  mot,  et  ce  n'est  point  un 
barbarisme.  —  Lorsqu'on  veut  exprimer  l'action 
et  non  l'étal,  on  emploie  l'auxiliaire  avoir  •'  Ils 
ont  divorcé,  elle  a  divorcé  d'avec  lui.  (Acad.) 

DivcLGiF-r..  ^'.  a.  de  la  1"  conj.  L'i/  de  ffuer 
ne  se  fait  pas  sentir;  il  n'est  mis  là  que  pour 
donner  au  ff  un  son  plus  fort,  qu'il  n'a  pas  de- 
vant Ve.  Il  ne  se  dit  que  des  choses  :  Divulçuer 
nne  nouvelle,  un  secret. 

Dis.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  Devant 
une  consonne  ou  un  h  aspiré,  le  x  ne  se  pro- 
nonce pas  :  dix  soldats,  dix  héros.  Devant  une 
voyelle  ou  un  h  non  aspiré,  ou  lorsque  dix 
n'est  qu'une  partie  élémentaire  d'un  nombre  nu- 
méral composé,  et  se  trouve  suivi  d'une  autre 
partie  de  même  nature,  on  prononce  lex  comme 
un  z;  di-zamis ,  di-zhnnmcs ,  dix-huit,  dix- 
neiivicmc.  Quand  il  est  final,  ou  suivi  d'un 
repos,  il  se  prononce  foriemeni  comme  un  s  ini- 
tial :  Nous  sommes  dix,  ils  étaient  dix  lien  bu- 
vants et  bien  mangeants,  le  dix  du  mois,  le  dix 
février.  Dans  ces  deux  derniers  exemples,  le  repos 
est  l'caucoup  moins  marqué  que  dans  les  autres, 
mais  il  existe  cependant;  car  le  mot  dix,  qui  dé- 
signe ici  le  quantième  du  mois,  ne  peut  se  joindre 
immédiatement  à  un  nom  auquel  il  ne  se  rapporte 
pas.  Cela  suffit  pour  conserver  au  x  sa  pronon- 
ciation forte.  —  Quand  dix  est  joint  à  un  autre 
nom  de  nombre,  on  mot  un  tiret  entre  deux  :  dix- 
sept,  dix-huit,  quatre-vingt-dix  ;  mais  on  n'en 
met  [K)int  à  cent  dix,  mille  dix,  etc.  Dans  ces 
composés,  le  s  de  dix  se  prononce  comme  un  s 
devant  une  consonne,  et  comme  un  z  devant  une 
voyelle  ou  un  h  non  aspiré  :  Dix-sept,  dix- 
huit,  etc. 

Dixième.  Adj.  On  prononce  disième.  Il  se  met 
avant  son  subst.  :  Le  dixième  jour,  la  dixième 
fois. — On  dit  cependant  chapitre  dixième,  arti- 
cle dixième. 

DixiÈMEMENT.  Adv.  Ou  prononcc  dizièmement. 

Dizain,  Dizaine.  Substantifs,  l'un  féminin, 
laiitre  masculin.  Autrefois  on  écrivait  dixain, 
dixaine;  aujourd'hui  on  n'écrit  plus  ces  mots 
qu'avec  un  s. 

Docile.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose,  il  se 
met  après  son  subst.  :  Un  enfant  docile,  va  na- 
turel docile,  un  esprit  docile.  Il  est  quelquefois 
suivi  d'un  complément,  et  prend  alors  la  prépo- 
sition à  :  Docile  aux  leçons  de  son  maître. 

Il  Fallut  qu'au  travail  son  cOrps  rendu  docile 
Forçai  la  Icrrc  avare  à  dexenir  fertile. 

(BoiL.,  Épttrelll,  65.) 

On  ne  dit  pas  docile  à  vne  personne. 

En  vers  et  dans  le  discours  soutenu,  il  se  met 
souvent  avant  son  subst.  : 

Amener  du  sommet  d'un  rocher  sonrcilleux 

Un  docile  ruissean 

(Dblil.,  Géorg.,  I,  131.) 

Vous  aurez  soos  tos  lois  an  docile  troupeau. 

AGILEMENT.  Adv.  Il  pcul  sc  mfiBSrc  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  écouté  docilem:nt 


DOL 

mes  leçons,  ou  il  a  docilement  écouté  mes  U-çohm. 
Docte.  Adj.  des  deux  genres.  H  se  met 
ordinairemeut  avant  son  .subst.  :  Le  docte  Sau- 
maise.  Les  doctes  veilles,  vne  docte  disserta- 
tion, un  docte  discours  : 

Seu1.<  dans  leurs  doetea  vert  ils  pourront  tous  apprendre 
Par  quel  art,  sans  bassesse  ,nn  auteur  peut  descendre. 
(BoiL.,  A.  P.,  H,  29.) 

Cependant  on  ne  dit  pas  un  docte  Jwmme,  un 
docte  livra.  Voyez  /adjectif. 

Autrefois  on  disait  souvent  docte  au  lieu  de 
sarajil.  Aujourd'hui  on  préfère  le  second;  et  si 
quelquefois  on  dit  docte,  c'est  une  manière  d'i- 
ronie. 

Doctement.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Il  a  traité  doctement  cette 
matière,  ou  il  a  doctement  traité  cette  matière. 

Docteur.  Subst.  m.  On  ne  dit  pas  vne  femme 
docteur,  jiarce  que  les  femmes  ne  sont  pas  pro- 
mues au  doctorat.  Mais  J.-J.  Rousseau  a  dit  en 
jilaisantant,  doctoresse  :  Ce  motif,  qui  n'agit  que 
sur  les  âmes  vraiment  aimantes,  est  mil  pour 
tous  nos  docteurs  et  doctoresses. 

Doctoral,  Doctov.ale.  Adj.  Use  met  ordinai- 
rement après  son  subst.:  Bobe  doctorale,  bonne* 
doctoral,  ton  doctoral,  marque  doctorale. 

DocTHiNAL,  Doctrinale.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  avis  doctrinal,  un  ju- 
gement doctrinal.  Trévoux  dit  des  jugements 
doctrinaux,  et  l'Académie  de  1S35  des  avis 
doctrinaux. 

Doctrine.  Subst.  f.  Doctrine,  surtout  lorsqu'il 
est  suivi  de  la  préposition  de,  ne  se  met  point  au 
pluriel  :  La  doctrine  d'un  auteur,  la  doctrine 
d'vn  concile. — Ce  mot  ne  se  met  au  pluriel  que 
lorsqu'on  parle  de  systèmes  din'crents  les  uns  des 
autres.  Ainsi  l'on  dit  la  doctrine  du  concile  de 
yVeiite,  quoique  ce  concile  ait  étaiili  plusieurs 
jioinis  de  doctrine;  mais  on  dit  comparer  entre 
elles  les  doctrines  des  anciens,  pour  dire  les  dif- 
férents systèmes  des  anciens. 

Dodu,  Dodue.  Adj.  Il  se  met  toujours  après 
son  subst.  :  Un  homme  dodu,  une  femme  dodue, 
des  pigeons  dodus. 

DoGJiATiQUE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
après  son  subst.  :  Terme  dogmatique,  style  dog- 
luatique. 

Dogmatiquement.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  traité  cette  ques- 
tion dogmatiquement,  ou  il  a  dogmatiquement 
traité  cette  question. 

Dogme.  Subst.  m.  Féraud  remarque  que  quand 
on  dit  le  dogme  tout  seul  et  sans  addition,  on  l'en- 
tend toujours  de  la  religion  :  Ces  matières  con- 
cernent le  dogme,  et  non  la  di-icipline. 

Doigt.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  g. 
On  dit  le  doigt  de  Dieu,  pour  signifier  les  carac- 
tères qui  indiquent  le  dessein  particulier  de  Dieu 
dans  certains  événements. 

Je  vois  le  doigt  de  Dieu  marqué  dans  nos  mallieurs. 
(Volt.,  AU.,  act.  V,  sc.  vu,  64.) 

Doigter.  V.  n.  Doigtier.  Subst.  m.  Dans  ces 
deux  mots  on  ne  prononce  point  le  g. 

Doléances.  Subst.  f.  Vieux  mot  (jui  n'est  plus 
usité  qu'au  palais,  et  ne  sc  dit  qu'au  pluriel. 
Dans  le  discours  familier,  il  se  dit  quel(|ucfois 
en  plaisanterie  :  Il  nous  conte  sans  cesse  des  do- 
léances. 

Dolemment.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  :  il 
parlait  dolemment,  il  avait  parlé  dolemment. 


DOM 

DoLEKT,  Doi.r.NTF,.  Adj.  Il  se  dit  des  personnes 
et  des  choses  «jui  y  ont  rapport  :  Un  homme  do- 
lent, une  famille  dolente,  vn  visage  dolent,  ■un- 
ton  dolent.  En  prose,  il  se  met  après  son  subst.  ; 
les  poêles  le  font  quelquefois  précéder  : 

Que  ma  fille 
Va  ranimer  ta  dolente  famille! 

(VotT.,  Enf.  prod.,  ad.  I,  se.  I,  3.) 

Domanial,  Domaniale.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  On  dit  domaniaux  au  pluriel 
masculin  :  Les  biens  domaniaux. 

DoMESTiQUK.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Affaires  domestiques. 
Soins  domestiques.  Animal  domestique. 

DoiiESTiQLEMEM.  Adv.  Il  sc  met  après  le  verbe  ; 
R  vit  domesiiqucment  avec  nous.  Ce  mot  est  peu 
usité. 

Domicile.  Subst.  m.  Le  dimiicile,  dit  Beauzée, 
ajoute  à  l'idée  d'habitation  celle  d'un  rapport  à 
la  société  civile  et  au  gouvernement;  do  là  vient 
que  ce  terme  n'est  guère  usité  que  dans  le  style 
de  pratique. 

Do»iiN.4NT ,  Dominante.  Adj.  verbal  tiré  du 
verbe  dominer.  Il  ne  se  dit  point  des  personnes, 
et  se  met  toujours  après  son  subst.  :  Goût  domi- 
nant, passion  dom.inante.  —  Idée  dominante. 
Féraud  critique  avec  raison  le  mot  dominant 
dans  cette  phrase  de  Bossuet  :  Ces  institutions 
étaient  propres,  de  leur  nature,  à  former  un 
peuple  invincible  et  dominant;  il  fallait  dire  do- 
minateur. 

Dominateur.  Subst.  m.  Il  l'ait  au  féminin  tfo- 
minalrice  :  Elle  voyait,  pour  ainsi  dire,  les  on- 
des se  courber  sous  elle,  et  soumettre  toutes  leurs 
vagues  à  la  dominatrice  des  mers.  (  Bossuet, 
Oraison  fun.  de  la  reine  d'Anglet.,  p.  39.) 

Du  cfïur  humain,  sombres  dominati  ioes, 
C'est  vous,  surtout,  fougueuses  passions, 
Dont  les  folles  émotions 
Des  plus  chers  entretiens  nous  gâtent  les  délices. 

(Dblil.,  Convers.,  II,  761.) 

Il  s'emploie  adjectivement  :  Un  peuple  doniina- 
lem' peut  s'affranchir  de  tout  impôt,  parce  qu'il 
règne  sur  des  natioiis  sujettes.  (Montesquieu, 
Esprit  des  Lois,  liv.  Xllî,  chap.  xii.) 

Un  jour  doit  s'élever  des  cendres  de  Pergamc 
Un  peuple  de  sa  ville  orgueilleux  destructeur 
Et  du  nonde  conquis  vaste  dominateur. 

(DEtiL.,  Énéid.,  I,  34.) 

On  peut  dire  aussi  nation  dominatrice. 

Dommage.  Subst.  m.  C'est  dommage,  suivi  (|c 
que,  exige  le  subjonctif  :  C'est  dommage  quil 
ait  clé  gâté  ;  c'est  dommage  qu'il  nuit  pas  réussi. 
—  Dans  les  phrases  proverbiales,  restes  du  vieux 
langage,  ou  pas  était  haititiiellement  retranché, 
on  le  retranche  encore  aiijourd'iiui  :  C'est  dom- 
mage qu'il  ne  fosse  cela,  c'est  dommage  quil  ne 
se  joue  à  moi.  Voyez  Détriment. 

Dom.mageable.  Adj.  des  deux  genres.  L'Acadé- 
mie ne  le  met  que  suivi  de  la  préposition  à  ;  et, 
par  conséquent,  il  doit  toujours  suivre  son  subst.  : 
Une  entreprise  dommageable  au  public.  Celte 
démarche  lui  a  été  dommageable. 

DoMPT.vBLE.  Adj.  des  'ieux  genres.  On  ne  fait 
plus  sentir  le  j)  dans  la  ^/rononciation,  et  on  pro- 
nonce le  m  comme  jn  n.  Il  se  met  aprcs  son 
subst.  :  Animal  domptable,  cheval  domptable. 
VOY.  Dompter. 

Dompter.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  On  ne  fait  point 


DON 


227 


sentir  le  p,  et  on  prononce  le  vi  comme  un  n, 
donier.  Delille  l'a  dit  des  métaux  (Enéide,  YU, 
871)  : 

Cinq  cités  à  la  fois,  sous  les  pesants  marteaux, 
l''oat  retentir  l'enclume  et  domptsnt  les  métaux. 

Féraud  prétend  que  l'on  prononce  le  p  dans  le 
discours  soutenu.  Rien  ne  serait  plus  dur  que 
la  prononciation  de  ce  p  dans  un  vers.  Qu'on  es- 
saie de  le  faire  sentir  dans  les  vers  suivants,  et 
l'on  s'en  convaincra  : 

Pardonnez-moi,  grands  dieux,  ce  souvenir  funeste  : 

D'un  feu  que  j'ai  dompté,  c'est  le  malheureux  reste. 

(Volt.,  OEd.,  act.  II,  sc   il,  33.) 

Dompteur  Subst.  m.  On  prononce  donteur. 
Il  est  peu  usité,  et  ne  sc  niel  qu'avec  un  com- 
plément :  Le  dompteur  des  monstres,  le  domp- 
teur des  nations.  Il  n'a  point  de  féminin. 

Don.  Subst.  m.  L'Académie  l'explicpie  par 
présent  et  gratification.  Cela  ne  donne  point  une 
idée  exacte  du  don.  Le  don  est  l'action  de  donner 
graïuilemcnt,  ou  la  ciiose  gratuitcineni  donnée, 
par  opposition  à  ce  ([u'oii  donne  pour  prix,  pour 
salaire,  jiour  acquit,  à  titre  onéieux.  Le  prei-en/ 
est  ce  que  l'on  présente  en  main,  ce  qu'on  donne 
delà  mainàlainain.  On  \,i\\.  présent  d'un  écrin 
de  diamants;  on  fait  don  d'une  terre,  d'une 
maison.  Le  don  a  pour  but  particulier  l'avantage 
de  celui  à  qui  on  le  fait;  on  fait  |)lutôt  don  de 
choses  utiles.  Le. présent  est  plutôt  offert  par  le 
désir  de  plaire;  on  fuit  plulôtpreW/tf  de  choses 
agréables.  Yoilà  pourquoi  on  dit  plulôt  les  don* 
de  Cérés  et  les  présents  de  Flore.  (Roubaud.)  — 
On  dit  avoir  le  don  de  plaire  à  tout  le  monde;  on 
dit  aussi  absolument  en  ce  sens,  le  don  de  plaire  : 

Cet  heureux  don  de  plaire, 
Qui  mieux  que  la  vertu  sait  régner  sur  les  cœurs. 
(Volt.,  aenr.,  HI,  68.) 

Donatecr.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme 

on  dit  donatrice. 

Donc.  Conjonction.  Le  c  se  prononce  comme 
un  k  lorsque  donc  commence  la  jihrase  ou  qu'il 
est  suivi  d'une  voyelle  :  f^otre  maître  vous  aime, 
donk  vous  devez  l'aimer;  votre  frère  est  don- 
kurrivé.  Mais  devant  une  consonne,  lorsqu'il  est 
dans  le  cours  de  la  phrase,  il  ne  se  prononce  pas  : 
Foire  père  est  don  sorti.  (Wailly.) 

Donc  se  met  à  la  tête  de  la  phrase  ou  après  le 
verbe,  ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Je 
pense,  donc  j'existe  ;  vous  avez  fait  une  faute, 
il  faut  donc  h  réparer.  Il  se  plaint,  nn  l'a  donc 
maltraité'^ 

Malherbe  commence  ainsi  une  de  ses  ode 
(liv.  II,  Ode  pour  le  roi  allant  châtier  la  rébel- 
lion des  Jîochellois)  : 

Donc  un  nouveau  labeur  i  tes  armes  s'apprôle. 

Voltaire  n'approuvait  pas  un  tel  emploi  du 
mot  donc.  Voici  ce  qu'il  dit  au  sujet  du  vers 
suivant  de  Corneille  [Rodog.,  act.  I,  sc.  ii,  'J2)  : 

Donc,  pour  moins  hasarder,  j'aime  mieux  moins  prélomlre. 

Donc  ne  doit  jamais  entrer  dans  un  vers,  encore 
moins  le  coinmencei-.  Quoi  donc  se  dit  très-bien, 
parce  que  la  syllabe  ^mm  adoucit  la  dureté  de  la 
syllabe  donc. 

Racine  a  dit  (Androm.,  act.  II,  sc.  ii,  83)  : 

Je  suis  donc  un  témoin  de  leur  peu  de  puissance. 


228 


DON 


Mais  remarquez  que  ce  mol  tsl  glissé  dans  le 
vers,  et  que  sa  rudesse  csl  adoucie  par  la  voyelle 
qui  le  suit.  [Remarques  sur  Cornenle.) 

Do.NNA>T,  Do^^A^TE.  Adj.  verhal  tire  du  v. 
dimncr.  Il  ne  se  dit  qu'avec  la  iicgalivc,  et  se 
met  toujours  a|>rés  son  subst.  :  Il  n'est  pas  don- 
nant, elle  n'est  pus  donnante. 

Donner.  V.  a.  de  lai"  conj.  Z)i)n7icr,  dans  le 
sens  de  faire  don,  diffère  de  présenter  cl  d'offrir. 
Il  marque  plus  particulièrement  l'acte  de  la  vo- 
lonté qui  transporte  la  propriété  de  la  chose. 
Présenter  désigne  proprement  l'action  extérieure 
de  la  main  ou  du  geste,  pour  livrer  la  chose 
dont  on  veut  transporter  la  propriété  ou  l'usage. 
Offrir  exprime  particulièrement  le  mouvement 
du  coeur  (jui  tend  à  ce  transport.  (Girard.)  11  y 
a  plusieurs  substantifs  qui  ne  prennent  point  l'ar- 
ticle lorstju'ils  sont  régimes  directs  de  ce  verbe: 
Donner  avis,  assurance,  assignation,  attention, 
audience  ;  donner  conseil,  caution,  chasse,  car- 
rière, cours  ;  donner  heure,  jour  ;  donner  parole , 
part,  prise  ;  donner  quittance,  raison,  rendez- 
vous,  tort,  etc.  11  y  en  a  d'autres  qui  prennent 
l'article  dans  le  même  cas  :  Donner  le  branle, 
donner  un  bon  tour  à  une  affaire,  doniier  un 
démenti,  dionner  l'absolution  .  la  bénédiction, 
l'exclusion  ;  donjier  des  louanges,  des  preitves, 
des  ?nai'qves,  des  conseils,  des  avis.  Donner 
la  loi,  donner  le  ton,  Vexemple.  Donner  la 
chasse,  la  main,  le  bonjour,  le  bon  s/dr,  etc. 

Donner,  devant  un  inlinitif,  régit  la  préposition 
à  :  Donner  à  manger,  à  boire  ;  doiiner  à  penser, 
à  songer,  à  discourir,  à  parler,  à  entendre,  à 
connaître,  à  deviner. 

Je  te  donne  à  combattre  un  tiomme  à  redouler. 

(Corn.,  Cid,  ad.  I,  se.  viu,  16.) 

11  s'unit  dans  plusieurs  expressions  avec  la  pré- 
position dans  :  Donner  dans  le  piège,  dans  le 
panneau;  donner  dans  les  bâtiments,  dans  les 
tableaux,  etc. 
Donner  se  dit  pour  communiquer  : 

Les  Espagnols  enfin  t'ont  donne  leur  fureur. 

(Volt.,  4!ï.,  act.  V,  se.  v,  8.) 

Donneur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  feinmc 
on  dit  donneuse. 

Dont.  Adj.  conjonctif  des  deux  genres  et  des 
deux  nombres.  Lorsque  le  conjonctif  est  le  terme 
d'un  rapport  qu'on  pourrait  exprimer  par  la  pré- 
position de,  dont  s'emploie  en  parlant  des  choses 
et  des  personnes  :  Alexandre,  dont  vous  lisez 
l'histoire,  les  hommes  dont  vous  craigniez  la  mé- 
chanceté, les  biens  dont  vous  jouissez. 

Malgré  cette  explication,  qui  est  de  Condillac, 
Féraud  s'exprime  ainsi  à  ce  sujet  :  ^  11  y  a  long- 
temps qu'on  a  dit  que  dont  ne  se  dit  que  des 
f  choses,  et  que  pour  les  personnes  il  faut  dire 
de  qui.  On  a  repris  Malherbe  d'avoir  dit  (liv.  \\, 
Vers  funèbres  sur  la  mort  de  Henri  le  Grand, 
53): 

Pour  moi,  dont  la  faiblesse  à  l'orage  succombe. 

On  a  observé  qu'il  fallait  dire  de  qui.  Cependant 
on  manque  tous  les  jours  aux  régies  qu'on  sait 
le  mieux;  et  M.  d'Alembert  a  fait  une  faute  en 
disant  :  Ils  se  rappelleront  celui  dont  ils  les 
'  tiennent.  M.  Linguet  a  relevé  cette  faute.  » 

Opposons  à  Féra-jd  et  à  I.inguel,  Vaugelas,  qui 
approuve  cette  façon  de  parler  et  dit.  L'homme 
donl^'at  épousé  la  fille,  dont  je  vous  ai  pai'lé  ; 


DOR 

Thomas  Corneille,  qui  dit  :  C'est  un  homme  dont 
le  mérite  égale  la  naissance  ;  d'Alembert,  qui  a 
dit  :  Ils  se  rappelleront  celui  dont  ils  les  tien- 
nent ;  et  l'Académie,  qui  dit:  Dieu,  dont  nous 
admirons  les  œuvres,  les  héros  dont  il  tire  so» 
origine;  et  concluons  que  rfoH<  se  dit  égalemeiu 
des  personnes  et  des  choses. 

On  peut  quelquefois,  en  parlant  des  choses, 
employer  duquel  ou  de  laquelle  au  lieu  de  dont, 
mais  ce  derLer  est  toujouis  préférable.  On  dira 
mieux  :  Cn  arbre  dont  le  fruit  est  excellent, 
qu'un  arbre  duquel  le  fruit  est  excellent. 

Lor.squ'aprés  le  sujet  auquel  si:  rajjporle  le 
conjonctif  il  se  trouve  une  prciiusilion,  on  ne 
peut  se  servir  de  dont;  on  emploie  dans  ce  cas 
duquel  ou  desquels  :  L'homme  à  la  réputation 
duquel  vous  voulez  nuire  ;  et  non  pas  dont  vous 
voulez  nuire. 

Dont  ne  doit  pas  cire  éloigné  du  nom  auquel 
il  se  rapporte. 

Dont  ne  doit  pas  être  régi  par  des  prépositions. 
On  ne  dit  point  la  ville  dont  je  suis  près,  dont 
je  suis  loin  ;  mais  la  ville  près  de  laquelle,  loin  de 
laquelle  je  suis.  La  raison  de  cela,  c'est  que  les 
prépositions  ne  doivent  pas  être  mises  après  leur 
complément. 

Quoiqu'on  dise  tomber  d'un  rang,  on  ne  doit 
pas  dire  le  rang  dont  ils  sont  tombés,  mais  d'oii 
ils  sont  tombés.  L'on  dit  aussi  la  maison  d'où  je 
sors,  le  lieu  d'où  je  viens.  Cependant,  quand 
7nawon  signifie  race,  il  faut  dire  dont:  La  mai- 
son dont  il  sort  est  illustre.  {\a\iQchs,  Thomas 
Corneille.) 

On  voit  par-là  qu'il  faut  employer  (Toà  quand 
il  est  question  d'un  lieu  que  l'on  quitte;  mais, 
quand  il  n'est  pas  question  de  lieu,  on  peut  em- 
ployer do?it.  On  dit  très-bien  la  maison  dont  j'ot 
fait  l'acquision,  quoique  maison  ne  signifie  point 
ici  race. 

On  a  reproché  à  Boileau  d'avoir  dit  (^a^  IX,  1): 

C'est  à  vous,  mon  esprit,  à  qui  je  veui  parler; 

parce  que  l'usage  ne  permet  pas  de  donner  à  un 
verbe  actif  deux" régimes  indirects.  Par  la  môme 
raison  on  ne  peut  pas  dire,  comme  Molière  dans 
les  Amants  magnifiques  (act.  11,  sc.  ni),  ce  n'est 
pas  i\(t  \o\M,  madame,  ào\\\.  ilest  avioureux;  ni 
comme  Voltaire,  dans  le  Siècle  de  Louis  XIV, 
ce  fut  de  lui  et  de  lui  seul  dont /e  tins,  etc.  II 
fallait  dire  ce  n'est  pas  de  vous  qu'il  est  OTnou- 
reux,  ce  fut  de  lui  que  je  tins,  etc. 

Dont  régit  le  subjonctif  quand  il  est  précédé 
d'une  phrase  interrogative  ou  qui  m;irque  un 
doute,  un  désir,  une  condition  :  Pensez-vous  que 
le  jeu  soit  une  passion  dont  on  doive  redouter  les 
suites  9 

Voltaire  a  dit  dans Sémiramis  (act.  III,  se.  ii, 
43): 

Quel  pouvoir  a  brisé  l'étemelle  barrière 
Dont  le  ciel  sépara  l'enfer  et  la  lumière? 

La  Harpe  dit  à  ce  sujet  :  Proprement,  dont  si- 
gnifie de  qui,  duquel,  et  non  par  qui,  par  lequel. 
Mais  en  poésie,  l'exemple  des  meilleurs  écrivains, 
et  l'avantage  de  la  précision,  quand  elle  ne  nuit 
pointa  la  clarté,  autorisent  l'une  et  l'autre  ac- 
ception. [Cours  de  littér.) 

Dorénavant.  Adv.  11  peut  se  mettre  avant  ou 
après  le  verbe  :  Dorénavant  je  serai  plus  exact. 
Je  serai  dorénavant  plus  exact,  je  serai  plus 
exact  dorénavant.  11  se  met  aussi  entre  l'auxiliaire 
et  le  participe  :  Je  serai  dorénavant  intimidé  en 


DOS 

le  voyant  paraître.  Copondant  il  vaut  mieux  dire 
dorénavant  je  serai  intimidé. 

DoRMAM,  Dormante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
dormir.  11  ne  se  dit  qu'au  fiçurc;  et  cii  i)rose 
il  suit  ordinairement  son  subsl.  :  Eaxi  dormante, 
châssis  dormant,  pont  dormant.  Delillc  a  dit  en 
vers  {Géorff.  1,  139)  : 

TantAt  son  bras  actif,  desséchant  les  marais. 
De  leurs  dormantes  eaui  délivre  les  guérels. 

Féraud  prétend  qu'on  ne  dit  pas  un  homme 
dormant,  parce  que  cet  adjectif  verbal  ne  se  dit 
qu'au  figuré.  Mais  cela  n'empêche  pas  que  dor- 
mant, participe  actif,  ne  puisse  se  dire.  C'est 
donc  à  tort  (ju'il  a  critiqué  cette  phrase  de  Fé- 
nelon  :  Tel  qu'un  homme  dormant,  qui,  dans  un 
songe  affreux,  ouvre  la  bouche,  et  fait  des  efforts 
pourparler.  [Télém.)On  dirait  dans  le  même  sens 
une  femme  dormant  d'uii  profond  sommeil.  Fé- 
raud a  confondu  l'adjectif  verbal  avec  le  participe 
présent. 

Dormir.  V.  n.  et  irrég.  de  la  2''conj.  11  se  con- 
jugue comme  sentir.  Voyez  Irrégulier. 

Féraud,  en  observant  que  les  poètes  font  dor- 
mir les  choses  inanimées,  se  joint  à  l'auteur  de 
YAnnée  littéraire  pour  tourner  en  ridic\iie 
Koucher,  ijui  fait  dormir  les  vents  et  les  airs. 
Cependant  il  convient  que,  dans  ce  vers  de  Ra- 
cine {Iphig.,  act.  I,  se.  1,  9)  : 

Mais  tout  dort,  et  l'armée,  et  les  venta,  el  Neptune, 

et  dans  cet  autre  de  La  Fontaine  (liv.  III,  fable  m, 
14): 

Guillot,  le  vrai  Guillol,  étendu  sur  l'herbette. 

Dormait  alors  profondément. 
Son  chien  dormait  aussi,  comme  aussi  sa  musette, 

cette  expression  est  employée  avec  beaucoup 
d'adresse,  de  délicatesse  et  d'art.  Pourquoi  se 
moquer  dans  Roucher  de  ce  qu'on  loue  dans  Ra- 
cine el  dans  La  Fontaine?  Dclille  aurait  mérité 
de  même  l'adnimadvcrsion  de  Féraud  el  des  au- 
teurs de  V  Année  littéraire,  car  il  a  dit: 


DOU 


22U 


Triste  divinité. 


Permeltei  qu'un  mortel  de  vos  rives  funèbres 
Trouble  le  long  silence  cl  les  vusles  ténèbres 
Et  sonde,  d^ns  se.4  vers  noblement  indiscrets, 
L'abime  impénétrable  où  dorment  vos  secrets. 

{ÉnHd.,  VI,  347.) 

Tout  à  coup  l'air  se  tait,  le  vent  meurt,  le  flot  dort. 
{Idem,  VU,  31). 

A  ses  pieds  le  flot  dort  dans  un  calme  profond. 

{Idem,  I,  228.) 

DoBHiR.  Subst.  m.  qui  a  été  employé  par 
quelques  auteurs.  La  Fontaine  dit  que  le  finan- 
cier se  plaignait 

Que  les  soins  de  la  Providence 
N'eussent  pas  au  marché  fait  vendre  le  dormir, 
Comme  le  manger  et  le  boire. 

(Liv.  VIU,  fab.  n,  11.) 

Wailly  observe  que  ce  substantif  ne  s'unit 
point  à  des  adjectifs,  et  qu'il  n'a  point  de  plu- 
riel. On  ne  dit  point  un  grand  dormir,  de  grands 
dormirs. 

Dos.  Subst.  m.  Le  s  ne  se  prononce  que  de- 
vant une  voyelle,  et  alors  il  a  le  son  du  z.   Ce 


mot  s'emploie   figurémcnl   dans  le  stvie  noble. 
Racine  a  dit  [Phcd.,  act.  V,  se.  vi,  26)  : 

Cependant  sur  le  dos  de  la  plaine  liquide  ; 

Et  Delille  (Énéid.,  VIII,  301)  : 

Sur  le  dos  hérissé  de  cet  antre  sauvage. 
Un  roc,  séjour  chéri  des  oiseaux  de  carnage. 
En  pyramide  aiguë  allongé  vers  les  cieui, 
Cacliait  dans  le  nuage  un  front  audacieux. 

Dot.  Subst.  f.  Le  t  se  prononce  au  singulier 
et  au  pluriel. 

Dotal,  Dotale.  Adj.  Il  fait  au  pluriel  dotaux  : 
Des  Liens  dotaux. 

DouDLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met,  selon 
les  cas,  avant  ou  après  son  subst.  :  Double  louis, 
fête  double,  acte  double.  Voyez  Adjectif.  En 
grammaire,  on  appelle  double  sens,  une  phrase 
qui  a  deux  signilications. 

Doublement.  Adv.  11  se  met  après  le  verlMî 
ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe:  //  est  dorf 
blême nt  coupable,  il  a  été  doublement  puni. 

Douceâtre.  Adj.  des  deux  genres.  On  pro- 
nonce dovcdtre.  11  se  met  après  son  subst.  :  fin 
goût  douceâtre,  une  eau  douceâtre. 

Doucement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Marcher  douceinent,  parler  doucement;  il  a 
marché  doucement. 

Doucereux,  Doucereuse.  Adj.  Il  se  dit  des 
personnes  et  des  choses,  et  se  prend  toujours  en 
mauvaise  part  :  f^in  doucereux,  liqueur  douce- 
reuse ;homme  doucereux, 'tiiine  doucereuse.  On 
peut  le  mettre  avant  son  subst.  lorscpie  l'analogie 
et  l'harmonie  le  permettent  :  Cette  doucereuse 
humeur. 

Douceur.  Subst.  f.  Il  ne  s'emploie  au  pluriel 
que  dans  le  sens  figuré  :  Les  douceurs  de  la  so- 
ciété, la  solitude  a  ses  douceurs,  conter  des  dou- 
ceurs. 

Douillet,  Douillette.  Adj.  Il  se  met  après 
son  subst.  :  Un  homme  douillet,  une  femme 
douillette. 

Douillettement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe, 
ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  était  cou- 
ché douillettement  sur  un  lit,  ou  il  était  douil- 
lettement couché  sur  un  lit. 

Douleur.  Subst.  f.  Féraud  prétend  que  dou- 
leur ne  se  dit  guère  au  pluriel,  et  que  l'Acadé- 
mie n'en  met  point  d'exemples.  C'est  une  double 
erreur;  l'Académie  dit  les  douleurs  de  la  goutte, 
de  l'enfantement,  et  l'on  emploie  fréciueininent 
ce  mot  au  pluriel,  tant  en  prose  (ju'en  vers  : 

Soit  qne  dans  ces  moments  où  je  l'ai  rencontrée. 
Mon  âme  tout  entière  à  son  bonheur  livrée, 
Oxl'liant  ses  douleurs,  et  chassant  tout  effroi. 

(Volt.,  Uahom.,  act.  III,  se.  i,  25.) 

Immolez  au  public  les  douleurs  de  voire  ime. 

{Idem,  act.  I,  se.  i,  46.) 

Soit  quo,  (irivé  d'enfants,  je  cherche  à  dissiper 
Celte  nuit  de  douieur»  qui  vient  m'envelopper. 

[Idem,  ad.  I,  se.  I,  75.) 

DouLOiR.  V.  pronom,  de  la  3«  conj.  Mercier 
voudrait  rajeunir  ce  vieux  mot.  Douloir,  dil-il, 
venant  de  douleur,  est  plus  expressif  que  gémir 
ou  se  plaindre,  et  peint  d'ailleurs  la  souffrance 
du  corps  :  Il  ne  fit  que  se  douloir  toute  la  nuit. 

Douloureusement.  Adv.  Il  se  met  après  le 
verbe,  ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  .té- 
tait plaint  douloureusement,  OU  il  s'était  dou- 
loureusement plaint. 


230 


DOU 


DouLODBEDX,  DocLouRECSE.  Adj.  Il  lie  se  dit 
que  des  choses,  el  se  met  avant  ou  après  son 
subsl.  :  Un  souvenir  douhivrcvx,  un  doulotirevx 
sovrenir.  On  ne  dirait  y>\\i,  doxduurevT  cris,  mais 
on  dirait  de  douloureux  accents. 

DouT'E.  Subsl.  m.  On  dit  éclaircir  un  doute. 

Un  moment  quelquefois  écluireit  plus  d'un  doute. 
(Rac,  Jphig  .  act.  II,  se.  V,  14.) 

DocTER.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Racine  a  pris 
cfcwiflr  dans  le  sens  d'hésiter  (y^/A.,  act.  III,  se.  iv, 

22): 

Pourricz-vous  un  moment  douter  Ue  l'accepter  ? 

Féraud  assure  qu'on  ne  peut  dire  douter  d'une 
personne,  et  critique  ce  vers  de  Voltaire  (Zaïre, 
act.  III,  se.  IV,  9)  : 

Il  doute  de  sa  fille  et  de  ses  sentiments, 

et  cette  phrase  de  Bossuel  :  Il  n'y  a  que  saint  Tho- 
mas dont  Luther  ait  voulu  douter.  —  Je  pense 
qu'on  peut  lrés-i)ien  dire  douter  de  quelqu'un. — 
Parmi  les  exemples  que  donne  l'Acadcmie  en 
4835,  on  trouve  celui-ci  :  Doutez-vous  de  mot  ? 
Lorsque  le  verbe  douter  csi  suivi  de  que,  il 
çgil  toujours  le  subjonclii',  soit  que  la  phrase 
ébit  négalivc  ou  iiun.  .Mais  lorsque  la  plirase  est 
négaliv-e,  il  faut  meure  ne  avant  le  second  verbe  : 
Je  doute  qu'il  vienjie.  Je  ne  doute  pas  qu'il  ne 
vienne.  Lorsque  la  phrase  est  intcrrogativc  il  faut 
ordinairement  ne  avant  le  second  verbe  : 

Doufx-voxu  que  l'Euxin  ne  me  porte  en  deux  jours 
Aux  lieux  où  le  Danube  y  Tient  Dnir  son  cours  î 

(Rac,  mthrid.,  act.  III,  se.  i,  43.) 

«  L'Académie,  dans  son  Dictionnaire,  en  1S35, 
donne  pour  exemple  :  Doutez-vous  que  je  sois 
malade^  Doulez-vous  que  je  ne  tombe  malade, 
si  je  fais  cette  imprudence^  Dans  le  premier 
cas,  dovtez-vouss\\i,\\\^K  révoquez-vous  en  doute., 
et  alors  la  proposition  subordonnée  est  une  affir- 
mation. Ici  donc  encore,  la  pensée  domine  la  rè- 
gle. Dans  le  second  cas,  au  contraire,  le  verbe  in- 
dique l'incertitude,  el  la  règle  s'applique.  C'est 
ainsi  que  Molière  a  pris  une  tournure  exception- 
nelle dans  ce  vers  [Etourdi,  act.  II,  se.  viii,  3)  : 

Il  ne  faut  point   douter  qu'il  fera  ce  qu  il  peut. 

«  C'est-à-dire,  on  peut  être  assuré,  il  faut  croire 
que,  etc.  (A.  Lemaire,  Grammaire  des  Gram- 
maires, p.  S62.) 

5e  douter,  se  douter  de  quelque  chose.  Il  régit 
que  avant  le  subjonctif,  si  la  i)lirase  est  négative 
ou  inlerrogative,  et  l'indicatif,  si  elle  est  aflirma- 
tive  :  Je  ne  me  doutais  pas  qu'il  vînt;pouvais-je 
me  douter  qu'il  pût  venir  sitôt  ;  je  uie  doutais 
qu'il  viendrait.  Dans  le  sens  négatif  ou  interro- 
gatif,  on  ne  met  pas  7ie  avant  le  second  verbe, 
comme  avec  douter. 

*  DouTEOR.  Subst.  m.  On  ne  le  trouve  point 
dans  les  dictionnaires,  quoique  de  bons  écrivains 
l'aient  employé  :  Quelques  yens  de  lettres  qui  ont 
étudié  l'Encyclopédie  jic  priqiosent  ici  que  des 
questions,  et  ne  dernandent  que  des  éclaircisse- 
ments :  ils  se  déclarent  douteuis  et  non  docteurs. 
(Volt.,  Introduction  aux  questions  sur  l'Ency- 
clopédie.) J'existe,  je  pense,  je  sens  de  la  dou- 
leur, tout  cela  ast-il  aussi  certain  qu'une  vérité 
géométrique?  Oui,  tout  douleur  que  je  suis,  je 
Pavouc.  (Volt.) 


DRO 

DouTEL'SEMENT.  Adv.  Il  sc  mct  après  le  verbe  : 
Il  eu  parle  douteusement.  Il  est  peu  usité. 

DoiTEux,  DouTELSE.  Adj.  Il  se  met  avant  ou 
après  son  subst.,  selon  les  cas:  Un  avenir  dou- 
teux, un  douteux  avenir.  On  ne  dirait  pas  de 
douteux  succès,  une  douteuse  réponse.  Il  faut 
consulter  riinmionie  el  l'analogie.  Voyez  Adjec- 
tif. —  La  Foiilaine  l'a  employé  dans  le  sens  df 
timide  ou  méfiant  (liv.  II,  fabl.  xiv,  17)  : 

Il  était  douteux,  inquiet. 

(Ch.  Nodier,  Examen  critique  des  dict.) 
Doux,  Douce.  Adj.  Devant  une  voyelle,  le  x  se 
prononce  comme  un  z;  dou-sau  loucher.  Cet  adj. 
précède  très-souvent  son  suhn.:  Doux  accent.t, 
doux  murmure,  doux  parfum,  douce  harmonie, 
doux  regard,  doux  souris,  doux  ramage.  11  est 
cependant  certains  subslantifs  (]ui  feraient  un 
mauvais  effet  s'ils  en  élaient  précédés,  comme 
doux  air ,  doux  temps  ,  douce  orange  ,  douce 
amande,  etc.  Il  faut  consuller  l'harmonie  et  l'ana- 
logie. Voyez  Adjectif. 

Devant  un  verbe,  cet  adjectif  est  suivi  de  la  pré- 
position de:  lï  est  doux  de  vivre  avec  ses  amis; 
devant  un  nom,  il  régit  «  .•  Un  père  doux  à  ses  en- 
fants. 

. . .  Les  dieux  me  seraient-ils  plus  dou\. 

(Volt.,  OEd.,  act.  1,  se.  l,  45.) 

Une  chose  douce  au  toucher. 

Douze.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  avant 
son  subst.  :  Douze  homyties,  douze  femmes.  Quel- 
quefois on  le  met  après;  mais  alors  il  se  prend 
pour  douzième:  Chapitre  douze,  Louis  Douze. 

Douzième.  Adj.  aes  deux  genres.  Il  se  met 
avant  son  subst.  :  Le  douzième  mois,  la  douzième 
année. 

Douzièmement.  Adv.  11  se  met,  selon  le  besoin, 
avant  ouaprès  le  verbe:  Douzièuicment,  j'exami- 
nerai, ou  j'examinerai  douzièmement. 

Dramatique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
après  son  subst.  :  Pièce  dramatique,  poëte  dra- 
matique, genre  dramatique. 

Dramaturge.  Subsl.  m.  Mot  inventé  par  ceux 
qui  n'aiment  pas  les  drames,  pour  déprimer  ceux 
qui  en  font. 

Drame.  Subsl.  m.  Ce  mot  s'emploie  dans  le 
sens  génériciiie  de  représentation  tliéàtrale.  Dans 
une  acception  moins  étendue  ,  drame  se  dit 
d'une  espèce  particulière  de  pièces  de  IhéâUe 
qui  n'est  ni  tragédie,  ni  comédie,  ni  tragi- 
comédie,  el  que  l'on  a  appelée  aussi  tragédie 
bourgeoise. 

Dkesser.  V.  a.  de  la  d"  conj.  Dans  le  sens 
d'instruire,  former,  façonner,  il  régit  à  devant  les 
noms  et  les  verbes  :  Dresser  un  chien  a  rappor- 
ter, le  dresser  à  la  chasse. 

Drille.  Subsl.  m.  On  mouille  les  l. 

Droit,  Droite.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subsl.  :  Une  ligne  droite,  un  chemin  droit,  lu 
main  droite,  le  bras  droit,  la  droite  raison,  le 
droit  chemin,  de  droit  fil,  en  droite  ligne.  Voyez 
Adjectif. 

On  demande  s'il  faut  dire  mademoiselle,  tenez- 
vous  droite,  ou  mademoiselle,  tenez-vous  droit. 
Pour  résoudre  celle  iiucslion,  il  faut  examiner  si, 
dans  celle  phrase,  droit  est  adverbe,  ou  s'il  est 
adjectif,  c'est-à-dire  s'il  modifie  le  verbe,  ou  s'il 
modifie  le  nom.  On  dit  elle  chante  faux,  elle  écrit 
droit,  parce  (pie  dans  ces  phrase.-,  faux  et  droit 
moililient  évidemment  le  verbe,  qu'ils  sjnt  ad- 
verbes, cl  (lue  par  conséquent  ils  sont  iavaria- 


DUU 

blés.  Mais  quand  on  dit  mademoiselle,  tenez-vous  1 
droite,  il  est  cvidoni  que  l'adjectif  n'est  pas  pris 
adverbialement,  qu'il  se  rapporte  à  la  personne, 
et  que  par  eoiiséiiuent  il  doit  s'accorder  avec  elle. 
Quand  je  dis  tenez-vous  droite,  c'est  comme  si 
je  disais  tenez  votre  personne  droite,  cl  droile  se 
rapporte  au  moi  personne,  i\\i\  est  sous-entendu. 
D'après  ce  princii)C,  on  jicut  dire  à  une  femme, 
marchez  droit,  et  murchez  droite.  Le  premier 
voudra  dire,  marchez  en  liane  droite;  et  le  se- 
cond, tenez-vous  droite  en  marchant. 

Droit.  Subst.  m.  Voltaire  a  dit  dans  Oreste 
(act.  V,  se.  v,  9)  : 

Je  suis  épouse  el  mère,  et  je  veux  à  la  fois, 

Si  j'en  puis  être  digne,  en  remplir  tous  les  droits. 

Terme  impropre,  dit  I.a  Harpe;  on  remplit  des 
devoirs,  on  n'a  jamais  dit  remplir  des  droits. 

Droit.  Adv.  il  se  met  toujours  après  le  verbe, 
el  jamais  entre  l'auxiliaire  et  le  parlicij)e  :  Mar- 
cher droit,  tirer  droit,  viser  droit,  aller  droit  au 
but.  Voyez  Droit,  adjectif. 

Dr.oiTEMENT.  Adv.  Féraud  observe  avec  raison 
que  ce  mot  n'est  plus  usité. 

Droitier,  Droitière.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst. 

Droiture.  Subst.  f.  Ce  mot  ne  signifie,  ni 
équité,  ni  justice,  ni  rectitude,  comme  l'indique 
l'Académie.  Béatitude  est  le  mot  qui  en  approche 
le  plus,  avec  cette  différence  qu'il  exprime  la 
conformité  de  la  chose  avec  la  règle,  sa  parfaite 
régularité,  son  exacte  ordonnance;  au  lieu  que 
droiture  désigne  la  juste  direction  vers  un  but, 
l'indication  de  la  bonne  voie  ,  le  rapport  des 
moyens  avec  la  fin.  Bouhours  a  fort  bien  observé 
que  la  droiture  ne  se  dit  (jue  de  l'âme,  pour  mar- 
quer la  probité,  la  bonne  foi,  des  vues  honnêtes 
et  pures;  et  que  si  ce  mol  s'applique  à  l'esprit, 
c'est  seulement  par  rapport  à  la  probité,  el  non  à 
l'égard  de  rinlelligeii€e.  La  droiture  est  propre- 
ment une  qualité  morale;  la  rectitude  est  une 
qualité  intellectuelle  ou  physique.  Lu  rectitude 
d'un  jugement  est  dans  sa  justesse;  et  sa  droiture, 
dans  sa  justice.  La  rectitude  est  d'un  bon  esprit, 
et  la  droiture,  d'un  cœur  honnête.  Un  esprit  de 
travers  manciue  de  rectitude  ;  un  esprit  partial,  de 
droiture.  Quoiqu'on  dise  avoir  l'esprit  droit,  le 
sens  droit,  on  ne  dit  pas  droiture  d'esprit,  el  en- 
core moins  droiture  de  sens  ;  on  éW.  justesse  d'es- 
prit. En  parlant  du  sens,  on  ne  dit  ni  justesse  ni 
droiture. 

Drôle.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met  après 
son  subst.  :  Un  homme  drôle,  un  conte  fort  drôle. 
—  Lorsqu'on  le  prend  substantivement,  il  régit 
quelquefois  la  préposition  de  :  Un  drôle  de 
corps,  un  drôle  d'homvie,  un  drôle  de  poète,  une 
drôle  de  manière  de  s'ainitser. 

Drôlement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  tiré  drôlement 
d'affaire,  ou  il  s'est  drôlement  tiré  d'affaire. 

Drôlesse.  Subsl.  f.  11  n'est  pas  le  féminin  de 
drôle:  Une  drôlesse  est  une  femme  de  mauvaise 
vie.  Ce  mol  est  très-familier. 

Dru,  Drue.  A.dj.  Il  se  met  après  son  subst.  : 
Des  moineaux  qui  sont  drus,  une  jeune  fille  qui 
est  drue. 

Do.  Mot  formé  par  contraction  de  la  préposi- 
tion de  et  de  l'article  le.  Il  équivaut  à  de  le.  Il 
se  met  devant  les  noms  masculins  qui  commen- 
cent par  une  consonne  ou  un  h  aspiré  :  du  bien, 
du  cheval,  du  héros.  Voyez  Adjectif,  Article. 
Dubitatif^  Dubitative."^  Adj.  Terme  de  gram- 


DUR 


2ôl 


maire.  Il  se  dit  d'une  préposition  ou  d'une  cun- 
jonclion  qui  exprime  le  douU'.:  Préposition  du- 
bitative. Si  est  une  conjonction  dubitative. 

Duc.  Subst.  m.  On  prononce  le  c  En  parlant 
d'une  femme  on  dil  duchesse. 

Ducal,  Ducalf,.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'jiprès 
son  subst.  L'Académie  ne  dil  pas  si  l'on  [)eut  em- 
ployer ducaus  AU  pluriel  masculin.  (Juel  incon- 
vénient y  aurait-il  a  dire  des  ornements  ducaux, 
comme  on  dil  des  oriie/nents  royaux? 

Dûment.  Adv.  qui  ne  se  dit  guère  qu'en  termes 
de  pratique.  Il  se  met  toujours  entre  l'auxiliaire 
el  le  participe  :  Il  a  été  dûment  convaincu,  dû- 
ment averti. 

Duo.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  prend  point  de  i-  au 
pluriel  :  Un  duo,  deux  duo.  —  Cette  opinion  est 
celle  de  l'Académie  de  171)8  et  de  la  Grammaire 
des  Grammaires  ;  mais  l'Académie  del835  donne 
l'exemple  suivant  :'  De  beaux  duos. 

Dupe.  Subst.  f.  Ce  mol  est  toujours  féminin, 
quoi(|u'il  soit  appliqué  à  des  noms  du  genre  n^as- 
culin  :  Il  a  été  la  dupe  do  son  bnn  cœur,  vous 
serez  sa  dupe.  La  Fontaine  l'a  fait  masculin  par 
une  licence  qui  n'a  point  eu  d'imitateurs.  Quel- 
ques écrivains  retranchent  le  prépositif;  l'Acadé- 
mie le  met  toujours,  excepté  dans  ces  deux  locu- 
tions ;  Passer  pour  dupe,  être  pris  pour  dupe. 

Duperie.  Subst.  f.  Ce  mot  a  un  sens  passif.  De 
même  qu'une  d«/)e  n'est  pas  un  trompeur,  hdu~ 
perie  n'est  pas  l'action  de  duper,  de  tromper. 
C'est  une  duperie,  signilic  c'est  une  chose  oii 
l'on  a  été  dupé,  ou  bien  dont  on  serait  la  dupe. 

Duplicata.  Subst.  m.  11  ne  prend  point  de  s 
au  pluriel. 

Dur,  Dure.  Adj.  Il  se  met  avant  son  su'dsI. 
lorsque  l'harmonie  et  l'analogie  le  permetl'iit. 
Voyez  Adjectif.  Une  pierre  dure,  un  lit  dur, 
avoir  l'oreille  dure,  une  réprimande  bien  dure, 
une  dure  réprimande.  — Avec  le  verbe  être  em- 
ployé impersonnellement,  il  demande  la  préposi- 
tion de  :  Il  est  dur  d'entendre  ces  reproches.  Ail- 
leurs il  demande  la  préposition  à  :  Ces  reproches 
sont  durs  à  entendre. 

On  dil  aussi ,  dans  le  sens  d'insensible ,  dur 
comme  un  roc,  dur  à  ses  débiteurs. 

Durable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  ordi- 
nairement après  son  subsl.  :  Un  ouvrage  durable, 
une  paix  durable,  un  bonheur  durable.  Une 
passion  durable.  Une  passion  parfaite  et  du- 
rable. Ces  faibles  succès  ne  furent  pas  durables. 
L'Europe  paraît  avoir  pris  une  assiette  dura- 
ble.  Voyez  Adjectif. 

Durant.  Préposition.  C'est  la  seule  préposition 
qu'il  soil  permis  de  placer  après  son  complément. 
On  [jeut  diiG  durant  sa  vie,  ou  sa  vie  durant, 
durant  7ieuf  ans,  OU  neuf  ans  durant.  Mais  on 
ne  dirait  pas  de  même  le  jour  durant,  la  nuit 
durant,  l'hiver  durant  :  il  faut  toujours  dire 
durant  le  jour,  durant  la  nuit,  durant  l'hiver. 
Autrefois  durant  s'employait  comme  conjonc- 
tion. On  disail  durant  que,  dans  le  sens  de  pen- 
dant que,  tandis  que;  aujourd'hui  on  ne  l'emploie 
plus  en  ce  sens.  On  confond  souven!  durant 
d.\&c pendant;  cependant  il  y  a  de  la  différence 
entre  ces  deux  expressions.  Durant  exprime  une 
durée  continue;  pendant  manpie  un  moment, 
une  époque  ou  une  durée  suscei)lible  d'interrup- 
tion. Ainsi  l'on  doit  dire  les  ennemis  se  sont 
cantonnés  durant  l'hiver,  s'ils  sont  "estes  can- 
tonnés tant  que  l'hiver  a  duré;  el  les  ennemis  se 
sont  cantonnés  pendant  l'hivej-,  s'ils  ont  seule- 
ment fait  choix  de  cette  saison  pour  se  canton- 


25S  E 

ner,  sans  cependant  qu'ils  soient  restés  tout  l'hi- 
ver dans  leur  cantonnement. 

Durée.  Subst.  f.  11  se  dit  des  choses  cl  jamais 
des  personnes  :  La  durée  de  la  vie,  la  durée 
d'un  règne  ;  mais  non  pas  la  durée  d'un  roi. 

DunEMEKT.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe  -Être 
couché  durement,  on  l'a  traité  durement.  On  lui 


a  parlé  durement,  et  non  pas  on  lui  a  durement 
parlé. 

Dyscole.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  dit  d'une 
personne  avec  qui  il  est  dillicilo  de  vivre,  ou  de 
celui  qui  s'ccarle  de  l'opinion  reçue.  Il  est  peu 
usité.  Il  se  place  toujours  aiirés  S(jn  subst.  :  f^otre 
enfant  dyscole  pâte  tout  ce  qu'il  touche.  (J.-J. 
Kouss.,  Emile,  liv.  II,  t.  vi,  p.  12(5.) 


E.    _ 


E.  Subst.  m.  C'est  la  cinquième  lettre  de  l'al- 
phabet, et  la  seconde  des  voyelles. 

On  distingue  en  fiançais  trois  sortes  d'e  :  Ve 
ouvert,  \'c  fermé,  et  Vc  muet. 

On  les  trouve  tous  les  trois  dans  les  mots  sé- 
vère, fermeté,  évêque,  échelle,  etc.  Le  prcmici"  <? 
de  set-ère  est  fermé,  c'est  pourquoi  il  est  mari]ué 
d'un  accent  aigu;  le  second  est  marqué  d'un  ac- 
cent grave,  qui  est  le  signe  de  Ve  ouvert  ;  et  le 
troisième  n'a  point  d'ac-cent,  parce  qu'il  est  muet. 

Ces  trois  sortes  d'c  sont  susceptibles  de  plus  ou 
de  moins. 

Ve  ouvert  est  de  trois  sortes  :  1"  l'c  ouvert 
commun,  autrement  dit  aigu  ;  2°  l'e  plus  ouvert, 
autrement  dit  grave  ;  3°  l'e  très-ouvert. 

I.'e  ouvert  commun,  ou  aigu,  est  l'e  que  nous 
prononçons  dans  les  premières  syllabes  de  père, 
mère  ;  dans  il  appelle,  nièce,  et  dans  tous  les  mots 
<j\i  l'e  est  suivi  d'une  consonne  avec  laquelle  il 
forme  In  même  syllabe,  à  moins  que  celle  con- 
sonne ne  soit  le  s  ou  le  j  qui  marquent  le  plu- 
riel, ou  le  nt  de  la  troisième  personne  du  pluriel 
des  verbes.  Ainsi  l'on  prononce  exa77(èw,  tel,  hèl, 
ciel,  chef,  hrèf  Joseph,  nèf,  relief,  Israèl,  Ahèl, 
Babel,  réel,  Michel,  miel,  criminel,  quel,  na- 
turel, hôtel,  mortel,  mutuel,  hymen,  Saducéèn, 
Chuldéên,  il  vient,  il  soutient,  etc. 

Toutes  les  fois  qu'un  mot  finit  par  un  e  muet, 
on  ne  saurait  soutenir  la  voix  sur  ce;  e  muet, 
puisque  si  on  la  soutenait,  l'e  ne  serait  plus  muet. 
Il  faut  donc  que  l'on  appuie  sur  la  syllabe  qui 
précède  cet  e  muet,  et  alors,  si  cette  syllabe  est 
elle-même  un  e  muet,  cet  e  devient  ouvert  com- 
mun, et  sert  de  point  d'appui  à  la  voix  pour  ren- 
dre le  dernière  muet;  ce  qui  s'entendra  mieux 
j>ar  des  exemples.  Dans  mener,  appeler,  etc.,  le 
premier  e  est  muet,  et  n'est  point  accentué;  mais 
quand  je  dis  je  mène,  j'appelle,  cet  e  muet  de- 
vient ouvert  commun. 

Les  grammairiens  disent  que  la  raison  de  ce 
changement  de  l'e  muet,  c'est  qu'r'i  ne  saurait  y 
avoir  deux  e  muets  de  suite,  ils  devraieiit  ajou- 
ter, ci  la  fin  d'un  mot  ;  car  dès  que  la  voix  passe, 
dans  le  môme  mot,  à  une  syllabe  soutenue,  cette 
syllabe  peut  être  précédée  de  plus  d'un  e  muet, 
comme  dans  redemander,  revenir,  etc.  Nous 
avons  même  plusieurs  e  muets  de  suite,  par  des 
monosyllabes;  mais  il  faut  que  la  voix  passe  de 
l'e  muet  à  une  syllabe  soutenue.  Par  exemple, 
dans  de  ce  que  je  redemande  ce  qui  m'est  dû, 
voilà  six  e  muets  de  suite  au  commencement  d'une 
phrase,  et  il  ne  saurait  s'en  trouver  deux  préci- 
sément à  la  fin  d'un  mot. 

L'e  plus  ouvert,  ou  ouvert  grave,  est  celui  qui 
se  prononce  par  une  ouverture  de  bouche  plus 
grande  que  celle  qu'il  faut  pour  prononcer  l'e 
ouvert  commun,  comme  dans  greffe. 

L'e  très-ouvert  est  celui  qui  demande  une  ou- 
verture de  bouche  encore  plus  grande,  comme 
dans  accès,  succès,  être,  tempête,  il  eit,abbesse, 


sans  cesse,  professe,  arrêt,  ftrêt,  il  rêve,  la 
tête,  etc. 

L'e  ouvert  commun,  au  singulier,  devient  ou- 
veri  long  au  pluriel  :  Le  chef,  les  chefs,  vu  autel, 
des  autels. 

Aucun  des  mots  de  la  langue,  à  l'exception 
d'être,  ne  commence  par  un  e  ïrès-ouvert,  et  au- 
cun n'est  terminé  par  cette  même  lettre.  L'e  ou- 
vert, à  la  fin  des  mots,  est  toujours  suivi  d'une 
ou  de  deux  consonnes,  procès,  désert,  arrêts. 

L'e  fermé  est  celui  que  l'on  prononce  en  ou- 
vrant moins  la  bouche  qu'on  ne  l'ouvre  lorsqu'on 
prononce  un  e  ouvert  commun;  tel  est  l'e  de  la 
dernière  syllabe  àc  bonté.  On  le  distingue  dans 
l'écriture  et  l'impression  par  l'accent  aigu.  Celé 
est  aussi  appelé  masculin,  parce  que,  lorsqu'il  se 
trouve  à  la  fin  d'un  adjectif  ou  d'un  participe,  il 
indique  le  masulin,  aisé,  habillé,  aimé,  etc. 

L'e  des  infinitifs  est  fermé  lorsque  le  r  ne  se 
prononce  point  ;  mais  lorsqu'on  le  prononce,  ce 
i]ui  arrive  toutes  les  fois  que  le  mot  (jui  suit  com- 
mence par  une  voyelle ,  alors  l'e  fermé  devienl 
ouvert  commun,  ce  qui  donne  lieu  à  deux  obser- 
vations :  la  première,  c'est  que  l'e  fermé  ne  ri- 
mant point  avec  le  ouvert,  aimer,  abîmer,  ne  ri- 
ment point  avec  la  mer.  La  seconde,  c'est  que 
comme  l'e  de  l'infinitif  devient  ouvert  commun, 
lorsque  le  r  qui  le  suit  est  lié  avec  la  voyelle  qui 
commence  le  mot  suivant,  on  peut  rappeler  la 
rime,  si  le  vers  suivant  commence  par  celle 
voyelle. 

L'e  muet  est  une  pure  émission  de  voix  qui  ne 
se  fait  entendre  qu'à  peine.  Il  ne  peut  jamais 
commencer  iine  syllabe,  et  dans  quebpic  endroit 
qu'il  se  trouve,  il  n'a  jamais  le  son  distinct  des 
voyelles  proprement  dites;  il  ne  peut  même  se 
rencontrer  devant  aucune  de  celles-ci  sans  être 
tout  à  fait  élidé. 

L'e  muet,  dans  le  corps  d'un  mol,  est  presque 
nul.  Par  exemple,  dans  demander,  on  fait  enten- 
dre le  d  et  le  m,  comme  si  l'on  écrivait  dmander. 

L'e  muet  est  long  dans  les  dernières  syllabes 
des  troisièmes  personnes  du  pluriel  des  verbes, 
quoique  cet  e  soit  suivi  de  nt.  Il  y  a  peu  de  per- 
sonnes (pii  ne  sentent  pas  la  différence  qu'il  y  a 
dans  la  prononciation  il  aime  ci.  ils  aiment. 

L'e  muet  des  monosyllabes  me,  le,  se,  de,  est 
un  peu  plus  marqué  que  l'e  muet  de  mener  ;  il 
ressemble  au  son  de  l'e».  faible. 

Dans  le  chant,  à  la  fin  des  mots  tels  que  gloire, 
fidèle,  triomphe,  l'e  muet  est  moins  faible  que  l'e 
muet  commun,  et  approche  davantage  de  l'eu 
faible. 

Les  vers  qui  finissent  par  un  e  muet  ont  une 
syllabe  de  plus  que  les  autres,  par  la  raison  que 
la  dernière  étant  muette,  on  appuie  sur  la  pénul- 
tième. Alors  l'oreille  est  satisfaite,  par  rapport 
au  complément  du  rhyihme  et  du  nombre  des 
syllabes  ;  et  comme  la  dernière  tombe  faiblement, 
et  qu'elle  n'a  pas  un  son  plein,  elle  n'est  point 


EBÉ 


233 


comptée,  ci  la  mesure  est  remplie  à  la  pénul- 
tième : 

Jeune  et  vaillant  héros,  dont  la  haute  sagesse. 

(BoiL.,  Discours  au  Roi,  1.) 

L'oreille  est  satisfaite  à  la  pénultième ^es,  qui  est 
le  point  d'appui,  apios  Icciuel  on  entend  l'e  muet 
de  la  deriiièic  syllabe  se. 

L'e  muet  est  appelé  féminin,  parce  qu'il  sert  à 
former  le  fominiii  des  adjectifs,  comme  saint, 
suinte,  pur,  pure,  etc. 

Nos  e  inucis,  qui  nous  sont  reprochés  par  un 
Italien,  dit  foliaire,  sont  précisément  ce  ipii 
forme  la  ddiciousc  harmonie  de  noire  langue  : 
Empire,  couronne,  diadème,  épouvantable,  seii- 
sihle.  Cet  c  muol,  qu'on  fait  sentir  sans  Tarlicu- 
1er,  laisse  dans  l'oreille  un  son  mélodieux,  comme 
celui  d'un  timbre  (jui  sonne  encore  quand  il  n'est 
plus  frappé.  L'entrelacement  des  rimes  masculi- 
nes et  féminines  fait,  le  charme  de  nos  vers. 
Voyez  Apostrophe,  Élision.  —  Une  observation 
fort  curieuse  faite  par  M.  Egger,  qui  a  bien  voulu 
nous  la  communiquer  et  nous  permettre  de  l'in- 
sérer dans  cet  ouvrage,  cxjjlique,  de  la  manière 
la  plus  claire  cl  la  plus  jusle,  la  cause  de  ce  re- 
tour fréquent  de  l'e  muet  dans  la  plupart  des  mots 
de  notre  langue. 

La  dernière  syllabe  des  mots  n'étant  jamais  ac- 
centuée en  latin,  et  par  conséquent  toujours  plus 
faiblement  prononcée,  a  dû  passer  facilement, 
quoique  par  une  série  de  dogradalions  apprécia- 
bles, à  l'étal  d'e  muet.  Exemples  :  vivere,  vivre; 
prvdentia,  prudence;  hninilis,  humble;  homo, 
homme,  etc.,  elc.  D'aulrcs  fois  la  finale,  au  lieu 
de  se  transformer,  a  entièrement  disparu.  C'est 
ce  qui  est  arrivé  dans  les  mots  en  mentum,  qui 
onl  servi  à  foimer  nos  mots  en  ment  :  Argumen- 
tuiii,  argument,  etc.  Cet  accent  lalin  sert  aussi  à 
expliquer  des  conUaclions  encore  plus  violentes  ; 
par  exem|)le,  j^urquoi  uvunculus  a-t-il  perdu  pré- 
cisément la  syllabe  radicale  ah  en  devenant  oncle? 
c'est  que  l'accent  était  sur  un,  qui,  devenant  ainsi 
la  syllabe  dominante,  ne  devait  point  s'effacer 
aussi  vite.  Pourquoi  dans  eleemosyna,  devenu 
aumône,  le  cenlre  du  mot  a-t-il  seul  résisté?  c'est 
que  mn  était  accentué  dans  le  mot  latin,  qui  avait 
perdu  la  trace  de  son  origine  grecque,  jX£Y,p.oa'jv/i. 
Dans  le  languedocien  on  dit  so  pour  sœur,  ou 
plutôt  pour  soror ;  co  pour  cor  ou  corde.  OEil, 
de  oculus,  conserve  dans  sa  contraction  la  syllabe 
accentuée. 

L'e  qu'on  ajoute  après  le  g,  comme  dans  je 
mangeais,  il  mangea,  n'est  mis  que  pour  empê- 
cher que  l'on  donne  au  g  le  son  fort^w,  qui  est  le 
seul  qu'il  devrait  maiNjuer.  Or,  cet  e  fait  qu'on 
lui  donne  le  son  faible,  comme  s'il  y  avait  il 
manja.  Ainsi  cet  e  n'est  ni  ouvert,  ni  fermé,  ni 
muet  :  il  marque  seulement  qu'il  faut  adoucir  le 
g,  et  prononcer  j,  comme  dans  la  dernière  syl- 
labe dégage. 

Lorsque  e  est  suivi  de  7ii,  il  prend  ordinaire- 
ment le  son  de  Va,  comme  dans  comment,  senti- 
ment, que  l'on  prononce  commun,  sentiman;  il 
faut  en  excepter  les  troisièmes  personnes  du  plu- 
riel des  verbes,  où  il  est  muet,  ils  aiment.  Mais 
si  e  est  suivi  seulement  d'un  n,  il  conserve  le  son 
qui  lui  est  propre,  citoyen,  moyen.  Il  a  aussi  le 
son  de  l'a  lors<iu'il  est  joint  à  un  w  suivi  d'un 
h,  d'un  pou  d'un  aulre  m,  coimiie  dans  embau- 
mer, empire,  emmener,  que  l'on  prononce  an- 
haumer,  anpire,  elc.  (Dumarsais  et  autres.) 

E  est  l'expression  abrégée  des  mots  Eminencc, 


Excellence,  Est.  L'exi)iession  latine  et  cœtcra 
exprimée  aulrcfois  \y.\v  un  caractère  spécial,  au- 
quel on  donnait  fori  mal  a  propos  une  place  dans 
l'alphabet,  est  représentée  aujourd'hui  par  l'a- 
bréviation suivante,  etc. 

EouEx.  l'articules  prépositives  qui  viennent 
des  prépositions  lalines  e  ou  ex,  et  (pii  hc  mol- 
lent  au  commencement  de  certains  mois,  où  elles 
marquent  une  idée  accessoire  d'exlraclion  ou  de 
si'paralion,  comme  dans  tbrancher,  ôlcr  les  bran- 
ches ;  écervcU,  qui  a  perdu  la  cervelle  ;  êdenter, 
ôler  les  dents ;e/7)r/ie,  qui  est  soustrait  au  frein,- 
élargir,  séparer  davantage  les  pariics  élémentai- 
res ou  les  bornes;  émission,  action  de  pousser 
hors  de  soi;  énerver,  ôlcr  la  force  aux  nerfs; 
épousseter,  ôlcr  la  poussière;  exalter,  mettre  au- 
dessus  des  autres;  excéder,  aller  hors  dos  bor- 
nes; cxhéréder,  ôtei'  l'Iiéritage;  exister,  élre 
hors  du  néant;  exposer,  meilre  au  dehors;  exter- 
7nincr,  mcUvc  hors  des  liornes  ou  des  termes.  Il 
ne  faul  pas  croire,  au  reste,  que  ce  soit  la  parti- 
cule e  qui  se  trouve  à  la  tète  des  mots  écolier, 
épi,  éponge,  état,  études,  espace,  esprit,  espèce, 
et  de  plusieurs  autres  (jui  viennent  de  mots  la- 
tins commençant  par  s  suivi  d'une  aulre  con- 
soime,  comme  scholaris,  spica,  spongia,  status, 
studium,  spatiuJH,  spiritus,  species,  etc.  La  dif- 
ficulté que  l'on  trouve  à  prononcer  de  suite  les 
deux  consonnes  initiales  fit  prendre  naturelle- 
ment le  parti  de  prononcer  la  première  comme 
dans  l'alphabet  es,  et  dès  lors  on  dit  et  l'on  écri- 
vit ensuite  escalier,  espi,  esponge,  estât,  espace, 
esprit,  espèce,  etc.  iJans  la  suite,  l'euphonie 
supprima  la  lettre  s  de  la  prononciation  de  (juel- 
ques-uns  de  ces  mots,  et  l'on  dit  écolier,  épi, 
éponge,  étude,  état,  et  ce  n'est  que  depuis  peu  que 
nous  avons  sui)priiné  celte  lellre  dans  l'ortho- 
gi'ajihe.  Elle  subsiste  encore  dans  celle  des  mots 
espace ,  esprit ,  espèce ,  parce  tpi'on  l'y  pro- 
nonce. Si  cet  e  ne  s'est  point  mis  dans  les  déri- 
vés de  ces  mots,  ou  dans  d'autres  mots  d'origine 
semblable,  c'est  <]u'ils  se  sont  introduits  dans  la 
langue  en  d'autres  temps,  et  (|u'élant  d'un  usage 
moins  populaire,  ils  ont  été  moins  exposés  à  souf- 
frir (]uel(iue  altération  dans  la  bouche  des  gens 
éclairés  qui  les  introduisirent. 

Eau-de-vie.  On  écrit  au  pluriel  des  eaux-de- 
vie.  Voyez  Composé. 

Ebahir.  V.  n.  de  la  2'  conj.  Corneille  a  dit 
{Pol.,  act.  III,  se.  n,  30)  : 

Et  si  de  tant  d'amour  tu  peux  être  ébahie... 

Ébahi,  dit  Voltaire,  ne  s'emploie  que  dans  le 
bas  comique.  {Remarques  sur  Corneille.)  Il 
s'emploie  aussi  familièrement  dans  la  conversa- 
tion. 

ÉBAT.  Subst.  m.  Il  n'est  que  du  style  fami- 
lier, et  ne  se  dit  qu'au  pluriel:  Les  ébats. 

Ébattre  (s').  V.  pronom,  et  irrésul.  de  la 
4"  conj.  Il  se  conjugue  comme  le  verbe  battre. 
Voyez  ce  mot. 

Ebacbi,  Êbaubie.  Adj.  Il  est  familier,  Molière 
et  Voltaire  l'ont  employé  : 

Je  suis  tout  ^6ou6ic,  et  je  tombe  des  nues. 

(Tart.,  act.  V,  se.  V,  4.) 

Je  suis  émerveillée, 
Tout  ébaubie  et  toute  consolée. 

[Enf.  /'rod  ,acl.  V,  se.  VII,  33.1 

ÊBÈNE.  Subst.  f .  Voltaire  a  fait  ce  mol  mascu* 


234  ÉCA 

lin.   {Dialogue  de  Pégase  et  du  f^teillard,  99)  : 

Je  vis  Martin  Fréron,  à  la  mordre  allaché, 
Cansumer  de  ses  dents  tout  l'ékéne  ébréché. 

Celle  licence  n'esl  pas  licureuse.  Ce  qui  a  siire- 
ment  lroinj)6  VDllaire,  c'est  que  les  Lalins  ap- 
pelaient Vebène,  ebenus  ;  mais  il  n'a  pas  remarqué 
que  tous  les  noms  d'arbres  de  cette  terminaison 
sont  féminins.  (Ch.  Nodier,  Examen  critique  des 
Bict.  ) 

*  ÉBERNEOR.  Snbst.  m.  Qui  cberne,  qui  essuie 
les  excréments  d'un  enfant  au  maillot.  Voltaire, 
dans  sa  belle  humeur,  cmiiloic  ce  mot  inusité.  Il 
écrit  à  d'Alcmbert  :  Laissez-le  devenir  historio- 
graphe, instituteur,  correcteur ,  éberncur  des 
enfants  de  France,  et  tout  ce  qu'il  voudra. 

*  Ebêtir.  V.  a.  de  la  2"  conj.  Ce  veibe  a  été 
hasardé  par  Voltaire  :  Quand  ils  l'eurent  ébêti, 
ils  lui  proposèrent   de  se  faire  moine  et  prêtre. 

Il  n'est  guère  usité  qu'eu  conversation.  Il  ex- 
prime bien  ce  que  l'on  a  souvent  besoin  d'ex- 
primer. —  Pas  si  bien,  ce  nous  semble,  que  le 
mot  abêtir,  consacré  par  ce  passage  célèbre  de 
Pascal  :  Suivez  la  manière  par  oii  ils  ont  com- 
Tnencé;  c'est  en  faisan  t  tou  t  comme  s'ils  croyaient , 
en  prenant  de  l'eau  bénite^  en  faisant  dire  des 
messes,  etc.  Naturellement  même,  cela  vous  fera 
croire  e/ r-ows  abélira.  {Pensées,  p.  272.) 

Ce  mot  a  clé  aussi  employé  par  VoUaire  :  J 
quinze  ans  un  jésuite  m'enguinauda,  je  fus 
novice,  on  m'al)élit  pendant  deux  années.  Enfin, 
il  est  admis  dans  la  dernière  édition  du  Diction- 
naire de  V Académie. 

ËBLOLISSA^T,  Éblouissante.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subsl.  en  consultant  l'analogie 
et  l'harmonie  :  Eclat  éblouissant,  couleur  éblouis- 
sante, beauté  éblouissante,  cette  éblouissante 
beauté.  Voyez  Adjectif. 

Ébouillik.  V.  II.  de  la  2°  conj.  Il  se  conjugue 
comme  bouillir,  et  ne  s'emploie  qu'à  l'infinitif 
et  au  participe  passé. 

ÊBOCLER.  V.  pronom,  de  la  1"  conj.  Ce  mol 
se  dit  particulièrement  des  terres,  ou  d'autres 
choses  mises  les  unes  sur  les  autres.  Les  terres 
à\in  fossé  s'éboulent,  une  pile  de  bois  s'éboule. 
Mais  on  ne  dit  pas  qu'j/w  bâtiment  s'éboule,  pour 
dire  qu'il  se  détruit  ou  se  dérange;  on  dit  qu'j/ 
s'écroule. 

Ebourgeonnement.  Subsl.  m.  Ebourgeosner, 
V.  a.  de  la  J'"  conj.  Dans  ces  deux  mots,  l'e  qui 
est  après  le  g  ne  se  prononce  pas,  il  n'est 
la  que  pour  donner  au  g  le  son  doux  qu'il  n'au- 
rait pas  avant  Vo. 

Ebranler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Racine  a  donné 
à  ce  mot  des  régimes  dont  on  ne  trouve  point 
d'exemples  dans  le  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie : 

Quoi',  toujours  lei  plus  grandes  merveilles. 

Sans  ébranler  ton  cœur,  frapperont  tes  oreilles  ! 

(Âth.,  act.  I,  se.  I,  107.) 

El  les  dons  achevant  d'ébranler  leur  devoir. 

[Baj.,  act.  I,  se.  i,  151.] 

Croirai-je  qu'une  nuit  a  pu  yoaa  ébranler. 

{Iphig.,  act.  I,  se.  m,  7  ) 

Deiille  a  dit  (XII,  1077)  : 

Le  choc  des  boucliers  ébranle  au  loin  les  airs. 

ÊcAiLLEux,  Écaillecse.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Ardoise  écailleuse,  peau 
écailleuse,  racine  écailleuse. 


ÉCH 

Ecart.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  t.  Au 
physique,  on  donne  ce  nom  à  tout  ce  qui  s'é- 
loigne d'une  direction  qu'on  dislingue  de  toute 
autre,  par  (pielque  considéralion  particulière; 
et  on  le  transporte  au  figuré,  en  regardant  la 
droite  raison  ou  la  loi,  ou  (lueUiue  autre  principe 
de  logique  ou  de  morale,  comme  des  diiections 
qu'il  convient  de  suivre  pour  éviter  le  blàmc. 
Ainsi  il  paraît  qu'écart  ne  se  devrait  jamais 
prendre  qu'en  mauvaise  jiart.  Cependant  il  sem- 
ble (ju'un  In  i)rend  quelquefois  en  bonne  pari, 
et  l'on  dit  fort  bien  c'est  un  esprit  servile  qui 
7i'ose  jamais  s'écarter  de  la  route  commune.  Je 
crois  qu'on  parlerait  plus  régulièremenl  en  disant 
sortir  ou  s'éloigner,  mais  peut-être  qu'écarter 
se  prend  en  Ixjnne  ou  en  mauvaise  part,  et  qu'é- 
cart ne  se  prend  jamais  qu'en  mauvaise.  Ce  ne 
serait  pas  le  seul  exemple  dans  notre  langue  où 
l'acception  du  nom  serait  plus  ou  moins  géné- 
rale que  celle  du  verbe,  oit  même  le  nom  et  le 
verbe  auraient  deux  acceptions  tout  à  fait  diffé- 
rentes. [Encyclop.)  Voyez  l'article  suivant. 

Ecarter.  V.  a.  de  la  d"'*  conj.  Kien  dans  les 
définitions  ni  dans  les  exemples  de  l'Académie  ne 
peut  s'applicjuer  aux  exemples  suivants  : 

Laissez-moi  de  l'autel  écarter  une  mère. 

(Bac,  Jphig.,  act.  1,  se.  T,  34.  i 

£'car/erne  veut  pas  dire  ici  éloigner,  mais  em- 
pêcher d'approcher. 

J' écarte  àei  soupçons  peut-être  légitimes. 

(TOLT.,  Henr.,  II,   169.) 

Écarter  dit  plus  que  mettre  à  l'écart.  On 
écarte  ce  dont  on  veut  se  débarrasser  pour  tou- 
jours ;  on  met  à  l'écart  ce  qu'on  peut  ou  iiu'on 
veut  reprendre  ensuite.  Un  jwje  doit  écarter 
toute  [prévention,  et  mettre  à  l'écart  tout  senti- 
ment personnel.  Voyez  Écart. 

Ecclésiastique.  Adj.  des  deux  genres.  Les  deux 
c  se  prononcent.  Il  se  dit  des  personnes  cl  des 
choses,  et  suit  toujours  le  subsl.  qu'il  modifie  : 
L'ordre  ecclésiastique.  Etat  ecclésiastique.  Lois 
ecclésiastiques.  Prince  ecclésiastique. 

EccLÉsiASTiQUEMENT.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'a- 
prés  le  verbe  :  //  a  vécu  ecclésiastiqtiement,  et 
non  pas  il  a  ecclésiastiquement  vécu. 

ÉCERVELÉ,  Ecervelée.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst. 

ÉcHAFAUD.  Subsl.  m.  Le  d  ne  se  prononce 
pas. 

ÉcHALAS.  Subst.  m.  Le  s  ne  se  prononce  que 
devant  une  voyelle  ou  un  h  non  aspire. 

Echangeable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Des  effets  échangea- 
bles. Il  régit  (luelquefois  la  préposition  contre  : 
Un  prisonnier  de  guerre  échangeable  contre  un 
autre. 

ÉCHANGER.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Dans  la  con- 
jugaison de  ce  verbe,  le  g  doit  toujours  avoir  le 
son  du  y,-  et  pour  le  lui  conserver  devant  un  a 
ou  un  0,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a  ou  cet 
o:  J'échangeais,  échangeons,  et  non  pas ^VW/an- 
gais,  échangons. 

ÉCHAPPER.  V.  n.  de  la  1"  conj.  C'est,  selon 
l'Académie,  s'évader,  s'esquiver,  se  sauver  des 
mains  de  (juclqu'un,  d'une  prison,  de  quelque 
péril,  etc.  Elle  ajoute  qu'il  se  met  avec  la  prépo- 
sition de ,  (juand  il  signifie  cesser  d'être  où  l'on 
était,  sortir  de,  etc.,  et  elle  en  donne  pour  exem- 
ples échapper  des  mains  des  ennemis,  échapper 
du  naufrage,  du  feu,  échapper  d'un  danger;  et 


ÉCH 

<Iu'U  se  met  avec  la  prcposilion  a,  quand  il  si- 
gnifie se  soustraire,  se  dérobci-  n,  être  préservé 
de  :  Échapper  à  la  fureur,  à  la  poursuite  des 
ennemis;  il  ne  peut  vi'cchapper,  échapper  à  la 
tempête,  échapper  au  danger,  échapper  a  la 
mort. 

Cette  règle,  qui  n'est  pas  exprimée  d'une  ma- 
nière fort  claire,  est  démcniie  par  des  ])hrascs 
tirées  des  meilleurs  auteurs  : 

Oui,  c'est  mon  fils,  le  dis-je,  ou  carnage  échappé. 
(Volt.,  Ifcr.,  act.  lY,  se.  ii,49.) 

Tancrède  a  dissipé 
Le  reste  d'une  armée  au  carnage  échappé. 

(Idem,  Tancr.,  a.'t.  V,  se.  IV,  3.) 

La  rive  les  reçoit;  son  tutélaire  ombrago 
Accueille  les  vaisseaux  échappét  à  l'orage. 

[Delil.,  Énéid.,  l,  241.) 

Dans  tous  ces  exemples,  échapper  ne  signifie  pris 
se  soustraire,  se  dérober  à,  être  préservé  de,  et 
cependant  on  lui  fait  régir  la  préposition  à  ; 
tandis  que  dans  les  vers  suivants,  où  il  ne  signi- 
fie pas  cesser  d'être  où  l'on  était,  sortir  de,  on  le 
construit  avec  la  préposition  de  : 

Revois  ton  cher  Zamorc  échappé  du  trépas. 

(Volt.,  Âlz.,  acl.  II,  se.  iv,  2.) 

Assurément,  Voltaire  n'a  pas  voulu  dire  queZa- 
inore  avait  cessé  d'être  dans  le  trépas,  ou  qu'il 
était  sorti  du  trépas;  cependant,  malgré  la  régie 
de  l'Académie,  il  a  employé  la  préjwsition  de. 

Trois  fois  l'ombre  divine  échappe  à  ses  transports. 
(Delil.,  Énéid.,  VI,  938.) 

Vojet  Toler  en  troupe  et  s'applaudir  ces  cygnes. 
Touti  l'heure  l'oiseau  du  puissant  Jupiter, 
D'un  To'  impétueux,  les  poursuivait  dans  l'air; 
Enfin  leur  troupe  heureuse  échappée  à  sa  serre... 
(Idem,  I,  558.) 

Delille  a  dit  aussi  [Énéid.,  I,  707)  : 

C'était  SeiTgestc,  Anlhée,  échappés  du  trépas. 

Yoici,  je  crois,  unerègle  plus  sùree.t  plus  claire 
pour  l'emploi  de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  pré- 
positions après  ce  verbe.  On  échappe  à  une  cause 
active,  qui  poursuit,  qui  persécute,  qui  frappe,  qui 
dévore;  07i  échappe  d'une  chose  inerte,  comme 
d'un  lieu  dangereux  ou  funeste,  d'un  état  où 
l'on  était  en  danger  de  tomber.  Voilà  pour- 
quoi on  échappe  au  prévôt,  au  carnage,  a 
Tarage,  kla  fureur,  <i  la  poursuite  des  ennemis. 
Voilà  aussi  pourquoi  on  échappe  d'une  prison 
où  l'on  est  renfermé,  des  mains  des  ennemis  qui 
ne  lâchent  pas  de  vous  prendre,  mais  qui  vous 
tiennent.  On  échappe  à  la  mort,  parce  que  la 
mort  est  un  être  métaphysique,  qui  avec  sa  l'aux 
moissonne  les  êtres  vivants;  on  échappe dn  tré- 
pas, parce  que  le  trépas  est  un  étal,  et  non  un 
être  qui  agit.  Les  exem()les  suivants  viennent  à 
l'appui  de  celte  explication: 

Je  l'avouerai,  Troyens, 
J'échappai  de  Vautel. 

(Delil.,  Énéid.,  II,  179.) 

Tel  d'an  coop  incertain,  par  un  prêtre  frappé. 
Mugit  un  fier  taureau  de  Tautel  échappé. 

[Idem,  II,  291.) 

Sa  redoutable  épée  échappe  de  sa  main. 

(Volt.,  Henr.,  X,  156.) 


ECH 


235 


Il  existe  sur  l'emploi  de  ce  mot  une  autre 
diiiiculté  :  c'est  celle  do  s.ivoir  quand  il  doit 
prendre  l'auxiliaire  être.  Il  est  aise  de  la  résou- 
dre avec  le  principe  (pic  nous  avens  établi,  et 
souvent  apiiliipié  dans  ce  Dictionnaire.  L'auxi- 
liaire avoir  indiciuc  une  action,  l'auxiliaire  être 
inditjue  un  état.  (^>uand  on  dit  il  a  échappé  à  la 
vwrt,  on  exjirime  l'actiun  que  l'on  a  laiiepour 
éviter  la  mort,  pour  s'y  soustraire.  Ouand  on  dit 
il  est  échappé  à  la  mort,  on  désigne  l'ét<it  où 
l'on  se  trouve  après  le  succès  de  celte  action.  Le 
cerf  a  échappé  aux  c/iicns,  c'est-à-dire,  le  cerf, 
par  ses  ruses,  par  ses  détours,  par  la  légèreté  de 
Si)  course,  en  un  mol  par  son  action,  a  évité 
d'élre  pris  ou  saisi  par  les  chiens.  Le  cerf  est 
échappé  aux  chiens,  c'csl-à-dire,  le  cerf,  par 
suite  lie  l'action  qui  l'a  soustrait  à  la  poursuite 
des  chiens,  est  dans  un  état  où  il  ne  craint  plus 
cette  poursuite.  En  agissant  il  a  échappé,  et  de- 
I)uis  qu'jY  a  échappé,  il  est  échappé.  Voyez 
Auxiliaire. 

ËciiAssE.  Subst.  f.  L'Académie  dit  qu'il  n'est 
guère  d'usage  qu'au  pluriel,  cl  Féraud  ne  le  met 
qu'à  ce  nombre.  11  est  vrai  cependant  qu'au 
propre  il  se  dit  au  singulier  :  Je  n'avais  qu'une 
échassc,  une  échasse  cassée,  etc. 

ÉcH^DFFA^T,  ÉCHACFFA^TE.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  échauffer.  Il  se  dit,  selon  l'Académie,  des  ali- 
ments, des  remèdes,  et  de  tout  ce  (jui  augmente 
ou  peut  augmenter  la  chaleur  animale.  Féraud 
dit  que  ce  mot  a  été  forgé  peu  heureusmnent.  Il 
aurait  raison  d'après  les  deux  premiers  exemples 
qu'il  en  donne  :  la  grâce  éclairante  et  échauf- 
fante, l'astre  lumineux  et  échuvffltnt.  Mais  il  a 
tort  de  blâmer  Tissol  d'avoir  dit  des  boissons 
échauffantes.  Ce  mot  s'employait  dans  le  sens 
indiqué  par  l'Académie,  longtemps  avant  que 
Féraud  songeât  à  faire  son  Dictionnaire.  Cet 
adjectif  se  met  après  son  subst.  :  Des  aliments 
échaufflints,  un  remède  échauffant. 

ÉcH£c.  Subst.  m.  Le  dernier  c  se  prononce  au 
singulier,  écheck.  11  ne  se  prononce  point  au 
pluriel  lorsiiu'il  s'agit  d'un  jeu  :  Jouer  aux 
échecs. 

ÉcuENiLLER.  V.  a.  dc  la  1"  conj.  On  mouille 
les  l. 

ÉCHINE.  Subst.  f.  Il  est  familier,  et  ne  peut 
être  employé  dans  le  style  noble. 

Ëciio.  Subst.  in.  et  L  On  prononce  c'co.  Lors- 
qu'il signifie  la  nymphe  qui  porte  ce  nom,  il  est 
féminin.  Partout  ailleurs  il  est  masculin  :  U/i 
écho,  des  échos.  La  plaintive  Échu.  On  appelle 
écho  une  sorlc  de  poésie  dont  le  dernier  mot  ou 
les  dernières  syllabes  formel  l  en  rime  un  sens 
(jui  répond  à  chaque  vers;  exemple  : 

Nos  yeux  par  ton  éclat  sont  si  fort  éblouis, 

Louis, 
Que  lorsque  ton  canon,  qui  tout  le  monde  étonne, 

tonne,  etc. 

Cela  s'appelle  un  écho.  Nous  ne  sommes  point 
les  inventeurs  de  cette  sorte  de  poésie.  Les  an- 
ciens poêles  grecs  cl  latins  l'onl  imaginée,  et  la 
richesse  ainsi  que  la  prosodie  de  leur  langue  s'y 
prêtait  avec  moins  d  affectation.  (Jaucoiirt.) 

ÉcHom.  V.  n.,  irrég.  el  défectueux  de  la  3' 
conj.  Au  présent  de  l'indicatif,  il  ne  se  dit  qu'a 
la  troisième  persoimc  du  singulier,  il  échoit,  (pic 
l'on  prononce  quelquefois  il  l'-chèt.  11  n'a  point 
d'imparfait.  Passé  simple,  j'échus^,  tu  échus,  il 
échut;  nous  échûmes,  vous  échûtes,  ils  échu- 
rent. Futur,  j'éckcrrai,  etc.  Conditionnel  pré- 
sent, j'écherruis,  etc.   Subjonctif  présent,  qu'U 


256 


ÉCL 


échée,  qu'ils  échéent.  Lcs  .Tuircs  personnes  ne 
.sont  pas  usiucs.  —  Ce  présent  n'est  ])oint  re- 
connu par  l'Académie. — Imparfait  du  subjonctif, 
(jii'il  échût,  qu'ils  éclnisse/it.  Participe  prisent, 
échéant.  Partici]  c  passe,  icZ/w,  échue.  Un  bil- 
let a  échu  lorsqu'il  a  passé  de  l'état  où  le  paie- 
ment n'en  était  pas  exigible,  à  l'état  où  ce  paie- 
ment était  exigible.  Un  billet  est  échu  lorsqu'il 
est  dans  ce  dernier  état  :  Mon  billet  a  échu  le 
trente  du  mois  dernier,  il  y  a  un  mois  qu'il  est 
échu. 

Echouer.  V.n.  de  lal"conj.  L',\cadcmienc  lui 
donne  que  l'auxiliaire  avoir;  cependant,  comme 
Il  peut  signitier  ou  l'action  d'échouer  ou  l'état 
qui  résulte  de  cette  action,  on  peut  dire  dans  le 
premier  sens  le  vaisseau  a  échoué  ,  et  dans  le 
second  le  vaisseau  est  échoué.  On  dit  de  même 
au  iiguré  l'affaire  a  échoué  ou  est  échouée. 

Eclair.  Subst.  m.  Ce  mot  s'emploie  au  figuré 
dans  différents  sens: 

Hélas,  sans  frissonner  quel  cœur  audacieux 
Soutiendrait  les  éclairs  qui  partaient  de  vos  veux?... 
(Rac,  Eeth.,  act.  III,  se.  Tli,  20.) 

Des  éclair»  de  ses  yeux  l'œil  était  ébloui. 

[Idem,  act.  III,  sc.ix,  7.) 

Leurs  yeui,  rouges  de  sang,  lancent  d'affreux  éclairt. 
(Delil.,  Ènéid,  II,  272.) 

...  Le  rapide  éclair  des  amoureux  transports 
Pénètre  chaque  veine  et  court  partout  son  corps. 
[Idem,  VIII,  536.1 

Nous  nous  acharnotis  les  uns  contre  les  au- 
tres pour  vn  éclair  de  réputation,  etc.  (Volt., 
Discours  préliminaire d' Alzire .)  Si  le  sujet  n'est 
pas  intéi-essant,  les  vers  de  f^irgile  et  de  Ra- 
cine, les  éclairs  et  les  raisonnements  de  Cor- 
neille, ne  feraient  pas  réussir  V  ouvrage,  (^^oll., 
Correspondance  .^ 

EcLAiRciR.  V.'a.  de  la  2*  conj.  Racine  a  dit 
{Esth.,  act.  IV,  se.  i,7)  : 

Eclaircitiez  ce  front  où  la  tristesse  est  peinte. 

L'Académie  n'indique  point  celte  acception. 

Ce  mot  est  pris  ici  dans  une  acception  figu- 
rée. Mais  en  parlant  des  personnes,  il  ne  peut 
s'employer  sans  régime  indirect.  On  dit  éclaircir 
quelqti'un  de  quelque  chose,  et  non  pas  éclaircir 
quelqu'un.  Dans  ce  cas  il  faut  dire  éclairer. — 
En  parlant  des  choses,  il  suffit  du  régime  di- 
rect :  Eclaircir  un  doute,  une  difficulté.  On  a 
reproché  avec  raison  à  Racine  d'avoir  dit  dans 
Baj'azel  (act.  II,  se.  v,  83)  : 

0  ciel,  combien  de  fois  je  l'aurais  éclaircie. 
Si  je  n'eusse  à  sa  haine  exposé  que  ma  vie  ! 

et  à  Voltaire  d'avoir  dit  dans  Zaïre  (act.  IV, 
se.  VI,  3)  : 

Eh  bien  !  madame,  il  faut  que  vous  m' éclairciitiex. 

Éclaircissement.  Subst.  m.  Il  n'embrasse  pas 
tous  les  sens  du  verbe  éclaircir.  Il  sic;nilie  ex- 
plication d'une  chose  obscure.  On  dit  Véclaircis- 
sement  du  temps,  de  la  voix,  de  la  vue,  etc. 

Il  y  a  une  autre  signilication  qui  lui  est  propre, 
et  qui  a  peu  de  rapport  avec  le  verbe.  11  si- 
gnifie, en  matière  de  querellé,  une  explication 
que  l'on  demande  à  un  homme,  pour  savoir  si, 
dans  ce  qu'il  a  dit  ou  fait,  il  a  eu  l'intention  d'of- 
feuser,  ou  même  s'il  a  dit  ou  fait  ce  qu'on  lui 


ECL 

prête  :  Tirer  un  éclaircissement  de  quelqu'un, 
demander ,  donner  un  éclaircissement  à  quel- 
qu'un. 

Eclairer.  V.  a.  de  lad"  conj.  On  disait  au- 
trefois éclairera  quelqu'un.  Euryclée  éclairait 
à  ce  jeune  prince.  (Madame  Dacier ,  trad.  de 
V  Odyssée.)  Éclairez  à  monsieur.  (Acad;,  1762.) 
Maiiilenant  on  dit  éclairer  quelqu'un  :  Éclairez 
quelqu'un  qui  descend  un  escalier  ;  vous  in*é- 
clairez  mal.  (Acad.  1.S35.)  Celle  manière  de  s'ex- 
primer est  bien  préférable  à  la  première. 

On  dit  au  iiguré  éclairer  l'esprit;  on  dit  éclai- 
rer quelqu'un,  iKJurdire  le  détrumper,  l'instruire 
de  ce  qu'il  ignore  ;  et  on  dit  aussi  dans  le  même 
sawi  s'éclairer.  Dans  toutes  ces  phrases,  éclairer 
signifie  procurer  des  lumières,  faire  voir  clair 
Or,  pourquoi  ne  le  dirait-on  pas  de  même  au 
propre?  Eclairer,  soit  au  propre,  soit  au  figuré, 
a  deux  significations,  dans  iesiiuellcs  il  est  éga- 
lement actif.  Eclairer  un  lieu,  y  répandre  de  la 
lumière;  éclairer  quelqu'un,  lui  procurer  delà 
lumière,  lui  faire  vuir  clair;  cette  chandelle  n'é- 
claire pas  assez  ceux  qui  travaillent;  éclairer 
quelqu'uti  dans  vn  escalier,  lui  procurer  de  la 
lumière  afin  qu'il  voie  clair;  éclairer  l'esprit  de 
quelqu'un,  procurei-  des  lumières  à  son  esprit, 
afin  qu'il  distingue  bien  les  objets,  qu'il  les  voie 
lels  qu'ils  sont.  L'analogie  exige  donc  que  l'on 
dise  le  soleil  éclaire  la  terre,  ce  flambeau  éclaire 
cette  chambre,  et  ce  flambeau  éclaire  ce  voya- 
geur au  milieu  des  ténèbres,  cet  homme  éclaire 
ce  voyageur  en  portant  un  flambeau  devant  lui  ; 
éclairez  moîisieur.  Si,  comme  le  prétendaient  les 
grammairiens,  l'on  devaitdiree'cZaîVer  à  7nonsieur, 
parce  que,  dans  le  vrai,  on  n'éclaire  pas  mon- 
sieur, mais  le  lieu  par  où  monsieur  passe,  il 
faudrait  donc  dire  aussi,  jjar  la  même  raison,  le 
jour  éclairait  encore  à  ces  malfaiteurs  ;  car, 
dans  le  vrai,  le  jour  n'éclairait  pas  les  malfai- 
teurs, mais  le  lieu  où  ils  se  trouvaient.  Il  fau- 
drait dire  aussi  celte  lampe  n'éclaire  pas  assez 
à  cette  ouvrière,  ce  que  l'on  ne  dit  pas.  Racine  a 
dit  dans  Jphig.  (act.  I,  se.  i,  5)  : 

A  peine  un  faible  jour  vous  éclaire  et  me  guide. 

On  dira  peut-être  que  vous  est  ici  pour  à  vous. 
Mais  faites  parler  Arcasen  prose,  et  certainement 
il  ne  dira  pas:  A  peine  un  faible  jour  éclaire  d 
Jf/amennon.  D'ailleurs  ces  mots,  j/ie  guide,  in- 
diiiuoiil  assez  que  vous  est  ici  régime  direct 
d'éclairer,  comme  rne  est  régime  direct  de  gui- 
der. Or,  si  l'on  peut  dire  que  le  jour,  (pi'u?» 
flambeau  éclaire  une  personne,  pourt|uoi  ne  di- 
rait-on pas  aussi  qu'une  personne  qui  porte  un 
flambeau  devant  quelqu'un  Véclaire^ 

Eclat.  Subst.  m.  Nicole  a  dit  que  l'élo- 
quence et  la  facilité  déparier  donnent  un  certain 
éclat  aux  pensées.  11  paraît  que  cet  euiploi  du 
mot  éclat  était  nouveau  du  temps  de  madame  de 
Sévigné  ;  car  elle  écrit  à  sa  fille  au  sujet  de  celle 
phrase  ;  Cette  expression  m,'a  paru  belle  et  na- 
turelle ;  le  mot  d'éclat  est  bien  placé,  ne  le  trou- 
vez-vous pas^  [\  novembre  4()'7'J,  lettre  CIH.) 

EcLATA.%T,  Eclatante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
éclater.  Dans  des  cas  convenables,  il  peut  se 
mettre  avant  son  subst.  :  Blancheur  éclatante  , 
éclatante  blancheur  ;  une  lumière  éclatante,  une 
éclatante  lumière.  On  ne  dirait  pas  un  éclatant 
son,  une  éclatante  pourpre,  llfaulconsulter  l'har- 
monie et  l'analogie.  Cet  adjectif,  apjdiqué  aux 
personnes,  prend  toujours  un  complément.  On 
ne  dit  pas  un  homme  éclatant,  un  héros  écla- 


ECO 

tant;  mais  bien  un  homme,  un  héros  éclatant  Je 
gloire.  Voyez  Adjectif. 

Éclater.  V.  ii.  de  la  d"  conj.  S'éclater  de 
rire  n'est  pas  usité;  il  ne  se  trouve  que  clans  une 
fable  (le  La  Fontaine  (liv.  III,  fable  i,  35)  : 

Le  premier  qui  les  fit  de  rire  s'éclata. 

Mais  on  sait  que  La  Fontaine  ne  respectait  pas 
toujours  les  règles  grammalicalcs. 

Eclipser.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  signifie  beau- 
coup |)lus  que  le  mot  éclipse,  son  substantif.  Ce 
dernier  ne  se  dit  ([ue  d'un  obscurcissement  pas- 
sager, /éclipser,  au  ((intrairc,  désigne  un  ob- 
scurcissement total  ou  durable. 

Tel  brille  au  second  rang  qui  s'éclipae  au  premier. 
(Volt.,  Henr.,  I,  27.) 

Du  temple  du  destin  les  portes  se  fermèrent, 
Et  les  ToAles  des  deux  devant  lui  s' éclipsèrent. 
{Idem,  VII,  473. 

Des  voûtes  qui  s' éclipsent  pourra  paraitreétrange 
à  quelques  lecteurs;  mais  il  faut  observer  que 
les  voûtes  des  cieux  sont  éclatantes  de  lu- 
mière. 

ÉCLOPÉ,  ÉcLOPÉE.  Participe  du  v.  écloper,  (jui 
n'est  point  usité.  Il  signifie  «lui  a  quelque  in- 
commodité qui  rend  la  marche  pénible.  Il  se 
prend  adjectivement:  Un  homme  éclopé ,  une 
femme  éclopée. 

EcLORE.V.  n.  etirrég.  de  la  4'  conj.  Il  n'est 
usité  qu'à  l'inlinitif  éclore  ;  aux  troisièmes  per- 
sonnes suivantes  :t7e'cZd/,iZ*ecZo5en<;z7(;cZora,  ils 
écloront;  il  éclorait,  ils  éclnraient ;  qu'il  éclose, 
guHls  éclosent  ;  au  participe  passe  éclos,  éclose  ; 
et  aux  temps  composés  qui  se  forment  avec 
l'auxiliaire  (?/?'e. 

Delillc  a  dit  [Enéide,  XI,  704)  : 

Tu  Ti/is  cet  enfant  que  j'adore; 
Ses  tristes  jours  à  peine  ont  commencé  d'éclore. 

Econome.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
guère  ([u'après  son  subst.  :  Un  homme  économe, 
une  femme  économe. 

Economique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
ordinairement  après  son  subst. 

Économiquement.  Âdv.  Il  se  met  après  le  verbe 
et  jamais  entre  l'auxiliaire  et  le  particii)c  :  Il  a 
vécu  économiquement,  et  ïiOï\.\>a&  il  a  économi- 
■quement  vécu. 

ÉcouRTER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Voltaire  a  dit 
des  billets  écourtés  :  f^ous  autres,  qui  avez  un 
peu  plus  de  loisir,  écrivez-nous  de  longues  let- 
tres, à  nous  autres  misérables,  qui  n'y  pouvons 
répondre  qu'en  billets  écourtés.  [Corresp.) 

•ÉcocTOiR.  Subst.  m.  Nom  reçu  du  cornet 
acoustique,  omis  par  les  dictionnaires,  mais  con- 
sacré par  un  poëte  : 

Déjà  pour  secourir  son  oreille  un  peu  dure, 
Orgonrers  lui  tourne  son  écoutoir. 

|Dblil.,  Conversation,  I,  370.) 
(Cb.  NoDiEB,  Examen  critique  des  Dict.) 

ECODVILLON,     ËCGUVILLONNER.    DaHS   CCS    dcUX 

mots,  on  mouille  les  l. 

Ecrire.  V.  a.  et  irrég.  de  la  4^  conj.  Voici 
comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  — Présent.  J'écris,  tu  écris,  il  écrit; 
nous  écrivons,  vous  écrivez,  ils  écrivent.  — 
Imparfait.  J'écrivais,  lu  écrivais,   il  écrivait; 


ÉCR  237 

nous  écrivions,  vous  écriviez,  ils  écrivaient.  — 
Passé  simple.  J'écrivis,  tu  écrivis,  il  écrivit  ; 
nous  écrivîmes,  vous  éiri\  iies,  ils  écrivirent.  — 
Futur.  J'écrirai,  tu  écriras,  il  écrira;  nous 
écrirons,  vous  écrirez,  ils  écriront. 

Conditionnel.  —  Présent.  J'écrirais,  tu  écri- 
rais, il  écrirait;  nous  écririons,  vous  écririez,  ils 
écriraient. 

Impératif  —  Présent.  Ecris,  qu'il  écrive; 
écrivons,  écrivez,  qu'ils  écrivent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  j'écrive,  que  lu 
écrives,  qu'il  écrive;  (juc  nous  écrivions,  que 
vous  écriviez,  qu'ils  écrivent.  —Imparfait.  Que 
j'écrivisse,  que  lu  écrivisses,  qu'il  écrivît;  que 
nous  écrivissions,  que  vous  écrivissiez,  qu'ils 
écrivissent. 

Participe.  —  Présent.  Ecrivant.  —  Passé. 
Écrit,  écrite. 

Les  temps  composés  se  formenl  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

écrire, son  jiom,  écrire  U7ie phra/ie ,  écrire  des 
lettres.  Ecrire  en  prose,  en  vers.  Ecrire  à  quel- 
qu'un. Je  lui  ai  écrit  (lue.. .  Je  vous  ai  écrit  dc 
Pa)  is. 

Ce  verbe,  quand  il  est  pris  dans  un  sens  aflir- 
matif,  veut  l'indicatif  dans  la  phrase  subordonnée  : 
Je  vous  ai  écrit  que  j'étais  malade.  Dans  le 
sens  négatif,  il  exige  le  subjonctif  :  Je  ne  vous  ai 
pas  écrit  que  je  fusse  rétabli. 

J'écrivis  en  Argot  pour  hâter  ce  voyage. 

(Rac,  Iphig.,  act.  1,  se.  i,  94.) 

On  écrit  à  Londres,  et  l'on  écrit  en  Angleterre. 
Si,  comme  le  pense  l'abbé  Uesfontainos,  en  Argos 
signifie  dans  le  pays  d'Argos,  l'expression  esl 
juste.  Mais  si,  comme  le  croient  l'abbé  d'Olivel 
et  Marmontel,  il  s'agissait  de  la  ville  d'Argos,  il 
fallait  dire/e'crm*  o  Argos;  et  il  faudrait  regar- 
der cette  expression  comme  une  licence  poéti- 
que que  Racine  aurait  prise  pour  éviter  l'hiatus 
désagréable  des  deux  a.  Voyez  Écrivain. 

ÉCRIVAIN,  Auteur.  Substantifs  masculins.  Ces 
deux  mots  s'appliquent  aux  gens  dc  lettres  qui 
donnent  au  public  des  ouvrages  de  leur  compo- 
sition. Le  premier  ne  se  dit  que  de  ceux  qui  ont 
donné  des  ouvrages  dc  belles-lettres,  ou  du  moins 
il  ne  se  dit  que  par  rapport  au  style.  Le  second 
s'applique  à  tout  genre  d'écrire  indifféremment; 
il  a  plus  de  rapport  au  fond  de  l'ouvrage  qu'à  la 
forme;  de  plus,  il  peut  se  joindre  par  la  préposi- 
tion rfe  au  nom  des  ouvrages.  Racine,  Voltaire, 
sont  d'excellents  écrivains;  Corneille  est  un  ex- 
ccUenl  auteur.  Descaries  et  Newlon  sont  des  au- 
teurs célèbres;  V auteur  de  la  Hecherche  de  la 
vérité  est  un  écrivain  du  premier  ordre. 

Je  ne  puis  m'empccher  de  remarquer,  à  cette 
occasion,  un  abus  de  notre  langue.  Le  mot  écrire 
ne  s'emploie  presfjuc  plus,  dans  un  grand  nom- 
bre d'occasions,  que  pour  désigner  le  style;  le 
sens  propre  de  ce  mot  est  alors  proscrit. 

On  dit  <iu'une  lettre  est  bien  écrite,  pour  dire 
qu'elle  est  d'un  très-bon  style.  Si  on  veut  dire 
que  le  caractère  de  l'écriture  est  net  el  agréable 
à  la  vue,  on  dit  qu'elle  est  bien  peinte.  Cet  usage 
parait  ridicule,  mais  il  a  prévalu.  Cependant,  il 
faut  avouer  que  du  moins,  dans  le  cas  dont  nous 
venons  de  parler,  on  a  un  mut,  très-impropre  à 
la  vérité,  pour  exprimer  le  sens  propre.  Mais  il 
est  d'autres  cas  où  il  n'y  a  plus  de  mot  pour  ex- 
primer le  sens  propre,  et  où  le  sens  li^-urc  seul 
est  employé.  Par  exein|)le,  dans  les  mots  bassesse, 
aveuglement,  etc.  (D'Alembert.) 


258 


EFF 


EcuEiL.  Subst.  m.  On  prononce  ékeuil,  en 
muiiillaiil  le  /. 

KcLELLE.  Subst.  f.  t/  et  e  forment  une  diph- 
tlioiigue. 

EcoELLÉE.  Subst.  f.  U c\.  e  forment  une  di|)li- 

llinlliîUC. 

Êcu>!A^T,  ÊCOMANTE.  Adj.  Verbal  tiré  du  v. 
éciimer  :  La  mer  écumante.  Un  vent  favorable 
remplissait  déjà  nos  voiles;  les  rameurs  fen- 
daient les  ondes  écumanlcs.  (Fcnel.,  Tt'lcmagve, 
liv.  III,  t.  1, 119.)  Il  se  met  ordinairement  après 
son  subst. 

ÊcuMEux,  ÊcDMETJSE.  Adj.  Qui  H'cst  gucrc  usité 
qu'en  poésie.  : 

Alors  nous  nous  courbons  sous  les  flol.-:  e'cumetix. 
(Dblil.,  Énéid.,  III,  262.| 

Lne  ile  est  au  milieu  des  ondes  écumeusee. 
(Idem,  159.) 

1!  se  met  rarement  avant  son  subst. 

Edifiait,  Édifiante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
édifier.  Il  ne  se  dit  que  dans  le  sens  de  porter  à  la 
piété,  à  la  vertu,  ou  par  l'exemple  ou  par  le  dis- 
cours. Il  se  met  ordinairement  après  son  subst.  : 
Livre  édifiant,  sermon  édifiant,  discours  édifiant, 
vie  édifiante.  Voyez  Adjectif. 

Edificatelr.  Subst.  m.  Celui  qui  élève,  qui 
construit  un  édifice.  Ce  mot,  que  met  l' Acadé- 
mie, n'est  point  usité.  On  dit  architecte  ou 
constructeur. 

ÉDiT.  Subst.  m  On  ne  prononce  point  le  t. 

*Eduqder.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  mot  n'est 
plus  usité,  on  dit  élever.  L'Académie  ne  le  met 
point.  Il  a  été  employé  par  Buffon  :  M.  de  la 
Brosse  ne  dit  pas  si  le  nègre  les  avait  éduqués. 
{Des  orangs-outangs,  t.  XVI,  p.  532^.) 

Effaçable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  est  bien 
moins  usité  que  son  contraire,  incffaçahle.  On  le 
met  après  son  subst.  :  Écriture  effaçable. 

Effaroucher.  V.  a.  de  la  1"'  conj.  Racine  a 
dit  dans  .B(yaz-e<  (act.  I,  se.  iv,  59)  : 

Je  connais  sa  vertu  prompte  à  s'effaroucher. 

Cette  acception  n'a  point  d'exemple  dans  le  Dic- 
tionnaire de  l'Académie. 

Effectif,  Effective.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  subsl.  :  Une  armée  de  trente  mille 
hommes  effectifs.  Dis  mille  francs  effectifs. 

Effectivement.  Adv.  11  se  met  ou  après  le 
verbe,  ou  au  commencement  de  la  phrase,  ou 
entre  l'auxiliaire  cl  le  participe  :  Effectivement, 
il  est  arrivé.  Il  est  arrivé  effectivement.  Il  est 
effectivement  arrivé. 

Effeuiller.  V.  a.  de  lad'"  conj.  Ou  mouille 
les^ 

Efficace.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose,  il 
se  met  toujours  après  son  subst.  :  Reinède  effi- 
cace, discours  efficace,  la  grâce  efficace.  Il  se 
dit  des  choses,  et  jamais  des  personnes. 

Efficace.  Subst.  f.  : 

Et  je  n'ai  point  appris  qu'elle  eût  tant  d'efficace. 

(ConH.,  Menteur,  act.  IV,  se.  m,  18.1 

A'oUaire  dit,  au  sujet  de  ce  vers  :  Efficace,  pris 
comme  subst.,  n'est  plus  d'usago.  On  dit  effica- 
cité, ou  plutôt  on  se  sert  d'un  autre  mot.  [Be- 
marques  sur  Corneille.) 

L'Académie  dit  ([ue  ce  mol  signiPie  la  même 
chose  i\u' efficacité ,  mais  qu'il  est  beaucoup 
moins  en  usage. 

Efficacement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe, 


EFF 

et  peut  aussi  se  mettre  entre  l'auxiliaire  cl  le  par- 
tici[(C  :  //  a  travaillé  efficacement  à  lapais,  ou 
il  a  efficacement  traruillé  à  la  paix. 

Efficient,  Efficik.nte  Adj.  qui  se  met  après 
son  subst.  :  Cause  efficiente. 

Effleurer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Delille  dit, 
en  parlant  d'un  baiser  tiuc  Jupiter  prend  sur  Ir 
bouche  de  Vénus  [Enéide,  I,  355)  ; 

Sur  sa  bouche  de  rose  effleure  un  doux  baiser. 

Féraud  dit  qu'on  emploie  ordinairement  ce 
mot  avec  ne  faire  que,  et  qu'on  peut  lui  associer 
aussi  à  peine  :  Il  effleure  d  peine  les  matières. 
On  rendrait  l'idée  de  Delille  bien  ridicule  si  l'on 
disait  :  Sur  sa  bouche  de  rose  il  effleure  à  peine 
un  doux  baiser,  ou  il  ne  fuit  qu'effleurer  vn  dous 
baiser;  ou  |)lutôt  on  changerait  tout  à  fait  la  na- 
ture de  celte  idée. 

Effokcer  (s').  V.  pronom.  Ce  verbe  régit  tan- 
tôt la  préposition  à,  tantôt  la  préposition  de. 
Lorsque  les  efforts  tendent  à  faire  une  action  dé- 
terminée dont  le  sujet  du  verbe  est  l'agent  immé- 
j  diat,  il  fau-l  employer  la  préposition  à,  parce  que 
le  sujet,  j)ar  ses  efforts,  tend  vers  un  but  qu'il 
veut  atteindre,  et  que  la  [irépositiou  à  maïque 
cette  tendance.  Dans  il  ^efforce  à  crier,  l'action 
est  déterminée,  le  sujet  du  verbe  en  est  l'agent 
immédial,  il  y  a  un  but  auquel  il  tend,  savoir, 
crier.  La  préposition  à  marque  convenablement 
la  tendance  à  ce  but.  On  dira  de  même  il  s'efforce 
il  parler,  à  marcher;  il  s'efforce  à  porter  ce  far- 
deau ;  il  faut  s'efforcer  à  gagner  la  vie  éternelle; 
ce  jeune  horloger  s'efforce  à  faire  une  montre 

Laissez-moi  m'efforccr,  cruel,  à  vous  lia'ir. 

(Volt.,  /nd>«orst,  se.  xiii,  7.) 

Mais,  si  l'action  est  indéterminée,  on  emploiera 
de,  jiarce  que  à  suppose  toujours  un  point  fixe 
et  déterminé  :  //  s'efforce  d'agir,  il  s'efforce  de 
parvenir,  il  s'efforce  de  paraître  indifférent.  Il 
en  est  de  même  si  le  sujet  du  verbe  n'est  pas  l'a- 
gent immédiat  de  la  totalité  de  l'action  a  laquelle 
tendent  les  efforts.  Alors  de  est  la  seule  i)réposi- 
lion  que  l'on  puisse  employer,  parce  que  à,  indi- 
quant le  but  des  ei'forts,  annoncerait  le  sujet 
comme  l'agent  immédiat  de  l'action  totale. 

Quand  je  disje  m'efforce  à  crier,  à  indi<pie  que 
c'est  moi  qui  dois  faire  imuiédiatemcnl  l'action 
indiquée  par  le  verbe  qui  va  suivre,  c'est-à- 
dire  l'action  de  crier.  Mais  si  je  disais  je  m'ef- 
force ii  gagner  votre  amitié,  à  annoncera-it  que  je 
SUIS  l'agent  immédiat  de  la  totalité  de  l'action  qui 
va  être  indiquée,  tandis  que  je  n'en  suis  en  effet 
que  la  cause  occasionnelle.  Je  m'efforce  non  à 
l'aire  une  action  déterminée,  mais  à  attirer  sur 
moi  un  effet  déterminé  qui  dépend  de  vous,  sa- 
voir, votre  amitié.  Il  faul  donc  dire  je  m'efforce 
de  gagner  votre  auritié,  à'obtenir  la  faveur  du  . 
prince,  le  suffrage  du  public;  et  non  jias,  je 
vi'ef force  à  gagner  votre  amitié.,  a  obtenir  la  fa- 
veur du  prince,  le  suffrage  du  public.  On  dira 
de  même  qu'i/M  homine  s'efforce  tï être  plaisant, 
à'ètre  gai;  qu'î//(e  femme  s'efforce  de  plai- 
re, etc. 

Effort.  Subsl.  m.  Le  i  ne  se  prononce  point. 
Il  se  dit  du  corps  et  de  l'esprit  :  Effort  de  corps, 
d'esprit,  d'imagination,  etc.  Faire  des  efforts 
pour...  On  ne  dit  pas  fah'e  des  efforts  à,  ni 
faire  effort  à.  Celte  expression  ne  p(!Ul  être  to- 
lérée dans  le  vers  suivant  de  Corneille  {Toison 
d'or,  act.  IV,  se.  i,  8'i)  : 


EFF 

Faites  effort  à  plaire  autant  que  l'on  ïous  plaît. 

On  dit  défendre  de  toutes  ses  forces,  mais  on  ne 
dit  pas  défendre  do  tovs  ses  efforts.  I.;i  rnison  en 
est  sensible;  Veffort  tend  toujours  vers  un  hiii; 
la  défense  n'avance  pas  vers  un  but,  elle  lâche 
d'éviter,  d'arrclor,  de  repousser  une  attaque.  On 
fait  des  efforts  pour  exécuter  une  action;  on 
emploie  ses  forces  ou  pour  exéc\Ucr  une  action, 
ou  pour  enipôrher  (lu'une  action  ne  soit  exécutée. 
On  fait  tous  ses  efforts  dans  l'attaque,  on  em- 
ploie toutes  SCS  forces  daiis  la  défense  ou  dans 
t'attaque. 

Effraction.  Subst.  f.  C'est  un  terme  de  prati- " 
que  qui  signilic  fracUire,  rupture  que  font  les  vo- 
leurs pour  pénétrer  dans  (juclquc  endroit.  Il  ne 
faut  pas  le  conlondre  avec  fraction,  qui  n'est 
d'usage  qu'en  quelques  phrases  consacrées,  coni- 
uie  la  fraction  de  l'hostie.  On  dit  un  vcl  avec  ef- 
fraction, et  non  pas  fuit  arec  fraction. 

Effraya>t,  Effi.a^ante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
effrayer.  On  peut  le  mcltre  avant  son  subst.,  en 
consultant  l'analogie  et  l'harmonie  :  Un  exemple 
effrayant,  un  effrayant  exemple.  Une  pensée 
effrayante,  une  effrayante  pensée.  On  ne  dirait 
pas  un  effrayant  homme.  Voyez  Adjectif. 

Effrayer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  payer.  Dans  la  conjugaison  de  ce  verbe, 
on  conserve  Vy  de  l'infinitif,  excepté  devant  un  e 
muet  :  J'effraie,  tu  effraies,  ils  effraient.  J'ef- 
fraierai. Effrayer  quelqu'un,  l'effrayer  par 
quelque  chose.  S'effrayer  ou  cii-e  effrayé  de. 

Effréné,  Effrénée.  Adj.  Qui  est  sans  frein, 
sans  retenue.  L'Académie  remarque  avec  raison 
qu'il  ne  se  dit  qu'au  figuré.  Mais  je  crois  que  Fé- 
raud  se  trompe  quand  il  prétend  qu'il  ne  se  dit 
point  des  personnes.  On  dit  très-bien,  ce  me  sem- 
ble, «w  jeune  homme  effréné.  Cet  adj.  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Effroi.  Subst.  m.  L'Académie  dit  porter  l'ef- 
froi, trembler  d'effroi,  pâlir  d'effroi.  Mais  on 
dit  aussi  être  glacé  d'effroi  : 

Quel  trouble  tous  agite,  et  quel  effroi  vous  glace  ? 
'^(fUc,  Âth.,  act.  II,  se.  V,  1.) 

Effronté,  Effrontée.  Adj.  Il  se  dit  des  per- 
sonnes et  des  choses  qui  ont  rapport  aux  per- 
sonnes ;  Un  homme  effronté,  une  femme  ef- 
frontée, un  air  effronté,  une  mine  effrontée. 

EtouSe  dans  son  sang  ses  désirs  effrontés, 

(Rac,  Phèd.,  act.  IV,  se.  u,  41.) 

Ces  douces  Ménades 

Se  font  des  mois  entiers,  sur  un  lit  effronté. 
Traiter  d'une  Tisible  et  parfaite  santé. 

(BoiL.,  Sat.X,  393.) 

Etmille  autres  encor,  effrontés  ornement». 
Serpentent  sur  son  sein,  pendent  à  ses  oreilles. 

(Gilbert,  Le  Dix-Huitième  Siècle,  122.) 

Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Effrontément.  Adv.  Il  se  met  ordinairement 
après  le  verbe  :  Il  a  parlé  effrontément,  et  non 
pas  il  a  effrontément  parlé.  Je  crois  cependant 
qu'no  pourrait  dire  il  a  effrontémerit  soutenu  ce 
mensonge.  La  raison  de  celle  différence,  c'est 
(\\i&  parler  n'a  pas  une  analogie  directe  avec  ef- 
frontément; au  lieu  que  celte  analogie  existe 
entre  effrontément  et  soutenir  un  mejisonge  ;  de 
sorte  que  effrontément,  placé  après  l'auxiliaire, 
annonce  un  pariicipe  avec  lequel  il  se  lie  natu- 
rellement par  le  caractère  commun  des  idées . 


EGA  259 

Effrovable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  peut  s« 
mettre  avant  soii  subst.,  selon  les  fircoiislances  : 
Des  abîmes  effroyables,  d'effroyables  abîmes; 
U7ie  race  effroyable,  une  effroyable  race. 

Un  effroyable  cri,  sorti  du  fond  des  flots. 
Des  airs  en  ce  moment  a  troublé  le  repos. 

(Rlc,  Phéd.,  act.  Y,  se.  vi,  ÏQ.) 

Gel  adjectif  s'emploie  ordinairement  sans  ré- 
gime, surtout  en  prose.  Crébillon  a  dit  en  vers  : 

Monument  effroyable  à  la  race  future. 

Effroyablement.  Adv.  On  peut  le  mettre  en- 
tre l'auxiliaire  cl  le  participe  :  [l  a  dépensé  ef- 
froyablement, ou  il  a  effroyablement  di-pensé 
depuis  quelque  temps.  On  ne  dirait  pas  il  s'est 
effroyablement  conduit. 

Effusion.  Subst.  f.  La  signification  de  ce  mot 
est  bien  marquée  dans  ce  vers  de  Hacine  \Bri- 
tan.,  act.  V,  se.  v,  9)  : 

Ma  main  de  cette  coupe  épanche  les  prémices. 
Dit-il,  dieux  que  j'appelle  à  cette  effusion... 

On  l'emploie  aussi  au  figuré  :  L'effusion  du 
cœur. 

Égal,  Égale.  Adj.  Quand  il  est  sans  régime, 
on  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant 
l'oreille  el  l'analogie  :  Une  conduite  égale,  une 
égale  conduite  ;  un  embarras  égal,  u-n  égal  em- 
barras. 

Mais  quand  il  a  un  régime,  il  doit  toujours 
être  placé  après.  Il  ne  faut  pas  imiter  en  cela 
Gresset,  lorsqu'il  a  dit  (égl.  Y,  128): 

Je  goûte  à  vous  entendre  une  égale  douceur 
A  celle  que  ressent  l'aride  voyageur,  etc. 

Voltaire  a  dit  :  Les  citoyens  de  Paris... 
voyaient  dans  le  parlement  un  corps  auguste... 
qui  marchait  d'un  pas  égal  entre  le  roi  et  le 
peuple.  {Siècle  de  Louis  XIV,  ohaj).  iv.) 

Il  se  prend  quelquefois  substantivement.  On 
dit  il  marche  mon  égal.  Gresset  a  dit  (égl.  iv,  60)  : 

Vous  marcherez  égal  aux  dieux  de  votre  rang. 

Cette  expression  n'a  pas  plu  à  Féraud,  qui  a  dit  : 
«  Je  crois  qu'on  dit  toujours  marcher  l'égal  de, 
el  non  pas  marcher  égal  à.  Voltaire  et  Deliile 
n'étaient  pas  de  cet  avis.  Le  premier  a  dil  dans 
Mahomet  (act.  I,  se.  ii,  39)  : 

Et  vous  semble/  d'un  sang  fait  pour  donner  des  lois 
A  l'Arabe  insolent  qui  marche  égal  aux  rois. 

El  le  second  fait  dire  à  Junon,  dans  le  premier 
livre  de  V Enéide  (79)  : 

Et  moi  qui  marche  égale  au  souverain  des  cieux. 

Girault-Duviviercst  d'avis  que  ces  deux  locu- 
tions :  Marcher  l'égal  de,  et  marcher  égal  à,  sont 
régulières,  parce  que  dans  le  premier  cas,  eya? 
est  substantif,  et  dans  le  second,  ydjeclif.  (Gram- 
maire d^s  Grammaires,  p.  ir2'S) 

Êg.aleuent.  Adv.  Il  peut  se  mettre  enlre  lauxi- 
liaire  el  le  participe  :  //  les  a  traités  également, 
ou  il  les  a  également  traités. 

Égaler,  Egaliser.  Verbes  actifs  de  la  1"  conj. 
L'Académie  dit  que  l'un  et  l'autre  signifie  rendre 
égal.  FUc  donne  pour  exemples  du  premier, 
égaler  les  paris  et  les  portions  ;  la  mort  égale 
tous  les  hommes,  égale  tous  les  rangs;  et  pour 


2i0 


ÉGL 


exemples  du  seconJ,  égaliser  les  lois  d'un  par- 
tage; l'ammir  égalise  toutes  les  cmiditions. 

'Voltaire  regarde  égaliser  comme  un  barba- 
risme CependaiU  ce  mot  s'est  maintenu  dans  la 
langue.  Ecoulons  ce  aue  Roubaud  a  dit  à  ce  su- 
jet :  «  Au  jugement  ue  M.  de  Voltaire,  dit-il, 
c'est  un  barbarisme  de  mol  que  de  dire  igaliser 
pour  égaler  les  fortunes  ;  cependant  égaliser  a 
une  idée  propre  bien  distincte,  et  différente  de 
l'idée  propre  lïégaler.  Par  sa  simple  terminaison 
verbale,  ('.«/fl/e/-  signifie  proprement  être  ou  mettre 
à  l'égal  d'un  autre,  etc.;  et,  par  sa  terminaison 
composée,  égaliser  signifie  rendre  égal,  plein, 
uni,  semblable,  pareil;  conune  aiguiser  signifie 
rendre  aigu;  volatiliser ,  rendre  volatil.  Les 
deux  terminaisons  sont  très-différentes  :  l'une 
marque  purement  l'état  de  la  chose,  ce  qu'elle 
est;  l'autre  exprime  une  action,  ce  qu'on  fait  de 
la  chose.  Enlin  égaliser  rend  à  la  lettre  les  verbes 
latins  cxœquare,inœquare ;  égaler  ne  rend  que  la 
valeur  du  verbe  simple  (ryi/arc.  » — Ce  raisonne- 
ment de  Roubaud  nous  parait  jii^te,  et  nous  ne 
croyons  pas  ijue  la  décision  sans  fondement  de 
Voltaire  suffise  pour  faire  proscrire  ce  mot. 

Egalisation.  Subst.  f.  C'est  un  terme  de  pra- 
tique. 

ÉGAREMENT.  Subst.  m.  L'Académie  le  définit, 
méprise  du  voyageur  qui  s'écarte  de  son  chemin. 
11  y  a  longtemps  qu'on  ne  le  dit  plus  dans  ce  sens, 
et  qu'il  n'est  usité  qu'au  figuré.  On  l'a  repris 
dans  ce  vers  de  Racine  (jfjp/izjr.jact.  II,  se. iv,  7): 

Arcas  s'est  tu  tromper  par  uotre  égarement. 

Dans  le  vers  suivant,  il  est  employé  comme  il 
doit  l'être  : 

Dans  quels  égaremcnti  l'amour  jeta  ma  mère  .' 

(Uac,  Phèd.,  ac!.  I,  se.  lU,  98.) 

Les  égarements  de  l'esprit.  Les  égarements  du 
cœur. 

Egayer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  la  conjugai- 
son de  ce  verbe,  on  conserve  l'y  de  l'infinitif, 
excepté  avant  un  e  muet  :  J'égaie,  tu  égaies,  ils 
égaient.  J^égaierai,  etc. 

Eglogue.  Subst.  f.  C'est  ce  qu'on  nomme  aussi 
poésie  bucolique,  ou  poésie  pastorale.  C'est  une 
représentation  de  ce  qui  se  passe  parmi  les  ber- 
gers. Le  style  de  l'églogue  doit  être  simple, 
j)arcc  (|ue  les  bergers  parlent  simplement;  il  ne 
doit  point  être  concis,  parce  que  l'églogue  reçoit 
les  détails  des  petites  choses  qui  font  partie  du 
loisir  de  la  campagne  et  du  caractère  des  ber- 
gers. Ils  jieuvent  se  permettre  des  digressions, 
parce  que  leurs  moments  ne  sont  point  comptes, 
parce  qu'ils  jouissent  d'un  loisir  tranquille, 
et  qu'il  s'agit  de  peindre  leur  vie.  Ainsi  le  style 
bucolique  doit  être  plus  orné  qu'élégant.  Les 
pensées  doivent  être  naïves,  les  images  riantes  ou 
touchantes,  les  comparaisons  naturelles  et  tirées 
des  choses  communes,  les  sentiments  les  plus  ten- 
dres et  les  plus  délicats,  le  tour  simple,  les  vers 
libres,  et  leur  cadence  harmonieuse. — "Tout  l'es- 
prit de  l'églogue  doit  être  en  sentiments  et  en 
images;  on  ne  »eut  voir  dans  les  bergers  que  des 
hommes  bien  organisés  par  la  nature,  et  à  qui 
l'art  n'a  point  appris  à  composer  et  décomposer 
leurs  idées.  Ce  n'est  que  par  les  sens  qu'ils  sont 
instruit»  et  affectés,  et  leur  langage  doit  être 
comme  le  miroir  où  ces  impressions  se  retracent. 
Un  berger  ne  doit  apercevoir  «jne  ce  qu'aperçoit 
l'homme  le  plus  simple  sans  réflexion  et  sans  ef- 
fort. (Jaucourt.'i 


ÉLA 

Egorger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  second  g  doit  toujours  se  prononcer  comme 
uuj;  et  [tour  lui  conserver  cette  prononciation 
lorsi|u'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un 
e  muet  avant  cet  a  ou  cet  o  :  J'égorgeais,  égor' 
gcons ;  et  non  p3iS  j'égorgais,  égorgons. 

Egratigner.  V.  a.  de  la  l'-^  conj.  Egrati- 
GNURE.  Subst.  f.  Dans  ces  deux  mots  on  mouille 
le  gn. 

Egrillard,  Egrillarde.  Adj.  qui  se  prend  sub 
stanlivcment.  On  mouille  les  /.  Il  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.,  du  moins  en  prose  :  Esprit  égril- 
lard, humeur  égrillarde. 

Egrlger.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Dans  ce  second 
verbe,  le  second  g  doit  toujours  se  prononcer 
comme  y,-  et  pour  lui  conserver  cette  prononcia- 
tion lorsqu'il  est  suivi  d'un  «  ou  d'un  o,  on  met 
un  e  muet  avant  cet  «  ou  cet  o  ■  J'égrugtais, 
égrugeons,  et  non  \K\sj'égrugais,  égrugons. 

Eh  ou  Hé.  Interj.  Eh  exprime  l'admiration,  la 
surprise:  Eh!  gui  aurait  pu  s'attendre  à  celaf 

—  fié  sert  principalement  à  appeler  :  Hé.'  viens 
çà,  ce  qui  ne  se  dit  qu'à  des  personnes  fort  infé- 
rieures.— Hé  convient  mieux  que  eh  lorsqu'on 
veut  avertir  de  prendre  garde  à  quelque  chose, 
comme  hé,  gu  allez-vous  faire?  Hé  semble  dire 
quelque  chose  de  plus  fort  que  eh  ;  c'est  pour 
cela  qu'il  faut  écrire  hé  bien!  hé  quoi! 

Hé  bien  '.  contentez  donc  l'orgueil  qui  tous  eniTre. 
(BoiL.,  iJprtreX,  69.) 

lU  quoi .'  Totre  courroux  n'a-f-il  pas  eu  son  cours  T 
(Ràc,  Androm.,  act.  I,  se.  IV,  53.) 

—  L'Académie  admet  hé  quoi!  mais  elle  écrit  eh 
bien!  On  se  sert  de  hé  pour  marquer  la  douleur  : 
Hé  !  guej'e  suis  misérable  !  ou  pour  témoigner  la 
commisération  :  Hé  !  pauvre  homme,  guej'e  vous 
plains! 

Hé  !  mon  père,  oubliez  Totre  rang  à  ma  vue. 

(lUc.,  Iphig.,  act.  II,  se.  il,  2S.) 

Ehonté,  Éhontée.  Adj.  Il  est  encore  usité  dans 
la  conversation.  On  disait  auticfois  déhonté ;  on 
dit  plus  ordinairement  aujourd'hui  effronté,  qui 
ne  marque  pas  si  bien  la  corruption  du  cœur 
(iWéhonté.  Voyez  Déhonté. 

Elaborer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Au  propre, 
c'est  un  terme  de  médecine  qui  signifie  préparer 
et  perfectionner  graduellement  les  sucs,  les  hu- 
meurs, etc.  J.-J.  Rousseau  l'a  employé  heureu- 
sement au  figuré  :  L'esprit  humain,  moins  éten- 
du, moiîis  noyé  parmi  les  opinions  vulgaires, 
s'élabore  et  fermente  mieux  dans  la  tranquille 
solitude. 

ÉLANCÉ,  Elancée.  Voltaire  remploie  dans  un 
sens  que  l'on  ne  trouve  point  dans  le  Diction- 
naire de  l'Académie  [Henr.,  III,  25)  : 

Son  sang  à  gros  bouillons,  de  son  corps  élancé , 
Vengeait  le  sang  français  par  ses  ordres  Tersé. 

ÉLANCEMENT.  Subst.  m.  Sclou  l'Académic,  il  se 
dit  en  termes  de  dévotion,  et  signifie  un  mou- 
vement affectueux  et  subit  :  Les  élancements  de 
lame  vers  Dieu.  Molière  a  dit  dans  Tartuf» 
(act.  I,  se.  VI,  2t>)  : 

Il  faisait  des  soupirs,  de  grands  élaneementi. 

Féraud  observe  avec  raison  que  ce  mot  est  vieux 
en  ce  sens.  On  dit  aujourd'hui  élans. 


ÉLÉ 

ÊLASTiQCE.  Adj.  (les  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Corps  élastique,  vertu  élas- 
tique. 

ÉLECTORAL,  Élf.ctorai.e.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  On  prononce  le  l  linal  :  as- 
semblée électorale.  On  dit  au  \A\xnQ\  électoraux  : 
Les  collèges  électoraux. 

Êlectorat.  Subst.  m.  Le  t  final  ne  se  fait  pas 
sentir. 

ÊtECTRiQDE.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Élégammem.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Il  a  parlé  élégamment  ;  et  non  pas  il  a  élégam- 
ment parlé. 

Élégance.  Subst.  f.  Ce  mot  vient,  selon  quel- 
ques-uns, é'electvs,  ciioisi;  on  ne  voit  pas  ([u'un 
autre  mot  latin  puisse  être  son  èiymologie;  en  ef- 
l'et,  il  y  a  du  choix  dans  tout  ce  (jui  est  élégant. 
1, 'élégance  est  un  résultat  de  la  justesse  et  de 
l'.içrcment. 

Ce  terme  est  consacré  en  français  à  la  sculp- 
ture, à  la  peinture,  à  l'éloquence,  et  principale- 
ujcnl  à  la  poésie.  11  ne  signifie  pas  eu  sculpture 
et  en  peinture  précisément  la  même  chose  que 
grâce  ;  le  terme  grâce  se  dit  particulièrement  du 
visage,  et  on  ne  dit  pas  un  visage  élégant  comme 
des  contours  élégants,  l.a  raison  en  est  que  la 
grâce  a  toujours  (|ucl(iuc  chose  d'animé,  et  c'est 
dans  le  visage  que  paraît  l'àme;  ainsi  on  ne  dit 
pas  une  démarche  élégante,  parce  que  la  démar- 
che est  animée. 

L'élégance  du  style,  dit  Marmontel,  suppose 
l'exactitude,  la  justesse  et  la  pureté,  c'est-à-dire 
la  lidélité  la  plus  sévère  aux  règles  de  la  langue, 
au  sens  de  l;i  pensée,  aux  lois  de  l'usage  cl  du 
goût,  accord  d'où  nsulle  la  correction  du  style. 
Mais  tout  cela  contribue  a  l'élégance,  et  n'y  suffit 
pas.  Elle  exige  encore  une  liberté  noble,  un  air 
facile  et  naturel,  qui,  sans  nuire  à  la  correction. 
en  déguise  l'étude  et  la  gène.  L'élégance  consiste, 
dit  Girard,  dans  un  tour  de  pensée  noble  et  poli, 
rendu  par  dos  expressions  châtiées,  coulantes  et 
gracieuses  à  l'oreille.  Disons  mieu.x,  c'est  la  réu- 
nion de  touics  les  grâces  du  style. 

La  langueur  et  la  mollesse  du  style  sont  les 
écueils  voisins  de  l'élégance;  et,  parmi  ceux  (jui 
la  recherchent,  il  en  est  peu  qui  les  évitent.  Pour 
donner  de  l'aisance  à  l'expression,  ils  la  rendent 
lâche  et  diffuse;  leur  style  est  (wli,  mais  effé- 
miné. La  première  cause  de  celte  faiblesse  est 
dans  la  manière  de  concevoir  et  de  sentir.  Tout 
ce  qu'on  peut  exiger  de  l'élégance,  c'est  de  ne 
pas  énerver  le  sentiment  ou  la  pensée;  mais  on 
ne  doit  pas  s'attendre  (lu'elle  donne  de  la  chaleur 
ou  de  la  force  à  qui  n'en  a  pas. 

Le  point  essentiel  et  dil'licile  est  de  concilier 
l'élégance  avec  le  naturel.  L'élégance  suppose  le 
choix  de  l'expression;  or,  le  moyen  de  choisir 
quand  l'expression  naturelle  est  uniijue?  le  moyen 
d'accorder  celte  vérité,  ce  naturel,  avec  toutes 
les  convenances  des  mœurs,  de  l'usage  et  du 
goût ,  avec  ces  idées  factices  de  bienséance  et  de 
noblesse  qui  varient  d'un  siècle  à  l'autre,  et  <|ui 
font  loi  dans  tous  les  temps?  Comment  faire  par- 
ler naturellement  un  villageois,  un  homme  du 
peuple,  sans  blesser  la  délicatesse  d'un  homme 
poli,  cultivé? 

C'est  là  sans  doute  une  des  grandes  difficultés 
ie  l'art,  et  peu  d'écrivains  ont  su  la  vaincre. 
ToulcJ't'is,  il  y  a  deux  moyens  d'y  parvenir  :  le 
choix  des  idées  et  des  choses,  et  le  talent  de  pla- 
cer les  mois.  Le  style  n'est  le  plus  souvent  bas  et 
commun  que  par  les  idées.  Dire  comme  tout  le 


ÉLE 


241 


monde  ce  que  tout  le  monde  a  p<»nsè,  ce  n'est 
pas  la  peine  d'écrire;  vouloir  dire  des  choses 
communes  d'une  façon  nouvelle  et  ijui  n'apjwr- 
lienne  qu'a  nous,  c'est  courir  le  risipie  d'être 
précieux,  affecté,  peu  naturel:  dire  des  choses 
que  nous  avons  tous  confusément  dans  l'âme, 
mais  que  personne  n'a  pris  soin  cncure  de  démê- 
ler, d'exprimer,  de  placer  à  pro|)os;  les  dire  dans 
les  formes  les  plus  sinq)les,  et  en  apparence  les 
moins  recherchées,  c'est  le  moyen  d'élre  à  la  fois 
naturel  et  ingénieux  : 

Le  saga  est  ménager  du  temps  et  des  paroles. 

La  Font.,  liv.  VIII,  fabl.  xivi,  39.) 

Qui  ne  l'eût  pas  dit  comme  La  Fontaine?  qui 
n'eût  pas  dit  comme  lui? 

Qu'un  ami  véritable  est  une  douce  chose! 
Il  ctierche  vos  besoins  au  fond  de  voire  cœur. 

(Lit.  VIII,  fabl.  xi,  24.) 

Ou  plutôt  qui  l'eût  dit  avec  cette  vérité  si  tou- 
chante? (Voltaire,  Marmontel.) 

Élégant,  Élégante.  Adj.  Il  peut  se  mettre 
avant  son  subst.  -.  Une  parure  élégante,  une  élé- 
gante parure  ;  une  tournure  élégante,  une  élé- 
gante tournure.  Cependant  on  ne  dirait  pas  un 
élégant  tour,  %in  élégant  homme,  etc.  Il  faut 
consulter  l'oreille  et  l'analogie.  Voyez  Adjectif. 

Élégiaque.  Adj.  des  deux  genres  (jui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  f^ers  élégiaques,  poésies 
élégiaques.  Cet  adjectif  se  dil  de  ce  (]ui  appar- 
tient à  l'élégie,  et  s'applicjue  plus  particulière- 
ment à  l'espèce  de  versiiui  entraient  dans  l'élé- 
gie des  anciens,  et  qui  consistaient  dans  une  suite 
de  distiques  formés  d'un  hexamètre  et  d'un  pen- 
tamètre. L'inégalilé  des  vers  élégiaques  les  dis- 
tingue des  vers  héro'iques,  dont  la  marche  sou- 
tenue caractérise  la  majesté.  Parmi  nous,  ma- 
dame de  la  Suze  et  madame  Deshoulières  se  sont 
exercées  dans  le  genre  élégiaque. 

Élégie.  Subst.  f.  Petit  poème  dont  les  plaintes 
et  la  douleur  sont  le  principal  caractère. 

La  plaintive  élégie,  en  longs  liabits  de  deuil. 
Sait,  les  cheveux  épars,  gémir  sur  un  cercueil. 

(Bon,.,  ^.  P.,  II,  59.) 

Nous  disons  le  principal  caractère,  car  bien 
que  ce  poëme  se  lixe  ordinairement  aux  objets 
lugubres,  il  ne  s'y  borne  pourlanl  pas  unique- 
ment. Le  même  Boileau  a  dit  {idem,  k\)  : 

Elle  peint  des  amants  la  joie  et  la  tristesse. 
Flatte,  menace,  irrile,  apaise  une  maîtresse. 

Le  vrai  caractère  de  l'élégie  consiste  dans  la 
diversité  des  pensées,  dans  la  délicatesse  dessen- 
timenls,  dans  la  simplicité  des  expressions. 

Élémentaire.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Géométrie  élémentaire, 
ouvrage  élémentaire. 

ÉLÈVE.  Subst.  Il  nous  semble  que  Férand  re- 
marque avec  raison  qu'en  parlant  des  fcmmes.on 
devrait  mettre  ce  mol  au  féminin,  et  dire  c'est 
une  élève  de  tel  peintre. —Dans  sa  dernière  édi- 
tion, l'Académie  donne  pour  exemple,  faire  de 
bonnes  élèves. 

ÉLEVER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  le  sens  d'in- 
struire, on  dit  élever  un  enfant  à  la  vertu.  Toute 
leur  attention  était  d'élever  leurs  enfants  à  la 
vertu.  (iNIonlesquieu,  XIl''  lettre  persane.)  L'A- 
cadémie ne  donne  point  ce  régime  a  ce  verbe. 

16 


542  f.^.l 

Dans  le  sens  de  porter  plus  haut.  Racine  a  dit 
{Britann.,  act.  I,  se.  il,  16)  : 

Ai-je  donc  /levé  si  hiul  votre  fortune  ? 

Dans  ce  sens,  l'Académie  ne  le  dit  que  des  per- 
sonnes. 

L'Académie  a  reproché  à  Corneille  d'avoir  fait 
régir  à  ce  verbe  la  préposition  en  : 

Enfin  \oiis  l'cmiiorloz,  cl  la  faTcur  da  roi 
Vous  élève  en  un  rang  qui  n'élalt  dû  qu'à  moi. 

[Cid,  acU  I,  se.  vi,  i.) 

On  doit  dire  élever  à  tm  rang,  à  un  état,  à  vno 
diynitc.  On  dit,  ;i  la  vérité,  élever  en  honneur,  en 
dignité;  niais  alors  les  mots  honneur,  dignité, 
sont  pris  dans  un  sens  indélini.  On  dit  s'élever  à 
une  grande  dignité,  à  un  grand  honneur. 

On  trouve  la  même  faute  dans  les  vers  suivants 
de  Voltaire  [Sémiramis,  act.  II,  se.  vu,  U)  : 

Tranquille  j'oubliai,  sans  crainte  et  sans  ennuis. 
Quel  degré  m'éleva  dans  ce  rang  où  je  suis. 

On  n'élève  pas  plus  en  un  rang  que  dayis  un 
rang. 

S'élever.  On  peut  utilement  ajouter  les  exem- 
ples suivants  à  ceux  de  l'Académie  : 

Le  remords  dévorant  t' éleva  dans  son  coeur. 

(YoLT.,  Henr.,  III,  10.) 

Quelle  effroyable  voii  dan»  mon  âme  s'élève. 

[Maliom.,  act.  IV,  se.  IV,  32.] 

Un  jour  doit  s'élever  des  cendres  de  Pergame 
Un  peuple  ùe  sa  ville  orgueilleux  destructeur. 
Et  du  monde  conquis  vaste  dominateur. 

(Dblil.,  Enéide,  I,  34.) 

Êlider.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Terme  de  gram- 
maire. C'est  supprimer  la  voyelle  finale  d'un  mol 
à  la  rencontre  d'une  autre  voyelle.  Voyez  ÉU- 
sion,  Apostrophe . 

Élire.  V.  a.  et  irrég.  delà  4'  conj.  Il  se  con- 
jugue comme  lire.  Voyez  ce  mot  :  Élire  à  la  ma- 
jorité des  voix,  il  a  été  élu  président. 

On  l'employait  autrefois  dans  le  sens  de  choisir. 
Corneille  a  dit  (Cid,  édit.  de  Volt.,  act.  I,  se.  i, 
29)  : 

Lt  roi  doit  à  son  fils  élire  un  gouverneur. 

Et  Molière  :  Et  qyel  conseil  vous  me  faites 
élire!  On  dirait  aujourd'hui  choisir.  Une  seule 
personne  choisit,  plusieurs  personnes  élisent.  Il 
faut  observer  qu'on  n'élit  que  des  personnes,  et 
qu'ainsi  plusieurs  personnes  pourraient  choisir 
nn  lieu. 

Elision.  Subst.  f.  Suppression  de  la  voyelle 
(l'un  mot  à  la  rencontre  d'une  autre  voyelle. 
Voyez  Apostrophe. 

Dans  noire  poésie,  nous  n'avons  d'autre  élision 
ïue  celle  de  \'e  mviel  devant  une  voyelle;  tout 
autre  concours  de  deux  voyelles  y  est  inlerdii; 
règle  qui  [«ut  paraître  assez  bizarre  pour  deux 
raisons  :  la  piemicre,  parce  qu'il  y  a  une  grande 
quantité  de  mots  ;iu  milieu  desquels  il  y  a  con- 
cours de  deux  voyelles,  et  qu'il  faudrait  donc 
aussi,  par  la  même  raison,  inlerdire  ces  mots  à  la 
poésie,  puis(iu'on  ne  sauiait  les  cou[)er  en  deux  ; 
te  seconde,  c'est  <]ue  le  concours  de  deux  voyelles 
est  jwrmisdans  notre  poésie,  quand  la  seconde  est 
piécédée  d'un  h  aspiré,  comme  danse»  Aéro*,  la 


tu 

hauteur;  c'est-à-dire  que  l'hiatus  n'est  permis 
que  dans  le  cas  où  il  est  le  plus  rude  à  l'oreille. 
On  peut  remarquer  aussi  que  l'hiatus  est  permis 
lorsque  l'e  muet  est  précédé  d'une  voyelle, 
comme  dans  immolée  à  mes  yeux;  et  que  pour 
lors  la  voyelle  qui  précède  Vc  muet  est  plus  mar- 
quée. Immolé  à  mes  yeux  n'est  pas  ftermis  en 
poésie,  et  cependant  il  est  moins  rude  que  l'au- 
tre; nouvelle  bizarrerie.  Dans  ta  prose,  les  hia- 
tus ne  sont  point  défendus.  Il  csi  vrai  (|u'une 
oreille  délicate  serait  chocpiée  s'ils  étaient  en 
grand  nombre,  mais  il  serait  peut-être  encore 
plus  ridicule  de  vouloir  les  éviter  tout  à  fait  • 
ce  serait  souvent  le  moyen  d'énerver  le  style,  de 
lui  faire  perdre  sa  vivacité,  sa  précision"  et  sa 
facilité.  Avec  un  peu  d'oreille  de  la  part  de  l'é- 
crivain, les  hiatus  ne  seront  ni  fréquents,  ni  cho- 
quants dans  la  prose. 

On  attribue  un  désagrément  à  Ve  muet  qui 
termine  les  adjectifs  féminins  dont  le  masculin 
est  en  é,  i,  ou,  v,  et  dont  il  résulte  ée,  ie,  oue, 
ve.  Voici  quelques  observations  de  Bcauzée  sur 
celle  matière. 

Il  arrive  irès-fréquemmenl  que  ccl  c  ne  scn- 
tend  presque  jxjint  :  Elle  s'est  rendue  phu  dif- 
ficile queje  ne  pensais,  ne  donne  guère  qu'un  u 
plus  soutenu  et  plus  long,  jusque-là  que  bien 
des  grammairiens  ont  cru  pouvoir  relranchcr  Ve 
muet  qui  le  suit. 

La  poésie  l'élide,  et  s'épargne  par  là  le  soin 
de  chercher  un  tour  plus  ou  inoins  naturel,  que 
ne  lui  fournirait  pas  ce  masculin  qui  ne  s'élide 
point. 

L'honneur  est  corame-une-ile-escarpée-et  sans  boi'd.:. 
(BoiL.,  Sat.  X,  167.) 

Quatre  élisions  dans  ce  seul  vers.  Je  vois  bien 
que  dans  la  quatrième  l'oreille  n'entend  à  la  ri- 
gueur que  pé-et,  comme  dans  cet  autre  exem- 
ple : 

Un  son  liarmonieux  s'y  mêle  au  bruit  des  eaux, 

elle  n'entend  qu'un  équivalent  des  mots  «t 
evx  ;  mais  il  est  de  fait  que  ces  deux  vers  sont 
très-beaux ,  et  qu'ils  ne  blessent  en  rien  notre 
oreille;  tandis  (.[u'escarpé-et,  et  ni  eux  y  seraient 
insupportables. 

En  général,  je  pense  que  ces  fréquentes  élisions 
de  notre  langue  y  produisent  une  beauté. 

Par  toi-même  bientôt  conduile  à  l'I^pora, 
De  quel  air  penses-tu  que  la  s.ilnle  y  verra 
Du  speclaclc-cnchanteur  la  pompe  harmonieuse? 
't?oiL.,  Sat.  X,  151.) 

C'est  que  l'élision  y  fait  entendre  à  l'esprit  quel- 
que chose  de  plus  qu'à  l'oreille  :  et  pour  en  rorc- 
nir  à  notre  escarpé  et  sans  bords,  au  son  harmo- 
nieux,  etc.,  je  crois  qu'il  y  intervient  néces- 
sairement et  involontairement  un  jugement  de 
l'àme  qui  en  rectifie  l'hiatus,  dont  l'oreille  aurait 
souffert  dans  tout  autre  cas.  Ce  n'est  point  ici,  à 
mon  avis,  une  affaire  de  fantaisie,  de  pure  ha- 
bitude, ni  de  convention  ;  c'est  une  e>pérc  de 
sensation  composée  du  physique  et  de  l'intellec- 
tuel :  escarpé  et,  mo  ni  evx,  pompar,  \  oila  ce 
qui  frappe  l'oreille.  Escarpé  et  sans  bords,  un 
son  harmonieux,  la  pompe  harmonieuse,  c'est  ce 
que  l'esprit  y  entend.  On  peut  dire  qu'en  cette 
occasion,  coinmc  on  beaucoup  d'autres  sembla- 
bles, l'esprit  fait  illusion  a  l'oreille,  qui  à  son 
tour,  et  dans  bien  d'autres  aussi,  ne  manquera 
pas  de  donner  le  change  à  l'esprit. 


ELL 

Il  faut  évllcr  avec  soin  les  élisions  dures.  La 
Harpe  en  relève  une  de  celte  nature  dans  ce 
vers  de  Voltaire  {Sémir.,  act.  1,  se.  v,  49)  : 

En  m' arrachant  mon  fiU  m'avait  punie  as$et. 

Celte  t'iision  soche  et  dure  à  la  fin  d'un  vers 
forme  une  chulc  désagréable.  [Cours  de  littéra- 
ture.) 

Elle.  Pronom  de  la  3'  personne  du  féminin 
sinçulier.  11  fail  elles  au  pluriel.  Elle  est  tantôt 
le  féminin  de  il,  cl  laiilol  le  féminin  de  lui.  Dans 
le  prenticr  cas,  il  est  toujours  le  sujet  du  verbe, 
k  pix'ccde  toujours,  excepté  dans  les  inter- 
rogaliuiis,  et  ne  i)eiii  en  être  séparé  que  par  un 
auu^  pronom  personnel  ou  une  particule  né- 
eative.  Elle  daiue,  elle  lui  a  donné  sa  grâce. 
P'ient-elle,  danse-t-elle?  Elle,  sujel  d'une  pré- 
pusilioD,  se  dit  également  des  personnes  et  des 
choses. 

Quand  elle  est  le  féminin  de  lui,  il  ne  se  dit 
pas  loujoui-s  des  choses.  On  ne  dit  pas  d'une 
science  ou  d'une  [)rofession  il  s'est  adonné  à  elle; 
il  faut  dire,  il  .t't/  est  adonné;  ni  d'une  jument, 
je  ne  me  suis  pas  encore  servi  <i'elle,  mais  je 
ne  7«'cn  suis  pas  encore  servi. 

11  semble  qu'avec  les  prépositions  de  cl  à,  les 
pronoms  elle,  lui,  eux,  ne  se  disent  pas  indif- 
féreuunenl  des  ihoses  et  des  personnes.  Cepen- 
dant, lorsqu'ils  sont  |)récédés  des  prépositions 
avec  ou  après,  ils  peuvent  se  dire  des  choses 
même  inaulmees;  Cette  rivière,  dans  ses  débor- 
demeuts,  entraîne  avec  elle  ^)m^  ce  qu'elle  ren- 
couire,  elle  71e  laisse  rien  après  elle. 

Il  y  a  des  phrases  fort  en  usage  ea  parlant  des 
personnes,  donl  on  ne  se  sert  pas  en  parlant  d'une 
multitude.  Quoiiju'on  dise  d'une  femuie,ye  m'ap- 
prochai d'elle,  il  iaul  dire  d'une  armée,  je  m'en 
approcluii.  Lu  régie  que  donnent  les  grammai- 
riens est  qu€,  lorsque  ces  pronoms  sont  précè- 
des d'une  préposition,  ils  ne  se  dirent  des  choses 
que  dans  le  cas  où  elles  ont  été  personnifiées. 
Mais  celte  règle  n'est  pas  exacte,  puisque  nous 
venons  de  voir  que  les  prépositions  avec  el  après 
n'empêchent  pus  qu'on  ne  les  dise  des  choses. 
D'ailleurs,  quoi  de  plus  personnifié  qu'une  ar- 
mée qu'on  fait  mouvoir,  agir  et  combattre?  et 
pourquoi  ne  dirait-on  pas,  nous  allâmes,  nous 
ntarcMmes  à  elle?  Pourrait-on  même  parler 
autrement?  Voila  donc  le  pronom  eZZe,  précédé 
d'une  préposition,  qui  se  dit  d'une  armée.  Je 
crois  (ju'on  peut  dire  encore,  j'aime  la  t^érité 
OM  point  que  je  sacrifierais  tuui  pour  elle,  el  il 
importe  peu  que  la  vérité  soit  personnifiée  ou  ne 
le  soil  pas.  (Coiidillac.)  Voltaire  a  forl  bien  dit: 
Les  frontières  de  la  Flandre  espagnole  étaient 
presque  sans  fortifications  et  sans  garnisons  ; 
Louis  71  eut  qu'use prese/iter  devant  elles.  [Siècle 
de  Louis  Xlf^,  <  hap.  VllL)  On  aurait  pu  de- 
mander à  Féraud,  qui  condamne  cett*  phrase, 
comment  il  aurait  dit  à  la  place  de  VoUairc. 

■Voltaire  a  dit  dans  Oreste  (act.  V,  se.  vu, 

52): 

Fers,  tombez  de  ses  mains;  le  sceptre  est  fait  pour  tlles. 

Observez,  dit  à  ce  sujel  La  Harpe,  qu'il  n'est 
ni  dans  le  génie  de  notre  langue,  ni  dans  l'usage 
des  bons  écrivains,  de  placer  le  pronom  elle  au- 
trement que  comme  sujel,  quand  il  se  rapporte 
aux  choses;  on  ne  l'emploie  comme  régime  (jue 
quand  il  se  rapporte  aux  personnes  ou  aux  choses 
personnifiées.  La  violation  de  celle  règle  jette 


ELL 


243 


d«  la  langueur  dans  le  style;  c  est  une  sorte 
d'inélégance.  La  même  faute  est  dans  ces  vers 
de  Tancrède  (act.  I,  se.  ir,  99  )  : 

Mais  qoi  peut  altérer  vos  bontés  paternelles? 
Vous  seule,  vous,  ma  Clle,  en  abusant  trop  d'tllei. 

Il  n'y  a  personne  qui  ne  sente  combien  ce 
pronom*/^, qui  finit  la  phrase  et  le  vers,  produit  un 
mauvais  effet  ;  el  cet  effet  se  trouvera  dans  toutes 
les  phrases  du  même  genre,  en  i»rose  el  en  vers  : 
Il  se  souvient  de  vos  bontés,  il  en  est  pénétn  . 
Si  l'on  disait  il  est  pénétré  d'elles,  cc\ai  parailrail 
ridicule.  C'est  que  noire  langue  y  a  pourvu 
moyennant  la  particule  e«,  (|ui  lienl  lieu  du  pn^ 
nom,  el  qui,  se  plaçant  avant  le  verbe,  réunit  ki 
précision  et  la  rapidité.  11  est  vrai  qu'il  y  a  des 
occasions  où  l'on  ne  saurait  se  servir  du  mot  en; 
mais  alors  il  faut  éviter  ce  pronom,  cl  chercher 
une  autre  tournure.  [Cours  de  littérature.) 

Elle  ne  peut  pas  servir  de  régime  indirect  à  un 
verbe  actif;  on  y  substiliic  lui,  qui  est  alors 
féminin.  En  parlant  d'une  femme  on  da  donnez- 
lui  ce  qu'elle  dema/ide  ;  elle  deina/ide  ses  yages, 
don7iez-les-lui.  Cependant  s'il  était  quesLion  de 
savoir  à  (jui,  de  plusieurs  femmes,  on  doit  donner 
linéique  chose,  on  dirait  forl  bien  ces  femmes 
?ie  tnérite/it  pas  ce  présent;  donnez-le  à  elle, 
en  désignant  celle  que  l'on  entend  indiquer  par 
ce  jironom.  C'est  par  la  même  raison  qu'on  lit 
dans  Télémaque  (liv.VII,  t.  T,  p.  24'J)  :  Il  croyait 
même  parler  à  elle,  ne  sachant  plus  <,îi  il  était. 
Dans  celle  phrase,  elle  est  considéré,  non  comme 
une  personne  à  laquelle  on  dit  quelque  chose,  mais 
comme  une  personne  à  qui  l'on  adresse  la  parole. 
Ilveut  ?«z  paj^er  signifie,  il  veut  lui  dire  tjuelque 
chose,  lui  communiquer  quelque  chose  par  le 
moyen  de  la  parole.  Il  veut  parler  à  elle,  signi- 
fie c'est  à  elle  quil  veut  adresser  la  parole  ; 
et  dans  ce  tour,  il  y  a  toujours  une  sorte  d'of>- 
position.-  Ce  n'est  pas  à  lui  que  je  veux  par- 
ler, c'est  à  elle. 

Après  les  verbes* neutres  cl  réciproques  qui 
régissenl  la  préposition  à,  on  dit  elle  cl  elles.  Il 
faut  s'adresser  à  elle  ou  à  elles,  il  faut  revenir 
à  clle  ou  «  elles.  Quand  on  y  ajoute  même,  on 
peut  dire  à  elle  avec  les  verbes  actifs,  en  faisaiU 
précéder  lui  :  Do7inez-les-l\i\  à  e\\e-77iême. 

Quand  le  pronom  la  est  le  régime  direct  d'un 
verbe,  et  «pi'après  ce  verbe  il  y  a  un  nom  qui 
concourt  avec  le  pronom  à  fornier  ce  régime 
direct,  on  le  répèle  après  le  verbe,  jwr  le  moyen 
d'elle:  Le  lion  la  dévora,  elle  et  ses  enfants. 
De  même  au  pluriel  :  On  les  canda7n/ta,  elles  et 
leurs  complices. 

Lorsque  le  pronom  ei^  est  le  sujel  d'une  pro- 
position, el  (ju'on  veut  le  joindre  a  un  nom  qui 
concourt  avec  lui  a  former  ce  sujel,  on  laisse  k 
verbe  après  le  pronom,  parce  qu'il  ne  peut  en 
être  séparé;  mais  après  le  verbe  on  replète  elle, 
pour  le  joindre  au  nom  qui  concourt  avec  ce 
pronom  a  former  le  sujel  ;  Elle  mourut,  elle  et 
les  siens. 

Le  pronom  eUe,  comme  plusieurs  autres  pro- 
noms, s'emploie  aussi  pour  rappeler  des  phrases 
entières  :  Quia  commis  ce  crime  abominable? 
Elle.  C'esl-a-dire  elle  a  commis  ce  crime  etboini- 
nubie.  Voyez  Lui,  Pri)ui7u  el  Amphibologie. 

Ellipse.  Subsl.  f.  Terme  de  grammaire;  d'un 
mol  irrec  qui  signifie  manquemeut,  owmjMw. 
L'ellipse  est  une  figure  de  construction.  On 
parle  jwr  ellipse  lorsqu'on  leiranche  des  mois  qui 
seraient  nécessaires  pour  rendre  la  couslruclion 


244 


ELL 


pleine.  Quelquefois  rcllipse  consiste  à  ne  pas 
répOier  dans  un  ou  plusieurs  niciubres  d'une 
phrase  un  uu  plusieurs  mois  qui  sont  énoncés 
dans  un  membre  précédent.  Par  exemple,  Vol- 
taire a  dit  dans  la  Henriade  (VII,  443)  : 

Trop  ami  des  plai:>irs,  et  trop  dei  nouveautés. 

Pour  que  celle  phrase  fût  pleine  grammaticale- 
ment, il  faudrait  répéter  dans  le  second  membre 
le  mot  ami,  qui  est  exprime  dans  le  premier, 
et  dire  trop  ami  des  plaisirs  et  trop  ami  des  /lou- 
veautcs.  I/omission  de  celle  répétition  est  ce  que 
l'on  appelle  une  ellipse,  et  ce  qui  fait  que 
la  phrase  est  elliptique.  Dans  celle  pensée  de  La 
Rochefoucauld  ;  L'avance  produit  quelquefois 
la  prodigalité,  et  la  prodigalité  l'avarice,  l'el- 
lipse consiste  dans  l'omission  de  deux  mois  (jui 
sont  exprimés  dans  le  premier  membre,  et  qui 
devraient  être  lépétés  dans  le  second  pour  rendre 
la  construction  pleine,  savoir,  jD)W(/</(7(;eZ(7Me/'ow. 

Il  n'y  a  point  de  difficullé  ((uand  le  mot  ou  les 
mots  que  l'on  ne  répète  pas  doivenl  être  les  mê- 
mes que  ceux  qui  sont  exprimés  dans  le  premier 
membre.  C'est  ce  qu'on  peut  remarquer  dans 
les  exemples  que  nous  venons  de  citer,  et  dans  le 
suivant  :  Une  femme  inconstante  est  celle  qui 
n'aime  plus  i  une  légère,  celle  qui  déjà  en  aime 
un  autre  ;  une  volage,  celle  qui  ne  sait  ni  si  elle 
aime,  ni  ce  qu'elle  aime  ;  une  indifférente,  celle 
qui  n'aime  rien.  (La  Bruyère,  Des  femmes, 
p.  273.)  Dans  tous  les  membres  de  celle  phrase 
où  il  y  a  ellipse,  ce  sont  les  mots  femvie  est  ((ue 
l'on  n'a  pas  répétés,  et  qu'il  faudrait  répéter  pour 
rendre  les  constructions  pleines. 

Mais  les  grammairiens  ne  sont  pas  d'accord  sur 
les  ellipses  où  les  mots  sous-entendus  ne  sont 
pas  exactement  les  mêmes  que  ceux  qui  sont  ex- 
primés. Par  exemple,  ils  disent  que  si,  dans  le 
premier  membre  de  la  phrase,  le  verbe  est  au 
singulier,  l'ellipse  ne  peut  pas,  dans  le  second 
membre,  le  supposer  au  pluriel.  Ainsi  ils  condam- 
nent l'ellipse  qui  se  trouve  dans  ce  vers  de  Ra- 
cine [Androm.,  act.  II,  se.  il,  62)  : 

Le  cœur  est  puurPyrrhu.^,  et  les  vœux  pour  Orcsle, 

parce  que  le  sens  est,  et  les  vœux  sont  pour 
Oreste,  et  (pic  l'ellipse  ne  peut  rappeler  que  le 
mot  est  au  singulier.  Ils  en  disent  autant  de  ce 
vers  de  Voltaire  [Henr.  II,  41)  : 

Vous  régnez,  Londre  est  libre,  et  vos  lois  ûorissanles; 

et  do  celte  phrase  de  Montesquieu  :  Le  peuple 
jouit  des  refus  du  prince,  et  les  courtisans  de  ses 
grâces.  {Esprit  des  Lois,  \\v .  XII,  cliap.  xxvii). 
Cependant,  quand  on  lit  ces  phrases,  res|iril  n'é- 
prouve aucun  embarras;  on  n'a  pas  besoin  de 
réflexion  pour  sentir  la  totalité  du  sens  et  les  rap- 
ports de  tous  les  mots  entre  eux.  A  la  vérité,  il 
faut  supposer  au  pluriel  un  verbe  qui  rappelle  le 
même  verbe  qui  est  au  singulier;  mais  les  sujets 
qui  sont  au  pluriel  conduisent  naturellement  à  ce 
changement  de  nombre;  et  (juand  on  a  lu  les 
vœux,  vos  lois,  les  courtisans,  on  conçoit  aussi- 
tôt au  pluriel  le  verbe  qui  est  au  singulier  dans 
le  |)remier  membre. 

D'ailleurs,  cette  chicane  que  font  ici  les  gram- 
mairiens à  ces  grands  écrivains  est  si  peu  fon- 
dée, qu'elle  taxerait  d'irrégularité  une  muliiiudc 
d'ellipses  qui  reviennent  à  chaque  instant  dans  la 
conversation,  et  que  cependant  ils  trouvent  très- 
régulières  Ainsi,  quand  je  demandée  quelqu'un, 


ELL 

où  allez-vous?  et  qu'on  me  répond  à  Paris^  le 
verbe  sous-entendu  n'est  pas  à  la  même  |>erâonne 
(|ue  le  verbe  exprimé;  car  ce  verbe  es\  je  vais, 
et  non  pas  vous  allez,  qu\  est  le  verbe  exprimé. 
Il  en  est  de  même  lorsqu'on  demande  à  Mé.iée, 
dans  la  tragédie  de  ce  nom  (act.  I,  se.  v,  48)  : 

Dans  un  si  grand  re»crs,  que  tous  resle-t-il? 

et  qu'elle  répond  : 

Moi. 

Ce  moi  veut  dire  je  me  reste,  et  ce  verbe  à  la. 
première  personne  rappelle  le  même  verbe  <}ui 
est  â  la  troisième  dans  la  ^1/  ;ise  inlerrogative. 

Or,  s'il  n'est  pas  nécessaire,  dans  une  ellipse, 
que  le  verbe  supprimé  soit  a  la  même  personne 
que  le  verbe  exprimé,  j)ourquoi  l'un  ne  pourrait- 
il  pas  être  au  singulier  et  l'autre  au  pluriel,  sur- 
tout lorscjue  des  sujets  analogues  à  ces  membres 
les  y  détermineni? 

Trop  souvent  les  grammairiens  oublient  que  le 
discours  ne  doit  être  fait  d'après  leurs  règles 
que  lorsque  leurs  règles  ont  été  faites  pour  la 
perfection  du  langage;  et  que  lorstju'une  phrase 
frappe  l'esprit  par  sa  clarté,  sans  choquer  l'oreille 
par  des  sons  durs,  ou  le  goût  par  des  idées  dis- 
parates, c'est  une  pédanterie  de  s'efforcer  à  trou- 
ver mal  dit  ce  que  tout  le  monde  approuve,  et  ce 
que  les  écrivains  les  plus  distingués  ont  fréquem- 
ment autorisé  par  des  exemples. 

Une  chose  singulière ,  c'est  que  ces  mêmes 
grammairiens  qui  ne  veulent  pas  qu'à  la  faveur 
d'un  sujet  pluriel  on  sous-enlende  à  ce  nombre 
un  verbe  exprimé  au  singulier  dans  le  premier 
membre  d'une  phrase,  permellont  que  l'on  sous- 
enlcndc  un  masculin  pour  un  féminin,  ou  un  fé- 
minin pour  un  masculin.  Ainsi  l'Académie  per- 
met à  iMie  femme  de  dire  je  suis  plus  grande  que 
mon  frère,  et  à  un  homme,  je  suis  plus  grand 
que  ma  sœur;  ainsi  elle  approuve,  l'âme  des 
femmes  coquettes  n'est  pas  moins  fardée  que  leur 
visage.  (Saint-Evremout.)  La  faiblesse  est  plus 
opposée  à  la  vertu  que  le  vice.  (La  Rochefou- 
cauld, Max.  445  p.  J'jO.) 

t^es  locutions  sont  fort  bonnes,  dit  l'Académie, 
parce  que  l'adjectif,  pour  ne  regarder  qu'un  des 
deux  sexes,  ne  laisse  pas  de  cotivenir  à  l'autre  par 
la  sous-entenle  qui  tacitement  le  fait  du  genre 
qu'il  faut. 

Il  faut  convenir  que  si  ce  raisonnement  suffit 
pour  autoriser  ces  i)hrases,  il  suffira  à  plus  forte 
raison  pour  autoriser  les  ellipses  des  verbes  dont 
nous  venons  de  parler.  Ces  locutions  sont  fort 
bonnes,  pourra-t-on  dire,  parce  que  le  verbe, pour 
être  au  singulier,  ?ie  laisse  pas  de  convenir  au 
pluriel,  par  l'expression  du  sujet  pluriel,  quifor- 
yncllement  le  fait  du  nombre  qu'il  faut. 

11  n'en  est  pas  de  même  de  l'ellipse  où  l'on  sui>- 
pose  le  verbe  sous-entendu  à  un  autre  temps  que 
celui  qui  est  indiqué  dans  le  premier  membre 
de  la  phrase.  La  différence  du  singulier  au  plu- 
riel, du  masculin  au  féminin,  ne  change  point  la 
nature  des  propositions;  mais  la  différence  des 
temps  change  cette  nature,  et  l'on  ne  peut  pas 
sous-entendrc,  au  jjassé  ou  au  futur,  un  verbe 
qui  est  au  iirésenl  dans  le  premier  membre.  Nous 
pensons  donc  (ju'on  i)eut  trouver  une  licence 
dans  ces  vers  de  Voltaire  [Zaïre,  act.  I,  se.  i, 
107): 

J'eune  été  près  du  Gange  esclave  des  faux  dieas. 
Chrétienne  dans  Paris,  musulmane  en  ces  lienx. 


ELL 

Le  verbe  sous-cntondu  devant  mimntmane  est 

Je  suis,  et  non  [)[\s  J'eusse  été;  ce  (lui  fait  (lue 
l'esprit  n'est  pas  satisfait,  et  cherche  en  vain  le 
temps  qui  convient  au  dernier  menihre.  On  peut 
faire  cette  critique  malgré  l'autorité  do  foliaire, 
parce  qu'elle  est  fondée  en  raison,  et  que  la  rai- 
son est  au-dessus  des  grands  hommes. 

Plusieurs  çrammairiens  trouvent  des  ellipses 
dans  ces  phrases  :  En  aimant  on  veut  l'être  ;  qui 
ne  sait  point  aimer  n'est  pas  digne  de  l'être  ;  on 
ne  trompe  pas  longtemps  les  hmnmes  sur  leurs 
intérêts,  et  ils  ne  haïssent  rien  tant  que  de  l'être  ; 
il  m'a  trompé,  je  ne  croyais  pas  l'être;  vous 
vous  moquez  des  jaloux ,  vous  le  serez  un 
jour,  etc. 

11  ne  nous  est  pas  possible  de  voir  des  ellipses 
proprement  dites  dans  ces  sortes  de  locutions. 
Une  ellipse  est  un  retranchement  ou  une  omis- 
sion de  répétition.  11  n'y  a  ni  retranchement  ni 
omission  de  répétition  lorsqu'à  la  place  d'un  mot 
que  l'on  n'exprime  pas  formellement  on  en  met 
un  autre  qui  le  représente.  Or,  dans  toutes  les 
phrases  dont  il  est  question,  le  complément  du 
verbe ^/)'<?  n'est  point  retranché;  il  est  seulement 
exprime  par  un  autre  mot  {jlifférent  du  premier, 
mais  qui  en  tient  lieu.  Fn  aimant  on  veut  l'être, 
«;"est-à-dire  on  veut  être  le  ou  cela;  ce  qui  signi- 
lie  aimé.  Le  est  donc  pour  aimé  ;  aimé  n'est  donc 
pas  retranché,  mais  remplacé,  et  la  construction 
est  pleine. 

Si  l'on  ne  considérait  ainsi  ces  sortes  de  phra- 
ses, il  n'y  aurait  presque  point  de  locutions  dans 
la  langue  où  l'on  ne  trouvât  une  ellipse;  chatiuc 
pronom  en  formerait  une. 

Mais  puisqu'il  a  plu  à  (}uelqucs  grammairiens 
de  ranger  ces  locutions  dans  la  classe  des  ellipses, 
et  qu'ils  ont,  sous  ce  rapport,  approuvé  les  unes 
et  rejeté  les  autres,  examinons  sous  leur  vrai 
point  de  vue  les  difficultés  qu'elles  représen- 
tent, et  jugeons  par  le  rapport  des  pronoms  ce 
qu'ils  veulent  juger  par  les  règles  de  l'ellipse. 

On  ne  peut  pas,  disent-ils,  rappeler  un  actif 
par  un  passif,  comme  dans  en  aimant  on  veut 
rétre  ;  j'aimais,  je  me  flattais  de  l'être  ,  etc.  Ces 
phrases  ne  sont  pas  irrégulières,  parce  qu'on  a 
sous-entendu  au  passif  un  veriie  qui,  dans  le  pre- 
mier membre,  est  à  l'actif;  mais  parce  que,  dans 
le  second  membre,  on  a  remplacé  le  verbe  du 
Iiremicr  par  un  pronom  qui  ne  peut  le  représen- 
ter. Le,  qui  dans  ces  phrases  cipiivaut  à  cela,  ne 
peut  remplacer  que  l'idée  d'une  qualité  détermi- 
née, ou  d'un  état  positif.  Quand  je  dis  vous  êtes 
jalotix  et  je  ne  le  suis  pas,  vous  n'êtes  pas  tran- 
quille et  je  le  suis,  le  rap[ielle  dans  la  première 
fihrase  jaloux,  (jui  est  une  qualité  déterminée; 
dans  la  seconde,  tranquille,  qui  est  un  étal  posi- 
tif; vous  êtes  jaloux  et  je  ne  le  suis  pas  ;  c'est-à- 
dire  je  ne  suis  pas  jaloux,  ou  jalouse,  f^ous 
n'êtes  pas  tranquille,  et  je  le  suis  :  c'est-à-dire 
je  suis  tranquille.  Mais  (]uand  on  dit  en  aimant 
je  veux  l'être  ;  j'aimais,  je  me  flattais  de  l'être , 
je  ne  vois  dans  le  premiei'  membre  aucune  idée 
déterminée,  aucun  état  positif  que  puisse  repré- 
senter le  le  que  je  trouve  dans  le  second.  Ce  le, 
lorsqu'il  vient  frapper  mon  oreille,  ne  me  repré- 
sente rien,  ou,  pour  (ju'il  me  représente  une  idée, 
il  faut  que  j'aille,  i)ar  la  réflexion,  la  chercher  hors 
de  la  phrase.  En  effet,  l'analyse  gramiTiaticale 
donne  pour  la  première  phrase,  en  aimant  je 
veux  être  aimant;  ci  pour  la  seconde,  j'aimais  et 
je  me  flattais  d'être  j'aimais,  ce  qui  est  contre  le 
bon  sens.  Une  épreuve  semblable  fera  connaître, 
dans  tous  les  cas,  si  le  pronom  est  bien  ou  mal 


ELL 


245 


employé,  ou,  pour  parler  le  langage  des  grammai- 
riens qui  voient  des  ellii)scs  da'ns  ces  phrases,  si 
l'ellipse  est  régulière  ou  non. 

On  dira  donc,  on  m'a  trompé,  et  je  ne  croyais 

pas  l'être trompé.  Fous  êtes  sensible,  et  je  le 

suis  plus  que  vous sensible. 

Mais  on  ne  dira  pas,  qui  ne  sait  point  aimer  ne 
mérite  pas  de  l'être aimer. 

C'est  d'a|)rès  ces  principes  (ju'il  faut  juger  ces 
vers  de  Voltaire  [Nan.,  act.  I,  se.  vu,  J8)  : 

L'homme  csl  j.iloux  dès  qu'il  peut  s'enflammer; 
La  femme  l'est  même  avant  que  d'aimer. 

Tout  est  bien  dans  ces  vers,  la  construction  est 
pleine.  Le,  dans  le  second  membre,  est  le  com- 
plément du  verbe  est,  comme  jaloux  est  dans  le 
premier  le  complément  du  même  verbe.  Le  pro- 
nom le  reiTiplacc  ce  qu'il  peut  rcm[*hccy,  jaloux, 
qui  exprime  une  qualité  déterminée;  et  il  n'y  a 
l)as  plus  d'ellipse  dans  cette  phrase  que  dansée  le 
suis,  que  répond  ime  femme  à  buiuelle  on  de- 
mande êtes-vous  malade?  Voyez  Le. 

Dumarsaiset  Beauzée  veulent  qu'on  ne  se  dis- 
pense pas  de  répéter  le  verbe  dans  les  phrases  où 
un  membre  est  affirmalif  et  l'autre  négatif.  Ainsi, 
selon  ces  grammairiens.  Corneille  a  fait  une  el- 
lipse irrègulière  en  disant  {Cid,  act.  III,  se.  vi, 

35): 

L'amoui   n'est  qu'un  phisir  et  l'honneur  un  devoir. 

C'est  aussi  l'avis  de  l'Académie.  Quchpics  gram- 
mairiens ne  se  sont  point  soumis  à  celte  décision; 
et  ils  ont  approuvé  l'ellipse  toutes  les  fois  qu'il  y 
a  dans  la  phrase  des  expressions  qui  maniuent 
assez  l'opposition  ou  la  restriction  qui  amène  à 
donner  au  second  verbe  un  sens  aflirmalif  ou  né- 
gatif. Dans,  l'amour  n'est  c[u' un  plaisir,  et  l'hon- 
neur un  devoir,  le  ne  que  du  premier  membre 
annonce  assez  le  caractère  négatif,  et,  rien  n'an- 
nonçant ce  caractère  dans  le  second  membre, 
l'opposition  est  marquée,  et  l'on  sent  que  ce  se- 
cond membre  doit  «tre  pris  dans  le  sens  affir- 
ma tif. 

11  en  est  de  mêine  de  deux  propositions  liées 
par  la  conjonction  mais.  Celte  conjonction,  ser- 
vant à  marquer  une  idée  d'opposition  ou  de  res- 
triction, annonce  assez  par  elle-niémc  si  le  mem- 
bre qui  suit  doit  être  pris  dans  le  sens  afiirmatif 
ou  négatif.Za  composition,  quiest  en  effet  comme 
l'harmonie  du  discours,  71e  frappe  pas  simplement 
l'oreille,  mais  l'esprit.  (Boil.,  Traité  du  sublime, 
ch.  XXXII.)  Curius,  à  qui  les  Savinites  offraient 
de  l'or,  repondit  que  son  plaisir  n'était  pas  d'en 
avoir,  mais  de  commander  ci  ceux  qui  en  avaient. 
(Bossuet,  Disc,  sur  Vhist.  univers.,  IIP  part., 
chap.  VI,  p.  466.)  On  ne  doit  pas  écrire  tout  ce 
qu'ont  fait  les  rois,  mais  seulement  ce  qu'ils  ont 
fait  de  digne  de  la  postérité.  (V^ollaire.) 

L'ellipse  offre  plus  de  difficultés,  et  l'on  doit 
l'employer  avec  plus  de  réserve  lorsqu'elle  su[>- 
prime  plusieurs  mots  qui  ne  sont  indiijués  (|ue 
trés-imparfaitcmenl  dans  le  premier  incmhrç  delà 
phrase.  Telle  est  celle  qu'on  remarciue  dans  ce 
vers  de  Racine  [Androm.,  act.  IV,  se.  v,  9J)  : 

Je  t'aimais  inconstanl,  qu'aurais-je  fait  lîdèle? 

et  dans  cet  autre  {Idem,  act.  V,  se.  11,  53); 

Et  je  charge  ur.  amanl  du  soin  (îe  mon  injure. 

Dans  le  premier,  l'analyse  donne  pour  construc- 
tion pleine,  qu'aurais-je  fait,  si  tu  avais  été  fi- 


246 


ELO 


dèle9ei  dans  le  second,  je  charge  un  ornant  du 
soin  de  venger  mirn  injure.  Ces  sortes  (l'elli[«es 
sont  de  véritables  licences  que  l'on  ne  soiiffiirail 
p<is  dans  un  écrivain  inodiocre. 

Il  y  a  encore,  dit  Marmonlel,  une  foule  de  lo- 
cutions elliptiques  dont  la  plupart  ne  sont  suscep- 
tibles d'aucune  construction  analytique,  mais  tiuc 
l'usage  autorise,  et  (jui,  reçues  dans  le  langage, 
neso*il  |)lus  soumises  à  aucun  examen. 

Féraiid  dit  que  les  ellipses  sont  plus  admises  en 
vers  qu'en  prusc,  et  <}u'cn  vers  nicme  il  ne  fiiut 
pas  les  prodiguer.  La  premif-re  partie  de  cette  ob- 
servatiun  n'est  pas  juste.  Rien  de  plus  commun 
que  l'ellipse  dans  le  langage  ordinaire.  Dans  la 
langue  usuelle,  dit  Marmontel,  le  besoin  que  l'on 
a  «ommuncnicnl  de  dire  vite  plutôt  (juc  do  l)icn 
dire,  a  introduit  inliniment  plus  de  ces  abrévia- 
tions que  dans  la  langue  soigneusement  écrite;  et 
c'est  pour  cela  que  le  style  familier  en  admet  dans 
toutes  les  langues  beaucoup  plus  que  le  style 
noble.  Combien  moins  de  tours  elliplitpies  dans 
Racine  et  dans  Fénolon  que  dans  Molière,  La  Fon- 
taine et  madame  de  Sévigné!  mais,  en  revanche, 
la  langue  noble,  surtout  la  langue  poétique,  a  bien 
d'autres  licences  et  d'autres  hardiesses:  Racine, 
le  modèle  dans  l'art  d'écrire  la  tragédie.  Racine,  le 
plus  pur,  le  plus  élégant  de  nos  poètes,  s'est  per- 
mis souvent  ce  qu'on  ne  passerait  aujourd'hui  à 
aucun  nouvel  écrivain.  Ainsi,  au  défaut  de  l'usage, 
l'analogie  l'a  autorisé  à  dire:  L'effroi  de  ses  ar- 
mes, comme  on  dit  la  terreur  de  son  nom.  11  a  pu 
dire  : 

U  prend  l'humble  sous  sa  défeusc, 

[Eith.,  act.  II,  se.  111,  57) 

comme  on  dit  sous  sa  garde,  sous  sa  protection , 
puisque  l'un,  comme  les  deux  autres,  présente 
l'image  d'un  bouclier.  lia  pu  à.\vt, persécuter U 
père  sur  le  fils,  comme  on  dirait,  .te  venger  du 
père  sur  le  fils,  puisque  l'action  est  oppressive, 
et  que  sur  la  peint  mieux  que  dans. 

Nous  finirons  par  un  passage  de  Comlillac  qui 
servira  à  confirmer  ce  que  nous  avons  dit,  dans  le 
co*irs  de  cet  article,  contre  les  grammairiens  trop 
scrupuleux  qui  blâment  toutesles  ellipses  qu'ils 
ne  trouvent  pas  conformes,  aux  petites  règles  qu'ils 
se  sont  laites. 

«  Les  grammairiens  disent  que  l'ellipse  doit 
être  autorisée  par  l'usage,  mais  il  sufflt  qu'elle  le 
soit  par  la  raison.  Vous  pouvez  vous  permettre 
ces  sortes  de  tours  toutes  les  fois  que  les  mots 
sous-emendus  se  suppléeront  facilement.  Ne  de- 
mandez pas  si  une  expression  est  usitée,  mais  con- 
sidérez si  l'aiulogicaulorise  à  s'en  servir.  » 

Elliptique.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
foujoiMS  après  son  subst.  Terme  de  grammaire. 
On  appeWc  phrase  elliptique,  une  phrase  où  il  y 
a  quehpic  chose  de  sous-entendu.  Tour  ellipti- 
que. Voyez  Ellipse. 

ÉLocLTioN.  Subst.  f.  Ce  mot,  qui  vient  du  latin 
eloqui,  parler,  signifie  proprement,  et  à  la  rigueur, 
le  caractère  du  disrours,  et,  eu  ce  sens,  il  ne 
s'emploje  guère  (]u'en  i)arianl  de  la  conversation. 
On  dit  d'un  homme  qui  parle  bien,  qu'»7  a  une 
belle  élocution. 

Élocution,  dans  un  sens  moins  vulgaire,  signi- 
fie cette  partie  de  la  rhétorique  qui  traite  de  la 
diction  cl  du  style  de  l'orateur. 

J'ai  dit  que  Wiocution  avait  pour  objet  la  dic- 
tion et  le  style  de  l'orateur;  car  il  ne  faut  pas 
croire  que  ces  deux  mots  soient  synonymes.  Le 
dernier  a  une  accejuion  beaucoup  plus  étendue 


ÉLO 

que  lo  premier.  Diction  ne  se  dit  proprement  que 
des  qualités  générales  et  grammaticales  du  dis- 
cours, et  ces  qualités  sont  au  nombre  de  deux,  la 
correction  cl  la  clarté.  Elles  sont  indispensables 
dans  quelque  ouvrage  que  ce  puisse  être,  soit 
d'éloquence,  soit  de  tout  autre  genre;  l'étude  de 
la  langue  et  l'habitude  d'écrire  les  donnent  pres- 
que infailliblement  (juand  on  cherche  de  bonne 
foi  à  les  acquérir.  Style,  au  contraire,  se  dit  des 
ijualités  du  discours  plus  particulières,  plus  dif- 
ficiles et  plus  rares,  (jui  marquent  le  génie  et  le  ta- 
lent de  celui  qui  écrit  ou  qui  parle.  Telles  sont 
la  propriété  dos  termes,  l'élégance,  la  facilité,  la 
la  i)récision,  l'élévation,  la  noblesse,  l'harmonie, 
la  convenance  avec  le  sujet,  etc. 

La  clarté,  qui  est  la  loi  fondamentale  du  dis- 
cours oratoire,  et  en  général  de  quelque  dis- 
cours que  ce  soit,  consiste  non-seulement  à  se 
faire  entendre,  mais  à  se  faire  entendre  sans 
peine.  On  y  parvient  par  deux  moyens  :  en  met- 
tant les  idées  chacune  à  sa  place  dans  l'ordre 
naturel,  et  en  exprimant  nettement  chacune  de 
ces  idées.  Les  idées  sont  exprimées  facilement 
et  nettement,  en  évitant  les  tours  ambigus,  les 
phrases  trop  longues,  trop  chargt'cs  d'idées  inci- 
dentes et  acccssoiref  à  l'idée  principale,  les  tours 
épigrammali(iues,  dont  la  multitude  ne  peut 
sentir  la  linc^sc;  car  l'orateur  doit  se  souvenir 
qu'il  parle  pour  la  multitude.  Notre  langue,  par 
le  défaut  de  déclinaisons  et  de  conjugaisous,  par 
les  équivoques  fréquentes  dcsils,  des  elles,  des 
qui,  des  que,  des  son,  sa,  ses,  cl  de  beaucoup 
d'autres  mots,  est  plus  sujette  que  les  langues 
anciennes  à  l'ambiguïté  des  phrases  et  des  tours. 
On  doit  donc  y  être  fort  attentif,  en  se  permet- 
tant néanmoins,  quoique  rarement,  les  éijuivo- 
qucs  légères  cl  purement  gramiuaticalcs,  lorsque 
le  sens  est  clair  d'ailleurs  par  lui-înéme,  et  lors- 
qu'on ne  pourrait  lever  rc<iuivoquc  sans  affai- 
blir la  vivacité  du  discours.  L'orateur  peut  mévae 
se  iiermettrc  (juehiuefois  la  finesse  des  pensées 
et  des  tours,  pourvu  (luc  ce  soit  avec  sobriété, 
et  dans  les  sujets  qui  en  sont  susceptibles  ou  qui 
l'autorisent,  c'esl-ù-dirc  qui  uc  demandent  ni 
simplicité,  ni  élévation,  ni  véhémence.  Ces  tours 
fins  et  délicats  échapperont  sans  doute  au  vul- 
gaire, mais  les  gens  d'esprit  les  saisirool  et  en 
sauront  gré  à  l'orateur. 

Je  n'ai  rien  à  dire  sur  la  correction,  sinon 
qu'elle  consiste  à  observer  exactement  les  règles 
de  la  langue,  mais  non  avec  assez  de  scrupule 
pour  ne  pas  s'en  affranchir  lorsque  la  vivacité 
du  discours  l'exige.  La  correction  et  la  clarté 
sont  encore  plus  étroitement  nécessaires  dans  un 
discours  fait  pour  être  lu  (]uc  dans  un  discours 
prononcé;  car,  dans  ce  dernier  cas,  une  action 
vive,  juste,  animée,  peut  quelquefois  aider  à  la 
clarté  et  sauver  l'incorrection. 

Nous  n'avons  parlé  jusiju'ici  que  de  la  clarté 
et  de  la  correction  grammaticale  <iui  appartien- 
nent à  la  diction.  Mais  il  est  atissi  une  clarté  et 
une  correction  non  moins  essentielles  (lui  appar- 
tienneni  au  style,  el  qui  consistent  dans  la  pro- 
priété des  termes.  C'est  principalement  cette  qua- 
lité qui  distingue  les  grands  écrivains  d'avec 
ceux  qui  ne  le  sont  pas.  Ceux-ci  sont,  pour  ainsi 
dire,  toujours  à  côté  de  l'idée  qu'ils  veulent  pré- 
senter; les  autres  la  rendent  et  la  font  saisir  avec 
justesse  par  une  expression  propre.  De  la  pro- 
priété des  termes  nnissenl  trois  différentes  qua- 
lités :  la  précision  dans  les  matières  de  discus- 
sion, l'élégance  dans  les  sujets  agréables,  l'éner 
gie  dans  lès  sujets  grands  ou  patbétiq,ues. 


EI.O 

La  convenance  du  style  avec  le  sujet  consiste 
1"  à  n'cniploycr  que  des  idées  propres  au  sujei, 
c'est-à-dire,  simples  dans  un  sujet  simple,  nobles 
dans  un  sujet  élevé,  riantes  dans  un  sujet  agréa- 
ble; 2"  à  n'employer  que  les  termes  les  plus  pro- 
pres pour  rendre  chaipie  idée.  Par  ce  moyen, 
l'orateur  sera  précisément  de  niveau  à  son  sujet, 
c'est-à-dire  ni  au-dessus,  ni  au-dessous,  soit  |)ar 
les  idées,  soit  par  les  expressions.  C'est  en  quoi 
consiste  le  premier  talent  d'écrire,  et  non  dans 
un  style  qui  déguise  par  un  vain  coloris  des 
idées  communes. 

L'harmonie  est  une  des  qualités  qui  consti- 
tuent le  plus  essentiellement  le  discours  oratoire. 
Deux  choses  charment  l'oreille  dans  le  discours, 
le  son  et  le  nombre.  le  son  consiste  dans  la  qua- 
lité des  mots,  et  le  nombre  dans  leur  arrange- 
ment. Ainsi  l'harmonie  du  discours  oratoire  con- 
siste à  n'employer  (]uc  des  mots  d'un  son  agréa- 
ble et  doux  ;  à"  éviter  le  concours  des  syllabes 
rudes,  et  celui  des  voyelles,  sans  affectation 
néanmoins;  à  ne  pas  mettre  entre  les  membres 
des  phrases  trop  d'inégalité,  surtout  à  ne  pas 
faire  les  derniers  membres  trop  courts  par  rapport 
aux  premiers;  à  éviter  également  des  périodes 
trop  longue-s  et  des  phrases  trop  courtes;  à  sa- 
voir entremêler  les  périodes  soutenues  et  arron- 
dies avec  d'autres  qui  le  soient  moins,  et  qui 
servent  comme  de  repos  à  l'oreille. 

L'harmonie  souffre  quelquefois  de  la  justesse 
et  de  l'arrangement  logiques  des  mots,  et  récipro- 
quement. C'est  alors  à  l'orateur  à  concilier,  s'il 
est  possible,  l'une  avec  l'autre,  ou  à  décider  jus- 
qu'à quel  point  il  peut  sacrifier  l'harmonie  a  la 
justesse.  La  seule  règle  générale  qu'on  puisse 
donner  sur  ce  sujet,  c'est  (pi'on  ne  doit  ni  trop 
souvent  sacrifier  l'une  à  l'autre,  ni  jamais  violer 
l'une  ou  l'aiTtre  d'une  manière  trop  choquante. 

Mais  c'est  en  vain  que  l'harmonie  se  fera  sentir 
dans  le  disco\'rs  si  le  style  est  diffus,  traînant  et 
lâche.  Le  style  de  l'orateur  doit  élre  serré,  et 
rien  n'est  plus  opposé  à  l'éloquence  que  cette 
loquacité  si  ordinaire  au  barreau,  qui  consiste  à 
dire  si  peu  de  chose  avec  tant  de  paroles. 

Il  ne  suffit  pas  au  style  de  l'orateur  d'être 
clair,  correct,  propre,  précis,  élégant,  noble  et 
serré;  il  faut  encore  qu'il  soit  facile,  c'est-à-dire 
que  la  gêne  de  la  composition  ne  s'y  lai.sse  point 
apercevoir.  le  style  naturel,  dit  Pascal,  nous  en- 
chante avec  raison;  car  on  s'attendait  de  trouver 
un  auteur,  et  l'on  trouve  un  homme.  Le  i)laisir 
de  l'auditeur  ou  du  lecteur  diminuera  à  mesure 
que  le  travail  et  la  peine  se  feront  sentir.  Un  des 
moyens  de  se  préserver  de  ce  défaut,  c'est  d'évi- 
ter ce  style  figuré,  poétique,  chargé  d'ornements, 
de  métaphores,  d'antithèses  et  d'épithètes,  qu'on 
appelle  style  acadc inique.  (D'.^lembert.) 

Éloge.  Subst.  m.  Ce  mot  a  un  sens  passif.  Il 
se  dit  de  celui  qui  est  loué,  et  non  pas  de  celui 
qui  loue  :  L'éhge  de  f^oltaire  par  Frédéric  11. 
On  le  dit  aussi  des  choses  :  L'doge  d'une  ville, 
V  éloge  de  la  folie  par  Erasme. 

On  appelle  éloges  académiques  ceux  (ju'on 
prononce,  dans  les  académies  et  les  sociétés  litté- 
raires, à  l'honneur  des  membres  qu'elles  ont  per- 
dus. Il  y  en  a  de  deux  sortes,  d'oratoires  et  diiis- 
toriques;  dans  les  uns,  le  style  doit  être  élevé; 
dans  les  autres,  il  doit  être  simple;  dans  tous,  il 
doit  être  pur. 

Éloig:mé,  Éloignée.  Adj.  Féraud  demande  si 
l'on  doit  dire  étant  aussi  éloignés  des  ciei/x  que 
nous  en  s(i?nmes,  ou  que  nous  le  sorii7nes;  et  il  se 
déclare  avec  raison  pour  la  seconde  manière. 


EMB 


247 


L'analyse  de  la  première  phrase  montre  qu'elle 
n'a  aucun  sens.  En  elfei,  que  signilie  étant  aussi 
éloignés  des  deux  que  nmis  somiucs  éloignés  des 
ciew^r?  I/analysc  de  la  seconde  est,  au  contraire, 
étant  éloignés  des  doux  au  point  que  nous  le 
somnies,  c'est-à-dire  y»*'  nous  sommes  cela,  (pie 
nous  sommes  éhignés  ;  cl  la  phrase  a  un  sens  rai- 
sonnable. On  dit  de  même  j'en  suis  fort  aise,  et 
l'on  doit  dire  étant  aussi  aise  de  cela  que  je  le 
suis,  et  non  pas  que  j'en  sxiis. 

ÉLociDEMniENT.  Adv.  11  sc  uict  aprcs  le  verbe  : 
Il  a  parlé  éloqucmmeni,  Cl  non  pas  il  a  éloqneTn- 
inent  parlé. 

ËLOQL'ENT,  Éloquente.  Adj.  Il  sc  dit  des  per- 
sonnes et  des  choses:  Un  hovime  éloquent,  un 
discours  éloquent .  Cet  adj.  se  met  avant  son  subst. 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Cette  éloquente  péroraison.  Mais  on  ne  dira  pas 
vn  éloquent  homme,  un  éloquent  discours.  Voyez 
Adjectif,  Disert. 

ÉLUDER.  T.,  a.  de  la  \"  conj.  11  ne  se  dit  que 
des  choses  :  Eluder  une  question,  v?ie  promesse. 
Eluder  une  loi.  On  élude  une  difficvllé,  des 
poursuites,  etc. 

Par  comliieri  de  délours 
L'iuscusible  a  longtemps  éludé  mes  discours  ! 

(lUc,  Pliéd.,  acl.  m,  sc.  i,  7.) 

On  a  reproché  avec  raison  à  Molière  d'avoir 
dit  dans  VEtourdi  (act.  II,  sc.  vji,  23}  : 

yéludais  un  chacun  d'un  deuil  si  vraisemblable. 

Émanciper.  V  a.  de  la  1"  conj.  On  dit  abso- 
lument s'émanciper  :  Ce  jeujie  homvie  s'éman- 
cipe. Ou  lui  fait  l'égir  la  préposition  à  :  H  s'est 
émancipé  à  lui  dire  des  injures. 

Émaner.  V.  n.  de  la  i"  conj.  11  régit  la  pré- 
position de  :  Les  corpuscules  qui  émanent  des 
corps. 

Oui,  Mitrana,  en  secret  l'ordre  émané  du  trJne 
Remet  entre  tes  bras  Arsace  à  Babylone. 

(Volt.,  Sémir.,  act.  I,  sc.  i,  t.) 

Emballeur.  Subst.  m.  L'Académie  tlit  (juc  ce 
mot  signifie  figurément  et  populairement  un  hâ- 
bleur, ([ui  en  fait  accroire,  et  ellccn  donne  l'exem- 
ple suivant  :  Ne  croyez  pas  ce  qu'il  dit,  ne  vous 
fiezpasà  ses  promesses,  c'est  un  cmhaWcuv.  Nous 
ne  croyons  pas(]ue  ce  mol  soit  usité  actuellement 
en  ce  sens,  même  dans  le  langage  populaire. 

*E\iBANDER.  V.  a.  de  la  d"^conj.  Mot  inventé 
I)ar  J.-J.  Rousseau  :  Infailliblement  un  enfant 
dont  le  corps  cl  les  bras  sont  libres,  jûeurcra 
moins  qu'un  enfant  emiiandé  dans  un  maillot. 
(Emile,  liv.  1,  t.  VI,  p.  lo.)  Ce  mot  rend  mieux 
l'idée  de  Fauteur  que  ne  pourrait  le  faire  aucune 
autre  expression  reçue. 

Embabcadère.  Subst.  m.  Lieu  propre  aux  em- 
baniuements.  C'est  le  mot  espagnol  emburcadero, 
qui  a  été  adopté  dans  la  langue  française. 

Embarcation.  Subst.  f.  De  l'espagnol  ambar- 
cacion,  qui  a  la  même  signification.  C'est  le  nom 
généritpie  de  toute  espèce  de  bâtiment  de  mer,  et 
particulièrement  des  petits  navires  à  un  ou  deux 
mâts,  et  qui  n'ont  pas  plus  de  soixante  à  quatre- 
vingts  pieds  de  longueur. 

Embarquement.  Subst.  m.  Il  ne  se  dit  qu'au 
propre,  et  par  consécjuent  n'a  |>as  In  même  éten- 
due que  le  verbe  embarquer  :  Embarquement 
de  gens  de  guerre.  Embarquement  de  marchan- 

Embasqdeb.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  dit  figu- 


248 


EMB 


rémenl  on  Ta  emba'qui;  dans  cette  affaire,  je  me 
suis  embarqué  dan-  une  maur-aise  affciirc.  Fé- 
raud  (lit  qu'il  n'est  ('usage  que  dans  le  slylc  mé- 
diocre. Cependant  Racine  a  dit  (Phèdre,  act.  1, 
413): 

El  dans  un  fol  amour  ma  jeunesse  embarqué'. 

On  dit  s'embarquer  à  faire  quelque  chose. 

Embahrassa>t, Embarrassante.  Adj.  verbal  lire 
du  \. embarrasser.  Il  sempt  toujours  après  son 
Subst.:Z)e5  choses  embarras-^antcs,  un  homme  em- 
barrassant, une  femme  embarrassante. 

Embatep,.  V.  n.  de  la  l"conj.  L'Académie  dit 
que  ce  mot  signifie  au  propre  faire  un  bat  pour 
une  béte  de  somme.  Les  autres  dictionnaires 
disent  qu'il  signifie  mettre  un  bât  sur  une  bétc 
de  somme.  11  n'est  guère  usité  ni  dans  l'un  ni 
4ans  l'autre  sens;  mais  celui  que  donne  l'Ai'adé- 
^ic  est  contraire  à  toute  analogie.  Dans  le  second 
sens,  pourquoi  dire  e7«Ja<er,  puisqu'on  a  W/cr  qui 
•ignifie  la  même  chose? 

Emb.atonner.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe 
signifie,  selon  l'Acadcmic,  armer  d'un  bâton.  Elle 
ajoute  qu'il  est  familier  et  de  pou  d'usage.  Nous 
croyons  pouvoir  assurer  qu'il  n'est  pas  français. 
On  dit,  en  termes  d'arts,  <\\\'ttne  cohmne  est  can- 
nelée et  embâtonnée,  pour  dire  que  ses  cannelu- 
res sont  remplies  de  figures  de  bâtons  jusqu'à 
une  certaine  partie  de  son  lût.  Mais  nous  ne 
croyons  pas  qu'un  dise  qu'o/j  u  evilùtimné  vn 
homme,  pour  dire  qu'on  l'a  armé  d'un  bàloli. 

Embellir.  V.  a.  de  la  2'  conj.  Ce  verbe  prend 
tantôt  l'auxiliaire  avoir,  et  tantôt  l'auxiliaire  être. 
L'Académie  ne  donne  d'exemple  que  du  dernier. 

Si  ce  verbe  est  pris  dans  le  sens  d'une  action 
progressive,  il  prend  l'auxiliaire  oro/r:  Il  n  em- 
belli depuis  quelque  temps.  Mais  si  l'on  y  altaclie 
l'idée  d'un  état  actuel  et  passif,  il  prend  l'auxi- 
liaire être  :  Comme  cette  femme  est  embellie  ! 

Il  s'emploie  avec  le  pronom  personnel,  surtout 
en  parlant  des  choses  :  Une  personne  embellit, 
et  la  campagne  s'embellit.  On  dit  mciue  qu'une 
chose  s'embellit  d'une  autre  chose  : 

Le  ciel  n'a  pas  voulu  qu'en  ces  tieureux  climats. 

Où  m'attend,  me  dit-on,  un  destin  plus  prospi're, 

Mon  Ijcnhcur  s'embellit  du  destin  de  mon  père. 

(Delil.,  Énéid.,  y,  110.) 

Emblématique.  Adj  des  deux  genres  ijui  ne  se 
met  qu'après  son  subsl.  :  Fivire  emblématique. 

Emblicme.  Subst.  m.  Autrofuis  ce  mot  était  fé- 
minin, et  Eichelet  lui  donne  les  deux  genres. 
Aujourd'hui  l'usage  le  fait  toujours  masculin. 

On  désigne  par  ce  mot  une  image  ou  tableau 
qui,  par  la  représentation  de  queUjue  histoire  ou 
symbole  connu,  accompagne  d'un  mot  ou  d'une 
légende,  nous  conduit  à  la  connaissance  d'une 
autre  chose  ou  d'une  moralité.  L'image  de  Scé- 
vola  tenant  sa  main  sur  un  foyer  embrasé,  avec 
ces  mots  au-dessous  :  Agere  et  pati  fortia  Roma- 
num  est,  »  il  est  d'un  Romain  d'agir  et  de  smif- 
frir  constamment,  «  est  un  emblèmo.  L'emblème 
est  un  peu  plus  clair  et  plus  facile  à  entendre  que 
l'énigme. 

Ce  qui  distingue  Yemblème  de  la  devise,  c'csl 
que  les  paroles  de  rcTnWè'/fc  ont  toutes  seules  un 
sens  plein  et  achevé,  et  même  tout  le  sens  et  toute 
la  signification  qu'elles  peuvent  avoir  jointes  avec 
la  figure.  Il  y  a  encore  cette  différence,  que  la 
devise  est  un  symbole  déterminé  à  une  personne, 
ou  qui  exprime  quelque  chose  qui  la  concerne 


EME 

en  particulier;  au  lieu  que  Vemblème  est  un  sym- 
bole plus  général.  Ces  differonces  deviendront 
plus  sensibles,  pour  peu  ([u'un  veuille  comparer 
l'emblème  que  nous  avons  cité  avec  une  devise; 
par  exemple,  celle  (jui  représente  une  bougie  al- 
lumée avec  ces  mots  :  Juvando  consumnr,  «  je 
me  consume  en  servant;  »  il  est  clair  que  ce  der- 
nier symbole  est  beaucoup  moins  général  que  le 
premier. 

Emboucher.  V.  a.  de  la  \"  conj.  L'Académie 
dit  qu'(/«e  rivière  s'embouche  dans  une  autre  ri- 
vière. Cette  expression  n'est  pas  du  bon  usage. 
A  deux  lieues  de  Paris,  la  Marne  .se  jet  le  dans 
la  Seine,  et  non  pas  s'embouche,  comme  dit  l'A- 
cadémie. 

Embrasé,  Embrasée.  Adj.  L'Académie  n'indi- 
que pas  la  vi'aic  signification  de  ce  mot.  Un  corps 
est  embrasé,  lorscpie  le  feu  dont  il  est  pénétré 
dans  toute  sa  substance  est  sensible  pour  les  yeux 
à  sa  surface,  mais  ne  parait  plus  s'étendre  au 
delà.  Voici  presque  tous  les  degrés  par  lesquels 
un  corps  combustible  peut  passer,  depuis  son 
ignition,,ou  le  moment  auquel  le  feu  luiaétcappli- 
qué,  jusqu'au  moment  ou  il  est  consumé.  11  était 
froid,  il  devient  chaud,  brillant,  ardent,  enfiam- 
mé,  embrasé,  consume.  Tant  qu'on  en  peut  su|>- 
porlcr  le  loucher,  il  est  chaud;  il  est  brûlant 
quand  on  ne  peut  plus  le  loucher  sans  ressentir 
delà  douleur;  il  est  ardent,  lorsque  le  feu  dont 
il  est  pénétré  s'est  rendu  sensible  aux  yeux  par 
une  couleur  rouge  qu'on  remarque  à  sa  surface, 
il  est  enflammé,  lors(]ue  le  feu  dont  il  est  pénétré 
s'élance  et  se  rend  sensible  aux  yeux  au  delà  de 
sa  surface;  il  est  embrasé,  lorsque  le  feu  a  cessé  de 
s'élancer  et  de  se  rendre  sensible  aux  yeux  au  delà 
de  sa  surface,  et  qu'il  paraît  seulement  pénétre  dans 
toute  sa  substance,  à  peu  près  comme  dans  le  cas 
où  il  n'était  qu'ardent.  Il  est  conswné,  lors(|u'il 
n'en  reste  plus  que  de  la  cendre.  L'acception  du 
substantif  embrasement  n'est  |)as  exactement  la 
même  que  celle  de  l'adj»;ctif  embrasé.  On  dit  un 
corps  embrasé,  quel  que  soit  ce  corps,  grand  ou 
pelit;  maison  ne  dit  pas  rembrasoment  d'un  pe- 
tit corps.  Embrasement  porte  avec  soi  une  grande 
idée,  celle  d'une  masse  considérable  de  iTiatièrcs 
allumées 

Embrasement.  Subst.  m.  Féraud  prétend  qu'em- 
brasement  au  propre  est  toujours  suivi  de  la 
préposition  de.  Un  exemple  (jue  donne  l'Acadc- 
mie  prouve  le  contraire  :  Une  légère  étincelle 
peut  causer  un  grand  embrasement.  On  lit  aussi 
dans  la  traduction  de  XÉnéide  par  Delille  (IL 
lOJJ)  : 

El  de  y  embrasement  les  torrents  furieux 

De  leur  comble  enflammé  s'élançaient  dans  les  cieux. 

Voyez  Incendie. 

Embrasser.  V.  a.  de  la  4'^  conj.  Voici  quel- 
qties  exemples  de  ce  mot  qui  ne  sont  pas  indi- 
tpiée  dans  le  Dictionnaire  de  V Académie  : 

L'occasion  est  belle,  il  la  faut  embraiser. 

(Ràc,  Phéd.,  act.  V,  se,  I,  45.\ 
De  l'Etal  embratser  la  conduite. 

[Idem,  act.  IH,  se.  1,22.) 

J'embrassai  les  vertus  qu'exigeait  mon  malheur. 

(Volt.,  Mer.,  acl.  V,  se.  I,  28.) 

Au  delà  de  leur  cours  et  loin  dans  cet  espace 
Où  la  matière  nage,  et  que  Dieu  seul  embratse,  etc. 
(Volt.,  Henr.,  VJI,  61.1 

*  ÉMERVEILLEMENT.  Subst.  in.  Mol  inusitc  quc 


EMI 

VoUairc  a  employé  dans  le  passage  suivant  :  Mon 
émerveillement  dure  toujours,  que  le  fils  de  Sa- 
muel Bernard  notis  ait  fait  banqueroute,  et  qu'il 
ait  trouvé  le  secret  de  fricusser  huit  millions 
obscurément  et  sanspUiisir.  {Lettre  à  M.  Iccoinlc 
d'Argentul,  15  mai  1758.) 

ÉMiER,  ÊMiETTER.  Verbcs  actifs.  L'Académie 
dcfmil  le  premier,froisser  un  corps  cuire  les  duigis, 
de  manière  à  le  mettre  en  petites  parties;  et  le 
second,  réduire  du  pain  en  petits  morceaux,  en 
miettes.  Si  elle  ne  donnait  pas  pour  exemple 
entier  du  pain,  on  aurait  lieu  de  croire,  traprès 
ces  deux  définitions,  qu'émietler  ne  se  dit  (jue 
du  pain,  et  émier  des  autres  corps.  <>ue  penser 
de  ces  deux  expressions  que  l'Académie  nous 
présente  couune  signifiant  la  môme  chose?  Voici 
notre  opinion.  On  appelait  autrefois  ;/uV,de  mica, 
ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  miette,  et  on  a 
dit  émier,  pour  dire  réduire  en  mies,  on  petites 
parties  : 

Émtant  quant  à  moi  du  paiu  entre  mes  doigts. 
(RÉGNiEn,  Sat.  X,  545  ." 

Dans  la  suite,  on  a  dit  miette  au  lieu  de  mie, 
qui  a  change  de  signification,  et  de  miette  on  a 
fait  émietter,  sans  bannir  émier.  Il  paraît  donc 
(\\i'émier  est  l'ancien  mot,  conservé  mal  à  pro- 
pos, et  (\\i' émietter  est  un  mot  adopté  après  l'ad- 
option du  mol  miette.  Nous  pensons  que  le  der- 
nier devrait  être  conservé  dans  la  langue,  et  que 
le  premier  devrait  disparaître.  Depuis  qu'on  ne 
dit  plus  /nie  pour  petite  parcelle,  émier  n'a  jikis 
son  primitif  dans  la  langue,  et  puiscjue  miette  a 
remplacé  ce  primitif,  émietter  doit  remplacer  de 
mémeledéri\;é. 

ÉuiGRER.  V.  n.  de  la  d"  conj.  L'Académie  dit 
qu'il  se  conjugue  avec  l'auxiliaire  avoir.  Il  se 
conjugue  aussi  avec  l'auxiliaire  être.  Il  a  émigré 
signifie,  il  a  fait  l'action  d'émigrer,  de  sortir  de 
son  pays  pour  aller  s'établir  ailleurs.  Il  est  émi- 
gré signifie,  il  est  dans  l'état  qui  résulte  de  l'ac- 
tion d'émigrer  :  Il  a  émigré  en  1790  ;  il  se  lasse 
d*ètre  émigré,  il  veut  retourner  dans  son  pays. 

ÉMINEMMENT.  Adv.  Il  sc  met  après  le  verbe: 
Posséder  éminemment  une  science.  L'effet  est 
contenu  éminemment  dans  la  cause. 

ÉMINENT,    ÉMINENTE.   Adj.  (pii  SC  UlCt   tOUJOurS 

après  son  SU bst.  :  Un  lieu  éminent.  Un  homme 
éminent  en  piété. 

L'Académie  dit  péril  éminent,  danger  émi- 
nent. 11  semble  que  l'on  devrait  toujours  dire 
imminent,  d'après  l'élymologie.  Quoi  qu'il  en 
soit,  voici  la  différence  que  mettent  les  graiTi- 
inairiens  entre  ces  deux  expressions. 

Éminent  donne  l'idée  d'un  mal,  d'un  péril 
qu'on  peut  regarder  comme  très-grand  ,  mais 
dont  on  a  le  temps  d'examiner  la  grandeur;  cl 
imminent  doime  l'idée  d'un  mal,  d'un  péril  ([u'on 
peut  regarder  comme  présent,  et  où  souvent  le 
hasard  nous  engage.  L'un  s'envisage  seulement 
avec  crainte,  au  lieu  que  l'autre  s'envisage  avec 
effroi.  On  dira  donc  d'un  malheureux  qui  doit 
expier  son  crime  sur  l'échafaud,  qu'ii  est  dans  un 
péril  éminent;  d'un  homme  qui  a  fait  une  entre- 
prise téméraire,  qu'iZ  voyait  bien  qu'il  se  mettait 
dans  nn  péril  éminent.  Maisd'un  criminel  (ju'on 
mène  au  supplice,  ou  d'un  homme  surjjris  par 
des  voleurs,  on  dira  qu'il  est  dans  un  péril  im- 
minent {Grammaire  des  Grammaires,  p.  1131).) 


EMP 


249 


Emmancher  "V.a.  de  la  1"  conj.  Delillc  l'a  em- 
ployé dans  le  style  noble  {Énéid.,  VII,  877)  : 

On  emmanoho  les  dards,  on  .liguise  Icsliaclies. 

Cette  expression  nous  semble  déplacée  dans  un 
vers  noble. 

ÉMOLLiENT,  ÉMOLLiENTE.  Adj.  qui  ne  sc  mct 
qu'après  son  subsl.  On  ne  prononce  qu'un  l  :  Des 
herbes  émnUientcs. 

Émom'me.m'.  Subsl.  m.  1,'Acadcmie  l'explique 
par  |)rolit,  avantage,  et  indicjiic  (juc  ce  mol  s'em- 
ploie autrement  qu'en  parlant  des  charges  et  des 
emplois.  Elle  dit  tirer  un  grand  émohiment,  de 
grands  émoluments  de  quelque  chose.  Il  n'a  repu 
aucun  émolument  dans  cette  affaire.  Le  mol 
émolument  est  mal  appliiiué  dans  ces  cxemjjles. 
H  est  affecté  aux  charges  et  aux  emplois,  et  mar- 
que, non-seulement  la  somme  réglée  des  appoin- 
tements, mais  encore  tous  les  autres  revenant3- 
bons. 

Émoldmenter.  V.  n.  de  la  1'"  conj.,  que  l'A- 
cadémie donne  comme  un  synonyme  de  gagner. 
11  n'est  point  usité. 

Émoudre.  V.  a.  cl  irrég.  de  la  4'  conj.  Il  sc 
conjugue  coinme  moudre.  Voye^  ce  mot. 

Émouvoir.  V.  a.  delà  3'  conj.  11  se  conjugue 
comme  mouvoir,  et  n'est  guère  usilé  qu'à  l'infi- 
nitif, au  présent  de  l'indicatif  cl  du  sul)jonctif, 
et  aux  temjis  composés:  Emouvoir  les  humeurs, 
la  bile.  Emouvoir  les  flots.  Emouvoir  la  co- 
lère. 

Je  pourrai  démon  père  émouvoir  la  tendresse. 

(Uac,  Phéd.,  act.  lit,  fc.  vi,  IL; 

Émouvoir  les  cœin's  de  compassion.  Élre  êviu 
de  crainte,  de  compassion,  etc. 

L'Académie  dit  la  mer  commençait  à  s'émnu- 
voir,  il  s'émut  une  grande  tempête.  On  dit  aussi 
il  s'émut  une  grande  querelle.  (MontCS(luicu, 
Lettres  persanes.) 

Emparer  (s').  V.  pronom,  de  la  1"  conj.  C'est, 
selon  l'Académie,  se  saisir  d'une  chose,  s'en  ren- 
dre maître,  roccu|>cr,  l'envahir.  C'est,  selon  Gi- 
rard, se  rendre  maître  d'une  chose  en  prévenant 
les  concurrents  et  tous  ceux  qui  peuvent  y 
l)rélendre  avec  plus  de  droit.  Ce  mot  emporte 
une  idée  d'adresse  et  de  diligence. 

Empêcher.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Empêcher 
quelqu'un  de  faire  quelque  chose.  On  ne  dit  point 
empêcher  à,  dit  Voltaire.  //  nous  empêche  l'ac- 
cès de  cette  maison.  /Vo»i'estlà  jjourw  ?i(ius,v.'cs[ 
un  solécisme.  Il  tant  dire  on  nous  défend  l'ac- 
cès de  celte  maison  ;  on  nous  interdit  l'accès  ;  on 
nous  défend,  on  nous  empêche  d'entrer.  {liemar- 
ques  sur  Corneille.) 

l.a  proposition  subordonnée  au  verbe  empê- 
cher est,  dit-on,  toujours  négative,  parce  que 
ce  vcibe  exprime  un  obstacle.  Celle  proposition 
ne  devient  jamais  positive,  quand  inéinc  la  |)rc- 
inière  serait  négative  ou  inlcrrogalive  :  J'empê- 
che qu'il  ne  vienne.  Je  n'empêche  pas  qu'il  ne 
vienne.  Puis-je  empêcher  qu'il  ne  vienne?  Ce- 
pendant l'Académie  dit  je  n'empêche  pas  qu'il 
ne  fasse,  ou  qji'il  fasse  ;  cl  dans  le  sens  al'iir- 
matif,  elle  ne  donne  «pie  cet  cxem|)le  :  La 
pluie  empêche  qu'on  n'aille  se  promener.  Mo- 
lière a  dit  :  Il  mange  et  boit  comme  les  autres , 
mais  cela  n'empêche  pas  qu'il  ne  soit  fort  ma- 
lade. {Malade  iwag. ,iicl.  II,  sc.  ni.) 

Marmon'.el  est  d'avis  que  l'on  doit  dire  je  7i*em- 
pêche pas  qu'il  sorte  ou  qu'il  ne  «oj/e.  L'usage, 


250 


EMP 


ajoute-t-il,  ;iiilorise  qu't7  71e  sorte  ;  mai?,  s'il  sorl 
en  effet,  qu'il  sorte  sera  mieux.  Il  sort,  je  ne 
l'enipéclie  pas;  Une  nort  point,  ce  n'est  pas  moi 
qui  l'en  empêche,  (".'est  (lans  le  second  cas  qnnne 
semble  mieux  |)lîicL'.  On  dit  n  empêches  pas  qu'il 
sorte.  Celte  distinction  |)arait  juste,  el  nous 
cwyoDS  qu'elle  doit  être  adoptée. 

Api'ès  le  verbe  empêcher  on  sii|)primc  pas  et 
point  i\\»cs  lie:  Quand  on  le  peut,  il  faut  em- 
pêcher que  le  mal  ne  s'accomplisse.  \0)'czJEa;- 
pUtif. 

E.11PENNEF,.  V.  a.  delà  d^'conj.On  prononce 
les  deux  n.  En  se  pronouce  comme  dans 
amen. 

Ejipesé,  Emi'icsée.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  subst.  On  ap|)elle  style  empesé,  un 
style  où  l'on  remarque  une  trop  grande  affecta- 
tion d'arrangement,  d'exactitude  cl  de  purisme, 
qui  y  donne  do  la  pesanteur  el  de  la  roidenr. 

E.MPUASE.  Subst.  f.  Énergie  outrée  dans  i'e.x- 
pression,  dans  le  Ion  de  la  voix,  dans  le  geste. 

Ce  mot  se  prend  ordinaireuient  en  mauvaise 
part,  et  marijuc  un  défaut  soit  dans  les  paroles, 
soit  dans  l'action  de  l'orateur.  On  dil  d'un  pré- 
dicateur (\\i' il  prononce  avec  emphase,  qu'ii  y 
a  beaucoup  d'emphase  dans  ses  sermons,  et  cela 
n'est  pas  un  éloge.  Quel  supplice,  dil  La  Bruyère, 
que  celui  d'entendre  prononcer  de  vicdiricres 
vers  avec  toute  l'emphase  d'un  mauvais  poète! 
(Des  ouvrages  de  l'Esprit,  p.  256.) 

Emph.vthiqce.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose, 
il  ne  se  met  cju'après  son  subsl.  :  Discours  em- 
phatique. Paroles,  expressions  emphatiques. 
D'après  les  exemples  qu'en  donne  l'Académie,  il 
lie  se  dit  pas  des  personnes.  Cependant  il  nous 
semble  qu'on  pourrait  dire  sans  commettre  une 
faute,  un  orateur  emphatique,  un  acteur  em- 
phatique. 

Emphatiqdement.  Adv.  Il  se  met  toujours  après 
le  verbe  :  Il  a  parlé,  il  a  déclamé  empliatique- 
vient,  et  nijn  pas  il  a  emphatiquement  parlé. 

Ejipiiu:.  Siii)  1.  ui.  Les  cxc.iipies  suivants  ajuu- 
teroni  quelques  lumières  à  la  détinilion  que  l'A- 
cadémie donne  de  ce  mot  : 

Il  faut  me  dire 
Si  j'avais  sur  tolre  âme  un  térilable  empire. 

(Volt.,  Brut.,  acl.  III,  se.  T,  5.) 

Vivez,  ne  souffrez  pas  que  le  fils  d'une  Scyliic, 
Accablant  vos  enfanU  d'un  empire  odieux... 

(Rac,  Phéd.,  act.  I,  se.  m,  58.) 

S'il  est  vrai  que  nous  n'avons  sur  les  femmes 
qu'un  pouvoir  tyranniquc,  il  ne  Vesl  pas  moins 
qu'elles  ont  sur  nous  un  empire  naturel ,  celui 
de  la  beauté,  à  qui  nen  ne  résiste.  (Montesq., 
XXX\'lli'"  lettre  persane.) 

Voltaire  a  dit  en  vers,  Vhumide  empire,  pour 
dire  la  mer  [Épilre  XLV ,  49)  : 

Je  vois  l'humide  empire 
S'élever,  s'élancer  vers  le  ciel  qui  l'attire. 

*  Ejipireme:»t.  Subst.  m.  Nos  mœurs  sont  ex- 
trêmement corrompues^  et  penchent  d'une  fatale 
inclination  vers  l'empircment  (Montaigne).  Ce 
inoin'est  presque  plus  usité.  Mercier  pense  qu'il 
devrait  être  rajeuni. 

EiiPtr.ER.  V.  a.  et  n.  de  la  V'  conj.  On  dit 
qu'ww  vial  a  empiré,  pour  marquer  l'action  (jui 
a  opéré  le  changement;  et  l'on  dil  le  mal  est 
empiré,  pour  maniuer  l'état,  le  degré  où  il  se 
trouve  après  avoir  empiré. 

Féraud  reproche  à  J.-J.  Rousseau  d'avoir  dit 


EMP 

mon  sort  ne    saurait   cire   empiré.   Il  prétend 

Ju'il  fallait  dire  Jie  saurait  empirer.  Mais  ces 
eux  expressions  ne  veulent  pas  dire  la  même 
chose,  la  première  signifie  ne  peut  être  dans  un 
état  pire  (jue  celui  où  il  est;  cl  la  seconde  ne 
saurait  augmenter  en  mal. 

Emplette.  Subst.  L  Ce  mot  ne  se  dil  que  des 
petits  meubles  et  des  marchandises  prises  en  dé- 
tail. On  ne  dit  pas  /aire  emplette  de  cent  muids 
de  vin,  de  mille  balles  de  laine  ;  mais  on  fait  em- 
plette d'une  paire  de  ciseaux. 

.  .  .  J'ai  su  là-bas  que  pour  quelques  emplellvi 
Elianlc  Oit  sortie  et  Ciilimène  aussi. 

(Mol.,  Uitanthr.,  acl.  I,  se.  ii,  1.) 

E.wpf.iE.  "V.  a.  de  la  2'  conj.  Quelques  gram- 
mairiens ont  remarqué  qu'il  ne  se  dit  «lue  de 
ce  qui  contient  des  choses  li(iui(les,  et  qu'en 
parlant  d'autres  objets  il  faut  dire  remplir.  L'A- 
cadémie n'a  point  adopté  cette  remarque,  et 
nous  |)ensous  que  c'est  avec  raison.  On  dit  aussi 
bien  emplir  vn  sac  de  blé,  ([n'emplir  un  tonneau 
de  vin.  Remplir  a  un  autre  sens.  Voltaire  a  dit 
dans  Mérope  (act.  IV,  se.  v,  27)  : 

L'horreur  et  la  vengeance  empliront  tous  les  cœurs. 

La  Harpe  dil  au  sujet  de  ce  vers,  remplir  est  du 
style  noble,  emplir  n'en  est  pas. —  l.iiGraîiimaire 
des  Grammaires  [\).  4131)  dit  qu'emplir  ne  se 
dil  qu'au  ])ropre,  mais  que  remplir  se  dit  au  pro- 
pre et  a\i  ligure. 

EiiPLOYEr,.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  la  con- 
jugaison de  ce  verbe  et  de  tous  ceux  qui  se 
terminent  en  oyer  ou  en  vyer,  il  faut  mettre  un 
i  voyelle  à  la  place  de  l'y,  toutes  les  fois  que  cet 
y  ne  tient  pas  la  place  de  deux  i,  ce  (lui  arrive 
lorsque  la  lettre  qui  doil  le  suivre  est  un  e  mucl  ; 
J'emploie,  tu  emploies,  il  emploie,  cl  non  pas 
j'cmploye.  La  première  et  la  seconde  personne 
plurielle  de  l'Imparfait  de  l'indicatif,  et  les  mê- 
mes personnes  du  présent  du  subjonctif,  pren- 
nent un  i  après  Vy  :  Nous  employions,  vous  em- 
ployiez ;qiie  nous  employions,  qnevous  employiez  ■ 
Mais  il  faut  éviter  de  se  servir  de  ces  formes,  que 
l'on  ne  trouve  guère  que  dans  les  grammaires. 

Ce  vcriic  fait  au  futur  simple,  j'emploierai; 
et  au  présent  du  conditionnel,  j'emploierais. 

On  conjugue  de  même  les  verbes  aboyer,  en- 
voyer, appuyer,  ennuyer,  etc. 

Employer  régit  à  ou  en  devant  les  noms,  et  a 
devant  les  verbes  à  l'inlinitif  :  /'«i  employé  vingt 
7nillc  francs  à  cette  acqui.iiliau.  Il  a  employé 
tout  son  argent  en  bagatelles. 

I^mployei  mon  épcc  à  punir  le  coupable. 
Employez  mon  amour  à  venger  celte  mort. 

(COBX.,  Cid,  act.  III,  se.  il,  6.) 

Empoigner.  V.  a.  de  la  l'"  conj.  IMercicr  pré- 
tend qu'il  fut  empoigné  par  le  prévôt  est  plus 
expressif  que  de  dire  il  fut  arrête;  cela  est  vrai, 
mais  le  verbe  empoigner  en  ce  sens  offre  quel- 
que chose  de  bas. 

Empoisonnement.  Subst.  m.  Il  n'a  pas  adlant 
d'étendue  que  le  verbe  empoisonner,  et  ne  se  dit 
qu'au  propre. 

Empoiso.v.ner.  V.  a.  el  n.  de  la  1'*  conj.  Il  se 
dit  figurement  de  tout  ce  qui  corrompt  l'esprit  et 
les  mœurs.  Mais  on  dil  aussi  empoisonner  la  vie, 
empoisonner  la  joie  : 

Oui,  je  veux  «tans  son  cœur 
£mpoùoniur  sa  joie,  y  porter  ma  douleur, 

(Volt.,  Orest.,  act.  I,  se.  Il,  35.) 

EnpoisoiTNECR.  Subst.  m.   En  parlant  d'une 


EMP 

femme,  on  dit  empoisonneuse.  L'Académie  ne  dit 
pas  qu'on  l'emploie  adjectivemenl.  Cependant 
Racine  a  dil  dans  Athalie  (acl.  IV,  se.  m,  84)  : 

De  ce  fatal  honneur. 
Hélas,  TOUS  ignorez  le  charme  empoisonneur. 

On  ne  l'emploiorail  p;is  ainsi  au  féminin,  on  ne 
dirait  pas  des  maximes  ompoisanncuses. 

Emportk,  Emportée.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.  :  Un  homme  emporté,  une  femme 
empcriêe. 

Emportement.  Subst.  m.  Ce  mol  ne  se  dit 
qu'au  figuré.  Uu'expiiuiepas  l'action  d'emporter, 
mais  l'élat  de  celui  qui  est  emporté  :  Emporie- 
ment  d'aTnour,  de  colère,  elc. 

Emporter.  Y.  a.  de  la  d"conj.  Voltaire  a  dit 
dans  ses  Remarques  sur  Corneille:  On  emporte 
une  place,  on  remporte  un  avantage,  on  a  un  suc- 
cès. —  Etre  emporté  d'un  faux  zèle,  acception 
qui  ne  se  trouve  point  dans  le  Dictionnaire  de 
l' Académie  : 

Je  vois  d'un  lèle  faux  nos  prêtres  emportés. 

lYoLT.,  Henr.,  VI,  109.} 

Ne  crains  pas  q».' emporté  d'un  zèle  téméraire. 

(Thomas,  Ode  à  M.  Slorcau  de  Séchcltca,  17.) 

Féraud  dit  qn'en  prose  on  dirait  emporté  par  mm 
zèle  téméraire.  Nous  pensons  qu'on  peut  aussi 
bien  dire  emporté  d'un  faux  zèle,  qu'on  dit 
transporté  d'amour,  de  joie,  do  fureur. 

EMPREI^D^.E.  V.  a.  de  la  4*=  conj.  On  dit  figu- 
rémcnl,  ce  sont  des  sentim.ents  que  la  nature  a 
empreints  dans  le  cceur  de  !ous  les  hommes.  On 
«lit  aussi  «pie  la  vertu,  la  puicur,  la  probité  est 
empreinte  sur  le  front  d'une  personne. 

Seigneur,  je  n'ai  jamais  contemplé  qu'aTec  crainte 
L'aujusle  majesté  sur  votre  front  empreinte. 

(Rac,  Esth.,  act.  II,  se.  VII,  14.) 

Empresser.  A",  pronom,  de  la  1'*  conj.  L'Aca- 
démie dit  s'empresser  à  faire  sa  cour,  s'empres- 
ser de  parler,  de  prendre  la  parole;  mais  ces 
exemples  ne  font  pas  sentir  dans  quel  cas  on  doit 
avec  ce  verbe  employer  l'une  ou  l'autre  de  ces 
prépositions. 

L'empressement  que  l'on  met  à  une  chose  peut 
être  considéré  ou  par  rapport  à  la  cause  qui  le 
produit,  ou  par  rapport  au  but  où  il  tend.  Dans 
le  premier  cas,  on  emploie  de  ;  dïnsle  second  on 
se  sert  de  la  préposition  «.  On  s'empresse  de 
faire  vne  chose  qui  n'a  pas  un  but  marqué  hors 
de  la  personne  qui  agit  :  Je  m'empresse  de  mar- 
cher, d'écrire,  de  parler,  de  demander,  de  ré- 
pondre.  On  s'e?nprcsse  à  faire  une  chose  qui  a 
un  but  marqué  hors  de  la  personne  qui  agit  :  Je 
m'empresse  à  vous  faire  ma  cour,  je  m'empresse 
à  le  secourir,  à  le  consoler,  c'est-à-dire  je  m'em- 
presse d'arriver  à  un  but,  savoir,  vous  faire  ma 
cour,  le  secourir,  le  consoler.  On  dira  en  général, 
il  s'empresse  de  rendre  service,  parce  (jue  l'ex- 
pression est  indclenninée,  et  que  le  but  n'est  pas 
marqué.  Mais  il  faut  dire  dans  cette  circonstance, 
il  s'est  empressé  à  rendre  service  à  son  ami. 

Emphumer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Aca- 
démie dit  au  figuré,  emprunter  le  nom,  le  bras, 
la  plume,  le  crédit,  le  secours  de  quelqu'un,  lla- 
cine  a  dil  emprunter  les  yeux,  emprunter  le  lan- 
gage: 

Ne  saurait-il  rien  voir  qu'il  n'emprunte  voi  yeux  ? 
{Britan.,  act.  I,  se.  il,  33.) 

D'Achille  qui  l'aimait  j'empruntai  le  langage. 

[Iphig.,  ael.  I,  ac.  I,  93.) 

Quand  ce  verbo  a  pour  régime  indirect  un  nom 


EN 


25i 


de  chose,  il  se  joint  à  ce  régime  par  la  préposi- 
tion de:  La  lune  empi-ynie  sa  lumière  du  so- 
leil. 


Un  héros  qui  de  la  victoire 
Emprunte  son  unique  gloire, 
N'est  héros  que  quelques  moments. 
(J.-B.  Konss.,  liv.  III,  Ode  i 


U5.) 


Lorsinie  ce  verbe  est  accompagné  d'un  régime 
indirect  de  personne,  il  prend  llmtôl  la  préposi- 
tion à,  tantôt  la  préposition  do.  On  emploie  de 
lorsque  la  chose  empruntée  n'ôie  rien  a  celui  (pu 
la  prête  :  Les  Grecs  ont  emprunté  des  Égyp- 
tiens Vidée  et  la  forme  des  temples  (Barlhél., 
Anacharsis,  ch.  xii,  t.  II,  p.  167)  ;  on  met  à  lors- 
•lu'il  est  question  d'un  effet  dont  quelqu'un  se 
dessaisit  pour  en  laisser  l'usage  à  un  autre  :  J'ai 
emprunté  mille  francs  à  mon  frère.  — Dans  ce 
dernier  cas  l'Académie  admet  les  deux  tournu- 
res :  J'emprunterai  cette  somme  à  un  de  mes 
amis;  j'ai  emprunté  de  m.on  oncle  dix  miHe 
francs. 

Empruittecr.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  fem- 
me, on  dit  emprunteuse. 

ÊMDLATEDR.  Subst.  ui.  Cclui  (pii  cst  animé  du 
sentiment  d'émulation.  L'Académie  n'indique 
point  comment  il  faut  dire  en  parlant  d'une 
femme,  mais  nous  pensons  que  rien  n'empêche 
de  dire  émulatrice.  On  le  trouve  dans  le  Dic- 
tionnaire  de  Trévoux. 

Le  mol  d'émulateur  ne  s'emploie  que  d:{.7s  le 
style  soutenu,  où  il  est  même  assez  rare  qu'on  en 
fasse  usage.  Cependant  ce  mot  est  beau,  utile  cl 
différent  d'émulé,  avec  lequel  on  le  citnfond  sou- 
vent. On  est  émule  de  ses  pairs  ou  de  ses  com- 
pagnons; on  est  émulateur  de  quclq\ie  person- 
nage distingué.  L'emwZe  a  des  énuilcs,  r(^'w!//f/^e!<?- 
a  des  modèles;  l'émule  tâche  de  surpasser  son 
émule,  Vémulateur  d'imiter  son  modèle.  Votre 
émule  marche  en  concurrence  avec  vous,  votre 
émulateur  mttTchc  sur  vos  traces.  On  dil  émule 
dans  tout  genre  de  travail  cl  de  concurrence; 
émulateur  ne  se  dit  que  dans  le  grand,  ou  dans 
un  ordre  de  choses  distingué.  Les  Latins  disaient 
œmulus  et  cemulator  dans  les  sens  que  nous  ve- 
nons de  distinguer.  (Roubaud.)    , 

l'.MiTLE.  Subsl.  m.  et  f.  Voyez  Emulateur. 

Es.  Pronom  qui  a  rapport  à  la  troisième  per- 
sonne. Il  e.st  des  deux  genres  et  des  deux  nom- 
bres. Il  se  dit  des  personnes  et  des  choses,  et  est 
employé  ou  à  la  place  d'un  nom  précédé  de  la 
préposition  de,  comme  dans  avez-vous  de  l'ar- 
genté j'en  ai;  ou,  selon  ce  qui  précède,  à  la 
place  de  plusieurs  noms,  ou  même  de  phrases  en- 
tières. 7*en  ai  reçu  signifiera,  selon  la  circon- 
stance, de  l'argejit,  des  livres,  des  exemplaires 
d'un  ouvrage  qui  fait  beaucoup  de  bruit,  etc. 

Encsi  toujours  régime  indirect  d'im  verbe, 
et  se  place  ordinairement  avant  le  verbe  :  J'en 
veux. 

Quand  en  a  rapport  aux  choses,  on  doit  sou- 
vent lui  préférer  les  adjectifs  possessifs  son,  sa, 
.ses,  leur,  leurs;  mais  les  graimnairiens  ne  som 
pas  d'accord  sur  les  règles  qu'il  faut  suivre  à  cet 
égard.  Voici  celle  que  donne  Condillac  :  «  Quand 
ifs'agit  de  choses  «lui  ne  sont  pas  personnifiées, 
on  doit  se  servir  du  pronom  en  tontes  les  fois 
qu'on  peut  en  faire  usacc,  et  l'on  ne  doit  employer 
l'adjectif  possessif  que  lorsqu'il  est  impossible  de 
se  senir  de  ce  pronom.  Dans,  la  ville  a  ses  agré- 
ments, il  n'est  pas  possible  de  substituer  en  a 
ses:  il  faut  donc  employer  se*.  Mais  je  ne  dirai 
pas,  en  parlant  d'une  rivière,  son  lit  est  profond. 


âS2 


ENC 


l)arce  que  je  puis  employer  en,  cl  dire,  le  lit  en 
est  profond.  «  Cctlc  règle  esl  plus  délailloe  au 
mol  Adjectif.  Voyez  ee  mot. 

En  s'emploie  avec  plusieurs  verbes  ,  et  en 
change  la  signilicalion.  Devant  prendre,  il  donne 
à  ce  verbe  la  signilicalion  à.'impvter  :  Je  m'an 
prendrai  à  vous  si  l'affaire  ne  réussit  pas.  Si  je 
perds  mon  procès,  je  m'cu  prendrai  à  rous ; 
c'csl-à-dire  je  vous  imputerai  l;i  perle  de  mon 
procès,  le  non  succès  de  mon  affaire.  Se  prendre 
sans  en,  veut  dire  au  lisuré  attaquer,  el  non  pas 
imputer.  Par  exemple,  il  ne  faut  pas  se  prendre 
à  plus  méchant  que  soi.  Se  prendre,  au  propi'e, 
signifie  s'attacher  :  Les  cens  qui  se  noient  se 
prennent  à  tout  ce  qu'ils  trouvent. 

Il  y  a  d'autres  phrases  dans  noire  langue  où  en 
esl  si  nécessaire,  que  dés  qu'on  l'ôle  on  change 
le  sens  :  On  en  était  venu  si  avant,  qu'il  fallait 
vaincre  ou  mourir;  cela  veut  dire  dans  le  style 
ligure,  (jue  les  choses  étaient  si  engagées,  qu'il 
fallait  vaincre  ou  mourir.  Mais  si  on  ôtaite/î, 
cl  qu'on  dit,  on  était  venu  si  avant,  qu'il  fallait 
vaincre  on  mourir,  cela  s'entendrait  dans  le  sens 
propre,  cl  ne  marquerait  que  le  lieu  où  l'on  se- 
rait arrivé. 

Je  n'en  puis  plus  a  une  toul  autre  significa- 
tion que  je  ne  puis  plus.  11  en  est  de  môme  de  je 
ve  sais  oii  j'en  suis,  <\u\  signifie  autre  chose  que 
je  ne  sais  où  je  suis.  11  en  esl  de  même  de  se  te- 
nir et  s'en  /e«ir,  qui  ont  des  significations  bien 
différentes 

Si  en  est  devant  un  verbe,  el  que  ce  verbe 
commence  [lar  une  voyelle  ou  par  un  h  muet,  le 
n  se  lie  avec  le  verbe  :  f^ous  en-7têtcs  assuré, 
en-na-t-on  parlée  Pour  cn-nhonnrcr  les  dieux, 
nous  en-navons  des  nouvelles.  Mais  si  en  esl 
ajirés  le  verbe,  le  n  ne  se  lie  point  avec  le  mot 
suivant,  lors  même  que  ce  mol  commence  par 
une  voyelle  :  Parlez-en  auministre,  allez-vous- 
en  au  jardin,  faites-en  habileme?it  revivre  le 
souvenir. 

Ek.  Fréposition.  Voyez  Dans.  Dans  la  pro- 
nonciation ,  en  fait  entendre  l'arliculation  ne 
dans  certains  cas,  el  ne  la  fait  pas  entendre 
dans  d'autres.  Si  en  est  suivi  d'un  mot  qui 
commence  j)ar  une  voyelle  ou  un  h  muet,  on  fait 
sentir  le  71  :  cn-nhomme,  en-nvn  moment,  en- 
narrivant.  Mais  si  le  mot  suivant  commence  par 
une  consonne  ou  par  un  h  aspiré,  le  n  ne  se  fait 
point  sentir  :  en  France,  en  citoyen,  en  trois 
heures,  en  personne,  en  héros. 

En.  Particule  prépositive  qui  se  met  au  com- 
mencement de  certains  mois,  el  qui  conserve  à 
peu  i)rès  le  même  sens  que  la  préposition.  Elle 
sert  à  inanjucr  position  ou  disposition  :  position, 
comme  encaisser,  endosser,  enfoncer,  engager, 
enlever,  eiijev,  enregistrer,  ensevelir,  entasser, 
envisager;  disposition,  comme  dans  encourager, 
endormir,  enhardir,  enrichir,  ensanglanter, 
enivrer.  Lorsque  le  mot  qui  suit  en  couunence 
par  une  des  labiales  b,  p  ou  m,  la  particule  en 
devient  em  :  embaumer,  empailler,  emmaillot- 
ter,  etc.  Voyez  7n. 

E^CEI^■DRE.  V.  a.  de  la  k'  conj.  Ce  n'est  pas 
précisément  environner,  entourer,  enfermer, 
comme  le  dit  l'Académie;  c'est  renfermer  une 
chose  dans  une  enceinte,  l'cnlourer  dans  toute 
sa  circonférence,  comme  d'une  ceinliiro,  de  ma- 
nière que  n'étant  nulle  part  ouverte  ou  décou- 
verte, d'un  côté  ses  limites  çoient  fixées,  el  de 
l'aulre  l'accès  en  soit  défendu.  Ce  mol  peu  usité 
ne  se  dit  que  d'une  étendue  assez  considérable  : 
Une  ville  est  enceinte  de  murailles. 


ENC 

Enckirte.  Subsl,  f.  Circuit,  tour,  clôture.  Il  se 
dit  aussi  de  l'espace  qui  est  fermé  par  le  circuit. 
Enceindre,  dit  Roubaud,  c'est  renfermer  une 
chose  da/i5  une  enceinte.  Une  chose  esl  dans  l'en- 
ceinte, ou  hors  de  l'enceinte.  J.-J.  Rousseau  a  dit 
dans  Emile  (liv.  I,  t.  VI,  p.  14)  :  Forme  de  bonne 
heure  une  enceinte  autour  de  l'âme  de  ton  en- 
fant ;  un  autre  peut  en  inarquer  h:  circuit,  mais 
toi  seule  y  dois  poser  la  barrière.  On  peut  donc 
dire  le  circuit  d'une  enceinte;  el  alors  enceinte 
est  pris  pour  l'espace  contenu  dans  le  circuit. 

Dans  le  premier  sens,  on  a  remarqué  ([ue  Ven- 
ceinte  peul  élrc  mobile  et  seulement  tracée,  et 
que  la  clôlure  est  [)ermancnte  cl  à  demeure. 

Encens,  Subsl.  m.  Corneille  a  dit  {Pompée, 
act.  I,  se.  \,  d27)  : 

Mais  quoique  ro«  «ncf ru  le  traitent  d'immortel. 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers,  encens  n'a 
point  de  pluriel.  On  offre  de  l'encens  aux  ini~ 
mortels,  mais  l'encens  ne  traite  point  d'immor- 
tel. [Remarques  sur  Corneille.) 

Encemser.  V.  a.  de  la  i"  conj.  L'Académie 
dit  figurément  encenser  quelqu'un,  encenser  la 
fortune,  encenser  les  défauts  de  quelqu'un.  Vol- 
taire a  dit  encenser  desprestiges  {Mahom.,  act. 
I,  se.  I,  2)  : 

Moi,  de  ce  f.inalique  encemerleapreatigei: 

Encenseur.  Subsl.  m.  Voltaire  a  employé  ce 
mot  pour  exprimer  ceux  qui  louent  les  grands 
en  face  :  Il  ne  fallait  pas  les  louer  en  face  ;  c'était 
la  coutume  autrefois,  mais  c'était  vjie  mauvaise 
■coutume  qui  exposait  l'encenseur  et  l'encensé 
aux  méchantes  langues.  [Epttre  dédicatoire  des 
Scythes.) 

Encensoir.  Subsl.  m.  Encensoir,  au  figuré, 
se  prend  pour  la  dignité  de  souverain  pontife. 
C'est  en  ce  sens  que  Racine  a  dit  dans  Athalie 
(act.  III,  se.  III,  70)  : 

Quandj'osai  conlre  lui  disputer  Vencentoir. 

Enchaînement,  Subsl.  m.  Il  n'a  pas  exactement 
la  même  signification  que  le  verbe  enchaîner. 
Celui-ci  sedilau  propre  elau  figuré;  celui-là  au 
figuré  seulement.  Enchaînement  se  dilde  la  liai- 
son des  choses  métaphysiques  qui  dépendent  les 
unes  des  autres,  qui  conduisciit  successivement 
de  l'une  à  l'autre  :  L'enchaînement  des  causes, 
des  idées,  de.':  raisonnements.  Un  enchaînement 
de  circonstances,  un  enchaînement  de  malheurs. 
—  Au  propre,  on  dit  enchaînurc.  Des  anneaux, 
des  fils,  des  cordons,  et  autres  objets  semblables, 
entrelacés  les  uns  dans  les  autres,  forment  une  en- 
chaînure. 

ENCHAi^ER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Racine  a  dit 
enchaîner  les  vents;  et  Voltaire,  enchaîner  le 
courroux  : 

Ces  vents  depuis  trois  mois  enchatnéssur  nos  tètet. 
{Iphig.,  act.  I,  se.  1,  30.) 

Il  me  semble  qu'un  dieu  descendu  parmi  nous, 
Maître  de  mes  transports,  cnchatne  mon  courroux. 
(OEd.,  ad.  lit,  se.  T,  2.) 

EnCHaIncre.    Subsl.  f.  "\'oyez  Enchaînement. 

Enchanté,  Enchantée.  Adj.  Il  se  met  après 
son  subsl.,  et  régit  quelquefois  la  préposition  rfc  .• 
Ilest  enchanté  de  sa  nouvelle  acquisition. 

Enchanteur.  Subsl.  m.  En  jiarlant  d'une 
femme,  on  dit  enchanteresse.  Ce  mol  se  prend 
adjectivement,  et  alors  il  ne  peul  se  mettre  qu'a- 


ENC 

près  son  subst.  :  Style  enchanteur,  voix  enchan- 
teresse, 

ENCHEVÊinER.  V.  a.  (le  la  1"  conj.  Voltaire  ;\ 
dit  :  Tandis  que  l'édition  entière  de  la  tragédie 
viendra  a  la  chambre  syndicale,  avec  toutes  les 
formalité»  ridicules  dont  la  librairie  est  enclie- 
vèlréc.  {Correspondance. ) 

Enclin.  Adj.  :  Être  enclin  au  mal.  L'Acadé- 
uiic  dil  la  nature  de  l'homme  est  encline  au  mal. 
l.e  féminin  n'est  pas  usité.  —  Molière  l'a  em- 
ployé dans  le  Dépit  amoureux  (acl.  IV,  se.  ii,  58)  : 

Car,  voyez-vous,  la  Temme  est,  comme  on  dit,  mon  maître. 

Un  certain  animal  difficile  à  connaître. 

Et  de  qui  la  nature  est  fort  encline  au  mal. 

Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Enclore.  V.  a.  et  irrég.  de  la  4*  conj.  Il  se 
conjugue  comme  clore.  'N'oyez  ce  mot.  Enclore 
un  champ,  enclore  un  jardin  de  murailles. 

Enclos.  Subst.  m.  Quand  une  expression  fami- 
lière et  commune  est  bien  placée  et  fait  un  con- 
traste, alors  elle  tient  presque  du  sublime  ;  tel  est 
ce  vers  de  Corneille  dans  Sertorius  (acl.  III, 
sc.ii,  17J)  : 

Je  n'appelle  plus  Romeun  entlo»  de  murailles. 

Ce  mot  enclos,  qui  d'ailleurs  est  si  commun,  et 
même  bas,  s'ennoblit  et  fait  un  très-beau  con- 
traste avec  ce  vers  admirable  du  héros  romain 
{idem,  17S)  : 

Rome  n'est  plus  dans  Rome,  elle  est  toute  où  je  suis. 

Encontre.  Subst.  f.  j4ller  à  l'encontre  de 
quelque  chose,  pour  dire  s'y  opposer,  y  être  con- 
traire, est  une  vieille  expression  cond'amnée  de- 
puis longtemps,  et  que  l'Académie  n'aurait  pas 
dû  mettre  dans  son  Dictionnaire. 

Encor  ou  Encore.  Adv.  Dans  les  temps  com- 
posés des  verbes,  il  ne  peut  se  mettre  qu'entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Je  n'ai  pas  encore 
fini.  Je  ne  l'ai  pas  encore  vu.  Dans  les  temps 
simples,  il  se  met  après  le  verbe  -.Je  l'attendsen- 
core.  Quelquefois  on  le  met  à  la  tête  de  la  phrase, 
et  alors  il  autorise  à  supprimer  le  verbe  :  Encore 
une  réflexion  que  vous  upprntiverez  siiroment ; 
c'est-ù-dire  je  vais  vous  présenter,  je  vais  vous 
exposer  encore  une  réflexion. 

Dans  le  sens  de  du  moins,  il  se  met  aussi  au 
commencement  de  la  phrase;  mais  alors  on  ne 
supprime  pas  le  verbe  :  Encore,  s'il  voulait  m'é- 
couter. 

Racine  a  dit  dans  Iphigénie  (act.  II,  se.  v,  45)  : 

Vous  me  donnez  des  noms  qui  doivent  me  surprendre, 
Uadanie  ;  on  ne  m'a  point  instruite  à  les  entendre  ; 
Et  les  dieux  contre  moi,  dés  longtemps  indignés, 
  mon  oreille  encor  les  avaient  épargnés. 

L'adverbe  encore  est  ici  pour  jusqu'à  présent. 

L'abbé  Dcst'ontaines  observe  qu'il  a  cette  signifi- 
cation quand  la  proposition  est  négative.  Par 
exemple,  on  dit  Irés-bicnje  n'ai  pas  encore  été 
malade,  pour  dire  je  n'ai  pas  été  malade  jusqu'à 
présent.  Dans  les  vers  de  Racine,  la  proposition 
a  vérilablenienl  un  sens  négatif  :  On  ne  m'apoint 
instruite  à  les  entendre,  est  bien  une  proposi- 
tion négative;  et  les  dieux  les  avaient  encore 
épargnés  à  mon  oreille,  qui  est  un  dévcl(j[)pement 
de  celle  proposition  négative,  porte  aussi  le  ca- 
ractère négatif suus  une  forme  affirmative,  c'est- 
à-dire,  071  ne  via  point  instruite  à  eiitendre  ces 


END 


253 


noms,  et  jusqu'à  présent  les  dieux  n'avaient  pas 
permis  qu'ils  parvinssent  à  mon  oreille. 

QueI(iuefois  encore  est  conjonction,  comme 
dans  cette  i»iirase  :  Il  s'est  fuit  prier  pendant 
longtemps,  encore  ne  m' a-t-il  écouté  que  de  mau- 
vaise grâce.  Dans  cet  emploi,  on  met  aj)iés  le 
verbe  le  pronom  qui  fait  l'oflice  de  sujet  :  Encore 
ne  vi'a-t-il. ..  Je  suis  content  de  ma  pauvre  Itha- 
que, encore  même  n'y  régncrai-j'e  que  trop  tôt. 
(Féiielon,  Télémaque.) 

En  prose,  on  ne  peut  dire  qu'e/icore;  en  vers, 
on  met,  selon  le  besoin,  encore  ou  encor. 

Encore  que.  Conjoncl.  On  s'en  sert  raremenl. 
Elle  régit  le  subjonctif  :  Encore  que  les  rois  de 
Thchcs  fussent  les  plus  puissants  de  tous  les  rois 
de  l'Egypte,  j'amais  ils  n'ont  entrepris  sur  les 
dynasties  voisines.  (Bossuet,  Disc,  sur  l'IIist. 
univ.,  IW  part.,  chap.  III,  p.  432.) 

Encourageant,  Encourageante.  Adj.  verbal 
lire  du  V.  encourager.  11  [)cut  (jiiehpiefois  se 
mettre  avant  son  subst.  :  Des  paroles  encoura- 
geantes, d'encourageantes  paroles,  un  succès  en- 
courageant. Voyez  Adjectif. 

Encourager. V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le^r  doit  toujours  avoir  la  prononciation  du/,-  et, 
pour  la  lui  conserver  lorscju'il  est  suivi  d'un  a 
ou  d'un  0,  on  met  un  e  muet  avant  cet  o  ou  cet  a  : 
j'encourageais ,  encourageons,  et  non  [)SiSJ'en- 
couragais,  encouragons.  Ce  verbe  régit  à  devant 
les  noms  et  devant  les  verbes  :  Encourager  au 
travail,  encourager  à  bien  faire. 

Encourir.  V.  a.  de  la  2'  conj.  Il  se  conjugue 
comme  courir.  Voyez  ce  mot. 

Encrasser.  V.  a.  de  lai"  conj.  Selon  l'Aca- 
démie, s'encrasser  se  dit  lîgurément  de  ceux  qui 
s'avilissent  en  se  mésalliant,  ou  en  fréquentant 
mauvaise  compagnie.  Elle  aurait  dii  ajouter  que 
celle  expression  est  basse. 

Encroûter.  V.  a.  de  la  1""  conj.  :  Couvrir 
d'une  croûte.  Au  propre,  c'est  un  terme  d'archi- 
tecture. Buffon  a  dil  le  soleil  encroûté, — On  l'em- 
ploie figurémcnt  au  participe  :  C'est  un  homme 
encroûté  de  préjugés. 

J'aime  le  vrai,  je  me  plais  à  l'entendre  ; 
J'aime  à  le  dire,  à  gourmander  mon  gendre; 
A  Lien  malcr  cette  fatuité 
Et  l'air  pédant  dont  il  est  encroûté. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  act.  I,  se.  i,  15.) 

Encuirasser.  V.  a.  de  la  1"  conj,  L'Acadé- 
mie dit  :  Un  corps  encuirassé  de  poussière,  du 
linge  encuirassé  d'ordures.  .Je  crois  qu'il  serait 
dillicilc  de  trouver  ces  expressions  dans  de  bons 
auteurs. 

Endolori,  Endolorie.  Adj.  Mot  inventé  par 
J.-J.  Rousseau,  jjoiir  signilier  (]ui  ressent  de  la 
douleur  ;  à  la  différence  de  douloureux,  (]ui  veut 
dire  «lui  cause  de  la  douleur  :  Sophie  se  fait  don- 
ner un  tablier  de  lu  bonne  femme  qui  vient  d'ac- 
coucher dans  une  chuxnnière  isolée ,  et  va  l'arran- 
ger dans  son  lit;  elle  en  fait  ensuite  autant  « 
l'homme  qu'y  ne  chute,  de  cheval  a  blessé.  Sa  main 
douce  et  légère  sait  aller  chercher  tout  ce  qui  les 
blesse,  et  faire  poser  plus  mdlement  leu)'s  mem- 
bres ctntio\ov\s.  [Emile,  Wv.  V,  I.  VII,  p    3'i0.) 

Endormir.  V.  a.  et  irrég.  de  la  2^  conj.  11  pe 
conjugue  comme  dnrmir.  Voyez  Irrégulier. 

Endurant,  Endurantk.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
endurer.  11  ne  se  mel  qu'après  son  subst.  :  Un 
homme  endurant,  une  femme  endurante.  Il  s'em- 
ploie plus  souvent  avec  la  négative  :  Cet  homm^ 
n'est  pas  eridurant,  n'a  pas  l'humeur  endu- 
rante, etc. 


25i 


ENF 


Enddrci,  Endurcie.  Adj.  11  régil  la  préposition 


ia 


Ses  yeux  iiidilTÉrenls  ont  déjà  la  constance 
U'on  tyran  dârtsie  crim*  entfurei  dèl  l'tinfanes; 

(Rac,  iBriJan.,  acl.  Y,  se.  vu,  17.^ 

la  préposition  à  : 

J'irais  par  ma  constance,  aux  affronts  endurci, 
Me  mettre  au  rang  des  «aints  qa'a  célébrés  Bussi  ; 
(BoiL.,  Sat.  riii,  4i.) 

et  la  préposition  contre  :  Etre  endurci  contre 
^adversité. 

Endurcir.  V.  a.  de  la  2'  conj.  L'Académie 
dit  endurcir  au  travail,  aux  intempéries  de  l'air, 
aux  privations.  Elle  ne  fait  régir  à  ce  vcHie  la 
préi>osition  dans  (]ue  lorsqu'il  est  pronominal  : 
S'endurcir  dans  le  vice,  dans  le  crime.  Voltaire 
a  dit  dans  la  Ilenriade  (111,16)  : 

Il  n'était  point  comma  elle  endurci  dans  le  cn'me. 

Voyez  l'article  précédent. 
Ei«DUREK.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Corneille  a  dit 
dans  \es  Horaces  (act.  I,  se.  iv,  19)  : 

Mais  as-tn  vn  ton  père  ?  et  peut-il  endurer 
Qu'ainsi  dans  sa  maison  tu  t'oses  retirer? 

Ce  mot  endurer,  dit  Voltaire,  est  du  style  de 
la  comédie.  On  ne  dit  que  dans  le  discours  le 
plus  hm\\icrj'endiiregue,je  n'etidure pas  que. 
Le  terme  endurer  ne  s'admet  dans  le  style  noble 
qu'arec  un  régime  direct  :  Les  peines  que  j'en- 
dure. {Remarq.  sur  Corneille.) 

Celte  remarque  de  Voltaire  est  une  critique 
indirecte  de  l'Académie,  qui  dit:  N'endurez  pas 
qu'on  fasse  tort  à  votre  famille,  sans  dire  que 
cette  expression  est  du  discours  le  plus  familier, 
sans  dire  même  qu'elle  est  du  discours  timi- 
Her. 

ÈNEKGiE.  Subst.  f.  En  parlant  du  discours,  ce 
mot  dit  plus  que  force,  et  s'applique  principale- 
ment aux  discours  qui  peignent ,  et  au  caractère 
du  style.  On  peut  dire  d'un  orateur  qu'il  Joint 
la  force  du  raisannement  à  l'énergie  c/es  expres- 
sions. On  dit  aussi,  une  peinture  énergique  et 
des  images  fortes. 

ÉNF.r.GiQUE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit 
principalement  des  discours  qui  peignent,  et  du 
caractère  du  style:  Discours  énergique,  style 
énergique.  11  se  met  ordinairement  après  son  sub- 
stantif. Mais  nous  croyons  qu'il  y  a  des  cas  où 
l'on  pourrait  le  mettre  avant.  On  ne  dit  pas  im 
énergique  discours,  un  énergique  style;  mais  on 
pourrait  dire  celte  énergique  réponse  calma  le 
courroux  du  roi    Voyez  Adjectif. 

ÉNERGiQDEMENT.  Adv.  11  ne  sc  met  guère 
qu'après  le  verbe  :  Il  s'est  expliqué  énergique- 
ment. 

Enfant.  Subst.  m.  Le  mot  enfant,  tiré  du  latin 
infans,  signifie  littéralement  garçon  ou  lille  qui 
n'est  pascnrore  en  âge  de  parler.  Nous  avons 
étendu  la  signiGcatiou  de  ce  mot  jusqu'à  l'âge  de 
douze  ans;  et  nous  appelons  également  enfant 
ce  que  les  Latins  appelaient  in  fans  c\.  puer.  Par 
la  première  expression,  ils  n'entendaient  que  ce- 
lui qui  n'est  pas  on  âge  de  parler,  et  ils  éten- 
daient la  seconde  depuis  la  naissance  jusqu'à 
l'âge  de  douze  ans. 

Ceci  peut  servir  à  décider  si  l'on  peut  dire, 
comme  Racine  et  Voltaire,  un  jeune  enfant. 


ENF 

Un  jeune  enfant  couvert  d'une  robe  éclatante 

(Kàc,  Àtk.,  act.  Il,  se  V,  ♦•.) 

Jeune  enfant,  répond». 

(Idem,  se.  yii,  9.) 

De  Caumont,  jeune  enfant,  l'iHonnanle  aventure 
Ira  de  bouche  en  bouche  à  la  race  future. 

(Volt.,  Henr.,   II,  304.) 

Les  critiques  disent,  au  sujet  de  ces  vers  de 
Racine  :  Nous  ne  croyons  [las  qu'on  puisse  dire 
un  jeune  enfant.  On  est  j(!une  après  avoir  été 
enfant;  mais  quand  on  dit  enfant,  l'épilhète  de 
jeune  est  inutile.  Cette  remarque  n'est  ptis  juste 
Puisque  dans  notre  langue  la  signification  du 
mot  enfant  s'étend  depuis  la  naissimce  jusqu'à 
l'âge  de  douze  ans,  on  est  jeune  lorsqu'on  est  en- 
core enfant;  et  l'on  est  proprement  enfant  lors- 
qu'on n'est  pas  en  âge  de  parler.  Un  enfant  de 
six  mois  n'est  pas  un  jeune  enfant,  c'est  simple- 
ment un  enfant.  Un  enfant  de  deux  ans,  de 
quatre  ans,  de  douze  ans,  elc  ,  est  un  jeune  enfant 
ipuer).  D'ailleurs,  il  faut  remarquer  que,  dans 
ces  sortes  d'expressions,  on  n'a  pas  uniquement 
l'âge  en  vue,  mais  l'innocence,  et  (|ue,  dans  cer- 
tains cas,  on  dit  fort  bien  cette  jeune  enfant, 
d'une  jeune  fille  de  quatorze  à  quinze  ans. 

Le  mot  enfant,  dit  Féraud,  s'emploie  élégam- 
ment au  figuré  :  3Iai.s  enfin.,  un  généreux  dépit, 
enfant  du,  courage  et  de  la  raison,  s'empare  de 
son  âme  et  en  bannit  la  honte.  Des  écrits  téné- 
breux, enfants  de  la  nuit,  du.  mensonge  et  de 
l'orgueil.  Voyez  Enflure. 

Enfant  est  tantôt  du  masculin,  tantôt  du  fé- 
minin. On  trouve  dans  toutes  les  langues  des 
noms  qui,  sous  la  même  terminaison,  expriment 
tantôt  le  mâle,  tantôt  la  femelle,  et  sont,  en  con- 
séquence, tantôt  du  genre  miisculiu,  tantôt  du 
genre  féminin.  On  dit  de  ces  noms  qu'ils  sont 
•An  genre  commun,  \)aTce  que  ce  sont  des  ex- 
pressions communes  aux  aeux  sexes  f\  aux  deux 
genres.  Tel  est  dans  notre  langue  le  mot  enfant, 
|)uisqu'on  dit  en  parlant  d'un  garçon, /e  bel  en- 
fant; et  en  parlant  d'une  fille,  la  belle  enfant, 
ma  chère  enfant. 

Enfanter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
donne  les  exemples  suivants  du  style  figuré  :  Les 
r/uerres  civiles  enfantent  mille  maux;  enfanter 
des  prodiges,  des  miracles.  On  dit  aussi  eîifanter 
des  projets.  Voltaire  a  dit  enfanter  des  armées. 

Et  quel  alTreut  projet  avez-vous  enfanté  ? 

flUc,  Vhéi.,  act.  I,  se.  ili,  71.) 

Nourrissant  le  projet  que  sa  fureur  enfante. 

^Dblil.,  Èniii.,  IV,  679.) 

De  la  ligue  en  cent  lieux  les  villes  alarmées. 
Contre  moi  dans  la  France  enfantaient  des  années. 
(Volt.,  Henr.,  III,  143.) 

Ce  Terbe  s'emploie  quelquefois  absolument 
comme  tous  les  autres  verbes  aciifs,  mais  ordi- 
nairement, et  surtout  au  ligure,  il  s'emploie  avec 
un  régime.  Voyez  Accoucher. 

Enfantin,  Enfantine.  Adj.  qui  se  met  ordinai- 
rement après  son  subst.  :  Puisage  enfantin,  voix 
enfantine. 

Knieh.  Sub.st.  m.  On  prononce  le  r. 

Enfermer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Racine  a  dit 
dans  Britannicus  (act.  V,  se.  m,  28)  ; 

Son  cœur  n'enferme  point  une  malice  noire. 

Enfilade.  Subst.  f.  Selon  l'Académie,  il  ne  se 


ENF 

dit  proprement  que  d'une  longue  suite  de  cham- 
bres dont  les  portes  sont  sur  une  niLune  ligne. 
—  Cest  une  eireur.  On  ai)pelle  e/ifilude  une 
suite  ou  continuation  de  plusieurs  ciioscs  dispo- 
sées dans  une  même  ligne,  ou  sur  une  même  liie, 
comme  une  enfilade  de  chambres,  de  portes,  de 
bâtiments,  etc. 

Enfin.  Adv.  On  dit  il  viendra  enfin,  enfin 
les  bons  principes  s'établissent.  Dans  ces  phra- 
ses ,  enfin  ne  sert  qu'à  indiquer  la  lenteur  de 
l'événement  arrivé  après  beaucoup  de  temps, 
d'attente,  d'incertitude.  1!  se  met  avant  ou  après 
le  verbe  :  Enfin  mous  convînmes,  nous  convînmes 
enfin;  il  arriva  enfin,  enlin  il  arriva. 

Enflammer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
l'explique  par  a//umer,  mettre  le  feu.  —  Ce  mot 
signifie  ai)|iliquer  le  feu  à  un  corps  combustii île 
d'une  manière  sensible  pour  les  yeu.K,  au  delà 
de  la  surface  du  corps;  le  corps  serait  seulement 
échauffé,  si  le  feu  n'y  était  sensible  que  pour  le 
toucher;  il  serait  seulement  ardent  ou  embrasé, 
si  le  feu  n'y  était  i)as  sensible  pour  les  yeux  au 
delà  de  sa  surface.  Voyez  Embraser. 

Enfler.  V.  a.  de  la  1"^'  conj.  L'Académie  dit 
enfler  absolument,  pour  enorgueillir.  Mais  on  dit 
avec  le  participe  être  enflé  d'orgueil,  enflé  d'au- 
dace : 

Des  états  dans  Paris  la  confuse  assemblée 
Arait  psrdu  l'orgueil  dont  elle  était  enflée. 

(Volt.,  Henr.,  YUJ,  1.) 

L'indiscret,  à  mes  yeux,  de  trop  d'orgueil  enflé,  etc. 
[Volt.,  Indiscret,  se.  IX,  4.) 

Cependant  à  les  voir  enflés  de  tant  d'audace. 

(BoiL.,  Disc,  au  roi,  33. j 

Enfldbe.  Subst.  m.  L'Académie  dit  figurémenl 
Penflure  du  cœur  ;  on  dit  aussi  l'enflure  de  l'or- 
gueil. Il  parait  bien  plus  pardonnable  à  ceux 
qui  naissent,  pour  ainsi  dire,  dans  la  boue,  de 
s'enfler,  de  se  hausser,  et  de  tâcher  de  se  mettre, 
par  l'enflure  de  l'orgueil,  de  niveau  avec  ceux 
au-dessous  desquels  ils  paraissent  se  trouver  si 
fort  par  leur  naissance.  (Massillon,  Petit-Ca- 
ràme.) 

En  terme  de  littérature,  on  appelle  enAure  un 
vice  de  style  qui  consiste  ou  à  se  servir  de  grands 
mots  et  de  tours  pompeux  pour  exprimer  des 
idées  simjjles  ou  ordinaires,  ou  à  revêtir  des  idées 
grandes  et  nobles  par  elles-mêmes  d'expressions 
outrées  qui  les  font  paraître  gigantesques.  On 
donne  avec  raison  comme  un  exemple  d'enflure, 
cette  strophe  de  Rousseau  (liv.  I,  Ode  I,  81  )  : 

Où  suis-je,  quel  nouveau  miracle 
Tient  encor  mes  sens  enchantés  ! 
Quel  lasle,  quel  pumpeux  spectacle 
Frappe  mes  yeui  épouvantés! 
Un  nouveau  monde  vient  d'éclore. 
L'univers  se  reforme  encore 
Dans  les  abimes  du  chaos  \ 
Et  pour  réparer  ses  ruines. 
Je  vois  des  demeures  divines 
Descendre  un  peuple  de  héros. 

Celle  Strophe  entière  n'est  qu'ime  véritable  en- 
flure dans  la  pensée  el  dans  l'élocution.  Des 
yeux  épouvantes  par  la  pompe  d'un  spectacle  mi- 
raculeux, tandis  que  tous  les  autres  sens  sont  en- 
chantés; ensuite,  l'univers  se  reformant  dans  un 
abime  de  confusion,  apros  qu'un  nouveau  monde 
est  venu  éclore;  enfin,  un  nouvel  univers  réfor- 


ENF 


255 


mé  a-t-il  des  ruines  à  réparer,  pour  lesquelles 
il  faille  qu'un  peuple  de  héi-os  descende  des  de- 
meures divines? 

La  Harpe  a  trouvé  un  exemple  d'enflure  dans 
les  vers  suivants   de  Voltaire   [Rome  sauvée 
act.  1,  se.  V,  81)  : 

\e  me  reprochei  plus  tous  mes  égarements, 
D'une  ardente  jeunesse  impétueux  enfants. 

Enflure  de  style,  dit  La  Harpe  ;  des  égarements 
ne  sauraient  se  personnifier,  cl  ne  sont  point  des 
enfants. 

Si  cette  critique  est  juste,  il  faudra  condamner 
aussi  les  vers  suivants  du  même  auteur  : 

Un  feu  tumultueux , 
De  mes  sens  enchantés  enfant  impétueux. 

{OEd.,  act.  Il,  se.  Il,  59.) 

On  ne  se  cache  point  ces  secrets  mouvements, 
De  la  nature  en  nous  indonipiibles  enfant». 

[Idem,  act.  Il,  se.  u,  18.) 

On  pourrait  dire,  avec  La  Harpe,  un  feu,  des 
secrets  mouvements  ne  sauraient  se  personnifier 
el  ne  sont  point  des  enfants.  .Maison  sentira  com- 
bien celte  remarque  est  déplacée,  si  l'on  observe 
(jue,  dans  ces  phrases,  le  mot  enfant  est  pris  an 
ligure;  qu'il  ne  supjKise  pas  que  l'on  personnifie 
la  chose  à  laquelle  on  l'apidiiiuc;  et  (]ue  l'usage, 
conforme  à  ces  expressions,  permet  de  dire  (juc 
les  regrets  sont  enfants  du  plaisir,  les  crimes  en- 
fants de  l'ainbilion  et  de  l'orgueil,  que  le  bonheur 
est  enfant  delà  vertu.  Voyez  Enfant. 

Enfo>cer.  V.  a  de  lu  J"  conj.  Dans  ce  verbe 
le  c  a  la  prononciation  de  se,  el  [wur  la  lui  con- 
server à  tous  les  temps  el  à  toutes  les  personnes, 
il  faut  mettre  une  cédille  dessous  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi  on  écrit 
nous  enfonçons,  j'enfonçais,  j'enfonçai,  el  non 
pas  nous  enfonçons,  etc. 

L'Académie  ne  l'admet  au  figuré  qu'avec  le 
pronom  personnel  :  S'enfoncer  dans  V étude,  dans 
la  débauche,  dans  le  jeu.  Voici  deux  exemples 
où  Racine  et  A'oltaire  l'emploient  figurémenl 
sans  ce  pronom  : 

Mais  Marduchée,  assit  aux  portes  du  palais , 
Dans  ce  cœur  malheureux  enfonce  oiillo  traits. 

(Rac,  Esth.,  ad.  Ul.sc.  i.  S".] 

Enfonçons  dans  son  cœur  le  Irait  qui  le  déchire. 
(Volt., Brut-,  act.  II,  se.  m,  25.) 

Enforcib,  Renforcer.  Verbes  actifs.  Ces  deux 
verbes  signifient  l'un  et  l'autre  rendre  plus  fort, 
ou  devenir  j)lus  fort  :  La  bonne  nourriture  a  en- 
forci  ce  cheval.  Ce  vin  s'enforcira  à  la  gelée.  On 
a  renforcé  l'armée.  Cette  place  se  renforce  tous 
les  jours.  Ce  jeune  homme  s'est  bien  renforcé 
dans  le  calcul,  aux  échecs,  sur  la  langue  grec- 
que. 

Quelques  personnes,  pensant appareinment que 
l'on  dit  enforcer,  renforcir,  ont  forgé  les  parti- 
cipes enforcé,  renforci.  Mais  ces  participes  et 
ces  infinitifs  sont  autant  de  barbarismes,  car  on 
ne  connaît  qu'enfrcir  el  renforcer,  dont  les  |»ar- 
ticipcs  passés  sont  nnforci,  renforcé.  .Ainsi  ceux 
qui  disent  cet  enfant  est  renforci,  au  lieu  de  cet 
enfant  est  renforcé  ;  ces  bas  sont  ren  forcis,  ou 
enforcés,  s'expriment  md.  —  Enforcir  ne  se  dit 
pas  des  |)ersomics. 

Enfourcher.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Monter  a 
cheval,  jambe  de-çà,  jambe  de-là  :  Cette  femme 


256 


ENG 


enfourche  un  cheval  comme  ferait  un  cavalier. 
C'est  un  de  ces  verbes  iiuisilos  qu'on  ne  trouve 
guère  que  dans  le  Diclionnairc  dr  l'Acadi'mie. 
On  ne  serait  pas  compris  si  l'on  disait,  cuinine 
Y  iiViWiA,  j'en  fourchai  mon  cheval,  et  Je  partis. 

Enfuit,  (s').  V.  pronom,  de  la  2*  conj.  Il  se 
conjugue  comme  fuir,  51  ce  n'est  qu'il  prend 
l'auxiliaire  être,  comme  tous  les  verbes  prono- 
minaux. 

On  dit  absolument  s'enfuir,  et,  avec  un  com- 
plément indirctl,  s'enfuir  de  ipiclque  endroit. 
Dans  le  premier  sens,  il  faut  dire  il  s'est  enfui, 
et  non  pas  il  s'en  est  enfui,  ni  il  s'en  est  fui. 
Dans  le  second,  il  faut  réi)étcr  en,  pour  signifier 
le  comjjlémcnt  indirect.  Ainsi  l'Académie  a  bien 
dit  :  O/i  l'a  mis  en  prison,  il  s'en  est  enfui; 
c'est-à-dire,  il  s'est  enfui  de  prison.  Sans  ce  ré- 
gime, elle  dit  il  s'est  enfui,  vous  me  ferez  enfuir. 
—  L'Académie,  dans  la  dernière  édition  de  son 
Dictionnaire,  donne  pour  exemple  ;  On  l'a  mis 
en  prison,  mais  il  s'est  enfui.  C'est  sans  doute 
par  euphonie  qu'elle  emploie  de  préférence  celle 
manière  de  s'exprimer. 

Les  poêles  emploient  souvent  ce  mol  au  figuré  ; 

Ma  raison  s'enfuyait  de  mon  &me  éperdue. 

(Volt.,  Ore»t.,  ad.  III,  se.  i,  21 .) 

Loin  d'Énée,  à  ces  roots,  le  doux  sommeil  s'enfuit. 
(DsLih.,Énéid.,  IV,  838.) 

Sa  ïie  alors  t'enfuit  comme  une  ombre  légère. 
[Idci7i,  X,  1124.) 

Engageant,  Engageante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  engager.  On  pcul  le  mettre  avant  son  subst. 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Ces  caresses 
engageantes,  ces  engageantes  caresses. 

Engager.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  second  g  doii  toujours  avoir  la  prononciation 
duj;et  pour  la  lui  conserver  lors(iu'il  est  suivi 
d'un  a  ou  d'un  0,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a 
ou  cet  0  :  J'engageais,  engageons,  et  non  pas 
j'engagais,  engagons. 

Le  père  Bouhours  dit  que,  de  son  temps,  on 
commençait  à  dire  engager  de,  mais  i\n'engager 
à  était  toujours  plus  usilc. 

L'Académie,  en  ne  construisant  ce  verbe  qu'a- 
vec la  préposition  à,  a  contribué  à  rendre  l'usage 
de  de  plus  rare  :  Il  m'a  engagé  à  cela.  On  l'a  en- 
gagé à  entrer  dans  ce  parti;  cette  charge  engage 
à  beaucoup  de  dépenses.  11  est  certain (lue  la  pré- 
position à  est  bien  placée  dans  tous  ces  exem- 
ples. Mais  ne  pourrait-on  pas  dire  il  m'a  engagé 
de  prendre  patience,  il  m'a  engagé  do  fuir,  de 
convenir  de  ma  faute"?  La  ])réposition  de  n'a  rien 
de  choquant  après  le  verbe  engager,  |)uisiiue 
Thomas  Corneille  et  de  Wailly  en  pcrmeltenl  l'u- 
sage pour  éviter  la  cacophonie,  cl  tju'ils  veulent 
qu'on  dise  il  s'engagea  d'aller,  au  lieu  de  il  s'en- 
gagea à  aller.  Cependant  il  i)arail  étonnant  (pie  la 
seule  raison  de  la  cacophonie  puisse  autoriser 
après  un  verbe  la  substitution  de  la  préposition 
de  à  la  préposition  à,  qui  marque  des  rapports  si 
différents. 

Concluons  de  tout  ceci  que,  malgré  le  silence 
de  l'Académie,  on  joint  et  l'on  peut  'oindre  de  au 
verbe  engager;  cl  cherchons  si  lo  choix  ne  dé- 
pendrait pas  du  sens  que  l'on  donne  à  ce  verbe. 
La  préposition  à,  comme  nous  avons  eu  sou- 
vent occasion  de  le  dire,  indi(]ue  par  sa  natiir-. 
un  point,  un  but  hors  du  sujet  qui  agit,  et  au- 
quel tend  ce  sujet.  Or,  dans  les  différents  sens 
que  l'on  donne  au  verbe  engager,  quelquefois  ce 


ENG 

but  est  indiqué,  c'est-à-dire  quand  l'action  doU 
être  terminée  hors  du  sujet  (jui  doit  la  faire.  Par 
excini)lc,  quand  on  dit  je  vous  engage  à  l'aller 
voir,  on  indique  clairement  une  action  qui  doit 
être  terminée  hors  du  sujet  qui  doit  la  faire,  une 
action  qui  est  comme  un  but  qu'on  lui  indique, 
qu'on  lui  montre.  L'indication  de  ce  but  exige  la 
préposition  o.  Mais  quand  on  dit  je  vous  engage 
de  vous  taire,  de  vous  reposer,  de  prendre  pa- 
tience, etc.,  il  n'y  a  point  de  but  indiqué  hors 
du  sujet  (|ui  doit  faire  l'action;  et  c'est  alors  «lue 
la  piéposition  à  serait  déplacée,  et  qu'il  faut  em- 
ployer de. 
Racine  a  dit  : 

Sur  les  pas  des  tyrans  veus-tu  que  je  m'engage  ? 
(Britan.,  act.  IV,  se.  iv,  38.) 

A  peine  au  fils  d'Egée 
Sous  Us  lois  de  l'hymen  je     'étais  engagée. 

(PAey..,  act.  I,  se.  III,   117.1 

L'Académie  ne  donne  iVoint  d'exemples  analo- 
gues à  ces  constructions. 

Engendrer.  V.  a  de  la  l"  conj.  Selon  l'Acadé- 
mie, il  se  dit  de  l'homme  et  des  animaux,  mais 
on  ne  l'applique  guère  qu'aux  mâles.  D'après 
cela  on  pourrait  dire  monsieur  un  tel  a  engendré 
trois  fils;  tel  roi  engendra  deux  enfants.  Ces 
phrases,  conformes  à  la  définition  de  l'Académie, 
ne  le  seraient  ni  à  l'usage  ni  au  bon  goiit.  Bou- 
hours  a  remarqué  il  y  a  longtemps  qu'au  propre, 
engendrer  ne  se  dit  point  des  personnes. 

Engendrer,  au  propre,  ne  se  dit  point  des  per- 
sonnes, si  ce  n'est  dans  certaines  phi  ises  de 
l'Ecriture  sainte  ,  comme  Abraham  engendra 
Isaac,  Isaac  cîigendra,  etc.,  ou  dans  quelques 
autres  phrases  du  style  dogmatique,  conme  le 
père  engendre  le  fils  de  toute  éternité- 

Englodtir.  V.  a.  de  la  2'  conj.  Dclille  a  dit 
[Enéid.,  I,  175)  : 

...  Si   les  flots  ennemis 
Ont  englouti  tes  jours  et  les  jours  de  ton  fils. 

L'Académie  prétend  qn' engloutir,  en  parlant 
d'une  succession,  signifie  la  consumer,  la  dissi- 
per :  Il  a  englouti  en  peu  de  temps  toute  cette 
riche  swcession.  Voltaire  emploie  ce  mot  dans 
un  autre  sens  [Enf.prod.,  act.  IV,  se.  m,  414)  : 

S'ilenjioulii  à  jamais  l'Iiérllage 

Dont  la  nature  avait  fait  mon  partage... 

ENGoncER.  V.  a.  de  la  1'^  conj.  Dans  la  con- 
jug:iison  de  ce  verbe,  le  second  g  se  prononce 
toujours  comme  j;  et  pour  lui  conserver  celte 
prononciation  lorsqu'il  est  suivi  d'un  a  ^u  d'un 
0,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a  ou  cet  o:  J'en- 
gorgeais, engorgeons ,  et  non  pas  j'engorgais  , 
engorgons. 

Engranger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  la  con-^ 
jugaison  de  ce  verbe,  le  second  g  se  prononce 
comme  toujours,  comme  j;  et  pour  lui  conser- 
ver celle  prononciation  lorsqu'il  est  suivi  d'un  a 
ou  d'un  o,  on  mol  un  e  muet  avant  cet  a  ou  cet 
o:  J'engrangeais ,  j'engrangeai,  et  non  pas 
j'engrangais,j'engrangai. 

Engri.ner.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Selon  l'Aca 
demie,  C.  se  ilit  d'une  roue  dont  les  dents  entrenX 
dans  rel'.os  d'une  autre  roue,  en  sorte  que  l'una 
fait  tourner   l'autre:    Cette  petite  roue  engrène- 

1  bien  dans  cette  autre.  VoUaire  a  api)li(iué  ce  m» 
à  l'arrangement  nécessaire  de  toutes  les  chose* 

I  de  ce  inonde...  Les  corps  graves  tendent  versk 


ENJ 

centre  de  la  terre,  sans  pouvoir  tendre  à  se  re- 
poser en  l'air.  Les  poiriers  ne  peuvent  jamais 
porter  d'ananas.  L' instinct  d'un  i'pugneul  ne  peut 
être  l'instinct  d'une  autruche;  tout  est  arrangé, 
engrené  et  limité.  (Dict.  philos.) 

ÈMiARDin.  V.  a.  de  la  ■i'conj. 

ENHAnNAciiEii.  V.  a.  de  lal"conj.  Dans  ces 
deux  veibes  le  h  s'aspire,  el  en  se  prononce  comme 
dans  engourdir. 

ÊMCMATiQUE.  Adj.  dcs  dcux  gcnrcs.  En  prose ,  il 
ne  se  met  guère  qu'après  son  subst.  :  Pandes 
étiigmatiqucs.  Discours  énigmatiques.  Bt'ponse 
énigmatique. 

ÊNiGMATiQUEMENT.  A(Iv.  11  so  uict  loujours après 
le  verbe  :  Il  a  parle  éniginatiquement,  el  non 
pas  ila  énigmatiqucmcnt  parlé. 

Emvraîxt,  Enivrante.  Adj.  verbal  tiré  du  verbe 
enivrer.  On  prononce  comme  s'il  y  avait  deux  n, 
ennivrant.  Féraud  remarque  avec  laison  qu'on 
devrait  écrire  avec  dor  «,  ennivrant,  ennivrev, 
eiinivrement.  L'orlbogr"'nlie  ordinaire,  dil-il,  peut 
induire  en  erreur  pour  u  prononciation.  Eu  écri- 
vant enivrant,  enivrer,  Qlc,  il  semble  qu'on 
doive  prononcer  enivrant,  enivrer,  comme  un 
prononce  dans  énigme,  ènigmaligue .  Si  l'on 
écrivait  ennivrer  comme  ennuyer,  l'orthographe 
serait  conforme  à  la  prononciation.  En  prose, 
cet  adjectif  se  met  ordinairement  après  son  subsl.  : 
Liqueur  enivrante,  louanges  enivrantes. 

Enivrement.  Subst.  m.  Aoyez  Enivrant. 
Voltaire  a  dit  l'enivrement  de  la  joie  [Mort  de 
César,  act.  II,  se.  iv,  28)  ; 

Alors  tuut  est  en  proie 
Au  !o\  enivrement  d'une  indiicrèle  joie. 

Enivr  ;r.  y.  a.  de  la  4"  conj.  L'Académie  ne 
donne  p:«  assez  d'exemples  de  l'emploi  de  ce  mot 
au  figure,  pour  faire  connaître  toute  l'étendue  de 
sa  signification.  En  voici  quelques-uns  qui  pour- 
ront paraître  utiles  : 

Rends-loi  compte  du  sang  dont  tu  t'es  enivré». 

(Rac,  Ath.,  act.  V,  se.  r,  31.) 

Des  Tolonlés  de  Rome  alors  mal  assuré, 
Néron  de  sa  grandL'ur  n'étali  point  enivré. 

(Hac,  Britan.,  ad.  I,  se.  I,  97.1 

Le  coeur  onllé  d'orgueil  et  de  haine  enivré, 

(Volt.,  Oreate,  act.  III,  se.  ri,  72.) 

De  la  foreur  commune  avec  zèle  enivré... 

(YOLT.,  Mahom.,  acl.  V,  se.  m,  16.) 

Déjà  plein  d'espérance  et  de  gloire  enivré, 
kuK  teilles  de  Valois  il  avait  pénétré. 

(Volt.,  Henr.,  IV,  49.) 

Des  spectateurs  joyeui 
Longtemps  leurs  traits  cliéris  ont  enivré  les  yeux. 

(Delil.,  Énéiéi.,  V,  785.) 
Qui  s'enivre  à  tos  yeux  de  l'encens  des  humains. 

(Volt.,  Brut.,  act.  III,  se.  vu,  23.) 

Filé  sur  ces  tableaux  qu'il  contemple  à  loisir. 
Le  héros  s'enivrait  d'un  douloureux  plaisir. 

(Ublil.,  Énéid.,  I,  675.) 

Voyez  Enivrant. 

ENJA.MBEMENT.  Subst.  m.  Tcrme  de  littérature. 
Construction  vicieuse,  principalement  dans  les 
vers  alexandrins.  On  dit  qu'un  vers  enjambe  sur 
un  tutre,  dit  le  chevalier  de  Jaucourt,  lorsque 
la  pensée  du  poète  n'est  point  achevée  dans  le 
même  vers,  et  ne  finit  qu'au  commencement  ou 
au  milieu  du  vers  suivant.  Ainsi  ce  défaut  existe 


ENJ 


257 


toutes  les  fois  qu'on  ne  peut  point  s'arrêter  natu- 
rellement à  la  fin  du  vers  al.'xandrin  pour  en 
faire  sentir  la  rime  et  la  i)euséc,  mais  qu'on  est 
obligé  de  lire  de  suite  et  prompteiuent  l'autre 
vers,  à  cause  du  sens  qui  est  demeuré  suspendu 
Les  exemples  n'en  sont  pas  rares;  en  voici  un 
seul  : 

Craignons  qu'un  Dieu  Tengeur  ne  lanco  sur  nos  létes 
La  foudre  inévitable. 

Il  y  a  ici  un  enjambement,  parce  que  le  sens  ne 
permet  pas  qu'on  se  repose  à  la  fin  du  premier 
vers. 

Ce  n'est  pas  assez  d'éviter  l'enjambement  d'un 
vers  à  l'autre,  il  faut  de  plus  éviter  d'enjamber 
du  premier  hémistiche  au  second;  c'est-à-dire 
que  si  l'on  porte  un  sens  au  delà  de  i;i  moitié 
du  vers,  il  ne  faut  pas  rinteriompre avant  la  fin, 
parce  qu'alors  le  vers  parait  avoir  deux  repos  eî 
deux  césures,  ce  qui  est  trè^désagréa!)le.  Il  est 
encore  bien  moins  permis  d'enjamber  d'une 
slance  à  l'autre. 

Maissi  lenjambement  est  défendu  dans  les  vers 
alexandrins,  comme  nous  venons  de  le  dire,  il 
est  autorisé  dans  les  vers  de  dix  syllabes,  et  il  y 
produit  même  quchiuefois  un  agrément,  parce 
que  cette  espèce  de  \cvi,  faite  pour  la  poésie 
familière,  souffre  quelques  licences,  et  ne  veut 
pas  être  assujettie  à  une  trop  grande  eénc.  Au- 
trefois les  poêles  ne  s'embarrassaient  "cuére  de 
laisser  enjamber  leurs  vers  les  uns  sur  les  au- 
tres; c'est  à  Malherbe  le  premier  que  l'on  doit  la 
correction  de  ce  défaut  de  la  versilicalion.  Par 
ce  sage  écrivain,  par  ce  guide  fidèle,  dit  Des- 
préaux  [A.  P.,  I,  137), 

Les  stances  arec  grâce  apprirent  à  tomber  , 
El  le  vers  sur  le  vers  n'osa  plus  enjamber 

Quoiijue  ce  soit  une  faute,  en  général,  de  ter- 
miner au  milieu  du  vers  le  sens  qui  a  commencé 
dans  le  vers  précédent,  il  y  a  à  cette  règle 
des  exceptions  permises  au  génie.  C'est  ainsi  que 
Despréaux  fait  dire  à  celui  qui  l'invite  à  dîner 
{Sut.  III,  21)  : 

Vy  manquer  pas  au  moins;  j'ai  quatorze  bouteilles 
D'un  lin  vieux...  Buucingo  n'en  a  point  de  pareille!. 

La  poésie  dramatique  permet  que  la  passion 
suspende  riiémistichc,  comme  quand  Ciéopatre 
dit  dans  Rodogune  (act.  V,  se.  iv,  ItJl)  : 

Où,  seule  et  sans  appui  contre  mes  aileotalt, 
Je  verrais 

L'exception  a  encore  lieu  dans  le  dialogue  dra- 
matique, lorsque '.elui  qui  parlait  est  coupé  par 
quelqu'un,  comme  dans  la  même  trai-'édie  de 
Rodog.  Elle  dit  à  Antiochus  (acl.  IV,  se.  i,  3)  : 

Est-ce  au  frère,  est-ce  tous  dont  Utémériié 
S'imagine... 

antiociivs, 
Apaisez  ce  oourroui  emportf. 

Voyez  Coupe. 

Quand  le  dialogue  est  sur  la  scène,  chaque  nv 
cit  doit  finir  par  un  vcr.>  entier,  à  mrins  q'j'il  n'y 
ail  occasion  de  couper  celui  qui  parle,  ou  que  le 
tronçon  de  vers  par  où  l'on  finit  ne  comprenne 
un  sens  entier  cl  séparé  jiar  un  point  de  tout  ce 
qui  a  précédé.  Ainsi,  dans  Andromaque,  Oreste 
achève  un  récit  de  cette  sorte  (act.  IV,  se.  m 
14)  : 

17 


238 


ENN 


De  Troie  en  ce  pafs  rércillons  les  miserai. 
Et  qu'on  parle  de  nous  ainsi  ijue  de  nos  pères. 

(Encycl.pcdie.) 

Emolument.  Subsl.  ni.  Ce  mol  n'a  point  de 
liluiiel. 

Enlacep..  V.  a.  de  la  i"  conj.  Nous  ajoulerons 
les  exemples  suivants  à  ceux  (juc  donne  l'Aca- 
•lémio  : 

Cent  serpents  sur  son  casque  enlacent  leurs  replis. 
(Delil.,  Enéide,  VII,  923.) 

Tels  jouaient  ces  guerriers;  tels,  dans  ces  doux  combats, 
/(<  enlaçaient  leurs  course  et  confondaient  leurs  pas. 
Ildcm,  Y,  805.) 

Ennemi.  Subst.  m.  Ennemie.  Subst.  f.  Oji  pro- 
nonce comme  s'il  y  avait  ènemi,  avec  le  promier 
eun  peu  uuvert.  Ce  mot  s'emploie  souvent  comme 
ndjeciif,  et  alors  il  se  met  toujours  après  son 
subst.,  même  en  vcts  :  Un  voisin  ciinemj,.  Des 
peuples  ennemis.  Une  nation  ctiiiernie.  Etre  en 
pays  ennemi.  Les  poètes  disent  les  destins  en- 
nemis, la  fortune  ennemie,  les  vents  ennemis  : 

Je  fuis;  ainsi  le  veut  la  fortune  ennemie. 

(Rac,  Mithrid.,  ad.  III,  se.  1,  5.) 

Mais/'e  ne  vois  partout  que  des  yeux  ennemi». 

(lUc,  Tphig.,  acl.  II,  se.  TU,  20.) 

Ennoblir.  V.  a.  de  la  2*  conj.  Voyez  Anoblir. 

Ennui.  Subst.  m.  Ce  mot  se  prenait  autrefois 
pour  peines,  chagrins,  douleur,  tourments  de 
l'àme;  et  les  poêles  l'emploient  encore  en  ce 
sens: 

Si  d'une  mère  en  pleurs  tous  plaignez  les  ennuis. 
(lUc,  Iphig.,  act.  lY,  se.  iv,  20.) 

Pour  comble  de  malheur,  les  dieux,  toutes  les  nuits, 
Dèiqa'on  léger  sommeil  suspendait  mes  ennuis, 

[Idem,  act.  I,  se.  i,  83.1 

Et  sans  vouloir  vous-même  augmenter  vos  ennuis. 
(Rac,  Phéd.,  act.  lY,  se.  ii,  57.) 

Ah!  que  dis-lu  ?  pourquoi  rappalermcs   ennui»? 
(Volt.,  Zaïre,  act.  I,  se.  i,  87.) 

Ennuyawt,  Ennuyante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
ennuyer.  Ce  mot  doit  être  appliqué  à  une  ac- 
tion ;  la  lorminnisdn  active  «///  indiipie  celte  ac- 
tion. Ennrdjcvs  \ny\\(\\\Q  par  la  terminaison  cj/j: 
unequalilé  inlicrenle  au  sujet.  Ainsi  on  pourra 
dire,  selon  les  i  irconslances,  ennuyant  ou  en- 
ntiyetiT,  des  personnes  et  des  ch<)ses.  Un  homme 
ennvyetix  esi  u\\  homme  i|ui,  par  sa  siiiiidicilc, 
par  sa  sottise,  p;ir  l'habiludc  de  bavarder  ou 
(l'imporluncr  de  toute  autre  manière,  a  tout  ce 
qu'il  faut  pour  ennuyer.  Un  discours  ennuyeux 
est  un  discours  long  et  diffus,  qui,  n'ayant  ni 
suite,  ni  liaison,  ni  inlèrêl,  ne  peut  ôtre  lu  ou 
entendu  sans  causer  de  l'ennui.  Un  homme  en- 
nuyant cs{  unhoii.me  qui  ennuie  aclucUcmcnl  \)'jr 
sa  présence,  ses  discours,  ou  de  quebpic  autre 
manière.  Un  discours  ennuyant  est  un  discours 
qui  ennuie  :.ctuelleinent,  soit  parce  qu'il  est  mal 
fait,  soit  parce  qu'd  est  mal  dél)ilc.  Un  homme 
neut  être  ennuyant  sans  être  ennuyeux;  c'est-à- 
dire  qu'il  jieut,  par  défaut  d'attention  ou  de  ju- 
gement, faire  (les  choses  qui  ennuient,  quoique 
en  général  il  ait  toujours  les  qualités  nécessaires 
oour  *'Te  agréable,    et  qu'il  le  soit  ordinaire- 


ENQ 

ment.  Un  jeune  homme  amoureux  est  ennuyant 
s'il  p;u'le  sans  cesse  de  son  amour  aux  personnes 
qui  ne  s'y  intéressent  pas.  .Mais  si  d'ailleurs  il  a 
de  l'esprit  et  de  l'amabilité,  on  ne  peut  pas  dire 
qu'il  est  ennuyeux,  à  moins  qu'on  ne  considère 
comme  une  <|ualilé  ou  comme  une  habitude  ses 
discours  continuels  sur  l'amour  qu'il  éprouve. 
Une  autre  preuve  qn'ennui'eux  se  dil  d'une  qua- 
lité particulière  au  sujet  "amiucl  on  l'aijpliqae, 
c'est  qu'on  fait  ennuyeux  substaniif,  et  qu'e/i- 
nuyant  ne  l'est  jamais. 

Le  plus  souvent  ici  l'on  parle  sans  rien  dire; 
Et  les  plus  ennuyeux  savent  s'y  mieux  conduire. 

(Volt.,  Indiscret,  se.  I,  41.) 

Cet  adjectif  se  met  ordinairement  après  son 
substantif. 

Ennuyer.  "V.  a.  de  la  d"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe  on  conserve  l'y  à  l'inlinitif, 
excepté  avant  un  e  muet  :  J'ennuie,  tu  ennuies, 
ils  ennuient,  j'annuieru i,  j'enn nierais. 

Ennlyelsement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
meure  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  vi'a 
ennuyeusement  raconté  tous  ses  faits  d'armes. 
Ordinairement  il  se  met  après  le  verbe  :  Passer 
la  journée  ennuyeusement. 

Ennuyeux,  Ennuyeuse.  Adj.  11  peut  se  mettre 
avant  son  subst.  On  ne  dit  pas  vn  ennuyeux 
homme,  -une  ennuyeuse  femme.  Mais  OU  peut 
àvct  c'est  un  ennuyeux  personnage,  c':st  un  en- 
nuyeux rabâchage.  Il  faut  pour  le  placer  ainsi 
consulter  l'oreille  et  l'analogie.  Voyez  En- 
nuyant. 

Énoncer.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  c  a  la  prononciation  de  se  ;  et  pour  la  lui  con- 
server à  tous  les  temps  et  à  toutes  les  i)ersonnes, 
il  faut  mettre  une  cédille  dessous  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi  l'on  écrit 
nous  énonçons,  j'énonçais,  j'énonçai  ;  et  non  pas 
nous  énonçons,  (i{c. 

1,'Académie  le  confond  avec  exprimer.  C'est, 
dit-elle,  exprimer  ce  qu'on  a  dans  la  pensée.  On 
énonce  sti  pensée  en  la  rendant  d'une  manière  in- 
telligible; on  l'exprime  en  la  rendant  d'une  ma- 
nière sensible.  On  Vénonce  avec  facilité,  avec 
netteté,  avec  pureté,  avec  régularité,  en  bons 
termes,  en  termes  choisis.  On  l'exprime  de  toutes 
ces  manières,  mais  surtout  avec  force,  avec  cha- 
leur, avec  énergie.  Énonrer  demande  plutôt  les 
qualités  de  l'élocution;  son  mérite  est  dans  la 
diction  et  le  langage  choisi.  ExpHmer  demande 
les  qualités  de  l'éloiiuonce;  son  principal  mérite 
consiste  dans  le  parfait  rapport  des  ternies  avec 
les  idées,  et  de  l'image  avec  la  chose.  Le  peupk 
s'exprime  quelquefois  mieux  qu'il  ne  s'énonce, 
parce  qu'il  sent  vivement  et  qu'il  sait  peu.  (Rou- 
baud.) 

ENor.GUF.ii.Lin.  On  prononce  comme  s'il  y  avait 
deux  n.  On  mouille  lesZ. 

Énorme.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  en  consultant  rorcillc.ci 
l'analogie  :  Une  faute  énorme,  une  énorme  faute. 

Énormément.  Adv.  On  peut  le  mettre  entru 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  lia  été  énormémeni 
lésé. 

Enqoérant,  Ewquébante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
enquénr.  L'Académie  dit  qu'il  signifie  qui  s'en- 
(luiert  avec  Iroj)  de  curiosiié,  et  (juil  est  fami- 
lier. Nous  pensons  (juc  cet  adjectif  n'est  usité 
dans  aucun  style,  et  (lu'on  ne  dit  pas  w«  liomme 
enquérant,  une  femme  enquérante. 

Enquérir  (s').  V.  pronom,  et  irrégulier  de  la 


ENS 

2*conj.  lise  conjusue  comme  acquérir, et  prend 
l'auxiliaire  être  comme  lous  les  verbes  inonomi- 
naux  :  Je  me  suis  enquis  de  lui.  S'enquérir  d'un 
fait. 

Ekragea^t,  Ejirageante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  enrager.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.,  et 
n'est  inie  du  style  familier. 

Esr.AGER.  V.  a.  de  la  1'"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  le^  doit  toujours  être  pro- 
noncé comme  j;  et  pour  lui  conserver  celte  pro- 
nonciation loi"S(]u'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o, 
on  met  un  e  muet  avant  cet  a  ou  ce\.o;  j'enra- 
geais, eni'ageons,  et  non  pas  j'enragais,  enra- 
gons. 

Enrayek.  y.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conjugue 
commcpayer.  ^'oyez  ce  mot. 

Ensasolanteb.  V.  a.  de  la  1"  conj. 

Ab  !  n'enêanglantei  plus  le  prix  de  la  TÏctoire. 

(Zoïre.) 

Ensemble.  Adv.  Plusieurs,  dit  Féraud,  con- 
damnaient vnir  ensemble  comme  un  pléonasme 
et  une  superflu ité  de  mots;  mais  Vaugelas,  Cha- 
pelain et  Thomas  Corneille  approuvent  cette  ex- 
pression. On  sait  bien  qu'on  ne  peut  unir  sans 
mettre  ensemble,  mais  aussi  on  ne  peut  voir  que 
de  ses  yeux,  et  entendre  que  de  ses  oreilles. 
Ainsi,  pour  la  même  raison,  il  faudrait  condam- 
ner je  l'ai  vu  de  vies  yeux,  je  l'ai  entendu  de 
mes  oreilles,  etc.,  cxjjressions  généralement  re- 
çues. 

jN'ous  ne  croyons  pas  que  l'expression  unir  en- 
semble puisse  être  justilice  par  les  expressions 
je  l'ai  vu  de  nies  propres  yeux,  je  l'ai  entendu 
de  mes  propres  oreilles.  Ici  il  y  a  réellement 
pléonasme,  en  prenant  ce  mot  en  bonne  part; 
c'est-ù-dire  qu'il  y  a  des  mots  qui  paraissent  su- 
perflus par  rapport  à  l'intégrité  du  sens  grammati- 
cal, et  qui  servent  pourtant  à  y  ajouter  des  idées 
accessoires  sural)ondantes,  et  qui  y  jettent  de  la 
clarté  ou  en  augmentent  l'énergie.  Quand  on  dit 
je  l'ai  vu,  la  phrase  est  grammaticalement  com- 
plète ;  cl  si  l'on  ajoute  de  mes  propres  yeux,  c'est 
pour  donner  plus  d'énergie  à  l'expression,  pour 
affirmer  avec  plus  de  force  qu'o»  a  vu. 

Au  contraire,  dans  unir  deux  choses  ensemble, 
il  n'y  a  point  de  pléonasme  ;  et  sans  le  mot  e7i- 
sembls,  le  sens  grammatical  ne  serait  pas  com- 
plet. Kn  effet,  «»uV  est  un  verbe  actif  qui  exige 
un  régime  direct  et  un  régime  indirect  :  on  nnit 
une  chose  à  une  autre,  on  unit  deux  choses  à  une 
troisième,  ou  à  plusi''urs  autres  choses.  Ainsi 
quand  on  dit  on  les  a  unis,  à  moins  que  l'on  ne 
parle  île  deux  amants  que  l'on  a  mariés,  la  phrase 
n'est  pas  complète;  car  on  n'exprime  pas  à  quoi 
on  les  a  unis.  On  pouvait  les  vnir  ou  ensemble 
ou  à  d'autres  choses.  Ensemble  est  donc  néces- 
saire pour  compléter  le  sens  grammatical,  et  il 
n'y  a  ni  pléonasme,  ni  périssologic. 

Ensevelir.  V.  a.  de  la  ').'  conj.  Les  poètes  en 
font  un  fréquent  usage  dans  le  sens  figuré  : 

Enfin,  depuis  deux  jours,  la  superbe  .\lhalie 
Dans  ua  sombre  cbagrin  paraît  enievelie. 

(Rac,  Àth.,  act.  I,  SCI,  bi.) 

Surtout  je  redoutais  cette  mélancolie 

Où  j'ai  TU  si  longtemps  votre  âme  ensevelis. 

(Rac,  J-nirom.,  a«t.  I,  se.  I,  17.) 

Qu'en  un  profoud  oubli 
Cet  borriWe  secret  demeure  enaeveli. 

(Rac,  Phed.,  act.  U,  se.  Ti,  6.) 


ENT 

Tu  prétendais  qu'en  un  lâche  silence, 
Phèdre  entevelirait  ta  brutale  insolence? 


259 


[Idem,  act.  IV,  se.  ii,  47.) 

Sur  quels  bords  malheureux,  dans  quels  Iristos  climats 
EntevcUr  l'horreur  qui  s'attache  à  mes  pasY 

(Volt.,  OEd.,  act.  IV,  se.  m,  35.) 

Ensdivhe  (s"),  y.  pronom,  et  défectueux  de  la 
4«  conj.  Il  ne  se  dit  (ju'à  la  troisième  personne 
tant  du  singulier  que  du  pluriel,  et  le  plus  sou- 
vent il  s'emploie  impersonnellement. 

//  s'ensuit  de  là  que...  Il  s'en  est  suivi  d.- 
orands  maux.  Il  s'ensuit  que  demande  l'indjcatif 
((uand  la  phrase  est  affiraialive  :  Ils'ensuil  de  lu 
que  vous  avez  tort.  Quand  la  i>lirase  ost  mgalivf 
ou  interrogativc,  il  faut  nieltre  le  subjonctif:  // 
ne  s'ensuit  pas  de  là  que  vous  ayez  tort;  s'en- 
suit-il que  vous  ayez  tort^ 

Ent.  N'oyez,  pour  la  formation  du  pluriel  dans 
les  subst.  et  dans  les  adj.  terminés  ainsi,  les  arti- 
cles Formation  et  Adjectif. 

Eme.ndre.  y.  a.  de  la  /i"  conj.  Dans  le  sens 
à.'ouïr,  de  comprendre,  il  demande  l'indicalif  :  Au 
son  de  la  voix,  j'entends  que  c'est  votre  frère. 
DaiiS  le  sens  de  vouloir,  ordonner,  il  vent  être 
suivi  du  subjonctif  :  J'entends  que  vous  lui  obé- 
issiez. Je  n'entends  pas  que  vous  fassiez  cette 
dépense. 

Racine  a  dit  dans  Bérénice  (act.  IV,  se.  vu,  3)  : 

Elle  n'eniend  ni  pleurs,  ni  conseil,  ni  raison. 

On  n'entend  point  des  pleurs,  dit  Voltaire  au  su- 
jet de  ce  vers;  mais  ici  n'entend  signifie  ne 
do^nne  point  attention.  {Y!>.Qm\.\n\\iQSS\xv\d,'Bérénica 
de  Racine.) 

On  dit  qu'wM  bruit  s'entend,  qu'w7»e  voix  s'en- 
tend. 

Un  bruit  affreux  t'entend. 

(Volt.,  Henr.,  VIII,  335.) 

Au  pied  du  trône  même  une  voix  «'en tondit. 
\Idcm,  y  II,   115.1 

Il  tombe,  et  de  Tenfer  tous  les  monstres  frémirent; 
Ces  lugubres  accents  dans  les  airs  s'entendirent. 
{Idem,  X,  149.) 

S'entendre  à  une  chose,  c'est  la  savoir  bien 

faire,  la  faire  avec  adresse  :  Il  s'entend  bien  à 

mener  une  intrigue,  f^ous  n'y  entendez  rien. — 

i  S'entendre  en  musique,  en  tableaux,  s'y  bien 

connailre. — S'entendre  avec  quelqu'un,  être  d'in- 

1  telligenceaveo  lui. 

}  Enthousiasme.  Subst.  m.  L'enthousiasme  ou 
;  fureur  poéticiue  est  ainsi  nommé  parce  que  l'àine, 
qui  en  est  remplie,  est  tout  entière  à  l'objet  qui 
I  le  lui  inspire.  Ce  n'est  autre  chose  qu'un  senti- 
I  nient,  quel  qu'il  soit,  aniour,  colère,  joie,  admi- 
ration, tristesse,  etc.,  produit  par  une  idée,  et 
poilé à  un  haut  degré.  Ce  sentiment  n'a  lias  pro- 
prement le  nom  ^'enthousiasme  ([uand  il  est  natu- 
rel, c'est-à-dire  qu'il  existe  dans  \ui  homme  qui 
l'éprouve  par  la  réalité  même  de  son  état;  mais 
seulement  quand  il  se  trouve  dans  un  artiste  poète, 
peintre,  musicien,  et  qu'il  esl  l'effet  d'une  itnagi- 
nation  échauffée  artificiellement  par  les  objets 
qu'elle  se  représente  dans  la  composition.  Ainsi 
l'enthousiasme  des  artistes  n'est  qu'un  sentiment 
vif  (iroduit  par  une  idée  vive  dont  l'arlisle  se 
frappe  lui-même. 

Il  esl  aussi  un  enthousiasme  doux  qu'on  éprouve 
quand  on  travaille  sur  des  sujels  gracieui,  déli- 


260 


ENT 


cats,  el  qui  produiseiil  des  sentiments  forts,  nwis 
paisibles. 

Sans  enthousiasme,  point  de  crcatiun,  el  sans 
création,  les  artistes  et  les  arts  rampent  dans  la 
foule  des  choses  communes.  Ce  ne  sont  plus  que 
de  froides  copies  reiournécs  de  mille  peiilcs  fa- 
çons différentes  :  les  hommes  disparaissent  ;  on  ne 
trouve  plus  à  leur  place  que  des  singes  et  des  per- 
roquets. 

11  y  a  deux  sortes  à'enthnvsiusme;  l'un  qui 
produit,  l'autre  qui  admire.  Celui-ci  est  toujours 
la  suite  et  le  salaire  du  premier,  et  la  preuve  cer- 
taine (lu'il  a  été  un  enllioiisiasmc  véritable. 

l.'eiithousasme  est  admis  dans  tous  les  genres 
de  poésie  o;*.  il  entre  du  sentiment;  quelquefois 
même  il  se  fait  place  justpie  dans  l'égloçue.  Le 
style  des  é|)itres,  des  satires,  léprouve  renllioii- 
siasmc  :  aussi  n'en  Irouve-t-on  i)as  dans  les  ou- 
vrages de  Boilcau.  Nos  odes,  dit-on,  sont  de  véri- 
tables chants  d'enthousiasme;  mais  conune  elles 
ne  se  chantent  point  parmi  nous,  elles  sont  sou- 
vent moins  des  odes  que  des  stances  ornées  de 
réflexions  ingénieuses.  Ce  qui  est  toujours  fort  à 
craindre  dans  l'enthousiasme,  c'est  de  se  livrer  à 
l'ampoulé,  au  gigantesque,  au  galimatias. 

E^iTicHEK.  A',  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  dit 
au  figuré,  être  eniiché  (Tune  opinion,  entiche 
d'hérésie.  \  oltaire  a  dit  entiché  d'un  péché  : 

C'était  là,  dit-il,  le  péché 
Dont  il  fut  le  plus  entiché. 
[Épttre  XIX,  45.) 

M^is  surtout  que  je  suis  fâché 
De  lé  voir  toujours  entiche 
De  l'énorme  el  cruel  péché 
Que  l'on  nomme  la  tolérance  ! 

{Épitre  LXXIV,  23.) 

Entieh,  E.NTiÈr.E.  Adj.  On  dil^'ai  en  vous  vne 
entière  confiance,  el  j'ai  en  vous  une  confiance 
entière.  11  me  semble  que  la  première  i)hrase 
marque  particulièrement  que  la  conliance  est  fon- 
dée sur  l'amitié,  sur  l'attachement,  sur  la  probité 
de  la  personne  a  qui  l'on  i)arle;  et  que  la  seconde 
a  plus  de  rapport  aux  lalcnls,  aux  lumières,  à 
l'habileléck  celte  personne.  C'est  un  ami  de  vingt 
'v^s  qui  m'a  toujours  prouvé  de  l'allachement;  je 

I  confie  un  dépôt,  j'«îw«e  ciuière  confiance  en 
^i.  C'est  un  médecin  dont  l'habileté  est  connue, 
qui  a  fait  des  cures  admirables;  j'ai  en  lui  une 
conliance  entière. 

E.miLremest.  Adv.  Use  met  ou  après  le  verbe, 
ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  ruiné 
entièrement,  il  est  entièrement  ruiné. 

Entonner.  Y.  a.  de  lai" conj.  L'Académie  ne 
le  dit  des  instruments  à  vent,  ni  au  i)roi)re  ni  au 
figuré.  Delille  l'a  dit  au  figuré  de  la  trompette 
[Enéid.,  I,  6;  : 

Déioruais  tntonnant  la  trompette  éclatante. 

*  ENTORTiLLâCE.  Subst.  ui.  Cc  mot ,  que  l'on 
ne  trouve  pas  dans  les  dictionnaires,  est  cepen- 
dant employé  quelquefois  pour  signifier  la  qualité 
d'un  discours  où  l'on  entremêle  à  dessein  plu- 
sieurs idées  sous  des  rapports  équivoques  ou  dif- 
ficiles à  saisir,  afin  de  n'être  pas  com|)ris.  Mira- 
beau a  dit  :  Je  rentre  dans  la  lice,  armé  de  mes 
teuls  principes  et  delà  fer  m  été  de  mu  conscience, 
et  je  prie  tous  ceux'  de  me.i  adversaires  qui  ne 
m'entendront  pas  de  m'arrèter,  afin  r/veje  m'ex- 
prime plu*  clairement  ;  car  je  suis  décidé  à  dé~ 


EM 

Jouer  tous  les  reproches  tant  répétés  d'évasùm, 
de  subtilité,  c/'entorlillagc. 
Lntocr.  Subst.  m.  Voltaire  a  dit  au  figuré: 

Allons,  je  »eui  savoir 
Tous  les  entoura  de  ce  procédé  noir. 

iVoLT.,   Enf.  prod.,  acl.  V,  se.  III,  î.) 

Entourage.  Subst.  m.  Depuis  quelque  temps 
on  a  employé  ce  mol  au  figuré,  pour  signifier  les 
personnes  qui  accompagnent,  qui  entourent  un 
homme  en  place  dans  les  cérémonies  et  dans  les 
circonstances  d'apparat.  L'n  ambassadeur  dit  à 
ceux  qui  lui  demandent  de  l'accompagner,  qui 
sollicitent  celte  faveur  :  Cela  ne  se  peut,  j'ai 
composé  mon  entourage.  Nos  gén<Taux  ont 
aussi  leur  entourage.  (Mercier.)  —  L'Académie 
l'admet  en  remarquant  qu'il  est  familier. 

Enth'acte.  Sut)Sl.  m.  La  Grammaire  des 
Grammaires  veut  qu'on  écrive  au  singulier  un 
entr'acies.  11  faut  convenir  qu'il  serait  plus  ré- 
gulier d'écrire  ainsi,  puiscju'il  s'agil  d'un  espace, 
(l'un  intervalle  [)U.cé  entre  deux  actes;  mais  l'A- 
cadémie a  si  bien  établi  l'usage  abusif  d'écrire 
entr'acte  au  singulier,  qu'il  serait  inutile  de  s'y 
opposer. 

Entr-villes.  Subsl.  f.  pluriel.  On  mouille  les 
l.  L'Académie  dit  qu'il  se  |U'end  figurcmenl  pour 
tendre  affection:  Entrailles  paternelles.  Cette 
femme  a  des  entrailles  de  mère  pour  cet  enfant. 
Les  poêles  l'emploient  souvcnl  eu  ce  sens  : 

Et  vous  qui  leur  devez  des  entraillei  de  père. 

(Rac,  Àth.,  act.  II,  se.  y,  117.) 

Mes  entraillei  pour  loi  se  troublent  par  avance. 

(Rac,  Phéd.,  act.  IV,  se.  111,6.) 

Tu  vois  du  moins  en  moi  des  entraîne*  de  mère. 
(Volt.,  Sémir.,  act.  Y,  se.  i,48.) 

E^■TRAÎNA^T,  Ente.aÎna>te.  Adj.  verbal  tire  du 
V.  entraîner.  Il  ne  s'emploie  qu'au  figuré  :  Une 
éloquence  entraînante,  u?i  charme  entraînant.  Il 
suit  toujours  son  subst. 

Entrainement.  Subst.  m.  Féraud  condamne  ce 
mot.  L'Académie  l'a  recueilli.  11  était  connu  du 
temps  de  Louis  XIV,  cl  on  le  traite  de  néolo- 
gisme depuis  qu'il  a  coiiuncncé  de  s'accréditer.  Il 
signifie  le  charme  secret,  l'illusion  qui  nous  en- 
traîne comme  malgré  nous.  On  dit  l'entraînement 
des  passions,  l'entraînement  de  V iinaginutvnt, 
Vcntraînement  du  style.  L'Académie  donne  pour 
exemple,  cette  tragédie  a  produit  le  plus  grand 
effet,  et  l'entraînement  a  été  général.  Madame 
de  Staël  aimait  a  employer  celte  expression. 

Entraîner.  Y.  a.  de  la  i.'"  conj.  Boileau  a  dit 
entraîné  du  démon  de  la  poésie.  Féraud  observe 
avec  raison  que  ce  régime  est  reçu  en  vers ,  mais 
qu'en  prose  il  faut  dire  entraîné  par.  On  dit 
aussi  être  entraîné  dans  et  être  entraîné  vers  : 

Un  roi  par  Ie3  méchants  dan»  le  crime  entraîné. 

(Volt.,  i/.nr. ,  111,30.) 

De  soins  tumultueux  un  prince  environné 
Vert  de  nouveaux  objets  est  sans  cesse  entraîné. 

(Rac,  EUh.,  act.  III,  se.  m,  15. j 

Entrant,  Entrante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
entrer.  L'Académie  le  dit  dans  le  sens  d'insinuant, 
d'engageant,  el  ajoute  qu'il  esl  peu  usité.  Il  ne 
l'est  point  du  tout.  L'exi'mi)lc  qu'elle  en  donne 
n'est  pas  supportable  :  Un  homme  dont  le  carac- 
tère a  je  ne  sais  quoi  d'entrant. 


ENT 

Entre.  Propofilion.  Ve  miict  s'élide  dans  les 
verbes  rcciimiques,  s'cnlr'acculer  :  s'entr'accoyji- 
pagner ;  s'enli-'accuser ;  s'c/iir'excuser ;  s'en- 
tr*cvvrir. 

Plusieurs  ïrammniricns  ('iTivenl  sans  clision, 
entre  elle,  entre  eux,  entre  autres;  d'autres 
mettent  l'élision  et  écrivent  entr'elle,  enti^evx, 
entr'autres.  Je  pense  qu'il  vaut  mieux  ranger 
ces  mots  dans  la  règle  générale,  et  écrire  entre 
eux,  entre  elles,  entre  autres.  —  En  d835 , 
TAcadémie  écrit  toujours  entre  eux,  entre 
autres. 

Féraud  remarque  (\\\'entre  eux,  entre  elles, 
se  mettent  toujours  après  le  vcrhc  auquel  ils  se 
rapportent,  soit  dans  les  temps  simples,  soit  dans 
les  temps  composés  :  Ils  résolurent  entre  eux, 
elles  ont  résclu  entre  elles  ;  et  non  pas  entre  eux 
ils  résolurent,  elles  ont  entre  elles  résolu. 

Entre-côte.  Subst.  m.  La  Grammaire  des 
Grammaires  veut  qu'on  écrive  entre-côtes,  parce 
que  c'est  un  morceau  de  bœuf  coupé  entre  deux 
côtes.  L'observation  est  juste;  mais  l'Académie 
a  si  bien  établi  l'usage  d'écrire  entre-côte,  qu'il 
serait  inutile  de  s'y  opposer. 

Entregent.  Subst.  m.  L'Académie  le  définit, 
manière  adroite  de  se  conduire  dans  le  monde. 
—  Je  doute  que  ce  soit  là  la  véritable  sigiiilicn- 
tion  de  ce  mot.  Il  me  semble  que  l'entregent  est 
proprement  une  certaine  disposition  d'esprit  et 
de  caractère  (jui  fait  (jue  l'on  se  mêle  aisément 
entre  les  gens,  que  l'on  s'insinue  aisément  parmi 
eux,  (jue  l'on  n'est  pas  repoussé  de  leur  fami- 
liarité, de  leur  société.  Le  passage  suivant  de 
J.-J.  Rousseau  confirme  celle  définition  :  Ayant 
vécu  dans  deux  des  plus  brillantes  maisons  de 
Paris,  je  7i'arais  pas  laissé,  malgré  mon  peu 
«fenlrcffent,  d'y  faire  quelques  connaissances. 
[Covfess.,  liv.  VIII,  t.  XI,  p.  98.) 

Entremettre  (s').  V.  pronom,  et  irrég.  de  la 
4*  conj.  Il  se  conjugue  cumme  mettre. 

Entreprenant,  Entreprenante.  Adj.  verbal  tiré 
du  v.  entreprendre.  On  iieiit(iuclquefois  le  mettre 
avant  son  sutist.  :  Cet  entreprenant  jeune 
hcmme.  Maison  ne  dirait  pas  cet  entreprenatit 
fwmme.  Jeune  Jiomme  a  plus  d'analogie  avec  le 
sens  de  cet  adjectif.  "N'oyez  Adjectif, 

Entreprendre  V.  a.  et  irrég.  de  la  4"  conj. 
n  se  conjugue  comm^prcndre.  Voyez  ce  mot. 

Corneille  a  dit  dans  Héraclius  (act.  IV, 
se.  iT    122)  : 

Et  lorsque  contre  nous  il  m'a  fait  entreprendre, 
La  nature  en  secret  aurait  su  m'en  dafendre. 

Le  verbe  entreprendre,  dit  "\ollaire,  est  actif  et 
veut  ici  absolument  un  régime.  On  ne  dit  iwinl 
entreprendre  pour  conspirer.  C'est  parler  très- 
bien  (jne  de  divc  je  sais  méditer,  entreprendre 
et  agir,  parce  qu'alors  entreprendre,  méditer, 
ont  un  sens  indéfini.  Il  en  est  de  même  de  plu- 
sieurs verbes  actifs,  qu'on  laisse  alors  sans  régi- 
me. Il  avait  une   tète    capable  d'imaginer,   un 


ENT 


261 


parce  que  ce  défini  contre  vous  fait  attendre  la 
chose  qu'on  imagine,  qu'on  e.xécu te  et  qu'on  en- 
treprend, [lîeniarques  sur  Corneille.) 

Entreprise.  Subst.  f.  Féraud  remarque  avec 
raison  que  ce  mol,  dans  sa  signification  naturelle, 
porte  à  l'esprit  ([uclciue  chose  d'imi)oitant  qui 
demande  des  talents  et  des  soins,  et  que  tout  des- 
sein, tout  projet,  n'est  pas  une  entreprise.  D'a- 


près cela,  il  trouve  ce  mot  déplacé  dans  ce  iers 
de  Racine  {Bérénice,  act.  I,sc.  m,  73)  : 

Rien  ne  peut-il,  seigneur,  changer  Toire  rntrepriie? 

parce  que  celle  entreprise  n'était  (]ue  le  dessein 
dequiuer  Home,  iioui- n'être  pas  témoin  du  ma- 
riage de  Bérénice  avec  Titus. 

Entrer.  V.  a.  de  la  l^conj.  Féraud  dit  que 
ce  verbe  se  conjugue  avec  le  verbe  auxiliaire  <</rc, 
en  convenant  cependant  que  quelques  auteurs 
lui  ont  donné  le  verbe  aroir.  Quant  à  l'Acadé- 
mie, elle  a  plulôl  éludé  la  question  qu'elle  ne  l'a 
décidée  ;  car  dans  son  long  article  sur  le  verbe  en- 
trer, elle  n'a  pas  donné  dans  le  sens  jirojjre  un 
seuLcxempled'un  temps  composé;  et  ceux  qu'elle 
donne  dans  le  sens  ligure  sont  si  adroitement 
j  choisis,  (pie  le  verbe  entrer  n'y  peut  recevoir  que 
!  l'auxiliaire  èti-e,  qu'elle  lui  donne  en  effet. 

Or,  parmi  les  auteurs  (]ui,  selon  Féraud,  ont 
employé  ce  verbe  avec  l'auxiliaire  avair,  on 
trouve  trois  académiciens  célèbres  qui  sont  au 
rang  des  l'ciivains  les  ])lus  distingués  du  siècle 
de  Louis  XIV,  Bossuei,  Pclisson  et  La  Bruyère. 
Voici  les  exemples  qu'on  en  a  extraits  :  Luther 
eût  entré  hii-même  dans  ce  sentiment  s'il  reûl 
pu.  (Bossuet.)  Il  semble  que  Cicéron  ait  entré 
dans  les . sentiments  de  ce  philosophe.  (La  Bruyère.) 
Les  prédicateurs  ont  entré  en  société  avec  les 
auteurs  et  les  poètes...  {Idem.)  J'ai  entré  en  ce 
lieu.  (Pélisson.) 

En  voilà  assez,  je  pense,  pour  montrer  que,  du 
temps  de  ces  écrivains,  l'usage  admettait  l'au.xi- 
liaire  avoir  avec  ce  verbe. 

Mais  cet  usage  n'a  pas  dû  être  aboli  ;  car  il  est 
fondé  en  raison,  et  réclamé  par  les  besoins  du 
langage.  Le  verbe  entrer  peut  être  applique  à 
deux  cas.  Ou  l'on  veut  signifier  ipie  la  personne 
dont  il  est  question  a  faif  l'action  de  passer  du 
dehors  en  dedans,  et  pour  exprimer  celle  action 
on  doit  dire  il  a  entré  ;  ou  l'on  veut  exprimer 
l'état  de  celte  même  personne  après  qu'elle  a  fait 
l'action  d'entrer;  et  pour  mai(pjer  cet  état,  on 
dilil  est  entré.  Personne  ne  niera  qu'il  n'y  ait 
une  'liffi'rence  réelle  cuire  celle  action  et  <et 
élat,  et  que  par  conséquent  on  n'ait  besoin  d'ex- 
I)ressions  différentes  pour  les  indiquer.  Or,  si 
vous  sui)priinez  l'auxiliaire  avoir,  vous  n'aurez 
plus  aucun  moyen  pour  exprimer  l'action,  ou 
bien  vous  emploierez  une  expression  équivoque 
qui  pourra  s'ajjpliquer  également  et  à  l'action  et  à 
l'étal,  et  qui  par  consé(pient  sera  fautive.  11  en 
est,  à  cet  égard,  du  verbe  entrercomuic  du  verbe 
sortir.  Sortir  c'est  passer  du  dedans  au  dehors, 
et  entrer  c'est  passer  du  dehors  au  dedans. 
On  ditï7  est  sorti,  pour  exprimer  qu'il  n'est  pas 
rentré  ;  cl  il  a  sorti  ce  matin,  pour  manpier  qu'il 
est  de  retour.  Pourquoi,  dans  un  cas  si  ana- 
logue, ne  dirait-on  [las  aussi,  il  est  entré,  pour 
dire  (ju'il  n'est  i)as  ressorti  ;  et  il  a  entré  ce  7natin 
dansnia  chambre,  pour  indiciucr  qu'il  en  est  sorti? 

*  Entre-raboter  (s).  V.  pronom.  Expression 
de  circonstance.  M.  de  Mautausier  était  fort  ri- 
goureux sur  les  mœurs.  Le  premier  dauphin, 
dans  son  bas  âge,  était  opiniâtre  et  fier.  On  disait  : 
comment  s'acc'ordera-t-d  avec  son  auguste  élève? 
Laissez-les  faire,  dit  madame  de  Sablé,  ils 
s'entrc-raboleront  l'un  l'autre  et  se  poliront. 
C'est  une  de  ces  expressions  qui  font  bien  dans 
certaines  circonstances,  mais  (pi 'on  trouve  ra- 
rement occasion  de  placer,  et  qui,  par  consé- 
quent, n'entrent  j>as  proprement  dans  la  langue 
commune. 


262 


ENV 


Entre-sol.  Subst.  m.  La  pluralité  ne  peut 
tomber  ni  suv  cnire,  qui  est  une  préposition,  ni 
sur  sol,  dont  ici  la  signilicalion  est  toujours  sin- 
gulière, mais  sur  appartements,  qui  est  sous- 
entendu.  Des  entresol  sont  dcr  apparlcinenls 
qui  sont  entre  le  premier  ctaço  oi  \o.  sol  ou  la 
terre.  Il  faut  donc  écrire  au  pluriel  des  entresol 
sans  s.  A'oyez  Composé. 

FxTREVcûr,.  V.  a.  et  irrég.  de  la  S""  conj.  Il  se 
conjugue  comme  voir.  A'oyez  ce  mol. 

Fîctr'odvrir.  V.  a.  et  ïrrég.  de  la  2"  conj.  Il 
se  conjugue  comme  ouvrir.  Voyez  Irréf/ulicr. 

Emmkration.  Subst.  f.  En  termes  de  rhétori- 
que et  do  poésie,  on  entend  par  ce  mot  une  figure 
qui  rasseml)le  dans  un  langage  harmonieux  les 
traits  les  plus  frappants  d'un  objet  qu'on  veut 
dépeindre  ,  alin  de  persuader ,  d'émouvoir  et 
d'cnlraiiicr  l'esprit  sans  lui  laisser  le  temps  de  se 
reionnaîtro.  En  voici  un  exemple  tiré  de  la  tra- 
gédie d'.'lthalie  (acl.  III,  sc.  vi,  40)  : 

Jéhu,  qu'avait  choisi  sa  sagesse  profonde, 
/^Au,  5iir  qui  je  toIs  que  voire  espoir  se  fonde, 
D'nn  oubli  trop  ingrat  a  paye  ses  bienfaits. 
Jéhu  laisse  d'-Achab  l'alTreuse  fille  en  paix, 
Suit  du  roi  d'Israël  Its  profanes  exemples, 
Du  vil  dieu  de  l'Egypte  a  conservé  les  temples. 
Jéhu,  sur  les  hauts  lieux  osant  enfin  offrir 
Un  téméraire  encens  que  Dieu  ne  peut  souffrir. 
N'a  pour  servir  sa  cause  et  venger  ses  injures, 
Ni  le  cœur  assez  droit,  ni  tes  mains  assez  pures. 

*Enveloppant,  Enveloppante  Adj.  verbal  lire 
du  V.  envelopper.  Cet  adj.,  qui  a  été  employé  par 
J.-J.  Rousseau,  peut  être  utile  :  La  partie  eiive- 
loppuîite.  (I"  lettre  sur  la  Botanique,  t.  XVII, 
p.  231.) 

Envers.  Préposition.  Bien  des  auteurs  ont 
employé  vis-à-vis  au  lieu  à'envers,  et  ont  dit  it,s 
sont  inr/ruts  vis-à-vis  de  moi,  au  lieu  de  dire 
envers  moi.  Voltaire  a  relevé  cette  faute.  Voyez 
f^is-à-vis. 

Envieillir.  V.  a.  de  la  2"  conj.  On  mouille 
les;. 

Envieux,  Enviecse.  Adj.  En  prose,  il  se  met  or- 
dinairement après  son  subst.;  en  poésie,  il  peut 
le  précéder. 

Oueliiuefois  il  régit  la  préposition  de,  comme 
dans  il  est  envieux  de  la  fortune  de  son  frère, 
il  est  envieux  de  la  réputation  d'autrui. 

J'ai  rendu  mille  amants  envieux  de  mon  sort. 

(BoiL.,  Énigme.) 

Environ.  Adv.  Il  se  met  ordinairement  après  le 
verbe  .  Il  y  a  environ  trois  cents  francs  dans  ce 
sac.  On  (lit  aussi  i}-ois  cents  francs  ou  environ. 
Il  ne  faut  pas  dire  la  perte  a  élé  d'environ  cinq 
ou  six  cents  hommes,  ce  serait  diie  deux  fois  la 
même  chose.  Cinq  ou  six  cents  hommes  font  un 
nombre  incertain  qui  ne  souffre  pas  qu'on  y  ajoute 
environ,  qui  manpie  également  un  nombre  in- 
certain, l'our  s'exprimer,  coricctemcnt,  il  faut 
dire  la  perte  a  été  de  cinq  ou  six  cents  hommes, 
sans  ajouter  environ  ;  ou  bien,  la  perle  a  été  d'en- 
viron sLv  cents  hommes  ;  ou  encore  d'environ 
cinq  cà  six  cents  hommes,  et  non  pas  cinq  ou  six 
cents  hommes.  ^  oyez  A. 

"Environnant,  Environnante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  environner.  L'Académie  ne  le  met  point. 
Les  lieux  environnants,  le  terrain  environnant. 

Environner.  V.  a.  de  la  1'"  conj.  Racine  a  dit 
l^lphigénie,  act.  IV,  SC.lv,  22)  : 

Pcul-otre  assci  d'honneurs  environnaient  ma  vie. 


ÉPA 

I  Peut-être  pourrait-on  critiquer  dans  Delille,  e/,. 
vironné  de  pleurs  {Énéid.,  II,  872)  : 

Vainement  de  nos  pleurs,  il  est  environna; 
Yainement  mon  épouse,  et  mon  fils  et  moi-mtme. 
Le  conjurons  pour  lui,  pour  ses  enfants  qu'il  aime, 
De  ne  pis  achever  de  déchirer  nos  cœurs. 

Mais  cette  expression,  qui  ne  serait  pas  suppor- 
table si  elle  était  isolée,  est  sauvée  par  les  vers 
qui  suivent,  où  l'on  \o\K(\\i' environné  de  pleurs 
est  pris  pour  environné  de  personnes  qui  pleu- 
rent. 

Envisager.  \.  a.  delà  l"conj.  Ce  verbe  ne  s 
gnifie  pas  toujours  au  propre,  rcirarderau  visage, 
comme  le  dit  l'Académie.  Voltaire  a  dit  dans  la 
Henriadc  (II,  331)  : 

Et  je  n'ouvris  les  yeux  que  pour  envisager 
Les  miens  que  sur  le  marbre  on  venait d'égnrger. 

Certainement,  envisager  ne  veut  pas  dire  ici  re- 
garder au  visage.  II  en  est  de  même  dans  ce  vers 
de  Delillc  [Enéide,  VI,  7o3)  : 

L'œil  n'ose  envi$ager  ces  antres  écuinjjpls. 

Envoler  (s').  V.  pronom,  de  lai"  conj.  C'est 
proprement  quitter  un  lion  en  prenant  son  vol. 
En  marque  le  rapport  au  lieu  que  l'oiseau  quitte. 
voler  de.  Il  ne  faut  donc  pas  répéter  ce  mot,  et 
dire  comme  l'Académie,  les  oiseaux  s'en  sont  en- 
volés; mais  les  oiseav.v  se  sont  envolés.  Madame 
de  Sévigné  dit  s'en  étaient  envolés  ;  mais  il  y 
a  plusieurs  négligences  que  l'on  pardonnait  de 
son  temps,  et  qu'on  ne  pardonnerait  pas  aujour- 
d'hui. 

Envoyer.  V.  a.  et  irrég.  de  la  1"  conj.  Il  se 
conjugue,  comme  ey/fT^Zoycr,  si  ce  n'est  qu'il  fait 
j'enverrai i\u  futur  de  l'indicatif,  e\  J'enverrais 
au  présent  du  conditioiuiel.  A'oyez  Employer. 

Ce  verbe  régit  l'inlinilif  sans  préposition,  ou 
avec  la  préposilioii/ioï/r.  On  met  pour  lorsque  en- 
voyer est  séparé  de  l'inllnitif  nui  le  suit  :  lia  en- 
voyé annoncer  son  arrivée  ;  il  a  envoyé  deux pos- 
iillojis pour  annoncer  son  arrivée. 

ÉPAIS,  Epaisse.  Adj.  Ce  inot  est  beaucoup 
mieux  expliqué  dans  VEncyclifédie  que  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Académie.  Epair^  sc  prend  ou 
relativement  à  la  dimension,  ou  relativement  au 
nombre,  ou  relativeuienl  a  la  consistance.  Dans 
le  premier  cas,  on  dit  un  livre  épais,  un  bloc 
épais  ;  dans  le  secoufi,  on  dit  des  bataillons  épais; 
dans  le  troisième,  on  ail  utie  encre  épaisse,  du 
vin  épais,  etc.  Il  se  jircnd  aussi  au  figuré,  el  l'on 
dil  homme  épais,  iniclUgence  épaisse.  —  Un 
livre  épais  est  celui  ([ui  tient  un  trop  grand  nom- 
bre de  feuillets,  eu  égard  à  son  format;  car  un 
in-fulio  pourrait  être  trop  mince  avec  le  même 
nombre  de  feuillets  qu'un  in-12  trop  épais,  iVoi 
l'on  voit  que  le  mot  épais  c^v  un  terme  relatiL  1 
se  met  avant  ou  après  son  subst.  :  Un  vunr;» 
épais,  un  épais  nuage  ;  des  ténèbres  épaissc.\ 
d'épaisses  ténèbres. 

Dans  d'épaisses  forêts  de  lances  hérissées 

(Volt.,  Hcnr.  VIII,  177.) 

Cependant  on  ne  dirait  pas  un  épais  air,  une 
épaisse  nuit.  Il  faut  consulter  l'oreille  el  l'analo- 
gie. Voyez  Adjectif. 

Epancher.  V.  a.  de  la  1"=  conj.  C'est  faire  cou- 
ler doucement  une  partie  de  la  liqueur  contenu 


ÉPA 

dans  un  vase,  en  penchant,  ce  vase,  en  rinclinant 
On  écrivait  autrefois  pancher  pour  pencher. 

Ma  main  de  cette  cotipo  épanche  les  prémices, 

Dit-il;  dieui  que  j'appelle  à  cette  etTusion 

(RiC,  Britan.,  acl.  V,  se.  V,  9.) 

Féraud  reproche  trop  de  liardiesse  à  ces  vprs 
de  Racine  : 


Moa  cœur  pour  s'épaneher  n'a  que  tous  et  les  dieux. 
(Phéd.,  act.  V,  se.  I,  16.) 


EPI 


265 


II  s'épanchait  en  fils  qui  vient  en  liberté 
Diuis  le  <eio  de  sa  mère  oublier  sa  fierté. 

(Britan.,  act.  V,  se.  iii,  21.) 

Voltaire  cl  Delillc  ont  imité  cette  hardiesse  : 

Mais  mon  cœur  dans  le  lien  se  plail  &  s'épancher. 

(Zaïre,  acl.  I,  se.  I,  52.) 

Ils  répandent  les  flots  bouillonnants  dans  l'airain, 
Et  de  riches  parfums  s'épanchent  de  leur  main. 
[Énéid.,  VI,  281.) 

Féraiid  prétend  que  cela  n'est  bon  que  d;ins  la 
haute  poésie.  iSous  croyons  cependant  (ju'on  dit 
bien  en  prose,  mon  cœur  s'épanche  dans  le  vôtre. 

—  Dans  sa  dernière  édition,  l'Académie  donne 
pour  exemple,  mon  cœur  a  besoin  de  s\'pancher. 

—  Féraud  trouve  fort  bon  l'emploi  du  mot  ('pa7i- 
cfcej- dans  la  phrase  suivante  de  Fénelon  -Des 
iabnurcursaccahlés  sous  le  poids  des  fruits  que  la 
terre  é|)anchait  de  son  sein.  {Ttléiu.,  iiv.  Il,  1. 1, 
p.  yi.)  11  nous  semble  que  c'est  ici  qii'il  y  a  de 
la  hardiesse,  cl  que  le  verbe  (pancher  est  trop 
éloiçné  de  sa  signilicaliou  primitive. 

Ép.*NDnE.  V.  a.  delà  4"  conj.  : 

Elle  a  soif  de  mon  sang,  oUea  touIu  Vépandre. 

(ConK.,  Rodog.,  act.  V,  se.  iv,  110.) 

A''ollaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Épandre 
était  un  terme  heureux  qu'on  employait  au  besoin 
au  lieu  de  ripundre.  Ce  mol  a  vieilli.  {Remarques 
sur  Corneille.) 

Êi'AnG>ANT,  ÉPAncNAHTE.  Adj.  Verbal  tiré  du 
v.  épargner.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  homme  épargnant,  une  humeur  épargnante. 
11  est  peu  usité. 

Éi'A'.GNEP..  y.  a.  de  la  1"  conj.  Selon  l'Acadé- 
mie, il  se  dit  dans  les  choses  morales,  et  elle  en 
donne  pour  exemple  :  Épargnez-moi  ce  chagrin, 
cette  douleur,  cette  confusion,  celte  honte.  On 
dit  eu  prt.se  e_t  en  vers,  épargner  quelque  chose  à 
quelqu'un.  Epargnez-moi  ces  reproches,  épar- 
gnez-moi ces  détails. 

D'une  mère  en  fnrcnre'pargitfHnoi  les  cris. 

(lUc,  Iphig.,  acU  I,  se.  I,  145.) 

Vous  me  iîonne2  des  noms  qui  doivent  me  surprendre, 
madame;  on  ne  m'a  point  instruite  à  les  entendre  ; 
Et  les  dieux,  contre  moi  dés  longtemps  irrités, 
A  mon  oreille  cncor  les  avaient  épargnés. 

(lUc,  Iphig.,  act.  II,  se.  T,  47.) 

Je  dois  TOUS  épargner  des  récits  superflus.... 

(Volt.,  Henr.,  lU,  135.) 

Cest  à  toi  d'e'parjner  la  mort  à  mon  amant. 
Un  crime  à  mon  époux,  et  des  larmes  au  monde. 

(Volt.,  Âlz.,  acl.  IV,  se.  iv,  6.) 

VoUaire  dit  au  sujet  d'un  vers  où  Corneille  a  em- 
ployé ce  mol  :  On  dit  bien  je  vous  épargnerai 
des  soujnrs,  mais  on  ne  i)eut  pas  dire  j'épargne 
des  soupirs,  comme  on  dit  j'épargne  de  l'argent. 


{Remarques  sur  Rodogune ,  act.  I,  se.  ii,  19.) 
Voj'Cz  Eviter. 

Eparpillement,  Eparpiller.  Dans  ces  deux 
mots  on  mouille  les  l. 

ÉPARS,  ÉPARSi:.  Adj.  L'Académie  définit  c- 
mol,  réjiandu  çà  et  là,  en  divers  endroits.  Cette 
déliiùtion  n'est  pas  cxacle.  11  se  dit  en  général 
d'un  grand  nomiire  d'objets  de  la  même  espèce, 
distrilniés  sur  un  esjjacc  beaucoui»  jjIus  grand  que 
celui  (]u'ils  devraient  naturellement  occuper. 
C'est  un  terme  relalil',  et  les  deux  tei'ines  de  la 
comparaison  sont  le  nombre  et  le  lieu,  ou  les  di- 
stances des  objets  les  uns  à  l'égard  des  autres.  Il 
ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Des  livres  épar.'!, 
des  bataiflnns  épars. 

ÉPÉE.  Subst.  f.  Voltaire  a  dil  dans  la  Mort  de 
César  (acl.  I,  se.  m,  CS): 

Vous  qui  m'appartenez  par  le  droit  de  Vépée. 

Il  y  a  delà  différence  entre  mettre  Vépée  à  la 
main,  Gl  mettre  la  main  «  Vépée.  La  première  cx- 
j)rcssion  marcpie  (pi'on  tire  l'épée  tout  à  fait  hors 
du  fourreau  ;  el  la  seconde  signilie  seulement 
qu'on  se  met  en  devoir  de  tirer  l'épée,  ou  qu'on 
ne  la  lire  qu'à  demi. 

Eperdu,  Éperdue.  Il  ne  se  met  qu'a]uès  son 
subst.,  et  prend  quelquefois  un  régime  :  Il  accou- 
rut tout  éperdu.  Éperdu  d'amour. 

G  ciel,  je  demeure  éperdue. 
(Iphig.,  acl.  V,  se.  .VI,  10.) 

Uu  trouble  s'éleva  dans  mon  ûme  éperdue, 

(Rac,  Phcd.,  act.  I,  se.  m,  122.) 

ÉPERDUMENT.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  aimé  éperdmnent 
cette  jeune  personne.  Il  l'a  éperduiiicnt  aimée. 

Ephémère.  A<lj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
(pi'après  son  subst.  :  Fièvre  éphémère,  animaux 
éphémères,  succès  éphémère. 

ÉpicÈsE.  Adj.  m.  Terme  l'e  grammaire.  Ce 
mot,  dérivé  du  grec,  signilie  i\\n  esl  en  commun, 
qui  est  en  commun  avec  un  autre.  On  appelle 
noms  épicènes  ûcs  noms  d'espèce  qui,  sous  un 
même  genre,  se  disent  également  du  mâle  el  de  la 
femelle.  C'est  ainsi  que  nous  disons  u/i  rat,  une 
linotte,  xrn  corbeau,  une  corneille,  une  sou- 
ris, etc.,  soil  que  nous  parlions  du  màlc  ou  de  la 
femelle.  Nous  disons  un  coq,  une  poule,  parce 
que  la  conformation  extérieure  de  ces  animaux 
nous  fait  connaître  aiséinenl  celui  qui  est  le  mâle 
et  celui  qui  esl  la  femelle;  ainsi  nous  donnons  un 
nom  particulier  à  l'un,  et  un  nom  différent  à  l'au- 
tre. Mais,  à  l'égard  des  animaux  qui  ne  nous  sont 
pas  assez  familiers,  ou  d(jnl  la  conformation  ne 
nous  indique  pas  plus  le  mâle  cpie  la  femelle, 
nous  leur  donnons  un  nom  que  nous  faisons  arbi- 
trairement ou  masculin  ou  féminin;  et  (juand  ce 
nom  a  une  fois  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  genres, 
ce  nom,  s'il  esl  masculin,  se  dit  égaiemeiû  de  la 
femelle;  el  s'il  est  féminin,  il  ne  se  dil  i)as moins 
du  mâle;  ainsi  le  nom  épicène  masculin  garde 
toujours  l'arlicle  masculin, et  le  nom  épicène  fé- 
minin garde  l'article  féminin,  même  quand  on 
parle  du  mâle. 

Épicurien,  subst.  m.  Épichrienne,  subst.  f.  11 
se  prend  adjectivement.  Comme  adj.,  on  le  met 
toujours  après  son  subst.  :  Système  épicurien, 
morale  épicurienne. 

ÉPiDÉMiQUE.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met 
ordinairement  après  son  subst.  :  Mal  épidémi- 
que,  maladie  épidémique.  On  pourrai l  peul-élre 


Î64 


ÉPI 


dire  au  figure,  cl  Jans  un  ras  convenable,  cet 
éfidêinique  délire.  N'oyrz  Adjoctif. 

ËPiER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  n'a 
pas  dil  épier  un  secret,  épier  le  secret  de  quel- 
qu'un : 

Ministre  dangereux, 
Tu  Tenais  épier  le  secret  de  mes  (eux. 

(Volt.,  Brut.,  act.  II,  se.  m,  3.) 

ÊPiGRAMMATiQUE.  Adj.  dcs  dcux  gcnrcs.  Il  ne  se 
met  (]u'aprèsson  sulisl.  ;  Trait  épigrammatique. 
Style  épigrammatique. 

ÉPiGRAMME.  Subst.  f.  Petit  poëme  ou  pièce  de 
vers  courte  qui  n'a  (|u'un  objet,  et  qui  finit  par 
quelque  pensée  vive,  ingénieuse  et  saillante.  Bui- 
leau  ia;t  connaître  dans  les  deux  vers  suivants  la 
Mature  de  l'épigramme  moderne  [Art  poét.,  II, 
403)  : 

L'épigramme,  plus  libre  en  son  tour  plus  borné, 
N'est  souvent  qu'un  bou  mot  de  deux  rimes  orné. 

Comme  l'épigramme  ne  roule  que  sur  une  pen- 
sée, il  serait  ridicule  d'y  raultii)licr  les  vers;  elle 
doit  avoir  une  sorte  d  unité  comme  le  drame, 
c'est-à-dire  ne  tendre  qu'a  une  pensée  principale  ; 
de  même  que  le  drame  ne  doit  embrasser  (}u'une 
action.  Néanmoins,  elle  a  nécessairement  deux 
parties  :  l'une,  qui  est  l'exposition  du  sujet,  de 
la  chose  qui  a  produit  ou  occasionné  la  pensée; 
et  l'autre,  qui  est  la  pensée  même,  ou  ce  qu'on 
appelle  le  bon  mot.  L'exposition  doit  être  sinjplc, 
aisée,  claire,  libre  par  elle-même,  et  par  la  ma- 
nière dont  elle  est  tournée. 

Sans  parler  de  la  malignité  et  de  l'obscénité, 
que  la  raison  seule  réprouve,  les  défauts  qu'on 
doit  éviter  dans  l'épigramme  sont  la  fausseté  des 
pensées,  les  équivociues  tirées  de  trop  loin,  les 
hyperboles,  les  pensées  basses  et  triviales.  [Ency- 
clopédie) 

ÉPiGHAPHE.  Sabst.  f.  Mot,  sentence,  soit  en 
prose,  soit  en  vers,  tiré  ordinairement  de  quelque 
écrivain  connu,  et  que  les  auteurs  mettent  au 
frontispice  de  leurs  ouvrages,  pour  en  annoncer 
le  but. 

La  première  règle  à  suivre  dans  le  choix  des 
épigraphes,  c'est  qu'elles  soient  modestes. 

ÊPiLEPTiQUE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Symptôme  épilcptique, 
convulsions  épUeptiques. 

ÉpiLOGCE.  Subst.  m.  C'est,  dans  l'art  oratoire, 
la  conclusion  ou  dernière  partie  d'un  discours 
ou  d'un  traité,  laquelle  contient  ordinairement  la 
récapitulation  des  princi[)aux  points  exposés  dans 
le  corps  du  discoursou  de  l'ouvrage. 

Épinkux,  Ëpinel'se.  Adj.  Il  se'met  ordinaire- 
ment après  son  subst.  :  Arbre  épineux,  arbris- 
seau épineux.  Nous  pensons  (juc,  dans  un  cas 
convenable,  on  pourrait  dircce//e  épineuse  ques- 
tion, cette  épineuse  affaire.  A'oyez  Adjectif. 
Mais  on  ne  dirait  pas  un  épineux  homme,  un  épi- 
neux esprit. 

Épique.  Adj.  des  deux  genres,  qui  se  met 
toujours  après  son  subst.  11  signifie  qui  a  rap- 
port à  l'i-iii/pce.  On  appelle  piëme  épique  un 
poëme  oit  l'on  célèbre  ([ueiques  actions  signa- 
lées d'un  héros.  On  dit  aussi /joè'/e  épique,  vers 
épiques,  etc. 

Êpiscopal,  Épiscopai.e.  Adj.  En  prose,  il  ne  se 
met  (ju'après  son  subst.  :  Dignité  épiscopalc.  Il 
fait  episcopaux  au  pluriel  masculin  :  Ornements 
é.piscdpuux. 


Episode.  Subst.  m.  Il  .se  prend  pour  un  inci- 
dent, une  histoire  ou  une  action  détachée  qu'un 
porte  ou  un  historien  insère  dans  son  ouvrage 
et  lie  à  son  action  piincipale  jiour  y  jeter  une  plus 
grande  diversité  d'événements,  iiuoiqucà  la  ri- 
gueur on  appelle  épisodes  tous  les  incidents  par- 
ticuliers dont  est  composée  une  action  ou  une 
narration. 

Les  épisodes  ne  sont  point  des  actions,  mais 
des  parties  d'ime  action.  Ils  ne  sont  point  ajou- 
tés à  l'action  et  à  la  matière  du  i)Ocnio,  mais  sont 
eux-mêmes  cette  action  et  celle  malièic,  comme 
les  membres  sont  la  matière  du  corps.  Ils  ne  doi- 
vent point  être  tirés  d'ailleurs,  mais  du  fond 
même  du  sujet. 

EpisoDigLE.  Adj.  des  deux  genres,  qui  se  met 
toujours  ajjrès  son  subst.  :  Action  épisodique, 
personnof/e  épisodique. 

ÊPisTOLAiRE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Style  épistolaire, 
genre  épistolaire. 

Le  style  épistolaire  change  de  ton  selon  les  su- 
jets. Il  est  simple,  familier,  et  quelquefois  badin, 
quand  il  ne  traite  que  des  sujets  ordinaires;  grave 
et  sérieux  quand  il  s  agit  d'affaires  im|)ortantes; 
affectueux  ou  énergique  (juand  on  veut  peindre 
le  sentiment.  Voyez  i'/yie. 

Ëpitaphe.  Subst.  f.  Le  genre  de  ce  mot  a  beau- 
coup varié.  Autrefois  on  le  faisait  des  deux  çcn 
res,  mais  plus  souvent  féminin  (pie  masculin.  Ri- 
chelet  le  disait  masculin  et  féminin  ,  mais  plus 
souvent  masculin.  Aujourd'hui  on  ne  le  fait  plus 
que  féminin.  —  InscripTu^n  gravée  ou  supposée 
devoir  l'être  sur  un  tombeau,  à  la  mémoire  d'une 
personne  défunte.  L'épitaphe  est  communément 
un  trait  de  louange  ou  de  morale,  ou  de  l'une  et 
de  l'autre.  Il  y  a  aussi  des  épilaplies  épigramma- 
tiques,  donl  les  unes  sont  naïves  et  i)laisantes,  les 
autres  inordanies  et  cruelles;  les  dernières  sont 
méprisables. 

Êpithalame.  Subst.  m.  Poëme  à  l'occasion  d'un 
mariage;  chant  de  noces  pour  féliciter  des  époux. 
Il  n'y  a  point  de  règles  parliculièrcs  pour  le  genre, 
pour  le  nombre  ni  pour  la  disposition  des  vers 
propres  à  cet  ouvrage;  mais  comme  le  sujet,  en 
lout  genre  de  poésie,  est  ce  iju'il  y  a  de  princi- 
pal, il  semble  que  le  pocledoit  chercher  une  fic- 
tion qui  soit  tout  ensemble  juste,  ingénieuse,  pro- 
pre et  convenable  aux  personnes  (pii  en  seront 
l'objet  ;  et  c'est  en  choisissant  les  circonstances 
particulières,  qui  ne  sont  jamais  absolument  les 
mémos,  que  l'épithalamecst  suscei)tible  de  toutes 
sortes  de  diversités. 

L'épiihalame  étant  par  lui-même  destiné  à  ex- 
primer la  joie,  à  en  faire  éclater  les  transports,  on 
sent  qu'il  ne  doit  employer  que  des  images  ricm- 
tcs,  et  ne  iieindre  que  des  objets  agréables.  Ce 
poëme  a  deux  |)arlics  ijui  sont  bien  marquées,  cl 
qui  paraissent  csscnlicUes  à  tout  épithalamc: 
l'une  qui  coin|)rcnd  les  louanges  des  nouveaux 
é|)Oux,  l'autre  qui  renferme  des  vœux  pour  leur 
prospérité.  Ce  genre  de  poëme  est  abandonné  au- 
jourd'hui; et  si  quelques  poêles  s'y  exercent  qnel- 
(]uefois,  le  bruit  de  leurs  ouvrages  ne  va  guère 
au  delà  des  cérémonies  pour  lesquelles  ils  ont  tra- 
vaillé. 

ÉPiTui:TE.  Subst.  f.  Autrefois  on  faisait  ce  mot 
masculin.  Ménage  croyait  (]u'on  pouvait  le  faire 
iiuliffciemnient  masculin  ou  féminin.  Aujourd'hui 
on  ne  le  fait  plus  (|ue  féminin.  On  appelle  ainsi  un 
adjectif  (i;:i  sert  à  ajouter  de  la  force,  de  l'CûCrgie, 


ÉPI 

de  la  grâce,  etc.,  ;i  l'idée  du  substantif  auquel  il  ! 
est  appliqué.  L'cmi»loi  des  épiihèlcs  est  une  chose 
qui  demande  iieaucoup  d'intelligence  et  de  dis- 
cernenicnl,   et  il  est  difficile  à  l'oraleur  ou  au 
poëte  d'éviter  à  cet  égard  l'excès  ou  le  défaut. 

L'usage  des  épilhéles  doit  être  restreint  aux 
seuls  cas  où  l'idée  principale  ne  suffit  pas  pour 
donner  à  la  pensée  une  beauté  sensible,  une  éner- 
gie réelle.  Les  épitliètes  pittoresques  prises  des 
choses  sensibles  sont  indispensables  lorsque  l'ora- 
teur ou  le  poëte  veut  peindre  à  l'aide  du  discours. 
Elles  servent  ou  à  exprimer  diverses  petites  cir- 
conslauces  (jui  font  partie  du  tableau,  ou  à  épar- 
gner des  descripiions  prolixes  «pii  leiidraicnt  le 
discours  languissant.  S'agit-ii.non  de  jieindre,  mais 
de  donner  a  une  pensée  un  tour  plus  fwt,  i)lus 
nouveau,  plus  naïf;  c'est  à  l'aide  des  épitliètes 
qu'on  y  parviendra  plus  aisément.  Enfin,  si  l'on 
se  propose  de  toucher  le  cœur,  quel  que  soit  le 
genre  de  la  passion,  rien  de  plus  efficace  que  les 
épiihétes  bien  choisies  pour  exciter  le  sentiment. 
Mais  autant  les  épithètes  peuvent  dans  ces  cir- 
constances donner  de  l'énergie  au  discours,  au- 
tant elles  sont  insipides  partout  ailleurs.  Rien 
n'est  plus  désagréable  qu'un  style  rempli  d'épi- 
thétes  faibles,  vagues  ou  oiseuses. 

Il  y  a  des  hommes  si  illustres  que  leur  nom 
seul  vaut  le  plus  bel  éloge.  Il  y  a  de  même  des 
idées  qui  par  elles-mêmes  sont  si  grandes,  si  par- 
faitement énergiques,  que  tout  ce  qu'on  y  ajou- 
terait par  forme  d'épiihélc  pour  les  rendre  plus 
sensibles,  ne  pourrait  (pie  les  affaiblir.  Quand  Cé- 
sar, au  moment  qu'on  le  poignarde,  s'écrie  :  Et 
toi  aussi,  Brutusl  quelle  épitbèle  jointe  à  ce  nom 
aurait  pu  ajouter  a  l'énergie  de  celle  exclama- 
tion? Dans  tous  les  cas  de  cette  nature,  toute  épi- 
thote  est  déplacée. 

ÉpiiRE.Subst.  f.  Terme  de  littérature.  Ce  terme 
n'est  presque  plus  en  usage  que  pour  les  lettres 
écrites  en  vers,  ot  pour  les  dédicaces  des  livres. 

Quand  on  parle  des  lettres  écrites  par  des  au- 
teurs modernes  ou  dans  des  langues  vivantes,  et 
surtout  en  prose,  on  ne  se  sert  point  du  mot  épî- 
ire.  Ainsi  l'on  dit  les  Lettres  de  madame  de  Sévi- 
gné,  et  non  pas  les  Epîtres  de  madame  de  Sévi- 
gné. 

Au  contraire,  on  se  sert  du  mol  épUrecn  par- 
lant des  anciens  ou.  dans  une  langue  ancienne. 
Ainsi  l'on  dit  les  Epîtres  de  Cicéron,  de  Sénè- 
gue,  etc.  Il  est  pourtant  vrai  que  les  modernes  se 
sont  servis  du  terme  de  lettres  en  parlant  de  celles 
de  Cicéron  et  de  Pline. 

l.e  mot  épitre  parait  encore  plus  particulière- 
ment restreint  aux  écrits  de  ce  genre,  en  matière 
de  religion.  Ainsi  on  dit  les  Epîtres  de  saint 
Paul,  de  saint  Pierre,  de  saint  Jean,  et  non  les 
Lettres  de  saint  Paul,  etc. 

On  attache  aujourd'hui  à  Vépître  l'idée  de  la 
rcQcxion  et  du  travail,  et  on  ne  lui  permet  point 
les  négligences  de  la  lettre.  Le  style  de  la  lettre 
est  libre,  simple,  familier.  L'épitrc  n'a  point  de 
style  déterminé:  elle  prend  le  ton  de  son  sujet,  et 
s'élève  ou  s'abaisse  selon  le  caractère  des  per- 
sonnes. 

Epitrope.  Subst.  f.  Figure  de  rhétorique,  ap- 
pelée par  les  latins  ccncessio,  par  laquelle  l'ora- 
teur accorde  queUiue  chose  qu'il  pourrait  nier, 
afin  que,  par  cette  marque  d'impartialité ,  il 
puisse  obtenir  à  son  tour  qu'on  lui  accorde  ce 
qu'il  demande. 

C'est  ainsi  que  Boileau  a  dit  de  Chapelain  par 
epitrope  {Sat.  jx,  213j  : 


ÉPO  265 

Qu'on  vuite  en  lui  U  foi,  l'honneur,  .1  probité; 
Qu'on  prise  sa  candeur  et  si  civilité: 
Qu'il  soit  doux,  complaisant,  oflicieux,  sincère  ; 
On  le  Teut,  j'y  souscris,  et  suis  prêt  à  me  laire. 
Mais  que  pour  un  modèle  on  montre  ses  cents. 
Qu'il  soit  le  mieux  rente  de  tous  les  beaux  esprili, 
Comme  roi  des  autours  qu'on  l'élève  h  l'empire, 
Ua  bile  alors  s'échaulTe  et  je  lirAle  d'écrire. 

ÉnzooTiE.  Subst.  f.  Ti,  dans  ce  mol,  con- 
serve sa  prononciation  naturelle. 

l'.PLORÉ,  Éplorée.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  éploré,  une  femme  éplo- 
rée. 

Les  Tieillards  iplorcs  sont  muets  de  terreur. 

(Delil.,  Énéid.,  XI,  558.) 

Éplticiuge,  I'Ipldcuement.  Subslanlifs  mascu- 
lins. Le  second  se  dit  dans  le  langage  commun,  le 
l)remier  dans  le  langage  des  métiers  et  manufac- 
tures. On  dit  Vcpluchage  des  laines,  des  soies,  el 
V  épluche  ment  d  une  salade. 

Éponge.  Subst.  f.  Corneille  a  dit  dans  Bodo- 
gtine  (act.  II,  sc.  iii,  73)  : 

Sur  les  noires  couleurs  d'un  si  triste  tableau 
Il  faut  passer  l'éponge  ou  tirer  le  rideau. 

Voltaire  a  remarqué,  au  sujet  de  ce  vers,  que 
passer  l'éponge  est  une  expression  un  peu  tri- 
viale qui  ne  peut  être  employée  dans  le  style 
noble.  {Remarques  sur  Corneille.) 

Epopée.  Subsl.  f.  L'épopée  ou  poëme  épique 
est,  dit  Voltaire ,  un  récit  en  vers  héroïques. 
Que  l'action  soit  simide  ou  complexe,  qu'elle  s'a- 
chève dans  un  mois  ou  dans  une  année,  ou  qu'elle 
dure  plus  longtemps;  que  la  scène  soit  fixée 
dans  un  seul  endroit,  comme  dans  ï  Iliade  ;  que 
le  héros  voyage  de  mers  en  mers  comme  dans 
V Odyssée;  qu'il  soit  heureux  ou  infortuné,  fi.'- 
rieux  comme  Achille  ou  pieux  comme  Éne<s 
qu'il  y  ait  un  principal  |)crsonnaçe  ou  [ilusieurs; 
que  l'action  se  passe  sur  la  terre  ou  sur  la  mer; 
sur  le  rivage  d'Afriipie  comme  dans  la  Louisiane; 
dans  PAmérique  comme  dans  l'Araucana  ;  dans  le 
ciel,  dans  l'enfer,  hors  des  limites  de  notre 
monde,  comme  dans  le  paradis  de  ^Millon;  il 
n'importe  :  le  poëme  sera  toujours  un  poëme  épi- 
que, un  poëme  héroïque. 

Parmi  les  ré;:les  du  poëme  épique,  il  en  est 
quebiues-unes  tiiie  la  nature  indique,  et  qui  sont 
avouées  de  toutes  les  nations.  Il  en  est  d'autres 
qui  dépendent  des  lieux,  des  temps,  des  mœurs, 
des  usages,  de  la  religion,  du  génie  des  nations, 
et  qui  varient  comme  toutes  ces  choses. 

Un  poëme  épicpie  doit  partout  être  fondé  sur 
le  jugement,  embelli  par  l'imagination;  ce  qui 
appartient  au  bon  sens  appartient  également  à 
toutes  les  nations  du  monde.  Toutes  vous  diront 
qu'une  action  une  et  simple  qui  se  développe  ai- 
sément et  par  degrés,  et  qui  ne  coule  point  une 
attention  fatigante,  leur  plaira  davantage  qu'un 
amas  confus  d'aventures  monstrueuses.  On  sou- 
haite généralement  que  cette  unité  si  sage  soit 
ornée  d'une  variété  d'épisodes  qui  soient  comme 
les  membres  d'un  corps  robuste  et  proportionné. 
Plus  l'action  sera  grande,  jilus  elle  plaira  à  toul 
homme  dont  la  faiblesse  est  d'cire  séduit  par  toul 
ce  qui  est  au-dessus  de  la  vie  commune.  11  fau- 
dra surtout  que  celte  action  soit  intéressante;  car 
tous  les  cœurs  veulent  élre  remués,  et  un  p'>ëme 
parfait  d'ailleurs,  s'il  ne  touchait  point,  serait  in- 
sipide en  tout  temps  et  en  tout  jiays.  Elle  doit 
être  entière  ,  parce  qu'il  n'y  a  point  d'homme  qui 


266 


ÉPU 


puisse  éire  satisfait  s'il  ne  reçoit  qu'une  partie 
du  iDiii  qu'il  s'étnil  promis  (l'iivôir.  Telles  sont  à 
peu  i>rès  les  principales  règles  (juc  la  nature  dicte 
à  toutes  les  nations  qui  cultivent  les  lettres;  mais 
la  matliinc  du  incrvcilleux,  l'intervention  d'un 
pouvoir  céleste,  la  nature  des  épisodes,  tout  ce 
<|ni  dépend  de  la  tyrannie  de  la  coutume  et  de  cet 
instinct  qu'on  nomme  i-'oùt ,  voilà  sur  (luoi  il  y  a 
mille  opinions  et  p')int  de  régies  grériéralcs. 

ÉPOLSAiLLES.  Subst.  f.  pluricl.  On  mouille 
les/. 

ÉPOUTA^TABtE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
souvent  avant  son  subst.  :  Un  spectacle  vpovvun- 
table,  vu  <  pouvait  table  spectacle;  on  ne  dit  l)as 
un  êpoiivantahle  homme.  Il  faut  consulter  l'oreille 
et  l'analogie.  \'oyez  Adjectif. 

Él>ucvA^TABLEME^T.  Adv.  Il  se  met  toujours 
après  le  verbe  :  Il  est  épnuvantahlcmcnt  laid. 

ÊPouvA\TAiL.  Subst.  m.  On  mouille  le  i  final. 
On  dit  au  pluricl  des  épouvaiitails. 

Epouvanter.  V.  a.  de  la  1'"  coiij.  On  dit  il  ne 
vi'épovvantera  pas  par  ses  menaces;  et  Voltaire 
a  dit  dans  la  Henriade  (IV,  13)  : 

le  superbe  d'Aumale,  el  Nemours  elBrissac. 

D'uQ  coupable  parti  défenseurs  intrépide?, 
Épouvantaient  Valois  de  leurs  succès  rapides. 

On  voit  par  ces  deux  exemples  qu'épouvanter 
par  se  dit  des  choses  qui  tendent  directement  à 
causer  l'épouvante;  et  ('pm/vanter  de,  de  celles 
qui  ne  causent  l'épouvante  qu'indirectement,  et 
à  cause  des  suites  qu'elles  peuvent  avoir. 

Épreuve.  Subst.  f.  L'Académie  l'explique  par 
essai,  expérience  que  l'on  fait  de  quelque  chose. 
— Les  trois  mots  épreuve,  essai,  expérience,  sont 
des  termes  relatifs  à  la  manière  dont  nous  acqué- 
rons la  connaissance  des  objets.  Nous  nous  assu- 
rons par  Vrpreuve  si  la  chose  a  la  qualité  que 
nous  lui  croyons;  par  V essai,  quelles  sont  ses 
qualités;  par  Y  expérience,  si  elle  est.  Vous  ap- 
prendrez i»ar  expérience (\\ic\&s  hommes  ne  vjus 
manquent  jamais  dans  certaines  circonstances.  Si 
vous  faites  Vessai  d'une  recette  sur  des  animaux, 
vous  pourrez  ensuite  l'employer  plus  sûrement 
sur  l'es  pi-ce  humaine.  Si  vous  voulez  conserver 
vos  amis,  ne  les  mettez  point  à  des  épreuves  trop 
fortes,  [.^expérience  est  relative  à  l'existence, 
\essai  à  l'usage,  W-preuve  aux  attributs.  On  dit 
d'un  homme  qu'il  est  expérimenté  dans  un  art, 
quand  il  y  a  longtemps  qu'il  le  pratique;  qu'une 
arme  a  été  éprouvée,  lorsqu'on  lui  a  l'ail  subir 
certaines  charges  de  poudre  prescrites;  <]u'on  a 
essayé  un  habit,  lorsqu'on  l'a  mis  une  premièi'e 
fois  jiour  juger  s'il  fait  bien. 

Épris,  Éprise.  Adj.  On  dit  épris  iVamoiir, 
épris  de  belle  passion;  intHS  il  ne  faut  pas  dire, 
comme  Racine,  épris  de  courroux  : 

Tu  sais  de  quel  courroux  mon  cœur  alors  éprit. 
[Androm.,  act.  I,  se.  1,  SI.) 

Voltaire  a  dit  dans  sa  xxxni«  épitre  (v.  9)  : 

Un  esprit  vrai  doit  être  épris 
Pour  des  vérités  éternelles. 

ÉPUISER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  dit  s'épuiser 
de  :  S071  Étal  s'épuise  à'homines  et  d'arçent.  (Fé- 
nelon  ,  Télémaque)  On  dit  aussi  s'épuiser  en 
soi?is,  en  services;  et  s'épuiser  à  faire  quelque 
chose. 

La  Harpe  a  critiqué  justement  ce  vers  <le  Vol- 
taire {Mér.,  act.  I,  se.  m,  âS)  : 


ÉQU 

Ce  sanf  s'est  e'puiac,  versé  pour  la  pairie. 

Ces  deux  participes,  l'un  près  de  l'autre,  dit-il,  ne 
font  pas  un  bon  effet,  et  le  second  parait  inutile 
après  le  premier,  (jui  est  plus  fort  et  qui  dit  tout. 
{Cours  de  littérature.) 

ÉQUARRIR  ,      ÉQL'ARRISSAGE  ,      ÉQUARRISSEMENT. 

Dans  ces  trois  mots,  gu  se  prononce  comme 
un  k. 

ÉQTJA.TEUR,  ÉQCATioN.  Daiis  ccs  dcux  mots,  qua 
se  prononce  koua. 

Èqlerre.  Subst.  {.  On  prononce  ékère. 

Équestre.  Adj.  des  deux  genres.  Ou  prononce 
ékueslre,  eu  faisant  sentir  Vu. 

ÉOUIANGLE,  ÉQUIDISTANT,  ÉqUILATÉRAL,  ÉQUILA- 

TÈRE.  Dans  ces  quatre  mots,  qui  se  prononce 
comme  kui. 

ÉQUiNoxiAL.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Cercle  équùioxial,  ligne  équinoxiale , 
points  équinoxiaux. 

Équitable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  peut,  dans 
des  cas  convenables ,  se  mettre  avant  son 
sobsl.  ;  on  ne  dirait  pas  vn  équitabl^e  homme,  un 
équitable  prince  ;  mais  on  peut  dire  cette  équita- 
ble décision,  cet  équitable  Juge7ncnt.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Équitarlememt.  Adv.  Il  peut  quelquefois  se 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  jugé 
équitablament,  ou  il  a  équitablement  j ugé. 

ÉQCiTATiON.  Subst.  f.  Qui  se  prononce  kwi,  et 
ti  comme  ci.  C'est  l'art  de  monter  à  cheval.  On  le 
dit  aussi  de  l'action  de  monter  à  cheval  :  L'équi- 
tation  est  un  exercice  très- salutaire.  (  Fe- 
ra ud.) 

Équivalent,  Équivalente.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  chose  équivalente. 

ÉQUIVOQUE.  Subst.  f.  Ce  mot  était  autrefois  des 
deux  genres.  Boileau  a  dit  (saf.  xii,  2)  : 

De  quel  genre  le  faire,  équivoque  maudite. 
Ou  maudit. 

Aujourd'hui  on  ne  le  fait  plus  que  féminin.  Il  se 
prend  adjectivement.  On  dit  d'une  phrase,  qu'eZfc 
est  équivoque,  ou  qu'c/^e  renferma  une  équivo- 
que. Un  mot  est  équivoque  lors(iu'il  a  plusieurs 
significations  dans  le  sens  propre,  comme  le  mot 
coin  qui  signifie  un  instrument  pour  fendre,  un 
angle,  et  la  matrice  qui  sert  à  marquer  les  mon- 
naies et  les  médailles;  ou  Ijien  lorsqu'avec  le 
même  son,  quoique  avec  une  orlhograiihe  diffé- 
rente, il  sert  à  indiquer  des  objets  différents, 
comme  ceint,  sain,  .^aint,  sein,  seing,  qui,  souS 
la  môme  prononciation,  signifient  environné, 
sans  altération,  qui  vil  saintement,  ]»()itrine  et 
signature;  ou  enfin,  lorsqu'il  signifie  deux  choses 
différentes,  l'une  primitivement,  et  l'autre  par  ex- 
tension ;  comme  le  mol  langue,  qui  signifie  pri- 
mitivement cette  pariie  charnue  ci  mobile  ijui  est 
dans  la  bouche  le  principal  organe  de  la  parole 
el  du  goût;  et  i)ar  extension,  l'idiome,  le  langage 
d'une  nation.  Dans  le  discours,  la  signification 
de  ces  mots  est  ordinairement  déterminée  par  les 
circonstances,  et  il  est  rare  qu'ils  y  laissent  de 
l'incertitude. 

Lcsé(iuivoqucs  peuvent  être  encore  occasion- 
nées par  le  simple  rapprochement  de  certains 
mots  dontla  réimion  semble  former  d'autres  mots, 
ou  dire  autre  chose  que  ce  qu'on  a  réellement 
intention  de  dire;  par  cvemple,  si  l'on  disait /e 
regarde  votre  amitié  comme  le  plus  grand  des 
avantages  çî/c  vous  puissiez  vi*accorder;le  plus 
grand  des  plaisirs  que  vous  puissiez  me  faire  est 


ERR 

de  m'écrire  soureyit,  le  nipprochoment  des  mots 
des  et  arantngps,  des  cl  plaisirs,  pourrait  faire 
croire  que  l'on  a  inteiUioii  de  dire/e  regarde  i^o- 
tre  amitié  comme  le  plus  //rand  désavantage 
qvc  vnus  puissiez  m'uccordcr  ;  le  plus  grund  de- 
plaisir  ^«e  vous  puissiez  me  faire,  etc.  Quelque 
CCS  phrases  n'aient  rien  d'irrègulier  dans  la  con- 
struction,  il  l'auL  cependant  les  éviter,  caria 
règle  de  la  clarté  est  toujours  indispensalilo,  et  il 
n'est  jamais  permis  de  s'en  écarter.  Voyez 
Sens. 

Équivoque  se  dit  aussi,  dans  notre  langue,  d'un 
terme  à  douMc  sens  dont  abusent  seulement  ceux 
qui  cherchent  à  jouer  sur  les  mots.  Ces  jeux  de 
mots,  en  général  répréhensiblos  et  de  mauvais 
goût,  peuvent  avoir  lieu  dans  la  conversation, 
dans  les  lettres  lamilières,  dans  les  épigrammes, 
dans  les  madrigaux,  dans  les  impromptu,  et  au- 
tres petites  pièces  de  ce  genre,  ipiand  ils  sont 
spirituels  et  délicats,  et  qu'on  les  donne  pour  un 
badinage  qui  exprime  un  sentiment,  ou  pour  une 
idée  passagère.  Si  cette  idée  paraissait  le  fruit 
d'une  réflexion  sérieuse,  et  si  on  la  débitait  avec 
un  ton  dogmatique,  elle  ne  serait  pas  suppor- 
table. 

Équivoque,  adj.,  peut  quelquefois  se  mettre 
avant  son  subst.,  même  en  prose.  Mais  il  faut 
consulter  pour  cela  l'oreille  et  l'analogie.  On  ne 
dira  pas  une  équivoque  phrase,  vn  équivoque  moi; 
mais  on  |)ourra  dire  dans  des  cas  convenables,  cet 
équiv(quc  langage  éveilla  mes  soupçons.  Voyez 
Adjectif. 

Eraili.ement,  Ekailler,  Ëraillure.  Dans  ces 
trois  mots  on  mouille  les  /. 

ÊRÉjiiTiQLF..  Adj.  des  deux  genres.  On  écri- 
vait autrefois  hérémitique. 

Ergot.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  t  G- 
nal.  Voyez  Argot. 

Ergoté,  Ergotée.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  ;  Un  coq  ergoté,  un  chien  ergoté,  du 
seigle  ergoté,  etc. 

Ergoter.  V.  a.  de  la  d"  conj.  Expression  fa- 
milière dont  on  se  sert  quelquefois  pour  exprimer 
la  manie  de  ces  esprits  raisonneurs  qui  entassent 
arguments  sur  arguments,  laisonnemcnls  sur  rai- 
sonnements ,  pour  conicsler  les  choses  les  plus 
simples  et  les  plus  claires.  —  11  y  a  des  gens  qui 
disent  argnter.  mais  ce  mot  n'est  pas  français  en 
ce  sens.  Argnter  est  un  terme  de  jardinage  qui 
signifie  coujier  rexlrémité  d'une  branche  morte. 

Ergotf.dr.  Subst.  m.  Il  se  dit  d'un  homme  qui 
aime  à  ergoter.  Quehiues  personnes  disent  argo- 
teiir.  Ce  dernier  n'est  pas  français.  Voyez  Ér- 
gnier. 

ÉRIGER.  V.  a.  de  la  l'":  conj.  Racine  l'a  em- 
l)loyé  dans  un  sens  que  l'on  ne  trouve  point  dans 
le  Dictionnaire  de  l'Académie  : 

J'a|i]irocli.Ti  pnrdegré  de  l'oreille  des  rois, 
Et  bientôt  en  oracle  on  érigea  ma  Toix. 

UJ/i.,acl.  III,  se.  m,  74.) 

Ermitage,  Ehmite.  Ces  deux  mots  s'écrivaient 
autrefois  avec  un  /;.  Hermitage,  hermite. 

Er.oTiQL-E.  Adj.  des  deux  genres.  Il  peut  quel- 
quefois se  mettre  avant  son  subst.  :  Cet  erotique 
délire  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Poëme  eroti- 
que, vers  erotiques,  et  non  pas  erotique  poëme, 
erotiques  vers.  Voyez  Adjectif. 

Errakt,  Er.RAJiTE.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  errer. 
On  prononce  les  deux  /•.  En  prose,  il  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 


ERR 


267 


Errata.  Sudsi.  \\\.  liste,  tableau,  état  des  fau- 
tes survenues  dans  l'inqtression  d'un  ouvr.iiie. 
On  prononce  les  deux  r.  Ce  mot  est  emprunté  du 
latin  erratum  au  singulier,  et  errata  au  jduriel, 
ipii  veut  dire  faute.  Jusqu'à  l'apparition  du  Dic- 
tionnaire de  l'Académie  de  1798,  on  a  appelé 
errata  un  tableau  de  cette  espèce,  soit  qu'il  in- 
diquât piusieui-s  fautes,  soit  (pi'il  n'en  indiiiuàt 
qu'une,  parce  que  la  pluralité  de  ce  mot  ne  peut 
])as  tomber  sur  les  fautes  indi(]uées,  mais  sur  la 
(luantité  des  tableaux  ou  des  listes  qui  les  indi- 
(pient.  Mais,  en  d79S,  l'Académie  a  prétendu  que 
lorsqu'il  ne  s'agit  (juc  d'une  faute  a  relever,  on 
doit  dire  un  er»a/M7/i,  et,  en '1800,^10  ditencore 
que  dans  ce  cas  quelques  personnes  se  servent  du 
mol  erratum.  De  sorte  que  ce  mot  a  deux  singu- 
liers, w/j  errata  quand  il  indique  plusieure  fautes, 
etuiic)va^(/7«quan(l  il  n'en  contient  «ju'une.  Voilà 
les  déclinaisons  latines  introduites  dans  l;i  langue 
française  par  les  soins  de  l'Académie.  D'après  ce 
principe,  je  suis  surpris  que  cette  Académie  n'ait 
i)as  décidé  qucj^ar^a  est  le  pluriel  de /(/c<Mm,  fra- 
tres,  celui  de  frater,  patres,  celui  de  patcr,  et 
vos  Dcos,  celui  de  T'e  Deum. 

Depuis  qu'on  enseigne  peu  la  langue  latine  en 
France,  dit  un  critique  qui  a  relevé  un  grand 
nombre  de  fautes  du  Dictionnaire  de  l'.Jca- 
démie,  nous  voyons  souvent  le  mot  erratum 
substitué  au  mot  français  errata,  par  des  gaze- 
tiers  et  des  imprimeurs  qui  veulent  donner  au 
public  une  idée  magnifi(iue  de  leur  capacité.  L'A- 
cadémie française  aurait  dû  prévoir  cette  ridi- 
cule innovation,  et  la  condamner  par  un  exemple. 
Il  paraît  que  le  critique  ne  parle  ici  que  de  l'A- 
cadémie de  1762  ;  car  r.\cadèmie  de  1798,  loin 
de  s'élever  contre  cette  innovation,  parait  l'avoir 
établie. 

Le  mot  errata  ne  prend  point  de  ,s  au  pluriel  : 
des  errata. 

Errements.  Subst.  m.  pluriel.  On  prononce 
les  deux  r.  Plusieurs  écrivains  l'ont  dit  des  per- 
sonnes :  Il  reprit  ses  derjiiers  errements,  et  leva 
rétendard  de  la  révolte.  Boileau  et  Voltaire,  dit 
Féraud,  ne  pouvaient  souffrir  cette  expression  ap- 
pliquée aux  personnes.  Suivre  des  errements, 
s'écrie  le  premier,  juste  ciel!  quel  langage  est-ce 
là?  Quand  Bossuct,  dit  Voltaire,  quand  ifénclon. 
Polisson,  voulaient  signifier  qu'on  suivait  ses  an- 
ciennes idées,  ses  projets,  ses  engagements,  ils  ne 
disaient  jwint  :  J'ai  suivi  ines  errements  ;  j'ai 
travaillé  sur  mes  errements.  {Lettre  ù  l'uhhé 
d'Olivet  sur  la  nouvelle  édit.  de  la  Prosodie.) 

Errer.  V.  n.  de  la  1"  conj.  On  prononce  les 
deuxr.  L'Académie  dit  laisser  errer  ses  pensées; 
elle  ne  dit  pas  lais-'^er  errer  son  regard. 

Longtemps  sur  ces  objeli»,  ces  merveilles  de  l'art, 
Le  lieras  laiise  errer  un  avide  regard. 

(Delil.,  Enéide,  VI,  49.) 

Erredr.  Subst.  f.  On  prononce  les  deux  r. 
Ce  mot  s'emploie  quelquefois  dans  le  sens  d'il- 
lusion, comme  dans  ces  vers  de  Voltaire  (Orerte, 
act.  II,  se.  vu,  9)  : 

D'un  lonie  flatteur 
N'e  me  présentez  pas  la  dangereuse  erreur. 

Voyez  Fausseté. 

Erroné,  Erronée.  Adj.  On  prononce  les  deux 
r.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Sentiment 
erroné,  opinion  erroné^- 


268 


ESP 


ÊRUDiT,  ÊRDDiTE.  Adj.  I.c  t  final  ne  se  pronome 
point  au  masculin.  11  ne  se  nicl  (lu'après  son 
suhst.  :   Un  homme  érudit,  une  femme  érudite 

Êhysipèle,  Ërïsii'élatelx.  Auliefois  on  écri- 
vait éré'sipèle  et  érésipihiletix,  et  l'on  faisait 
érésipèle  féminin.  Aujuurtl'liui  on  les  écrit  avec 
l'y,  et  érysipèle  est  masculin.  — <  L'Académie, 
en  lS3o,  écrit  m'A/'/iè/^,  et  elle  observe  qu'autre- 
fois on  écrivait  érysipèle,  ce  qui  était  conforme 
à  l'étymologie.  ,\insi  donc  le  mauvais  usage  sem- 
ble avoir  triomphe.  Nous  i)Cn-ons  cependant  (pie 
l'Académie  en  ce  cas  n'eût  pas  du  céder,  et  qu'il 
vaut  mieux  écrire  le  mot  de  manière  à  rappeler 
sonétymologie,  Èp'Ji^î-sXa;;  c'est  encore  le  plus 
sûr.  fl  (A.  l.omaire,  Grummuire  des  Gram- 
maires, p.  dl3'J.) 

Espérance.  Subst.  f.  Racine  a  dit  dans  Andro- 
maque  (act.  V,  se.  v,  31)  : 

Grâce  aax  dieux,  mon  malheur  passe  mon  eipérance. 

Espérance  esl  pris  ici  pour  attente  ;  le  mot  d'e*- 
pérance  ne  se  i»rend  jamais  en  mauvaise  part. 
Voyez  Espoir. 

Espérer.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  Espérer 
vne  chose.  Espérer  quelque  chose  de  quelqu'un. 
J'espère  en  vous,  en  votre  justice. 

Féraud  dit  que  ce  mot  ne  peut  avoir  pour  ré- 
gime direct  qu'un  substantif  de  choses.  Cepen- 
dant madame  de  Sévignc  a  dit  :  Je  lis,  Je  me 
promène,  je  vous  espère,  et  Féraud  approuve  ce 
régime  parce  qu'il  y  a  ellipse,  et  que  je  vous  es- 
père siguille  là,  je  m'occupe  de  l'espérance  de 
vous  voir  bientôt.  Delille  a  dit  dans  le  même 
sens(^«e7£f.,VI,923): 

Hélas!  en  l'espérant  dans  ces  belles  demeures, 
Mon  amour  mesurait  elles  jours  et  les  heures. 

Le  que  après  espérer  régit  le  futur  (]iiand  la 
phrase  est  affirmative,  et  le  subjonctif  (juand  elle 
est  négative  ou  inlcrrogative  :  J'espère  yne  vous 
le  ferez //e  n'espère  pas  que  vous  le  fassiez;  e.ç- 
périez-vous  que  je  le  lisse  ?  Dans  le  sens  inler- 
rogatif  on  peut  mettre  assez  indifféremment  l'in- 
dicatif ou  le  subjonctif:  Espérez-vous  que  je  le 
fasse  ou  que  je  le  ferai?  Espérait-il  que  je 
vinsse  ou  que  je  viendrais  Z(«'  demander  pardon'^ 
mais  dans  le  sens  négatif,  il  faut  toujours  mettre 
le  subjonctif. 

Espérer,  se  rapportant  au  passé  ou  au  présent, 
est  un  anglicisme.  Les  Anglais  discntj'ei;père  que 
vous  ne  l'avez  pas  dit,  j'espère  que  vous  en  êtes 
persuadé.  Espérer  ne  porte  à  l'esprit  (|ue  l'idée 
d'une  chose  future.  Pour  les  choses  présentes,  on 
dit  croire,  penser,  se  flatter  que:  Je  crois,  je 
pense  que  vous  ne  l'avez  pas  dit,  je  me  flatte  que 
vous  en  êtes  persuadé,  (l'éraud.)  N'oyez  Espoir . 

On  peut  dire  j'espère  le  voir,  el  j'espère  de  le 
voir.  Voici,  je  crois,  la  différence  (pi'il  y  a  entre 
ces  deux  manières  de  s'exprimer.  On  d'il  j'espère 
sans  préposition,  lorsiiue  l'espérance  parait  fon- 
dée el  approche  de  la  certitude.  Ainsi  on  dit 
j'espère  te  voir,  lorsqu'on  est  prestiue  certain 
qu'on  le  verra,  et  ([u'on  ne  prévoit  aucun  événe- 
ment qui  puisse  empêcher  de  le  voir.  On  dit 
j'espère  avec  la  préposition  de,  lorsque  l'espé- 
rance lient  du  doute,  de  l'incertitude,  et  que  l'on 
prévoit  quelques  événements  fortuits  cpii  [)oiir- 
raient  empêcher  de  le  voir.  La  sup|>ic>sion  du 
de  tient  tellement  au  fondement  de  l'esjjérance, 
que  si  au  mol  j'espère  on  ajoutait  un  adverbe  qui 


ESP 

rendu  ce  fondement  plus  se.nsible,  on  ne  pourrait 
pas  employer  la  préposition  de.  Par  exemple,  tout 
Ip  monde  dm  j'espère  bien  le  revoir;  et  personne 
j'espère  bien  iie  le  revoir 

Ce  (]ui  confirme  encore  mon  opinion,  c'est  que,  \ 
lorscp-ie  le  verbe  espérer  est  à  l'infinitif,  el  que  le  \ 
verbe  suivant  est  au  même  nitide,  on  ne  peut  pas  \ 
supprimer  la  préposition  de.  La  raison  en  esl  que 
l'iidiniiif  exprime  quelque   chose   de  vague   et    ] 
d'incertain.  Peut-on  espérer  de  vous  revoir?  Je    ; 
crois  pouvoir  espérer  de  le  revoir.   On  m'a  fait 
espérer  de  le  revoir  ;  espérance  vague ,   incer- 
taine 

EspoiB.  Subst.  m.  Ce  mot  n'a  point  de  pluriel. 
L'Académie  dit  :  Je  n'ai  d'espoir  qu'en  vous. 
Racine  a  dit  dans  Iphigénie  (act.  V,  se.  ii,  15)  : 

Aussi  tout  mon  rtpoir 
N'est  plus  qu'au  coup  mortel  que  je  vais  recevoir. 

Le  sens  propre  d'espoir  ne  regarde  que  les 
choses  (jui  sont  à  venir.  C'est  avec  raison  que 
d'Olivet  a  reproché  à  Racine  de  l'avoir  appliqué 
à  des  choses  présentes  : 

Me  cherchiei-Tous,  madame? 
Un  f«poir  si  charraanl  me  serail-il  permis? 

(/Inrfrom.,  act  I,  se.  IT,  1.) 

Qu'on  mette  celle  phrase  en  prose,  et  on  sentira 
le  faux  emploi  de  ce  terme.  C'est  comme  s'il  y 
avait:  Madame,  me  serait-il  permis  d'espérer 
que  votts  vie  cherchiez  ?  X oyez  Espérer. 

Esprit.  Subst.  m.  Le  t  final  r.e  se  prononce 
qu'avant  une  voyelle  ou  un  h  muet. 

Ce  mot,  en  lant  qu'il  signifie  une  qualité  de 
l'àme,  est,  dit  Voltaire,  un  de  ces  termes  vagues 
auxquels  tous  ceux  qui  les  prononcent  altaclienl 
presque  toujours  des  sens  difl'érenls.  Il  exprime 
autre  chose  que  jugement,  génie,  goût,  talent, 
pénétration,  étendue,  grâce,  finesse;  et  il  doit 
tenir  de  tous  ces  mérites:  on  pourrai!  le  définir 
raison  ingénieuse.  C'est  un  mot  géniTique  qui  a 
toujours  besoin  d'un  aulrc  mot  qui  le  delerjnine; 
et  (piand  on  dit  voilà  un  ouvrage  plein  d'esprit, 
un  homme  qui  a  de  l'esprit,  on  a  grande  raison 
de  demander,  duquel  ?  L'esprit  sublime  de  Cor- 
neille n'est  ni  Y  esprit  exact  de  Boileau,  ni  Vesprit 
naïf  de  La  Fontaine;  el  Vesprit  de  La  Bruyère,  qui 
est  l'art  de  jieindre  singulièrement,  n'est  point 
celui  de  Malebrsnchc,  qui  est  de  l'imaginalion 
avec  de  la  profondeur.  —  Quand  on  dit  qu'un 
homme  a  nu  esprit  judicieux,  on  entend  moins 
qu'il  ace  qu'on  appelle  de  X'esprit,  qu'une  raison 
épurée.  \}n  esprit  ferme , mâle,  courageux,  gra7id, 
petit,  faible,  léger,  dou.r,  emporté,  signifie  le  ca- 
raclére  cl  lu  trempe  de  l'àme,  et  n'a  point  de 
rapport  à  ce  qu'on  entend  dans  la  société  par 
celte  expiession,  avoir  de  l'esprit. 

L'e.'iprit,dAn?,  l'acception  ordinaire  de  ce  mol, 
lient  beaucoup  du  bel  esprit,  et  cependant  ne  si- 
gnifie pas  précisément  la  même  chose;  car  jamais 
ce  terme,  homme  d'esprit,  ne  peut  être  pris  en 
mauvaise  part,  el  bel  esprit  est  quelquefois  pro- 
noncé ironiiiuemeni.  D'où  vient  celle  différence? 
C'est  (\\i'homme  d'esprit  ne  signifie  pas  esprit 
supérieur,  et  que  bel  esprit  le  signifie.  Ce  mol 
homme  d'esprit  n'annonce  point  de  prétention,  et 
le  bel  esprit  esl  une  affiche.  C'est  un  art  qui  de- 
mande de  la  culture;  c'est  une  espèce  de  pro- 
fession, el  qui  par  là  expose  à  l'envie  et  au  ri- 
dicule. C'est  en  ce  sens  que  le  père  Bouhours 
aurait  eu  raison  de  faire  entendre,  d'après  le 
cardinal  du  Perron,  que  les  Allemands  ne  pré- 
tendaient pas  à  Vesprit;  parce  qu'alors  leurs  sa- 


ESS 

vants  ne  s'occupaient  guère  que  d'ouvrages  la- 
borieux et  de  ])énibles  recherches,  (jui  ne  por- 
metlaieiil  p;is  qu'on  y  icpandit  des  fleiiis,  (pi'on 
s'efforçât  de  briller,  et  que  le  bel  esprit  se  uièlât 
au  savant. 

Ceux  qui  nié|U'isent  le  ci'nied'AristoIe,  au  lieu 
de  s'en  tenir  a  coiukunner  sa  pliysique,  (pii  ne 
jtouvail  être  iwiuie,  étant  privée  d'ex|>ctienccs, 
seraient  bien  étonnés  de  voir  qu'Arislote  a  en- 
seigné i)arfaitenient  danssa  rliétoritiue  la  manièie 
de  dire  les  choses  avec  esprit.  Il  dit  que  cet  art 
consiste  a  ne  i)as  se  servir  siniplenient  du  mot 
propre,  qui  ne  dit  rien  de  nouveau  ;  mais  qu'il 
faut  eini)loyer  une  métaphore,  une  figure,  dont  le 
sens  soit  chiir  et  l'expression  énergique.  11  en 
rapporte  plusieurs  exemples,  et  entre  autres  ce 
que  dit  Périclcs  d'une  bataille  ou  la  plus  floris- 
sante jeunesse  d'Athènes  avait  péri:  L'année  a 
été  dépouillée  de  soti  pt-i/itemps.  Aristotc  a  bien 
raison  de  dire  (lu'il  faut  du  nouveau.  Le  premier 
qui,  pour  exprimer  que  les  plaisirs  sont  mêlés 
d'amertume,  les  regarda  comme  des  roses  accom- 
pagnées d'cpines,  eut  de  Vesprii.  Ceux  qui  le  ré- 
péîèreiil  n'en  neurenl  point. 

Ce  qu'on  appelle  esprit,  dit  encore  Voltaire, 
est  tantôt  une  comi)araison  nouvelle,  tantôt  une 
allusiou  fine;  ici  l'abus  d'un  mot  qu'on  présente 
dans  un  sens,  et  qu'on  laisse  entendre  dans  un 
autre;  la  un  rapport  délicat  entre  deux  idées 
peu  conuuuncs;  c'est  une  métaphore  singulière  ; 
c'est  une  recherche  de  ce  qu'un  objet  ne  pré- 
sente pas  d'abord,  mais  qui  est  en  effet  dans  lui  ; 
c'est  l'art  ou  de  réunir  deux  choses  éloignées,  ou 
de  diviser  deux  choses  qui  paraissent  se  joindre, 
ou  de  les  opposer  l'une  à  l'autre;  c'est  celui  de 
ne  dire  qu'a  moitié  sa  pensée  pour  la  laisser  de- 
viner. Mais  tous  ces  brillants  ne  conviennent  point 
ou  conviennent  fort  rarement  à  uu  ouvrage  sé- 
rieux et  qui  doit  iiitéresscr.  La  raison  en  est 
qu'alors  c'est  ''auteur  qui  paraît,  et  que  le  public 
ne  veut  voir  (pie  le  héros.  Or,  ce  héros  est  tou- 
jours ou  dans  la  passion,  ou  en  danger  I.e  dan- 
ger et  les  passions  ne  cherchent  point  l'esjn'it. 
Priam  et  Hccubc  ne  font  point  d'épigramuies, 
quand  leurs  enfants  sont  égorgés  dans  Troie 
cml)rasée;  Didon  ne  soupire  point  en  madrigaux, 
en  volant  au  bûcher  sur  lequel  elle  va  s'immoler; 
Démosiîiénes  n'a  point  de  jolies  pensées,  quand  il 
anime  les  Athéniens  à  la  guerre;  s'il  en  avait,  il 
serait  rluUeur,  et  il  est  homme  d'Étal.  {Dict.  phi- 
losophique) A'oyez  Clarté. 

Essai.  Subst.  m.  Voyez  Épreuve.  En  littéra- 
ture, ce  mot,  employé  dans  le  titre  de  plusieurs 
ouvrages,  a  différentes  acceptions.  11  se  dit  ou 
des  ouvr.^es  dans  lesquels  l'auteur  traite  ou  ef- 
fleure diiîérents  sujets,  tels  que  les  Essais  de 
Moiituigne,  ou  des  ouvrages  dans  lesquels  l'au- 
teur traite  un  sujet  particulier,  mais  sans  iiréten- 
drerapi)rofondir,  ni  l'épuiser,  ni  enfin  le  traiter 
en  forme  et  avec  tout  le  détail  et  toute  la  discus- 
sion (lu'il  peut  exiger. 

Essaim.  Sjibst.  m.  Delille  a  dit  un  essaim  de 
colombes  {Enéid.,  11,  697)  : 

Ainsi  qu'aux  sifflements  des  tempêtes  rapides 
S'attroupe  un  [aible  ettaim  de  colombes  timides. 

Il  a  dit  aussi  au  figuré  [Géorg.,  III,  89)  : 

L'n  esiiiim  de  douleurs  bientôt  nous  environne, 
La  tieillessc  nous  glace  et  la  mort  nous  moissonne. 

Essayer.  V.  a.  et  n.  de  lai"  conj.  11  se  con- 
jugue comme  payer.  Essayer.  A^n?,  le  sens  de  tâ- 
cher, faire  ses  efforts,  régit  tantôt  la  préposition 


ESS 


269 


a,  et  tantôt  la  préposition  A-.  Il  faut  mettre  de 
quand  le  sons  iii(li(|n(>  plus  particulièrement  les 
eflorts  mêmes  (juc  le  but  aucpiol  ils  tendent  ;  et  à, 
quand  le  sens  a  plus  de  ra|)port  au  but  (ju'aux 
cl  forts  :  Ua  homme  faible  et  va'étudinaire  essaie 
de  se  lever,  de  i-iarcher;  un  musicien  essaie  a 
joxier  un  air  difficile. 

Perdez  un  ennemi  d'autant  plus  dangereux, 
Qu'il  esaatra  sur  vous  o  combattre  contre  eux. 

(Uac,  Àndrom.,  acl.  I,  se.  Il,  29.) 
Eeiayex  sur  ce  point  à  la  faire  parler. 

(Corn.,  Hor.,  act.  I,  se.  i,  129.) 

"Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers,  on  essaie  de, 
on  s'essaie  à.  Cette  remarque  parait  contraire  à  ce 
iiuc  nous  venons  d'avancer;  mais  nous  avons 
pour  nous  le  vers  à." Andromuque  que  nous  ve- 
nons de  citer,  et  où  la  jH-cposition  à  nous  semble 
si  bien  placée,  (jue  nous  ne  croyons  |)as  qu'on 
puisse  y  substituer  tfe.— Dans  la  plupart  des  édi- 
tions de  Kacine  que  nous  avons  consultées,  on 
trouve  qu'il  s'cssuîra  sur  r^iis,  et  non  qu'il  cs- 
saîra  sur  vous.  Si  cette  leçon  est  la  bonne, 
rexemjjlc  cité  ne  peut  servir,  selon  nous,  qu'à 
prouver  la  justesse  de  la  remarque  de  Voltaire. 

EssE^TlEL,  EssEiVTiELLF..  Adj.  Ccl  adj.  ne  se 
met  qu'ai)iès  son  subst.  :  Une  chose  essentielle. 
Une  cause  essentielle.  Une  observation  essen- 
tielle. 

EssENTiELLESiENT.  Adv.  Il  pcut  sc  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  //  m'a  oblvié  essen- 
tiellement, il  vi'a  essentiellement  oblige  dans 
cette  circonstance . 

EssELLÉ,  Esseulée.  Adj.  11  sc  dit,  selon  l'Aca- 
démie, d'un  homme  qui  est  seul  et  sans  compa- 
gnie. On  ne  serait  pas  compris  si  l'on  s'en  servait 
aujourd'hui. 

Essor..  Subst.  m.  On  dit  bien  prendre  son  es- 
sor; mais  je  doute  qu'on  pni.sse  dire  avec  De- 
lille, abattre  son  essor  [Énêid.,  W,  48)  : 

Pédale,  de  Minos  fuyant  la  cruauté. 

Osa,  se  confiant  à  ses  rapides  ailes, 

Tenter  un  Vol  hardi  dans  des  roules  nouvelles; 

El,  vainqueur  fortune  des  vents  glacés  du  nord, 

Sur  les  remparts  de  Rome  aiattit  son  essor. 

Uessor  est  l'action  de  l'oiseau  partant  libre- 
ment i>our  s'élever  dans  les  airs.  Quand  il  part 
pour' s'élever  dans  les  airs,  il  n'est  f)as  encore 
élevé;  on  ne  peut  donc  pas  l'abattre.  On  a  trans- 
porté ce  mot  au  figuré,  et  l'on  dit  d'un  auteur  qui 
a  débuté  hardiment,  qu'/Z  a  pris  son  es5or;  d'un 
poêle  qui  commence  avec  liberlc,  (\\\'il prend  son 
essor.  On  dit  aussi /'6*.sô',r(/K  ye/i/e,  etc. 

EssuiE-MAiN.  Subst.  m.llsemblequel'on  devrait 
écrireau  s'mmWev essuie-mains ,  et  non  \)asessuie- 
main  ;  car  l'essuie-inaiii  est  un  linge  qui  ne  sert  pas 
seulement  à  essuyer  la  main,  maisles  mains. Cepen- 
dant, puisque  l'usage  veut  (|  ne  l'on  écrive  au  singu- 
lier essuie-main  sans*,  nous  ne  croyons  pas  qu'on 
doive  y  ajouter  un  s  au  pluriel;  car  plusieurs  es- 
suie-main essuient  les  mains  de  même  qu'un 
seul ,  et  si  main  se  met  au  singulier  pour  mains, 
il  doit  s'écrire  de  même  au  pluriel,  où  la  signifi- 
cation du  mol  viain  n'est  pas  changée.  Il  faut 
donc  écrire  Ac?,  essuie-main  ;  la  pluralité  tombe 
alors  sur  linge,  qui  est  sous-entendu,  et  non  sur 
essuie,  ni  sur  7/(«i/i.  L'Académie  ne  donne  point 
d'exemple  qui  puisse  faire  connaître  son  opinion 
sur  l'orthographe  de  ce  mot  comjiosé. 

Essuyer.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  on  conserve  l'y  de  l'infinitif, 
excepté  devant  un  e  muet  :  J'essuie,  tu  essuies, 
ils  essuient,  j'essuierai,  j'essuierais. 


^70 


EST 


Est.  Suhsl.  m.  L'orient.  On  prononce  le  t- 

EsTiiÉriQLE.  Siibst.  f.  On  entend  par  ce  mot  la 
philosophie  des  heaux-arts,  on  la  science  de  dé- 
duire de  la  natiito  du  goi'il,  la  théorie  générale 
et  les  rciiles  rondainentaies  des  leaux-arts. 

Ce  mol  vient  du  mol  grec  aisthésis,  qui  signi- 
fie le  sentiment.  Ainsi  l'esthétique  est  propre- 
ment la  science  des  sentiments,  le  grand  hul  des 
beaux-arts  est  d'exciter  un  vif  seniimenl  du  vrai 
et  du  bon.  Il  t'aul  donc  que  leur  théorie  soi(  fon- 
dée surcclle  des  sentiments  et  des  notions  confu- 
Si'S(iuc  nous  acquérons  a  l'aide  dos  sens. 

11  faut  ranger  Vestiiéti'/uc  au  nombre  des 
sciences  pliiloso[)hiques  qui  sont  encore  très-im- 
parfaites. 11  n'en  est  i|ue  plus  important  de  dcvo- 
loi)per  ici  le  plan  général  de  cette  nouvelle  science 
et  d'en  indiquer  les  parties. 

Le  premier  pas  était  de  fixer  le  but  et  l'essence 
des  bcaiix-arts;  ensuite,  après  s'ctro  convaincu 
que  ce  Imt  principal  est  de  s'assurer  l'empire  sur 
les  cœurs  à  l'aide  des  sensations  agréables  ou  dés- 
agréables, il  fallait  remontera  l'origine  du  senti- 
ment, déduire  de  la  nature  de  l'âme  ce  (pii  en 
consiitue  l'agrément,  ou  s'en  rapporter  aux  phi- 
losophes (lui  en  ont  traité. 

Cela  l'ait,  il  fallait  indiquer  les  diver-ses  classes 
d'objets  agréables  et  désagréa'olcs,  et  déterminer 
les  effets  qu'ils  produisent  sur  le  cœur,  c'est-à- 
dire  rechercher  en  quoi  consiste  le  beau  sensi- 
ble cl  l'énergie. 

Enfin  il  "fallait  traiter  sous  autant  d'arti- 
cles particuliers  toutes  les  diverses  es])èces  du 
beau  et  du  laid,  en  descendant  jusipi'aux  plus 
petites  subdivisions,  aussi  loin  tiue  la  théorie, 
combinée  avec  un  oxanien  attentif  des  ouvrages 
de  goùl,  |)ourrait  les  découvrir  ou  du  moins  les 
presseniir.  Tousccs  objets rassend^lés  formeraient 
la  partie  théorique  de  la  philosophie  des  beaux- 
arts. 

Dans  la  partie  pratique,  il  reste  à  indiquer  les 
divers  genres  des  beaux-arts,  en  fixant  l'étendue 
elle  caractère  particulier  de  chaque  genre,  comme 
de  la  poésie,  de  l'éloquence,  de  la  nmsiq'jc,  de  la 
peinture,  etc.  11  faut  en  même  temps  caractériser 
le  tour  de  génie,  le  goùl  naturel  et  acquis  que 
chaque  art  en  particulier  exige  de  la  part  de  l'ar- 
tiste, et  fiirc  connaître  ((uelssont  les  principaux 
moyens  de  léussir  dans  les  arts,  c'esl-à-dirc  le 
génie,  l'imagination,  l'invention,  le  goùtjl'enlhou- 
siasme,  etc. 

Chaque  classe  des  beaux-arts  produit  diverses 
espèces  d'ouvrages  qui  se  distinguent  enlre  elles 
par  leur  nature  propre  et  ]»ar  un  but  plus  [»réci- 
sémcnt déterminé.  Il  faut  donc  encore  caractéri- 
ser séparément  chaque  espèce  particulière.  Ainsi 
en  poésie,  par  exemple,  on  a  à  traiter  du  poëme 
épique,  du  lyrique,  du  didactique,  du  dramati- 
que, etc.  En  peinture,  on  a  à  distinguer  les  sujets 
histori(|ues,  allégoriques,  moraux,  elc.  ;  et  l'on 
doit  assigner  à  chaque  es|)èce  son  caractère  d'a- 
près des  principes  sûrs  et  bien  établis. 

De  ces  sources  découlent  enfin  les  règles  qu'on 
doit  suivre  dans  l'exécution  des  ouvrages  de  l'art. 
Ce  sont  ou  îles  règles  générales  (jui  concernent 
l'invention, la  disposition,  ou  l'ordonnance  et  l'en- 
semble, ou  des  règles  particulières  sur  le  choix, 
la  proportion,  l'harmonie  et  l'effet  déterminé  de 
chaque  partie. 

Telle  est  l'étendue  du  champ  que  Pesthéti(|ue 
doit  embrasser.  Cette  science  dirigera  l'artiste 
dans  l'invention,  l'ordonnance  et  l'exécution  de 
son  ouvrage.  Elle  guidera  l'amateur  dans  ses  ju- 
gements, et  le  mettra  à  portée  de  tirer  de  la  jouis- 


ET 

sance  des  productions  de  l'art  toute  l'ulilité  qui 
en  fait  le  viai  but  :  milité  qui  ne  tend  pa^:  a  moins 
qu'à  remplir  les  vues  de  la  philosophie  et  de  la 
morale.  (Extrait  de  la  Théorie  générale  des 
leaux-arts,  de  Sulzcr.  ) 

Estimable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit  des 
personnes  et  descluiv-cs,  et  peut  se  mettre  avant 
son  subst.  :  Un  auteur  esHmuhlc,  cet  estimable 
auteur.  A''oyez  Adjectif. 

Estime.  Subst.  1.  Corneille  a  dit  dans  iVtcomède 
(act.  II,  se.  m,  i\)  : 

El  TOUS  oflenserici  l'estime  qu'elle  en  fiil. 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  On  a  de 
Vestlme,  un  conçoit  de  Vcstinie,  on  sent  de  l'es- 
time. C'est  précisément  |)arce  qu'on  la  sent  qu'on 
ne  la  fait  pas.  Par  la  même  raison,  rm  sent  de  Va- 
mour,  de  l'amitié  ;  on  ne  fait  ni  de  l'amour  ni  de 
l'amitié.  {Remarques  sur  Corneille.) 

Ainsi  TOUS  nie  rendez  l'innocence  et  l'estime. 

(ConN.,  Rodog.,  act.  II,  se.  m,  115.) 

J^ous  me  rendez  Vcstime,  dit  Voltaire,  ne  peut 
se  dire  comme  vous  me  rendez  V innocence  ;  car 
l'innocence  appartient  à  la  personne,  et  l'estime 
est  le  sentiment  d'autrui  :  f^ous  me  rendez  mon 
innocence,  ma  raison,  mon  repos,  ma  ffldre; 
mais  non  pas  won  estime.  {Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

Estimer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  peut  joindre 
un  adjectif  à  s'estimer.  En  voici  des  exemples  : 
Je  ne  puis  vi  empêcher  de  m'estimer  heureuse. 
(Montesquieu,  VIP  lettre  persane.) 

Roxane  s'estimait  assez  récompensée. . . 

(Rac,  Baj.,  act.  III,  se.  iv,  29.) 

Estoc.  Subst.  m.  On  fait  sentir  le  c. 

Estomac.  Subst.  m.  On  ne  fait  pas  sentir  le  c. 

Et.  Conjonction  copulativc.  Cette  conjonction 
marque  l'action  de  l'esprit  qui  considère  sous  un 
même  rapport  les  mots  et  les  phrases  qu'elle  lie. 
On  ne  prononce  jamais  le  t,  même  quand  il  est 
suivi  d'une  voyelle.  C'est  pour  cela  qu'on  ne  met 
point  en  vers  un  et  devant  une  voyelle,  parce  que 
cela  ferait  un  hiatus. 

Les  mots  que  lie  celte  conjonction  doivent  être 
du  même  ordre,  c'est-à-dire  (ju'cUe  doit  lier  des 
substantifs  avec  des  substantifs,  des  adjectifs  avec 
des  adjectifs,  des  verl)es  avec  des  verbes,  des  ad- 
verbes avec  des  adverbes.  Ainsi  l'on  ne  peut  pas 
d'ivc  David  était  roi  et  prudent  ;  vous  aimez  la 
justice  et  à  gagner  de--;  batailles  ;  parce  (pie  dans 
la  première  [)hrasc  on  lie  un  substantif  avec  un 
adjectif,  et  dans  la  seconde,  un  substantif  avec  un 
verbe. 

Racine  a  dit  dans  Bajazet  (act.  I,  se.  i,  33)  : 

Amnrat  est  content,  si  nous  le  Touiont  croire, 
Et  semblait  se  promettre  une  heureuse  victoire. 

D'Olivet  doute  avec  raison  qu'on  puisse  passer 
ainsi  brusquement  du  présent  est  à  l'imparfait 
semblait.  Mais  du  moins  il  est  certain  que  le 
changement  de  temps  demandait  le  pronom  qui 
répète  le  sujet  :  Amurat  est  content,  et  il  sem- 
blait, etc. 

Il  arrive  souvent  que  la  conjonction  et  parait 
d'abord  lier  un  nom  à  un  autre  et  le  faire  dépen- 
dre d'un  même  verbe;  cependant,  (juand  on 
continue  de  lire,  on  voit  (pic  cette  conjonction 
ne  lie  que  les  propositions  et  non  les  mots.  Par 
exemple,  César  a  égalé  le  courage  d'Alexandre, 
et  son  bonheur  a  été  fatal  à  la  république  ro- 


ET 

maine.  Il  semMo  d'abord  que  bonheur  dépende 
Ùl^ égalé  aussi  bien  que  courage;  cependant  lon- 
heur  est  le  sujet  de  la  proposition  suivanle.  Ces 
sortes  de  consiruclions  rendent  les  phrases  lou- 
ches. 

Quand  il  ne  s'au'it  que  de  lier  plusieurs  mots 
ensemble,  on  ne  met  la  conjonction  qu'avant  \c 
dernier  :  L'esprit,  la  science  et  la  vertu,  sont 
les  véritables  biens  de  l'homme. 

Soupire,  étend  les  bras,  ferme  l'œil  et  s'endort. 

(Bon..,  Lutr.,  n,  164.) 

Lorsque  deux  adjectifs  précèdent  leur  sub- 
stantif, et  qu'ils  sont  assez  analoirucs  pour  qu'il 
soit  inutile  de  répélerrarli<-Ic  avant  le  second,  la 
conjonction  et  doit  remplacer  cet  article  :  La 
faible  et  timide  innocence. 

Mais  s'il  y  a  trois  adjectifs,  l'article  doit  élre 
répété,  et  là  conjonction  iio  doit  pas  être  em- 
ployée :  L'humble,  la  faible,  la  timide  inno- 
cence. 

Mais  quelquefois,  pour  donner  plus  d'énergie 
au  discours,  on  met  la  conjonction  même  avant 
le  premier  mot,  et  on  la  répète  avan'  tous  les  au- 
tres :  Je  l'ai  dit  et  à  lui  et  à  sa  femme  et  à  tous 
ses  amis. 

Une  coqueUe  uston  vrai  monslrt  à  fuir; 
Mais  une  femms  et  tendre  et  belle  et  sage, 
De  la  nature  estle  plus  bel  ouvrage. 

Dans  les  gradations  et  dans  les  phrases  où  l'on 
veut  peindre  avec  vivacité,  on  supprime  ordinai- 
rement la  conjonction  : 

L'aUelage  suait,  soufQail,  était  rendu, 
Uoinae,  femmes,  Tieiliords,  tout  était  descendu. 

(La  Fost.,  Ht.  TII,  fable  ix,  5.) 

Vaincu,  chargé  de  fers,  de  regrets  consumé. 

(Rac,  Ândrom.,  act.  I,  se.  iv,  61.) 

Je  le  vis,  je  rougis,  je  p$lis  à  sa  vue. 

(Rac,  Phèd.,  act.  I,  se.  m,  121.) 

Deux  verbes  joints  par  la  conjonction  et  peu- 
vent avoir  le  même  régiiTie  direct  :  Teslime  et 
je  respecte  la  rertir.  .Mais  si  les  deux  verbes 
étaient  joints  par  d'autres  conjonctions,  il  fau- 
drait donner  au  premier  verbe  le  nom  pour  ré- 
gime, et  au  second  un  pronom  qui  rap[ielât  ce 
nom  :  J'estime  autant  la  vertu  rjveje  la  respecte, 
et  non  pas  j'estime  autant  que  je  respecte  la 
vertu.  (Buflier.) 

La  conjonction  et  sert  à  unir  deux  proposi- 
tions affirmatives,  comme  la  rertu  cl  la  science 
sont  estimables;  ou  à  lier  une  proposition  affir- 
mative avec  une  proposition  négative,  coniuiejV 
plie  et  ve  romps  pas  ;  elle  diffère  en  cela  de  la 
conjonc^tion  jii,  qui  sert  à  lier  les  substantifs,  les 
adjectifs,  les  verbes  et  les  adverbes,  quand  la 
proposition  est  négative  :  Je  ne  veux  ni  L'un  ni 
Vautre.  La  conjonction  et  ne  se  multiplie  poini 
dansTénuméralion;  7u' s'y  multiplie  autant  de  l'ois 
qu'il  y  a  de  choses  auxquelles  on  veut  rendre  la 
négation  commune  :  Les  enfants  n'ont  ni  passé 
va  avenir,  mais  ils  jouissent  du  présent.  C'est  le 
sort  des  choses  humaines  de  n'être  ni  stables,  ni 
permanentes. — Lorsqu'il  y  a  plusieurs  verbes  qui 
se  suivent,  le  premier  n'est  point  précédé  de  ni. 
Je  ne  veux,  ni  ne  dois,  ni  na  puis  obéir. — Lors- 
que ni  est  répété,  on  supprime  toujours  ;na.y  et 
point.  On  ne  dit  pas  il  ne  faut  pas  être  ni  pro- 
di'ttc  ni  avare;  mais  Une  faut  être  ni  prodigue 


ÉTA 


i7l 


ni  avare.  Voltaire  a  repris  Corneille  d'avoir  dit 
dans  les  Horaces  (act.  III,  se.  iv,  48)  : 

Vous  ne  connaisseï  point  ni  l'amour  ni  ses  trait*. 

Quand  la  conjonction  ni  n'est  pas  répétée,  pas 
ou  point  peuvent  se  mettre  avec  ni.  Boileau  a 
dit  [sat.  x,  483)  : 

Ma  maison  ni  mon  lit  ne  sont  point  faits  pour  vous. 

Il  aurait  été  plus  correct  et  plus  conforme  à  l'u- 
sage de  dire,  ni  ma  maison  ni  mon  lit  ne  sont 
faits  pour  vous. 

On  trouve  souvent  et  au  lieu  de  /ndans  îles 
propositions  négatives,  et  ni  au  lieu  de  et  dans 
des  propositions  affirmatives.  Ce  sont  des  fautes 
qu'il  faut  éviter. 

Je  ne  connaissais  pas  Almanzor  vt  l'amour. 

(Roy,  Ballet  des  élément».) 

il  fallait: 

Je  TU  connaissais  pas  Almanzor  ni  l'amour, 

parce  que  la  phrase  est  négative. — De  même,  au 
lieu  de  dire  la  poésie  n'admet  pas  les  expressions 
et  les  transpositions  particulières,  il  faut  dire, 
avec  le  père  Buflier,  la  poésie  n'admet  ni  les  ex- 
pressions ni  les  transpositions,  etc.  Voyez  Ni, 
Cvp ula l if,  Disco nven ance. 

Ér.\LER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  le  sens  d'of- 
frir aux  yeux,  il  se  dii  dos  choses  qui  flattent  les 
regards  par  la  grandeur,  par  la  variété,  par  la 
ipompc,  par  la  magniflcence  :  Étaler  quelque 
chose  à  quelqu'un  : 

Quelle  gloire,  seigneur,  quels  triomplies  égalent 
Les  spectacles  pompeux  que  ces  bords  vous  étalent  t 
(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  i,  23.) 

État.  Subst.  m.  L'Académie  a  omis  la  défini- 
tion de  l'acception  générale  de  ce  mot.  État 
d'un  être  en  général,  c'est  la  coexistence  des 
modifications  variables  et  successives,  avec  les 
qualités  fixes  et  constantes.  Celles-ci  durent  autant 
que  le  sujet  qu'elles  conslitueni,  et  elles  ne  sau- 
ruieiit  souffrir  de  détriment  sans  la  destruction 
de  ce  sujet;  mais  les  modes  peuvent  varier  et  va- 
rient effectivement,  ce  qui  produit  les  divers 
étals  par  lesquels  passent  tous  les  élres  finis.  On 
distingue  Vétat  d'une  chose  eu  interne  et  externe. 
Le  premier  consiste  dans  les  qualités  changeantes 
intrinsèques;  le  second  dans  les  (jualilés  extrin- 
sèques, telles  que  sont  les  relations.  L'état  in- 
terne démon  corps,  c'est  d'être  sain  ou  malade; 
son  état  externe,  c'est  d'être  bien  ou  mal  vêtu, 
dans  un  lel  lieu  ou  dans  un  aulre.  L'usage  de 
celle  distinction  se  fait  surtout  sentir  dans  la  mo- 
rale, où  il  est  souvent  important  de  bien  distin- 
guer ces  deux  états  de  l'homme.  [Encyclipédie.) 

On  disait  auliefois  faire  étui,  pour  esliiner, 
faire  t:ii5,jc  fais  beauc^nip  d'état  de  cet  homme- 
là  ;\)QUV  présumer,  penser,/^  fais  état  qu'il  y  a 
là  vingt  mille  hommes;  pour  résoudre,  je  fais 
état  de  venir  en  tel  temps,  de  partir  tel  jour; 
pour  être  assuré,  faites  état  de  cette  somme,  fai- 
tes état  que  vous  aurez  cette  somme  dajis  quinse 
jours.  Toutes  ces  façons  de  parler  ont  vieilli. 

Avei-vous  su  l'état  qu'on  fait  de  Curlaceî 

fCoBW.,  Hor.,  ad.  II,  se.  IT,  I.) 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers,  Vétat  ne  se 
dit  plus,  et  je  voudrais  qu'on  le  dit.  Noire  langue 


272 


ETE 


n'est  pas  assez  riche  pour  bannir  tant  de  termes 
dont  Corneille  s'est  servi  heureusement.  (/îe- 
marques  sur  Corneille.) 

ÉTAiER.  y.  a.  de  la  4"oonj.  Il  se  conjugue 
isommo  payer.  Voyez  ce  mut. 

Éteindre.  V.  a.  de  la  4'  conj.  Voltaire  a  dit 
{OEd.,  act.  I,  se.  m,  30)  : 

Vous  éteignez  l'encens  que  tous  brùliei  pour  eux. 

On  dit  éteindre  la  tendresse ,  éteindre  la 
haine  : 

Et  les  soins  de  la  guerre  auraient-ils  en  un  jour 
Eteint  dans  tous  les  cœurs  la  tendresse  et  l'amour? 
UaC,  Iphig.,  act.  H,  se.  iii,  36.) 

Ettignex  dans  mon  sang  votre  inhumanité. 
(Volt.,  Orphelin  de  la  Chine,  act,  V,  se.  iv,  12.j 

La  Harpe  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  On  ne  peut, 
en  aucun  sens,  éteindre  l  inhumanité.  On  n'é- 
teint que  ce  (jui  offre  des  rapports  avec  l'éclat,  le 
feu,  la  lainière,  etc.  [fours  de  littérature.)  Ce- 
pendant Racine  a  dit  éteindre  la  tendresse,  et 
la  tendresse  n'a  de  nijjport  ni  avec  éclat,  ni 
avec  feu,  ni  avec  luiiiicrc.  Nous  croyons  qu'on 
peut  dire  éteindre  l'inhumanité ,  comme  on  dit 
éteindre  la  tendresse,  ctcindre  la  haine. 

Etendard.  Subsl.  m.  L'Académie  dit  au  figu- 
ré, suivre  les  étendard.',-  de  quelqu'un  ;  se  ranger 
sous  les  étendards,  comhuttre  sous  les  étendards 
de  quelqu'un,  pour  dire  embrasser  son  parti. 
On  dit  aussi  dans  le  même  sens,  porter  les  éten- 
du rds  : 

Le  Dieu  don!  j'ai  porté  les  sacrés  étendard». 

(Volt.,  ifahom.,  act.  II,  se.  I,  47.) 

Étendre.  V.  a.  de  la  4'  conj.  Voici  des  accep- 
tions du  verbe  étendre,  que  l'on  cherche  en  vain 
dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  : 

Quand  la  mort  sur  le  trône  étend  ses  rudes  coups. 
(Volt.,  Henr.,  VI,  2.) 

Je  yais,  sur  les  vaincus  étendant  mes  secours, 
Consoler  leur  misère  et  veiller  sur  leurs  jours. 

(Volt.,  Alz.,  act  IV,  se.  i,  7.) 

Et  sa  bonté  s'étend  sur  toute  la  nature. 

(Rac,  Ath.,  act.  II,  se.  vu,  32.) 

Sur  la  face  des  eaux  t'élend  la  nuit  profonde. 

(Delil.,  ÉneïcJ.,  I,  133.) 

D'un  peuple  d'assassins  les  troupes  effrénées. 
Par  devoir  et  par  zèle  au  carnage  acharnées. 
Marchaient  le  fer  en  main,  les  yeux  élincelants. 
Sur  les  corps  étendus  de  nos  frères  sanglants. 

(Volt.,  Ilenr.,  II,  249.) 

Éternel,  Éternelle.  Adj.Cetadjcclifest  un  de 
ceii.x  qui,  exprimant  une  qualité  absolue,  ne  sont 
pas  susceptibles  dccomparaison  soit  en  plus,  soit 
en  moins.  Une  chose  ne  peut  pas  èirc  plu  s  éter- 
nelle ou  moins  éternelle  (pj'une  aulre.  —  Cet  adj. 
peut  se  mettre  avant  son  subst.,  même  en  prose  : 
Un  bonheur  éternel,  un  éternel  bonheur;  vn 
amour  éternel,  vn  éternel  amour.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Eternellement.  Adv.  Il  se  jilace  toujours 
après  le  verl)e,  et  jamais  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  Cela  durera  éternellement. 

ÉTERNISER.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Voltaire  a  dit 
éteriiiser  l'enfance  de  quelqu'un,  pour  dire  la 
prolonger  : 


ETO 

D'abord  sa  politique,  assurant  sa  puissance. 
Semblait  d'un  Gis  docile  éterniser  l'enfance. 

(Volt.,  Henr.,  II,  77.) 

Éternité.  Subst.  f.  Il  n'a  point  de  pluriel. 
Corneille  lui  en  a  donné  un  dans  ces  vers  d'//e- 
raclius  (act.  III,  se.  i,  429)  : 

Ah!  combien  ces  moments  de  quoi  vous  me  llatlei. 
Alors  pour  mon  supplice  auraient  d'ctemitéi  ! 

On  n'a  jamais  vu  dans  aucune  langue,  dit  à  ce 
sujet  Auliaire,  mettre  le  mot  d'éternité  au  plu- 
riel, excepté  dans  le  dogmaiitpic,  (|uand  on  dis- 
tingue mal  à  propos  l'érernité  [>;isséc  et  l'éternité 
a  venir,  comme  lorsque  Platon  dit  que  notre  vie 
est  vn  point  entre  deux  éternités.  Ilemarquez 
encore  (pi'on  ne  peut  dire  les  moments  de  quoi 
vous  me  flattez,  cela  n'est  pas  français  :  il  faut 
iVirc.  dont  vous  me  flattez.  (Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

Étincelant,  Étincelante.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Des  yeux  élincelants. 

Rapporter  à  mes  yeux  son  image  sanglante. 
D'amour  et  de  fureur  encore  étincelante. 

(Corn.,  Rodog.,  act.  III,  se.  m,  17.) 

VoltP.ire  dit  au  sujet  de  ce  vers,  on  dirait  bien  je 
crois  le  voir  étincelant  de  courroux;  mais  ce 
n'est  pas  l'image  (jui  est  encore  animée.  De  plus, 
on  n'étincelle  point  d'amour.  {Remarques  sur 
Corneille.) 

Étinceler.  V.  n.  de  la  1"  conj.  On  double  la 
lettre  l  dans  les  temps  de  ce  verbe  où  cette  lettre 
est  suivie  d'une  n\uci,j'étincelle,j'étinccllcrai, 
il  étincellera,  il  étincellerait ;  on  ne  met  (]u'un  / 
lorsque  celte  lettre  est  suivie  de  toute  autre  lettre 
qu'un  e  muc[,  j'étincelais,  j'ai  étincelé,  ils  étin- 
celèrent. 

Etincelle.  Subst.  f.  Selon  l'Académie,  il  se 
dit  figurément,  surtout  en  parlant  de  l'esprit,  de 
1  âme  :  Il  n'a  pas  une  étincelle  d'esprit,  de  cou- 
rage. —  Il  a  au  figuré  une  signification  plus 
étendue  : 

De  la  divinité  les  vives  étincelles 

Étalent  sur  son  front  des  beautés  immortelles. 

(Volt.,  Henr.,  IV,  523.) 

Ah',  si  jcimais  ta  nation  cruelle 
Avait  de  tes  vertus  montié  quelque  étincelle. 

(Volt.,   Alz.,  act.  II,  se.  il,  41.) 

Étoile,  Etoilée.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subsl. 

Etonnant,  Étonnante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
étonner.  On  peut  le  ineitre  avant  son  substantif 
lorsque  l'analogie  et  rbarinoiiic  le  permettent  : 
Des  succès  étonnants,  d'étonnants  succès. 

ÉTONNER.  V.  a.  de  la  !■'''  conj.  \  oltaire  a  dit 
dans  Sémiramis  (act.  \ ,  se.  i,  3)  : 

La  nature  étonnée  à  ce  danger  funeste.  . . . 

La  Harpe  a  dit  à  l'occasion  de  celle  expression, 
on  dit  étonné  de,  et  non  pas  étonné  it,  si  ce  n'est 
dans  cette  phrase,  étonné  ci  la  vue,  à  l'aspect;  et 
il  est  évident  qu'étonné  ci  ce  danger  fi\ami\c étonné 
à  lu  vue  de  ce  danger.  Ici  la  précision  |»oétiquc 
est  dans  tous  ses  droits.  {Cours  de  littérature.) 
Voltaire  a  dit  dans  la  Mort  de  César  (act.  Il, 
se.  m,  5)  : 

Notre  àme  incorruptible  étonne  ses  desseins. 

I      Ce  verbe  demande  le  subjonctif  à  la  proposi- 


ÉTR 

tion  subordoiiiice  :  Je  in  étonne  que  vous  n'ayez 
pas  prévu  cet  accident, je  ne  m  étonne  plus  qu'il 
craigne  de  me  roù-.— Dans  les  phrases  inlcrroga- 
lives,  on  mol  (lueliiuerois  si  au  lieu  de  que,  cl 
alors  le  verbe  de  la  i>hrase  subordonnée  resle  à 
l'indicalif:  Faut-il  s'étonner  s'i\s  ne  sont  point 
aimés,  puisqtiils  n'aiment  nen  que  leurs  gran- 
deurs et  leurs  plaisirs?  {¥éne\.,  Télém.,  liv. 
XllI,  l.  Il,  p.  94.)  On  dil  aussi  ne  vous  étonnes 
pas  si  j'en  use  de  la  sorte. 

JÉTOLFFANT,  ËTOUFFAKTK.  Âdj.  Ycrbal  lifc  du  V. 
étouffer.  11  se  inel  ordinaircnicnl  après  son  sub- 
slaniif;  ccpendanl  il  pourrait  iiutiquelois  le  pré- 
céder, surtout  au  rcniinin  :  Les  étouffantes  cha- 
leurs nov s  empêchèrent  de  continuer  notre  route. 
A  oyez  Adjectif. 

ÊTotFFEii.  V.a.  de  lal"^^'  conj.  L'Académie  ne 
le  dil  au  propre  que  dans  le  sens  de  suffoquer, 
faire  perdre  la  ros|)iralion,  la  vie.  Ce  verbe  au 
propre  a  une  signilieation  plus  clendue.  11  signi- 
fie sui)prinicr  la  connnunicaiion  avec  l'air  libre. 
On  dil  étouffer  le  feu  dans  un  fourneau.  On  dit 
au  figuré,  étouffer  la  révolte  de  ses  sens,  étouffer 
le  courroux,  la  haine. 

Tu  sais  qu'à  mou  devoir  tout  euliére  attachée, 
TétouffaU  de  mes  sens  la  révolte  cachée. . . . 

(YoLT.,  OEd.,  act.  II,  se.  Il,  41.) 

Tant  de  coups  imprévus  m'acohblent  à  la  fois. 
Qu'ils  m'àteot  la  parole  et  m'étouffent  la  voix. 

(lUc,  Phid.,  acl.  IV,  se.  il,  45.) 

Ses  malhears,  lui  dit-il,  ont  étouffé  nos  haines. 

(Volt.,  Heur.,  I,  349.) 

La  paix  a  dans  son  cœur  étouffé  son  courroux. 

[Idem.  VI,  549.) 


Etourdi,  Êtoirdik.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  étourdi,  une  femme 
étourdie. 

£tolrdiment.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe  : 
Agir  étourdinient. 

Étourdissant,  Étourdissante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  étourdir.  Il  se  met  après  son  subst.  :  Un 
bruit  étourdissant. 

Étrange.  Adj.  des  deux  genres.  L'Académie 
définit  ce  mot,  ce  qui  n'esû  pas  dans  l'ordre 
et  dans  l'usjige  communs.  Celle  définition  ne 
convient  p<iinî  au  mol  étrange i  ce  qui  n'est 
pas  dans  l'ordre  commun  est  désordonné ,  dé- 
réglé, et  sans  ordre.  Ce  qui  n'est  pas  dans  l'u- 
sage commun  est  extraordinaire.  Etrange  se  dil 
de" ce  qui  esl  ou  nous  parait  contraire  aux  no- 
tions que  nous  nous  sommes  formées  des  choses, 
d'après  des  expériences  bien  ou  mal  faites.  Ce 
qui  paraît  étrange  à  l'un  ne  le  parait  point  à 
l'autre;  et  ce  que  nous  regardons  quelquefois 
comme  étrange  est  très  -  conforme  a  l'ordre. 
<juand  nous  disons  d'un  homme  qu'il  est  étranne, 
nous  entendons  que  son  action  n'a  rien  de  com- 
mun avec  celle  que  nous  croyons  qu'un  homme 
sensé  doit  faire  en  pareil  cas;  de  là  vient  que  ce 
qui  nous  semble  étrange  dans  un  temps,  cesse 
quelquefois  de  nous  le  parailre  quand  nous  som- 
mes mieux  instruits.  Une  affaire  étrange  est 
celle  qui  nous  offre  un  concours  de  circonstances 
auquel  on  ne  s'allendail  point  ,  moins  parce 
qu'elles  sont  rares,  que  parce  qu'elles  ont  une 
apparence  de  contradiction.  Car  si  les  circon- 
stances étaient  rares,  l'affaire,  au  lieu  d'éire 
étrange,  serait  élonuante,  surprenante,  singu- 
ù;re,  elc.  Cet  adj.  se  met  souvent  avant  son 


ÈTR 


27b 


subst.  :  Étrangehomme,  étrangehumeur, étrange 
affaire,  étrange  aveuglement  ;  un  humme  étrange, 
une  humeur  étrange.  Voyez  Adjectif. 

Étrangement.  Adv.  11  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  [larlicipe  :  Il  s'est  étrangement 
trompe,  il  s'est  trompé  bien  étrangement. 

Étranger,  Étrangère.  Adj.  Kn  prose,  il  ne  S€ 
inel  qu'après  son  subst.  :  Climats  étrangers,  lan- 
gue étrangère.  Karine  l'emploie  dans  un  sens 
(jue  l'Académie  n'indique  poinl  : 

David  m'est  en  horreur,  elles  fils  de  ce  roi, 
Quoique  nés  de  mon  sang,  sont  étrang-rB  pour  moi. 
[Ath.,  acl.  II,  se.  Yii,  115.) 

On  dit  aussi  il  est  étranger  à  toute  espèce  cPitf 
trigue,  il  est  étranger  dans  ce  pays. 

Étrangir.  V.  a.  delà  1"  conj.  Il  signifie,  se- 
lon l'Académie,  chasser  d'un  lieu,  faire  éloigner 
d'un  lieu,  désaccoulumcr  d'y  venir  :  Les  rats, 
les  vioincaux  ont  étrange  les  pigeons  du  colom- 
bier. Elle  ajoute  qu'il  se  dil  familièrement  des 
personnes  :  Il  a  su  étranger  les  imp  rtuns  qui 
venaient  chez  lui;  Cl  qu'il  Se  met  aussi  (pielque- 
fois  avec  le  pronom  personnel:  Le  gibier  s'est 
étrange  de  cette  plaine. — Il  n'est  usité  dans  au- 
cun sens. 

Étrangeté.  Subst.  f.  On  disait  anciennement 
estrangeté.  Vieux  mol  qui  signifiait  merveille, 
rareté,  nouveauté,  chose  élonnanlc,  extraordi- 
naire. «  Si  le  plus  grand  de  tous  los  défauts,  dit 
La  Harpe  dans  son  Cours  de  littérature,  esl  de 
ne  pouvoir  pas  êlrc  lu,  quel  reproche  peut-on 
nous  faire  d'avoir  oublié  les  vers  de  Ronsard, 
tandis  que  les  amateurs  savent  par  cœur  plu- 
sieurs morceaux  de  Marot  et  de  Sainl-Gclais,  qui 
écrivaient  tous  doux  trente  ans  avant  lui?  C'est 
qu'en  effet  il  n'y  a  pas  quatre  vers  de  suite  qui 
puissent  êlre  reicnus,  grâce  à  l'étrangeté  de  sa 
diction  [s'il  m'est  permis  de  me  servir  de  ce  mot 
nécessaire,  et  que  l'exemple  de  plusieurs  écri- 
vains de  nos  jours  devrait  avoir  déjà  consacn^.  » 
[Cours  de  litt..  Il' part.,  liv.  I,  ch.  i,  t.  iv,  p.  77  ) 

Être.  V.  auxiliaire  el  substantif.  Pour  sa  con- 
jugaison, voyez  Auxiliaire. 

Comme  verbe  substantif,  il  sert  à  marquer  la 
liaison  que  nous  faisons  dans  notre  esprit  de  deux 
termes  d'une  proposition,  c'esl-à-dirc  du  sujet  et 
de  l'allribut,  Pierre  est  bon  ;  el  par  l'analyse,  on 
le  retrouve  dans  tous  les  verbes  adjectifs  :  Pierre 
aime,  c'est-à-dire  Pierre  est  aimant. 

Le  verbe  être  esl  auxiliaire  lorsqu'il  se  joint 
au  participe  passé  d'un  aulrc  verbe,  jiour  en 
former  les  temps  composés,  comme  je  suis  aimé, 
j'étais  tombé,  etc.  Hors  de  la,  c'est  un  verbe 
substantif,  c'est-à-dire  qu'il  ne  signifie  que  l'af- 
firmation, sans  aucun  attribut  ;  à  moins  qu'avec 
l'affirmation  il  ne  renferme  le  plus  général  de 
tous  les  attributs,  (jui  est  l'être,  comme  dans 
celle  phrase  :  Corneille  était  du  temps  do  liacine, 
c'est-à-dire  existait  du  temps  de  Racine. 

L'auxiliaire  être  sert  à  conjuguer  les  \erbes 
passifs  dans  tous  leslemps  :  Etre  aimé,  il  est  aime, 
il  était  aimé;  les  temiiS  conqKisi'S  des  verbes 
pronominaux,  et  la  plui)art  des  verbes  neutres  : 
Je  me  suis  blessé,  j'étais  arrivé,  il  est  sorti, 
etc. 

Quand  le  verbe  être  est  em[)Ioyé  comme  verbe 
impersonnel  avec  des  adjectifs  eu  des  substan- 
tifs, il  rédl  de  avec  l'infinitif,  ou  i/ve  avec  le 
subjonctif:  //  est  bon,  il  est  vtile  do  faire,  de 
dire,  etc.;  ou  que  je  fasse,  (pic  je  dise,  etc.  Le 
oremier  est  ordinairement  préférable. 

18 


874 


ÉTY 


On  dit  U  est  des  hommes  qui,  ou  il  y  a  des 
hommes  qui.  Ces  deux  façons  de  parler  sonl  ad- 
mises en  prose  ;  mais  la  dcniicrc  n'csl  |)as  souf- 
ferte en  vers,  à  cause  do  l'Iiialus.  Voyez  II. 

On  dilcVs<  au  maître  à  parler,  c'est  au  dis- 
(~iplc  d'écouter.  Les  çraniinairiens  disent  que  de 
vaut  mieux  quand  le  verhe  commence  par  une 
voyelle  ;  Cest  à  nous  d'obtir,  et  non  pns  à  nbrir. 
Nous  ne  saurions  croire  que  la  raison  cle  l'iiialus 
soit  la  seule  qui  doive  déterminer  l'emploi  de 
deux  prépositions  qui  expriment  des  rapjjorts  si 
diffcrcnls.  Il  nous  semble  qu'il  faut  emiiloyer  à 
lorsqu'il  s'agit  d'une  action  a  faire  par  le  sujet,  et 
de  lorsque  lo  sujet  ne  doit  pas  agir,  mais  rester 
seulement  dans  un  état  passif.  Ainsi  l'on  dit  bien 
c'est  au  maître  à  parler,  parce  qu'il  est  question 
d'une  action  que  doit  faire  lo  mailie;  c'est  au 
disciple  d^écnuter,  parce  que  le  disciple  doit  res- 
ter dans  un  état  passif;  dans  ce  dernier  cas,  le  de 
n'est  pas  mis  pour  éviter  l'hiatus,  mais  poijr 
marquer  l'état.  On  ne  dirait  pas  c'est  au  disciple 
à  se  taire;  il  faut  dire  efe  se  taire.  Je  conviens 
qu'on  doit,  autant  que  l'on  peut,  éviter  les  hia- 
tus; mais  il  ne  faut  i)as  le  faire  aux  dépens  de 
la  nature  des  prépositions.  H  vaut  mieux  cher- 
cher im  autre  tour. 

.Avec  la  nrgation,  est  se  met  quelquefois  à  la 
tête  de  la  phrase  et  avant  le  sujet  :  N'est  pas 
toujours  gaiquireut. 

On  dit  ce  qui  est  certain,  et  ce  qu'il  y  a  de 
certain.  La  préposition  de  est  nécessaire  avec  ce 
qu'il  y  n  ;  elle  serait  de  trop  avec  ce  qui  est. 

On  dit  être  d'une  simplicité,  d'ujie  bêtise, 
d'u?ie  curiosité,  etc.  Les  habitants  de  Paris  sont 
d'une  curiosité  qui  va  jv.iquà  l'extravagance. 
(Montesquieu,  XXX*  lettre  persane.) 

Étheime.  Subst.  L  L'Académie  ne  le  met 
qu'au  propre.  Les  meilleurs  écrivains  l'ont  em- 
ployé au  ligure  : 

Et  du  nœud  de  l'iiynien  Yétreinte  dangereuse 
Me  rend  infortuné,  s'il  ne  tous  rend  heureuse. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  I,  se.  ii,  57.) 

Étroit,  Étroite.  Ailj.  Il  se  met  avant  le  subst. 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Un  chemin  étroit,  une  rue  étroite;  des  bas 
étroits,  des  souliers  étroits  ;  utie  étroite  alliance, 
une  étroite  amitié;  tine  étroite  v.iiion,  une  v?iio?i 
étroite;  une  liaison  étroite,  une  étroite  liaison. 
\oy(iz  yidjectif. 

ÉTRoiTKMi.NT.  Adv.  Il  pout  sc  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  élroitcvtent 
attaché  à  la  règle.  On  lui  a  étroitement  défendu 
de... 

Êtdde.  Subst.  f.  Voltaire  a  dit  dans  la  Mort 
de  César  (act.  II,  se.  v,  6)  : 

T.i  fièrc  ingratitude 
Se  failHe  m'ollcnscr  une  farouclie  étude. 

ÉTDDiF.R.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  dit 
étudier  un  homme,  étudier  les  inclinations  du 
prince,  étudier  le  monde.  —■  On  dit  aussi  étudier 
te  cœur  de  quelqu'un  : 

J'étudiai  leur  cœnr,  je  flattai  leurs  Caprices. 

(Rac,  Ath.,  act.  HI,  se.  III,  76.) 

ÉTYMOt.oGiE.  Subst.  f.  Origine  d'un  mot,  dé- 
rivation d'un  mot.  Le  mot  d'où  vient  un  autre 
mol  s'appollo  primitif,  et  celui  qui  vient  du  pri- 
mitif s'aiipclle  dérive.  On  donne  quelquefois  au 
primitif  mcmo  le  nom  A'élymologie  ;  ainsi  l'on  dit 
(\\Xftpater  est  l'étymolosie  de  père.  L'Académie 
n'?  Doint  indiquécetle  acception. 


EUP 

Étymologique.  Adj.  des  deux  genres,  qui  se 
met  toujours  après  son  subst.  On  appelle  art 
étymologique,  l'art  de  remonter  à  la  source  des 
mots,  de  débrouiller  la  dérivation,  l'altération  et 
le  déguisement  de  ces  inéincs  mots,  de  les  dé- 
pouiller de  ce  qui,  pour  ainsi  dire,  leur  est 
étranger,  de  découvrir  les  changements  qui  leur 
sont  arrivés,  et  par  ce  moyen  de  les  ramener  à 
la  sinq)licilé  de  leur  origine. 

Eu.  Il  y  a  qucliiues  observations  à  faire  sur 
ces  deux  lettres  (]ni  se  trouvent  l'une  auprès  de 
l'autre  dans  l'écriture  :  1"  Eu,  (juoique  écrit  par 
deux  caractères,  ninditiuc  ([u'un  son  .simple 
dans  les  deux  syllabes  du  mol  heureux.  La 
Grammaire  générale  de  Porl-Rjyal  a  remarqué 
il  y  a  long-lemps  que  eu  est  un  son  simple, 
qu'oitpie  nous  l'écrivions  avec  deux  voyelles. 
Car  ce  qui  fait  la  voyelle  c'est  la  simiilicitc  du 
son  et  non  la  manière  de  désigner  le  son  par  une 
ou  plusieurs  lettres.  Les  Italiens  désignent  le  son 
ou  par  le  simple  caractère  v,  ce  qui  n'empêche 
pas  que  ou  ne  soil  (également  un  sun  simple  soil 
en  italien,  soit  en  français.  Dans  la  diphlhongue, 
au  contraire,  on  entend  le  son  particulier  de  cha- 
que voyelle,  quoiijue  ces  deux  sons  soient  énon- 
cés par  une  seule  émission  de  voix  ,  i-é, 
pitié;  u-i,  nuit,  bruit,  fruit;  au  lieu  que  dans 
feu  vous  n'entendez  ni  \'e,  ni  Vu;  vous  enten- 
dez un  son  particulier  tout  a  fait  dilférenl  de 
l'un  et  de  l'autre  ;  el  ce  qui  fait  écrire  ce  son  par 
deux  caractères,  c'est  qu'il  est  formé  par  une  dis- 
position d'organes  à  peu  près  semblable  à  celle 
qui  forme  \'e  et  a  celle  qui  forme  1'»/.  2"  Eu,  par- 
ticipe passif  du  verbe  avoir,  a  subi  plusieurs 
variations  dans  l'orthographe.  On  a  écrit  heu, 
puis  simplement  u;  (Milin  on  écrit  communément 
en,  ce  qui  a  donné  lieu  de  i)rononcer  e-u,  usage 
qui  s'était  établi  à  la  cour  de  Louis  XIV,  m.ais 
qui  n'a  jamais  été  général.  Aujourd'hui  le  bon 
usage  veut  qu'on  prononce?/,  comme  s'il  n'y  avaii 
ijn'iin  u.  3"  Ett  s'écrit  œu  dans  a'uvre,  .^œur, 
bœuf,  œuf.  On  écrit  comiTiunément  œil,  el  l'on 
prononce  euil.  Voyez  Diphllwngue. 

EucnAiiisTiE.  Subsl.  f.  Ch  se  prononce  comme 
k,  el  /z  garde  sa  prononciation  naturelle. 

F(  PHÊMisME.  Subst.  m.  C'est  une  figure  par 
lafiuelle  on  déguise  des  idées  désagréables,  odieu- 
ses ou  tristes,  sous  des  noms  qui  ne  sont  point 
les  noms  propres  de  ces  idées;  c'est  ainsi  que 
nous  disons  le  maître  des  hautes  œuvres,  pour 
ne  pas  dire  le  bourreau.  C'est  ainsi  que  nous  di- 
sons à  un  pauvre  qui  nous  demande  l'aumône. 
Dieu  vous  assiste.  Dieu  mus  bénisse,  plutôt  que 
de  dire /e  n'ai  rien  a  vous  donner.  Stiuvent,  pour 
congédier  qucliiu'iin,  on  lui  dit  voilà  qui  est 
bien,  je  vous  remercie,  au  lieu  de  lui  dire  o//es- 
vous-en. 

EcPHOKiE.  Subsl.  f.  Mot  emprunté  du  grec,  et 
qui  signifie  prononciation  facile,  agréable.  Cette 
facilité  de  prononciation  donl  il  s'agit  ici  vienl  de 
ia  facilité  du  mécanisme  des  organes  de  la  pa- 
role. Par  exemple,  on  aurait  de  la  peine  à  pro- 
noncer 7na  âme,  ma  épée  ;  on  prononce  plus 
aisément  mon  âme,  mon  épée.  De  même  on  dit 
par  euphonie,  mon  amie,  el  même  m'umie,  au 
lieu  de  ma  amie. 

C'est  par  la  raison  de  celle  facilité  dans-  la 
prononciation  (jue,  pour  éviter  la  peine  qtie  cause 
l'hiatus  ou  bâillement,  lors(iu'un  mol  finit  par 
une  voyelle  el  que  celui  qui  suit  connnence  pa-- 
une  voyelle,  on  insère  quelquefois  entre  ces  deu' 
voyelles  ccitaines  consonnes  y\\n  mettent  pius 
de  liaison  dans  les  mois,  et  par  conséquent  plus 


EUX 

de  facilité  dans  le  jeu  îles  organes  de  la  parole. 
Ces  consonnes  soûl  appelées  Icilrcs  ev  phonique  s. 
C'est  ainsi  que  l'on  dit  m'aimet-il,  diia-t-on,  au 
lieu  de  wi '«me  (7  ?  dira  on?  Le  t  est  la  lollie 
euphonique;  il  doit  èlre  entre  deux  tirets,  et  non 
entre  un  tiret  cl  une  aiwslroplic,  parce  qu'il  n'y 
a  point  de  lettre  supprimée.  Mais  il  faut  écrire 
va-t'en,  parce  que  le  t  représente  le  singulier  de 
vous  ;  on  dit  ru-t'en  comme  on  dit  allez-vous- 
en,  allons-nous-en. 

On  est  un  abrégé  de  homme  ;  ainsi  comme  on 
dit  l'homme,  m  dit  aussi  l'on  :  Si  l'on  veut.  Le  l 
interromiil  le  bâillement  que  causerait  la  rencon- 
tre des  deux  vuyelles  i  o. 

S'il  y  a  des  occasions,  dit  Dumarsais,  où  il  sem- 
ble que  l'euphonie  fasse  aller  contre  l'analogie 
grammaticale,  on  doit  se  souvenir  de  cette  ré- 
flexion de  Cieéron,  que  l'usage  nous  autorise  à 
préférer  Terq^honie  à  lexactilude  rigoureuse  des 
règles. — Jsous  convenons  de  la  justesse  de  la  ré- 
flexion pjur  les  cas  où  il  ne  s'agit  que  de  quelque 
accident  grammatical,  comme  mon  amitié,  mon 
^pée,  au  lieu  de  ma  amitié,  ma  épée  ;  m:ds  nous 
n'en  convenons  pas  si  l'on  veut  eu  inférer  (jue  l'eu- 
phonie peut  autoriser  à  changer  la  nature  des 
mots,  et  à  employer,  par  exemple,  au  lieu  d'une 
préposition,  une  autre  préposition  qui  a  un  rap- 
port tout  différent, comme  à  pour  <//v  ou  de  pour  a. 

EuPHOMQCE.  .\dj.  des  deux  aenres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subsL  Yoyez  Evphonie. 

EoROPÉKîs,  EoRupÉENNt.  Adj.  11  sc  met  toujours 
après  son  subst.  :  Les  nations  européennes,  les 
mœurs  européennes.  "S'oltaire  disait  européen, 
européane;  mais  l'usage  n'a  point  adopté  cette  lo- 
cution, et  l'on  dit  généralement  européen. 

Eux.  Pronom  de  la  3''  personne,  m.  pi.  C'est  le 
pluriel  de  lui;  mais  il  ne  s'emploie  pas  comme 
son  singulier  eu  régime  indirect;  on  y  supplée  par 
le  pronom  leur,  qui  se  dit  au  masculin  et  au  fé- 
minin. Voyez  Leur. 

Eux  se  met  toujours  après  le  verbe.  Souvent 
il  est  précédé  d'une  préposition,  et  alors  il  est  le 
terme  du  ra|ipori.  S'il  n'en  est  pas  précédé,  il  est 
le  sujet  d'une  proposition.  Dans  ce  dernier  cas, 
il  ne  se  met  jamais  seul,  et  est  suivi  ou  d'un 
autre  substantif  ou  de  l'adjectif /«(?me  :  //*  souf- 
frent hcuuconp  eux  et  leurs  enfants,  c'esl-à-dirc, 
eus  et  letirs  enfants  souffrent  beaucoup;  ils  le 
disent  cu.r-mêmes. —  «  Il  est  cependant  certaines 
I)lirascs  où  le  pronom  eux  n'est  pas  place  néces- 
sairement après  le  veibe  ;  témoin  ce  vers  de  La 
Fontaine  (liv.  XII,  fable  xvni,  6]  : 

Eux  seuls  seront  exempts  de  la  commune  loi. 

Mais  il  n'y  a  peut-cire  que  ce  seul  cas.  »  (A.  Le- 
mairC;  Grammaire  des  Grammaires,  p.  333.) 

Après  un  substantif  suivi  de  la  préposition  de, 
\on  n'emploie  guère  eux  ;  mais  au  lieu  de  ce  pro- 
|noui  on  met  l'adjectif  possessif  Zcî/j-  avant  le  sub- 
jstantif.  On  ne  dit  jias  c'est  le  livre  d'eux,  mais 
■c'est  leur  livre.  Cependant  on  dit /'ai  besoin 
d'eux,  j'ai  soin  d'eux  ;  parce  qu'avoir  besoin, 
avoir  soin,  sont  des  verbes,  et  qu'il  ne  s'agit  pas 
ici  de  S3ns  possessif. 

Eux  s'emploie  aussi  pour  rappeler  au  mascu- 
iiii  l'idée  du  pronom  les  mis  en  régime  direct,  et 
pour  lier  ce  pronom  avec  une  proposition  inci- 
dente :  P^ous  les  blâmez,  eux  qui  n'ont  suivi  que 
vos  conseils. 

Eux  rappelle  aussi  ce  même  pronom  au  mascu- 
lin, lorsque  ce  pronom  partage  lu  fonction  de  ré- 
gime a\ec  un  ou  plusieurs  substantifs  placés 


ÉVI  275 

après  le  verbe,  et  sert  à  le  lier  avec  ces  substan- 
tifs :  Je  les  ai  vus,  eux  et  leurs  enfants;  jo  les 
ai  vus,  eux,  leurs  femmes  et  leurs  enfants. 

Eux  sert  aussi,  dans  un  cas  semblable,  à  raj)- 
pclcr  l'idée  du  pronom  leur,  employé  c(jmmc  ré- 
gime indirect  :  Je  leur  aiparlc,  à  eux  et  à  leurs 
adhérents. 

On  peut  dire,  je  veux  leur  parler  ou  je  veux 
parler  à  eux,  mais  avec  la  même  différence  de 
sens  que  nous  avons  appliquée  au  mot  lui.  Voy. 
Lui,  Leur,  Pronom,  Amphib  logie. 

Ev.vcL'ANT,  ÉvACLANTK.  Adj  vcrbal  tiré  du  v. 
évacuer.  11  ne  sc  met  qu'après  son  subst.  Ou  peut 
en  dire  autant  de  l'adjectif  Évacualif. 

EvASGÉLiQct:.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subsl.  :  Doctrine  évangéliqx:e, 
prédicateur  ccangéliqtic. 

ÉvA>cÉi.iQiKMEAT.  .\dv.  11  SC  met  toujoui's  après 
le  V.  :  //  H  prêché  évangéliquement ,  et  non  pas 
il  a  évangéliquement  prêché. 

EvA.NGiLE.  Subst.  m.  Boileau  l'a  fait  féminin 
{Sat.  XI,  1J2)  : 

L'Evangile  au  chfétien  ne  dit  en  aucun  lieu  ; 
Sois  dévot.  EHc  dit 

De  son  temps,  on  mettait  indifféremment  ce 
mot  à  lun  ou  à  l'autre  genro.  Aujourd'hui,  il 
n'est  plus  que  masculin. 

ÉvAsiF,  ÉvAsivE.  Adj.  qui  no  se  met  qu'après 
son  subst. 

EvF,^TL•EL,  ÉvENTCELLE.  Aà'].  qui  suit  toujours 
son  subst.  :  Traité  éventuel,  successioîi  éven- 
tuelle. 

ÉvERsioN.  Subst.  f.  11  est  peu  usité. 

Évidemment.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'après 
le  verbe  :  Il  a  prouvé  évidemment  ce  qu'il  avait 
avancé. 

ÊvlDL^T,  ÉVIDENTE.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsciue  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  P'éHté  évidente,  preuve  évidente, 
proposition  évidente;  ces  évidentes  propositions . 
Voyez  Adjectif. 

Evier.  Subst.  m.  Ce  mot  signifie  une  pierre  en 
forme  de  table  et  légèrement  creusée,  avec  un 
conduit  par  où  s'écoulent  les  eaux.  On  dit  aussi 
pierre  d'évier  et  pierre  à  laver.  Beaucoup  do 
femmes,  quoique  [)arlant  assez  bien  leur  langue, 
disent  un  levier.  Ce  mot  n'est  pas  français. 

ÉvinBLE.  Adj.  des  deux  genres.  Corneille  a 
dit  dans  Pompée  (act.  IV,  sc.  j,  37)  : 

Oui,  par  là  seulement  ma  perte  est  évitabU. 

P(»urquoi,  dit  Voltaire,  à  l'occasion  de  cette  ex- 
pression, pourquoi  évitaUe  n'est-il  pas  en  usage, 
\>\x\'i(\\\(iinérituble  est  reçu?  C'est  une  grande  bi- 
zarrerie des  langues,  d'admettre  le  mot  composé, 
et  d'en  rejeter  la  racine.  {Bemarques  sur  Cor 
neille.)  Isous  avons,  dit  leraud  d'après  Bou- 
hours,  plusieurs  mots  composés  qui  sont  très- 
usités,  quoique  les  simples  ne  le  soient  pas 
comme  inexorable,  implacable,  irréconcilialU 
insatiable,  indubitable,  ineffable,  immanquable, 
inévitable,  etc.— Dans  sa  derniérf  édition,  l'Aca- 
démie admet  ce  mot,  mais  elle  fait  remarquei 
qu'il  est  j^eu  usité. 

ÉVITER.  V.  a.  de  la  i'^  conj.  Ou  demande  si 
l'on  peut  dire  éviter  quelque  chose  à  quelqu'un 
On  le  trouve  dans  de  bons  écrivains,  et  Eeraud 
pense  que  si  r.\cadémic  ne  l'a  pas  mis  en  ce  sens, 
c'est  peut-être  un  oubli  :  Le  lapin  évite  par  la 
à  ses  petits  les  inconvénients  du  bas  âge.  (Buf- 
fon,  le  Lapin,  t.  XII,  p.  544.)  Je  veux  voui 


S76 


EXA 


éviter  Venrui  de  trouver  cet  homme  maussade. 

(Marmonlol.) 

Maigre  CCS  autorités,  nous  ne  pouvons  nous 
empôcîicr  d'ap|irouvor  les  remarques  suivaules, 
que  l'on  trouve  dans  \cMumiel  de  la  langue  fran- 
çaise, et  dans  la  Grammaire  des  Grammaires 
p.  1141).  Éviter  n'a  point  de  régime  indirect; 
ainsi  on  ne  saurait  en  faire  usage  dans  lo  sens 
d'épargner.  Éviter  quelque  chose  d  quelqu'un 
présente  donc  une  faute  grave.  En  effet,  si  je  dis 
à  quel(]u'un  jV  veux  vous  éviter  celle  peine,  ce 
que  j'énonce  est  en  opposition  avec  nui  pensée; 
car,  loin  à'ériler,  de  fuir  la  peine,  je  veux  la 
prendre  sur  moi  en  la  faisant  éviter,  ou  en  l'e- 
parg liant  à  la  [tersonne  à  qui  je  parle.  Éviter  une 
peine,  un  danger  à  quelqu'un,  lie  doit  se  dire 
dans  aucune  langue,  parce  que  c'est  contre  le 
sens  commun.  Esl-il  possible  d'éviter  une  cluse 
à  quelqu'un,  ou  pour  quelqu'un,  si  l'on  veut  que 
la  i)ersonne  évite  elle-même  cette  cliose?  On 
évite  une  chose  purement  et  simplement,  dit  Do- 
mcrguc,  on  ne  Vcviic  ni  à  soi,  ni  aux  autres.  Le 
verbe  éviter  n'a  point  de  régime  indirect.  Nos 
bons  écrivains  ont  employé  le  verbe  épargner 
lans  le  sens  qu'on  veut  donner  à  éviter,  ou  bien, 
is  ont  dit  faire  éviter  : 

l'épargne  &  sa  Terlu  d'clernels  déplaisirs. 

(Conx.,  Kicom.,  acl.  III,  se.  ii,  59.) 

Vous  me  pourriez  sans  doute  épargner  quelque  peine 
Si  TOUS  vouliez  avoir  l'âme  toute  romaiae. 

(CottK.,  Ser(or.,  act.  III,  se.  ii,  31.) 

Ex,  devant  une  voyelle,  a  le  sou  de  gz  :  Exa- 
gérer se  prononce  comme  egzagércr.  Devant  une 
consonne,  il  se  prononce  comme  un  c.  Exciter 
se  prononce  ecciter. 

Exact,  Exacte.  Adj.  On  prononce  le  n  et  le  t. 
Il  se  met  avant  son  subst.,  lorsque  l'harmonie 
et  l'analogie  le  permettent.  On  peut  dire  vne 
exacte  recherche,  une  exacte  perquisition.  Mais 
on  ne  dirait  pas  un  exact  homme,  un  exact  récit, 
un  exact  compte.  On  peut  dire  il  a  une  exacte 
con.iaissance  des  faits,  OU  une  connaissance 
exacte  des  faits. 

Exactement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  suivi  exactement 
les  ordres  qu^on  lui  avait  donnés,  ou.  il  a  exac- 
tement suivi,  etc. 

ExAGÉr.ATEUR.  Subst.  m.  Son  féminin  est  exa- 
gératrice,  qui  s'emploie  surtout  adjectivement  ; 
T'eûtes  les  passions  sont  exagératrices ,  et  elles 
ne  sont  passions  que  parce  qu'elles  exagèrent. 
(Cliampfort,  Maximes  et  Pensées,  t.  1,  p.  337.) 

ExAGÉR.tTiF,  ExAcÉRATivE.  Adj.  qui  nc  se  met 
qu'après  son  subst. 

Exaltation.  Subst.  f.  L'Académie  ne  dit  point 
exaltation  du  style,  expression  Irës-usitée depuis 
longtemps. 

Examen.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'on  pro- 
nonce ordinairement  la  syllabe  finale  comme  celle 
de  chemin,  mais  que  quelques-uns  font,  au  sin- 
gulier, sentir  le  u  final,  connue  en  latin.  Il  y  a 
aujourd'hui  très-peu  de  personnes  qui  fassent 
sentir  ce  n. 

*  ExANGUE.  Adj.  des  deux  genres.  Vieux  mot 
qui  signifiait  futile.  Prête  exungue,  diseur  de  fu- 
tiliiés  sonores  en  grands  et  en  petits  vers.  On  a 
critiqué  le  mol  exangue,  qui  est  de  Montaigne; 
Miais,  demande  Diderot,  ce  mol  n'est-il  pas  éner- 
gique'' rs'aurait-il  pas  été  regrellépar  Voltaire, 
•l  mis  au  nombre  des  expressions  que  cet  homme 


EXC 

de  goût  se  proposait  de  restituer  au  vocabulaire 
de  l'Académie? 

Exarchat.  Subst.  m.  On  prononce  exarcat. 

ExALcuH.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  ne 
le  dit  que  de  Dieu.  Racine  a  dit  dans  Jphigénie 
(act.  I,  se.  I,  S)  : 

Les  vcots  nous  auraient-ils  exauces  cttle  nuit? 

Cette  expression  est  bonne  en  poésie,  mais  elle  ne 
vaudrait  rien  en  prose. 

Excédant,  Excédante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
excéder.  11  nc  se  met  qu'après  son  subst.  :  Les 
sommes  excédantes. 

Excei.leji.ment.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  ; 
//  a  écrit  excellemment.  On  prononce  excéla- 
ment. 

Excellent,  Excellente.  Adj.  Cet  adjectif,  ex- 
primani  la  nature  des  choses,  peut  se  mettre  avant 
son  subst.  :  Une  chose  excellente,  une  excellente 
chose  ;  un  homme  excellent,  un  excellent  homme; 
une  musique  excellente,  une  excellente  musique  ; 
un  ouvrier  ezxellent,  un  excellent  ouvrier,  elc. 
Voyez  Adjectif.  Excellent,  étant  par  lui-même 
un  superlatif,  n'esl  pas  susceptible  de  degrés  de 
comparaison.  On  ne  dit  i)as/)/«5  excellent. 

Excepté.  Préposition  :  Excepté  un  homme, 
excepté  une  femme.  Quand  on  le  met  après  son 
subst.,  il  devient  adj.  :  Une  femme  exceptée. 

Excès.  Subst.  m.  L'Académie  ne  défiuil  ce 
mot  que  dans  l'acception  morale.  Au  physique, 
c'est  la  différence  de  deux  quantités  inégales;  au 
moral,  l'acception  n'esl  pas  fort  différente.  On 
suppose  pareillement  une  mesure  à  laquelle  les 
qualités  et  les  actions  peuvent  cire  comparées  ; 
et  c'est  par  celle  comparaison  qu'on  juge  qu'il  y 
a  excès  ou  défaut. 

Excessif,  Excessive.  Adj.  On  i>eut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'analogie  et  l'har- 
monie. On  nc  dit  [tas  un  excessif  froid,  un  ex- 
cessif prix;  mais  on  dit  «ne  excessive  chaleur, 
une  excessive  clarté,  une  excessive  ambition. 
Voyez  Adjectif. 

ExcEssivEMi-KT.  Adv.  On  pcut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  i)articipe  :  Il  a  Lu  excessivement, 
il  a  excessivement  hu. 

ExcLAMATiF,  ExcL\MATivE.  Adj.  qui  marquc 
l'exclamation ,  qui  contient  une  exclamation  : 
Point  exclamatif,  proposition  exclamative.  Le 
point  exclamatif,  que  l'on  a|tpelle  aussi  point 
aduiiratif,  se  mel  après  les  phrases  qui  expriment 
la  surprise,  la  terreur,  la  pitié,  la  tendresse,  ou 
quelque  autre  sentiment,  comme  dans  6  temps! 
ô  mœurs  !  Qu'ai-je  entendu.'  Quelle  surprise  ex- 
trême! Que  je  l'aime  !  Que  je  l-e  hais!  Qu'il  est 
beau!  \  oyez  Admirât  if. 

Exclamation.  Subsl.  f.  Figure  de  rhétorique 
par  laquelle  l'orateur ,  élevant  la  voix,  ei  em- 
j)loyani  une  interjection  soit  exprimée,  soit  s  us- 
entendue,  fait  paraître  un  mouvement  vif  de 
surprise,  d'indignation,  de  pitié,  ou  quelque  autre 
senliment  excité  par  la  grandeur  et  l'importancf 
d'une  chose.  Les  exclamations  servent  à  donner 
de  la  chaleur  au  discours,  lorsqu'elles  sont  na- 
turelles et  appelées  i)ar  le  sentiment  de  l'orateur; 
mais  rien  n'est  plus  froid  lorsqu'elles  ne  naissent 
pas  d'un  sentiment  vrai,  et  a  l'occasion  d'un  ob- 
jet qui  nicriic  ce  senliment.  Dans  tous  les  cas,  les 
exclamations  ne  doivent  point  être  prodiguées. 

Exclure.  V.  a.  et  irrégul.  de  la  4*^  conj.  Il  se 
conjugue  comme  conclure.  Voyez  ce  mot.  Il  fait 
au  participe  i)assé  exclu,  exclue.  Autrefois  on 
disait  aussi  exclus,  excluse  : 


EXE 

Poar<{noi  da  ce  conseil  moi  seule  suis-je  «xc{ua<? 
(Rac,  Baj.,  acl.  II,  se.  m,  34.) 

On  ne  le  dit  plus  maintenant. 

Exclusif,  Exclusive.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Une  raison. exclusive,  un  droit 
exclusif,  un  privilège  exclusif. 

Exclusivement.  Adv.  Il  se  met  à  la  fin  de  la 
phrase  où  se  trouve  le  verbe  :  Cela  aura  lieu 
depuis  le  mois  de  mai  jusqu'au  mois  d'oclubre 
exclusivement.  J.-J.  Rousseau  a  dit  exclusive- 
ment à  toutes  sortes  de  fleurs  ;  et  Bcgulus  aimait 
la  patrie  exclusivement  à  soi. 

Excusable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  excusable,  une 
faute  excusable. 

Excuse.  Subst.  f.  Demander  excuse,  employé 
comme  synonyme  de  demander  pardon,  dit  la 
Grammaire  des  Grammaires  d'après  plusieurs 
grammairiens,  est  un  vrai  galimatias  qui  clKKjue 
également  et  l'usage  et  la  raison.  En  effet,  on  ne 
peut  exiger  des  excuses  d'une  personne  qu'on  a 
offensée,  ou  la  réparation  serait  pire  que  l'of- 
fense. Si  donc  j'ai  commis  une  faute  envers 
quelqu'un  ou  contre  la  civilité,  ou  contre  la  dis- 
crétion, je  dirai  je  vous  fais  vies  excuses,  je 
vous  pi~ie  de  m'excuser ;  alors  quand  celui  que 
j'ai  olfensé  est  satisfait,  il  reçoit  mes  excuses, 
mais  il  ne  m'accorde  point  d'excuses.  Madame  de 
Sévignéa  <\\\.jevous  demande  excuse  ;  mais  c'est 
en  plaisantant.  En  général,  les  bons  écrivains  ont 
dit  :  Je  vous  fuis  excuse  : 

Pour  TOUS,  je  ne  veux  point,  monsieur,  Tons  faire  exou««. 
(Mol.,  École  cU$  Maris,  acl.  III,  se.  X,  7.) 

Quoi!  tu  faisais  excuse  à  qui  m'osait  brader! 

(CoRW.,  Nicom.,  acl.  I,  se.  iv,  I.) 

Excuser.  V.  a.  de  la  1"  conj.  S'excuser  régit 
la  préposition  de  :  S'excuser  de  faire  une  chose, 
s'en  dispenser. 

ExEAT.  Subst.  m.  Mot  tiré  du  latin  ,  qui  ne 
prend  point  de  s  au  pluriel.  On  prononce  exéat 
en  fai^ant  sentir  le  t  linal. 

Exécrable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit  des 
personnes  et  des  choses,  et  peut  se  mettre  avant 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent  :  Un  homme  exécrable,  un  crime  exé- 
crable ;  cette  exécrable  conduite  le  déshonorera 
entièrement.  Voyez  Adjectif. 

ExÉCRABLEMENT.  Adv.  Il  86  met  après  le 
verbe. 

ExÉcDTEtTR.  Subst.  m.  Il  fait  au  féminin  exécu- 
trice :  On  regardait  les  Furies  comme  les  exé- 
cutrices, et  noncommelesvictimesdesvengeaiiccs 
divines. 

Exécutif,  Executive.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Pouvoir  exécutif,  puissance 
executive. 

Exemplaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  ;  F'ertu  exemplaire,  vie 
exemplaire;  châtiment,  punition  exemplaire. 

Exemple.  Subst.  m.  et  f.  Tous  les  grammairiens 
ont  dit  f\Vi'exemple  est  féminin,  lorsqu'il  signMle 
le  patron,  le  modèle  sur  lequel  un  écolier  ([ui 
apprend  à  écrire  forme  ses  caractères  ;  et  qu'il 
prend  le  même  genre  lorsqu'il  signifie  les  lignes, 
les  caractères  que  l'écolier  forme  sur  ce  patron. 
En  1835,  l'Académie  est  d'avis  que  ce  mot  doit 
toujours  être  employé  au  masculin  ;  mais  elle 
reconnaît  que  quelques  personnes  l'ont  exemple 
féminin  dans  ces  deux  acceptions  :  Une  exemple 
gravée.  Il  est,  selon  nous,  conforme  à  la  raison  de 


EXO 


277 


distinguer  un  exemple  de  vertu,  et  une  exemple 
d'écriture. 
Corneille  a  dit  dans  le  Cid  (act.  I,  se.  iv,  33)  : 

Instruisei-lc  d'exemple. 

Instruire  d'exemple,  dit  'Voltaire,  me  parait 
faire  un  très-bel  effet  en  poésie.  Cette  expres- 
sion même  semble  y  être  devenue  d'usage. 

Il  m'instruisait  d'exemple  au  grand  art  des  Iiéros. 

(Volt.,  Henr.,  II,  115.) 

[Remarques  sur  les  sentiments  de  l'Académie.) 
A'^oyez  Imiter. 

Exempt,  Exempte.  Adj.  Le  p  ne  se  prononce 
point.  Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst.,  et 
régit  la  préposition  de  :  Exempt  de  blâme,  exempt 
de  servir. 

Exigeant,  Exigeante.  Adj.  verbal  tiré  du  v, 
exiger.  11  ne  se  met  guère  qu'après  son  subst.  ; 
Un  homme  exigeant,  une  femrne  exigeante. 
Voyez  Adjectif. 

Exigence.  Subst.  f.  On  a  employé  ce  mot  dans 
un  sens  que  l'on  ne  iniuvc  |)as  dans  les  diction- 
naires. On  lui  a  fait  signifier,  ce  que  les  hommes 
exigent  les  uns  des  autres.  Mirabeau  a  dit:  Les 
diverses  religions  varient  dans  leurs  dogmes, 
soîis  varier  dans  leurs  exigences. 

Exiger.  V.  a.  de  la  1"'  conj.  Demander  quel- 
que chose  en  vertu  d'un  droit  légitime  ou  pré- 
tendu tel.  Exiger  suppose  que  la  personne  à 
qui  l'on  demande  a  de  la  répugnance  à  accorder. 
Dans  la  conjugaison  de  ce  verbe  le  g  doit  tou- 
jours avoir  la  prononciation  du/,  et  pour  la  lui 
conserver  lorsqu'il  est  précédé  d'un  a  ou  d'un 
0,  on  met  une  uiuet  avant  cet  a  ou  cet  o  .•  .l'exi- 
geais, exigeons  ;  et  non  pas /'exilai «,  exigons. 

Exigible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Exigu,  Exiguë.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  On  fait  sentir  Vu  au  féminin  comme 
au  masculin. 
-  Exiguïté.  Subst.  f.  On  fait  sentir  I'm  à  part. 

Exil.  Subst.  f.  On  fait  sentir  le  l,  mais  sans  ' 
mouiller. 

Exiler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie», 
le  met  point  au  figuré.  Racine  a  dit  dans  Béré- 
nice (act.  V,  se.  v,  51)  : 

....  Laissej-moi  du  moins  partir  persuadée 
Que  déjà  de  Totre  âme  exilée  en  secret,  etc. 

Existant,  Existante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
exister.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Tous 
les  hommes  existants,  toutes  les  femmes  exis- 
tantes. 

Exorable.  Adj.  des  deux  genres.  Corneille  a 
dit  dans  Cz«7ja(act.  III,  se.  m,  3S): 

Rendei-le,  comme  vous,  à  mes  vœux  exorable. 

.Ê'aroj-ûôZe,  dit  Voltaire,  devrait  se  dire;  c  est  un 
terme  sonore,  intelligible,  nécessaire,  et  digne 
des  beaux  vers  que  débite  Cinna.  II  est  bien 
étrange  qu'on  dise  implacable,  et  non  placuble; 
âme  inaltérable,  et  non  pas  âme  altérable  ;  héros 
indomptable,  et  non  [las  héj-os  domptable.  [Re- 
marques   sur    Corneille.) 

Montesquieu  a  dit  en  parlant  d'un  prince; 
Qu  exorable  à  la  prière,  il  soit  ferme  contre  les 
demandes  [Esprit  des  lois,  liv.  XII,  chap.  27); 
et  Mirabeau  en  parlant  du  peuple  :  noient,  mais 
exorable;  excessif,  mais  généreux.  —  L'Acadé- 
mie, en  1S35,  l'a  adopté;  mais  elle  remarque 
qu'il  est  peu  usité. 


S78 


EXP 


ExoRBiTABMEnT.  Adv.  On  petit  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  cl  le  {parlicipc  :  Il  a  dépensé  cxorbi- 
tamment,  ou  il  a  exorlituimneitt  dépensé. 

Exorbitant,  Exorbitante.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  en  coiisnliani  l'oreille  et 
1  anii'loçie  :  Des  dépenses  exorbitantes,  d'exorbi- 
tanies  dépenses. 

ExoRDE.  Stibst.  m.  C'est,  ditCiccron,  une  partie 
du  discours  dons  laquelle  on  prépare  doucement 
l'esprit  des  auditeurs  aux  choses  qu'on  doit  leur 
annoncer  par  la  suite.  L'exurde  est  modéré  ou 
Drusque.  Dans  le  premier,  l'orateur  prépare  ses 
auditeurs,  et  les  conduit  par  degrés  et  comme 
insensiblement  aux  choses  ([u'il  va  leur  proposer; 
dans  le  second,  il  entre  brusquement  en  maiioro, 
et  étonne  son  auditoire  en  paraissant  lui-même 
transporté  de  quelque  passion  subite. 

Les  qualités  del'exorde  sont  la  convenance,  la 
mudestieetla  brièveté.  Par  la  convenance,  l'exorde 
est  naturellement  lié  au  reste  du  discours  dont 
il  est  l'introduction;  par  la  modestie,  il  fraie 
le  chemin  à  la  persuasion;  par  la  brièveté,  il 
conserve  le  caractère  qui  lui  est  poopre,  et  rejette 
tout  ce  qui  ne  tend  pas  à  préparer  l'auditeur  à 
ce  qu'on  va  lui  dire. 

Le  style  de  l'exorde  doit  être  noble,  grave,  me- 
suré. C'est  la  partie  du  discours  qui  doit  être  tra- 
vaillée avec  le  plus  de  soin,  parce  (jue  c'est  elle 
qui  commence  à  donner  de  l'orateur  une  opinion 
favorable  ou  défavorable. 

Expansible.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  est  ca- 
pable d'expansion.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

ExPANsiF,  ExPANsivE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  Qui  a  la  force  de  s'étendre,  d'é- 
tendre :  Principe  expansif,  bonté  expansive. 

Expansion.  Subst.  f.  Ce  mot  s'emploie  depuis 
queUjue  temps  dans  un  sens  moral  -.Il  y  a  dans 
te  ctiiactcre  du  Français  une  expansion  origi- 
nale, f^nyagez  deux  jours  dans  une  voiture  pu- 
blique ;  lorsqu'on  en  descend,  vous  dii'iez,  aux 
înutuclles  démonstrations  d'ainitié,  que  ce  sont 
des  amis  de  vingt  ans  qui  se  séparent.  (Mercier.) 

Expectant,  Expectante.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Expectatif,  Expectative.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Expectorant,  Expectorante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  expectorer. \\  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Remède  expectorant. 

Expéditif,  Expéditive.  Adj.  Il  ne  se  r'st  qu'a- 
près son  subst. 

Expéditionnaire.  Adj.  m.  qui  se  prend  sub- 
stantivement. 11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Commis  cxpédilionnuire.  —  Subst.  :  Un  expédi- 
tionnaire. 

ExpÉîUKNCE.  Subst.  f.  Ce  mot  signifie  commu- 
nément la  connaissance  acquise  i)af  un  long  usage 
de  la  vie,  jointe  aux  réflexions  que  l'on  a  faites 
sur  ce  qu'on  a  vu  et  sur  ce  qui  nous  est  arrivé 
de  bien  et  de  mal.  Quand  on  dit  d'un  homme 
qu'z'Z  a  de  l'expérience,  qu'jZ  est  expérimenté, 
on  veut  dire  qu'outre  les  connaissances  que  cha- 
cun acquiert  par  l'usage  de  la  vie,  il  a  observé 
particulièrement  ce  tiui  regarde  bOn  état.  Cet  es- 
prit d'observation  est  nécessaire  pour  acquérir 
de  l'expérience.  C'est  ce  que  l'Académie  n'a 
pas  suffisamment  fait  sentir  dans  la  dclinition 
qu'elle  a  donnée  de  ce  mot  ()ris  en  ce  sens.  Dans 
cette  acception,  ce  mol  n'apoinl  de  pluriel. 

En  physi(}ue,  le  mot  expérience  se  dit  des 
épreuves  que  l'on  fait  pour  découvrir  les  diflé- 
rentes  opérations  et  le  mécanisme  de  la  nature. 
En  ce  sens,  il  a  un  pluriel  :  On  fuit  des  expé- 


EXP 

riences  sur  la  pesanteur  de  l'air,  sur  les  phos- 
phores, sur  l'électricité.  Les  médecins  font  assez 
souvent  des  expériences. 

EXPÉIUMENTAL,    ExPÉRI.VENTALF..  Adj.  qui  DC   S« 

met  qu'après  son  subsl.  :  Philosophie  expérimen- 
tale, physique  expérimentale.  Ce  mot  n'a  point 
de  iiluriel  masculin. 

Expert,  Experte.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst. ,  et  régit  quelquefois  la  préposition  en  : 
Expert  en  chirurgie. 

E.XPIATOIRE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  ([u'après  son  subst.  :  Sacrifice  expiatoire, 
œurre  expiatoire. 

Expier.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  ne 
dit  pas  qu'il  peut  s'employer  avec  le  pronom  i>ep- 
sonnel.  Voltaire  a  dit  dans  Sémiramis  (aet.  I, 
se.  V,  59)  : 

Et  peut-être  il  est  temps  que  le  crime  s'«xptc. 

Expirant,  Expirante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
expirer.  Il  suil  presque  toujours  son  subsl.  : 

Les  époux  expirants  sous  leurs  toits  embrasés. 

(Volt.,  Henr.,  II,  263.) 

Je  vis  nos  ennemis  vaincus  et  renversés, 
Sons  nos  coups  expirants,  devant  nous  disperses. 
[Idem,  m,  197.) 

Expirer.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Racine  a  dit  dans 
Phèdre  (acl.  V,  se.  vi,  80)  : 

...  A  ces  mots,  le  héros  expiré,  etc. 

Le  père  Brumoi  et  l'abbé  d'Olivet  ont  repris  cette 
expression  ;  et  depuis  ce  temps-là  les  grannnai- 
riens  ont  fait  une  règle  de  celte  critique. 

Le  verbe  expirer,  dit  la  Grammaire  des 
Grammaires  (]).  1147),  est  du  nombre  des  ver- 
bes neutres  qui  admettenl  les  deux  auxiliaires 
être  et  avoir;  mais  il  faut  distinguer  dans  ce 
verbe  le  sens  propre  et  le  sens  figuré.  Dans  le 
sens  propre,  il  convient  aux  personnes  ainsi 
qu'aux  animaux,  et  se  conjugue  avec  l'auxiliaire 
avoir.  Dans  le  sens  figuré,  il  convient  aux  cho- 
ses, et  se  conjugue  avec  l'auxiliaire  être.  D'a- 
près ces  principes,  il  est  clair  qu'on  dira  aussi 
bien  mon  bail  expiré,  il  faut  que  je  me  retire  ; 
la  trêve  expirée,  on  reprendra  les  armes  ;  que 
mon  bail  étant  expiré,  il  faut  que  je  vie  retire  ; 
la  trêve  étant  expirée,  on  reprendra  les  armes, 
parce  que  dans  tous  les  verbes,  excepté  dans  les 
verbes  neutres  (jui  se  conjuguent  avec  avoir, 
l'auxiliaire  peut  être  sous-entendu.  .Mais  on  s'ex- 
primerait incorrectement  si  l'on  dhnW.  un  homme 
expiré,  puisque  expirer,  quant  aux  personnes, 
ne  se  dit  qu'avec  l'auxiliaire  ar^dr,  et  (\u\iyant 
ne  se  supprime  jamais.  D'ailleurs  expirer,  quant 
aux  personnes,  est,  de  même  que  marcher,  un 
verbe  neutre.  Or,  (  omme  on  ne  peut  pas  dire  un 
homme  marché,  de  même  on  ne  peut  pas  dire  un 
homme  expiré. 

Examinons  la  nature  du  verbe  expirer,  et  nous 
verrons  que  la  Grammaire  des  Grammaires  s'é- 
carte des  vrais  principes.  Le  verbe  expirer,  soit 
au  propre,  soit  au  figuré,  exprime  deux  choses 
bien  différentes  :  avec  avoir,  une  action;  avec 
être,  un  état  qui  résulte  de  cette  action.  On  dit 
(lu'i/n  homme  a  expiré  à  deux  heures,  pour  dire 
<|u'à  cette  heure-la  il  a  fait  l'action  de  rendre  le 
dernier  soupir.  Mais  lorsqu'un  lionune  a  expiré, 
il  résulte  de  celte  action  un  état  bien  différent  de 
celui  où  il  était  avant  cette  action,  et  c'est  pour 
exprimer  cet  état  qu'on  doit  joindre  l'auxiliaire 
être  au  j'grlicipe  du  verbe  expirer:  Cet  homme 


EXP 

est  expiré.  On  ne  me  niera  pas  nue  l'action  de 
rendre  le  dernier  soupir  ne  mette  un  homme  d;ins 
un  état  diflVMcnl  de  celui  où  il  était  auparavant  ; 
on  ne  rac  niera  pas  t|u'il  ne  soit  utile  et  souvent 
nécessaire  d'ex|)rimer  t-et  état  ;  il  l'aul  dt)nc  m'ac- 
cordcr  que  l'on  doit  dire  qu'un  lionime  est  ex- 
piré, pour  exprimer  qu'il  vient  de  rendre  le  der- 
nier soupir.  On  me  dira  |)eut-êire,  pourquoi  ne 
dites-vous  pas  qu'(7  est  mort?  Mais  il  est  mort 
exprime  un  étal  par  opposition  à  la  vie  en  gé- 
néral, et  non  par  oi)po>iliùn  au  dernier  sou- 
pir que  Ton  vient  de  rendre.  Alexandre  et  César 
sont  morts;  mais  on  ne  peut  jias  dire  quzïs  sont 
expirés,  parce  que  cette  dernière  expression  ne 
se  dit  que  de  l'état  de  ceux  qui  viennent  de  ren- 
dre le  dernier  soupir.  Ou  croit  avoir  fait  une 
comparaison  bien  juste,  et  une  réjjonse  sans  ré- 
plique, quand  on  a  dit  qu'on  ne  peut  pas  dire 
qu'i/n  hi  mme  est  marché;  mais  on  ne  remar- 
que pas  tpic  le  cas  est  bien  différent.  Le  verbe 
viarcher  n'exprime  pas  une  action  dont  l'exécu- 
tion produise  un  état  nouveau  dans  celui  qui  l'a 
faite.  Un  homme  qui  a  marché  est  dans  le  même 
état  où  il  était  avant  de  marcher;  mais  un  homme 
gui  a  expiré  n'est  certainement  pas  dans  le  même 
état  où  il  était  avant  d'expirer.  Dans  le  premier 
cas,  il  n'y  a  point  d'état  à  exprimer  ;  dans  le  se- 
cond, il  y  en  a  un;  et  pour  l'exprimer  on  doit 
dire  cet  homme  est  expiré.  D'ailleurs  l'Académie 
nous  donne  expirer  comme  le  synonyme  de  mou- 
rir ;  jwurquoidonc  ne  pourrait-on  pas  direî7  est 
expiré,  comme  on  dit  Ù  est  mortf 

Dans  le  sens  figuré,  le  verbe  expirer  prendra 
de  même,  tantôt  l'auxiliaire  avoir,  tantôt  l'auxi- 
liaire être,  selon  (ju'on  voudra  exprimer  le  mo- 
ment où  l'expiration  a  eu  lieu,  ou  l'état  qui  ré- 
sulte de  cette  expiration.  On  dira  donc  inon  bail 
a  expiré  hier,  ou,  sans  marquer  d'époque,  7non 
bail  est  expiré.  Si  l'on  ne  i)Ouvait  pas  dire  le  pre- 
mier, il  cxiFterait  une  vue  de  l'esprit  que  l'on  ne 
|K)urrait  exprinuM-,  ce  qui  serait  dans  la  langue 
une  marque  de  pauvreté. 

Malgré  les  critifpies  du  père  Brunioi  et  de 
l'abbé  d'Olivet,  Voltaire  et  plusieurs  autres  écri- 
vains ont  mieux  aimé  imiter  Hacine  : 

Ce  noaveaa  coup  nous  perd,  et  ce  monslre  expire. . . 
(Gueires,  act.  Y,  se.  T,  47.) 

El  d'un  père  expiré,  j'apportais  en  ces  lieux 
La  volonté  dernière  el  les  derniers  adieux, 

[Zaire,  act.  Y,  se.  X,  21.) 

L'abbé  Desfonlaines  a  dit  que  cette  expression, 
quoique  hardie,  ne  blesse  point  l'oreille,  parce 
que  tout  lecteur  qui  a  du  goût  doit  penser 
que  la  poésie  ayant  un  langage  à  part ,  ce 
qui  serait  faute  grammaticale  pour  le  prosateur, 
ne  l'est  pas  toujours  pour  le  pnëlc.  L'abbé  Des- 
ibntaines  î-c  trompe;  ce  n'csi  pas  comme  licence 
poétique  que  Yoliairea  cuqiioyé  cette  expression, 
car  il  en  a  aussi  fait  usage  en  prose.  Il  dit  dans  sa 
préface  du  Commentaire  sur  la  Sophonisbe  de 
Corneille,  enjiarlant  de  la  Si.phonisbe  de  Mairet  : 
Là,  c'est  jUussinisse  qui,  en  vi,yunt  Sophonisbe 
expirée,  etc.  IJnguet  et  plusieurs  autres  n'ont 
pas  fait  difficulté  de  se  servir  de  cette  expression, 
et  je  crois  que  tous  ces  exemples  doivent  la  faire 
adopter. 

Explétif,  Expi.étive.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près ïon  subsl.  C'est  un  terme  de  grammaire  qui 
vient  du  latin  explere,  renq)i:r.  On  api)elle  mois 
explétifs  ceux  (jui"  ne  servent,  comme  les  inter- 
jections, qu'à  remplir  le  discours,  et  n'entrent 


EXP 


279 


pour  rien  dans  la  construction  de  la  i)luase,  dont 
on  entend  également  le  sens,  soit  (pie  le  mol  ex- 
plétif soit  énoncé  ou  (pi'd  ne  le  soit  pas.  jN'otre 
moi  et  notre  vous  sont  (piehpiefois  explétifs  dans 
le  langage  familier.  On  se  sert  de  7uoi  tptand  on 
parle  à  l'impératif  et  au  présent  : 

Avant  que  de  parler,  prenez-moi  ce  mouclioir. 

(.Mol.,  Tartufe,  acl.  III,  se.  ii,  7.) 

On  se  sort  de  vous  dans  les  narrations  :  n  vous 
la  prend  et  l'emporte.  Notre  même  est  souvent 
exj)lélif  :  Le  roi  y  est  venu  lui-même.  J'irai 
moi-même.  Lui-même ,  moi-même ,  n'ajoutent 
rien  à  la  valeur  du  mot  roi,  ni  à  celle  de  je. 

Parmi  nous,  dit  l'abbé  Régnier,  il  y  a  aussi  des 
particules  explétives  :  par  exemple,  les  pronoms 
me,  te,  se,  joints  à  la  particule  en,  comme  quand 
on  lin  je  m'en  retourne,  il  s'en  va;  les  pronoms 
moi,  toi,  lui,  employés  par  répétition  :  S'il  ne  veut 
pas  vous  le  dire,  je  vous  le  dirai, ,  moi  ;  il  ne 
m'appartient  pas,  a  moi,  de  me  mêler  de  vos  af- 
faires; U  lui  appartient  bien,  à  lui,  de  parler 
comme  il  fait,  etc. 

Les  mots  enfin,  seulement,  à  tnut  hasard, 
après  tout,  ne  doivent  souvent  être  regardés  que 
comme  des  mots  explétifs  et  surabondants,  c'est- 
à-dire  des  mots  qui  ne  contribuent  en  rien  à  la 
construction  ni  au  sens  de  la  proposition  ;  mais 
ils  ont  deux  services. 

L'Académie  a  remarqué  que  dans  celte  phrase, 
c'est  une  affaire  oii  il  y  va  du  salut  de  l'Etat, 
la  particule  y  parait  inutile,  puisijue  où  suffit 
pour  le  sens;  mais,  dit  l'Académie,  ce  sont  là  des 
îornmles  dont  on  ne  peut  rien  ôter.  {Décisions 
de  V Académie  française.)  La  particule  ne  est 
aussi  souvent  expléii\  e,  et  ne  doit  pas  pour  cela 
être  retranchée  :  Je  crains  que  vous  ne  veniez 
m'interroiiipre.  Que  fait  là  ce  «c?  Je  devrais  dire 
simplement, /e  crai/is  que  vous  veniez.  Non,  dit 
l'Académie;  il  est  certain,  ajoutc-t-ellc  aussi  bien 
que  Vaugelas,  Boubours,  etc.,  tiu'avec  craindre, 
empêcher  et  quelques  autres  verbes,  il  faut  ué- 
cessaireinent  ajouter  la  négative  ne:  J'empêche- 
rai bien  que  votis  ne  soyez  du  nombre. 

C'est  la  pensée  habituelle  de  celui  qui  parle 
qui  attire  celte  négation  :  Je  ne  veux  pas  que 
?}ous  veniez;  je  crains,  en  souhaitant  que  vous 
ne  reniez  pas.  ISIon  esprit,  tourné  vers  la  néga- 
tion, la  met  dans  le  discours.  Ainsi  le  |)reiuier 
service  des  particules  explétives,  c'est  d'entrer 
dans  certaines  façons  de  parler  consacrées  par 
l'usage.  Le  second  service  el  le  plus  raisonnable, 
c'est  de  répondre  au  sentiment  intérieur  dont  on 
est  affecté,  et  de  donner  ainsi  plus  de  force  ci 
d'énergie  à  l'expression.  L'inlelligence  est  promp- 
te, elle  n'a  qu'un  mstant;  mais  le  sentiment  e^^ 
plus  durable  :  il  nous  affecte,  et  c'est  dans  le 
temps  que  dure  cette  affection  que  nous  laissons 
échapper  les  interjections,  et  que  nous  pronon- 
çons les  mois  explétifs,  qui  sont  une  sorte  d'in- 
terjection, puisqu'ils  sont  un  effet  du  sentiineiit  : 

C'est  à  TOUS  d'en  sortir,  vous  qui  parlez.    . 

(Mol.,  Tartufe,  acl.  lY,  se.  Vil,  19 

Fous  qui  parlez  est  une  phrase  explétive  qui 
donne  itlus  de  force  au  discours. 

Je  l'ai  TU,  dis-je,  vu,  de  mes  propres  i/em  vu, 
Ce  qu'on  appelle  tu. 

(Mol.,  Tartufe,  act.  Y,  se.  m,  55.) 

Kl  je  ne  puis  du  tout  me  inellre  dans  l'esprit 
Qu'il  ail  voulu  tenter  Us  choses  que  Ton  dit. 

[Idem,  50.) 


280 


EXP 


Ces  mots,  ru  de  mes  yeux,  du  tout,  sont  explétifs, 
et  ne  scrveni  qu'à  mieux  assurer  re  que  l'on  dit  : 
Je  ne  parle  pas  sur  le  témnignarie  d'un  autre  ;je 
l'ai  ru  mni-mème,je  l'ai  entendu  de  mes  propres 
oreilles.  (DuiiKirsiUS.) 

Explicable.  Ailj.  ilcsileux  çenrcsqui  ne  se  met 
qu'après  son  sulisl.  :  Passage  explicable. 

Explicatif,  Explicative.  .\dj.  qui  ne  se  met 
qu'après  sou  subsl.  :  Commentaire  explicatif. 

Explicite.  .Xilj.  des  deux  genresqui  ne  se  met 
qu'après  sou  suhsl.  :  f^donti'  explicite. 

Explicitement.  .\dv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  i)arliiipe:  Cela  est  contenu  ex- 
plicitement dans  le  contrat,  cela  est  explicite- 
ment dit  dans  le  contrat. 

ExposiTiF,  FxposiTivE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  Terme  de  grammaire.  On  dis- 
tineue  les  propositions  expnsitives  et  les  propo- 
sitv  ns  intcrrocjatives.  Voyez  Proposition. 

Exposition.  Sul>s'..  f.  En  lormc  de  lillcralure, 
on  culpnd  par  cx[)osilion,  la  connaissance  que 
l'on  donne,  au  coinmcnccnionl  d'un  ouvrage,  du 
sujet  que  l'on  y  traite.  Dans  le  poëine  épique, 
l'exposition  est  directe  et  ne  demande  pas  beau- 
coup d'art.  Elle  doit  être  simple,  majestueuse, 
claire  et  précise,  assez  intéressante  pour  fixer 
l'attention,  mais  sans  orgueil  et  sans  emphase,  en 
sorte  qu'au  lieu  de  promettre  de  grandes  choses, 
elle  en  Tasse  espérer. 

Dans  le  pocine  dranwtique,rexposilion  est  pins 
difficile,  parce  qu'elle  doit  être  en  action,  et  que 
les  personnages  eux-mêmes,  occupés  de  leurs  in- 
térêts et  do  l'état  présent  des  choses,  doivent  en 
instruire  les  spectateurs  sans  aucune  intention  ap- 
parente que  de  se  dire  l'un  à  l'autre  ce  qu'ils  se 
diraient  s'ils  étaient  sans  témoins.  L'art  de  l'expo- 
sition dramatique  consiste  donc  à  la  rendre  si  na- 
turelle, qu'il  n'y  ait  pas  même  le  soupçon  de  l'art. 

L'exposition  se  fait  ou  tout  d'un  coup  ou  suc- 
cessivement ,  selon  que  le  sujet  l'exige  :  c'est 
ainsi  que,  dans  Héraclius,  le  secret  de  l'action  se 
développe  d'acte  en  acte,  et  n'est  pleinement 
éclairci  qu'au  moment  de  la  catastrophe;  au  lieu 
que  dans  le  Cid,  dès  la  première  scène  tout  est 
connu. 

Les  expositions  de  ces  deux  pièces  sont  citées 
comme  des  modèles  d'exposition  pour  la  tragédie; 
et  celles  du  Tartufe,  du  Misanthrope,  de  \' É- 
cole  des  maris  et  du  Malade  imaginaire,  comme 
des  modèles  de  l'exposition  comiipie.  (Extrait  de 
Marmonlel  ) 

Exprès,  Expresse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  cominandcmcnt  exprès,  une  loi 
expresse.  Voyez  le  mot  suivant. 

Exprès.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le  verbe  : 
Il  a  fait  cela  exprès,  ou  tout  exprès;  il  l'a  fait 
exprès  pour  vous  chagriner.  Voyez  le  mot  sui- 
vant. 

Expressément.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  vous  l'a  défendu 
expressément,  ou  on  vous  l'a  expressément  dé- 
fendu.— Expressément  n'est  pas  la  même  chose 
<\\\'cxprès.  Exprès  signifie  à  dessein;  expressé- 
ment veut  dire  en  termes  exprés,  furmels;  on 
fait  une  chose  exprès,  on  dit  une  chose  expres- 
sément. Ainsi,  dans  ces  vers  de  ['École  des  ma- 
ris (acl.  II,  se.  IX,  9)  : 

J'ai  Toulu  l'acheter,  l'édil,  êxpretiément. 
Afin  que  d'IsabtUe  il  soit  lu  hautement, 

c'est  du  mot  exprès  que  Molière  aurait  dû  se  ser- 
vir. (Bret,  Commentaire  sur  Mol.) 
Expressif,  Expressive.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 


ie XT 

[irès  son  subst.  :  Un  terme  expressif,  une  façon 
de  parler  expressive .  Un  ton,  un  signe,  un  geste 
expressif. 

Exquis,  Exqdise.  Adj.  En  prose,  il  se  met  or- 
dinairement après  son  subst.  En  vers,  le  féminin 
précède  quehpiefois  ce  subst.  Gresset  a  dit  dans 
f^ert-vert  (1,115): 

Mille  bonbons,  mille  txquites  douceurs 
Chargeaient  toujours  les  poches  de  nos  sœurs, 

ExTATiQCE.  Adj.  des  deux  genres  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  lors(pie  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent.  On  dit  ravissement  ex- 
tatique ,  tran.<!pnrt  exiatigue.  llousseau  a  dit 
dans  son  Epitre  au  baron  de  Breteuil  (v.  \^t\)  : 


D'un  faux  béat. 


h' extatiiue  grimace 


Voyez  Adjectif. 

Extension.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  On 
dit  qu'un  mot  signifie  telle  ou  telle  chose  par 
extension  ,  pour  dire  qu'outre  sa  signification 
primitive,  il  a  encore  telle  ou  telle  signification 
(lui  a  rapport  avec  la  première,  et  qui  lui  a  été 
donnée  à  cause  de  ce  rapport.  Par  exemple,  le 
mot  feuille  so  dit  au  propre  et  dans  sa  significa- 
tion primitive  et  naturelle,  des  feuilles  des  plan- 
tes, et  on  l'a  dit  par  extension  des  choses  qui 
sont  plates  et  minces  comme  les  feuilles  des  plan- 
tes. Ainsi  l'on  a  dit  par  extension,  une  feuille  de 
papier,  vne  feuille  de  carton,  une  feuille  de  fer- 
blauc,  une  feuille  d'or,  %tne  feuille  d'étain,  etc. 
Glace,  dans  le  sens  propre,  est  le  nom  de  l'eau 
gelée;  ce  mot  signifie  ensuite  par  extension  un 
verre  poli,  une  glace  de  miroir,  une  glace  de  car- 
rosse, une  sorte  de  composition  de  sucre  et  de 
blanc  d'œuf  que  l'on  coule  sur  les  biscuits,  ou 
que  l'on  met  sur  les  fruits  confiis,  et  enfin  une 
sorte  de  liqueur  congelée.  Il  y  a  même  des  mois 
qui  ont  perdu  leur  première  signification,  et 
n'ont  retenu  que  celle  qu'ils  ont  eue  par  exten- 
sion. Florir,  florissant,  se  disaient  autrefois  des 
arbres  et  des  plantes  qui  sont  en  fleur;  aujour- 
d'hui on  dit  fleurir  au  propre,  et  florir  au  figu- 
ré; si  ce  n'est  ta  l'infinitif,  c'est  au  moins  dans  les 
autres  modes  de  ce  verbe;  alors  il  signifie  être 
en  crédit,  en  honneur,  en  réputation  :  Pétrarque 
florissait  dans  ce  siècle  ;  une  armée  fl,nrissante, 
un  empire  florissant.  Voyez  Catachrese. 

Extérieur,  Extérieure.  Adj.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Les  parties  extérieures,  les 
ornements  extérieurs. 

Extérieurement.  Adv.  Il  ne  se  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  pariicipe. 

Exterminateur.  Adj.  On  ne  trouve  nulle  part 
comment  il  faut  dire  au  féminin.  Nous  pensons 
qu'on  pourrait  dire  exterminatrice.  Le  glaive 
exterminateur;  la  guerre,  la  peste  extermina- 
trice. 

Externe.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Cause  e.vtertte. 

Extraire.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4' conj.  Il 
se  conjugue  comme  traire.  Voyez  ce  mot. 

Extrait.  Subst.  m.  Ce  mol  se  dit,  en  littéra- 
ture, d'une  exposition  abrégée,  ou  de  l'cpitome 
d'un  grand  ouvrage.  Les  journaux  et  autres  ou- 
vrages périodiques  où  l'on  rend  compte  des  ou- 
vrages nouveaux,  conliennent  ou  doivent  conte- 
nir des  extraits  des  matières  les  plus  importantes, 
ou  des  morceaux  les  plus  frappants  de  ces 
ouvrages.  L'extrait  d'un  ouvrage  philosophique, 
historique,  etc.,  n'exige  pour  être  e.xact  que  de 


FAB 

la  justesse  et  de  la  netieté  dans  l'esprit  de  celui 
qui  le  fait.  Fxprimcr  l;i  subslnncc  de  l'ouvrage, 
en  présenter  les  raisonnements  ou  les  laits  capi- 
taux dans  leur  ordre  ou  dans  leur  jour,  c'est  à 
quoi  tout  l'art  se  réduit.  Mais  pour  un  extrait  dis- 
cuté, combien  ne  faul-il  pas  réunir  de  talents  et 
de  lumières I  (Marmontcl.) 

K.\TRA0RDi>MRK.  Adj.  dcs  dcux  genres.  En  gé- 
néral, il  se  met  après  son  subst.  On  pourrait  blâ- 
mer, dans  madame  de  Sévigné,  la  vie  de  cet  homme 
est  une  extraordinaire  chose,  ^extraordinaire 
chose  est  dur.  .Mais  nous  ne  croyons  pas  i^u'on 
puisse  lui  reprocher  d'avoir  dit  j'ai  une  extra- 
ordinaire envie  de  savoir  de  vos  nouvelles.  \'oyez 
Adjectif. 

ExTRAORDiNAiREMENT.  Adv.  On  peut  Ic  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  lia  dépensé  ex- 
iranrdinairement  cette  semaine,  ou  il  a  extra- 
ordinairement  dépensé  cette  semaine. 

ExTRAVAGAM.MEM.  Adv.  On  pcut  Ic  mettre  en- 
tre l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  s'est  conduit 
extravagamment  dans  cette  affaire,  OU  il  s'est 
extravagamment  conduit  dans  cette  affaire.  II 
est  peu  usité. 

Extravagant,  Extravagante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  extravaguer.  Cet  adjectif  s'écrit  sans  u 


FAB 


281 


après  le  g,  quoiqu'il  vienne  du  verbe  extrava- 
guer. Mais  le  participe  actif  extravaguant  prend 
cet  «.  Il  peut  se  mettre  av;ini  son  subst.,  lorsque 
l'harmonie  et  l'analogie  le  pemiellent  :  Cette  ex- 
travagante idée  nous  fit  pouffer  de  rire. 

FXTRÊ.ME.  Adj.  des  deux  genres.  L'Académie 
dit  les  maux  les  plus  extrêmes;  et  Fér;iud  re- 
marque, à  celte  occasion,  que  cette  phrase  est 
bonne  parce  qu'elle  est  consacrée  par  l'usage; 
mais  qu'en  général,  extrême  ayant  la  force  d'un 
superlatif,  n'est  pas  susceptible  de  degrés  de  com- 
paraison. Nous  pensons  que  Féraud  est  dans 
l'erreur.  L'extrémité  a  des  degrés;  car  on  dit 
être  réduit  aux  dernières  extrémités. 

Extrêmement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  panicijie  :  Il  s'est  eTtrêmement 
trompé.  Il  régit  la  préposition  de.  Il  n'y  aura 
pas  extrêmement  de  vin  cette  année. 

ExTnÉMiTÉ.  Subst.  f.  Voyez  Fin  et  Extrême. 

EXDLCÉRER.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Terme  de 
médecine.  Voltaire  a  employé  ce  mot  llgurément, 
dans  le  sens  de  piquer  fortement  :  Les  diatribes 
sont  moins  faites  pour  exulcérer,  qu'une  épi- 
gramme  fine  et  mordante. 

Ex-voTO.  Subst.  m.  Mot  tiré  du  latin,  qui  ne 
prend  point  de  .y  au  pluriel  :  Des  ex-voto. 


F. 


F.  Subst.  m.  On  prononce  fe.  Celte  lettre  con- 
serve presque  toujours  le  son  qui  lui  est  propre 
au  commencement  et  au  milieu  des  mots.  A  la  fin 
des  mots,  elle  se  fait  sentir  au  singulier  comme 
au  pluriel,  aussi  bien  devant  les  mois  qui  com- 
mencent par  une  consonne  que  devant  ceux  qui 
commencent  [lar  une  voyelle  :  Fif  désir  se 
prononce  comn.e  vif  amour.  Il  y  a  quelques  ex- 
ceptions, qui  seront  indiquées  aux  articles  des 
mots  sur  lesquels  elles  tombent. 

F  en  musique  indique  le  fa  ;  c'est  aussi  le  nom 
de  la  plus  b;isse  des  trois  clefs.  Au-dessus  ou  au- 
dessous  d'une  des  lignes  de  la  portée,  il  signifie 
encore  fort  ou  forte.  Deux  F  majuscules  placés 
ainsi  :  rF,  indiquent  (ju'il  faut  jouer  très-fort, 
fortissime.  —  Doublé,  en  caractères  ordinaires, 
mais  unis  ou  identifiés  [ff],  il  désigne  les  Pan- 
dectes.  —  Il  est  l'expression  du  mot  frère  lors- 
qu'il s'agit  d'un  moine  et  dans  les  sermons. — 
Dans  les"beaux-arts,/>c., abréviation  du  mol  latin 
fecit,  suit  souvent  la  signature  de  l'artiste.  — 
Dans  le  commerce,  F"  indique  le  folio  d'un  re- 
gistre ou  d'un  livre.  FL  signifie  florin;  f.  franc. 
—  Fsuv  les  pièces  de  monnaie  est  la  marque  de 
la  Tille  d'An  sers. 

Fable.  Subst.  f.  L'Académie  dit  que  le  mot 
fable  se  pi  end  dans  un  sens  collectif  pour  signi- 
fier loutes  les  fables  de  l'antiquité  païenne.  Il  fal- 
lait dire  tuules  les  fables  de  la  théologie  pnïenne. 
En  ce  sens,  le  mot  fable  n'a  point  de  [)luriel  : 
Étudier  la  fable.  On  divise  la  fable,  prise  col- 
lectivement, en  fables  historiques ,  philosophi- 
ques, allégoriques,  morales,  mixtes,  et  fables 
inventées  à  jdaisir.  On  dit  qu'un  homme  est  la 
fable  du  peuple,  la  fable  de  tout  le  monde,  la  fable 
de  la  ville,  pour  dire  qu'il  est  la  risée  du  peu- 
ple, delà  ville,  etc.  U  paraît  que  cette  expression 
peut  s'employer  aussi  dans  le  style  noble. 

Racine  dit  dans  Iphigénie  (act.  II,  se.  vu,  26)  : 

Sais-je,  sans  le  savoir,  la  fable  de  l'armée  ? 


La  fable  est  le  récit  d'une  action  feinte,  desti- 
née à  l'amusement  et  à  l'instruction,  sous  le  voile 
de  l'allégorie. 

On  a  dit  le  style  de  la  fahle  doit  être  simple, 
familier,  riant, gracieux,  naturel  et  même  naïfi 
il  faillit  dire  et  surtout  naïf 

Tous  les  caractères  d'esprit  se  concilient  avec 
la  naïveté,  hors  la  finesse  et  l'affectation .  D'où 
vient  que  Janot  Lapin,  Jiobin  Mouton,  Carpil- 
lon  Fretin,  la  Gent  Trotte-Menu,  etc.,  ont  tant 
de  grâce  et  de  naturel?  d'où  vient  que  don  Ju~ 
gement,  dame  Mémoire  et  demoiselle  Imagina- 
tion, quoique  très-bien  caractérisés,  sont  si  dé- 
placés dans  la  fable?  Ceux-là  sont  du  bon  homme, 
ceux-ci  de  l'homme  d'esprit. 

Si  La  Fontaine  enqiloie  des  personnages  allégo- 
riques, ce  n'est  pas  lui  qui  les  invente  :  on  est 
déjà  familiarisé  avec  eux.  La  Fortune,  la  Mort,  le 
Temps,  tout  cela  est  reçu.  Si  quelquefois  il  en 
introduit  de  sa  façon,  c'est  toujours  en  homme 
simple  ;  c'est  que  si  que  non,  frère  de  la  Discorde; 
c'est  tien  et  mien,  son  père,  etc. 

Lamotte,  au  contraire,  met  toute  la  finesse 
qu'il  peut  à  personnifier  des  êtres  moraux  et  mé- 
taphysiques :  Personnifions,  dit-il,  les  vertus  et 
les  vices;  animons,  selon  nos  besoins,  tous  les 
êtres;  et,  d'après  celte  licence,  il  introduit  la 
A'ertii,  le  Talent  et  la  Réputation,  pour  faire  faire, 
à  celle-ci  un  jeu  de  mots  à  la  fin  de  la  fable.  C'est 
encore  pis  lorsque  V Ignorance,  grosse  d'enfant, 
accouche  û' Admiration,  de  demoiselle  Opinion, 
et  qu'on  fait  venir  ['Orgueil  et  la  Paresse  pour 
uommer  l'enfant,  qu'ils  appellent  la  Férité.  La- 
motte a  beau  dire  qu'il  se  trace  un  nouveau  che- 
min ;  ce  chemin  l'éloigné  du  but. 

Encore  une  fois,  le  poêle  doit  jouer  dans  la 
fable  le  lole  d'un  homme  simple  et  crédule;  et 
celui  qui  personnifie  des  abstractions  métaphysi- 
ques avec  tant  de  subtilité,  n'est  pas  le  mênru? 
qui  nous  dit  sérieusement  cpic  Jean  Lapin,  plai- 


SM 


FAB 


dant  contre  dame  Belette,  allégua  la  coutume  et 
Vusaçte. 

Mais  comme  la  crédulili;  -lu  poëlc  n'est  jamais 
plus  naïve,  ni  par  fonsi-iiuent  plus  amusante,  que 
dans  lies  sujets  dt'poiirvus  (le  vraisembianto  à 
notre  égard,  ces  sujets  vont  l)caiieoup  plus  droit 
au  hut'iic  l'apologue  (iwc  ceux  qui  soûl  naturels 
et  dans  l'ordre  des  possibles. 

La  fable  des  Deux  Amis,  le  Paysan  du  Da- 
nube, Philémon  et  Baticis,  ont  leur  cliarme  et 
leur  intéicl  iiarticulicr;  mais  qu'on  y  prenne 
garde,  ce  n'est  là  ni  le  charme  ni  l'intcrél  de  l'a- 
polosue.  Ce  n'est  point  ce  doux  sourire,  cette 
complaisance  intérieure  qu'excite  en  nous  Jaiiot 
Lapin,  la  Mmiche  du  coche,  etc. — Dans  les  pro- 
inières,  la  simplicité  du  poëlc  n'est  qu'ingénue  et 
n'a  rien  de  ridicule;  dans  les  dernières,  elle  est 
naïve,  et  nous  amuse  à  ses  dépens.  C'est  ce  qui  a 
fait  ]>enscr  que  les  fahles  où  les  animaux,  les 
plantes,  les  êtres  inanimés  parlent  et  agissent  à 
notre  manière,  sont  peut-être  les  seules  qui  mé- 
ritent le  nom  de  fahles.  (Extrait  de  Marmontel.) 
Voyez  Apologue. 

Dans  les  poëmes  épique  et  dramatique,  la  fa- 
ble, Vaction,  le  sujet,  sont  communément  pris 
pour  synonymes;  mais,  dans  une  acce[)ijon  plus 
étroite,  le  sujet  du  poëme  est  l'idée  subsantielie 
(leVaction;  l'ac/ioH,  par  conséquent,  est  le  déve- 
loppement du  sujet;  Vi/iirigue  e^l  cette  même 
disposition,  considérée  du  côté  des  incidents  qui 
nouent  et  dénouent  Vaction. 

Fabliaux.  Subst.  m.  plur.  Les  anciens  poëmes 
connus  sous  le  nom  de  fabliaux  sont  des  poëmes 
qui,  bien  exécutés,  renferment  le  récit  élégant  et 
naïf  d'une  action  inventée,  petite,  plus  ou  moins 
intriguée,  quoique  d'une  certaine  proportion, 
uiais  agréai  le  ou  plaisante,  dont  le  but  est  d'in- 
struire ou  d'amuser. 

Fablier.  Subst.  m.  ^ladame  de  la  Sablière  ap- 
pelait La  Fontaine  un  fablier,  pour  signifier  qu'il 
portait  des  fables  comme  un  arbre  porte  des  fruits. 
On  emploie  encore  quelquefois  ce  mot  pour  dé- 
signer cet  illustre  fabuliste.  La  Harpe  dit,  en 
parlant  d'un  conte  de  Tasserat,  qui  a  eu,  dans 
cette  seule  pièce  à  la  vérité,  le  iiaturelchannant 
et  les  grâces  de  notre  fablier.  (Cours  de  lit  ter., 
IP  part.,  liv.  I,  cliap.  1,  t.  iv,  p.l']4.) 

Fadricatecr.  Subst.  m.  Onne  trouve  nulle  part 
comment  il  faudrait  dire  au  féminin.  Nous  pensons 
que  rien  n'empêche  de  dire  fabricatrice. 

Faeuleusement.  Adv.  Il  n'est  point  usité. 

Fabuleux,  Fabuleuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  :  Une  histoire  fabuleuse.  Us  di- 
vinités fabuleuses.  La  fabuleuse  antiquité.  Voy. 
Adjectif. 

Fabuliste.  Subst.  m.  Auteur  qui  écrit  des  fa- 
bles, c'est-à-dire  des  narrations  fabuleuses,  ac- 
compagnées d'une  moralité  qui  sert  de  fondement 
à  la  fiction.  —  Ce  mot  est  de  finvenlion  de  l.a 
Fontaine;  c'est  Lamotte  qui  nous  l'apprend. 
Lorsijue  cet  ingénieux  auteur  fit  paraître  ses  fa- 
bles en  '170y,  c'est-à-dire  plus  de  quarante  ans 
après  la  publication  de  la  préface  de  l.a  Fontaine, 
il  remanpiait  (p.  12  de  l'édit.  in-4")  (jue  le  mot 
fabuliste  était  encore  nouveau,  et  il  n'osait  s'en 
servir  qu'en  s'appuyanl  de  l'autorité  de  ce  poëte. 
En  effet,  on  ne  trouve  ce  mot  ni  dans  les  auteurs 
de  notre  ancien  langage,  ni  dans  le  Dictionnaire 
de  Nicot,  et  l'Académie  ne  l'avait  pas  admis  en- 
core dans  la  première  édition  de  son  Diction- 
naire, qui  fut  publiée  après  la  mort  de  l.a  Fon- 
taine. {M.  Walckenaer,  Notes  sur  la  Préface  des 
Fables  de  La  Fontaine,  1. 1,  p.  18,  éd.  de  1827.) 


point  admis  dans  le 


FAC 

Face.  Subst.  f.  Ce  mot  se  dit  figurément  de  l'é- 
tal, de  la  situation  des  affaires;  et  en  ce  .sens  il 
appartient  au  style  noble  comme  au  style  familier. 

Il  suffit,  j'ai  parlé,  tout  a  changé  de  (ace, 

(Uac,  Brititn.,  acl.  V,  8C.  lit,  U.). 

iMa  fortune  Ta  prendre  une  face  nouvelle. 

[Rac.,  Ànirom.,  act.  I,  se.  i,  2., 

Voire  fortune  cliange  et  prend  une  autre  face, 

(Rac,  PMi.,  act.  1,  3C  V,  5., 

Face,  dans  le  sens  de  visage,  ne  se  dit  plus  dans 
le  genre  noble.  Il  parait  que,  du  temps  de  Racine, 
il  était  admis  dans  la  poésie  : 

Pyrrhus  m'a  reconnu  mais  sans  changer  de  face. 

[AnArom.,  acl.  V,  se.  m,  9.; 

Eh  face.  Préposition.  Elle  régit  de  :  Cette  viai- 
son  est  située  en  face  du  château. 

Facétie.  Subsl.  f.  Il  n'est  iioint 
style  noble. 

Facétieusement.  .\dv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  elle  participe  :  //  nous  a  raconté  fa- 
cétieusement cette  aventure,  ou  il  7ious  a  facé- 
tieusement raconté  cette  aventure. 

Facétieux,  Facétieuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  quand  l'harmonie  et  l'analogie 
le  permettent.  On  ne  dirait  pas  un  facétieux 
homme,  une  facétieuse  femme;  mais  il  nous 
semble  tpie  rien  n'cm[)ôcherait  de  dire  %ine  fa- 
cétieuse aventure. 

Facette.  Subst.  f.  L'Académie  ne  le  dit  qu'au 
propre  ;  mais  il  me  semble  que  madame  de  Sévi- 
gné  a  dit  avec  i)eaucoup  de  justesse,  les  choses 
de  ce  inonde  sont  à  facettes. 

Fâcher.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Corneille  a  dit 
dans  Rr:dogu7ie  (act.  II,  se.  ii.  M)  : 

Son  retour  me  fâchait  plus  que  son  hymooée. 

Ce  mot  fâcher,  dit  A'ollaire,  ne  doit  jamais  entrer 
dans  la  tragédie.  {Beman/ues  sur  Corneille.) 

L'Académie  explique /ac/ier  par  mettre  en  co- 
lère. Cette  explication  est  fausse.  On  est  fâché 
sans  être  en  colère  :  Je  l'ai  vu  souvent  en  colère, 
mais  je  ne  l'ai  jamais  vu  fâché.  ^J.-J.  Rousseau, 
Confessions.) 

Faculrie.  Subst.  f.  Voltaire  l'a  employé  dans 
une  lettre  à  Maupertuis,  écrite  en  style  plaisant  : 
Je  crois  que  votre  fâcherie  est  un  de  ces  effets  de 
la  liberté  de  Vhomme  dont  il  n'y  a  point  de  rai- 
son à  rendre. 

Fâcheux,  Fâcheuse.  Adj.  Il  se  met  souvent 
avant  son  subst.  :  Fâcheux  accident,  fâcheuse 
nouvelle,  fâcheuse  condition,  fâcheux  état.  On 
dit  u/i  fâcheux  personnage,  tuais  on  ne  dit  pas 
un  fâcheux  homme.  Voyez  Adjectif. 

Faciende.  Subst.  f.  Ce  mot,  recueilli  par  l'Aca- 
démie, n'est  plus  usité. 

Facile.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  chose  facile,  un  esprit 
facUe.  Joint  à  un  infinitif  il  régit  à  :  Cicéron  est 
facile  à  entendre.  Lorsiju'il  est  joint  au  verbe 
être  pris  impersonnellement,  il  régit  la  préposi- 
tion de  :  Il  est  facile  de  se  tromper. 

Lorsijuc /aci'Ze  régit  «,  il  donne  au  verbe  régi 
le  sens  passif.  —  Il  ne  faut  pas  dire  des  /ivres 
faciles  à  se  procurer,  mais  des  livres  qu'il  est 
facile  de  se  procurer. 

Ce  mot  ne  signifie  pas  seulement  une  chose  ai- 
sément faite,  mais  encore  qui  paraît  l'être.  Le 
pinceau  du  Corrége  est  facile.  Le  style  do  Qui- 
nauli  est  beaucoup  plus  facile  ([ue  celui  de  Des- 


FAC 

préaux,  comme  le  slylc  d'Ovide  l'emporte  en  fa- 
cililé  sur  celui  de  Perse. 

Celle  facililé  en  peinture,  en  musique,  en  élo- 
quence, en  poésie,  consiste  dans  un  nalurcl  lieu- 
reux  (jui  n'adniel  aucun  tour  de  recherclie,  et 
qui  peut  se  passer  de  force  et  de  proiondcur. 
Ainsi  les  tableaux  de  Paul  Vcronèse  ont  \ni  air 
plus  ftcile  et  moins  liai  que  ceux  de  Michel- 
Ange.  Les  symphonies  de  Kanicau  sont  supérieu- 
res à  celles  de  Lulli,  cl  semblent  moins  faciles. 
Bossuel  csl  jilus  vcrilablemcni  élociuent  et  plus 
facUev\}ic  Fléchier.  Eousscati,  dans  ses  épitres, 
n'a  pas  à  beaucoup  près  la  facililé  et  la  vérilc  de 
Desprcaux. 

Le  commcnlalcur  de  Desprcaux  dit  que  ce 
poëtc  laborieux  avait  appris  à  l'illuslre  Racine  à 
faire  dinicilenient  des  vers ,  et  que  ceux  qui  pa- 
raissent faciles  sont  ceux  qui  ont  été  faits  avec 
le  plus  de  difûculté. 

il  est  très-vrai  qu'il  en  coûte  souvent  pour 
s'exprimer  avec  clarté;  il  csl  vrai  qu'on  peut  ar- 
river au  naturel  par  des  efforts;  mais  il  est  vrai 
aussi  qu'un  heureux  génie  produit  souvent  des 
beautés  faciles  sans  aucune  peine,  cl  que  l'en- 
ihousiasme  va  plus  loin  que  l'arl. 

La  plupart  des  morceaux  passionnés  de  nos 
bonsjwëtes  sont  sortis  aclievés  de  leur  plume,  et 
paraissent  d'autant  plus  faciles  qu'ils  ont  en  effet 
été  composes  sans  travail  :  l'imagination  alors 
conçoit  et  enfante  aisément.  Il  n'en  est  pas  ainsi 
dans  les  ouvrages  didactiques;  c'est  là  qu'on  a  be- 
soin d'art  pour  paraître  facile.  11  y  a,  par  exem- 
ple, bcaucouj)  moins  de  facilité  que  de  profondeur 
dans  l'admirable  Essai  sur  l'Homme,  de  Pope. 

On  peut  faire  facilement  de  très-mauvais  ou- 
vrages qui  n'auront  rien  do  gêné,  qui  paraîtront 
faciles,  et  c'est  le  partage  de  ceux  qui  ont,  sans 
génie,  la  malheureuse  habitude  de  composer. 
C'est  en  ce  sens  qu'un  personnage  de  l'ancienne 
comédie,  qu  on  nomme  italienne,  dit  à  un  autre  : 

Tu  fais  de  méchants  vers  admirablement  bien. 

Le  terme  de  facile  est  une  injure  pour  une 
femme,  et  est  quelquefois  dans  la  sociélô  une 
louange  pour  un  homme;  c'est  souvent  un  dé- 
faut dans  un  homme  d'État. 

Les  mœurs  d'Atticus  étaient /àctVw;  c'était  le 
plus  ain:aMe  des  Ilomains.  La  facile  Cléoi)âtre  se 
donna  à  Antoine  aussi  facilement  qu'a  César.  Le 
facile  Claude  se  laissait  gouverner  par  Agripi)inc. 
Facile  n'est  là  par  rapport  h  Claude  qu'un  adou- 
cissement ;  le  mot  propre  est  faible. 

Un  homme  facile  est  en  général  un  esprit  qui 
se  rend  aisi'-menl  à  la  raison,  aux  remontrances, 
un  cœur  qui  se  laisse  fléchir  aux  prières;  un 
homme  faille  est  celui  qui  laisse  prendre  sur  lui 
trop  d'autorité,  (^'olt.,  Dict.  philos.) 

FACiLEMnNT.  Adv.  11  ne  se  met  guôie  qu'après  le 
verbe  :  Il  parle,  il  écrit  faciJcmciit. 

Facilitk.  Subst.  f.  On  dit  avec  la  préposition 
de,  la  facilité  d' entendre,  d'upprendre,  de  s'in- 
struire, parce  qu'il  s'agit  d'actions  qvii  s'opèi'cnt 
dans  le  sujet  même.  Mais  il  faut  employer  la  pré- 
position à  lorsqu'il  s'agit  d'actions  qui  ont  un 
but  hors  du  sujet  :  Il  a  une  grande  facilité  à 
parler,  à  s'expriîner,  à  se  faire  comprendre,  à 
enseigner.  Voyez  Facile. 

Faciutek.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Faciliter 
une  affaire,  faciliter  les  moyens  de  faire  une 
chose,  faciliter  quelqu'un  à  faire  une  chose. 

Faconde.  Subst.  f.  Vieux  mot  qui  n'est  plus 
en  usage  que  dans  les  poésies  badines. 


FAD 


^285 


Façonner,  v.  a.  de  la  -1"  conj.  L'Acadéuiie  dit 
qu'il  est  aussi  neutre  dans  le  style  familier,  et 
qu'alors  il  se  dit  des  diflicultcs  qu'on  fait  d'ac- 
cepter quelque  chose  :  Pourquoi  tant  façonner? 
acceptes  ce  qu'on  vous  offre.  Cette  acception 
n'est  d'usage  ni  dans  le  style  familier,  ni  dans 
aucun  autre  style.  On  dit  dans  ce  sens,  pourquoi 
fui^e  tant  de  façons? 

Factk^.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose,  il  ne 
se  met  ([u'après  son  subst.  :  Pierres  factices,  ca- 
ractère factice. 

Factieux,  Factieuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  :  Un  esprit  factieux,  des  sol- 
dais factieux,  cette  factieuse  assemblée.  Voyez 
Adjectif. 

Faction.  Subst.  f.  L'Académie  définit  ce  mot, 
parti,  cabale  dans  un  État,  dans  une  ville,  dans 
un  corps,  dans  une  compagnie.  Voltaire  a  rectifié 
cette  définition.  La  principale  acception  de  ce 
terme,  (lit-il,  signilie  un  parti  séditieux  dans  un 
État.  Le  terme  Reparti,  par  lui-même,  n'a  rien 
d'odieux;  celui  de  faction  l'est  toujours.  Un 
grand  homme  et  un  médiocre  peuvent  avoir  ai- 
sément un  parti  à  la  cour,  dans  l'armée,  à  la  ville, 
dans  la  littérature.  On  peut  avoir  un  parti  par  son 
mérite  et  par  la  chaleur  cl  le  nombre  de  ses  amis, 
sans  être  chef  départi.  Le  maréchal  de  Câlinât, 
peu  considéré  à  la  cour,  s'était  fait  un  grand 
parti  dans  l'armée,  sans  y  prétendre.  Un  chef 
de;3ar/iest  toujours  un  chef  de  faction;  icls  ont 
été  le  cardinal  de  Retz,  Henri,  duc  de  Guise,  et 
tant  d'autres. —  Un  parti  séditieux,  quand  il  est 
encore  séditieux,  quand  il  est  encore  faible, 
quand  il  ne  partage  pas  tout  l'Étal,  n'est  qii'une 
faction.  La  faction  de  César  devint  bientôt  un 
|)arli  dominantqui  engloutit  la  république.  Quand 
l'empereur  Charles  VI  disputait  l'Espagne  a  Phi- 
lippe V,  il  avait  un  parti  dans  ce  royaume,  et 
j  enfin  il  n'y  eut  plus  ([u'une  faction  ;  cependant 
on  iieut  dire  encore  le  parti  de  Charles  f'^I.  Il 
n'en  est  pas  ainsi  des  hommes  prives.  Descartes 
I  eut  longtemps  un  parti  en  France;  on  ne  peut 
dire  qu'd  cul  une  faction.  C'est  ainsi  qu'il  y  a 
des  mots  synonymes  en  plusieurs  cas,  qui  cessent 
de  l'ôlre  dans  d'autres.  {Dict.  philos.) 

Factotum.  Subst.  m.  Ce  substantif, comme  tous 
ceux  qui  sont  empruntés  des  langues  anciennes 
ou  ctrangércis,  ne  prend  point  de  s  au  pluriel. 

F.^ctum.  Subst.  m.  C'est  un  mol  emprunté  de 
la  langue  latine  ;  il  ne  prend  point  de  s  au  plu- 
riel :  des  factu7n.—Cc  terme  a  été  employé  dtfosle 
style  judiciaire,  lorsque  les  procédures  et  les  juge- 
ments se  l'cdiseaicul  en  latin,  pourexpiimcr  le  fait, 
c'csl-à-dire  les  circonstances  d' une  affaire.  On  a  en- 
suite intitulé  et  ap|ielé/Y(c^Mfn  un  mémoire  conte- 
nant l'exposition  d'une  alïaire  conlentieuse.  Ces 
sortes  de  mémoires  furent  ainsi  appelés,  parce  (j  ne, 
dans  le  temps  qu'on  les  rédigeait  en  lalin,  ou  y 
mettait  en  iclc  le  mol  fuctxim,i\  cause  qu'ils  ciitii- 
mençaient  par  Pcxiiosition  du  fait,  «lui  précède 
ordinairement  celle  des  moyens.  Depuis  que 
François  I"  eut  ordonné,  en  1533,  de  rcuiger 
tous  les  actes  en  français,  on  ne  laissa  pas  de 
conserver  encore  au  palais  (juclques  ternies  la- 
lins,  du  nombre  desquels  fut  celui  de  faclum, 
que  l'on  mettait  en  tête  des  mémoires.^  Depuis 
longtemps  on  a  substitué  le  terme  de  mémoire  à 
celui  de  factum. 

Fade.  Adj.  des  deux  genres.  Au  figuré,  on  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analo;ne  et 
l'harmonie  le  permettent.  On  dilwne  viande  fade, 
ttne  sauce  fade,  une  mine  fude,  une  couleur  fade; 


284 


FAI 


maison  pourrait  dire  «ne  fade  conversation,  de 
fades  louanges. 

Fagdf.nas.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  s. 
Odeur  fade  el  mauvaise.  Ce  mot,  que  l'on  trouve 
dans  le  Dictionnaire  de  V Académie,  n'est  plus 
usité. 

Faible.  Adj.  des  deux  genres.  On  écrivait  der- 
nièrement foible.  C'est  \  ollaire  qui  a  introduit 
faible.  On  jjrononce  fèl>lc.  Cet  adj.  peut  se  met- 
tre avant  son  subst.,  quand  l'harmunie  et  l'ana- 
logie le  permettent  :  Un  homme  faible,  une 
femme  faible,  une  âme  faible,  un  remède  faible, 
ou  i/;i  faible  remède;  une  mémoire  faible,  OU 
une  faible  viémoire ;  un  jour  faible,  OU  «;»  fai- 
ble jour. 

A  peine  un  faible  jour  vous  éclaire  et  me  guide. 

(RiC,  Iphia..  ad.  I,  se.  i,  5.) 

Une  faible  raison,  un  faible  raisonnement,  vn 
^aible  argument,  une  faible  défense,  un  faible 
secours,  un  faible  soulagement,  une  faible  espé- 
rance, vn  faible  souvenir.  Voyez  Adjectif. 

Faible  se  dit  des  ouvrages  ile  littérature.  Un 
ouvrage,  dit  Voltaire,  peut  être  faible  par  les 
licnsccs  et  par  le  stylo  :  par  les  pensées,  quand 
elles  sont  trop  communes,  ou  lorsqu'étant  jus- 
tes elles  ne  sont  pas  assez  approfondies;  par 
le  style,  quand  il  est  dépourvu  d'images,  de 
tours,  de  ligures  qui  réveillent  l'attention.  Les 
i-iraisons  de  Mascaron  sont  faibles,  et  son  style 
n'a  p;is  de  vie  en  comparaison  de  celui  de  Bos- 
suet.  Toute  harangue  est  faible  quand  elle  n'est 
pas  relevée  par  des  tours  ingénieux  et  par  des 
expressions  énergiques;  mais  un  plaidoyer  est 
faible  quand,  avec  tout  le  secours  de  l'éloquence 
et  toute  la  véhémence  de  l'action,  il  manque  de 
raison.  Nul  ouvrage  philosophique  n'est  faible, 
malgré  la  faiblesse  d'un  style  lâche,  quand  le 
raisonnement  est  juste  et  profond.  Une  tragédie 
est  faible,  quoique  le  style  en  soit  fort,  quand 
l'intérêt  n'est  pas  soutenu.  La  comédie  la  mieux 
écrite  est  faible,  si  elle  manque  de  force  comi- 
que. Les  vers  faibles  ne  sont  pas  ceux  qui  pè- 
chent contre  les  règles,  mais  contre  le  génie,  (jui, 
dans  leur  mécanisme,  sont  sans  variété,  sans 
choix  de  termes,  sans  heureuses  inversions, 
et  qui,  dans  la  poésie,  conservent  trop  la  simpli- 
cité de  la  prose.  Voyez  Fragile. 

Faiblement.  Adv.  On  écrivait  dernièrement 
faiblement.  C'est  Voltaire  qui  a  introduit  faible- 
ment. Il  peut  se  mettre  avant  le  verbe  :  //  s'est 
défendu  faiblement  ;  ou  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  //  s'est  faiblement  défendu. 

Faiblesse.  Subst.  f.  On  écrivait  dernièrement 
faiblesse.  C'est  Voltaire  qui  a  introduit  faiblesse. 
On  i)rononce  féblesse  : 

N'espérons  des  liumains  rien  que  par  leur  faiblesse. 
(Volt.,  Brut.,  act.  III,  se.  ii,  73.) 

Faillible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  On  mouille  les  deux  /. 

Faillibilité.  Subst.  f.  On  mouille  les  deux  l. 

Faillir.  V.  n. ,  irrrégulicr  el  défectueux 
de  la  2'  conj.  On  mouille  les  /.  Il  n'est  guère 
d'usage  qu'au  passé  simple  .Je  faillis,  tu  faillis, 
il  faillit;  nous  faillîmes,  vous  faillîtes,  ils  fail- 
lirent ;  au  passé  composé,  j'ai  failli,  etc.;  aux 
temps  composés  tant  de  l'indicatif  que  du  sub- 
jonctif;;! l'inlinitif,  faillir;  et  au  participe  pré- 
%CM,  faillant. 

L'Académie  dit  faillir  à  tomler,  et  faillir  de 
tomber. 


FAI 

Il  nous  semble  que  l'on  dit  il  a  failli  à,  .si  le 
verbe  qui  suit  exprime  une  action  qui  s'opère 
hors  du  s\ijot,  ctijui  indique  un  but  auquel  tend 
ce  sujet,  ou  auijucl  il  atteint  sans  le  vouloir:  Il 
a  failli  ix  me  tuer,  il  a  failli  à  me  ruiner  ;  <i\. 
que  l'on  dit  il  a  failli  de,  lorsque  l'action  expri- 
mée par  le  verbe  suivant  s'opère  dans  le  sujet 
même,  el  n'indique  pas  un  but  auquel  tend  le 
sujet,  ou  qu'il  atteint  :  lia  failli  de  se  contre- 
dire, il  a  failli  de  tomber,  le  vaisseau  a  failli 
à'être  submergé.  Selon  l'Académie,  on  dil  aussi 
sans  i)r('posi\\<m,  j'ai  failli  mourir,  l'oublier, elc. 

Nous  nouspennellrons  sur  ces  derniers  exem- 
ples quelques  observations,  que  nous  ne  donnons 
que  comme  notre  opinion  j*arliculiére.  II  nous 
semble  qu'on  ne  peut  jamais  dire  faillir  sans 
préposition,  lorsque  le  sens  indique  un  but.  On 
ne  dit  pas  il  a  failli  me  tuer;  mais  on  dil  il  a 
failli  à  me  tuer.  On  ne  peut  donc  le  dire  sans 
préposition,  qu'en  supprimant  de  :  j'ai  failli 
mourir,  au  lieu  de  j'ai  failli  de  mourir;  j'ai 
failli  tomber,  au  lieu  de  j'ai  failli  de  tomber. 
Mais  entre  ces  deux  expressions  nous  remarquons 
une  nuance  qui  exige  cpie  l'on  préfère  tantôt 
l'une,  tantôt  l'autre.  Si  un  honune  a  eu  une  ma- 
ladie grave  qui  l'ait  mis  pendant  quelque  temps 
entre  la  vie  el  la  mort,  on  dira  bien  il  a  failli  de 
mourir;  de  exprime  le  doute,  l'incertitude,  les 
chances.  Mais  si  un  homme  se  trouve  mal  subi- 
tement, au  point  que  sa  mort  paraisse  certaine, 
inévitable,  on  diia  il  a  failli  mourir.  On  dit 
j'ai  failli  de  tomber,  lorsiiuc  j'ai  eu  le  temps 
défaire  des  efforts  pour  éviter  la  chute;  cl  fat 
failli  tomber,  lorsque  la  cause  subite  de  chute 
n'a  été  balancée  par  aucun  effort.  On  dit  j'ai 
failli  de  vous  écrire,  parce  que  la  phrase  suppose 
délibération,  chance,  possibilité  d'écrire  ou  de 
ne  pas  écrire;  mais  on  ne  dit  pasj'ni  failli  vous 
écrire. 

Faillir  se  disait  autrefois  pour  faire  une  faute. 
Racine  a  dil  dans  Phèdre  (act.  I,  se.  i,  99): 

Aucuns  nionàlres  par  moi  domptés  jusqu'aujourd'liui. 
Ne  m'ont  acquis  le  droit  de  /aidir  comme  lui. 

El  Pascal  :  Comme  il  arrive  à  tout  le  monde 
de  faillir.  {Pensées,  p.  244.)  —  En  abolissant  ce 
mot,  l'usage  n'en  a  point  établi  d'autre  qui  ex- 
prime la  même  idée. 

Faim.  Subst.  f.  Ce  mot  n'a  point  de  pluriel. 

Fai.>éant,  Fainéante.  Adj.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  Ce  mot  n'est  pas  du  style 
noble. 

Faire.  V.a.  el  irrég.  de  la  4'  conj.  Voici  com- 
menl  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  — Présent.  Je  fais,  tu  fais,  il  fait, 
nous  faisons,  vous  faites,  ils  font.  — Imparfait. 
Je  faisais,  tu  faisais,  il  faisait;  nous  faisions,  voriS 
faisiez,  ils  taisaient..  —  Passé  simple.  Je  lis. 
tu  fis,  il  lit  ;  nous  fiuîes,  vous  files,  ils  lirent. — 
Futur.  Je  ferai,  tu  feras,  il  fera  ;  nous  ferons, 
vous  ferez,  ils  feront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  ferais,  tu  ferais, 
il  ferait;  nous  ferions,  vous  feriez,  ils  feraient. 

Impératif.  —  Présent.  Fais,  qu'il  fasse;  fai- 
sons, faites,  qu'ils  fassent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  fasse,  que  (u 
fasse?,  qu'il  fasse  ;  que  nous  fassions,  que  vous 
fassiez,  qu'ils  fassent.  — Imparfait.  Que  je  lisse, 
que  tu  fisses,  qu'il  fit  ;  (jue  nous  lissions,  que 
vous  fissiez,  qu'ils  lissent. 

Participe.  — Présent.  Faisant.  —  Passé.  Fait, 
faite. 


FAI 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

On  prononce  fesant ,  je  fesais ,  tu  fesais,  il 
fesait,  itovs  fcsioiis,  rotis  fesiez,  ils  fesaient. 
—  Vollaire,  et,  à  son  exemple,  plusieurs  lillcru- 
teurs,  l'ont  même  écrit  ainsi  ;  mais  Uumarsais, 
Condillac,  Girard,  Bcauzce,  d'Olivet  et  Domer- 
gue,  se  sont  tK)nslamment  opposés  à  l'adoption 
de  ce  changement,  et  l'Académie  l'a  formellement 
rejeté. 

Cependant  Wailly,  Féraud,  Demandre,  laissent 
ie  choix  d'écrire  nous  fesons  ou  nous  faisons; 
je  fesais  ou  je  faisais;  et  ils  s'appuient  de 
l'opinion  Je  Roilin  [Traifé  des  études,  liv  II, 
ohap.  i,  art.  1),  (jui  pense  qu'il  serait  con- 
forme à  la  raison  de  préférer  iious  fesons,  je 
fesais  écrit  avec  un  e,  parce  i]ue  celte  ortho- 
graphe se  trouve  d'accord  avec  la  prononciation. 
[Grammaire  des  Grammaires,  p.  562.)  .\utrc- 
fois  on  écrivait  au  futur  je  fuirai,  au  lieu  <Je/e 
ferai;  il  est  probable  que,  malgré  ies  grammai- 
riens qui  s'y  opposent,  l'usage  deviendra  bientôt 
général  d'écrire  nous  fesons,  au  lieu  de  nous 
faisons,  etc. 

Ne  faire  que  sortir  et  rentrer,  signifie  sortir 
et  rentrer  continuellement.  Ne  faire  rue  de 
sortir,  c'est  être  sorti  depuis  peu.  —  Je  n'ai  que 
faire  de  cela,  je  n'en  ai  pas  besoin,  je  ne  ni'en 
soucie  pas.  —  Je  ne  sais  qu'y  faire  ;  ce  n'est 
pas  ma  faute;  je  n'y  puis  que  faire,  je  ne  puis  y 
remédier. 

Se  faire  moine.  — Se  faire  à  quelque  cJiose., 
s'y  accoutumer.  —  Impersonnellement  :  Il  fait 
chaud,  il  fait  froid,  etc.  Voltaire  dit,  dans  tes 
Remarques  sur  Corneille,  que  dans  la  poésie 
noble,  on  doit  éviter  autant  qu'on  le  peut  le  mot 
faire. 

La  remarque  suivante  du  même  auteur  peut 
servir  de  correctif  à  la  précédente.  Toutes  les  fois, 
dit-il,  que  lemot/àiren'cst  pas  suivi  d'un  article, 
il  forme  une  façon  de  parler  trop  familière.  Faire 
assaut,  faire  force  de  voiles,  faire  de  nécessité 
vertu,  faire  ferme,  faire  brèche,  faire  halte,  etc., 
toutes  expressions  bannies  du  vers  héroïque. 
[Remarques  sur  Nicomède,  acl.  II,  se.  ii,  43.) 
Voyez  Participe. 

Faire  se  met  souvent  pour  un  autre  verbe 
qu'on  ne  veut  pas  répéter,  comme  je  n'écris  plus 
tant  que  je  faisais  autrefois.  On  ne  peut  s'in- 
téresser plus  tcîidremcnt  que  je  fais  à  ce  qui 
vous  tov.che.  (Madame  deSt^vigné.) 

Une  des  propriétés  du  verbe  faire  est  de 
s'identifier  avec  l'infinitif  qui  le  suit  imiaédiate- 
mer.l,  et  de  ne  former  avec  cet  infinitif  qu'un 
seul  et  môme  verbe  dont  le  sens  est  toujours 
actif.  D'où  il  résulte  que  le  verbe /àtre  doit  être 
précédé  des  pri:)iioiiis  lui,  leur,  et  non  des  pronoms 
le,  la,  les,  lorscp.ie  l'infinitif  a  un  régime  direct , 
car  un  verbe  actif  ne  |)cul  avoir  deux  régimes 
directs  :  On  lui  fil  obtenir  un  emploi;  on  lui  fit 
faire  cette  démarche  ;  et  qu'il  veut  avant  lui  les 
pronoms  le,  la,  les,  toutes  les  fois  que  le  verbe 
qui  est  à  l'infinitif  n'a  point  après  lui  de  régime 
direct  :  On  le  fit  renoncer  à  ses  prétentions  ; 
on  le  fit  consenlir  à  cette  demayide. 

Faisable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  chose  faisable. 

Faiseor.  Subst.  m.  Ce  mot  se  dit  des  person- 
nes qui  coni[)oscnt  dos  harangues,  des  discours 
d'apparat,  etc.,  pour  ceux  qui  doivent  les  pro- 
noncer. Les  évé<[ues  qui  manquent  de  talent  ou 
de  bonne  volonté  i)our  faire  des  mandements  ou 
des  sermons,  ont  des  faiseurs  qui  les  débarras- 


FAL 


285 


sent  de  ce  soin.  Les  hommes  de  lettres,  dit  Mer- 
cier, ont  été  les  faiseurs  de  tout  ce  que  le  clergé, 
la  cour,  la  finance  et  les  parlements  ont  dit  d* 
mieux.  On  jirononce  feseur,  et  plusieurs  l'écri- 
vent. Voyez  Faire. 

En  |)arlant  de  modes  et  d'ouvrages  recherchés, 
on  dit  cet  ouvrage  est  du  bon  faiseur,  de  la 
bonne  faiseuse,  c'est-à-dire  de  l'ouvrier,  de  l'ou- 
vrière qui  est  en  réputation.  —  On  dit  par  mé- 
pris d'un  mauvais  poète,  d'un  mauvais  auteur, 
c'est  un  faiseur  de  re7's,  un  faiseur  de  livres. 

Faite.  Subst.  m.  L'Académie  dit  au  figuré  ie 
faîte  des  grandeurs ,  le  faîte  des  honneurs,  le 
faîte  de  la  gloire.  —  Dû  dit  aussi  le  faîte  du  pou- 
voir : 

Viiicennes,  tu  n'es  plus  qu'un  séjour  détestable 
Q'une  prison  d'ÉUt,  qu'un  lieu  de  désespoir, 
Où  tombent  si  souvent,  du  fritte  du  pouvoir, 
Ces  ministres,  ces  grands  qui  tonnent  sur  nos  t^tes. 
(YoLT.,  //fiir.,  VI,  376.) 

Fallacieux,  Fallacieuse.  Adj.  Corneille  a  dit 
dans  Rodogune  (act.  II,  se.  i,  1)  :  Serments  fulla- 
cieu.v ;  et  Vollaire  dit  à  celle  occasion  :  L'élo- 
quent Bossuel  est  le  seul  qui  se  soit  servi,  après 
Corneille  ,  de  celte  belle  épilhùle,  fullacieus. 
Pourquoi  appauvrir  la  langue'/  Un  mot  consacré 
|>ar  Corneille  et  Bossuel  peut41  être  abandonné? 
[Remarques  sur  Corneille.)  J.-J.  Rousseau  j 
aussi  employé  ce  mot,  et  Roubaud  pense  qu'il 
est  beau  et  nécessaire.  Une  politique  fallacieuse 
est  tout  autre  chose  qu'une  politique  trompeuse. 
— L'Académie,  dans  sa  dernière  édition,  reinar 
que  qu'il  ne  s'emploie  guère  que  dans  le  style 
élevé. 

Falloir.  V.  n.  impersonnel  de  la  3'-'  conj.  Il 
faut,  il  fallait,  il  fallut,  il  a  fillu,  il  faudra, 
il  faudrait;  qn'il  faille,  qu'il  fallût.  L'mfinitif 
n'est  point  usité.  On  mouille  les  l  dans  qu'ii 
faille. 

Falloir,  dans  le  sens  de  manquer ,  ne  s'em- 
ploie qu'avec  la  particule  en  et  le  pronom  de  !a 
troisième  personne  :  Il  s'en  faut  beaucoup,  il  s'en 
faut  de  beaucoup.  On  dit  il  s'en  faut  de  beau- 
coup, quand  il  est  question  d'ex{jrimer  qu'une 
quaniité  n'existe  pas  à  beaucoup  prés  :  F'ous 
croyez  vi'avolr  payé  tout  ce  que  vous  me  devez, 
il  s'en  faut  de  beaucoup;  mais  quand  on  veut 
exprimer  une  grande  différence  entre  deux  per- 
sonnes ou  deux  choses,  on  dil  simplement  U  s'en 
faut  beaucoup:  Il  s'en  faut  beaucoup  que  l'un 
soit  du  mérite  de  l'autre.  (Acad.)  fl  s'en  fallait 
beaucoup  aidant  Pierre  le  Grand  que  la  Russie 
fût  aussi  puissante,  qu'elle  dît  nitant  de  (erres 
cultivées,  autant  de  sujets,  autant  de  revenus 
que  de  nos  jours.  (Volt.,  Histoire  de  Russie, 
part.  T,  chaii.  ii.) 

Il  s'en  faut  exprime  dans  toute  sa  conjugaison 
une  absence,  une  privation  dont  le  sens  négatif 
se  porte  sur  la  proposition  subordonnée,  \lors, 
quand  ce  verbe  n'est  accompagné  ni  d'une  né- 
galion,  ni  de  quelque  mot  qui  ait  un  sens  néga- 
tif, tels  que  peu,  guère,  presque,  rien,  elc,  la 
proposition  subordonnée  ne  jirend  pas  la  néga- 
tive ne  :  Il  s'en  faut  de  beaucoup  que  la  somme 
y  soit.  Il  s'en  faut  beaucoup  que  l'un  ait  autant 
de  mérite  que  l'autre.  Mais  lorsqu'il  s'en  faut 
est  précédé  de  la  négation,  ou  accompagn-  des 
molspeu,  ^i/è7-e,  etc.,  qui  ont  un  sens  négatif; 
ou  bien  encore  si  la  phrase  marque  mterrogation 
ou  doute,  la  proposition  subordonnée  prend  la 
négative  ne  :  Il  ne  s'en  faut  pas  de  beaucoup  que 
la  somme  n'y  soit,  lls'en  faulpeuque  l'un  h'ait 


286 


FAN 


autant  de  mérite  que  l'attire;  il  s'e7i  fallait 
peu  qu'il  n'eût  achevé;  il  s^en  est  peu  fallu 
qy^U  n'ait  été  tué;  il  ne  s'en  fallut  guère 
qu'il  n'en  vînt  à  biut;  il  ne  s'en  faut  presiue 
rien  qu'il  ue  soit  aussi  grand  que  son  frère. 
Peu  s'en  faut  que  je  n  interrompe  ici  iimn  dis- 
cours. (Fléchier,  Oriiison  funèbre  de  Turenne, 
p.  436.)  Peu  s'en  est  fallu  qu'ils  no  l'aient  ob- 
tenu à  la  honte  de  la  raison.  (l)'AleiTibcrl.) 

Pen  s'en  faut  qtie  Mathui  ne  m'ait  nommé  son  père, 
(RiC,  Âth.,  ad.  III,  se.  Yi,  4.)    ■ 

Falot,  Falote.  Adj.  Au  masciiHn,  il  ne  se  met 
qu'ai>rC3Sonsubsl.  :  Conte  falot,  aventure  falote. 
Au  féminin,  on  peul  dive  cette  falote  aventure. 

Falmficatetjti.  Subst.  m.  On  ne  trouve  nulle 
parlcoimncnt  il  faut  dire  en  parlant  d'une  femme. 
Il  nous  scniblc  que  rien  n'empêche  de  dire  falsi- 
firatrice. 

Famé,  Famée.  Adj.  Il  est  toujoui-s  précédé  des 
mots  bieti  ou  mal  :  Bien  famé,  mal  famée.  11  ne 
se  met  qu';!prés  son  subst.  :  Un  homme  bien  fa- 
mé, une  femme  mal  fumée. 

Faméliqce.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analo^e  ot 
rhaiinonie  le  permettent  :  Un  auteur  famélique, 
ce  famélique  auteur,  \o\iii  Adjectif . 

Fameox  ,  Fameuse.  Adj.  11  peut  se  mettre 
avant  ou  après  son  subst.  :  Un  conquérant  fa- 
meux, un  fameux  conquérant;  vn  écrivain  fa- 
meux, un  favieiix  écrivain  ;  un  orateur  fameux, 
un  fameux  orateur.  On  ne  dit  ni  un  fameux 
homme,  ni  une  fameuse  fsTwme.  Voyez  Adjectif. 

C'est  un  poids  bien  pesant  qn'uu  nom  trop  tôt  fameux; 
Valois  ne  soutint  pas  ce  fardeaa  dangereux. 

(ToLT.,  fleur.,  lU,  41.) 

En  parlant  des  choses,  il  régit  quelquefois  la 
préposition  en  devant  les  noms;  mais  alors  ces 
noms  doivent  être  au  pluriel.  11  faut  donc  dire 
une  mer  fameuse  en  orages ,  et  non  pas  en 
orage.  La  raison  en  est  qu'un  orage  seul  ne  suffit 
pas  pour  rendre  une  mer  fameuse. 

Faijii.iek,  Familière.  Adj.  11  ne  se  met  qu'a- 
piès  son  subst.  :  Un  commerce  familier,  un  air 
familier,  discours  familier,  style  familier. 

Familù;reîient.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ils  ont  vécu  fartiilic- 
rement  ensemble.  Pendant  longtemps  Un  ont  fa- 
milièroiicnt  vécu  ensemble. 

Fanal.  Subst.  m.  11  fait  fanaux  au  pluriel. 

Fanai iQCE.  Adj.  des  deux  genres.  11  so  dit  des 
per.sonnes  et  des  choses  :  Un  zèle  fanatique,  des 
opinions  fanatiques ,  ses  fanatiques  discours. 
On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant 
l'harmonie  cl  l'analogie.  On  ne  dit  pas  un  fana- 
tique homme,  mais  on  pourrait  dire,  dans  cer- 
tains cas,  cette  fanatique  fureur,  ces  fanatiques 
esprits.  Voyez  Adjectif.  Il  s'emploie  aussi  sub- 
stantivement :  Un  fanalitjue. 

Fanfaron.  Sul>st.  m.  et  adj.  Celui  qui  affecte 
une  bravoure  qu'il  n'a  point.  Un  vrai  fanfaron 
sait  qu'il  ncst  qu'un  lùrhe.  L'usage  a  un  i)eu 
étendu  l'acception  de  ce  mot.  On  l'applique  à  ce- 
lui même  qui  exagère  on  fjui  montre  ave<^  trop 
d'affectation  et  de'conliance  la  bravoure  qu'il  a, 
et  plus  si)écialenienl  à  celui  qui  se  vante,  au  delà 
<iela  bienséance,  d'une  vertu  quelle  qu'elle  soit. 
Mais  les  lois  de  la  bienséance  varient  selon  les 
temps  et  les  lieux.  Ainsi,  tel  iKinnue  est  pour  nous 
UD  fanfaron,  qui  ne  l'eiait  point  pour  son  siècle, 


FAN 

et  qui  ne  le  serait  point  aujourd'hui  pour  sa  na- 
tion. Il  y  a  des  peuples  fanfarons.  La  f:infaronnade 
est  aussi  dans  le  ton.  Il  y  a  tel  discours  héroïque 
qu'un  mut  ajouté  ou  changi-  l'crail  di'gèni'ier  en 
fanfaronnade;  et  rcciproquoment,  il  y  a  lc\propos 
fanfaron  qu'une  pareille  correction  rendrait  hé- 
roïque. 11  y  a  plus,  le  même  discours,  dans  la 
bouche  de  deux  hommes  ililIVrents,  est  un  dis- 
cours élevé  ou  une  fanfaronnade.  On  tolère,  on 
admire  même  dans  celui  qui  a  p;u--dovers  soi  de 
grandes  actions,  un  ton  qu'on  ne  souffrirait  point 
dans  un  homme  qui  n'a  rien  fait  encore  qui  ga- 
rantisse et  qui  justifie  ses  promesses.  {Encyclnp.) 

Fangedx,  Fangeuse.  Adj.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst.  :  Chemin  fangeux. 

Un  torrent  débordé,  qui,  d'un  cours  orageax, 
Ronle  plein  de  gravier  sur  un  terrain  fangeux. 

(BoiL.,  Â.  P.,  169.) 

FANT.iLsiE.  Subst.  f.  Fantaisie  signifiait  autre- 
fois imagination,  et  on  ne  se  servait  guère  de  ce 
mot  que  pour  exprimer  cette  faculté  de  l'àmc  qui 
recuit  les  objets  sensibles.  Descartes,  Gassendi, 
et  tous  les  philosophes  de  leur  temps,  disent  que 
les  espèces,  les  images  des  choses  se  peignent  en 
la  fantaisie;  et  c'est  de  là  que  vient  le  mot  fan- 
tôme. Jlais  la  plupart  des  termes  abstraits  sont 
reçus  à  la  longue  dans  un  sens  différent  de  leur 
origine,  comme  des  instruments  que  l'industrie 
emploie  à  des  usages  nouveaux.  Fantaisie  veut 
dire  aujourd'un  un  désir  singulier,  un  got'tt  pas- 
sager, n  a  eu  la  fantaisie  d'aller  à  la  Chine. 
La  fantaisie  du  jeu,  du  bal,  lui  a  passé.  Un 
peintre  fait  un  portrait  de  fantaisie.,  qui  n'est 
d'après  aucun  modèle.  Avoir  des  fantaisies,  c'est 
avoir  des  goûts  extraordinaires  qui  ne  sont  pas 
de  durée.  La  fantaisie  prise  dans  le  sens  moral 
est  une  jassiou  d'un  moment,  tjui  n'a  sa  source 
que  dans  l'imagination.  Elle  promet  à  ceux  qu'elle 
uccu|)e,  non  un  grand  bien,  mais  une  jouissance 
agréable;  elle  s'exagère  moins  le  mérite  que  l'a- 
grément de  son  objet;  elle  en  désire  moins  la  pos- 
session que  l'usage;  elle  est,  contre  l'ennui,  la 
ressource  d'un  instant;  elle  suspend  les  passions 
sans  les  détruire;  elle  se  mêle  aux  i)euchants 
d'habitude,  et  ne  fait  qu'en  distraire.  Quelquefois 
elle  est  l'effet  de  la  passion  même;  c'est  une  bulle 
d'eau  qui  s'élève  sur  la  surface  d'un  liquide,  et 
qui  retourne  s'y  confondre;  c'est  une  volonté 
(l'enfant,  et  (lui  nous  ramène,  par  sa  courte  durée, 
à  l'imbécillité  du  premier  âge. 

Fantaisie  en  ce  sens  est  moins  que  bizarrerie 
et  que  caprice.  Le  caprice  peut  siguifier  un  dé- 
goût subit  et  déraisonnable.  Il  a  eu  la  fantaisie 
de  la  musique,  et  il  s'en  est  dégoûté  par  ca- 
price. La  bizarrerie  donne  une  idée  d'inconsé- 
quence et  de  mauvais  goût  que  la  fantaisie 
n'exprime  pas  :  //  a  eu  la  fantaisie  de  bâtir,  mais 
il  a  construit  sa  maison  dans  un  goût  bizarre.  U 
y  a  encore  des  nuances  entre  avoir  des  fantai- 
sies et  être  fantasque.  Le  fantasque  approche 
beaucoup  plus  du  bizarre.  Ce  mol  désigne  un  ca- 
ractère inégal  et  brusque.  L'idée  d'agrément  est 
exclue  du  mot  fantasque,  au  lieu  qu'il  y  a  des 
fantaisies  agréiibles.  On  dit  quelquefois  en  con- 
versation familière,  une  fantaisie  musquée,  et 
musquée  en  cette  occasion  est  une  expression  e.x- 
piétive  qui  ajoute  à  la  force  du  mot,  comme  on 
dit  sottise  pommée,  folie  fcffée,  pour  dire  sottise 
et  folie  complète.  (Extrait  eu  partie  de  Voltaire, 
Dict.  philosophique.) 

F*NTASJiAcor.iE.  Subst.  f.  Art  de  faire  apparaître 


FAS 

des  spectres  par  le  moyen  d'une  illusion  d'op- 
tique. 

Fantasque.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsciue  l'harnionie  et  l'a- 
naloçic  le  permettent.  On  ne  dit  pas  un  fantasque 
homme,  une  fantasque  femme  ;  mais  on  pourrait 
dire  dans  certains  cas,  celte  fantasque  humeur, 
ce  fantasque  procédé.  "N'oyez  Adjectif,  Fan- 
taisie. 

rANTASQCEAiEXT.  Adv.  Il  uc  sc  met  qu'après  le 
verbe  :  Il  s'habille  fantasquatient.  Il  est  peu 
usité. 

Fantastique.  Adj.  des  deux  genres.  Dans  cer- 
tains cas,  on  poul  le  mettre  avant  son  subst.  :  Au 
milieu  de  cas  fantastiques  espérances.  A'oyez 
Adjectif. 

Faon.  Subst.  vn.  On  prononce  fan. 

Faonneu.  V.  n.  de  la  l"  conj.  On  prononce 
fariner. 

Fardeau.  Subst.  m.  La  signification  figurée  de 
ce  mot  est  fort  étendue.  Racine  a  dit  dans  Phèdre 
(act.  III,  sc.  m,  40)  : 

Le  crime  d'une  mère  est  un  pesant  fardeau. 

Dans  Iphigénie  (act.  I,  sc.  ii,  92)  : 

Voudrais-je  do  la  terre,  inutile  fardeau. ... 

Voltaire  a  dit  dans  Sémiramis  (act.  I,  sc.  v, 
93;: 

Le  fardeau  de  la  vie  est  trop  pesant  pour  moi  ;  - 

el  dans  la  Henriude  (II,  307)  : 

Son  Tic'jx père  accablé  sous  le  fardeaudes  ans. 

Farfouiller.  V.  n.  et  a.  de  la  i"  conj.  On 
mouille  les  l. 

Farineux,  Farineuse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.:  Pain  farineux,  dartre  fari- 
neuse. 

Farouche.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut, 
quand  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettenl,  le 
mettre  avant  son  subst.  :  Un  homme  farouche, 
vne  femme  farnuche,  vn  animal  farouche  ;  cette 
farouche  humeur,  cette  farouche  vertu. 

Faste.  Subst.  m.  Ce  mot,  dit  Voltaire,  n'ex- 
prime que  la  n.agnificence  dans  ceux  qui,  par  leur 
état, doivent  représenter;  il  exprime  la  vanité  dans 
les  autres.  Quoique  le  mot  de  faste  ne  soit  pas 
toujours  injurieux,  fastueuxVe^i  toujours  :  Il  fit 
son  entrée  avec  beaucoup  de  faste;  c^est  un  hom- 
me fastueux.  —  T.e  faste  n'est  pas  le  luxe.  On 
peut  vivre  avec  luxe  dans  sa  maison,  et  y  vivre 
sans  faste;  c'est-à-dire  sans  se  parer  en  public 
d'une  opulence  révoltante.  On  ne  peut  avoir  de 
faste  sans  luxe.  Le  faste  est  l'étalage  des  dépen- 
ses que  le  luxe  coûte. 

Faste  se  dit  en  général  de  l'affectation  de  ré- 
pandre, par  des  marques  extérieures,  l'idée  de 
son  mérite,  de  sa  puissance,  de  sa  grandeur,  etc. 
Il  entrait  quelquefois  du  fade  dans  la  vertu  des 
stoïciens.  Il  y  en  a  presque  toujours  dans  les  ac- 
tions éclatantes.  C'est  le  faste  qui  élève  quel- 
quefois jusqu'à  l'héroïsme,  des  hommes  à  qui  \\ 
en  coûterait  d'être  honnêtes.  Il  entre  du  faste 
dans  la  dévotion  ijuand  elle  inspire  moins  l'alta- 
chomenl  à  ses  devoirs  comme  homaie  el  comme 
citoyen,  que  le  goût  des  pratiques  extraordi- 
naires. 

Fastidiedsement.  Adv.  Use  met  après  le  verbe. 
Fastidieox,  Fastidieuse.  Adj.  Il  peut  se  mettre 


FAT 


287 


avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Un  homme  fastidieux,  un  ouvrage  fasti- 
dieux; un  fastidieux  entrelien,  les  fastidieux 
discours  de  cet  homme.  Voyez  Adjectif. 

Déffoûtant  se  ûil  plus  à  l'égard  du  corps  qu'à 
l'égard  de  l'esprit;  fastidieux,  au  contraire,  va 
plus  à  l'esprit  qu'au  corps.  Dégoixtanl  sc  dit  au 
propre  el  au  figuré;  il  s'appliijuc  aux  personnes, 
aux  viandes  et  à  d'autres  choses.  La  laideur  est 
déf/intlantc,  la  malpropreté  csl  dégt.ûlunle.  Il  y  a 
des  ^CKA  dégotîtants  avec  du  mérite,  cl  d'aulres 
qui  plaisent  avec  des  défauts.  Fastidieux  ne 
s'emploie  qu'au  ligure.  Un  homme  fastidieux 
est  un  iiomme  eimuyeux,  impurlun,  fatigant  par 
ses  discours,  par  ses  manières  ou  par  ses  actions. 
Il  y  a  des  ouvrages  fastidieux.  Ce  «lUi  rend  les 
enlrcliens  ordinaires  si  fastidieux,  c'est  l'applau- 
dissciiient  qu'on  donne  a  des  sottises.  Le  mot 
fastidieux  s'emploie  également  en  prose  et  en 
vers. 

Fastuecsement.  Adv.  On  peut  le  mettre  cnirc 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  fuslueusemenl 
entré  dans  la  ville ,  suivi  d'un  cortège  pom- 
peux. 

Fastueux,  Fastueuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consullant  l'oreille  el  l'ana- 
logie. On  dit  un  homme  fastueux,  cl  non  pas 
un  fastueux  homme  ;  un  équipage  fastueux,  et 
un  fastueux  équipage.  \'uye/.  Adjectif. 

Fat.  Adj.  m.  qui  se  prend  aussi  substantive- 
ment. On  prononce  le  t:  Un  homme  fat,  un  fat. 
Il  ne  se  dit  point  au  féminin. 

On  aurait  une  idée  bien  imparfaite  de  la  signi- 
iicatioto  du  mol  fat,  si  l'on  s'en  tenait  à  la  di'lini- 
tion  de  l'Académie.  Il  signifie,  dil-elle,  imper- 
tinent, sans  jugement,  |)lein  de  complaisance 
pour  lui-même. — Le /ai  est  un  homme  dont  la  va- 
nité seule  forme  le  caractère,  qui  ne  fait  rien  par 
goût,  qui  n'agil  que  par  ostentation,  et  qui,  vou- 
Tant  s'élever  au-dessus  des  autres,  est  desrcnilu 
au-dessous  de  lui-même.  Familier  avec  ses  su- 
périeurs, important  avec  ses  égaux,  inii)eptinent 
avec  ses  inférieurs,  il  tutoie,  il  protège,  il  mé- 
prise. Il  n'a  aucune  connaissance,  et  il  donne  des 
avis  aux  savants  et  aux  artistes.  11  consulte  la 
mode  pour  ses  travers  comme  pour  ses  habits, 
pour  ses  indispositions  connue  pour  ses  voilures, 
pour  son  médecin  comme  pour  son  lailieur.  Vrai 
personnage  de  théâtre,  à  le  voir,  vous  croiriez 
qu'il  a  un  masque;  à  l'entendre,  vous  croiriez 
(pi'il  joue  un  rôle.  Ses  part)lcs  sont  vaines,  ses 
actions  sont  des  mensonges,  son  silence  même  est 
menteur.  Pour  peu  qu'il  soil  fripon,  il  serait  en 
loul  le  contraste  de  l'honnêle  houmie.  En  un  mot, 
c'est  un  homme  d'esprit  !)our  les  sots  qui  l'ad- 
mirent, c'est  un  sol  pour  les  gens  sensés,  qui  l'é- 
vilent.  Mais  si  vous  connaissez  bien  cet  homme, 
ce  l'.'esl  ni  un  homme  d'esprit  ni  u?^  sot,  c'est  un 
fat.  (Extrait  d'un  article  de  Desmahisdans  l'En- 
cyclopédie.) 

Fatal,  Fatale.  Adj.  Il  fait  au  pluriel masculm 
fatals,  qui  est  peu  usilé.  On  peut  le  placer  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Un  é^^éiiement  fatal,  vn  fatal  événement;  un 
accident  fatal,  un  fatal  accident. 

.  . .  Tombe  avec  moi  ce  fatal  diadème 
Odieux  à  la  Grèce.  . . 

(Volt.,  Orcete,  ac(.  V,  sc.  m,  66.) 

On  dit  un  coup  fatal,  et  non  pas  un  fatal  coup  : 

Mais  si  da  coup  fatal  vous  menacez  sa  tie. 

rUELU..,  i««id.,  VIII,  8Î9.) 


288  FAT 

Att«ndrai-jc  en  tremblant  qu'un  avis  funéraire 
Vienne  du  coup  fatal  assassiner  ton  père  ? 

{Idem,  VIH,  857.) 

La  Harpe ,  dans  son  Caiirs  de  littérature,  re- 
proche à  Voltaire  d'avoir  abuse  de  celle  expres- 
sion : 

J'entends   trop  celte  voix  si  fatale  et  si  chère. 

{Orph.  de  la  Chine,  ad.  I,  se.  vil,  2.) 

La  voix  du  sang,  dil  La  Harpe,  esl  ici  cruelle; 
clic  n'est  point  fatale;  cl  ce  mut  si  souvent  va- 
gue esl  réputé  dans  deux  i)ases  jusqu'à  satiété  ; 

Je  tremble  malgré  moi  de  son  fatal  retour. 

(Idem,  act.  II,  se.  I,  5.) 

Aura-t-on  consommé  ce  fatal  sacrifice? 

(Idem,  5.) 


Présent  fatal  peut-être. 

[Idem,  act.  II,  se.  Il,  7.) 

On  aravi  son  ûls  dans  sa  fatale  absence. .  . 
[Idem,  10.) 

Tant  de  répétitions  prouvent  la  négligence.  Voy. 
Fatalité. 

Fatalement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Cela  est  arrivé  fatalement. 

Fatalité.  Subsl.  f.  Ce  mol  vient  du  latin  fa- 
tum. Fatum  a  clé  fait  de  furi,  et  il  a  signifié  d'a- 
bord, d'après  son  origine,  le  décret  par  lequel  la 
cause  primitive  a  déterminé  l'existence  des  évé- 
neiiicnls  relatifs  au  bien  ou  au  mal  des  élres  sen- 
sibles; car,  quoique  le  décret  ait  dû  détcnniner 
également  l'existence  de  tous  les  effets,  les  hom- 
mes, rapportant  tout  à  eux,  ne  l'ont  considéré 
que  du  côté  par  lequel  il  les  intéressait.  A  ce  dé- 
cret on  a  substitué  ensuite,  dans  la  signification 
du  mot  fatvm,  une  idée  plus  générale,  les  causes 
cachées  des  événements;  et  comme  on  a  pensé 
que  ces  causes  étaient  liées  et  enchaînées  les 
unes  aux  autres,  on  a  entendu  par  le  mot  fatum, 
la  liaison  et  rench:iinemenl  de  ces  causes.  Le  mot 
fatum  a  subi  encore  queUpies  changements  dans 
sa  signification  en  passant  dans  notre  langue,  et 
en  forinanl  le  mol  fatalité;  car  nous  avons  em- 
ployé particulièrement  le  mol  falalilé  pour  dé- 
signer les  événements  fâcheux;  au  lieu  que  dans 
son  origine  il  a  signifié  indifféremment  la  cause 
des  événements  heureux  et  malheureux;  il  a 
même  gardé  cette  double  signification  dans  le 
langage  philosophique. — Destin  et  destinée  sunl 
synonymes  de  fatalité,  pris  dans  le  sens  que 
nous  venons  de  lui  donner.  Us  le  sont  aussi  dans 
leur  origine,  jJUisiju'ils  viennent  de  destinatum, 
ce  qui  esl  arrêté,  déterminé. —  On  ne  peut  pas 
employer  l'un  pour  l'autre  les  mois  de  hasard  ci 
de  fatalité.  Un  événement,  quoique  imprévu,  et 
tenant  à  des  causes  cachées,  n'est  ajjpelé  fatal 
que  lorsqu'il  a  quelque  influence  sur  le  bien  ou 
le  mal  des  êtres  sensibles.  C:ir  si  je  parie  ma  vie 
ou  ma  forlunc  que  je  n'amènerai  pas  six  fois  de 
suite  le  même  point  de  dés,  et  que  je  l'amène,  on 
s'en  prendra  à  la  fatalité  ;  mais  si,  en  remuant  des 
dés  sans  dessein  et  sans  intérêt,  la  même  chose 
m'arrive,  on  attribuera  ce  phénomène  au  hasard. 
Dans  l'usage  qu'on  fait  du  mot  hasard,  il  arrive 
souvent,  cl  même  en  philosophie,  qu'on  semble 
vouluir  exclure  d'un  événement  l'action  d'une 
cause  déterminée;  au  lieu  (ju'en  employant  le 
mol  de  fatalité,  on  a  ces  causes  en  vue,  (pioi- 
qu'on  les  regarde  comme  cachées.  Or,  comme  il 
n'y  a  point  d'événement  qui  n'ait  des  causes  dé- 


FAU 

terminées,  il  suit  de  là  que  le  m  t  de  hasard  est 
employé  dans  un  sens  faux.  —  On  entend  aussi 
par  une  action  faite  par  le  hasard,  une  action 
faite  sans  dessein  formé;  et  on  voit  encore  que 
cette  signification  n'a  rien  de  commun  avec  celle 
de /ù/aîi7e,  i)uis(|ue  le  hasai-d  est  aveugle,  au 
lieu  que  la  fatalité  a  un  but  auiiuel  elle  conduit 
les  êtres  qui  sont  sous  son  empire.  De  plus,  on 
imagine  que  les  événements  qu'on  attribue  au 
has;ird  i)0urraicnt  arriver  tout  autrement,  ou  ne 
point  arriver  du  tout,  au  lieu  qu'on  se  repré- 
sente ceux  que  la  fatalité  amène,  comme  infailli- 
bles ou  même  nécessaires.  —  La  fortune  n'est 
autre  chose  que  la  fatalité,  en  tant  qu'elle  amène 
la  possession  ou  la  privation  des  richesses  et  des 
honneurs;  d'où  l'on  peut  voir  que  fortune  est 
moins  général  que  fatalité  ou  destin,  puisque 
ces  derniers  nous  désignent  tous  les  événements 
qui  sont  relatifs  aux  êtres  sensibles,  au  lieu  que 
celui-là  ne  s'applicpie  qu'aux  événements  qui 
amènent  la  possession  ou  la  privation  des  riches- 
ses et  des  honneurs.  C  est  pourquoi  si  un  homme 
perd  la  vie  par  un  événement  imprévu,  on  attri- 
bue cet  événement  au  destin,  à  la  fatalité;  s'il 
perd  ses  biens,  on  accuse  la  fortune.  Fatalité 
n'a  point  de  pluriel. 

Fatidique.  Adj.  des  deux  genres.  Ce  mol 
n'étant  en  usage  qu'en  poésie,  peut  être  mis,  au 
gré  du  poète,  avant  ou  ai)rès  son  subsl.  :  Le  vol 
fatidique  des  oiseaux  ;  le  trépied  fatidique,  le 
fatidique  trépied. 

Fatigant.  Fatigante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
fatiguer.  Cet  adjectif  s'écrit  sans  v,  quoique  le 
participe  présent  du  verbe  en  prenne  un,  fati- 
guant. On  peut,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie, le  mettre  avant  son  subsl.  :  Un  exercice 
fatigant,  un  fatigant  exercice. 

Fatiguer.  V.  a.  et  n.  de  la  l'^conj.  Les  poêles 
lui  donnent  quelquefois  des  acceptions  qui  ne 
sont  pas  indiquées  dans  le  Dictionnaire  de  l'A- 
cadémie : 

Il  fallut  s'arrêter,  et  la  rame  inutile 
Fatigua  vainement  une  mer  immobile. 

(RiC,  Iphig.,  act.  I,  se.  I,  49.) 

Sous  leur  voûte  funèbre,  un  torrent  tortueux 
Roule,  et  battant  tes  rocs  de  ses  eaux  vagabondes. 
Fatigue  les  échos  du  fracas  de  ses  ondes. 

(Delil.,  Énéid.,  VII,  776.) 

Fadchaison.  Fenaison.  Fauchaison  exprime  le 
temps  où  l'on  fauche  les  foins,  où  on  les  coupe; 
il  a  rapport  à  faux.  Fenaison  a  rapport  à  foins. 
11  indique  non-seulcmont  l'action  de  faucher  les 
foins,  mais  aussi  celle  de  les  tourner  et  de  les  re- 
tourner pour  les  faire  sécher,  de  les  rassembler 
en  meules,  de  les  mettre  dans  les  greniers. 

Faufiler.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Au  i)ropre,  c'est 
assembleràlongs  points  avec  du  fil  des  pièces  d'é- 
toffes, de  soie,  etc.,  de  la  manière  dont  elles  doi- 
vent étreeasuile  cousues.  Faufiler  est  quelquefois 
synonyme  de  hûtir  ;  il  y  a  cependant  celle  diffé- 
rence, ({ncbâtir  se  dit  de  tout  l'ouvrage,  et  fau- 
{iler  seulement  de  ses  pièces;  ainsi,  quand  toutes 
es  pièces  sont  faufilées,  l'ouvrage  est  bâti.  On 
dit  au  figuré  se  faufiler,  être  faufilé.  Se  faufil 
1er,  c'est, s'insinuer  adroitement  dans  une  com- 
pagnie Etre  bien  ou  mal  faufilé,  c'est  avoir 
formé  des  liaisons  avec  des  hommes  estimés  ou 
méprisés  dans  la  société. 

Fad.sse-Bhaie.  Subsl.  f.  Ce  mol  étant  composé 
d'un  adjectif  et  d'un  subst.,  l'un  et  l'autre  doi- 
vent prendre  le  *  au  pluriel  :  Des  fausses-braies. 


FAU 

Faussement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
'auxiliaire  el  le  participe  :  On  l'a  accusé  faus- 
sement ,  on  on  Vu  faussement  accusé. 

Fausseté.  SuIjsI.  f.  C'est,  en  morale,  le  contraire 
de  la  vérité,  (le  n'est  pas  propi-eincnt  le  mensonge, 
dans  lequel  il  entre  toujours  du  dessein. On  dit  (pi'il 
yaeu  cent  mille  hommes écrasésdans  le  treiidjle- 
ment  de  terre  de  Lisbonne;  ce  n'est  ])<is  un  men- 
songe, c'est  une  fausseté.  La  fausseté  est.  presque 
toujours  encore  plus  ([ue  l'er-reur.  \.i\  fausseté 
tombe  plus  sui'  les  laits;  Verreur  sur  les  npinions. 
C'est  une  erreur  de  croire  ijuc  le  soleil  tourne  au- 
tour de  la  terre;  c'est  une  fausseté  d'avancer 
que  Louis  XIV  dicta  Iclostainentde  CliarleslI. — 
Un  homme  a  de  la  fausseté  dnw'i  l'esprit  quand  il 
prend  prestpic  toujours  a  gauche;  (juand,  ne  con- 
sidérant pas  l'objet  entier,  il  attribue  a  un  côté  de 
l'objet  ce  (pii  apiiarlient  a  l'autre,  et  que  ce  vice 
de  jugement  est  tourné  chez  lui  en  habitude.  Il  a 
de  la  fausseté  dans  le  cœur,  quand  il  s'est  ac- 
coutumé a  llatler  et  à  se  parer  des  sentiments 
qu'il  n'a  pas.  Celle  fausseté  est  pire  que  la  dis- 
simulation. 11  y  a  beaucoup  de  fausseté  tiuns  les 
historiens,  des  erreurs  chez  les  philosophes,  des 
mensonges  dans  presque  tous  les  écrits  polémi- 
ques, et  encore  plus  dans  les  satiriques.  Les  e*- 
prits  faux  sont  insuiiporlablcs,  el  les  cœurs  faux 
sont  en  horreur.  (Volt.,  Dict.  philos.) 

Faute.  Subsl.  f.  ^Manquement  contre  le  devoir, 
contre  la  loi,  contre  les  régies  de  quelque  art  : 
U  a  frit  cette  Wmle par  inattention.  (Acad.,art. 
Inattention.)  Faute  de,  locution  prépositive  qui 
signifie /)ar  manque  de,  à  défaut  de  :  C'est  faute 
d'attention  qu'il  n'a  pas  relei'é  cette  erreur. 
(Acad.,  art.  Attention.)  Ainsi  l'on  ne  peut  pas 
dire,  en  parlant  d'une  erreur  commise  par  quel- 
qu'un, c'est  une  faute  d'attention;  il  faut  dire 
dans  ce  cas,  c't?s<  une  faute  commise  par  inatten- 
tion. (A.  Lcmaire,  Grammaire  des  Grammai- 
res, p.  1151.) 

Sans  faute.  Façon  de  parler  adverbiale.  Elle 
se  met  toujours  après  le  verbe  :  Il  arrivera  sans 
faute,  il  sera  arrivé  sans  faute. 

Fauteui;.  Subsl.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  fautrice. 

Fautif,  Fautive.  Adj.  Il  se  dit  des  personnes  et 
des  choses,  el  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
auteur  fautif,  un  ouvrage  fautif. 

Fauve.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Poil  fauve,  bêtes  fauves. 

Faux.  Subst.  f.  Instrument  dont  on  se  sert  pour 
couper  l'herbe  des  prés  ou  les  avoines.  Autrefois 
on  écrivait  fuulx  avec  un  l,  ce  qui  était  con- 
forme à  l'élymologie,  et  distinguait  ce  mol  de 
l'adjectif  faux.  On  ne  sait  trop  pouniuoi  il  a  plu 
à  l'Académie  de  retrancher  ce  l,  elle  qui,  dans 
tant  d'auires  mots,  a  conservé  des  lettres  inutiles. 
Les  poètes  emploient  souvent  ce  mot  : 

Trudaine  sait  assez  que  le  cultivateur 

Des  ressorts   de  l'Élal  est  le  premier  moteur, 

El  qu'on  né  doit  pas  moins,  pour  le  soutien  du  trône, 

À  la  faux  de  Cérès  qu'au  sabre  de  Bellone. 

(Volt.,  Épttre  LXXXIII,  57.) 

Déjà  près  de  mon  lit  la  Mort  inexorable 
Avait  levé  sur  moi  sa  faux  épouvantable, 

(Volt.,  ÈpUre  XXII,  8.) 

Faux,  Fausse.  Adj.  Il  se  met  souvent  avant  son 
subsl.  11  est  vrai  qu'on  dit  homme  faux,  el  non 
pas  faux  homme  ;  esprit  faux,  et  non  pas  faux 
esprit;  mais  on  dit  faux  avis,  faux  rapport, 
fausse  doctrine,  fausse  gloire,  fausse  nouvelle. 


FAV 


289 


fausse  monnaie,  faux  raisonnement,  faux  té- 
vioin,  faux  prophète,  faux  testament,  etc.  On 
peut  aussi,  dans  pres(pie  tous  ces  cas,  mettre  cet 
adj.  après  son  subsl.,  et  c'est  ce  (ineftint  les  poë- 
Icsquandilsy  Iroiivenl  leur  commodité  :  Unavis 
faux,  un  rapport  faux,  une  doctrine  fausse,  ClC. 
Voyez  Adjectif. 

Faux  est  aussi  adverbe.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Il  chante  faux,  accuser  faux. 

A  faux.  Façon  de  parler  adverbiale  qui  ne  se 
met  qu'après  le  verbe  : 

Lui  qu'Apollon  jamais  n'a  fait  parler  à  faux. 

(CoRX.,  i/or.,  act.  I,  se.  III,  59.) 

Parler  à  faux,  dit  Voltaire  au  sujet  de  ce  vers, 
n'est  ni  assez  noble,  ni  même  assez  juste.  On  dit 
un  coup  porté  à  faux,  on  est  accusé  à  faux, 
dans  le  style  faindier;  mais  on  ne  peut  dire  il 
parle  d  faux  dans  un  discours  tant  soit  peu  re- 
levé. {Remarques  sur  Corneille.) 

Faveur.  Subst.  f.  Faveur,  du  latin  fuvor,  sup- 
pose plutôt  un  bienfait  qu'une  récompense.  On 
hrigue  sourdement  la  faveur,  on  mérite  et  ou  de- 
mande hautement  des  récompenses.  Le  dieu  Fa- 
veur, chez  les  mythologistes  romains,  était  fils  de 
la  Beauté  et  de  la  Foriunc.  Toute  faveur  porte 
l'idée  de  (juelque  chose  de  gratuit  :  Il  m'a  fait 
la  faveur  de  m'inlroduire,  de  me  présenter,  de 
recommande r  mon  ami,  de  corriger  tnoji  ouvrage. 
La  faveur  des  princes  est  l'effet  de  leur  goût  et 
de  la  complaisance  assidue  ;  la  faveur  du  peuple 
suppose  quelquefois  du  mérite,  et  plus  souvent 
un  hasard  heureux.  Faveur  diffère  beaucoup  de 
grâce.  Cet  homme  est  en  faveur  auprès  du  roi, 
et  cependant  il  n'en  a  point  encore  obtenu  de 
grâces.  On  dit  il  a  été  reçu  en  grâces;  on  ne  dit 
point  il  a  été  reçu  en  faveur,  <iuoi(]u'on  dise  être 
en  faveur,  parce  que  la  faveur  suppose  un  goût 
habituel;  el  (\ue  faire  grâce,  recevoir  en  grâce, 
c'est  pardonner,  c'est  moins  que  donner  sa  fa- 
veur. Obtenir  grâce,  c'est  l'effet  d'un  mo- 
ment; obtenir  la  faveur,  c'csl  l'effet  du  temps. 
Cependant  on  dit  également  faites  moi  la  grâce, 
faites-moi  la  faveur  de  recommander  mon  ami. 
Des  lellres  de  recommandation  s'appelaient  au- 
trefois des  lettres  de  faveur.  Sévère  dit  dans  Iq 
tragédie  de  Polyeucte  (act.  II,  se.  i,  15)  : 

Car  je  voudrais  mourir  plutôt  que  d'abuser 
Des  lettres  de  faveur  que  j'ai  pour  l'épouser. 

On  a  la  faveur,  la  bicnveillam^c,  non  la  grâce  <\.y, 
prince  et  du  public.  On  obtient  la  faveur  de  son 
auditoire  par  la  modestie;  mais  il  ne  vous  fail 
[)as  grâce  si  vous  êtes  trop  long.  (\'olt  ,  Dict. 
philos.) 

Favorable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peu;  Je 
mellre  avant  son  subst.  lorsiiue  l'analogie  el 
l'harmonie  le  permettent  ;  Un  accueil  favorable, 
un  favorable  accueil;  sous  des  auspices  favora- 
bles, sous  de  favorables  auspices.  On  dit  être 
favorable  à  : 

Si  jamais  à  mes  vœu.x  vous  fûtes  favorable.... 

(Rac,  E$th.,  act.  III,  se.  VII,  62.) 

Voyez  Adjectif. 

FAvonABLEMENT.  Adv.  On  petit  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  ;  On  l'a  écouté  favora- 
blement, on  l'a  favorablement  écouté. 

Favori,  Favorite.  Adj.  Il  ne  se  met  (lu'après 
son  sub>l.  :  jMoi  favori,  auteur  favori,  sultane 
favorite,  passion  favorite. 

1» 


290 


FEI 


Fkal,  Fkalk.  Adj.  Ucsl  vieux  et  ne  se  dit  plus 
qu'en  plaisantant  : 

Ah  !  ah  !  notre  ftal  ; 
Voire  pouvoir  Ta,  ce  semble,  un  peu  mal, 

(Volt.,  En^.  prod.,  act.  I,  se.  ii,  6.) 

Fécond,  Fkconde.  Adj.  On  peut  le  mellrc  après 
son  subsl  ,  si  l'iiarmonie  et  l'analogie  le  {•cnnel- 
tent  :  Une  femme  féconde,  une  terre  fccondc, 
U7ie  source  féconile,  une  matière  féconde,  une 
iiitaginution  féconde,  une  féconde  imagination, 
■une  fée  nde  r^séo.  11  a  queli|uefois  nn  régime; 
le  siihstanlif  ijui  suit  ce  régime  doit  toujours  se 
mettre  au  pluriel  (voyez  Favicux)  :  Fécond  en 
bons  mots,  en  reparties  : 

GouTernei  celle  rive  en  malhcurê  trop  féconde, 

(Volt.,  AU-,  acl.  I,  se.  i,  5.) 

—  Fécond  est  le  synonyme  de  fertile  c\m\M\  il 
s'agit  de  la  culture  des  lerres.  On  peut  dire  éga- 
lement un  terrain  fécond  et  fertile.  Fertiliser 
el  fécindcr  un  champ.  La  maxime  qu'il  n'y  a 
point  de  synonymes  veut  dire  seulement  cpi'on  ne 
peut  se  servir  dans  toutes  les  occasions  des  mê- 
mes mots;  ainsi  une  femelle,  de  quelque  espèce 
qu'elle  suit,  n'est  point /e/7/7e,  elle  est  féconde.  On 
féconde  des  fiMifs,  on  ne  les  fertilise  pas;  la  na- 
ture n'est  pas  fertile,  elle  est  féconde.  Ces  deux 
expressions  scntiiuelquefoisé^'alcment  employées 
au  ligur'*  et  au  propre.  Un  esprit  est  fertile  ou 
fécond  en  grandes  idées.  Cependant  les  nuances 
sont  si  dclicatco,  qu'on  dit  un  orateur  fécond.  q\. 
}ion  |)as  un  orateur  fertile;  fécondité  et  non  fer- 
tilité de  pariiles  ;  cette  viéthode,  ce  principe,  te 
sujet  est  d'une  grande  fécondité,  et  non  pas 
d'une  grande  fertilité.  La  raison  en  est  (ju'un 
principe,  un  sujet,  une  méthode,  produisent  des 
idées  qui  naissent  les  unes  des  autres,  comme  des 
êtres  successivement  enfantés;  ce  qui  a  rapport  à 
la  génération  : 

Bienheureux  Scudéri,  doril  la  fertile  plume. 

(BoiL.,  Sat.  U,ll.) 

Le  mot  fertile  est  là  bien  placé,  parce  que  celte 
lume  s'exerçait,  se  répandait  sur  toutes  sortes 
p  sujets.  Le  mot  fécond  convient  mieux  au  sujet 
qu'à  la  plume. — 11  y  a  des  temps  féconds  en  cri- 
ïies,et  non  pas  fertiles  en  crimes.  (Volt.,  Dict. 
vhilns.) 

Fkcomdant,  Fécondante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
■^éconder.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.  en 
tonsiiltaiil  l'analogie  el  l'harmonie  :  Une  chaleur 
Secondante,  dette  fécondante  chaleur.  Germe 
fécondant.   Matière  fécondante. 

FEiNDr.E.  Y.  a.  el  n.  de  la  /i'  conj.  Il  se  conju- 
gue connue  peindre.  Selon  l'Acadéir.ie,  feindre 
se  i)rend  dans  le  sens  d'hésiter  :  Je  ne  feindrai 
point  de  rous  dire,  il  n'a  pas  feint  de  lui  décla- 
rer, il  ne  feignit  pas  de  l'aborder.  C'est  une 
vieille  acception  qui  n'est  plus  usitée  aujour- 
d'hui. 

Corneille  a  dit  dans  Cinna  fact.  "V,  se.  m,  U)  : 

Euphorbe  vous  a  feint  que  je  m'élais  noyé. 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  On  ne  peut 
dire  feindre  à  quelqu'un.  {Remarques  sur  Cor- 
neille.) l'oindre,  c'est  faire  semblant,  inventer, 
dissimuler. 

Feint,  Leinte.  Adj.  Il  se  met  souvent  avant 
son  subst.  :  Une  douceur  feinte,  une  feinte 
douceur.   Une  amitié  feinte,  une  feinte  amitié. 


FÉM 

Ufto  porte  feint»,  une  fenêtre  feinte,  une  his- 
toire feinte. 

l'EiNTisE.  Subst.  f.  Vieux  mot  inusité  que  l'on 
trouve  encore  dans  \c  Dictionnaire  de  l' académie 
I  et  dans  t|ucli|ues  autres.  H  signifiait  feinte,  ruse, 
!  déguisement. 

Fêler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  11  n'est  applicable 
qu'aux  ouvrages  de  terre,  de  verre,  et  aux  vais- 
seaux lie  porcelaine.  Ils  sont  fêlés  hn-sqne  la  con- 
tinuité de  leurs  parties  est  rompue  d'une  manière 
a|)parente  ou  non  aj)parenlc,  sans  (ju'il  y  ait  une 
se|iaralion  totale.  Si  la  séparation  éiail  entière, 
aluis  le  vaisseau  serait  ou  cassé  ou  briïié. 
1       l'ÉLiciTÉ.   Subst.    f.  L'Académie  explique  ce 
i  mol  par  béatitude,  grand  bonheur.   La    iélicilè 
j  n'est  ni  l'un  ni  l'autre,  comme  le  |)rouve  l'expli- 
I  eu  lion  (|ue  Voltaire  a  donnée  de  ce  mot.  Voyez 
;   Bonheur. 

Féliciter.  V.  a.  de  la  l"^*"  conj.  Les  mots,  en 
passant  du  subslaiitil'  au  verbe,  ont  rarciiicnl  la 
1  même  signification.  Féliciter,  (|ui  vicnl  de/è7i- 
j  cité,  et  qu'on  emploie  au  lieu  de  congratuler,  ne 
veut  pas  dire  rendre  heureux;  il  ne  dit  pas  incmc 
I  se  réjouir  avec  qucliju'un  de  sa  félicilé;  il  veut 
dire  siiiq)lement  faire  compliment  sur  un  succès, 
sur  un  événement  agréable,  il  a  pris  la  place  de 
congratuler,  parce  qu'il  est  d'une  prononciation 
plusduiice  el  plus  sonore,  (^'olt.,  Dict.  philos.) 
L'Académie  ne  lui  donne  (luc  de  i>our  régime. 
Cependant  on  dit  féliciter  quelqu'un  sur  quelque 
chose.  Je  ne  sais  qxii  est  l'auteur  des  vers  la- 
tins ;  mais  je  le  félicite,  quel  qu'il  sidt,  sur  le 
goût  qu'il  a,  sur  son  harmonie  et  sur  le  choix 
de  sa  bonne  latinité.  (Volt.,  Corresp.) 

Félon,  Félonne.  Adj.  U  est  encore  employé 
quelquefois  dans  le  sens  de  cruel-  inhumain,  bar- 
bare : 

Pourrail-on  croire 
Qu'il  soil  encore,  en  ce  siècle  félon. 
Un  cœnr  si  droit,  un  inorlel  aussi  bon? 

(Volt.,  Enf.  prod.,  .ici.  Itl,  se.  IV,  1.) 

FÉMININ,  Féminine.  Adj.  Il  no  se  met  guère 
([u'aprcs  son  subst.  C'est  un  (jualificalifqui  mar- 
que que  l'on  joint  à  son  substantif  une  idée  ac- 
cessoire de  femelle.  Par  exemple,  on  dit  il'un 
homme  i\K\'il  a  un  risage  féminin,  une  mine  fé- 
minine, une  voix  féminine,  etc.  On  doit  obser- 
scr  que  ce  mot  a  une  tcrininaison  ma.vculine  et 
une  féminine.  Si  le  subslanlif  e.-it  du  genre  mas- 
culin, alors  la  grammaire  exige  (|ue  l'on  énonce 
l'adjectif  avec  la  terminaison  masculine;  ainsi 
l'on  dit  un  air  féminin,  ■ic\on\i\  l'orme  gramma- 
ticale de  l'élucuiion;  ce  ijui  ne  fail  rien  perdre 
du  sens,  (pii  est  ()ue  l'hùmnie  dont  on  parle  a  une 
configuration,  un  teint,  un  coloris,  une  voix, etc., 
qui  ressemblent  à  lair  et  aux  manières  des  fem- 
mes, ou  (jui  réveillent  une  idée  de  femme.  On 
dit  au  conlrairc  une  voir  fé'/iinine,  |)arcc  que 
voi.T  est  ilu  genre  féminin.  Ainsi  il  l'aui  bien  dis- 
tinguer la  forme  grammaticale,  et  le  sens  ou  la 
signilication;  en  sorte  ([u'un  mol  peut  avoir  une 
forme  grammaticale  masculine,  selon  l'usage  df 
l'élocution,  et  réveiller  en  même  temps  un  sens 
féminin. 

En  poésie,  on  dit  rimes  féviiniîies,  vers  fémi- 
nins, (iuoi(iuc  ces  rimes  et  ces  vers  ne  réveillent 
par  eux-mêmes  aucune  idée  de  femme.  Jl  a  plu 
aux  maîtres  de  l'art  d'appeler  ainsi,  par  extension 
ou  imitation,  les  vers(iui  finissent  par  un  e  muet. 
Ce  qui  a  donné  lieu  à  cette  dénomination,  o'esl 
que  lu  terminaison  féminine  de  nos  adjectifs  finit 


FÉR 

toujours  par  un  e  muet  :  Bon,  bonne,  un,  une. 

\oyezJiitiie.  (l>iiiii;usais.) 

Il  n'y  a  point  de  rt-sles  certaines  pour  distin- 
guer si  un  substantif  est  du  masculin  ou  du  fé- 
minin. On  trouvera  au  mot  Genre  celles  que  don- 
nent les  grainniairicns.  Voyez  aussi  les  articles 
Nom  et  Adjectif. 

Femme.  Snbst.  f.  On  prononce  faine.  J.-J. 
Rousseau  a  [)ris  ce  mt)t  adjectivement  :  Faute 
de  pouvoir  se  rendre  hommes,  les  femmes  nous 
rendent  femmes.  Chaque  femme  de  Paris  ren- 
ferme dans  son  appartement  un  sérail  d'hom.mes 
plus  femmes  quelle. — On  dit  une  femme  auteur, 
poète,  philosophe,  médecin,  peintre,  etc.,  el  UOU 
pas  autrice,  piëtesse,  etc.  Voyez  Puëte. 

FE^Di;^:.  V.  a.  de  la  h'  conj.  L'Académie  l'ex- 
plique par  diviser,  couper  en  long  Celle  expli- 
cation est  fausse.  On  divise  un  morceau  d'étoffe, 
un  morceau  de  toile,  on  le  coupe  en  long,  el  l'on 
ne  peut  pas  dire  pour  cela  qu'on  le  fend.  Ce  terme 
ne  se  dit  que  de  certaines  matières,  comme  les 
pierres,  les  bois,  la  terre,  etc.  Par  une  espèce  de 
inétapLore,  ce  même  mot  s'applique  à  l'eau  el  à 
l'air.  L'oiseau  ou  la  flèche  qui  vole  fend  Pair; 
et  le  poisson  qui  nage  ou  le  vaisseau  qui  vogue 
fend  les  eaux.  11  s'emploie  aussi  en  hyperbole  et 
en  ironie,  et  l'on  dit  d'un  grand  bruitqu'ii  fend 
la  tête  ;  d'un  petit  malheur,  cela  fend  le  cœur. 
Les  poètes  emploient  souvent  ce  mot  : 

La  Discorde  aussitôt,  plus  prompte  qu'un  éclair. 
Pend  d'un  toI  assuré  les  campagnes  de  l'air. 

CVOLT.,  Benr.,  Vf,  t57.) 

Mille  jeunes  Anglais  vont  bientôt  sur  ses  pas 
Fendre  le  scindes  mers  et  chercher  les  combats. 
{Idem,  m,  377.) 

Un  peuple  que  je  hftis  et  qui,  malgré  Junon, 
Ose  aux  champs  des  Latins  transporter  Ilion, 
Atcc  ses  dieux  vaincus  fend  les  mers  d'Etrurie. 

(Delil.,  Bneïd.,  I,  107.) 

La  reine  enfin  parait  ;  d'un  air  majestueux 
Elle  fend  de  sa  cour  les  flots  respectueux. 

{Idem,  IV,  2iO.) 

Fer.  Subsl.  m.  Les  poètes  emploient  ce  mot 
dans  un  grand  nombre  d'acceptions  diverses  : 

Contre  ses  attentats  vous  pouviei  autrefois 
Lever  impunément  le  fer  sacré  des  lois. . , 

^VoLT.,  Uahom.,  act.  I,  se.  I,  il.) 

Il  a,  dans  sa  colère. 
Du  fer  de  la  vengeance  armé  la  main  d'un  père. 

(Volt.,  AU.,  act.  V,  se.  v,  58.) 

Qu'aux  Urmes,  au  travail,  le  peuple  est  condamné. 
Et  d'un  sceptre  de  fer  veut  être  gouverné. 

IRac,  At^.,  act.  IV,  se.  m,  89.) 

Affranchissons  la  terre  et  donnons  aux  Romains 
Cet  fers  qu'ils  destinaient  au  reste  des   humains. 

i^VoLT.,  Brut.,  act.  I,  se.  m,  19.) 

Des  citoyens  romains  ont  demandé  des  fers  ! 

[Idem,  act.  IV,  se.  vu,  7.) 

Fer-blanc.  Subsl.  m.  Ce  nom,  comme  les  noms 
de  métaux,  n'a  point  de  pluriel. 

Féiual,  FÉRi.iLE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst. 

Férir.  V.  a.  et  défeclif  de  la  2'^  conj.  Ce  veri)e, 
qui  signifie  frapper,  n'est  plus  d'usage  qu'en  cette 


FER 


291 


j  phrase,  sans  coup  férir,  pour  dire,  sans  en  venir 
aux  mains,  sans  rien  hasarder. 

FiiR.MA>T,  Fermante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
fermer.  11  ne  se  met  qu'après  sou  subst.  :  A  por- 
tes fermantes. 

Ferme.  Adj.  des  deux  genres.  L'Académie  ne 
dit  pas  un  cœur  ferm.e  : 

Toi,  conserve  un  cccur  ferme  au  milieu  du  danger. 
(Delil.,  Éneid.,  VI,  130.) 

Cet  adj.  pnut  se  mettre  avant  son  subst.,  en  con- 
sultanl  l'harmonie  et  l'analogie.  On  ne  dit  pas  «a 
ferme  homme,  une  ferme  femme,  etc. ,  mais  on 
dit  une  ferme  résolution,  un  ferme  soutien,  et 
non  pas  !/«  soutien  ferme.  Un  ferme  propos,  et 
non  pas  rtn  propos  ferme.  On  dit  cti-e  ferme  en  ses 
résolutions,  et  être  ferme  à  faire  quelque  chose. 
Us  so7it  labnneujc,  adonnés  au  commerce,  fer- 
mes à  conserver  la  pureté  des  anciennes  lois. 

Ferme.  Adv.  Il  se  met  toujours  après  le  verbe  : 
Frapper  ferme,  parler  ferme. 

Fermeairnt.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  FI  est  fermement 
attaché  à  son  parti. 

Fermer.  V.  a.  et  n.  de  la  l''  conj.  Les  poètes 
emploient  souvent  ce  mot  dans  des  acceptions 
qui  ne  sont  pas  toutes  indiquées  dans  le  Dic~ 
tionnaire  de  l'Académie. 

Tandis  qu'à  nos  vaisseaux  la  mer  toujours  fermée. 
(Ric,  Iphig.,  act.  I,  se.  Il,  25.) 

Ces  vents  depuis  trois  mois  enchaînés  sur  nos  tèles, 
D'Ilion  trop  longtemps  nous  ferment  le  chemin. 

[Idem,  acL  I,  se.  I,  30.) 

0  ciel!  pourquoi  faut-il  que  la  secrète  envie 
Ferme  à  de  tels  héros  le  chemin  de  l'.\sie? 

{Idem,  acl.  I,  se.  il,  49.) 

Déjà  même  au  secours  toute  voie  est  fermée. 

(Rac,  Âth.,  act.  IV,  se.  y.  S.) 

A  tout  autre  désir  mon  cœur  était  fermé 

(RiC,  Baj.,  act.  V,  se.  ir,  28.) 

Approuvez  le  respect  qui  me  ferme  la  bouche. 

[RiC,  Phéd.,  acl.  IV,  se.  II,  56.) 

Il  tf.vpire,  et  ses  yeux,  où  la  mort  peint  ses  traits. 
D'un  repos  sans  réveil  sont  fermés  pour  jamais. 

(Delil.,  Énéid.,  XII,  469.) 

On|)ourrait  criliciuer  tie*  yeus  fmnùs  d'un  repos. 

Ses  yeux  sont  pour  jamais  fermés  à  la  lumière. 

(Volt.,  Henr.,  VIII,  237.; 

Fermeté.  Subst.  m.  Fermeté  vient  de  fenne, 
et  signifie  autre  chose  tjue  solidité  et  dureté.  Une 
toile  serrée,  un  sable  battu,  ont  de  la  fennelé, 
sans  élre  durs  ni  solides.  11  faut  toujours  se  sou- 
venir que  les  modifications  de  l'àroe  ne  peuvent 
s'exprimer  que  par  des  images  physiques.  On  dit 
la  fermeté  de  l'âme,  de  l'esprit,  ce  (pii  ne  signifie 
pas  plus  solidité  ou  dureté  qu'au  propre.  La  fer- 
meté est  l'exercice  de  l'esprit;  elle  suppose  une 
résolution  éclairée.  L'opiniâtreté,  au  contraire, 
sup|)ose  de  l'aveugleincnt.  Ceux  qui  ont  loué  la 
fermeté  du  style  de  Tacite,  n'ont  pas  tant  de  tort 
(|iie  le  prétend  le  |)ére  Ijouhours;  c'est  un  terme 
hasarde,  mais  bitMi  placé,  (jui  e\'[)rime  léiieigie 
et  la  force  des  pensées  et  du  siyle.  On  f)eut  dire 
que  La  Bruyère  a  un  style  tenue,  et  que  d'autres 
écrivains  n'ont  qu'un  style  dur  (Volt.,  Dici. 
philos.) 


292 


FES 


FÉROCE.  Aiij.  (les  deux  genres.  On  peut  le  mel- 
trc  avant  son  subsl.  en  consultant  l'ureille  et  l'a- 
nalogie :  On  dit  vite  bête  féroce,  les  bêtes  féro- 
ces, la  nature  fémce,  vue  joie  féroce  et  une  fé- 
roce joie  ;  un  regard  féroce  cl  un  féroce  regard; 
un  vainqueur  féroce,  et  1//1  féroce  vainqueur. — 
J.-J.  llousscaii  a  dit  le  ftroce  amour  des  con- 
quêtes. Voyez  Adjectif. 

Ferré,  FKnnÉE.  Adj.  qni  ne  se  met  qu'après 
son  suhst  :  Eau  ferrée,  chemin  ferré. 

Ferrer.  \  a.  de  la  1"  conj.  Ce  vcrlie  signifie, 
dans  son  acception  piimilive,  garnir  de  Ter;  mais 
on  dit,  par  une  espèce  de  métaphore,  ferrer  d'or, 
ferrer  d'arpent,  pour  dire  garnir  d'or  ou  d'ar- 
gent. Voyez  Catachrèse. 

Ferrlginelx,  FEnRUGl^EDSE.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Terre  ferrugineuse,  eaux 
ferrugineuses. 

Fertile.  Adj.  des  deux  genres.  On  dit  champ 
fertile ,  terre  fertile,  esprit  fertile,  sujet  fer- 
tile, viutière  fertile;  mais  on  peut  dire  aussi 
nous  parcourions  ces  fertiles  campagnes.  Ainsi 
cet  adj.  peut  se  mctlre  avant  son  subst.  lors(]ue 
l'Iiarmoiiie  et  l'analogie  ne  s'y  opposent  point. 
Voyez  Adjectif. 

Fertile  rcgil  la  préposition  en  au  propre  comme 
au  figuré  :  Une  terre  fertile  en  blé,  un  esprit 
fertile  en  expédients. 

El  quel  temps  fut  jamais  si  fertile  en  miracles! 

(Rac,  Àth.,  acl.  I,  se.  I,  104.) 

Voyez  Fécond. 

Fertileme^it.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe. 

'*  Fertilisation.  Subst.  f.  Action  de  fertiliser, 
de  rendre  fertile  :  La  fertilisation  des  ter- es. 
Ce  mot,  dont  l'usage  est  bien  établi,  ne  se  '.ouve 
point  &àn%\(i  Dictionnaire  de  VAcadéi>  te  :  f^ol- 
taire  a  proposé  des  vues  générales  s',r  la  ferti- 
lisation. Voyez  ce  mot  dans  son  i)ictionnaire 
philosophique. 

Fervemment.  Adv.  Si  l'on  pe'.t  se  servir  de  cet 
v,.'verbe,  auquel  on  substitue  ordinairement  arec 
ferveur,  on  |)eut  le  placer  entre  l'auxiliaire  elle 
.participe  :  Il  s'est  fervemment  acquitté  de  ce  de- 
voir religieux. 

Fervent,  Fervente.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'a- 
nalogie :  Un  homme  fervent,  vn  zèle  fervent, 
une  dévotion  fervente,  une  prière  fervente,  une 
fervente  dévotion,  une  fervente  prière.  Voyez 
Adjectif. 

Fesse-cahier,  Fesse-mathied.  Ces  deux  sub- 
stantifs composes  ne  prennent  point  de  «  au  plu- 
riel. La  pluralité  tombe  sur  les  personnes  que 
l'on  désigne  par  ces  mots,  et  non  sur  les  mois 
cahier  ou  muthieu.  Ainsi  l'on  dit  des  fesse-cahier , 
des  fesse-mathieu .  — L'Académie  écril  des  fesse- 
7na/Aie»/x,- elle  n'indique  pas  le  pluriel  du  mot 
fesse-cahi^r. 

Festin.  Subst.  m.  Ordinairement, ce  mot  de 
festin  emporte  l'idée  de  pompe,  de  magnificence, 
de  joie,  d'allégresse.  C'est  ainsi  que  l'Acailéinie 
le  présente  dans  tous  les  exemples  qu'elle  en 
donne,  et  qu'on  le  voit  souvent  employé  par  les 
poêles  : 

Il  veut  que  d'un  festin  la  pompe  et  l'allégresse 

(Rac,  Dritan.,  acl.  V,  se.  1,  4.) 

Hélas  !  durant  ces  jours  de  joie  el  de  feitins. 

(Rac,  Esth:,  acl.  I,  se.  i,  81.) 

Et  que  le  chef  des  Grecs,  irritant  les  destins, 
PréparSt  d'un  hymen  la  pompe  et  les  ,'V«(in(. 

(Rac,  Iphig.,  art.  I,  se.  iî,  31.) 


Fie 

Mais  ce  mot  peut  s'allier  aussi  à  des  idées  de 
tristesse  et  d'iiorreur  : 

Bourreau  de  votre  fille,  il  ne  tous  reste  enfin 
Que  d'en  faire  à  sa  mère  un  horrible  fettin. 

{Idem,  acl.  IV,  se.  IV,  Si.; 

Et  toi,  si.leil 

Toi  qui  n'osas  du  père  éclairer  le  feitin. 

[Idem,  act.  V,  se.  IV,  20.) 

FÉTIDE.  Adj.  des  deux  genres,  (lui  se  met  or- 
dinairement après  son  subst.  :  Huile  fétide.  Nous 
I)cnsoiis  qu'il  y  a  tels  cas  où  l'on  pourrait  dire 
cette  fétide  odeur.  Voyez  Adjectif. 

Fétoyer.  V.  a.  de  la  1"^  conj.  On  écrivait 
autrefois  festoyer.  Il  se  conjugue  comme  em- 
ployer. Voyez  ce  mol. 

Feu.  Subst.  m.  Outre  les  acceptions  physique-- 
de  ce  mot,  on  l'applique  aussi  au  moral.  Feu. 
surloul  en  poésie,  signifie  souvent  amour,  el  on 
l'emploie  plus  dégammenl  au  pluriel  qu'au  sin- 
gulier. Corneille  dit  souvent  un  beau  feu  pour 
un  amour  vertueux  et  noble.  Un  homme  a  du 
feu  dans  la  conversation,  cela  ne  veut  pas  dire 
qu'il  a  des  idées  brillantes  el  lumineuses,  mais 
des  expressions  vives,  animées  par  les  gestes.  Le 
feu,  dans  Icsécrils,  ne  suppose  pas  non  plus  né- 
cessairement de  la  lumière  cl  de  la  beauté,  mais 
de  la  vivacité,  des  figures  muliii)liées,  des  idées 
pressées.  Le  feu  n'est  un  mérite  dans  le  discours 
et  dans  les  ouvrages  que  quand  il  est  bien  con- 
duit. On  a  dit  que  les  pué'lcs  étaient  animés 
d'un  feu  divin  quand  ils  étaient  sublimes.  On  n'a 
point  de  génie  sans  feu,  mais  on  peut  avoir  du 
feu  sans  génie. 

Feu,  Fece.  Adj.  Il  se  dit,  selon  Ménage,  des 
personnes  que  nous  avons  vues  ou  (]ue  nous 
avons  pu  voir.  Le  père  Bouliours  prétend  que 
ce  mot  n'a  ni  pluriel  ni  féminin,  et  que  par  con- 
séquent on  doit  dire  feu  mes  oncles,  et  ma  feu 
mère.  L'Académie  dit  :  Cet  adjectif  n'a  point  de 
pluriel,  el  il  ne  prend  pas  la  terminaison  féminine 
lorsqu'il  est  placé  avant  l'ariiclc  ou  avant  l'ad- 
jectif possessif.  —  Ainsi,  quoiciu'on  dise /a  feu£ 
reine,  il  faut  dire  feu  la  reine.  Pourquoi  ces 
difliculiés  bizarres  el  ces  exceptions  sans  motif 
et  sans  nécessité?  Nous  pensons  que  cet  adjectif 
doit  avoir  les  mêmes  accidents  i|ue  les  autres 
adjectifs,  cl  que  l'un  ne  fait  point  de  faute  en 
disant  feus  mes  oncles  et  feue  la  reine.  Ce  serait 
mal  s'exprimer  que  de  dire  la  feue  reine  dans 
un  pays  où  il  n'y  aurait  pas  une  reine  vivante  ;  il 
faudrait  dire  alors  feu»  la  reine. 

Feuillet,  Feuilletage.  On  mouille  les  l. 

Feuilleter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conju- 
gue comme  cacheter.  Les  l  se  mouillent. 

Fi;lilleton,  Feuillette,  Fitjillu,  Feuillcre. 
Dans  tous  ces  mots  on  mouille  les  l. 

Fiancer.  V.  a.  de  la  i"  conj.  L'Académie  ne 
dit  pas  se  fiancer  à  quelqu'un;  Voltaire  l'a  dii 
ds^ns  l'Enfant prod.  (acl.  I,  se.  i,  90)  : 

Quand  l'étourdi  dut,  en  face  d'église, 
So  fiancer  à  ma  petite  Lise. 

Fibreux,  Fibredse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subsl. 

Ficeler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  atteler. 

Fichu,  Fichue.  Adj.  L'Académie  dit  que  c'est 
un  terme  bas  el  de  méi^is  dont  on  se  sert  pour 
dire  malfait,  impertinent.  —  C'est  plus  que  cela, 
c'est  un  terme  iiiq)oli  et  grossier  dont  les  hon- 
nêtes gens  ne  se  servent  jamais. 


FIE 

Fictif,  Fictive.  Adj.  qui  ne  sp  mot  qu'après 
son  subst.  ;    T'itre  fictif,  proprictis  fictires. 

Fidèle.  Adj.  des  tlciix  genres.  I,'Ac;ul('mi'!  dit 
(idèl-e  en  ses  promesse-t  ;  Racine  a  dit  âdèle  en 
ses  menaces.  (Atlwlie,  act.  I,  se.  i,  112)  : 

Et  Dieu  trouve  fidèle  en  toutes  ses  meuMes. 

Dclille  a  dit  fidèle  à  ses  desseins  {Enéide,  VI[, 
StiO): 

Alors  Juiion,  fidèle  à  ses  affreux  desseins.  .  . 

Cet  adjectif  peut  se  inellre  avant  son  subst  ,  en 
consultant  l'oreille  et  l'analogie:  Un  fidèle  nmi, 
une  fidèle  ipouse.  On  ne  dirait  pas  un  fidèle 
Jiomme,  une  fidèle  femme.  Voyez  Adjectif, 

FiDÈLEjiKNT.  Adv.  On  peut  le  placer  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  s'est  acquitté  fidè- 
lement do  sa  commission,  ou  il  s'est  fidèlement 
acquitté  de  sa  commission. 

Fieffé,  Fieffée.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  en  consullant  l'oreille  et  l'analogie  : 
C'est  un  fripon  fieffé,  ou  un  fieffé  fripon.  On  ne 
dirait  pas  vn  fieffé  ivrogne,  à  cause  de  l'hiatus. 
Voyez  Adjectif. 

FiEr..  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  dit  se  fieréi,  se 
fier  en,  se  fier  sur.  Voici  comment  nous  croyons 
qu'on  peut  expliquer  les  différences  qui  doivent 
exister  entre  ces  trois  manières  de  s'exprimer. 
Nous  nous  fions  à  quelqu'un,  parce  que  nous 
croyons  qu'il  ne  nous  trompera  pas.  On  ne  sait  à 
qui  se  fier,  parce  qu'on  craint  d'ôlre  trompé. 
Nous  nous  fions  à  V7ic  chose  quand  nous  croyons 
qu'elle  ne  trompera  pas  notre  espérance. 

Plus  il  se  Ce  à  tous,  plus  je  dois  espérer. 

(Volt.,  Brut.,  act.  II,  se.  iv,  22.) 

Vous  fiez-Tous  encore  à  de  si  faibles  armes  ? 

(Rac,  Iphig.,  act.  T,  se.  ii,  13.) 

Se  fier  en  quelqu'un,  se  dit  par  opposition  à 
toute  autre  personne  en  qui  on  aurait  pu  se  lier  : 
Je  me  fie  en  vous,  je  ne  me  fie  qu'en  vous;  vous 
(■'les  le  seul  en  qui  je  metle  ma  confiance.  On  se 
fie  sur  une  personne  quand  on  croit  qu'elle  a 
tous  les  moyens  Piéccssaires  pour  effectuer  ce 
qu'on  désire.  Dans  cette  malheureuse  affaire, 
je  méfie  sur  vous  pour  me  tirer  d'embarras  ;  je 
me  fie  sur  vos  talents,  sur  votre  adresse,  sur 
votre  éloquence. 

.  . .  Lorsque  avec  frayeur  je  parais  à  vos  yeux, 
Que  sur  mon  innocence  à  peine  je  me  fie. 

(Rac,  Britan.,  acl.  II,  se.  m,  80.) 

Fier,  Fière.  Adj.  Le  r  se  prononce  fortement. 
On  peut  le  mellre  avant  son  subst.  lorsque  l'iiar- 
monie  et  l'analogie  le  permettent  :  ÔEil  fier, 
mine  fière,  air  fier.  Dans  cette  fière  contenance, 
il  bravait  son  rival.  11  régit  quelquefois  la  pré- 
[wsition  de  :  Il  est  fier  de  celte  préférence.  Voyez 
Pierté. 

FiÈRE.ME.M.  Adv.  On  peutle  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Il  s'était  avancé  fièrement 
vers  l'ennemi,  ou  il  s'était  fièrement  avancé  vers 
l'ennemi. 

Fierté.  Subst.  f.  11  n'a  point  de  pluriel.  — Ce- 
pendant lorsqu'il  s'agit  non  plus  du  caractère, 
mais  de  ses  actes,  de  ses  effets,  nous  pensons, 
malgré  le  silence  de  l'Académie,  qu'on  peut  dire 
avec  Molière  les  fiertés  d'une  femme,  comme  on 
dit  les  imprudences,  les  méchancetés,  etc.  'A. 
I.emaire,  Grammaire  des  Grammaires,  p.  147.) 


FIG 


293 


Fierté  est  une  de  ces  expressions  qui,  n'ayant 
d'abordéléemployéosque  dans  iMisonso(lieux,ont 
été  ensuiic  drtournées  a  un  sens  l'avorabl(>.  C'est 
un  blàmcqiianil  ce  mot  signifie  la  vanité  hautaine, 
aiiiôrc,  orgueilleuse,  dédaigneuse.  C'est  prestjue 
une  louange  quand  il  signifie  la  hauteur  d'une  àme 
noble.  C'est  un  juste  éloge  dans  un  général  qui 
ynarche  avec  fierté  à  l'ennemi,  l.cs  éci'ivains  ont 
loué  la  fieité  de  la  démarche  de  Louis  XlV;  ils 
auraient  du  se  conlenlcr  d'en  ronianpicr  la  no- 
blesse. La  fierté  de  l'âme,  sans  hauteur,  est  un 
mérite  compatible  avec  la  modestie.  H  n'y  a  (|ue 
la  fierté  dans  1  air  et  dans  les  manières  qui  cho- 
que; elle  déplaît  dans  les  rois  mornes.  La  fierté 
dans  l'extérieur,  dans  la  société,  est  rex|)rcssion 
de  l'orgueil.  La  fierté  dans  l'âme  est  de  la  gran- 
deur. Les  nuances  sont  si  délicates,  qu'esprit 
fier  est  un  blâme,  âme  fière  une  louange.  C'est 
que  itnr  esprit  fier  on  entend  un  honni:e(iui  pense 
avantageusement  de  bii-mcme,  et  p<\vâiiie  fière  oa 
entend  dos  sentiments  élevés.  La  liorlé  annoncée 
par  l'extérieur  est  i(!llcment  un  défaut,  que  les 
pclits  qui  louent  bassement  les  grands  de  ce 
défaut,  sont  obligés  de  l'adoucir,  ou  i)hilôl  de  le 
relever  par  une  épithète,  cette  noble  fierté.  Elle 
n'est  pas  seulement  la  vanité,  qui  consiste  seule- 
ment à  se  faire  valoir  jiar  les  petites  choses  ;  elle 
n'est  pas  la  présomption,  qui  se  croit  capable  des 
grandes;  elle  n'est  pas  le  dédain,  (]ui  ajoute 
encore  le  mépris  des  autres  a  l'air  de  la  grande 
opinion  de  soi-même;  mais  elle  s'allie  avec  tous 
ces  défauts.  On  s'est  servi  de  ce  mut  dans 
les  romans  et  dans  les  vers ,  surtout  dans  les 
opéra,  pour  exprimer  la  sévérité  de  la  pudeur; 
on  y  rencontre  partout  vaine  fierté,  rigoureuse 
fierté.  Les  poètes  ont  eu  i)eut-éire  plus  de  raison 
qu'ils  ne  pensaient.  La  fierté  d'une  femme  n'est 
pas  simplement  la  pudeur  sévère,  l'amour  du 
devoir,  mais  le  haut  prix  que  son  amour-propre 
met  à  sa  beauté.  On  dit  quelquefois  la  fierté  du 
pinceau,  pour  signifier  des  touches  libres  et 
hardies.  [\tj\\...  Die  t.  philos.) 

FiGUu.^TiF,  FiGiR.\TivE.  Adj.  Oii  appclIc  pré- 
cepte figuratif,  phrase  figurative ,  un  précepte, 
une  phrase,  i]ui  nous  enseignent  quehjue  chose 
de  fait  ou  de  doctrine,  pat  des  similitudes.  Il 
ne  se  met  qu'après  son  subst. 

FiGCRATivE.MENT.  Adv.  11  sc  met  aprèsle  verbe. 

Figure.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire  et  de 
rhétorique.  On  entend  [tar  figure,  une  disposition 
particulière  d'un  ou  de  plusieurs  mots,  relative 
à  l'état  primitif  et  pour  ainsi  dire  fondamental 
des  mots  ou  des  phrases.  Les  différents  écarts 
que  l'on  fait  dans  cet  étal  primitif,  et  les  diffé- 
rentes altérations  qu'on  y  apporte,  font  les  Mîé- 
ren[cs  figures  de  mots  ou  de  pensées.  Ces  deux 
mots  Cérès  et  Bacchus,  sont  les  noms  propres 
et  primitifs  de  deux  divinités  du  paganisme.  Ils 
sont  pris  dans  le  sens  propre,  c'est-à-dire  selon 
leur  première  destination  ,  lorsqu'ils  signifient 
simplement  l'une  ou  l'autre  de  ces  divinités. 
Mais  comme  Cérès  était  la  déesse  du  blé,  et 
Bacchus  le  dieu  du  vin,  on  a  souvent  pris  Cérès 
pour  le  pain,  et  Bacchus  pour  le  vin;  et  alors 
les  adjoints  ou  les  circonstances  font  connaître 
que  l'esprit  considère  ces  mots  sous  une  nou- 
velle forme,  sous  une  autre  figure;  et  l'on  dit 
qu'ils  sont  pris  dans  un  sens  figuré.  Madame 
Deshoulières  a  pris  pour  refrain  d'une  ballade  : 

L'amour  languit  sans  Bacchus  et  Cérè.s. 

C'est-à-dire  qu'on  ne  songe  guère  à  faire  l'amour 
quand  on  n'a  pas  de  quoi  vivre. 


«04 


FIG 


Il  y  a  des  fisiircs  de  mots  et  des  figures  de 
peiiscos.  Les  promitTCS  tiennent  es^onticUeuienl 
au  matériel  des  mots,  au  lien  ([ue  1rs  liciiies  do 
pensées  n'ont  besoin  des  mois  que  pour  être 
émmccrs.  11  y  a  dos  ligures  de  mots  qu'on  ap- 
pelle figures  de  constrvctioii.  Quaml  les  mots 
sont  rangés  selon  l'ordre  successif  de  leurs  rap- 
ports dans  le  discours,  et  que  le  mot  qui  en  dé- 
termine un  au  Ire  est  placé  immédiatement  et  sans 
interruption  apré^  le  mot  qu'il  délermino,  alors 
il  n'y  .i  point  de  ligure  de  construction.  Mais 
lorsipi'on  s'écarte  de  la  simi»licilé  de  cet  ordre, 
il  y  a  ligure,  les  principales  figures  de  construc- 
tion sont  l'ellipse,  le  pléonasme,  la  syllepse  ou 
synthèse,  l'imcrsion  ou  hyperhaie.  Voyez  ces 
mots. 

Il  y  a  des  figures  de  mots  (ju'on  appelle  trrprs, 
à  cause  du  cliangeinent  (]ui  ariivc  alors  à  la  signi- 
fication propre  du  mot.  Ainsi  toutes  les  fois  qu'on 
donne  à  un  mot  un  sens  différent  de  celui  i)our 
lequel  il  a  été  primitivement  établi  ,  c'est  un 
trope.  Ces  écarts  de  la  première  signification  du 
mot  se  font  en  bien  des  manières  différentes, 
auxquelles  les  rhéteurs  ont  donné  des  noms  par- 
ticuliers. Voyez  Tropes. 

Il  y  a  une  dernière  sorte  de  figures  de  mots 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  celles  dont 
nous  venons  do  parler. 

Les  figures  dont  il  s'agit  ne  sont  point  des 
tropes,  puisque  les  mots  y  conservent  leur  signi- 
fication propre;  ce  ne  sont  point  des  figures  de 
pensées,  puisque  ce  n'est  que  des  mots  qu'elles 
tirent  ce  (pi'elles  sont.  Telles  sont  la  répétition, 
la  synonymie,  Vonornatopée.  Voyez  ces  uiols. 

Les  figures  de  pensées  consistent  dans  la  pen- 
sée, dans  le  sentiment,  dans  le  tour  d'esprit;  en 
sorte  que  l'on  consen-e  la  figure,  quelles  que 
soient  les  paroles  dont  on  se  sert  pour  l'expri- 
mer. 

Les  figures,  ou  expressions  figurées,  ont  cha- 
cune une  forme  i)articuliére  qui  leur  est  propre, 
et  (]ui  les  distingue  les  unes  des  autres.  Par 
exemple,  Vantithèsc  est  distinguée  des  autres 
manières  de  parler,  en  ce  que  les  mots  qui  for- 
ment l'antithèse  ont  une  signification  o[)poséc 
l'une  à  l'autre.  L'apostrophe  est  différenie  des 
autres  figures,  parce  que  ce  n'est  que  dans  l'a- 
postrophe qu'on  adresse  tout  d'un  coup  la  parole 
à  quelque  personne  présente  ou  absente.  Ce  n'est 
que  dans  laprosopopée(\nG\ow  fait  parler  les  morts, 
lesabsentsou  les  êtresinanimés.  lien  est  de  môme 
des  autres  figures.  Les  grammairiens  et  les  rhé- 
teurs ont  fail  des  classes  parti<'ulières  de  ces  dif- 
férentes manières,  et  ont  donné  le  nom  iefifiirres 
de  pensées  à  colh^squi  énoncent  les  jiensées  sous 
une  forme  particulière  qui  les  distingue  les  unes 
des  aiUres  et  de  tout  ce  qui  n'est  que  phrase 
ou  expression.  Ces  classes  sont  en  très-grand 
nombre,  et  il  est  inutile  de  les  connaître  toutes. 
Les  principales,  outre  celles  que  nous  venons 
de  nommer,  sont  Vexclamatinn,  l'interrogation, 
la  commv nication ,  Vénumératinn,  la  concession, 
la  gradation,  la  suspension,  la  rélicence,  l'in- 
terruption, Vohserration,  la  périphrase,  l'hyper- 
Me,  etc. 

Les  figures  rendent  le  discours  plus  insinuant, 
plus  agréable,  plus  vif,  plus  énergique,  plus 
pathétique;  mais  elles  doivent  être  rares  et  bien 
amenées.  Elles  ne  doivent  être  que  l'effet  du 
sentiment  et  des  mouvements  naturels,  et  l'art  n'y 
doit  |iuint  paraître. 

Nous  parlons  naturellement  en  langage  figuré 
lorsque  nous  sommes  animés  d'une  violente  pas- 


FIG 

sion.  Quand  il  est  de  notre  intérêt  de  persuader 
aux  autres  ce  que  nous  pensons,  et  de  faire  sur 
eux  une  impression  pareille  à  celle  dont  nous 
sommes  frai)pés,  la  nature  nous  dicte  et  nous 
inspire  son  langage,  .\lors  toutes  les  figures  de 
l'art  oratoire  (pie  Tes  rhéteurs  ont  revêtues  de  tant 
de  noms  pompeux,  ne  sont  <iue  des  façons  de 
l)arler  très-communes  que  nous  prodiguons  sans 
aucune  connaissance  de  la  rhétorique.  Ainsi  le 
langage  figuré  n'est  que  le  langage  de  la  simple 
nature  appli(iuc  aux  circonstances  où  nous  le 
devons  parler. 

Rien  de  plus  froid  que  les  ex[)ressions  figu- 
rées quand  elles  ne  sont  pas  l'crfet  naturel  du 
mouvement  de  l'àme.  Pour(]uoi  les  mêmes  pen- 
sées nous  i)araisseiu-elles  beaucoup  plus  vives 
quand  elles  sont  exprimées  par  une  ligure,  que 
si  elles  étaier.l  enfermées  dans  des  expressions 
toutes  simples?  C'est  que  les  ex[iressions  figurées 
nianpient,  outre  la  chose  dont  il  s'agit,  le  mou- 
vement et  la  pass'ion  de  celui  qui  parle,  et  impri- 
ment ainsi  l'une  et  l'autre  idée  dans  l'esprit;  au 
lieu  (lue  l'expression  simple  ne  marque  que  la 
vérité  toute  nue. 

les  figures  doivent  surtout  être  employées 
avec  ménagement  dans  la  prose,  (]m  traite  sou- 
vent des  matières  de  discussion  et  de  raisonne- 
ment. On  n'admet  f)oint  le  slyie  figuré  dans  l'his- 
toire, car  trop  de  métaphores  nuisent  à  la  clarté  ; 
elles  nuisent  même  à  la  vérité,  en  disant  plus  ou 
moins  que  la  chose  même.  Les  ouvrages  didacti- 
ques le  réprouvent  également.  Il  est  bien  moins 
à  sa  place  dans  un  sermon  que  dans  une  oraisou 
funèbre,  parce  que  le  sermon  est  une  instruction 
dans  laquelle  on  annonce  la  vérité,  l'oraison  fu- 
nèbre une  déclamation  dans  laquelle  on  l'exagère. 

L'imagination  ardente,  la  passion,  le  dé.'iir  sou- 
vent trompé  de  plaire  par  des  expressions  surpre- 
nantes, produisent  le  style  figuré.  La  poésie  d'en- 
thousiasme, comme  l'épopée,  l'ode,  est  le  genre 
qui  reçoit  le  plus  ce  style.  On  le  prodigue  moins 
dans  la  tragédie,  où  le  dialogue  doit  être  aussi 
natmel  qu'élevé  ;  encore  moins  dans  la  comédie, 
dont  le  style  doit  être  plus  simple.  C'est  le  goût 
qui  fixe  les  bornes  qu'on  doit  donner  au  style  fi- 
guré dans  chaque  genre. 

1, 'allégorie  n'est  point  le  style  figuré.  On  peut, 
dans  une  allégorie,  ne  point  employer  les  figures, 
les  métaphores,  et  dire  avec  simplicité  ce  qu'on 
a  inventé  avec  imagination. 

Presque  toutes  les  maximes  des  anciens  Orien- 
taux et  des  Grecs  sont  dans  un  style  figuré.  Tou- 
tes ces  sentences  sont  des  métaphores,  de  courtes 
allégories;  et  c'est  la  que  le  style  figuré  fait  un 
très-grand  effet,  en  ébranlant  l'imagination  et  en 
se  gravant  dans  la  mémoire.  C'est  ainsi  qu'on  a 
dit  n'attises  pas  le  feu  avec  l'épée,  pour  dire 
n'irritez  pas  les  esprits  échauffés.  Il  y  a  dans 
toutes  les  langues  beaucoup  de  proverbes  qui 
sont  dans  le  style  figuré. 

lorsqu'une  figure  se  présente  trop  brusque- 
ment, elle  étonne  plutôt  qu'elle  ne  plail;  lors- 
qu'elle n'est  pas  soutenue,  elle  ne  produit  pas 
tout  son  effet.  11  faut  donc  avoir  soin  de  prépa- 
rer et  de  soutenir  les  figures. 

f^otis  êtes  bonne,  quand  vinis  dites  que  vous 
avez  peur  des  beaux  esprits  !  Hélas!  si  vous 
saviez  combien  ils  sont  empêchés  de  leur  per- 
sonne, vous  les  7iieltriez  bientôt  à  hauteur  d'ap- 
pui.—  y4  hauteur  d'appui  est  ici  une  ligure  trop 
brusque,  et  qu'on  a  même  de  la  |)eine  à  entendre. 
Mais  si  l'on  dit  avec  madame  de  Sévigné  :  Hé- 
las! si  vous  saviez  combien  ils  sont  empêchés 


FIG 

de  leur  personne,  et  combien  ils  sont  petits  de 
près,  vous  les  rcinetlriez  bientôt  à  hauteur  d'ap- 
pui. \'uila  ce  (iiii  s'ap|tell('  une  ligure  prejKirc'e. 
En  voici  une  autre  qui  ne  l'esl  pas  :  On  voit  peu 
ePesprits  entièrement  stupidcs,  l'on  en  voit  en- 
core 7Hoins  qui  soient  sublimes  et  iranscendunts. 
Le  commun  des  hommes  nage  antre  deux  extré- 
mités, (l.a  Bruyère,  de  l'Homme,  [).  3'i'7  )  Le  mol 
««^«T  vient  mal  après  ces  deux  classes  d'esprit; 
cette  figure  avait  besoin  d'être  préparée.  11  faut  ici 
multiplier  les  exemples;  ils  instruiront  mieux  que 
les  préceptes. 

Si  Borne  a  plus  porté  de  grands  hommes  qu^au- 
cune  autre  ville  qui  eût  été  avant  elle._  ce  n'a 
foint  été  le  Jiasurd  ;  mais  c'est  que  l'Etat  ro- 
main, constitué  de  la  manière  que  nous  avons 
vu,  était  pour  ainsi  dire  du  tempérament  qui  de- 
vait être  le  plus  fécond  en  héros.  (Bossuet,  Disc, 
sur  l'Hist.  univ.,  Z'  part.,  chap.  VI,  p.  480.) 
—  Constitué  prépare  tempérament.  Cependant, 
comme  Bussuel  n'a  pas  trouvé  celte  figure  assez 
préparée,  il  sauve  ce  qu'elle  a  de  plus  brusque,  en 
ajoutant  pour  ainsi  dire.  11  n'aurait  pas  eu  be- 
soin de  cette  précaution  s'il  ei'it  représenté  la  ré- 
publique comme  un  corps,  et  qu'il  eût  dit  :  C'est 
que  le  corps  de  la  république,  constitué  de  la 
«lanière  que  nous  avons  vu,  était  du  iempéra- 
meni  qui  devait  être  le  plus  fécond  en  héros. 

Que  sa  vérité  propice 
Soit  contre  leur  artiHce 
Ton  plus  invincible  mur; 
Que  son  aile  tutélaire 
Contie  leur  âpre  colère 
Soit  ton  rempart  le  plus  sûr. 

(J.-B.  Rouss.,  liv.  III,  Ode  ti,  25.) 

Voilà  une  confusion  de  figures  qui  ne  sont 
point  préparées.  Qu'est-ce,  en  effet,  qu'une  véritc 
qui  est  un  mur  contre  l'artilice,  et  qu'une  aile 
(]ui  est  un  rempart  contre  la  colère? 

Bossuel  a  dit  :  C'est  en  cette  sorte  que  les  es- 
prits V7ie  fois  émus,  tombant  de  rtiine  en  ruine, 
se  sont  dirisés  en  tant  do  sectes.  [Orais.  fun. 
de  la  reine  d'Angleterre,  p.  27.)  — Des  esprits 
ne  tombent  pas  de  ruine  en  ruine,  et  il  faudrait 
bien  des  précautions  pour  préparer  une  pareille 
figure. 

QueUiuefois  c'est  à  la  pensée  même,  exprimOe 
dans  les  lermes  propres,  a  préparer  la  figure  :  Je 
suis  sans  cesse  occupée  de  vous,  ma  chère  en- 
fant ;  je  pas!%i  bien  plus  d'heures  à  Grijnan 
qu'aux  Rochers.  (Sévigné.)  Je  passe  bien  plus 
d'heures  à  Grignan  qu'aux BochersC^ixine  figure 
qu'on  n'entendrait  [)as  si  la  même  pensée  n'avait 
pas  d'abord  été  rendue  dans  les  termes  propres. 

Voici  des  exemples  de  figures  souteiiiles  : 

Où  sont  ces  CIs  de  la  terre 
Dont  les  Gères  légions 
Devaient  :illHmer  la  guerre 
Au  sein  de  nos  régions? 
La  nuit  les  vit  rassemblées, 
Le  jour  les  vit  écoulées 
Comme  les  faibles  ruisseaux 
Qui,  gonflés  par  quelque  orage, 
Viennent  inonder  la  plage 
Qui  doit  engloutir  leurs  eauj. 

(J.-B.  Rouss.,  liv.  III,  Odex,  H.j 

Ces  mots  de  légions  écoulées  font  une  image  (}ui 
n'est  pas  assez  préparée.  Mais  toute  la  suite  ofi'i  c 
une  figure  fort  bien  soutenue;  car,  dés  quelles 
sont  écoulées,  il  est  très-naturel  de  les  comparer 
a  des  torrents  qui  sont  engloutis  dans  les  lieux 
où  ils  se  répandent.  A'oici  un  autre  exemple  d'une 
figure  bieu  soutenue,  à  peu  de  chose  près  : 


FIG 


295 


O  Dieu!  qu'est-ce  donc  que  l'homme f  est-ce 
un  prodige?  est-ce  un  asscmbluic  monstrueux 
de  choses  incompatibles?  est-ce  une  énigme  in- 
explicable? ou  bien  n'est-ce  pas  plutôt,  si  je  puis 
parler  de  la  sorte,  un  reste  de  lui  même,  une 
ombre  de  ce  quHl  était  dans  son  origine,  un  édi- 
fice ruiné  qui,  dans  ses  masures  renversées, 
conserve  encore  quelque  chose  de  la  beauté  et  de 
la  grandeur  de  sa  première  forme?  Il  est  tombé 
en  ruine  par  sa  volonté  dépravée  ;  le  comble  est 
abattu  sur  les  murailles  et  sur  le  fondement; 
mais  qu'on  remue  ces  ruines,  on  trouvera  dans 
les  restes  de  ce  bâtiment  renversé,  et  les  traces 
des  fondations,  et  l'idée  du  premier  dessein,  et 
la  marque  de  l'architecte.  (Bossuet.) 

Ce  tableau  est  grand  et  juste  dans  toutes 
ses  proportions.  11  faut  seulement  retrancher 
par  sa  volonté  dépravée,  car  ces  mots  ne  sau- 
raient se  dire  d'un  édifice;  et  la  régie,  pour 
soutenir  une  figure,  est  de  ne  rien  ajouter  qui  ne 
soit  dans  l'analogie  de  la  première  figure.  Voici 
un  exemple  où  cette  règle  est  bien  observée  :  Il 
faut  que  M.  de  la  Garde  ait  de  bonnes  raisons 
pour  se  porter  à  l'extrémité  de  s'atteler  avec 
quelqu'un  ;  je  le  croyais  libre  et  sautant  et  cou 
ranl  dans  un  pré;  mais  enfin  il  faut  venir  au 
timon,  et  se  mettre  sous  le  joug  comme  les  au- 
tres. {.Sévigné,  lettre  du  17  7«(u'l676.) 

JNous  allons  ajouter  j)lusieurs  exemples  de  fi- 
gures mal  |)répar6esou  mal  soutenues,  afin  «ju'on 
apprenne  à  éviter  des  fautes  dont  les  meilleurs 
écrivains  ne  se  garanlissenl  pas  toujours. 

Tantôt  il  s'oppose  à  la  jonction  de  tant  de  se- 
cours amassés,  et  rompt  le  cours  de  ces  torrents 
qui  auraient  inondé  la  France  ;  tantôt  il  les  dé- 
fait et  les  disperse  par  des  c-mibats  réitcrés; 
tantôt  il  les  repousse  au  delà  de  leurs  rivières. 
(Fléchier,  Oruis.  fun.  de  2'urennc,  \).  110.)  — 
On  ne  défait  pas  des  torrents,  on  ne  les  dissipe 
l)as  jiar  des  combats,  on  ne  les  repousse  pas  au 
delà  de  leurs  rivières.  Celle  figure  est  donc  mal 
soutenue. 

Votre  raison,  qui  jamais  n'a  flotte 
Que  dans  le  trouble  et  dans  l'obscurilé, 
Kt  qui,  rampant  à  peine  sur  la  terre. 
Veut  s'élever  au-dessus  du  tonnerre. 
Au  moindre  ccueil  qu'elle  trouve  ici-lia?, 
lirouclie,  trébuche  et  tombe  à  chaque  pas: 
Et  vous  voulez,  fiers  de  celle  étincelle. 
Chicaner  Dieu  sur  ce  qu'il  lui  révèle  ! 

(J.-B.  Rouss.,  liv.  II,  Épttre  7,  ?9.) 

Quand  on  considère  la  raison  comme  une  étin- 
celle ,  peut-on  dire  qu'elle  flotte,  peul-on  dire 
qu'elle  rampe?  Enfin  si  elle  rampe,  Orrmcne- 
t-elle,  trébuche-t-elle,  tombe-t-elle  au  moindre 
écueil?  Ce  n'est  là  qu'une  confusion  de  fiuures. 

Je  ne  doute  point  que  le  public  ne  soit  étourdi 
et  fatigué  d'entendre,  depuis  quelques  années, 
de  vieux  corbeaux  croasser  autour  de  ceux  qui, 
d'un  vol  libre  etd'uiie  plume  légère,  se  sont  éle- 
vés à  quelque  gloire  pur  leurs  écrits.  Ces  oi- 
seaux lugubres  semblent,  par  leurs  cris  conti- 
nuels, leur  vouloir  imputer  le  décri  universel 
où  tombe  nécessairement  tout  ce  qu'ils  exposent 
au  grand  jour  de  l'impression, co/"w<?  si  oii  était 
cause  qu'ils  manquent  de  force  et  d'iudeine,  ou 
qu'on  dût  être  responsable  de  cette  médiocrité 
répandue  sur  leurs  ouvrages,  (l.a  Bruyère.) 

Voilà  des  oiseaux,  des  ailes,  des  plumes,  dei 
ouvrages,  des  écrits  exposés  au  jour  de  l'inqires-- 
sion,  et  qui  ne  sont  rien  moins  qu'une  figure  sou 
tenue. 


29<J 


FIL 


Dieu  redresse  quand  il  lui  plaît  le  sens  égaré. 
(Bossucl.)  On  ramène  ce  qui  est  égaré,  on  ne  le 
redresse  pas. 

Jusquesau  bord  du  crime  ils  conduisent  nos  pa?. 
Ils  nous  le  font  coinmcllre  et  ne  l'excusent  pas. 

(Rac,  Frérei  ennemi»,  act.  III,  se.  Il,  19.) 

Commettre  et  excuser  ne  peuvent  s'associer  avec 
un  crime  représenté  comme  un  précipice  sur  le 
bord  duquel  nos  jtas  sont  conduits, 
l'inissoiis  par  une  ligure  bien  soutenue  : 

A  peine  du  limon  où  le  vice  m'engage. 
J'arrache  un  pied  timide  et  sors  en  m'agilanl. 
Que  l'autre  m'y  reporte  ets'embourbe  à  l'instant. 

(BoiL.,  Épttre  III,  90.) 

On  voit,  par  ces  exemples,  qu'une  ligure  a  be- 
soin d'être  préparée  toutes  les  fois  que  le  terme 
substitue  n'a  pas  une  analogie  assez  sensible  avec 
celui  qu'on  rejette.  On  voit  aussi  qu'une  figure 
est  soutenue  lorsqu'on  conserve  la  même  analo- 
gie dans  tous  les  termes  qu'on  emploie.  (Dumar- 
sais,  Voltaire,  Jaucourt,  La  Harpe,  Condillac.) 
Voyez  Trope. 

Figuré,  Figurée.  Âdj.  Il  signifie  exprimé  en 
figures.  On  à\\.nnhallet  figuré,  d'un  ballet  qui 
représente  ou  que  l'on  croit  représenter  une  ac- 
tion, une  passion,  une  saison,  ou  qui  simplement 
forme  des  ligures ,  par  l'arrangement  des  dan- 
seurs deux  "à  deux,  quatre  à  quatre  ;  copie 
figurée  ,  parce  qu'elle  exprime  précisénicnt 
l'ordre  et  la  disposition  de  l'original;  vérité  [\- 
^'urée  par  une  fable,  par  vne parabole  ;  l'Eglise 
figurée  par  la  jeune  épouse  du  Cantique  des 
Cantiques;  l'ancienne  Rome  figurée /sac  Babij- 
lonc  ;  slyle  figuré  par  les  expressions  métaphori- 
ques (jui  figurent  les  choses  dont  on  parle,  et  qui 
les  défigurent  quand  les  métaphores  ne  sont  pas 
justes.  (Volt.,  Dict.  philos.) 

Cet  adjectif  se  met  toujours  après  son  subst. 
Voyez  Figure,  Style,  Trope. 

FiGURÉMENT.  Adv.  Il  HO  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Ce  mot  est  pris  figurément,  et  non  pas 
est  figurévient  pris. 

Fil.  Subst.  m.  On  prononce  le  l,  mais  sans  le 
mouiller. 

Filial,  Filiale.  Il  n'a  point  de  pluriel  au 
masculin.  On  ne  dit  ni  filials ,  ni  filiaux.  En 
prose,  il  ne  se  met  (ju'aprés  son  subst.  :  Respect 
filial,  crainte  filiale,  piété  filiale. 

FiLiALEMEM.  Adv.  Il  sc  luct  aprés  le  verbe  :  Il 
s'est  comporté  finalement  envers  son  père  et  sa 
mère. 

Fille.  Subst.  f.  L'emploi  de  ce  mot  au  figuré 
est  fort  étendu  : 

La  médisance  est  la  fille  immortelle 
De  l'amour-propre  et  de  l'oisiveté. 

(Volt.,  ÉpUrc  XXXY,  13.) 

La  mort  auprès  de  lui,  fille  affreuse  du  temps. 

(Volt.,  Henr.,  VII,  79.) 

Colberl,  c'est  sur  tes  pas  que  l'Iieureusc  abondance. 
Fille  de  tes  travaux,  vient  enricliir  la  France. 

(Idem,  VII,  348.) 

Et  si  la  perfidie  est  fille  de  l'erreur. 

(/dem,  II,  8.) 

Sous  le  puissant  abri  de  son  bras   despotique, 
Au  fond  du  Vatican  régnait  la  politique, 
Fille  de  l'inliJrCa  et  de  l'ambition. 

[Idem,  IV,  222. 

Voyez  Demoiselle. 


FIN 

Fils.  Subst.  m.  On  ne  prononce  jamais  leZ.  On 
prononce  le  s  final  devant  une  voyelle  ou  un  h 
non  aspiré  :  Son  fU-zaîné.  ^'oyez  Lis. 

Fin,  FiNK.  Adj.  H  se  met  iir.linairenient  après 
Son  subst.  :  Toile  fine,  étoffe  fine ;~pensée  fine, 
raillerie  fine,  plaisanterie  fine,  etc.  Cependant 
on  pi'Ut  din;  dansquol<iucs  cas  une  fine  ruil'çrie, 
vue  fine  plaisanterie.  Il  précède  aussi  son  subst. 
dans  les  phrases  suivantes,  (pii  sont  comme  con- 
sacrées ;  Un  fin  renard,  une  fine  bête,  vne  fine 
mouche,  un  fin  matois,  en  fin  fond  de  forêt.  Voy. 


.adjectif.  Finesse. 
Fin.  Sut 


bst.  f.  Terme  relatif  à  commencement. 
Le  commencement  est  des  parties  d'une  chose 
celle  ijui  est  ou  qu'on  regarde  comme  la  pre- 
mière; et  la  fin  celle  qui  est  ou  (]u'on  regarde 
comme  la  dernière.  Ainsi  on  dit  la  fin  d'unvuyuge, 
la  fin  d'un  ouvrage,  la  fin  de  la  vie,  la  fin  d'une 
passion.  Cette  passion  tire  à  sa  fin,  cet  ouvrage 
tire  à  sa  fin.  Une  ouvrière  dirait  en  dévidant  un 
peloton  de  fil  ou  en  travaillant,  je  touche  à  la  fin 
de  mon  fil;  si  elle  en  séparait  une  petlle  portion, 
voilà  un  bout  de  fil  ;  si  elle  considérait  ce  fil 
comme  continu,  je  le  tiens  par  le  bout  ;  %\  gWq 
n'avait  égard  qu'au  bout  (lu'ollc  tient,  et  qu'il  fût 
sur  le  point  de  lui  échapper  des  doigts,  tant  la 
partie  <iu'cllc  en  tiendrait  serait  petite,  je  n'en 
tiens  plus  que  l'extrémité. 

A  LA  FIN.  Expression  adverbiale.  On  peut  la 
mettre  au  commencement  de  la  i)iirase  :  A  la  fin 
il  convint  de  tout  ;  on  n^rii-i  le  verbe,  il  convint 
de  tout  à  la  fin;  ou  entre  l'auxiliaire  et  le  parti- 
cipe, il  est  il  la  fin  convenu  de  tout. 

Final,  Finalk.  Adj.  H  ne  se  met  (praprùs  son 
subst.  :  État  final,  compte  final,  quittance  finale^ 
impénitence  finale,  persévérance  finale;  il  fait 
finals  au  masculin  pluriel,  des  sons  finals. — L'A- 
cadémie n'indique  pas  le  pluriel.  Cet  adjectif  s'em- 
ploie substantivement  au  féminin,  pour  signifier 
la  dernière  syllabe  d'un  mot  :  Finale  longue,  fi- 
nale brève.  (Acad.) 

Finale.  SuDst.  m.  Terme  de  musique  emprunté 
de  l'italien.  Morceau  d'ensemble  qui  termine  un 
acte  d'opéra  :  Le  finale  du  premier  acte.  On  dit, 
dans  un  sens  analogue,  finale  de  symphonie,  fi- 
nale de  sonate.  (Acad.) 

Finalement.  Adv.  Il  peut  se  mettre  au  com- 
mencement de  la  phrase  :  Finalement  il  en  est 
venu  à  bout;  ou  eiUre  l'auxiliaire  et  le  participe, 
il  est  finalement  convenu  qu'il  avait  tort;  ou 
après  le  verbe,  il  est  convenu  finalement  qu'il 
avait  tort. 

Finaud,  Finaude.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  finaud,  une  femme  fi- 
naude. 

Finement.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  //  a  répondu  finement,  ou 
il  a  finement  répondu.  Il  s'est  finement  tiré  d'af- 
faire. 

Finesse.  Subst.  f.  Ce  mot  ne  signifie,  ni  au  pro- 
pre ni  au  figuré,  mince,  léger,  délié,  d'une  con- 
texture  rare,  faible,  ténue;  il  exprime  quelque 
chose  de  déUcat  et  de  fini.  Un  drap  léger,  une 
toile  lâche,  une  dentelle  faible,  un  galon  mince, 
ne  sont  pas  toujours  fins.  Ce  mot  a  du  rapport 
avec  finir;  de  là  viennent  les  finesses  de  l'art. 
Ainsi  l'on  dit  la  finesse  du  pinceau  de  JVandcr- 
werf,  de  Miéris.  On  dit  un  cheval  fin,  de  l'or  fin, 
un  diamant  fin.  Le  cheval  fin  est  opposé  au  che- 
val grossier;  le  diamant  fin  au  faux;  l'or  fin  ou 
affiné i\\'ov  mêlé  d'alliage.  La  finesse  se  dit  com- 
munrment  des  ciioses  déliées  et  de  la  légèreté  de 
la  main-d'œuvre.  Quoiqu'on  dise«?j  cheval  fin, 


FIIN 

on  ne  dit  guère  la  finesse  d'un  cJiPvaf.  On  dit  la 
finesse  des  cheveux,  d'une  dentelle,  d'une  éti'ff'e. 
(Jiiand  on  veut  par  ce  mot  exprimer  le  défaut  ou 
le  mauvais  emploi  de  (pielque  chose,  on  ajoute 
l'adverbe  trop  :  Ce  fil  s'est  cassé ,  il  était  trop 
fin.  Cette  étoffe  est  trop  fine  pour  la  saison. 

La  finesse,  dans  le  sens  liguré,  s'applique  à  la 
conduiic,  aux  discours,  aux  ouvrages  d'esprit. 
Dans  la  conduite, /î/!f55e  exprime  toujours,  comme 
dans  les  arts,  quelque  chose  de  délie;  elle  peut 
(pielquefois  subsister  sans  l'Iiabilelé;  il  est  rare 
qu'elle  ne  soit  pas  mêlée  d'im  peu  de  fourberie  ; 
la  politique  l'adiiiet.  et  la  sociélc  la  n'prouve.  Le 
proverbe  de  finesses  cousues  de  fil  blanc,  prouve 
que  ce  mot,  au  sens  ligure,  vient  du  sens  pro- 
pre de  couture  fine,  d'étnff];  fine. 

La  finesse  n'e^l  pas  tout  à  fait  la  subtilité.  On 
tend  un  piège  arec  finesse,  on  en  échappe  avec 
subtilité.  On  a  une  conduite  fine,  on  joue  un 
rôle  subtil;  on  inspire  la  déliance  en  employant 
toujours /a  finesse.  On  se  trompe  presque  toujours 
en  entendant  finesse  à  tout. — La  finesse,  dans  les 
ouvrages  d'esprit  comme  dans  la  conversation,  con- 
siste dans  l'art  de  ne  pas  exprimer  direcicment  sa 
pensée,  mais  de  la  laisser  aisément  apercevoir;  c'est 
une  énigme  dont  les  gens  d'esprit  devinent  tout 
d'un  coup  le  mot.  Tu  chancelier  offrant  un  jour 
sa  protection  au  parlement,  le  premier  président 
se  tournant  vers  sa  compagnie:  Messieurs,  dit- 
il,  remercions  M.  le  chancelier,  il  nous  donne 
plus  que  nous  ne  lui  dcma ndons.  C'est  là  une  ré- 
ponse très-line. 

La  finesse,  dans  la  conversation  ,  dans  les 
écrits,  diffère  de  la  délicatesse.  La  première  s'é- 
tend également  aux  choses  piquantes  et  agréa- 
bles, au  blâme  et  à  la  louange  même,  aux  choses 
même  indécentes,  couvertes  d'un  voile  à  travers 
lequel  on  les  voit  sans  rougir.  On  dit  des  choses 
hardies  avec  finesse.  La  délicatesse  exprime  les 
sentiments  d.^ux  et  agréables,  des  louanges  lines; 
ainsi  la  finesse  convient  plus  à  l'épigramme,  la  dé- 
licatesse au  madrigal.  11  entre  de  la  délicatesse 
dans  les  jalousies  des  amants  ;  il  n'y  entre  point 
de  finesse.  Les  louanges  que  donnait  Despréaux 
a  Louis  XIV  ne  sont  pas  toujours  également  dé- 
licates; ses  satires  ne  sont  pas  toujours  assez  fines. 
Quand  Iphigénie,  dans  Piacine,  a  reçu  l'ordre  de 
son  père  de  ne  plus  revoir  Achille,  elle  s'écrie  : 

Dieux  plus  doux.  Tous  n'aviei  demandé  que  ma  vie! 
(RlC,  Iphig.,  act.  V,  se.  i,  22.) 

Le  véritable  caractère  de  ce  vers  est  plutôt  la  dé- 
licatesse que  la  finesse.  (Volt.,  Dict. philosophi- 
que) 

Finesse,  en  morale,  est  la  faculté  d'apercevoir, 
dans  les  rapports  superficiels  des  circonstances  et 
des  choses,  les  facultés  jiresque  insensibles  qui 
se  répondent,  les  points  indivisibles  qui  se  tou- 
chent, les  lils  déliés  qui  s'entrelacent  et  s'unis- 
sent. La  finisse  diffère  de  la  pénétration  en  ce 
que  celle-ci  l'ail  voir  en  grand,  et  la  finesse  en  pe- 
tit détail.  L'homme  pénétrant  voit  loin;  l'homme 
fin  voit  clair,  mais  de  prés. 

La  finesse  ne  peut  suivre  la  pénétration,  mais 
quelquefois  aussi  elle  lui  échappe.  Un  homme 
profond  est  impénétrable  pour  un  homme  qui 
n'est  que  lin  ;  car  celui-ci  ne  combine  que  les  su- 
perficies; mais  l'homme  profond  est  quelquefois 
surpris  par  l'homme- fin. 

La  délicatesse  est  la  finesse  du  sentiment  qui 
ne  réfléchit  point;  c'est  une  perception  vive  et 
rapide  du  résultat  des  combinaisons.  Si  la  déhca- 


FIN 


297 


iesse  est  jointe  à  beaucoup  de  sensibilité,  elle 
ressemble  encore  plus  à  la  sugucité  qu'à  la  ^- 
nessc. 

La  sagacité  diffère  de  la  finesse,  i"  en  ce  qu'elle 
est  dans  le  tact  de  l'esprit,  comme  la  délicatesse 
est  dans  le  tact  de  l'àme;  2"  en  ce  que  la  finesse 
est  superficielle,  et  la  sagacité  pénéiranic;  ce 
n'est  point  une  pénétration  progressive,  mais  sou- 
daine, qui  franchit  le  milieu  des  idées,  et  louche 
au  but  dès  le  premier  pas. 

La  ruse  se  dislingue  de  la  finesse  en  ce  qu'elle 
emploie  la  fausseté.  La  ruse  exige  la  finesse  pour 
s'cnveiopper  plus  élroilement,  et  pour  rendre 
plus  sublils  les  piégos  de  l'artifue  et  du  men- 
songe. La  finesse  ne  sert  qucliiuefois  q\i'à  décou- 
vrir et  à  rompre  ces  pièges;  car  la  ruse  est  tou- 
jours offensive,  et  la  finesse  iicut  ne  pas  l'être. 
Un  honnête  homme  peut  être  fin,  mais  il  ne  peut 
être  rusé. 

Du  icsle,  il  est  si  facile  et  si  dangereux  de 
passer  de  l'une  à  l'autre,  cpic  peu  d'honnéles  gens 
se  piquent  d'être  fins.  Le  bon  homme  et  le  grand 
honune  ont  cela  de  commun,  qu'Us  ne  peuvent  se 
résoudre  à  l'èlre. 

Vas/uce  est  une  (inesse  pratique  dans  le  mal, 
mais  en  petit;  c'est  la  ^«es^ecpii  nuit  ou  qui  veut 
nuire.  Dans  l'astuce,  la  finesse  esl  jointe  a  la  mé- 
chancelé,  comme  à  la  fausseté  dans  la  ruse. 

La  perfidie  suppose  plus  que  de  la  finesse  ;c'csi 
une  lausselé  noire  et  profonde  qui  emploie  des 
moyens  plus  puissants,  ipii  meut  des  ressorts 
plus  cachés  que  Vastuce  et  la  ruse.  Celles-ci, 
pour  être  dirigées,  n'ont  besoin  que  de  la  finesse, 
el  la  finesse  suffit  pour  leur  échapper;  mais  pour 
observer  et  démasquer  lu  perfidie,  il  faut  h  péné- 
tration même.  La  perfid ie  csl  un  abus  de  la  con- 
fiance fondée  sur  des  garants  inévitables,  tels 
que  l'humanité,  la  bonne  loi,  l'auiorilc  des  lois, 
la  reconnaissance,  l'amitié,  les  droits  du  sang,  etc. 
Plus  ces  droits  sont  sacrés,  plus  la  confiance  est 
tranquille,  et  plus,  par  conséquent.  Va  perfidie  esl 
à  couvert.  On  se  défie  moins  d'un  concitoyen  que 
d'un  étranger,  d'un  ami  que  d'un  concitoyen,  etc., 
ainsi  par  degré  la  perfidie  est  plus  atroce,  à  me- 
sure que  la  "confiance  violée  était  mieux  établie. 
(Marmontel.) 

FiM,  Finie.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  U<i  ouvrage  fini,  un  poëme  fini,  un  être 
fini. 

/^t/it  signifie,  en  grammaire,  déterminé,  appli- 
qué. On  divise  les  modes  des  verbes  en  deux  es- 
pèces, en  mode  infinilif,  et  en  modes  finis.  L'infi- 
nitif énonce  la  signification  du  verbe  dans  un 
sens  abstrait,  sansen  faire  une  application  indi- 
viduelle, comme  aimer,  lire,  écouter; ensorte  que 
l'infinitif  par  lui-même  ne  dit  point  ([u'aucun  in- 
dividu fasse  l'action  qu'il  signifie.  Au  contraire, 
les  mode.<i  finis  appliquent  l'action  par  rapjwrt  à  la 
personne,  au  nombre  et  au  temps  :  l'ierre  lit,  a 
lu,  lira,  etc.— On  dit  aussi  sens  fini,  c'est-à-dire 
détermine  ;  on  oppose  alors  sens  fini  à  sens  rague 
ou  indéterminé.  —  Sens  ;Ç//i  signifie  aussi  sens 
achevé,  sens  complet;  ce  qui  arrive  quand  l'es- 
prit n'attend  plus  d'autre  moi  pour  compicndre 
le  sens  de  la  phrase.  On  met  un  point  à  la  fin  de 
la  période  quand  le  sens  est  fin',  ou  complet.  Alors 
l'esprit  n'attend  idus  d'autre  mot  par  rapport  à  la 
construction  de  la  phrase  particulière.  (Dumar- 
sais.)  Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Finir.  V.  a.  et  n.  de  la  2'conj.  11  se  conjugue 
comme  emplir.  Il  se  joint  à  un  infinitif  avec  la 
préposition  d^  ou  la  proposition  à  :  Finir  dépar- 
ier, ^int>-  de  faire  une  chose,  c'est  cesser  de  la 


298 


FIX 


fairo  parce  qu'elle  est  entièrement  faite;  ou  bien 
c'est  rosser  de  la  faire,  (|uoi<iu'un  puisse  la  conti- 
nuer :  Il  (i  fini  de  chanter  snn  air.  Jl parlait  sans 
cesse,  et  on  ne  pouvait  le  faire  finir.  M:iil:inie  de 
Sévignc  a  dit  je  ne  finirais  point  à  roiis  faire  des 
compliments.  Il  semble  iino  finira  a  rapport  aux 
choses  (jui  sont  l'objet  de  l'action;  et  finir  de,  à 
l'action  ello-nicinc  :  On  finit  de  parU-r,  l'action 
cesse.  Je  voudrais  bien  vous  faire  connattre  tous 
les  hauts  faits  de  cet  homme  extraordinaire , 
niait  je  ne  finirais  pas  à  votis  les  raconter  — Je 
roulais  continuer,  viais  vne  indisposition  subite 
m'a  obligé  de  finir. 

On  dit  tout  a  fini,  et  tout  est  fini;  le  premier 
mar(]ue  une  acijun,  le  second  un  état  :  'J'out  a 
fini  ce  join'-lù,  tout  a  élc  terminé,  arrangé  ce 
jour-là.  7'out  est  fini,  il  n'y  a  plus  rien  à  faire, 
tout  est  dans  un  étal  tel,  qu'il  n'y  a  rien  à  y  chan- 
ger. 

L'Académie  n'a  point  dit  finir  dans  le  sens  de 
faire  cesser. 

Il  faut  finir  des  Juifs  le  honteux  esclavage. 

(Rac,  Ath.,  act.  IV,  se.  m,  28.) 

Finisiei  vos  regrets,  et  retenez  vos  larmes. 

(Volt.,  OEd.,  acl.  V,  se.  i,  l.) 

En  finir.  Cette  façon  de  parler  est  née  dans  le 
bouleversement  de  la  révolution;  le  peuple 
l'emploie  en  parlant  d'une  dispute  ou  d'une 
affaire  qui  est  trop  longue  à  se  terminer.  Quand 
une  liiie  veut  se  marier,  elle  dit  à  son  amant  qu'il 
faut  en  finir,  qu'elle  veut  en  finir;  elle  l'engage  à 
en  finir.  Celle  expression  ne  se  trouve  point  dans 
les  bons  auteurs.  Elle  n'est  conforme  ni  à  l'analo- 
gie, ni  à  l'ordre  de  la  construction  grammaticale. 
On  finit  une  chose,  mais  on  ne  finit  pas  d'une 
chose. 

Fisc.  Subst.  m.  Ou  prononce  le  *  et  le  c  ; 
Fisk. 

Fi.scAL,  Fiscale.  Adj  II  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Procureur  fiscal,  avocat  fiscal,  matières 
fiscales,  driiits  fiscaux.  (Acad.) 

Fjxe.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  f^ue  fixe,  regard  fixe,  prix  fixe, 
jour  fixe,  heure  fixe.  Molière  l'a  mis  avant  le 
subst.  (la  Princesse  d'Elide,  acl.  I,  se.  i,  4)  : 

El  c&i  fixes  regards,  tout  chargés  de  langueur; 

mais  celte  inversion  parait  din-e. 

FixtHENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Il  m'a  regardé  fijcement, 
ou  il  m'a  fixement  regardé.  Voyez  le  mot  sui- 
vant. 

Fixer.  \.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  mol  signifie  ar- 
rêter, rendre  stable,  invariable  :  Fixer  la  valeur 
des  monnaies,  fixer  un  jour.,  vne  heure.  Racine 
a  dit  [Phèd.,  act.  I,  se.  i,  25)  : 

Et/!2an(de  ses  tobux  l'inconstance  Tatalc; 

et  La  Rochefoucauld  :  La  hmangc  qu'on  nous 
donne  sert  au  moins  à  nous  (ixcr  dans  la  prati- 
que des  vertus.  —  On  dit  aussi  fixer  ses  regards 
sur  quelqu'un,  pour  dire  les  arrêter  sur  (]uel- 
qu'un;  et  fixer  les  regards  de  quelqu'un,  pour 
dire  devenir  l'objet  de  son  attention,  de  sa  pas- 
sion Maison  ne  iii[\)as  fixer  quelqu'un,  pour  dire 
le  regarder  fixement. 

QueUiues  Gascons,  dit  Voltaire  dans  son  Dic- 
tionnaire  philosophique,  au  mot  Langue  fran- 
çaise, hasardèrent  de  dire  :  J'ai  fixé  cette  dame, 


FLA 

pour  je  l'ai  regardée  fixement,  j'ai  fixé  mes  yeux 
sur  elle.  De  la  est  venue  la  mode  de  dire  fixer 
une  personne.  Alors  vous  ne  savez  point  si  on  en- 
tend parce  \nol,  j'ai  rendu  cette  personne  moins 
volage,  on  je  l'ai  ob.<!ervte,  j'ai  fixé  7aes  regards 
sur  elle-  Voila  une  nouvelle  source  d'équivoques. 
— Au  lieu  du  verbe ^.rer  en  ce  sens,  neciaignoiis 
I  pas  de  dire  regarder  fixement  :  Les  aigles,  dit- 
on,  accoutument  leurs  petits  l't  regarder  fixement 
!  le  soleil.  (Bufl'on.) — i^fj-^r,  dit  Cliarles  Nodier,  a 
'  été  employé  dans  le  sens  de  regarder  fixement 
I  par  J  -J.  Rousseau,  Diderot,  Delille,  Anquelil, 
i  Rivarol,  Tiiiébault,  madame  de  Genlis,  et  ocii! 
I  autres.  M.  de  Chateaubriand  le  condamne;  mais 
i  il  en  use,  et  fait  bien.  [Examen  crit.  des  Dict.j 
Flagellation.  Subsl.  f.  Voyez  Flageller. 
Flageller.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Fouetter,  ou 
plutôt  fustiger  violemment  et  même  ignominieu- 
sement. On^attache  à  la  (lagellation  l'idée  de  pé- 
nitence. Ce  mol  n'est  plus  employé  (]ue  dans  le 
style  dévot  et  religieux.  Il  ne  s'applique  qu'aui 
personnes;  mais  fiuettcr,  qui  est  un  terme  géné- 
rique, se  dit  des  animaux  et  même  des  choses  in- 
animées :  On  fouette  les  chevaux,  les  chiens;  on 
fouette  la  crème  pour  la  faire  monter;  un  enfant 
fouette  ssi  toupie  pour  la  faire  tourner. 

Flageoler.  \  .  n.  de  la  1"  conj.  C'est  un  ter- 
me de  manège  qui  se  dit  d'un  cheval  aux  jambes 
duquel  on  aperçoit  une  espèce  de  tremblement 
lorsqu'il  s'arrête.  J.-J.  Rousseau  l'a  dit  des  jam- 
bes de  l'homme:  J^out  à  coup,  au  lieu  des  flammes 
quime  dévoraient,  je  sens  un  froidmurtel  courir 
dans  mes  veines.  Les  jambes  me  flageolent,  et, 
prêt  à  me  trotivcr  mal,  je  m'assieds  et  pleure 
comme  un  enfant. 

Flagorner.  V.  a.  de  la  l"^*  conj.  C'est,  i)ro- 
prement,  flatter  comme  ces  gens  qui  font  les  bons 
valets,  pour  s'insinuer  dans  l'esprit  d'un  inaitre, 
eu  tâchant  d'y  détruire  tout  concurrent  par  de 
faux  rapports.  H  est  familier. 

Fluber.  V.  a.  de  la  1'^''  conj.  Il  signifie  sentir 
par  l'odorat  :  Flairer  mie  rose.  Les  chiens  flai- 
rent  le  gibier.  On  ne  peut  employer  le  verbe /î«i- 
rer  qu'en  ce  sens.  Voyez  Fleurer. 

Flambant,  Flambante.  Adj.  verbal  lire  du  v. 
flamber.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
tison  flambant,  une  bûche  flambante. 

Flabibeau.  Subsl.  m.  Les  poêles  disent  le  ftam- 
beati  de  la  vie,  les  flumbeaux  de  la  haine,  etc.  : 

Tandis  que  de  to»  jour»  prêts  à  se  consumer, 
Le/Zamïeau  dure  encore  et  pcul  se  rallumer. 

(Rac,  Phèd.,  act.  I,  se.  m,  65.) 

i.aissez-Tous  pour  adieux  ces  traits  empoisonnés, 

Ces  flambeaux  de  discorde 

(Volt.,  Marianne,  acl.  III,  se.  v,  71.) 

Flamboyant,  Flamboyante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  flamboyer.  En  prose,  il  ne  se  met  qu'après  son 
sulisl.  :  Épée  flambcyante,  astre  flatnboyant-  On 
pourrait  dire  en  vers  :  Sa  flamboyante  épée. 
Voyez  Adjectif. 

Flamboyer.  V.  a.  de  la  i"  conj.  11  se  conjugue 
comme  employer. 

FLAiiiME.  Subst.  f.  Les  deux  m  avec  lesquels  on 
écrit  ce  mot  indiquent  que  la  première  syllabe 
doit  être  brève.  L'Académie  de  d7G2  ne  nous  dit 
point  que  l'on  doit  prononcer  flûme;  mais  Fé- 
raud  nous  avertit  que  c'est  là  la  vraie  prononcia- 
tion, cl  l'Acadcmie  de  171*8  répète  cet  avertisse- 
ment, qui  se  Irouveencorc  dans  l'èditiondc 4835. 
I  Cette  prononciation  vient  sùremenl  de  la  licence 
i  (jue  les  poêles  ont  prise  si  souveiU  de  faire  rimer 


FLA 

flamme  :\\ ce  âme.  Féraiul,qui  aime  beaucouii 
lessyllîibes  longues,  voudniil  ijuc  l'on  écrivit  y^/u- 
me  On  i  o  iloil  pas  i>lus  écrire  fîûme  qu<pi- 
grùme.  Flamme,  pour  la  passion  de  l'amour,  n'a 
poinl  de  pluriel. 

Le  ciel  mit  dans  mon  sein  une  flamme  funeste. 

(Rac,  Phèd.,  ad.  V,  se.  VII,  52.) 

Je  verrai  le  témoin  de  ma  (tammc  adultère. 

[Idem,  acl.  111,  se.  m,  17.) 

De  vos  feux  devant  moi  vons  étouffiez  la  flamme. 
(Volt.,  Brut.,  act.  II,  se.  i,  11.) 

Corneille  a  dit  dans  Xa  Menteur  (acl.  III,  se.  ii, 
4): 

...  L'ardeur  deClarioe  est  égale  à  vos  flammes. 

Ce  mot  au  pluriel,  dit  Voltaire,  était  aloi"s  en 
usage;  et,  en  eflcl,  pourquoi  ne  pas  dir^  à  rn.i 
flammes  aussi  bien  (\u\'i  vos  feux,  à  vos  amours? 
[Remarques  sur  Corneille.) 
Flanc.  Subst.  m.  Le  c  ne  se  prononce  pas 

De  votre  dictateur  ils  ont  percé  le   (lanc. 

(Volt.,  Nort  de  César,  act.  III,  se.  viii,  19.) 

Flanqdant,  Flanquante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  flanquer.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
angle  flanquant,  bastion  flanquant. 

Flasquk.  Adj.  des  deux  çeiires.  Il  peut  se  met- 
tre avant  son  subst.,  en  consultant  roreiilc  et  l'a- 
nalogie :    Un  hoTnme  flasque,  un  cheval  flasque. 

Flattf.u.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe  a  une 
signilicalion  propre  et  physique  dont  ne  parle 
point  l'Acadéiiiie.  11  désigne  ce  que  fait  un  agent 
qui,  au  lieu  de  résister  directement  à  une  force 
dont  il  veut  arrêter  ou  changer  la  pente,  semble 
plutôt  aider  à  son  luouvement ,  et  l'accompagner; 
mais  cependant  en  faisant  avec  la  ligne  de  sa  di- 
rection un  angle  qui  le  détourne  peu  à  peu  de  la 
route  (pi'd  suivait,  et  le  fait  ainsi  arriver  à  un 
terme  irés-dilférent  de  celui  au(iuel  il  tendait 
d'abord  ;  On  flatte  le  couruiit  d'une  rivière  (pi'on 
veut  détourner  d'un  bord  qu'elle  endommage, 
no"n  pas  en  lui  opposant  une  digne  qui  lui  résiste 
en  face,  et  <pie  bientôt  elle  renverserait,  ou  qui 
la  porterait  avec  une  violence  nuisible  du  côté 
opposé;  mais  eu  lui  présentant  une  surface  qui, 
ne  faisant  d'ahord  qu'un  léger  angle  avec  son 
courant,  l'écarté  insensiblement  du  bord  «[u'ellc 
rongeait,  et  [)orte  ses  eaux  vers  un  point  ([ui  n'a 
rien  a  craindre  de  ses  cfiorls.  On  flatte  la  vio- 
lence des  varjues  de  la  mer,  (pii  engloutiraient 
un  rivage  si  on  les  abandonnait  à  ellcs-méuies, 
ou  qui  renverseraient  une  digue  qui  leur  oppo- 
serait une  surface  perpendiculaire  contre  la- 
quelle ces  eaux  viendraient  frapper  à  angle  droit. 
On  leur  op|)ose  une  digue  consiruite  de  manière 
(pi'ellc  n'offre  à  l'impéluosiié  des  flots  (ju'un  long 
talus  qui  accompagne  plutôt  (]u'il  ne  retient  leur 
mouvement,  mais  qui,  s'élevant  insensiblement 
au-dessus  du  niveau,  ralentit  leur  fureur,  et  la 
réduit  à  la  lin  au  repos,  sans  secousse,  sans  brus- 
que résistance,  en  évitant  tout  choc  capable  d'é- 
branler l'obstacle  qu'on  lui  oppose.  —  On  flatte 
aussi  vu  cheval  fougueux  (]ui  s'emporte,  non  en 
lui  opposant  brutalement  un  mors  contre  lequel 
il  se  révolterait  toujours  davantage,  mais  en  pa- 
raissant céder  un  peu  à  sa  fantaisie,  et  en  ralentis- 
sant et  détournant  insensiblement  sa  course  [lar 
un  mouvement  des  rênes  qui  n'ait  rien  pour  lui 
de  douloureux,  et  qui  semble  accompagner  et  ai- 


FLE 


299 


der  ses  mouvements,  tout  en  les  dirigeant  avec 
délicatesse.  On  le  flatte  aussi  de  la  main  et  de  la 
voix  i)ar  des  caresses  (pii  lui  plaisent,  et  par  un 
son  de  voix  (pii  n'annonce  rien  de  contraiiant, 
mais  (pii  j'encdurai^e,  l'adoucisse,  et  lui  inspire 
de  la  coiiliancc. 

C'est  dans  un  sens  à  peu  prés  semblable  que 
l'on  em|)loic  le  mot  flatter,  en  y  juignant  (luehpie 
rajjport  au  moral,  lorsqu'on  dit  qu'ail  faut  flatter 
les  sots,  les  furieux,  les  persoimcs  enqxirtées 
par  un  accès  violent  de  colère.  Ici  le  physiiiuc  et 
le  moral  se  réunissent,  et  leur  action  a  tant  d'ana- 
logie, que  les  mémos  termes  servent  a  exprimer 
l'un  et  l'autre.  C'est  dans  le  môme  sens  cpi'un 
homme  galant  llatlc  une  femme,  qu'un  courtisan 
llattc  un  prince.  Si  l'on  y  fait  bien  attention,  on 
irouvcia  la  i)lus  grande  analogie  entre  le  sens 
propre  cl  physiipie,  et  le  sens  figuré  et  moral  de 
ce  mot. 

On  dit  se  flatter,  et  lorsqu'il  y  a  deux  verbes 
dans  la  [ibrase,  on  met  çwesi  le  second  verbe  ne 
.^0  rapporte  pas  au  sujet  de  la  phrase  :  ./<>  me  flatte 
que  vous  viendrez;  et  de  avec  l'inlinilif,  si  ce 
second  verbe  s(?  ra|)porte  au  sujet  de  la  phrase  : 
Je  me  flatte  d'obtenir  votre  suffrage. 

Flatti'.ur.  Flattf.iisk.  Adj.  Il  peut  se  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'oreille  et  l'analogie  ne 
s'y  opposent  i)()inl  :  Discours  flatteur,  esprit 
flatteur,  langage  flatteur,  espoir  flatteur;  une 
espérance  flatteuse,  ou  zi?ie  flatteuse  espérance  ; 
une  image  flatteuse,  ou  %i,nc  flatteuse  image.  On 
l'emploie  aussi  substantivement  •    Un  flatteur. 

Fléghiiî.  V.  a.  et  n.  de  la  2'  cunj.  Ployer, 
courber.  Le  père  Bonhours  pense  qu'il  ne  se  dit 
I)oint  au  propre.  On  dit  bien,  ajoute-t-il,  fléchir 
un  hojnvie,  fléchir  la  colère  de  quelqu'un  ;  mais 
on  ne  dit  pas  fléchir  un  arbre,  fléchir  un  bâton. 
Quand  on  dit  fléchir  le  genou,  cela  signifie  ado- 
rer, et  non  pas  simplement  plier  le  genou.  Nous 
pensons  que  le  père  Bouhours  a  parfaitement 
raison. 

Pour  le  fléchir  enfin  tente  tous  les  moyens. 

(Rac,  Phéd.,  act.  lU,  se.  i,  71.) 

Puissé-je  auparavant  fléchir  leur  injustice! 

(Uac,  Jphig.,  dct.  II,  se.  Il,  44.) 

Un  danger  si  pressant  a  fléchi  ma  colère. 

(Volt.,  Henr.,  IH,  559.) 

Il  n'a  devant  Aman  pu  fléchir  les  genoui. 
Ni  lui  rendre  un  lionneur  qu'il  ne  croit  dû  qu'à  vous. 
(lUc,  £et;t.,  act.  V,  se.  i,  111.) 

Fléchir  au  neutre,  se  dit  au  propre  et  au  fi- 
guré :  Une  poutre  qui  fléchit,  fléchir  sous  le 
joug. 

Vous  seriez  libre  alors,  seigneur,  et  dcantvous 
Ces  maîtres  orgueilleux /Zechiratcnt  comme  nous. 

(Rac,  Britan.,  act.  IV,  se.  iv,  75.) 

Heureuse  de  vous  suivre  et  de  vous  obéir. 
Devant  vos  volontés  vont  apprendre  à  flcrhir. 

(Volt.,  Zaire,  act.  111,  se.  VI,  10.) 

Flegmatique.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consuliant  l'oreille 
et  l'analogie.  On  d\lun  homme  flcgutaliquc,  un 
tempérament  flegmatique.  Mais  onijonrrait  dire 
aussi  cette  flegmatique  .humeur,  son  flegmatique 
tempérament. 

FLÉTRin.  V.  a.  de  la  2'  conj.  Ce  verbe  a  au 
figuré  une  signification  beaucoup  plus  é'-'ndue 
que  ne  l'indique  l'Académie. 


300 


FLE 


Quel  secret  pénétxé  peut  flétrir  tolre  g\oire  ! 

(Volt.,  OEd.,  acl.  lU,  se.  l,  39.) 

Ce  trône  a  vu  flétrir  sa  majcstô  suprême,  . . 

[Volt.,  Sémir.,  act.  I,  se.  i,  45.1 

Ce  cœur  triste  et  flétri  que  les  ans  ont  glaeê. 

(Volt.,  Mahom.,  acl.  I,  se.  l,  71.) 

Le  chagrin  vint  flétrir  la  lleur  de  ses  beaux  jours. 
(Volt.,  Henr.,  111,17.) 

De  longs  remords,  une  horrible  tristesse. 
Sur  mon  visage  ont  flétri  la  jeunesse. 

(Volt.,  Enf.  Prod.,  act.  IV,  se.  m,  74.) 

Fleurer.  V.  n.  de  la  1"  conj.  II  siçnific  n-- 
IKindre  une  odeur,  exhaler  une  odeur  :  Cela  fleure 
bon,  les  tubéreuses  fleuieut  Ion-  On  dil  plus  or- 
dinairement sentir.  Figurémenl  el  provorhiaie- 
inent,  œi  dit  d'une  affaire  qui  parait  bonne  et 
avanlaçeuse  :  Cela  fleure  comme  baume.  On  ne 
peut  pas  dire  cela  flaire  comme  baume.  "N'oyez 
Flairer. 

Flecri,  Fleurie.  Adj.  Qui  est  en  fleur.  Arbre 
fleuri,  rosier  fleuri.  On  ne  dit  point  des  fleurs 
qu'elles  fleurissent  ;  on  le  dit  des  plantes  et  des 
arbres.  Teint  fleuri,  dont  la  carnation  semble 
un  mélange  de  blanc  et  de  couleur  de  rose.  On  a 
dit  quelquefois  c'est  un  esprit  fleuri,  pour  si- 
gnifier un  homme  (|ui  possède  une  littérature 
léEîére,  et  dont  l'imagination  est  riante.  —  Un 
discours  fleuri  est  rempli  de  pensées  plus  agréa- 
bles que  furies,  d'images  plus  biillanles  que  su- 
blimes, de  termes  plus  recherchés  qu'énergiques. 
Celte  métaphore  si  ordinaire  est  justement  pi'ise 
des  fleurs,  qui  ont  de  l'éclat  sans  solidité.  (Volt., 
Dict.  phdosoph  irjue.) 

Fleurir.  V.  n.  de  la  2*  conj.  Au  propre,  il  est 
régulier  dans  toules  ses  formes.  Au  (iguré,  il 
est  irrégulier  à  rinq)arfait  de  l'indicatif  :  Le  com- 
merce florissait  ;  el  au  participe  présent,  floris- 
sant. —  L'Académie  remarque,  dans  sa  dernière 
édition,  qu'au  figuré,  on  doit  toujours  dire  flo- 
rissant au  iiarlicipc  ou  adjectif  verbal,  mais 
qu'on  emjjloie  queliiuefois  1  imjjarfait ,  fleuris- 
sait :  Les  sciences  et  les  beaux-arts  fleurissaient 
ou  florissaient  sous  le  règne  de  ce  prince.  Elle 
ajoute  qu'on  dit  toujours  florissait  quand  on 
parle  d'une  personne  ou  d'une  collection  de  per- 
sonnes, comme  d'un  peuple,  d'une  ville,  d'une 
républjcjuc  :  Athènes  florissait  sous  Périclès. 

FLEURissàM,  Fleurissante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  fleurir.  En  vers,  on  le  met  quelqucftiis  avant 
son  subst.  :  Les  prés  fleunssanls,  les  fleuris- 
santes prairies.  Au  figuré,  on  dit  florissant, 
florissante.  ^  oyez  Florissant,  fleurir. 

Flki;ve.  Subst.  m.  Le  mot  fleuve,  flumen,  de 
flucre,  couler,  désigne  une  quanlilé  considérable 
d'eau  qui  coule  dans  une  longue  étendue  de 
pays,  et  qui  conserve  son  nom  depuis  sa  source 
jusqu'à  ce  qu'elle  se  jette  dans  la  mer,  ou  qu'elle 
se  perde  dans  les  sablcscommeleRhin.  La  grande 
quanlilé  d'eaux,  et  la  conservation  du  môme 
nom  jusqu'à  ce  que  ces  eaux  ne  coulent  plus 
sur  la  terre, constituent  le  fleuve,  el  on  se  serl  de 
ce  mot  dans  tous  les  cas  où  ces  idées  forment  le 
fond  de  la  pensée.  Ainsi  l'on  dira  les  fleuves  qui 
traversent  la  France,  les  grands  fleuves  d'A- 
mérique, le  cours  d'un  fleuve. 

Mais  si  l'on  considère  ces  mêmes  eaux  abstrac- 
tion faite  de  leur  long  cours,  elles  prennent  le 
norn  de  rivière.  C'est  surtout  ce  qui  arrive  lors- 
qu'on considère  ces  eaux  relativement  à  un  en- 
droit parliculicr,  ou  aux  besoins  journaliers  des 


FLO 

honunes  et  des  animaux.  On  dil  la  rivière  de 
Loire  passe  à  Orléans,  comme  on  dit  la  rivière 
de  liièvre passe  dans  Paris.  l^L^is  on  dil,  sousun 
aulre  point  de  vue,  la  Loire  est  un  fleuve  gui 
se  jette  dans  l'Océan,  Cl  la  Bièrre  est  une  ri- 
vière qui  se  jette  dans  la  Seine.  liivière  vient 
du  laun  ripa,  rive,  rivage.  Le  fleuve,  considéré 
par  rapport  à  ses  rives,  aux  endroits  (ju'il  arrose, 
aux  eaux  qui  sonl  contenues  entre  ses  rives, 
est  une  rivière;  ainsi  l'on  dil  celte  province  est 
arrosée  par  une  grande  rivière,  la  nvière  bai- 
gne les  murs  de  celte  forteresse,  qmjique  celle 
7-tt7/è/e,  considérée  sous  un  aulre  point  de  vue, 
prenne  le  nom  de  fleuve.  Cet  emploi  du  mot 
rivière,  appliqué  a  un  fleuve,  se  remarque  dans 
l'usage  où  sont  les  gens  de  mer  d'appeler  rivières 
les  fleuves  cimsidcrés  sous  le  rapport  de  la  po- 
sition des  villes  qui  sont  jirès  de  leur  embou- 
chure. Us  ai)pcllenl  la  Seine  la  rivière  de  Rouen, 
la  Loire  la  rivière  de  Nantes,  la  Tamise  la  ri- 
vière de  Londres,  le  Tage  la  rivière  de  Lisbonne, 
paice  (|u'ils  veulent  désigner  par  là,  non  la  lon- 
gueur du  cours  de  ces  fleuves,  mais  seulement  la 
partie  de  leurs  eaux  qui  baigne  ces  villes.  — 
On  dit  la  rivière  est  marchande,  el  non  pas  le 
fleuve  est  marchand,  parce  qu'il  ne  s'agit  pas 
de  la  longueur  du  cours,  mais  de  la  quantité 
d'eau  nécessaire  pour  porter  bateau.  On  dil  de 
l'eau  de  rivière,  el  non  pas  de  l'eau  de  fleuve  ; 
du  poisson  de  rivière,  et  non  pas  du  poisson  de 
fleure  ;  aller  puiser  de  l'eau  ù  la  rivière,  et  non 
pas  au  fleuve.  En  parlant  d'un  particulier,  on 
dit  qu'î'/  a  passé  la  rivière,  quoique  celle  rivière 
soit  un  fleuve.  Mais  si  un  fleuve,  dans  l'étendue 
de  son  cours,  empêchait  l'entrée  d'une  armée 
dans  un  pays,  dans  un  royaume,  on  dirait  Var- 
mée  a  passé  le  fleuve. 

Flexible.  Adj.  des  deux  genres  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Cet  osier  flexible  ou  ce  flexible 
osier  ;  son  caractère  flexible  ou  son  flexible  ca- 
ractère. Voyez  Adjectif. 

Floriss.\nt,  FLOr.issANTE.  Adj.  verbal  tiré  du 
v.  fleurir.  11  n'est  usité  qu'au  ligure,  el  peut  se 
mettre  avant  son  subsl.  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permellent.  On  dit  un  État  flo- 
rissant ,  le  commerce  florissant  ;  mais  on  dit 
aussi  un  florissant  empire,  wte  florissante  jeu- 
nesse. Voyez  Adjectif. 

Flot.  Subst.  m.  Le  t  ne  se  prononce  point. 
Ce  n'est  ni  eau  agitée,  ni  vague,  comme  le  dit 
l'Académie.  Ue  quehiue  manière  que  l'on  agile 
de  l'eau,  dans  un  vase,  dans  un  toimcau,  il  n'en 
rcsuliera  point  de  flols;  les  ondes,  qui  sont  l'effet 
naturel  de  la  fluidité  d'une  eau  qui  coule,  ne 
s  appliquent  guère  en  prose  qu'aux  rivières;  et 
les  vagues ,  qui  proviennent  d'un  mouvement 
beaucoup  plus  violent  que  celui  qui  cause  les 
flots,  s'api'li(]uent  également  aux  rivières  et  a  la 
mer;  au  lieu  que  les  flots  s'appliquent  propit- 
menl  à  la  mer. 

Flottable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
(ju'aprcs  son  subst.  ;  Un  canal  flottable,  une 
rivière  flottable. 

Flottant,  Flottante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
flotter.  L'Académie  ne  le  dit  au  figuré  que  de 
l'esprit  ;  Un  esprit  flottant,  ^■ollairc  a  dit  dans 
la  Henriade{l\,i))  : 

A  ses  destins  flottant»  il  fallait  un  appui. 

En  prose,  il  ne  se  met  (ju'après  son  subst. 
Flotter   V.  n.  de  lai"  conj.  Il  s'emploie  sou- 


FOL 

vent  au  figure,  soit  avec  la  préposition  entre,  soit 
sans  cclto  proposition  ;  Flotter  entre  l'espérance 
et  la  crainte  (Acad.)  : 

Elle  flotte,  elle  hésite,  en  un  mot  elle  est  reninie. 
(Uac,  Ath.,  acl.  III,  se.  m,  17.) 

Le  roi,  tuus  le  voyez,  flotte  encore  interdit. 

(Rac,  E$th.,  acl.  Y,  se.  il,  6.) 

Heureux,  si  dans  le  trouble  où  flottent  mes  esprits. 
(Rac,  Iphig.,  act.  IV,  se.  v,  3.) 

Flottille.  Subst.  f.  On  mouille  les/. 

Floet,  Fluette.  Adj.  11  ne  se  met  qu'aprc-s 
son  subst.  :  Un  corps  fluet,  une  constitutùfii 
finette. 

Fluide.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut,  en 
consultant  rorcille  et  l'analogie,  le  mettre  avant 
son  subst.  :  L'eau  fluide,  l'air  fluide  ;  le  fluide 
élément.  A'oyez  Adjectif. 

Flûte,  I'luter,  Flutedr.  Féraud  reproche  à 
l'Académie  d'avoir  marqué  d'un  accent  circon- 
flexe \'û  de  ces  trois  inots.  Il  prétend  (juc  cet  u 
n'est  loni:(iue  devant  l'e  muet.  Féraud  se  trompe. 
Flûte  vient  du  lalin  fistula.  On  a  écrit  pendant 
longtemps  fleuste,  jiuis  fluste,  et  enfin  fliUc 
L'accent  circonflexe  indiciuela  suppression  du  s, 
et  celle  suppression  exige  que  la  syllabe  soit 
longue.  L'w  est  bien  aussi  long  dans  nous  flû- 
tP7is  et  nous  flûtàmes,  que  dans  flûte,  je  flûte, 
tu  flûtes,  etc. 

Flux.  Subst.  f.  Le  x  ne  se  prononce  pas  devant 
une  consonne,  cl  devant  une  voyelle  il  prend 
l'articulation  du  z  :  Le  fia  zel  le  reflux  de  la 
mer. 

FœTcs.  Subst.  m.  On  prononce  le  *. 

Foi.  Subst.  f.  Corneille  a  dit  dans  Cinnu 
(act.  m,  se.  IV,  40)  : 

Je  suis  toujo'irs  moi-même,  et  ma  foi  toujours  pure. 

Il  faut,  dit  Voltaire,  ma  foi  est  toujours  pure. 
Ma  foi  ne  peut  être  gouverné  par  je  suis  ;  foi 
pure  ne  se  dit  qu'en  théologie  [^Remarques  sur 
Corneille.) 

Foin.  Subst.  m.  Selon  l'Académie,  on  dit  pro- 
verbialement et  populairement  il  a  mis  du  foin 
danx  ses  hottes,  pourdire  il  a  bien  fail  ses  afi'aires, 
il  a  beaucoup  gagné;  et  cela  se  dit  d'urdiiiaire 
en  mauvaise  part  et  d'un  gain  iliicile.  On  dit 
aussi  dans  le  même  sens  il  a  du  foin  dans  ses 
baltes. 

Fol  ou  Foo,  Folle.  Adj.  On  prononce,  et 
même  un  écrit  f)u,  cxccplé  lorsque  ce  mot,  em- 
ployé connue  adjuciii',  est  immédiatement  suivi 
d'un  subslanlifipii  commence  par  une  voyelle 
ou  un  h  non  aspiré.  Alors  on  dit  et  on  écrit  fol  au 
lieu  de  fou.  Un  homme  fou.  Il  est  fou  à  lier.  Un 
fol  espoir,  un  fol  amusement.  Fou  se  met  tou- 
jours après  son  subst.,  excepté  dans  celle  phrase, 
un  fou  rire,  un  rire  dont  on  n'est  pas  le  maître. 
On  pourrait  dire  aussi  un  rire  fou,  mais  dans  un 
autre  sens;  un  }-ire  fou  est  nn  rire  sans  raison. 
Folle  \\c\i[  se  mcUre  (piclquelois  avant  son  sub- 
stantif. On  dit  une  femme  folle,  et  1  on  ne  dit 
paswwe  folle  femme;  mais  on  dit  une  entreprise 
folle,  et  une  f,l/e  entreprise  ;  une  vanité  folle, 
et  une  foUe  vanité.  On  dit  avec  la  préposition 
de  :  Il  est  fou  de  faire  tant  de  dépense  ;  et  il  est 
fou  de  sa  femme,  de  ses  enfants,  de  sa  maison, 
pour  dire  «lu'il  les  aime  éperdumenl.  Voyez  Ad- 
jeciif 

Folâtre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  sou- 


KON 


301 


vent  avant  son  subst.:  La  jeunesse  folâtre, 
la  ptlûtre  jeunesse  ;  les  amours  folâtres,  les 
folâtres  amours.  Voyez  Adjectif. 

FoLATr,i;n.  V.  n.  de  la  l""  conj.  Féraud  reproche 
à  l'Académie  d'avoir  mis  un  accent  circonflexe 
sur  l'a;  et  il  prétend  que  ccl  a  n'est  long  que 
devant  l'e  muet.  Fcraud  prend  |)rol)ablcmeiU  ici 
la  prononciation  de  sa  province  i)our  celle  de  la 
capitale.  A  est  long  dans  tous  les  temps  et  à 
toutes  les  personnes  du  v.  filâtrer.  On  dit  et  l'on 
écrit  également  je  folâtre,  eiy<?  folâtrais.  Ce  mot 
est  familier. 

FoLK.uo.N,  FoLicnoN>r..  Adj.  Il  se  met  ordi- 
nairement après  son  subst.  :  Un  esprit  folichon, 
une  humeur  folichonne.  Xitycz  Adjectif. 

Folie.  Subst.  f.  Féraud  [irélend  i\uc  faire  des 
folies  se  prend  toujours  en  inaiivjiise  part,  mais 
que  dire  des  folies  |)eut  se  jjrcndre  queltpiefois 
en  bonne  part.  //  est  toujours  honteux,  da-\\,de 
faire  des  folies.  —  Faire  des  folios  peut  se 
piendre  aussi  bien  en  bonne  i)art  i|ue  dire  des 
folies,  et  on  dit  souvent  à  un  jeune  homme  vous 
faites  de.'!  folies,  sans  avoir  intention  de  lui  re- 
procher de  faire  des  actions  honteuses. 

Follement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le  met- 
tre entre  l'auxiliaire  cl  le  participe  :  Parler  folle- 
ment, répondre  follement;il  a  follement  répondu- 

FoLLKT,  Follet lE.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Poil  follet,  feu  follet,  esprit  follet. 

Foncé,  Foncée.  Adj.  11  ne  se  met  qu'après  son 
subst   :  Couleur  foncée. 

Foncièrement.  Adv.  U  se  met  au  commence- 
ment de  la  phrase  :  Foncièrement  il  est  honnête 
homme ,  ou  après  le  verbe,  il  est  foncièrement 
honnête  homme. 

Fond.  Subst.  m.  On  ne  prononce  iioint  le  d, 
même  lorsque  le  mot  suivant  commence  par  une 
voyelle,  excepté  dans  de  fond  en  comble.  Féraud 
dit,  d'après  Vaugelas  et  l'Acadéuiie,  qu'il  faut 
distinguer  dans  l'orlhographe  fond  et  fonds.  Le 
premier,  dil-il,  est  le  fundum  des  Latins,  c'est  la 
partie  la  plus  basse  de  ce  qui  contient  ou  peut 
contenir  quelque  chose  :  Le  fond  d'un  tonneau, 
d'un  sac.  Fonds  est  le  fundus  des  Latins.  Au  pro- 
pre, c'est  la  terre  qui  produit  les  fruits;  au  figuré, 
c'est  tout  ce  qui  rapportedu  |)rofit  .•  Fondsdeterre, 
faire  fonds  sur  quelqu'un.  —  Ménage  et  Thomas 
Corneille  n'admeltent  point  cette  distinction,  el 
veulent  (piel'on écrive  toujours /o//(isans*ausin- 
gulier.  Dumarsais  s'est  rangé  a  leur  avis,  et  a  ex- 
pliqué de  la  manière  suivante  tout  ce  qui  a  rap- 
|)ort  à  la  signification  et  à  l'orthographe  de  ce 
mot. 

Fond,  subst.  m.,  fait  au  pluriel  fonds.  Ce  mol 
a  plusieurs  acce|itions  analogues  entre  elles,  tant 
au  propre  qu'au  ligure. 

Fond  signifie  premièrement  la  partie  la  plus 
basse  d'un  tout  :  Le  fmd  d'un  puits,  le  fond 
d'une  nvière,  le  fond  de  la  mer,  de  fond  en 
comble,  le  fond  du  panier.  Bâtir  dans  un  fond, 
c'est  bàlir  dans  un  lieu  bas;  il  faut  mettre  un 
fonda  ce  tonneau,  c'est-a-dire  (ju'il  faut  y  ajou- 
ter des  douves  qui  serviront  de  fond.  —  Le  fond 
des  forêts,  le  fond  d'une  allée;  il  s'est  retiré  dans 
le  fond  d'une  solitude,  dans  le  fond  d'un  cloître. 

Fond  signifie  aussi  profondeur  :  Ce  hant-de- 
chausse  n'a  pas  assez  de  fond,  c'est-à-dire  de 
profondeur  La  digestion  se  fait  dans  le 
fond  de  l'estomac.  Un  fossé  à  fond  de  cwre  csl 
un  fossé  sec  et  escarpe  des  deux  côtés,  à  l'imita- 
tion d'un  vase.  On  du  familioieinent  déjeuner  u 
fond  de  cuve,  cest-a-dirc  amplement.  En  lerme^ 
de  jeu,  on  dit  aller  à  fond,  pour  dire  écarter  au' 


302 


FON 


tant  de  cnrlcs  qu'on  peut  en  prendre  dans  le  ta- 
lon. IJi  leiines  de  marine,  le  fond  de  cale  est  la 
partie  hi  plus  basse  du  v-aisseau  ;  c'est  celle  où  l'on 
met  les  provisions  et  les  marcliandises. — Prendre 
/i'/irf,  c'est  jeter  l'ancre.  Coulera  fi/ni  iiedh,  d:uis 
le  sens  propre,  d'un  vaisseau  (]ui  se  remi)lit 
d'eau  et  s'enfome.  On  dit  par  ligure,  dun 
homme  dont  la  forlune  est  renversée,  qu'il  est 
coulé  (i  fond.  —  On  dit  encore,  en  termes  de  ma- 
rine, donner  f'iid,  c'esl-à-diic  jeter  i'ancri!.  On 
sonde  (picliinefois  sans  trouver  fond.  Un  bon 
fond,  dans  le  sens  propre,  en  termes  do  marine, 
veut  dire  un  bon  amrai-'e,  c'est-a-dn-e  que  le  fond 
de  la  mer  se  trouve  propre  à  retenir  l'ancre.  Bas- 
fond  esi  un  emlroil  de  la  mer  où  il  y  a  |ie'. 
d'eau,  où  l'eau  est  basse. 

Il  y  a  des  carrosses  à  deux  fonds. — On  dit  par 
métaphore,  le  fond  de  l'dme,  le  fond  d'une  af- 
faire ;  ce  qu'il  y  a  de  plus  caché,  ce  qui  fait  le 
nœud  (le  la  diflicultc.  On  dit  aussi  en  calcul,  le 
fond  du  sac. — On  dit  qu'il  ne  faut  |)oint  cpi'on 
sache  le  fond  de  notre  bourse,  pour  dire  ce  que 
nous  avons  de  bien  ou  d'arirent. — ^J  fond,  c'est- 
à-dire  |)leinemcnt:  Il  a  parlé  à  fond  de...,  etc. 
Connaître  à  fond,  c'est  connaître  l'origine,  la 
vie,  l'esprit,  l;i  conduite  et  les  mœurs  de  quel- 
qu'un. —  Au  fond,  sorte  d'adverbe  de  raisonne- 
ment, pour  dire  au  reste,  si  l'on  veut  bien  y  faire 
attention. 

Fond  se  prend  aussi  dans  le  sens  propre  pour 
le  terrain,  pour  ce  qui  sert  de  base  :  On  aplanie 
ces  arbres  dans  vn  bon  fond.  Un  bon  fond  de 
terre.  On  ne  doit  pus  bâtir  sur  le  fojid  d' autrui. 
On  dit  d'un  homme  qu'z7  est  riche  en  fmds  de 
terre,  in  fundis  terrœ,  en  sorte  que,  selon  Mé- 
nage, fonds  est  alors  au  pluriel. 

Le  fond  d'un  tableau,  c'est  ce  qui  sert  comme 
de  base  et  de  champ  aux  figures;  c'est  ainsi  que 
le  find  du  damas  est  de  taffetas,  et  que  les  fleurs 
sont  de  salin. 

Fond  se  dit  par  extension  pour  propriété,  et 
alors  il  est  opposé  à  usufruit. 

Fond  se  dit,  par  imitation,  d'une  somme  d'ar- 
gent (ju'im  amasse,  et  qu'on  destine  à  certains 
usages  :  Faire  u?i  fond  puuvhàùv,  pour  jouer,  etc. 
On  dit  d'un  joueur  qu'il  est  en  fond,  ou  en  fonds 
au  pluriel,  p<iur  dire  qu'il  a  de  l'argenl  comptant. 
— Fo/id,  dans  le  même  sens,  se  dit  pour  le  capital 
d'une  somme  d'argent  :  Aliéner  son  fond,  a  la 
charge  d'une  rente  (jui  tient  lieu  de  fruits.  Quand 
on  donne  de  l'argent  à  rente  viagère,  pour  en  re- 
tirer un  denier  plus  fort,  on  ditqu'o/t  Va  placé  à 
fond  perdu. 

Fondc^i  dit  aussi,  par  ligure,  des  choses  spiri- 
tuelles, comme  on  le  «lit  (le  retendue:  Un  fond 
d'esprit,  de.  bon  sens,  de  vertu,  de  probité,  etc. — 
On  dit  faire  fond  sur  quelqu'un,  on  sur  quelque 
chose,  j  conqiUT,  s'en  croire  assuré.  L'abbé  de 
Bellegarde  dit  qu'il  ne  faut  pas  toujours  faire 
fond  sur  les  personnes  qui  se  répandent  en  té- 
moignages  extérieurs  de  politesse. 

Quel(|ues-uns  de  nos  dictionnaires  ont  adopté 
fundum,  fundi,  auquel  ils  font  signifier  la  partie 
basse  d'une  ciiose  ;  et  fundus,  ipi'ils  traduisent 
par  fonds,  dans  le  sens  de  lerie  (|ui  produit.  Mais 
cette  distinction  est  sans  fondement.  Fimdmn 
n'est  que  l'accusatif  de  fundus.  Hoc  fundum  ne 
se  trouve  ni  dans  les  bons  dictionnaires,  ni  dans 
les  bons  aulcurs.  Il  faut  donc,  à  roxempie  de 
Ménage  et  de  Thomas  Corneille,  écrire /i'«(i  sans 
s,  et  jamais  fmds,  avec  un  s,  à  moins  (juc  ce  mot 
ne  soit  au  pluriel.  — L'Académie  écrit  f^nds  au 
singulier,  en  parlant  du  sol  d  une  terre,  d'un 


FON 

champ,  d'un  héri.'age,  ou  d'un  établissement  indus* 
triel  et  commercial,  et  dans  tous  les  sens  figurés 
qui  peuvent  se  rapporter  à  ces  acceptions  :  Culti- 
ver un  londs  ;  ce  marchand  a  vendu  son 
fonds;  c'est  un  homme  qui  a  ttn  grand  fonds 
d'esprit. 

11  ne  faut  pas  confondre  ce  mol  avec  le  mot 
fonts  q\\\  s'écrit  avec  un  <et  un  s,  et  qui  se  dit 
d'un  grand  vaisseau  de  jnerrc  ou  de  marbre  où 
r<in  conserve  l'eau  dont  on  se  sort  jmur  baptiser. 
On  l'écrit  avec  un  l  [lar  analogie  avec  le  n\o\.  fon- 
taine :  Les  fonts  baptismaux.  Tenir  un  enfant 
sur  les  fonts. 

Fondamental,  FoND.\ME:tTALE.  Adj.  11  fait  au 
plnricl  masculin  fondamentaux  ,  et  ne  se  met 
cpi  après  son  subst.  :  Loi  fondamentale,  points 
fondamentaux. 

Fo.M)AMK.:sTALE.MF,NT.  Adv.  11  sc  uict  Ordinaire- 
ment entre  i' mxiliaire  cl  le  participe:  Ce  point 
est  fondamentuleincnt  établi. 

FoMDA\T,  FoîvDANTE.  Adj.  vcrbal  tiré  du  v.  fon- 
dre. 11  ne  se  met  (ju'aprôs  son  subst.  :  Fruit  fon- 
dant, poire  fondante,  remède  fondant. 

Fo^DATEL:«.  Subsl.  ui.  Eu  parlant  d'une  femme, 
on  dil  fondatrice. 

Fondation.  Subsl.  f.  Ce  mol,  dans  son  sens 
primitif,  s'applique  à  la  construction  de  cette  par- 
lie  des  édilioes  cpii  Ifur  sert  de  base  ou  do  fonde- 
ment, et  q\ii  est  plus  ou  moins  enfoncée  au-des- 
sous du  sol,  suivant  la  hauteur  de  1  édifice  ou  la 
solidité  du  terrain.  Quoique  le  mut  fondation, 
suivant  l'analogie  grammaticale,  ne  doive  signifier 
que  l'action  de  poser  les  fondements  d'un  édifice, 
il  a  cependant  passi,'  an  usage  parmi  les  architec- 
tes et  les  maçons  de  donner  le  nom  de  fondation 
aux  fondements  eux-mêmes.  Ainsi  l'on  dit  ce  bâ- 
timent a  douze  pieds  de  fondation.  Malgré  cet 
usage,  il  semble  qu'il  serait  mieux  de  préférer  le 
mot  de  fondement,  qui  est  plus  conforme  a  l'ana- 
logie. 

Fondement.  Voyez  Fondation. 

Fondre.  V  a.  et  n.  de  la  4'  conj.  Fondre,  dans 
le  sens  de  tomber  impétueusement,  ne  se  dil,  se- 
lon le  père  Bouhours,  que  des  choses  visibles 
et  animées:  Fondre  sur  l'ennemi;  un  oiseau  qui 
fond  sur  sa  proie.  Ainsi  l'on  ne  dirait  pas  bien  les 
vents  sont  venus  fondre  sur  cette  maison,  un 
tourbillon  de  vent  vint  tout  d'un  coup  fondre  sur 
la  lac.  Nous  pensons  que  ces  deux  dernières  ex- 
pressions ne  sont  pas  régulières,  parce  iiue  les 
vents  ne  tombent  pas  sur  une  maison,  sur  un  lac, 
de  haut  en  bas,  ce  qu'mdicjue  fondre  sur.  Mais 
on  peut  dire  l'orage  est  prêt  à  fondre. 

Le  tonnerre  on  éclats  jcinblu  fondre  sur  moi. 

(Volt.,  OEd.,  acL  Y,  s.  IV,  19.) 

A  la  vérité,  on  dit  fondre  sur  l'ennemi,  mais  fon  • 
dre  ne  signifie  pas  ici  s'élancer  contre,  mais  s'é- 
lancer jjour  tomber  sur  l'ennemi. 

Fonds.  Subst.  m.  Voyez  Fond. 

Fontaine,  Sut)st.  f.  11  est  à  propos  de  fixer  ici 
les  acceptions  précises  suivant  lesquelles  il  parait 
(juc  sont  employés  les  termes  de  fontaine  cl  de 
source  Source  semble  être  en  usage  ilans  toutes 
les  occasions  où  l'on  se  borne  a  considérer  ces  ca- 
naux naturels  qui  servent  de  conduits  souterrains 
aux  eaux,  a  quelque  iirofoiideur  qu'ils  soient  pla- 
cés, ou  i)ien  le  produit  deceses|K;cesd'a(iueducs. 
Fontaine  indique  un  bassin  à  la  surface  de  la 
terre,  et  versant  au  dehors  ce  (ju'il  reçoit  par  des 
sources  ou  intérieures  ou  voisines  :  Les  sources 
du  Rhône, du  Tessin.,  du  Rhin, sont  dans  le  mont 


FOR 

Saint-Golhard.  La  fontaine  d'Arcveil  est  à  vii- 
côte.  La  source  de  Jiiingis  fournit  environ  cin- 
quante pouces  d'eau.  Les  sources  des  7nines  sont 
très-difficiles  à  cpuiser.  Dans  le  bassin  de  cette 
fontaine,  on  aperçoit  l'eau  de  plusieurs  sources 
qui  jaillissent. 

Fonts.  Siibst.  m.  plur.  On  ne  prononce  ni  le 
t  ni  le  s.  Voyez  Fond. 

Forain,  Foraine.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Marchand  forain,  traite   foraine. 

Force.  Subst.  f.  On  a  repris  avec  raison  Ra- 
t'ine  d'avoir  dit  {Frères  ennemis,  act.  I,  se.  vi, 
14)  : 

Seconde  mes  soupirs,  donne  force  à  mes  pleurs. 

i)n  ne  dit  pas  donner  force  sans  article,  mais 
donner  de  la  force. —  On  dit  sans  article  perdre 
courage, perdre  haleine;  nuiison  ne  dit  pas^er- 
dre  force.  Il  faut  dire  perdre  sa  force  ou  les 
forces. 

Les  forces  d'un  amour  que  vous  avez  fait  naître. 

(Corn.,  Rodog.,  act.  IV,  se.  m,  30.) 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  On  ne  dit  point 
perdre  les  forces  au  pluriel,  excepte  quand  on 
parle  des  forces  d'un  Élal.  {Remarques  sur  Cor- 
neille.) Voltaire  aurait  dti  ajouter,  ou  quand  on 
parlb  des  forces  du  corps. 

Si  verla  comballue  a  redoublé  ««»  forces. 

(CoBK.,  Cin.,  act.  V,  se.  m,  18.) 

On  dil  les  forces  d'un  Etat,  et  la  force  de  l'âme. 
(Volt.  Remarques  sur  Corneille.) 

On  A'w  par  force,  lorsque /!;7-ce  se  rapporte  au 
sujet  de  la  proposition  :  Il  l'a  fuit  par  force.  On 
ditie  force  lorsque  force  se  ra|)porle  au  régime  : 
On  le  lui  a  fuit  faire  de  force.  Amener  un 
homme  de  f.;rce  devant  un  tribunal. 

Il  .faut  ajir  <î,'  force  avec  de  tels  esprits. 

ConN.,  Héracl.,  act.  I,  se.  I,  87.] 

On  dit  entrer  de  force,  u.ier  de  force,  dit  \o\- 
t^irc  au  sujet  de  ce  vers;  je  doute  tju'on  dise 
iiyir  de  force  ;  le  Style  de  la  conversation  permet 
arjir  de  tête,  uyir  de  loin;  et  s'il  permet  u^ir  de 
force.  la  pot^sie  ne  le  souffre  pas.  {Remarques 
.sur  Corneille.) 

Il  y  a  bien  de  la  différence  entre  rêguer 
par  force,  et  régner  par  la  force.  Le  premier 
veut  dire  régner  malgré  soi  ;  le  second,  mainte- 
nir son  autorité  par  la  force  Ainsi  on  peullrou- 
verunc  faute  dans  ce  vers  de  Corneille  {Horaces, 
act.  III,  se.  IV,  53)  : 

Il  règne  avec  douceur,  mais  il  régne  par  force. 
11  fallait  dire  par  la  force. 

Mais  ma  force  est  au  Dieu  dont  l'intérêt  me  guide. 
(Ric,  Ath.,  ad.  IV,  se.  ui,  35.) 

Il  fallait  dire  est  dans  le  Dieu;  car  Joad  n'en- 
tend pas  ici  que  sa  force  est  à  Dieu,  mais  que 
Dieu  fait  toute  sa  force. 

La  force  de  l'esprit  est  la  pénétration,  la  pro- 
fondeur. La  force  d'un  raisonnement  consiste 
diins  une  exposition  claire  des  preuves  exposées 
dans  leur  jour,  et  dans  une  conclusion  juste. 
Elle  n'a  point  lieu  dans  les  théorèmes  malhéina- 
liques ,  parce  qu'une  démonstration  ne  peut 
recevoir  plus  ou  moins  d'évidence,  plus  ou 
moins  de  force;  elle  peut  seulement  procéder  par 


FOR 


oU3 


un  chemin  plus  long  ou  plus  court,  plus  simple 
ou  plus  compli(pié.  La  fjrce  du  raisonnement  a 
i)arlout  heu  dans  les  questions  problématitpies. 
La  force  de  l'éloiiueiice  n'est  |)as  seulement  une 
suite  de  raisonnements  justes  et  vieoureux,  qui 
subsisteraient  avec  la  sécheresse  f  cette  'force 
demande  de  reml)on|)oint,  des  images  fra|)i»antes 
des  termes  énergicpics.  Ainsi  on  "a  dit  ciuc  les 
sermons  de  Boiirdaloue  avaient  plus  de  fiirce, 
ceux  de  Massillon  plus  de  grâce.  Des  vers  peu- 
vent avoir  de  la  force  et  inampier  de  toutes  les 
autres  beautés.  La  force  d'un  vers,  dans  noire 
langue,  vient  i)rinci|)alenienl  de  dire  quelque 
chose  dans  chaque  hémistiche  : 

Et  monté  sur  le  faite  il  aspire  à  descendre. . . 

(CoRjf.,  Cin.,  act.  II,  se.  i,  16.) 

L'Eternel  est  son  nom,  le  monde  est  son  ouvrage. 
(Rac,  Esth.,  act.  V,  se.  i,  57.) 

Ces  deux  vers,  pleins  de  force  et  d'élésance,  sont 
le  meilleur  modèle  de  poésie.  (Voit.,  Dict. 
philos.) 

FoRr.KiiENT.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe  :  // 
a  fait  forcément  cette  démarche;  et  non  pas  il  a 
forcé/lient  fuit  cette  démarche. 

FoRcr.MÎ,  For.CE.NÉE.  Adj.  :  Un  homme  forcené, 
une  femme  forcenée. 

*For,cENER.  Vieux  mot  inusité  qui  signiliait 
être  colère,  en  fureur,  être  hors  de  sens.'Féne- 
lon  a  dit  :  Le  despotisme  du  peuple  est  une  puis- 
sance folle  et  oreiiglc  qui  se  l'orcéne  cmitre  elle- 
même,  et  qui  n'est  absolue  et  au-dessus  des  lois 
que  pour  achever  de  se  détruire.  Ici  l'expression 
est  heureuse  et  bien  placée. 

Forcer.  V.  a.  de  la  i.''  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  le  c  doit  toujours  avoir  le 
son  de  s,  et  pour  lui  conserver  cette  jirononcia- 
tion  lorsqu'il  est  ])récédé  d'un  a  ou  d'un  o,  on 
met  une  cédille  dessous  :  Je  forçai,  forçons. 
L'Académie  dil  forcer  quelqu'un  à  faire  quelque 
chose,  el  forcer  quelqu'un  de  faire  quelque  chose; 
mais  elle  ne  dil  point  dans  quel  cas  ou  peut  em- 
ployer l'une  ou  l'autre  des  deux  prépositions; 
elle  ne  donne  même  pas  un  seul  exemple  qui 
puisse  aider  à  le  deviner. 

On  force  quelqu'un  à  faire  quelque  cliose,  lors- 
que l'action  dont  il  s'agit  a  un  but  hors  du  sujet 
qui  la  fait;  on  force  quelqu'un  a  manger,  à  pur- 
tir,  à  se  remuer,  parce  ([ue  ces  aclions  ont  un 
but  marqué  hors  du  sujet  qui  agit;  mais  on  force 
quelqu'un  de  consentir  à  quelque  chose,  (i'ubéir, 
de  se  soumettre,  |)arce  (juc  ces  aclions  sont  des 
actes  de  la  volonlé  qui  u'onl  pas  un  but  marqué 
au  dehors. 

On  sent  cette  différence  dans  celte  phrase  de 
Vollaire  :  Le  ministère  a  été  si  indigné  de  celte 
abominable  intrigue  de  la  cabale  qui  faisait  agir 
J ...,  qu'on  a  forcé  ce  misérable  de  donner  un  dé- 
sistement pur  et  simple,  et  à  rendre  cette  letlie 
arrachée  à  la  bonne  foi.  {Corresp)  Doimcr  son 
désistement  est  un  acle  de  la  volonté  (|ui  n'a 
|)oinl  de  bui  au  dcliors,  c'est  se  désister;  mais 
rendre  une  lettre  est  une  action  qui  a  un  but  hors 
de  la  personne  qui  agit.  Ces  pcrsécutiin.i  d'un 
coté,  et  de  l'autre  une  nouvelle  invitation  du 
prince  de  Prusse  et  du  duc  de  Hulslcin,  me  for- 
cent enfin  àpartir.  (\  oit.,  Corresp.) 

L'arche  qui  fil  tomber  tant  de  superbes  tours, 
El  força  le  Jourdain  de  rebrous.wr  son  cours. 

(Rac,  Ath..  ict.  V,  se.  l,  3o.J 


304 


FOK 


L'action  de  rebrousser  son  cours  lie  tend  pas  a 
un  but;  au  contraire,  elle  marque  la  cessation 
de  l'action  qui  tendait  à  un  but,  l'cloignemenl  de 
<c  but;  mais  on  dirait  forcer  tm  fleuve  à  repren- 
dre son  cours. 

L'inconvénient  de  l'hiatus  ne  sérail  point  une 
raison  pour  préférer  de;  il  vaudrait  mieux  pren- 
dre un  autre  tour  que  de  donner  à  une  préposi- 
tion un  f;iux  rapport  grammatical. 

L'Acadoinie  dit  se  forcer,  pour  faire  quelque 
chose  avec  trop  de  force  et  de  véhémence,  et  pour 
se  contraindre.  —  Racine  l'a  employé  dans  ce 
dernier  sens  [Bvilann.,  act.  IIL  se.  vin,  29)  ; 

Ainsi  Néron  commence  à  ne  se  plus  forcer. 

FoncLOs.  .\dj.  Qu'on  arrive  aux  portes  d'une 
ville  fermée,  dit  ^'uitai^e,  on  est,  quoi?  Nous  n'a- 
vons plus  (le  mot  pour  exiiriiner  cette  situation; 
nous  disions  autrefois  forclos. 

l'ORFAïuB.  V.  n.  et  (Jéfcclueux  de  la  4'  conj.  Il 
n'est  usité  (ju'à  rinfiiiitif, /o;-/((tVe,  ctau  participe, 
forfait,  et  i)rond  l'auxiliaire  arotr. 

Jb'ORF.\iT.  Subst.  m.  On  disiingueles  mauvaises 
actions  des  hommes  relativement  au  degré  de 
leur  méchanceté.  Ainsi  faute,  crime,  forfait,  dé- 
signent tous  une  mauvaise  action;  mais  la  faute 
est  moins  grave  que  le  crime,  le  crime  moins 
grave  que  le  firfuit.  Le  crime  est  la  plus  grande 
des  fautes,  le  forfait  le  plus  grand  des  crimes. 
La  faute  est  de  l'iioinme,  le  crime  du  méchant,  le 
/br/àz7  du  scélérat.  Forfait  ne  s'applique  qu'aux 
crimes  éclatants,  rares,  hors  de  la  classe  ordi- 
naire, et  suppose  toujours  une  grande  audace. 

FoRGEH.  V.  a.  de  la  d'*  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  le  ^r  doit  toujours  se  pronon- 
cer comme  un  y,  cl  pour  lui  conserver  cette  pro- 
nonciation avant  un  a  ou  un  o,  on  fait  précéder 
ces  voyelles  d'un  e  muet  :  Je  forgeais,  forgeons, 
et  non  jias  jV  forgai,  forçons. 

FoRMATlo^.  Subsi.  f.  Les  grammairiens  enten- 
dent ordinairement  par  ce  mot  la  manière  de  faire 
prendre  à  un  mol  les  différentes  terminaisons  ou 
inflexions  (pie  l'usage  a  établies  pour  exprimer 
les  diffcronis  rapports  du  moi  à  l'ordre  de  renon- 
ciation. A  l'égard  des  noms,  la  formation  consiste 
dans  leurs  variations  du  singulier  au  pluriel,  et 
du  masculin  au  féminin.  A  l'égard  des  verbes, 
elle  consiste  dans  la  variation  relative  aux  temps, 
aux  modes  et  aux  personnes,  c'est-à-dire  dans  les 
conjugaisons. 

Les  pluriels  ne  se  forment  pas  de  la  même  ma- 
nière dans  tous  les  substantifs.  Voici  les  règles 
que  l'on  a  établies  pour  cette  f(jrmalion. 

En  général,  pour  former  le  pluriel  des  sub- 
staniifs,  de  (luelque  terminaison  qu'ds  soient,  on 
ajoute  un  5  a  la  lin  du  mot  :  le  roi,  les  rois  ;  le 
prince,  les  princes;  la  loi,  les  lois. 

11  en  faut  excepter,  1"  les  noms  terminés  au 
singulier  par  un  s,  un  x  ou  un  s;  ceux-là  n'é- 
prouvent aucun  changcmcnl  au  pluriel  :  le  lis, 
les  lis;  le  fils,  les  fils;  la  croix,  les  croix;  le 
nez,  les  nez. 

2°  Les  noms  terminés  par  eau,  au,  en  et  ou, 
prennent  au  pluriel  un  x  ou  un  s.  Le  chapeau, 
les  chapeaux;  Vétau,  les  étaux;  Vessieu,  les  es- 
sieux; le  chou,  les  choux,  etc.  Clou,  filou, 
lovp-garou,  matou  Cl  trou,  suivent  la  règle  géné- 
rale, et  prennent  un  s. 

3'  La  plupart  des  noms  terminés  au  singulier 
par  al  ou  par  ail,  ont  leur  jjluriel  en  «wx,- comme 
arsenal,  arsenaux  ;  canal,  canaux;  cordial,  cor- 
diaux ;  corail,   coraux;   émail,  émaux;  canal,  1 


FOR 

canaux;  ail,  aulx  ;  travail,  travaux.  —  Il  faut 
observer  que  la  finale  al  et  la  finale  ail  se  chan- 
gent en  ai/x,- ainsi  n'écrive/  pas  crisleaux,  arien- 
ieaux,  au  lieu  de  cristaux,  i>rit'ntuvx.  Travail 
fait  au  pluriel  travails,  lorsqu'il  signifie  une  ma- 
chine de  bois  dans  la(pielle  les  maréchaux  atta- 
chent les  chevaux  fougueux  pour  les  ferrer,  et 
aussi  lorsqu'il  se  dit  des  complcs  (pi'uu  ministre 
ou  autre  administrateur  rend  des  affaires  de  son 
administration,  ou  des  rap|)orls  que  les  commis 
font  au  chef  d'une  administration  de  celles  qui 
leur  ont  été  renvoyées. 

Les  noms  suivants,  bal,  cal,  camail,  carnaval, 
détail,  rpcuvantail,  éventail,  gouvernail,  mail, 
pal,  poitrail,  portail,  régal,  sérail,  etc.,  suivent 
la  régie  générale,  et  |)rennent  un  5  au  pluriel. 

liercaU,  bétail,  miel,  nont  point  de  pluriel. 
Voyez  Bestiaux. 

Ciel  et  œil,  font  deux  et  yeux  dans  le  sens 
primitif,  et  ciels  et  wils  dans  le  hcns  étendu.  Ainsi 
l'on  dit  des  ciels  de  lit,  de.  tubleuu.v,  de  carriè- 
res, Cl  tics  œils  de  bœuf,  terme  d'architecture; 
des  œils  de  chat,  terme  de  lai»idaire;  des  œtV.v 
de  caractère  d'imprimerie  ;  mais  on  dit  les  yeux 
du  fromage,  du  pain,  de  la  soupe. — Pénitentiel , 
rituel  de  la  pénitence,  WdpéniteiUiels  au  pluriel; 
et  pénitentiaux  est  un  adjectif  masculin  qui  n'a 
point  de  singulier,  et  qui  ne  se  dit  guère  qu'en 
parlant  des  psaumes,  des  canons.  —  Universel, 
terme  de  logique,  fait  au  pluriel  masculin  univer- 
saux.  Aïeul  fait  aïeuls  lorsqu'il  signifie  le  grand- 
père  paternel  et  le  grand-père  malcinel;  et  aïeux, 
quand  il  s'applique  à  tous  ceux  dont  on  descend. 
Voyez  ce  mot. 

Pour  la  formation  du  pluriel  dans  les  substan- 
tifs terminés  par  ant  ou  par  ent,  voyez  ci-aprés  la 
formation  des  adjectifs  qui  ont  cette  terminaison. 

11  règne  une  grande  diversité  d'opinions  pour 
ia  formation  du  pluriel  des  substantifs  composer. 
Nous  avons  exposé  au  mol  composé  les  règles 
(|ue  nous  croyons  qu'on  doit  suivre  à  cet  égard, 
et  que  nous  avons  suivies  nous-môme  dans  le 
cours  de  ce  dictionnaire.  A'oyoz  ce  mot. 

Les  adjectifs,  de  même  que  les  substantifs, for- 
ment leur  pluriel  par  l'addition  d'un  s:  Grand, 
grands  ;  petit,  petits  ;  grande,  grandes;  petite, 
petites.  Mais  il  y  a  un  grand  nombre  d'exceptions 
à  celte  règle  générale. 

1"  Les  adjectifs  tcimin(^s  au  singulier  par  un  s 
ou  par  un  x,  ne  changent  point  de  fornie  au  plu- 
riel; tels  soni.  gras,  gros,  heureu.v,  jaloux. — 
2"  Les  adjectifs  terminés  en  eau  î'orment  leur 
pluriel  au  masculin  en  ajouiaul  r; ainsi  beau,'\\ï- 
vteau,  nouveau,  font  beaux,  juir.eaux,  nouveaux 
— 3"  Les  adjectifs  teriuincs  eu  al  forment  leur 
pluriel  au  masculin,  en  cliangeani  al  en  aux; 
ainsi  l'on  dira  avec  rAcadcmic,  abbatial,  abba- 
tiaux ;  allodial,  allodiaux ;  anomal,  anomaux; 
arsenical,  arsenicaux  ;  banal,  banaux;  baptis- 
mal, baptismaux;  bracliir.l,  brachiaux  ;  bursa/, 
bursaux;  capital,  capitaux;  cardinal,  cardi- 
naux; claustral,  claustraux  ;  collatéral,  collit- 
téraux ;  cordial,  cordiaux  ;  curial,  curiaux  ;  û'i  - 
cennat,  décennaux;  doctrinal,  doctrinaux  ;  à>- 
maniai,  domaniaux  ;  dotal,  dotaux  ;  égal,égau.v; 
épiscipal,  épiscopaux  ;  féodal,  féodaux  ;  fiscal . 
fiscaux;  fondamental,  fondamentaux  ;  général, 
généraux;  grammatical ,  grammaticaux;  in 
fer  nul,  infernaux  ;  lacrymal,  lacrymaux  ;  lu 
téral,  latéraux;  légal,  légaux;  libéral,  li~ 
béraux;  local,  locaux;  méridional,  méridio- 
naux ;  moral,  moraux;  municipal,  municipaux; 
national,  nationau.v ;  nuptial,  nuptiaux;  occi- 


FOR 

dental,  occidentaux  ;  ordinal,  ordinaux  ;  orien- 
tal, orientaux  ;  patrimonial,  patrimoniaux;  pré- 
sidial,  présidiaux  ;  prévotal , prévotaux ;princi- 
pal,  principaux  ;  pronominal,  pronominaux  ; 
quinquennal,  quinquennaux;  royal,  royaux; 
1  lirai,  ruraux;  sacerdotal,  sacerdotaux  ;  sacra- 
mental,  sacramentaux ;  seigneurial,  seigneu- 
riaux; septentrional,  septentrionaux;  sépul- 
cral, sépulcraux;  spécial,  spéciaux;  spiral, 
spiraux;  synodal,  synodaux;  triennal,  trien- 
naux; triomphal,  triomphaux  ;  vénal,  rénaux  ; 
vertical,  verticaux  ;  vital,  vitaux. 

On  dira  avec  Trovoux  impartial,  impar- 
tiaux, etc.  —  On  dira  avec  Buffon  di  s  êtres 
idéaux,  des  mouvements  ynachinaux,  des  ?!ius- 
cles  transversaux.  —  Dans  sa  dcrniore  édilion, 
l'Académie  remarque  que  ce  pluriel  est  peu  usité. 
— On  dira  avec  Rousseau  et  Desfontaines,  des  com- 
pliments triviaux,  etc.,  etc.  —  L'Académie,  en 
1835,  reconnaît  le  pluriel  de  trivial,  mais  elle 
remarque  (lu'il  est  peu  usité.  —  On  dit  des  in- 
stants fatals,  des  cierges  pascals. — L'Académie 
ne  s'explique  point  sur  le  pluriel  masculin  des 
mots  canonial,  clérical,  conjectural,  déloyal, 
diaconat,  ducal,  électoral,  final,  etc.  —  Mais 
l'Académie  dit  positivement  que  les  mots  ami- 
cal, automnal  ,  colossal  ,  frugal  ,  glacial  et 
jovial,  n'ont  |)oinl  de  i)luriel  au  masculin. ^^e- 
néficiul ,  expérimental  labial,  virginal,  n'ont 
point  de  pluriel  au  masculin,  parce  que  bénéficiai 
ne  s'emploie  qu'avec  les  mots  féminins  matière, 
cause, pratique;  le  mol  expéritnental avec  les  mots 
(émimws phy.iique,  philosophie  ;  le  mol  labial  avec 
les  mots  féminins  lettres,  offres;  enfin  le  moti'îV- 
ginal  avec  les  mots  lait,  pudeur,  qui  n'ont  point 
de  pluriel.  —  Girault-Duvivier  est  d'avis  qu'on 
dit  un  teint,  un  air  virginal,  et,  par  suite,  des 
teints,  des  airs  virginal  s. 

L'usage  veut,  pour  les  adjectifs  comme  pour 
les  substantifs,  que  l'on  supprime  le  t  au  pluriel 
de  ceux  qui  soiil  terminés  par  le  son  nasal  ant, 
ent.  Les  grammairiens  qui  réclament  contre  cet 
usage  prétendent  qu'il  est  sujet  à  bien  des  incon- 
vénients; car,  disent-ils,  si  l'on  dit  au  masculin 
pluriel  pay ça «5  et  bienfaisans  ?,'Aïi?>  t  final,  les 
étrangers  n'en  concluront-ils  pas  que  le  pluriel 
féminin  est  le  même  pour  ces  deux  mots;  et  par 
conséquent,  ou  qu'on  doit  dire  au  féminin  pay- 
santes,  parce  qu'on  dit  bienfaisantes,  ou  qu'on 
doit  dire  bien  faisa nne  \}aTCC  qu'on  d\[  paysanne? 
On  peut  répondre  à  cela  que  les  étrangers  qui 
apprennent  notre  langue,  avant  de  former  le  fé- 
minin dos  noms  ou  des  adjectifs,  apprennent 
comment  se  fait  cette  formation;  et,  lorsqu'ils 
savent  que  le  féminin  d'un  substantif  ou  d'un  ad- 
jectif se  forme  du  masculin  du  même  nom,  ils 
forment  paysanne  de  paysan,  bienfaisante  de 
bienfaisant,  et  ne  vont  point  chercher  le  pluriel 
de  l'adjectif  bienfaisant  pour  apprendre  com- 
ment on  doit  former  le  féminin  du  substantif 
paysan,  ni  le  féminin  du  subslanlirpuysa/j  pour 
apprendre  comment  on  doit  former  le  féminin  de 
l'adjectif  Ô('en/aisn7i<.  D'ailleurs,  simplifier  l'or- 
thographe d'une  langue,  c'est  la  perfectionner. 
Ces  retranchements  donnent  aux  langues  déri- 
vées un  caractère  particulier,  un  caractère  natio- 
nal; et  quand  même  il  en  résulterait  quelque 
peine  de  plus  pour  les  étrangers,  cette  considéra- 
tion ne  devrait  point  arrêter  :  car,  comme  nous  l'a- 
vons dit  ailleurs,  les  langues  ne  sont  pas  faites  pour 
les  étrangers,  mais  pour  les  nationaux.  Nous  ne 
pensons  pas  que  les  Allemands  ou  les  Russes,  en 
formant  leur  langue,  aient  pris  en  considération 


FOR 


308 


les  moyens  de  nous  en  faciliter  la  connaissance, 
et  nous  croyons,  i)ar  conséquent,  que  nous  pou- 
vons, sans  manciuer  à  la  politesse,  nous  dispen- 
ser du  même  soin  à  leur  égard. — L'Académie  et 
la  plupart  des  auteurs  modernes  conservent  le  t 
dans  tous  les  cas.  Nous  avons  cru  devoir  adopler 
cette  orthographe,  s;uis  retrancher  jwur  cela  les 
remarques  de  l'auteur.  —  On  trouvera  à  chaque 
substantif  et  à  chaque  adjectif  des  remarques  sur 
les  difficultés  de  la  formation  de  leur  féminin  ou 
de  leur  pluriel.  Voyez  aussi  les  mots  Adjectif  &\. 
Genre.  Passons  maintenant  à  la  formaliou  des 
temps  des  verbes. 

Les  temps  des  verbes  sont  ou  simples,  ou  coin- 
posés.  Les  temps  sim[)les  consistent  en  un  seul 
mot,  dérivent  tous  d'une  même  racine  fondamen- 
tale, et  diffèrent  entre  eux  par  les  inflexions  et 
les  terminaisons  propres  à  chacun.  Los  temps 
composés  résultent  de  plusieurs  mois,  dont  l'un 
est  un  temps  simple  du  verbe  môme,  savoir,  le 
participe  passé;  et  le  reste  est  emprunté  d'un  des 
verbes  auxiliaires  avoir  ou  être. 

Parmi  les  temps  simples  d'un  vorbe,  il  y  en  a 
cincj  que  l'on  nomme  primitifs-,  parce  (ju'ils  ser- 
vent a  former  les  autres  temps  dans  les  quatre 
conjugaisons.  Ces  temps  sont  le  présent,  le  passé 
simple  de  l'indicatif,  l'infinitif,  le  participe  pré- 
sent et  le  participe  passé. 

De  la  première  personne  singulière  du  pré- 
sent de  l'indicatif,  on  forme  la  seconde  personne 
singulière  de  l'impératif,  en  ôlant  seulement  le 
pronom  ye,  comme  j'aime,  je  souffre,  je  finis, 
je  reçois,  je  rends;  impératif,  uiTrie,  souffre, 
finis,  recois,  rends.  11  faut  en  excepter  les  verbes 
avoir,  aller,  savoir  et  être,qu'\  font  j'ai,  impéra- 
tif, aye  ou  aie  ;  je  rats,  impératif,  va  ;  je  sais, 
impératif,  sache  ;  je  suis,  impératif,  sois. 

Du  passé  simple  on  forme  l'imparfait  dj  sub- 
jonctif, en  changeant  ai  en  asse,  pour  la  pre- 
mière conjugaison, j'aiwaz,  que  j'aimasse,  et  en 
ajoutant  se  aux  terminaisons  du  passé  simple 
pour  les  autres  conjugaisons  :  Je  finis,  que  je  fi- 
nisse; je  reçus,  que  je  reçusse  ;  je  rendis,  que 
je  rendisse  ;je  vins,  que  je  vinsse;  je  crus,  que 
je  crusse. 

De  l'infinitif  se  forme  le  futur  de  l'indicatif 
de  la  manière  suivante.  Dans  les  verbes  de  la 
première  conjugaison,  on  ajoute  ai  à  la  consonne 
*•  de  l'infinitif  :  Donner,  oublier,  jouer,  prier, 
créer;  je  donnerai,  j'oublierai,  je  jouerai,  je 
prierai,  je  créerai. — Dans  les  verbes  de  la  se- 
conde conjugaison,  on  ajoute  également  ai  à  la 
consonne  finale  r  de  l'infinitif:  Emplir,  finir; 
j'emplirai,  je  finirai.  —  Dans  les  verbes  de  la 
troisième  conjugaison,  on  retrancheoir  de  l'infi- 
nitif pour  y  substituer  rai  :  Recevoir,  aperce- 
voir, concevoir;  je  recevrai,  j'apercevrai,  je 
concevrai.  —  Enfin,  dans  les  verbes  de  la  qua- 
trième conjugaison  on  change  la  finale  re  de  l'in- 
finitif en  la  finale  rai  :  Rendre,  défendre,  tor- 
dre ;  je  rendrai,  je  défendrai,  je  tordrai. 

Le  conditionnel  présent  se  forme  de  même  que 
le  futur  du  présent  de  l'infinitif,  en  mettant  la 
finale  ais  au  lieu  de  la  finale  ai:  Donner, Je  don- 
nerais; emplir,  j'emplirais  ;  recevoir,  je  rece- 
vrais; défendre,  je  défendrais. 

Du  participe  présent  se  forment  :  1*  les  trois 
personnes  plurielles  du  présent  de  l'indicatif,  en 
changeant  ant  en  ons  pour  la  première  personne, 
en  ez  pour  la  seconde,  en  ent  pour  la  troisième  : 
Aimant,  nous  aimons,  vous  aimez,  ils  aiment. 
—  Il  faut  en  excepter  toute  la  troisième  conju- 
gaison en  ce  qui  concerne  la  troisième  personne 

80 


806 


FOR 


Auani  et  sachant,  font  7iotis  avons,  vous  avez, 
ils  ont  ;  nous  savons,  vous  sares,  ils  srii^nt,  cic. 
Il  faut  aussi  excoptcr  le  vcrbo  /«ùf  el  luiis  ses 
COini)OSés:  Faisant  fait  nov s  faisons,  mus  fai- 
tes, ils  fnt;  2"  l'impai-rail  de  l'iiulicalif  on  rhan- 
gcanl  1.1  finale  ant  on  ais  :  aimant,  j'aimais  ; 
evifUssant,  f  emplissais  ;  recevant,  je  recevais  ; 
rendant, ie  rendais;  3"  le  présent  du  subjonctif 
en  (•li;inçeaut  ant,  selon  la  personne  cl  le  nombre, 
en  e,  es,  e,  ions,  icz,  ent  :  Aimant,  que  j'aime, 
f/tie  tu.  aimes,  qu'il  aime,  que  nous  aimvms,  que 
vous  aimiez,  qu'ils  aiment;  emplissant,  que 
j'emplisse,  que  lu  emplisses,  etc.  ;  rendant,  que 
je  rende,  que  tu  rendes,  etc.;  cousant,  que  je 
couse,  que  tu  couses,  etc.  —  Celte  rcirle  ne  s'a|)- 
plique  |)resi]iie  jamais  à  la  troisième  conjugaison; 
recevant  fait  que  je  reçoive  ;  percevant,  que  je 
perçoive,  etc  ,  elc. 

Tous  les  temps  comiwsés  se  forment  du  par- 
ticipe passé,  en  joignant  à  ce  participe  les  diffé- 
rents  temps  des  auxiliaires   avoir  ou  cire  :  J'ai 


Dans  les  verbes  i)ronominîiux  ,  el  dans  les 
verbes  neutres  qui  prennent  l'auxiliaire  être,  les 
temps  composés  se  forment  de  même,  mais  avec 
l'auxiliaire  être:  Je  me  suis  repenti,  je  m'étais 
repenti,  etc.;  jV  suis  tombé,  j'étais  tombé. 

Les  adverbes  terminés  en  ment  soui  formés  de 
quelque  nom  adjectif,  à  l'exception  de  l'adverbe 
comment,  qui  est  formé  de  l'adverbe  comme;  de 
nuitamment,  diablement,  iovaii^s  des  substantifs 
nuit  et  diable;  d'incessamment,  notamment, 
sciemment,  dontlesadjeclifs  n'onljamaisexisté,ou 
n'existent  plus.  La  formation  de  ces  adverbes  se 
fait  par  la  simple  addition  de  ment  aux  adjectifs, 
avec  quekiues  différences,  suivant  les  différen- 
tes terminaisons  de  ces  adjectifs.  Voici,  à  cet 
égard,  les  règles  qu'ont  données  les  grammairiens. 

1»  Quand  l'adjectif  Unit  au  masculin  par  une 
voyelle,  la  simple  addition  de  ment  forme  l'ad- 
verbe. Juste,  honnête,  jili,  vrai,  résolu,  absolu, 
donnent  les  adverbes  justement,  honnêtement, 
joliment,  vraiment,  résolument,  absolument.  11 
faut  excepter  impuni,  dont  l'adverbe  est  im- 
punément. L'e  muet  des  adjectifs  aveuyle,  com- 
mode, conforme,  énorme,  se  change  en  e  fer- 
mé :  Aveuglément  ,  covimodéme nt ,  conformé- 
ment, énormément.  L'e  muet  des  adjectifs  fémi- 
nins commune,  confise,  expresse,  im,portune, 
obscure,  précise,  profonde,  se  diangc  aussi  en 
e  fermé  •■  Communément,  confusément,  expres- 
sément, etc.  \. es :\d\Qv\)C?>  follement,  mollement, 
nouvellement,  bellement,  se  forment  des  adjec- 
tifs féminins  fdle,  molle,  nouvelle,  belle. 

2°  Quand  radje;tif  Unit  par  un  é  fermé,  la 
simple  addili(jn  de  ment  fait  l'adverbe.-  Aisé, 
déterminé,  privé,  sensé;  aisément,  déterminé- 
me.nt,  privément,  sensément,  etc. 

3"  <Miand  l'adjectif  linil  par  une  consonne  au 
masculin,  l'adveriie  se  forme  de  la  terminaison 
féminine,  en  y  ajoutant  ment  :  fort,  franc,  doux, 
vif,  long,  heureux,  forment  de  leur  féminin, 
forte,  franche,  douce,  vive,  longue,  heureuse, 
les  adverbes  fortement,  franchement,  douce- 
ment, vivement,  longuement,  heureusement..  Il 
faut  en  excepter 5e/i<î7,(]ui  fait  gentiment,  parce 
que  le  l  ne  se  nrononcc  pas. 

4°  Les  adjectifs  terminés  en  ant  ou  ent  for- 
ment l'adverbe  en  changeant  ant  en  umment; 
et  ent  en  emment  :  feuillant,  élégant,  constant  ; 
vaillamment,  élégamment,  constamment.  Dili- 


FOK 

gent,  éloquent,  évident;  diligemment,  éloquem— 
ment,  évidemment.  H  faut  en  excc|)tcr  lent  et 
présent,  qui  forment  leurs  adverbes  en  ajoutant 
ment  à  leur  terminaison  féminine  :  Lentement, 
présentement. 

jSoiis  avons  donné  ici  ces  règles  des  forma- 
lions,  i>arce  qu'elles  se  trouvent  dans  la  plupart 
des  grammaires,  et  que  jdusieurs  granunairiens 
y  alïrtchenl  beaucoup  iriuiportancc.  Mais  nous 
ne  conseillons  ù  jjersoDue  d'en  embarrasser  sa 
mémoire. 

Formel,  Formelle.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Paroles  formelles,  termes  for- 
mels, texte  formel,  aveu  formel. 

L'Académie  n'a  pas  indi(iué  toutes  les  accep- 
tions de  ce  mol.  Il  signille,  (jui  est  revêtu  de 
toutes  les  formes  nécessaires  :  c'est  en  ce  sens 
qu'on  ilit  un  déinenti  formel;  qui  ordonne  ou 
qui  défend  une  action  de  la  manière  la  plus  exacte 
et  la  plus  précise  :  on  dit  en  ce  sens  la  loi  est 
formelle  ;  (|ui  n'a  de  rajijwrt  qu'à  la  forme  ou  à 
la  (jualilé  :  l'objet  formel  de  la  logique.  — Les 
théologiens  distinguent  le  formel  et  le  matériel 
d'une  action.  En  ce  sens,  il  est  substantif. 

FoKMELLEME.'^T.  Adv.  Il  pcul  ijuclquefois  se 
placer  entre  l'auxiliaire  et  le  parucii)e  :  Il  s'y 
est  opposé  formellement,  ou  U  s'y  est  formelle- 
ment opposé. 

Former.  "V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  le  sens 
d'instruire,  élever,  dresser,  il  se  dit  avec  le  seul 
régime  direct  :  Former  un  jeune  homme  ;  ou  bien 
il  régit  la  préposition  à  devant  les  noms  i;t  devant 
les  verbes  :  Former  un  jeune  homme  à  la 
vertu. 

Dans  l'ombre  du  secret,  depuis  peu  Médicis 
A  1»  fourbe,  au  parjure,  avait  formé  son  fils. 

(Volt.,  Henr.,  Il,  155.) 

Je  conviens  que  cela  les  forme  à  être  imperti- 
nents. (J.-J.  Rousseau.) 

L'Académie  dit  se  former  des  chimères;  mais 
on  dit  aussi  se  former  des  obstacles  : 

Ah  !  n«  nous  formons  point  ces  indignes  obstacles. 
(Rac,  Iphig.,  aci.  I,  se.  il,  97.  j 

Formidable.  Adj.  des  deux  genres.  11  i)eut  se 
mellre  avant  son  subst.  ,  lorsque  l'analogie  et 
riiarmonic  le  permettent  :  Une  armée  formidable, 
une  formidable  armée.  Il  régit  la  préposition  à. 
Féraud  dit  qu'il  n'en  a  guère  vu  d'exemples,  et 
n'en  cite  qu'un  seul  tiré  d'un  auteur  ([ui  ne  fait 
pas  autorité.  Racine  aurait  pu  le  tirer  d'em- 
barras : 

Aux  portes  de  Trézène,  et  parmi  ces  tombeaui. 
Des  princes  de  ma  race  antiques  sépultures, 
Est  un  temple  sacre  formidable  aux  parjures.     . 
[Phéd.,  act.  V,  se.  I,  64.) 

On  dit  aussi  en  prose  un  prince  formidable  à 
ses  voisins.  — En  1S35,  l'Académie  admet  ce  ré- 
gime. 

FonrdcATEUR.  Subst.  m.  Féraud  dit  qu'on  ne 
dit  point  firnicatrice  en  parlant  d'ime  femme. 
L'Académie  l'indique,  mais  n'en  doimc  point 
d'exemple.  H  parait  qu'il  ne  peut  point  y  avoir 
de  firnicaieur  sans  fornicatrice,  et  que  ce  fié- 
minin  est  indispensable 

FoRMCATioji.  Subst.  f.  Ce  mot,  dit  Voltaire, 

vient  du    mol   latin    fornix ,   petites   chambres 

I  voûtées,  dans  lesquelles  se  tenaient  les  lemnies 

I  publiques  à  Rome.  On  a  employé  ce  terme  pour 

!  signifier  le  «onunerce  des  personnes  libres;   il 


FOR 

n'est  point  irusage  dans  la  conversation,  et  n'est 
guère  reçu  aiijourd'liui  *iuc  dans  le  style  maro- 
tique.  La  dc'ccnce  l'a  banni  de  la  chaire.  Les 
casuisics  en  laisaienl  un  grand  usage,  et  le  dis- 
tinguaient en  plusieurs  csijéfcs.  On  a  traduit  par 
le  mot  /b;-«/c«/t()«  les  inlidélités  du  ]»cuplejuif 
pour  les  dieux  étrangers,  parce  que  chez  les 
propiictos,  ces  inlldclilcs  sont  iiy\)c\r(is,impii reiés , 
souilliuesA.'csl  parla  même  extensionqu'on  a  dit 
que  les  Juifs  avaient  rendu  aux  faux  dieux  un 
nommage  adultère. 

Fort,  Foute.  Adj.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  avant  son  subst,  en  consultant  l'iiarmo- 
nie  et  l'analogie  .•  Un  homme  fort.  Avoir  le  bras 
foi't,  la  711  II  in  fn rie.  Une  exprêssinn  forte,  une 
ville  forte,  une  /j/wce  forte.  Une  forte  pluie. 
une.  forte  iielcc,  une  forW,  doul-etir,  une  forte 
maladie.  Une  forte  inclination,  une  forte  pas- 
sion,  une  forte  impression. 

Se  faire  fort;  cette  expression,  dit  Voltaire, 
signifie  j'en  réponds,  je  |)ronds  sur  moi  l'enire- 
prisc,  je  nie  Halte  d'y  réussir.  Se  faire  fort  ne 
peut  être  em|)ioyé  qu'en  prose.  {Remarques  sur 
Corneille.)  —  Dans  cette  expression,  fort  est 
invariable.  Une  l'eniuie  dira  je  me  fais  fort,  et 
non  pas  forte;  et  au  pluriel  ou  dira  î7s  se  font 
fort,  et  non  pas  ils  se  font  forts. 

Onilii  il  est  fort  de  votre  faiblesse,  ils  sont 
forts  de  nos  divisinns.  L'Académie  n'indique 
point  ces  expressions  : 

Je  m'altacliais  sans  crainte  à  servir  la  princesse. 
Fier  de  mes  clieveui.  l)lancs,  et  fort  de  ma  faiblesse. 
(Corn.,  Pulchérie,  act.  II,  se.  I,  89.) 

Les  Turcs  encore  forts  de  nos  divisions. 

(VOLTAIRB.) 

Quelques-uns  disent  cela  est  fort  de  café,  cela 
est  fort  d' eau- de-vie  ;  son  style  est  fort  d'esprit, 
ce  discours  ect  fort  de  raisonnement.  Ces  ex- 
pressions ne  sont  guère  tolérées  ((ue  dans  la  con- 
versation. —  «  Isotre  temps  est  celui  des  discours 
forts  de  choses,  et  il  n'«!st  [)ersonne  entre  nous 
qui  n'ait  eu  le  bonheur  d'entendre  quelque  part 
des  avocats  fortj  de  la  vérité  de  leurs  moyens, 
et  des  orateurs  forts  de  lu  pureté  de  leur  con- 
science. Ce  style  n'est  pas  fort.  »  (Gb.  Nodier, 
Examen  critir/t/e  des  Dict.) 

FoKT.  Adv.  il  se  met  avant  les  adjectifs  et  les 
adverbes  «lu'il  modifie:  Fort  beau,  fort  aimable, 
fort  heureusement;  et  après  le  verbe,  ou  entre 
l'auxiliaire  cl  le  participe  :  lia  frappé  fort,  il 
itCa  fort  diverti. 

Foi'.TEME.NT.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  [larticipc:  Il  a  parlé  fortement,  il  a 
fortement  appuyé  sur  cette  condition. 

For■TlFIA^T,  For.TiFu.NTf;.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  fortifier.  11  ne  se  met  qu'après  sim  subst. 

FoniL'iT,  Fortuite.  Adj.  11  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Cas  fortuit,  rencontre  fortuite,  évé- 
nement fortuit. 

Fortuitement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Je  Vai  rencontré  fortuitement.  Cela  est  arrivé 
fortuitement. 

FoRTCNK.  Subst.  f.  Ce  mot  se  prend  pour  tous 
les  événements  heureux  ou  malheureux  de  la  vie. 

Vous  avez  entendu  sa  fortune. 

(Rac,  Àth.,  act.  H,  se.  VII,  43.) 

Celle  expression  est  hardie.  En  prose,  elle  ne  se- 
rait point  reçue.  Voltaire  a  dit  {Zaïre,  act  II, 
se.  m,  12i)  : 


FOU 


307 


Toi  qui  seul  as  conduit  sa  fortune  et  la  mienne. 

Mon  Dieu  qui  mêla  rends,  me  la  rendi-lu  chrétienne  t 

Hors  de  l'ordre  commun  il  nous  fait  des  fortunée. 
(Conpt.,  Hor.,  act.  11,  .•se.  ni,  14  ) 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Ce  mot  d» 
fortunes  au  pluriel  ne  doit  jamais  être  employ», 
sans  épithéte  :  Bonnes  et  mauvaises  fntunes 
fortunes  diverses,  mais  jamais  des  fortunes. 
{Remarques  sur  Corneille.)  Voltaire  a  employé 
ce  mot  fortunes  au  pluriel,  sans  l'accompagner 
d'une  épithéte;  il  a  dit  dans  OEdipe  (act.  V, 
se.  Ji,  79)  : 

A  vous  qui  présidez  aux  fortunes  des  rois. 

^lais  des  rois,  qui  suit  ici  fortunes,  donne  à  ce 
mol  un  sens  déterminé. 

Je  le  vois  éprouvant  des  fortunes  diverses. 
Trop  fier  dans  ses  succès,  mais  ferme  en  ses  traverses. 
(Volt.,  Uenr.,  VII,  360.) 

Ce  mot  se  construit  sans  article  avec  jdusieurs 
veri)es:  Chercher  fortune,  faire  fortune,  tenter 
fortune,  courir  fortune,  etc.  \'oye/.  Fatalité. 

Fortuné,  Fortunée.  Adj.  11  peut  (juclquefois 
se  mettre  avant  son  subst.  :  Un  prince  fortuné, 
un  amant  fortuné  ;  ces  fortunés  amants  ;  ce  fut 
pour  nous  un  fortuné  présar/e. 

Fou,  Folle.  Adj.  \oyez  Fol. 

Foudre.  Subst.  On  r"em|)loie  tantôt  au  mascu- 
lin, tantôt  au  féminin.  Ménage  et  Bouhour.s  di- 
sent qu'on  le  fait  plus  souvent  féminin  au  propre; 
et  inascjilin  au  ligure.  Cette  remarque  parait 
juste  :  Etre  frappé  de  lu  foudre,  l'éclat  de  la 
f  udre. 

Mais  du  jour  importun  les  re^'ards  éblouis 
Ne  distinguèrent  point,  au  fort  de  la  tempête. 
Les  foudres  menaçants  qui  çn'ndaieut  sur  sa  têto 
(Volt.,  Uenr.,  111,  102.) 

Allez  vaincre  l'Espagne,  et  songez  qu'un  grand  homme 
Ne  doit  point  redouter  les  vains  foudres  de  Rome. 
{Idem,  111,  39b.) 

Avec  plus  d'art  encore,  et  plus  de  barbarie, 
Dans  des  antres  profonds  on  a  su  renfermer 
Des  foudres  souterrains,  tout  prêts  à  s'allumer. 
{Idim,  VI,  204.) 

Voltaire  a  dit  la  foudre  dans  le  sens  figuré,  ou 
plutôt  dans  un  sens  étendu.  [Sémirumis,  act. 
II,  se.  1,6): 

Vou.'i  seuls  portant  la  foudre  au  fond  de  leurs  déserts. 

Voyez  Genre. 

Foudre  diffère  de  tonnerre,  I"  en  ce  que  le 
premier  ne  se  dit  guère  que  de  la  matière  en- 
flammée qui  s'échajipe  des  nues;  au  lieu  i|ue  le 
second  se  dit  aussi  de  cette  même  matière,  en 
tant  ([u'elle  roule  avec  bruit  au  dedans  des  nua- 
ges. Ainsi  l'on  Ci\l  j'ai  entendu  plusieurs  coups 
de  tonnerre,  plutôt  <iue  j'ai  entendu  plusieurs 
coups  de  foudre.  2"  Foudre  s'emploie  souvent  au 
figuré,  et  tonnerre  toujours  au  propi'e.  On  dit  un 
foudre  de  nuerre,  un  foudre  d'éloquence,  les  fou- 
dres de  l'Efflise,  etc. 

Foudroyant,  Foudroyante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  foudroyer.  Comme  ce  mot  est  surtout  usité  en 
poésie,  on  le  met  quelquefois  avant  son  subst.  : 
Son  regard  foudroyant,  son  foudroyant  regard. 

Foudroyer.  ^.  a.  de  la  1'"  coiij.  Il  se  con- 
jugue comme  employer.  Voyez  ce  mol.  Si  l'on  en 


308 

croit  l'Académie,  il  ne  se  dit  au  propre  que  de  la 
foudre,  des  canons  et  des  mortiers.  Delille  lui  a 
donné  plus  d'étendue.  {Éntid.,  IX,  H8l>.) 

Acharné  sur  sa  proie .  .  . 
Le  terrible  Mnestbée  i  grands  coups  le  foudroit. 

Fouetter.  V.  a.  de  la  1"  conj  Voyez  Flagel- 
ler. 

FocciELx,  FoLGCEisE.  Adj.  11  pcul  sc  placer 
quelquefois  avant  son  subsl.,  en  consullant  l'o- 
reille cl  l'analogie  :  Un  homme  fougueux,  un 
clieval  fougueux,  un  caractère  fou,ucux,  un 
fougueux  caractère,  un  fougueux  aquilon. 

Foulant,  Foulante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
fouler.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  :  Une 
pompe  foulante. 

Foule.  Subsl.  f.  L'Académie  dit  que  foule  se 
prend  quelquefois  pour  oppression  ,  vexation  : 
Les  privilèges  tendent  à  la  foule  des  citoyens,  de 
l'État,  de  la  province.  —  Il  ne  faut  admettre  ni 
celle  acception,  ni  cet  exemple.  On  ne  dit  pas  la 
foule  du  peuple,  la  foule  des  citoyens,  la  foule 
de  l'État,  pour  signifier  l'oppression  du  peuple, 
des  citoyens,  de  l'État;  mais  on  dil  bien  fouler  le 
peuple,  pour  dire  l'opprimer. 

Foule  se  dil  d'une  multitude  de  personnes  qui 
se  pressent,  qui  s'cnlre-poussenl.  Lorsque  ce  mot 
est  suivi  d'un  autre  substantif,  le  verbe  suit  le 
nombre  de  ce  dernier  subsianlif;  il  se  met  au 
singulier  s'il  est  au  singulier,  au  pluriel  s'il  est  au 
pluriel:  Une  foule  de  monde  y  accourut,  u?ie 
foule  de  personnes  y  accoururent. 

Du  temps  de  Corneille,  on  disait  à  la  foule  : 

Les  Farthes  à  la  foule,  aux  Syriens  mêlés. 

{Rodog.,  act.  Y,  sc.  il,  15.) 

J  la  foule  ne  se  dit  plus;  on  dit  aujourd'hui  en 
foule  : 

Les  morts  jonchent  en  ^ouîeet  les  profanes  lieux 
Et  des  temples  sacrés  le  seuil  religieux. 

(Dblil.,  Éneid.,  II,  4S3.) 

Fouler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  lit  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Académie  :  On  dit  figurément 
fouler  aux  pieds,  pour  dire  traiter  avec  mépris  : 
Un  vrai  chrétien  foule  aux  pieds  les  vanités  du 
monde  ;  il  foule  aux  pieds  toutes  les  lois.  Vol- 
taire a  donné  à  ce  mol  une  acception  un  peu 
différente  : 

Des  prêtres  fortunés  foulent  d'un  pied  tranquille 
Les  tombeaux  de  Caton  et  la  cendre  d'Emile. 

(Uenr.,  IV,  183.) 

Fourbe.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Un  homme  fourbe,  une 
femme  fourbe. 

Fourchu,  Fourchue.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subsl.  :  Arbre  fourchu,  nunton  fourchu, 
chemin  fourchu,  barbe  fourchue. 

Fournaise.  Subsl.  f.  Espèce  de  four  où  l'on 
pourraitallumer  un  grand  feu.  JS'ous  ne  connais- 
sons plus  de  fiurnaise,  et  ce  mot  n'est  guère  em- 
ployé que  dans  ces  phrases  et  quelques  autres  : 
Lame  s'épure  dans  l'adversité  comme  le  métal 
dans  la  fournaise;  les  trois  en  faits  delà  four- 
naise. 

Fournil.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  point  le  l. 

Fourrer.  V.  a.  de  la  1"'  conj.  Cette  expression 
D'est  que  du  style  très-familier. 


FRA 

Fourvoyer.  V.  a.  de  lai"  conj.  Il  se  conju- 
gue comme  employer. 

Fragili;.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut,  en 
consullant  l'harmonie  cl  l'analogie,  le  mettre 
avant  son  subsl.:  Un  vaisseau  fragile,  une  for- 
tune fragile,  des  grandeurs  fragiles,  tin  hovime 
fragile  ;  la  nature  est  fragile;  de  fragiles  gran- 
deurs, ces  fragiles  avantages. 

On  apiMille  fragiles  les  corps  dont  les  parties  se 
séparent  facilement  les  unes  des  autres  par  le 
choc.  Ils  différent  des  corps  vious  en  ce  que 
dans  ceux-ci  les  parties  se  déplacent  par  le  choc, 
sans  se  séparer  ni  se  rétablir;  des  corps  élasti- 
ques, en  ce  (lue  les  parties  se  déplacent  dans  ces 
derniers  jiour  se  rétablir  ensuite;  et  des  corps 
durs,  en  ce  ([ue  les  parties  ne  se  déplacent  i)as 
dans  les  corps  de  celle  dernière  espèce.  —  On  dit 
ligurémenl,  une  fortune  fragile,  lu  chair  est  fra- 
gile, etc.  On  appelle  fragiles  les  malheureux  en- 
irainés  plus  fréipiemmeiu  que  les  autres  au  delà 
de  leurs  principes  par  leur  lompérament  et  par 
leurs  goijls.  Vhonivie  fragile  diffère  de  l'homme 
faible  en  ce  (luc  le  premier  cède  à  son  cœur,  à 
ses  penchants,  et  l'homme  faible  à  des  impulsions 
élrangères.  La  fragilité  su|)pose  des  passions  vi- 
ves, et  la  faiblesse  suppose  l'inaction  et  le  vide  de 
l'àine.  L'Iiomme  fragile  pèclie  contre  ses  princi- 
pes, et  l'homme  faible  les  abandonne,  il  n'a  que 
des  opinions,  l.^hoinmç.  fragile  est  incertain  de  ce 
qu'il  fera,  et  l'homme  faible  de  ce  qu'il  veut. 

Fraîchement.  Adv.  l)ans  le  sens  de  récemment, 
il  peut  se  mettre  enire  l'auxiliaire  et  le  participe  : 
//  est  fraîchement  arrivé. 

Fraîcheur.  Subst.  f.  Ce  mot  ne  se  dit  pas  dans 
toutes  les  significations  de  l'adjectif  frais.  On  dil 
la  fraîcheur  du  temps,  la  fraîcheur  des  bois,  la 
fraîcheur  de  la  nuit;  la  fraîcheur  du  teint,  la 
fraîcheur  d'une  rose,  la  fraîcheur  d'un  ajuste- 
ment; maison  ne  dil  pas  la  fraîcheur  des  trou- 
pes, en  parlant  des  troupes  délassées,  ni  la  fraî- 
cheur d'une  date,  comme  on  dit  de  fraîche  date, 
ni  la  fraîcheur  du  pain,  comme  on  dit  du  pain 
frais. 

Frais,  Fraîche.  Adj.  Il  se  met  ordinairement 
après  son  subst.  Quelquefois  cependant  on  peut 
le  faire  précéder.  L'Académie  dil  de  fraîche  date, 
u7i  vent  frais,  une  matinée  fraîche;  de  l'eau 
fraîche,  un  œuf  frais,  du  pain  frais.  —  Frais, 
subslanlivemeni,se  dil  d'une  iem[)éralure  fraîche: 
Prendre  le  frais.  Dans  ce  sens,  il  ne  s'emploie 
qu'au  singulier. 

Frais.  Subsl.  m.  qui  signifie  dépense,  dépens. 
11  n'a  point  de  singulier. 

Franc,  Franche.  Adj.  Le  c  ne  se  prononce  au 
masculin  que  devant  une  voyelle  :  Franc  arbitre. 
Dans  certains  cas,  il  se  mei  avant  son  subst.,  et 
surtout  dans  le  sens  de  vrai  :  Un  franc  animal, 
une  franche  coquette,  un  franc  sot,  un  franc pé- 
dant. — On  dit  aussi  avoir  son  franc  parler. 

Franc.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le  verbe  :  Il 
m'a  parlé  franc. 

Franc-alleu,  Franc-funin,  Franc-maçon,  etc. 
Ces  mois  étant  composés  d'un  adjectif  el  d'un 
substantif,  l'un  el  l'autre  doit  prendre  la  marque 
du  pluriel  :  Des  francs-alleux,  des  francs-fu- 
nins,  des  francs-maçons,  etc. 

Franchement.  Adv.  On  pcul  le  mellre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe.  On  dil  il  a  franche- 
ment  avoué  sa  faute  ;  mais  on  ne  dirait  pas  */ a 
franchement  parlé.  11  faut  dire  il  a  parlé  fran- 
cheinent.  Quelquefois  aussi  il  se  met  au  com- 
mencement de  la  phrase  en  guise  d'inlerjeclion  : 


FRA 

Franchement,  vous  ne  pouvez  approuver  sa  con- 
dmte. 

Franchise.  Subst.  f.  Mot  qui  donne  toujours 
une  idée  de  liberlo  dans  (lucliiuo  sens  (ju'on  le 
prenne;  mot  venu  des  Francs,  nui  étaient  libres. 
Il  est  si  ancien  que  loisinie  le  Cid  a■^siL'gea  et  prit 
Tolède,  au  onzièuie  siècle,  on  donna  des  fran- 
chies ou  franchises  aux  Français  qui  étaient  ve- 
nus à  cette  expédition,  et  qui  s'établirent  à  To- 
lède. Toutes  les  villes  inuréos  avaient  des  fran- 
chises, des  libertés,  des  privilèges,  jusque  dans  la 
plus  grande  anarchie  du  pouvoir  féodal.  Dans 
tous  les  pays  d'étals,  le  souverain  jurait  à  son 
avènement  de  garder  leurs  franchises. 

Ce  nom,  qui  a  été  donné  généralement  aux 
droits  des  peujilcs,  aux  imnuinitcs,  aux  asiles,  a 
été  plus  parliculicreinentalTeclé  aux  quaniersdes 
ambassaileurs  à  l\ome.  C'était  un  terrain  autour 
des  palais;  et  ce  terrain  était  plus  ou  moins  grand, 
selon  la  volonté  de  l'ambassadeur.  Tout  ce  ter- 
rain était  un  asile  aux  criminels;  on  ne  pouvait 
les  y  poursuivre.  Cette  franchise  fut  restreinte 
sous  Innocent  XI  à  l'enceinte  des  palais.  Les  égli- 
ses et  les  couvents  en  Italie  ont  la  incme  franchise, 
et  ne  l'ont  point  dans  les  autres  États.  Il  y  avait 
autrefois  dans  Paris  plusieurs  lieux  de  franchise, 
où  les  débiteurs  ne  pouvaient  être  saisis  |)our 
leurs  dettes  par  la  justice  ordinaire,  et  où  les 
ouvriers  pouvaient  exercer  leurs  métiers  sans 
être  passés  maîtres.  Les  ouvriers  avaient  cette 
franchise  dans  le  faubourg  Saint-Antoine;  mais 
ce  n'était  pas  un  asile  comme  le  Temple. 

Cette  franchise  qui  exprime  ordinairement  la 
liberté  d'une  nation,  d'une  ville,  d'un  corps,  a 
bientôt  après  signifié  la  liberté  d'un  discours., 
d'un  conseil  qu'on  donne ,  d'un  procédé  dans 
une  affaire;  mais  il  y  a  une  grande  nuance  entre 
parler  avec  franchise  et  parler  avec  liberté. 
Dans  un  discours  à  son  supérieur,  la  liberté  est 
une  hardiesse  ou  mesurée  ou  trop  forte;  la 
franchise  se  tient  \>\iis  dans  les  justes  bornes,  et 
est  accompagnée  de  candeur.  Dire  son  avis  avec 
liberté,  c'est  ne  pas  craindre;  le  dire  avec  fran- 
chise, c'est  se  conduire  ouvertement  et  noble- 
ment. Parler  avec  trop  de  liberté,  c'est  marquer 
de  l'audace;  parler  arec  trop  de  franchise,  c'est 
trop  ouvrir  son  cœur.  (Volt.,  Dict. philos.) 

Franciser.  V.  a.  de  la  J"conj.  Donner  une  ter- 
minaison, une  inflexion  française  à  un  mot  d'une 
autre  langue. 

Frappant,  Frappante.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  spectacle  frappant,  une 
vérité  frappante  ;  xm  portrait  frappant  de  res- 
semblance. 

Frapper.  "\".  a.  et  n.  delà  1"  conj.  Voici  quel- 
ques emplois  de  ce  mot  qui  ne  sont  point  indi- 
qués dans  le  Dictionnaire  de  V Académie  : 

Mon  cœur  désespéré  se  soumet,  s'abandonne 
Aux  volontés  d'un  Dieu  qui  frappe  et  qui  pardonne. 
(Volt.,  Alz.,  act.  V,  se.  vu,  65.) 

II  se  sentait  frapptr  d'une  main  invisible. 

(YoLT.,  Ilenr.,  111,27.) 


Ils 


frappent  à  présent  des  coups  en  l'air; 
mais  que  serait-ce  si  la  fureur  était  animée 
par  la  présence  d'un  ennemi?  (Montesquieu, 
Lettres  persanes.) 

Nc'js  l'avons  vue, 
Un  poignard  à  la  main,  sur  Pyrrhus  se  courber, 
Lever  les  yeui  au  ciel,  se  frapper  et  tomber. 

(Ric,  Androm.,  act.  V,  se.  V,  28.) 


FRÊ  509 

Fraternel,  Fraternelle.  Adj.  On  peut  quel 
qucfois  le  mettre  avant  son  subst.,  lors(iue  l'a- 
nalogie et  l'harmonie  le  permettent  :  Amour  fra- 
ternel, amitié  fraternelle,  union  fraternelle  ; 
cette  fraternelle  amitié,  ce  fraternel  amour, 
cette  fraternelle  union- 

FnATEiiNELLKMEM.Adv.  Il sc  luct aprèslc  vcrbe  1 
Ils  ont  toujours  vécu  fraternellement,  et  non 
pas  fraternellement  vécu. 

Fratricidk.  Subst.  m.  Vaugelas  dit  que  l'on 
peut  appliquer  le  nom  de  parricide  a  celui  qui 
tue  son  frère  ou  sa  sd'ur  comme  à  celui  qui 
tue  son  père  ou  sa  mère.  On  le  peut  en  effet; 
mais  quand  il  s'agit  de  distinguer  clairement  le 
genre  du  crime,  fratricide  est  utile,  et  doit  être 
employé. 

FRAODULEtsEMENT.  Adv.  Il  Se  mct  après  le 
verbe. 

Fr-AtnnLEUx,  Frauduleuse.  Adj.  Il  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subst.  :  Contrat  frauduleux, 
traité  frauduleux,  banqueroute  frauduleuse. 

Frayer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  Payer.  Au  propre,  il  se  dit  d'une  route, 
d'un  chemin.  Celui  (jui  fait  les  premiers  pas  ou- 
vre la  route,  ceux  qui  le  suivent  la  fraient.  Une 
route  frayée,  ou  qui  a  déjà  été  fréiiuentée,  c'est 
la  même  chose. 

Frein.  Subst.  m.  C'est  la  même  chose  que 
mors.  On  dit  qu'wt  cheval  ronge  .son  frein,  et 
non  pas  (\\i'il  ronge  son  viors  ;  qu'iZ  prend  le 
mors  aux  dents,  et  non  pas  (\n^ il  prend  le  frein 
aux  dents.  —  Dans  la  dernière  édition  de  son 
Dictionnaire,  l'Académie  donne  pour  exemple:  Un 
cheval  qui  s'emporte  et  qui  prend  le  frein  aux 
dents;  mais  elle  ajoute  que,  dans  cette  phrase,  on 
dit  plus  ordinairement  le  mors.  —On  dit  mettre 
un  frein  à  ses  désirs,  à  ses  passions. 

Mettre  un  frein  à  son  luxe,   i  son  ambition. 

(Boit.,  Sar.  X,  552.) 

L'Académie  dit  seulement  mettre  un  frein  à  sa 
laîigue. 

Frêle.  Adj.  des  deux  genres  II  se  met  sou- 
vent avant  son  subst.  :  Une  santé  frêle,  un 
corps  frêle  ;  un  frêle  roseau,  un  frêle  appui, 
un  fiele  vaisseau,  un  frêle  avantage .  Les  Ty- 
riens  furent  les  premiers  qui  osèrent  se  mettre 
dans  un  frêle  vaisseau,  à  la  merci  des  vagues 
et  des  tempêtes.  (Féiiel.,  Télém.,  liv.  III,  t.  i, 
p.  ■134.)  Voye?.  Adjectif. 

Frémir.  V.  n.  de  la  2"=  conj.  Ce  mot  est  em- 
ployé dans  des  acceptions  très-variées  : 

Mais  autant  que  ton  âme  est  bienfaisante  et  pure, 
Autant  leur  cruauté  fait  frémir  la  nature. 

(Volt.,  AU.,  act.  II,  se.  n,  45. 

Son  lulli  harmonieux  qu'accompagne  sa  voix, 
Ou  frémit  sous  l'archet  ou  parle  sous  ses  doigts. 
(Dblil.,  Énéid.,  VI,  8G5. 

.  .  L'airain  menaçant  frémit  de  toutes  parts. 

(Rlc,  Ath.,  act.  IV,  se.  v,  2  ) 

Frénétique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  frénétique. 

Fréquemment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  lui  est  arnvé 
fréquemment, owcela  luiestfréi/uemment  arrivé. 

Fréquent,  Fréquente.  Adj.  Il  se  met  souvent 
avant  son  subst.  :  Des  lettres  fréquentes;  des 
visites  fréquentes  ,  de  fréquentes  visites;  un 
usage  fréquent,  un  fréquent  usage.  Voyca  Ad- 
jectif. 


3J0 


IRE 


Fréqcentatif,  Frkqdehtative.  Atlj.  Terme  Ao 
grammaire.  On  apitcWc  fréquentatifs  les  verbes 
dérives  d;ins  lesquels  l'idée  primitive  est  modiliée 
par  une  idée  accessoire  de  répétition.  Il  y  a  en 
français  trois  sortes  de  fréqucnlalifs  diflércuts 
les  uns  des  autres,  et  par  la  différence  de  leurs 
terminaisons,  et  par  celle  de  leur  origine.  Les  uns 
sont  .inturrls  à  cette  langue,  d'autres  y  ont  été 
faits  à  i'inutaiion  de  l'analogie  latine,  et  les  au- 
tres enlin  y  sont  étrangers,  et  seulement  assujettis 
à  la  terminaison  française.  I.a  plupart  de  ceux 
des  deux  premières  espèces  ne  s'emploient  guère 
que  dans  le  style  familier. 

Les  l'rcqiienlalifs  naturels  à  la  langue  française 
lui  vieiiMcMl  do  son  pro[irc  fonds,  cl  sont  en  gé- 
néral termines  en  ailler.  Tels  sont  les  verbes 
criailler,  tirailler,  ()ui  ont  jjour  primitifs  crier, 
tirer,  et  (jui  répondent  aux  fréquentatifs  latins 
clainitare,  Iractare.  On  y  aperçoit  sensiblement 
l'idée  accessoire  de  répétition,  de  même  que  dans 
brailler,  cpii  se  dit  plus  parliculiéreuient  des 
hommes,  et  dans  piailler,  qui  s'applique  plus 
parliculiéiemeiit  aux  l'ennnes.  Mais  elle  est  encore 
plus  marqué'e  dans  ferrailler,  qui  ne  veut  dire 
autre  chose  que  mettre  souvent  le  fera  la  main. 

Les  IVcqnenialifs  français,  faits  àl'imilation  de 
l'analogie  launo,  sont  dos  [iriuiitifs  français  aux- 
quels on  a  donné  vine  inflexion  ressemblanle  à 
celle  des  fréiiuenlatifs  latins.  Cette  inflexion  est 
oier,  et  désigne,  comme  le  tare  des  latins,  l'idée 
accessoire  de  répétition,  comme  dans  crac/to/er, 
clig noter,  cliuclivter,  qui  ont  pour  correspondants 
en  latin  sputare,  nictarc,  mvssitare. 

Les  lVé(|uenlatifs  étrangers  dans  la  langue  fran- 
çaise lui  viennent  de  la  langue  latine,  et  ont  seu- 
lement pris  un  air  français  par  la  terminaison 
er;  tels  sont /iftiiVer,  dicter,  apiier,  qui- ne  sont 
que  les  fréquentatifs  latins  habitare,  dictare, 
agilare. 

Fréquentation.  Subst.  f.  Ce  substantif  a  un 
sens  passif.  Il  se  dit  des  personnes  qu'on  fré- 
quente, et  non  pas  des  personnes  qui  fréquen- 
tent :  La  fréquentation  des  bonnes  compagnies, 
la  fréquentation  des  libertins. 

Fréquenter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'idée  pré- 
cise de  fréquenter  est  celle  de  concours,  d'al- 
fluence;  l'idée  distincte  de  hanter,  celle  de  so- 
ciété, de  compagnie.  Rigoureusement  parlant, 
c'est  la  multitude  qui  fréquente,  et  elle  fréquente 
des  licu.v,  des  places  ;  ce  sont  des  particuliers 
qui  hantent,  et  ils  hantent  des  personnes,  des 
assemblées.  On  fréquente  un  lieu,  quel  qu'il 
soit  ;  on  hante  \>\o\)VCi\\ca\.des  lieux  d'assemblées, 
les  églises,  les  cabarets. 

Je  ne  remarque  pas  qu'il  hante  les  églises. 

(Mol.,  Tartufe,  ad.  II,  se.  ii,  86.) 

On  dit  bien  avec  l'Académie ,  dans  un  sens 
neutre,  fréquenter  chez  quelquhin,  fréquenter 
dans  la  maison  de  quelqu'un.  Boileau  a  dit  (A. 
P.  Il,  17d)  : 

Heureux  si  ses  discours,  crainls  du  chaste  lecteur, 
Ne  se  sentaient  des  lieux  où  fréquentait  l'auteur. 

Mais  nous  ne  croyons  pas  qu'on  puisse  dire  avec 
cette  même  Actidémie,  fréquenter  avecquelqu'un, 
fréquenter  avec  les  héi'éîiques. 

Fresque.  Subst.  f.  On  appelle  peindre  à  fres- 
que l'opération  par  laquelle  ou  emploie  des  cou- 
leurs détrempées  avec  de  l'eau,  sur  un  enduit 
assez  frais  pour  cire  pénétré.  En  italien,  on  ex- 
prime cette  façon  de    peindre   par  ces  mots  : 


FRI 

dipingere  à  fresco,  peinilre  à  frais.  C'est  de  là 
que  s''jst  formée  une  dénomination  qui,  dans 
l'ortliograplie  française,  semble  avoir  moins  de 
rapport  avec  l'ojjeration  qu'avec  le  mot  italien 
dont  elle  est  empruntée. 

Frétillant,  Frétillante.  Adj.  verbal  lire  du 
V.  frétiller.  Il  ne  se  met  guère  qu'après  son 
subst. 

Friand,  Friande.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Un  homme  friand,  une  femme  friande  ;  avoir  le 
goût  friand. —  Un  friand  Morceau. 

Fricasser.  V.  a.  de  la  1"=  conj.  Voltaire  s'est 
servi  de  ce  mot  en  parlant  de  richesse.  Il  a  dit 
fricasser  huit  vnllions  au  lieu  de  manger  huit 
millions  :  Mon  émerreillement  dure  toujours, 
que  le  fils  de  Samuel  Bernard  nous  ait  fut  ban- 
queroute, et  qu'Hait  trouvé  le  secret  de  fricas- 
ser huit  millions  obscurément  et  sans  plaisir. 
{Lettre  à  M.  le  comte  d'Argenlal,  15  mail75S.) 
— L'expression  est  un  peu  basse. 

FniLEtjx,  Frileusk.  Adj.  (]ui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  frileux,  une  femrne 
frileuse. 

Fringant,  Fringante.  Adj.  (pii  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  fringant,  une  femvie 
fringante,  un  air  fringant. 

Fripon,  Friponne.  Sulisl.  qui  se  prend  adjec- 
tivement. Comme  adjectif,  il  se  met  a|)rés  son 
subst.  :   Un  air  fripon,  une  mine  friponne. 

Frire.  V.  a.  et  défectueux  de  la  4«  conj.  Voici 
comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif. — Présent.  Je  fris,  tu  fris,  il  frit; 
poiiit  de  pluriel. — Point  d'imparfait  ni  de  passé 
simple. — Futur.  Je  frirai,  tu  friras,  il  frira  ;  nous 
frirons,  vous  frirez,  ils  friront. 

Conditionnel. — Présent.  Je  frirais,  tu  frirais, 
il  frirait;  nous  fririons,  vous  fririez,  ils  friraient. 

Impératif. — Présent.  Fris;  le  reste  manque. 

Subjonctif. — Manque. 

Participe.  —  Présent,  manque. —  Passé.  Frit, 
frite. 

On  dit  fi-ire  à  rinlinilif  ;  et  les  temps  compo- 
sés se  forment  avec  l'auxiliaire  avoir. 

Frivole.  Adj.  des  deux  aenres.  On  peut  le 
mettre  avant  sou  subst.  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Une  raison  frivole,  un  argument 
frivole,  %in  discours  frivole;  un  frivole  espoir, 
une  excuse  frivole,  tine  frivole  excuse. 

Il  se  dit  (les  personnes  cl  des  choses.  Les  ob- 
jets sont  frivoles  quand  ils  n'ont  i)as  nécessaire- 
ment rapport  au  bonheur  et  à  la  perfection  de 
notre  être.  Les  hommes  sont  frivoles  (juand  ils 
s'occupent  sérieusement  de  choses  frivoles,  ou 
quand  ils  traitent  légèrement  des  objets  sérieux. 
On  est  frivole  parce  qu'on  n'a  pas  assez  d'éten- 
due et  de  justesse  dans  l'esprit  pour  mesurer  le 
prix  des  choses,  du  temps,  de  son  existence.  On 
est  frivole  par  vanité  lorsqu'on  veut  plaire  dans 
le  monde  où  l'on  est  emjjorlc  par  l'exemple  et 
par  l'usage;  lorsqu'on  adopte  par  faiblesse  les 
goûts  et  les  idées  du  plus  grand  nombre;  lors- 
qu'en  imitant  et  en  répétant  on  croit  sentir  et 
penser.  On  est  frivole  lorsqu'on  est  sans  passions 
et  sans  vertus;  alors,  pour  se  délivrer  de  l'eimui 
de  chaque  jour,  on  se  livre  chaque  jour  à  quel- 
que amusement,  qui  cesse  bientôt  d'en  être  un; 
on  se  recherche  sur  ses  fantaisies,  on  est  avide 
de  nouveaux  objets,  autour  desiiuels  l'esprit  vole 
sans  méditer,  sans  s'éclairer;  le  creur  reste  vide 
au  milieu  des  spectacles,  de  la  philosophie,  des 
maîtresses,  des  affaires,  des  beaux-arts,  îles  sou- 
pers, des  amusements,  des  favx  devoirs,  des  dis- 


FRO 

sertations,  des  bons  mots,  et  quelquefois  des 
belles  ae  lions. 

Froc.  Subsl.  m.  On  prononce  le  c. 

Froid,  Froide.  .Adj.  On  iieul  le  mettre  avant 
son  subsl.,  si  l'analogie  et  i'iiarmonic  le  permet- 
tent :  Pays  froid,  climat  froid,  temps  froid.  — 
Tempéra  m  eut  froid,  cerveau  froid. —  Un  homme 
froid,  un  style  froid.  Un  froid  discours,  de  froi- 
des plaisanteries,  une  froide  raillerie,  de  froides 
caresses.  "Voyez  Adjectif. 

On  dit  qu'un  morceau  de  poésie,  d'éloquence, 
de  musique,  qu'un  tableau  même  est  froid,  quand 
on  altend  dans  ros  ouvrages  une  expression  ani- 
mée qu'on  n'y  trouve  pas.  Les  autres  arts  ne  sont 
pas  si  susceptibles  de  ce  défaut.  Ainsi  l'arciiilec- 
ture,  la  géométrie,  la  logique,  la  inctapbysi(]ue, 
tout  ce  qui  a  pour  unique  mérite  la  justesse,  ne 
peut  être  ni  échauffé  ni  refroidi. 

Dans  la  poésie,  dans  l'éloquence,  les  grands 
mouvements  des  passions  deviennent  froids  (juand 
ils  sont  exprimés  en  termes  trop  communs  et  dé- 
nués d'imagination.  C'est  ce  qui  fait(]ue  l'amour, 
qui  est  si  vif  dans  Racine,  est  languissant  dans 
Campistron,  son  imitateur. 

Les  sentiments  qui  échappent  à  une  âme  qui 
veut  les  cacher  demandent  au  contraire  les  ex- 
pressions les  i)lus  simples.  Hien  n'est  si  vif,  si 
animé  que  ce  vers  du  Cid  (act,  III,  se.  iv,  115)  : 

Va,  je  ne  te  tiais  point...  je  le  dois...  je  ue  puis. 

Ce  sentiment  deviendrait  froid,  s'il  était  relevé 
par  des  termes  étudiés.  {\oh.,  Bictionn.  philos.) 
Voyez  Ampoulé. 

Froid,  Frais,  Froideur,  Froidure.  Froid,  dit 
la  Grammaire  des  Grammaires ,  est  op|)Osé  à 
chaud  ;  c'est  un  cor|)S  privé  de  chaleur.  Frais 
tientle  milieu  entre  \e  froid  et  le  chaud,  mais  en 
sorte  pourtan-  que  le  froid  est  plus  sensible  que 
le  chaud.  Froideur  est  la  qualité  de  ce  (pii  est 
froid.  On  dit  la  froideur  de  l'eau,  du  marbre, 
du  temps,  de  la  vieillesse.  Froidure  signifie  le 
froid  répandu  daijs  l'air,  et  ne  se  dit  cju'au  pro- 
pre :  La  froidure  règne  dans  les  lieux  situes 
vers  le  septenti-ion. 

On  se  sert  de  ce  mot  pour  signifier  l'hiver; 
mais  en  ce  sens  il  n'est  d'usage  (pi'en  poésie. 

Nous  observerons  sur  ces  décisions  i]ue  froid 
n'est  pas  un  corps  privé  de  chaleur,  mais  qu'il  se 
dit  d'un  corps  privé  de  chaleur;  et  que  frais  se 
dit  d'une  température  d'air  moyenne  entre  le 
chaud  et  le  froid. 

Froid.  Subst.  m.  Ce  mot  a  deux  acceptions  dif- 
férentes. H  signifie  proprement  une  modification 
particulière  de  notre  àine,  un  scnlinieiit  i|ui  ré- 
sulte en  nous  d'un  certain  ciKingcincnl  survenu 
dans  nos  organes.  Tel  est  le  senliment^  (juc  l'on 
a  quand  (m  louclie  de  la  neige  ou  de  la  glace. 
On  se  sert  aussi  du  même  mut  |)our  désigner  une 
des  propriétés  accidentelles  delà  in.itiére,  juiur 
exprimer  dans  les  corps  l'état  singulier  dans  le- 
quel ils  peuvent  exciter  en  nous  la  seusaliou  dont 
on  vient  de  parler. 

Froidement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  m'a  reçu  froide- 
ment, il  m'a  froidement  accueilli. 

Fboidir.  y.  n.  On  a  déjà  remarqué  que  ce  mot 
est  un  barbarisme  recueilli  par  l'.^cadéuiie.  On 
ne  dit  pas  ne  laissez  pas  froidir  le  dîner,  votre 
bouillon  froidit,  ou  se  froidit;  mais  on  dit  ne 
laissez  pas  refroidir  le  dîner,  votre  bouillon  se 
refroidit.  —  L'Académie  a  laissé  ce  mot  dans  sa 


FRO 


311 


dernière  édition,  mais  elle  remarque  qu'il  a  vieilli 
et  qu'on  dit  refroidir. 

Froidurelx,  Fiioidureuse.  Adj.  C'est  un  bar- 
barisme recueilli  par  l'Académie.  On  ne  dit  ja- 
mais (iu't/«  homme  est  froidurcux,  on  dit  qu'il 
est  frileux. 

Froncer.  Y.  a.  de  la  4"  conj.  Dans  la  conju- 
gaison de  ce  verbe,  le  c  doit  toujours  se  pionon- 
cer  comme  «e;  et  pour  lui  conserver  cette  pru- 
iionciation  lorsqu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o, 
on  met  une  cédille  dessous  :  je  fronçais,  ff*^ 
çons. 

*Frondeiîie.  Subsl.  f.  Mot  inusité  forgé  {>*.. 
madame  de  Sévigné,  d'après  fronder  cl  frondeur: 
Il  y  a  ici  (en  Bretagne)  de  grandes  fronderies, 
mais  cela  s'apaise  dans  vingt-quatre  heures. 

Front.  Subst.  m.  On  dit  heurter  de  front,  me- 
ner de  front,  faire  marcher  de  front,  se  présen- 
ter de  friut.  Heurtant  de  frunt  tout  ce  qui  fait 
aujourd'hui  l'admiration  des  himmes.jc  ne  puis 
VI  attendre  qu'à  unblâme  universel.  (J.-J.  Rous- 
seau.) 

Voici  quelques  autres  cm[)lois  de  ce  nom, 
dont  on  ne  trouve  point  d'exemples  dans  le  Dic- 
tionnaire de  l'Académie  : 

Ces  mots  ont  fait  monter  la  rongeur  sur  son  front. 
(Rlc,  Ath.,  act.  III,  se.  m,  34.) 

Combien  nos  fronts  pour  elle  ont-ils  rougi  de  fois  ! 
(Rac,  Iphig.,  act.  IV,  se.  ir,  US.) 

N'cclaircirez-Tous  pointée  ^ronJ  chargé  d'ennuis? 
(Idem,  act.  II,  se.  ii,  37.) 

Songe  à  ce  bras  puissant,  vainqueur  de  tant  de  rois, 
A  cet  aimable  front  que  la  gloire  couronne. 

(Volt.,  Zaire,  acl.  I,  se.  i,  140.) 

Avec  plaisir,  sans  doute,  il  Terrait  à  ses  pieds, 
Des  sénateurs  tremblants  les  fronts  humiliés. 

(Volt.,  Brut.,  act.  III,  se.  il,  65.) 

Messène,  après  quinze  ans  de  guerres  intestines. 
Lève  un  front  moins  timide,  el  sort  de  ses  ruines. 
(Volt.,  Mer.,  act.  I,  se.  i,  5.) 

Le  même  Voltaire  a  dit  dans  l'Orphelin  de  la 
Chine  (act.  II,  se.  vi,  3)  : 

Où  mon  front  sixili  n'osa  lever  les  yeui. 

Voici  la  remarque  que  La  Harpe  a  faite  sur  et 
vers  :  «  On  criti(pia  beaucoup  ce  vers  dans  sa 
nouveauté  ;  el,  quoiijue  l'auteur  se  soit  obstiné  a 
ne  pas  le  clian.^er,  je  crois  (ju'on  avait  raison.  Ce 
n'est  pas  <iuil  ne  soit  physiipiement  vrai  que  le 
mou  veinent  des  sourcils  (jui  fait  lever  les  yeux  ne 
déjjcnde  en  partie  du  front;  l'idée  n'est  donc  pas 
fausse,  mais  l'expression  paraît  afrectée,  préci- 
sément parce  que,  dans  la  pensée,  nous  ne  sépa- 
rons guéie  ce  mouvement  des  yeux  de  celui  du 
froJit,  et  que  par  conséquent  il  y  a  une  sorte 
d'affcclaliou  à  dire  (ju'un  front  lève  les  yeux, 
tandis  que  dans  le  fait  c'est  le  même  mouvement 
de  l'àme  qui  fait  lever  ou  baisseï'  à  la  fois  les 
yeux  el  le  front;  el  c'est  ce  mouvement  moral 
que  le  poète  doit  exprimer.  »  (Couî-s  de  Htttu:) 
Front  pour  air  se  dit  en  poésie  : 

Ah!  je  n'en  doute  pas,  et  ce  front  satisfait 
Dit  assez  à  mes  yeui  que  Porus  est  défait. 

(Rac,  Alex.,  acl.  m,  se.  I,  S5.) 

On  dirait  en  prose  cet  air  satisfait. 
A  front  découvert  est  aussi  une  expression  du 
style  soutenu,  plutôt  tiue  du  style  familier  • 


312  FUI 

Hais  en  ce  siècle  à  la  réTolle  ouvert 
L'impiélé  marche  i  front  découvert. 

CJ.-B.  Rotss.,  liv.  Il,  Épftre  v,  79.) 

On  dil  aussi,  dans  le  slylc  oratoire  ou  poélKiuo, 
lerer  un  front  orgueilleux,  lever  un  front  auda- 
cieux : 

De  vils  mortels,  jusqu'au  plus  haut  des  cieux, 
Osent  lever  un  front  audacieux. 

(J.-B.  Rouss.,  liv.  II,  Épttre  V,  63.) 

Frcctlecsement.  Adv.  Il  peut  quelquefois  se 
mellrc  entre  rauxiliairc  et  le  pariicipe  ;  On  a 
travail^,  fructueusement  ù  su  conversion,  ou 
on  a  fructueusement  travaillé  à  su  conversion . 

Frdctuedx,  Frcctueuse.  Adj.  Il  se  met  après 
son  subst. 

Frugal,  Frugale.  Adj.  Il  n'a  point  de  pluriel 
au  masculin.  On  dil  des  personnes  frugales,  mais 
on  ne  dit  pas  des  hommes  frugaux.  On  i)eut  le 
mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'Iiar- 
monie  le  permettent  :  Un  repas  frugal,  un  fru- 
gal repas. 

Frugivore.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
après  son  subst.  :   Un  animal  frugivore. 

Fruit.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  t  (i- 
nal.  Les  exemples  suivants  ne  seront  pas  inutiles, 
même  après  ceux  qu'a  donnés  l'Académie  : 

De  leurs  champs  dans  leurs  mains  portant  les  nouveaux /"rui  ta, 
Au  Dieu  ds  l'univers  consacraient  ces  prémices. 

(Rac,  Ath.,  SiCi.  I,  se.  I,  iO.) 

Les  arrêts  du  sort 

V«ulentquece  bonheur  soit  un  fruit  de  ma  mort. 
(Rac,  Iphig.,  acl.  V,  se.  ii,  23.) 

Alors  de  vos  respects  voyant  les  tristes  fruits. 
Reconnaissez  les  coups   que  vous  aurez  conduits. 
[Idem,  95.) 

Les  «oupçons  importuns 

Sont  d'un  second  hymen  les  fruits  les  plus  communs, 
[Idem,  ad.  II,  se.  V,  31.) 

Fugitif,  Fugitive.  Adj.  En  prose,  il  ne  se  met 
qu'après  sou  subst.  :  Un  esclave  fugitif,  l'onde 
fugitive. 

On  appelle  en  littérature  pièces  fugitives  tous 
ces  pelils  ouvrages  sérieu.v  ou  légers  qui  s'écha|)- 
pent  de  la  plume  ou  du  portefeuille  d'un  auteur, 
en  difl'érentes  circonstances  de  sa  vie,  dont  le 
imblic  jouit  d'abord  en  manuscrit,  qui  se  ponlent 
quebiuefois,  ou  (jui,  recueillis  tanlôt  par  l'ava- 
rice, tantôt  par  le  bon  goijl,  font  ou  rhonncurou 
la  honte  de  celui  qui  les  a  composés.  l\icii  ne 
peint  aussi  bien  la  vie  et  le  caiactère  d'un  auteur 
que  ses  pièces  fugitives.  C'est  là  que  se  inonlre 
l'homme  triste  ou  gai,  pesant  ou  léger,  tendre  ou 
sévère,  sage  ou  libertin,  méchant  ou  bon,  heu- 
reux ou  malheureux.  On  y  voit  quelquefois  tou- 
tes ces  nuances  se  succéder,  tant  les  circonstan- 
ces qui  nous  inspirent  sont  diverses. 

Fuir.  V.  a.  et  n.  de  la  2'^  conj.  Il  est  irrégulier, 
et  prend  l'auxiliaire  avoir. 

Indicatif.  —  Présent.  Je  fuis,  lu  fuis,  il  fiiil  ; 
nous  fuyons,  vous  fuyez,  ils  fuient. — Imparfait. 
•le  fuyais,  tu  fuyais,  il  fuyait;  nous  fuyions,  vous 
fuyiez,  il  fuyaient.  —  Passé  simple  Je  fuis,  tu 
fuis,  il  fuit;  nous  fuîmes,  vuus  fuites,  ils  fuirent. 
— Futur.  Je  fuirai,  lu  fuiras,  il  fuira;  nous  fui- 
rons, vous  fuirez,  ils  fuiront. 

Conditionnel. — Présent.  Je  fuirais,  etc. 

Impératif. — Présent.  Fuis,  qu'il  fuie;  fuvons, 
fuyez,  qu'ils  fuient. 


FUR 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  fuie,  que  tu 
fuies,  qu'il  fuie;  que  nnus  fuyions,  que  vous 
fuyiez,  (ju'ils  [xxmW..— Imparfait.  Que  je  fuisse, 
que  tu  fuisses,  qu'il  fuit;  (]ue  nous  fuissions, que 
vous  fuissiez,  qu'ils  fuissent. 

Participe.  —  Présent.  Fuyant.  —  Passé.  Fui, 
fuie. 

11  faut  éviter  d'employer  fuyions  et  fuyiez, 
que  l'on  trouve  à  l'imparfait  de  l'indicatif,  et  au 
présent  du  subjonctif. 

Le  participe  passé  fuie,  au  féminin,  n'est  pas 
usité  On  ne  dit  pus  les  occasions  que  j'ai  fuies  ; 
il  faut  dire  i\\icj'ai  évitées.,  ou  prendre  un  autre 
tour.  .J'ai  fuie  lorme  tin  son  désagréable. 

Voltaire  a  dit  [OEdipe,  act.  ifl,  se.  iv,  76)  : 

Vous  chercherez  h  mort,  la  mort  fuira  de  vont. 

Il  y  a  des  occasions,  même  en  prose,  où  ce  tour 
peut  être  employé. 

L'Académie  ne  dit  ce  mot  que, des  personnes, 
dans  le  sens  actif.  DeliUe  a  dit  [Énéid.,  IV,  4.5): 

D'où  vient  que  le  sommeil  fuit  mon  Jme  inquiète î 

Je  ne  sais  où  l'Académie  a  prisijuc  fuir  signi- 
fie différer,  empêcher  qu'une  chose  ne  se  ter- 
mine. On  n'a  jamais  dit  qu'un  chicaneur  fuit. 
pour  dire  qu'il  empêche  un  procès  de  se  ter- 
miner. 

Fu.MANT,  Fumante.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  fu- 
mcr.  L'Académie  ne  donne  pour  exemples  de 
l'emploi  de  ce  mot  au  propre,  que  tison  fumant, 
cendres  fumantes,  des  viandes  fumantes. 

En  tourbillons /"umonts  la  flamme  se  déploie. 

(Delil.,  Énéid.,  V,  904.} 

L'impatient  Yalois,  accourant  à  grands  pas, 

Vint  saisir  dans  ces  lieux  tout  fumants  de  carnage, 

D'un  frère  infortuné  le  san;;l.int  héritage. 

(Volt.,  Ucnr.,  UI,  34.) 

Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Fumeux,  Fumeuse.  Adj.  Il  ne  se  met  (ju'après 
son  subst.  :  Du  vin  fumeux,  de  la  bière  fumeuse. 
— Reunier  l'a  employé  en  parlant  d'une  personne 
[Sat.X,toi): 

Le  pédant  tout  fumeux  àc  vin  et  de  doctrine. 

Funèbre.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Ornements  funèbres, 
pompe  funèbre,  honneurs  funèbres,  oraisons  fu- 
nèbres, accents  funèbres;  funèbres  accents,  fu- 
nèbres images.  Voyez  Adjectif. 

Fu.nérailles.  Subst.  f.  pi.  On  mouille  les  l. 

FuMîRAiRE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Fu^•ESTE.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  i)ia- 
ccr  avant  son  substantif  eiT consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Accident  funeste,  funeste  accident; 
mort  funeste,  funeste  trépas  ;  voyage  funeste, 
funeste  voyage  ;  conseil  funeste,  funeste  conseil; 
entreprise  funeste,  funeste  entreprise, eic.  Voye» 
Adjectif. 

Fu.NESTEMENT.  Adv.  Il  sc  met  après  le  verbe. 

FuiitTER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  cacheter. 

Fureur.  Subst.  î.  Fureur,  dit  l'Académie,  se 
prend  quelquefois  pour  passion  démesurée  :  Il 
avait  une  fureur  étrange paur  les  tulipes.  Il  a  lu 
fureur  du  jeu.  —  Aces  exemples,  on  peut  ajou- 
ter les  suivants  : 

l'armi  les  passions  dont  il  est  agité, 


FUR 


FUS 


513 


Sspini  grande  fureur  est  pour  la  liberté. 

^VoLT.,  Brut.,  act.  I,  se.  IT,  7S.) 

....  De  l'amour  j'ai  toutes  les^urfur». 

(Hic,  Phéd.,  act.  I,  se.  m,  107.) 

Triste  effet  des /"ureur»  dont  je  suis  tourmentée. 

[Idem,  act.  II,  se.  I,  111.) 

On  remarquera  que  dans  les  deux  derniers 
exemples,  fureur  est  emi)loyé  au  pluriel,  ce  qui 
change  un  peu  i'accepijon  de  ce  terme.  Il  parait 
alors  marquer  les  effets  de  la  passion  plutôt  que 
son  degré,  comme  quand  on  dit  les  fureurs  de 
la  jalousie,  les  fureurs  d'Oreste.  Voyez  Furie. 

Fdribond,  Furibonde.  Adj.  tpii  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Un  homme  furibond,  vn  air  fu- 
ribond. 

FoRiE.  Subst.  f.  Fureur  cl  furie  ne  sont  syno- 
nymes que  dans  le  cas  où  le  premier  est 'pris 
dans  le  sens  de  colère.  Au  singulier,  fureur  si- 
gnifie le  degré  extrême  de  la  colère^  fureurs,  au 
pluriel,  semble  avoir  plutôt  rapport  aux  effets  de 
la  fureur  qu'à  son  degré;  et  en  cela  il  se  rappro- 
che davaiUagc  du  sens  de  furie.  La  fureur  est 
une  colère  extrême  causée  par  \m  profond  res- 
sentiment. Elle  tient  tellement  à  cette  cause, 
qu'elle  s'ajiaise,  ou  même  cesse  entièrement  avec 
elle.  La  furie  est  un  mouvement  violent  né  de  la 
fureur,  (jui  tend  a  la  satisfaii'e,  qui  n'a  plus 
d'autre  cause  que  le  mouvement  même  qui  l'a- 
gite, et  qui  s'y  abandonne  aveuglément.  Les  /'î*- 
rte*  étaient  implacables;  elles  poursuivaient  sans 
relâche  les  criminels;  elles  étaient  filles  de  la 
Nuit  ou  des  Ténèbres.  La  fttrie  \\c\xi  cesser  tout 
à  coup,  mais  non  s'apaiser  ou  se  ralentir  :  son  ca- 
ractère est  l'excès.  Elle  ne  voit  point  le  motif;  en 
ce  sens  elle  est  aveugle.  Elle  ne  voit  que  le  mal- 
heureux à  tourmenter,  u  persécuter,  à  détruire. 

Delille  peint  la /"înie  avec,les  couleurs  qui  lui 
sont  propres,  vpiand  il  dit  [Enéide,  IV,  874)  : 

.  . .   Lorsque  l'ingrat  s'échappait  de  ces  Imux, 
Ne  pouvais-je  saisir,  dêcliirer  le  parjure. 
Donner  à  ses  lambeaux  la  mer  pour  sépulture, 
Ou  massacrer  son  peuple,  ou  de  ma  propre  main 
Lui  faire  de  son  lili  un  horrible  festin?. , . 
Mais  le  danger  devait  arrêter  ma  furie.  . . 
Le  danger  !  en  est-il  alors  qii'on  liait  la  vie? 
J'aurais  saisi  le  fer,  allumé  les  flambeaux. 
Ravagé  tout  son  camp,  brûlé  tous  ses  vaisseaux, 
Submergé  ses  sujets,  igorgé  l'infidèle, 
El  son  ûls.et  sa  race,  et  moi-même  après  elle. 

Les  exemples  suivants  serviront  à  confirmer  ce 
que  nous  venons  de  dire  sur  la  véritable  signifi- 
raliou  du  mot  furie  : 

Il  a  trop  écouté  son  aveugle  furie. 

Il  a  Toulu  mourir,  mais  mourir  en  héros. 

(YoLT.,  Tancr.,  act.  V,  se.  VI,  3.) 

iisclaTe,  d'où  le  vient  celle  aveugle  furie  ?.  . . 

(Volt.,  Àlz.,  act.  III,  se.  v,  O.'l 

Plus  loin  sont  ces  guerriers  prodigues  de  leur  vie, 
Ou'enflamma  leur  devoir  et  non  pas  leur  furie, 

(Volt.,  Henr.,  VU,  265.) 

Le  peuple,  dont  la  reine  avait  armé  le  bras. 
Ouvrit  enfin  les  yeux  et  vit  ses  altenlats  ; 
Aisément  sa  pitié  succède  à  sa  furie, .  . 

(Idem,  III,  b.) 

Vaincus  plus  d'une  fois  aux  yeux  de  la  patrie. 
Soutiendront-ils  ailleurs  un  vainqueur  en  furie  ? 

(Rac,  Mithrid.,  act.  III,  se.  i,  133.) 

Penl-itre  es  ce  moment,  Amural  en  furie 


S'tpproclie  pour  trancher  une  si  belle  vie. 

(Rac,  Baj,,  act.  I,  se,  ui,  0.) 

J'entends  de  toutes  parts  menacer  ma  pairie. 
Je  vois  marcher  contreelle  une  armée  en  furie. 

(RàC,  Iphij,,  act.  m,  se.  iv,  35.) 

Commandei  à  vos  vents  de  servir  ma  furie. 

(Delil.,  Éniid.,  I,  110.) 

Je  ne  puis  m'empccher  de  criti(pier  un  vers  de 
Voltaire  où  se  trouve  cette  expression  ; 

Demandez-moi  ma  vie.  . . 
Mais  laissez  un  champ  libre  à  ma  juste  furie. 

{AU,,  act.  IV,  se.  i,  U.) 

Je  pense  qu'on  peut  dire  ma  juste  furetir,  parf  • 
que,  comme  je  l'ai  dit,  la  fureur  suppose  un  pro- 
fond ressenlimcntqnipeuthaitred'unejustecause. 
Mais  la  furie,  qui  ne  voit  plus  la  cause  et  qui  s'a- 
bandonne aveuglément  et  sans  mesure  à  la  rage  de 
la  persécution  ou  de  la  vengeance,  ne  peut  |)Ius 
être  juste.  Ce  qui  passe  les  bornes  est  contraire  à 
la  justice. 

Furieusement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  parlicipe  :  Il  a  grandi  furieuse- 
ment, ou  il  a  furieusement  grandi.  Mauvaise 
expression  qu'il  faut  laisser  à  la  po|)ulace.  —  Mo- 
lière et  Boileau  ne  laissaient  point  échapper  l'oc- 
casion de  critiquer  l'emploi  que  les  précieuses 
en  faisaient.  Une  oreille  vn  peu  délicate  pâtit 
furieusement  à  entendre  prononcer  ces  muts-là. 
(Mol.,  Précieuses  ridicules,  se.  v.)  Je  vous  avoue 
que  je  suis  furieusement  pour  les  portraits. 
[Idem,  se.  X.)  Le  ruban  en  est  bien  choisi? — Fu- 
rieusement bien,  [Idem.)  Le  siècle  s'encanaille 
furieusement.  (Mol.,  Critique  de  l'Ecole  des 
femmes,  se.  viii.)  Sapho.  L'illustre  fille  dont  j'ai 
ù  vous  entretenir  {Tisipho7ie)  a,  en  toute  sa  per- 
sonne, je  ne  sais  quoi  de  si  furieusement  extra- 
ordinaire et  de  si  terriblement  merveilleux,  que 
je  ne  suis  pas  médiocrement  embarrassée  quand 
je  songe  à  vous  en  tracer  le  portrait, — Minos. 
yoilà  les  adverbes  furieusement  et  terriblement 
qui  sont,  ù  mon  avis,  bien  placés  et  tout  d  fait 
en  leur  lieu.  (Boil.,  Héros  de  romans.) 

Furieux,  Furieuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Un  homme  furieux,  une  femme 
furieuse,  vn  lion  furieux,  vn  vent  furieux,  un 
furieux  vent  ;  une  tempête  furieuse,  une  furieuse 
tempête  ;  un  combat  furieux,  un  furieux  combat 
Un  furieux  mangeur,  vn  furieux  menteur,  un 
furieux  travail,  un  furieux  coup,  une  furieuse 
entorse.  H  faut  remarquer  (jue  l'adjectif  précède 
le  substantif  quand  il  est  détourné  de  sa  significa- 
tion naturelle.  Dans  un  furieux  viangeiir,  le  mot 
furieux  Qsi  bien  éloigné  de  sa  signilicalion  natu- 
relle, qui  a  rapport  aune  grande  colère.  Voyez 
Adjectif,  Furieusement. 

Lorsqu'il  est  suivi  d'un  verbe,  il  prend  pour 
régime  la  préposition  de  :  Il  est  furieux  (Tavoir 
manqué  son  coup. 

FuRTiF,  FuKTivE.  Adj.  On  i)eut  le  mettre  avant 
son  subst.  :  Des  amours  furtives,  de  furtives 
amours  ;  des  œillades  furtives,  de  furtives  œilla 
des.  Voyez  Adjectif, 

Furtivement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Il  est  entré  furtivement,  et  non  pas  il  est  furtive- 
ment entré. 

Fuseau.  Subst.  m.  L'Académie  n'indique  point 
d'acception  figurée  de  ce  mot. 

Dans  cette  même  main  qu'un  usage  jaloux 


514 


GAG 


Destinait  au  ^u«fou  jous  les  loi»  d'un  époni. 

(Volt.,  Semir.,  acl.  III,  se.  Ti,  34.) 

Fuselé,  Fuselée.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
sou  subsl.  :  Colonne  fuselée,  doigt  fuselé. 

Fusible.  Adj.  des  doux  genres  (|ui,  en  prose, 
se  met  après  son  sul)Sl.:  Des  métaux  fusibles. 
Les  ipocles  piuirraieiit  dire  île  fusibles  iintati.T. 

FisiL.  Suhst.  ui.  Oii  ne  prononce  point  le  l. 

Fusiller.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  On  mouille 
les  l. 

Futaie.  Subst.  f.  Ce  n'est  pas,  comme  le  dit 
l'Ai-adc-mie,  un  bois  composé  de  grands  arbres, 
mais  de  vieux  arbres.  On  donne  en  générai  ce 
nom  à  tous  les  vieux  bois.  On  (Wijeu/ir  futaie 
depuis  quatre-vingts  ;ins.jusiiu"ù  cent  vingt  ims; 
haute  futaie  depuis  cet  âge  jusqu'au  dépérisse- 
ineiit  inaniué, qu'on  désigne  par  le  nom  àa  vieille 
futaie. 

Futaille.  Subst.  f.  On  mouille  les  l. 

Futé,  Futée.  Adj.  On  le  met  quelquefois  avant 
son  subst. ,  en  consultant  l'oroillc  et  l'analogie  : 
Un  homme  futé,  vue  feiinne  futée  ;  vn  futé  ma- 
tois, ini  fute  compère. 

Futile.  Adj.  des  deux  genres.  Fcraud  repro- 
che à  J  .-J.  Rousseau  de  l'avoir  dit  des  per.^onnes  : 
Ces  vains  et  futiles  dédamatevrs  vont  de  iovs 
côtés,  armés  de  leurs  funestes  paradoxes,  etc.;  et 
ailleurs  :  Cette  éloquence  frivole ,  Vétudc  et  le 
charme  des  hommes  futiles. 

On  appelait  futHis,  futile,  chez  les  anciens  Ro- 
mains, un  vase  à  large  orifice  et  à  fond  très- 
étroit  ,  dont  on  faisait  usage  dans  le  culte  de 
Vesla  ;  comme  c'était  une  faute  de  répan- 
dre à   terre  l'eau    qui  était  contenue  dans  ces 


futiles,  on  fit  pour  cet  usage  d'autres  vases  ter- 
minés en  pointe,  et  d'où  l'eau  ne  jiouvait  pas 
sortir  aisément.  C'est  de  la  (pie  vient  l'origine  de 
l'adjectif  futile  appliiiuc  aux  i)ersonnes.  Un 
homme  futile  est  un  bouillie  (|ui  ne  peut  rien  re- 
tenir, qui  a  la  bouche  large  et  peu  de  fond,  et 
qui  par  conséquent  rciiand  ;iiséiiienl  cequ'onlui 
a  conlié.  —  Dans  sa  dernière  édition,  l'Académie 
remarque  qu'il  se  dit  quelquefois  des  {icrsonnes; 
C'est  un  hoininc  futile,  de  vains  et  futiles  es- 
prits. 

Cet  adj.  peut  se  mettre  avant  son  subst.  lors- 
que l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  :  Des 
discours  futiles,  de  futiles  discours,  de  futiles 
-  décluinateurs.  Voyez  Adjectif. 

FuTur.,  Futlrf..  Adj.  11  se  dit  d'une  chose  qui 
doit  cire,  qui  doit  arriver.  Yaugclas  dit  que  ce 
mot  est  i)liis  de  la  poésie  que  de  la  bonne  prose, 
et  il  le  bannit  du  beau  style,  l.e  père  Bouliours 
soutient  le  contraire.  On  dit  plutôt  le  voyage  que 
710US  deiuiiis  faire,  que  notre  voyar/e  fitur;  mais 
il  est  établi  qu'on  dise  les  biens  de  la  vie  future, 
par  opposition  à  ceux  de  la  vie  présente.  On  dit 
aussi  les  présages  de  sa  grandeur  future;  on  dit 
aussi  les  races  futures,  et  on  s'en  sert  dans  plu- 
sieurs autres  cas. — Cet  adj  peut  se  mettre  avant 
son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent.  On  ne  dit  ni  les  biens  de  la  future 
rie,  ni  les  futures  races  ;  mais  on  diiiiit  fort  bien 
les  présages  de  sa  future  grandeur.  Les  futurs 
époux,  les  futurs  conjoints  sent  un  peu  le  style 
de  notaire;  mais  le  futur,  la  future,  ne  sont  que 
de  ce  style. 

Futur.  Subsl.  m.  Terme  de  grammaire.  Voyei 
Temps. 


G. 


G.  Subst.  m.  Septième  lettre  de  l'alphabet,  et 
la  cinquième  des  consonnes. 

Le  son  [iropre  de  cette  lettre  c&[gue,  comme  dans 
gage,  guérir,  guide, guttural;  le  son  accidentel  je, 
devant  e,  i  :  gelée,  giboulée;  et  k  à  la  fin  des  mots 
devant  les  voyelles:  rang  «'/ezje.  Le  ^  au  commen- 
cement ou  dans  le  corps  d'un  mot  a  le  son  qui  lui 
est  propre  devant  les  voyelles  a,  o,  -u,  et  devant 
les  consonnes  /,  r  :  galon,  gosier,  guttural,  gloire, 
grâce. — Devant  les  voyelles  e,  i,  il  a  le  son  acci- 
denlcl  je,  comme  dans  gène,  gentil,  gingembre, 
pigeonneau,  (pii  se  prononcent  comme  s'il  y  avait 
jcne.jentil,  etc. 

On  insère  un  c  absolument  muet  après  la  con- 
sonne g  quand  on  veut  lui  ôter  le  son  qui  lui  est 
propre  devant  u,  o,  u,  pour  lui  donner  le  son  de 
j,  (pi'olle  a  devant  e,  i;  ainsi  l'on  écrit  forgeons 
l>our  le  faire  prononcer  comme  s'il  y  avait /br- 
jons. 

Pour  donner,  au  contraire,  à  la  lettre^  le  son 
(lui  lui  est  propre  avant  e,  i,  et  lui  ôter  celui  que 
l'usage  y  a  attaché  dans  ces  circonstances,  on 
met  après  cette  consonne  un  m  que  l'on  imîuI  ap- 
peler iiiiiet,  coninie  dans  guérir,  guide,  à  via 
guise,  où  l'on  n'entend  aucunement  la  voyelle  u. 
(Douchet  et  Beauzèe,  Encycl.  mélh.,  lettre  G.) 

11  y  a  cependant  quelques  mots,  comme  ai- 
guille, aiguillon,  aiguiser,  arguer,  inextingui- 
ble, et  les  noms  propres  d'Aiguillon,  le  Guide, 
de  Guise,  dans  lesquels  l'u   se  fait  entendre. 


(Dangeau,  Essai  de  Gramm.  —  Wailly,  p.  423.) 

G  suivi  delà  consonne  n  forme  différents  sons. 
Le  son  propre  de^«  forme  deux  articulations, ^we 
ne,  comme  dans^/i07rte.  Le  son  mouillé  de^^w  est 
gne,  comme  dans  signe. — Au  commencement  des 
mots,  gn  conserve  le  son  qui  lui  est  projire, 
gnome,  Guide,  gnostique,  gnomon,  que  l'on  pro- 
iionccgueno7ne,Guenide,guenostique,guenoinon, 
en  passant  légèrement  sur  la  syllabe  gue. — Le  son 
mouillé  de  gn  n'a  lieu  iju'au  milieu  des  mots; 
ainsi  on  prononce  y;;  dans  uiagnanime,  Cocagne, 
incognito,  coiniiie  dans  règne,  gagner,  compa- 
gnie. U  faut  en  excepter  09710/,  diagnostic,  stag- 
nation, cognât,  régnicole,  inexpugnable,  que 
l'on  prononce  avec  le  son  projire,  c'est-à-dire 
(lue  le  g  et  le  n  sont  enleiidus  séparément. 
Dans  les  noms  propres  Ctugny,  Begnaud,  Be- 
gnard,  la  lettre  n  a  sa  prononciation  naturelle, 
et  le^  ne  se  fait  point  du  tout  entendre.  On  pro- 
nonce de  même  le  mol  signet  ;  mais  signer,  as- 
signation, se  jirononcent  avec  uu  son  mouille. 

G  dans  le  commerce  signifie  un  gros. — En  mu- 
sique il  est  le  signe  du  g-ré-sol. — Surnos  mon- 
naies il  indique  la  ville  de  Poitiers. 

Gacheux,  Gâcheuse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.  :  Chemins  gâcheur,  terres  gâ- 
cheuses. 

Gager.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe,  le 
second  g  doit  toujours  être  prononcé  comme 
un/;  et  pour  lui  conserver  cette  prononciation 
lorsqu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  0.  on  met  un  e 


GAI 

avant  cet  a  ou  cet  o  :  Je  gageais,  gageons,  et  non 
pas/e  gagais.  ga<jons. 

Ce  vorho,  lorsiiu'il  est  sans  ncçalion,  exige 
que  le  verbe  de  la  phrase  subordonnée  soit  mis 
à  l'indicatif  :  y<;  j7a^p  (/i/'t'Z  a  dit  cela;e[  lors- 
qu'il est  joint  à  une  négation,  que  le  verbe  de  la 
proposition  subordonnée  soit  njis  au  subjonctif: 
Je  ne  gage  pas  qu'il  ait  dit  cela. 

Nous  pensons  qu'on  peut  dire  je  parie  de  ga- 
gner cette  partie,  el  non  jtas  je  gage  de  gagner 
cette  partie.  I.a  raison  en  est  que  gager  se  dit 
(juand  il  s'agit  d'événements  que  l'on  croit  cer- 
Ijiins  ;   el  parier,  quand  il  s';igil  d'événements 
incertains,  douteux,  dépendants  de  causes  étran- 
fOrcs.  Or,  il  est  de  la  nature  de  la  préposition  de, 
Iriise  avant  un  verbe,  d'indiquer  ce  doute,  cette 
jjticertilude,  celte  dé|)endance.  Madame  dcSévi- 
|çn(''  a  dit  :  f^oudriez-vous  que  Pauline  fût  par- 
ifiaite;  avail-elle  gagé  de  l'être  au  sortir  du  cou- 
vrent? [Lettre  du  23  février  1689.)  Mais  madame 
jde  Sévigné  n'est  pas  ime  autorité  irréfragable.  On 
j  peut  même  dire  que  les  phrases  des  auteurs  les 
'  plus  purs  ne  sont  pas  toujours  les  preuves  de  la 
régularité  d'une  expression,  surtout  dans  des  cas 
qui  n'avaient  été  ni  examinés,  ni  discutés,  ni  dé- 
cidés de  leur  temps.  Combien  ne  trouve-t-on  pas 
d'expressions  et  de  phrases  dans  Racine,  qu'une 
criti(|ue  postérieure  à  ce  grand  homme  a  juste- 
ment condamnées? 

GiGECRE.  Subst.  f.  On  prononce ^o/wrc. 

Gagnage,  Gagnant,  Gagne,  Gagner.  Dans  ces 
quatre  mots,  gn  se  prononce  mouillé. 

Gagne-denier.  Subst.  m.  On  entend  par  ce  mot 
un  homme  qui  gagne  sa  vie  par  le  travail  de  son 
corps,  sans  savoir  de  métier.  On  écrit  au  pluriel 
des  gagne-denier  ;  la  pluralité  tombe  sur  homme, 
qui  est  sous-entendu,  el  non  pas  sur  denier.  — 
L'Académie  écrit  des  gagne-deniers. 

Gagne-pain.  Subst.  m.  Des  outils,  des  objets 
avec  lesquels  on  gagne  son  pain.  On  écrit  au  plu- 
riel des  gagne-pain;  la  pluralité  tombe  sur  outil 
ou  objet,  qui  est  sous-entendu. 

Gagne-petit.  Subst.  m.  Qui  gagne  peu,  qui  se 
contente  d'un  petit  gain.  On  écrit  au  pluriel  des 
gagne-petit  ;  la  pluralité  tombe  sur  les  ouvriers 
auxquels  on  donne  ce  nom. 

Gagnek.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Voltaire  remar- 
que, au  sujet  d'un  vers  de  Corneille,  qu'on  ne  dit 
point  gagner  des  diadèmes,  et  il  ajoute  que  c'est 
peut-être  une  bizarrerie.  (Bemarqves  sur  Cvr- 
neûle.)  —  On  a  blâmé  Corneille  d'avoir  employé 
dans  le  Cid  l'expression  gagner  des  combats. 
Aboyez  Combat. 

Gai,  Gaie.  Adj.  Une  se  met  qu'après  son  subsl.  : 
Un  homme  pai,  vne  femme  gaie,  itn  visage  gai, 
■un  air  gui.  V^oyez  Gaillard. 

Gaiement  ou  GaIment.  Adv.  Pourquoi  deux 
manières  d'écrire  ce  mol  ?  Si  l'Académie  adop- 
tait l'une  uu  l'autre,  on  écrirait  comme  elle.  Cet 
adverbe  se  met  après  le  verbe  :  Il  a  tovjours 
vécu  gaiement. 

Gaieté  ou  Gaîté.  Subst.  f.  L'Académie  devrait 
se  décider  pour  l'un  ou  pour  l'autre.  Yollaire 
dépeint  ainsi  la  gaieté  {EpitreXXXl,  58)  : 

C'est  là  qu'on  IrouTe  la  Gaîté 
Cette  sœur  de  la  Liberté, 
Jamais  aigre  dans  la  satire, 
Toujours  vire  dans  les  bons  mots, 
Se  moquant  quelquefois  des  sots, 
Et  très-souvent,  mais  à  propos. 
Permettant  au  sape  de  rire. 


GAL 


315 


Gaillard,  Gaillarde.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un.  homme  gaillard,  vne  hu- 
meur gaillarde. — Chanson  gaillarde,  cunte  gail- 
lard. 

Ce  mot  diffère  beaucoup  de  gai.  11  présente 
l'idée  de  la  gaieté  jointe  à  celle  de  la  btiulfuime- 
rie  ou  de  la  licence  :  C'est  vn  gaillard,  ce  cunte 
est  vnpeu  //aillard.  Il  se  dit  qut'li|uelois  de  cette 
espèce  d'hilarité  ou  de  galanterie  libertine  iprin- 
spire  une  |)ointe  de  vin  :  //  était  assez  gaillard 
sur  la  fin  du  repas.  On  dit  très-bien  il  a  le  pro- 
pos gai,  et  familiérenicnt  il  avait  le  propus  gail- 
lard. Un  propos  gaillard  est  toiijinus  gai:  un 
propos  gai  n'est  pas  toujours  gaillard.  On  peut 
avoir  devant  de  jeunes  persunnes  \c  propos  gai; 
\e propos  gaillard  y  serait  déjjlacé. 

Gaillardement.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe  : 
Il  a  vécu  gaiilardement,  et  non  pas  il  a  gaillar- 
dement vécu. 

Gala.mment.  Adv.  Il  peut  quelquefois  se  met- 
tre entre  lauxiliaire  et  le  participe:  Jl  s'est  ga- 
lamment tiré  de  cette  intrigue. 

Galant,  Galante.  En  parlant  des  personnes, 
galant  a  un  sens  différent  selon  (ju'il  est  placé 
avant  ou  après  son  subst.  Un  galant  homine  est 
un  homme  hunnéte,  juste,  raisonnable,  d'un  bon 
commerce.  Un  homme  galant  est  un  huintiie  qui 
fait  la  cour  aux  dames. — Au  féminin,  on  entend 
par  vne  femme  galante  une  femme  qui  a  des  in- 
trigues, et  dont  la  conduite  est  déréglée.  On  ne 
dit  pas  jine  galante  femme  dans  le  sens  de  galant 
homme. — En  parlant  des  choses,  un  j)eul  le  met- 
tre avant  son  subst.  lorsque  l'analngie  et  l'har- 
monie le  permettent  :  Air  gala )it,  humeur  ga- 
lante, manières  galantes,  discours  galant,  style 
galant,  habit  galant,  fête  galante  ;  ces  galantes 
manières,  ces  galants  propos. 

L'article  suivant,  que  l'on  trouve  dans  le  JHc- 
tionnaire  philosophùjue  de  \'ultaire,  est  un  sup- 
plément utile  à  celui  du  Dictionnaire  de  l'Aca- 
démie. 

Le  mot  galant  signifia  d'abord  gaieté  et  ré- 
jouissance, ainsi  qu'on  le  voit  dans  Alain  Char- 
lier  et  dans  Froissard  ;  on  ti-ouve  même  dans  le 
roman  de  la  Rose,  galandé,  pour  signilier  orné, 
paré  : 

La  belle  fut  bien  atornée, 
Et  d'un  Glel  d'or  galandce. 

Il  est  probable  que  \egala  des  Italiens,  et  le^a- 
lan  des  Espagnols,  snnt  dérivés  du  mot  gui,  qui 
parait  originairement  celtiiiue  ;  de  la  se  forma  in- 
sensiblement galant,  qui  signifie  vn  homme  em- 
pressé à  plaire.  Ce  mot  reçut  une  signilicatiou 
plus  noble  dans  les  temps  de  la  chevalerie,  où  ce 
désir  de  plaire  se  signalait  par  des  combats.  Se 
conduire  galamment,  se  tirer  d'affaire  galaîn- 
ment,  veut  encore  dire  se  conduire  en  homme 
de  cœur.  Un  galanthomme,  chez  les  Anglais,  si- 
gnifie un  homme  de  courage  ;  en  France,  il  veut 
dire  de  plus  xm  hnvune  à  nobles  procédés.  Un 
homme  galant  est  tout  autre  chose  qu'w/j  galant 
homvie ;  celui-ci  lient  plus  de  l'honnéie  homme, 
celui-là  se  rapproche  plus  ^du  petit-maître,  de 
l'homme  a  bonnes  fortunes.  Être  galant,  en  gé- 
néral, c'est  chercher  a  plaire  par  des  soins  agréa- 
bles, par  des  euqressomcnts  flatteurs.  Il  a  été 
très-galant  avec  ces  dames,  veut  dire  seule- 
ment il  a  montré  quelque  chose  de  plus  que  de 
la  politesse;  mais  être  le  galant  d'une  dame  a 
une  signification  plus  forte  ;  cela  signifie  être  son 
amant.  Ce  mot  n'est  plus  guère  d'usage  que  dans 
les  vers  familiers.   Un  gcdan*  '"-si  non-seulement 


316 


GAL 


un  homme  à  bonnes  fortunes,  mais  ce  mot  porte 
avec  lui  quelque  idée  de  hardiesse  et  môme  d'ef- 
fronterie. Ainsi  le  même  mot  se  prend  en  plu- 
sieurs sens.  {Pict.  philos.) 

Galanterie.  Subst.  f.  Il  signifie,  dit  Voltaire, 
tantôt  coquetterie  d;ms  l'esprit,  paroles  flatteuses; 
tantôt' présent  de  petits  bijoux;  tantôt  une  intri- 
gue avec  une  femme  ou  |)lusi(Mirs;  ainsi,  dire 
des  galanteries,  donner  des  galanteries,  avoir 
des  galanteries,  sont  des  choses  toutes  différen- 
tes. [Dict.  philos.) 

Galetas.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  5. 

Galeux,  Galeuse.  Adj.  Ex|)ression  l)assc  que 
l'Académie  donne  sans  remarque.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  ;  Un  enfant  galeux,  un 
chien  qaleMX,  mie  hrehis  galeuse. 

Galimatias.  Subst.  m.  Plusieurs  écrivains  (:ct\- 
vani  galimathias.  Nous  pensons  qu'il  faut  suivre 
l'orthographe  de  l'Académie,  qui  est  la  plus  sim- 
ple. Ce'^  est  d'autant  plus  mal  placé  qu'on  ignore 
ia  véritable  étymologie  de  ce  mot. 

On  entend  'par  cette  expression  un  discours 
obscurci  embrouillé  où  l'on  ne  comprend  rien, où 
iln'yaquedcsmols  sans  ordre  et  sansliaison. Une 
faut  pas  confondre  le  galimatias  avec  le  phébus. 
Le  galimatias  renferme  une  obscurité  profonde, 
el  n'a  de  soi-même  nul  sens  raisonnable.  Le  phé- 
bus n'est  pas  si  obscur,  et  a  un  brillant  qui 
signifie  ou  semble  signifier  quelque  chose.  Boi- 
leau  appelait  galimatias  simple  ce  que  l'auteur 
entend,  mais  que  les  autres  ne  peuvent  compren- 
dre; c\.  galimatias  double  ce  qui  est  également 
inintelligible  et  pour  le  lecteur  et  pour  l'auteur. 
Il  donnait  en  plaisantant  pour  exemple  du  der- 
nier ces  vers  de  Corneille  dans  Tite  et  Bérénice 
(act.  I,  se.  II,  1)  : 

Faut-il  mourir,  madame,  el,  si  proclie  du  terme, 
Voire  illuslre  inconstance  est-elle  encor  si  ferme, 
Que  les  restes  d'un  feu  que  j'avais  cru  si  forl 
Puissent  dans  quatre  jours  se  promettre  ma  mort? 

Gallican,  Gallicane.  Adj.  Il  se  met  toujours 
après  son  subst.  :  Rit  gallican,  église  gallicane. 

Gallicis.me.  Subst.  m.  Terme  de  granunaire. 
Le  gallicisme  est  un  écart  de  langage  exclusive- 
ment propre  a  la  langue  française.  En  français, 
le  gallicisme  esta  sa  place;  il  sert  ordinairement 
à  éviter  un  vice.  Dans  une  autre  langue,  c'est 
une  locution  empruntée  qui  prouve  l'affinité 
de  celte  langue  avec  la  nôlrc,  ou  une  expres- 
sion figurée  (jue  l'imitation  suggère  à  la  pas- 
sion ou  au  besoin,  ou  une  expression  vicieuse 
qui  nail  de  l'ignorance.  La  langue  française  a  ses 
gallicismes,  connue  la  langue  grecque  ses  héllé- 
nismes, la  langue  latine  ses  latinismes,  la  langue 
anglaise  ses  anglicistnes,  la  langue  allemande  ses 
germanismes,  etc.  Voici  des  exemples  de  galli- 
cismes dans  la  langue  française. 

Chacun  a  son  opinion.  C'est  un  gallicisme  où 
l'usage  autorise  la  trangression  de  la  syntaxe  de 
concordance  pour  ne  pas  choquer  l'oreille  par  un 
hiatus  désagréable.  Le  principe  d'identité  exigeait 
que  l'on  du  sa  opinion;  l'oreille  a  voulu  (ju'on 
fit  entendre  son  opinion,  et  l'oreille  a  sacrifié  un 
principe  raisonnableaux  agréments  de  l'euphonie. 

Il  est  incroyable  le  nombre  de  vaisseaux  qui 
partirent  pour  cette  expédition.  C'est  un  galli- 
cisme où  l'usage  permet  de  soustraire  les  parties 
de  la  phrase  à  l'ordre  qu'il  a  lui-même  fixé,  pour 
donner  à  l'ensemble  un  sens  accessoire  que  la 
construction  ordinaire  ne  pourrait  y  mettre.  On 
aurait  pu  dire  le  nombre  de  vaisseaux  qui  parti- 
TêntfQUT  cette  expédition  est  incroyable;  mais 


GAR 

il  faut  convenir  qu'au  moyen  de  cet  arrangement, 
aucune  partie  de  la  phrase  n'est  plus  s;iillanie 
que  les  autres;  au  lieu  que  dans  la  première,  le 
mol  incroyable,  (jui  se  présente  au  comuience- 
ment,  parait  ne  s'y  trouver  que  pour  fixer  davan- 
tage l'attention  de  l'esprit  sur  le  nombre  des 
vaisseaux,  et  pour  en  exagérer  en  quelque  sorte 
la  multitude;  c'est  une  raison  d'énergie. 

Nousvenons  d'arrii-er  ;  nous  allons  partir.  Ce 
sontdes  gallicismes  où  l'usage  est  forcé  de  dépouil- 
ler de  leur  sens  naturel  les  motsiioMs  venons,  nom 
allons,  et  de  les  revêtir  d'un  sens  étranger,  pour 
suppléer  à  des  inflexions  qu'il  n'a  pasaulonsées 
dans  les  verbes  arriver  et  partir,  non  plus  (juc 
dans  aucun  autre.  Nous  venons  d'arriver,  c'est- 
à-dire  nous  sonunes  arrivés  dans  le  moment  ;  ex- 
pression détournée  d'un  |)assé  récent  auquel  l'u- 
sage n'en  a  point  accordé  d'analogique.  Nous 
allons  partir,  c'est-à-dire  nous  partirons  dans 
le  moment;  expression  é(iuivalenie  à  un  futur 
prochain  (jue  l'usage  n'a  point  établi. 

Le  nombre  des  gallicismes  est  prodigieux,  el 
plusieurs  habiles  gens  ont  remarqué  que,  si  l'on 
en  excepte  les  ouvrages  didactiques ,  plus  un 
auteur  a  de  goût,  plus  on  trouve  dans  son  style 
de  ces  irrégularités  heureuses  et  souvent  pit- 
toresques, (pii  ne  paraissent  violer  les  lois  géné- 
rales du  langage  que  pour  en  atteindre  plus  sûre- 
ment le  but.  Voyez  Cor. 
Galop.  Subst.  lu.  On  ne  prononce  pas  le  J>. 
Gangrène,  Gangrener,  Gangreneux,  On  pro- 
nonce cangrène,  cangréner,  cangrénciix. 

Garde.  Dans  lessubstantifs  composés  où  garde 
est  pris  dans  le  sens  de  gardien,  l'expression  se 
rapporte  à  une  personne,  et  alors  garde  est  un 
substantif  susceptible  de  prendre  la  marque  du 
pluriel.  Il  faut  donc  dire  des  gardes-chasse,  des 
gardes-marine,  des  gardes-cote,  s'il  ne  s'agit 
que  d'une  seule  côte;  des  gardes-cotes  ,  s'il 
s'agil  de  plusieurs.  Mais  lorsque,  dans  les  mê- 
mes mois,  garde  est  verbe,  et  qu'il  signifie, 
qui  conserve ,  qui  préserve  ,  qui  garantit  , 
alors,  en  sa  (jualité  de  verbe,  il  ne  prend  point 
la  marque  du  i)luriel.  Des  garde-feu  sont  des 
grilles  qui  garaniissenl  du  feu  ;  la  pluralité  tombe 
sur  grilles.  Des  gardc-maiigcr  sont  des  lieux  où 
l'on  garde  le  manger;  la  pluralité  tombe  sur 
lieux.  L'Académie  met  un  garde-fm  au  singu- 
lier, et  des  garde-fous  au  pluriel.  La  pluralité 
ne  doit  i)ii:ni  tomber  sur  fou,  mais  sur  les  choses 
qui  servcnl  ;i  garantir  les  fous.  11  faut  écrire  au 
singulier  et  au  pluriel  garde-fou,  ou  garde-fous 
Je  préfère  le  dernier.  —  On  doit  écrire  des 
garde-meuble  ;  la  pluralité  tombe  sur  le  lieu  où 
l'on  garde  les  meubles,  et  non  pas  sur  les  meubles. 
11  y  a  plusieurs  meubles  dans  un  garde-meuble, 
comme  dans  deux  garde-meuble.  Le  s,  dans  la 
seconde  exi)ression,  n'ajoute  donc  rien  à  l'idée 
singulière,  il  est  donc  inutile.  Par  la  même  rai- 
son on  doit  dire  des  garde-robe,  et  non  pas  des 
garde-robes. —  L'Académie,  en  4835  ,  écrit  dei, 
garde-vieubles,  des  garde-robes. 

Garde  national.  Quand  ce  mot  est  employé 
dans  un  sens  individuel,  c'est-à-dire  pour  dési- 
gner un  ou  |)lusieurs  citoyens  faisant  partie  de 
la  garde  d'un  déparlement,  d'une  ville,  il  esi 
masculin.  Alors  on  dit  un  garde  national  ci  des 
gardes  nationaux.  Mais  si  garde  nationale  est 
employé  dans  un  sens  collectif,  c'est-à-dire  pour 
désigner  la  totalité  des  citoyens  composant  la 
garde  d'un  État,  il  se  met  au  féminin  :  La  garde 
nationale  de  Paris,  de  Lyon,  de  la  France.  Les 
gardes  nationales  de  la  France. 


GAU 

Garder.  V.a.  delal^conj.Ondildans  Icsiylc 
noble,  garder  à  quelqu'un  une  haine  éternelle  : 

Moi,  je  gard»  à  ce  fourbe  une  haine  éternelle. 

(Volt.,  JUahom.,  act.  I,  se.  l,  37.) 

Dans  le  sens  i'observer,  on  dit  garder  le 
jeûne: 

,  ..  Que  tous  les  juifs  dans  Suzc  répandus, 
A  prier  avec  vous  jour  et  nuit  assidus, 
3Ie  prélent  de  leurs  vœux  le  secours  salutaire. 
Et  pendant  ces  trois  jours  gardent  un  jeune  austère. 
(Rac,  J£sth.,  act.  II,  se.  i,  85.) 

Ce  verbe,  dans  le  sons  de  prendre  garde,  s'ein- 
[iloie  quehiuefois  sans  pronom  personnel  ; 
mais  c'est  en  poésie  seulement.  Employé  ainsi, 
il  exige  ne  dans  la  proposition  subordonnée  • 

Gardez  qu'une  voyelle  à  courir  trop  hâtée, 
-Ye  soit  d'une  voyelle  en  son  chemin  heurtée. 

(BoiL.,  A.  P.,  I,  107.) 

Gardez  qu'avant  le  coup  votre  dessein  n'éclate. 

(Rac,  Androm.,  act.  III,  se.  l,  93.) 

Gardez,  pour  vous  punir  de  cet  orgueil  étrange, 
Que  le  ciel  à  la  fin  ne  souffre  qu'on  vous  venge. 
(Cohn.,  Cid,  act.  Y,  se.  it,  41.) 

GARt<EMENT.  Subst.  in.  On  ne  le  dit  guère  seul, 
et  sans  le  faire  précéder  de  quelque  épithéte  :  Un 
franc  garnement,  un  mauvais  garnement. 

Que  cet  objet  charmant 
Soit  préservé  d'un  pareil  garnement . 

(YOLT.,  Enf.  prod.,  act.  I,  se.  I,  69.) 

La  Fontaine  a  dit  (liv.III,  fable  xviii,  18)  : 

Le  peuple  des  souris  croit  que  c'est  chltimenf. 
Enfin  qu'on  a  pendu  le  mauvais  garnementi 

Garrot.  Subst.  m.Le  t  final  ne  se  prononce 
pas. 

Gate-e>fant.  Subst.  des  deux  genres.  Dans  ce 
mol  composé,  le  pluriel  ne  peut  tomber  sur  gâte, 
qui  est  un  verbe;  mais  il  peut  quelquefois  tom- 
ber sur  le  substantif  enfant.  S'il  n'est  question 
que  d'un  seul  enfant,  et  d'une  seule  [lersonne  qui 
le  gâte,  il  faut  dire  un  gâte-enfant,  vne  gâte- 
enfant.  S'il  est  question  de  plusieurs  personnes 
qui  gâtent  un  enfant,  il  faut  dire  au  pluriel, 
vous  êtes  des  gàte-enfaïU.  Alors  la  pluralité  ne 
tombe  que  sur  les  personnes  ([ui  gâtent.  Mais  si 
l'on  veut  dire  de  plusieurs  personnes  qu'en  gé- 
néral elles  gâtent  les  enfants,  il  faudra  dire  voits 
êtes  des  gâte-enfants. 

Gate-métier,  Gate-pate.  Dans  ces  substantifs 
composés,  la  pluralité  ne  peut  tomber  ni  sur  gâte, 
qui  est  un  verbe,  ni  sur  les  substantifs  métier 
oupâte;  car  il  ne  s'agit  toujours  que  d'un  métier 
et  de  la  pâte  au  singulier.  La  pluralité  ne  tombe 
donc  que  sur  les  personnes  qui  gâtent,  et  il  faut 
écrire  au  pluriel  des  gâte-métier,   des  gâte-pâte. 

Gacche.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  La  main  gauche,  le  pied 
gauche;  l'aile  gauche  d\n  bâtiment,  d'une  ar- 
mée; la  rive  gauche,  un  air  gauche,  des  ma- 
nières gauches. 

GAUC1IEME^T.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Il  se  présente  gauchement,  il  travaille 
gauchement,  il  s'y  prend  gauchement. 

Gaucherie.  Subst.  f.  L'Académie  le  définit, 
action  d'un  homme  gauche  ;  ce  qui  n'est  pas 
fort  clair,  car  gauche  ne  se  dit  que  d'un  homme 


GEN 


317 


dont  les  mouvements  du  corps  sont  gênés,  em- 
barrassés, et  gaucherie  se  dit  aussi  i)ar  rapport 
à  l'esprit.  Une  gaucherie,  dans  cctle  dernière  ac- 
ccplion,  est  uiu;  rcsululion.  uiio  (léiiiarchc,  une 
action  (|ui  miiripic  peu  de  jugiMiioni  ci  de  saga- 
cité de  la  part  de  iclui  (pii  en  est  l'auleur,  et  qui 
doit  nécessairement  tourner  a  sou  désavantage, 
ou  i)roduii;e  le  contraire  de  ce  qu'il  s'était  pro- 
posé :  f^ous  avez  fait  là  une  grande  gaucherie. 
Ce  serait  une  gaucherie  de  proposer  la  pain- 
dans  cette  circonstance.  Cet  ambassadeur  u  fait 
plusieurs  gaucheries  qui  ont  obligé  sa  cour  à  le 
rappeler.  H  csL  familier. 

Gaulis.  Subst.  m.  L'Académie  le  définit,  bran- 
ches d'un  taillis  qu'on  alaisseescroitre.il  parai- 
trait,  par  cette  définition,  que  gaulis  n'a  point 
de  singulier.  On  dit  cependant  lier  avec  du  gau~ 
lis,  ou  avec  des  gaulis. 

Gadlois,  Gauloise.  Adj.  11  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :    Probité  gauloise ,  franchise  gau- 
loise. 
Gaz.  Subst.  m.  On  prononce  le  z. 
Géant.  Subst.  tu.  En  parlant  d'une  femme  on 
dit  une  géante.  On  a  dit  autrefois ^e'ojte,  on  ne 

i  le  dit  plus  aujourd'hui. 

j      Gélatineux,   Gélatineuse.  Adj.  11  ne  se  met 

I  (]u'aprés  son  subst.  :  Suc  gélatineux,   inaltérés 

■■  gélatineuses. 

Gémir.  V.  n.  de  la  2'  conj.  Les  poètes  le  di- 
sent des  choses  : 

I  La  rive  au  loin  gémit,  blanchissante  d'écume. 

(Rac,  Iphig.,  act.  V,  se.  vi,  62.) 

Il  entendit  gémir  la  voix  de  sa  patrie. 

(Volt.,  Henr.,  III,  8.) 

L'airain  couvrait  le  seuil  de  son  palais  divin, 
Et  les  gonds  gémissaient  sous  des  portos  d'airain. 
(Delil.,  Énéid.,  I,  619  ) 

GÉMISSANT,  GÉMISSANTE.  Adj.  vcrbal  tiré  du  v. 
gémir.  On  peut  quelquefois  le  mettre  avant  son 
subst.  :  P^oix  gémissante,  peuple  gémissant;  co- 
lombe gémissante.  Une  gémissante  voix. 

Gènakt,  Gênante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. gêner, 
11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Uîie  personne 
gênante,  une  posture  gênante. 

Généalogique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  (pi'après  son  subst  :  Arbre  généalogique, 
table  généalogique. 

Général,  Générale.  Adj.  11  se  dit  des  choses 
et  des  persoimes,  et  ne  se  met  (pi 'après  son 
subst.  :  Règlement  général,  maxiuie  générale, 
assaut  général.  Au  pluriel  masculin  il  fait  ye- 
néraux  :  Des  principes  généraux.  —  En  par- 
lant des  personnes  qui  ont  des  emplois  supé- 
rieurs :  Officier  général,  lieutenant  général, 
receveur  général,  contrôleur  général. 

11  se  dit  aussi  quelquefois  d'une  femme: 
Marguerite  d'Anjou,  femme  de  Henri  f^I,  roi 
d'Angleterre,  fut  active  et  intrépide,  général  et 
soldat.  (Thomas,  Essai  sur  les  femmes.) 

11  y  a  cette  différence  entre  général  et  univer- 
sel, que  le  premier  comprend  la  totalité  en  gros; 
le  second,  la  totalité  en  détail.  Le  général  aduicl 
des  exceptions,  l'universel  n'en  admet  point.  Il 
n'y  a  point  de  règle  si  générale  qui  ne  souffre 
quelque  exception.  On  regarde  comme  un  prin- 
cipe universel  une  maxime  dont  tous  les  esprits 
sans  exception  reconnaissent  la  vérité,  dès  qu'elle 
leur  est  présentée  en  termes  clairs  et  précis.  — 
Dans  les  sciences,  le  général  est  opposé  auj?ar- 
ticulier;  l'universel  à  l'individuel.  La  gram- 


318 


GEN 


inaire  générale  envisage  les  principes  qui  sont 
ou  peuvent  être  communs  à  toutes  les  langues  ; 
V\{iec  d\>\i<i  ffrarnmairi;  miiverselle  esl  une  iiioe 
chimériiiue,  pane  que  nul  lioniine  ne  pcul  savoir 
les  princi|)es  parliculieis  de  luns  les  idiomes,  el 
que  (|uand  on  les  saurait,  on  ne  pourrait  j)as  les 
réunir  en  un  corps. 

GÉ^iÉRALKMENT  Adv.  Il  pcut  sc  mettre  entre 
l'anxiliairc  el  le  participe  :  On  l'a  blâmé  qéné- 
ralement,  ou  on  l'a  généralement  bhimé.  Celle 
opinion  esl  reçi/e  (jénéralemeiit,  ou  l'st  générale- 
ment reçue.  On  le  joint  quolciuefois  avec  le  parti- 
cipe p«r/a«/,  et  alors  il  sc  met  ou  au  commence- 
ment uu  à  la  lin  de  la  phrase  :  Généralement 
padaitl,  cela  est  vrai,  ou  cela  est  vrai  générale- 
ment parlant.  \  oyez  Général. 

GÉMillATKDB,   GlÎNKRATRICE.     Adj.    Il    nC    SC    mCt 

qu'après  son  subst.  :  Point  générateur  d'une  li- 
gne, ligne  génératrice  d'une  surface.  — f^ertu 
génératrice. 

GÉ>Ér.ATiF  ,  Générative.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Principe  génératif,  faculté 
généralité. 

Généreusement.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  l'a  récompensé 
généreusement,  ou  on  Va  généreusement  récom- 
pensé. 

Généreux,  GÉ^KREUSE.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  Son  subst.  lorstpie  l'analogie  el  l'harmonie 
le  permettent  :  Ami  généreux,  généreux  ami; 
résolution  généreuse,  généreuse  résolution.  On 
ne  dit  \YdSgénéreux  homme,  généreuse  âme.  — 
On  dit  H7^  vin  généreux,  el  on  ne  dit  pas  un  géné- 
reux vin. 

Générique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Lu  différence  générique. 

Générosité.  Subst.  f.  L'Académie  ne  donne 
point  de  pluriel  à  ce  mot.  Il  n'en  a  point  quand 
il  sii'iiiiîe  la  vertu  à  laquelle  on  donne  ce  nom  : 
La  générosité  est  la  vertu  des  héms.  Il  en  a  un 
lorstiu'il  signifie  des  actes  particuliers  de  géné- 
rosité, jirise  dans  le  sens  de  libéralité.  On  fait  des 
générosités  à  ses  amis. 

Génie.  Subst.  m.  Dans  le  sens  de  talent,  ce 
n'est  autre  chose  que  la  disposition  à  réussir 
dans  un  art.  Quand  on  dit  i|u'un  homme  a  du 
génie,  on  désigne  par  là  un  talent  très-supérieur. 
Le  génie  sans  goût  commet  souvent  des  fautes 
gi'ossières;  le  génie  conduit  par  le  goût  n'en 
commettra  jamais.  Voyez  ce  que  dit  La  Harpe 
des  niols^oiî^  cl  génie.  {Cours  de  littérature, 
Introdvcl.,  l.  I,  p.  14.) 

On  appelle  expression  de  génie  Mnc  G\\)YCis\on 
que  l'un  |)arail  avoir  créée  pour  rendre  avec 
une  UnxG  ou  une  grâce  inouïe  la  pensée  ou  le 
senlimenl.  — On  appelle ^fCrttc  d'«/i<?  langue,  son 
aptitude  à  dire,  de  la  manière  la  plus  courte  et 
la  plus  harmonieuse,  ce  que  les  autres  langues 
expriment  moins  heureusement.  Le  français,  par 
la  marche  naturelle  de  toutes  ses  constructions, 
et  aussi  jiar  sa  prosodie,  est  plus  propre  à  la 
ccnver.satiun  qu'aucune  autre  langue. 

Génie  se  pi'end  ipiclquefois  pour  la  personne 
qui  a  du  génie;  maison  ne  peut  l'employer  dans 
toutes  les  occasions  où  l'on  emploierait  le  nom 
de  cette  personne.  On  dira  bien  ce  grand  génie 
a  co7itHhué  plus  que  tout  autre  à  fixer  lu  langue 
française,  ce  grand  génie  a  illustre,  sa  nation, 
parce  (|ue  dans  ces  jihrases  il  esl  question  de 
choses  <|ui  ont  rapport  au  génie;  mais  oh  ne 
dirait  pas  ce  grand  génie  était  lualade,  ni  comme 
un  grammairien,  en  parlant  de  Corneille,  deux 
jours  après  la  mort  de  ce  grand  gé?iie,  le  roi  lui 


GEN 

envoya  des  inarques  de  sa  libéralité.  La  mort 
d'un  génie  esl  une  expression  bizarre,  à  cause 
du  défaut  d'analogie  enlre  les  deux  termes. 
Voyez  Industrie. 

Genre.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire.  Dans 
le  langage  ordinaire,  genre  ou  classe  sont  à  peu 
près  synonymes,  cl  signifient  une  collection 
d'objets  réunis  sous  un  point  de  vue  qui  leur  esl 
comiMun  cl  propre.  Il  e^l  probable  que  c'est  dans 
le  même  sens  que  le  mot  genre  a  clé  introduit 
dans  la  grammaire,  el  (ju'on  a  voulu  mar(]uer 
par  là  une  classe  de  noms  réunis  sous  un  poinl 
de  vue  commun. 

La  distinction  des  sexes  semble  avoir  occasionné 
celle  des  genres  pris  dans  ce  sens,  puisqu'on  a  f 
distingué  le  genre  masculin  et  le  genre  féminin; 
et  pour  marquer  cette  différence  jusque  dans  les 
noms,  on  leur  a  donné  des  terminaisons  diffé- 
rentes, suivant  la  différence  des  sexes,  leiles  que 
lion,  lionne  ;  chien,  chienne.  En  conséquence,on 
a  dit,  les  noms  sont  de  deux  genres. 

Maison  a  souvent  tout  à  fait  oublié  ce  pre- 
mier motif  de  la  distinction  des  genres,  et  on 
a  distribue  des  noms  masculins  el  des  noms  fé- 
minins, sans  faire  aucune  aticnlion  au  sexe  des 
animaux.  Par  là  un  mot  d'un  seul  genre  a  servi 
«luelqucfois  à  distinguer  Ions  les  individus  d'une 
espèce,  tant  mâles  que  femelles;  lehsoM  perdrix, 
lièvre,  carpe,  brochet.  Yoyc'i  Epicène. 

La  distinction  des  genres  étant  une  fois  établie, 
on  l'a  étendue  à  tous  les  noms.  »1uelques-uns 
avaient  été  terminés  différemment,  selon  la  dif- 
fénce  des  sexes,  c'en  fut  assez  pour  voirie  mas- 
culin dans  certaines  terminaisons,  et  le  féminin 
dans  d'autres. 

Mais  une  règle  si  peu  fondée  ne  pouvait  être 
constante.  Ainsi  un  mot  a  sou  vent  été  d'un  genre, 
quand,  par  la  terminaison,  il  aurait  dû  être  d'un 
autre;  quelques-uns  ont  été  des  deux. 

Les  genres  ne  sont  que  les  difl'ercnles  classes 
dans  lesquelles  on  a  rangé  les  noms  pour  servir 
à  déterminer  le  choix  des  terminaisons  des  mots 
qui  ont  avec  eux  un  rajiporl  d'identité.  Dans  les 
mots  qui  ont  avec  eux  ce  rapport  d'identité,  les 
genres  sont  les  diverses  terminaisons  qu'ils  pren- 
nent dans  le  discours,  relativement  à  la  classe 
des  noms  leurs  corrélatifs.  Ainsi  parce  qu'il  a  plu 
à  l'usage  que  le  nom  homme  fût  du  genre  mas- 
culin, et  que  le  nom  femme  fût  du  genre  fémi- 
nin, il  faut  que  l'adjectif  prenne  avec  le  premier 
la  terminaison  masculine,  vn  bel  homme  ;  avec  le 
second,  la  teruiinaison  féminine,  une  belle  femme. 
C'est  le  même  mot  sous  deux  terminaisons  diffé- 
rentes, parce  que  c'est  la  même  idée  rapportée  g 
des  objets  dont  les  noms  sont  de  deux  genres 
différents. 

Ainsi,  si  la  plupart  des  substantifs  sont  tou- 
jours de  l'un  ou  l'autre  genre,  les  adjectifs,  au 
contraire,  peuvent  toujours  être  des  deux;  et  on 
leur  donne  l'un  ou  l'autre,  suivant  le  genre  des 
substantifs  auxquels  on  les  joint  :  Un  lion  fu- 
rieux, une  lionne  furieuse.  Par  ce  moyen,  on 
indique  i)lus  sensiblement  le  substantif  que  l'ad 
jeclif  modifie. 

L'usage  seul  peut  donner  la  connaissance  des 
genres  des  noms.  Cependant  les  grammairiens  ont 
établi  à  ce  sujet  (jnelques  règles  «pic  nous  croyons 
devoir  faire  connaître  à  nos  lecteurs,  malgré  les 
nombrcusesexceiitions  dont  elles sontsusceptibles. 

1"  Il  n'y  a  que  les  substantifs  lerminés  par  un 
e  muet  seul,  ou  suivi  d'un  s,  selon  que  ces  sub- 
stantifs sont  au  singuUer  ou  au  pluriel,  qui  soient 
féminins  :  Fcmvie,    abeille,    caresses,   plain- 


GEN 

tes,  etc.  Tous  les  substantifs,  au  contraire,  ter- 
minés autrement  que  par  l'e  muet,  sont  mascu- 
lins, comme  t'clat,  portrait,  carquois,  etc. 

Les  mots  dans  lesquels  IV  muel  est  précédé 
d'une  voyelle  sont  ordinairement  du  féminin. 

Il  faut  en  (excepter  colysée,  apogée,  périgée, 
pygmée,  7/tausolée,  incendie,  génie,  et  plusieurs 
autres  qui  sont  du  masculin. 

2°  Les  noms  des  jours,  des  mois  et  des  saisons 
de  l'année,  sont  masculins,  sans  en  excepter  atf- 
tomne,i\y\\  était  autrefois  des  deux  genres,  et  (juc 
l'on  fait  aujourd'hui  masculin,  ^'()ycz  ce  mot. 

Quand  on  joint  le  diminutif  7«i  à  un  nom  de 
mois,  le  nom  composé  devient  féminin  :  la  mi- 
juin,  la  ini-uoût,  la  mi- septembre.  Mi  est  là 
pour  moitié;  c'est  comme  s'il  y  avait  la  moitié 
de  juin,  la  moitié  d'août,  etc 

3"  Les  noms  d'arbres,  d'arbustes,  de  couleurs, 
de  minéraux,  de  métaux,  sont  masculins. 

4»  Les  noms  des  vents  sont  masculins,  à  l'ex- 
ception de  bise  cl  tramontane. 

5»  Les  noms  de  montagnes  sont  masculins, 
quelle  tjue  soit  leur  terminaison,  à  Le.xception 
des  Alpes,  des  Pyrénées,  des  CordUih'es,  des  Cé- 
vennes  et  des  Vosges. 

6»  Les  noms  des  villes  sont  en  général  mascu- 
lins, à  l'excepiion  de  ceux  ([ui  se  lermincnt  par 
une  syllabe  féminine  et  de  ceux  ([ui  portent 
avec  eux  l'article  féminin.  Cependant  quand  on 
personnilie  une  ville,  on  la  met  au  féminin  : 
Malheureuse  Tyr,  en  quelles  mains  es-tu  tom- 
bée! (Fénel.)  Telein.,  liv.  IIL  l.  i,  p.  137.) 

7o  Les  noms  d'Htats,  d'empires,  de  royaumes, 
qui  ne  sont  pas  terminés  par  un  e  muet,  sont  mas- 
culins :  le  Piémont,  le  Pérou,  le  Portugal,  lu 
Prusse,  la  Hollande,  la  Bussie. 

8°  Tous  les  noms  de  personnes  qui  sont  affec- 
tés aux  hommes  sont  masculins,  et  tous  ceux  qui 
sont  affectés  aux  femmes  sont  féminins,  (juelle 
que  soit  leur  terminaison.  Les  noms  comnmns 
des  deux  sexes,  tels  que  ceux  de  famille,  .sont  de 
l'un  ou  de  l'autre  genre,  selon  le  sexe  auquel  on 
les  applique  :  Le  savant  et  la  savante  Dacier. 

9"  Les  noms  de  nombres  ordinaux,  distributifs 
et  proportionnels,  les  inlinilifs  des  verbes  pris 
substantivement,  sont  masculins. 

10°  Les  diminutifs  suivent  le  genre  du  nom 
d'où  ils  dérivent.  Globule  est  masculin,  parce  qu'il 
dérive  de  gl<'be,  ([ui  est  ujasculin;  pellicule  est 
féminin,  parce  qu'il  dérive  de  peau.  Je  n'en  ex- 
cepterai pas,  comme  Lévizac,  le  mol  monticule; 
car  ce  mol  est  masculin  partout,  excepté  dans  le 
Dictionnaire  de  Boisle,  et  dérive  de  mont,  qui  est 
du  même  genre. 

dd"  Les  noms  des  vertus  et  des  vices  sont  fé- 
minins, à  l'exception  de  courage  et  orgueil. 

Nous  explitiuerons  les  diflicultés  relatives  aux 
genres  des  noms,  à  chaipic  mol  qui  en  sera  sus- 
ceptible. Quant  aux  geiu'cs  des  pronoms  et  des 
adjectifs,  voyez  ces  mots.  Voyez  Accord,  Covt- 
m.un. 

Notre  langue  a  plusieurs  mois  tantôt  mas- 
culins, tantôl  féminins,  sans  aucune  règle  pour 
nous  diriger  dans  le  choix  du  genre.  Est-ce  donc 
encore  une  de  ces  bizarreries  si  souvent  invo- 
quées pour  trancher  adroitement  toutes  les  difli- 
cultés? Il  est  plus  naturel  de  penser  que  chaque 
genre  imprime  a  ces  mots  versatiles  le  caractère 
qui  le  dislingue  lui-même. 

Le  masculin  exprime,  et  par  conséquent  im- 
prime au  sujet  un  caractère  de  force,  d'énergie, 
d'activité,  de  vertu,  un  caractère  mâle.  Le  fé- 
minin exprimera  et  imprimera  un  caractère  op- 


GEN 


319 


posé,  par  la  raison  des  contraires.  Cette  observa- 
tion est  prouvée  par  elle-même.  Ainsi,  le  mas- 
culin renforcera  l'idée  du  substantif,  et  le  fémi- 
nin l'affaiblira.  Ainsi,  lorsque  le  même  mot  sert 
également  a  désigner  la  cause  et  l'effet,  vous  dé- 
signez la  cause  par  le  genre  mascidin,  et  l'effet 
[)ar  le  féminin.  Lorsque  le  mot  aura  un  seirs  pas- 
sif et  un  sens  actif,  l'article  la  s'emparera  du  i)re- 
mier,  et  Tarlicle  le  du  second.  Far  le  masculin, 
vous  annoncerez  l'agent  supérieur,  son  exercice 
et  sa  puissance;  et  par  le  féminin,  l'agent  infé- 
rieur, subordonné,  dirigé  par  celle  pui.ssance. 
Nous  qualilions  de  noble  le  genre  m.ascuiin;  il 
donne  donc  une  idée  plus  grande,  plus  relevée, 
plus  forte  de  l'objet.  Celle  remai(iue  n'est  que 
l  api>!icalion  des  premiers  éléments  de  la  gram- 
maire. Au  lieu  d'une  bizarrerie  légèrement  im- 
putée, elle  donne  à  l'usage  des  substantifs  à  dou- 
ble genre  une  raison  philosophi(|ue,  une  nouvelle 
espèce  de  richesse  et  de  beauté,  un  moyen  sim- 
ple de  lever  les  équivoques,  cl  d'ajouter  à  l'é- 
nergie, connue  a  la  clarté  du  discours.  Les  exem- 
ples aideront  peut-être  à  conlirmer  celte  règle  en 
i'éclaircissant. 

Le  physicien  considère  la  foudre  comme  un 
elTct  naturel;  mais  pour  animer  A-olre  tableau  et 
relever  l'action,  vous  direz  le  foudre  et  les  fou- 
dres vengeurs.  Jupiter  lance  la  foudre;  elle 
n'est  qu'un  instrument  passif  et  soumis.  Mais  si 
la  foudre  est  un  dieu,  il  est  alors  la  puis-sance 
foudroyante  :  on  dira  un  foudre,  et  non  iine  fou- 
dre de  guerre,  fût-il  i]UCSlion  d'une  femme,  [tarce 
qu'il  s'agit  de  designer  l'auteur  et  la  grandeur 
des  exploits.  L'usage  favorise  donc  mon  opinion. 

Équivoque  êlaitautrefois  des  deux  genres,  et 
non  sans  raison;  car  il  y  a  l'équivoque  qui,  dans 
l'intention  de  l'auteur,  veut  tromper  et  abuser, 
et  réquivo(]uequi,  sans  dessein,  se  rencontre  dans 
le  discours  et  le  langage.  Le  moraliste  qui  juge  le 
vice  de  l'action  aurait  dû  dire  «k  équivoque,  et  le 
grammairien, qui  juge  de  la  régularité  de  la  phrase, 
aurait  plutôt  dit  U7ie  équivoque,  [iour  en  indiquer 
la  faute  ou  le  défaut. 

On  a  dit  aussi  un  rencontre  et  une  rencontre, 
et  ce  mot  est  un  de  ceux  qui  ont  un  sensactifet 
un  sens  passiL  Jîenconlrean  masculin  indicpie- 
rait  l'action  de  celui  (lui  cherche  et  qui  rencon- 
tre; au  féminin,  il  indiquerait  l'événeincnt  arrivé 
à  celui  qui  ne  cherchait  pas  et  qui  est  rencontré. 
Cette  duplicité  de  genre  esl  évidemment  propre 
à  distinguer  dans  une  action  l'agent  et  le  liatient. 
TJn  dueF  s'appelait  particulièrement  wh  rencontre, 
ce  quiexprimaitunc  action  violenleel réciproque. 

Plusieurs  grammairiens  font  horoscope  niast;u- 
lin  cl  féminin,  quoique  l'usage  du  masculin  l'ait 
emporté,  conformément  à  l'Académie.  Ce  sub- 
stantif n'est  pas  moins  suscepl.ble  des  deux  gen- 
res, puisqu'on  prend  également  horoscope  <ians 
le  sens  actif,  pour  l'observation  de  l'élat  des  as- 
tres a  l'instant  de  la  naissance  de  qucl(iu'un,dans 
la  vue  d'en  tirer  des  prédictions,  et  pour  la  pié- 
diciion  tirée  de  celte  observation  aslrologiiiue. 
Ainsi  ce  mot  désigne  également  l'opération  et  son 
résultat,  ce  qu'il  serait  bon  de  distinguer. 

Amour  est  quehjuefois  féminin  en  poésie  assez 
à  propos,  s'il  ne  faut  exprimer  (pic  la  douceur, 
la  tendresse,  la  mollesse  de  celte  passion  ;  mais 
moins  convenablement,  si  vous  voulez  en  décru-e 
l'ardeur,  l'impétuosité,  la  violence.  Observez 
qu'il  vous  sera  facile  de  trouver,  en  i»oésie,  Va- 
mou  r  maternelle;  mais  Vamour paternelle,  vous 
auriez  de  la  peine  à  le  découvrir;  l'esprit  semble 
y  répugner.  Quant  au  pluriel,  qu'on  dise  d'éter- 


520 


GEN 


nelles,  de  constantes  amours,  il  ne  s'agit  là  que 
de  leur  durée.  Observez  encore  qu'amour  au  plu- 
riel désigne  plutôt  la  continuité  d'un  connucrce 
réciproque  que  la  force  de  la  passion. 

^igle  est  m;isculin  lorsqu'on  parle  de  l'oiseau 
même,  et  ce  genre  convient  parfaitement  à  son 
caractère.  Il  est  féminin  quand  il  ne  sert  pliis<pie 
de  signe,  comme  dans  Vaigle  romuinf,  Vaigle 
inipt  l'iule. 

Je  n'exclus  pas  d'autres  causes  de  la  dupli- 
cité de  genre.  Ainsi,  lorsqu'on  dit  d'un  côté 
de  bonnes  gens,  et  de  l'autre  des  gens  savants, 
je  conviens  que  l'oreille  l'emporte  souvent  sur  la 
raison  et  sur  la  régie.  (Laveaux,  Dictionnaire 
synonymique  delà  langue  française,  iS2i'),  art. 
Foudre.) 

Genre,  terme  de  littérature,  se  dit  pour  le 
style.  On  distingue  le  genre  simple,  le  genre  su- 
blime, le  genre  médiocre. 

t.liaque  genre,  dit  Voltaire,  a  ses  nuances  dif- 
férentes; on  peut  au  fond  les  réduire  à  deux,  le 
sinii)le  et  le  relevé.  Ces  deux  genres,  qui  en  em- 
brassent tant  d'autres,  ont  des  beautés  nécessai- 
res qui  leur  sont  également  communes.  Ces  beau- 
lés  sont  la  justesse  des  idées,  leur  convenance, 
l'élégance,  la  propriété  des  expressions,  la  pureté 
du  langage.  Tout  écrit,  de  quelque  nature  qu'il 
soit,  exige  ces  qualités;  les  différences  consis- 
tent dans  les  idées  propres  à  chaque  sujet,  dans 
les  Iropes.  Ainsi,  un  personnage  de  comédie 
n'aura  ni  idées  sublimes,  ni  idées  philosophiques; 
un  berger  n'aura  [)oint  les  idées  d'un  conqué- 
rant ;  une  épître  didactique  ne  respirera  point  la 
passion,  et  dans  aucun  de  ces  écrits  ou  n'emploiera 
ni  métaphores  hardies,  ni  exclamations  pathéti- 
ques, ni  expressions  véhémentes. 

Entre  le  simple  et  le  sublime,  il  y  a  plusieurs 
nuances;  et  c'est  l'art  de  les  assortir  qui  contri- 
bue à  la  iierfcction  de  l'éloquence  et  de  la  poésie. 
La  tragédie  peut  s'abaisser,  elle  le  doit  même  ;  la 
simplicité  relève  souvent  la  grandeur.  Ainsi  ces 
deux  beaux  vers  de  Titus,  si  naturels  et  si  ten- 
dres (Rac,  Bérénice,  act.  II,  se.  ii,  208)  : 

Depuis  cinq  ans  entiers  chaquejourje  la  vois, 
Et  crois  toujours  la  Toir  pour  la  première  fois. 

ne  seraient  point  du  tout  déplacés  dans  le  haut 
comique;  mais  ce  vers  d'Antiochus  {idem,  act.  I, 
se.  IV,  93)  : 

Dans  l'Orient  désert  quel  devint  mon  ennui  ! 

ne  pourrait  convenirà  un  amant  dans  une  comé- 
die, parce  que  cette  belle  expression  {igiirée,  dans 
l'Orient  désert,  est  d'un  genre  trop  relevé  pour 
la  simplicité  du  brodequin.  Est-il  une  affectation 
plus  ridicule  que  celle  d'un  auteur  qui,  en  écri- 
vant SU'  la  i)hysi(pic,  prétend  (ju'il  y  a  eu  un 
Hercule  physicien,  et  ajoute  qu'im  ne  pouvait 
résister  à  un  philosuphe  de  cette  firce?  ou  celle 
d'un  autre  qui,  écrivant  contre  l'utilité  de  l'ino- 
culation, dit  (pie  si  on  mettait  en  usage  la  petite 
vérole  artificielle ,  la  mort  serait  bien  attrapée? 
1!  y  a  un  autre  défaut  qui  n'est  que  celui  de  la 
négligence,  c'est  de  mélOT  au  style  simple  et  noble 
qu'exige  l'histoire  ces  termes  populaires,  cesex- 
])ressions  triviales  que  la  bienséance  réprouve. 
On  trouve  trop  souvent  dans  Mézeray,  et  même 
dans  Daniel,  qui,  ayant  écrit  longtemps  après  lui, 
devrait  être  plus  correct,  qu'un  général,  sur  ces 
entrefaites,  se  mil  aux  trousses  de  l'ennemi; 
qu'A  suivit  sa  pointe,  qu'il  la  battit  à  plate  cou- 
ture. On  ne  voit  point  de  pareilles  bassesses 
de  style  dans  Tite-Live,  dans   Tacite,    dans 


GEN 

Guichanlin  ,   dans   Clarendon.  (  Dict.  philos.  ) 

Gens.  Subst.  i)lur.  m.  et  f.  Ce  mot  tros-bizarre 
signifie  un  grand  nombre  de  choses,  et  est  d'une 
construction  trcs-diflicile.  Il  signifie  tantôt  les 
hommes,  tantôt  les  domesti«iues,  tantôt  les  sol- 
dats, tantôt  les  officiers  de  justice  d'un  prince, 
et  tantôt  les  personnes  qui  sont  de  même  suite  et 
de  même  parti.  Il  est  toujours  masculin  en  toutes 
ces  significations,  excepté  quand  il  veut  dire  per- 
sonne; car  alors  il  est  féminin  si  l'adjectif  le  pré- 
cède, et  masculin  si  l'adjectif  le  suit.  Par  exem- 
ple, dans  j'at  ru  des  gens  bien  faits,  l'adjectif 
bien  fait,  après  gens,  est  masculin.  Au  contraire, 
on  dit  de  vieilles  gens,  de  bonnes  gens;  ainsi 
l'adjectif  devant  gens  est  féminin.  H  n'y  a  peut- 
être  qu'une  seule  exception,  qui  esl  pour  l'adjectif 
tout,  qui,  étant  mis  devant  gens,  esl  masculin: 
Tous  les  gens  de  bien.  On  met  aussi  tout  au  mas- 
culin lorsqu'il  est  suivi  d'un  adjectif  des  deux 
genres  qui  précède  le  mol  gens  .-"J'ous  les  honnêtes 
gens.  Mais  quand  cet  adjectif  n'est  que  du  genre 
féminin,  tout  redevient  féminin  :  Toutes  lea 
vieilles  gens. 

Le  |)ére  Bouhours  demande  si,  lorsque  dans  la 
même  phrase  il  y  a  un  adjectif  devant,  et  un  ad- 
jectif ou  un  participe  après,  il  les  faut  mettre  tous 
deux  au  même  genre,  selon  la  règle  générale;  ou 
si  l'on  doit  m.ettre  le  féminin  devant,  et  le  mas- 
culin après;  par  exemple,  s'il  faut  dire  il  y  a  de 
certaines  gens  qui  sont  bien  sots,  ou  bien  sottes; 
ce  sont  les  meilleures  gens  que  j'ai  jamais  vus, 
OU  vues.  Les  meilleurs  grammairiens  croient 
qu'il  faut  dire  sots  et  vus,  au  masculin,  par  la 
raison  que  le  mot  gens  veut  toujours  le  masculin 
après  soi. 

Domcrgue  nous  a  rendu  celte  règle  sensible 
dans  les  deux  cxemi)les  suivants  :  L'homme  sage 
évite  de  se  familiariser  avec  les  petites  gens, 
parce  qu  i\s  en  abusent.  Certaines  gens  étudient 
toute  leur  vie  ;  à  la  mort  ils  ont  tout  appris,  ex- 
cepté à  penser. 

On  demande  si  l'on  doit  dire  dix  gens,  quatre 
gens,  en  nombre  déterminé,  comme  un  dit  beau- 
coup de  gens,  beaucoup  de  jeunes  gens.  Vaugc- 
las.  Ménage  et  le  père  Bouhours  s'accordent  una- 
nimement a  prononcer  que  gens  ne  se  dit  point 
d'un  nombre  détermine;  de  sorte  que  c'est  mal 
|)arler  de  dire  dix  gens,  six  gens,  quatre  gens. 
ils  ajoutent  qu'on  dit  fort  bien  mille  gens,  mais 
c'est  parce  que  le  mot  mille,  en  cet  endroit,  est 
un  nombre  indéfini;  et  par  cette  raison  on  pour- 
rail  dire  aussi  cent  gens,  sans  la  cacophonie. 
Cette  décision  est  d'autant  mieux  fondée  que,  si 
en  effet  il  y  avait  cent  personnes  dans  une  mai- 
son, ou  bien  mille,  de  com|)te  fait,  ce  serait  mal 
])arler  de  dire  il  y  a  cent  gens  ici,  j'ai  vu  mille 
gens  sur  cette  place.  11  faudrait  sc  Servir  du 
mol  personne. 

Cependant,  quoiqu'il  soit  formellement  décidé 
(lue  c'est  mal  parler  de  dire  dix  gens,  on  dira 
fort  bien  dix  jeunes  gens,  trois  honnêtes  gens, 
en  parlant  d'un  nombre  déterminé.  Il  faut  con- 
clure de  là  que,  quand  il  y  a  un  adjectif  ou  un 
nom  quelconque  avant  le  mot  gens,  on  peut  faire 
précéder  ce  mot  d'un  nombre  déterminé  :  Dis 
jeunes  gens,  trois  honnêtes  gens.  C'est  pour  cela 
qu'on  dit  très-bien,  en  prenant  gens  pour  soldai 
ou  pour  domesli(]ue,  cet  officier  accourut  avec 
dix  de  ses  gens;  le  prince  n'avait  qu'un  de  ses 
gens  avec  lui. 

Il  faut  remarquer  qu'on  dit  c'est  vn  honnête 
homme,  mais  qu'on  ne  dit  poinl,  en  parlant  indé- 
finiment, ce  sont  des  honnêtes  hommes;  il  faut 


GEN 

dire  ce  sont  d'honnêtes  gens.  Cependant  on  dit 
c'est  'tu  des  plus  honnêtes  hommes  cjuc  je  con- 
naisse. Corneille  a  dil  dans  Pompée  (act.  IV, 
se.  111,  4U7)  : 

Acliillas  et  Pholin  sont  gens  à  dédaigner. 

Ce  mot  gens,  dil  a  eelte  oceasion  A'oltaire,  ne 
doit  jiiinais  entrer  dans  le  style  no\A&. [Remarques 
sur  Corneille.)  Voyez  Hoimne. 

Gens  pe  lettp.ks.  Au  singulier,  homme  de  let- 
tres. L'Académie  donne  cette  expression  [wur 
exemple  au  mot  ^e/i*- ;  nuiis  cela  ne  nous  apprend 
pas  ce  ([u'on  doit  entendre  par  là.  Ce  mol,  dit 
^■oltaire,  répond  préiisénieiil  à  celui  de  gram- 
mairiens, chez  les  anciens.  Ciiez  les  Grecs  et  les 
■Romains,  on  entendait  par  grammairien,  non-seu- 
lement un  homme  versé  dans  la  granmiairc  pro- 
prement dite,  qui  est  la  base  de  toutes  les  con- 
naissances, mais  un  lionimc  (jui  n'était  pasctran- 
ijer  dans  la  géométrie,  dans  la  philosophie,  dans 
l'histoire  générale  cl  particulière,  (jui  surtout  fai- 
sait son  étude  de  la  poésie  et  de  l'élo(iuence: 
c'est  ce  i|ue  sont  nos  gens  de  lettres  d'aujour- 
d'hui. On  ne  donne  point  ce  nom  à  un  homme 
qui,  avec  peu  de  connaissances,  ne  cultive  qu'un 
seul  genre.  Celui  qui,  n'ayant  lu  que  des  romans, 
ne  fera  ijuc  des  romans;  celui  qui,  sans  aucune 
littérature,  aura  composé  au  hasard  quelques  piè- 
ces de  théâtre;  qui,  dépourvu  de  science,  aura 
fait  queUpies  sermons,  ne  sera  pas  compté  parmi 
les  gens  de  lettres.  Ce  litre  a,  de  nos  jours,  encore 
plus  d'étendue  que  le  mol  grammairien  n'en 
avait  chez  les  Grecs  et  les  Latins.  Les  Grecs  se 
contentaient  de  leur  langue,  les  Romains  n'appre- 
naient que  le  grec;  aujourd'hui  l'homme  de  let- 
tres ajoute  souvent  à  l'étude  du  grec  et  du  latin 
celle  de  l'italien,  de  l'espagnol,  et  surtout  de  l'an- 
glais. La  carrière  de  l'histoire  est  cent  fois  plus 
étendue  qu'elle  ne  l'était  pour  les  anciens,  et 
l'histoire  naturelle  s'est  accrue  à  pio|)orlion  de- 
celle  des  peuples.  On  n'exige  pas  qu'un  homme 
de  lettres  appiofondisse  toutes  ces  matières;  la 
science  universelle  n'est  plus  à  la  portée  de 
l'honane.  Mais  les  véritables  gens  de  lettres  se 
inellcnt  en  étal  de  porter  leurs  pas  dans  ces  dif- 
férents terrains,  s'ils  ne  peuvent  les  cultiver  tous. 

iJn  homme  de  lettres  n'est  pas  ce  qu'on  ap- 
pelle un  bel  esprit.  Le  bel  esprit  seul  suppose 
moins  tle  culture,  moins  d'étude,  et  n'exige 
nulle  philosophie.  11  consiste  principaleiuentdans 
l'imagination  brillante,  dans  les  agréments  de  la 
conversation,  aides  d'une  lecture  connnune.  Un 
bel  esprit  peut  aisément  ne  point  mériter  le  titre 
d'homme  de  lettres,  et  l'homme  de  lettres  peut 
ne  point  prétendre  au  brdlanl  du  bel  esprit.  11  y  a 
des  gens  de  lettres  qui  ne  sont  point  auteurs. 
[Dict.  philds.) 

Genï.  Subsl  f.  Ce  mol,  pris  dans  la  signilication 
de  nation,  se  disait  autrefois  au  singulier.  Mais 
aujourd'hui,  il  n'est  d'usage  a  ce  nombre  que  dans 
la  poésie  burlesque.  On  dit  le  ayait  des  gens.  11 
faut  remarquer  que  dans  ce  mol  on  retranche  au 
pluriel  le  t  final. 

Gent,  Geme.  Adj.  qui  se  disait  autrefois  dans 
tous  les  styles  pour  gentil,  joli,  mais  qui  ne  se 
dit  plus  aujourd'hui  que  dans  le  style  inarotique. 
Il  ne  se  met  qu'avant  son  subst.  :  Une  gente  de- 
moiselle, une  yenta  fillette,  le  gent  amour. — Ce- 
pendant l'Académie,  dans  sa  dernièie  édition, 
donne  l'e-xemple  suivant  :  Une  fille  au,  corps  gent. 

Gemtil,  Gemilli:.  Adj.  Au  masculin,  on  ne 
prononce  point  le  /  devant  une  consonne,  gentil 
cavalier  ;  on  le  mouille  devant  une  voyelle,  gen- 


GES 


321 


tu  amant.  Au  féminin  on  mouille  les  deux  l.  Cet 
adj.  se  met  souvent  avant  son  subsl.  :  Un  homme 
gentil,  une  femme  gentille  ;  cet  enfant  est  gen- 
til. Un  gentil  cavalier,  une  i/cntille  inrention 
Ironiiiuement,  un  gentil  garçon,  un  r/entil  mé- 
tier, un  gentil  personnage.  Voyez  .Idjectif. 

Gentilhomme.  Subst.  m.  Le  l  se  mouille.  Au 
pluriel,  il  fait  gcntilshomnfes,  et  le  l  ne  se  pro- 
nonce pas  :  genti-zhommes. 

Gentiment.  Adj.  11  se  dit  ordinairement  par 
une  espèce  de  dérision  ;  mais  on  l'emploie  <|uel- 
(luefiiis  sérieusement  :  Il  s'est  arquiliê  oonti- 
mentde  sa  commissio7i.  Il  a  jouê  gentiment  son 
rôle.  Madame  de  Scvignéa  dil  :  J'ai  été  fort  aise 
do  savoir  que  le  petit  discours  a  été  bien  et  gen- 
timent prononcé. 

Géocentriquk.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Lieu  géocentrique , 
latitude  géocentrique. 

Géodésique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  (ju'aprèsson  subst.  :  Opérations géndésiqucs. 

Géographique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Description  géographi- 
que, carte  géographique. 

Géométkal,  Géométrale.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Plan  géométral. 

Géométrique.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  J\léthode  géométrique, 
démonstration  géométrique  ,  proportion  géomé- 
trique, esprit  géométrique. 

Géométriquement.  Adv.  11  peut  se  mettre  en- 
tre l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  est  démontré 
géométriquement,  ou  cela  est  géométriquement 
démontré. 

Ger.  Terminaison  de  l'inhnitif  de  certains  ver- 
bes, comme /«^er,  tnaiiger,  obliger,  etc.  Dans  les 
temps  de  ces  verbes  où  il  se  rencontre  un  a  ou 
un  0,  il  faut  ajouter  devant  ces  voyelles  un  e,  qui 
ne  se  prononce  point,  et  qu'on  ne  met  tiue  pour 
donner  au  g  un  son  doux  qu'il  n'a  pas  naturelle- 
ment devant  l'a  et  Vo  :  Jvgeant,  il  jugea,  nous 
jugeâmes,  nous  jugeons,  il  jugeait,  etc. 

Germain,  Germaine.  Adj.  Dans  le  discours  or- 
dinaire, il  ne  se  dit  ([u'avec  cousin  cl  cousine,  de 
ceux  ijui  sont  sortis  des  deux  frères  ou  des  deux 
sœurs,  ou  du  frère  et  de  la  sœur  :  Mon  cousin 
germain,  ma  cousine  germaine. 

Autrefois  on  faisait  germain  substantif.  On  di- 
sait il  est  mon  germain,  nous  sommes  germains. 
Bossuet  a  dil  :  Les  mariages  se  pou  raient  faire 
entre  germains.  Il  est  encore  aujourd'hui  sub- 
stantif dans  l'expression  suivante  :  Cousins  issus 
de  germains. 

Germanique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Style  germanique,  droit 
germanique. 

Germe.  Subst.  m.  On  dil  au  figuré  le  germe  de 
la  haine,  le  germe  de  tu  vie. 

Delà  tiaine  déjà  le  germe  est  dans  les  cœurs. 
(Delil.,  £neïd.,VII,  56P 

Sur  celle  terre  liorriblu  tt  des  anges  haie. 
Dieu  n'a  point   répandu  le  qerme  de  la  vie. 

(Volt.,  Henr.,  Vil,  i33.) 

Gérondif.  Xoyez  Participe. 

Gésir.  V.  n.  et  défectueux  de  la  i'  conj.,  qui 
signifie  être  couchè.  Il  n'est  plus  en  usage  (jue 
dans  il  git,  7wus  gisons,  ils  gisent,  il  gisait,  gi- 
sant. Les  épitaphes  commencent  ordinaireinenl 
par  Ci-git. 

Glsticulateur.  Subst.  m.  Qui  fait  trop  de  ges- 
tes. L'Académie  ne  dit  pas  coiiimenl  il  laudrail 
dire  en  parlant  d'une  fenmie  qui  aurait  ce  défaut. 

21 


GLA 

Nous  pensons  que  l'analogie  permellrait  de  dire 
gesticulati'icc. 

GiBBEUx,  GiBBEDSE.  Adj.  On  prononce  les  deux 
b.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  :  Jm  partie 
gijbbevse. 

Gir.BosiTK.  Subst.  f.  On  prononce  les  deux  h. 

GinET.  Suiisl.  ni.  On  ne  prononce  pas  le  t. 

GiBiEi!.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  jias le  ?•. 

GinitïLux,  GiBOïKOSE.  Adj.  11  ne  se  uict  qu'a- 
près son  subst.  :  Une  terre  giboyeuse,  un  parc 
jibnyeux. 

GiG.\NTESQCE.  Adj.  dcs  dcux  genres.  On  peut 
quelquefois  le  mellre  avant  son  subsl.,  eu  consul- 
tanl  l'oreille  et  l'analogie:  Une  taille  gigantes- 
que, une  figure  gigantesque.  Ces  gigantesques 
expressions  firent  Hre  leurs  auditeurs.  De  gi- 
gantesques projets.  ^'oyez  Adjectif. 

GiNGDET,  GciNGcETTE.  Adj.  Il  uc sc  inct  iiu'ajtrcs 
son  subst.  :  Un  hahit  ginpvet,  du  vin  ginguct. 

Gl.^ce.  Subsl.  f.  On  dit  figurémcnl  P'isage  de 
glace,  air  de  glace,  cœur  de  glace. — On  dit  aussi 
être  de  glace  : 

L'homme  est  âe  glace  aux  vérilés, 
Il  est  de  feu  pour  les  mensonges. 

(La  Font.,  Ht.  IX,  fable  VI,  35.) 

Que  le  mensonge  un  instant  vous  outrage. 
Tout  est  en  feu  soudain  pour  l'appuyer  : 
La  vérité  perce  enfin  le  nuage. 
Tout  est  de  glace  à  vous  justiKer. 

(VOLT.,  Èpttre  XXXV,  115.) 

Glacer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  ne 
dit  pas  glacer  la  tendresse,  glacer  de  peur,  d'é- 
pouvante, etc. 

Ses  froids  embrassements  ont  glacé  ma  tendresse. 
(Rac,  Phéd.,  act.  IV,  se.  i,  26.) 

Quoi  !  la  penr  a  glacé  mes  indignes  soldats. 

(Rac,  Âth.,  act.  V,  se.  v,  32.) 

Cent  présages  affreui  la  glacent  d'épouvante. 

(Dblil.,  Énéid.,  IV,  680.) 

Ne  crains  rien  de  ce  peuple  imbécile  et  volage. 
Dont  un  faible  malheur  a  glacé  le  courage. 

IVOLT.,  Henr.,  IV,  150.) 

Ma  langue  glacée 
Se  refuse  aui  transports  de  mon  âme  offensée. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  III,  se.  vu,  1.) 

Trouverai-je  l'amant  ff!ac^  comme  le  père  ? 

(Rac,  Jphig.,  act.  II,  se.  m,  35.) 

Glacial,  Glaciale.  Adj.  Il  peut  quebiuefois  se 
mettre  après  son  subst.,  lorsque  l'analogio  et  l'b.'ir- 
monie  le  i)crmettent  :  Un  vent  glacial,  un  accueil 
glacial,  une  réception  glaciale,  un  air  glacial. 
Ce  glacial  accueil,  cette  réception  glaciale  m'in- 
terdit. ^'oyez  Adjectif  Selon  l'Académie,  cet 
adj.  n'a  point  de  masculin  au  pluriel.  Bailly  l'as- 
trononie  lui  en  a  do'uiè  un.  Il  a  dit  des  vents  gla- 
cials. 

Gladiateob.  Subst.  m.  Il  n'y  avait  point  de 
gladiatriccs  chez  les  anciens,  et  par  conséquent 
ce  mot  n'a  pas  de  fc^minin. 

Glaikf.ux,  Glaikecse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.  :  Humeur  glaireuse,  mnlicrc glai- 
reuse. 

Glaive.  Subst.  m.  Ce  mot  est  employé  très- 
fréquemment  en  poésie  : 

J'ai  plongé  dans  son  flanc 
LepJot'Dc  con?ai.rc  qn>  _.it  îjr^erson  sang. 

(Volt.,  âfahom.,  act.  iV,  se.  iv,  54.) 


GLO 

Le  glaive  de  Thémij, 
Ce  grand  sontien  du  trAne,  à  lui  seul  «st  soumis. 

(Volt.,  !Uér.,  act.  Il,  se.  vi,  15.) 

Ce  glaive  à  notre  Dieu  vient  d'être  consacré. 

(Volt.,  Mahom.,  act.  IV,  se.  iv,  18.) 

Une  invincible  main  suspend  sur  votre  tHe 
Le  glaive  menaçant  que  la  vengeance  apprête. 

(Volt.,  OEd.,  act.  III,  se.  «V,  70.) 

Celui  qui  des  chrétiens  se  dit  encor  le  père 
Met  aux  mains  de  ses  fils  un  glaive  sanguinaire. 

(Volt.,  Henr.,  III,  351.) 

Qnand  l'arrêt  des  destins  eut,  durant  qnelqnos  jours, 
A  fcnnl  de  cruautés  permis  un  libre  cours, 
Et  que  des  assassins,  fatigues  de  leurs  crimes, 
Los  glaives  émoussés  manquèrent  de  victimes. 

(Volt.,  Ilenr.,  III,  1.) 

Je  doute  qu'on  puisse  dire  le  glaive  des  assas- 
sins. Glaire  emporte  une  idée  de  justice,  de  ven- 
geance, de  colère  divine  :  Le  glaive  de  Injustice, 
le  glaive  des  lois,  le  glaire  de  Tliémis ,  le  glaive 
sacré,  le  glaire  de  la  vengeance  ;  mais  non  pas  le 
glaire  des  assassins,  le  glaire  des  brigands. 

Glapissa?(t,  Glapissante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  glapir.  On  peut  quelquefois  le  mcltrc  avant 
son  subst.,  en  consuliant  l'oreille  et  l'analogie: 
Ton  glapissant,  rois  glapissante.  J'entendis 
une  glapissante  voix. 

GLIssA^T,  Glissante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
glisser.  Au  propre,  il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  ;  au  figuré,  on  peut  le  faire  procéder,  lors- 
que l'analogie  et  l'harmonio  le  permettent  :  Un 
chemin  glissant,  un  pas  glissant  ;  une  carrière 
glissante,  dans  cette  glissante  carrière.  A''oyez 
Adjectif. 

Gi.onsE.  Subst.  f.  L'Académie  dit  que  la  gloire 
est  l'honneur,  l'estime,  les  louanges,  la  réputation 
que  les  vertus,  le  mérite,  les  grandes  qualités,  les 
grandes  actions  ou  les  bons  ouvrages  attirent  à 
quelqu'un.  Cette  définition  n'est  pas  bien  daire. 
Écoulons  Voltaire;  il  va  nous  faire  comprendre 
beaucoup  mieux  que  l'Académie  ce  qu'on  doit 
entendre  par  ce  mot. 

La  gloire  est  la  réputation  jointe  à  l'estime; 
elle  csl  au  comble  (pmnd  l'admiration  s'y  joint. 
Elle  supi)ose  toujours  des  choses  éclatantes  en 
actions,  en  vertus,  en  talents,  et  toujours  de 
grandes  difficultés  surmontées.  César,  Alexandre, 
ont  eu  de  la  gloire.  On  nn  jjeut  guère  dire  que 
Socrateen  ait  eu.  Il  attire  l'estime,  la  vénération,  la 
pitié;on  éprouve  de  l'indignation  contre  ses  enne- 
mis ;  mais  le  terme  de  glaire  serait  inqiropre  à  son 
égard.  Sa  mémoire  est  respectable  plutôt  que  glo- 
rieuse.' Attila  eut  beaucoup  d'éclat;  mais  il  n'a 
point  de  gloire,  parce  que  l'histoire,  qui  peut  se 
tromper,  ne  lui  donne  point  de  vertus.  Charles  XII 
a  encore  de  la  gloire,  parce  que  sa  valeur,  son 
désintéressement,  sa  libéralité,  ont  été  extrêmes. 
Les  succès  suflisciii  pour  la  répuialion,  mais  non 
pas  pour  la  gloire.  Celle  de  Henri  IV  augmente 
tous  les  jours,  parce  que  le  temps  a  fait  connaitre 
toutes  ses  vertus,  qui  étaient  incomparaldement 
plu?  grandes  que  ses  défauts.  La  gloire  est  aussi 
le  partage  des  inventeurs  dans  les  l)eaux-arts;  les 
imitateurs  n'ont  que  des  applaudissements.  Elle 
est  encore  accordée  aux  grands  talents,  mais  dans 
les  arts  sublimes.  On  dira  bien  la  gloire  de  P^ir- 
gile,  de  Cicrron,  mais  non  la  glone  de  Martial 
ou  d'Aulu-Gcllc.  On  a  osé  dire  la  gloire  de 
Dieu;  il  travaille  pour  la  gloire  de  Dieu;  Dieu 
a  créé  le  monde  pour  .sa  gloire.  Ce  n'est  pas  «[ue 
l'Etre  suprême  puisse  avoir  de  la  gloire;  mais  les 
hommes  n'ayant  point  d'expressions  qui  lui  con- 


GLO 

Tiennent,  cinpluient  })our  lui  colles  dont  ils  sont 
le  plus  flattés. 

IM  taine  gloire  est  celle  petite  ambition  qui 
se  contente  des  apparences,  qui  s'étale  dans  le 
grand  faste,  et  cjui  ne  s'élève  jamais  aux  grandes 
choses.  On  a  vu  des  souverains  qui,  ayant  inie 
gloire  réelle,  ont  encore  aimé  la  vainc  gloire,  en 
recherchant  trop  de  louanges,  en  aimant  trop 
l'appareil  de  la  représentation. 

La  fausse  gloire  tient  souvent  à  la  vaine  gloire; 
mais  souvent  clic  porte  à  des  excès,  cl  la  vainc 
se  renferuic  plus  dans  des  petitesses.  Un  prince 
qui  mettra  son  honneur  à  se  venger,  cherchera 
une  gloire  fausse  plutôt  qu'une  gloire  vaine. 

Faire  gloire,  faire  ranilc,  se  faire  honneur, 
se  preinieni  quelquefois  dans  le  même  sens,  et 
ont  aussi  des  sens  différents.  On  dit  également 
U  fait  gloire,  il  fait  vanité,  il  se  fait  honneur 
de  son  luae,  de  ses  excès;  alors  gloire  signifie 
fausse  gloire  :  Il  fait  gloire  de  souffrir  pour  la 
bonne  cause,  et  non  pas  il  fait  vanitr.  Il  se  fait 
honneur  de  son  bien,  et  non  pas  il  fait  gloire 
OU  vanité  de  son  lien. 

Bendrc  gloire  signifie  reconnaître,  attester  : 
Bendez  gloire  à  la  vérité,  reconnaissez  la  vérité. 

Au  Dieu  qu-;  vous  servez,  princesse,  rendez  gloire. 
(R.4C.,  Ath.,  act  III,  se.  iv,  49.) 

Attestez  le  Dieu  que  vous  servez. 

La  gloire  est  prise  pour  le  ciel  :  Il  est  au  sé- 
jour de  la  gloire. 

Oii  les  conduisez-vous?  —  A  la  mort .  —  A  la  gloire. 
(Cork.,  Pol.,  ad.  V,  se.  m,  99.) 

On  ne  se  sert  de  ce  mot  pour  désigner  le  ciel  que 
dans  notre  religion.  Il  n'est  pas  permis  de  dire 
que  Baichus,  Hercule,  furent  reçusdans  la  gloire, 
eu  parlant  de  'eur  apothéose.  {Dict.  philos.) 

Gloire  n'a  point  de  pluriel,  excepté  en  parlant 
des  gloires  que  font  les  peintres. 

Gloiuedsement.  Adv.  Il  est  toujours  pris  en 
bonne  part,  et  peut  se  mettre  entre  l'auxiliaire  et 
le  participe  .  Il  a  rempli  gloineusement  sa  car- 
Hère,  ou  il  a  glorieusement  rempli  sa  carrière. 

Glorieux,  Glorieuse.  Adj.  Quand  il  est  ru|)i- 
ihéle  d'une  chose  inanimée,  il  exprime  toujours 
une  louange  :  Bataille  glorieuse,  paix  glorieuse, 
affaire  glorieuse.  Rang  glorieux-  signilie  rang 
élevé,  et  non  pas  rang  qui  donne  de  la  gloire, 
mais  dans  lequel  on  peut  en  acquérir.  Homme 
gloHeux,  esprit  glorieux,  est  toujours  une  in- 
jure; il  signifie  celui  qui  se  donne  à  lui-même  ce 
qu'il  devrait  mériter  des  autres.  Ainsi  on  dit  un 
règne  glorieux,  et  non  pas  un  roi  gloi"ieux.  Ce- 
pendant ce  ne  serait  pas  une  faute  de  dire  au  plu- 
riel les  plus  gloiieux  conquérants  ve  l'aient  pas 
un  prince  bienfaisant;  maison  ne  dira  pas  les 
princes  glorieux,  pour  dire  les  princes  illustres. 
ÇVo\K.,  Dici.  philos.) 

GLOr.iELX.  Subst.  m.  Le  glorieux  n'est  pas 
tout  à  fait  le  fier,  ni  l'avantageux,  ni  Vorgueil- 
leux.  Le  fier  lion'.  de  l'arrogant  et  du  dédaigneux, 
et  se  couununique  peu.  \Javantagevx  abuse  de 
la  moindre  déférence  qu'on  a  pour  \\n.  L'orgueil- 
leux étale  l'excès  de  la  bonne  opinion  qu'il  a  de 
lui-même.  Le  glorieux  est  plus  rempli  de  vanité; 
il  cherche  plus  à  s'établir  dans  l'opinion  des 
hommes;  il  veut  réparer  par  les  dehors  ce  qui 
lui  manque  en  effet.  L'orgueilleux  se  croit  quel- 

r  chose ,   le  glorieux  veut  paraître  quelque 
se.  Les  nouveaux  parvenus  sont  d'ordinaire 


GON 


)25 


plus  glorieux  que  les  autres.  On  a  appelé  quel- 
quefois les  saints  et  les  anges, les  glorieux,  connue 
habitants  du  séjour  de  la  gloire.  {\o\[.,Dtct. 
philds.) 

Glorifier.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Se  glorifier  est 
lanlôt  pris  en  boime  part,  tantôt  en  mauvaise,  se- 
lon l'objet  dont  il  s'agit  :  //  se  glorifie  d'une  dis- 
grâce qui  est  le  fruit  de  ses  talents  cl  l'effet  de 
l'envie.  —  On  dit  des  martyrs  {\\i'ils  glorifient 
Dieu;  c'est-à-dire  que  leur  constance  rendait 
resjieclable  aux  hommes  le  Dieu  qu'ils  imnon- 
çaiont. 

Glouton,  GI.ouTOK^E.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près soi!  subst.  :  Un  homme  glouton,  un  enfant 
glouton,  un  appétit  glouton. 

Gloutonnement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe: 
lia  mangé  gloutonnement,  et  non  pas  il  a  glou- 
tonnement mangé. 

Glu.  Subst.  m.  L'Académie  ne  dit  pas  qu'on 
l'emploie  au  ligure.  Féraud  dit  qu'on  peut  l'y 
employer  dans  le  style  familier,  et  donne  cet 
exem|)lc  tiré  des  Lettres  de  madame  de  Sévigné: 
Il  mt'urt  d'envie  de  partir,  à  ce  qu'il  dit  ;  mais 
ces  courtisans  ont  bien  de  lu  glu  autour  d'eux. 
Je  penche  à  croire  que  cette  expression  est  (dus 
que  familière,  cl  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  la 
donner  comme  un  modèle  à  imiter.  ^lais  ou  peut 
assurer  que  glu  au  figuré  ne  peut  entrer  dans  le 
style  noble;  et  on  rirait  aujourd'hui  d'un  orateui- 
qui  dirait,  comme  Mascaron  a  dit  dans  V Oraison 
funèbre  d'Henriette  d^Angletcne  :  Le  cœur  suit 
lentement  le  vol  de  l'esprit, parce  que  ses  ailes 
sont  faibleset  liées  par  la  glu  des  affections  de  lu 
terre. 

Gluant,  Gluante.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
sou  subsl.  :  Matière  gluante,  sueur  gluante. 

Glutineux,  Glutinelse.  Ailj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Suc  glutineux,  matière  glu- 
tineuse. 

Gnome,  Gnomide,  Gnomique,  Gnomon,  Gnomo- 
N1QCE,  G.NOSTiQUE.  Daus  ccs  six  mots,  et  dans 
tous  ceux  qui  commencent  par  gn,  ces  deux  let- 
tres ont  le  son  dur  guene. 

GoBE-MoucuEs.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  change 
point  au  pluriel.  La  pluralité  ne  peut  tomber  sur 
gobe,  qui  est  un  verbe.  On  dit  des  gobe-mou- 
ches. 

GoBEr.GER(sE).V.  pronom,  de  lad  "conj.  L'Aca- 
démie dit  qu'il  signifie  se  moquer.  —  Se  goberger 
signifie  proprement  se  reposer  nonchalamment, 
pi'endre  ses  aises;  mais  il  ne  signifie  pas  se  mo- 
(luer.  On  ne  dit  pas  se  goberger  de  quelqu'un;  et 
si  dans  quelque  village  on  a  dit  je  m'en  goberge, 
on  a  signifié  par  là,  je  ne  m'en  inquiète  point,  je 
ne  me  goberge  pas  moins  pour  cela,  cela  ne 
m'empêche  pas  de  me  goberger. 

Goguenard,  Goguenarde.  Adj.  qui  ne  se  met 
([U'après  son  subsl.  :  Esprit  goguenard,  humeur 
goguenarde,  réponse  goguenarde. 

GoMMEUx,  Gommeuse.  Adj.  (jui  ne  se  met  (ju'a- 
près  son  subst.  :  Arbre  gommeux,  matière  gom- 
meuse. 

Gond.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  pas  le  d. 

Gonfler.  Y.  a.  de  1.  1"  conj.  11  se  du  de 
toute  substance  qui  i)rend  ou  par  la  chaleur,  ou 
par  quelque  autre  cause  que  ce  soit,  plus  de  ^•"- 
lume  qu'elle  n'en  avait  auparavant. 

Le  vent  gon/!e  la  voile ■••;••,,,    t.i   , 

(Deiil.,  Eneid.,  III,  241.; 

L'Académie  ne  dit  au  figuré  que  gonflé  d'orgueil. 
On  dit  aussi  gonflé  d'impertinence  : 

Mais  dès  qu'il  fut   monsieur  le  président, 


324 


GOU 


Il  fut,  ma  foi,  gonflé  d'impertinence. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  ad.  1,  se.  I,  26.) 

* 

L'un  est  plein  de  respect,  l'aulre  gonflé  d'audace. 

(CORXEILLB.) 

GoTniQDE.  Adj.  des  deux  genres.  1!  ne  se  mel 
qu'après  son  subst.  :  Architecture  gothique,  écri- 
ture gothique,  lettres  gothiques,  caractères  gothi- 
ques. 

Goi'FFRE.  Subst.  m.  On  dit  au  ûqnvi', gouffre  Je 
Jiialheurs,  gouffre  de  misères.  On  dit  aussi  le 
gfuffre  des  711ers ;  les  gouffres  de  l'enfer. 

Près  d'OF.dipe  et  de  moi,  je  voyais  des  enfers 
Les  gouffret  étemelt  h  mes  pieds  cntr'uiiverls. 

(Volt.,  OEd.,  act.  Il,  se.  11,  75.) 

GocLD,  GoDLDE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  goulu,  un  animal  goulu. 

GooLÛMEMT.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Il  «  mangé  govlûnvent ,  et  non  pas  il  a 
goulûment  mangé. 

Gourd,  Gourde.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subsl.  :  ^Jvoir  les  mains  gourdes. 

GolRMA^D,  GoDiîMANDE.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  gourmand,  un 
enfant  pouriuand,  un  animal  gourmand. 

GornMA>DF.R.  A  .  a.  de  la  1''"  conj.  Delille  û  dit 
'Énéid.,  IX,  473): 

Le  fier  Turnns  lui  seul  garde  une  âme  intrépide, 
£t  gourmande  des  siens  la  faiblesse  timide. 

Celte  expression  peut  être  approuvée,  mais  peut- 
être  n'approuvera-i-on  pas  de  même  l'emploi  que 
le  môme  auteur  fait  de  ce  mot  dans  le  vers  sui- 
vant {Géorg.,1, 115): 

Gourmander  san?  relâche  un  terrain  paresseux. 

Ici  le  mot  gourmander  paraît  bien  éloigné  de  sa 
signification  primitive. 

GouT.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  prend  de  plu- 
riel ni  au  propre  ni  au  figuré,  lorsqu'il  signifie 
en  général,  et  sans  ap|)licutiun  à  des  cas  particu- 
liers, soit  le  sens  par  lequel  on  dislingue  les  sa- 
veurs, soit  la  faculté  par  laquelle  on  juge  des  dé- 
fauts cl  des  beautés  dans  tous  les  arts.  L'homme, 
supérieur  à  tous  les  êtres  organisés,  a  le  sens 
du  toucher,  et  peut-être  celui  du  ^mi  plus  par- 
fait qu'aucun  des  animaux.  (BulTon,  Disc,  sur 
la  nat.  des  oiseaux,  t.  XVIII,  p.  32  )  L'instinct, 
qui  est  un  guide  si  sûr,  fegoût,  qtiijuge  si  bien, 
et  qui  cependant  juge  au  moment  même  qu'il 
sent  ;  les  talents,  qui  ne  sont  eux-uiêmes  que  le 
goût  lorsqu'il  produit  ce  dont  il  est  le  juge,  toutes 
ces  facultés  sont  l'ouvrage  de  la  nature.  (Con- 
diliac.) 

Mais  lorsque  le  mo\.  goût  psl  employé  pour  si- 
gnifier l'application  à  quelque  objet  particulier 
de  la  faculté  de  distinguer  les  saveurs,  ou  de 
celle  de  juger  des  objets,  alors  ce  mot  peut  être 
mis  au  pluriel,  parce  qu'il  peut  signifier  plusieurs 
actes  différcnis  de  la  faculté  de  disiingner  les 
saveurs,  ou  de  celle  de  sentir  les  beautés  ou  les 
défauts  d'un  ouvrage.  Ainsi  l'on  dira  vous  aimez 
la  sauce  noire,  et  j'aime  la  sauce  blanche  ;  nos 
goûts  sont  différents.  On  dira  de  même  en  pein- 
ture, il  y  a  autant  de  goûts  que  de  nations,  que 
d'écoles. 

Goût  prend  aussi  le  pluriel  lorsqu'il  signifie 
la  prédilection  de  l'âme  [wur  tels  ou  tels  objets^  : 
Z/'m/j  a  le  goût  de  la  bonrw  chère,  l'autre  le  goût 
de  la  sobriété,  ce  sont  des  goûts  différents.  La 


GOU 

nature  nous  a  donné  dis  goûts  '///'/'  e.it  aussi 
dangereux  d'éteindre  que  d'épuiser.  (Barlhé- 
leiui.)  J'ose  me  flatter  quelque  fois  que  le  ciel  a  mis 
une  conformité  secrète  entre  nos  affections  ainsi 
qu'entre  nos  goûts.  (J.-J.l\ouss.,//('/(/ijr,r«  part., 
lettre  I.)  f^os  goûts  peuvent  avoir  de  la  lé- 
gèreté, mais  votre  cœur  n'en  a  point.  (Voltaire.) 

Goût  ne  prend  point  de  [iluriol  quand  il  se  dil 
des  objets  capables  d'exciiei'  en  nous  la  sensa- 
tion du  giiût  :  Ce  vin  a  un  bon  goût,  ces  deux 
melons  ont  chacun  un  goût  différent. 

Le  goût,  dil  Voltaire,  ce  don  de  discerner  nos 
alimenls,  a  iiroduil  dans  toutes  les  langues  con- 
nues la  inèlaphoretjui  ex|)rime,  pai- îe  mol  goût, 
le  sentimeni  des  beautés  et  des  défauts  dans  tous 
les  arts.  C'est  un  discernement  prompt  comme 
celui  de  la  langue  et  du  palais,  et  qui  prévient 
comme  lui  la  réflexion.  Il  est,  comme  lui,  sen- 
sible et  vohii)lucux  à  l'égard  du  bon;  il  rejette, 
comme  lui,  le  mauvais  avec  soulèvement  ;  il  est 
souvent,  comme  lui,  incertain  cl  égaré,  igno- 
rant même  si  ce  qu'on  lui  prcsenie  doit  lui 
plaire,  et  ayant  (lueUpiefois  besoin,  comme  lui, 
d'habitude  pour  se  former. 

Il  ne  suflil  pas  pour  le  goûtÙQ  voir,  de  con- 
naître la  beauté  d'un  ouvnige;  il  faut  la  sentir, 
en  èlre  louché.  Il  ne  suffit  pas  de  sentir,  d'être 
louché  d'une  manière  confuse;  il  faut  démêler 
les  différentes  nuances;  rien  ne  doit  échapper  à 
la  promptitude  du  discernement;  ci  c'est  encore 
une  ressemblance  de  ce  goûl  inlellectuel,  de  ce 
goût  des  arts,  avec  le  goûl  sensuel;  carie  gour- 
met sent  et  reconnaît  promplement  le  mélange  de 
deux  liqueurs.  L'homme  de  goûl,  le  connaisseur, 
verra  d'un  coupd'œil  prompt  le  mélange  de  deux 
styles;  il  verra  un  défaut  à  côlé  d'un  agré- 
ment. 

Comme  le  mauvais  goût,  au  physique,  consiste 
à  n'être  flatté  que  par  des  assaisonnements  trop 
piquants  et  trop  recherchés,  ainsi  le  mauvais 
goûl,  dans  les  arts,  est  de  ne  se  plaire  qu'aux 
ornements  étudiés,  cl  de  ne  pas  sentir  la  belle 
nature. 

Le  goût  dépravé  dans  les  alimenls  est  de 
choisir  ceux  qui  dégoiileiil  les  autres  hommes; 
c'est  une  espèce  de  m;il;idie.  Le  goûl  dépravé 
dans  les  arts  est  de  se  plaire  à  des  sujets  qui 
rcvolicnt  les  esprits  bien  faits;  de  préférer  le 
burlesque  au  noble,  le  précieux  et  l'affecté  au 
beau  simple  et  naturel  ;  c'est  une  maladie  de 
l'esprit. 

11  y  a  un  bon  et  un  mauvais  goûl.  Le  meilleur 
goût,' en  tout  genre,  csi  d'imiter  la  nature  avec 
fe  plus  de  fidélité,  de  force  et  de  grâce. 

le  goût,  (junlipie  peu  commun,  n'est  point 
arbitraire;  mais  il  ii'élend  pas  son  ressort  sur 
toutes  les  beau  lès  dont  un  ouvrage  de  l'art  est 
susceptible.  Il  en  est  de  frappantes,  de  sublimes, 
qui  saisissent  également  tous  les  esprits,  que  la 
nature  produit  sans  effort  dans  tous  les  siècles  et 
chez  tous  les  peuples,  et  dont  par  conséquent 
tous  les  esprits,  tous  les  siècles  et  tous  les  peu- 
ples sont  juges.  L'éloquence  doit  être  partout 
persuasive;  la  douleur,  touchants;  la  colère  im- 
pétueuse ;  la  sagesse,  tranquille.  Mais  il  est  des 
beaulcs  de  détail  qui  ne  louchent  que  les  âmes 
sensibles,  et  qui  glissent  sur  les  autres.  Ces  beau- 
lés  sont  celles  qui  demandent  le  plus  de  sagacité 
p(jur  cire  produites,  et  de  délicatesse  pour  être 
senties.  Aussi  sont-elles  plus  fréquentes  parmi 
les  nations  chez  lesquelles  les  agréments  de  la 
société  ont  perfectionné  l'art  de  vivre  et  de  jouir; 
et  voilà  pourquoi  ce  qui  plaît  dans  un  siècle  ne  plaît 


GOU 

pas  dans  un  autre,  pourquoi  on  trouve  excellent 
à  Pans  ce  qu'on  dédaigne  à  Londres  ou  à  Vienne. 
Ce  genre  de  beautés  l'ailes  pour  le  petit  nond)rc 
est  proprement  l'objet  du  goût,  qu'on  peut  dé- 
finir le  talent  de  deinèlcr,  dans  les  ouvrages  de 
l'art,  ce  qui  doit  plaire  aux  âmes  sensibles,  et  ce 
\u\  doit  les  Idesser. 

Si  \effuût  n'est  pas  arbitraire,  il  est  donc  fondé 
sur  des  i)rincipes  incontestables;  et,  ce  qui  en 
est  une  suite  nécessaire,  il  ne  doit  point  y  avoir 
d'ouvrage  de  l'art  dunt  on  ne  puisse  juger  en  y 
appliquant  ces  ])rincipcs.  En  eliel,  la  source  de 
notre  plaisir  et  de  notre  ennui  est  uniquement  et 
entièrement  en  nous;  nous  trouverons  donc  au 
dedans  de  nous-inèmcs,  en  y  portant  une  vive  at- 
tention, des  régies  générales  et  invariables  de 
goût,  qui  seront"  comme  la  jnerre  de  louche  à  l'é- 
preuve de  laquelle  toutes  les  productions  du  ta- 
lent pourront  être  soumises. 

Le  ffotU  se  fortifie  par  l'habitude,  par  les  ré- 
flexions, par  l'esprit  philosophique,  par  le  com- 
merce des  gens  de  goût.  11  est  l'ouvrage  de  l'étude 
et  du  temps;  il  tient  à  la  connaissance  d'une 
multitude  de  règles  ou  établies  ou  supposées. 
Pour  qu'une  chose  soit  belle  selon  les  règles  du 
goût,  il  faut  qu'elle  soit  élégante,  finie,  travaillée 
sans  le  paraître. 

Nous  ne  pouvons  mieux  finir  cet  article  que 
par  le  portrait  que  Voltaire  a  fait  du  faux  goût. 
C'est  le  bon  goût  qui  jiarle: 

Je  sais  qu'à  vos  yeux  éclairés 
Le  faux  goUt  tremble  de  paraître: 
Si  jamais  tous  la  rencontrez. 
Il  est  aisé  de  le  connaître. 
Toujours  accablé  d'ornements. 
Composant  sa  voix,  son  visage, 
AITecté  dans  ses  agréments. 
Et  précieux  dans  sou  langage. 
Il  j  rend  mon  nom,  mon  étendard  ; 
Mais  on  voit  assez  l'imposture. 
Car  il  n'est  que  le  fils  de  l'art. 
Et  je  le  suis  de  la  nature. 

[Temple  du  Goét,  i  la  Gn  ] 

\oyez  Industrie,  Génie. 

Goûter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  dit  goAter  un 
mets, goûter  d'un  mets,  et  goàter  à  vnmets.  On 
goûte  un  mets  pour  savoir  s'il  est  t:on  ou  mau- 
vais ;  on  goûte  d'un  7nets  lorsqu'on  en  mange 
un  peu  comme  alimcnl;  on  goûte  ù  un  mots, 
pour  savoir  s'il  y  manque  quelque  chnsc,  et  dans 
le  dessein  de  sujipléer  ce  qui  man(]ue.  J'ai 
goûté  ce  vin-là,  et  Je  l'ai  trouvé  bon  ;  Je  nai 
mangé  que  du  rôti,  je  n'ai  pas  goûté  des  ragoûts. 
Un  cuisinier,  en  faisant  une  sauce,  goûte  à  la 
sauce  jusqu'à  ce  qu'il  n'y  manque  rien  ;  avant  de 
la  servir,  il  la  goûte  pour  s'assurer  (lu'elle  est 
bonne.  On  goûte  le  vin,  on  goûte  du  vin,  mais, 
on  ne  goûte  pas  à  du  vin  parce  qu'il  n'y  a  rien  à 
y  changer. 

Goutte.  Subsl.  f.  Voyez  le  mot  f^oir. 

Gouvernail.  Subst.  m.  On  mouille  le  l. 

Gouverner.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Terme  de 
grammaire.  Il  ne  suflit  pas,  jiour  exprimer  une 
pensée,  d'accumuler  des  mots  indislinctement  ; 
il  doit  y  avoir  entre  tous  ces  mots  une  corréla- 
tion générale  qui  concoure  à  l'expression  du  sens 
total.  Les  noms  appellatil's,  les  prépositions  et  les 
verbes  relatifs,  ont  essentiellement  une  significa- 
tion vague  et  générale  qui  doit  être  déterminée 
tantôt  d'une  façon,  tantôt  d'une  autre,  selon  les 
conjonctures.  Celle  dclerminalion  se  fait  com- 
munément par  des  mots  que  l'on  joint  aux  mots 
indéterminés,  et  qui,  en  conséqueuce  de  leur 


GRA 


325 


destination,  se  revêtent  de  telle  ou  telle  forme, 
prennent  telle  ou  telle  place,  suivant  l'usage  et  le 
génie  de  chaciue  langue. 

Or,  ce  sont  les  mots  indélerniincs  qui,  dans  le 
langage  des  granmiairicns,  gouvernent  ou  régis' 
sent  les  mots  déterminants.  Ainsi  l'on  dit  qu'un 
verbe  gouverne  ou  régit  telle  ou  telle  prépo- 
sition, pour  dire  que  cette  préjjosilion  doit  le 
suivre  pour  le  déterminer. 

Grack.  Subst.  f.  Terme  de  littérature.  On  ap- 
pelle ^/-oct',  en  général,  ce  ijui  plait  avec  attrait. 
Les  grâces  ne  sont  point  la  beauté,  elles  l'ac- 
compagnent. Un  ouvrage  (jui  n'a  que  de  la  beauté 
peut  plaire  par  la  noblesse  de  l'invention,  par  la 
grandeur  du  sujet,  par  l'habilité  de  l'exécution  ; 
il  peut  produire  l'étonnemcnt  et  l'admiration, 
s'il  n'a  rien  qui  soit  contraire  aux  grâces.  Mais, 
sans  les  grâces,  il  ne  produira  point  ce  charme 
secret  (pii  invite  à  le  rcgariler,  qui  attire,  qui 
remplit  l'ànie  d'un  sentiment  doux. 

Les  grâces  de  la  diction,  soil  en  élociuence, 
soit  en  poésie,  dit  Voltaire,  dépendent  du  choix 
des  mots,  de  l'harmonie  des  |)hrascs,  et  encore 
plus  de  la  délicatesse  des  idées  et  des  descrip- 
tions riantes.  L'abus  des  grâces  est  l'afféicrie, 
connue  l'abus  du  suldune  est  l'anqjoulé;  toute 
perfection  est  prés  d'un  défaut.  Vijyez  Faveur. 

Avoir  de  ,a  grâce,  s'entend  de  la  chose  et  de 
la  personne  :  Cet  ajustement ,  cet  ouvrage,  celte 
femme  a  de  la  grâce.  La  bonne  grâce  aijpartient 
à  la  personne  seulement  :  Elle  se  présente  de 
bonne  grâce.  lia  fait  de  bonne  grâce  ce  qu'on 
attendait  de  lui.  Avoir  des  grâces.  Cette  femme 
a  des  grâces  dans  so7i  maintien,  dans  ce  qu'elle 
dit,  dans  ce  qu'elle  fuit. 

Obtenir  sa  grâce,  c'est,  par  métaphore,  obtenir 
son  pardon,  comme  faire  grâce  est  pardonner. 
On  fait  grâce  d'une  chose  en  s'emp.irant  du 
resle.  Les  commis  lui  prirent  tous  ses  effets,  et 
lui  firent  grâce  de  son  argent.  Faire  des  grâces, 
répandre  des  grâces,  esl  le  \)\us  bel  apanage  de 
la  souveraineté;  c'est  faire  du  bien;  c'esi  plus 
que  justice.  Avoir  les  bonnes  grâces  de  quel- 
qti'un,  ne  se  dit  que  pai'  rap[)ort  a  un  supérieur. 
Avoir  les  bonnes  grâces  d'une  dame,  c'est  cire 
son  amant  favorisé.  Etre  en  grâce  se  dit  d'un 
courtisan  qui  a  été  en  disgrâce.  (\  oll.,  Bict.  phi- 
losophique.) 

(jRAciABLE.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'a|)rôsson  subst.  :  Casgraciable,  fait graciable . 

Gracieuslment.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe: 
Il  Va  reçu  gracieusement. 

Gracieuser.  V.  a.  de  la  I"  conj.  Ou  com- 
mence, dit  foliaire,  à  se  servir  du  mot  gracieu- 
ser, qui  signifie  recevoir,  parler  obligeamment; 
mais  ce  mot  n'est  pas  encore  employé  par  les  bons 
écrivains  dans  le  style  noble.  —  Depuis  Vol- 
taire, il  a  été  entièrement  abandonné,  el  l'Aca- 
démie aurait  bien  fait  de  ne  pas  le  mettre  dans 
son  Dictionnaire,  même  en  avcrlissanl  qu'il  esl 
familier.  Il  n'est  plusaujourd'iiui  (pie  populaire. 

Gracieux,  Gracieuse.  Ailj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmo- 
nie le  permettent  :  Un  souriie gracieux,  U7i  gra- 
cieux sourire.  Un  air  gracieux,  et  non  pas  un 
gracicus  air.  Des  manières  gracieuses,  et  de 
gracieuses  manières. 

Gracieux  esl  un  terme  qui  manquait  à  notre 
langue  et  qu'on  doit  à  Ménage.  Bonhours,  en 
avouant  (pie  Ménage  en  est  l'anleur,  prétend 
qu'il  en  a  fait  aussi  l'emploi  le  pbis  juste  en  disant  : 

Pour  moi  de  qui  les  vers  n'ont  rien  de  gracieux. 
(Liv.  I.  Chrietine,  égl.  vers  133  ) 


326 


GRA 


Le  mol  lie  Ménage  n'en  a  pas  moins  réussi.  Il 
voul  dire  plus  i\u'agréabl£  ;  il  indique  l'envie  de 
plaire. 

Le  sens  du  mol^rraciVj/x,  dilMarmonicl,  n'est 
pas  toujours  absolument  analogue  à  celui  de 
grâce.  On  dit  bien  un  pinceau  f]racievx,  vu  style 
gracieux,  vn  tour  gracieux  dans  l'expressiim  ;  et 
cela  signifie  un  pinceau,  un  t-lyle,  un  tour  qui  a 
de  la  grâce.  Mais  on  dit  aussi  vn  sujet  gracieux, 
et  des  images  gracieuses;  et  alors  gracieux  si- 
gnilie  ce  qui  porte  à  l'imagination,  à  l'àme,  des 
idées,  des  [leinturcs  ,  des  sentiments  doux  et 
agréables,  le  gracieux  se  compose  de  l'élégant, 
du  riant  et  du  noble.  Un  tableau  de  l'Albane,  du 
Corrcge,  de  Claude  Lorrain,  est  gracieux;  un 
tableau  de  Tcniers,  de  Rembrandt,  de  Michel- 
Ange,  ne  l'est  pas.  Une  scène  du  Pastor  fido,  ou 
de  VAminte,  est  gracieuse  ;  une  scène  de  î>Io- 
licre  est  plaisante;  une  scène  de  Corneille  est 
sublime.  On  trouve  dans  l'Arioslc,  élans  le  Tasse, 
<lans  Ttlérnaque,  des  peintures  gracieuses;  on 
en  voit  peu  dans  Homère. 

On  voit  par  ce  morceau,  qu'on  dit  le  gracieux 
comme  on  dit  le  beau,  et  que  ce  mot  peut  se 

§  rendre  substantivement.  L'Académie  n'en  a  rien 
iL 

Gradation.  Subst.  f.  Ce  mot  se  dit  en  littéra- 
ture d'un  ordre  gradué  qui  se  reinanjuc  entre 
certaines  idées,  et  que  l'on  doit  suivre  dans  lar- 
rangcment  des  mots  et  des  phrases  «jui  les  ex- 
priment. La  gradation  lie  les  idées  dans  l'esprit; 
elle  doit  lier  les  expressions  dans  le  discours.  La 
gradation  va  du  moins  au  plus,  ou  du  plus  au 
moins,  suivant  l'idée  totale  que  l'on  a  dans  l'es- 
prit, et  la  manière  dont  on  veut  l'exprimer.  Il  a 
c<immis  des  fautes,  des  crimes,  des  forfaits; 
voilà  une  grauation  du  moins  au  plus.  On  ne 
peut  lui  reprocher  ni  des  for  faits  ni  des  crimes, 
pas  mê/ne  des  fautes;  en  voilà  une  du  plus  au 
moins.  Quand  il  s'agit  d'iinagesou  de  sentiments , 
la  gradation  peint  leurs  commencements,  leurs 
progrès,  leur  force  et  leur  étendue.  C'est  ainsi 
que  Sapho  exprime  par  gradation  l'amour  qui 
s'est  emparé  de  son  cœur  : 

Un  nuage  confus  se  répand  sur  ma  vue. 
Je  n'entends  plus,  je  tombe  en  de  douces  langueurs; 
Et  pâle,  sans  lialeine,  interdite,  éperdue, 
Un  frisson  me  saisit,  je  tremble,  je  me  meurs. 
^Traduction  de  Boileau,  VlUechap.du  Traité  du  Sublime.) 

C'est  ainsi  que  Racine,  en  imitant  cette  belle 
gradation,  fait  dire  à  Phèdre  (act.  I,  se.  m,  d21): 

Je  le  vis,  je  rougis,  je  pâlis  à  sa  vue  ; 
Un  trouble  s'éleva  dans  mon  Sme  éperdue. 
Mes  yeux  ne  voyaient  plus,  je  ne  pouvais  parler, 
Je  sentis  tout  mon  corps  et  trm^ir  et  brOtler. 

C'est  ainsi  que  Boileau  dit,  en  peignant  l'épui- 
sement de  la  Mollesse  {Lutrin^  II,  164)  : 

Soupire,  étend  les  bras,  ferme  l'œil,  et  s'endort. 

Si  l'on  a  l'esprit  juste,  on  découvrira  presque 
toujours  entre  les  idées  une  gradation  plus  ou 
moins  sensible  (jui  les  lie  entre  elles,  et  l'on  sen- 
tira la  nécessité  d'exprimer  cette  liaison  dans  le 
discours  par  l'arrangement  des  mots  et  la  con- 
struction des  phrases. 

Quelqu«fois  la  gradation  est  entre  plusieurs  su- 
jetsd'une  même  proposition  :  Les  besoins,  les  dé- 
sirs, les  passions,  assiègent  le  cœur  de  Vhoiimie ; 
d'autTOB  fois  on  la  rso^àique  entre  le  même  ra[>- 
port  d'un  verbe  répété  plusieurs  fois,  comme  dans 


GUA 

yous  ignorez  mes  peines,  mes  chagrins,  ma  mnr- 
sère;  ou  bien  dans  des  rapports  diffiirents,  dont 
l'ordre  e^t  inar(|iiè  par  la  n;iture  des  idées.  Il  y  a 
gradation  entre  le  régime  direct  et  le  régime  in- 
direct d'im  verbe  actif,  et  le  premier  obtient  na- 
turclicinent  la  jjremière  place,  à  moins  que  la  |)lus 
grande  liaison  des  idées  n'en  ordonne  autrement. 
Ainsi  on  observe  la  gradation  en  iWsMxl  j'envoie 
un  présenta  mon  frère;  on  l'intervertit  si  l'ofl 
d'dj'emwe  à  mon  frère  unprésent. 

D'autres  fois  encore  on  voit  la  gradation  entre 
plusieurs  compléments  d'une  préposition:  Il  tra- 
vaille pour  subvenir  à  ses  besoins,  pour  soula- 
ger ses  amis,  pour  secourir  les  paurres.  Enfin  la 
gradation  se  trouve  entre  plusieurs  propositions 
principales,  comme  il  observe,  ilcompare, il  juge. 
La  gradation  contribue  beaucoup  à  la  clarté  de 
la  diction,  et  il  faut  suivie  l'ordre  qu'elle  indique, 
à  moins  ([ue  des  vues  particulières  de  l'esprit  ne 
demandent  qu'il  soit  interverti. 

On  a  reproché  justement  à  Racine  d'avoir  in- 
terverti cet  ordre  dans  le  vers  suivant  {Androm., 
(act.  V,  se.  IV,  10)  : 

Je  devins  parricide,  assassin,  sacrilège. 

L'épithéte  d'assassin  est  moins  odieuse  que  celle 
de  parricide.  La  gradation  était  je  devins  assas- 
sin, parricide,   sacrilège.  Voyez  Construction. 

Graduer.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  La  Harpe  a 
employé  ce  mot  au  figuré  dans  le  passage  suivant  : 
Le  père  Lemoine,  dans  son  poème  de  Saint- 
Louis,  ne  sait  ni  fojider  ni  graduer  l'intérêt 
des  événements  et  des  situations.  .  .  [Cours  de 
Littérat.,U'  part.,  liv.  I,  t.  iv,  p.  121.) 

Graillon.  Subst.  m.  C'est,  dit  l'Académie,  les 
restes  ramassés  d'un  repas  :  Beaucoup  de  pauvres 
gens  virent  de  graillons. — On  a  déjà  critiqué 
cet  article.  Un  graillon  est  positivement  une  ex- 
crétion de  la  poitrine,  dont  elle  s'est  débarrassée 
au  moyen  delà  toux.  C'est  le  sens  littéral  du  mot. 
louant  aux  acceptions  métaphoriques,  il  est  très- 
peu  de  circonstances  oii  les  gens  qui  respectent 
l'honnêteté  puissent  les  employer. 

Graisseux,  Graisseuse.  Adj.  Jl  se  met  toujours 
après  son  subst.  ;  Corps  graisseux,  membrcaie 
graisseuse . 

Grammaire.  Subst  f.  On  ne  prononce  qu'un  w. 
Terme  de  littérature.  C'est  la  science  de  la  parole 
prononcée  ou  écrite.  On  appelle  communément 
grammaire  un  recueil  systématique  d'observa- 
tions sur  une  langue,  contenant  toutes  les  règles 
qu'il  faut  suivre  pour  la  parler  et  l'écrire  correc 
tement,  et  les  exceptions  qui  s'écartent  de  ces  rè- 
gles. Une  grammaire  est  un  livre  utile  pour  un 
maitre  ;  il  y  voit  la  liaison  et  l'cnchaincmcnt  des 
jjrinciiics;  il  y  trouve  toutes  les  règles  dont  il  doit 
donner  connaissance  à  ses  élèves,  toutes  les  ex- 
ceptions que  l'usage  commande  ;  et,  s'il  n'y  trouve 
pas  la  meilleure  manière  d'enseigner,  il  y  apprend 
du  moins  à  connaître  tout  ce  qu'il  doit  ensei- 
gner. 

Aucune  de  nos  grammaires  n'offre  une  bonne 
méthode  pour l'inslruclion  des  jeunes  gens;  et  <e 
n'est  pas  en  voulant  leur  inculquer  isolément  les 
règles  qu'elles  contiennent,  (ju'on  peut  parvenir 
à  leur  apprendre  facilement  la  langue.  La  nature 
nous  montre  «(ue,  pour  apprendre  à  parler,  il  ne 
faut  qu'entendre  parler  et  imiter  ce  que  l'on  en- 
tend, et  que  les  régies  les  mieux  expliquées  nous 
conduisent  bien  plus  lentement  à  la  pureté  du 
langage  que  les  bons  exemples,  et  l'habitude  de 
les  imiter.  Une  nourrice  ne  commence  pas  par  ap- 


GRA 

prendre  à  son  nourrisson  ce  que  c'est  qu'un  sub- 
stantif, un  adjeclir.  un  adverbe,  etc.  ;  elle  lui 
parle  s;u)s  cesse,  il  s'essaie  à  riuiiler  ;  ses  besoins 
le  poussent  à  celte  iinitalion  ;  il  y  parvient,  et  au 
bout  de  deux  ou  trois  ans  il  exprime  des  juge- 
ments, il  fait  accorder  le  substantif  avec  l'adjec- 
tif, le  sujet  avec  le  verbe;  il  donne  à  chaque  verbe 
les  régimes  qui  lui  conviennent,  et  tout  cela  sans 
savoir  ce  que  c'est  que  grammaire,  substantif, 
adjectif,  verbe,  régime,  etc. 

Il  ne  faut  pas  croire  cependant  que  tout  cela 
se  soit  fait  en  lui  au  hasard  et  sans  aucune  es- 
pèce de  règle;  l'ordre  qu'il  a  entendu  donner  aux 
mots,  et  i|û'il  y  a  donné  lui-même  par  imitation, 
se  grave  dans'sa  incmoire;  l'analogie  le  conduit 
successivement  des  piirases  qu'il  a  imitées  à  celles 
qu'il  est  oblige  de  cuniposer;  il  suit  sans  le  savoir 
ua  système,  et  les  règles  de  la  grammaire  dirigent 
les  opérations  de  son  esprit  sans  qu'il  s'en  aper- 
çoive et  sans  qu'il  réfléchisse  sur  la  lumière  qui 
lui  sert  de  guide. 

Cependant  celte  lumière  existe  réellement  dans 
son  esprit;  celte  analogie  qui  lui  donne  linslinct 
du  développement  de  son  langage  est  en  lui  une 
habitude.  La  première  chose  à  faire  ixiur  décou- 
vrir aux  jeunes  gens  les  principes  de  leur  langue, 
c'est  donc  de  travailler  sur  ce  premier  fonds  que 
la  nature  fournit  à  l'instituteur;  c'est  de  faire 
réfléchir  les  élèves  sur  ce  qu'ils  ont  l'ait  en  com- 
posant des  i)hrases,  de  leur  apprendre  à  distin- 
guer dans  leurs  propres  opérations  les  règles  qu'ils 
ont  suivies  sans  le  savoir,  et  de  leur  indiquer  les 
noms  de  tous  les  signes  qu'ils  ont  employés  pour 
exprimer  leurs  pensées.  C'est  ainsi  qu'on  ira  du 
connu  à  l'inconnu,  et  qu'on  avancera  d'une  ma- 
nière sûre  dans  la  carrière  de  l'instruction. 

Mais  qu'on  est  loin  encore  de  suivre  cette  mé- 
thode indiquée  depuis  si  longlemjjs  par  des  hom- 
mes de  génie,  et  recommandée  par  tous  les  gram- 
mairiens qui  désirent  sincèrement  les  progrès  des 
lumières!  Que  fait-on  dans  la  plupart  des  mai- 
sons d'éducation?  Des  maîtres  insouciants  saisis- 
sent au  hasard  une  grammaire  qui  favorise  leur 
ignorance  ou  leur  paresse  ;  ils  la  font  apprendre 
par  cœur  à  leurs  élèves,  la  leur  expliquent  comme 
ils  peuvent,  et  s'applaudissent  de  leurs  succès 
lorsque  ces  élèves  ont  répété,  comme  des  perro- 
quets, des  mots  sans  les  comprendre,  et  que  sou- 
vent les  maîtres  eux-mêmes  ne  compreiment  pas 
davantage. 

La  meilleure  manière  d'enseigner  une  langue  à 
des  enfants,  c'est  de  leur  montrer  comment  cette 
langue  s'est  formée.  Les  langues  ont  été  formées 
avant  les  grammaires,  et  les  grammaires  ont  été 
faites  sur  les  langues.  Etudions  la  langue  sur  la 
langue  même,  et  cherchons-y  les  règles.  C'est  a 
faciliter  cette  recherche  que  consiste  l'art  de 
l'instituteur. 

Je  suppose  qu'une  institutrice  intelligente,  pc- 
uétiée  de  la  nécessité  de  se  faire  comprendre, 
veuille  cn^cigner  la  grammaire  à  ses  jeunes  élè- 
ves, elle  commencera  par  les  idées  les  plus  sim- 
ples. Si  elle  veut  leur  faire  connaître  ce  que  c'est 
qu'un  nom^  elle  saisira  l'occasion  où  Tune  d'elles 
nommera  une  chose;  elle  lui  demandera,  par 
exemple,  pourquoi  appelez-vous  cela  un  livre? 
Il  est  certain  que  l'élève  finira  par  répondre  : 
C  est  que  c'est  son  nom-  Et  alors,  en  passant  en 
revue  les  noms  d'un  grand  nombre  d'objets  sen- 
sibles, on  lui  fera  comprendre,  ou  plutôt  elle  dira 
d'elle-même  qu'un  nom  est  un  mot  qui  sert  à  nom- 
mer une  chose.  En  la  faisant  réfléchir  sur  l'habi- 
tude qu'elle  a  prise  de  mettre  le  devant  certains 


GRA 


527 


noms,  et  la  devant  d'autres,  on  lui  fera  remarquer 
que  depuis  qu'elle  parle,  elle  a  distingué  par  ces 
mots  le  mâle  de  la  femelle,  et  de  là  la  connais- 
sance des  genres.   Par  la  nécessité  d'exprimer 
qu'elle  voit  telle  ou  lelle  qualité  dans  un  objet, 
on  lui  fera  comprendre  ce  que  c'est  que  les  ad- 
jectifs ;  et  on  lui  donnera  facilement  une  notion 
juste  du  verbe,  en  lui  faisant  remarquer  qu'elle 
ne  saurait  exprimer  l'union  d'une  chose  avec  uue 
qualité  sans  se  servir  d'un  mot  particulier  qui 
n'exi)rim(?  ni  l'une  ni  l'autre,  mais  (lui  sert  à  in- 
di(pier  qu'on  les  conçoit  réunies.  11  n'y  aura  pas 
plus  de  difliculté  à  lui  l'aire  sentir  la  fonction  des 
prépositions:  Ma  sœur  va  au.  jardin,  je  viens 
de  lu  classe,  elle  est  dans  la  chambre.  La  moin- 
dre réflexion  sur  ces  phrases,  prononcées  par  l'é- 
lève, lui  fera  connaître  qu'elle  a  l'habitude  de 
marquer  par  les  mots  à,  de,  dans,  le  rapport  des 
personnes  avec  un  lieu  oii  elles  se  rendent,  avec 
un  lieu  d'où  elles  viennent,  avec  un  lieu  dans  le- 
quel elles  sont  contenues;  et  ces  rapports  bien 
compris,  les  prépositions  sont  connues,  et  leur 
emploi  distingué  de  celui  de  tout  autre  mot.  <^ue 
la  même  élève  dise  ma  mère  gronde  ma  sœur,  je 
lui  demanderai  pourquoi  elle  ne  dit  pas  mu  sœur 
grande  ma  mère;]&  lui  ferai  remarquer  connnent 
cette  transposition  de  mots  produit  un  sens  diffè- 
rent; et  il  me  sera  aisé  de  lui  faire  comprendre  que 
dans  l'arrangement  qu'elle  a  suivi,  elle  a  distin- 
gué la  personne  dont  elle  a  voulu  parler,  l'action 
qu'elle  a  attribuée  a  cette  personne,  et  l'objet  sur 
lequel  cette  action  se  termine.  De  là  la  connais- 
sance du  sujet,  du  verbe,  du  régime.  Il  sera  aisé 
de  même  de  lui  faire  connaître  que  tout  autre 
arrangement  de  mots  ne  rendrait  point  son  idée, 
ou  en  rendrait  une  toute  contraire  ;  et  voilà  les 
premiers  principes  de  la  conslructiou.  li  n'est  au- 
cune règle  de  granunaire  que  l'on  ne  puisse  l'aire 
comprendre  de  cette  manière;  et  une  élève  ainsi 
instruite  aura  bientôt  dans  l'esprit  une  suite  de 
connaissances  claires,  bien  lio-îs.  W'^n  motivées, 
qui  la  conduiront  facilement,  par  la  voie  du  rai- 
sonnement et  de  l'analogie,  qui  lui  sera  devenue 
familière,  à  toutes  les  autres  connaissances  qu'<"j» 
voudra  lui  faire  acquérir;  tandis  que  ceUe  qui 
n'aura  reçu  que  l'instruction  ordinaire  des  gram- 
maires n'aura  dans  la  lêie  que  des  mots,  des  rè- 
gles qu'elle  ne  comprendra  pas,  et  dont  par  con- 
séquent elle  ne  pourra  jamais  faire  une  juste  ap- 
plication. 

C'est  alors,  mais  alors  seulement,  qu'on  peut 
lire  et  exphquer  aux  jeunes  gens  la  suile  des  rè- 
gles que  donnent  lesgiammairiens;  ils  les  com- 
prendront aisément,  parce  que  dans  les  instruc- 
tions qu  ils  ont  reçues  on  a  eu  soin  de  substituer 
peu  à  peu  les  termes  techniques  aux  mois  com- 
muns ou  aux  périphrases  que  l'on  a  été  obligé 
d'employer  d'abord.  Ces  règles  leur  rappelleront 
tout  ce  qu'ils  savent  déjà,  et  la  grammaire  leur 
apprendra  à  former  un  système  régulier  des  con- 
naissances grammaticales  qu'ils  ont  acquises,  et 
dont  la  plupart  sont  déjà  liées  dans  leur  esprit. 

Toute  autre  manière  d'enseigner  la  grammaire 
aux  jeunes  gens  est  inutile,  rebutante,  et  ne  fait 
surtout  de  plusieurs  jeunes  personnes  du  sexe  que 
des  pédantes  insupportables  quicroientsavoir  leur 
langue  parce  qu'elles  savent  des  mots,  et  qui  mé- 
pris'ent  celles  de  leurs  cumpagncs  qui  n'ont  pas 
puisé  comme  elles  les  régies  du  langage  dans  Res- 
tant, Wailly,  ou  quelque  autre  grammairien  re- 
nommé. 

Les  exercices  que  je  conseille  doivent  toujours 
se  faire  de  vive  voix;  l'élève  doit  être  exercé 


528 


GRA 


d'abord  à  rcpeler,  puis  à  écrire  ce  qu'on  lui  a 
expliqué.  Il  duil  composer  lui-même  sa  gram- 
m;iiie. 

A  ces  exercices  doit  être  jointe  la  lecture  des 
bons  auteurs  qui  sont  à  la  portée  des  élèves,  en 
s'arrèUnil  sur  les  |>lirases  qui  ont  du  rapjjort  à  ce 
qu'ils  ont  api)ris,  mais  seulement  sur  ces  phrases, 
afin  de  foriilier  les  connaissances  sans  les  em- 
brouiller. 

Grammairien.  Adj.  qui  est  souvent  pris  sub- 
stanlivemenl.  11  se  dit  d'un  homme  qui  a  fait 
une  élude  particulière  do  la  grammaire;  et 
l'on  iliraH.  ç/rammairien7ie  d'une  léunne  qui  au- 
rait fait  avec  succès  la  même  élude.  Autrefois  on 
distinguait  entre  grammairien  et  çranunatiste. 
On  entendait  par  (grammairien  ce  que  nous  en- 
tendons par  honune  de  lettres,  homme  d'érudi- 
Mon,  bon  criti(iue.  deux  (]ui  n'avaient  |)as  ces 
.■onnaissances  et  qui  étaient  bornés  a  montrer 
par  état  la  praliqiie  des  premiers  éléments  des 
iellres,  liaient  i\]>\>dés  ffiamvuitistes. 

Aujoiird  liui  on  dit  d'un  lionmie  de  lettres  qu'il 
est  bun  (fraimnairien,  lorsqu'il  s'est  appliqué  aux 
connaissances  qui  regardent  l'art  de  parler  et 
d'écrire  correctement.  Mais  s'il  ne  connaît  pas 
que  la  parole  n'est  que  le  signe  de  la  pensée,  que 
par  conséquent  l'art  de  parler  suppose  l'art  de 
penser  ;  en  un  mol,  s'il  n'a  pas  cet  esprit  philoso- 
jdiique  qui  est  l'instrument  universel,  et  sans  le- 
quel nul  ouvrage  ne  peut  élre  conduit  à  la  per- 
feclion,  il  est  a  \)cu\c  ffrarmnatiste. 

Grammatical,  Grammaticale.  Adj.  qui  ne  se 
met  jamais  qu'après  son  subst.  :  Discussion 
grammaticale ,  construction  grannnaticale.  On 
.Kit  au  pluriel  mdi^cuWn  principes  grammaticaux. 
(Acad.)  Voyez  Accent. 

Grammaticalement.  Adv.  Il  se  met  après  le 
verbe  :  Cela  est  hnn  grammaticale  me  nt . 

Grammatiste.  Subst.  m.  Voyez  Grammairien. 

Gra>d,  Grande.  Adj.  L'adjectif  grand,  placé 
avant  ou  après  un  substantif,  donne  quelquefois 
à  ce  dernier  un  sens  difb'rent.  Ainsi  l'on  entend 
par  l'air  grand  une  physionomie  noble,  cl  qui 
annonce  de  l'élévation  dans  l'àme;  et  par  vn 
grand  air  les  manières  d'un  grand  seigneur.  Un 
homme  grand  s\s,n'\{\(i  un  homme  de  grande  taille; 
vn  grand  homme  signilie  un  homme  d'un  génie 
exlraordinaire,  et  qui  a  fait  de  grandes  choses 
pour  le  bien  de  l'humanilé.  — En  parlant  d'une 
femme,  dit  Bouhours,  cet  adjectif  n'a  rapport 
qu'a  la  taille,  et  on  ne  dit  point  c'est  une  grande 
femme,  pour  dire  c'est  une  femme  d'un  génie 
exlraordinaire. — Nous  ne  sommes  point  de  cet 
avis.  On  dit  très-bien  que  Catherine  II  fut  une 
grande  impératrice;  Elisabeth,  une  grande 
reine;  nous  pensons  même  que  l'on  pourrait 
donner  a  l'une  cl  à  l'autre  le  litre  de  grande 
/em7/(e.— Danssa  dernière  édition,  l'Académie  dit 
grande  feuime  dans  le  même  sens  (\w^ homme 
grand;  Cl  dans  l'aulrc  sens  seulement,  grande 
reine,  grande  princesse. 

Grand,  quand  il  e>t  seul,  se  met  toujours 
avant  le  subst.,  soii  au  |)hysiquc,  soit  au  moral  : 
Un  grand  orage,  un  grand  ynalheur,  une  grande 
maladie,  de  grands  biens,  un  grand  génie,  un 
grand  esprit,  un  grand  capitaine.  11  ne  faut  donc 
pas  dire  comme  Molière  dans  le  Misanthrope  : 

On  a  pour  ma  personne  une  atcrtion  grande. 

Quand  il  est  joint  à  un  adverbe  de  quantité,  il 
peut  se  mettre  avant  ou  après  :  Un  très-grand 
orage,  ou   un  orage  très-grand;  un  très-grand 


GRA 

malheur,  OU  un  malheur  très-grand  ;  une  très- 
grande  misère,  ou  une  misère  très-grande.  Ce- 
pendant on  ne  dirait  pas  c'est  un  génie  très- 
grand,  un  esprit  très-grand;  mais  on  Akailune 
très-grande  prudence  et  une  prudence  très- 
grande;  une  très-grande  sagesse,  OU  une  sagesse 
très-grande,  etc. 

Boileau  dit  qwe  grand,  précédé  de  l'article  de- 
vant un  nom  propre,  ne  peiil  se  dire  que  dos  con- 
quérants et  dos  saints  :  Le  grand  dtndé,  le 
grand  saint  François  ;  et  il  reprend  un  poclc 
d'avoir  dit  le  grand  Apclle.  On  peut  bien  dire, 
dit-il,  (\WApeUe  était  vn  grand  peintre  ;  mais 
qui  a  jamais  dit  le  grand  ytpelle?  On  pcul  bien 
appeler  Cicéron  un  grand  orateur'  mais  il  serait 
ridicule  de  dire  le  grand  Cicéron. 

Le  nom  de  I.oui'  X IV  dii  "^'oltaire,  a  prévalu 
dans  le  puldic  su.'  ^elui  de  Grand.  L'usage  est 
le  mailre  de  loul  Henr'  qui  fut  surnommé  le 
Grand  à  si  juste  titre  apr6s  s.i  mort,  est  appelé 
communément  Henri  IV,  et  ce  nom  seul  en  dit 
assez.  M.  le  prince  de  Condé  est  toujours  appelé 
le  grand  Condé,  non-seulement  à  cause  de  ses 
actions  héroïques,  mais  par  la  facilité  qui  se 
trouve  à  le  distinguer,  par  ce  surnom,  des  autres 
princes  de  Condé.  Si  on  l'avait  nommé  Condé  le 
Grand,  ce  litre  ne  lui  fût  pas  demeuré.  On  dit 
le  grand  Corneille,  pour  le  dislinguer  de  son 
frère.  On  ne  dit  pas  le  grand  Virgile,  ni  le  grand 
Homère,  ni  le  grand  Tasse .  Ale.vatidre  le  Grand 
n'est  plus  connu  que  sous  le  nom  A' Alexandre. 
On  ne  dit  point  César  le  Grand.  Chaiies-Ouint, 
dont  la  fortune  fut  plus  éclalanle  que  celle  de 
Louis  XIV,  n'a  jamais  eu  le  nom  de  Grand.  Il 
n'est  resté  à  Charlemagne  que  comme  un  nom 
I)ropre.  Les  titres  ne  serveni  de  rien  pour  la  pos- 
lériié.  Le  nom  d'un  homme  qui  a  fait  de  grandes 
choses  impose  plus  que  toutes  les  épilhèlcs.  [Siè- 
cle de  Louis  Xiy,  chap.  XIII.) 

L'e  muet  de  grande  s'élide  quelquefois  dans  la 
prononciation,  et  même  en  écrivant,  devant  les 
substantifs  qui  commencent  par  une  consonne. 
On  dit  et  l'on  écrit  grand'mère,  grand'tante, 
grand'  messe , grand"  chambre ,  grand'  salle ,  grande- 
chère,  grand'croix,grand'pitié.  Cependant  il  n'y 
a  que  le  mot  grand'mère  pour  lequel  la  règle  soit 
générale  -,  car,  dans  bien  des  occasions,  et  en  par- 
ticulier quand  le  mol  grande  est  procédé  de  quel- 
que prépositif,  Ve  iiiuol  final  ne  soufl'ro  poinl  d'é- 
lision.  Ainsi  l'on  dil  et  l'on  écrit  une  grande 
chambre,  la  plus  grande  chère,  une  grande 
messe,  la  plus  grande  peine,  etc. 

Quelquefois  le  lormo^ms-esl  pris  au  physique 
pour  grand,  mais  jamais  au  moral.  On  dil  Mgros 
biens,  pour  de  grandes  richesses;  une  grosse 
pluie,  pour  une  grande  pluie  ;  mah  non  pns  gros 
homme  pour  grand  homme  ;  gros  capitaine  pour 
grand  capitaine  ;  gros  ministre  pour  grand  mi- 
nislre.  Voy.  Apostrophe,  Chose. 

Grandelet,  Grandki.f.tte.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  enfant  grandclet,  une 
file  grandelette. 

Grandkment.  Adv.  On  peut  quelquefois  le  met- 
tre entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est 
trompé  grandement,  ou  il  s'est  grandement 
trompé. 

Grandeur.  Subst.  f.  Ce  terme,  en  physique  et 
en  géométrie,  est  sauvent  absolu,  et  ne  suppose 
aucune  comparaison  ;  il  esl  synonyme  de  quan- 
tité, d'étendue.  Kn  monde,  il  esl  relatif  cl  porte 
l'idée  do  supériorité.  Ainsi,  quand  on  l'applique 
aux  qualités  de  l'esprit  ou  do  l'.àmo,  ou  collecli- 
I  vement  à  la  personne,  il  exprime  un  haut  degré 


GRA 

d'élévation  au-dessu?  de  la  multittide.  Mais  cette 
élévation  peut  étie  ou  naiu relie  ou  nictice  ;  et 
c'est  ce  qui  dislingue  la  grandeur  réelle  de  la 
grandeur  d'institution. 

Grandiose.  Adj.  des  deux  genres.  Terme  em- 
prunté de  l'iialien.  11  se  dit,  en  termes  d'arts,  de 
ce  qui  frappe  l'iinagination  par  un  caractère  de 
grandeur,  d'élévation,  de  noblesse,  de  magnili- 
cence  extraordinaire  :  Cette  esquisse  a  quelque 
chose  de  grandiose.  Un  site  grandiose.  Ou  l'em- 
ploie aussi  substantivement  :  Le  grandiose  est 
fils  du  génie. 

Grandir.  Y.  n.  de  la  2'  conj.  Si,  parce  verbe, 
on  a  intention  d'exprimer  l';iclion  successive  de 
devenir  grand,  on  le  conjugue  avec  le  verbe 
avoir  :  Il  a  lien  grandi,  il  a  grandi  en  peu  de 
lempj.  Si  au  contraire  on  veut  exprimer  l  état 
qui  résulte  de  cette  action,  on  le  conjugue  avec 
le  verbe  être  :  Il  est  bien  grandi- 

GRAriiiQi'E.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Description  graphique,  re- 
présentation graphique. 

Grapiller,  Grapilledr,  Grapillon.  Dans  ces 
trois  mots  on  mouille  les  l. 

Gras,  Grasse.  Adj.  11  se  met  ordinairement 
après  son  subst.  :  Un  homme  gras,  une  femme 
crasse,  viande  grasse,  potage  gras,  vin  gras,  etc. 
(Cependant  on  dit  figurémeiit  durmir  la  grasse 
matinée,  pour  dire  dormir  bien  avant  dans  le 
jour,  se  lever  fort  tard. 

Grassement.  Adv.  Il  peut  quelquefois  se  met- 
tre entre  l'auxiliaire  cl  le  participe  :  //  a  étépayé 
grassement,  ou  il  a  été  grassement  payé. 

Grasset,  Grassette.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  enfant  grasset,  une  petite 
fille  grassette. 

Grasseyemf.nt.  Subst.  m.  Défaut  qui  fait  que 
l'on  parle  gras,  ([ue  l'on  chante  gras.  On  parle 
gras,  on  chante  gras,  quand  on  donne  au  c  cl  au 
d  le  son  du  i,  au  double  II  celui  de  l'y,  ou  lors- 
qu'on prononce  la  lettre  r  de  la  gorge,  en  sorte 
qu'on  la  fait  précéder  d'un  c  ou  d'un  g.  Ainsi  h 
mot  race,  dans  la  bouche  de  ceux  qui  grasscyent 
sonne  comme  le  mot  grâce  ou  trace  dans  ccllt 
des  gens  qui  parlent  ou  ch;unenl  bien  ;  et  au  lieu 
de  dire  carillon,  groseille,  on  prononce  caryon, 
groseye.  Il  est  rare  que  dans  les  premières  an- 
nées on  ne  puisse  pas  corriger  les  enfants  de  ce 
vice  de  prononciation,  qui  ne  vient  presque  ja- 
mais du  défaut  de  l'organe. 

Grassouillet,  Grassouillette.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Ce  morceau  grassouil- 
let. 

Gratification.  Subst.  f.  La  gratification  est  un 
don  accordé  en  récompense  surcrogatoire  de 
quelque  service  rendu  ;  il  semble  donc  que  la 
gratiêcalion  suppose  trois  choses  :  un  consente- 
ment particulier  de  celui  qui  gratifie,  une  action 
utile  de  la  part  de  celui  qui  est  gratifié,  et  un 
avantage  pour  celui-ci.  Sans  cet  avantage,  la  gra- 
tification ne  serait  qu'une  récompense  ordinaire. 

Gratis.  Adv.  On  prononce  le  s.  Il  ne  se  met 
«ju'aprés  le  verbe  :  On  lui  a  donné  cela  gratis. 

Gratitude.  Subst.  f.  L'Académie  le  définit  re- 
connaissance d'un  bienfait  reçu.  Cette  idée  est 
commune  aux  deux  mois  gratitude  et  reconnais- 
sance,  e;  ne  fait  point  connaître  les  nuances  qui 
les  distinguent.  La  reconnaissance  est  le  souve- 
nir, l'aveu  d'un  bienfait  reçu;  la  gratitude  est  le 
sentiment,  le  retour  inspiré  par  un  bienfait,  pai 
un  service.  La  reconnaissance  est  dans  la  mé 
moire,  la  gratitude  dans  le  cœur.  Le  mot  de  gra 
litvde,  hasarde  sur  la  fin  du  seizième  siècle,  a  de 


CRA 


5^20 


<a  peine  à  se  soutenir;  c'est  diinmage.  Il  me 
semble,  dit  Montaigne,  que  nouf  avons  besoin  de 
mettre  ce  mot  en  crédit.  Ce  besoin  n'jsl  pas 
moins  urgent  encore  <iue  du  temps  de  Montai- 
gne. Par  une  autre  bizarrerie  de  notre  langue,  le 
mot  mécotinaissauce  est  tombé,  et  le  mot  ingra- 
titude  a  pris  sa  place. 

Gratte-cul.  Subst.  m.  L'Académie  écrit  gratte- 
culs  au  pluriel  avec  un  s.  Assurément,  il  ne  s'a- 
git point  ifi  de  plusieurs  ci/«,  mais  de  plusieurs 
roses  di't'ouries  auxq'uillos  nn  a  dunné  ce  nom; 
et  la  pluralité  tombe  sur  roses  déncuries,  qui  est 
sous-entcndn.  Il  faut  écrire  des  gratte-cul,  ou 
des  gratte-cu. 

Gratuit,  Gratuite.  Adj.  Il  no  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Don  gratuit,  supposition  gratuite, 
7néchanceté  gratuite. 

Gratuitement.  Adv.  Il  peut  ([uclquefois  se 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  parlitipc  :  f^ous 
avez  avancé  cela  gratuitement ,  ou  vous  avez 
gratuitement  avancé  un  mensonge. 

Grave.  Adj.  des  deux  genres.  Dans  le  sens  phy- 
sique, il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  corps 
grave.  Dans  le  sens  moral,  on  peut  quelquefois 
le  faire  précéder  :  Un  homme  grave,  et  non  pas 
un  grave  homme;  un  magistrat  grave,  ou  vn 
grave  magistrat  ;  un  auteur  grave.,  ou  km  grave 
auteur;  vn  air  grave,  et  non  ])as  mi  grave  air; 
Une  affaire  grave,  vne  maladie  grave,  un  style 
grave,  un  accent  grave,  vn  son  grave,  un  ton 
grave. 

Grave,  au  sens  moral,  dit  Voltaire,  lient  tou- 
jours du  physique  ;  il  exprime  quchiuc  chose  de 
poids;  c'est  pourquoi  on  dit  un  homme ,  un 
auteur,  des  ma.vimes  de  poids,  pour  homme, 
auteur,  maximes  graves.  Le  grave  est  au  sé- 
rieux ce  que  le  plaisant  est  à  \ enjoué  ;  il  a  un 
degré  de  plus,  et  ce  degré  est  considérable.  On 
peut  être  sérieux  par  humeur,  et  incme  faute 
d'idées.  On  est  grave,  ou  par  bienséance,  ou  par 
l'importance  des  idées  qui  donnent  de  la  gravité. 
Il  y  a  de  la  différence  entre  être  grave  et  être  un 
homme  grave.  C'est  un  défaut  d'être  grave  hors 
de  propos.  Celui  qui  c^{  grave  dans  la  société  est 
rarement  recherché.  Un  homme  grave  est  celui 
qui  s'est  concilié  de  l'autorité  plus  par  sa  sagesse 
que  par  son  maintien.  L'air  décent  est  nécessaire 
partout,  mais  l'air  grave  n'est  convenable  que 
dans  les  fonctions  d'un  ministère  important,  dans 
un  conseil. 

Un  auteur  grave  est  celui  dont  les  opinions 
sont  suivies  dans  les  matières  conlentieuscs;  on 
ne  le  dit  pas  d'un  auteur  qui  a  écrit  sur  dos  ma- 
tières hors  de  doute.  H  serait  ridicule  d'appeler 
Euclide,  Archimède,  des  auteurs  graves. 

Il  y  a  de  la  gravité  dans  le  style.  Titc-I.ive, 
de  Thou,  ont  écrit  avec  gravité.  On  ne  peut  pas 
dire  la  même  chose  de  Tacite,  quia  recherché  la 
précision,  et  qui  laisse  voir  de  la  malignité;  en- 
core moins  du  cardinal  de  Retz,  qui  met  quel- 
quefois dans  SOS  écrits  une  gaieté  déplacée,  et  (pii 
s'écarte  quelquefois  des  bienséances.  —  Le  style 
grave  évite  les  saillies,  les  plaisanteries.  S'il  s'é- 
lève quelquefois  au  sublime,  si  dans  l'occasion 
il  est  touchant,  il  rentre  bientôt  dans  cette  sa- 
gesse, dans  celle  simplicité  noble  qui  fait  son  ca- 
ractère. Il  a  de  la  force,  mais  peu  de  hardiesse. 
La  plus  grande  difficulté  est  de  n'être  point  mo- 
notone. Affaire  grave,  cas  grave,  se  dit  plutôt 
d'une  cause  criminelle  que  d'un  procès  civil 
Maladie  grave  suppose  du  danger.  [Dict.  phi- 
los.) Vovcz  .accent 

Gravelkux,  Graveleuse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 


330 


GRI 


près  son  subst.  :  Urine  graveleuse. —  Conte  gra- 
veleux^, conversation  graveleuse. 

GnwEMENT.  Adv.  On  pcul  le  mcUrc  entre 
l'auxiliaire  cl  le  parlicipe:  Il  a  parlé  gravement, 
il  s'est  oravement  avance  vers  nous. 

Graver.  V.  a.  de  la  l'^'  coaj.  Selon  l'Académie, 
on  dit  figiirément  graver  quelque  chose  dans  l'es- 
prit, dans  la  mémoire,  dans  le  cœur.  Yollaire  a 
dil(/^f/.r.,  VII,109)  : 

Il  (Dieu)  grave  en  tous  les  cœurs  la  loi  de  la  nature. 

Graveur.  Subst.  ui.  Eu  i)arlant  d'une  femme, 
on  ne  dit  pas  graveuse,  mais  (graveur,  de  même 
cju'on  dit  une  femme  auteur. 

Gravité.  Subst.  f.  Voyez  Grave. 

Grec,  Grecque.  Adj.  En  prose,  il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  La  Fontaine  a  fait  précéder  le 
féminin  :  La  grecque  beauté. 

Gredinerie.  Subst.  f.  Misère,  gucuscric,  mes- 
quinerie. On  a  reproché  ce  not  à  l'Académie, 
comme  un  barbarisme.— Dans  la  dernière  édition 
de  son  Uiclionnaire  elle  remarque  qu'il  est  fami- 
lier et  qu'il  vieillit. 

GRÉGoniEN,  GRÉGORiENJiE.  Adj  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Chant  gréjr^iv.,  année  gré- 
gorienne. 

Grêle.  Adj.  des  d:a.x  gsnrcs.  T{  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Tailla  grêle,  to7i  grêle. — Intes- 
tins grêles. 

Grelotter.  V.  n.  de  la  1"  con;.  Voltaire  l'a 
employé  dans  sa  39''  épitre  (v.  19)  : 

Vous  allez  donc  aussi  sous  le  ciel  des  frimas. 
Porter  en  grelottant  la  lyre  et  le  compas, 
Et.  sur  des  monts  glacés  traçint  des  parallèles, 
Faire  entenûïs  âux  Lapons  vos  chantons  immortelles. 

Grenu,  Grenue.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  épi  grenu. — Bu  maroquin  grenu,  de 
l'huile  grenue. 

Grief,  Grii^ive.  On  prononce  le  /*du  masculin. 
Adj.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  <on- 
sultanl  l'oreille  et  l'analoirie  :  Il  est  défendu  sous 
de  grièves  peines.  Un  péché  grief,  une  faute 
grieve;  et  non  pas,  un  grief  péché,  ni  une  griève 
faute.  Voyez  Adjectif. 

GRiiiYEMEJiT.  Adv.  Il  peut  sc  mettre  cntrc 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  été  offensé  griè- 
vement, ou  il  a  été  gfièvement  offensé.  Il  est 
hlcssé  grièvement,  OU  il  est  grièvement  blessé. 
On  l'a  insulté  grièvement,  ou  o»  l'a  grièvement 
insulté. 

Gril.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  l. 

Grimace.  Subst.  f.  Espèce  do  contorsion  du  vi- 
sage ou  de  quebiu'une  de  ses  parties,  qu'on  fait 
par  affectation,  par  habitude,  ou  naturellement, 
pour  exprimer  quelque  seniimeiit  de  l'àme. 

Grincer.  V.  a.  et  n.  de  la  l"'  conj.  :  Grincer 
les  dents,  grincer  des  dents.  Delille  l'a  employé 
en  vers  dans  le  style  noble  {Énéid.,  111,  UIO)  : 

Là,  tout  sanglant  encor,  hideux,  grinçant  let  dent». 

Grippe-sod.  Subst.  m  Au  pluriel,  le  mot  grippe 
ne  prend  point  de  5,  parce  que  c'ect  un  verbe;  le 
mot  sou  n'en  prend  point  non  plus.  La  pluralité 
tombe  sur  les  personnes  qui  sont  désignées  par 
ce  mot.  Des  grippe-sou,  c'est-à-dire  des  gens 
qui  grippent  sou  à  sou. 

Gris,  Grise.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Drap  gris,  étoffe  grise,  cheveux  gris, 
barbe  grise. 

Grisâtre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 


GRO 

qu'après  son  subst.:  Couleur  grisâtre,  étoffe  yrpk 
sdtre. 

Grison,  Grisonne.  Adj.  Il  ne  sc  met  qu'après 
son  subst.  :  Poil  grison,  barbe  grisonne. 

Grogneur,  GnoGNEust.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Humeur  grogneuse.  Cette  grogncuse  hu- 
meur. 

Grondant,  Grondante.  Adj.  verbal  lire  du  v 
gronder. 

Ces  guerriers  inlropides 
Percent  des  flots  grondants  les  niont.igncs  liquides. 
(CoBU.,  Yictoiru  du  roi  sur  les  Etats  <ie  Hollande,  282.\ 

Cet  adjectif  ne  se  trouve  point  dans  le  Diction- 
naire de  V Académie .  Il  ne  peut  se  mettre  qu'a- 
près son  subst. 

Gronder.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  L'Acadé- 
mie dit  dans  le  sens  neutre  ,  gronder  couire 
quelqu'un.  On  dit  aussi  gronder  de  quelque 
chose  : 

Eh!  pourquoi  donc  jrondcr  de  tout  ceci? 

(Volt.,  Enf.  prod.,  acl.  IV,  sc.  iv,  47.) 

Grosdeur,  Grondeuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  lorsque  l'harmonie  et  l'analogie 
le  permettent  :  Humeur  grondeuse,  grondeus» 
humeur. 

Gros,  Grosse.  Adj.  Terme  de  comparaison. 
Son  corrélatif  est  petit.  Il  parait,  dans  presque 
tous  les  cas,  s'étendre  aux  trois  dimensions  du 
corps,  la  longueur,  la  largeur  e!  la  profondeur, 
et  en  marquer  une  (]uanlilé  considérable  dans  le 
corps  appelé  gros,  par  comparaison  à  des  corps 
de  la  même  espèce. 

J'ai  i\\\.  presque  dans  tous  les  cas,  parce  (ju'il 
y  en  a  où  il  ne  désigne  qu'une  dimension.  Ainsi 
un  gros  homme  est  celui  dont  le  corps  a  plus  de 
diamètre  que  l'homme  n'en  a  communément,  re- 
lativement à  la  hauteur  de  cet  homme.  Aloi-s 
petit  n'est  pas  son  corrélatif.  Il  se  dit  de  la  hau- 
teur ,  et  un  petit  homme  est  celui  qui  est  au-des- 
sous de  la  hauteur  commune  de  l'homme.  Quand 
cet  adj.  est  sans  modification,  il  se  met  toujours 
avant  son  subst.  :  Un  gros  homme,  une  grosse 
femme,  un  gros  arbre,  une  grosse  tête,  une 
grosse  jambe.  —  Un  gros  mur,  un  gros  bourg, 
une  grosse  armée.  Quand  il  est  modifié  par  quel- 
que adverbe  de  quantité,  il  se  met  avant  ou 
après:  Un  fort  gros  homme,  un  homme  fort 
gros;  une  bien  grosse  femme,  une  femme  bien 
grosse.  Avec  les  adverbes  Icrinincs  en  ment,  il  sc 
met  toujours  après  :  Un  homme  extrêmement 
gros,  une  femme  prodigieusement  grosse. — Seul, 
avant  le  mot  femme,  il  n'a  pas  le  même  sens 
qu'après  ce  mot.  Une  gnsse  femme  est  une 
femme  qui  a  beaucoup  d'embonpoint;  une  femme 
grosse  e.^t  une  femme  enccinlc.  Dans  ce  dernier 
sens,  il  prend  quelquefois  un  régime  :  Elle  était 
grosse  de  son  aîné. — Un  homme  dit  ligurémcnt 
et  familièrement,  je  suis  gros  de  vous  voir,  je 
suis  gros  de  savoir  cela.  Mais,  «luoi  qu'en  dise 
Féraud,  une  femme  ne  dli'ait  ni^e  sins grosse  de 
vous  voir,  ni  je  suis  grosse  de  savoir  cela. — An- 
ciennement, dit  Féraud,  on  disait  devant  les 

noms,  gros   de Son   imagination,  toujours 

grosse  de  mMes  idées,  enfante  continuellement 
do  nouvelles  images.  (Madame  Dacier.)  Féraud 
ajoute  que  cette  exiircssion  ne  plairait  pas  au- 
jourd'hui. —  Cependant  on  dit  familièrement,  et 
même  dans  le  style  noble,  avoir  le  cœur  gros  do 


GUE 

soupirs ;el  proverbialement,  que  le  temps  pré- 
sent est  gros  de  l'avenir. 

Le  cœur  gros  de  soupirs  qu'il  n'a  point  écoules, 

(Ric,  Phéd.,  act.  III,  se.  m,  19.) 

Delille  a  employé  celte  expression  avec  i)eau- 
conp  de  hardiesse,  en  parlant  du  cheval  de  Troie 
(^m;7rf.,  VI,G65): 

Quand  ce  colosse  allier,  apportant  le  trépas, 
Entrait  groa  de  malheurs,  d'armes  et  de  soldais. 

GnossFuu.  Sulist.  f.  Ce  mot  a  deux  acceptions 
assez  difrOrcnles.  On  dit  la  grosseur  et  v ne  gros- 
seur. Pour  le  itrcmicr  sens,  voyez  Gros.  Dans  le 
second  sens,  c'est  presque  la  même  chose  ([ue  tu- 
meur. 

Grossier,  Grossière.  Adj.  On  peut  le  inetlre 
avant  son  snbst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analo- 
aie  :  Un  ouvrage  grossier,  un  grossier  ouvrage  ; 
un  travail  grossier,  un  grossier  travail;  une  ar- 
chitecture grossière,  xtne  grossière  architecture. 
Un  Iicmine  grossier,  une  femme  grossière.  On 
ne  dit  pas  un,  grossier  homme.  Voyez  Adjectif. 

Grossièrement.  Adv.  On  peut  le  mettre  cnlre 
l'auxiliaiie  cl  le  participe  :  Cela  est  travaillé 
grossièrement,  cela  est  grossièrement  travaillé. 

Grotesque.  Adj.  des  deux  genres.  Au  ligure, 
on  pctii  le  mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'a- 
nalogie et  l'harmonie  le  permettent  :  Des  figures 
grote.sqttes ,  des  peintures  grotesques.  —  Un 
homme  grotesque,  une  femme  grotesque;  une 
imagination  grotesque  ;  voilà  tine  grotesque  ima- 
gination, des  idées  grotesques,  de  grotesques 
idées.  On  ne  dirait  pas  un  grotesque  homme,  une 
grotesque  femme,  ^o'^ez  Adjectif. 

Grotesqdement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  est  vêtu grotesque- 
ment,  oo  il  est  grotesqitement  rêtu. 

Grouillant,  Grouillante.  Adj.  verbal  tiré  du 
v.  grouiller.  On  mouille  les  l.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  On  dit  populairement:  Il  a  six 
enfants  tout  grouillants. 

Grcger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  second  g  doit  toujours  avoir  la  prononciation 
duy,- et  pour  la  lui  conserver  lorsqu'il  est  suivi 
d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  c  muet  avant  cet  a 
ou  cet  0.  Je  grugeais,  je  grugeai;  et  non  pas  je 
grvgais,  je  grugai. 

Gru.meleu.x,  Grumeleuse.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Caillou  grumeleux ,  bois 
grumeleux,  poires  grumeleuses. 

Gruyère.  Subst.  m.  L'Académie  dit  que  c'est 
une  sorte  de  IVomage  qui  tire  son  nom  d'un  lieu 
do  la  Suisse  où  il  se  fait.  Ce  fromage  r.e  s'appelle 
pas  i)roprement  rf(/ yr«î/ère,  mais  du  fromage  de 
Gruyère  ;  ^c  n'est  (juc  par  ellipse  qu'on  dit  quel- 
quefois du  gruyère. 

GuÉABLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  ?ubst.  :  Rivière  guéable. 

Guéder.  y.  a.  de  la  1''  conj.  Soûler,  faire 
manger  avec  excès.  Voltaire  a  écrit  :  Si  je  n'étais 
pas  guédé  de  vers,  je  crois  que  j'en  ferais  pour 
M.  de  Laudon,qui  vient  de  prendre  Shweidnitz. 
Il  n'est  guère  usité. 

*  Gcenili.edx,  Gdenilleuse.  Adj.  L'Académie 
ne  met  point  ce  mot.  Cependant  il  est  utile.  Di- 
derot a  dit  en  parlant  d'une  esquisse  de  Charles 
Vaidoo  qui  rcpréscnle  saint  Grégoire  vendant  son 
bien  et  le  distribuant  aux  pauvres  :  C'est  ici  qu'il 
faut  voir  comme  nn  peint  la  meyidicité,  com- 
ment on  la  rend  intéressante  sans  la  montrer 


GUE 


3SI 


hideuse,  jusqii'oit  il  est  permis  de  la  vêtir  sans 
la  rendre  opulente  ni  gucnilleuse. 

Gdekon.  Subst.  f.  L'Académie  dit  (|u'on  le  di 
par  injure  d'une  laide  femme:  C'est  une  guenon, 
une  franche  guenn,  une  laide  guenon  — Si  ce 
mot  signifie  une  laide  femme,  pourquoi  dirait- 
on  une  laideguennnf  L'Académie  ajoute  qu'il  se 
dit  aussi  par  injure  d'une  femme  de  mauvaise 
vie,  et  ([u'il  est  familier  dans  ces  deux  accep- 
tions. II  est  vrai  qu'à  la  halle  on  emploie  quel- 
quefois ce  mot  dans  ce  dernier  sens  ;  mais  on  ne 
l'entend  guère  ailleurs,  si  ce  n'est  parmi  la  popu- 
lace ;  ce  qui  prouve  qu'il  n'est  pas  familier,  mais 
bas  et  grossier. 

Guère  07/.  Gui:RES.  Adv.  On  n'écrit  plus  guères 
(ju'en  vers,  lorsqu'il  est  favorable  à  la  mesure 
ou  à  la  rime  :  H  ne  travaille  guère,  ce  vin-là 
n'est  guère  bon.  Devant  les  substantifs,  il  régit 
de  :  Il  n'y  a  guère  de  bonne  foi  dans  le  monde  ; 
il  n'a  guère  ^'argent.  Cet  adverbe  est  toujours 
accompagné  de  la  négation.  Dans  les  temps  com- 
posés, ilse  met  toujours  entre  i'uuxiiiaire  et  le 
participe  :  Il  n'a  guère  viangé.  Je  n'ai  gulre 
dormi.  Dans  les  temps  simples,  il  se  met  après  le 
veibe  :  n  ne  mangea gtiére.  Mais  il  précède  tou- 
jours l'infinitif  :  il  ne  veut  guère  manger.  Les 
adverbes  de  comparaison  se  mettent  toujours 
après  guère  :  Guère  plus,  guère  moins. 

Ceux  qui  disent  il  no  s'en  faut  de  guère,  pour 
dire  il  ne  s'en  faut  guère,  s'expriment  mal.  On 
dit  :  n  ne  s'en  faut  guère,  il  ne  .'s'en  est  guère 
fallu,  lorsque  ce  mot  est  employé  absulument; 
mais  c'est  quand  il  a  rapport  à  une  quantité  com- 
parée avec  une  autre  qu'on  ajoute  de.  Si  l'on 
mesure  deux  choses,  el  que  l'une  ne  soit  pas 
beaucoup  plus  grande  que  l'autre,  on  dit  qu'elle 
ne  la  passe  de  guère.  Au  mot  beaucoup,  l'Aca- 
démie est  d'avis  qu'il  faut  supprimer  le  rfe  quand  il 
s'agit  simplement  d'une  différence  sans  compa- 
raison :  Le  cadet  n'est  pas  si  sage  que  l'aîné,  il 
s'en  faut  beaucoup;  et  qu'il  faut  le  mettre  quand 
il  s'agit  d'exprimer  un  manque  de  (luanlité  : 
f^ous  croyez  m'avoir  tout  rendu,  il  s'en  faut  de 
beaucoup.  Par  une  suite  de  ce  principe,  on  doit 
(lire  il  ne  s'en  faut  guère  qu'il  ne  soit  aussi 
avancé  que  son  frère;  et  il  ne  s'en  faut  de 
guère  que  ce  vase  ne  soit  plein. 

Guérir.  V.  a.  el  n.  On  li'û  se  guérir, guérir 
quelqu'un,  et  guérir  d'une  maladie.  C'est  un 
terme  relatif  à  l'état  de  santé  et  à  l'élnt  de  ma- 
ladie, qui  marque  le  passage  de  celui-.-i  au  pre- 
mier, soit  par  le  secours  de  la  médecine,  soil 
par  Ic-s  forces  de  la  nature.  Il  se  prend  au  propre 
et  au  figure,  et  s'applique  aussi  comuuinément 
aux  maladies  de  l'esprit  qu'à  celles  du  corps. 

Guerre.  Subst  f.  Boileau  avait  dit  (Satire  viii, 
129)  : 

L'ours  fail-il  dans  le?  bois  la  guerre  avec  les  ours? 

La  Fontaine,  Racine,  et  d'autres  amis  du  poëte, 
remarquèrent  qu'on  ne  dit  pas  faire  la  guerre 
avec,  mais  «  quelqu'un.  Boileau  corrigea  ce  vers 
de  celte  manière  : 

L'ours  a-t-il  dans  les  bois  la  guerre  avec  les  ours? 

Il  est  vrai  que,  dans  ce  sens,  on  ne  dit  pas 
faire  la  guerre  avec  quelqu'un;  mais  il  ne  tant 
pas  en  conclure,  comme  semble  l'avoir  fait  Fé- 
raud,  que  faire  la  guerre  avec  quelqu'un  ne  soit 
pas  une  expression  française.  On  dit  qu'on  a /ai< 
la  guerre    avec  quelqu'un  pour  dire   qu'on    a 


332 


H 


servi  avec  lui  en  temps  de  guerre  dans  les  armi'cs 
du  même  souverain  ou  du  même  parti  J'ai  fait 
avec  lui  la  guerre  d'Italie  ;  nous  avons  fait  la 
guerre  ensemble. 

Gi'KRitiKR,  GuKRRiKRE.  A(ij.  On  peut  le  mettre 
avant  sonsubsl.,  en  consultant  l'haiinonieel  l'ana- 
logie :  Une  nation  guerrière,  des  erphiits  guer- 
riers ;  un  air  guerrier,  une  viinc guerrière  ;  une 
audace  guerrière  ;  cette  guerrière  audace.  A'oyez 
Adjectif. 

GcET.  Subst.  m.  On  dit  fignrément  d'un 
homme  qui  est  dans  un  lieu  pour  observer  ce  qui 
s'y  passe,  il  a  l'œil  et  l'oreille  au  guet  : 

On  avait  mij  des  gens  au  guet, 

(Lu  Fo>T.,  llv.  TV,  ful.le  x,  lO.'i 

On  dit  aussi  les  oies,  les  chiens,  sont  de  Imii 
guet.  De  bonne  guette  soraji  une  mauvaise  lo- 
cution. [Grammaire  des  Grammaires,  p.  dlGU.  ) 

Gdeusant,  Gdeusame.  Adj.  veri)al  tiré  du  v. 
gueuser.  11  est  peu  usité  comme  adjectif. 

G  DEUX,  GcEDSE.  Adj.  L'Académie  l'explique 
par  indigent,  nécessiteux,  qui  est  réduit  à  men- 
dier. —  Les  indigents,  les  nécessiteux,  les  gens 
réduits  à  mendier  ne  sont  pas  des  gueux  ;  ce  sont 
des  pauvres,  des  mendiants.  Le  mot  de  gueux 
emporte  avec  lui  une  idée  de  mépris  que  l'on 
n'attache  pas  ordinairement  aux  autres.  Les  gens 
gueux,  ou  pour  mieux  dire  les  gueux,  car  ce 
mot  est  dans  l'origine  un  substantif  que  l'on  em- 
ploie adjectivement;  les  gueux  sont  des  misé- 
rables qui  mendient  par  fainéantise  ou  par  liber- 
tinage, qui  font  métier  de  mendier,  et  qui  ne 
voudraient  pas  travailler  si  on  leur  offrait  de 
l'ouvrage.  Il  n'y  a  (pie  la  légèreté  ou  l'imperti- 
nence qui  traite  de  gueux  les  indigents  et  les 
pauvres.  On  peut  juger  par-là  combien  est  dé- 
placé cet  exemple  du  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie :  Ces  gens-là  sont  si  gueux  qu'ils  n'ont  point 
de  pain. 

Voici  ce  que  dit  Ch.Nodieràcesujct  :  ^^  Gueux, 
misérable,  etc.  Au  sens  propre,  ces  adjectifs  se 
disent  d'un  homme  très-i»auvre  ;  au  sens  (iguré, 
d'un  scélérat.  11  parait  que  cette  extension  est 
de  la  langue  des  riches,  et  non  pas  de  celle  de 
rhumaniFé.  Chez  les  anciens,  res  sacra  erat 
miser.  Chez  nous,  pour  manjucr  qu'un  homme 
est  à  fuir,  on  dit  que  c'est  un  malheureux.  » 
{Examen  criliq.  des  Dict.)  L'auteur  de  cet  ar- 
ticle pensait  donc,  comme  l.avcaux,  ([ue  le  mot 
gueux  ne  doit  point  conserver  deux  acceptions 
aussi  différentes;  seulement  c'est  le  sens  de /la;/- 
vre  qui,  selon  lui,  aurait  du  prévaloir.  C'est  le 
seul  que  Béranger  ait  eu  en  vue  dans  sa  jolie 
chanson  des  Gueux. 

Gui,  Guichet,  Gdichetier,  Guide,  Guider. 


H 

Dans  ces  mots,  gui  se  i)ronoiTce  en  une  seule  syl- 
labe, sans  faire  sentir  l'u. 

Guide-ane.  Subst.  m.  Petit  livre  qui  contient 
l'ordre  des  fêtes  cl  celui  des  offices  relatifs  à 
chaque  fête.  Dans  ce  substantif  composé,  ni  le 
mot  guide,  qui  est  un  verbe,  ni  le  mot  âne,  ne 
doit  prendre  la  manjue  du  pluriel;  la  pluralité 
tombe  sur  livre,  qui  est  sous-entendu,  cl  l'on 
doit  écrire  des  guide-âne. 

GiiDON.  Subst.  m.  Gui  se  prononce  conuroe 
une  seule  syllabe,  sans  faire  sentir  \'u. 

Guigne,  Guigner,  Gligmer,  Guignon.  Dans 
ces  quatre  mo'.s,5ri/t  se  prononce  en  une  seule 
syllabe,  sans  faire  sentir  Vu,  et  ou  inouilley« 

Guillage,  Guillaume,  Guiiledou.  Dans  ces 
trois  mots,  gui  se  prononce  en  une  seule  sylhibe, 
sans  faire  sentir  \'}i,  et  on  mouille  les  l. 

Guillemet.  Subst.  m.  C'est  une  espèce  de  ca- 
ractère ligure  ainsi  i^,  cl  ([ui  ressemble  à  deux 
virgules  assemblées.  On  le  met  au  commence- 
ment et  à  la  lin  d'une  citation,  et  souvent  même 
au  commencement  de  chacune  des  lignes  qui  la 
composent. —  Dans  ce  mot,  et  dans  guillemelter, 
on  prononce  guil  en  une  seule  syllabe,  sans  faire 
sentir  I'm,  et  l'on  mouille  les  deux/. 

Guilleret,  Guillerette.  .\dj.  On  prononce 
guil  en  une  seule  syllabe,  sans  faire  sentir  I'm,  et 
on  mouille  les  l.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  air  guilleret,  un  habit  guilleret. 

GUILLERI,    GUILLOCHEH,   GuiLI.OCHIS.     DaUS    CCS 

mots,  guil  se  prononce  en  une  seule  syllabe, 
sans  faire  sentir  Vu,  et  on  mouille  les  l. 

GuiM.\DVE.  Subst.  L  Gt/i  se  prononce  en  une 
seule  syllabe,  sans  faire  sentir  Vu. 

Guimbarde,  Guimpe.  Dans  ces  deux  mots, 
guim  se  prononce  en  une  seule  syllabe,  sans  faire 
sentir  I'm. 

GuiNDAGE,  GuiNDER.  Daus  CCS  dcux  mols,  guin 
se  prononce  en  une  seule  syllabe,  sans  faire  sen- 
tir Vu. 

Guinée.  Subst.  f.  Gui  se  prononce  en  une 
seule  syllabe,  sans  faire  sentir  Vu. 

Guingois,  Guinguette.  Dans  ces  deux  mots, 
guin  se  prononce  en  une  seule  syllabe,  sans  faire 
sentir  Vu. 

Guirlande.  Subst.  f.  G !«'»•  se  prononce  en  une 
seule  syllabe,  sans  faire  sentir  l'w. 

Guise.  Subst.  f.  Gui  se  prononce  en  une  seule 
syllabe,  sans  faire  sentir  Vu. 

Il  faut  rcmaniuer  (|ue,  dans  les  noms  propres, 
on  fait  sentir  Vu  :  Le  duc  do  Guise. 

Guitare.  Subst.  f.  Gui  se  prononce  en  une 
seule  syllabe,  sans  faire  sentir  1'»/. 

Guttural,  Gutturale.  Adj.  On  prononce  les 
deux  t. 


H. 


H  Subst.  m.  On  prononce  he.  Celle  lettre  est 
souvent  aspirée,  lorsque  dans  la  même  syllabe 
elle  est  seule  avec  une  voyelle.  Quand  elle  est 
aspirée,  elle  donne  au  son  de  la  voyelle  suivante 
une  articulation  gutturale,  cl  alors  elle  a  les 
mêmes  effets  que  les  autres  consonnes.  Si  elle 
commence  le  mot,  elle  empêche  l'élision  de  la 
voyelle  finale  du  mot  précédent,  et  rend  muette 
la  consdimc  liualo.  Ainsi,  au  lieu  de  dire  avec 
clision  funest'husard  en  quatre  syllabes,  comme 
funest' ardeur,  on  dit  funes-te'hasardy  en  cinq 


syllabes.  Une  haine  se  prononce  u-ne-hame  ; 
j'aurais  honte,  counnc  j'aurc  honte. — Si  la  lettre 
/;  est  muette,  elle  n'indiciue  aucune  articulation 
pour  le  son  de  la  voyc^lle  suivante,  qui  reste  dans 
l'état  actuel  de  simple  émission  de  la  voix  ;  el, 
dans  ce  cas,  elle  n'a  pas  plus  d'influence  sur  la 
l)rononciation  que  si  elle  n'était  point  écrite.  Ce 
n'est  alors  (ju'une  lettre  purement  étymologique, 
(jue  l'on  conserve  comme  une  tiare  du  mol  ra- 
dical où  elle  se  trouvait,  i)lutôt  que  comme  le 
signe  d'un  élément  réel  du  mol  uù  elle  est  em- 


n 

ployco  ;  et  si  clic  commence  le  mol,  la  Icllre 
hnale  du  mot  précédent,  soit  voyelle,  soit  con- 
sonne, est  réputée  immcdintcincnl  suivie  d'une 
voyelle.  Ainsi,  au  lieu  de  dire  sansélision  ti-tre- 
hnnoi-aUe,  comme  on  dit  ti-tre- favorable,  il  faut 
dire  avec  élision  tilr' honorable,  comme  on  dit 
titr'onéreux. 

Voici,  pour  ceux  qui  savent  le  latin,  deux  rè- 
gles assez  générales  iiour  distinguer  le>  mots  où 
il  faut  aspirer  le /i.  Dans  ions  les  mots  français 
qui  viennent  de  mots  latins  commençant  par  un 
h,  cette  lettre  ne  s'aspire  point.  Tels  sont  homme, 
qui  vient  de  homo;  honneur,  qui  vient  de  honor. 
Excepté  héros,  hennir,  harpie,  hanter,  où  le  îi 
s'aspire,  ciuoiiiu'ils  viennent  de  mots  latins  qui 
commencent  par  un  /;.  T.a  seconde  règle,  c'est 
que  les  mots  français  commençant  par  un  h,  qui 
viennent  de  mots  latins  qui  ne  commencent  p:is 
par  cette  lettre,  doivent  s'aspirer;  ainsi  l'on  dit 
avec  l'aspiration,  la  haine,  la  honte,  dont  les 
mots  latins  correspondants,  odium  et  pudor,  ne 
commencent  pas  par  un  h.  11  en  faut  excepter 
heureux,  huit,  huile,  hièble.  Mais  il  est  plus  sûr 
de  connaître  tous  les  mots  de  la  langue  où  le  h 
est  aspiré;  et  c'est  ce  que  nous  indiquons  dans 
la  table  qui  est  à  la  fin  de  cet  article. 

Les  consonnes  après  lesquelles  on  emploie  la 
lettre  h  en  français  sont  c,  l,  p,  r,  t.  Après  la 
consonne  c,  la  lettre  h  est  purement  auxiliaire, 
lors<iue  avec  cette  consonne  elle  devient  le  type  de 
l'articulation  forte  dont  nous  représentons  la 
faihle  par  j,  et  qu'elle  n'indique  aucune  aspira- 
tion dans  le  mot  radical.  Telle  est  la  valeur  de  h 
dans  les  mots  purement  français,  ou  qui  vien- 
nent du  latin,  comme  chapeau,  cheval,  chose, 
chute,  etc.  —  Après  c,  la  lettre  h  est  purement 
étymologique  dans  plusieurs  mots  qui  viennent 
du  grec,  ou  de  quelque  langue  orientale  ancienne, 
parce  qu'elle  ne  sert  alors  qu'à  indiquer  que  les 
mots  radicaux  avaient  un  h  aspiré,  et  que  dans 
le  mot  dérivé  elle  laisse  au  c  la  prononciation 
naturelle  du  k.  comme  dans  archétype,  archié- 
piscopal, archonte,  archange,  Cluilcedoine ,  Chal- 
déen,  chaos  ,  chirographaire ,  chœur ,  choriste, 
chorus,  chorngraphie ,  chrétien,  chromatique  , 
chronique,  chronologie,  chrysalide, Melchisédech, 
Bacchus,  Achèlous,  Chloris,  Machiavel,  Mel- 
chior,  Alichel-Ange,  que  l'on  prononce  comme 
s'il  y  avait  nrliétype,  arkiépiscopal,  arkonte,  etc. 
Plusieurs  mots  de  cette  classe,  étant  devenus  plus 
communs  que  les  autres  parmi  le  peuple,  se  sont 
insensiblement  éloignés  de  leur  prononciation  ori- 
ginelle, pour  prendre  celle  du  ch  français;  et 
l'on  prononce  aujourd'hui  à  la  française  Achéron, 


H 


533 


archevêque,  archidiacre,  urchiprctre,  architecte, 
archiduc,  Achille,  chimie,  chirurgien,  chéru- 
bin, etc.  —  Jouchiin  se  prononce  avec  le  son 
propre,  et  la  dernière  syllabe  prend  un  son  nasal 
comme  dans  la  première  du  mot  injuste. —  Dans 
almanach  \c  ch  n'a  aucun  son,  et  l'on  prononce 
almana.  ^'oyez  Ch. 

Après  la  consonne  l,  le  A  ne  se  met  que  pour 
faire  mouiller  le  l,  comme  dans  MUhau,  ville. 

P  suivi  de  h,  a  pour  nous  le  son  propre  de  fv. 
Phare,  philtre,  phosphore,  philosophe,  phrase, 
physionomie,  phalange ,  philanthnpe,  sc  pro- 
noncent comme  fare,  filtre,  filosofe,  etc. 

Ilh  n'a  jjoint  d'autre  articulation  que  celle  du 
r  simple.  likétcur,  rhume,  rliythme,  se  pronon- 
cent conur.    réteur,  rume,  rytme. 

Les  i.^.,ts  v^Ji  commencent  par  un  h  non  as^ 
pire  font  sonner  le  i  final  du  mot  précédent,  au- 
quel ils  doivent  être  unis  :  Un  savant  homme. 
Cependant  il  y  a  des  substantifs  où  il  serait  mal 
de  prononcer  le  t  final,  comme  dans  u/i^ru^  hor- 
rible, un  instinct  heureux.  La  dureté  qui  ré- 
sulterait de  la  prononciation  du  t  fait  assez  sentir 
la  raison  de  cette  exception. 

Le  h  conserve  l'aspiration  dans  les  mots  com- 
posés de  ceu.x  où  il  est  aspiré,  tels  que  déharna- 
cher, enharnucher,  enhardi,  aheurtemenl,  etc. 
Cette  lettre  fait  alors  l'effet  du  tréma,  et  sert  à 
annoncer  que  la  voyelle  qui  la  suit  ne  s'unit  pas 
en  diphthongueà  la  voyelle  qui  la  précède.  On  sn 
cxcei^le  exliausser,  exhaussement,  qui,  quoique 
formés  de  hausser  et  haussement,  où  /test  asiiirè, 
ne  prennent  point  l'aspiration.  Quelques  gram- 
mairiens pensent  avec  raison  que  1  on  devrait 
aspirer  le  h  dans  ces  deux  mots,  ne  fut-ce  que 
pour  distinguer  exhausser,  élever,  d'exaucer, 
accorder  à  quelqu'un  ce  qu'il  demande.  —  Les 
dérivés  du  mot  héros,  tels  que  héroïne,  héroïsme, 
héroïquement,  héroïde,  ne  prennent  point  l'asjji- 
ration. — Le  h  de  Henri  s'aspire  dans  le  discours 
soutenu,  mais  on  ne  l'aspire  jamais  dans  la  con- 
versation. Le  h  du  nom  propre  Henriette  ne 
s'aspire  dans  aucun  cas.  —  On  doit  toujours  as- 
pirer le  h  dans  Hollande,  Hongrie,  excepté  dans 
ces  phrases  qui  ont  passé  du  langage  du  peuple 
dans  le  langage  commun  ;  Toile  d'Hollande, 
fromage  d'Hollande,  du  point  d'Hongrie,  eau  de 
la  reine  d'Hongrie;  encore  csl-il  mieux  d'y  con- 
server l'aspiration.  "N'oyez  Hollande,  Hongrie. 
—  QueUiues  granunairiens  ne  veulent  pas  qu'il 
y  ait  d'aspiration  dans  huit,  mais  c'est  stius  fon- 
dement, puisqu'on  écrit  et  qu'on  prononce  sans 
élision  ni  liaison,  le  huit,  les  huit  volumes,  le 
huitième,  ou  la  huitième,  la  huitaine. 


LISTE  DE  TOUS  LES  MOTS  OU  LA  LETTRE  H  EST  ASPIRÉE. 

Les  mots  de  cette  liste  qui  ne  sont  pas  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  se  trouvent  dans  notre 
Nouveau  Dictionnaire  de  la  langue  française.  JN'ous  avons  placé  ici  certains  mots  dans  les(piels 
plusieurs  grammairiens  n'ont  pas  cru  que  le  h  fût  aspiré,  et  nous  en  avons  omis  quelques  autres  où 
ils  pensent  qu'il  l'est.  Nous  avons  exposé  nos  motifs  dans  l'article  relatif  à  chacun  de  ces  mots. 


Ha!  interjection. 
Hâbler  et  ses  dérivés. 
Hache. 

*  Hachebaché 

*  Hachée. 
Hache-paille 
Hacher. 
Hachereai' . 
Hachette. 
Hachis. 


Hachoir. 

*  Haehotte. 

Hachure. 

Hagard. 

Haha,  ouverture. 

Ha! ha! 

Hahé,  terme  de  chasse. 

Haie. 

'Rnïe,crides  charretiers 

Haillon. 


■*  Haim  ou  Hain. 
Haine  et  ses  dérivés. 
Haire. 

*  Hake. 
Halage. 

*  Halbourg. 
Halbran. 
Halbrcné. 

Hàle  et  ses  dérivés. 
Haler. 


Hâler. 

Haletant. 

Haleter. 

Haleur. 

*Halin. 

Hallage,  droit  de  halle 

Halle. 

Hallebarde. 

Hallebardier. 

Hallcbrcda. 


554 


H 


*  Haller. 
Haliier. 
Halo. 
Haloir. 
Halot. 
Halotechnie. 

*  Ilalolrichum. 
Halle 
Hainac. 

*  Hamaux 

*  HainbourL'cois. 

*  Hanilyrc. 
Hameau. 
Hampe. 
Han. 
Hanap. 
Hanche. 
Hangar. 
Hanneton. 
Hauscrit. 
Hanse. 
Hanscatiiiue. 
Hansièrc. 
♦Hantai. 
Hanter. 
Hantise. 

*  Ha  plaire. 
Happe. 

*  Happechair. 
Happelourde. 
Happer. 

*  Haque. 
Haquenée 
Haquct. 
Haquetier. 

*  Har. 
*Harai. 

Harangue  et  ses  dérivés 

Haras. 

Harasser. 

*  Harassier. 
Harceler, 
Harde. 
Harder. 
Hardes. 

Hardi  et  ses  dérivés. 

Harem. 

Hareng  el  ses  dérivés. 

Harengaison, 

Harengère. 

Hargneux. 

Haricot. 

Haridelle. 

*  Harnachement. 
Harnach'T. 

*  Harnacheur. 
Harnais. 
Harnois. 
Haro. 
Har[)aillcr. 
Harpe. 
Harjié. 

*  Harpeau. 
Harper. 
Harpie. 
Haipin. 
Harpiste. 
Harpon. 
Harponner. 
Han. 

Hasard  et  ses  dérivés. 

Hase. 

*Hasséki. 


H 

Hasle. 
Hâte. 

*  Hàtereau. 
Hàicur. 
Hàlicr. 

*  Hùiurc. 
Haubans. 
Haubergcon. 

*  Haiihercicr. 
Haubert." 
*Haulce. 

Hausse  p/  ses  dérivés. 
Haus^e-cl)l. 
Haussement. 
*Hausse-i)icd. 

*  Hausse-queue. 
Hausser. 

*  Haussoire. 

Haut  et  ses  dérivés. 
*Haul-à-bas. 
*Haui-à-haut. 
Hautbois. 

*  Haut-bord. 

*  Haui-de-casse. 
Haui-de-chausse. 

*  Haut-dessus. 

*  Haute-bonté. 

*  Haute-bruyère. 
Haute-contre. 

*  Haulce. 
Hautessc. 

*  Haute-taille. 
Haut-fond. 

*  Hautin. 
Haut-le-corps. 
Hauturier. 

*  Hauyne. 

*  Havarnaal. 
Hâve. 

*  Haveau. 

*  Haveléc. 

*  Haveneaa. 

*  Havenet. 
*Haveron. 

*  Havet. 
Havir. 
Havre. 
Havre-sac 

*  Hayon. 
Hé! 
Heaume. 

*  Heaumier. 

*  HècLe. 
Hciduque. 
Hein. 
Héler. 
Hem! 
*HeMUC. 
*Heiuier. 
HeiMiir. 
Hennissement. 
*Hennuyer. 

*  Henri. 

*  Henriade. 
Héram. 
Hère. 

*  Hérissée. 
Hérisser. 
Hérisson. 
Hérissonné. 
Herniaire. 
Hernie. 

*  Hcrnieux. 


H 

Hernutes. 

Héron. 

Héronneau. 

*  Héronner. 
Héronnier. 
Héronnière. 
Héros. 

*  Herpailles. 
Herpès. 

*  Herque. 
Hersage. 

Herse  et  ses  dérivés. 

Hêtre. 

Heurt. 

*  Heurte. 

*  Heurlequin. 
Heurter. 
Heurtoir. 
Hibou. 

Hic. 

Hideusement. 

Hideux. 

Hie  et  ses  dérivés. 

Hiérarchie. 

Hiérarchique. 

Hiérarchiquement. 

*  Hiérarques. 

*  Hiérobotane . 
Hile. 

*  Hille. 

*  Hilon. 
Hisser. 
Hobereau. 
Hoc. 
Hoca. 
Hoche. 

Hochement  et  ses  déri- 
vés. 

Hochcpied. 

Hochepot. 

Hochequeue. 

Hocher. 

Hochet. 

Holà! 

*  Hôlement. 

*  Hôlcr. 

*  Hollandais. 

*  Hollandaise. 
HoUander. 
Homard. 
Hongre. 
Hongrcr. 

*  Hongrie. 

*  Hongrois. 

*  Hongroise. 
Hongroyeur    ou  Hon- 

grieur. 
Honnir. 

Honte  et  ses  dérivés. 
Ho(iuel. 
Hoqueloii. 

*  Hoquette. 
Horde. 
Horion. 
♦Hornblend. 

*  Hornslein. 
Hors. 
Hotte. 
Hollée. 
♦Hoitenlot. 
Hotleur. 
Houblon. 
Houblunner. 


H 

Houblonniéiie. 

Houe. 

Houcr. 

*  Houctlo. 

*  Houffuincs. 
Houille. 
Houill^r. 
Houillèri'. 
Houilleur. 
Houillcux. 

*  Houillite. 
Huulan. 
Houle. 
Iloulelte. 
Houleux. 
Houpper. 
Houppe. 

*  Hiiuppée. 
Houppelande 
Houpper. 
*Houppier. 

*  Houque. 
Hourailler. 
Houraillis. 
Huurdagc. 
Hourder. 
Hourdis. 
Hourct. 
Hou  ri. 
Hourvari. 
Housard,  Houssard  om 

Hussard 

*  Housarder. 
Houscaux. 
Houspiller. 
Houssage. 
Houssdie. 

Housse  et  ses  dérimii. 

Houssine. 

Houssiner. 

Houssoir. 

Housson. 

*Hout. 

Houx. 

*  Houzures. 
Hoyau. 

*  Hoyé. 
Huard. 

*  Huau. 
Huche 
Huclicr. 
Huchcl. 

H  uc, en  des charreiierê 

Huée. 

Huer. 

Huguenot. 

Hugucnolc. 

Huit  cl  ses  dérivés. 

Hulotte. 

ITiMiicr. 

Hune. 

Hunier. 

Huppe. 

Huppé. 

*  Hurasse. 
Hure. 
Hurhaul. 
*Huri. 
Hurlement. 
Hurler. 

*  Hurleur. 
Hutte. 
Huiler. 


HAB 

Ha.  Interjection.  Elle  exprime  la  surprise  et 
l  etoiincinciit  :  Ha!  lia!  l'homme  savant,  on  vous 
y  prend  aussi!  Ha,  vous  voilà  !  Voyez  Ah  ! 

Habilk.  Atlj.  des  deux  genres.  L'Acndémie 
l'expliiiuc  par  capable,  intelligent,  «idroil,  savant. 
En  général,  ce  mot  signiiie  plus  que  capable,  plus 
nue  instruit,  plus  que  savant,  soit  qu'on  parle  d'un 
général,  ou  d'un  Siivant,  ou  d'un  juge.  Un  homme 
jieut  avoir  lu  luut  ce  qu'on  a  écrit  sur  la  guerre, 
et  même  l'avoir  vue,  sans  être  habile  à  la  l'aire  ;  il 
peut  être  capable  de  commander  ;  mais  pour  acqué- 
rir le  nom  A'haHle  général,  il  faut  qu'il  ait  com- 
mandé plus  d'une  fois  avec  succès,  l'n  juge  peut 
savoir  toutes  les  lois  sans  être  hahile.  à  les  appli- 
ijuer.  Le  savant  peut  n'être //o6/;<?  ni  à  écrire,  ni 
i\  enseigner.  L'habile  homme  est  donc  celui  qui 
lait  un  grand  usage  de  ce  qu'il  sait.  Le  capable 
peut,  et  l'habile  exécute.  Ce  mot  ne  convient 
point  aux  arts  de  pur  génie.  On  ne  dit  pas  un 
habile  poêle,  un  habile  orateur,  et  si  on  le  dit 
quelquefois  d'un  orateur,  c'est  lorsqu'il  s'est  tiré 
avec  habileté,  avec  dextérité,  d'un  sujet  épineux. 
Par  exemple,  Bossuet  ayant  à  traiter,  dans  l'Orai- 
son funèbre  du  grand  Condé ,  l'article  de  ses 
guerres  civiles,  dit  qu'il  y  a  une  pénitence  aussi 
glorieuse  que  l'innocence  même.  Il  est  habile 
dans  la  manière  dont  il  manie  ce  morceau  ,  et 
dans  le  reste,  il  parle  avec  grandeur.  — On  dit 
habile  historien ,  c'est-à-dire  historien  qui  a 
pursédans  de  bonnes  sources,  qui  a  comparé  les 
relations,  <iui  en  juge  sainement,  en  un  mot  qui 
s'est  donné  beaucoup  de  peine.  S'il  a  encore  le 
don  de  narrer  avec  l'éloquence  convenable,  il  est 
plus  qu'habile,  il  est  grand  historien,  comme 
Tile-Live,  de  Thoii,  etc.  — Le  mot  à'hahile  con- 
vient aux  arts  qui  tiennent  à  la  fois  de  l'esprit  et 
de  la  main,  comme  la  peinture,  la  sculpture. 

On  dit  7/w  hahile  peintre,  vn  habile  sculpteur, 
parce  que  les  arts  supposent  un  long  a[)prentis- 
sage,  au  iieu  qu'on  est  poëte  presque  tout  d'un 
coup,  et  qu'on  est  môme  orateur  sans  avoir  beau- 
coup étudié.  — Pourquoi  dit-on  pourtant  habile 
prédicateur"^  c'est  qu'alors  on  fait  plus  d'atten- 
tion à  l'art  qu'à  l'éloquence  ;  et  ce  n'est  pas  un 
grand  (loge.  On  ne  dit  pas  de  Bossuet  c'est  vn 
habile  faiseur  d'oraisojis  funèbres.  Un  simple 
joueur  d'instruments  est  habile;  un  compositeur 
est  plus  qnliabile,  il  lui  faut  du  génie.  Le  met- 
teur en  œuvre  travaille  adroitement  ce  que 
l'homme  de  goût  a  dessiné  habilement. 

Dans  le  style  comique,  habile  peut  signifier 
diligent,  empressé.  Molière  fait  dire  à  M.  Loyal 
{Tartufe,  act.  V,sc.  iv,  73)  : 

Il  TOUS  faut  être  habile 
A  tiderde  céans  jnsqu'au  moindre  ustensile. 

Un  habile  homme  dans  les  affaires  est  instruit, 
prudent  et  actif.  Si  l'un  de  ces  trois  mérites  lui 
manque,  il  n'est  point  habile. 

Habile  couriisan  emporte  un  peu  plus  de 
blâme  cpie  de  louange  ;  il  veut  dire  trop  souvent 
habile  flatteur;  fl  peut  aussi  ne  signifier  qu'un 
homme  adroit  qui  n'est  ni  bas  ni  méchant.  Le 
renard  ipii,  interrogé  par  le  lion,  sur  l'odeur  qui 
■s'exhale  de  son  palais,  lui  répond  qu'il  est  en- 
"^humc,  est  vn  courtisan  habile.  Le  renard  qui, 
pour  se  venger  de  la  calomnie  du  loup,  conseille 
au  vieux  lion  la  peau  d'un  loup  fraîchement  écor- 
ché,  pour  réchauffer  sa  majesté,  est  plus  qw'ha- 
bile  courtisan.  C'est  en  conséquence  qu'on  dit 
un  hahile  fripon,  un  habile  scélérat. 

Habile,  en  jurisprudence,  signifie  reconnu  ca- 


HAB 


335 


pable  par  la  loi;  et  alors  capable  veut  dire  ayant 
droit,  ou  pouvant  avoir  droit.  On  est  hahùs  à 
succéder.  (Volt.,  Dict.  philos.) 

Ce  mot  régit  les  prépositions  à,  dans  et  en,  et 
la  première  n'est  pas  bornée  à  la  jurisprudence. 
On  dit  habile  dans  vn  art,  habile  et  manier  le 
ciseau,  habile  en  mathématiques.  "N'oltaire  a  dit 
i\iinsBrutus  (act.  II,  sc.iv,  22)  : 

Plus  je  dois  espérer 
Qu'habile  à  le  conduire,  et  non  à  régarer... 

On  dit  aussi  il  est  habile  h  profiter  de  tous  ses 
avantages. 

Habile,  quand  il  est  sans  modification,  se  place 
Souvent  avant  son  subst.  :  Un  habile  homme,  une 
habile  femme,  vn  habile  peintre,  un  hahile  mu- 
sicien. Quand  il  est  modifié  par  des  adverbes  de 
quantité,  il  peut  se  placer  avant  ou  après  :  Un 
fort  Itabile  homme,  un  homme  fort  habile.  Avec 
d'autres  adverbes,  il  se  met  toujours  après  :  Un 
homme  extrêmement  habile. 

Habilement.  Adv.  Il  se  dit  dans  les  mômes  ac- 
ceptions qu'habileté  :  Il  travaille,  il  joue,  il  en- 
seigne habilement.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  habilement  sur- 
monté rette  difficulté.  Il  s'est  tiré  habilement 
d'affaire,  ou  Ù  s'est  habilemeiit  tiré  d'affaire. 

Habileté.  Subst.  f.  Ce  mot  est  à  capacité  ce 
qu'habile  est  à  capable  :  Habileté  datis  U7ie 
science,  dans  vn  art,  dans  la  conduite.  On  ex- 
prime une  qualité  acquise  en  disant  il  a  de  l'ha- 
bileté; ou  on  exprime  une  action  en  disant  il  a 
conduit  cette  affaire  avec  habileté. 

Habiller.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Selon  l'Aca- 
démie, on  dit  habiller  un  co7ite,  pour  dire  cou- 
vrir, parla  manière  de  conter,  ce  qu'il  peut  y  avoir 
d'indécent  dans  le  fond.  —  Dans  cette  acception, 
le  verbe  liabiller  a  une  signification  beaucoup 
plus  étendue.  J.-J.  Rousseau  a  dit  habiller  ga- 
lamment la  raison,  et  Boileau  (sat.  VII,  61)  : 

Souvent  j'?ia6t7ie  en  vers  une  maligne  prose. 

Habit.  Subst.  m.  Ce  mot  est  banni  du  style  no- 
ble, et  l'on  ne  dirait  pas  aujourd'hui  comme  du 
temps  de  Racine  : 

Quelles  traces  de  sang  vois-je  sur  tos  habits  ? 

(Frères  ennemis,  act.  I,  se.  m,  5.) 

HABrrABLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
au'après  son  subst.  :  Un  bâtiment  habitable,  VM 
logement  habitable. 

Habitant,  Habitante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
habiter.  L'Académie  ne  le  donne  en  ce  sens  que 
pour  un  terme  de  pratique.  Voltaire  l'a  employé 
autrement  dans  le  i)oëme  sur  la  Loi  naturelle 
(l"'  partie,  27)  : 

Dans  lesplisdu  cerveau  la  mémoire  haliitante 
Y  peint  de  la  nature  une  image  vivante. 

Habitude.  Subst.  f.  L'Académie  dit  :  habitude 
au  bien,  habitude  au  mal;  mais  elle  ne  dit  pas 
(lue  ce  mot  régit  aussi  la  préposition  à  et  la  pré- 
position de  devant  un  verbe  a  l'inlinitif .;  ///;«6(- 
ivde  à  vivre  de  peu  est  le  plus  précieux  hé- 
ritage. (Marmontel.)  J'ai  déjà  vieilli  dans  l  ha- 
bitude de  ne  dire  jamais  mon  secret,  et  encore 
plus  de  ne  trahir  jamais,  sous  aucun  prétexte, 
le  .secret  d' autrui.  (Fénel.,  Télém.,  Ww.  III,  t.  i, 
p. 'J2!.) 

Il  est  aisé  de  saisir  la  différence  de  sens  qui 
I  exige  l'une  ou  l'autre  de  ces  prépositions.  L'*a- 


356 


UÂL 


bitude  à  a  rapport  à  des  actes  successifs  doni  la 
répétition  foriilie  île  plus  eu  plus  l'iiabituds. 
L'hahitadc  à  rirre  de  peu  est  furuiée  il'acles  suc- 
cessifs (pii  se  iépi.-leiil  forinellemciit.  Uhulilrde 
de  se  dit  d'une  habitude  formée,  sans  rapi)ort  aux 
actes  subséciucnls  qui  la  fortilicnt  :  L'hubitude 
de  se  taire.  C'est  dans  ce  sens  (ju'on  dit  c'est  une 
habitude  de  vingt  uns. 

Habitude  se  dit  d'une  sorte  de  timidité  natu- 
relle qui  donne  de  l'aversion  ponr  les  objets  nou- 
veaux. C'est  dans  ce  sens  ([u'on  dit  c'est  un 
homme  d'habitude  ;  je  suis  femme  d'habitude,  j" 
n  aime  point  les  visages  nouveaux. 

llABncKL.  HABiTtKLLE.  Adj.  Il  HC  sc  met  qu'a- 
près S'in  subst.  :  Mal  habituel ,  livre  habituel, 
péché  habituel; — grâce  habituelle. 

HABiTLELLEJiEvr.  Adv.  Il  SC  mct  après  le 
verbe  :  Il  s'enivre  habituellement,  mentir  habi- 
tuellement. 

Habitue;;.  \ .  a.  de  la  \."  conj.  Il  régit  à  de- 
vant les  noms  et  les  verbes  :  Habituer  ses  en- 
fants à  la  paresse;  les  habituer  à  supporter  le 
froid  et  le  chaud. 

L'esprit  à  la  Irouvcr  aisément  s'habitue. 

(BoiL.,  A.  P.,  l,  32.) 

Hagard,  Hagarde.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  L'œil  kayard,  les  yeux  hagards, 
l'air  hagard. 

Hagiographe.  Adj.  Il  est  aussi  subst.  On  donne 
ce  nom  aux  auteurs  de  certains  livres  de  l'Ecri- 
ture, et  à  ceux  qui  ont  écrit  sur  la  vie  et  les  ac- 
tions des  saints. 

Haillon.  Subst.  m.  Ce  terme  est  proscrit  du 
style  noble. 

Haine.  Subst.  f.  Haine  n'a  point  de  pluriel 
■juand  il  signifie  la  passion  en  général  ;  il  en  a  un 
quand  il  signifie  les  sentiments  de  haine  qui  ont 
quelque  objet  particulier  en  vue;  et  ce  pluriel 
s'emploie  non-seulement  en  vers  et  dans  le  style 
élevé,  mais  aussi  dans  le  style  simple.  Voltaire 
a  dit  en  prose  simple  :  Les  liaines  particulières 
cédaient  à  la  haine  générale  ;  j'aigrissais  mon 
cœur,  j'y  nourrissais  avec  plaisir  les  défiances 
et  les  haines;  et  Barthélémy  :  Comment  se  ga- 
rantir aujourd'hui  de  ces  cruautés  réfléchies, 
de  ces  haines  froides  et  assez  patientes  pour 
attendre  le  moment  de  la  vengeance? 

Haineux,  Haineuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Uu  homme  haineux,  une  femme  hai- 
neuse. Un  caractère  haineux.  Ce  haineux  ca- 
ractère fera  votre  malheur.  Voy.  Ad/ectif. 

Haïk.  V.  a.  de  la  2'  conj.  11  est  irrcgulier  aux 
trois  premières  personnes  du  présent  de  l'indica- 
tif, qu'on  écrit/e  hais,  tu  hais,  il  hait,  et  à  la 
seconde  personne  de  l'imiiératif,  hais.  L'a  et  l'i 
ne  font  qu'une  seule  syllabe,  qui  se  prononce 
comme  un  è  ouvert.  Partout  ailleurs  «.es  deux 
lettres  forment  deux  syllabes,  et  l'on  met  deux 
points  sur  l'i,  nous  haïssons,  nous  haïrons: 

Hais  le  roi  qui  le  hait  veut  que  je  le  ha>$$f. 

[Iphig.,  acl.  Y,  sc.  i,  17.) 

Haïssable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  haïssable,  une 
femme  haïssable. 

Halage.  Subst.  f.  L'Académie  dit  que  le  h 
s'aspire;  Féraud  dit  qu'il  est  muet.  Si  ce  mot 
vient  du  lalin  halitare,  Féraud  prononce  d'après 
la  règle  géni  raie,  qui  dit  que  dans  les  mots  fran- 
çais qui  vieimcnl   des  mots  latins  commençant 


HAP 

par  un  h,  celle  lettre  ne  s'aspire  point.  INIais  l'u- 
s;ige  en  a  aulremenl  ordonne,  cl  il  est  certain 
que  le  h  est  aspiré  dans  <e  mol.  iVous  pensons 
donc  (|u'il  faul  ici  suivre  l'Académie.  On  dit 
chemin  de  halage.  el  non  pas  chemin  d'halage. 
Il  nous  remble  qu'on  dc'vrail  écrire  hallage  el 
haller;  ces  mots  sont  liés-anciens,  el  on  les  a 
toujours  écrits  ainsi.  D'ailleurs  le  double  l  indi- 
que que  la  syllabe  est  brève,  el  distingue  ces 
mois  de  hâle  et  hâler,  dont  la  |tiemiére  est  longue. 
Haleine.  Subst.  f.  On  ne  dit,  ni  au  propre  ni 
au  figuré,  une  haleine  de  vent.  Le  mol  haleine,  au 
singulier  et  au  pluriel,  ne  scdil  des  vents  (lue  lors- 
que ceux-ci  soi't  personniiii's;  alors  c'est  une  ex- 
pression prise  par  analogie  de  l'haleine  de  l'homme. 
Fénelon  a  dit  :  Les  lents  retenaient  leurs  ha 
leines  [Télém.,  liv.  Il,  t.  I,  dUl.)  Barthélémy  : 
Déjà  les  vents  retiennent  leur  haleine,  tout 
est  calme  dans  la  nature.  Boileau  {Lutrin,  II, 
129)  : 

Seulement  au  printemps,  quand  Flore  dans  les  plaines 
Faiiail  taire  des  vtnls  les  bruyantes  haleines. 

Et  Lefranc  de  Pompignan  [Poésies  sacrées,  liv.  I, 
ode  XII,  59)  : 


(Le  Seigneur) 

Empoisonne  des  cents  les  brûlantes  haleines, 

]\Iais  on  s'exprimerait  bien  ridiculement  si  l'on 
disait  :  Je  sens  U7ie  haleine  de  vent  qui  entre 
par  cette  fenêtre. 

Halener.  y.  a.  de  la  l"'  conj.  L'Académie  dit 
que  le  h  s'aspire  dans  ce  mot;  Féraud  dit  qu'il 
est  muet.  Ici  nous  C4oyons  que  Féraud  a  raison, 
parce  que  ce  mot  est  un  composé  d'haleine,  où 
le  /(  n'est  point  aspiré. 

Halek.  V.  a.  de  la  i"  conj.  L'Académie  dit 
que  le  h  est  aspiré,  et  Féraud  le  dit  aussi,  quoi- 
qu'il ait  dit  qu'au  mot  halage  celle  lettre  est 
muette.  Elle  est  aspirée  comme  dans  Jialage. 
Voyez  ce  mot. 

Haletant,  Haletante.  Adj.  verbal  lire  du 
verbe  haleter.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  homme  haletant,  une  femme  haletante. 

Hallebreda.  Subst.  f.  Mot  barbare  qui,  selon 
l'Académie,  est  un  terme  de  mépris  qui  se  dit 
d'une  grande  femme  mal  bâtie,  et  quelquefois 
d'un  homme  qui  a  le  même  dcfaul.  Elle  ajoute 
qu'il  esi  populaire,  et  que  le  h  s'aspire. 

Hameau.  Subst.  m.  On  entend  par  ce  mol 
un  assemblage  de  quelques  maisons  qui  ne  for- 
ment point  une  commune,  mais  qui  font  partie 
d'une  autre  commune,  quoi(ju'elles  en  soient  sé- 
l)arces. 

Hanse.  Subst.  L  Vieux  mot  qui  signifiait  so- 
ciété, compagnie  de  marchands,  et  dont  on  se 
sert  encore  pour  désigner  une  société  de  celte 
espèce,  formée  enlre  plusieurs  villes  du  nord  de 
l'Allemagne. 

Hanséatique.  Adj.  Qui  a  rapport  à  la  hanse. 
L'Académie  ne  dit  point  si  le  /tesl  aspiré  dans  ce 
mot  ;  mais  il  doit  l'être  comme  dans  le  mol  hanse, 
d'où  il  est  lire. 

Hanter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Y ov.  Fréquenter. 

Hantise.  Subst.  f.  L'Académie  ait  que  ce  mot 
e>l  du  style  familier;  elle  aurait  du  dire  qu'il  est 
bas  et  populaire. 

Hai'pelourde.  Subst.  f.  H  se  dit  proprement 
d'une  pierre  fausse  (lui  a  l'éclat  et  l'apparence 
d'une  vraie  pierre  précieuse.  L'Académie  ajoute 
qu'il  se  dit  figurément  des  personnes  qui  ont  une 
belle  apparence,  uu  bel  o-xlérieur,  cl  qui  n'ont 


IIAR 

point  d'esprit.  Je  doute  que  l'on  dise  souvent 
cet  honime-lù  est  une  rraie  luippeloiirde,  une 
belle  Iwppeluurde .  Ce  mot,  dans  ce  sens,  est 
vieux. 

Happer.  V.  a.  de  la  4"  conj.  L'Académie  dit 
que  d;uis  le  style  familier  ce  mut  signilic  (iguré- 
ment  alliapcr,  saisir,  surprendre  à  l'improviste: 
Tl  s'est  laissi'  happer  par  les  huissiers,  les  gen- 
darmes l'ont  happé. — Cette  façon  de  parler  n'est 
que  du  langage  populaire. 

HAQUE^ÉE.  Siibst.  f.  L'Académie  définit  ce  mol, 
cheval  ou  cavale  de  médiocre  taille,  facile  au 
montoir,  et  qui  va  oïdinairement  l'amMe.  l.a  ha- 
qucnée  est  une  jument  de  prix  et  de  parade  que 
montaient  autrefois  les  dames.  La  haquence, 
d'après  sa  destination,  devait  être  facile  au  mon- 
toir, comme  tous  les  chevaux  bien  dresses;  et  elle 
ne  devait  a\  oir  d'autre  allure  que  le  pas  et  l'am- 
ble; mais  la  taille  n'y  faisait  rien;  et  comme  la 
haquenée  était  faite  pour  la  parade,  il  y  a  appa- 
rence qu'elle  devait  être  de  belle  taille  loisque 
la  dame  qui  la  montait  était  jeune  et  ingambe. 

Harangue.  Subst.  f.  Discours  qu'un  oiateur 
prononce  en  public,  ou  qu'un  écrivain,  tel  (ju'un 
historien  ou  un  poëte,  met  dans  la  bouche  de 
ses  personnages.  —  Ce  mot  se  prend  quchpiefois 
dans  un  mauvais  sens  pour  un  discours  diffus 
ou  trop  pompeux,  et  qui  n'est  qu'une  pure  dé- 
clamation. En  ce  sens,  un  harangueur  est  un 
orateur  ennuyeux. 

Harceler.  \.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  les  temps 
de  ce  verbe,  Ve  de  ce  est  ouvert  lorsque  la  syl- 
labe suivante  Unit  par  le  son  d'un  e  muet  :  Je 
harcèle,  je  harcèlerai,  il  harcèlera,  il  harcèle- 
rait; il  est  muet  lorsque  cette  syllabe  finit  par 
tout  autre  son  :  Je  harcelais,  j'ai  harcelé,  ils 
harcelèrent . 

Hardi,  Hardie.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Un  homme  hardi,  une  femme  hardie,  un  mot 
hardi,  une  mine  hardie.  Un  hardi  volexir,  un 
hardi  coquin,  un  hardi  iiientexir.  Un  hardi  sol- 
dat, un  hardi  capitaine.  Il  régit  à  devant  un  in- 
finitif :  Hardi  à  décider.  Voyez  Hardiesse. 

Hardiesse.  Subst.  f.  11  régit  tantôt  à,  tantôt  de  : 
On  ne  peut  snuff'rir  sa  hardiesse  a  décider  de 
tout.  Il  a  la  hardiesse  de  dire,  de  faire.  La  dif- 
férence de  la  téjnérité el  de  la  hardiesse  consiste 
dans  le  rapport  qu'il  y  a  entre  la  difficulté  de  la 
chose  et  les  ressources  de  celui  qui  la  tente.  D'où 
il  suit  que  tel  homme  ne  se  montre  que  hardi 
dans  une  conjoncture  où  un  autre  mériterait  le 
nom  de  téméraire.  Voyez  audace. 

Hardiment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Jl  a  décidé  hardiment  la 
question,  ou  il  a  liurdiinent  décidé  lu  question. 
*Hargnerie.  Subst.  f.  Mol  inusité  que  J.-J. 
Rousseau  a  employé  :  Le  véritable  respect  qu'on 
doit  au  public  est  de  lui  épargner,  non  de  tristes 
vérités  qui  peuvent  lui  être  utiles,  mais  bien 
toutes  les  petites  hargncries  d'auteurs  dont  on 
remplit  les  écrits  pi  Icmiques. 

Hargneux,  Hahcneuse.  Adj.  Le  h  s'aspire,  et  le 
gn  se  mouille.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  homme  hargneux , une  femme  hargneuse.  Un 
chien  hargneux,  humeur  hargneuse. 

Harmome.  Subst.  m.  Ce  que  nous  appelons 
harmonie  dans  le  discours  devrait  s'appeler  plus 
proprement  mélodie;  car  mélodie,  en  notre  lan- 
gue, est  une  suite  de  sons  (jui  se  succèdent  agréa- 
blement, et  harmonie  est  le  plaisir  qui  résulte  du 
mélange  de  plusieurs  sons  qu'on  entend  à  la  fois. 
Les  anciens,  qui  selon  les  apparences  ne  connais- 


HAR 


357 


salent  point  la  musiipie  a  plusieurs  parties,  du 
moins  au  même  degré  <iue  nous,  ajipelaient  har- 
monie  ce  que  nous  a|)p(!lons  mélodie.  En  trans- 
portant ce  mot  au  style,  nous  avons  conservé  l'i- 
dée qu'ils  y  allachaienl;  et  en  le  transportant  à 
la  musique,  nous  lui  eu  avons  doimé  une  autre. 
Le  but  de  l'harmonie,  dans  le  discours,  est  de 
charmer  l'oreille.  Or,  doux  choses  charment  l'o- 
reille :  le  son  et  le  nombre.  Le  son  consiste  dans 
la  qualité  des  mots,  et  le  nombre  dans  leur  ar- 
rangement. Ainsi  l'harmonie  du  disrouis  oratoire 
consiste,  en  général,  à  n'employer  que  des  mots 
d'un  son  agréable  et  doux  ;  à  éviter  le  concours 
des  syllabes  rudes,  et  celui  des  voyelles,  sans  af- 
fectation néanmoins;  à  ne  pas  mettre  entre  les 
membres  des  phrases  trop  d'inégalité;  surtout  à 
ne  pas  faire  les  derniers  membres  trop  courls,par 
raf)port  aux  premiers;  à  éviter  égaleuient  des  pé- 
riodes trop  longues  et  des  phrases  trop  courtes, 
le  style  qui  fait  jierdre  haleine,  celui  qui  force  à 
chaque  instant  à  la  reprendre,  et  qui  ressemide  à 
une  sorte  de  maniuetcrie  ;  à  savoir  entremêler 
les  périodes  soutenues  et  arrondies  avec  d'autres 
qui  le  sont  moins,  el  qui  servent  comme  de  repos 
à  l'oreille.  Voyez  Propriété. 

Les  principes  de  l'harmonie,  qui  consiste  dans 
l'arrangement  des  mots,  sont  aussi  dans  la  nature. 
Chaque  pensée  a  son  étendue,  chaiiue  image  son 
caractère,  chaque  mouvement  de  l'àme  son  de- 
gré de  force  et  de  rapidité.  Tantôt  la  pensée  est 
comme  un  arbre  touffu  dont  les  branches  s'entre- 
lacent, elle  demande  le  développement  de  la  pé- 
riode. Tantôt  les  traits  de  lumière  djnt  l'esfyrit 
est  frapjté  sont  comme  autant  d'éclairs  qui  se 
succèdent  rapidement;  l'incise  en  est  l'image  na- 
turelle. Le  style  coupé  convient  encore  mieux 
aux  mouvements  impétueux  de  l'âme  ;  c'est  le 
langage  du  pathétique  véhément  et  passionné,  et, 
quoique  le  style  périodique  ait  plus  d'impulsion, 
à  raison  de  sa  masse,  le  style  coupé  ne  laisse  pas 
d'avoir  quelquefois  autant  et  plus  de  vitesse  : 
cela  dépend  des  nombres  (ju'on  y  emploie. 

Il  est  vrai  que  la  génc  de  notre  syntaxe  est  ef- 
frayante pour  qui  ne  connaît  pas  encore  les  sou- 
plesses et  les  ressources  de  la  langue.  L'inversion, 
qui  donnait  aux  anciens  l'heureuse  liberté  de  pla- 
cer les  mots  dans  l'ordre  le  plus  harmonieux, 
nous  est  presque  absolument  interdite  ;  mais  cette 
difficulté  même  n'a  pasrebulc  les  écrivains  doués 
d'une  oreille  sensible,  et  ils  ont  su  trouver  au  be- 
soin des  nombres  analogues  au  sentiment,  à  la 
pensée,  aux  mouvements  de  l'àme  qu'ds  vou- 
laient exprimer. 

Il  serait  peut-être  impossible  de  rendre  l'har- 
monie continue  dans  notre  prose,  et  les  bons 
écrivains  ne  se  sont  attachés  à  peindre  la  pensée 
([ue  dans  les  mots  dont  l'esprit  et  l'oreille  de- 
vaient être  vivement  frappes.  C'est  aussi  à  quoi 
se  bornait  l'ambition  des  anciens,  et  l'on  va  voir 
quel  effet  produisent  dans  le  style  oratoire  et 
poéli(iuedes  nondjres  placés  à  propos. 

Fléchier,  dans  Voraisnn  funèbre  de  M.  de 
Turenne  (p.  9'i),  termine  ainsi  la  première  \)é- 
riode  :  «  Pour  louer  la  vie,  et  pour  déplorer  la 
mort  dû  sCtge  et  vùiilûnt  Mt'ichubf-I''  ;  »  s  il  eut  dit 
du  vaillant  et  sage  Machubee ;  s'il  eût  dit  pour 
louer  la  vie  du  sage  et  vaillant  Machabee,  et 
pour  déplorer  sa  mort,  la  période  n'avait  plus 
cette  majesté  sombre  cjui  en  fait  le  caractère. 
«  Cet  hinnvie,  ajoute  l'orateur,  cet  homme,  que 
Dieu  avait  mis  autour  d' Israël  comuie  un  mur 
d'airain  oii  se  Irisèrent  tant  de  fois  toutes  les 
forces  de  l'Asie...  venait  tous  les  ans,  comme hf 

92 


368 


HAR 


vioindres  Israélites ,  réparer  avec  ses  mains 
triomphantes  les  ruines  du  sanctuaire,  n  H  est 
aisé  de  voir  avec  quel  soin  l'analogie  des  iioin- 
bros,  relaliveiiienl  aux  iinaL;cs,  cslo'ltscivéc  dans 
tons  les  repos,  el  (juals  noniLtrcs  niajcsuieux  il  a 
choisis  pour  Taire  ressonir  ses  idées.  Si  vous  vou- 
lez en  mieux  sentir  l'elfet,  substituez  ù  ces  mots 
des  synonymes  qui  n'aient  pas  les  mêmes  quan- 
tités; sup|xjse/.  cictonU'uses  à  la  place  de  triom- 
phantes,temple  au  lii.'U  de  àunctuuire.  «  Il  venuil 
tous  les  ans,  comme  les  iiuiadrcs  Israélites  , 
réparer  arec  ses  maifis  victorieuses  les  ruines 
du  temple ;i^  vous  ne  trouvez  plus  cette  bar- 
monie  qui  vous  a  frapini.  «Ce  vaillant  hom/ne, 
repolissant  enfin  avec  un  covrage  invincible  les 
ennemis  /ju'il  avait  réduits  d  une  fuite  hon- 
teuse, reçut  le  coup  mvrtcl,  et  demeura  comme 
enseveli  dans  son  triomphe.  «  (}ue  ce  soit  |)ar 
sentiment  ou  par  choix  que  l'orateur  a  peint  cette 
mort  imprévue  par  deux  ïambes  el  un  spoixlée, 
reçût  le  coup  môrlêl,  el  qu'il  a  opposé  la  rapidité 
de  celle  chute,  comme  ensevelie,  à  la  lenteur  de 
celle  image,  dans  son  triomphe,  où  deux  nasales 
sourdes  relenlissent  lugubrement ,  il  n'est  pas 
possible  d'y  méconnaître  l'analogie  des  nombres 
avec  les  idées. 

Elle  n'est  pas  moins  sensible  dans  la  peinture 
suivante:  «^Jw  premier  bruit  de  ce  funeste  ac- 
cident,toutes  les  villes  de  Judée  furent  émues, 
des  riiisscaxix  de  larmes  coulèrent  de  tous  les 
yeux  des  habitants;  ils  furent  quelque  temps 
saisis,  muets,  immobiles:  un  effort  de  douleur 
rompant  enfin  ce  long  et  morne  silence,  d'une 
voix  entrecoupée  de  sanglots  que  formaient  dans 
leurs  cœurs  Iti  tristesse,  la  pitié,  la  crainte,  ils 
s'écrièrent  :  Comment  est  mort  cet  homme  puis- 
sant qui  sauvait  le  peuple  d'Israël?  A  ces  cris, 
Jérusalem  redoubla  ses  pleurs,  les  voûtes  du 
temple  s'ébranlèrent,  le  Jourdain  se  troubla,  et 
tousses  rivages  retentirent  du  son  de  ces  higa- 
hres paroles  :  Comment  est  iiiorl  cet  homme  puis- 
sant? etc.»  Avec  quel  soin  l'orateur  0  coupé, 
comme  par  des  soupirs,  ces  mots,  saisis,  muets, 
immobiles!  connnc  les  deux  dactyles  renversés 
expriment  bien  l'impétuosité  de  la  douleur,  et  les 
deux  spondées  (jui  les  suivent,  l'effort  (ju'elle  fait 
pour  éclater  1  connue  la  lenteur  et  la  résonnance 
des  sons  rendent  bien  l'image  de  ce  long  et  mnrne 
silence!  comme  les  pleurs  de  Jérusalem  sont 
vivement  peintes  par  ces  mots:  Jérusalem  re- 
dotilla  ses  pleurs!  comme  le  mol  s'ibri'inh~r(nt 
est  analogue;!  l'action  qu'il  exprime  !  combien  plus 
frappante  encore  est  l'harmonie  imitative  dans  ces 
mots  ;  «  Le  Jourdain  se  troubla  ,  et  tous  ses  7-i- 
vages  retentirent  du  son  de  ces  lugubres  pa- 
rties !  n 

Bossuet  n'a  pas  donné  une  altenlion  aussi 
sérieuse  au  choix  desnondires.  Son  harmonie  est 
plutôt  dans  la  coupe  des  |)ériodes  brisées  ou  sus- 
pendues à  prof>os,  (]ue  dans  la  lenteur  ou  la  ra- 
pidité des  syllabes.  Mais  ce  qu'il  n'a  presque 
jamais  négligé  dans  les  peintures  majestueuses, 
c'est  de  donner  des  appuis  à  la  voix  sur  des  syl- 
labes sonores  et  sur  des  nombres  imposants. 

«  Celui  qui  règne  dans  l-es  deux,  de  qui  re- 
lèvent tous  les  empires,  à  qui  seulement  appar- 
tient la  gloire,  la  majesté,  l'indépendance,  etc.» 
(Oraison  fun.  delà  reine  d'Angleterre,  p.  3.) 
Qu'il  eut  placé  l'indépendance  avant  la  gloire  el 
la  majesté,  (jue  devenait  l'harmonie'?  ((  Il  leur 
apprend,  dil-il,  en  parlant  des  rois,  il  leur  ap- 
prend leurs  devoirs  d'une  manière  souveraiiie  et 
digne  de  lui.  »  Qu'il  eùl  dit  seulement  d'une 


HAR 

manière  digne  de  lui,  ou  d'une  manière  ahsclua 
et  digne  de  lui,  l'expression  perdait  sa  gravité; 
c'csl  le  son  dé|)loyé  sur  la  pémjltième  de"  towpc- 
rûinc  qui  en  fait  la  p()ni|ie. 

»  Si  elle  eut  de  la  joie  de  régner  siir  xme 
grande  nation,  dil-il  de  la  reine  d'.AngleteiTC, 
c'est  parce  qu'elle  pouvait  contenter  le  désir  im- 
mense qui  sans  cesse  la  sollicitait  d  faire  du 
bien.»  (Idem,  p.  S.)  Retranchez  1  épitl)éte  îw- 
mense,  substitue/-y  celle  d'extrême,  ou  '.elle 
autre  qui  n'aura  pas  celte  nasale  volumineuse, 
l'expression  ne  peindra  plus  rien. 

K.xaniinons  du  même  orateur  le  tableau  qui  ter- 
mine Y  oraison  funèbre  du  grand  Condé.  (p.  334) 
«  Nobles  rejetons  de  tant  de  rois,  lumières  de  la 
France,  mais  auji  urd'hui  (bscurcies  et  cou- 
vertes de  votre  douleur  comme  d'un  nuage,  venez 
voir  le  peu  qui  vous  reste  d'une  si  auguste  nais- 
sance,  de  tant  de  grandeur,  de  tant  de  gloire. 
Jetez  les  yeux  de  toutes  parts  ;  voilà  tout  ce  qu'a 
pu  faire  la  magnificence  et  la  pitié  pour  honorer 
un  héros.  Des  titres,  des  in.icriptions,  vaines 
marques  de  ce  qui  n'est  plus,  des  figures  qui 
semblent  pleurer  autour  d'un  tombeau,  et  de 
fragiles  images  d'une  douleur  que  le  teuips  em- 
porte arec  tout  le  reste  ;  des  don  nés  qui  sem- 
blent vouloir  porter  jusqu'au  ciel  le  magnifique 
témoignage  de  votre  néant,  n  (Jucl  exemple  du 
style  harmonieux!  Obscurcies  et  (ouvertes  de 
votre  douleur,  n'aurait  peint  qu'à  l'imagination 
comme  d'un  nuage,  rend  le  tableau  sen.->iblc 
l'oi-cille.  Bossuet  pouvait  dire:  Les  dé-phrubles 
restes  d'une  si  auguste  nais.tance  ;  mais  pour 
exprimer  son  idi-e,  il  ne  lui  fallait  pas  de  si  grands 
sons;  il  a  préféré  le  peu  qui  reste,  et  a  léservé 
la  pompe  de  l'harmonie  pour  la  naissance,  la 
grandeur  cl  la  gloire,  qu'il  a  fait  contraster  avec 
ces  faibles  sons.  La  même  opposition  se  fait  sentir 
dans  ces  mots,  vaines  marques  de  ce  qui  n'est 
plus.  Quoi  de  plus  exiiressif  a  l'oreille  (lue  ces 
figures  qui  semblent  pleurer  autour  d'un  tômr- 
beûu  !  C'est  la  lenteur  d'une  pompe  funèbre.  Et, 
qu'on  ne  dise  pas  que  le  hasard  produit  ces  effets; 
on  découvre  partout,  dans  les  bons  écrivains, 
les  Isaces  du  sentiment  ou  de  la  reflexion  :  ce 
n'est  point  l'art,  c'est  le  génie;  car  le  génie  est 
l'mstincl  des  grands  hommes.  Il  suffit  de  lire  ces 
paroles  de  Flécliier  dans  la  péroraison  de  l'O- 
raison fu?tèbre  de  Turenne  (p.  136.)  «Ce  grand 
homme,  étendu  sur  ses  propres  trophées,  ce  corps 
pâle  et  sanglant,  auprès  duquel  fume  encore  lu 
foudre  qui  l'a  frappé.»  H  suflit  de  les  lire  à 
haute  voix  pnur  sentir  l'harmonie  qui  résulte  de 
cette  longue  suite  de  syllabes  tristement  sonores, 
terminées  tout  à  coup  par  ces  quatre  brèves, 
qui  l'a  froppê.  Dans  le  même  endroit,  au  lieu 
de  Za  religion  et  de  la  patrie  cplorêc,  que  l'on 
dise  de  la  religion  et  de  la  patrie  en  pleurs,  il 
n'y  a  jdus  aucune  harmonie;  et  cette  diffé- 
rence si  sensible  pour  l'oreille  dépend  du  mot 
fplorêf,  sur  lequel  tombe  la  |)ériodc. 

Nous  n'avons  fait  sentir  que  les  effets  d'une 
harmonie  majestueuse  et  funèbre,  parce  que  nous 
en  avons  jnis  les  modèles  dans  des  discours  où 
tout  respire  la  do\deur.  Mais  dans  les  u'.ouients 
Iranipiilles,  dansla  peinluredesdoucesémolionsde 
l'âme,  dans  les  tableaux  naifs  et  louchants,  l'clo- 
queme  française  a  mille  exemples  du  pouvoir  et 
du  charme  de  l'harmonie.  Usez  ces  descriptions  si 
douces  que  la  plume  dcFénelona  ré|)anducs  dans 
\<i'rélêmuque;  lisez  les  discours  enchanteurs  ijue 
Massillon  adressait  à  un  jeune  roi,  vous  verrca 
combien  la  mélodie  des  paroles  ajoute  a  l'ouciiou 


HAR 

céleste  de  la  sasesse  et  de  la  vertu.  L'auteur  de 
JX'létnaqiie  i'XccWc  d;ins  les  situations  paisibles. 
Sa  prose  mélodieuse  et  tendre  exprime  le  carac- 
tère de  son  àme,  la  douceur  et  l'égalité;  mais 
dans  les  moments  où  son  style  demanderait  des 
mouvements  brusques  et  rapides,  son  slyle  n'y 
répond  pas  assez. 

Dans  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  nous 
n'avons  exposé  (| lie  la  simple  analogie  des  nom- 
bres avec  le  caractère  de  la  pensée,  la  ressem- 
blance réelle  et  sensible  des  sons  et  des  mouve- 
ments de  la  langue  avec  ceux  de  la  nature;  cette 
harmonie  imilalive  qu'on  appelle  onomatopée,  et 
dont  nous  voyons  tant  d'exemples  dans  les  an- 
ciens, n'est  pas  |iermise  à  nos  poêles.  La  raison 
en  est  que,  dans  la  formation  des  langues  grec- 
que et  latine,  l'oieille  avait  été  consultée,  au  lieu 
que  les  langues  modernes  ont  pris  naissance  dans 
les  temps  de  barbarie  où  l'on  parlait  pour  le 
besoin,  cl  nullement  jiour  le  plaisir.  Eu  général, 
plus  les  peuples  ont  eu  l'oreille  sensible  et  juste, 
plus  le  rapport  des  sous  avec  les  choses  a  été 
observé  dans  l'invention  des  termes.  La  dureté 
de  l'organe  a  produit  îles  langues  âpres  et  rudes; 
l'excessive  délicatesse  a  produit  les  langues 
faibles,  sans  énergie  et  sans  couleur.  Or,  une  lan- 
gue qui  n'a  que  des  syllabes  âpres  et  fermes,  ou 
que  des  syllabes  molles  et  liantes,  a  le  défaut  d'un 
aïonocorde.  C'est  de  la  variété  des  voyelles  et 
des  articulations  que  dépend  la  fécondité  d  une 
belle  haruwiiic. 

L'harmonie  souffre  quelquefois  de  la  justesse 
et  de  l'arrangement  logique  des  mots,  et  récipro- 
quement. C'est  alors  à  l'orateur  à  <;oncilier,  s'il 
est  possible,  l'une  avec  l'autre,  ou  à  décider  lui- 
même  jusqu'à  quel  point  il  peut  sacrifier  l'har- 
monie à  la  justesse.  La  seule  règle  générale  qu'on 
puisse  donner  sur  ce  sujet,  c'est  "qu'on  ne  doit 
ni  trop  souvent  sacrifier  fune  à  l'autre,  ni  jamais 
violer  l'une  ou  l'autre  d'une  manière  choquante. 
Le  défaut  de  justesse  offense  la  raison  ;  le  défaut 
d'harmonie  blesse  l'organe  ;  l'une  est  un  juge 
sévère  qui  pardonne  diflicilcmcnt,  l'autre  un  juge 
orgueilleux  qu'il  faut  ménager. 

On  exige  dans  la  poésie  trois  sortes  d'harmo- 
nie :  l'harmonie  du  style,  qui  doit  s'accorder 
avec  le  sujet  qu'on  traite  et  qui  met  une  juste 
proportion  entre  l'une  et  l'autre.  Quelle  diffé- 
rence entre  le  ton  de  ia  tragédie  et  celui  de  la 
comédie,  delà  poésie  lyrique,  de  la  pastorale,  etc.  ! 
Si  cette  harmonie  manque  à  quelque  poëme  que 
ce  soit,  il  devient  une  masi:arade  ;  c'est  une  sorte 
de  grotesque  qui  lient  de  la  parade;  et,  si  ([uel- 
quefois  la  tragédie  s'abaisse  ou  la  comédie  s'élève, 
c'est  pour  se  mettre  an  niveau  de  leur  matière, 
qui  varie  de  temps  en  temps.  Cette  harmonie 
poétique  est  essentielle;  mais  on  ne  peut  que  la 
sentir;  et  malheureusement  les  poètes  ne  la  sen- 
tent pas  toujours  assez.  Souvent  ils  confondent 
les  genres;  et  on  trouve  dans  le  même  ouvrage 
des'vers  tragiques,  lyriques,  comiques,  (jui  ne 
sont  nullement  autorisés  par  la  pensée  qu'ils  ren- 
ferment. 

La  seconde  sorte  d'harmonie  poétique  consiste 
dans  le  rapport  des  sons  et  des  mots  avec  l'objet 
de  la  pensée.  Elle  est  commune  au  poète  et  à  l'o- 
rateBr,  et  nous  venons  de  parler  de  cette  sorte 
d'harmonie.  C'est  surtout  dans  le  récit  que  le 
poète  doit  rechercher  les  nombres.  Ils  ajoutent 
au  coloris  des  peintures  un  degré  de  vérité  qui 
les  rend  mobiles  et  vivantes.  Par  là,  les  plus  petits 
objets  deviennent  intéressants.  Mais  dans  le  style 
passionné,  c'est  a  la  coupe  des  périodes  qu'il  faut 


HAR 


339 


s'attacher;  c'est  de  là  que  dépend  essentielle- 
ment l'imitation  des  mouvements  de  l'âme. 

La  troisième  espèce  d'harmonie  dans  la  poésie 
peut  être  appelée  artificielle,  par  opposition  aux 
deux  autres  espèces;  parce  ([uc,  quoique  fondée 
dans  la  nature  aussi  bien  que  les  deux  autres, 
elle  ne  se  montre  bien  sensiblement  (pie  d.uis  la 
poésie.  Elle  consiste  dans  un  certain  art  qui, 
outre  le  choix  des  expressions  et  des  sons  par 
rapport  à  leur  sens,  les  assortit  entre  eux  de  ma- 
nière que  toutes  les  syllabes  d'un  vers,  prises 
ensemble,  produisent  par  leur  son,  leur  nom- 
bre, leur  (juanlité,  une  autre  sorte  d'expression 
qui  ajoute  encore  à  la  signification  naturelle  des. 
mots.  La  poésie  a  des  niarthes  de  différentes  es- 
pèces pour  imiter  les  diff(''rents  mouvements,  et 
peindre  à  l'oreille,  par  une  sorte  de  mélodie  ,  ce 
qu'elle  peint  à  l'esprit  par  les  mots.  C'est  une 
sorte  de  chant  musical  qui  porte  le  caractère, 
non-seulement  du  sujet  en  général,  mais  de  cha- 
que objet  en  particulier.  Celle  harmonie  n'ap- 
partient princijialement  qu'à  la  poésie,  et  c'est  le 
point  exquis  de  la  versification.  On  sent  cette 
espèce  d'harmonie  dans  les  vers  suivants  de  Boi- 
leâu  {Lutr.,  1, 19)  : 

Ses  chinoiiies  vermeils  et  brillants  de  santé 
S'ensraissaiont  d'une  longue  et  sainte  oisiveté. 

Le  premier  de  ces  vers  est  riant,  l'autre  est  lent 
et  paresseux.  On  la  sent  de  même  dans  cet  autre, 
où  le  même  auteur  peint  la  Mollesse  {Lutr.,  II, 
164)  : 

Soupire,  étend  les  bras,  ferme  l'œil,  et  s'eytdort. 

(Extrait  du  chevalier  de  Jaucourt,  de  Marinon- 
tel  et  d'autres  auteurs.)  Voyez  Accent. 

Quoique  le  substantif  harmonie,  dit  Voltaire, 
n'admette  point  de  pluriel,  non  plus  iiue  7nélo- 
die,' musique,  physique,  et  presque  tous  les  noms 
des  sciences  et  des  arts,  cependant  j'ose  croire 
qu'il  est  des  occasions  où  harmonie  au  i)luriel 
n'est  pas  une  faute.  On  peut  dire  les  mélodies 
de  Ltilli  et  de  Hameau  sont  différentes.  On  peut 
dire  très-bien  les  harmonies  de  la  nature,  parce 
qu'il  y  a  ensemble  et  accord  et  dans  le  tout  ci 
dans  les  différentes  parties. 

Harmomkcse.ment.  Adv.  Il  se  met  après  le 
verbe  :  Chanter  harmonieusement. 

Haumomlcx,  Harmonieuse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'harmonie  et 
l'analogie  le  permettent  :  Chant  harmonieux , 
musique  harmonieuse,  voix  harmoiiieuse,  vers 
harmonieux,  période  harmonieuse,  d'harmonieux 
accents.  Voyez  Adjectif. 

L'Académie  ne  dit  harmonieux  que  des  cho- 
ses; cependant  on  le  dit  quelquefois  des  per- 
sonnes :  Un  poète  harmonieux.  C'est  ainsi  que 
sotis  la  plume  du  plus  harmonieux  des  poètes  les 
sons  deviennent  des  couleurs,  et  les  images  des 
vérités.  (Barthélémy.) 

Gardez-vous  d'imiter  ce  rimcur  furieux. 
Qui,  de  ses  vains  écrits  lecteur  harmonieux. 
Aborde  eu  récitant  quiconque  le  salue. 

fBoiL.,^.  P.,  IV,  53.) 

Harmonique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Sons  harmoniques. 

Harmoniquement.  Adv.  11  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ce  morceau  de  musi- 
que est  composé  harmoniquement,  OU  est  kar- 
moniguement  compose. 


340 


HAS 


*  Harmoniser  (s').  Y.  pronom.  Mot  nouveau 
qui  siïïiiilic  se  iiieltrc  en  harmonie.  11  n'esl  pas 
encore  généraiemciil  usilé. 

HAnvtciiKu  \.  a.  de  la  \"  conj.  McUre  le 
harnais  à  un  cheval  :  Harnacher  des  chtvuux. 

Harnois  ou  Harnais.  Subsl.  ni.  (Lorsqu'on 
parle  des  chevaux,  hamois  ne  se  dit  qu'en  poé- 
sie ou  dans  le  style  soutenu.)  On  ap|ielait  an- 
ciennement harniiis  l'armure  comidéle  d'un 
Âomme  d'armes.  Ce  mol  esl  encore  usilé  dans 
luelqucs  façons  de  parler  liu'urécs  :  Blanchir 
ous  le  harnais.  (Acad.  483o.) 

Haro.  Terme  de  pratique  :  Clameur  de  haro. 

Harpagon,  Suhsl.  ni.  Kom  du  principal  per- 
sonnage de  y  Avare  de  Molière.  On  le  dit  quel- 
quefois pour  désii-'ner  un  honunc  exlrémement 
avare  :    C'est  vu  Harpagon. 

Harpailler  (sk).  y.  a.  de  la  J"  conj.  Les  /se 
mouilieiil.  Ce  mot,  qui,  selon  l'Académie,  est  du 
style  familier,  cl  se  dit  de  deux  personnes  qui 
se  querellent,  esl  bas  et  peu  usilé. 

Hasard.  Subsl.  m.  Le  d  ne  se  prononce  ja- 
mais. Il  se  dit  des  événements  pour  marquer 
qu'ils  arrivent  sans  une  causn  nécessaire  ou 
prévue.  Quand  nous  disons  qu'j/«e  chose  est  ar- 
rivée par  hasard,  nous  n'enleiid(3ns  autre  chose, 
sinon  (juc  la  cause  nousen  esl  inconnue,  et  non 
pas,  conune  quelques  personnes  l'imaginent  mal 
à  propos,  que  le  hasard  lui-même  puisse  être  la 
cause  de  quchiue  chose.  Cependant  on  person- 
nifie souvent  le  hasard,  et  on  le  prend  pour  une 
espèce  d'clre  chimériciue  qu'on  conçoit  comme 
agissant  arbitrairement  et  produisant  tous  les 
effels  dont  les  causes  réelles  ne  se  montrenl  point 
à  nous.  Dans  ce  sens  il  est  équivalent  à  fortune. 
—  //rt.v«rc^  manpie  aussi  la  manière  de  décider 
des  cliKses  dont  la  cunduile  ou  la  direction  ne 
peuvent  se  réduire  à  des  régies  ou  mesures  déter- 
minées, ou  dans  lesquelles  on  ne  peut  pas  trou- 
ver de  raison  de  préférence ,  connue  dans  les 
caries,  les  dés,  les  loteries,  etc.  Les  poêles  le 
disent  au  pluriel  des  dangers  de  la  guerre.  Ra- 
cine a  dit  dans  Mithridate  (act.  I,  se.  v,  2)  : 

Ma  Tie  et  mon  amour  tousdeui  eoursnt  hasard. 

On  a  trouvé  que  courir  hasard  n'esl  pas  une 
expression  assez  noble  pour  la  tragédie.  Yoycz 
Fatalité. 

Hasarder.  Y.  a.  de  lai"  conj.  L'Académie  dit 
qu'en  parlant  d'une  pièce  de  boucherie,  ou  d'une 
pièce  de  gibier  qu'on  a  gardée  trop  longlen)ps 
pour  la  rendre  plus  tendre,  ou  pour  lui  donner 
plus  de  fiiincl,  on  dit  qu'elle  est  hasardée:  Gi- 
got hasardé,  celle  perdrix  est  hasardée. — Nous 
laissons  aux  mailres  d'hôlel  et  aux  cuisiniers  le 
soin  de  crilii|uer  celle  acce|)tion. 

Se  hasarder  régit  lanlôl  la  préposition  à,  lan- 
lôl  la  préposition  de;  la  |)rcmiére  lorsque  le 
verbe  suivant  indiiiue  une  action  (jui  sert  de 
but  :  Se  hasarder  à  faire  une  proposition;  la  se- 
conde lursiiue  le  second  verbe  indiipie  une  ac- 
tion qui  a  sa  cause  et  son  effet  dans  la  personne 
même  :  Se  hasarder  de  répondre. 

Hasaudeusement.  Adv.  11  ne  se  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  entrepris  cela 
Hcn  hasa7-deiisement,  et  non  pas  il  a  hasardeu- 
sement  entrepris  cela. 

Hasardeux,  Hasardeuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Un  joueur  hasardeux,  unviarchand  ha- 
sardeux; nu  coup  hasardeux,    vne    entreprise 


HAU 

hasardeuse,  cette  hmardeuse  entreprise.  Voyez 
Adjectif. 

Hase.  Subst.  f.  Ce  mol,  emprunté  de  l'alle- 
mand, où  il  signifie  lierre,  se  prend  en  français 
pour  la  fi-melle  de  cet  animal.  L'Académie  dit 
qu'il  se  dit  aussi  de  la  femelle  du  lapin;  mais 
c'est  probablement  du  lapin  de  garenne  ;  car, 
pour  le  lapin  doinesli(iuc,  sa  femelle  se  nomme 
lapine,  comme  le  dil  fort  bien  l'Académie  à  ce 
mot. 

Hâter.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  dil 
hâter  soîi  départ,  hâter  son  retour,  hâter  les 
fruits,  hâter  le  supplice.  Voltaire  a  dit  hâter  les 
coups  : 

Des  assassins  Irop  lents,  il  tcuI  hdJer  les  coups. 

(Ilenr.,  II,  2S3.) 

Hatif,  Hative.  Adj.  Il  ne  se  met  (ju'aprèsson 
subst.  :  Fruit  hâtif,  cerises  hâtives,  fleurs  hâ- 
tives. —  Esprit  hâtif. 

Hâtivement.  Adv.  Il  ne  se  mol  point  cnlrc 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  fuit  venir  ces 
fruits  hâlirement,  cl  non  pas  il  a  hâtircment  fait 
venir  ces  fruits,  ni  il  a  fait  venir  hâtivement 
ces  fruits. 

Haubans.  Subsl.  m.  plur.  C'est  ainsi  «nie  l'A- 
cadéuiie  l'indiiiue.  Elle  n'a  pas  fait  aUeiition  (fue 
ce  mol  a  aussi  un  singulier.  On  dil  un  hauban  el 
les  haubans. 

Hausse-col.  Subst.  m.  Au  jiluricl,  on  ne  met 
de  s  ni  à  hausse  ni  à  col,  parce  que  hausse  est 
un  verbe,  et  <iu'il  ne  s'agit  pas  d'une  chose  qui 
hausse  les  cols  ou  les  cous,  mais  d'une  plaque 
qui  serlà  hausser  le  col.  La  pluralilé  tombe  sur 
le  mol  plaque  ou  croissant,  (|ui  est  sous-enlendu. 
On  doii  donc;  dire  au  pluriel  des  hausse-col.  L'A- 
cadémie dil  dcii  hausse-cols  ;  mais  il  serait  difli- 
cile  de  juslilier  celle  orlliographe. 

Haut,  Haute.  Adj.  Cet  adj.  se  met  ordinaire- 
nienl  avant  son  subsi.  :  Haut  clocher,  haute  mon- 
tagne, haute  tour. — Avoir  la  voix  haute,  parler 
à  haute  voix;  les  hauts  faits,  le  haut  style; 
haute  estime,  haute  vertu.  —  Haute  insolence, 
haute  injustice,  haute  sottise.  Aller  en  haute 
mer,  jeter  les  hauts  cris.  Une  messe  haute,  les 
hautes  sciences. —  Un  hominehaut,  orgueilleux; 
%ine  âme  haute,  avoir  le  cœur  haut. 

Haut.  Adv.  Il  ne  se  met  jamais  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  //  a  parlé  haut,  et  non  pas 
il  a  haut  parlé.  Toyez  Hautement. 

Hautain,  Hautaine.  Adj.  Il  ne  se  met  ([u'après 
Son  subsl.  :  Un  homme  hautain;  une  femme 
hautaine. — Humeur  hautaine,  mine  hautaine, 
rnanières  hautaines. 

Ce  mot  est  le  superlatif  de  haut  et  d'allier.  Il 
ne  se  dil  que  de  l'espèce  humaine.  On  peut  dire 
en  vers  : 

Un  coursier  plein  de  feu  Ioï.jiI  sa  lèle  latiére. 

J'aime  mieux  ces  forèls  altiéreê 
Qu«  ces  jardins  piaules  par  l'arl. 

Mais  on  ne  peut  pas  dire  une  foret  hautaine,  la 
léle  hautaine  d'un  coursier. — Hautain  esl  tou- 
jours pris  en  mauvaise  jiari  ;  c'est  l'orgueil  qui 
s'annonce  par  un  extérieur  arrogant.  On  prince 
peul  el  doit  rejeler  avec  une  hauleur  héro'i'que 
des  propositions  humilianles,  mais  non  pas  avec 
des  airs  hautains,  un  ton  hautain,  des  paroles 
hautaines.  L'àme  haute  esl  l'àme  grande;  la  Aam- 
taiîie  esl  superbe.  L'iiisoleiil  esl  à  l'égard  du 
hautain  ce  (ju'esl  le  hautain  à  l'impérieux,  ce 


HEB 

sont  des  nuances  qui  se  suivent.  (Volt.,  Dict. 
philos.) 

Hadtai>f.mf.nt.  Adv.  11  ne  se  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  parlé  havtaine- 
tnent,  et  non  pas  il  a  hautainenieiit  parlé. 

Hact-de-chaisses  ,  Halte-comre.  Haut-de- 
ehausses  fait  au  pluriel  des  hauts-de-chausses; 
haute-cnnire  fait  t\ci  hautes- cnntrn. 

Haltement.  Adv.  11  se  mcl  quelqticfois  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  déclaré  cela  hau- 
tement, ou  il  a  hautement  déclaré  cela. 

J'ai  Touinl'aclieler,  l'cJit,  c\pre«soniciit, 
Afin  que  d'Isabelle  il  soitlù  hautement. 

(Mol.,  École  des  Maris,  act.  II,  se.  ii,  9.) 

Hautement  n'est  pas  la  même  chose  que  haut. 
On  dit  hautement  sa  pensée;  c'est-à-dire  hardi- 
ment, rcsoliunciit.  On  lit,  on  parle  haut,  c'est-à- 
dire  d'une  voix  liautc.  (M.  Auçcr,  Commentaire 
sur  Molière.)  ^'oyez  Expressément. 

*  Haute-taille'.  Subst.  f.  On  écrit  au  pluriel 
des  hautes-tailles. 

IIactecr.  Subst.  f.  Si  hautain  est  pris  en  mal, 
hauteur  est  tantôt  une  bonne,  tantôt  une  mau- 
vaise qualité,  selon  la  place  qu'on  tient,  l'occa- 
sion où  l'on  se  trouve,  el  ceux  avec  qui  l'on 
traite. 

On  a  souvent  employé  au  pluriel  le  mot  hau- 
teur dans  le  style  relevé  :  Les  hauteurs  de  l'esprit 
humain;  et  on  dit  dans  le  style  simjile,  lia  eu 
des  hauteurs,  il  s'est  fait  des  ennemis  par  ses 
hauteurs.  (Volt.,  Dict.  philos.) 

Have.  Ailj.  des  deux  Kcnres.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  visage  hâve. 

Havre-sac.  Subst.  m.  Ce  mot  est  entièrement 
allemand.  Habersack  signifie  littéralement,  dans 
celte  langue,  sac  à  avoine,  du  mot  sack,  sac,  et 
haber,  avoine.  D'après  cette  étymologie,  il  faut 
écrire  au  plu'-iel  des  havre-sacs. 

Hé.  Interjection.  Voyez  £'/i. 

Hebdomadaiiîe.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Ouvrage  hebdoma- 
daire ,  fet/ille  hcbdomaditire, 

Hébétf.r.  V.  a.  de  la  1'^  conj.  Comme  ce  mot 
vient  de  bêle,  dont  le  premier  e  a  un  accent  cir- 
conflexe, ou  devrait  i)cul-êlre  écrire  hébêter,  et 
c'est  ainsi  qu'on  l'écrivait  autrefois.  Mais  l'Aca- 
démie en  a  décidé  autrement  ;  et  la  manière  dont 
on  prononce  généralement  est  conforme  à  celle 
décision,  si  ce  n'est  qu'on  prononce  cet  e  ouvert 
et  même  long,  lor^^quc  la  sylhibe  cpii  le  suit  est 
terminée  par  un  e  muet  :  J'hébke,  tu  lu'hctes,  il 
hébcte ;  nous  hébélnis,  vous  héhétez,  ils  licbéient. 
C'est  ce  que  l'Académie  aurait  dii  faire  observer. 

Hébraïqce.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'ajjrès  son  subst.  :  La  langue  héljraïque. phrase 
hébraïque ,  grammaire  hébraïque,  Bible  hébraï- 
que. 

Hébraïsant.  Subst.  m.  L'Académie  a  omis  une 
signilicalion  de  ce  mol.  11  se  dit  non-seulement 
d'un  homme  qui  a  fait  une  étude  particulière  de 
la  langue  hébraïque,  mais  aussi  d'un  observateur 
trop  scrupuleux  des  règles  de  l'Évangile,  d'un 
homme  ijui  suit  en  aveugle  ses  maximes  sans  re- 
connaître aucune  circonstance  où  il  soit  permis 
à  la  raison  de  les  inlerprèler.  On  s'exprime  ainsi 
par  allusion  aux  Hébreux,  qui,  en  général,  étaient 
scrupuleusement  aliucliés  à  la  lettre  de  leurs 
écritures,  aux  cérémonies  (jui  leur  étaient  pres- 
crites, et  à  toutes  les  minulies  de  la  loi. 

Hébreux.  Subst.  m.,  qui  se  prend  quelquefois 
adjectivement.  Dans  celte  dernière  acception,  il 
se  met  après  son  subst.  :  Le  texte  hébreux. 


HÉM  341 

HÉMISTICHE.  Subst.  m.  Moitié  lie  vers,  demi- 
vers,  repos  au  milieu  du  vers.  Ce  repus  à  la  moi- 
lie  d'un  vers  n'est  proprement  le  partage  (]ue  des 
vers  alexandrins.  La  nécessiié  de  couper  toujours 
ces  vers  en  deux  parties  ég.des,  ei  la  nécessite 
non  moins  forte  d'èviier  la  iiionoionie,  d'obser- 
ver ce  rejms  et  de  le  cacher,  s<int  des  clKiinesq:!! 
rendent  l'art  d'autant  plus  précieux,  qu'il  est  plus 
difficile.  Voici  des  vers  tcchnicjues  qu'on  pro 
pose,  pour  montrer  par  quelle  mélhode  on  doit 
rompre  cette  monotonie  que  la  loi  de  l'hémisti- 
che semble  entraîner  avec  elle  : 

Observez  riiémistiche  el  redoutez  l'ennni 
Qu'un  repos  uniforme  attache  .auprès  de  lui. 
Que  votre  phrase  heureuse,  et  ciairement  rendue, 
Soit  tantôt  terminée  et  tantôt  suspendue; 
C'est  le  secrelde  l'art.   Imitez  ces  accent» 
Dont  l'aisé  Géliotte  avait  charmé  nos  sens. 
Toujours  harmonieux,  et  libre  sans  licence, 
Il  n'appesantit  point  ses  sons  et  sa  cadence. 
Salle,  dontTerpsichore  avait  conduit  les  pas. 
Fit  sentir  la  mesure  el  ne  la  marqua  pas. 

Ceux  qui  n'ont  point  d'oreille  n'ont  qu'à  con- 
sulter seulement  les  points  et  les  virgules  de  ces 
vers;  ils  verront  qu'étant  toujours  partagés  en 
deux  parties  égales,  chacune  de  six  syllabes,  la 
cadence  y  est  cependant  toujours  variée  ;  la  phrase 
y  est  contenue  ou  dans  un  demi-vers,  ou  dans  un 
vers  entier.  On  peut  même  ne  compléter  le  sens 
qu'au  bout  de  six  vers  oti  de  huit  ;  et  c'est  ce 
mélange  qui  produit  une  harmonie  dont  on  est 
frappé,  el  dont  peu  de  lecteurs  voient  la  cause. 

Plusieurs  dictionnaires  disent  que  l'héinistichc 
est  la  méiTie  chose  que  la  césure  ;  mais  il  y  a  une 
grande  différence.  I/hémistichc  est  toujours  à  la 
moitié  du  vers;  la  césure,  qui  rompt  le  vers,  est 
partout  où  elle  coupe  la  phrase. 

Tiens,  le  voilà,  marchons  ;  il  est  à  nous,  viens,  frappe. 

Presque  chaque  mot  est  une   césure   dans  ce 
vers. 

Hélas!  quel  est  le  prit  des  vertus?  La  souffrance. 

La  césure  est  ici  à  la  neuvième  syllabe. 

Dans  les  vers  de  cinq  pieds  ou  de  dix  syllabes, 
il  n'y  a  point  d'hémistiche,  quoi  qu'en  disent 
tant  de  dictionnaires;  il  n'y  a  que  des  césures  : 
on  ne  peut  cou|ier  ces  vers  en  deux  i)arlies  éga- 
les de  deux  pieds  et  demi. 

.4insi  parta;,'és  — boiteux  et  malfaits, 

Ces  vers  lan^-iiissants  —  ne  plairaient  jamais. 

On  en  voulut  faire  autrefois  de  cette  espèce, 
dans  le  temps  qu'on  cbcrchait  l'harmonie,  (pi'on 
n'a  que  irés-difliiilcmeni  trouvée.  On  prétendait 
imiter  les  vers  pentamètres  des  I.alins,  les  seuls 
qui  aient  en  cifel  naturellement  cet  héiuisliche; 
maison  ne  songeait  pas  que  les  vers  penlaiiiélres 
étaient  variés  par  les  spondées  et  par  les  dactyles; 
queleurs hémistiches  pouvaient  conleniroii  cinq, 
ou  six,  ou  sept  syllabes.  Mais  ce  génie  de  vers 
français,  au  contraire,  ne  iiouvait  jamais  avoir 
que  des  hémistiches  de  cinq  syllabes  égales,  et 
ces  deux  mesures  étant  trop  courtes  et  trop  rap- 
prochées, il  en  résultait  nécessairement  celle 
uniformité  ennuyeuse  qu'on  ne  peut  rompre 
comme  dans  les  vers  alexandrins.  De  plus,  le 
vers  pentamètre  latin,  venant  après  un  hexamè- 
tre, produisait  une  variété  qui  nous  manque. 

Ces  vers  de  cinq  pieds,  à  deux  hémistiches 
égaux,  pourraient  se  souffrir  dans  des  chansons; 
ce  fut  pour  la  musique  que  Sapho  les  inventa 
chez  les  Grecs,  et  qu'Horace  les  imita  quelque- 


342 


HER 


fois,  lorsque  le  chant  était  joint  à  la  poésie,  selon  | 
sa  première  institution.  On  pourrait  parmi  nous  | 
introduire  dans  le  chant  cette  mesure,  qui  appro- 
che de  la  saphique  : 

L'amour  est  an  dieu  —  <j\ie  la  teirt  adore, 
Il  fait  nos  tourments,  — il  sait  les  guérir. 
Dans  un  doux  repos —  heureux  qui  l'ignore. 
Plus  heureux  cent  fois  — qui  peut  le  servir. 

Mais  ces  vers  ne  pourraient  être  tolérés  dans  des 
ouvrages  de  longue  haleine,  à  cause  de  la  cadence 
uniforme.  Les  vers  de  dix  syllabes  ordinaires 
sont  d'une  autre  mesure;  la  césure  sans  hémi- 
stiche est  presque  toujours  à  la  fin  du  second 
pied,  de  sorte  que  le  vers  est  souvent  en  deux 
mesures,  l'une  de  quatre,  l'autre  de  six  syllabes. 
Maison  lui  donne  aussi  souvent  une  autre  place, 
tant  la  variété  est  nécessaire  : 

Linguissant,  faible,  et  eonrbé  sous  les  maux. 
J'ai  consumé  mes  jours  dans  les  travaux. 
Quel  fut  le  prix  de  tant  de  soins?  l'envie. 
Son  souffle  impur  empoisonna  ma  vie. 

Au  premier  vers,  la  césure  est  après  le  mot 
faible;  au  second,  aprésjoMrî;  au  troisième,  elle 
est  encore  plus  loin,  après  soins;  au  quatrième, 
elle  est  nprès  impur. 

Dans  les  vers  de  huit  syllabes,  il  n'y  a  ni  hémi- 
stiche, ni  césure  : 

Loin  de  nons  ce  discours  Tulgairei 

(^ue  la  nature  dégénère, 

Que  tout  passe  et  que  tout  finit. 

La  nature  est  inépuisable, 

F.t  le  travail  infatigable 

Est  un  dien  qui  la  rajeunit. 

(Ces  vers  .sont  les  derniers  d'une  ode  que  Vol- 
taire composa  en  1786.  Mais  Voltaire  ici  ne  se  cite 
pas  plus  exactement  que  de  coutume.  Note  de 
M.  Beuchnt.) 

Au  premier  vers,  s'il  y  avait  tine  césure,  elle 
serait  à  la  sixième  syllabe.  Au  troisième,  elle  se- 
rait à  la  troisième  syllabe,  passe,  ou  i)lutôt  à  la 
quatrième,  se,  qui  est  confondue  avec  la  troisième, 
pus;  mais,  en  effet,  il  n'y  a  point  là  de  césure. 
L'harmonie  des  vers  de  cette  mesure  consiste 
dans  le  choix  heureux  des  mots,  et  dans  les  rimes 
croisées,  faible  mérite  sans  les  pensées  et  les  ima- 
ges.  (Volt.,  Dict.  philos.) 

Hendécas-ïllabe.  Adj.  des  deux  genres.  Le  s  se 
prononce  comme  s'il  était  double.  Cet  adj.  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  rers  hendécasyllahe. 

HENMn.  V .  n .  (le  la  2'"  conj .  On  prononce  hanir. 

Hennissement.  Subst.  m.  On  prononce  Aa/iw- 
sement. 

Henri.  Subst.  m.  Nom  d'homme.  Le  A  s'aspire 
dans  le  discoui-s  soutenu;  il  ne  s'aspire  pas  dans 
le  discours  familier. 

Hekrh;tti..  Siilisl.  f.  Nom  propre  de  femme,  où 
le  h  n'est  jamais  aspiré  :  L'âge  d'Henriette,  et 
non  pas  l'ûge  de  Henriette. 

*  Herbagedx,  Hekbageuse.  Adj.  Mot  nouveau, 
que  quelques  auteurs  ont  employé  Voliiey  a  dit 
Tandis  qve  je  tenais  les  yeux  fixés  svr  l'Asie, 
soudain  du  côté  du  nord,  des  tourbillons  de  fu- 
mée et  de  flamme  attirèrent  mon  atlentioti.  Ils 
coururent  le  hmy  du  lac  fajigexix  d'Azof,  et  fu- 
rent se  perdre  dans  les  plaines  herbageuses  du 
Kouban.  {Les  Ruines,  ch.  xii,  p.  68.)  VoyCî 
Herbeux. 

Hi.EBEcx,  Herbecse.  Adj  II  se  dit  des  lieux 
où  il  croit  de  l'herbe.  La  différence  entre  herba- 
geux  et  herbeux  est  la  même  qu'entre  herbage  et 
hcrhs. 


HÉR 

Hébéditaire.  Adj.  des  deux  genres,  il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Bnyaume  héréditaire, 
couronne  héréditaire.  —  Charge  héréditaire.  — 
Maladie  héréditaire .  Haine  héréditaire. 

Héréditairement.  Adv.  Il  ne  se  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe. 

Hérésif..  Subst.  f.  Ce  mot,  qui  se  prend  à  pré- 
sent en  très-mauvaise  part,  et  qui  signifie  une  er- 
reur upiniàire,  fondamentale,  contre  la  religion,  ne 
désignait  dans  son  origine  qu'un  simple  choix, 
une  secte  bonne  ou  mauvaise;  c'est  le  sens  du 
mot  grec  dont  il  est  dérivé,  et  qui  signifie  choi- 
sir. On  disait  hérésie  péripatéticienne ,  hérésie 
stoïcienne,  et  Vhérésie  chrétienne  était  la  secte 
de  Jésus-Christ.  Voyez  Hérétique. 

Hérétique.  Adj.  des  deux  genres.  H  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Proposition  hérétique,  dogme 
hérétique. 

11  se  prend  aussi  substantivement  :  Un  héréti- 
que, une  hérétique.  Ce  mot,  dans  le  sens  propre, 
signifie  un  homme  qui  fait  choix  d'une  opinion, 
d'une  secte  bonne  ou  mauvaise.  Dans  le  sens  or- 
dinaire, il  désigne  toute  personne  qui  croit  ou 
soutient  opiniâtrement  un  senlinient  erroné  sur 
un  ou  sur  plusieurs  dogmes  de  la  religion  chré- 
tienne. 

Ce  mot  et  celui  d'hérésie ,  pris  dans  le  sens 
usité  de  nos  jours,  devraient  être  bannis  du  dic- 
tionnaire d'une  religion  d'amour  <t  d'une  nation 
civilisée.  En  effet,  ces  deux  mots  supposent  dans 
ceuxcjuien  font  usage,  un  amour-propre  brutal 
et  insolent  par  lequel  ils  affectent  de  déclarer  or- 
gueilleusement à  leurs  semblables  qu'eux  seuls 
sont  en  possession  de  la  vérité,  dans  des  choses 
qui  sont  depuis  plusieui's  siècles  des  sujets  de 
dispute  et  de  contestations  interminables;  et  que 
tous  ceux  qui  ne  pensent  pas  comme  eux  doivent 
être  des  objets  d'horreur  et  de  mépris.  Cette  note 
d'infamie  peut  être  renvoyée  par  toutes  les  sectes 
à  ceux  qui  la  leur  imposent;  et  par  la  les  chré- 
tiens, qui  devraient  s'aimer  et  se  tolérer  les  uns 
les  autres,  sont  divises  en  une  mulliludc  de  so- 
ciétés qui  s'abhorrent,  et  ne  respirent  les  unes 
contre  les  autres  qu'une  liainc  deslruciive  et  im- 
placable. Heureusement,  la  philosoi)hie  repousse 
ces  dénominations  odieuses,  qui  ont  si  souvent  in- 
ondé la  terre  de  sang  liumain;  et  elles  ne  sont 
plus  guère  usitées  que  parmi  un  petit  nombre  de 
fanatiques  incorrigibles. 

Hérisser.  V.  a.  ci  n.  de  la  l"  conj.  Delille 
a  dit  à  l'actif  {Énéid.,  VIII,  461)  : 

Enfin  s'offre  à  leurs  yeux  la  roche  Tarpéienne, 
Ce  futur  Capilole  où  la  grandeur  romaine 
Étalera  son  marbre  et  ses  colonnes  d'or: 
Des  ronces,  des  buissons  le  hérissent  encor. 

Féraud,  d'après  l'Année  littéraire,  veut  bien 
qu'on  dise  l'hiver  hérissé  de  glaonns ;  mais  il  ne 
veut  pas  qu'en  prose  on  donne  ce  régime  au  verbe. 
Cependant  Delille  a  dit  en  prose  :  Jupiter  obligea 
l'homme  ci  cultiver  la  terre,  en  la  Itérissant  do 
plantes  inutiles  ov  nuisibles,  et  nous  pensons 
qu'il  a  bien  dit. — Dans  la  dernière  édilion  de  son 
dictionnaire ,  l'Académie  dit  hérisser  de  pieux 
un  bastion,  hérisser  son  style  de  pointes,  d'anti- 
thèses, de  nédlogismes. 

Héritage.  Subst.  m.  L'Académie  dit  que  ce 
mot  se  piend  dans  un  sens  étendu  pour  signifier 
les  immeubles  réels,  comme  terres,  maisons  : 
Fendre  .  acheter  vu  hcrituge.  Nous  pensons, 
comme  Féraud,  qu'il  se  dit,  en  ce  sens,  des  ter- 
res, des  biens  de  campagne  ;  mais  qu'il  ne  se  dit 


HER 

pas  des  maisons.  Jamais  on  n'a  dil  qu'un  hommo 
a  acheté  w/i  héritage,  pour  dire  iiu'il  a  aclielé  une 
maison  ou  un  liôtul.  (.x'iieiulaiU  ce  terme  est  usité 
en  ce  sens  en  jurisprudence,  où  l'on  entend  p;ir 
héritaiîc  tout  immeuble  réel  qui  peut  se  trans- 
mettre par  succession 

HÉRiTiin.A'.  n.  delal"conj.  Ce  verbe  peut-il 
être  employé  activement,  et  peut-on  dire  hériter 
vne  viaison,  hériiervne  terre,  conuneon  dit  héri- 
ter d'une  7naisoii,  hériter  d'une  terre'?  Féraud 
rapporte  [ilusicurs  exemples  en  prose  et  en  vers, 
où  ce  verbe  est  employé  ainsi.  11  nous  scinbic 
qu'on  ne  di  l/tt'c/ifci/ y»?  c/w^c  que  lorsque  ce  verbe 
a  deux  rcirimcs,  et  pour  éviter  leduuble  régime  c/e 
dans  deux  sens  difl'érents.  Ainsi,  pour  ne  pas  dire 
il  a  hérité  de  cette  terre  de  son  père,  on  dit  il  a 
hérité  cette  terre  de  son  père;  mais  on  ne  dit  pas 
absolument,  î7  a  hérité  cette  terre.  JNous  pen- 
sons (pi'il  vaut  mieux  éviter  de  donner  un  régime 
direct  à  ce  \erije.  L'Académie  dit  aussi  (jifon 
prend  ce  verbe  activement;  mais  dans  les  exem- 
ples qu'elle  en  donne,  elle  évite  ce  qui  pourrait 
les  rendre  clioiiuants  :  Il  n'a  rien  hérité  de  son 
père,  voilà  tout  ce  qu'il  en  a  hérité,  il  en  a  hérité 
de  grands  biens.  Mais  elle  ne  dit  pas  positivement 
il  a  hérité  une  terre,  il  a  hérité  une  viaisoii  de 
son  père. — Dans  la  dernière  édition  do  son  dic- 
tionnaire, elle  a  ajouté  les  deux  exemples  suivants 
à  ceux  qui  viennent  d'élre  cités  :  C'est  une  ma- 
ladie qu'il  a  héritée  de  sa  mère;  la  vertu  est  le 
seul  bien  quil  ait  hérité  de  son  père. 

Her.iiêtiqci;.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Science  hermétique,  philo- 
sophie hermétique,  œuvre  hermétique. 

HEnsiÉTiQCEsiENT.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  a  scellé  ce  vaisscuu 
hermétiquement,  ou  on  u  hermétiquement  scellé 
ce  vaisseau. 

HÉnoÏDE.  Subst.  f.  Êpître  en  vers,  composée 
sous  le  nom  de  quelque  héros  ou  personnage  fa- 
meux. A'oyez  Héros. 

Héroïne.  Subst.  f.  \oycz  Héros. 

Héroïque.  Adj.  des  deux  genres.  Boileau  a  dit  : 
Combien  Homère  est  héroique  Ini-mê me  en  pei- 
gnant le  caractère  d'un  héros  {Traité  du  .w- 
Wïnie,ch.  VII.)  Massilloii,  en  parlant  de  Louis  XIV: 
Cet  hcvoiqMC  vieillard;  et  Fléchier  :Cc\.[e  femme 
héroïque,  (oraison  funèbre  de  31'"'  d' Aiguillon, 
p.  8G.)  Nou';  pensons  a\ec  Féraud  (pi'on  ne 
peut  pas  appliquer  celte  épithète  aux  personnes. 
On  peut  être  sage  sans  avoir  donné  au  dehors  des 
preuves  de  sagesse;  voilà  pourquoi  on  dit  un 
h,omm.e  sage,  comme  on  dit  une  action  sage,  f^ous 
connaîtrez  dans  l'accasion  que  vous  avez  affaire 
à  un  homme  sage.  Mais  on  ne  peut  pas  dire  un 
homme  héroïque,  parce  qu'on  ne  peut  nas  être  un 
béros  sans  avoir  donné  au  dehors  dès  marques 
d'héroïsme;  que  c'est  l'éclat  de  ces  marques  qui 
constitue  le  héros,  et  que  i)ar  conséquent  l'épi- 
Ihéte  d'/itVoi'çî/e  appartient  parliculicremenl  à  ces 
marques,  lorsqu'on  lui  hiil  signifier  ce  qui  carac- 
térise les  héros.  —  Cependant  l'Académie,  (pii , 
dans  ses  éditions  précédentes,  n'avait  dit  héroïque 
que  des  choses,  remarque  en  4835  qu'il  se  dit 
quelquefois  des  personnes  qui  montrent  de  l'hé- 
roïsme, et  elle  donne  pour  exemple  7ine  femme 
héroïque,  et  dans  un  sens  analogue,  utie  âme  hé- 
roïque.— En  prose,  cet  adjectif  se  met  ordinaire- 
ment après  son  substantif;  cependant  on  peut  le 
mettre  avant,  en  consultant  l'harmonie  et  l'analo- 
gie :  Des  actions  héroïques,  des  exploits  héroï- 
ques, d'héroïques  exploits.  —  Quand  on  dit  des 
vertus  héroïques,  des  sentiments  héroïques,  cela 


HEU 


54Ô 


ne  veut  pae  dire  des  vertus,  des  sentiments  qui 
font  le  héros,  mais  des  vertus,  dos  sentiments  qui 
portent  aux  actions  qui  font  le  héros. — Pueme  hé- 
roïque, stylehéroïque,vershéroïques.  Voy.  Héros. 

Héroïquement.  Adv.  Il  ne  se  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe.  On  dit  il  s'en  comporté 
héroïquement  dans  cette  action,  et  non  |)as  il  s'est 
héroïquement  comporté.  N'oyez  Héros. 

HÉROÏSME.  Subst.  m.  Voyez //tros. 

Héronnière.  Subst.  f.  Selon  l'Académie,  on 
appelle  familièrement  femme  héronnière  une 
femme  maigre  et  sèche,  et  qui  a  des  hanches  fort 
hautes.  Celle  façon  de  parler  n'est  point  usitée. 

Héros.  Subst.  m.  Le  /;  est  aspiré  dans  ce  mot, 
mais  il  ne  l'est  point  dans  ses  dérivés,  tels  (}u'/ie- 
roïne,  héroïs ui e , héroïque ,  héroïquement,  hércnde. 

Herpès  marines.  Subst.  f.  plur.  On  donne  ce 
nom  à  des  productions  marines  ipie  la  mer  tire 
de  son  sein,  et  qu'elle  jette  natui'ellement  sur  ses 
bords,  telles  (juc  l'alubrc,  le  corail,  etc.  L'Acadé- 
mie ne  dit  pas  si  le  Ii  de  herpès  est  aspiré  ou 
non;  mais,  comme  il  vient  du  vieux  mot  harpir 
(prendre),  où  le  h  était  aspiré,  il  doit  l'être  aussi 
dans  herpès.  Du  reste,  on  ne  dit  plus  aujour- 
d'hui herpès  de  mer,  mais  épaves  de  mer. 

Hésitation.  Subst.  f.  L'hésitation  est  une  in- 
certitude dans  les  mouveincnts  du  corps,  qui 
marque  la  même  incertitude  dans  la  jxînsée.  Si 
dans  la  comparaison  ([ue  nous  faisons  iuléricure- 
inent  des  motifs  qui  peuvent  nous  déterminer  à 
dire  ou  à  faire  quelque  chose,  ou  (pii  doivent 
nous  en  empêcher,  nous  sommes  alternativement 
portés  et  retenus,  nous  sommes  incertains,  nous 
hésitons. 

Hésiter.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Autrefois  on  as- 
pirait le  h  de  ce  mot  : 

JVe  hésiter  jamais  et  rougir  encor  moins. 
(CoUN.,  Menteur,  act  III,  se.  IV,  14,  édil.  de  Volt.) 

Aujourd'hui  on  ne  l'aspire  plus.  Devant  les  noms, 
ce  verbe  demande  la  préposition  sur;  et  devant 
les  verbes,  il  régit  à:  Il  a  longtemps  hésité  sur  le 
choix  d'une  profession.  Il  ne  faut  point  hésiter 
à  prendra  un  parti;  de  prendre  un  parti  serait 
une  faute. 

HÉTÉROCLITE.  Adj.  dcs  dcux  genres.  11  ne  se 
met  qu'ajirês  sou  subst.  :  Nom  hétéroclite.  Un 
homme  hétéroclite.  Conduite,  action  hétéroclite, 
esprit  hétéroclite . 

Hétérodoxe.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  ([u'après  son  subst.  :  Doctrine  hétérodoxe, 
opinion  hétérodoxe. 

Hétérogène.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Parties  hétérogènes. 

Heur.  Subst.  m.  Yieuxinot  dont  Corneille  s'c;>t 
encore  servi  plusieurs  fois,  mais  (pii  n'est  pluscii 
usage  aujourd'hui  : 

Cliimène,  qui  l'eut  dil, 
Que  noire  heur  fût  si  proclic  et  silol  se  perdit? 

(Corn.,  Cïd,  ael.  Ht,  se.  iv,  159.) 

Sa  joie  éclatera  dans  Vheur  de  ses  enfants. 

(Corn.,  Ilor.,  ad.  I,  se.  i,  58.) 

Voltaire  dit,  au  sujet  de  ce  dernier  vers  :  Ce  mot 
A'heur,  qui  favorisriit  la  versification,  cl  qui  ne 
choque  point  l'oreille,  est  «ujourd'hui  banni  de 
notre  langue.  [Remarques  sirr  Corneille.)  La 
Bruyère  recrcttait  aussi  ce  mot.  Heur,  dit-il,  se 
I)lacait  oh' bonheur  ne  saurait  entrer.  Il  a  fait 
heureux,  qui  est  français,  et  il  a  cessé  de  l'être. 
{De  quelques  usages,  chap.  XIV,  p.  365.) 


344 


IIEU 


Hfcbe.  Subst.  f.  On  ilit  être  à  sa  dernière 
heure,  oU  élre  à  son  heure  dernière,  pour  dite 
élre  sur  le  poiiil  de  mourir.  Le  premier  pai-iil 
élre  du  langage  ordinaire,  et  le  second  s'emidoie 
mieux  en  vers  : 

Déjà  Valois  touchait  à  son  heure  dernière. 

(Volt.,  Uenr.,  V,  333.) 

Hedbel'semest.  Adv.  Bien  des  personnes  [tro- 
noncenl  hureusement;  c'est  une  faute.  Cet  ad- 
verbe peut  se  placer  au  coininencement  de  la 
phrase,  après  le  verbe,  ou  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  Heureusement  il  se  dètovrnn.  Il 
ichappa  heureusement.  Cela  est  exprimé  heu- 
reusement, ou  cela  est  heureusement  exprimé. 
(Quelquefois /;(?'Me(/6eme/i< est  suivi  de  que  :  Heu- 
reusement qu'il  rmis  laisse  à  vutre  aise.  (Mar- 
monlel.)  Quelquefois  même  la  conjonction  (71/e  est 
Séparcc  d  heureusement  :  Heureusement puur  lui 
que  son  père  71e  l'aperçut  pas.  Voyez  Heureux. 

Heureux,  Heoueuse.  Adj.  11  se  met  souvent 
avant  son  subst.,  soit  en  vers,  soit  en  prose  :  Un 
homme  heureux,  une  femme  heureuse.  —  État 
heureux,  heureux  état;  condition  heureuse, 
heureuse  condition  ;  situation  heureuse,  heureuse 
situation.  Heureuse  influence,  influence  heu- 
reuse ;  heureuse  constellation,  être  né  sous  une 
constellation  heureuse;  sort  heureux,  heureux 
sort;  règne  heureux,  heureux  règne;  séjour 
heureux,  heureux  séjour;  année  heureuse,  heu- 
reuse année  ;  jour  heureux,  heureux  jour  ;  occa- 
sion heureuse,  heureuse  occasion. —  (In  heureux 
présage,  un  présage  heureux  ;  une  physionomie 
heureuse,  une  heureuse  physionomie.  —  Un  na- 
turel heureux,  un  heureux  naturel;  un  génie 
heureux,  un  heureux  génie  ;  une  invention  heu- 
reuse, une  heureuse  invention  ;  une  expression 
heureuse ,  une  heureuse  expression  ;  un  vers 
heureux,  non  pas  un  heureux  vers;  une  rime 
heureuse,  non  ])as  vne  heureuse  rime;  un  tour 
heureux.  On  ne  dit  pas  un  heureux  homme,  mais 
un  dit  uîie  heureuse  femme,  un  heureux  enfant. 

Heureux  régit  fi,  en  et  de:  Il  est  heureux  au 
jeu.  Un  esprit  prompt  à  concevoir  les  matières 
les  plus  élevées,  et  heureux  à  les  exprimer  quand 
)1  les  avait  une  fois  conçues  (Fl/'chicr,  oraison 
funèbre  de  Lamoignon,  p.  loi.)  Etre  heureux  en 
affaires.  Il  est  heureux  du  bonheur  des  autres. 

On  dit  pensée  heureuse,  trait  heureux,  re- 
partie  heureuse,  physionomie  heureuse,  climats 
heureux.  Ces  pensées,  ces  traits  heureux  qui 
nous  viennent  comme  des  inspirations  soudaines, 
et  qu'on  appelle  des  bonnes  fortunes  d'homme 
d'esprit,  nous  sont  donnés  comme  la  lumière  en- 
tre dans  nos  yeux,  sans  effort,  sans  (]ue  nous  les 
cherchions;  ils  ne  sont  pas  plus  en  notre  pou- 
voir que  la  physionomie  heureuse,  c'est-à-dire 
douce,  noble,  si  indépendante  de  nous,  et  souvent 
si  trompeuse. —  Le  climat  heureux  cal  celui  que 
la  nature  favorise  :  ainsi  sont  les  imaginations 
heureuses,  ainsi  est  V heureux  génie. 

On  dit  en  parlant  à' wif.,  heureux  génie,  et  '][\- 
mais  malheureux  génie  ;  la  raison  en  est  palpa- 
ble :  c'est  que  celui  qui  ne  réussit  pas  manque  de 
génie  absolument.  I.c  génie  est  seulement  plus  ou 
moins  heureux.— On  dit  z/(fe«/îV)/t  heureuse  ou 
malheureuse,  mais  c'est  seulement  au  moral; 
c'est  en  considérant  les  maux  qu'une  invention 
produit  :  La  malheureuse  invention  de  la  pou- 
dre, l'heureuse  invention  de  la  boussole,  de  l'as- 
trolabe, du  compas  de  proportion,  etc. 

Le  cardinal  oc  Mazarin  demandait  un  général 
heureux;  il  entendait  ou  devait  entendre  par  là 


H  EX 

un  général  habile  ;  car  lorsqu'on  a  eu  des  succès 
réitérés,  habileté  et  bonheur  sont  ordinairemenl 
synonymes. 

Quand  on  dit  heureux  scélérat,  on  n'entend 
par  ce  mot  que  ses  succès  : /ici/rfwj:  Si/lla.  Un 
Alexandre  VI,  un  duc  de  Borgia,  ont  heureuse- 
ment iiiUé,  trahi,  empoisonné,  ravagé,  égorgé; 
il  y  a  ap|)arence  qu'ils  étaient  Uii^-malheureux, 
quand  moine  ils  n'auraient  pas  craint  leurs  sem- 
blables. (Extrait  des  œuvres  de  Voltaire.) 

Heureux  se  met  quelquefois  au  commence- 
ment de  la  phrase,  en  forme  d'exclamation-,  cl 
alors  il  est  ordinairement  suivi  de  l'adjeclif  con- 
jonctif  qui,  ou  de  la  conjonclion  que  :  Heureux 
le  peuple  qui  est  conduit  par  un  sage  roi!  (Fén., 
Telém.yhv,  H,  t.  I,  p,  91).  Heureux  le  peuple 
qui  trouve  ses  modèles  dans  ses  maîtres!  Heu- 
reuse erreur  que  celle  qui  coîitribue  à  nous  ren- 
dre meilleurs!  Trop  heureux  si  je  pouvais  vous 
plaire  ? 

Heureux  qui  satisfait  de  son  humble  fortune. 

(Rac,  Iphig.,  acl.  I,  se.  I,  10.) 

Voyez  Adjectif. 

Heurter.  V.  a.  de  la  Y"  conj.  Dans  le  sens  de 
frapper  à  une  porte,  il  ne  se  dit  plus.  On  dit 
frapper,  frapper  à  vne  porte.  J'ai  frappé  trois 
fois,  et  l'on  ne  m'a  point  ouvert.  On  no  dit  plus 
au  ligure  qu'u?»  homme  a  heurté,  mais  qu'ii  a 
frappé  à  toutes  les  portes  pour  faire  réussir  son 
affaire.  L'Académie  ne  fait  celte  observation  ni 
au  mot  heurter,  ni  au  mot  frapper.  H  semble 
même  qu'en  parlant  d'une  porte,  elle  préfère 
heurter  à  frapper,  et  qu'elle  n'admet  ce  dernier 
que  lorsciu'on  frappe  à  une  porte  avec  un  mar- 
teau.—  (Cependant  elle  appelle  heurtoir  le  mar- 
teau dont  on  se  sert  pour  frappera  une  porte;  et 
elle  ajoute  qu'on  dit  plus  communément  mar- 
teau. Si  l'on  appelle  heurtoir  le  marleaii  avec  le- 
quel on  frappe  à  une  porte,  on  pourrait  donc  dire 
heurtera  une  porte  avec  le  marteau;  et  si  l'on 
dit  plus  communément  7«ar/eat/,  c'est  que  l'on 
dit  plus  communément  frapper.  Heurter  et  heur- 
toir sont  vieux. 

Hexagone.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Plan  hexagone,  fi- 
gure hexagone. 

Hexamètre.  Adj.  des  deux  genres.  V.w  français, 
les  vers  hexamèlrcs  sont  ceux  de  six  ])icds  ou 
douze  syllabes.  La  Harpe  dit  dans  son  Cours  de 
littérature  :  Noire  hexainèlre,  nalurellement  ma- 
jestueux, doit  se  reposer  sur  lui-même  ;  il  perd 
toute  sa  noblesse  si  on  le  fait  marcher  par  sauts 
et  par  bonds.  Si  la  fin  d'un  vers  se  rejoint  souvent 
au  commencement  de  l'aulrc,  l'effcl  do  la  rime 
disparait,  cl  l'on  sait  qu'elle  est  essentielle  à  no- 
tre rhythme  poétique.  11  est  vrai  que,  par  lui- 
même,  il  est  voisin  de  runiformité;  mais  aussi  le 
grand  art  est  de  varier  la  mesure  sans  la  détruire, 
et  de  couper  le  vers  sans  le  briser.  Le  moyen 
qu'ont  employé  nos  bons  [loëtes,  c'csl  de  placer 
lie  lemps  en  temps  des  césures  ou  des  repos  à  dif- 
férentes places,  en  sorte  (lu'un  vers  ne  ressemble 
pas  à  l'autre;  de  ne  pas  toujours  procéder  j)ar 
distiques,  et  de  finir  quelquefois  le  sens  en  fai- 
sant altendre  la  rime,  comme  dans  cet  endroit  de 
Racine  [Esth.,  acl.  IH,  se.  j,  lUl)  : 

Il  faut  des  clùtiments  dont  l'univers  frrlmi^se; 
Qu'on  tremble  en  comparant  l'offense  et  le  supplÎM; 
Que  les   peuples  entiers  dans  le  sang  soient  noyés. 
Je  veux  qu'on  dise  un  jour  aux  peuples  effrayés: 
//  fut  dei  Juift. 


HIA 

Ei  ailleurs  (£'i/;j.,  act.  Ill,  se.  i,  «6): 

Je  l'ai  trouvé  couvert  d'une  affreuse  poussière, 
Revelu  de  lambeaux,  tout  p51c  ;  —  mais  son  œil 
Conservait  sous  la  cendre  encor  le  même  orgueil. 

Tous  ces  vers  sont  d'une  coupe  différente,  et  la 
césure  est  loujovir>  placée  avec  une  intention  re- 
lative au  sens.  \'oyez  Hi'mistiche. 

L'jdjeclif  hexamètre  ne  se  met  qu'après  son 
substantif:  Un  verx  hexamètre. 

Hiatus.  Subst.  m.  On  prononce  le  5.  Ce  mot, 
purement  latin,  a  été  adopté  dans  noire  langue 
sans  aucun  changement,  pour  si^'nilîcr  l'espèce 
de  cacophonie  qui  résulte  de  l'ouverture  conti- 
nuée de  la  biiiuhc,  dans  réiiiis-ion  consécutive 
de  plusieurs  sons  qui  ne  sont  dislingués  l'un  de 
l'autre  par  aucune  artirulalion.  Dumarsais  re- 
garde comme  exactement  synonymes  les  deux 
mois  hiatus  et  bùUlevient,  mais,  en  les  exami- 
nant bien  attentivement,  on  trouve  que  lûillc- 
vient  exprime  particulièrement  l'état  de  la  bou- 
che pendant  l'émission  des  sons  consécutifs,  et 
qu'hiatus  exprime  la  cacophonie  qui  en  résulte, 
en  sorte  que  l'on  peut  dire  ipic  Vhiatus  est  l'effet 
du  hûillemeiit.  Le  bâillement  est  pénible  pour 
celui  qui  parle,  ïhiatuses\.  désagréable  pour  ce- 
lui qui  écoute. 

L'hiatus  est  «pielquefois  doux,  quelquefois 
dur;  et  l'on  va  s'en  apercevoir.  Les  accents  de 
la  voix  peuvent  cire  tour  à  tour  détachés  ou  cou- 
lés, comme  ceux  de  la  flûte;  et  l'articulation  est 
à  l'orgunc  ce  que  le  coup  de  langue  est  à  l'instru- 
ment. Or,  la  modulation  du  style,  comme  celle 
du  chant,  exige  tantôt  des  sons  coulés,  et  tantôt 
des  sons  délachôs,  selon  le  caractère  du  sentiment 
ou  de  l'image  que  l'on  veut  peindre;  donc,  si  la 
comparaison  est  juste,  non-seulement  l'hiatus  est 
quelquefcis  permis,  mais  il  est  souvent  agréable. 
C'est  au  sentiment  à  le  choisir,  c'est  à  l'oreille  à 
marquer  sa  [ilace.  Nous  sommes  déjà  sûrs  qu'elle 
se  plaît  à  la  succession  immédiate  de  certaines 
voyelles;  rien  n'est  si  doux  pour  elle  que  ces 
mots  :  ifanaé,  Lais,  Phaon,  Léandre ,  Ac- 
téon,  etc. 

L'hiatus  sera  donc  mélodieux  dans  la  liaison 
des  mots,  car  il  est  égal  jiour  l'oreille  que  les 
voyelles  se  succèdent  dans  un  seul  mot,  ou  d'un 
mot  à  l'autre.  11  y  avait  peut-être  chez  les  an- 
ciens une  espèce  de  bâillement  dans  l'hiatus; 
mais  s'il  y  en  a  chez  nous,  il  est  insensible,  et  la 
sucip-sion  de  deux  voyelles  ne  me  sendjlo  pas 
moins  l'ontinue  et  facile  dans  il  y  a,  il  a  été,  que 
dans  Dunaé,  Méléagrc. —  Nous  éprouvons  ce- 
pendant qu'il  y  a  des  voyelles  dont  l'assemblage 
dé[)laît  ;  a-u,  o-i,  a-an,  a-en,  o-un,  sont  de  ce 
nombre,  et  l'on  en  trouve  la  cause  physique  dans 
le  jeu  même  de  l'urgane.  Mais  deux  voyelles  dont 
les  sons  se  modifient  par  des  mouvements  que 
l'organe  exécute  facilement,  comme  dans  Clio, 
Datiaé,  non-seulement  se  succèdent  sans  dureté, 
mais  avec  beaucoup  de  douceur. 

L'hiatus  d'une  voyelle  avec  elle-même  est  tou- 
jours dur  à  l'oreille.  11  vaudrait  mieux  se  donner, 
même  en  prose,  la  licence  que  Racine  a  prise 
quand  il  a  dit  j'écrivis  en  Jrgos,  que  de  dire 
j'écrivis  à  Argns.  C'est  encore  pis  ([uand  l'hiatus 
est  redoublé,  comme  dans  il  alla  à  Athènes. 

Ou  voit  par  là  qu'on  ne  doit  ni  éviter  ni  em- 
ployer indd'féremment  l'hiatus  dans  la  prose.  Il 
était  permis  anciennement  dans  les  vers  ;  on  l'en 
a  banni  par  une  règle,  à  mon  gré,  trop  générale 


HIS 


345 


et  trop  sévère.  La  Fontaine  n'en  a  pas  tenu 

compte,  et  je  crois  ipi'il  a  eu  raison. 

Du  reste,  parmi  les  écrivains  (pii  ob.servcnt 
cette  règle  en  apparence,  il  n'y  en  a  pas  un  qui 
ne  la  viole  en  effet,  toutes  les  fois  que  \'e  muet 
final  se  trouve  entre  deux  voyelles;  car  cet  e 
muet  s'élide,  et  les  sons  des  deux  voyelles  se  suc- 
cèdent immédiatement  : 

Heclor  tomba  sous  lui,  Troy' eipiis  sous  vous.... 
(Ric,  >4ridrom.,  act.  I,  se.  il,  6.) 

Allez  donc,  et  portez  cette  joi'  à  mon  frère. 

(Rac,  Britan.,  act.  IV,  se.  il,  189.) 

11  y  a  peu  d'hiatus  aussi  rudes  (jue  celui  de  ces 
deux  vers,  l.a  règle  qui  i)erinet  cette  élision  et 
qui  défend  l'hiatus  est  donc  une  règle  capri- 
cieuse, et  aussi  peu  d'accord  avec  elle-même 
(ju'avec  l'oieille, qu'elle  prive  d'une  iiilinilé  de 
douces  liaisons.  (Extrait  de  Marinontel.)  Voyez 
Bédllement,  Demi-hiatus. 

HiDKusEMENT.  Adv.  Il  sc  mct  entre  le  verbe  et 
l'adjectif,  ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il 
est  hideusement  laid,  elle  est  hideusement  défi- 
gurée. 

Hideux,  Hideuse.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst. ,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Un  homme  hideux,  une  femme  hideuse.  Un 
spectacle  hideux.  Quel  hideux  .spectacle !  Devant 
un  infinitif,  il  régit  la  préposition  à  :  Une  chose 
hideuse  d  voir.  Voyez  Adjectif. 

Hier.  Adv.  On  prononce  le  r.  Cet  adverbe 
peut  se  mettre  devant  ou  a|irès  le  verbe,  mais 
jamais  entre  l'auxiliaire  et  le  i)articipe  :  Hier 
710VS  allâmes,  OU  nous  allâmes  hier  ;  mais  non 
pas  nous  avotis  hier  été. 

Il  désigne  quelquefois  une  époque  indétermi- 
née, mais  qui  n'est  passée  «lue  depuis  peu  :  C'est 
une  histoire  d'hier,  une  fortune  d'hier,  un 
homme  d'hier. 

HiÉRARCHiQCE.  Adj.  dcs  dcux  gcurcs.  Cet  adj. 
se  met  toujoui-s  après  son  subst.  :  Ordre  hiérar- 
chique, état  hiérarchique,  gouvernement  hié- 
rarchique. 

Hiérarchiquement.  Adv.  Il  se  met  après  le 
verbe  :  L'Eglise  est  gotivernée  hiérarchique- 
ment. 

Hiéroglyphique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Caractère  hiérogly- 
phique, figure  hiéroglyphique. 

HiSToiiiocRAPiiE.  Snbst.  m.  Titre  fort  différent 
de  celui  d'hi>lorien.  On  appelle  communément 
en  France  historiographe  l'homme  de  lettres  jicn- 
sionnç,  et,  comme  on  disait  autrefois,  appointé 
pour  écrire  l'histoire.  Alain  Chartier  fit  histo- 
riographe de  Charles  l^Il. 

Ilcst  trcs-difficiled'assignerauxsciencesetaux 
arts,  aux  travaux  littéraires,  leurs  véritables  b'^r- 
nes.  Peut-être  le  propre  d'un  historiographe  est 
de  rassembler  les  matériaux,  et  on  est  historien 
quand  on  les  met  en  œuvre.  Le  prcimcr  peut 
tout  amasser,  le  second  choisir  et  arranger.  L'his- 
toriographe tient  plus  de  l'annalisle  simple,  et 
Miistorien^amXAc  avoir  un  champ  plus  libre  pour 
l'éloquence.  (Volt.,  Dict. philos.) 

Historique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'a[)rès  son  subst.  :  Style  historique,  narration 
historique,  recueil  historique,  mémoires  histori- 
ques, faits  historiques.  —  Temps  historiques, 
personnages  historiques. 

Historiquement.  Adv.  Il  ne  se  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  narré  les  faits 
historiquement,  ou  il  a  narré  historiqueme-iit  les 


34G 


HOM 


faits;  Cl  non  pas  H  a  historiquement  narré  les 
faits. 

Hiver.  Subsl.  m.  On  appelle  iiçiiromenlcl  poé- 
tiquemenl  la  vieillesse  fhiver  des  ans,  l'hiver  de 
la  vie: 

Je  sais  que  tos  appa<,  encor  duis  leur  priiilemp?, 
Pourraient  s'elTaroucher  de  l'hivtr  ii  me»  ana. 

(Volt.,  Mir.,  act.  I,  se.  m,  15.) 

Ho.  Interjection.  File  marque  rùtonncmenl  et 
l'indigniilion  :  //'>.'  que  me  ditei-nnis  là  ?  —  Elle 
sert  aussi  à  appeler  :  Hu  !  venez  unpni  ici. 

Hocni-.T.  Siihst.  m.  Ce  mol,  qui  signifie  au 
propre  un  ;<iuet  d'enfant,  s'emploie  aussi  lisurc- 
ment  :  Les  hochets  de  la  vieillesse.  Fonlenelle  a 
dit  :  //  est  des  hochets  pour  tout  âge. 

HoLA.  Tnlcrjection,  adv.  et sul)sl. L'Académie, 
enlcdomiant  comme  subslanlil",  (Wlrnettre/e  hohi, 
et  mettre  les  holà.  Féraud  dit  (pi'cn  ce  sens  il  est 
subslanlif  indécHnaUe.  11  a  voulu  dire,  sans 
doute,  qu'il  ne  prend  point  de  s  au  pluriel. 

HoLLA^DE.  Dans  ce  mol,  le  7*  est  aspiré.  Ce- 
pendant, dans  certaines  phrases  (pii  ont  jiassé  du 
îantr.igc  du  i)cuplc  dans  le  langage  commun,  ou 
ne  l'asiiirc  pas.  Ain.si  on  dit  toile  d'Hollande, 
fromage  d'Holtatide ;msih  il  vaut  mieux  conser- 
ver partout  l'aspiration.  L'Académie,  au  mol  Fro- 
mage, écrit  fromage  de  Hollande;  et  au  mol 
Toile,  toile  de  Hollande,  ou  d'Hollande  ;  on  ne 
sait  trop  que  conclure  de  ces  trois  exemples. 

Homélie.  Subsl.  f.  L'Académie  défuiit  ce  mol, 
discours  fait  pour  expliquer  au  peuple  les  matiè- 
res de  la  religion,  et  particulièrement  l'Evan- 
gile. On  en  peut  dire  à  peu  près  autant  des  ser- 
mons et  des  prônes. 

Ce  mot  signiflail  originairement  conférence  ou 
assemblée  ;  mais  il  s'est  dit  ensuite  des  cxliorta- 
lions  et  lies  sermons  qu'on  faisait  au  peuple.  Le 
mot  grec  d'homélie  signifie  discours  familier , 
comme  le  mol  latin  senno,  et  l'on  nommait  ainsi 
les  discours  qui  se  faisaient  dans  l'église,  pour 
montrer  (jue  ce  n'étaient  pas  des  harangues  et 
des  discours  d'apparat,  comme  ceux  des  orateurs 
profanes,  mais  des  entretiens,  comme  d'un  maître 
à  ses  disciples,  ou  d'un  père  à  ses  enfants.  On 
distinguait  Yhomélie  du  sermon,  en  ce  que  la 
première  se  faisait  familièrement  dans  les  églises 
par  les  prélats  qui  interrogeaient  le  peuple,  et 
qui  en  étaient  interroges  comme  dans  une  confé- 
rence ;  au  lieu  que  les  sermons  se  faisaient  en 
chaire,  à  la  manière  des  orateurs. 

H0.MICIDE.  Subst.  m.  <iui  se  prend  adjective- 
ment. Ce  mot  se  dit  et  de  l'action  de  tuer  un 
homme,  el  de  celui  qui  a  commis  celte  action  : 
Commettre  uji  homicide.  On  a  condamné  l'homi- 
cide à  mort.  —  Homicide,  adjectif,  n'est  guère 
d'usage  que  dans  le  style  souteiui,  el  se  met  tan- 
tôt avant,  tantôt  après  son  subst.  :  Uu  bras  ho- 
micide, sa  ■main  homicide,  dessein  hoviicide, 
complot  homicide 

J'ii  senti  tout  à  coup  un  homicide  acier 

Que  le  traître  «n  mon  sein  s  plongé  tout  entier. 

(RiC,  Ath.,  act.  II,  se.  V,  54.) 

Voyez  Adjectif 

11  est  bon  d'observer  ici  qu'il  y  a  certaines 
actions  «lui  causent  la  morl  d'autrui,  que  l'on  ne 
qualifie  pas  d'homicide,  el  que  l!on  ne  considère 
pas  comme  un  crime.  Ainsi  les  gens  de  guerre 
qui  tuent  des  ennemis  dans  un  combat,  ne  sont 
pas  qualifit-s  d'homicides,  et  lorsque  l'on  exécute 
un  homme  condamné  a  mort,  cela  ne  s'appelle 


HOM 

pas  un  homicide,  mais  une  exécution  à  mort  ;  cv 
celui  qui  donne  ainsi  la  mort  ne  commet  point 
de  crime,  parce  qu'il  le  fait  en  vertu  d'une  au- 
torité légitime. 

Homme.  Subst.  m.  On  dit  pour  marquer  l'état, 
la  profession,  vn  homme  de  gticrre,  un  homme 
d'éfflise,  un  homme  d'épée,  un  homme  de  lettres  ; 
pour  marquer  les  qualités,  un  homme  do  cœur, 
■un  homme  de  courage,  un  homme  de  bon  sens,  vu 
^07n??ierfej7(iM/.  Pour  marquer  ce  qu'un  homme  est 
capal>lo  défaire,  on  dil,  sansarticlo,  t7  m^/wwtti*' 
éi  se  battre,  il  est  homme  à  tout  (ntnprendre,  il 
n'est  pas  homme  à  endurer  un  affront. 

Gens  est  souvent  le  pluriel  du  mol  homme. 
Un  homme  de  bieit,  des  gens  de  bien  ;  vn  homme 
d'éfflise,  des  gens  d'église  ;  un  homme  de  lettres, 
des  gens  de  lettres;  vn  honnête  homme,  d'hon- 
nêtes gens;  vn  brave  homme,  de  braves  gens  ; 
un  saint  homme,  de  saintes  gens,  etc.;  et  non 
\iViS  d'honnêtes  hommes,  de  braves  hommes,  de 
saints  hotnmes,  etc.  —  Voltaire,  dans  sa  80' 
Épîtrc  (v.  37j,  a  dit  honnête  homme  en  parlant 
d'une  femme: 

Une  femme  sensiljle,  ei  queramour  engage, 

Quand  elle  est  honnête  homme,  à  mes  yeux  est' un  sage. 

C'est-à-dire  quavid  elle  a  les  qualités  d'un  hon- 
nête homme  ;  c'est  ce  que  n'aurait  pas  exprimé 
honnête  femme. 

"S'oliaire  fait  de  ce  mot  un  adjectif,  en  écrivant 
à  Maupertuis  :  Il  n'ij  a  que  le  roi  de  Prusse  que 
je  meis  de  niveau  avec  vous,  parce  que  c'est  de 
tous  les  rois  le  moins  roi  et  le  plus  homme. 

HoMMAssE.  Adj.  L'Académie  le  fait  des  deux 
genres,  ce  qui  est  en  conlradiclion  avec  l'expli- 
cation qu'elle  donne  de  ce  mot.  Cet  adjectif  ne 
se  dil  que  d'une  femme  dont  les  traits,  le  son  de 
la  voix,  la  taille,  tiennent  plus  de  l'homme  que 
de  la  femme. 

HoMosYME.  Adj.  des  deux  genres.  Terme  de 
grauunaiic.  On  appelle  ainsi  un  mot  qifi  sert  à 
nommer  plusieurs  choses  diiïérenles,  comme 
coin,  qui  signifie  un  instrument  à  fendre  du  bois, 
un  angle,  la  uialriLC  ou  rinslrumont  avec  quoi 
l'on  marque  la  monnaie  ou  les  médailles. 

On  peut  distinguer  deux  espèces  d'homony- 
mes, \' homonyme  vnivoque,  et  V homonyme  équi- 
voque. Un  homonyme  univoque  est  un  mot  qui, 
sans  aucun  chang'craont  daiis  le  matériel,  est  des- 
tiné par  l'usage  à  diverses  significations  propres, 
el  dont  jiar  conséciuent  le  sens  acliicl  dépend 
toujours  des  circonstances  où  il  est  employé;  tel 
est  le  mol  coin,  dont  nous  venons  de  parler.  J'ai 
dil  diverses  significations  propres,  parce  qu'on 
ne  doit  i)as  regarder  un  mot  comme  homojiyme, 
quoiqu'il  signifie  une  chose  dans  le  sens  propre, 
el  une  autre  dans  le  sens  figuré.  Ainsi  le  mot 
voix  n'est  point  homonvine,  (pioiqu'il  ail  dans  le 
sens  figuré  des  significnlioiis  différentes  de  celles 
du  sens  propre.  ï)ans  le  sens  propre,  il  signifie  le 
son  qui  sort  de  la  bouche;  dans  le  ligure,  il  si- 
gnifie quelquefois  un  sentiment  intérieur,  une 
sorte  d'inspiration,  com'.nc  quand  on  dit  la  voix 
de  laconscicnce;  el  d'autres  fois,  \m  suffrage,  un 
avis,  comme  quand  on  dit  qu't7  vaudrait  mieux 
peser  les  voi.r  que  de  les  compter. 

On  ai>[)elle  homontjmes  équivoques,  des  mots 
(jui  n'ont  entre  eux  que  des  différences  très- 
légères,  ou  dans  la  pnmonciaiion  ou  ilans  l'oi^ 
thographe,  ou  même  dans  l'une  et  dans  l'autre, 
(|uo1(ju'ils  aient  des  significations  tolalcinent  dif 
.  férenles.  Par  exemple',  les  mots  ceinl,  cinctus; 


HOM 

sain,  sanus  ;  sein,  sùms;  et  seinir,  chirogra- 
phuiii,  ne  dilTércnt  entre  eux  que  par  l'orlhogra- 
phc;  et  les  nuits  lâche,  pensum;  et  tache,  7iia- 
cula,  différent  entre  eux  et  par  la  prononciation 
et  par  l'orthographe. 

L'usage  des  homonymes  de  la  première  es- 
pèce exige  tpic,  dans  la  suite  d'un  raisonnement, 
on  attache  constamment  au  môme  mot  le  même 
sens  qu'on  lui  a  d'abord  supposé;  parce  qu'à 
coup  sur  ce  qui  convient  à  l'un  ne  convient  pas 
à  l'autre,  par  la  raison  même  de  leur  différence, 
et  que  dans  l'une  des  deux  acceptions  on  avan- 
cerait une  proposition  fausse,  qui   deviendrait 


HOM 


347 


peut-être  ensuite  la  source  d'une  inGnité  d'er- 
reurs. 

L'usage  des  homonymes  de  la  seconde  espèce 
exige  de  l'exactitude  dans  la  prononciation  et 
dans  l'orthographe,  afm  qu'on  ne  présente  pas, 
jiar  maladresse,  un  sens  louche  et  même  ridicule, 
en  faisant  entendre  on  voir  un  mol  pour  un  au- 
tre qui  en  approche.  (Bcauzée.) 

On  a  remarqué  dans  ce  que  nous  venons 
de  dire,  que  le  mot  homonyme  se  prend  subs- 
tantivement. Quand  il  est  pris  adjectivement,  il 
suit  toujours  son  substantif. 


HOMONYMES   QUI   ONT   UNE    SIGNIFICATION   DIFFÉRENTE, 

SELON  qu'ils  sont  PRONONCÉS  LONGS  OU  BREFS. 


Acre,  piquant. 

Alêne,  ou'il  de  cordonnier. 

Avant,  préposition. 

Bailler,  o\ivrir  la  bouche  extraordinairemenl  en 

respirant. 
Bat,  selle  pour  les  bêtes  de  somme. 
.B«a«<e,  régularité  et  perfection  des  traits. 
Bete,  animal  irraisonnable. 
Boîte,  ustensile  à  couvercle. 
Bond,  saut. 
Chair,  substance  molle  qui  est  entre  la  peau  et 

les  os  de  l'animal. 

Clair,  adjectif. 

Corps,  substancee  étendue. 

Côte,  os  plat  et  courbé  qui  s'étend  de  l'épine  du 

dos  n  la  poitrine. 
Cours,  lieu  de  promenade. 
Craint  (il),  du  verbe  craindre. 
Cuîre,  verbe. 

Dégoûte  (il),  il  ôte  le  goût,  l'appétit, 
Dôni,  adjectif  conjonclif. 
Faite,  sommet. 
Foret ,  grande  étendue  de  terrain  couvert  de 

bois. 
Fûmes  (nous),  du  verbe  être. 
Govte  (il),  du  verbe ^OM^er. 
Grave,  adjectif. 
Haie,  air  chaud  et  sec  qui  flétrit  le  teint  des 

herbes. 
Hôte,  qui  lient  une  hôtellerie. 
Jah<!,  substance  d'un  noir  luisant. 
Jeûne,  abstinence. 
Z-aïi,  jeune  baliveau. 
Laisse  (je),  du  verbe  laisser. 

Legs,  don  fait  par  testament. 


MaUre,  substantif. 
Mâle,  (pii  est  du  sexe  masculin. 
^h'itin,  chien. 

Moi.v,  douzième  partie  de  l'année. 
Mint,  montacne. 
Mùr,  adjectif. 
Nait  (il),  du  verbe  naître. 
Pâte,  farine  détrempée  et  pétrie. 
Paume,  jeu.  —  Le  dedans  de  la  main. 
Pécher,  prendre  du  poisson. 
Pêne,  morceau  de  fer  qui  ferme  une  serrure. 
Rôt,  mets. 

Scis,  tissu  de  crin  qui  sert  à  passer  de  la  fari 
ne,  etc. 


Acre  de  terre. 

Haleine,  air  attiré  et  repoussé  par  les  poumons. 

Avënt,  les  quatre  semaines  avant  Noël. 

Bailler,  donner. 

Bût  ''il),  du  verbe  battre. 
Botté,  qui  a  mis  des  bottes. 
Bette,  herbe  potagère. 
Bcùte  (il),  du  verbe  boite. 
Bon,  adjectif. 

Cher,  adjectif. 

Clerc,  celui  qui  travaille  chez  un  notaire  ou  un 

procureur. 
Cor.,  durillon  aux  pieds.  — Instrument. 

Cote,  marque  numérale. 

Cour,  espace  découvert  enferme  de  murs. 

Crin,  poil  long  et  rude. 

Cutr,  peau  d'animal. 

Dégoutte  (il),  il  tombe  goutte  à  goutte. 

Don,  présent. 

Faîte,  participe  féminin  du  verbe  faire. 

Forêt,  petit  instrument  qui  sert  à  percer. 

Fume  (je),  du  verbe  fumer. 
Goutte,  petite  partie  d'un  liquide. 
Grave  (il),  du  \erhe  graver. 


I  Halle,  lieu  qui  sert  de  marché. 


Hôite,  panier  que  l'on  porte  sur  le  dos. 

Jet,  action  de  jeter. 

Jeune,  j)eu  avancé  en  âge. 

Lai,  laïc,  frère  lai. 

Laisse,  cordon  pour  mener  des  lévriers. 

Laid,  adjectif. 

Laît,  liqueur  blanche  que  donnent  les  femelles 

de  cerlains  animaux. 
Mettre,  verbe. 
Molle,  espèce  de  coffre. 
Mâtin,  premières  heures  du  jour. 
Mot,  pronom  personnel. 
Mon,  adjectif  possessif. 
Mur,  muraille. 
Nit,  adjectif. 
Patte,  pied  des  animaux. 
Pomme,  fruit. 

Pêcher,  transgresser  la  loi  divine 
Peine,  affliction,  souffrance. 
Rot,  vent  qui  s'échappe  avec  bruit  de  l'estomac. 
Ça,  adverbe. 
ia,  adjectif  possessif. 


548 


IION 


HON 


Saut,  action  de  saulcr. 

Saint,  pur,  souverainemei.t  parrail. 


I  Sôt,  slupide,  grossier. 

/  Ceait,  |turticipe  passé  du  verbe  ceindre. 

I  SeUi,  partie  du  corps  liumain. 

(  Seing,  signature. 

J  Sehte,  rivière, 
j  Tache,  souillure. 


Sci'ne,  lieu  où  se  passe  uns  action. 

Ci'/ie,  dernier  souper  de  Jésus-Christ 

Tâche,  ouvrage  donné  à  faire  en  un  temps  li 

mité. 
rr^.,^parlie  de  ranimai,  siège  des  organes  des  j  ^.^^^  ^.^^^  ^^  ^,^,.^^  ^^^^^ 

Tris,  adverbe. 

f'''a}ne,  féminin  de  l'adjectif  vain. 

Fer,  insecte  long  et  rampant. 

filtres,  suiistanlif. 

f  oJx,  son  qui  sort  de  la  bouche  de  l'homme. 


Trait,  dard.  — Ligne  au  crayon  ou  à  la  plume 

freine,  vaisseau  (jui  contient  le  sang. 

P'rrt,  la  couleur  verte. 

Vivre,  verbe. 

Voit  (il),  du  verbe  voir. 


Nous  avons  retranché  de  cette  liste,  donnée  par  plusieurs  grammairiens,  les  mots  plaine,  plate 
campagne,  et  pleine,  féminin  de  l'adjcctif/j/ff/i,  dont  on  veut  que  le  premier  soit  long,  et  le  second 
bref;  parce  «jue  nous  pensons  qu'ils  sont  brefs  l'un  et  l'autre.  Il  en  est  de  même  de  voler,  déro- 
ber, et  voler  comme  les  oiseaux.  Nous  pensons  que  l'on  prononce  voler  dans  l'un  et  dans  l'autre 
sens. 


Hongrie.  Subsl.  f.  Nom  d'un  royaume.  Le  7t 
s'aspire,  excei)té  dans  quelques  phrases  qui  ont 
passé  du  langage  du  peuple  dans  le  langage  com- 
imm.  Ainsi  l'on  dit  du  peint  d'Hongrie,  de  l'eau 
de  la  reine  d'Hongrie.  11  est  mieux  de  conserver 
partout  l'aspiration. 

Ho^(;p,ols,  HoNcr.oisE.  Subst.  qui  se  prend  ad- 
jectivement. Qui  est  de  Hongrie.  Quand  il  est 
pris  adjeclivemont  il  suit  toujours  son  subst.  : 
Le  peuple  hongrois,  des  soldats  hongrois. 

Honnête.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met  tan- 
tôt avant  son  subst,,  tantôt  après.  En  pailant  des 
choses,  on  dit  umour  honnête,  honiiète  amitié, 
honnête  éyniilation, -conduite  honnête,  action  hon- 
nête, âme  honnête,  récompense  honnête,  honnête 
récompense;  famille  honnête,  honnête  famille  ; 
air  honnête,  manières  honnêtes.  —  En  parlant 
des  personnes, /jo/iwè/e  homme,homme  honnête,  ne 
signifient  i)as  la  niême  chose;  le  premier  désigne 
un  homme  (pli  a  de  la  probité,  ou  simplement  qui 
a  un  rang,  de  la  fortune,  et  qui  jouit  de  l'estime 
publique;  par  le  second  on  entend  un  homme 
poli  qui  observe  toutes  les  bienséances  et  tous 
les  usages  de  la  société.  Le  pluriel  d'honnête 
homme  est  honnêtes  gens,  et  non  pas  honnêtes 
hommes. — On  appelle  honnête  femme  une  femme 
qui  n'a  point  d'amants,  quelques  défauts  ([u'elle 
puisse  avoir  d'ailleurs.  C'est  un  abus  du  mot. 
Un  autre  abus,  c'est  qu'on  d'jnne  le  nom  é'ho7i- 
nêtes  aux  manières,  aux  attentions  d'un  homme 
jioli.  L'estime  que  mèrilent  ces  petites  vertus  est 
si  peu  de  chose,  en  comparaison  de  celle  que 
mérite  un  honnête  homme,  qu'il  semble  que  ces 
abus  d'un  mol  ijui  exprime  une  si  respectaLile 
idée,  prouvent  les  progrès  de  la  corruption. 

HoNNÊTf.MENT.  Adv.'llsc  uict  quclquefois  cutrc 
l'auxiliaire  et  le  parlici[)e:  Vivre  honnêtement; 
on  l'a  traité  honnêtement,  on  l'a  honnêtement 
traité;  il  est  honnêtement  meublé. 

Honnêteté.  Subst.  f.  Quand  il  signilie  la  qua- 
lité d'un  honnête  homme,  il  ne  prend  point  de 
pluriel  :  Lhimnêlclé  de  ces  deux ^  frères  m'est 
connue  ;  je  réponds  de  leur  honnêteté.  — Hon- 
nêteté jirend  un  pluriel  (piand  il  se  dit  des  ma- 
nières, des  procédés  d'iui  houniic  honnête,  c'est- 
à-dire  d'un  homme  civil,  poli,  obligeant  :  H  ne 
lui  a  pas  fuit  une  honnêteté,  il  m'a  fuit  mille 
honnêtetés. 

Honneur.  Subsl.  m.  Ce  mot  est  pris  dans  un 
grand  nombre  d'acceptions,  que  l'Académie  sem- 
ble avoir  quelquefois  o^nfoudues. 


L'honneur  se  dit  du  sentiment  de  l'estime  de 
nous-mêmes,  et  du  droit  que  nous  avons  à  celle 
des  autres,  en  conséquence  de  notre  droiture  et 
de  notre  probité.  C'est  dans  ce  sens  qu'on  dit  un 
homme  d'honneur,  un  homme  sans  honneur;  il 
aime  l'honneur  ;  il  mourrait  plutôt  que  de  faire 
une  mauvaise  action.  En  ce  sens,  le  mot  hon- 
neur n'a  point  de  pluriel. 

L'honneur  se  dit  aussi  delà  bonne  opinion  que 
les  autres  ont  de  notre  droiture,  de  notre  probité, 
de  notre  courage.  En  ce  sens,  on  peut  aroir  de 
l'honneur  sans  élrc  un  homme  d'honneur,  cl  être 
vn  homme  d'honneur  sans  avoir  de  l'honneur;  car 
d'un  côté  l'hypocrisie  usurpe  souvent  ce  qui  n'est 
dû  qu'au  vrai  mérite,  et  la  calomnie  se  plait  à 
répandre  son  venin  sur  les  vertus  les  plus  pures. 
On  dit,  en  ce  sens,  acquérir  de  l'honneur  ;  atta- 
quer, blesser,  flétrir,  déchirer  l'honiieur  de  quel- 
qu'un; faire  réparation  d'honneur  à  quelqu'un; 
se  tirer,  sortir  d'une  a/faire  avec  honneur.  En 
ce  sens,  hotmeurna  point  de  pluriel. 

Honneur  èe  dit  des  démonstrations  de  respect, 
des  marques  de  civilité,  de  politesse.  C'est  ainsi 
qu'on  dit  rendre  honneur  à  Dieu;  faire  des 
honneurs,  de  grands  honneurs  à  quelqu'un  ;  on 
l'a  reçu  avec  de  grands  honneurs  ;  faire  les 
honneurs  d'une  ynaison,  d'un  repas,  d'une  fête; 
rendre  les  honneurs  funèbres. 

On  appelle  honneurs  au  plurielles  dignités,  les 
décorations,  les  marciucs  de  distinction  que  le 
souverain  accorde  ou  distribue  à  ceux  qu'il  en 
croit  dignes,  ou  qu'il  lui  plaît  de  favoriser.  Dans 
les  états  monarchit]ues,  il  y  a  des  honneurs  pour 
diverses  classes  de  la  société.  On  dit  en  ce  sens 
aspirer  aux  honneurs,  cire  élevé  aux  honneurs, 
être  décoré  d'une  marque  d'honneur. —  On  dit 
aussi  proverbialement,  les  honneurs  changent  les 
mœurs. 

11  y  a  des  conseillers  d'honneur,  des  marguil- 
liers  d'honneur,  et  même  des  membres  d'hon- 
neur dans  les  académies,  c'est-à-dire  des  con- 
seillers, des  raarguillicrs,  des  académiciens  qui, 
n'ayant  pas  les  qualités  ou  les  talents  nécessaires 
pour  renq)lir  les  fonctions  de  ces  places,  y  sont 
appelés  sous  |)rètexte  d'un  hommage  rendu  à 
leur  naissance,  à  leur  dignité,  à  leurs  richesses, 
à  la  faveur  dont  ils  jouissent  auprès  du  i)rince , 
mais  en  effet  pour  se  procurer  de  la  protection 
ou  d'autres  avantages. 

Faire  honneur,  procurer  delà  gloire,  de  la  ré- 
putation.  Un  homme  de  génie  fait  honneur  à  ta 


HON 

patrie,  à  sa  nation,  à  son  pays.  Un  bon  o'jvrage 
fait  honneur  «  son  auteur. 

Du  reste,  le  mol  honneur  est  souvent  prodi- 
gué à  tort  el  à  travers  dans  les  formules  de  la 
civilité.  On  a  l'honneur  de  vous  voir,  de  vous 
parler,  de  vous  entcnd'T,  de  vous  rencontrer, 
de  fous  offrir  quchiue  chose.  11  faut  se  soumettre 
a  ces  formules  ridic\ilcs  ;  car  il  y  a  des  gens  qui 
ne  vous  pardonneraient  pas  si  vous  n'aviez  que 
le  plaisir  do  les  voir  ;  ils  veulent  absolument  que 
ce  soit  pour  vous  un  honneur. 

Honorable.  Adj.  des  deux  genres.  Cet  adj. 
peut  se  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'o- 
reille et  l'analogie  :  Poste  honorable  ;  profession, 
condition,  emploi  honorable  ;  des  blessures  ho- 
nnrulh's,  d'honorables  blessures.  —  On  appelle 
amende  honorable  un  acte  par  leiiuel  un  criminel 
m.,  en  chemise,  demande  publiquement  pardon  à 
Dieu,  au  roi  et  à  la  justice,  en  exécution  du  ju- 
gement qui  l'a  condaumé.  11  n'y  a  rien  de  si  dés- 
honorant que  celle  amende  honorable,  et  il  faut 
convenir  qu'ici  l'usaçc  a  bien  abusé  du  terme. 

HoKORADLE.MENT.  Adv.  11  pcut  sc  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  .•  Il  a  été  reçu  honora- 
blement, il  a  été  honorablement  reçu,  on  Va 
traité  honorablement,  on  l'a  honorable  ment  traité. 

Honoraire.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Conseiller  honoraire,  tuteur 
honoraire. 

Honte.  Subsl.  f.  Ce  mot  n'a  point  de  pluriel; 
il  paraît  qu'autrefois  on  lui  en  donnait  un.  La 
Bruyère  a  dit  :  La  plus  brillante  fortune  ne  mé- 
rite point  ni  It:  tourment  que  je  me  donne,  ni  les 
huviiliations,  ni  les  hontes  que  j'essuie. 

Corneille  a  dit  aussi  [Pomp.,  acl.V,  se.  m,  41)  : 

Pour  résenrer  sa  têle  aux  honte$  d'un  supplice. 

Cependant  on  trouve  dans  certaines  éditions, 
à  l'affront  d'un  supplice.  Enfin  il  a  dit  dans  Ro- 
dogune  (act.  IV,  se.  m,  51)  : 

....  Vous  avez  dû  garder  le  souvenir 

Deê  hontes  que  pour  vous  j'avais  su  prévenir. 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  dernier  vers  :  La 
honte  n'a  point  de  pluriel,  du  moins  dans  le  style 
noble. — Ainsi  il  ne  le  condamne  pas  expressément 
dans  le  langage  ordinaire. 

On  dit  avoir  honte  de  faire  quelque  chose,  et 
avoir  honte  de  quelque  chose  Féraud  prétend 
qu'avec  le  verbe  avoir,  honte  se  dit  toujours  sans 
la  préposition  de,  même  quand  la  phrase  est  né- 
gative. 11  re|)roche  à  Fénelon  d'avoir  dit .  N'ayez 
point  de  honte  à  attribuer  à  leurs  instructions 
ce  que  vous  ferez  de  meilleur  ;  et  à  l'Académie 
d'avoir  donné  pour  exemple  :  Naves-vous  point 
de  honte.  Il  nous  semble  que  Féraud  est  ici  dans 
l'erreur.  La  honte  est  im  sentiment  susceptible 
de  plus  ou  de  moins.  Quand  on  dit  je  n'ai  pas 
honte  d'avoir  dit  cela,  honte  est  j)ris  dans  un 
sens  général  el  indéterminé.  Mais  dans  je  n'ai 
point  de  honte  d'avoir  fait  cela,  hotite  est  consi- 
déré comme  suscci)lible  de  plus  ou  de  moins,  il 
est  [Mis  dans  un  sons  partitif;  c'est  comme  si  l'on 
disiiii  je  n'ai  pas  le  moindre  sonlimenl  de  honte; 
et  il  y  a  une  nuance  entre  ces  deux  manières  de 
s'exprimer.  On  dira,  aans  un  sens  général  el  in- 
déterminé, il  ne  faut  pas  avoir  honte  de  foire 
une  bonne  action,  et  non  pas  i^  ne  faut  point 
avoir  de  honte,  etc.  Mais  si  un  homme  a  commis 
une  acticn  de  nature  à  produire  la  honte  la  plus 
grande  dans  une  âme  tant  soit  peu  honnête,  je 


UON 


349 


lui  dirai  :  N'avez-vous point  de  honte  d'avoir  fait 
une  telle  action?  c'est-a-dirc  celte  action  si  pro- 
pre à  exciter  dans  toute  âme  hoimête  la  honte  la 
plus  grande,  n'a-1-elle  pas  produit  dans  la  vôtre 
le  plus  léger  sentiment  de  honte?  11  n'y  a  donc 
rien  à  reprendre,  ni  à  la  phrase  de  Fénelon,  ni  à 
celle  de  l'Académie. 

Une  autre  faute  que  Féraud  reproche  à  Fé- 
nelon dans  la  même  phrase,  c'est  d'avoir  dit 
n'ayez  point  de  honte  d  attribuer,  de.  11  paraît, 
dit-il,  que  Fénelon  a  confondu  dans  cette  occa- 
sion le  verbe  aroi;- actif,  avec  avoir  impersonnel. 
On  dit  il  y  a  de  la  honte  à  être  méchant,  il  n'y  a 
pas  de  honte  à  être  pauvre  ;  mais  on  dit  il  y  a 
honte  d'être  pauvre,  il  n'a  pas  honte  d'être  pau- 
vre.— ki  les  erreurs  de  Féraud  se  multiplient. 
On  ne  dit  pasi.'  y  a  de  la  honte  à  être  méchant, 
il  n'y  a  pas  de  honte  à  être  pauvre  ;  mais  il  y  a 
de  la  honte  d'être  méchant,  il-  n'y  a  pas  de  honte 
d'être  pauvre.  La  phrase  de  La  Bruyère,  que  cite 
lui-même  Féraud,  en  est  une  preuve  suffisante  : 
Quelle  plus  grande  honte  y  al-il,  d'être  refusé 
d'un  poste  que  l'on  mérite,  ou  d'y  être  placé  saîis 
le  mériter?  (De  la  Cour.  ch.  Vlll.)  Dans  ces 
sorlesde  phrases,  soil  que  le  verbe  avoir  soitaclif 
ou  impersonnel,  on  emploie  à  ou  de,  selon  (|ue  le 
verbe  suivant  exprimé  uneactionou  un  état  :  Il  a 
honte  à  mentir,  il  a  honte  d'avoir  menti.  Il  y  a  de 
la  honte  iivo\cr;il  y  a  de  la  honte  d'être  un  voleur. 
Quand  je  dis  selon  que  le  verbe  exprime  une  action. 
il  ne  faut  pas  entendre  par  là  une  action  que  l'on 
fait  actuellement  ;  car  une  action  que  l'on  fait  ac- 
tuellement peulêireconsidéréc  comme  unétat,  re- 
lativement a  celui  qui  la  fait.  Si  unhommeesl  sur 
le  point  de  commettre  un  mensonge,  el  qu'il  rou- 
gisse de  honte  avant  de  le  prononcer,  il  a  honte 
à  mentir  ;  s'il  rougit  en  le  prononçant,  il  a  honte 
de  mentir.  Quand  Fénelon  dit  n'ayez  point  de 
honte  à  attribuer  à  letirs  instructions  ce  que 
vous  ferez  de  meilleur,  attribuer  n'exprime  pas 
une  action  que  l'on  fait  actuellement,  mais  une 
action  que  l'on  doit  faire. dans  la  suite;  et  voilà 
potu'quoi  il  emjjloie  la  préposition  à.  11  aurait 
dil,  dans  le  cas  contraire,  pourquoi  avez-vous 
honte  d'attribuer  à  leurs  instructions  ce  que  vous 
avez  fait  de  7nei!lcur?  Certainement,  en  em- 
ployant la  préposition  à,  Fénelon  a  eu  l'intention 
d'exprimer  la  nuance  dont  nous  parlons,  car 
l'hiatus  que  l'orment  les  deux  mots  à  attribuer 
est  tro|<  sensible  pour  qu'il  ne  l'eût  pas  évité  en 
employant  la  construction  conununo,  s'il  l'avait 
crue  exacte.  Si  l'on  rejetait  cette  manière  de  par- 
ler, autorisée  par  cet  e.xempie  de  Fénelon,  je  de- 
manderais s'il  existe  véritablement  une  nuance 
entre  les  deux  locutions.  On  ne  pourrait  le  nier, 
caria  honte  que  l'on  éprouve  a  la  vue  d'une  ac- 
tion que  l'on  est  sur  le  point  de  faire  est  diffé- 
rente de  celle  que  l'on  éprouve  eu  la  faisant  ou 
après  l'avoir  faite.  Alors  je  demanderais  s'il  y  a 
dansla  langue  une  autre  manière  d'exprimer  celte 
nuance;  et  si  Ton  convenait  «lu'il  n'y  en  a  point, 
j'insisterais,  d  aprèf  l'exemple  d'un  de  nos  i)lus 
illustres  écrivains,  sur  la  nécessité  de  celle  que 
je  viens  d'indiquer. 

"  La  Fontaine  a  dit  dans  la  fable  des  Deux  Anus 
(liv.  VIII,  fableXI,24): 

Qu'un  ami  véritalile  est  une  dnuce  chose! 

Il  clierclievos  besoins  au  fond  de  voire  cœur; 

Il  TOUS  épargne  la  pudtur 

De  les  lui  découvrir  vous-même. 

Le  mot  d&pudeur,  dit  Voltaire,  n'est  pas  pro- 
pre ici.  On  ne  peut  dhe  j'ai  la  pudeur  de  parler 


530 


eoR 


devant  tous,  au  lieu  de  ilïrcj'ai  honte  de  parler 
devant  vous. 

HOMECSEMEAT.  Adv.  On  peut  le  mcllre  cnlre 
l'auxiliaire  et  le  parlicipo  :  H  a  fui  honteusement, 
il  a  été  chassé  honteusement,  ou  il  a  été  hon- 
teusement chassé. 

HoMTEDx,  Ho^TECSE.  Adj.  Oh  pcut  le  meure 
avant  son  subsl.,  lorsque  ranalogie  cl  rharmonu; 
le  permettent  :  Une  conduite  honteuse,  celte  hon- 
teuse conduite  ;  un  procédé  honteux,  ce  ho nteruv 
procédé,  une  fuite  honteuse,  vne  honteuse  fuite  ; 
un  crime  honteux,  un  homme  honteux,  et  non 
pas  un  honteux  crime,  un  honteux  homme  : 

Fier  du  fcontcux  honneur  d'avoir  su  l'éviter. 

(BoiL.,  J.  7>..  IV,  218.1 

Il  régit  quelquefois  la  préposition  de  :  Il  est 
honteux  de  sa  faute.  On  dit  aussi  être  honteux 
devant  quelqu'un,  en  présence  de  quelqu'un. 

Horaire.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Mouvement  horaire. 

IIouDE.  Subst.  f.  Voltaire,  dit  La  Harpe,  fit  en- 
tendre pour  la  première  fois,  dans  /  Orphelin  de 
la  Chine  (acl.  I,  se.  ii,  10),  un  mot  peu  usité  jus- 
qu'alors, et  (jui  a  fait  depuis  une  grande  fortune: 
c'est  celui  «.le  horde,  affecté  originairement  aux 
tribus  errantes  des  Tariarcs.  Ce  mot  était  parfai- 
temeut  à  sa  place  dans  V Orphelin,  et  peut  s'appli- 
quer aussi  à  toute  peuplade  guerrière  ou  uouiuwc. 
On  en  a  fait  depuis  un  abus  ridicule  en  le  niel- 
lant partout,  même  dans  le  langage  familier,  à  la 
place  de  tourbe,  qui  serait  le  mut  convenable. 
C'est  ainsi  que  la  multitude  ignorante  confond  et 
dégrade  les  expressions  réservées  pour  le  style 
noble,  qui  en  devient  tous  les  jours  plusdifticile. 
[Cours  de  littérature.') 

Horizontal,  Horizontale.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Ligne  horizontale,  plan 
horizontal,  cadran  horizontal. 

Horizontalement.  Adv.  Il  ne  se  met  pas  cnlre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Un  cadran  placé  ho- 
rizontalement. 

Horoscope.  Subst.  m.  L'Académie,  dans  les 
premières  éditions  de  son  Dictionnaire,  a  fait  ce 
mot  féminin.  Richelet  et  Trévoux  le  font  mas- 
culin et  féminin  ;  Ménage  ne  le  veut  (jue  mascu- 
lin, et  Wailly  lui  donne  aussi  les  deux  genres. 
Les  variations  de  l'Académie  ont  produit  cette 
incertitude.  Enfin  l'Académie,  dans  ses  dernières 
éditions,  s'est  fixée  au  genre  masculin,  ei  aujuur- 
d'hui  on  lui  donne  généralement  ce  genre. 

Horreur.  Subst.  f.  On  prononce  les  deux  r  : 
Avoir  horreur  de  quelque  chose,  avoir  do  i'hor- 
reur  pour  quelque  chose.  —  On  dit  une  sainte 
horreur,  une  divine  horreur,  pour  dire  un  sai- 
sissement mêlé  de  crainte  et  de  respect  : 

Le  ciel  brille  déclairs,  s'enlr'ouTre,  et  parmi  nous 
Jette  une  tainte  horreur  qui  nous  rassure  tous. 

(Rac,  Iphij.,  act.  T,  se.  VI,  64.] 

D'une  divi*ehorrmr  son  âme  est  pénétrée. 

;VOLT.,  Henr.,  VI,  551.) 

Horreur  c^i  une  expression  dont  on  abuse  sou- 
vent dans  la  conversation.  Les  femmes  surtout 
disent  d'une  chose  tant  soil  peu  difforme,  qu'elle 
fait  horreur,  qu'eiZe  est  à  faire  horreur.  Je  suis 
toiffée  à  faire  horreur.  Ces  sortes  d'exagérations 
sont  ridicules. 

J'ai  pris  dans  l'horreur  même  où  je  suis  parvenue 
Une  force  nouvelle,  etc. 

(YoLT.,  Or^iheUn  de  la  Chine,  act.  V,  se.  i,  51.) 


HOR 

La  Harpe  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Les  exemples 
de  ces  abus  du  mut  horreur  sont  sans  nombre 
dans  Voltaire.  Quelles  phrases  que  celles-ci: 
Prendre  une  force  dans  l'horreur,  et  parvenir 
dune  horreur  !  [Cours  de  littérature.) 

Horrible.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met 
souvent  avant  son  sul)st.,  I(jrs(iue  rharmonieet 
l'analogie  le  permettent:  Une  cruauté  horrible, 
vne  horrible  cruauté;  une  méchunceté  horrible, 
une  horrible  méchanceté  ;  une  laideur  horrible, 
vne  horrible  laideur  ;  une  dépense  horrible ,  une 
horrible  dépense;  une  faute  horrible,  vite  horri- 
ble faute,  etc.  On  dit  il  est  horrible  de  voir...  et 
c'est  vne  chose  horrible  à  voir.  "N'oyez  Adjectif. 

Horriblement.  .\dv.  On  jieut  lé  meure  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  //  avait  souffert  hor- 
riblement, ou  il  avait  horriblement  souffert.  On 
le  met  entre  le  verbe  être  et  le  participe  ou  l'ad- 
jectif: Nous  étions  horriblement  pressés,  et  non 
pas  nous  étions  pressés  horriblement.  Elle  ett 
horrible  me  71 1  laide. 

Hors.  Préposition.  La  préposition  feorj  servant 
à  marquer  exclusion  régit  de  :  Tous  les  viaux 
sont  depuis  longtemps  hors  de  la  boite  de  Pan- 
dore ;  mais  l'espérance  est  encore  dedans.  (Mar- 
montel.)  —  Cette  préposition,  employée  dans  le 
même  sens  devant  un  verbe al'infinilif,  légitaussi 
de  :  Hors  de  le  battre,  il  ne  pouvait  pas  le  trai- 
ter plus  mal.  (Acad.)  Devant  les  autres  modes 
des  verbes,  on  fait  usage  d'c  la  conjonciion  q7ie  : 
Illuia  fait  toutes  sortes  de  mauvais  traitements, 
hors.qu'il  ne  l'a  pas  battu.  (Acad.)  Peut-être  se- 
rait-il mieux  de  dire  ici,  hors  de  le  battre. 

Mais  du  moins  votre  esprit  est  hors  de  ses  alarmes. 
(CoBN.,  Pol.,  act.  II,  se.  III,  2.) 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers;  On  dit  hors 
d'alarmes,  hors  de  crainte,  hors  de  danger;  mais 
non  Iwrs  de  ses  alarmes,  de  .va  crainte,  de  sim 
danger,  parce  qu'on  n'est  pas  hors  de  (j[uelque 
chose  qu'on  a  :  //  est  hors  de  mesure,  mais  non 
pas  hors  de  sa  mesure.  Ce  mot  hors,  bien  em- 
ployé, peut  devenir  noble  : 

Mais  le  cœur  J'Émilie  est  hors  de  son  pouvoir. 

(Corn.,  Cin.,  act.  UT,  se.  iv,  58.) 

Il  nous  semble  que  Voltaire  s'est  trompé  quand 
il  a  dit  qu'on  n'est  pas  hors  de  quelque  chose 
rjji'on  a;  car  on  dit  être  /jor.î  de  sa  maison,  être 
hors  de  son  bon  scîis.  Ce  n'est  pas  jiar  cette  rai- 
son que  l'expression  de  Corneille  est  r(>[)réhensi- 
blc,  mais  par  une  raisou  toute  contraire.  On  ne 
(lit  pa?  être  hors  de  sa  crainte,  parce  ipi'on  ne 
l)eut  pas  être  hors  de  la  crainle  d'un  autre;  il 
faut  donc  supprimer  l'adjeclif  possessif (pii  est  in- 
utile, et  dire  hors  de  crainte.  .Mais  ijue  l'on  dise 
hors  de  crainte,  OU  hors  de  .m  crainte,  cela  signi- 
fie toujours  hors  de  la  crainte  qu'on  a  ou  qu'on 
avait.  On  ne  peut  pas  dire  être  hors  de  maison, 
pour  dire  être  hors  de  sa  viaison,  jiai'ce  qu'on 
jieut  être  hors  de  la  maison  d'un  autre.  De  même 
on  dit  être  hors  de  son  bon  sens,  parce  qu'on 
peut  être  hors  du  bon  sens  général.  Cette  propo- 
sition est  hors  du  bon  sens;  cet  Ivimuie  est  hors 
de.S'U  bon  .icns.  —  On  objectera  qu'on  ne  peut 
pas  «lire  sa  crainte,  de  la  crainle  (lu'une  personne 
a  eue,  et  qu'elle  n'a  plus.  L'adjectif  possessif 
son,  .sa,  ses,  peut  très-bien  se  dire,  et  se  dit  en 
effet  des  choses  rpie  l'on  a  eues,  et  que  l'on  n'a 
plus.  On  dit  5<?*  craintes,  ses  inquiétudes  se  sont 
dissipées,  sa  douleur  a  cessé,  etc. 
Hors-d'oeuvre.  Subsi.  m.  On  écrit  au  plurirf 


HOU 

des  hors-d'œurre  ;  il  se  dit  de  certains  pclils  plats 
que  l'on  sert  pour  accompagner  les  potages ,  et 
qui  ne  font  point  partie  de  rarrangeinent  gênerai 
de  l'œuvre,  c'cst-à-dirc  de  Vœuvrc  du  repas  :  or, 
quel  que  soit  le  nombre  de  ces  plats,  ils  seront 
toujours  hors  de  l'œuvrn,  et  non  pas  hors  des  œu- 
vres. (Euvre  ne  doit  donc  point  prendre  de  s  au 
pluriel  dans  ce  mot  composé. 

Hospice.  Sui)si.  ni.  Ce  mot  se  dit  aujourd'hui 
de  certaines  maisons  de  cliarilo  où  l'on  nourrit 
et  entrelient  des  indigents  ou  des  gens  hors  d'état 
de  gagner  leur  vie  à  cause  de  leur  àïe  ou  de  lotus 
infirmités.  On  distingue  Xff^hospiccs  deshôpitaux; 
ceux-ci  sont  [)arliculièremcnt  destinés  à  la  guéri- 
son  des  malades.  Bicêtre  est  un  hospice;  l'Hùlcl- 
Dieti  est  un  hôpital. 

Hosi'iT.iLiER,  Hospitalière.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Peuple  hospitalier,  nation 
hospitalière. 

Hostie.  Subst.  f.  Victime. 

De  tous  les  corabattants  a-l-il  fait  des  hosties  î 

(Coui*.,  Bor.,  act.  III,  se.  ii,  4.) 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Hostie  ne  se  dit 
plus,  et  c'est  dommage;  il  ne  reste  plus  que  le 
mol  de  victime.  {Remarques  sur  Corneille .) 

Hostile.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  cl 
l'analogie  :  Une  action  hostile,  une  entreprise 
hostile,  un  projet  hostile,  ces  hostiles  projets. 

Hostilemf.nt.  Adv.  1!  ne  se  met  poinl  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Hélait  entré  hostile- 
ment stir  les  terres  de  ce  prince,  et  non  pas  il 
était  hostilement  entré,  etc. 

Hôtel.  Subsl.  m.  Les  bourgeois,  dit  Beauzée, 
occupent  des  maisons;  les  grands  à  la  ville  occu- 
pent des  hôtels  ;  les  rois,  les  princes,  les  évoques 
y  ont  des  palais;  les  seigneurs  ont  des  châteaux 
dans  leurs  terres. 

Hôtel-Dieu.  Subst.  m.  Il  fait  au  pluriel  des 
hôtels-Dieu.  A'oyez  Composé. 

Hôtellerie.  Subst.  f.  Féraud  avertit  avec  rai- 
son que  ce  mot  est  vieux,  et  qu'il  ne  se  dit  plus 
guère  que  dans  les  occasions  où  auberge  serait 
un  terme  trop  bas.  Dans  le  langage  ordinaire,  on 
dit  auberge. 

Hodrvari.  Subst.  m.  L'Académie  dit  que  le 
h  s'aspire,  et  «lue  c'est  un  terme  dont  les  chas- 
seurs se  servent  pour  faire  revenir  les  chiens  sur 
leurs  premières  voies,  (juand  ils  sont  tumbés  en 
défaut.  Si  l'on  ne  veut  pas  aspirer  la  premiéie 
lettre  de  ce  mot,  on  trouvera  dans  le  même  Dic- 
tionnairs  de  l'Académie,  ce  mot  écrit  û((rr«;-<. 
L'Académie  dit  que  hourvari  ou  ourvari  se  di- 
sent ligurémcnt  et  familièrement  pour  dire  un 
grand  bruit,  un  grand  tumulte  :  Il  y  a  eu  là  un 
étrange  hourvari. 

On  a  déjà  reproché  à  l'Académie  d'avoir  con- 
fondu ici  hourvari  et  boulevari.  Le  second  est 
un  terme  de  marine,  et  c'est  celui  qu'on  emploie 
figurémcnt  pour  signifier  un  grand  bruit,  un  grand 
tumulte.  —  Du  reste,  nous  croyons  qxx'ourvari 
n'est  pas  français;  c'est  houi-vari  qu'il  faut  dire. 
Féraud  est  sans  doute  du  même  avis,  car  il  n'a 
point  mis  ourvari.  Le  h  de  hourvari  doit  être  as- 
piré. 

HocsARD.  Subst.  m.  L'Académie  dit  houssard, 
housard  ou  hussard.  On  prononce  communément 
housard.  Le  housard  est  proprement,  selon  l'Aca- 
démie, un  cavalier  hongrois;  et  on  donne  aujour- 
d'hui ce  nom  aux  soldais  d'une  sorte  de  milice  à 
cheval  qui  a  une  manière  particulière  de  com- 


HUM 


35i 


battre,  et  dont  on  se  sert  ordinairement  pour  en- 
voyer en  parti  ou  à  la  découverte.— //ousari  est 
un  mot  de  notre  langue  qui  vient  du  vieux  mol 
houses,  qui  signifiait  guêtres,  bottes,  brodei|uins, 
bottines  qui  se  ferniaicnt  avec  des  boucles  et  des 
courroies,  parce  qu'elles  étaient  fendues  d'ui? 
bout  à  l'autre.  Ainsi  un  housard  se  disait  autre- 
fois d'un  cavalier  chaussé  de  houses.  rrubal)ie- 
ment  le  mot  houses  vient  de  l'allemand  hosen,  qui 
signifie  culotte,  pantalon. 

Hcgcenot.  Subst.  m.  Hdguenotte.  Subst.  f. 
De  l'ailcmaiid  cidjcnoss,  lié  par  serment.  Les 
calvinistes  suisses  ayant  pris,  dans  leurs  disputf.-s 
contre  les  catholiques,  le  nom  de  cidgenoss,  ce 
nom,  (jue  les  Français  prononçaient  huguenots, 
leur  fut  donné  en  France  par  sobriquet,  et  lesca- 
tholi(iucs  de  ce  temps  y  attachéreiit  une  note 
d'infamie.  Ce  mot,  qui  est  une  injure,  n'est  plus 
employé  aujourd  hui  hors  de  l'histoire  que  par 
quekjues  fanatiques.  H  en  est  de  même  du  mot 
huguenotisme. 

Huit.  Adjectif  numéral  invariable.Le  t  final  se 
prononce  quand  ce  mot  est  seul,  le  huit.  Devant 
un  mot  qui  commence  par  une  consonne,  il  ne  se 
prononce  i)as;  on  prononce  hui  chevaux;  il  se 
prononce  devant  un  mot  qui  commence  par  une 
voyelle;  hui-técus. 

Humain,  Hcdaine.  Adj.  Dans  le  sens  de,  qui 
concerne  l'homme,  qui  appartient  à  l'homme,  on 
peut  le  mettre  avant  .son  subst.  :  La  f-.die  hu- 
maine, l'humaine  folie;  les  vertus  humaines,  les 
humaines  vertus;  V industrie  humaine,  l'humaine 
industrie.  Le  genre  humain^  le  corps  humain, 
l'esprit  humain,  l'entendement  humain,  la  na- 
ture humaine,  la  voix  humaine.  —  Dans  le  sens 
de  sensible,  il  ne  se  met  qu'après  le  subst.  :  Un 
homme  humain,  un  prince  humain,  un  vainqueur 
humain.  Voyez  Adjectif, 

Humainement.  Adv.  H  ne  se  met  poinl  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  l'a  traité  humaine- 
ment, et  non  pas  il  l'a  humainement  truite. 

Htjmamté.  Subst.  f.  L'Académie  l'explique  par, 
bonté,  sensibilité,  compassion  pour  les  malheurs 
d'autrui.  Cette  explication  rend  faiblement  la  si- 
gnification de  ce  mot.  l'humanité  est  un  senti- 
ment artif  de  bienveillance  pom-  tous  les  hommes. 
Il  ne  s'enflamme  guère  (jue  «lans  une  àmc  grande 
et  sensible.  Ce  noble  et  sensible  enthousiasme 
se  tourmente  des  peines  des  autres  cl  du  besoin 
de  les  soulager.  Il  nous  cache  les  fautes  de  nos 
semblables,  ou  nous  empêche  de  les  sentir;  mais 
il  nous  rend  sévères  pi  lur  les  crimes.  Il  arrache 
des  mains  du  scélérat  l'arme  qui  serait  funeste  à 
l'honune  de  bien.  Il  ne  nous  porte  pas  à  nous  dé- 
gager des  chaînes  particulières;  il  nous  rend  au 
contraire  meilleurs  amis,  meilleurs  citoyens, 
meilleurs  époux.  II  se  plait  à  s'épancher  par  ia 
bienfaisance  sur  les  êtres  que  la  nature  a  placés 
près  de  nous. 

On  appelle /n/TwawzVes,  au  pluriel,  les  lettres  hu- 
maines, c'est-à-dire  l'élude  de  la  grammaire,  du 
grec  et  du  latin,  de  la  poésie,  de  la  rhétorique, 
et  des  anciens  jwëtes,  orateurs,  historiens;  en  un 
mol,  tout  ce  qu'on  a  coutume  d'enseigner  dans  les 
collèges.  On  dit  d'un  jeune  homme  qui  s'est  dis- 
tingué dans  toutes  ses  classes,  qn'il  a  fort  bien 
fait  ses  humanités.  On  croit  qu'on  a  nommé  les 
belles  lettres  humanités,  parce  que  leur  but  est 
de  répandre  des  grâces  dans  l'esprit  et  de  la  dou- 
ceur tbns  les  mœurs,  et  par- là  d'humaniser  ceux 
qui  les  cultivent. 

Humble.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose,  lors- 
qu'il se  dit  des  personnes,  il  suit  ordinairement 


352 


HUM 


son  subst.  :  Un  homme  humble,  une  femme  hurn- 
lle,  une  âme  humble.  Dclille  a  dil  en  iwésie, 
Vhumble  laboureur.— LoTi,i\n'\\  se  dit  des  cliuscs, 
il  |)iccéJc  souvent  son  subst.  :  Une  hum/dr  priè- 
re, une  humble  siippHcution,  faire  de  tres-hum- 
bles  remontrances  ,  rendre  de  très  -  humbles 
grâces. 

Heureux  qui,  salisfail  de  son  humble  furluse. 

l^IUc,  Iphig.,  ad.  I,  se.  i,  10.) 

Dans  le  sens  de  bas,  peu  élevé  de  terre,  il  pré- 
cède son  subst.  :  Les  humbles  fougères  ;  les  super- 
bes palais  et  les  humbles  cabanes. 

Ce  mot  se  prend  aussi  substantivement  :  Dieu 
résiste  aux  superbes,  et  donne  sa  grâce  aux 
humbles.  A'oyez  Humilité. 

Humblement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  s'est  soumis  hum- 
blement à  tout  ce  qu'on  a  exigé  de  lui,  ou  il  s'est 
humblement  sovmis,  CtC. 

Hlmecta.nt,  Humecunte.  Adj.  verlial  tiré  du 
V.  humecter.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Boisson  humectante. 

Humer.  Y.  a.  de  lal"  conj.  Mercier  a  dit  : 
On  lui  conseilla  d'aller  humer  l'air  de  la  cam- 
pagne ;  et  il  ajoute,  humer  ne  vaut-il  pus  mieux 
en  ce  sens  que  prendre?  —  Je  ne  le  pense  pas  ;  il 
n'y  a  aucune  analogie  entre  humer  du  vin  de 
Cbampagne,  et  humer  l'air;  et  celte  dernière  ex- 
pression'a  quelque  chose  de  bas,  quand  on  la 
compare  avec  la  première.  D'ailleurs  nous  avons 
aussi  respirer  V air  de  la  campagne ,  qui  est  l'ex- 
pression la  plus  naturelle.  Quand  on  i\\i  prendre 
l'air,  on  regarde  cette  action  relativement  à  la 
santé  ;  on  prend  l'air  de  la  campagne,  comme  on 
prend  les  eaux  pour  se  guérir. — Dans  la  dernière 
édition  de  son  Dictionnaire,  l'Académie  dit  humer 
l'air,  le  vent,  le  brouillard,  etc.,  dans  le  sens  de 
s'exposer  à  l'air,  au  vent,  au  brouillard,  etc. 

Hdmércs.  Subst.  m.  On  prononce  le  s. 

HcMECK.  Subst.  f.  Le  père  Bouhours  remarque 
qu'on  ne  doit  pas  dire  indifféreunncnt  être  d'hu- 
meur et  être  en  humeur;  le  premier,  dit-il,  mar- 
que en  quelque  sorte  l'inclination,  la  constitu- 
tion; le  second  ne  marque  qu'une  disposition 
présente  et  passagère.  Etre  d'humeur  régit  la 
préposition  à;  être  en  humeur  n-git  la  préposition 
de  :  Il  est  d'humeur  à  tout  souffrir,  il  est  en  hu- 
meur de  rire.  La  première  parue  de  cette  règle 
D'est  pas  bien  exacte,  car  on  dit  souvent  être  d'hu- 
meur de,  pour  maniucr  une  disposition  passa- 
gère: Je  ne  suis  pus  d'humeur  devons  écouler. 

On  appelle  bonne  humeur  une  espèce  d'épa- 
nouissement de  l'àme  contente,  i)roduil  par  le  bon 
état  du  corps  et  de  l'esprit.  Cette  heureuse  dis- 
jK>silion  a  ijuelque  chose  de  i)lus  calme  que  la 
joie:  c'est  une  sorte  de  gaieté  plus  douce,  plus 
égolc-,  plus  uniforme  et  plus  constante. 

Humide.  Adj.  des  deux  genres.  En  prose,  il  .se 
met  ordin;iirement  après  son  subst.;  mais  en 
vers,  il  le  i)récéde  souvent  :  Un  air  humide,  un 
temps  humide,  un  lieu  humide,  une  chambre  hu- 
mide.—  L'humide  élément,  les  humides  plaines, 
Phumide  sein  de  l'onde.  Voyez  Adjectif. 

Humidemem.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe:  // 
ast  logé  humidement. 

Humilu>t,  Humiliante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
humilier.  H  se  met  <iuelquefofs  avant  sou  subst.  : 
Des  reproches  humiliants,  d'humiliants  repro- 
ches. 

Humilité.  Subst.  f  C'est  une  sorte  de  timidité 
«alurellc  ou  acquise,  qui  nous  détermine  souvent 


ttïD 

à  accorder  aux  antres  une  préémift^nce  que  nous 
méritons.  Elle  naît  d'une  réllexion  habiiuelle  sur 
la  faiblesse  humaine,  sur  les  fautes  qu'on  a  com- 
mises, sur  celles  qu'on  peut  couunetlre,  sur  la 
médiocrité  des  talents  qu'on  a,  sur  la  supériorité 
des  talents  qu'un  rccunnail  à  d'aulre>,  sur  l'im- 
portance des  devuirs  de  tel  ou  tel  emploi  qu'on 
{wurrait  solliciter ,  mais  dont  on  s'éloigne  par 
la  comparaison  qu'on  fait  de  ses  faculiés  person- 
nelles avec  les  fonctions  qu'on  aurait  à  rem- 
plir, etc.  L'orgueil  est  l'oppusé  de  l'humilité.  Se 
déprimer  soi-même  i)our  plaire  à  celui  (|u'on  mé- 
prise et  qu'on  veut  flatier,  ce  n'est  pas  humilité, 
c'est  fiiusscté,  c'est  bassesse.  11  y  a  de  la  diffé- 
rence entre  l'humilité  et  la  modestie.  Celui  qui 
est  humble  ne  s'estime  pas  ce  qu'il  vaut;  celui 
qui  est  modeste  peut  connaître  toute  sa  valeur, 
mais  il  s'apidique  a  la  dérober  aux  autres,  il  craint 
de  les  humilier.  L'iiomme  médiocre  qui  se  l'a- 
voue franchement,  n'est  ni  humble  ni  modeslo; 
il  est  juste  et  n'est  pas  sans  courage. 

Hure.  Subst.  f.  \'oyez  Parties  des  animaux. 

Hurhaut.  Mot  dont  se  servent  les  charretiers 
pour  faire  tourner  leschev;iuià  droite. 

Hurlement,  Hurler.  Le  subst.  hurlement  est 
souvent  appliqué  aux  hommes  dans  l'Écriture 
sainte  : 

Des  enfantj  de  Lévi  la  troupe  c  nsiernée 

Eu  poussa  vers  le  ciel  des  hurlementi  alTreux. 

(Rac,  Ath.,  act.  III,  se.  m,  99.) 

Hurluberlu.  Expression  populaire  qui  signifie 
brusquement,  iiiconsidérémenl  :  Il  est  entré  tout 
hurluberlu,  sans  dire  gare.  (.Jueliiuefois  ce  mot 
s'emploie  adjectivement,  cl  même  substantive- 
ment. Dans  ce  cas,  il  signifie  brusque,  étourdi  : 
C'est  un  homme  hurluberlu,  c'est  un  hurluberlu. 
Le  peuple  dil  hustuberlu. — Dans  la  dernière  édi- 
tion de  son  Dictioimaire,  l'Académie  ne  donne 
aucun  exemple  où  ce  mot  paraisse  employé  d'une 
manière  adverbiale  ;  elle  dit  seulement:  c'est  un 
hurluberlu,  agir  en  hurluberlu. 

Hydraulique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  (]u'après  son  subst.  :  Science  hydraulique, 
machine  hydraulique. 

Hydre.  Quoique  ce  mot  soit  indiqué  féminin 
dans  tous  les  dictionnaires,  quehjues  auteurs 
l'ont  fait  masculin.  Voltaire  a  dit  [Pucelk,  XV, 
Jo4): 

De  l'hydre  affreux  les  lêtes  menaçantes, 
Tombant  à  terre  et  toujours  renaissantes, 
N'elTrayaient  point  le  fils  de  Jupiter. 

De  Saint-Ange  a  dit  dans  sa  traduction  des 
Métamorphoses  d'Ovide  (liv.  IV,  fable  xxvi,  10)  : 

Hirisse  ses  cheveux  à'hyires  entortillée  ; 

et  il  s'exprime  ainsi  à  ce  sujet  dans  une  remarque  : 
u  Dans  la  version,  ce  mot  est  masculin  comme 
en  latin,  quoique  au  singulier  il  soit  féminin.  On 
ne  doit  pas  laisser  tomber  en  désuétude  ces  va- 
riations, qui  ne  sont  que  trop  rares  dans  notre 
langue.  « 

Domergue  observe  que  c'est  le  féminin  laiin 
hydra  qui  nous  a  donne  hydre  féminin,  et  il  de- 
mande pourquoi  le  masculin  Inlin  hydrus  ne 
nous  donnerait  pas  hydre  masculi"!!  Nous  serions 
de  l'avis  de  ce  grainmaiiien,  si  le  mol  hydre  mas- 
culin ou  féinininsigiiiliail  deux<hosesdiff'''rentes. 
Pourquoi  établir  dans  les  mois  une  différence 
qui  n'existe  i)as  dans  les  choses? 

Hydrographique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne 


HYP 

se  mot  qu'aprc5  son  subst.  :  Description  hydro- 
graphique, rarte  hydrographique. 

HïiMF.v  'jii  JIïJiÉMiE.  SubsL  m.  le  n  final  se 
fait  sentir  dans  Aywp«.  C'est  i)ioi)renicnt  le  nom 
d'une  divinité  des  anciens,  (jui  ])résidail  aux  no- 
ces. Ces  mots  sont  souvent  employés  en  vers 
pour  signilicr  le  mariage,  et  on  leur  donne  même 
<|uel(]Ucfois  ce  sons  en  prose  :  f^ivre  sous  les 
lois  de  rhymeii.  Heureux  hyménée. 

Achille 

Ilecherclie  votre  fille,  et  d'un  hymen  si  beau 
Veut  dans  Troie  embrasée  allumer  la  flambeau. 

(Ric,  Ifhig.,  act.  I,  se.  I,  22.) 

....  Je  quille  \  regret  la  rive  fortunée 

Où  je  vais  allumer  les  flambeaux  à.'hyménte. 

(Idem,  act.  III,  se.  m,  lb.| 

Je  ne  m'attendais  pas  que  do  notre  hyménée 
Je  dusse  voir  si  lard  arriver  la  journée. 

{Rac,  ilithrid.,  act.  II,  se.  iv,  4.) 

Fénelon  a  dit  figurément:  Toute  Vannée  n'est 
qu^un  heureux  hymen  du  printemps  et  de  l'au- 
tomne, qui  semblent  se  donner  lamain.  (Télém., 
liv.  VIII,  t.  I,  p.  282.) 

Hymne.  L'Académie  dit  qu'il  s'emploie  ordi- 
nairement au  féminin,  en  parlant  des  hymnes 
qu'on  chante  dans  l'église.  Il  ne  fallait  pas  dire 
ordinaire /ne  lit,  c'est  une  règle  sans  exception. 
Ce  mot  est  masculin  lorsqu'il  signifie  les  hymnes 
que  les  anciens  chantaient  en  l'honneur  dé  leurs 
dieux. 

Hypalage.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire. 
C'est  une  espèce  de  trope  qui  consiste  dans  une 
transposition  ou  changement  de  construction. 
C'est  ainsi  qu'on  dit  il  n'avait  point  de  souliers 
dans  ses  pieds,  pour  dire  il  n'avait  point 
ses  pieds  dans  des  souliers;  enfoncer  son  cha- 
peau dans  sa  tête,  pour  dire  enfoncer  sa  tète 
dans  son  chapeau,  ('.elle  ligure  est  particulière  à 
la  langue  latine.  On  n'en  trouve  que  très-peu 
d'exemples  en  français,  et  il  faut  les  regarder 
comme  des  idiolismes. 

HYPEr.oATr..  Subst.  f.  Voyez  Inversio?i. 

HYPr.iinoLK.  Subst.  f.  Lorsque  nous  sommes 
vivement  frajjpés  de  quelcjuc  idée  que  nous  vou- 
lons représenter,  et  que  les  lerincs  ordinaires 
nous  paraissent  trop  faibles  pour  exprimer  ce  que 
nous  voulons  dire,  nous  nous  servons  de  mois 
qui,  à  les  prendre  à  la  icllre,  vont  au  delà  de  la 
vérité,  et  représentent  le  plus  ou  le  moins  pour 
faire  entendre  queliiuo  excès  en  gi'and  ou  en  pe- 
tit. Ceux  ([ui  nous  cnlendent  rabattent  de  notre 
expression  ce  cpi'il  en  faut  rabattre,  et  il  se 
forme  dans  leur  esprit  une  idée  plus  conforme 
à  celle  que  nous  voulons  y  exciter,  que  si 
nous  nous  étions  servis  des  mois  propres.  Par 
exemple,  si  nc"JG  voulons  faire  comprendre  la 
légèreté  d'un  cheval  qui  court  extrêmement 
vite,  nous  disons  qu'il  va  plus  vite  que  le  vent. 
Cette  figure  s'a|)pelle  hyperbole,  mcil  grec  qui  si- 
gnifie excè^.  —  Au  contraire,  si  l'on  veut  faire 
entendre  qu'une  personne  marche  avec  une  ex- 
trême lenteur,  on  dit  qu'elle  marche  plus  lente- 
ment qu'une  tortue.  Il  y  a  des  hyperboles  qui 
consistent  dans  la  seule  diction,  comme  quand  on 
nomme  géa7it  un  homme  de  haute  taille;  pyg- 
mée,  un  petit  homiTie.  Mais  elles  sont  souvent 
dans  une  pensée  qui  contient  une  ou  [ilusicurs 
périodes;  et  l'hyperbole  de  la  pensée  se  trouve 
également  d-îns  la  diminution  comme  dans  l'aug- 
mcnUition  des  choses  qu'elle  décrit,    quoique 


IIYP 


38: 


cette  figure  se  i)laiso  jibis  ordinairement  dans 
l'excès  (pie  dans  le  difaul. 

Lcses|irils  vils,  pleins  de  feu,  et  qu'une  vaste 
imagination  emporte  hors  dos  régies  et  de  la 
justesse,  ne  i)euvcnt  s'assouvir  d'hv|)erboles,  dit 
La  Bruyère.  (Cli.  I,  I)e.i  ourraçe.s-  de  l'esprit.) 
Excepté  queUiues  façons  de  parier  communes  et 
proverbiales,  nous  usons  très-rarement  d'hyper- 
boles en  français.  On  en  trouve  quel<iues  exeuq)les 
dans  le  style  satiri(iue  et  badin,  et  (luoiquofojs 
même  dans  le  style  sublime  et  poéti(iue.  riéchier 
a  dit  dans  YOraison  funèbre  de  Turenne  (p.  95)  : 
Des  ruisseaux  de  larmes  coulèrent  des  yeux 
de  tous  les  habitants.  Cette  figure  est  la  l'essource 
des  petits  esprits  qui  écrivent  pour  le  bas  peuple. 
Mais  quand  on  a  du  génie  et  de  l'usage  du 
monde,  on  ne  se  sent  guère  de  goût  pour  les 
pensées  fausses  et  outrées. 

Quant  aux  hyperboles  (pie  l'usage  a  rendues 
communes,  on  en  saisit  la  signification  du  premier 
coup,  sans  avoir  besoin  de  penser  (pi'il  faut  les 
prendre  au  rabais.  Quand  on  dit,  |)ar  exemple, 
qu'w?i  homme  meurt  de  faim,  tout  le  monde  en- 
tend que  cela  signifie  qu'il  fait  mauvaise  chère, 
ou  qu'il  a  beaucoup  de  peine  à  gagner  sa  vie. 
On  dit  encore  qu'un  homme  ne  sait  rien,  pour 
dire  qu'il  ne  sait  pas  ce  (ju'it  lui  convient  de  sa- 
voir pour  sa  i)rol'ossion  ou  pour  son  iiiclicr. 

Hyperbolique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se 
met  ordinairement  après  son  subst.  ;  Discours 
hyperbolique,  expressions  hyperboliques . 

Hyperboliquement.  Adv.  Il  ne  se  mot  point 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  s'est  exprimé 
hyperboliquement,  et  non  pas  il  s'est  hyperbuli- 
queiiient  e.vprimé. 

Hyperborée.  Adj.  des  deux  genres. 

J'ai  vu  de  ces  brigands  la  horde  hyperborée. 

[Orph.  de  la  Chine,  act.  I,  se.   H.  10.) 

■Voltaire,  dit  La  Harpe,  est  le  premier,  ce  me 
semble,  qui  ail  hasardé  de  franciser  l'adjectif 
latin  hyperboreus,  et  d'en  faire  hyperborée,  mot 
très-nombreux,  et  beaucoup  plus  commode  pour 
la  poésie  que  celui  d'hyperboréens,  (|ui  élail  seul 
en  usage  :  Peuples  hyperboréens,  pays  hyperbo- 
réi'ns.  [Cours  de  littérature.) 

Hypocondre.  Subst.  i)ris  adjectivement.  Il  se 
dit  d'une  personne  bizarre  et  mélaiicoli(iue:  Un 
homme  hypocondre ,  une  femme  hypocondre.  La 
Fontaine  a  dit  (liv.  II,  fable  xvm,  16)  :  Son 
hypoco7idre  de  mari. 

Hypocondriaque.  Adj.  des  deux  genres.  Ma- 
lade dont  la  maladie  vient  dos  liypocondies  :  Un 
homme  hypocondriaque.  — Affection  hypocondria- 
que. Il  ne  se  met  (ju'aprés  son  subst. 

Hypocrite.  Adj.  des  deux  genres.  Appliqué 
aux  personnes,  il  ne  se  met  (iu'a|>rès  son  subst.  : 
Un  homme  hypocrite,  une  femme  hypocrite. 
Appliqué  aux  choses,  il  peut  (juclquefois  le  pré- 
coder :  Un  air  hypocrite,  une  contenance  hypo- 
crite, lin  maintien  hypocrite.  Cet  hypocrite 
maintien,  cette  hypocrite  contenance  en  impose 
à  tout  le  monde. 

Hypothécaire.  Adj.  dos  deux  genres.  11  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Créancier  hypothécaire, 
dette  hypothécaire . 

Hypothégaikehent.  Adv.  Il  ne  se  met  point  entre 
l'auxiliaireet  le  participe:  Il  est Migé hypothécai- 
rement, et  non  pas  il  esthypotliécairemcnt  obligé 

Hypothétique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se 
met  toujours  après  son  subst.  :  Proposition  hy- 
pothétique. 

23 


354 


I 


Hypothétiquement.  Adv.  Il  se  met  après  le 
verbe  :  Cela  n'est  qu'hypnihétiquement  vrai. 

Hypotypose.  Suhst.  f.  Terme  de  rhétorii]uo. 
C'est  un  mot  crée  qui  signifie  image,  tableau. 
L'hypolyposc  est  une  fiçure  qui  point  l'iinngc 
dont  on"  parle  avec  des  conlonrs  si  vives,  qu'on 
croit  la  voir  de  ses  proj^es  yeux,  et  non  siini>le- 
ment  en  enicndro  le  récit.  Tel  est  le  |)orlrait  que 
Boileau  fait  de  la  mollesse  personnilice  (  Lutrin, 
II,  461)  : 

La  Mollesse,  oppressée. 
Dans  sa  bouche,  .\  ce  mot,  sent  sa  langue  glacée, 
Et  lasse  de  parler,  succomhanl  sous  l'effort. 
Soupire,  clend  les  bras,  ferme  l'œil,  et  s'endort. 

Il  y  a  une  hypotyposc  sublime  dans  le  tableau 
que  i\aeine  nous  donne,  dans  Athalie,  de  la  ma- 
nière dont  Josabet  sauva  Joas  du  carnage  (act.  I, 
se    II,  77)  : 

Hélas  !  l'état  horrible  où  le  ciel  me  l'oiïrit 
lieTient  à  tout  moment  effrayer  mon  esprit. 
De  princes  égorgés  la  chambre  était  remplie  ; 
Un  poijrnard  à  la  main,  l'implacable  Âtbalie 


1 

An  carnajre  animait  ses  barbares  solàals, 

I''t  poursuivait  le  cours  de  ses  assassin&is. 

Joas,  laisse  pour  mort,  frappa  soudain  ma  v<K  . 

Je  me  figure  encor  sa  nourrice  éperdue, 

Oui  devant  les  bourreaux  s'était  jetée  en  rali^ 

Et  faible  le  tenait  Tcnversé  sur  son  sein. 

Je  le  pris  tout  sançlant;  et,  baignant  son  visage. 

Mes  pleurs  du  sentiment  lui  rendirent  l'usage: 

Et,  soit  frayeur  encore,  ou  pour  me  caresser. 

De  SCS  bras  innocents  je  me  sentis  presser. 

On  peut  aussi  citer  comme  des  exemples  d'hy- 
potyposc  le  morceau  de  la  même  pièce  où  Athalie 
raconlc  à  Abncr  et  à  Malhan  le  sonsrc  qu'elle  a  eu 
(act.  II,  se.  V,  34)  : 

C'était  pendant  l'horreur  d'une  profonde  nuit,  etc.  ; 

et  le  récit  de  la  mort  d'Hippolyte,  dans  la  Phèdre 
de  Racine  (act.  V,  se.  vi,  26)  : 

Cependant  sur  le  dos  de  la  plaine  liquide,  etc. 

La  poésie  tire  son  plus  beau  lustre  de  l'hypo- 
typose. 


I. 


I.  Subst.  m.  C'est  la  neuvième  lettre  de  l'al- 
phabet, et  la  troisième  des  voyelles.  L'j  est  de 
toutes  les  voyelles  celle  dont  le  son  est  le  plus 
délié  et  le  plus  aigu.  Sa  prononciaiion  naturelle 
est  comme  dans  la  première  syllabe  iVimage. 
Lorsque,  dans  une  syllabe,  elle  se  joint  à  la  con- 
sonne (jui  la  suit,  sans  cire  précédée  d'une  autre 
voyelle,  elle  conserve  su  prononciation  naturelle, 
a  moins  que  la  consonne  avec  laquelle  elle  se 
trouve  jointe  ne  soit  un  m  ou  un  n:  Illustre, 
irrégtdier,  issue.  ]\Iais  dans  imprimer,  impru- 
dent, impassihle,  printemps,  brin,  fin,  lin,  et 
autres  semblables,  le  son  aigu  et  délié  de  Yi  se 
change  en  un  autre  qui  lient  beaucoup  de  !'e 
ouvert,  tel  qu'il  se  prononce  dans  le  mot  lien. 
Cependant  si  le  m  auquel  i  est  joint  se  trouve 
redoublé,  celle  voyelle  reprend  sa  prononciation 
naturelle,  comme  dans  immédiat,  immersion, 
immense,  etc.  Il  en  est  de  même  lorsque  le  n  qui 
se  trouve  après  \'i  est  suivi  d'une  voyelle  ou  d'un 
h  non  aspiré,  comme  dans  inaction  ,  inatten- 
tion, inexorable,  inouï,  inusité,  inhabile,  inhé- 
rent, etc. 

Les  imprimeurs  appellent  ï  tréma  celui  sur 
lequel  on  met  deux  points  disposés  horizontale- 
ment. Quchiucs  grammairiens  doimenl  à  ces 
deux  points  le  nom  de  diérèze,  qui  vaut  mieux, 
parce  qu'il  signifie  division,  séparation.  Voyez 
Tréma. 

Notre  orlhographc  assujettit  laletlrei  à  beau- 
coup d'usages  (jiie  la  raison  mcme  veut  que  l'on 
suive,  quoiqu'elle  les  désapprouve  comme  in- 
conséquents. 

Dans  la  diphthongue  oculaire  ai,  on  n'entend 
le  son  d'aucune  des  voyelles  qu'on  y  voit.  Quel- 
quefois ai  se  prononce  de  môme  que  \'e  niucl, 
comme  dans  faisant,  nous  faisons,  (jue  l'on 
prononce /è«a«<,  nous  fcsons.  Il  y  a  même  quel- 
ques auteurs  qui  écrivent  ces  mots  avec  l'e  muet, 
de  même  que  je  ferai,  nous  ferions.  S'ils  s'écar- 
tent en  cela  de  l'étymologie  latine  facere,  et  de 
l'analogie  des  temps  qui  conservent  ai,  comme 
faire,  fait,  vous  faites,  etc.,  ils  se  l'approchent 


de  l'analogie  de  ceux  où  l'on  a  adopté  univer- 
sellement l'e  muet,  et  de  la  vraie  prononciation. 
(Voyez  Faire.)  —  D'autres  fois  aise  prononce 
de  même  que  l'e  ferme,  comme  dans  j'adorai, 
je  commençai,  j'adorerai,  je  commencerai,  et  les 
autres  temps  sembablcs  de  nos  verbes  en  er. — Dans 
d'autres  mots,  ai  tient  la  place  d'un  è  peu  ou- 
vert, comme  dans  les  mois  plaire,  faire,  affaire, 
contraire,  vainement.  Cl  en  général  partout  où 
la  voyelle  de  la  syllabe  suivante  est  un  c  muet.  — 
Ailleurs,  ai  présente  wné  fort  ouvert,  comme  dans 
Icsmots  dais,  faix,  mais, paix, palais,  portraits, 
souhaits.  Au  reste,  il  est  très-difficile,  pour  ne 
pas  dire  impossible,  d'établir  des  règles  de  pro 
nonciation  pour  cette  diphthongue;  parce  que, 
dans  des  cas  tout  à  fait  semblables,  elle  se  pro- 
nonce diversement.  On  prononce  je  sais  comme 
je  se,  cl  je  fais,  comme  je  fè.  Dans  le  mot 
douairière,  on  prononce  ai  comme  a,  do-uarière. 
—  L'Académie  n'indique  pas  celle  anomalie  de 
prononciaiion.  —  C'est  encore  à  peu  près  le  son 
de  l'e  plus  ou  moins  ouvert  que  représente  la 
diphthongue  oculaire  ai,  lorsque,  suivie  d'un  m, 
ou  d'un  û,  elle  doit  devenir  nasale,  comme  dans 
faim,  pain,  ainsi,  maintenant,  etc. 

La  diphthongue  oculaire  et  est  a  peu  prés  as- 
sujcllic  au  même  usage  qucni,  si  ce  n'est  qu'elle 
ne  représente  jamais  l'e  muet.  Mais  elle  se  pro- 
nonce (piclquefoisde  même  que  Vé  fermé,  comme 
dans  reine,  peiner,  seigneur,  et  tout  autre  mot 
où  la  syllabe  qui  suit  ei  n'a  pas  pour  voyelle  un 
e  muet.  —  D'autres  fois,  ei  se  rend  par  un  è  peu 
ouvert,  comme  dans  veine,  peine,  enseigne,  et 
tout  autre  mot  où  la  voyelle  de  la  syllabe  sui- 
vante est  un  e  muet.  Il  en  faut  seiiloincnl  excep- 
ter reine,  retire  et  seize,  où  ei  vaut  un  ê  fort 
ouvert.  —  Lnfin,  l'ei  nasal  se  prononce  comme 
Vai  nasal,  plein,  sein,  éteint. 

La  voyelle  i  perd  encore  sa  valeur  naturelle 
dans  la  diphlhongite  oi,  qui  est  quelquefois  im- 
propre et  oculaire,  et  quelquefois  propre  et  auri- 
culaire.—  Si  la  diphthongue  oi  n'est  qu'oculaii-e, 
elle  représente    quelquefois  l'c   moins  ouvcri, 


I 

oomme  dans  foible,  il  avmt,  que  l'on  écrit  au- 
jourd'iiui  faible,  il  avait;  et  (iiielquelois  !V  fort 
ouvert,  comme  dans  anglais,  j'avois,  ils  avaient, 
que  l'on  écrit  aujourd'hui  ajiglais,  j'avais,  ils 
avaient.  —  Si  la  diplillionguc  i  est  auriculaire, 
c'est-à-dire  (lu'ellc  indiciue  deux  sons  elToctils 
que  l'oreille  peut  discerner,  ce  n'est  aucun  des 
deux  qui  est  représenté  natin-ellcment  par  les 
deux  voyelles  0  et  »■;  au  lieu  do  o,  on  prononce 
toujours  ou,  et  au  lieu  de  l'j,  on  prononce  un 
è  ouvert  qui  semble  approcher  souvent  de  l'o  .• 
Devoir,  sournois,  lois,  moine,  poil,  poivre,  etc. 
—  Enfin,  si  la  diphthonguc  auriculaire  oi,  au 
moyen  d'un  «,  doit  être  nasale,  l'i  y  désigne  en- 
core un  è  ouvert  :  Loin,  fain,  témoin,  join- 
ture, etc. 

Il  est  donc  également  contraire  à  la  destina - 
lion  primitive  dos  lettres,  et  à  l'analogie  de  Tor- 
thogi-aphe  avec  lu  prononciation,  de  représenter 
le  son  de  l'è  ouvert  par  ai,  par  et,  ou  par  oi;  et 
l'usage  qui  a  substitué  ai  à  oi,  partout  où  celte 
diphfhongue  oculaire  représente  l'è  ouvert , 
cominedans  anglais,  français,  je  lisais,  ilpoui^ 
rait,  connaître,  au  lieu  d'écrire  anglais,  fran- 
çais, je  lisais,  il  pourrait,  connaître,  a  rem- 
placé un  inconvénient  par  un  autre  aussi  réel. 
Voyez  A  et  Oi. 

Ison-seulement  la  lettre  i  est  souvent  em- 
ployée à  signifier  autre  chose  que  le  son  qu'elle 
doit  primitivement  représenter,  mais  il  arrive  en- 
core qu'on  joint  cette  lettre  à  quelipie autre  pour 
exprimer  simplement  ce  son  priuiitil.  Ainsi,  les 
lettres  wi  ne  représentent  que  le  son  simple  de 
Xi  dans  les  mots  guide,  guider,  etc.,  quitte, 
quitter,  acquitter,  etc. ,  et  partout  où  l'une  des 
deux  articulations ^î<e  ou  qxie  précède  le  son  i. 
De  même,  les  lettres  ie  représentent  simplement 
le  son  i  dans  vianiement,  je  prierais,  nous  re- 
mercieroiiS,  il  liera,  qui  viennent  de  manier, 
prier,  remercier,  lier,  et  dans  tous  les  mots  pa- 
reillement dérivés  des  verbes  en  ier.  Vu  qui 
précède  ïi  dans  le  premier  cas,  et  \'e  qui  le  suit 
dans  le  second,  sont  des  lettres  absolument 
muettes. 

I  au  milieu  d'un  mot  est  remplacé  par  un  y, 
l»  dans  les  mots  où  il  a  son  double,  comme  dans 
payer,  où  l'on  entend  pai-ier,  moyen,  employer, 
essuyer,  nous  payons  ,  nous  employons,  etc.; 
2°  dans  les  mots  dérivés  du  grec,  où  il  exprime 
l'upsilon  de  cette  langue,  comme  dans  hy mon,  qm 
vient  du  grec  humen;  martyr,  qui  vient  de 
martnr,  etc.  Voyez  Y. 

Plusieurs  grammairiens  voudraient  que  l'on 
écrivit  to\ijours  par  un  i  simple  les  mots,  les 
syllabes  où  l'on  n'entend  que  le  son  simple  de 
cette  lettre,  comme  dans  anonime,  himen,  mar- 
tir,  siuonime,  etc.,  et  je  pense  qu'ils  ont  raison. 
Les  Italiens  se  sont  débarrassés  de  cette  exacti- 
tude pédanlesquc,  et  leur  langue  n'en  est  pas 
moins  claire.  Ils  écrivent  anonimo ,  imene , 
martirio,  stile,  sinonimo,  etc.  L'usage  a  déjà 
aboli  en  français  un  grand  nombre  de  signes 
étymologiques,  il  abolira  sans  doute  aussi  celui- 
ci.  Déjà  l'Académie  écrit  abîme,  asile,  au  lieu 
i'abyme,  asyle  ;  mais  pourquoi  n'écrit-elle  pas 
aussi  anonime,  himen,  sinonime,  etc.?  Elleaurait 
bien  de  la  peine  à  rendre  raison  de  cette  préfé- 
rence ,  et  cette  demi-réforme  ne  fait  qu'augmen- 
ter l'incertitude  et  l'embarras. 

La  lettre  i  s'élide  dans  la  conjonction  si  avant 
le  pronom  masculin  il,  tant  au  singulier  qu'au 
pluriel  :  Il  viendra  s'il  veut,  ils  auront  tort  s'ils 
ae  fichent.  Mais  cette  élision  n'a  lieu  devant  aucun 


IDE 


355 


autre  mot,  par  quelque  voyelle  qu'il  commence, 
quand  mémo  ce  serait  par  un  i;  on  dit  et  l'on 
écrit  si  elle  t-ient,  si  on  vous  dit  que,  si  un 
j  homme  se  présentait,  si  Isabelle  avait  régné 
plus  longtemps. 

Lest  l'expression  abrégée  du  mot  impériale. 
S.  A.  I.  So7i  Altesse  Impériale.  S.  M.  1.  Sa  Ma' 
jcsté  Impériale.  —  I  signifie  t/«  dans  la  numé- 
ration ordinaire  des  Romains.  —  La  lettre  1  est 
celle  qui  caractérise  la  monnaie  de  Limoges.  — 
Dans  les  gravures,  inc,  abréviation  du  mot  in- 
cidit,  accompagne  le  nom  du  graveur,  et  inv., 
abréviation  du  mot  invenit,  celui  de  l'auteur  de 
la  composition. 

Ici.  Adv.  de  lieu.  Il  se  dit  du  lieu  même  où 
est  la  personne  qui  parle.  Mais  il  comprend  une 
certaine  étendue  qui  varie.  Lorsqu'on  entre 
dans  une  maison,  et  qu'on  demande  si  le  maiire 
de  la  maison  est  ici,  l'adverbe  ici  comprend  l'é- 
tendue de  la  maison.  L'advcrl)e  ici  peut  com- 
lirendre  aussi  l'étendue  d'une  ville.  On  dira 
étant  à  Paris,  est-il  encore  d  Londres?  et  on  ré- 
pondra, non,  il  est  ici,  et  ici  co!n[)rcnd  la  ville 
lie  Paris.  Mais  ici  ne  peut  comprendre  ni  une 
province  ni  un  royaume.  On  ne  dira  pas  il  est  ici 
pont  dire  il  est  dans  le  département  de  la  Seine, 
ou  pour  dire  il  est  en  France. 

Ici  désigne  le  lieu  où  est  la  personne  qui  parle; 
là  désigne  un  lieu  différent.  Fenez  ici,  allez  là. 
Le  premier  marque  et  désigne  l'endroit,  l'autre 
est  plus  vague  ;  il  a  besoin,  pour  être  entendu, 
d'être  accompagné  de  quelque  signe  de  l'œil  ou 
de  la  main.  11  se  met  toujours  après  le  verbe, 
même  dans  les  temps  composés  :  Je  suis  arrivé 
ici,  et  non  pas,  je  suis  ici  arrivé.  Il  a  passé  par 
ici,  il  est  parti  d'ici,  il  est  venu  jusqu'ici,  et 
non  pas  il  a  par  ici  passé,  etc. 

Idéal,  Idéale.  Adj.  En  ternies  de  beaux-arts, 
il  désigne  le  plus  haut  degré  de  perfection  auquel 
ces  arts  pui^ssent  atteindre  :  perfection  qui  n'a 
point  de  modèle  dans  la  nature,  mais  (juc  le 
génie  peut  seul  apercevoir.  Le  genre  idéal  est 
opposé  au  genre  imitatif.  Le  beau  idéal.  On  dit 
aussi  substantivement  l'idéal.  Cet  adjectif  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Existence  idéale,  pou- 
voir idéal,  la  beauté  idéale,  etc. 

Le  Dictionnaire  de  l'Académie  ne  fait  pas 
connaître  le  pluriel  masculin  de  cet  adjectif. 
Bufltm  a  iWides  êtres  idéaux,  et  je  crois  qu'on 
peut  1  imiter  en  cela. 

iDENTigUE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  P rupositions  identiques. 

lDf.^TIQTIEME^T.  Adv.  11  se  met  ajjrés  le  verbe. 

Identité.  Subst.  f.  Ternie  introduit  dans  la 
grammaire  pour  exprimer  ie  rapport  qui  sert  de 
fondement  à  la  concordance. 

Un  sinqjle  coup  d'œil  jeté  sur  les  différentes 
espèces  de  mots,  et  sur  l'unanimité  de  toutes  les 
langues  à  cet  égard,  conduit  naturellement  a 
les  diviser  en  deux  classes  générales,  caractéri- 
sées par  des  différences  purement  matérielles.  La 
première  classe  comprend  toutes  les  espèces  de 
mots  variables,  je  veux  dire  les  noms,  les  pro- 
noms, les  adjectifs  et  les  verbes,  qui,  dans  la 
plupart  des  langues,  reçoivent  a  leurs  lerminai- 
sons  des  changements  qui  désignent  des  idées 
accessoires  de  rclaiion,  ajoulies  à  lidée  princi- 
pale de  leur  signification.  La  seconde  classe  ren- 
ferme les  espèces  de  mots  invariables,  c'est-a- 
dire  les  adverbes,  les  prépositions,  les  conjonc- 
tions et  les  interjections,  qui  gardent  dans  le  dis- 
cours une  forme  immuable,  parce  qu'ils  expri- 


356 


IDI 


ment  conslammenl  une  seule  cl  même  idée  prin- 
cipale. 

Enlre  les  indexions  accidcnlelles  des  niol?^  de 
la  première  classe,  les  unes  sont  connnunes  à 
louies  les  espèces  qui  y  sont  comprises,  et  les 
autres  sont  propres  à  (pieliiucs-unes  de  ce?  es- 
pèces. Les  inflexions  comiiiuncG  sont  les  nombres, 
les  genres  cl  les  personnes;  les  temps  cl  les  mo- 
des sont  des  inflexions  propres  au  verbe. 

C'est  enlre  les  inflexions  communes  aux  mois 
qui  onl  quelque  corrélation  iiu'il  y  a  et  (lu'il  doil 
y  avoir  concordance  dans  toutes  1er  langues  qui 
admellenl  ce^  inflexions.  Mais  poui  établir  celle 
concordance,  il  faut  d'abord  déicrminer  l'inflexion 
de  l'un  des  mois  corrélaiils;  et  ce  sont  les  be- 
soins réels  de  l'énoneialion,  d'après  ce  qui  existe 
dans  l'espril  de  celui  «pii  parle,  qui  règlent  celle 
première  dèlermination,  conformément  aux  usa- 
ges de  chaque  lan.^uc.  Les  autres  mots  corréla- 
tifs se  révèlent  ensuite  des  inflexions  correspon- 
dantes par  imitation,  cl  pour  être  en  correspon- 
dance avec  leur  corrélatil,  qui  leur  sert  comme 
d'original  Celui-ci  est  dominait,  les  autres  sont 
subordoni.és  :  c'est  ordinairement  un  nom  ou 
un  pronom  qui  est  le  corrélatif  dominant  ;  les  ad- 
jectifs et  les  verbes  sont  subordonner;  c'est  à 
eur.  à  s'accordei ,  et  la  concordance  de  leurs  in- 
flexions avec  celle  du  nom  ou  du  pronom  est 
connue  une  liviéc  qui  atteste  leur  dépendance. 

Celle  dépendance  est  fondée  sur  un  rapport  qui 
est,  selon  les  meilleurs  grammairiens  modernes, 
un  ra|)porl  d'idfintilé.  On  voit  en  effet  que  le 
nom  et  l'adjectif  qui  l'accompagne  ne  font  qu'un, 
n'expriment  ensemble  qu'une  seule  et  même 
chose  indivisible  ;  La  loi  naturelle,  la  loi  politi- 
que, la  loi  évangélique,  sont  trois  objets  diffé- 
rents, mais  il  n'y  en  a  que  iroi?  ;  la  loi  naturelle 
est  un  objet  aussi  unique  que  la  lui  en  général. 
Il  en  est  de  même  du  verbe  avec  son  sujet  ;  le  so- 
leil luit  esl  une  expression  qui  ne  préseule  a  l'es- 
prit (}u'une  seule  idée  indivisible. 

Cependant  l'adjectif  et  le  verbe  expriment  Irès- 
distinctemenl  une  idée  attributive,  fort  différente 
du  sujet  exprimé  par  le  nom  ou  par  le  pronom  ; 
comment  peut-il  y  avoir  identité  entre  des  idées 
si  différentes' 

C'est  que  les  noms  et  les  pronoms  présentent 
à  l'esprit  des  êtres  détermines,  et  (jue  les  adjec- 
tifs et  les  verbes  présentent  à  l'esprit  des  sujets 
quelconques,  snus  une  idée  précise,  applicable  à 
tout  sujet  déterminé  (jui  en  est  susceptible.  Or, 
il  en  esl  dans  le  discours,  de  celte  idée  vague  de 
sujet  quelconque,  connue  de  la  signification  gé- 
nérale et  indéfinie  des  symboles  algébriques  dans 
le  calcul.  De  part  et  d'autre,  la  généralisation  des 
idées  n'a  été  instituée  que  [>our  éviter  l'embarras 
des  cas  particuliers  trop  multipliés;  mais  de  part 
et  d'autre,  c'est  à  la  charge  de  ramener  la  préci- 
sion dans  chaque  occurence,  i)ar  des  applications 
particulières  ou  individuelles. 

C'est  11  concordance  des  inflexions  de  l'adjectif 
ou  du  verbe  avec  t  elles  du  nom  ou  du  pronom 
qui  désigne  l'application  du  sens  vague  de  l'un 
au  sens  précis  de  l'autre,  et  ridenlificatior.  du 
sujet  vague  présenté  par  la  première  espère, 
avec  le  sujet  déterminé  énoncé  par  la  seconde. 
(Eeauzée.) 

Idiome.  Subst.m.  L'Académie  ie  définit,  langue 
propre  d'une  nation.  Cette  définition  n'est  pas 
exccte.  Une  langue,  dit  Beauzée,  est  la  totalité 
dec  usages  propres  d'une  nation  pour  exprimer 
ks  pensée:  par  la  parole.  Si  dans  le  langage  oral 


IGN 

d'une  nation  on  ne  considère  que  l'expression 
des  pensées  par  la  parole,  d'après  les  principes 
généraux  et  communs  à  tous  les  hommes,  le  nom 
de  langue  exprime  parfaitement  cette  idée;  mais 
si  l'on  veut  encore  y  ajouter  les  vues  particuliè- 
res à  celte  nation,  et  les  tours  singuliers  qu'elles 
occasionnent  nécessairement  dans  sa  manière  de 
parler,  le  lermc  d'idiome  est  alors  celui  qui  con- 
vient le  mieux  à  cette  idée  moins  générale  et  plus 
restreinte.  De  là  vient  que  l'on  doin^e  le  nom  d'x- 
di'lisiiie  aux  tours  d'élocution  qui  sont  propres 
à  un  idiome. 

Idiot,  Idiote,  Adj.  que  l'on  prend  aussi  sub- 
stantivement. Comme  adjectif,  il  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  U/i  homme  idiot,  une  femme 
idiote . 

L'n  idiot  n'est  ni  un  stupide,  ni  un  imbécile, 
connue  le  dit  l'Académie;  c'est  celui  en  qui  un 
défaut  naturel  dans  les  organes  qui  servent  aux 
o[)ératioiis  de  renlendeuicnl  esl  si  grand,  qu'il 
esl  incapabh  de  combiner  aucune  idée,  en  sorte 
que  sa  condition  paraît  a  cet  égard  plus  bornée 
que  celle  de  la  bêle.  La  différence  de  Vidiot  et 
de  \' imbécile  consiste  en  ce  qu'on  naît  idiot,  et 
qu'on  devient  imbécile.  Le  stupide  pèche  par 
défaut  de  sentiment.  A'oyez  Imbécile. 

Idiotisme.  Subsl.  m.  Façon  de  parler  éloignée 
des  usages  ordinaires,  ou  des  lois  générales  du 
langage,  adaptée  au  génie  propre  d'une  langue 
particulière.  C'e^l  un  tenue  général  dont  on  peut 
faire  usage  à  l'égard  de  toutes  les  langues  :  un 
idiotisme  grec,  latin,  français,  etc.  C'est  le  seul 
terme  que  l'on  puisse  employer  dans  bien  des  oc- 
casions; nous  ne  pouvons  dire  qu'un  idiotisme 
espagnol,  portugais,  turc,  etc.;  mais  à  l'égard 
de  plusieurs  langues,  nous  avons  des  mots  spé- 
cifi(pies  subordonnés  à  celui  à'idiotisme,  et  nous 
disons  anglicisme,  gallicisme,  germanisme,  hé- 
braïsme,  hellénisme,  latinisme,  etc. 

Idolâtre.  Adj.  dcr  deux  genres.  Au  propre,  il 
se  dit  toujours  absolument,  et  ne  se  met  qu'après 
son  subsl.  :  Les  nations  idolâtres,  les  peuples 
idolâtres,  eic— Au  figuré,  il  régit  la  préposi- 
tion de:  Un  homme  idolâtre  d'une  feynme,  une 
mère  idolâtre  de  ses  enfants,  une  femme  idolâ- 
tre de  sa  beauté. 

Idolâtrer.  Y. n.  et  a.  de  lai"  conj.Au  propre, 
il  esl  neutre  :  Les  Hébreux  idolâtrèrent  dans  le 
désert.  —  Au  figuré,  il  esl  actif  :  //  idolâtre  cette 
femme.,  elle  idolâtre  ses  enfants. 

Idolatrique.  Adj.  des  deux  gei.res  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subsl.  :  Culte  idddtriqite, 
amour  idolatrique ,  superstition  idolatrique. 

Idole.  Subsl.  f.  Quand  il  se  prend  pour  l'ob- 
jet d'une  passion  extrême,  il  so  construit  quel- 
quefois avec  la  préposition  de  :  Il  est  l'idole  de 
sa  mère. 

Idylle.  Subsl.  L  Petit  poëmc  champêtre  qui 
conlicju  des  descriptions  ou  des  narrations  de 
qucicues aventures  aeréables  Lf.  différence  qu'il 
y  r.  «lire  yidylk  d.  l'églogue  eti  fort  légère,  et 
les  auteurs  les  confondent  souvent.  Cependant  il 
semble  tpie  l'usage  veut  plus  d'action  cl  de  mou- 
vemeni  dans  l'égrogue,et  que  dans  l'idylle  on  se 
contente  de  trouver  des  images,  des  récits  ou  des 
scnlimonls  seulement.  Voyez  Eglogue. 

Autrefois  ce  mol  était  masculin  et  féminin. 
Boileau  a  dit  les  idylles  les  plus  courts,  ei  uneélé' 
gante  idylle.  (A.  1'.,  11,  G.]  Aujourd'hui  on  ne  le 
fait  plus  que  féminin. 

Ignare.  Adj.  des  deux  genres.  Gn  se  mouille. 
Il  ne  se  dit  que  des  personnes,  et  ne  se  met  qu'a- 


IGN 

prtS  son  SUhst.  ■■  Vn  homme  {griwre',  une  femme 
ignare. 

Igné,  Ignée.  Adj.  On  ])roiionce  le  g  dur,  comme 
gue.  Cet  ;idj.  ne  se  met  qu'iiprèsson  subst.  :  Cor- 
puscules ignés.  Substance   ignée. 

IcNicoLE.  Adj.  des  deux  genres.  I.e  g  se  pro- 
nonce dur,  comme  ;/iie.  Cet  adj.  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  peuple  ignicole,  une  nation 
ignicole. 

Ignition.  Subst.  f.  Le  g  se  prononce  dur, 
comme  gue. 

Ignoble.  Adj.  des  deux  genres.  Gn  se  mouille. 
Il  se  dit  de  l'air,  des  manières,  des  sentiments, 
du  discours  et  du  style.  L'air  est  ign-^ble  lors- 
qu'au premier  aspect  d'un  homme  qui  se  pré- 
sente à  nous,  nous  sommes  tentés  de  le  reléguer 
dans  quel(pie  condition  abjecte  de  la  société.  Les 
manières  sont  ignobles  lorsqu'elles  décèlent  un 
intérêt  sordide;  les  sentiments  sont  ignobles 
lorsqu'on  y  remarque  la  vérité,  la  justice  et  lu 
vertu  blessées  par  la  prél'érence  qu'on  accorde 
sur  elles  à  tout  autre  objet;  le  ton  dans  la  con- 
versutiofi  et  le  style  clans  les  écrits  sont  ignobles, 
lorsque  les  expressions,  les  comparaisons,  les 
idées  sont  empruntées  d'objets  vils  et  populaires; 
mais  il  n'y  en  a  guère  que  le  génie  et  le  goût  ne 
puissent  e'nnolijir. 

On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consul- 
tant l'oreille  et  l'analogie  :  Un  langage  ignoble, 
des  espressions  ignobles,  des  sentiments  igno- 
bles. —  Ces  ignobles  espressions,  ces  ignobles 
sentiments. 

1g>oblejient.  Adv.  Le  gn  se  mouille.  Cet  ad- 
verbe peut  se  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  par- 
ticipe :  Il  s'est  exprimé  ignoblement,  il  s'est 
ignoblement  exprimé. 

Ignominie.  Subst.  f.  Gn  se  mouille.  Lorsque 
ce  mot  a  le  sens  d'outrages,  d'injures,  on  peut 
l'employer  au  pluriel  : 

Ce  vieux  rimeur  couvert  d' ignominies, 
Organe  iaipur  de  tant  de  calomnies. 

(Volt.,  Épttre  XXXV,  138.) 

Ignomimeusement.  Adv.  Gn  se  mouille.  Il  ne 
se  met  qu"a[irès  le  verbe  :  On  l'a  traité  ignomi- 
nieusement. 

Ignomi.melx,  Ignominieuse.  Adj.  Gn  se  mouille. 
On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consul- 
tant l'oreille  et  l'analogie  :  Mort  ignominieuse, 
supplice  ignominieux,  traitement  ignominicv.v. 
Cet  igominievx  supplice  le  faisait  frémir  d  hor- 
reur. Cetignomiiiieu.r  traitement  le  révolta. 

Ignorance.  Subst.  1',  Gn  se  mouille.  Dans  le 
sens  de  défaut  de  connaissance,  man(iue  de  sa- 
voir, il  n'a  point  de  pluriel  :  C'est  un  homme 
d'une  grande  ignorance . 

L'ignorance  vaut  mieux  qu'un  savoir  alTeclé. 

(BoiL.,  Éfttrt  IX,  lOi.) 

Quand  il  se  met  pour  faute  commise  par  igno- 
rance, il  a  un  pluriel.  Bossuet  a  dit  en  parlant 
d'un  ouvrage,  On  y  trouve  autant  (/'ignorances 
que  de  mots;  et  Boileau  :  Que  serait-ce  donc  si 
j'allais  lui  faire  voir  ses  ignorances  sur  Pla- 
ton,  etc.  {Conclusion  des  neuf  premières  ré- 
flexions sur  Loni/in.)  Dieu  a  permis  qu'il  soit 
tombé  dans  des '\iinax'<iwccs  si  grossières,  qu'elles 
lui  ont  attiré  la  risée  de  tous  les  gens  de  lettres. 
{Idem.)  Ce  livre  est  plein  d' ignoriinccs  impar- 
donnables. (Acad.) 

Ignor.4nt,  Ignorante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
ignorer,  mais  qui  a  une  signification  plus  étea- 


IGN 


357 


due  que  ce  verbe.  Gn  se  mouille.  On  le  construit 
quelquefois  avec  la  préposition  de  :  C'était  un 
jeune  métaphysicien  firt  ignorant  des  choses  de 
ce  monde,  (^'olt.)  O  ranitf,  6  mortels  ignorants 
de  leurs  destinées!  (Bossuet.)— On  dit  aussi  être 
ignorant  en  géographie,  en  astronomie ,  pour 
dire  n'avoir  point  de  connaissances  dans  ces 
sciences.  L'Académie  dit  il  est  ignorant  sur  ces 
matières-là.  — L'AcadiMiiie  ne  dit  ignorant  (jue 
des  personnes;  cependant  plusieurs  bons  auteurs 
l'ont  dit  des  choses  :  Leurs  ignorantes  et  ini- 
ques décisions.  (Bossuet)  Choqué  de  ^ignorante 
audace  avec  laquelle  il  y  décide  de  tout  ce  qu'il 
y  a  déplus  révéré  dans  les  lettres.  (Boil.,  Con- 
clusion des  7ieiif  premières  réflexions  sur  Lon- 
gin.) 

Un  ignorant  suffrage 
X'estpas  moins  sot  qu'un  ignorant  ouvrage. 
(Rot'SSEAU.) 

Puisqu'on  dit  une  savante  décision,  une  sa- 
vante interprétation,  pourquoi  ne  dirait-on  pas 
une  ignorante  décision,  une  ignorante  inter- 
prétation? L'un  signifie  une  décision,  une  inter- 
préiation  qui  montre,  qui  dénote  de  la  science, 
de  l'instruction  ;  l'autre  signifierait  une  décision, 
une  interprétation  qui  montre,  qui  dénote  de  l'i- 
gnorance. 11  est  probable  ([ue  l'Académie  a  ou- 
blié d'indiquer  celte  acception  dans  son  Dic- 
tionnaire, et  que  peu  à  peu  sa  négligence  aura 
passé  pour  une  règle. — On  vient  de  voir  que  cet 
adj.  se  met  souvent  avant  son  subst.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Ignorer.  V.  a.  de  la  l"'  conj.  Gn  se  mouille. 
Ne  savoir  pas.  11  signifie  aussi  ne  pas  connaî- 
tre :  Ils  ignorent  les  hommes  et  s'ignorent  eux- 
mêmes.  (Fénelon,  Télémaque.) 

Mon  cœur,  qui  s'ignore. 
Peut-il  admettre  un  Dieu   que  mon  amant  abhorre? 
Volt.,  Zaïre,  act.  I,  se.  i,  100) 

J'ai  rangé  soustos  lois  vingt  peuples  de  l'aurore, 
Qu'au  siècle  de  Bclus  on  ignorait  encore. 

(Volt.,  Sémir.,  act.  III,  se.  Yl,  56.) 

Mais  nos  concitoyens 
Sous  les  armes  des  Grecs  ignorant  les  Troyens. . . 
(DELiL.,£netd.,  II,  543.) 

/jncres-vous  leur  fourbe,  ijnorcï-vous  Ulysse? 
[Idem,  II,  66.) 

Ijnorons-nous  le  sort  et  ses  jeux  inconstants? 
[Idem,  II,  66.) 

Le  verbe  ignorer,  suivi  de  que,  régit  le  sub- 
jonctif quand  la  phrase  est  affirmative,  et  l'indi- 
catif quand  elle  est  négative  :  On  ignore  com- 
munément que  Tristan  ait  mis  en  vers  l'Office 
de  la  sainte  Vierge.  (Wiltaire.)  Il  ignore  qu'on 
fasse  des  inforniations  contre  lui.  Il  n'ignore 
pas  qn'o7i  fait  des  informations  contre  lui.  Cet 
usage  semble  contrarier  la  règle  générale,qui  veut 
que^  dans  les  verbes  (pji  expriment  la  croyance, 
on  emploie  l'indicatif  quand  la  phrase  est  affir- 
mative, et  le  subjonctif  quand  elle  est  négative. 
Mais  le  fondement  de  cette  règle  générale,  c'est 
que  la  phrase  affirmative  marque  (luehpie  chose 
de  certain,  de  positii',  et  (luc  la  phrase  négative 
marque  du  doute,  de  l'incertitude.  Or,  l'usage 
que  nous  venons  d'exposer  dans  l'emploi  du 
verbe  ignorer,  est  conforme  à  l'esjjrit  de  cette 
régie  générale.  Ignorer,  dans  une  phrase  affir- 
mative, a  réellement  le  sens  négatif,  et  indique 


358 


IL 


du  dûulc,  «le  l'inccrliludc.  Ignorer,  c'est  ne 
f»a.S  savoir  :  J'ignore  qu'il  ait  fait  cela.  Dans 
ane  i>lirase  uéçalivc,  au  contraire,  ignorer  a  un 
sens  afiirmatif,  et  marque  fjuehiuc  chose  de  cer- 
tain et  de  positif  ;  ne  pas  ignorer,  c'est  savoir  : 
e  n  ignorepas  qu'il  u  fait  cela. 

11.  ri-oiioai  sing.  m.  do  la  3*  pcrsoiuie.  11  se 
il  des  personnes  et  des  clioses,  et  est  toujours 

îjet  du  verbe;  il  fuit  ils  au  i)kiriel.  Ce  pronom 
te  met  a  la  place  d'un  nom  déjà  exi)rMLC  :  J'ai 
ru  votre  frère,  il  m'a  dit,  etc.  J'ai  lu  cet  ou- 
vrage, il  est  beau. 

Il  parait  quelqiicfoii-  ne  ])rondrc  la  |»lace  d'au- 
cun nom  ;  c'est  lors(iu'on  l'emploie  avec  les  ver- 
bes qui  n'oM  ci  première,  ri  seconde  personne, 
et  qu'on  nomr.îC  verbes  in  pc.  sonne/s.  Tels  sont 
il  faut,  il  importe,  il  toK.:r,  il  pleut.  Dans  CCS 
cas  cependant  il  rappelle  toujours  l'idée  d'un 
nom  exprimé  ou  sous-cntcndu.  Dansi/  faut  par- 
ler, il  est  \\o\iv paîlor;  c'est  comme  s'il  y  avait 
il  parler  faut.  Dan;  il  importL  de  faire,  il  est 
pour  faire;  c'est  conunc  s'il  y  avait  il  faire 
importe.  11  est  vrai  que  dans  il  tonne,  if  pieu f, 
on  ne  voit  pas  dabord  le  nom  auquel  il  peut  se 
rapporter;  il  y  en  a  un  cependant.  Ce  sera,  par 
exemple,  ciel  :  il  ciel  tonne,  il  ciel  pleut.  Dans 
ces  cas,  comme  l'observe  Condillac,  il  se  rappro- 
che du  sens  de  l'article  le. 

Quand  le  pronom  il  est  après  un  verbe  qui 
finit  par  une  voyelle,  on  met,  pour  adoucir  la 
prononciation,  un  t  euphonique  entre  le  verbe  et 
le  pronom  :  Comment  cet  homme  ose-l-il  espérer 
qu'on  lui  pardonnera  9 

Le  pronom  il,  de  même  que  les  adjectifs  rela- 
tifs (voyez  ce  mol),  ne  doit  pas  se  rai)|)orler  à  un 
mot  pris  indèlcnninément,  c'est-à-dire  dont  la 
sisuilication  ne  soit  pas  déterminée  par  l'article 
ouï  par  quelque  chose  d'équivalent  :  Une  sen- 
tence d'interdit  fut  publiée  sur  tout  le  royaume; 
il  dura  sept  mois.  Il  ne  peut  rappeler  ici  l'idée 
d'interdit,  parce  que  ce  mot,  n'étant  précédé  que 
de  la  proposition  de,  est  pris  dans  un  sens  indé- 
terminé. Pour  rectifier  cette  phrase,  il  faudrait 
dire  une  sentence  d'interdit  fut  publiée  sur  le 
royaume,  et  cet  interdit  dura  sept  mois. 

Il  faut  toujours  que  l'esprit  saisisse  d'abord  à 
(lucl  nom  se  rapporte  le  pronom  il.  Ne  dites  donc 
pas  Molière  a  surpassé  Plante  dans  Unit  ce  quW 
a  fuit  de  meilleur;  car  ici  on  ne  sait  si  il  se  rap- 
porte à  Molière  nu  à  Piaule. 

On  demande  s'il  faut  répéter  le  pronom  il  dans 
une  phrase  où  il  est  le  sujet  de  plusieurs  verbes. 
Nous  allons  essayer  de  répondre  à  cette  question. 

On  A'\\.,il  était  honteux  de  sa  crainte,  et  ii'a- 
vait  pas  le  courage  de  la  stirmonter.  Ici,  si  l'on 
ue  répète  pas  il,  ce  n'est  pas,  comme  certains 
grammairien?  l'ont  cru ,  parce  que  les  deux 
verbes  sont  au  même  tci;:ps,  mais  parce  ijuc  ces 
verbes  expriment  deux  actions  simultanées.  Dans 
la  phrase  suivante,  fourbes,  adroits,  hypocrites, 
dangereux,  ils  flattent,  ils  caressent,  ils  environ- 
nent de  séductions,  on  répèle  il,  (juoi(|ue  les  ver- 
bes soient  au  même  temps,  parce  (jue  chaque 
verbe  exprime  une  action  dislinctc  qui  a  pour 
sujet  seulement  un  des  noms  énonces  au  com- 
mencement de  la  phrase.  C'est  conunc  s'il  y  avait, 
comme  fourbes,  ils  flattent;  comme  adroits,  ils 
caressent;  comme  hypocrites  dangereux,  ils  en- 
vironnent de  séductions.  U  y  a  réellement  là  trois 
pro[iosilions  distinctes  où  le  sujet  est  considéré 
souE  trois  points  de  vue  différents.  Voilà  pour- 
quoi la  rcpelition  du  pronom  est  nécessaire. 
Quand  Buffon  a  dit:  Ce  plan  n'est  pas  encore 


IL 

le  style,  mais  il  en  est  la  base  ;  il  le  soutient,  il 

le  dirige,  il  règle  son  mouvement,  et  le  soumet  à 
des  lois  {Disc,  sur  le  style,  t.  XXA',  p.  2fil), 
il  a  ré|)èlé  le  pronom  il,  non  parce  que,  .sans  cette 
répélilion,  l'oreille  ne  serait  [kis  saiisfaile,  à  cause 
du  régime  différent  du  ti'oisième  verbe;  car  je 
crois  iju'il  aurait  bien  pu  dire,  il  le  soutient,  le 
dirige,  règle  son  mouvement,  et  le  soumet  à  ses 
lois  ;  mais  il  a,  répété  le  pronom,  |)arce  que  la 
()remié:"c  de  ces  propositions  est  une  preuve,  et 
chacune  des  propositions  suivanlcD  une  nouvelle 
preuve  de  la  proposition  il  en  est  la  base;  et  c'est 
pour  faire  mieux  sentir  la  force  de  ces  preuves, 
qui  se  fortifient  l'une  l'autre,  qu'il  a  fait  cette 
répélilion. 

C'est  ainsi  qu'on  dirait  à  un  enfant  ingrat  : 
Comment  pvuvez-vous  ne  pas  chérir  votre  père? 
il  vous  aime,  il  vous  élève,  il  vous  nourrit,  il 
pourvoit  à  tous  vos  besoins,  et  nest  occupé  que 
de  votre  bonheur.  Assurément,  on  pourrait  dire, 
sans  blesser  les  règles  de  !a  graiiunaire,  il  vous 
aime,  vous  élève,  vous  nourrit,  pourvoit  à  t"us 
vos  besoins,  et  n'est  occupe  que  de  votre  bonheur. 
Mais  ce  tour  serait  froid.  C'est  donc  le  besoin 
d'appuyer  sur  chacune  de  ces  raisons,  et  de  Caire 
scniir  iju'cUesse  renforcent  l'une  l'aulrc,  qui  fait 
répéter  le  pnmom.  La  crainte  de  blesser  l'oreille 
n'y  a  aucune  pari. 

Souvent  la  répélilion  du  pronom  est  nécessaire, 
parce  que  les  propositions  sont  séparées  par  des 
incises  ([ui  indiiiuenl  une  action  intermédiaire. 
C'est  par  la  raison  de  la  liaison  ou  de  la  sépa- 
ration des  verbes,  ijuc  l'on  voit,  dans  le  passage 
suivant  de  Buffon,  le  pronom  tantôt  suj)priiûé, 
tantôt  répété. 

Bulfon  dit  en  parlant  de  l'homme  :  Excité  par 
l'insatiable  avidité,  aveuglé  par  l'ambition  en~ 
core  plus  insatiable,  il  renonce  aux  sentiments 
d'humanité,  tourne  toutes  ses  forces  contre  luir 
même,  cherche  à  s'entre-détruire,  se  détruit  en 
effet  ;  et,  après  ces  jours  de  sang  et  de  carnage, 
lorsque  la  fumée  de  la  gloire  s'est  dissipée,  il 
voit  d'un  œil  triste  la  terre  dévastée,  les  arts 
ensevelis,  les  nations  dispersées,  les  peuples  af- 
faiblis, son  propre  bonheur  ruiné,  et  sa  puis- 
sance réelle  anéantie. 

Concluons  de  tout  ceci  que,  lorsque  le  pronoir. 
il  est  le  sujet  de  plusieurs  verbes,  il  se  répète 
quelquefois,  et  (luelquefois  ne  se  répète  pas;  et 
que  cette  répétition  est  réglée  par  le  caractère 
particulier  que  veui  donner  à  sa  pensée  celui 
qui  parle  ou  qui  écrit,  par  le  rapprochement  ou 
réloignemeut  des  verbes,  par  la  simulianéité  ou 
la  non  simultanéité  des  actions  exprimées  par  ces 
verbes. 

Si  je  veux  exprimer,  par  exemple,  que  plu- 
sieurs actions  ont  eu  lieu  successivement,  sans 
interruption  et  peur  ainsi  dire  dans  le  même 
temps,  je  dirai  ;  il  soupire,  étend  les  bras,  ferm- 
l'œil  et  s'endort.  Mais  si  je  veux  fixer  l'attention 
sur  chaque  action  en  particulier,  et  les  faire 
considérer  l'une  après  l'autre,  je  dirai  :  il  m'in- 
sulte, il  m'outrage.,  il  me  charge  de  fers. 

S'il  y  a  une  sorte  d'opposilion  dans  les  idées, 
je  répéterai  le  pronom  :  //  me  corrige,  mais  il 
m'aime;  il  veut,  et  il  no  veut  pus  ;  il  donne  et  \ 
il  reçoit.  Mais  je  dirai,  il  ne  donne  ni  ne  reçoit,  \ 
parce  que,  loin  (ju'il  y  ait  opposition  entre  ces 
deux  actions,  ([ui  sont  récUemenl  différentes, 
elles  sont  en  (juclque  façon  assimilées  par  la  né- 
gation. Quand  je  dis  il  donne  et  il  reçoit,  c'est 
Connue  si  je  disais  il  fait  L'action  de  donner,  et 
il  fait  l'action  de  recevoir;  et  j'exprime  deux  ac- 


IL 

tions  différentes:  mais  dansiZ  ne  donne  ni  ne  re- 
çoit, il  n'y  a  réelleuionl  (]u'une  idée,  c'est  de  ne 
pas  faire;  C'est  comme  s'il  y  avait  il  ne  fuit  ni 
l'action  de  donner,  ni  faction  de  recevoir. 

On  dira,  quoique  les  verbes  ne  soient  pas  au 
même  temps,  il  pleurait  dedcpit,  et  alla  trouver 
Calijpso  errante  dans  les  sombres  furets  (Fond., 
Télém.,  iiv.YII,  t.  I,  p.  252),  {larce  (|uc  l'action 
de  pleiirer  et  d'aller  sont  présentées  ici  connue 
simulianccs.  .Mais  si  l'on  veut  exphmer  deux  ac- 
tions faites,  ou  qui  doivent  être  laites  dans  des 
temps  différents,  on  répétera  le  pronom,  et  on 
dira,  i)ar  exemple,  «7  désire  vaincre,  et  il  vain- 
cra. 

Le  pronom  //  se  met  avant  le  verbe,  excepté 
dans  les  phrases  iiilcrogalives  :  Il  vient,  vient- 
ilf  Lorsqu'il  se  met  avant  le  verbe,  il  le  précède 
immédiaiement,  à  moins  qu'il  ne  soit  suivi  d'un 
autre  pronom  persoimel,  t7  me  donne;  ou  de  la 
partii'ule  négative  ne,  il  ne  veut  pas. 

Le  pronom  //,  se  mettant  à  la  ])lacc  des  noms 
dont  on  veut  éviter  la  répétition,  ne  doit  pas  être 
employé  dans  une  phrase  avec  le  nom  qu'il  re- 
présente. On  ne  dira  donc  pas,  mon  frère  il  m'a 
dit.  Mais  (luelquefois  on  l'emploie  élégamment 
dans  la  nièmc  phrase  avec  le  nom,  lorsque  ce 
nom  vient  après.  Ainsi  l'on  dit,  ils  sont  rares  les 
hommes  qui  conforment  leur  conduite  aux 
maximes  de  la  sagesse;  ils  sont  passés  ces  beaux 

jours  oîi Ce  tour  s'emploie  surtout  dans  les 

interrogations.  Où  *owi-ils  ces  gens  qui  veulent 
VL  accuser  d'un  crime? 

D'a[)rés  la  première  partie  de  cette  règle,  il 
semblerait  qu'il  y  a  quelque  chose  à  reprendre 
dans  les  vers  suivants  do  Voltaire  (Henr.,  VIL 
25.)  : 

Louis  en  ce  moment  prenant  son  diadème. 
Sur  le  front  du  vainqueur  il  le  posa  lui-même. 

il  est  certain  qu'en  prose  il  serait  mieux  de  dire, 
Louis  prenant  son  diadème,  le  posa  lui-même 
sur  le  front  dti  vainqueur.  Mais  le  tour  employé 
par  Voltaire  peut  être  admis  en  vers,  lorsqu'il  y 
a  dans  la  phrase  deux  verbes  qui  expriment  deux 
actions  différentes,  et  faites  en  différents  temps. 
Il  ne  serait  pas  supportable,  s'il  y  avait,  Louis  il 
posa  lui-même  son  diadème  sur  le  front  du 
vainqueur,  parce  qu'il  y  aurait  évidemment  ré- 
pétition de  sujet,  et  que  l'on  ne  pourrait  pas  se 
faire  illusion,  sur  cette  faute.  Mais  dans  Louis 
prenant  son  diadème,  sur  le  front  du  vainqueur 
il  le  posa  Lui-même,  on  voit  deux  verbes;  et  deux 
sujets  ne  iiaraissent  point  étranges,quoi(pj'ils  ne 
soient  pas  exactement  conformes  à  rexaclitudo 
grammaticale.  Louis  parait  le  sujet  de  prenant, 
il\e  sujet  de  poser;  et  on  pense  d'autant  moint 
que  Louis  pourrait  servir  de  sujet  aux  deux  ver- 
bes, que  ces  deux  verbes  sont  à  des  leuq)S  diffé- 
rents. Les  mots  sur  le  front  du  vainqueur,  ([ui 
séparent  le  premier  verbe  du  second,  servent  en- 
core à  compléter  l'illusion,  et  à  faire  croire  à  la 
nécessité  du  pronom. 
Corneille  a  dit  [Gin.,  act.  II,  se.  i,  J31)  : 

II  passe  pour  tyran,  quiconque  s'y  fait  maître. 

Cet  U,  dit  Voltaire,  qui  était  autrefois  un  tour 
très-heureux,  la  tyrannie  de  l'usage  l'a  aboli  :  Il 
est  un  tyran,  celui  qui  asservit  son  pays.  Il  est 
un  perfide,  celui  qui  manque  d  sa  parole.  On  a 
encore  conservé  ce  tour  ;  Ils  sont  dangereux,  ces 
ennemis  du  théâtre,  ces  rigoristes  outrés. 


\L 


359 


.      Il  est,  il  y  a.  Ces  deux  expressions,  qui  sont 
j  souvent  employées  l'une  pour  lautre,  offrent  ce- 
,  pendant  (luelquo  différence.  Il  est  semble  expri- 
i  mer  quoique  chose  de  plus  irénéral,  et  il  y  a 
j  quelque  chose  de  plus  particulier,  déplus  appli- 
cable a  une  circonstance  particulière,  (luand  je 
dis,  par  exemple,  il  est  des  dangers  auxquels 
l  homme  le  plus  sage  ne  saurait  ichopper    je 
n'exprime  qu'en  général  l'existence  de  ces  dan- 
j  gers,  et  je  ne  les  appli(pie  à  aucun  cas  pariicu- 
!  lier.  Mais  quand  je  dis,  il  y  a  dans  cette  affaire 
'  des  dangers  auxquels  vous  ne  pourrez  échap- 
I  per,  je  n'indique  plus  les  dangers  d'une  manière 
vague  et  générale,  mais  Je  les  sniipose  existant 
réellement  d'une  manière  particulière  et  déter- 
minée. C'est  alors  que  l'on  doit  employer  j7  y  a, 
et  que  //  est  serait  une  faute  :  Il  y  a  dans  Ilùrace 
\  des  passages  qu'on  explique  difficilement,  et  non 
pas  il  est  dans  Horace,  etc.  Il  en  est  de  mémo 
lorsque,  par  ces  sortes  de  phrases,  on  veut  faire 
un  reproche  indirect  a    quchpi'un.  Si  l'on  veut 
s'exprimer  avec  queliiue  ménagement,  on  dit,  U 
est  des  gens  qui  ne  se  comportent  pas  si  sage- 
ment; et  si,  au  contraire,  on  veut  faire  sentir 
l>lus  vivement  l'application  que  l'oii  fait  de  celte 
observation  à  la  conduite  de  la  iforsonne  à  qui 
l'on  parle,  ou  dira  il  y  a  des  gens  qui  ne  se  com- 
portent pas  si  sagement,  et  c'est  i)rcs(iue  comme 
si  l'on  disait,  vous  êtes  du  nombre  de  ceux  qui 
ne  se  comportent  pas  si  sagement.  On  remarquera 
le  même  sens  général  dans  les  vers  suivants  : 

Il  est  des  contre-temps  qu'il  faut  qu'un  sage  essuie. 
(Rac.  Esth.,  act.  IV,  se.  i,  i6.) 

Il  est  des  nœuds  secrets,  il  est  des  sympathies. 

(Cous.,  Rodog.,  act.  I,  se.  vu,  61.) 

Cependant  comme  l'expression  il.  y  a  forme  un 
hiatus  assez  désagréable,  les  poètes  et  les  orateurs 
préfèrent  dans  tous  les  cas  il  est  à  il  y  a.  ^'ollaire 
dit  dans  Sémiramis  (act.  V,  se.  vm,  46)  : 

//  est  donc  des  forfaits 
Que  le  courroux  des  dieux  ne  pardonne  jamais  ! 

Dans  l'exactitude  du  sens,  Voltaire  aurait  dû 
dire,  il  y  a  donc  des  for  faits,  ci\r  il  s'agit  ici  d'un 
forfait  particulier  ;  mais  il  y  a  n'est  pas  souffert 
dans  un  vers  noble 

La  même  différence  se  remarque  entre  ces  ex- 
pressions, lorsqu'on  les  énonce  avec  la  négation. 
OndiltV  n'y  aque  vous  qui  puissiez  meconsoler,oi\ 
désiP'ne  un  être  particulier;  mais  c'est  mal  s'expri- 
mer, de  dire,  il  n'y  u  rien  qui  puisse  /«e  conso- 
ler, parce  (pie  le  sens  tombe  sur  une  idée  géné- 
rale; il  faut  direz'/  n'est  rien  qui  puisse  vie  con- 
soler. Il  n'y  a  que  la  religion  qui  puisse  nous 
consoler  des  bornes  étroites  de  la  rie.  (Nicole.) 
Le  sens  tombe  sur  une  idée  particulière,  la  reli- 
gion; il  n'est  que  lu  religion  qui  puisse  nous 
consoler,  serait  mal  dit.  //  n'est  rien  que  je  ne 
fasse  pour  vous  soulager,  il  n'est  en  général  au- 
cune ciiose,  etc.  //  n'y  a  rien  à  manger,  ù  boire; 
il  n'y  a  aucun  objet  particulier  que  l'on  puisse 
manger  ou  boire.  //  n'y  a  Hen  à  faire.  Il  n'y  a 
rien  icipour  moi.  On  ne  pourrait  pas  dire,  il  n'est 
rien  à  manger,  à  boire,  il  n'est  rien  à  faire,  il 
n'est  rien  ici  pour  moi.  Je  sais  que,  dans  la  con- 
versation, on  met  indifféremment  il  y  a  ou  il  n'y 
a  dans  les  cas  où  le  sens  général  exigerait  il  est 
ou  il  n'est.  Mais,  si  la  nuance  (|ue  nous  venons 
d'indiquer  est  réelle,  pourquoi  ne  l'exprimerait- 


3G0 


ILL 


on  pns  dans  le  discours?  Les  poêles,  au  contraire, 
incitcni  toujours  il  est  el  il  n'est  au  lieu  de  il  y 
(I  '"l  il  n'y  a. 

Il  n'est  que  les  grands  cœurs 
Quisenlentia  pitié  que  l'on  doit  aux  malheurs. 

(Li  Harpe,  PhUoctite,».cU  I,  se.  iv,  238.) 

Selon  quelques  grammairiens,  il  faul  dire  il  y 
a  plaisir  à  dcvanl  une  consonne,  cl  il  y  a  plaisir 
de  devanl  une  voyelle  :  Il  y  a  plaisir  à  rendre 
seiTice  à  un  galant  homme;  il  y  a  plaisir  d'être 
sevl,  entouré  de  bons  livres. — Il  nous  semble  que 
ce  n'esl  ni  In  voyelle  ni  la  consonne  qui  détermi- 
nent l'emploi  des  propositions  a  ou  de,  mais  bien 
le  sens  de  la  phrase.  On  dit  il  y  a  plaisir  à  ren- 
dre service  à  un  gahnit  hovune,  parce  qu'il  s'agit 
d'uni;  action,  rendre  service;  et  l'on  dit,  il  y  a 
plaisir  d'être  seul,  parce  qu'il  s'agit  d'un  état. 
On  dit  irés-bien  devant  une  consonne,  il  y  a  plai- 
sir de  s'entendre  louer,  et  devant  une  voyelle,  il 
y  a  plaisir  à  écouter  les  louaiiges  qu'on  nous 
donne,  ^'oyez  Amphibologie. 

Illégal,  Illégale.  Adj.  On  prononce  les  deux 
l.  Il  ne  se  met  (|u'après  son  subst.  :  Convention 
illégale,  assemblée  illégale,  formes  illégales;  des 
actes  illégaux. 

Illégitisie.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
les  deux  l.  Quand  il  signifie  qui  n'a  pas  les  condi- 
tions, les  qualités  requises  par  la  loi,  il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Mariage  illégitime,  en faiit 
illégitime. — Dans  le  sens  d'injuste,  déraisonnable, 
on  peut  quelquefois  le  mettre  avant  :  On  ne  pou- 
vait se  soumettre  à  ces  illégitimes  prétentions. 
"Voyez  Adjectif. 

Illégitimement.  Adv.  On  prononce  les  deux  l. 
On  peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  parti- 
cipe :  Il  a  possédé  illégitimement  cette  terre,  ou 
il  a  illégitimement  possédé  cette  terre. 

Illégitimité.  Subsl.  f.  On  prononccles  deux  ^ 

Illettré.  Subst.  m.  On  prononce  les  deux  l. 
Qui  n'a  aucune  connaissance  des  belles-letlres. 

Illicite.  Adj.  des  deu.v  genres.  On  prononce 
les  deux  /.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  ac- 
tion illicite,  plaisir  illicite,  amour  illicite. 

Illicitement  Adv.  On  prononce  les  deux  /.  Il 
ne  se  met  qu'après  le  verbe  :  Il  a  agi  ilUcite- 
vient. 

Illimité,  Illimitée.  Adj.  On  prononce  les  deux 
l.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Espace  illi- 
mité, étendue  illimitée,  autorité  illimitée,  pou- 
voir illimité. 

Illisible.  Adj.  des  deux  genres.  On  dit  inli- 
sible  de  l'écriture,  des  caractères  que  l'on  ne 
|)eut  lire,  (pie  l'on  ne  peut  déchiffrer,-  et  illisible 
des  ouvrages  qui  sont  si  mauvais  qu'on  ne  peut 
en  supporter  la  lecture  :  Sa  main  ne  forma  que 
des  caractères  iniisibles.  (Volt.,  Ilist.  de  Bussie, 
II'  part.,  ch.  xvii,  année  172j.)  Pourquoi  ces 
trois  hommes  ii  ont-ils  écrit  que  «^'illisibles  ou- 
vrages?  (La  Harjie,  Cours  de  littérature,  II* 
part.,liv.  I,  ch.  i,  t.lV,  p.  122.) 

S'il  ne  s'agissait  d'exprimer  par  ces  deux 
mots  qu'une  seule  idée,  savoir,  celle  de  ne  pou- 
voir déchiffrer  des  caractères,  il  serait  inutile 
d'employer  l'un  el  l'autre;  un  seul  suffirait;  et 
nous  pensons  avec  Féraud  (ju'il  faudrait  préfé- 
rer illisible;  mais  puiscjue  le  besoin  de  la  pensée 
exige  deux  cxjjressions  différentes,  on  fera  très- 
bien  de  les  conserver  l'une  el  l'autre,  chacune 
dans  un  sens  différent. 


ILL 

Il  parait  i\n'inlisible  se  dit  aussi  des  ouvrages 
que  la  décence,  la  convenance,  ne  pcnneitenl  pas 
de  lire  en  jiublic  ou  devant  certaines  personnes. 
D'Alembert  a  écrit  à  A'oltaire  :  F'ous  pourriez, 
au  lieu  des  grossièretés  iniisibles  publiquement 
que  vous  citez  de  Shakspeare,  y  substituer  quel- 
ques autres  passages  ridicules  et  lisibles.  Ccs 
deux  adjectifs  illisible  et  inlisible  peuvent  SC 
mettre  avant  leurs  substantifs,  en  consultant  l'o- 
reille et  l'analogie.  —  Boisle,  Noël  el  Girault- 
Duvivier  partagent  l'opinion  de  I,avcaux  relative- 
ment au  sens  qu'on  doit  donner  à  ces  deux  ad- 
jectifs ;  mais  l'Académie,  qui  semble  dire  indif- 
l'éiemmenl  écriture  illisible,  ou  inlisible,  parail 
cire  d'avis  de  n'einjjloyer  que  ce  dernier  mol  en 
parlant  d'un  écrit  dont  la  lecture  n'esl  pas  sup- 
IHirtable  :  Cet  ouvrage  est  inlisible;  enfin  Charles 
Nodier  dit  ])Osiliveincnt  dans  son  Exauien  criti- 
que des  dictionnaires,  qu'illisible  a  rapport  à 
l'écriture,  inlisible  au  style  ;  mais  il  ne  donne  au- 
cun exemple  de  ces  acceptions. 

Illuminatif,  Illcminative.  Adj.  On  prononce 
les  deux  /.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  :  f^ie 
illuminative . 

Illcminer,  Illusion.  On  prononce  les  deux  l 

Illusoire.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Proposition  illusoire,  con- 
trat illusoire,  demande  illusoire,  promesse  illu- 
soire. On  prononce  les  deux  l. 

Illusoiiiement.  Adv.  qui  ne  se  met  qu'après  le 
verbe.  On  prononce  les  deux  l. 

Illustration.  On  prononce  les  deux  l. 

Illustre.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
les  deux  /.  11  peut  quelquefois  se  mettre  avant 
son  subst.  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Un  homme  illustre,  une  femîne  illustre,  vji  corps 
illustre,  uîi  auteur  illustre,  un  illustre  auteur, 
une  illustre  compagnie,  une  illustre  assemblée . 
— Cet  adjectif  s'emploie  ordinairement  en  bonne 
pari;  cependant  il  se  joint  aussi  avec  des  noms 
qui  marquent  les  vices,  les  crimes  des  hommes 
trop  connus,  trop  fameux,  etc.  : 

D'illustres  attentats  ont  fait  toute  leur  gloire. 

(Volt.,  Lois  de  Sfinos,  acl.  I,  se.   1,  48.) 
[Grammaire  des  Grammaires,  p.  1168.) 

Illustrer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Les  deux  /  se 
prononcent. 

Illustrissime.  Adj.  qui  ne  se  dit  guère  que 
des  ecclésiastiques  élevés  en  dignité  :  Illustris- 
sime seigneur.  On  prononce  les  deux  L 

Image.  Subst.  f.  On  apiicUe  généralement 
image,  en  éloquence  cl  en  jioésie,  toute  descrip- 
tion courte  et  vive  (jui  présente  les  objets  aux 
yeux  autant  qu'à  l'esprit.  Telle  est  la  peinture 
qu'offrent  les  vers  suivants  dans  Athalie  (acl.  I, 
se.  Il,  79): 

De  princes  égorgés  la  chambre  était  remplie; 
Un  poignard  à  la  main,  Timplacable  Athalie, 
K\x  carnage  animait  ses  barbares  soldats,  etc. 

En  parlant  du  coloris  du  style,  on  entend  par 
image  celte  espèce  do  métaphore  qui,  pour  don- 
ner de  la  couleur  à  la  pensée,  et  rendre  un  objet 
sensible  s'il  ne  l'est  pas,  ou  plus  sensible  s'il  ne 
l'est  pas  assez,  le  peint  sous  des  traits  qui  ne  sont 
pas  les  siens.  Toute  image  est  une  inéta])horc, 
mais  touic  mélnpliorc  n'es!  p;:s  une  image.  11  y  a 
lies  translations  de  mois  qui  ne  présentent  leur 


IMA 

Tiouvelobjotquetcl  qu'il  est  en  lui-môme,  comme, 
par  exoiniile,  la  clef  d'une  roiUe,  le  pied  d'une 
montagne ;^\\  litHi  ([ue  l'expression  «pii  l'ait  imaw 
peint  avec  les  çoiilouis  de  son  premier  objet  la 
nduvelle  idée  à  laquelle  on  l'allaclie.  C'est  ainsi 
qu'Awsilas,  a  qui  l'on  demandait  pourquoi  l.acé- 
démone  n'avait  point  de  murailles,  répondit  en 
montrant  ses  soldats  ;  f^oilù  les  murailles  de  La- 
cédi'mnne. 

L'image  supiiose  une  ressemblance,  et  ren- 
ferme une  comparaison,  et  de  la  justesse  de  la 
comparaison  dépend  la  clarté,  la  transparence  de 
l'image.  Mais  la  comparaison  est  sous-enlendue, 
indiquée  ou  développée.  On  dit  d'un  homme  en 
colère,  il  rugit  ;  on  dit  de  même  c'est  un  liim;  on 
dit  encore  tel  r/u'uti  lion  altéré  de  sang,  elc.  Il 
rugit  sup[)Ose  la  comparaison,  c'est  un  lion  l'in- 
dique, tel  qu'un  lion  la  développe. 

■Telle  image  est  claire,  comme  expression  sim- 
ple, qui  s'obscurcit  dés  qu'on  veut  l'étendre. 
S'enivrer  de  louange  est  une  façon  de  parler  fa- 
milière ;  s'enivrer  est  pris  là  comme  terme  pri- 
mitif; celui  (pii  l'entend  ne  soupçonne  pas  qu'on 
lui  présente  la  louange  comme  une  liipieur  ou 
connne  un  parfum.  Mais  si  vous  suivez  l'image, 
et  que  vous  disiez  un  roi  s'enivre  des  louanges 
que  lui  versent  les  flatteurs,  ou  que  les  flatteurs 
lui  font  respirer,  vous  éprouverez  que  celui  (jui 
a  reçu  sans  diflicullé  s'enivrer  de  louange,  sera 
étonné  d'enlendre  verser  la  louange,  respirer  la 
louange,  et  qu'il  aura  besoin  de  réflexion  pour 
sentir  (jue  l'un  est  la  suite  do  l'autre.  La  difli- 
cullé ou  la  lenteur  de  la  conception  vient  alors 
de  ce  que  le  terme  moyen  est  sous-entendu,  f^er- 
ser  et  s'enivrer  annonce  une  liqueur.  Dans  res- 
pirer et  s'enivrer,  c'est  une  vapeur  qu'on  sup- 
pose. Que  la  li(iueur  ou  la  vapeur  soit  expressé- 
ment énoncée,  l'analogie  des  termes  est  claire  et 
frappante  par  le  lien  qui  les  unit  :  Un  roi  s'eni- 
vre du  poison  de  la  louange  que  lui  versent  les 
flatteurs;  un  roi  s'enivre  du  parfum  de  lu 
louange  que  les  flatteurs  lui  font  respirer.  Tout 
•ela  devient  naturel  et  sensible. 

La  nectar  que  l'on  sert  au  maitfe  du  loraierre. 
Et  dont  nous  enivrons  tous  lc:j  dieux  de  la  terre, 
C'est  la  louange. 

La  Fom.,  Ht.  X,  fabl.  i,  0.) 

Les  langues,  à  les  analyser  avec  soin,  ne  sont 
presque  toutes  qu'un  recueil  d'images  que  l'iia- 
biludea  mises  au  ran^  des  dénominations  primi- 
tives et  que  l'on  emploie  sans  s'en  apercevoir.  Il 
y  en  a  de  si  hardies,  que  les  poêles  n'oseraient 
fes  risquer  si  elles  n'étaient  pas  reçues.  Les  phi- 
ijsophes  en  useul  eux-mêmes  connue  de  lermcs 
abstraits.  Perception,  réflexion,  attention,  in- 
duction, tout  cela  est  pris  de  la  matière.  On  dit 
suspendre,  précipiter  sou  jugement,  balancer 
les  opinions,  les  recueillir,  elc.  Ou  dit  que  l'âuie 
s'élève,  que  les  idées  s' étendent,  (pie  la  génie 
étincelle,  que  Dieu,  vole  sur  les  ailes  des  vents, 
(\\l'il  habite  en  lui-même,  (pie  son  souffle  anime 
la  matière,  que  sa  voix  commande  au  néant,  etc. 
Tout  cel;i  est  familier,  non-seulement  à  la  |)ocsie, 
mais  à  la  philosophie  la  plus  exacte,  à  la  théolo- 
gie la  plus  auslère.  Ainsi,  à  l'exception  de  quel- 
ques termes  abstraits,  le  plus  souvent  confus  et 
vagues,  tous  les  signes  de  nos  idées  sont  emprun- 
tés desobjels  sensibles.  Il  n'y  a  donc,  pour  l'em- 
ploi des  uuages  usitées,  d'autres  ménagemenls  à 
-jrder  que  V^s  convenances  du  style. 

11  est  des  images  qu'il  faut  laisser  au  peuple  ; 


IMV 


361 


il  en  est  qu'il  faut  n'server  au  langage  héroïque; 
il  en  est  de  communes  à  tous  les  styles  et  a  tous 
les  tons;  mais  c'est  au  goût  formé  [)ar  l'usage  à 
distinguer  ces  nuances. 

Quant  au  choix  des  images  rarement  employées 
ou  nouvellement  introduites  dans  la  langue,  il 
faut  y  apporter  beancou|i  [dus  de  circonspeciion 
et  de  sévérité.  Que  ces  images  reçues  ne  soient 
point  exactes;  (pie  l'on  dise  de  l'esprit  qu'i7  est 
solide,  de  la  pensée  qu'elle  est  hardie,  de  l'at- 
tenlion  qu'e//e  est  profonde;  celui  qui  emploie 
ces  imag(;s  n'en  garantit  pas  la  jnslesse;  et  si  l'on 
demande  pourquoi  il  allrihue  de  la  solidité  à  ce 
(pi'il  appelle  un  souffle  (spirllus),  de  la  hardiesse 
à  l'aclimi  de  peser  (pensarc),  de  la  profondeur 
à  la  direction  du  nKuivcment  [lendere  ad),  car 
tel  est  le  sens  primilif  d'esprit,  de  pensée  et  d'at- 
tention, il  n'a  (pi'un  mot  à  répondre  :  Cela  est 
reçu;  je  parle  ma  langue. 

Mais  s'il  emiiloie  de  nouvelles  images,  on  a 
droit  iFexiger  de  lui  qu'elles  soient  justes,  clai- 
res, sensibles,  et  d'accord  avec  elles-mêmes.  C'est 
à  quoi  les  écrivains,  même  les  plus  élégants,  ont 
nuuKiuêplusd'uuefois.  Brumoi  dil  «luc  la  comé- 
die grec(pie,  dans  son  troisième  âge,  cessa  d'être 
une  mégère,  et  devint  un  miroir.  (Discours  sur 
la  comédie  grecque,  §  v.)  Quelle  analogie  y  a-t-il 
entre  un  miroir  et  une  mégère? 

Il  y  a  des  images  qui,  sans  être  précisément 
fausses,  n'ont  pas  celle  vérité  sensible  qui  doit 
nous  saisir  au  premier  coup  d'œil.  Vous  repré- 
senlez-vous  un  jour  vaste  par  le  silence,  dies 
per  silentium  vastus?  c'est  l'expression  dont  se 
sert  Tacite  pour  exprimer  le  jour  des  funérailles 
de  Gerinanicus;  mais  même,  après  avoir  déve- 
loppé la  pensée  de  Tacite,  on  ne  saisit  point  en- 
core son  image.  La  Fonlain(!,  empruntant  cette 
image  à  l'historien  laliii,  a  dil  : 

Craignez  le  fond  des  bois  et  leur  vaste  silence. 

Ici  l'image  est  claire  et  juste.  On  se  transporie 
au  milieu  d'une  solitude  immense,  où  le  silence 
règne  au  loin  ;  et  silence  vaste,  qui  parait  Jiardi, 
est  beaucoup  plus  sensible  ([ue  silence  profond, 
qui  est  devenu  si  familier. 

Distinguons  cependant  une  image  confuse 
dune  image  vague.  Celloci  peut  être  claire, 
(luoi(piC  indélinie.  L'étendue,  l  élévation,  la  pro- 
fondeur, sont  des  lennes  vagues,  mais  clairs.  Il 
faut  même  bien  se  garder  de  déterminer  certai- 
nes expressions  doni  le  vague  fait  toute  la  force. 
Tout  était  Dieu,  excepté  Dieu  meute,  dil  Bos- 
suel  en  parlant  des  siècles  d'idolàlrie;  c'est  le  va- 
gue et  l'immensité  de  cette  image  qui  en  l'ait  la 
force  et  la  sublimilé. 

Pour  s'assurer  de  la  justesse  et  de  la  clarté 
d'une  image  en  elle-même,  il  faut  se  demander 
en  écrivant,  que  fais-je  de  mon  idée?  une  co- 
lonne, un  fleuve,  une  plante?  L'image  ne  doit 
rien  représenter  qui  ne  convienne  à  la  i)!anle,  a 
la  colonne,  au  fleuve,  elc.  La  règle  osi  sim|)le, 
sûre  et  facile.  Rien  n'est  plus  commun  cependant 
que  de  la  voir  négliger,  et  surtout  par  les  com- 
mençants, qui  n'ont  pas  fait  de  leur  langue  une 
élude  philosophique. 

L'analogie  de  l'image  avec  l'idée  exige  encore 
plus  d'attention  que  la  justesse  de  l'image  en 
elle-même,  comme  étant  plus  dillicile  à  saisir. 
jNous  avons  dit  que  toute  image  suppose  une  res- 
semblance, ainsi  que  toute  comparaison  ;  mais  la 
comparaison  développe  les  rapports,  l'image  ne 
fait  que  les  indiquer.  Il  faut  donc  que  l'image  soit 


3G2 


IMA 


au  moins  aussi  juste  qucla  comparaison  peut  l'i^lrc. 
L'image  qui  ne  s'applitiue  pas  exactement  a  ri<l('e 
qu'elle  enveloppe,  l'ob^-curcil  au  lieu  de  la  len- 
ilrc  sensible;  il  faut  que  le  voile  ne  fasse  aucun 
pli,  ou  (pic  du  moins,  pour  parler  le  lan^'agc  des 
peintres,  le  nu  soit  bien  ressenti  sous  la  draperie. 

Après  la  justesse  et  la  clarté  de  l'imai^e,  il 
faut  placer  la  vivacité.  L'effet  que  l'on  se  iiruiwse 
étant  d'affecter  l'imagination,  les  traits  qui  l'af- 
fectcnl  le  plus  doivent  avoir  la  iireférence. 

Tous  les  sens  contribuent  proportionnellement 
au  langage  figuré.  Nous  disons  le  coloris  des 
idées,  la  voix  des  remords,  la  dureté  de  l'urne, 
la  douceur  du  curacicre,  Vodcur  de  la  re/imn- 
mée.  Mais  les  objets  de  la  vue,  plus  clairs,  plus 
vifs  et  plus  distincts,  ont  l'avantage  de  se  graver 
plus  avant  dans  la  mémoire,  et  de  se  retracer 
plus  facilement.  La  vue  est,  par  excellence,  le 
sens dcriraagination,etlesobjets qui  se  commu- 
niquent à  l'àme  par  l'entremise  des  yeux,  von',  s'y 
peindre  comme  dans  un  miroir.  Aussi  la  vue  est- 
ellc  celui  de  tous  les  sens  qui  enrichit  le  plus  le 
langage  poétique.  Apres  la  vue,  c'est  le  toucher; 
aprésle  toucher,  c'est  l'ouïe;  après  l'ouïe  vient 
le  goûi  ;  cl  J'odoi-af,  le  plu?  faible  de  tous,  four- 
nit à  peine  une  image  entre  mille.  Parmi  les  ob- 
jets du  même  sens,  il  en  est  de  plus  vifs,  de  plus 
frappants,  de  plus  favorables  à  la  peinture.  Mais 
le  choix  est  au-dessus  des  règles,  c'est  au  sens 
intime  à  le  déterminer. 

C'est  peu  que  l'image  soit  u-nc  expression  juste, 
il  faut  encore  qu'elle  soit  une  expression  natu- 
relle, c'est-à-dire  c]u'ellc  paraisse  avoir  dû  se  pré- 
senter d'elle-même  à  celui  qui  l'emploie.  Les 
peintres  nous  donnent  un  exemple  de  la  pro- 
priété des  images  ;  ils  couronnent  les  naïades  de 
perles  cl  de  corail,  les  bergères  de  fleurs,  les  mé- 
nadesde  pampre,  Uranie  d'étoiles,  etc. 

Les  productions,  les  accidents,  les  phénomè- 
nes de  la  nature,  diffèrent  suivant  les  climats.  Il 
n'est  pas  vraisemblable  que  deux  amants  ijui 
n'ont  jamais  dû  voir  de  palmiers,  en  tirent  l'image 
de  leur  union.  Il  ne  convient  qu'aux  peuples  du 
Levant,  ou  à  des  esprits  versés  dans  la  poésie 
orientale,  d'exprimer  le  rapport  des  deux  extrê- 
mes par  le  cèdre  et  l'hysope.  L'habitant  d'un  cli- 
mat pluvieux  compare  la  vue  de  ce  (ju'il  aime  à 
la  vue  d'un  ciel  sans  nuages;  l'habitant  d'un  cli- 
mat brûlant  la  compare  à  la  rosée.  Voyez  com- 
bien sont  opposées  l'une  à  l'autre  les  idées  que 
présente  l'image  d'un  fleuve  débordé  à  un  berger 
des  bords  du  Nil  et  à  un  berger  des  bords  de  la 
Loire.  11  en  est  de  même  de  toutes  les  images  lo- 
cales, (pie  l'on  ne  doit  transplanter  qu'avec  beau- 
coup de  précaution. 

Les  images  sont  aussi  plus  ou  moins  familiè- 
res, suivant  les  mœurs,  les  opinions,  les  usages, 
les  conditions,  etc.  Un  peuple  guerrier,  un  peu- 
ple pasteur,  un  peuple  matelot,  ont  chacun  leurs 
images  haijituelles;  ils  les  tirent  des  objets  qui 
les  occupent,  (jui  les  affectent,  ([ui  les  intéressent 
le  plus.  Un  chasseur  amoureux  se  compare  au 
cerf  qu'il  a  blessé  : 

Portant  partout  le  trait  dont  je  suis  déchire. 

(Rac,  l'héd.,  act.  II,  se.  il,  77.) 

Un  berger,  dans  la  mémo  situation,  se  compare 
aux  fleurs  exposées  aux  vents  du  midi. 

C'est  ce  qu'on  doit  observer  avec  un  soin  par- 
ticulier dans  la  poésie  dramatique.  Brihundcus 
ne  doit  pas  être  écrit  comme  Alhulie,  ni  Pu- 
lycvcte  comme  Cinna.  C'est  un  heureux  choix 
d'images  inusitées  parmi  nous,  mais  rendues  na- 


IMA 

lurelles  par  les  convenances,  qui  fait  la  magie  du 
style  de  Mahomet  et  iV.lIzirc,  et  qui  manque 
peut-être  à  celui  de  Btijazd. 

Il  y  a  des  phénomènes  dans  la  nature,  des  opé- 
rations dans  les  arts  qui,  (|U(ji(pic  i)résents  à  toiu 
les  hommes,  ne  frappent  vivement  ([uc  les  yeux 
des  philosophes  ou  des  artistes.  1  es  imaïcs,  d'a- 
bord réservées  au  langage  des  arts  et  des  scien- 
ces, ne  doivent  passer  dans  le  style  oratoire  ou 
poétique  qu'à  mesure  <iue  la  lumière  des  sciences 
et  des  arts  se  répand  dans  la  société.  Le  ressort 
de  la  montre,  la  boussole,  le  télescope,  le  pris- 
me, etc.,  fournissent  aujourd'hui  au  langage  fa- 
milier des  images  aussi  naturelles,  aussi  peu  re- 
cherchées que  celles  du  miroir  et  de  la  balance 
Mais  il  ne  faut  hasarder  ces  translations  nouvelles 
qu'avec  la  certitude  que  les  deux  termes  sont  bien 
connus,  et  ([ue  le  rapport  en  est  juste  cl  sensible. 

Le  puëie  lui  seul,  comme  pacte,  peut  employer 
les  images  de  tous  les  temps,  de  tous  les  lieux  et 
de  toutes  les  situations  de  la  vie.  De  là  vient 
(juc  les  morceaux  épiques  ou  lyriques  dans  les- 
(juels  le  poëte  parle  lui-même  en  qualité  d'Iiomme 
inspiré,  sont  les  plus  abondants,  les  plus  variés 
CD  images  II  a  cependant  lui-même  des  ménage- 
ments à  garder. 

1»  Les  objets  d'où  il  emprunte  ses  métaphores 
doivent  être  présents  aux  esprits  cultivés;  2"  s'il 
adopte  un  système,  comme  il  y  est  souvent  obligé, 
celui^  par  exemple,  de  la  théologie,  ou  celui  de 
la  mythologie,  celui  d'Epicure  ou  celui  de  New- 
ton, il  se  borne  lui-même  dans  le  choix  des  ima- 
ges, et  s'interdit  tout  ce  qui  n'est  pas  analogue 
au  système  qu'il  a  suivi;  3"  les  images  que  l'on 
emploie  doivent  être  du  ton  général  de  la  chose; 
élevées  dans  le  noble,  simples  dans  le  familier, 
sublimes  dans  l'enthousiasme ,  et  toujours  plus 
vives,  plus  frappantes  tiue  la  peinture  de  l'objet 
même;  sansiiuoi  l'imagination  écarterait  ce  voile 
inutile,  (^'est  ce  qui  arrive  souvent  à  lalec;ure 
des  poèmes  dont  le  style  est  trop  figuré;  4"  si  le 
poëte  adopte  un  personnage,  un  caractère,  son 
langage  est  assujetti  aux  mêmes  convenances  que 
le  style  dramali()ue  ;  il  ne  doit  se  servir  alors, 
pour  peindre  ses  scnlimenls  et  ses  idées,  que  des 
images  qui  sont  iirésentes  au  personnage  qu'il  a 
pris';  5"  les  images  sont  d'autant  plus  frappantes, 
que  les  objets  en  sont  plus  familiers;  et,  connue 
on  écrit  surtout  pour  son  pays,  le  style  p'iéliiiue 
doit  avoir  iliturellcmcnt  une  couleur  natale. 

Mais  une  règle  plus  délicate  et  plus  difficile  à 
prescrire,  c'est  l'économie  et  la  sobriété  dans  la 
distribution  îles  images.  Si  l'objet  de  l'idée  est  de 
ceux  que  l'imagination  saisit  et  retrace  aisément 
et  sans  confusion,  on  n'a  besoin,  pour  la  frapper, 
que  de  son  expression  naturelle  ;  et  le  coloris 
étranger  n'est  plus  que  de  décoration.  Mais  si 
l'objet,  (juoitiue  sensible  par  lui-même,  ncscpnv 
senle  à  l'imagination  ([uc  l'aiblement,  confusé- 
ment, successivement  ou  avec  jjeine,  l'image  qui 
le  peint  avec  force,  avec  éclat,  éclaire  et  soulage 
l'esiirit  autant  qu'elle  embellit  le  style. 

Mais  ce  n'est  pas  assez  que  l'idée  ait  besoin 
d'être  embellie,  il  faut  qu'elle  mérite  de  l'être. 
Une  pensée  triviale,  revêtue  d'une  image  pom- 
peuse ou  brillante,  est  ce  «pi'on  appelle  du  phé- 
hiis.  On  croit  voir  une  ])hysionomie  basse  et 
commune  ornée  de  diamants  Cela  revient  à  ce 
premier  principe,  que  limage  n'est  faite  <pie  pour 
rendre  l'idée  sensible.  Si  l'idée  ne  mérite  pas  d'ê- 
tre sentie,  ce  n'est  pas  la  peine  de  la  colorer. 

En  observant  ces  deux  règles,  .savoir  :  de  ne 
jamais  revêtir  l'idée  que  r^ur  l'embellir,  et  de  ne 


IMA 

jamais  embellir  que  ce  qui  mérite  d'être  embelli, 
on  évitera  la  iirot'iision  des  images,  on  ne  les  em- 
ploiera qu'a  propos;  c'est  là  ce  qui  fait  le  cliarmc 
du  style  «le  llacine  et  de  La  Fontaine.  11  est  ri- 
che et  n'est  point  chargé  ;  c'est  l'abondance  du 
génie  «lue  le  goût  ménage  et  répand. 

La  cuntiiuKilion  de  la  même  image  est  une  af- 
fectation que  l'on  doit  éviter,  surtout  dans  le 
dramaliiiue,  où  les  personnages  sont  trop  émus 
pour  penser  à  suivre  une  allégorie.  C'était  le  goût 
du  siècle  de  Corneille,  et  lui-même  il  s'en  est 
ressenti. 

En  changeant  une  idée,  on  peut  immédiate- 
ment i)asser  d'une  image  aune  autre;  mais  le 
retour  du  ligure  au  siuiple  est  indispensable  si 
l'on  s'étend  sur  la  même  idée,  sans  quoi  l'on  se- 
rait oldigé  de  soutenir  la  première  image,  ce  qui 
dégénère  en  affectation  ;  ou  de  présenter  le  même 
objet  sous  deux  images  différentes,  espèce  d'in- 
conséquence qui  clioquelc  bon  sens  et  le  goût. 

Il  est  des  idées  qui  veulent  être  relevées,  il  y 
en  a  d'autres  qui  veulent  que  l'image  les  abaisse 
au  ton  du  style  familier.  Ce  grand  art  n'a  point 
de  règle,  et  ne  saurait  se  raisonner. 

Dans  tous  les  mouvements  impétueux,  comme 
l'enthousiasme,  lu  passion,  etc.,  le  stylo  s'euûe 
de  lui-même;  il  se  tempère  ou  s'affaiblit  quand 
l'âme  s'apaise  ou  s'épuise.  Ainsi,  toutes  les  fois 
quo  la  beauté  du  sentiment  e.-t  dans  le  calme, 
l'image  est  d'autant  plus  belle,  qu'elle  est  plus 
simple  et  plus  familière.  Les  exemples  de  celte 
simplicité  précieuse  sont  rares  chez  les  moder- 
nes, ils  sont  communs  chez  les  anciens. 

Quanta  l'abus  des  images  qu'on  appelle  jeux 
de  mots,  il  consiste  dans  la  fausseté  des  rapports. 
Les  rapports  du  figuré  au  figuré  ne  sont  que  des 
relations  d'une  image  à  une  image,  sans  que  ni 
l'une  ni  l'autre  soit  donnée  pour  objet  réel.  C'est 
ainsi  que  l'on  compare  les  chaînes  de  l'amour 
avec  celles  de  l'ambition,  et  que  l'on  dit  que 
celles-ci  sont  plus  pesantes  et  moins  fragiles. 
Alors  ce  sont  les  idées  mêmes  que  l'on  compare 
sous  des  noms  étrangers. 

Mais  c'est  abuser  des  termes  que  d'établir  une 
ressemblance  réelle  du  figuré  au  simple.  L'image 
n'est  qu'une  comparaison  dans  le  sens  de  celui 
qui  l'emploie;  c'est  la  donner  pour  l'objet  même 
que  de  lui  attribuer  les  mêmes  rapports  qu'à 
l'objet,  comme  dans  ces  vers: 

Brûlé  de  plus  de  feux  que  je  n'en  allumai. 

(Rac,  Ândrom.,  act.  I,  se.  IT,  62.) 

Elle  fuit,  mais  en  Parthe,  en  nous  perçant  le  cœur. 
(Corn.,  Rodog.,  act.  I,  se.  v,  3.j 

De  la  fiction  à  la  réalité,  les  rapports  sont  pris 
à  la  lettre,  et  non  pas  de  la  niélaphurc  à  la  réa- 
lité. Par  exemple,  après  avoir  changé  Syrinx  en 
roseau,  le  poëtc  en  peut  faire  une  flùie;  mais 
quoiqu'il  appelle  des  lis  et  des  roses  les  cou- 
leurs d'une  bergère,  il  n'en  fera  pas  un  bouquet. 
Pourquoi  cela?  C'est  que  la  métamorphose  de 
Syrinx  est  donnée  pour  un  fait  dont  le  poëte  est 
persuadé;  au  lieu  que  les  lis  et  les  roses  ne  sont 
qu'une  comparaison  dans  l'esprit  môme  du  poëtc. 
C'est  pour  n'avoir  point  fait  cette  distinction  si 
facile,  que  tant  de  poêles  ont  donné  dans  les  jeux 
de  mots,  l'un  des  vices  les  plus  opposés  au  na- 
turel qui  fait  le  charme  du  style  poétique.  (Ex- 
trait ûeMarmonlel.) 

Quelquefois  on  présente  dans  une  description 
deux  images  opposées  qui,  jointes  ensemble,  se 
relèvent  mututUement.    C'est  ce  qu'où  appelle 


IMB 


363 


dmihle  peinture.  C'est  en  usant  d'une  double 
I^inturc  que  Corneille,  dans  le  récit  du  songe  de 
Tauline,  lui  fait  dire,  en  parlant  de  Sévère  [Puly. 
act.  I,  se.  III,  99)  : 

Il  n'était  point  couvert  de  ces  tristes  lambeaux 
Qu'une  ombre  désolée  emporte  des  tombeauic; 
Il  n'était  point  percé  de  ces  coups  pleins  de  gloire, 
Qui,  retranclianlsa  vie,  assurent  sa  mémoire: 
Il  semblait  triomphant,  et  tel  que  sur  son  char, 
Victorieux,  dans  Home  entre  notre  César. 

La  double  peinture  est  d'un  merveilleux  effci 
pour  le  path(;ti(]ue ,  mais  il  faut  beaucoup  d'a- 
dresse pour  la  ménager  et  l'employer  à  propos. 
[Encyclop  ,  article /'emmure  double.) 

Imaginable.  Adj.des  deux  genres.  Qui  peut  être 
imaginé.  Fcraud  prétend  qu'il  ne  se  dit  guère 
qu'avec  la  négative  ou  en  interrogation.  C'est  une 
erreur.  Les  exemples  que  donne  l'Académie  sont 
une  preuve  du  contraire  :  On  lui  a  fait  tous  les 
remèdes  Lmayi/iahles.  Tous  les  malheurs  iinagi— 
nuhles  lui  sont  arricés.  On  a  fait  tous  les  ef- 
forts iinuiiinables  pour  le  sauver.  Cet  adj.  ne  se 
met  (pi'après  son  subst. 

Imaginaire.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  n'est 
que  dans  l'imagination.  On  dit  en  ce  sens  un  bon- 
heur imaginaire,  une  peine  imaginaire.  Sous  ce 
point  de  vue,  imaginaire  n'est  point  opposé  à 
réel;  car  un  bonheur  imaginaire  est  un  bonheur 
réel;  une  peine  imaginaire  g^\.  une  peine  réelle. 
Que  la  chose  soit  ou  ne  soit  pas  comme  je  l'ima- 
gine, je  souffre  ou  je  suis  heureux.  Ainsi,  \'ima- 
ginaire  peut  être  dans  le  motif,  dans  l'objet  ; 
mais  la  réalité  est  toujours  dans  la  sensation.  Le 
malade  imaginaire  est  vraiment  malade,  d'esprit 
au  moins,  sinon  de  corps.  En  prose,  il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  bonheur  imagi- 
naire, des  biens  imaginaires.  —  Un  malade 
imaginaire . 

Imaginatif,  Imaginative.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Esprit  imaginatif,  faculté, 
puissance  Imaginative. 

Imaginer.  "V.  a.  de  la  I"  conj.  Les  grammai- 
riens onl  remarqué  qu'il  y  a  une  grande  dilfé- 
rcncc  entre  imaginer  et  s'imaginer  ,  soit  par 
rapport  au  sens,  soit  par  rapport  à  la  syntaxe. 
T'uagincr,  c'est  se  rcprésenteniuclque  chose  dans 
l'esprit;  c'est  aussi  en  queUpie  sorte  créer  une 
idée,  en  être  l'inventeur.  S'imaginer,  c'est  se 
figurer  (luelque  chose  sansfondemcnt,  ou  simple- 
ment croire,  se  |)ersuader  quelque  chose.  Ima- 
giner ne  peut  jamais  être  suivi  d'un  que,  ni  d'un 
infinitif.  On  ne  doit  pas  ùlrcj'imagine  que  cela 
est;  il  imagine  être  un  grand  homme.  ]\Iais  i't- 
viaginer  peut  avoir  à  sa  suite  un  que ,  un  nom, 
un  infinitif  ou  une  proposition  incidente  :  On 
s'imagine  ordinairement  qu'on  a  plus  de  mérite 
et  de  perfections  qu'on  nen  a  en  effet.  Celui  qui 
imagina  les  premiers  caractères  de  l'alphuhcl  u 
bien  des  droits  à  la  rccotinaissance  du  genre  hu- 
main. Les  esprits  inquiets  s'imaginent  d'ordi- 
naire les  choses  tout  autrement  qu'elles  ne  sont. 
La  plupart  des  écrivains  polémiques  s'iinaginenl 
avoir  bien  humilié  leurs  adcersaires,  lorsqu'ils 
leur  ont  dit  beaucoup  d'injures.  On  s'imagine 
avoir  quelque  jour  /e  temps  de  penser  à  la  mort; 
et,  sur  cette  fausse  assurance,  on  passe  sa  vie 
sans  y  penser. 

luBÉcii.E.  Adj.  des  deux  genres.  Il  y  a  une 
grande  différence  entre  les  imbéciles  et  les  fouc. 
Je  croirais  fort,  dit  Locke,  que  le  défaut  de:' 
imbéciles  vient  de  manque  de  vivacité,  d'acti- 
vité, et  de  mouvement  dans  les  facultés  intellec- 


364 


IMI 


tucUcs,  par  où  ils  se  trouvent  privés  de  l'usage 
de  la  raison.  Les  fous,  an  contraire,  semblent  éire 
dans  l'exlrcmilc  opposée;  «-ar  il  ne  parait  pas  que 
ces  derniers  aient  perdu  la  faculté  de  raisonner; 
mais  il  parait  qu'ayant  joint  mal  à  propos  cer- 
taines idées,  ils  les  prennent  |)our  des  vérités, 
et  se  trompent  de  lu  même  manière  que  ceux  qui 
raisonnent  juste  sur  de  faux  principes.  Ainsi 
vous  verrez  un  fou  cpii,  s'imaginant  être  roi,  pré- 
tend, par  une  juste  conséquence,  être  servi,  ho- 
noré selon  sa  dignité.  D'autres,  qui  ont  cru  être 
de  verre,  ont  pris  toutes  les  précautions  nécessaires 
pour  empcrlicr  leurcorpsd'élrc  cassé. Ce  qui  con- 
stitue vraisemblablement  la  différence  qui  se 
trouve  entre  les  imléciles  et  les  fous,  c'est  que  les 
fous  joignent  ensemble  des  idées  mal  assorties  et 
extravagantes,  sur  lesquelles  néanmoins  ils  raison- 
nent juste;  au  lieu  (pie  les  imhiciles  font  très-peu 
de  propositions,  ou  n'en  font  ])oint,  et  ne  rai- 
sonnent ([ue  i)cu,  ou  point  du  tout,  suivant  l'état 
de  leur  imbécillité.  — 11  se  dit,  surtout  en  vers, 
de  la  faiblesse  du  corps  : 

Prêtres  audacieui,  imhéciUs  soldats, 

Du  sabre  et  de  l'épée  ils  ont  chargé  leurs  bras. 

(Volt.,  ifcnr., IV,  353.) 

On  voit  par  ces  vers  qu'il  peut  se  mettre  avant 
son  subsl.  A'oyez  Adjectif,  Idiot. 

IsiBÉciLr.jiEîiT.  Adv.  Cet  adverbe,  que  l'on  no 
trouve  guère  que  dans  le  Dictionmiire  de  l'Aca- 
démie et  dans  celui  de  Restaut,  n'est  presque 
point  usité. 

Lmcécillité.  Subst.  f.  On  fait  sentir  les  deux  l 
sans  les  mouiller.  A'oyez  Imbécile. 

Imberbk.  Adj.  m.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
sulist.  :  Un  jeune  homme  imlerhe.  L'Académie 
le  fait  des  deux  genres  et  donne  [)our  exemple 
du  Icminin  :  Plusieurs  nations  de  l'Amérique 
sont  imberbes.  Les  nations  ne  sont  point  im- 
berbes; il  n'y  a  (juc  les  hommes  de  certaines 
nations  qui  le  soient.  Ce  mot  ne  se  dit  que  de 
ceux  qui  n'ont  point  de  barbe,  et  qui  doivent 
ou  qui  devraient  en  avoir ,  suivant  les  idées 
communes.  On  dit  que  les  femmes  n'ont  point  de 
barbe,  mais  on  ne  dit  pas  i[u'elles  sont  imberbes. 

Lmboihe.  y.  a.  de  la  4'  conj.  C'est  un  vieux 
mot  très  expressif,  dont  nous  n'avons  conservé 
que  le  participe  imbu.  11  signifiait  recevoir  par 
goùl  des  idées,  des  opinions,  etc.,  t;t  se  les  ren- 
dre jiroprcs  par  la  force  de  l'h;ibitudc.  On  disait 
'ii\iss'\  s* imboire.  Montaigne  a  dit  :  Il  faut  qu'il 
imboive  leurshumeurs,  non  qi/' il  apprenne  leurs 
préceptes;  et  qu'il  oublie  hardiment  s'il  veut  d'oii 
il  les  tient;  mais  qu'il  se  les  sache  approprier. 
[Essuis,\\v.],  cb'ip.  XXV,  t.  I,  p.4.43.)J.-J.  llous- 
scau  a  fait  renaître  cette  ex|)ression,  et  quelques 
écrivains  l'ont  imité.  Celui  qui  vous  parle  est 
un  solitaire  qui,  vivant  peu  avec  les  hommes, 
a  moins  d'occasions  de  _  s'imboirc  dz  leuîs 
pr, jugés,  {i.-i.  nouss.,  Emile,  liv.  II,  t.  v:, 
p.  146)  Nous  n'avons  aucun  nio»  (pii  exprime 
convenubleuient  l'idée  que  présence  celui-ci; 
pourquoi  donc  le  rejeter? 

liiBBOGMo.  Subst.  m.  On  le  prononce  à  l'ita- 
lienne ein-bro-glio,  en  mouillant  gl.  L'Académie 
<lit  qu'on  le  prononce  aussi  imbroille,  a  la  fran- 
çaise, Cdus  faire  sentir  l't,  et  en  mouillant  les  /. 

Imit.\bi.e.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  dit 
guère  qu'avec  la  négative,  et  alors  il  diffère 
d'inimitable,  en  ce(iue  celui-ci  se  dit  du  bien  ou 
du  beau  auquel  on  ne  peut  atteindre,  et  imitable, 
des  choses  qu'il  faut  se  carder  d'imiter.  Virgile 


IMI 

est  inimitable,  Lucain  n'est  pas  imitable.  Je 
sens  si  virement  ce  que  le  père  du  théâtre  a  de 
sublime,  qu'il  ui'est  permis,  plus  qv'ii  personne, 
de  montrer  en  quoi  il  n'est  pas  imitable.  (Volt., 
Dernières  remarques  sur  Sertorius.)  11  en  est 
de  même  dans  le  sens  moral  .  Ce  trait  d'héroïsme 
est  inimitable.  Cette  actrice  n'est  pas  imitable. 

I.MiTATECR.  Subst.  m.  Eli  parlant  d'une  femme, 
on  dit  imitatrice.  Il  se  prend  aussi  adjective- 
ment, et  alors  il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  e.<;pril  imitateur,  un  peuple  imitateur. 

liMiTVTiF,  Imitative.  Adj.  Qui  imite.  11  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Termes  imitatifs, 
harmonie  imitative,  chants  imitatifs. 

En  termes  de  grammaire  et  de  poésie,  on  ap- 
pelle/iferaic  imtVn/tVe  toute  phrase  «lui  imite  en 
quelque  manière  le  bruit  inarticulé  dont  nous 
nous  servons  par  instinct  naturel,  pour  donner 
l'idée  de  la  chose  (lue  la  phrase  exprime  avec  des 
molsarliculés. 

L'homme  qui  manque  de  mots  pour  exprimer 
quelque  bruit  extraordinaire,  ou  pour  rendre  a 
son  gré  le  sentiment  dont  il  est  touché,  a  recours 
nalurcUement  à  l'expédient  de  contrefaire  ce 
même  bruit,  et  de  marquer  ses  sentiments  par 
des  sons  inarticulés.  Nous  sommes  portés  par  un 
mouvement  naturel  à  dépeindre  par  des  sons 
inarticulés  le.  fracas  qu'une  maison  aura  fait  en 
tombant,  le  bruit  confus  d'une  assemblée  tumul- 
tueuse, et  plusieurs  autres  choses.  L'instinct 
nous  porte  à  suppléer  par  ces  sons  inarticulés  à 
la  stérilité  de  notre  langue,  ou  bien  à  la  lenteur 
de  notre  imagination. 

Mais  les  écrivains  latins,  particulièrement  les 
poètes,  qui  n'ont  pas  été  gènes  comme  les  nôtres, 
et  dont  la  langue  est  infiniment  plus  riche,  sont 
remplis  de  phrases  imitatives  t|ui  ont  été  ad- 
mirées et  citées  avec  éloge  par  les  écrivains  du 
bon  temps. 

Nos  poêles  qui  ont  voulu  enrichir  leurs  vers 
de  ces  phj-ases  imitatires  n'ont  pas  réussi  au 
goût  des  Français,  comme  les  poètes  latins  au 
goût  des  Romains.  Nous  rions  du  vers  où  Du- 
bartas  dit  en  décrivant  un  coursier  (Artifices. 
1"  jour  de  la  2'  semaine,  Jf^' partie,  398)  : 

Le  champ  plat,  bat,  abat... 

Nous  ne  traitons  pas  plus  sérieusement  les  vei-s 
suivants,  où  le  vol  de  l'alouette  est  décrit  en 
phrase  imitative  : 

Elle  guindée  du  zépliire, 
Sublime  en  l'air,  vire  et  revire, 
Et  y  décligne  un  joli  cri, 
Qui  rit,  guérit,  et  tire  lire 
Des  esprits  mieux  que  je  n'écris 

Pasquier  rapporte  i)lusieurs  autres  phrases 
imitatives  des  poêles  français,  par  lesquelles  il 
veut  prouver  que  noire  langue  n'est  pas  moins 
tapaltle  que  la  latine  de  beaux  traits  poétiques; 
mais  les  exemples  qu'il  rapporte  suffisent  jjour 
réfuter  sa  pri)|iosilion. 

En  effet,  i)arce  qu'on  aura  introduit  quelques 
phrases  imitatives  dans  des  vqis,  il  ne  s'ensuit 
pas  que  ces  vers  soient  bons.  Il  faut  que  ces 
phrases  imitatives  y  aient  été  introduites  sans 
préjudicier  au  sens  et  à  la  conslruction  gram- 
maticale. Or,  on  cilerait  bien  peu  de  morceaux 
de  poésie  française  qui  soient  de  celle  espèce, 
et  qu'on  puisse  opposer  en  (pielque  façon  à  tant 
d'autres  vers  que  les  Latins  de  luus  les  temps 
ont  loués  dans  des  ouvrages  de  \cuvs  poêles.  Du 
Bos  ne  connaissait  en  ce  genre  que  la  descrip- 


IMI 

tion  d'un  assaut  qui  se  trouve  dans  l'ode  de 
Dcsprt'MUX  sur  la  Prise  de  Namvr  (v.  I/18).  Le 
poëie,  dit-il,  y  dépeint  en  phrase  imitative  le 
soldat  (]ui  LTavil  coiiirc  une  bièche,  et  qui  vient, 
le  fer  et  la  îlannne  on  la  main, 

Sur  les  monceaux  de  piques 

De  corps  morts,  de  rocs,  de  briques. 

S'ouvrir  un  large  chemin. 

(Elirait  do  Y Enoyclopèdie .) 

Imitation.  Subst.  f.  Eu  termes  do  litlérature, 
on  entend  par  imilalion  l'ciiiprunt  des  images, 
des  pensées,  des  seniiiiienls  ([u'on  jiuise  dans  les 
écrits  de  quehiue  aulcur,  el  dont  on  l'ait  uu 
usage,  soit  différent,  soit  approclianl,  soit  en  en- 
chérissant sur  l'original,  llieu  n'est  plus  permis 
que  d'user  des  ouvrages  qui  sont  entre  les  manis 
de  tout  le  monde.  C'est  dans  les  bons  écrits 
qu'il  faut  prendre  l'abondance  et  la  richesse  des 
termes ,  la  variété  des  figures,  et  la  manière  de 
composer.  Ensuite  on  doit  s'attacher  fortement  à 
imiter  les  perfections  tpie  l'on  y  voit;  car  on  ne 
doit  pas  douter  (lu'une  bonne  partie  de  l'art  ne 
consiste  dans  l'imitation  adroitement  déguisée 
Virgile  imite  tanlôt  Homère,  lanlôt  Théoerilc, 
tantôt  Hésiode,  et  tantôt  les  poètes  de  son  lem[)S  ; 
et  c'est  j)our  avoir  eu  tant  de  modèles,  qu'il  est 
devenu  un  modèle  admirable  à  son  tour. 

La  première  chose  qu'il  faut  faire,  c'est  de  se 
choisir  un  bon  modèle.  11  est  plus  facile  qu'on 
ne  pense  de  se  laisser  surprendre  par  des  guides 
dangereux;  on  a  besoin  de  sagacité  pour  discer- 
ner ceux  auxquels  on  doit  i-  :  livrer.  11  ne  faut 
pas  nièi.  0  s'attacher  tellement  a  un  excellent  mo- 
dèle, ipi'il  nous  conduise  s&ul,  et  nous  fasse  ou- 
blier tous  les  autres  écrivains.  Le  discernement 
n'est  j)as  moins  nécessaire  pour  prendre  dans  les 
modèles  qu'on  a  choisis  les  choses  qu'on  doit 
imiter.  Tout  n'est  pas  également  bon  dans  les 
meilleurs  auteurs,  et  tout  ce  qui  est  bon  ne  con- 
vient pas  également  dans  tous  les  temps  et  dans 
tous  les  lieux.  Mais  ce  n'est  pas  encore  assez  que 
de  bien  choisir;  l'imitation  doit  être  faite  d'une 
manière  noble,  généreuse  et  pleine  de  liberté. 
La  bonne  imitation  est  une  continuelle  invention. 
11  faut,  pour  ainsi  dire,  se  transformer  en  son 
modèle,  embellir  ses  pensées,  et,  par  le  tour 
qu'on  leur  donne,  se  les  approprier,  enrichir  ce 
qu'on  lui  prend,  et  lui  laisser  ce  qu'on  ne  peut 
enrichir. 

C'est  ainsi  que  La  Fontaine  imitait,  comme  il 
le  déclare  nettement  : 

Mon  imilalion  n'est  point  un  esclavage. 

{Éfttre  à  l'évéque  d'Avranchcs  en    lui    donnant 
un  Qitintilien,  26.) 

«  Je  n'emploie  que  l'idée,  les  tours  el  les  lois 
que  nos  maîtres  suivaient  eux-mêmes.  » 

Si  d'ailleurs  quelque  endroit  plein  chez  eux  d'excellence, 
Peut  entrer  dans  mes  vers  sans  nulle  violence. 
Je  l'y  transporte,  et  veux  qu'il  n'ait  rien  d'affecté, 
lâchant  de  rendre  mien  cet  air  d'antiquité. 

{Idem,  29.) 
(Extrait  de  l'Encyclopédie.'^ 

Imiter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Imiter  l'exemple 
se  dit  de  celui  qui  s'efforce  de  cojjicr  une  écri- 
ture, un  dessin.  Dans  le  sens  moral,  on  dit  «mz- 
ter  l'exemple  de  qiielqu' un,  et  suivre  Vcxemple 
de  queiqu'xui  ;  mais  suivre  V exemple  de  quel- 
qu'un n'est  ^);is  toujours  une  phrase  corrccle,  et 
il  faui  îouvcî^t  dire  imiler  l'exemple  de  quel- 
qu'un. Sn  suit  des  conseils,  des  avis;  ils  indi- 


IMM 


36î 


qucnt,  ils  tracent  une  route,  et  on  la  suit.  Mais 
qu'est-ce  ([u'un  exemple?  c'est  une  qualité  mo- 
rale, une  action  bonne  ou  mauvaise  considérée 
connue  pouvant  èlvc  imif te.  On  \\c  suit  pas  une 
qualité  morale,  on  ne  *!/// pas  une  action  bonne. 
On  dit  cest  une  action  à  imiter,  c'est  une  ac- 
tion qu'il  ne  faut  pas  imiler  ;  ei  non  pas  c'est 
une  action  à  suivre,  c'est  une  action  qu'il  ne 
faut  pas  suivre.  Qu'est-ce  ([u'imiler?  c'est  pren- 
dre pour  modèle.  Or,  on  ne  suit  pas  un  modèle, 
du  moins  dans  le  sens  dont  il  est  question  ici;  on 
tâche  de  l'imiter.  Bossuot  a  dit  :  Imites  un  si 
bel  exemple,  et  laissez-le  à  vos  descendants. 
Boilcau  a  aussi  employé  celte  expression  dans  les 
vers  suivants  {Épitre  Vil,  71)  : 

Imite  mon  exemple  ;  el  lorsqu'une  cabale, 
Un  flot  de  vains  auteurs  follement  le  ravale. 
Profite  de  leur  haine  et  d«  leur  mauvais  sens, 
nis  du  ^ruit  passager  de  leurs  cris  impuissants. 

Dans  les  :;as  oij  il  s'agit  de  la  conduite  que  l'on 
tient,  des  el'i'orls  (pu;  l'on  fait,  d'une  carrière  que 
l'on  parcourt,  on  peut  dire  suivre  V  exemple  de 
quclqu'-in.  .Je  dirai  donc,  voyez  comme  votre 
frère  étudie,  et  suivez  son  exemple,  f^otre  ami 
s'enrichit  par  son  activité  et  son  travail,  sui- 
vez Si n  exemple.  Un  grenadier  monta  à  l'as- 
saut, les  autres  suivirent  son  exemple.  Mais 
lors(-,ue  le  modèle  (pie  l'on  propose  est  complet, 
lorsqu'il  n'y  a  plus  rien  à  y  ajouter,  on  emploie 
imiter,  f^otre  frère  .s'est  avancé  par  sa  docilité, 
imitez  son  exemple,  f^otre  ami  s'est  cnrichipar 
son  travail  et  so?i  économie,  iîuitez  son  exem- 
ple. On  ne  suit  pas  l'exemple  des  personnes  qui 
n'existent  plus,  on  l'imite;  le  modèle  est  com- 
plet, il  n'y  a  plus  rien  à  suivre,  il  s  agit  d'imi- 
ter. On  ne  dit  pas  suives  les  exemples  de  vos  an- 
cêtres, mais  imitez  les  exemples  de  vos  ancê- 
tres. 

Immacclé,  Immaculér.  Adj.  On  prononce  les 
deux  m,  et  l'i  conserve  le  son  qui  lui  est  naturel. 

TiiMANGEABLE.  Adj.  dcs  dcux  geurcs.  On  pro- 
nonce les  deux  ?«,  et  Vi  initial  conserve  sa  pro- 
nonciation naturelle.  Cet  adj.,  i\m  est  très-i)cu 
usilé,  ne  se  met  qu'après  sou  subst.  Au  lieu  de 
dire  cela  est  immangeable,  on  dit  ordinairement 
cela  n  est  pas  mangeable . 

1.MMANQUABLE.  Aoj.  dcs  dcux  gcnfcs.  Lcs  dcux 
m  se  prononcent,  et  Vi  garde  le  son  (jui  lui  est 
naturel.  H  ne  se  dit  que  des  choses,  et  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Une  affaire  imman- 
quahlc. 

Immanquablement.  AJv.  l'i  conserve  sa  pro- 
nonciation naturelle,  et  on  prononce  les  deux  m. 
On  peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  parti- 
cipe :  //  aura  fini  inmanquuhlemenl  dans  deux 
heures.  Il  aura  immanquablement  fini  dans 
deux  heures. 

Immatérialité.  Subst.  f.  Vi  initial  conserve 
sa  prononciation  naturelle,  et  Icsdeu.x.OT  se  font 
sentir. 

Immatériel,  Immatérielle.  Adj.  L'z  initial  con- 
serve sa  prononciation  naturelle,  el  les  deux  m 
se  font  sentir.  Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Substance  immatérielle . 

Immatriculation,  Imiutricule,  Immatriculer 
Dans  ces  trois  mois,  l'j  iinlial  conscrTC  le  son  qui 
lui  est  naturel,  cl  on  prononce  les  deux  m. 

Immédiat,  Immédiate.  Adj.  L'i  initial  conserve 
le  son  qui  lui  est  propre,  et  les  deux  m  se  font 
sentir.  Cet  adj.  ne  se  met  tpiaprès  son  subet  •. 
Cause  immédiate,  effet  immédiat. 


366 


IM.M 


Immédiatfmf^t.  Adv.  L'i  initial  conserve  la 
prononciation  qui  lui  est  propre,  et  les  deux  vi 
se  font  sentir.  Il  doit  être  place  après  le  verbe  : 
//  tient  iinmédiutoncnt  ses  pouvoirs  du  souve- 
rain. Lorsqu'il  niodilie  un  autre  adverbe,  il  doit 
le  précéder  :  Innnédiate/neni  après. 

Immémoui*!.,  bniKiioniALE.  Adj.  1,'z  initial  con- 
serve sa  jH'onouciation  naturelle,  et  les  deux  m 
se  font  sentir.  Il  ne  se  met  qu'a|irès  son  subst.  : 
Usage  immé moriA.il ,  possession  immémoriale. 
Cet  adj.  se  dit  de  ce  qui  passe  la  mémoire  des 
hommes  qui  sont  actuellement  vivants,  et  dont 
on  ne  connaît  point  le  commencement.  On  dit,  par 
exemple,  «pie  de  temps  immtnnnrial  o-n  en  a  w.Ç(; 
ainsi,  on  que  \  on  a  une  possession  inimérnoriaie 
d'un  héritiige.  La  possession  de  trente  ou  (jua- 
raiitc  ans,  et  même  de  cent  ans,  n"esl  point  im- 
/«e«iori(//e  dés  qu'on  en  connaît  l'origine. 

Ijimekse.  Adj.  des  deux  genres.  \Ji  conserve 
sa  prononciation  naturelle,  et  oh  fait  sentir  les 
deux  wi.  Cet  adj.  peut  se  mettre  avant  son  subst., 
lorsque  l'analo^iie  et  l'iiarmonie  le  permettent  :  Une 
étendue  immense,  une  immense  étendue.  Cet  ad- 
jectif exprimant  une  espèce  de  superlatif,  n'est  sus- 
ceptible ni  de  plus  ni  de  moins;  on  ne  peut  donc 
dire  ni  plus  immense,  ni  moins  immense.  Dclille 
a  dit  fort  heureusement  {Énéid.,  IV,  775)  ; 

Sur  le  monde  assoapi  régnait  un  calme  immente. 

Nous  pensons  qu'il  n'a  pas  si  bien  réussi  en  di- 
sant {Enéid.,  II,  73)  : 

A  CCS  mots,  saisissant  sa  jareline  immcTue. 

Une  javeline  immense  semble  un  peu  étrange. 
On  dit  bien  une  hauteur  immense,  parce  que  le 
mot  hauteur  présentant  l'idée  d'une  dimension, 
peut  s'allier  dans  toute  sa  signification  avec  l'idée 
à'iin?-cnse.  11  n'en  est  pas  de  même  du  mol  ja- 
veline, qui,  loin  de  présenter  par  lui-même  l'idée 
d'une  dimension,  exclut  au  contraire  celle  d'une 
surface,  qui  s'alliele  plus  naturellement  avec  l'i- 
dée d'immensité.  Il  n'y  a  donc  entre  l'adjectif  et 
le  substantif  qu'une  analogie  éloignée  que  l'esprit 
ne  saisit  pas  d'abord,  ce  qui  empêche  l'idée  d'être 
claire.  Peut-être  pourrait-on  ne  lias  désapprou- 
ver le  vers  suivant  du  même  auteur  (Enéid., 
V,519): 

Il  montre  lenr  vigueur,  montre  sa  taille  immense. 

Taille  présente  Tidée  d'une  hauteur,  d'une  éléva- 
tion, et  a,  ])ar  cette  raison,  une  analogie  plus  di- 
recte avec  l'adjectif  immense. 

lM.MENsiiMF.NT.  Adv.  L'i  conscrvc  sa  prononcia- 
tion naturelle,  et  on  fait  sentir  les  deux  m.  On 
peut  quelquefois  le  placer  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  Il  a  perdu  immensément  dans  cette 
entreprise.  Il  a  immensément  perdu  dans  cette 
eni.-cprise.  Féraud  veut  qu'on  écrive  et  qu'on 
prononce  immensément,  sans  accent  sur  l'e  qui 
suit  Ys  ;  mais  l'usage  exige  cet  accent. 

Immensité,  I3IMERSI0N.  Dans  ces  deux  mots  l't 
initial  conserve  le  son  qui  lui  est  naturel,  et  on 
fait  sentir  les  deux  m. 

Immeuble.  Adj.  qui  se  prend  subslîintivement. 
L'i  conserve  sa  prononciation  naturelle,  et  on 
fait  sentir  les  deux  m.  Comme  adj.,  il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  -.Des  biens  immeubles. 

Imminence.  Subst.  f.  L't  initial  conserve  sa 
proiionciation  naturelle,  et  les  deux  m  se  font 
sentir,  ^'ecke^a  dit  Vimmincnce  du  danger.  — 


IMM 

L'Académie  a  mis  ce  mot  dans  la  dernière  édition 
de  son  Dictionnaire. 

Imminent,  Imminente.  Adj.  L't  initial  conserve 
le  son  qui  lui  est  propre,  et  on  fait  sentir  les 
deux  m.  On  peut  le  mettre  avant  S'Hi  subst.,  en 
consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Dans  ce  péril 
imminent,  dans  cet  imminent  péril.  \o^czÉ mi- 
nent. 

Immiscer,  bnnxnos.  Dans  ces  deux  mots,  1'» 
initial  conserve  sa  prononciation  naturelle,  cl  on 
l'ait  sentir  les  deux  m.  YiSin?,  immixtion,  ii  con- 
serve sa  prononciation  naturelle. 

Immobile,  Immobilieiî,  Immobilité.  Dans  ces 
trois  mots,  \'i  initial  conserve  sa  prononciation 
naturelle,  et  on  fait  sentir  les  deux  m.  Les  deux 
adjectifs,  immobile  et  imm<ibiiier,  immubilière, 
ne  se  mettent  qu'après  le  subst.  :  Un  homme  im- 
mobile. Une  succession  immobilière. 

Immodéré,  Immodérément.  Dans  ces  deux  mois, 
l'î  initial  conserve  sa  prononciation  naturelle,  et 
on  fait  sentir  les  deux  m. 

Immodéré,  immodérée,  CS^  UT\  a^lj.  qui  nîSft 
met  qu'après  son  subst.  :  Zèle  immodéré,  pas- 
sion immodérée,  désirs  immodérés. 

L'adverbe  immodérément  ne  se  met  point  en- 
tre l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  bu  immodé- 
rément, et  non  pas  il  a  immodérément  bu. 

I.^iMODLSTE,  Immodestement,  Immodestie.  Dans 
ces  trois  mots,  l't  initial  conserve  sa  prononcia- 
tion naturelle,  et  on  l'ait  sentir  les  deux  ju.  Im- 
inodeste,  adj.  des  deux  genres,  peut  se  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Des  regards  immodestes,  ces  im- 
modestes regards.  L'adverbe  immodestement  ne 
se  met  point  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  // 
a  parlé  immodestement,  et  non  pas  il  a  immo- 
destement parlé. 

Immolation,  Immoler.  Dans  ces  deux  mots, 
Vi  initial  conserve  sa  prononciation  naturelle,  et 
on  l'ait  sentir  les  îh.  Dans  immolation,  ii  se  pro- 
nonce comme  ci. 

Immoler  signifie  quelquefois,  surtout  dans  le 
style  poétique,  tuer,  massacrer, égorger.  Voltaire 
a  dit  dans  la  Mort  de  César  (act.  II,  se.  iv,  12U)  : 

Courons  au  Capitule  ; 
C'est  là  qu'il  nous  opprime,  et  qu'il  faut  qu'on  l'immole 

Immonde,  Immondice.  Dans  ces  deux  mots,  Vi 
initial  conserve  sa  prononciation  naturelle,  et  on 
fait  sentir  les  deux  m.  Immonde,  adj.  des  deux 
genres,  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Des  ani- 
maux immondes,  des  viandes  immondes.  Im- 
mondice,  subst.  f.,  ne  se  met  qu'au  jjluriel  quand 
il  signifie  ordure;  et  l'Académie  elle-même,  qui 
le  met  au  singulier  en  ce  sens,  ne  donne  (jue  des 
exemples  du  pluriel  :  Oier,  nettoyer  les  immon- 
dices, les  rues  sont  pleines  d'inimnndices.  —  Ii 
n'a  de  singulier  que  dans  le  sens  d'impureté  lé- 
gale, qui  lui  est  donné  dans  l'Écriture  sainte  : 
Immondice  légale. 

Immoral,  Immoralité.  Dans  ces  deux  mots,  l'i 
initial  conserve  sa  prononciation  natuicUe,  et  on 
fait  sentir  les  deux  m.  Immoral,  immorale,  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  caractère  immo- 
ral, un  ouvrage  immoral,  —  Immoral,  dit  Do- 
mergue,  est  un  mot  de  nouvelle  création  que  je 
trouve  fort  bon.  Mais  que  doit-il  signifier  ?  le 
contraire  de  moral,  comme  injuste,  inexact,  si- 
gnifient le  contraire  de  juste,  d'exact.  Or,  que  si- 
gnifie moral?  — (La  (pii  a  Irait  aux  mœurs,  ce 
qui  est  propre  a  inspirer  les  bonnes  mœur.s  :  // 
ne  faut  négliger  ni  l'éducation  physique,  ni  l'é- 


IMP 

ducatinn  morale.  Les  coûtes  moravx  de  Mar- 
montel.  L'éducation  morale  est  la  partie  de  l'c- 
diicaliou  iiiii  a  trait  aux  mœurs,  qui  forme  los 
niirurs.  Lcx  contes  moravx  de  Mnrnumlt'l  oui 
élc  l'ails  dans  l'intention  d'inspirer  de  bonnes 
mœurs.  Un  impôt  immoral  est  un  impôt  tjui 
tend  à  dépraver  les  mœurs;  tout  ce  qui  est  im- 
m  rul  est  tnut  ce  qui  est  contraire  aux  bonnes 
mœui"S  On  voit  il\\\' immoral  s(t  dit  des  choses  et 
non  des  personnes.  —  Moral  ne  signilie  pas  qui 
a  des  mœurs;  immoral  no  peut  donc  pas  signi— 
lier  qui  n'a  point  de  mœurs. 

Toutes  les  belles  raisons  que  je  viens  de  don- 
ner, ajoute  Domergue,  n'ont  pas  empêché  l'adop- 
tion de  ce  mot  dans  le  sens  que  lui  donne  Mira- 
beau ;  sens  que  Domergue  vient  de  combattre. 

Nous  pouvons  ajouter  que  l'Académie  a  donné 
|)our  exemple  de  l'emploi  de  cet  adjectif,  c'est 
l'hovivie  le  plusimniiiral  que  je  co7i?iaisse.  Rien 
n'empèehe  de  dire  immoraux  au  pluriel  mascu- 
lin. 

Immortaliser  ,  Immortalité  ,  Immortel.  Dans 
ces  trois  mots,  Vi  initial  conserve  sa  prononcia- 
tion natiuelle,  et  on  fait  sentir  les  deux  m.  Im- 
mortel, immortelle,  adj.,  peut  quelquefois  se  met- 
tre avant  son  subsl.  :  Vieux  immortels  ,  âme 
immortelle.  —  Monument  immortel ,  immortel 
inonument,  des  exploits  immortels,  d'immortels 
exploits.  Cet  adjectif  n'est  pas  susceptible  de 
comparaison,  soit  en  plus,  soit  en  moins.  On  n'est 
pas  plus  ou  moins  îmmoi-tel. 

Immuable,  Immdaclement,  Immctabilité.  Dans 
ces  truis  mots,  Vi  initial  conserve  sa  prononcia- 
tion naturelle,  et  on  fait  sentir  les  deux  m. 

Imviuahle,  adj.  des  deux  genres,  peut  se  met- 
tre avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'a- 
nalogie :  Les  décrets  immuables  de  la  Divinité, 
les  immuahles  décrets  de  la  Divinité. 

L'adv"rbe  immuuUement  est  peu  usité. 

IsiMDNiTÉ.  Subst.  f.  L'i  initial  conserve  sa 
prononciation  naturelle  ,  et  on  fait  sentir  les 
deux  m. 

Impair,  Impaire.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  nombre  impair,  les  années  impaires. 

Impalpable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  ;  Poudre  impalpable. 

Impardonkadle.  Adj.  des  deux  genres.  La 
Gravnnuire  des  Grammaires  prétend  qu'on 
s'cxiirimerait  incorrectement  en  disant  une  per- 
so?ine  pardonnable  ,  une  personne  impardon- 
nable, parce  que  le  verbe  pardonner  n'a  pour  ré- 
gime direct  qu'un  nom  de  chose.  Si  cette  règle 
était  adoptée,  il  faudrait  dire  aussi  qu'on  s'expri- 
merait incorrectement  en  disant  une  personne  ir- 
réprochable, parce  que  le  verbe  reprocher  n'a  pour 
régime  direct  qu'un  nom  de  chose.  Cependant  on 
dit  tous  les  jours  qu'une  personne  est  irrépro- 
chable, (ju'clle  est  irréprochable  dans  ses  mœurs, 
dans  sa  conduite  ;  et  on  dit  de  même,  vous  êtes 
impardonnable  d'avoir  agi  ainsi. 

Quand  impardonnable  et  irréprochable  se  di- 
sent des  chcises,  ils  signifient,  qu'on  ne  peut  pas 
pardonner,  qu'on  ne  peut  pas  reprocher  ;  quand 
on  les  dit  des  personnes,  ils  signiiient,  à  qui  on 
ne  peut  pas  pardonner,  à  qui  on  ne  peut  rien  re- 
procher. 

Je  conviens  que  pardonnable  et  rcprochable  ne 
doivent  se  dire  que  des  choses. 

Lcxlj.  impardonnable  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  t-a  parlant  des  personnes.  En  parlant  des 
choses,  il  j^^ut  se  mettre  avant  ou  après,  en  con- 
sultant l'oreil\Q  et  l'analogie  :  Une  effense  impar- 
donnable.   Cette   impardonnable    offense      Une 


IMP 


367 


faute  impardonnaUe.  —  L'Académie  ne  le  dit 
que  des  choses. 

Imparfait,  Imparfaite.  Adj.  11  ne  se  met  guère 
(pi'après  son  subsl.  :  Une  j'oie  imparfaite,  vu 
ouvrage  imparfait. 

En  termes  de  grammaire,  on  appelle /irt/cVî/ 
imparfait,  ou  simplement  imparfiit,  un  temps 
(lui  a  rapport  a  une  époque  déteriuinée  |iar  la  suite 
du  discours  ou  par  (pichiue  circonstance.  Voyez 
Temps.  L'imparfait  de  l'indicatif  se  l'orme  "du 
participe  présent,  en  changeant  la  finale  avt  en 
ais,  comme  aimant,  j'aimais  ;  emplissant,  j'em- 
plissais ;  recevant,  je  recevais  ;  rendant,  je  ren- 
dais. 

Les  terminaisons  de  l'imparfait  de  l'indicatif 
sont  les  mêmes  dans  tous  les  verbes,  tant  régu- 
liers qu'irréguliers,  sans  aucune  exception.  Pour 
le  singulier,  elles  sont,  ais,  ais,  ail',  j'aimais, 
tu  aimais,  il  aimait;  et  pour  le  pluriel,  ions, 
iez,  aient;  nous  aimions,  vous  aimiez,  ils 
aimaient. 

L'imparfait  du  subjonctif  se  forme  du  passé 
simple,  en  changeant  aien  asse,  pour  la  première 
conjugaison  ly'aiwrtz,  que  j'aimasse  ;  et  pour  les 
autres  conjugaisons,  en  ajoutant  se  à  la  terminai- 
son du  passé  simple  :  Je  finis,  qjie  je  finisse;  je 
crus,  que  je  crusse;  je  rendis,  que  je  7'cndisse. 

L'imparfait  se  rapportant  à  une  époque  déter- 
minée par  la  suite  du  discours,  doit  avoir  souvent 
un  rapport  de  correspondance  avec  des  temps  qui 
expriment  ces  époques.  L'imparfait  de  l'indicatif 
correspond  ou  à  son  propre  temps ,  je  lisais 
quand  vous  écriviez;  on  au  passé  simple, je  li- 
sais quajid  vous  écrivîtes;  ou  au  passé  composé, 
je  lisais  quand  vous  avez  écrit. 

L'imparfait  du  subjonctif  correspond  ou  à  l'im- 
parfait de  l'indicatif,  jV  voulais  que  tu  vinsses; 
ou  aux  passés  simple  et  composé,  je  voulus,  j'ai 
voulu  que  tu  vinsses;  OU  aux  deux  condition- 
nels, jVi'o?/dr«js,y'a?<rafs  voulu  que  tu  vinsses. 

Dans  les  phrases  où  il  y  a  subordination  do 
propositions,  c'est  une  règle  générale  que  quand 
le  verbe  régissant  est  à  l'imparfait  de  l'indicatif, 
le  verbe  régi  soit  à  l'imparfait  du  subjonctif:  Je 
voulais  qu'il  partit,  je  désirais  qu'il  s'éloignât. 
Féraud  a  eu  raison  de  relever  dans  la  phrase  sui- 
vante de  Bossuet  une  faute  que  j'aimerais  mieux 
attribuera  l'ignorance  d'un  éditeur  ou  d'un  im- 
primeur, qu'à  l'inatten'iion  de  cet  illustre  écri- 
vain :  Les  preuves  indicatives  du  Messie  de- 
vaient être  distribuées  de  telle  sorte,  qu'elles 
soient  déclarées  chacune  en  son  temps.  Il  fallait 
qu'elles  fussent  déclarées. 

C'est  une  règle  générale  que  lorsipie  dans  une 
phrase  il  y  a  deux  verbes  correspondants  dont  le 
premier  est  au  passé,  le  second  doit  être  à  l'impar- 
fait. Ainsi  il  faut  dire, /'ai  cru  qu'il  avait  raison, 
je  croyais  qu'il  avait  tort.  Mais  cette  règle  est- 
elle  sans  exception?  et  peut-on  dire  j'ai  cm  que 
Dieu  était  juste,  je  savais  que  deux  et  deux  fai- 
saient quatre^  L'Académie  ,  consultée  sur  une 
phrase  qui  présentait  cette  difficulté,  a  fait^  une 
réponse  qui  peut  nous  servir  do  guide  dans  l'exa- 
men de  cette  question,  cl  les  observations  que 
Domergue  y  a  opposées  nous  fourniront  l'occasion 
d'entrer  dans  des  détails  qui  pourront  nous  aider 
à  l'éclaircir. 

Un  magistrat  de  Lyon  avait  dit  dans  un  mé- 
moire sur  la  jurisprudence  :  «  Pénétré  de  cette 
vérité  avouée  par  les  (grands  magistrats  et  les 
vrais  jurisconsultes,  j'ai  tâché  d'absoudre  mon 
ouvrage  de  ce  reproche  [d'être  aride);  j'ai  re- 
gardé comme  un  devoir  de  mettre  un  peu  plus  a 


368 


IMP 


la  portée  de  inut  le  monde  les  lois  que  tout  le 
mimde  doit  suivre  ;  j^ai  cru  que  le  caractère  es- 
sentiel d'un  livre  classique  de  jurisprudence  est 
de  rendre  la  jurisprudence  plus  aimable  et  moins 
rebutante.  » 

(JiK'lques  personnes  pensaient,  d'après  la  règle, 
qu'au  lieu  du  présent  est,  il  fallait  nietlre  l'impar- 
fait était;  d'autres  soutenaient  ipic  le  jnésent 
devait  être  employé  dans  cette  phrase. 

On  consulta  l'Académie.  Elle  lit  la  réponse  sui- 
vante par  l'entremise  de  d  Alembcrt,  son  secré- 
taire perpétuel. 

«  L'.\cadémic  pense  que  dans  la  phrase 

proposée,  et  dans  toutes  celles  du  même  genre, 
l'usage,  en  cela  conforme  à  la  syntaxe,  autorise 
généralement  l'imparfait  au  second  membre,  dans 
le  cas  même  uù  la  chose  dont  il  s'agit  n'est  pas 
contingente;  mais  il  y  a  ce[)endant  des  cas  où  il 
est  permis,  et  pcut-élre  mieux,  d'employer  le  |iré- 
senl,  surtout  quand  la  chose  dont  il  s'agit  est  une 
vérité  incontestable,  nécessaire,  et  généralement 
reconnue;  par  exemple,  une  proposition  de  géo- 
métrie, etc.,  ou  (juand  le  premier  membre  de  la 
phrase  exprime  une  assertion  absolue,  comma  j'ai 
prouvé ,  j'ai  démontré,  quoique  la  proposition  ne 
soit  pas  même  alors  à  l'abri  de  toute  difficulté.  En 
conséquence  de  ce  princi|)e,  l'Académie  croit  que 
la  phrase  ne  portant  ni  le  caractère  d'une  asser- 
tion absolue,  ni  celui  d'une  vérité  incontestable, 
on  doit  mettre  l'imparfait  au  second  membre.  » 

Nous  conviendrons  avec  Domcrgue  que  celte 
décision  n'est  pas  exprimée  en  termes  fort  clairs; 
mais  cela  ne  nous  empochera  pas  d'y  reconnaître 
lcprinci|ie  qui  peut  servira  éclaircir  parfaitement 
la  difficulté.  Suivons  Domergue  dans  sacrilicjue. 

«  Les  mots,  dil-il,  offrent  le  tableau  des  pen- 
sées. Le  substantif  exprime  l'objet  dont  l'image 
se  peint  dans  l'esprit  ;  l'adjectif  rend  la  modilica- 
lion  sous  laquelle  l'esprit  considère  tel  ou  tel  ob- 
jet. Le  temps  grammatical  doit  être,  par  consé- 
quent, l'expression  du  temps  qui  existe  dans  l'es- 
prit ;  et  nous  devons  employer  le  présent,  le  passé 
ou  le  futur,  suivant  que  ré'po(iueque  nous  avons 
en  vue  est  présente,  passée  ou  future.  Ce  principe 
ne  peut  éire  contesté;  il  porte  sa  démonstration 
avec  lui  :  le  langage,  en  effet,  n'est  rien,  s'il  n'est 
pas  la  (lensée  écrite  ou  parlée,  n 

Nous  ne  contesterons  point  ce  principe,  et  nous 
l'admcllons  comme  la  base  de  notre  examen,  de 
même  que  Domergue  en  a  fait  la  base  du  sien.  11 
ne  s'agit  donc  plus  (pie  d'examiner  quelle  pensée 
on  doit  avoir  dans  res[irit  pour  employer  le  pré- 
sent, et  quelle  autre  pour  se  servir  de  l'imparfait. 

«  Pour  savoir,  continue  Domergue,  si  l'auteur 
a  eu  raison  d'emi)loyer  le  présent,"  il  suffit  d'exa- 
miner si  répo(]ue  (ju'il  a  en  vue  est  actuelle- 
ment existante,  si  le  caractère  essentiel  d'un  livre 
classique  de  jurisprudence  est,  etc.,  puisque 
c'est  d'après  ce  principe  qu'il  travaille  à  son  ou- 
vrage, etc.  « 

Ici  le  criticjue  s'écarte  déjà  de  son  principe.  Il 
vient  de  nous  dire  que  le  temps  grammatical 
lioit  être  celui  qui  existe  dans  l'esprit  ;  et  main- 
tenant, au  lieu  d'examiner  quel  est  le  temps  qui 
existe  dans  l'esprit,  il  veut  que  nous  examinions 
si  ce  temps,  quel  qu'il  soit,  est  actuellement  exi- 
stant, c'est-à-dire,  sans  doute,  s'il  est  com[)ris 
dans  une  période  écoulée  ou  non  écoulée. 

Il  ne  s'agit  pas  d'examiner  si  l'époque  que  l'au- 
teur a  eue  en  vue  est  actuellement  existante, 
mais  bien  (|uelle  epoipic  il  a  eue  en  vue;  et  s'il 
l'a  considérée  autrement  que  comme  existante  au 
momcDl  où  il  parlait,  et  par  rapport  à  la  circon- 


IMP 

slance  exprimée  dans  son  discours.  Je  m'expli- 
que. Quoi(}u'unc  vérité  soit  existante  de  toute 
éternité,  on  peut,  en  la  croyant  telle,  ne  l'expri- 
mer que  sous  le  rap|)ort  du  moment  où  l'on 
parle,  et  des  circonstances  qui  en  dépendenl. 
Dieu  est  ban  csy  une  vérité  éicinclle.  <^)uand  je  dis 
absolument ,  et  sans  rapport  à  aucune  autre  cir- 
constance, je  pensais  que  Dieu  est  bon,  je  con- 
sidère l'existence  de  la  bonté  de  Dieu  dans  toute 
son  étendue,  et  comme  une  vérité  éternelle.  Mais 
si,  étant  sur  le  point  de  in'abandonner  au  déses- 
poir, je  reprends  courage  par  l'idée  de  la  bonté 
de  Dieu,  applicable  à  la  circonstance  où  je  ine 
trouve,  je  pourrai  dire, /p  pensai  que  Dieu  était 
bon  ;  et  alors,  tout  persuadé  tjue  je  suis  de  l'exi- 
stence éternelle  de  la  bonté  de  Dieu,  je  ne  pré- 
.senle  pas  cette  existence  dans  toute  son  étendue, 
mais,  j'applique  une  partie  de  celte  étendue  à  la 
circonstance  où  je  me  trouve;  et  c'est  cette  si- 
multanéité |)articuliére  d'époque  qui  nécessite  el 
justifie  l'emploi  de  l'imparfait. 

«  Quoi  !  dit  Domergue,  l'auteur  rendant  compte 
de  sa  manière  de  penser,  pleinement  convaincu 
qu'il  faut  écarter  de  l'étude  des  lois  la  séche- 
resse, mère  du  dégoût,  s'est  fait  de  ce  principe 
une  règle  invariable,  une  règle  toujours  présente 
à  son  esprit,  et  l'on  veut  qu'il  exprime  cette  e.u- 
slence  actuelle  par  un  temps  passé  I  Ce  serait  ren- 
verser l'ordre  des  choses,  présenter  une  image 
fausse,  et  mettre  en  contradiction  les  mots  avec 
les  pensées.  » 

Il  est  vrai  que  l'auteur  s'est  fait  un  principe, 
une  règle  invariable,  une  règle  toujours  présente 
à  son  esprit,  mais  il  n'est  pas  vrai  (ju'd  ait  eu  in- 
tention de  présenter  cette  règle  d'une  manière  ab- 
solue, et  dans  toute  l'étendue  de  son  existence. 
11  a  voulu  seulement  appliquer  l'existence  de  cette 
règle  à  la  circonstance  où  il  se  trouvait.  Il  n'a  pas 
voulu  dire  simplement  et  absolument,  j'ai  cru 
que  le  caractère  essentiel  des  livi'es  classiques 
de  jurisprudence  est  de  rendre  la  jurisprudence 
plus  aimable;  mais  il  a  voulu  dire,  pénétré  de 

cette  vérité j'a i  tâché j'a i  regardé  cum me 

vn  devoir  de  mettre  mon  ouvrage  un  peu  plus  à 
la  portée  de  tout  le  monde  ;  olddns  cette  circon- 
stance j'ai  considéré  le  caractère  essentiel  de 
tous  les  livres  classiques  de  jurisprudence , 
comme  devant  être  appliqué  au  mien,  j'ai  cru  que 
le  caractère  d'un  livre  classique  de  jurispru- 
dence était  de  rendre  la  jurisprudence  plus  ai- 
mable et  inoins  rebutante. 

«  En  vain,  continue  le  critique,  en  vain  l'ai- 
je  appelé  d  haute  voix,  dirais-jcen  parlant  d'un 
homme  éloigné;  7'fli  vu  qu'Une  //t'entendait  pas. 
En  vain  lui  ai-je  sauvent  adressé  la  parole,  di— 
rais-je  en  jiarlant  d'un  sourd, y'at  vu  qu'il  /('en- 
tend pas.  Le  temps  n'est  plus  où  l'homme  éloigné 
était  ne  m'entcndant  pas;  voilà  pourquoi,  dans  la 
première  plirase,  il  faut  un  leini)s  |iassé.  Le  temps 
est  encore  où  le  sourd  est  n'entendant  pas;  voilà 
pourquoi,  dans  la  seconde,  il  faut  un  temps  pré- 
sent. » 

Dans  l'une  et  l'autre  de  ces  phrases,  je  n'ai  eu 
l'intention  d'exprimer  ni  l'existence  d'une  chose 
qui  n'e.>t  plus  actuellement,  ni  l'existence  d'une 
chose  ijui  est  encore;  mais  seulement  l'existence 
d'une  chose  à  une  époque  que  je  désigne,  et  cette 
simultanéité  d'existence  exige  l'inijtarfait  dans 
l'un  cl  l'autre  cas.  Au  moment  où  j'ai  adressé  la 
l)arole  a  l'homme  éloigné,  il  ne  m' entendait  pas; 
au  moment  où  j'ai  adressé  la  parole  à  l'homme 
sourd,  il  n'entendait  pas; ']&  n'ai  pas  voulu  ex- 
primer la  cause,  mais  la  sunultauéité  de  l'exi- 


IMP 

stencc  de  reffel  avec  rcxislence  (U;  ifia  parole. 

Mais  si  je  doistlire  d'un  liomme  sourd,  c/i  i-ain 
je  lui  ai  Ao^n•('llt  adresse  la  parole,  jai  vu  qu'il 
«'cnlcnd  pus,  par  la  raison  ([ue  la  surdilé  cxisle 
encore,  il  faudra  donc,  avant  de  in'exprimer  ainsi, 
que  je  urinforme  si  l'homine  dont  il  est  question 
n'est  pas  guéri  de  sa  surdilé;  car,  dans  ce  cas,  la 
phrase  serait  ridicule,  et  l'on  pourrait  me  répon- 
dre :  A'ous  vous  trompez;  vous  voulez  dire  sans 
doute  qu'il  n'entendait  pas  alors,  car  actuelle- 
ment il  entend  très-bien.  Certaincmeul,  en  disant 
qu'un  homme  n'entend  pas  au  moment  où  je  lui 
parle,  je  ne  veux  pas  assurer  qu'il  n'entend  pas 
pendant  dix  ou  vingt  années. 

Domergue  prétend  «pie  ces  deux  phrases  :  Je 
vous  ai  dit  que  mon  frère  était  malade,  je  vous 
ai  dit  que  mon  frère  est  malade  ,  sont  deii.X 
phrases  également  bonnes  en  soi,  avec  celte  diffé- 
rence essentielle,  (xw'ctail  /«aZo^e  signifie  qu'il  a 
cessé  d'être  malade,  et  est  malade,  qu'il  l'est  en- 
core. 

Notre  critique  s'embrouille  ici  de  plus  en  plus, 
par  les  efforts  qu'il  fait  pour  soutenir  l'erreur 
qu'il  a  avancée,  nuoi!  (|uand  je  vous  ai  dit  que 
mon  frère  était  malade  j'ai  voulu  vous  dire  (|ue 
sa  maladie  avait  cessé!  mais  si  j'avais  eu  cette  in- 
tention, je  vous  aurais  dit  tout  simplement,  oto/j 
frère  n'est  plus  malade.  Quoi  !  quand  je  vous  ai 
dit  dans  im  lemps  jtassé  qve  mon  frère  est  ma- 
lade, }'n\  voulu  vous  dire  qu'il  l'est  encore  dans 
un  temps  futur!  L'absurdité  est  évidente.  Com- 
ment ai-je  pu  vous  assurer,  il  y  a  quinze  jours, 
par  exemple,  l'existence  d'une  chose  contingcnle 
qui  est  présente  au  moment  où  vous  me  pariez, 
mais  qui  aurait  pu  ne  pas  l'être?  Je  n'ai  pas  pu 
vous  dire  il  y  a  (piinze  jours  que  mon  frère  est 
malade  aujourd'hui;  tout  ce  que  j'ai  pu  vous 
dire,  c'est  <iu'il  était  malade  au  moment  où  je 
vous  ai  parlé. 

Ce  n'cbl  donc  pas  en  examinant  si  la  chose  dont 
il  est  question  existe  ou  n'existe  pas  actuellement, 
qu'on  peut  s'assurer  s'il  faut  employer  l'imparfait 
ou  le  présent;  mais  en  examinant  si  celui  qui  a 
parlé  a  voulu  présenter  cette  chose  comme  ayant 
une  existence  permanente,  ou  seulement  comme 
ayant  une  existence  relative  aux  circonstances. 
Dans  le  preuiiercas,  il  faut  mettre  le  présent,  je 
vous  ai  dit  que  Dieu  est  bon;  dans  le  second, 
l'imparfait,  je  vous  ai  dit  que  yuan  frère  était  ma- 
lade, et  jamais  est  vuilade,  à  moins  que  le  pre- 
mier verbe  ne  soit  au  présent,  comme  dans/e 
vous  dis  que  mon  frère  est  malade. 

Le  critique,  confondant  ainsi  les  principes,  pré- 
tend (jue  nos  meilleurs  écrivains  sont  sur  ce 
point  en  contradiction  avec  eux-mêmes,  et  qu'ils 
emploient  indifféremment  dans  le  même  sens,  tan- 
tôt le  présent,  taniôl  l'imparfait.  Nons  allons  dé- 
.nontrer  que  c'est  toujours  dans  des  sens  diffé- 
rents, et  conformément  à  la  règle  que  nous  venons 
d'indiquer. 

Entre  les  pattes  d'un  lion, 
Un  rat  sortit  de  lerre  assez  à  l'étourdie; 
Le  roi  des  animaux,  en  cette  occasion. 
Montra  ce  qu'il  était,  et  lui  donna  la  vie. 

(La  Font.,  liv.  II,  fabl.  ii,  5.) 

Que  signifie,  dit  Domergue,  montra  ce  qu'il 
était?  Cela  signifie  évidemment,  montra  que  la 
générosité  est  une  de  ses  qualités  essentielles  per- 
manentes, et  par  conséciuent  une  ([ualilé  exi- 
stante actuellement  dans  l'esprit  du  poëte.  La 
phrase  peut  être  rendue  ainsi  :  Le  lion  est  géné- 


IMP 


369 


revx ;  il  lui  a  donné  la  vie;  il  y  a  donc  ici  un 
temps  passé  pour  unecpocpie  i)réscnlc. 

Non,  cela  ne  signifie  pas  l'csistcnce  permanente 
d'une  qualitc  présente,  cela  manpio  simultanéité 
d'une  i)artie  de  l'existence  permanente  d'une  ijua- 
lité  avec  une  circonstance  iiarticulicre,  montra  ce 
qu'il  était,  c'est-à-dire,  ap|>li()iia  à  la  circonstance 
la  preuve  de  lexistence  do  ses  (pialitcs  essen- 
tielles. Ce  n'est  point  un  temps  passé  pour  une 
époque  présente,  c'est  lui  lemps  présent  relative- 
ment à  uneépocjue  passée;  c'est  l'imiiarfait.  Mon- 
tra ce  qu'il  est  serait  un  contre-sens;  il  romprait 
une  correspondance  <]ui  existe  entre  le  second 
verbe  et  les  circonstances  qui  doivent  servir  à 
déterminer  l'époque  de  l'existence. 

La  daine  au  nez  pointu  répondit  que  la  terre 
Était  au  premier  occiipanl. 

(La  Vost.,  liv.  Yll,  r.ibl.  xvi,  16.) 

La  terre  est  au  premier  occupant,  répondit  la 
belette.  Ces  deux  phrases  ont  cxaclemeni  la  même 
sienificalion,  dit  Domergue. 

tes  deux  i)hrases  ne  signifient  pas  exactement 
la  même  chose  :  la  [tremière  veut  dire  ([ue  le  prin- 
cipe général,  la  terre  est  au  premier  occupant, 
est  applicable  à  la  circonstance;  et  la  seconde  ne 
fait  {[u'exprimer  absolument  le  principe  général, 
sans  rapport  à  aucune  circonstance. 

Voici  deux  exemples  du  même  auteur,  où  Do- 
mergue trouve  un  accord  parfait  cuire  la  pensée 
et  l'expression,  quoique  le  premier  verbe  soit  an 
passé,  et  le  second  au  présent. 

Mais  que  t'a-l-il  dit  à  l'oreille? 
Car  il  s'approchait  de  bien  prés, 
Te  retournant  avec  sa  serre. 
Il  m'a  dit  qu'il  ne  faut  jamais 
Vendre  la  peau  de  l'ours  qu'on  ne  l'ait  mis  par  terre 
(La  Font.,  liv.  V,  fabl.  xx,  3i.) 

Comme  me  voilà  fait!  Comme  doit  être  un  ours. 
Qui  t'a  dit  qu'une  forme  eit  plus  l)elle  qu'une  autre? 
(La  Font.,  liv.  XII,  fabl.  m,  09.) 

Dans  ces  deux  exemples,  on  a  employé  le  pré- 
sent, parce  qu'il  s'agit  d'une  vérité  générale  dont 
l'existence  est  présentée  dans  toute  son  étendue, 
et  n'est  pas  restreinte  aux  circonstances  particu- 
lières de  la  i)hra.se.  11  n'y  a  pas  réellement  de 
correspondance  entre  les  doux  proposilions  il  m'a 
dit  et  il  ne  faut,  qui  t'a  dit  et  (pi'M/;e  firme  est; 
il  n'y  a  (pi'une  suite  de  deux  [iropositions  isolées 
par  le  sens,  et  liées  senleincnt  par  la  conjonction 
C'induciivc  que,  qui  mène  de  la  première  à  la  se- 
conde, comme  à  un  complément.  Cela  est  si  vrai, 
que,  si  vous  ôlez  cette  conjonction,  les  proposi- 
tions seront  vraies  en  elles-mêmes,  el  la  seconde 
ne  parailra  avoir  aucune  liaison  avec  la  pre- 
mière .  Il  m'a  dit,  il  ne  faut  pas  vendre  la  peau 
de  l'ours,  elc.  Qui  l'a  dit,  ou  y  a-t-il  quelqu'un 
qui  t'a  dit,  Une  forme  est  plus  belle  qu'une 
autre? 

A  la  vérité,  l'ours  personnifié,  en  disant  il  ne 
faut  pas  vendre  la  peau  de  l'ours  avant  de  l'a- 
voir jeté  par  terre,  a  bien  intention  <pic  rajiph- 
cation  de  cette  vérité  générale  soit  faite  a  la  cir- 
constance particulière;  mais  il  ne  veut  pas  lairc 
lui-méuie  cette  application.  Il  laisse  a  cciui  a  qiu 
il  parle  le  soin  de  la  faire.  Il  ne  veut  donc  expri- 
mer (lue  la  proposition  générale,  sans  exprimer 
qu'il  en  fait  l'application  a  la  circonstance.  Son 
idée  doit  être  rendue  par  le  présent,  qu'il  m 

faut.  ,.      .,      ,      j-,  r  ■> 

Mais  quand  on  dit,  il  m'a  dit  que  son  freflt 

24 


570 


IMP 


était  malade,  il  y  a  onlre  les  verbes  dit  et  était 
une  ccirrcsi)ondance  réelle  de  pensées ,  el  non 
une  simple  iiîiison  de  complément.  Si  j'ùlc  le  qup, 
lii  seconde  proposition  n'est  plus  vraie  isolement; 
elle  présente  un  cai"ictérc  de  correspondance  d'i- 
dées avec  une  autre  proposition  qui  doit  i)récé- 
der  :  //  via  dit  —  son  frère  était  malade.  Son 
frère  était  malade,  considéré  isolement,  ne  signi- 
iie  rien,  jiarco  (|ue  était  suppose  une  correspon- 
dance d'idées,  une  simultanéité  avec  une  époque 
qui  doit  précéder,  el  celte  époipie  n'est  pas  ex- 
primée. Dans  il  m'a  dit  —  son  frère  est  malade, 
la  dernière  prop<JSilion  est  vraie  ,  indépendam- 
ment de  la  première;  elle  n'a  plus  aucune  corres- 
pondance nécessaire  avec  le  verbe  précédent; 
donc  c'est  l'imparfaii  (pii  marque  celle  correspon- 
dance d'idées,  cette  simullanéilé  d'époques  avec 
un  verbe  pr(!'céilcnt  mis  au  passé;  donc  on  doit 
employer  rimparfait  toutes  les  fois  qu'on  veut 
marquer  celte  correspondance;  et,  comme  on  n'a 
pas  eu  rinlenlion  de  marquer  cette  correspon- 
dance, celte  simullanéilé,  en  disant,  il  m'a  dit 
qu'il  ne  faut  pus  rendre  la  peau  de  l'ours,  etc., 
qui  t'a  dit  t\u'v/ic  forme  est  plus  belle  qu'une  au- 
tre, mais  (|u'on  a  voulu  seulement  énoncer  une 
vérité  générale  sans  en  faire  expressément  l'appli- 
cation à  la  circonstance,  on  a  dû  se  servir  du  pré- 
sent, qu'il  faut,  (\v\'une  forme  est. 

Voici  d'autres  exemjjles  par  lesquels  Domergue 
prétend  prouver  que  Boileau  csl  à  cet  égard  en 
contradiction  avec  lui-même.  Nous  allons  lâcher 
de  montrer  que  celle  contradiction  n'existe  pas, 
et  que  Boileau  a  eni|)loyé  le  présent  ou  l'impar- 
fait, d'après  les  principes  que  nous  venons  d'ex- 
poser {sat.  XII,  277)  : 

Soudain,  an  grand  honneur  de  l'église  païenne, 
On  entendit  prêcher  dans  l'école  chrétienne, 
Que  sous  le  joug  du  vice  un  pécheur  abattu 
Pouvait  sans  aimer  Dieu  ni  même  la  vertu. 
Par  la  seule  frayeur  au  sentiment  uuie. 
Admis  au  ciel,  jouir  de  la  gloire  infinie; 
Et  que  les  clefs  en  main  sur  ce  seul  passe-port. 
Saint  Pierre  à  tout  venant  devait  ouvrir  d'abord. 

«  On  entendit  prêcher  qu'un  pécheur /joi/raii; 
que  sjiint  Pierre  devait;  el  quelques  vers  plus 
bas  (,Idem,  297)  : 

C'est  alors  qu'on  apprit  qu'avec  un  peu  d'adresse. 
Sans  crime  un  prêtre  peut  vendre  trois  fois  sa  messe. 
Pourvu  que,  hiissant  là  son  salut  à  l'écart. 
Lui-même,  en  la  disant,  n'y  prenne  aucune  part  ; 
C'est  alors  que  l'on  sut  qu'on  peut,  pour  une  pomma, 
Sans  blesser  la  justice  assassiner  un  homme. 

«  On  ajiprit  qu'un  prêtre  peut;  on  sut  qu'on 
feut. 

«  Dans  l'esprit  des  théologiens  qu'ont  tourné 
en  ridicule  Boileau  et  l'ingénieux  auteur  des  Pro- 
vinciales,c(i  sont  des  maximes  invariables,  et  par 
conséquent  lutijours  présentes,  qu'un  homme  peut 
être  un  saint  sans  aimer  Dieu,  et  que  saint 
Pierre  doit  lui  ouvrir  le  paradis;  qu'j/?»  prêtre 
peut  vendre  trois  fois  sa  messe',  qu'un  peul  «*- 
sassiner  pour  une  pomme.  Kt  cependant  ces 
maximes,  loules  actuellement  existantes  dans  la 
pensée,  sont  exi>rimées,  les  unes  par  le  passé,  les 
autres  par  le  présent.  « 

J'observerai,  en  passant,  que  Domergue  affecte 
toujours  de  donner  à  l'imparfait  la  dénomination 
de  passé,  ce  qui  n'est  pas  exact;  il  devait  dire  : 
Mt  cependant  ces  maximes,  toutes  actuellement 
existantes  dans  la  pensée,  sont  exprimées,  les 
unes  par  l'imparfait,  et  les  autres  par  le  présent; 


IMP 

ce  qui  n'est  point  contradictoire,  puisque  cela 
veut  dire  :  Les  unes  par  un  temps  qui  les  mar- 
que comme  présentes  à  une  certaine  époque  pas- 
sée, les  autres  comme  présentes  et  sans  rapport 
à  aucune  époque. 

«  Oue  coiielure  de  là,  continue  Domergue? 
qu'il  y  a  doux  usiiges,  dont  l'un  délruit  l'autre; 
qu'il  n'y  a  de  vraie  autorité  que  celle  de  la  raison, 
et  que  l'auteur  de  la  phrase  contestée  a  très- 
bien  fait  d'exprimer  par  le  présent  une  époque 
qui  n'a  |ias  cessé  d'être  présente  à  son  esprit.  » 

Je  ne  nie  point  que  les  maximes  dont  il  est 
question  n'aient  paru  à  ces  docteurs  des  maximes 
invariables,  et  qu'ils  ne  les  aient  eues  toujours 
présentes;  mais  je  nie  (jue,  dans  tous  les  exem- 
ples cités,  ils  soient  censés  les  avoir  proposées 
comme  telles.  Dans  celte  phrase,  on  entendit  prê- 
cher qu'un  homme  ne  pouvait  être  un  saint  sans 
aimer  Dieu,  le  prédicateur,  quehpie  persuadé 
qu'on  le  suppose  de  la  maxime  (ju'il  nrèchc,  ne  la 
présenle  point  à  ses  auditeurs  comme  une  vérité 
invariable,  inconleslable,  mais  plutôt  comme  un 
problème  (ju 'il  s'efforce  de  résoudre.  C'est  ce  que 
prouve  le  mot  prêcher,  qui  suppose  raisonne- 
ment, discours  pour  persuader,  et  non  pas  énoa- 
ciation  simple  d'une  chose  regardée  comme  in- 
contestable. Ainsi,  ceux  qui  ont  prêché  qu'itii 
pécheur  pcuvait  être  un  saint,  n'ont  pas  eu  l'in- 
tention de  i)résenlcr  celle  maxime  ccinme  incon- 
leslable ,  mais  seulement  de  prouver  par  des 
raisonnements  qu'elle  est  inconleslable.  Ainsi 
l'on  a  dû  dire:  On  entendit  prêcher  quon  jtou- 
vait,  etc. 

11  n'en  est  pas  de  même  des  deux  autres  exem- 
ples. On  apprit  qu'un  prêtre  peut  vendre  trois  fois 
sa  messe  ;  on  sut  qu'on  [jCUI  assassiner  pour  une 
pomme.  Ici  les  verbes  on  apprit,  on  sut,  indi- 
quent, non  des  problèmes  à  résoudre,  non  des 
maximes  sur  lesquelles  on  a  besoin  d'être  prêché, 
mais  des  maximes  invariables  et  conslanics. 
Quand  on  a  appris,  quand  on  sait  des  ma.ximcs 
constantes  ou  regardées  comme  telles,  on  les  ad- 
opte dans  touie  retendue  de  leur  existence.  J'ai 
appris,  j'ai  su  que  deux  et  deux  font  quatre,  et 
non  pas  que  deux  et  deux  faisaient  quatre.  J'ai 
appris,  j'ai  su  qu'un  prêtre  peut  vendre  trois 
fis  sa  messe  ,  et  qu'on  peut  assassiner  un 
homme  pour  une  pomme;  el  non  pas  pouvait  ven- 
dre, pouvait  assassiner;  mais  ou  a  été  obligé  de 
me  prêcher  longtemps  que  cela  était,  avant  que 
j'aie  appris,  avant  (juc  j'aie  su  que  cela  est. 
Ainsi  Builcau  n'est  point  opposé  a  lui-même  dans 
ces  divers  exemples,  mais  il  a  suivi  la  raison  el 
observé  les  règles. 

Examinons  maintenant  l'examen  que  fait  Do- 
merp ue  de  la  décision  de  l'Académie,  et  suivons- 
le  dans  ses  erreurs. 

«  Remettons,  dit-il,  sous  les  yeux  la  phrase 
condamnée,  et  osons  examiner  le  jugement  qui  la 
condamne. 

«  Phrase  proposée  :  Pénétré  de  cette  vérité, 
avouée  par  les  grands  magistrats  et  les  vrais  ju- 
risconsultes..., j'ai  cru  que  le  caractère  essen- 
tiel d'un  livre  de  jurisprudence  est  de  rendre  la 
jurisprudence  plus  aimable. 

«  Jugement  de  V Académie  française.  L'Aca- 
démie pense  (jue,  dans  la  phrase  proposée  et  dans 
toutes  celles  du  même  genre,  l'usage,  en  cela 
conforme  à  la  syntaxe ,  autorise  généralement 
l'imparfait  au  second  membre;  maisil  y  a  cepen- 
dant des  cas  où  il  est  permis,  et  peut-être  mieux, 
d'employer  le  présent,  surtout  quand  h  chose 
dont  il  s'agit  est  une  vérité  incontestable,  néces- 


LMP 

saire,  ou  géncraleniciil  reconntic,  par  exemple, 
une  pruposili'Mi  de  L'ouiiictrie;  ou  (|u;iiid  le  prc- 
iiiier  nieiiilire  de  la  piirase  exprime  une  asseriion 
absolue,  vo\\\mc  j'ai proui-é,  j'ai  démontré,  quoi- 
que la  propnsilJon  ne  soil  pas  monie  alors  à  l'abri 
de  toiiio  dil'licuilé. 

«  IJi  conséquence  de  ce  principe,  l'Académie 
croit  tpic  la  phrase  proposée  ne  portant  ni  le  ca- 
ractère d'une  assertion  tibsolne,  ni  celui  d'une 
vérité  incontestable,  on  doit  mettre  l'imparlait  au 
second  membre.  » 

«  Ce  jugement,  dit  Domergue,  me  paraît  man- 
quer de  cfarté  dans  la  rédaction,  de  vérité  dans 
les  motifs,  de  justesse  dans  l'application. 

«  Oue  signifie  l'usage  en  cda  conforme  à  la 
syntaxe^  Si  par  syntaxe  on  entend  les  règles  de 
l'usage,  je  ne  vuis  pas  ce  que  veut  dire  L'vsage 
conffrrme  at/a-  règles  de  l'usage.  Si  l)ar  syntaxe 
on  entend  les  principes  de  la  raison,  on  devait 
prouver  la  conlormité  de  l'une  avec  l'autre,  etc. 

«  Après  avoir  posé  la  règle  générale  (jui,  dans 
ces  sortes  de  phrases,  veuf  l'imparfait  au  second 
membre,  l'Académie  ajoute  :  Mais  il  est  des  cas 
où  il  est  permis ,  et  peut-être  mieux  ,  d  em- 
ployer le  plé^ent.  Une  chose  permise  fait  entendre 
qu'une  chose  est  ordinairement  défendue;  ce  qui 
esl  permis  est  à  peine  bien;  conunent  pourrait-il 
être  mieux?  D'ailîeurs,  ou  vous  mettez  le  présent 
quand  il  s'agit  d'une  chose  présente,  et  alors  il 
n'est  pas  besoin  de  permission,  vous  obéissez  à  la 
sensation  que  vous  éprouvez;  ou  vous  mêliez 
l'imparfait,  qui  esl  un  temps  passé,  quand  il  s'agit 
d'une  chose  qui  n'est  point  du  tout  passée,  cl 
alors  qui  peut  <lonner  la  permission?  La  raisonne 
saurait  permettre  d'aller  contre  la  raison. 

w  Essayons  de  dégager  la  règle  académique  de 
l'ombre  qui  l'obscurcit,  et  nous  verrons  à  la  faus- 
seté des  raisons  qui  motivent  le  jugement,  que  ce 
n'est  pas  sans  in.enlion  qu'on  a  mis  quelque  soin 
à  l'envci  ipper  de  ténèbres. 

«  Lors(|ue  dans  une  phrase  il  y  a  deux  verbes 
correspondants,  dont  le  premier  est  au  passé,  le 
second  doit  être  à  l'imparfait.  Exemple  :  J'ai  ap- 
pris que  vous  étiez  marié. — Que  j'étais  marié! 
que  dites-vous  ?  je  n'ai  pas  cessé  de  l'être  ;  je  suis 
marié  actutUement,  au  moment  où  vous  parlez  ; 
vous  devez  dire,  d'après  voire  pensée  :  J'ai  ap- 
pris que  vovs  êtes  marié.  » 

On  sent,  d'après  ce  que  nous  avons  dit,  com- 
bien cette  criti(]ue  est  absurde.  J'ai  appris  que 
vous  cV\cz  ?n a rié  i\  l'époque  où  on  me  l'a  appris; 
mais  je  n'ai  pu  apprendre  à  celle  époque  <|ue  vous 
êtes  encore  marié  aujourd'hui.  Si  je  dois  dire,  se- 
lon que  vous  êtes  encore,  ou  cpie  vous  n'êtes  plus 
marié,  j'ai  appris  que  vous  êtes  viarié,  ou  que 
vous  étiez  marié,  ce  (jue  j'ai  ajjpris  dépend  donc 
du  sort  qui  a  conservé  ou  enlevé  voire  épouse; 
et,  pour  savoir  si  je  dois  me  servir  de  l'une  ou  de 
l'autre  expression,  il  faudra  que  vous  me  disiez 
auparavant  ce  qui  en  est.  Cependant,  ce  que  j'ai 
appris  il  y  a  un  an,  par  exemple,  je  lai  bien  véri- 
tablement apjiris,  bien  absolument  appris,  indé- 
pendammcni  de  la  mort  de  votre  épouse;  et  c'est 
que  vous  éiiez  marié  à  l'époque  où  on  me  l'ap- 
prenait. Je  n'ai  appris  que  cela,  je  n'ai  pu  appren- 
dre que  cela  ;  car  on  ne  pouvait  pas  m'assurer 
que  votre  fenune  ne  mourrait  pas  le  lendemain. 

«  Autre  exemple  :  J\ii  lu  dans  un  uiiieur  que 
le  mariage  était  un  enfer  ou  un  paradis.  — Élait 
un  enfer  ov  vn  paradis^  Cela  est  toujours  dans 
l'esprit  de  cet  auteur. — Hé  'jien!  puisqu'il  n'a  pas 
change  d'opinion,  puisque  cette  maxime  est  dans 
sa  pensée  une  vérité  invariable,  et  par  conséquent 


IMP 


371 


toujours  présente,  la  pensée  exige  le  présent  : 
J'ai  lu  dans  vn  autour  que  le  mariage  est  un  en- 
fer ou  un  paradis.  Le  second  verbe,  couune  le 
premier,  comme  tous  les  verbes  possibles,  exprime 
une  épotpie  dont  le  type  esl  dans  l'esprit  ;  le  temps 
grammatical  doit  être  la  copie  de  l'original  intel- 
lectuel. » 

Rappelons  ici  nos  princi[)cs.  Dans  la  phrase, 
j'ai  lu  dans  un  auteur  que  le  mariage  est  un 
paradis  ou  un  enfer,  il  n'y  a  pas  correspon- 
dance réelle  d'idées  entre  les  deux  propositions, 
mais  seulement  une  liaison  de  deux  propositions 
par  la  conjonction  que,  qui  conduit  de  l'une  a 
î'au.rc.  Elles  ne  sont  liées  que  parce  que  b'  prû- 
:nière  est  incomplète,  et  que  la  seconde  lui  sert 
de  complément  ;  mais  celle  seconde  serait  vraie 
isolément;  cl  par  conséquent,  elle  n'a  aucune 
correspondance  nécessaire  d'idées  avec  la  i)re- 
miôrc:  Le  mariage  est  un  enfer  ou  un  paradis. 
Ainsi,  quoique  le  verbe  de  cette  piuase  doive 
être  au  présent,  ce  n'est  pas  une  preuve  de  la 
fausseté  de  la  règle.  Il  n'y  a  point  de  correspon- 
dance d'idées  entre  les  deux  verbes,  donc  le  se- 
cond ne  doit  pas  être  mis  à  l'imparfail. 

Cette  correspondance  d'idées  entre  les  deux 
propositions  dépend  du  point  de  vue  sous  lequel 
celui  qui  a  parlé  a  considéré  la  dernière.  S'il  l'a 
considérée  connne  générale  et  isolée,  la  corres- 
pondance n'existe  point.  J'ailudans  un  auteur 
que  le  mariage  est  vn  enfer  ou  un  paradis.  S'il 
l'a  considérée  comme  une  vciilc  existant  particu- 
lièrement au  moment  où  il  a  parlé,  ou  comme 
pouvant  être  appliquée  à  la  circonstance  de  son 
discours,  la  correspondance  d'idées  existe.  Ainsi 
je  pourrais  dire,  en  parlant  d'une  personne  que 
j'ai  voulu  détourner  du  mariage,  je  lui  ai  dit  que 
le  mariage  était  vn  enfer.  Ici  je  n'ai  pas  voulu 
seulement  présenter  cette  vérité  comme  géné- 
rale et  isolée,  mais  j'ai  eu  intention  d'en  montrer 
l'existence  en  correspondance  avec  la  circon- 
stance :  j'ai  formé  dans  mon  esprit  une  liaison 
entre  l'existence  de  cette  vérité  et  cette  circon- 
stance, et  c'est  en  consétiucnce  de  celle  liaison 
que  je  dois  employer  l'imparfait. 

«  Exception  de  VAcadi-mie.  On  met  le  pré- 
sent, quand  le  premier  verbe  exprinic  une  asser- 
tion absolue,  comme  j'ai  prouvé,  j'ai  démontré 
que  vous  êtes  marié. 

«  Est-ce  que  l'actualité  de  mon  mariage,  dit 
Domergue,  dépend  de  votre  preuve,  de  votre 
démonstration?  et  si  votre  assertion  était  moins 
absolue,  ne  serais-je  plus  marié?  Oui,  qu'au  lieu 
Ad  j'ai  prouvé,  j'ai  dmo/j^re,  vous  eussiez  mis 
j'ai  dit  ou  j'ai  appris,  il  n'y  avait  pas  une  asser- 
tion absolue,  et  j'étais  veuf  de  par  l'Académie. 
Cette  plaisante  consé(iuence  est  sérieusement  dé- 
duite du  |)rincipe  iiue  je  combats.  » 

Observez  que  l'Académie  ne  dit  i^as,  comme 
l'avance  Domergue,  ([u'o«  met  le  présent  quand 
le  premier  membre  exprime  une  assertion  ab- 
solue; mais  elle  dit  qu't'/  y  a  des  cas  où  il  esl 
permis,  et  peut-être  mieux,  d'employer  le  pré- 
sent, surtout  quand  le  premier  membre  deja 
phrase  exprime  une  assertion  absolue,  commej'uî 
prouvé,  j'ai  démontré.  Voila  exactement  ce  «pic 
dit  l'Académie.  Ainsi,  selon  l',^î;".'émie,_^il  v  a 
des  cas  où,  après  avir  ilh  j'ai  proure,j  ai  dé- 
montré, W  est  permis,  et  peut-être  mieux,  d  em- 
ployer le  présent  dans  la  phrase  suivante.  Or,  celle 
exception  esl  vraie,  et  il  n'a  mamiue  à  1  Acadé- 
mie que  d'indiquer  quels  sont  ces  cas.  Nous  al- 
lons essayer  de  le  faire. 

Quand  je  dis  j'ai  [trouve,  j'ai  démontre,  je 


372 


IMP 


puis  avoir  dessein  ou  d'exprimer  rcxistence  d'une 
chose  ù  l'cpcfnic  où  j'ai  prouvé,  où  j'ai  dt'nion- 
tfé,  ou  lexislence  dune  clioso  sur  hKiuolle  ma 
preuve,  ma  dcmonslralion  iiilUic  eniure,  jku-  la 
raison  que  celle  chose  exislc  encore  acluellcincnl. 
Dans  le  premier  cas,  je  dirai,  par  exemple, /ai 
prouvé  que  vous  éliez  marié;  el  celte  iilnase 
sera  jusie,  soil  que  vous  soyez  encore  marie  ac- 
lucilemenl,  soil  (jue  vous  ne  le  soyez  plus.  Dans 
le  second  cas,  je  d\n\,j\iiprouié  que  vous  clcs 
vturié ;  Cl  cela  voudra  dire,  comme  j'ai  prouve 
précédemmenl  que  vous  cliez  marié  alors,  et 
connue  vous  l'cles  encore  à  présent,  ma  preuve, 
ma  dcniunslralion  tombe  aussi  bien  sur  l'existence 
actuelle  de  votre  mariage,  que  sur  son  existence 
antérieure,  puisqu'il  s'agit  du  même  mariage. 
C'e.''l  ce  que  dira  encore  à  sa  partie  un  avocat,"en 
sorlani  d'un  tribunal  où  il  vient  de  prouver  la  va- 
lidité du  mariage  de  cette  partie;  il  lui  dira,  vos 
adrersciires  perdront  leur  procès,  car  j'ai  prou- 
vé, j'ai  démontré  que  vous  êtes  marié.  Voilà 
donc  des  cas  où,  quand  le  premier  membre  ex- 
prime une  assertion  absolue,  il  est  permis,  et 
même  mieux,  d'employer  le  piésent  ciuc  l'iuqjar- 
fait.  Dans  ces  phrases,  on  pourrait  dire,  j'ai 
prouvé  que  vous  étiez  marié,  c'est-à-dire  l'exi- 
stence de  votre  mariage  au  moment  où  je  prou- 
vais; mais  si  l'on  veut  faire  l'applicalion  de  la 
preuve  à  l'existence  actuelle,  il  est  mieux  de 
à\vc,  j'ai  prouvé  que  vous  êtes  marié. 

Observons  encore  que,  loin  que  dans  ces  phra- 
ses les  propositions /'ai  joroj/rt;,  fai  démontré, 
j'ai  dit,  j'ai  appris,  doivent  influer,  comme  le 
dit  pomergue,  sur  l'existence  actuelle  de  mon 
mariage,  c'est  au  contraire  cette  existence  ac- 
tuelle, ([uand  clic  est  dans  l'esprit  de  celui  qui 
parle,  qui  influe  sur  le  sens  des  premières  pro- 
positions. De  ce  que  votre  mariage  existe  actuel- 
lement, il  s'ensuit  qu'ayant  prouvé  il  y  a  un  an 
qu'il  existait,  j'ai  prouvé  qu'il  existe  encore  au- 
jourd'h.ii,  parce  que  la  preuve  tombe  sur  le  ma- 
riage a  lous  les  moments  de  son  existence.  Mais 
de  ce  i^uc  j'ai  dit  il  y  a  un  an  que  vous  étiez 
viarit,  il  ne  s'ensuit  pas  que  j'aie  dit  que  vous 
êtes  marié  actuellement,  quoique  vous  le  soyez 
en  effet;  car  mon  dire  n'étant  pas  une  assertion 
absolue,  n'a  pu  tomber  que  sur  l'existence  de 
votre  înariage  au  moment  où  j'ai  dit,  el  nulle- 
ment s.,r  votre  mariage  dans  lous  les  temps  de 
son  e.\!?lencc.  J'ai  dit  (luc  vous  étiez  marié,  et 
cela  pouvait  être  ou  ne  i)as  être  vrai,  el  cela  peut 
encore  actuellement  être  ou  ne  pas  être  vrai; 
aussi  nulle  conséipiencc  du  passé  au  présent.  J'ai 

montré  que  vous  êtes  marié,  c'esl-à-d ire  j'ai 
U  la  vérité  de  l'existence,  de  la  validité  de 
»-..e  mariage,  vérité  qui  se  trouve  encore  établie 
aujourd'hui,  parce  que  votre  mariage  dure  en- 
core, el  qui  restera  établie  tant  que  ce  mariage 
durera. 

«  6''  ite  de  l'exception.  On  met  encore  le  pré- 
sent quand  le  second  nuMnbre  exprime  une  vé- 
rité incontestable  et  généralement  reconnue. 

u  Le  rcsulial  ilc  deuxajoulé  a  deux  est  quatre 
incontestablement.  Cependant  on  ne  pourrait 
pas  dire  je  croyais  que  deux  et  deux  font  quatre; 
il  faut  nécessairement  faisaient.  La  présence 
des  vérités,  même  mathématiques,  grannnalica- 
lement  parlant,  dépend  non  de  leur  nature,  mais 
de  l'opinion  de  celui  ipii  les  énonce.  La  règle  la 
plus  sure,  et  en  même  temps  la  plus  claire,  est 
que  l'cpixine  (pi'on  a  dans  l'esprit  est  précisé- 
ment celle  ([u'il  faut  peindre  par  la  parole  ou  1 
tracer  sur  le  papier.»  I 


IMP 

Icf,  comme  dans  l'article  précédent,  Domer- 
gue  commet  une  mfidélilé.  L'Académie  n'a  point 
dit  on  met,  mais  elle  a  dit  il  est  des  cas  où  il  est 
permis,  et  peut-être  mieux,  d'employer  le  pré- 
sent, quand  le  second  membre  exprime  une  vé- 
rité incontestable  el  généralement  recoimue. 

Celle  leçon  étant  rétablie  dans  sa  pureté, 
il  n'y  a  plus  de  diffu-ulic;  el  d'après  les  nou- 
veaux principes  qu'établit  Domergue  dans  ce  pa- 
ragraphe, il  va  se  trouver  d'accord  avec  l'Acadé- 
mie el  avec  nous. 

On  a  vu,  au  commencement  de  cet  article, 
que  Domergue  a  prétendu  ^\\^Q,  pour  savoir  si 
l'on  doit  employer  le  présent,  ou  l'imparfait,  il 
suffit  d'examiner  si  Vépoqve  que  l'auteur  a  eu 
en  vue  est  actuellement  existante.  Ici,  ce  n'est 
plus  cela;  il  convient  (|ue  la  présence  des  vérités 
même  mathématiques,  grammaticalement  pariant, 
dépend,  non  de  leurnatnie,  mais  de  l'opinion  de 
celui quiles  énonce;  et  il  nous  donne  comme  la 
règle  la  plus  sûre  et  la  plus  claire,  celle  que  nous 
avons  taché  d'établir  dans  tout  le  cours  de  cet 
article,  savoir,  que  Vépnque  qu'on  a  dans  Ves- 
prit  est  précisément  celle  qu'il  faut  peindre  par 
la  parole  ou  tracer  sur  le  papier. 

D'après  cela,  il  est  certain  cpie,  quand  le  se- 
cond mevihre  exprime  une  vérité  incontestable, 
et  généralement  reconnue,  il  y  a  des  cas  où  il 
csl  permis,  et  ]néino  mieux ,  d'employer  le  pré- 
sent. 

Par  exemple,  l'existence  de  la  vérité  de  celte 
proposition  deux  et  deux  font  quatre,  peul-étre 
considérée  ou  dans  toute  son  étendue,  on  seu- 
lement dans  une  i)arlie  de  celte  étendue.  Si  je  la 
considère  dans  toute  son  étendue,  je  dois  em- 
ployer le  présent,  car  j'ai  dans  l'esprit  une 
époque  véritablement  et  éternellement  présente. 
Si  je  la  considère  seulement  dans  une  partie  de 
son  étendue,  que  j'appli(iue  à  une  époque  pas- 
sée, je  dois  exprimer  mon  idée  par  rinq)arl'ait; 
car  j'ai  dans  l'esprit  une  époque  présente  l'cla- 
livemenl  à  une  épo(iue  passée.  Je  dirai  donc  je 
croyais  que  deux  et  deux  font  quatre,  si  je  veux 
exprimer  que  je  considérais  celle  vérité  dans_ 
toute  l'étendue  de  son  existence;  et  je  dii-ai/c' 
croyais  que  deux  et  deux  faisaient  quatre,  je 
me  rappelai  que  deux  et  dtux  faisaient  quatre, 
si  je  veux  exprimer  que  je  ne  considérais  l'exi- 
stence de  celle  vérité  que  comme  correspondante 
à  mon  action  de  croire  ou  de  me  rappeler.  Sup- 
posons un  homme  si  borné  qu'on  ne  puisse  lui 
faire  presque  rien  comprendre,  on  pourra  dire  de 
lui,  je  suis  parvenu  à  lui  faire  croire  que  deux 
et  deux  faisaient  quatre;  el  on  voudra  dire  par- 
là  (lue,  ne  pouvant  pas  [jarvenir  à  lui  faire  com- 
prendre (jue  deux  et  deux  font  quatre  est  une 
vérité  toujours  existante,  on  est  parvenu  du 
moins  à  lui  faire  croire  (jue  celte  vérité  existait 
relativement  aux  exemples  qu'on  lui  mettait  sous 
les  yeux.  L'idée  qu'on  a  dans  l'esprit  ne  serait 
pas  exactement  rendue,  en  disant  que  deux  et 
deux  font  quatre.  Yoilà  donc  l'exception  de 
l'Académie  parfaitement  justiliée. 

Justilions  de  même  les  excnq)les  suivants,  où 
Domergue  prétend  que  d'Alendjert  est  en  con- 
tradiction avec  la  règle  de  l'Acadonue. 

«  Massillon  pensait  que  c'csl  un  plaisir  bien 
vide  d'avoir  affaire  d  des  yens  qui  nous  ad- 
mirent. 

«  Les  sages  remontrances  de  Massillon  fu- 
rent saîts  effet,  et  il  apprit,  par  sa  propre  expé- 
rience, qu  il  est  souvent  moins  difficile  de  rame- 
ner les  mécréants  que  de  concilier  ceux  qui 


IMP 

auraient  tant  d'intérêt  de   se   réutiir  pour  les 
confondre. 

«  L'ahbé  de  Saint-Pierre  pensait  que,  dans 
les  controverses  théologiques, quelque  fois  siutiles, 
et  tôt/jours  si  dangereuses,  un  gouvernement 
sage  doit  fermer  sévèrement  la  bouche  à  ceux 
qui  les  excitent. 

Il  //  croyait  que  la  devise  de  Vhonime  vertueux 
est  renfermée  dons  ces  deux  mots  :  Donner  et 
pardonner.  ■'■< 

Dans  tnuies  ces  plirases,  il  n'y  a  point  de  cor- 
respondance d'idées  entre  les  verbes,  mais  seu- 
lement des  rapports  d'expressions  incomplètes, 
avec  leurs  complcinents.  Les  secondes  proposi- 
tions sont  vraies  indépendamment  des  premières. 
Ces  exemples  ne  sont  donc  ponU  contraires  à  la 
régie  de  rAcadémie,  prise  dans  son  véritable 
sens. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  confirme  la 
règle  que  nous  avons  donnée  au  commencement 
de  cet  article,  savoir,  que,  lorsque  dans  une 
phrase  il  y  a  deux  verbes  correspondants  dont 
le  premier  est  au  passé,  le  second  doit  être  ci 
l'imparfait . 

Celte  règle  n'a  point  d'exception  ;  mais,  pour 
s'en  convaincre ,  il  faut  bien  comprendre  ce 
qu'on  entend  par  correspondance  des  verbes. 

Il  faut  cnlendre  ici,  par  celte  expression,  la 
simultanéité  d'existence  des  choses  exprimées, 
et  non  des  rapporls  d'expression  incomplète  avec 
son  complément,  ou  tout  autre  rapport  d'une  au- 
tre nature.  Dans  ces  phi'ases,  j'ai  appris  que 
vous  étiez  marié.  J'ai  cru  qu'il  me  craignait,  il 
y  a  correspondance  entre  les  verbes;  dans  la  pre- 
mière, parce  que  l'existence  du  mariage  est  ex- 
primée comme  présente  à  l'époque  où  je  l'ai 
apprise  ;  dans  la  seconde,  parce  que  l'exislence 
de  la  crainte  est  exprimée  comme  présente  au 
moment  où  j'ai  cru  qu'elle  exislail.  Mais  dans 
j'ai  appris  que  vous  êtes  marié,  il  n'y  a  point  de 
correspondance  entre  les  verbes ,  parce  cjuc 
l'existence  du  mariage  n'est  pas  exprimée  comme 
présente  à  l'époque  où  je  l'ai  apprise,  mais  seu- 
lement comme  une  vérité  permanente  existante 
indèpendannnent  de  celle  époque. 

Par  la  ménje  raison,  il  n'y  a  point  de  corres- 
pondance entre  les  verbes  de  ces  phrases,  j'ai 
appris  quil  partirait ,  j' ai  su  qu'il  viendrait  ; 
il  y  a  seulement  rapport  d'une  expression  in- 
complète avec  son  complément.  J'ai  appris  une 
chose,  savoir,  qu'il  partirait  ;  j'ai  su  une  chose, 
savoir,  qu'il  viendrait. 

Lorsqu'il  s'agit  d'une  vérité  incontestable,  né- 
cessaire et  généralement  reconnue,  la  correspon- 
dance existe  ou  n'existe  pas  entre  les  verbes, 
suivant  qu'on  a  eu  o\i  (pi'un  n'a  pas  eu  dans 
l'esprit  l'idée  de  la  simulianéitc  d'existence.  Dans 
cette  phrase,  je  sentis  alors  que  Dieu  était  bon, 
il  y  a  correspondance,  parce  que  l'existence  de 
la  bonté  de  Dieu  est  exprimée  comme  présente  à 
l'époque  où  j'ai  éprouvé  ce  sentiment.  Dans  cette 
autre,  au  contraire,  j'ai  soutenu  que  Dieu  est 
bon,  il  n'y  a  point  de  correspondance,  parce 
qu'on  n'a  pa?  marqué  la  simultanéité  de  l'exi- 
stence de  la  bonté  de  Dieu  avec  l'époque  où  l'on 
a  soutenu  que  cette  bonté  existe.  Il  en  est  de 
même  dans  les  phrases  où  le  premier  membre 
exprime  une  assertion  absolue. 

Imparfaitement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe. 

Impartial,  I.mpartiale.  Adj.  On  peut  le  mettre 

avant  sonsubsl.,  surtout  en  parlant  des  choses, 

si  l'analogie  et  l'harmonie  le  permcilent  :  Cet 

examen  impartial,  cet  impartial  examen.   Un 


IMP  .  ?.?? 

juge  impartial,  et  non  pas  un  impartial  jnae. 
Kien  n'empêche  qu'on  ne  dise  impartiaux  au 
pluriel  masculin.  La  Harpe  a  dit  des  juges  îîi.'- 
partiaux.  {Cours  de  littérature.)  — L'Acadci^îf 
n'indiipie  pas  ce  pluriel. 

Impasse.  Subst.  f.  Ce  mot,  proposé  par  Y'»' 
taire,  a  remplacé  généralement  celui  de  cul-(^.f~ 
sac.  Voyez  Cul. 

Impassible.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  me", 
qu'après  son  subst.  :  Un  coi-ps  impassible,  «:-. 
juqe  impassible. 

I.^iPATUMMKNT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  a  attendu  impa 
tiemment  votre  retour,  OU  il    a  impatiemment 
attendu  votre  retour. 

IMPATIE^T,  Impatiente.  Adj.  T.n  parlant  des 
personnes,  il  ne  se  met  qu'aprèr  son  subst.  :  Un 
homme  impatient,  et  non  un  impatient  homme. 
Ln  parlant  des  choses,  on  peut  le  mettre  avant, 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Son  humeur 
impatiente,  son  impatiente  humeur.  'Voyez  Ad- 
jectif. Bouhours  prétendait  que  cC  adjectif  ne 
souffre  point  de  régime.  Ménage  n'était  pas  de 
cet  avis.  L'Académie,  dans  ses  dernières  cditionr, 
a  adopté  l'opinion  de  Ménage,  ou  i)luiô'  elle  a  re- 
connu l'usage.  On  dit/e  suis  impatient  de  savoi, 
de  ses  nouvelles;  et  en  poésie,  impatient  di' 
jovg,  impatient  du  frein.  Voltaire  a  dit  d'v. 
coursier  [Hcnriade,  VIII,  J38)  : 

Impatient  du  frein,  vole  et  bondit  sur  l'iierbe. 

Un  grammairien  moderne  prétend  qu'on  '^t 
peut  employer  impatient  que  devant  un  sut'"'..- 
Il  traite  de  barbarisme  toute  phrase  où  ce  oiOi 
est  employé  autrement.  En  conséquence,  il  n  - 
garde  et  condamne  comme  telles  les  phrast!.":  3'!i- 
vantes:  Pourquoi  voit-on  si  souvent  le  peuple 
impatient  du  joug  des  lois?  (Marmontel,  Btlis., 
ch.  XI,  p.  102.) 

Impatient  du  frein,  vole  et  bondit  sur  i'Iierbe. 
^  (i/enr.,  YII,  138.) 

Le  peuple  impatient  de  celle  mort  cruelle, 
L'attend  comme  une  fêle  auguste  et  solennelle. 

(Volt.,  Lois  de  afinos,  ad.  lY,  se.  m,  12.) 

Cette  critique  n'a  pas  été  approuvée. 

Impatienter  (s').V.  pronom,  de  la  1"  conj.  La 
Grammaire  des  Grammaires  prétend  que  ce 
verbe  ne  prend  point  de  régime.  J.-J.  Rousseau 
ne  pensait  pas  ainsi.  Il  a  dit:  Tu  t' impatiejites 
de  savoir  oiij'en  veux  venir. 

Impayable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  impayable,  un 
ouvrage  impayable. 

Impeccable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  no  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  être  impeccable. 

Impénétrable.  Adj.  de:  deux  genres.  En  par- 
lant des  jKîrsonnes,  il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  En  parlant  des  choses,  ou  peut  le  mettre 
avant,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Un 
honme  impénétrable,  vue  femme  impénétrable, 
un  dessein  impénétrable,  cet  impénétrable  des- 
sein. Il  régit  quelquefois  la  préposition  a:  Un 
cuir  impénétrable  il  Veau . 

Impénitent,  Impénitente.  Adj.  H  se  ne  me» 
qu'après  son   subst.  :  Un  homme  impénitent. 

Impératif,  Impérative.  Adj.  Il  ne  se  met  qu  a- 
prés  son  subst.  :  Un  ton  impératif,  un  air  im- 
pératif. ,  .  .  ,1  .       ' 

Mode  impératif  ou  substantivement  l  impé- 
ratif Terme  de  grammaire. 


374 


IMP 


L'impératif  est  un  mode  du  verbe  qui  ex- 
prime la  coexistence  du  sujet  avec  i'ailriliui, 
comme  devant  être  une  suite  d'un  commamie- 
ment,  d'une  prière,  dune  exhortation. 

les  grammairiens  duimcnt  à  ce  mode  un  pré- 
sent. 

/^oi.s,pourle  singulier;  faites,  pour  le  pluriel. 
Ces  mots  paraissent  au  présent,  parce  cpic  celui 
qui  commande  semble  vouloir  (pie  la  chose  se 
fasse  à  l'instant  même.  Cependant  ce  sont  de 
vrais  futurs,  puiscju'on  ne  peut  obéir  que  posté- 
rieurement au  lommandenient. 

.iyez  fait,  autre  forme  de  l'impératif,  est  éga- 
lement un  futur.  Jijcz  fait  quand  j'arriverai 
est,  pour  le  fond,  la  même  chose  que  vous  aurez 
fuit  quand  f  arriverai.  \  oilà  tous  les  temps  de 
ce  mode.  Il  n'a  point  de  passé,  et  l'on  voit  qu'il 
n'en  j)eut  pas  avoir. 

Le  futur  de  l'impératif  n'est  qu'un  simple  com- 
mandement ;  celui  de  l'indicatif,  quand  il  est  em- 
ployé dans  le  mémo  sens,  est  un  comnjandement 
plus  positif,  une  volonté  plus  absolue,  dont  on 
ne  permet  pas  d'appeler.  Si ,  après  avoir  dit 
faites  ou  ayez  fait,  on  ne  paraissait  pas  disposé 
à  m'obéir,  j'insisterais  en  disant:  f^ovs  ferez, 
vous  aurez  fait  ;  et  par  là,  je  déclarerais  que  je 
ne  veux  ni  excuse  ni  retardement. 

Ce  mode  n'a  point  de  i>rcmière  personne  au 
singulier,  parce  que  quand  on  se  parle  à  soi- 
inêm«,  on  ne  peut  se  parler  qu'à  la  seconde  per- 
sonne. 

Impératif.  —  Présent  ou  futur  simple. ..  fais. 
Ce  temps  indique  un  présent  jiar  rapport  à  l'ac- 
tion de  commander ,  et  un  futur  par  rapport  à 
l'action  commandée. 

Futur  coiriph.ié ayez  fait. 

Ce  tciftp?  -«xprime  un  futur  relatif  à  une  époque 
future. 

La  seconde  personne  singulière  de  l'impératif 
se  forme  de  la  première  personne  singulière  du 
présent  de  l'indicatif  en  en  ôtant  seulement  le 
pronom  je  :  J'aime,  je  soufre,  je  finis,  je  re- 
çois, je  rends;  aime,  souffre,  finis,  reçois, 
rends.  11  n'y  a  que  quatre  verbes  dont  l'impéra- 
tif ne  suive  pas  celle  formation  ;  savoir  :  J\ii, 
impératif  aie;  je  vais,  impératif  va;  je  sais, 
impératif  sache;  et  je  suis,  impératif,  sois. 

La  seconde  personne  de  l'impératif  étant  for- 
mée de  la  première  personne  du  présent  de  l'in- 
dicatif, ne  doit  point  prendre  de  s  à  la  fin,  lois- 
«jue  <ette  dernière  n'en  a  point.  Ainsi,  il  faut 
écrire  aime,  souffre,  cueille,  parce  qu'on  écrit 
j'aime,  je  souffre,  je  cueille,  etc.  ;  mais  il  faut 
conserver  le  s  dans  les  verbes  où  il  termine  la 
première  personne  du  présent  de  l'indicatif.  On 
écrira  donc  à  l'impératif  etnplis,  reçois,  rends, 
Jjarce  qu'on  wyW.  j'emplis,  je  reçois,  je  rend.'-,. 

Lorsque  la  seconde  personne  singulière  de 
l'impératif  doit  se  terminer  par  un  c  muet ,  et 
qu'elle  doit  être  suivie  de  l'un  des  pronoms  y 
ou  en,  alors,  pour  éviter  un  hiatus,  on  ajoute  un 
s  euplionique,  et  l'on  écrit  donne.s-en,  portes-y. 
On  ne  fait  point  usage  de  la  lettre  euphonique 
lorsqu'après  le  verbe  terminé  par  un  e  muel, 
c'est  la  ()réposition  en  qui  suit  :  Admire  en  quel 
état  le  voilà,  et  non  pas  admires  en. 

On  doit  mettre  un  tiret  entre  l'impératif  et  le 
pronom  qui  le  suit,  mais  seulement  quand  ce 
pronom  est  régi  par  le  verbe  (jui  est  à  ce  mode. 
Ainsi,  l'on  doit  écrire  dites-lui,  montrez-vous. 
Mais  (juaiid  le  pronom  qui  suit  l'impératif  est 
régi  par  le  verbe  suivant,  il  ne  faut  point  mettre 
un     tiret    entre    l'impératif    et    ce     pronom. 


IMP 

Ainsi  il  faut  écrire  sans  tiret  :  Prenez  vw  parler, 
va  te  récrét  r,  parce  (juc  7ne  et  te  ne  sont  pas 
régis  [)ar  l'impératif  venez  et  va,  mais  |»ar  l'inli- 
niiiï parler  et  récréer.  On  dit  transportez-vous- 
y,  envoyé z-y-7n(4,  donnez-m'en,  donne-t'en,  et 
ainsi  des  autres  verbes;  mais  lusage  ne  permet 
pas  de  dire  traiisportc-t'y,  enroyez-y-nous ;  il 
faut  dire  transportes-y-toi,  envoycz-nous-y. 

Ouelqucfois  on  se  sert  de  la  première  personne 
du  pluriel  de  l'impératif,  quoiqu'il  ne  s'agisse 
que  d'une  personne.  Un  homme  se  dira  à  lui- 
même  écrivons-lui,  oublions  ses  torts. 

jMais  observez  que,  de  même  qu'en  parlant  à 
une  seule  personne  le  participe  ne  prend  pas  la 
marque  du  pluriel,  quoiqu'on  ait  fait  usage  du 
pronom  vous,  el  (|ue  l'on  dise  Ahmsieur  vous 
êtes  estimé,  de  même  on  met  l'adjectif  nu  singu- 
lier lorsqu'une  personne,  en  se  parlant  à  elle- 
même,  se  sert  de  la  première  personne  du  pluriel 
do  l'impératif  : 

Soyons  indigne  sœur  d'nn  si  généreux  frère. 

[CoR>'.,  Hor.,  act.  IV,  se.  IT,  46.) 

Ah!  soyons  sage;  i!  est  bien  temps  de  l'être. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  acl.  III,  se.  VI,  58.) 

On  emploie  aussi  l'impératif  dans  le  sens  de 
Vous  auriez  beau  fairo,vous  auriez  beau  être,  etc.: 
Siiycz  savant,  habile,  vertueux,  instruises  les 
houivtes,  sauvez  la  patrie,  etc.;  voris  êtes  mé- 
prisés si  vos  talents  ne  sont  pas  relevés  par  le 
faste.  (Fénelon,  Télém.) 

Impérativement.  Adv.  11  peut  se  mettre  quel- 
quefois entre  l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  m'a 
parlé  impératireynejit ,  il  m'a  impérativement 
recomvinndé  de  suivre  cette  affaire. 

Imperceptible.  Adj.  des  deux  genres  :  Une 
odeur  imperceptible,  l'art  est  imperceptible.  On 
peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant 
l'analogie  et  l'harmonie  :  Cette  imperceptible 
adresse. 

Imperceptiblement.  Adv.  Il  se  met  avant  ou 
après  le  verbe  neutre,  ou  entre  l'auxiliaire  2t  le 
participe  :  Imperceptiblement  il  est  parvenu  à 
son  lut;  il  est pnrrenu  imperceplihlement  à  son 
but;  il  est  imperceptiblement  parvenu  à  son 
but. 

Imperdable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  procès  imperdable, 
y n  je u  imperdable . 

Impérial,  Impkriale.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Autorité  impériale ,  couronna 
impériale,  troupes  impériales,  ornements  im- 
périaux. 

Impérieusement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe:  Il  a  parlé  iynpèricuscment,  il  traite  im- 
périeusement tous  ses  inférieurs. 

Impérieux,  Impérii  use.  Adj.  On  le  dit  de  l'hom- 
me, du  caractère,  du  geste  et  du  ton.  L'homme 
impérieux  veut  commander  partout  où  ilest;  cela 
est  dans  son  caractère,  il  a  le  ton  haut  et  fier  et  le 
geste  Insolent.  Les  liommes  impérieux A\cc\(inYS 
égaux  sont  impertinents  ou  vils  avec  leurs  supé- 
rieurs; impertinents,  s'ils  demeurent  dans  leur 
caractère,  vils,  s'ils  en  descendent.  L'ainour  est 
une  passion  impérieuse.  Cet  adjectif  jicul  se 
mettre  ayant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Un  homme  impérieux,  une  femme 
impérieuse.  Cet  impéneux  despote,  cet  im.pé- 
ricux  caractère. 

Impérissable   Adj.  des  deux  genres.  On  peut 


IMP 

U  mettre  avnnt  son  subst.,  lorsijue  l'analogie  et 
riiarmonie  li'  pcmicltcnt  :  Plusieurs  philosophes 
anciens  croyaient  la  luaiière  impérissable.  Les 
impérissables  atomes. 

iMPF.nMÉABLE.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  meiirc  avant  ou  après  son  subst.,  en  consul- 
tant rdrcillo  cl  l';inalo^ie  :  Matières  imperméa- 
bles; les  imperméables  corpuscules. 

IjiPF.nsQjiNEi.,  Impersonnei.lk.  Adj.  Terme  de 
grammaire.  Le  mot  personnel  signifie  qui  est  re- 
latif aux  porsonnes,  ou  qui  reçoit  des  iullexioiis 
"elalives  aux  personnes,  (.^'est  dans  le  premier 
>ens  que  les  grammairiens  ont  distingué  les  pro- 
noms personnels,  parce  que  chacun  de  ces  pro- 
noms a  un  rapport  lixe  a  l'une  des  trois  person- 
nes; et  c'est  dans  le  second  sens  qu'on  peut  dire 
que  les  verbes  sont  personnels,  quand  on  les  en- 
visage comme  susceptibles  d'inllexions  relatives 
aux  personnes.  Ce  mot  impersonnel  est  composé 
de  l'adjectif /jeî-.wn/icZ,  et  de  la  parliculc  priva- 
tive j/t.  11  signifie  donc  qui  n'est  pas  relatif  aux 
personnes,  ou  qui  ne  reçoit  pas  d'inflexions  rela- 
tives aux  personnes.  Les  grammairiens  qualilient 
d'impersonnels  certains  verbes  «jui  n'ont,  disent- 
ils,  que  la  troisième  personne  du  singulier  dans 
tous  leurs  temps,  comme  il  faut,  il  importe,  il 
pleut,  e[c.  Cette  notion,  comme  on  voit,  s'ac- 
corde assez  peu  avec  l'idée  naturelle  qui  résulte 
de  l'étymologie  du  mot,  et  mèn:c  elle  la  contredit, 
puisqu'elle  suppose  une  troisième  personne  aux 
verbes  que  la  dénomination  indique  comme  privés 
de  toutes  les  personnes. 

Les  modes  sont  personnels  ou  impersonnels, 
selon  que  1-e  verbe  y  reçoit  ou  n'y  reçoit  pas  des 
inflexions  relatives  aux  personnes;  et  cette  diffé- 
rence vient  de  celle  des  points  de  vue  sous  les- 
quels on  y  envisage  lu  signilicalioii  essentioUo  du 
verbe.  L" indicatif,  fimpéraiif,  le  subjonctif,  sont 
des  modes  personnels.  L'inlinitif  et  le  participe 
sont  des  modes  impersonnels .  les  premiers  sont 
personnels,  parce  que  le  verbe  y  reçoit  des  in- 
flexions relatives  aux  personnes  :  à  l'indicatif, 
j'aime,  tu  aimes,  nous  aiuions  ;  à  l'impératif, 
aime,  aimons;  au  subjonctif,  que  j'aime,  que 
nous  aimions.  Les  derniers  sont  impersonnels, 
parce  que  le  verbe  n'y  reçoit  aucune  inflexion  re- 
lative aux  personnes  :  à  l'infinitif,  aimer  ;  au  par- 
ticipe, aimant,  aimé. 

Les  verbes  impersonnels  ont  cela  de  particu- 
lier, qu'étant  précédés  du  pronom  il,  ils  ne  parais- 
sent pas  avoir  de  sujet.  Dans  les  verbes  person- 
nels ,  le  pronom  il  tient  lieu  d'un  nom  déjà 
exprimé,  et  qu'il  n'est  pas  difficile  d'y  substituer, 
comme  dans  cette  phrase  :  Un  homme  sage  ne 
s'étonne  de  rien;  il  sait  que,  etc.  On  voit  (pie 
cet  il  est  mis  pour  homme  sage.  Mais  dans  les 
verbes  appelés  impersonnels,  on  ne  peut  mettre 
à  la  place  de  il  aucun  mol  qui  ait  déjà  été  ex- 
primé; comme  dans  il  faut  se  contenter  de  sa 
fortune. 

On  peut  distinguer  deux  sortes  de  verbes  im- 
personnels, savoir  :  les  verbes  impersonnels  de 
leur  natui'c,  c'est-à-dire  ceux  qui  ne  sont  jamais 
employés  qu'à  la  troisième  personne,  comme  il 
pleut,  il  neige,  etc.;  et  ceux  qui  sont  tantôt  im- 
personnels et  taïuôt  personnels,  c'est-à-dire  qui 
ne  sont  quelquefois  susceptibles  que  de  la  troi- 
sième personne,  et  quelquefois  s'emploient  à  tou- 
tes les  autres.  Tels  sont  conveuir,  arriver,  qui 
sont  impersonnels  dans  ces  phrases  :  Il  convient 
que  nous  rapportions  à  Dieu  toutes  710s  actions  ; 
il  arrive  souvent  que,  etc.;  et  personnels  dans 
celies-ci,  pardonnez  à  votre  fils,  il  convient  qu'il 


m? 


375 


a  tort  ;  votre  père  n'est  pas  encore  arrivé,  mais 
il  arrivera  demain. 

QueUiues  grammairiens  mettent  au  nombre  des 
verbes  impersonnels  ceux  qui  sont  i)réccdés  du 
mot  on,  comme  o/(  voit,  nn  rfi/;  mais,  à  ]n'oprc- 
ment  jiarle;',  ni  ces  verbes,  ni  tcux  (pie  nous  ve- 
nons d'indiquer,  ne  sont  inqiersonncls.  On  est  un 
|)ronom  général  qui  désigne,  |)ar  l'idée  précise 
de  la  troisième  personne,  un  sujet  d'une  nature 
quelconque;  et  conséquemment  il  n'y  a  ])oint 
(i'impersonnalité  partout  où  on  le  rencontre.  Dans 
les  autres  exemjdes,  il  remplit  la  inèine  fonction, 
avec  cette  difierence,  que  on  lixe  plus  particuliè- 
rement l'attention  sur  les  hommes,  et  que  il  dé- 
termine d'une  manière  plus  générale.  On  dit,  les 
hommes  di.sent;  c'est-à-dire,  des  hommes  disent  : 
Il  pleut,  c'est-à-dire  l'eau  pleut,  le  ciel  pleut. 
A'oyez  II,  On. 

Imperson>'ellement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Ce  verbe  peut  être  employé  imperson- 
nellemenl. 

iMi-Er.TiNEJiMEM.  Adv.  Ou  pcut  Ic  mcttrc  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  répondu  ijuperti- 
nemment,  il  a  iinpcrtincmuient  répondu. 

lMPF.r,TiNE\cE.  Subst.  f.  L'u.sagc  a  changé  le 
sens  de  ce  mot.  11  exprimait  autrefois  une  action 
ou  un  discours  opposé  au  sens  commun,  aux  bien- 
séances, aux  petites  règles  qui  composent  le  sa- 
voir-vivre. On  ne  s'en  sert  guère  aujourd'hui  que 
pour  caractériser  une  vanité  dédaigneuse,  conçue 
sans  fondement  et  montrée  sans  pudeur.  Voyez 
Impertinent. 

lJIPE^.Tl^ENT ,  Lmpertinf.nte.  Adj.  et  subst. 
Comme  adj.  on  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Un  hnmme 
impertinent,  une  femme  impertinente,  une  ac- 
tion impertinente .  C'est  un  impertinent  auteur; 
voilà  un  impertinent  coquin.  Une  réponse  im- 
pertinente, une  impertinente  réponse. 

i'M«/)er^t/ic/ice  se  dit  du  caractère  de  l'homme, 
et  d'unj  action  qu'il  aura  faite.  On  dit  <le  l'hom- 
me, c'est  un  impertinent;  de  faction,  c'est  une 
imj.ertinence.  11  faut  cependant  observer  <|u'-l 
en  est  de  l'impertinence  comme  du  inensongC;  de 
finjustice,  et  de  la  plupart  des  autres  (iu;,:ilés 
bonnes  ou  mauvaises.  Celui  (]ui  a  dit  un  mcn- 
songo  ou  qui  a  commis  une  injustice,  n'est  pas 
pour  cela  un  homme  injuste  ou  un  menteur;  et 
celui  tpii  a  fait  une  impertinence  n'est  pas  jiour 
cela  un  homme  impertinent.  L'impertinent  ne 
distingue  ni  les  lieux,  ni  les  circonstances,  ni  les 
choses,  ni  les  i)crsonnes;  il  parle,  il  offense;  il 
parle  encore,  et  il  offense  encore.  11  n'est  pas 
toujours  sans  esprit,  mais  il  est  sans  jugement, 
sans  délicatesse;  il  rebute,  il  aigrit,  on  le  hait,  on 
le  fuit;  c'est  un  fat  outré. 

Imperturbable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Une  mémoire  imperturbable.  Son 
imperturbable  mémoire  le  servit  lien  dans  cette 
occasion.  —  Cet  adjectif  ne  se  dit  guère  que  de 
la  mémoire.  Un  prédicateur  dont  la  mémoire  ne 
se  trouble  jamais  a  une  mémoire  imperturbable. 
Cependant  on  dit  encore  d'un  homme  (|u'aucuiie 
objection  n'ébranle,  qu'il  est  imperturbable  dans 
ses  principes;  alors  cela  est  relatif  a  la  dispute. 
C'est  par  l'étude,  les  connaissances  acquises,  la 
réflexion,  l'intérêt,  le  caractère,  que  nous  nous 
rendons  imperturbables  dans  nos  sentiments, 
dans  nos  projets,  dans  nos  résolutions,  etc.  Il 
faut  avoir  la  raison  pour  soi,  sinon,  d'impertur- 
bable qu'on  était,  on  devient  entêté,  opiniâtre. 

Impertcrbablemem.  Adv.  On  peut  le  mettre 


376 


IMP 


etilre  l'auxiliMiro  cl  le  participe  :  Il  est  attaché 
irperturlulleincnt  à  ce  projet,  ou  il  est  imper- 
tiirbabl  ente  lit  attaché  à  ce  projet. 

lupÉTRABLE.  Adj.  (Ics  litMix  gcnres  qui  ne  se 
incl  qu'après  S' n  siibsl.  .  Grâce  impctrable,  bé- 
Ttéfice  iiiipêtruble 

Impétuk.lsejiknt.  Adv.  On  prononce  tueu  en 
deux  sylliibcs.  On  pcul  (luelipiefois  nicHre  cet 
adverbe  entre  l';iuxili;iirc  et  le  pailicipe  :  /igir 
ijiipétueitiemihi  Un  fleure  qui  coule  impétueu- 
sement. Il  s'est  jeté  impétueusement  sur  l'ennc- 
«jt,  ou  il  s'est  impétueusement  jeté  sur  l'ennemi. 

Impétuecx,  Iju'ÉTUtisE.  Adj,  Tueu  se  pro- 
nonce en  deux  syllabes.  Cet  adjectif  est  relatif  a 
la  violence  du  monvcnicnt  :  Le  vent  est  impé- 
tueux, les  fliits  de  la  mer  sont  impéiueua- ;  le 
Blwnc  est  impétueux.  Il  se  dit  au  ligure  de  la 
jeunesse,  delà  colère,  du  caractère,  du  zèle,  du 
style,  du  discours,  et  de  presque  toutes  les  qua- 
lités (jui  peuvent  péclier  par  excès.  —  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  si  lliarnionie  el  l'analo- 
gie le  perinetlent  :  Un  vent  impétueux,  un  tor- 
rent 'impétueux,  vn  homme  impétueux.  Un  im- 
pétueux torrent.  Sun  ardeur  impétueuse,  son 
impétueuse  ardeur. 

Impie.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  impie,  une  femme 
impie,  des  discours  impies,  des  pensées  impies, 
des  paroles  impies,  ouvrage  ivipie,  action  impie, 
culte  impie 

Impiété.  Subst.  f.  lé  fait  deux  syllabes. 

Impitoïable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsipie  l'analn^io  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  hommeimpitayaUc , 
vue  âme  impitoyable,  vnjuge  impitoyable,  vu 
censeur  impituyahlc  ,  vn  impitoyable  censeur; 
une  loi  impitoyable,  une  impitoyable  loi. 

l.MPrroYABLEMEM.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  l'a  traité  impi- 
toyablement; on  l'a  dépouillé  impitoyablement, 
OU  on  l'a  impitoyablement  dépouillé. 

Implacable.  Adj,  des  deux  genres.  On  peut  le 
îno'tre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'an;^logie  :  Un  homme  implacable.  Un  ennemi 
implacable,  un  implacable  ennemi.  11  ne  se  dit 
que  des  personnes  cl  des  cbascs  qui  y  ont  rap- 
port :  Une  haine  implacable,  une  colère  impla- 
cable. On  ne  dit  point  des  (lots  implacables,  une 
tempête  implacable .  ^ 

Implanter.  "\'.  a.  do  la  1"  conj.  Etreimplanté , 
c'est  avoir  son  origine  et  son  attache  profondé- 
ment en  (luelquc  endroit  :  Les  oreillettes  et  les 
artères  s'implantent  dans  le  cœur. 

Implexe.  Adj.  des  deux  genres.  Terme  de  lit- 
térature qui  se  dit  des  poèmes  épi(iMes  et  des  ou- 
vrages diamati(pies.  C'est  l'oppose  de  simple. 
L'ouvrage  est  simple  quand  il  n'y  a  point  de  ren- 
versement dans  la  furtune  du  héros.  Il  est  im- 
plexe si  la  fortune  du  héi'os  devient  mauvaise 
de  bonne  qu'elle  était,  ou  do  mauvaise  devient 
bonne. 

Implicite.  Adj.  des  deux  genres.  C'est  le  con- 
traire à'cTplicitc.  Il  signifie  n<jn  explicjuc,  non 
développé.  On  appelle  volonté  implicite,  celle  (]ui 
se  manifeste  moins  par  des  paroles  que  par  des 
circonstances  et  par  des  faits.  Telle  clause,  par 
exemple,  sans  être  énoncée  dans  un  contrat,  y  est 
censée  contenue,  parce  qu'elle  suit  de  la  volonté 
implicite  et  primitive  des  conlraclanls,  laipiellc 
se  démontre,  tant  par  la  nature  de  l'acte  (pic  par 
d  autres  clauses  é(piivalentes  el  netieinent  ex- 
primées. On  appelle  foi  implicite  un  acipiicscc- 
menl  général  et  sincère  a  tout  ce  que  l'Église  nous 


IMP 

propose,  sans  que  le  fidèle  porte  sa  vue  ni  sa  foi 
sur  tel  ou  tel  article  de  croyance,  qu'il  ignore  le 
plus  souvent.  11  ne  se  met  ipi'après  sonsubst.  : 
Volonté  implicite,  condition  implicite. 

Impliciteme.nt.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cette  clause  est  con- 
tenue implicitement  dans  le  contrat,  ou  est  im- 
plicitement contenur  danslc  contrat. 

Implorer.  \.  a.  C'est  demander  avec  toutes 
les  marques  de  1  instance  :  On  implore  du  secours, 
on  implore  la  justice.  Implorer  rassistance,  le 
secours  de  quelqu'un,  implorer  Dieu  dans  son 
affliction.  Féraud  prétend  qu'on  ne  le  dit  point 
des  personnes.  Voici  des  exemples  du  con- 
traire : 

Hélas  !  ils  m'imploraient  contre  leurs  assassins. 

(YOLT.,  Mer.,  acl.  I,  se.  i,  76.) 

Klle  implore  la  Mort,  elle  est  lasse  du  jour. 

(Dblil.,  Énéid.,  IV,  678.) 

Ici  la  Mort  est  personnifiée. 

Impoli,  Impolie.  Adj.  Une  se  met  qu'aiirèsson 
subst.  :  Un  homme  impoli,  une  femme  impolie, 
un  air  impoli,  un  ton  impoli. 

Impollue.nt.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Parler  impolinient . 

Impolitique.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  n'est 
pas  politique.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
en  consultant  l'oreille  el  l'analogie  :  Une  con- 
duite impi'litiqxte,  une  démarche  impolitique. — 
Ces  impolitiques  discours ,  cette  impolitique 
maxime. 

Importance.  Subst.  f.  Terme  relatif  à  la  valeur 
d'un  objet.  S'il  a,  ou  si  nous  y  attachons  une 
grande  valeur,  il  est  important.  On  dit  d'un 
meuble  précieux  Mrt  meui/e  d'importance  ;  d'un 
projet,  d'une  affaire,  d'une  entreprise,  qu'elle 
est  d'importance,  si  les  suites  en  peuvent  deve- 
nir ou  très-avantageuses  ou  très-nuisibles.  Le 
mal  et  le  bien  donnent  cgalcinent  de  1  imjwrtance. 
Voltaire  remarque  que  gens  d'importance  est 
une  expression  p  ipulaire  el  triviale  que  la  prose 
el  la  poésie  réprouvent  également.  {Remarques 
sur  Corneille.) 

Important,  Importante.  Adj.  D'importance oa 
a  fait  important,  qui  se  pi-end  à  peu  près  dans  le 
môme  sens.  On  dit  il  est  important  de  bien  com- 
mencer, d'aller  vite.  Il  faut  que  le  sujet  (Tun 
poème  épique  ou  dramatique  soit  important.  Cet 
adjectif  a  deux  acceptions  particulières.  On  dit 
d'un  homme  qui  pcul  beaucoup  dans  la  place 
qu'il  occupe,  c'est  un  homme  important.  On  le 
dit  aussi  de  celui  qui  ne  peut  rien  ou  peu  de 
chose,  et  qui  met  tout  en  œuvre  pour  se  faire  at- 
tribuer un  crédit  ([u'il  n'a  pas.  En  ce  sens, 
on  l'emploie  subsianlivcmcul  ;  C'est  un  im- 
portant, il  fait  l'important.  L'adjectif  peut  se 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  ;  Un  avis  important, 
un  mot  important,  une  affaire  importante  ;  vn 
important  avis,  une  importante  affaire. 

Quel  important  besoin 
Vous  a  fait  devancer  l'aurore  de  si  loin? 

(Rac,  Jphig.,  se.  I,  3.) 

Importer.  \.  n.  de  lai"  conj.  Il  ne  s'emploie 
qu'à  l'infinitif,  et  aux  troisièmes  personnes  du 
singulier  :  Cela  ?ie  lui  peut  importer  de  rien,  ne 
lui  importe  de  rien.  Souvent  on  l'emploie 
impersonnellement ,  lorsqu'il  est  suivi  d'un  in- 
finitif [irécèdé  de  la  préposition  de  :  Il  vous 
importe  de  partir  promptement;  ou  lorsqu'il  est 


TMP 

suivi  d'un  nom,  précéiki  de  lu  préitnsition  ii  :  Il 
importe  a  votre  frère  que  mus  rereniez  hie/itot. 
II  faut  employer  de  avec  l'iiifinilif  (|uaiid  le  se- 
cond verbe  se"  iai)|)orte  au  régime.  //  importe  à 
votre  frère  (.le  partir,  signifie  îl  iuiporlc  (juc  voire 
frère  parle.  Mais  <|uand  li;  second  verbe  ne  se 
rapporte  pas  an  i-égimc,  il  faut  niellrc  que^  avec 
le  subjonctif:  Il  importe  à  votre  frère  que  vous 
parties. 

On  demandes!  qu'importe  peut  régir  la  prépo- 
sition de.  Montesquieu  a  dit  :  Si  en  général  le 
caractère  est  h  n,  qu'importe  de  quelques  défauts 
qui  s'y  trouvent^  [Esprit  des  lais.)  El  Kacine 
dans  Bérénice  (ad.  IV,  se.  ii,  12)  : 

El  que  m'importe,  liclas!  dt  ces  vains  ornements? 

L'abbé  d'Olivct  a  critiqué  ce  vers,  mais  l'abbc 
Desfonlaiiics  el  Kacine  le  fils  l'onl  défendu.  En 
47(>2,  l'-Xcadcmie  pensait  comme  l'abbé  d'Olivet; 
mais  dans  les  dernières  éditions  de  son  Diction- 
naire, elle  a  cru  devoir  admellre  ce  régime;  et, 
selon  elle,  on  dit  qu'importe  de  so7i  amour  ou 
de  sa  hat/te?  qu'importe  du  beau  ou  du  /«au- 
rais temps?  —  11  nous  semble  que  les  phrases 
de  ÎSIonlcs(|uieu  et  de  Racine  ne  doivent  pas  cire 
regardées  comme  des  exemples  à  imiter,  mais 
comme  des  négligences  autorisées  peut-être  par 
l'usage  dans  le  tciiq)s  où  ils  écrivaient.  En  effet, 

3ue  signifie  le  verbe  importer?  L'Académie  le 
éfinit  être  d'importance,  de  conséquence.  Ainsi, 
qu'importe  signifie  de  quelle  importance  est?... 
et  qtie  m'importe,  de  quelle  importance  est  pour 
moi?  Or,  ces  phrases  exigent  pour  complémenl 
un  nom  sans  pié[)osilion.  Que  m'importent  cc.^ 
vains  ornements,  signifie  de  quelle  importance 
sont  pour  moi  ces  vains  ornements.  ]\lais  com- 
ment analyser  que  la  importe  de  ces  vains  orne- 
ments? cela  signiliera-l-il  de  quelle  importance  est 
pour  mi  de  ces  vains  ornements?  Celle  phrase 
est  absurde,  cl  tout  à  fait  contraire  à  l'analogie 
de  la  langue.  11  en  est  de  même  de  celle  qu'elle 
représente.  Nous  pensons,  en  conséquence,  qu'il 
faut  s'en  tenir  au  sentiment  de  l'Académie  de 
1762,  et  dire  décrire  comme  tout  le  monde  dil  et 
écrit  aujourd'hui,  que  m'importent  ces  vains  or- 
nements? qu'importe  son  amour  uu  sa  haine?  clc. 
3.-3.  Rousseau  a  dil;  C)u"imporie  la  vérité  de 
l'imitation ,  pourvu  que  l' illusion  y  soit?  — 
M.  Lemaire  justifie  ainsi  les  exemples  critiqués 
dans  cet  article:  «Pour  nous,  le  véritable  sujet 
c'eslle  pronom  yi/e  absolu,  el  la  phrase  s'explique 
tout  n;ituicllemenl  :  Que,  quelle  chose  de  ces 
vains  ornements  m'importe ,  est  d'importance 
pour  moxl  [Grammaire  des  Grammaires,  p.525  ) 

IjiPoiiTLN,  Lmportlke.  Adj .  On  peut  le  mellrc 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  cl  l'ana- 
logie :  Un  homme  importun,  une  femme  impor- 
tune. —  Ses  vi.tites  importunes,  ses  importunes 
visites  ;  sa  présence  importune,  son  importune 
présence;  son  bahil  importun ,  son  importun 
babil.  Voyez  Adjectif 

Importunémem.  .\dv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  cl  le  participe  :  Il  m'a 
pressé  importunément  de  lui  prêter  de  l'argent, 
il  ma  importunément  pressé,  etc. 

Importuner.  \.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
ne  dit  pas  que  ce  verbe  peut  régir  la  préposition 
de.  On  dil  importuner  quelqu'un  de  quelque 
chose.  Je  vous  prie  de  me  laisser  en  repos,  et  de 
ne  m' importuner  plus  de  vos  querelles.  (Montes- 
quieu, Xl^  lettre  persane.) 

liiposANT    Imposamte.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 


im 


377 


imposer.  11  se  dil  de  tout  ce  qui  imprime  un  sen- 
timent de  crainte,  d'admiration,  de  respect,  d'c- 
gard,  de  considération.  On  iieut  le  mellre  avant 
son  subst. ,  lorsque  l'analogio  et  l'harmonie  le 
permellent  :  Un  homme  imposant,  une  figure 
imposante  ;  une  gravité  imposante,  une  impo- 
sante gravité. 

Imposer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe  sieni- 
lie  prendre  sur  queUpi'un  un  ceiiain  ascendant 
qui,  en  lui  faisant  illusion,  l'empéclie  de  juger 
connue  il  voudrait,  ou  comme  il  devrait  juger  ; 
d'agir  comme  il  voudrait,  ou  devrait  agir.  C'est 
ce  qui  est  bien  décrit  dans  ces  vers  ^^■oll.,  Mort 
de  César,  acl.  I,  se.  i,  101)  : 

Son  superbe  «ourage 
Flatte  en  secret  le  mien,  mime  alors  qu'il  l'outrée. 
Il  m'irrite,  il  me  plaît;  son  cœur  indépendant 
Sur  mes  sens  étonnes  prend  un  lier  ascendant. 
Sa  fermeté  m'impose. 

Sémiramis  veut  parler  de  ce  même  ascen- 
dant quand  elle  dit  qu'Assur  pense  lui  impo- 
ser: 

Je  demandais  Arsace,  afin  de  l'opposer 

Aux  complices  odieux  qui  pensent  m'impoier. 

(Volt.,  Semir.,  act.  I,  se.  v,  SO.) 

Il  nous  semble  (jne  les  deux  expressions  im- 
posera en  imposer  renferment  également  un  sens 
d'illusion,  de  fausse  apparence,  mais  que  la  pre- 
luière  s'emploie  lorsque  les  moyens  d'illusion 
opèrent  sans  intention  de  la  j)art  de  celui  (pii  les 
possède;  et  qu'on  se  sert  de  la  seconde  lorscjuc 
ces  moyens  sont  mis  en  usage  à  dessein  de  faire 
illusion  ou  de  tromper. 

Ainsi  César  a  dû  dire  de  Brulus,  sa  fermeté 
m'impose.  Brulus  n'avait  pas  l'intonlion  d'en 
imi)oscr  à  César  par  sa  fermeté,  ou  du  moins  Cé- 
sar n'avait  pas  dessein  d'exprimer  celle  intention. 
Sémiramis  aurait  dû  dire  d'Assur  II  pense 
m'imposer,  car  les  moyens  i)ar  lesquels  Assur 
pensait  imposer  à  Sémiramis  n'avaient  pas  élé 
inventés  par  lui  à  dessein  de  la  tromper,  mais  ils 
étaient  une  suite  ualurclle  d'événemcnls  anté- 
rieurs qui  avaient  eu  un  autre  objet. 

Un  magistrat,  par  l'air  grave  qui  est  habituel 
en  lui,  m'impose;  un  homme  qui  affecte  avec 
moi  un  air  impérieux  ou  menaçant,  dans  le  des- 
sein de  m'amencr  à  ses  fins,  m'en  impose.  Un 
vieillard  respectable  impose,  un  spadassin  qui 
menace  eji  impose  aux  poltrons.  L'air  noble  cl 
simple  de  l'innocence  impose;  l'air  composé  d'un 
hyiiocritee«  impose.  La  majesté  du  trône  impose  ; 
queli]ucfois  le  lasli:  d  un  sol  en  impose.  L'hon- 
nête homme  (jui  dit  franciienicnl  la  vérité  im- 
pose ;  le  fripon  qui  cherche  a  se  tirer  d  affaire 
par  des  mensonges  en  impose. 

D'après  celte' règle,  Orosmane,  pour  parler 
exactement,  n'aurait  pasdii  dire  à  Nércsian: 

Tu  m'impo$ais  ici  pour  me  déshonorer; 

(YoLT.,  Zaïre,  acl.  V,  se.  x,  5.) 

mais  tu  m'en  imposais;  car  il  croyait  que  Né- 
reslan  avait  dessein  de  le  tromper.  Boilcau  n'au- 
rait pas  dû  dire  Afin  qu'il  ne  m'accuse  pas  de 
lui  imposer  [1'  Rt  flexion  critique  sur  Longin.)  ; 
carie  verbe  «ccî/ser  suppose  une  mauvaise  in- 
tention reprochée;  il  fallait  dkc  .-ifin  qu'il  ne 
m'accuse  pas  de  lui  en  imposer.  De  même  Mas- 
sillon  aurait  dû  dire  [Petit-Carême,  Ville  ser- 
mon, Écueils  de  la  piété  des  grands,  t.  I, 
0.  .59S.)  On  craindra  de  vous  en  imposer, 
quand  L'imposture  n'aura  plus  d  attendre  que 


378 


IMP 


votre  colère;  et  non  pas  de  vous  imposer.  — I.e 
mol  (Ti'iipnsture  marque  ici  l'inlenlion,  le  des- 
sein di'  tromper.  Mais  Yollaire  s'est  exprimé 
confnniiéinenl  a  notre  règle  lorsqu'il  a  dit  (Oz/^A. 
de  la    Chine,  act.  I,  SC.  i,  49)  ; 

Lui  qui  traîne  après  lui  tant  de  rois  ses  soÎTants, 
Dont  le  nom  seul  impose  au  resta  des  virants. 

Les  exemples  suivants  la  coniirment  encore  : 

Loin  du  faste  do  Rome  et  des  pompes  mondaines, 
Des  temples  consacres  aux  tanilés  humaines, 
Dont  l'app  irell  suprimo  impos'  à  l'univers. 
L'humble  religion  se  cache  en  des  déserts. 

(Volt.,  Henr.,  IV,  263.) 

D'où  Tient  qu'une  bergère,  assise  sur  les  (leurs. 
Simple  dans  ses  imbits,  plus  simple  dans  ses  raœnrs, 
/mpo(«  à  ses  amants  surpris  de  sa  sagesse  ? 

(Bernis,  Religion  vcngét^  V.) 

Qui  ne  s'y  fiit  trompé?  jamais  l'air  d'un  visage, 
Si  ce  qu'il  dit  est  vrai,  n'imposa  davantage. 

(Mol.,  Étourdi,  ad.  III,  se.  Il,  55.) 

Ils  demandent  un  chef  digne  de  leur  courage. 
Dont  le  nom  seul  impose  à  ce  peuple  volage. 

(VuLT.,  Brut.,  act.  I,  se.  IV,  48.) 

Demandez  aux,  Scythes,  aux  SaT^mates  et  aux 
Esclavons,  si l'Ébre,  le  Danube,  le  Tanaïs,  sont 
des  lanières  qui  leur  imposent.  (Marmontei, 
Bélisaire,  chap.  XI,  p.  90)  : 

La  dame  qui,  depuis  longtemps 
Connaît  à  fond  votre  personne, 
A  dit:  Hélas!  je  lui  pardonne 
D'en  vouloir  imposer  aui  gens. 

(v'oLT.,  rfpi'Jrs  Y,  8.) 

//  (le  théâtre'  doit  en  imposer  aux  yeux,  quil 
faut  toujours  séduire  lespremiers.  (Volt.,  Dis- 
sertation sur  la  tragédie,  II'  partie. 

Qu'elle  ne  pense  pas  que  par  de  vaines  plaintes. 
Des  soupirs  affectes,  et  quelques  larmes  feintes, 
Auiyeut  d'un  conquérant  on  puisse  en  imposer, 
VYOLT.,  Orphelin  de  la  Chine,  ad.  III,  se.  I,  25.^ 

L'Académie  remarque  que  en  imposer  a  élé 
j)ris  souvent  dans  le  sens  de  inspirer  du  respect, 
de  l'admiration,  delà  crainte  ;  mi\?,  qu'il  signifie 
plus  exactement  iroOT/jer ,  abuser,  en  faire  ac- 
croire. Il  vaut  d(-nc  mieux  observer  strictement 
cette  distinction,  à  laquelle  aujourd'hui  tout  le 
monde  semble  se  ranger.  (A.  l.emaire,  Gram- 
maire des  Grammaires,  p.  117(5.) 

Liipossini.E.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  C'est  vne  chose  impossible. 
On  ne  doit  pas  employer  cette  expression  avec  le 
verbe /)oj«-oîV.  Il  y  aurait  de  la  néglinencc  dans 
celle  phrase  :  Il  est  impossible  qu'un  puisse  ima- 
ffiner  la  douleur  que  cette  mort  lui  cause,  parce 
que  le  verbe  pouvoir  ne  dit  rien  de  l'ius  que  ce 
qui  a  étédil  par  h;  mol  impossible.  Ainsi  il  faut 
dire  :  On  ne  peut  'bimariincr,  ou  bien  il  est  im- 
possible de  s'imaginer,  etc.  Voyez  Peut-être. 

Imposteur.  Subst.  m.  qui  se  prend  adjective- 
ment. Comme  adjectif,  il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  ion  imposteur,  vn  air  impostiur.  11 
n'y  a  point  d'exemple  du  féminin,  ni  pour  le  sub- 
stantif, ni  pourradjerljf. 

Imposture.  Subst.  f.  Ce  mol  vient  du  v.  impo- 
ser, dans  le  sens  d'e/i  imposer.  Or,  on  en  impose 
aux  hommes  par  des  actions  et  par  des  discours. 
Toutes  les  manières  possibles  dont  on  abuse  de 


LMP 

la  confiance  ou  de  limbécillité  des  hommes  sont 
autant  d'impostures.  —  L'imposture  est  le  mas- 
que de  Ici  vérité,  dit  A'auvcnargues  ;  la  fausseté 
une  imposture  naturelle;  la  dissimulation  une 
imposture  réfléchie;  la  fmrbcrie  une  imposture 

3ui  veut  nuire;  la  duplicité  une  imposture  à 
eux  faces. 

I.MPOTENT,  Impotente.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  impotent,  une  femme 
impotente ,  un  bras  impotent. 

Impraticable.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne 
peut  être  pratiiiué.  Il  se  dit  des  chutes  cl  des 
personnes  :  Les  chemins  sont  impraticables  ; 
c'est  un  homme  impraticable .  Il  se  dit  aussi  de 
tout  ce  qui  fait  un  obstacle  insiu'montable  à 
l'exercice  de  nos  facultés.  Il  ne  se  met  qu'a[)rés 
son  subst.  :  Une  chose  impraticable  ;  un  projet 
impraticable  ;  un  homme  impraticable;  un  esprit 
impraticable  ;  une  maison  impraticable  ;  un  ap- 
partement impraticable  ;  des  chemins  imprati- 
cables. Voltaire  a  dit,  en  parlant  de  certains  su- 
jets de  tragédies,  ce  sont  les  sujets  les  plus  in- 
grats et  les  plus  impraticables.  JSi  l'analogie,  ni 
l'usage,  dit  Féraud,  n'admeltenl  ce  mot  en  ce 
sens.  Justiu'à  ce  qu'on  dise  pratiquer  un  sujet 
de  tragédie  ou  de  comédie,  il  semble  que  sujet 
impraticable  n'est  pas  propre.  — Celle  critique 
de  Fcraud  est  absurde.  Il  n'a  pas  fait  attention 
qu'on  ne  pratique  pas  un  esprit,  un  caractère, 
une  humeur,  une  maison,  un  appartement,  et 
qu'on  dit  cependanl  xin  esprit  impraticable,  un 
caractère  impraticable,  une  humeur  impratica- 
ble, une  maison  impraticable,  un  appartement 
impraticable. 

Imprécaîiok.  Subst.  f.  Ce  terme,  dans  l'ac- 
ception commune,  désigne  proprement  des  vœux 
formés  par  la  colère  ou  par  la  haine.  On  appelle 
imprécations,  les  expressions  (|ue  le  désir  de  la 
vengeance  nous  arrache,  lorsfjue,  nous  sentant 
iro;  faibles  pour  nuire  par  nous-mêmes  à  ce 
qu'-  nous  haïssons,  nous  osons  réclamer  le  se- 
cenrs  de  la  divinité,  et  l'inviter  à  épouser  nos  res- 
sentimonls. 

On  Vi\)\i(i\\c  -imprécations,  en  littérature,  une 
figure  de  rhélorique  par  la<iuelle  l'orateur  sou- 
liâite  des  malheurs  à  ceux  à  qui  il  parle,  ou  dont 
il  parie.  Elle  est  quelquefois  dictée  par  l'hor- 
reur pour  le  crime  et  pour  les  scéléi'als,  comme 
celle-ci  du  grand  prêtre  Joad  dans  VAlhalie  de 
Racine  (act.  1,  se.  ii,  428)  : 

Daigne,  daigne,  ninn  Dieu,  sur  M.ilhan  et  sur  elle, 
lîépaiidre  cet  esprit  d'imprudence  et  d'erreur, 
De  la  chute  des  rois  funeste  avant-coureur. 

Quelquefois  elle  est  l'effet  de  l'indignation, 
mais  le  plus  souvent  celui  de  la  colère  et  de  la 
fureur.  Ainsi,  dans  Bodogunc,  Cléopàlro  expi- 
rante souhaite  à  son  fils  Anliochus  et  à  cette 
princesse  tous  les  malheurs  réunis  (act.  "V, 
sf.  IV,  214)  : 

Puisse  le  ciel  tous  deux  vous  prendre  pour  victime», 
El  laisser  choir  sur  vous  la  peine  de  mes  crimes! 
Puissiei-vous  ne  trouver  dedans  votre  union 
Qu'horreur,  que  jalousie,  et  que  confusion  ! 
Kl,  pour  vous  souhaiter  tous  les  malheurs  ensemble. 
Puisse   naître  de  vous  un  lils  qui  me  ressemble  ! 

{Encyclopédie.) 

*  Imprégnation.  Subsl.  f.  Le  g  se  prononce 
dur,  et  sans  mouiller.  — L'Académie  ne  recon- 
nail  pas  le  mot  imprégnation.  .Mais  nous  ne 
voyons  pas  de  raison  pour  changer  la  prononciatiou 
d'un  mot  à  un  aulrc,  et  nous  nous  rangeons  de 


IMP 

l'avis  de  M.  N.  Landais,  qui  vent  (ju'on  mouille 
gn  dans  impn'g nation  comme  dans  imprrgner. 
C'est  un  mol,  au  reste,  dont  on  peut  se  passer. 
(A.  LcLuairc,  Grammaire  des  GramTnaires , 
p.  45.) 

Imprégner.  V.  a.  délai"  conj.  On  mouille  le 
ifn.(De  Wailly.) 

Imprknable.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst. 

Imprescriptible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne 
se  met  qu'après  son  subst.:  Droits  imprescrip- 
tibles. 

Imprévoyant,  Imprévoy.xnte.  Adj.  Il  peut  quel- 
quefois se  mettre  avant  son  subst.  :  Jeunesse  im- 
prévoija  nie,  imprévoija  nte  je  u  nés  se . 

Impi-.évi',  l.MPRÉvuE.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  si!l>sl.  :  (In  accident  imprévu,  une  chose 
imprérue,  vivrt  imprévue. 

Ibiprobable.  .\dj.  dos  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'apivs  son  subst.  :   Une  chose  improbable. 

iMPiioBATEUR.  Adj.  qui  se  prend  quelquefois 
substantivement.  En  pariant  d'une  femme,  on  dit 
improbatrice. 

I.1IPR0BITÉ.  Subst.  f.  Ce  mot  originairement  la- 
tin, dit  La  Harpe,  a  dû  passer  naturellement  dans 
noire  langue,  dérivée  en  grande  partie  de  la  lan- 
gue latine,  et  n'a  fait  qu'en  prendre  la  termi- 
naison. On  peut  remarquer  seulement  que  si 
improbitas  signifie  en  latin  méchanceté,  il  n'ex- 
prime en  français  (}ue  la  privation  de  la  probité. 
—  Nous  observerons  ici  que  de  la  privation  de 
la  probité  il  résulte  une  mauvaise  qualité,  réelle 
et  positive,  i]ui  empêche  de  se  conduire  avec 
probité,  et  (ju'ainsi  l'improbilé  n'est  pas  pure- 
ment la  privation  de  la  probité.  Quand  je  dis 
son  iviprvbit-  lui  uttucra  quelque  mauvaise  af- 
faire, j'indiiiue  une  mauvaise  qualité  réelle,  une 
cause  qui  doit  produire  un  effet.  Voyez  In. 

Impromptu.  Subst.  m.  Selon  la  règle  générale 
qui  dit  que  les  substantifs  tirés  des  langues  étran- 
gères ne  prennent  point  de  s  au  pluriel,  on  ne 
met  point  cette  lettre  à  la  fin  de  ce  mot  lors- 
qu'il est  au  i)luriel  :  Un  impromptu,  des  im- 
promptu. —  On  donne  ce  nom  à  une  petite  pièce 
de  poésie  assez  semblable  au  madrigal  ou  à 
l'épigramme,  mais  dont  le  caractère  propre  cl 
distinctif  est  d'être  fait  sans  préparation  sur  un 
sujet  qui  se  présente.  L'impromptu,  dit  le  comte 
Hainilton,  est 

...  un  certain  volontaire 
Enfant  de  la  table  et  da  vin, 
Difficile  et  peu  nécessaire, 
Vif,  entreprenant,  téméraire, 
Etourdi,  négligé,  badin. 
Jamais  reTcur  ni  solitaire, 
Quelqnefoi.'î  délicat  et  lin. 
Mais  tenant  toujours  de  son  père. 

(Lettre  à  M.  de  Mimure,  1"  juillet  1705.) 
Impropre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 

qu'après  son  subst.  :  Un  ternie  impropre,  un 

mot  impropre . 
Impropre,  en  grammaire,  se  dit  d'un  terme  qui 

n'exprime  pas  exactement  le  sens  qu'on  a  voulu 

lui  faire  signifier. 
Voici  quelques  exemples  de  termes  impropres 

que  Condillac  trouve  dans  Boileau.  Ce  poêle, 

voulant  dire  qu'un  esprit  qui  se  flatte  ignore 

souvent  combien  il  a  peu  de  talent,  et  s'aveugle 

sur  son  peu  de  génie,  s'exprime  ainsi  {A.  P.,  I, 

li»)  : 

Mais  souvent  un  esprit  qui  se  flatte  et  qui  s'aime 
Méconnaît  son  génie  et  s'ignore  soi-même. 


IMP 


37» 


MccnnnaUre  signifie  proprement  ve  pas  re- 
connaître, ou  même  ne  pus  vouloir  reconnaître. 
D'ailleurs  ne  pas  reconnaître  sua  génie  signi- 
lierait  ignorer  combien  on  a  de  talents;  et  Des- 
préaux veut  dire  ne  connaît  pas  combien  il  en  a 
peu.  Au  lieu  de  soi-même  ,  il  faudrait  lui- 
même.  Peut-on  dire  un  esprit  qui  méconnaît  son 
génie'*  Enfin  qui  s'aime  n'a  été  ajouté  que  pour 
rimer  avec  soi-même. 

Pour  dire  :  Variez  votre  style,  si  vous  voulez 
méHter  les  applaudissements  du  public,  il  prend 
ce  tour  {A.  P.,  I,  69)  : 

Voulez-vous  du  public  mériter  les  amours, 
Sans  cesse  en  écrivant  variez  vos  discours. 

Varier  ses  discours,  c'est,  proprement,  écrire  sur 
différents  sujets.  Les  amours  pour  les  applau- 
dissements est  mal   encore.    En  écrivant   est 

inutile. 

Improprement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Il  a  parlé  improprement. 

Impropriété.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire. 
Les  grammairiens  distinguent  trois  sortes  de 
fautes  dans  le  langage,  savoir  :  le  solécisme,  le 
barbarisme,  et  l'impropriété.  Celle-ci  so  commet 
quand  on  ne  se  sert  pas  d'un  mot  propre  et  qui 
ail  une  signification  convenable;  comme  si  on 
disait  vn  grand  ouvrage  en  parlant  d'un  ouvrage 
prolixe  et  diffus.  Le  mot  ^7-awrf  serait  impropre, 
;)arce  qu'il  serait  équivoque  ,  grand  ouvrage 
pouvant  se  dire  d'un  ouvrage  long,  mais  bien 
lait  et  utile,  et  il  ne  serait  pas  aussi  net,  aussi 
expressif  que  diffus,  qui  caractérise  un  défaut 
"N'oyez  Impropre. 

Improvisatecr.  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme  on  dit  improvisatrice. 

Imprudemment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  conduit  im- 
prudemment dans  cette  circonstance,  il  s'est 
imprudemment  conduit  dans  cette  circonstance. 

Imprudence.  Subst.  f.  Ce  mot  n'a  point  de 
pluriel  quand  il  signifie  le  vice  ;  Leur  impru- 
dence est  connue.  On  lui  en  donne  un  quand  il 
se  dit  des  effets  de  l'imprudence,  des  actes  d'im- 
prudence :  Il  a  commis  bien  des  imprudences. 

Imprudent,  Imprudente.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  rharinonie 
le  permettent  :  Un  homme  imprudent ,  -une 
femme  imprudente.  —  Une  conduite  impru- 
dente, des  discours  imprudents,  des  actions  im- 
prudentes  ;  cette  imprude  nte  conduite  ;  tant  d'im- 
prudents discours ,  d'imprudentes  actions  le 
perdirent. 

Impudemment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  menti  impudem- 
ment, il  m'a  imj)udeninient  trompé. 

bipuDENCE.  Subst.  f.  L'Acadéuiie  le  définit  ef- 
fronterie, man(iuede  pudeur.  On  peut  le  définir, 
une  hardiesse  insolente  à  commettre  de  gaieté  de 
cœur  des  actions  dont  les  lois,  soit  naturelles,  soit 
morales,  soit  civiles,  ordonnent  qu'on  rougisse: 
car  on  n'est  point  blâmable  de  n'avoir  pas  lionte 
d'une  chose  qu'aucune  loi  ne  défend;  mais  il 
est  honteux  d'être  insensiiile  aux  choses  qui  sont 
déshonnétcs  en  elles-mêmes. 

Ce  mot  n'a  point  de  pluriel  quand  il  signifie  le 
vice  auquekon  donne  ce  nom;  mais  il  en  a  un 
lorsqu'il  se  dit  des  actes  particuliers  d'impu- 
dence: Je  le  ferai  repentir  de  ces  impu- 
dences. Y .  Impudent. 

Impudent,  Impudente.  Adj.  On  le  met  souvent 
avant   son  subst.  :   Un  homme   impudent,   une 


380 


IMP 


femme  impudente  ;  vn  vientetir  impudent,  un 
impudent  menteur  ;  une  jeunesse  impudente, 
une  impudinte  jeunesse.  Observez  ù  Paris, 
dans  une  assemblée,  l'air  suffisant  et  vain,  le 
ion  ferme  et  tranchant  d'une  impudcnlc  jeu- 
7iesse,  tandis  que  les  anciens,  craintifs  et  mo- 
destes, ou  n'osent  ouvrir  la  bouche,  ou  sont  à 
peine  écoutés.  (J.-J.  Kousseau.)  S'uycz  Ad- 
jectif. 

Impudecr.  Subst.  f.  Mol  nouveau,  dil  Domer- 
guc,  que  rien  n'emoèclic  de  laisser  enlrcr  dans 
la  langue,  maisfpii  na  pas,  selon  mol,  dans  les 
ccrils  du  leniiis,  la  signilicalion  que  l'analogie 
lui  assigne.  L'impudeur  doil  signifier  la  non- 
pudeur,  le  contraire  de  la  pudeur.  Or,  qu'csl-cc 
(]ue  la  pudeur?  une  cerlainc  honte,  un  mouve- 
ment evcilé  |)ar  ce  qui  blesse  rhunnélelé  ou  la 
niùdcslie.  D'aprcscc  principe,  Domergue  se  plaint 
de  ce  qu'on  le  confond  trop  souvent  avec  l'iw- 
j>udence,  qui  est  un  allental  contre  la  pudeur. 
Celle  observation  de  Domergue  nous  parait  juste. 
'\'oyez  Impudence. 

].MPi'DiQUE.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Une  femme  impudi- 
oue,  désirs  impudiques,  regards  impudiques  ; 
chansons  impudiques.  D'inipttdiques  discours, 
d'impudiques  regards. 

L'une  fut  impuctique  et  l'autre  parricide. 

(CoRx.,  Cin.,  act.Y,  se.  Il,  33.) 

Phèdre  seule  cliarmait  les  impudiques  yeux. 

(Ric,  Plicd.,  act.  lY,  se.  II,  82.) 

Voltaire  a  dit,  au  sujet  du  premier  vers  :  Ce  mot 
impudique  ne  se  dit  plus  guère  dans  le  style  no- 
ble, parce  (lu'il  présente  une  idée  qui  ne  l'est 
Jias.  [Remarques  sur  Corneille.) 

Impldiqdemem.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verlje  :  Vivre  impudiquement. 

Impuiss.^ncf..  Subst.  f.  L'Académie  n'attribue 
ce  mot  qu'aux  personnes  :  Je  suis  dans  l'im- 
puissance de  vous  servir.  L'impuissance  où  je 
suis  de  vous  rendre  service.  Racine  a  dit  dans 
Iphigénie  (acl.  I,  se.  v,  29)  : 

Seigneur,  de  mes  ciïorls  je  connais  V  impuissance. 

Impuissance  se  dit  plus  particulièrement  de 
l'incapacité  d'avoir  des  enfants,  causée  ou  par  un 
vice  de  Conformation,  ou  j)ar  quelque  accident. 
En  ce  sens,  il  ne  se  dit  que  des  hommes.  En 
parlant  d'une  femme  qui  est  incapable  d'avoir  des 
enfants,  on  dit  (\nelle  est  stérile. 

Ce  mot  n'a  point  de  pluriel. 

I.MPL1SSANT,  Impuissante.  Adj.  On  peut  souvent 
le  mettre  avant  son  subst.  :  Un  ennemi  impuis- 
sant, un  impuissant  ennemi;  une  colère  im- 
puissante, une  impuissante  colère;  faire  des 
efforts  impuissants,  faire  d'impuissants  efforts. 
A  oyez.  Adjectif. 

Impunéue.nt.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Voler  impunément.  Il  a  trahi  ùnpuné- 
vient  son  devoir. 

Impuni,  Impunie.  Adj.  11  ne  se  met  qu'après 
son  subsl.  :  Une  faute  impunie,  un  crime  im- 
puni. Cet  adjectif  exprimant  une  qualité  absolue, 
n'est  point  susceptible  de  comparaison,  soit  en 
plus,  soit  en  moins 

Impur,  Impure.  Adj.  Au  |iropre,  il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Des  métaux  impurs,  un 
sang  impur.  Au  ligure,  on  peut  le  faire  précé- 
der lorsque  1  unalogleel  l'harmonie  le  permellent: 
Des  amours  impures,  d'impures  amours. 


IN 

Imputer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  ne 
dit  i)as  que  ce  verbe  s'emploie  aussi  avec  le  pro- 
nom i)ersonnel. 

Ne  «ou»  imputez  point  le  mallieur  qui  m'opprime. 
(Rac,  tlilhrid.,  acl.  IV,  se.  ii,  36.) 

Is.  Particule  prépositive  qui  se  met  au  com- 
mencement de  certains  mots.  Celle  particule  a, 
ainsi  qu'en  latin,  deux  usatrcs  très-différents  : 
i"  Elle  conserve  en  plusieurs  mots  le  sens  de  la 
préposition  latine  171,  ou  de  notre  particule  fran- 
çaise en,  el  par  conséquent  elle  marque  position 
ou  disposition.  Voyez  En.  Position,  comme  in- 
carnation, infuser,  ingrédient,  inhumation, ini- 
tier, inné,  inoculation,  inscrire,  intrus,  inva- 
sion ;  disposition,  comme  inciter,  induire,  in- 
fluence, innover,  inquisition,  insigne,  inlen- 
tioîi,  inversion.  In  cl  en  ont  telleincnt  le  mémo 
sens  quand  on  les  considère  comme  venues  de  la 
préposition,  (]uc  l'usage  les  partage  quelquefois 
entre  des  mots  simples  qui  ont  une  même  ori- 
gine et  un  même  sens  individuel,  et  qui  ne  diffè- 
rent que  par  le  sens  spécifique  :  Inclination,  en- 
clin; inflammation  ,  enflammer;  injonction, 
enjoindre  ;  intonation,  entonner. 

2" //t  est  souvent  une  paiticule  privative  qui 
marque,  dit-on,  l'absence  de  l'idée  individuelle 
énoncée  par  le  mot  simple  :  Inanimé,  inconstant, 
indocile,  inégal,  infntuné,  ingrat,  inhumain, 
inhumanité,  inique,  injustice,  innombrable,  in- 
ouï, inquiet,  inséparable,  intolérance,  involon- 
taire, inutile,  etc.  Quel  que  puisse  éire  le  sens 
de  celte  particule,  on  en  change  la  finale  n  en 
m  devant  les  mois  simples  qui  commencent  par 
une  des  labiales  b,  p  ou  m  :  imbiber,  imbu,  ijnbé- 
cile,  impétueux,  imposer,  impénitence,  immer- 
sion, imminent,  immodeste.  N  se  change  en  l 
devante,  el  en  r  devant  r;  illuminer,  illicite, 
irruption,  irradiation,  irrévérent,  etc. 

Je  ferai  quelques  observations  sur  les  mots 
dans  la  composition  desquels  entre  cette  parti- 
cule. Il  me  semble  qu'on  n'a  pas  bien  indiqué  la 
signification  de  ces  sortes  de  mots,  en  disant  (ju'ils 
marquent  l'absence  de  l'idée  individuelle  énoncée 
par  le  mol  simple. 

Je  remarque  dans  l'absence  d'une  qualité  ex- 
primée par  un  mot  simple,  deux  choses  bien  dis- 
tinctes: 1°  cette  absence  en  elle-même;  2''  une 
qualité  contraire  à  la  qualilé  exprimée  par  le  mot 
simple.  Par  exemple,  si  je  considère  dans  l'al»- 
sence  de  la  justice  celte  absence  en  elle-même, 
abstraction  laite  des  effets  qu'elle  peut  produire, 
je  dirai,  pour  rai)pli(]iier  a  une  personne,  ([ue 
cette  personne  n'est  pas  juste  ;  et  je  ne  puis  me 
servir  ici  que  d'une  expression  négative,  puisque 
l'idée  est  entièrement  el  absolument  négative. 
Mais  si  je  considère  que  l'absence  de  la  justice 
produit  une  mauvaise  qualilé  réelle  cl  positive, 
qui  est  opposée  à  la  justice,  dont  les  elïcts  sont 
sensibles  el  les  suites  fâcheuses,  je  n'ai  plus  alors 
dans  l'esprit  l'idée  d'une  négation,  m.iis  l'idée  de 
quelque  chose  de  réel  et  de  positif  qui  ne  peut 
être  exprimé  que  d'une  manière  aflirinaiive;  et 
alors  je  dirai  d'un  homme  auquel  j'attribuerai 
celte  mauvaise  qualité,  qu'il  est  i?ijuste.  H  y  a 
donc  celte  différence  entre  n'être  pas  juste  el 
être  injuste,  (juc  la  première  phrase  exprime  la 
négation  d'une  qualité,  el  la  seconde  l'existence 
d'une  qualité  ;  différence  rendue  sensible  par 
celle  des  expressions  donl  l'une  est  négative  el 
l'autre  affirmative. 

On  conviendra  aiséiDent  de  la  justesse  de  celte 


IN 

observation,  si  l'on  fait  attention  que  les  adjectifs 

3iiiex[)riinont  iine<iiialilé  dont  i'aljseuee  ne  pro- 
uit  puint  une  iiiuiiité  conliairc,  ne  s'associent 
point  a  la  particule  in,  et  qu'on  ne  peut  exprimer 
cetic  absence  que  par  des  négations.  Par  exem- 
ple, on  ne  dit  pas  qu'i//j  homme  est  inaimahle, 
inlniuiblc,  inudniiiahU',  (larce  que  l'alisencc  des 
qualités  (pii  rendent  aimalde,  louable,  admirable, 
ne  produit  point  une  (]ualilé  réelle  contraire.  Ce- 
lui qui  n'est  [jas  aiinuble  n'est  [)as  pour  cela  haïs- 
sable; celui  qui  n'est  |)as  loiiuhle  n'a  pas  une 
mauvaise  qualité  réelle  contraire  à  la  ([ualitéquc 
l'on  désigne  par  le  mot  louable  ;  celui  qui  n'est 
|)Oinl  admirable  n'a  pas  une  (]ualilé  léelle  con- 
traire à  ce  ([ui  produit  l'admiration.  11  n'y  a  dans 
CCS  trois  individus  que  des  négations,  îles  ab- 
sences, et  rien  de  réel  ni  de  positif. 

Au  contraire,  celui  qui  est  inconstant  a  une 
mauvaise  qualité  réelle  ,  produite  par  l'ab- 
sence lie  la  constance,  qualité  (lui  se  numifesle 
ordinairement  dans  les  diverses  circonstances  de 
sa  vie. 

Je  me  crois  donc  fondé  à  penser  que  ces  ex- 
pressions que  l'on  nomme  privatives,  et  dont  les 
particules  in,  im,  il,  ir,  sont  les  signes  caracté- 
ristiques, n'ont  élc  inventées  que  pour  exprimer 
l'existence  d'une  qualité  réelle  résultant  de  l'ab- 
sence de  la  qualité  exprimée  par  le  mot  simple. 

A  l'égard  des  adjectifs  tirés  des  participes  pas- 
sifs des  verbes,  il  faut  examiner  si  la  négation  de 
l'action  exprimée  i)ar  le  verbe  influe  ou  non  sur 
l'état  du  sujet.  Dans  le  premier  cas,  la  particule 
in  peut  se  joindre  à  l'adjectif;  dans  le  second, 
elle  ne  peut  |)as  s'y  joindre.  Qu'une  personne  ne 
soit  pas  aimée,  ne  soit  pas  désirée,  ne  soit  pas 
battue,  ne  soit  pas  blessée,  ne  soit  pas  tuée,  il 
n'en  résulte  en  elle  aucun  changement,  aucun 
état  nouveau,  et  vuilà  pourquoi  l'on  ne  veut  pas 
dire  i\\ïiinc persenne  est  inaimée,  indésirée,  im- 
batiue,  iiiiblessée,  intitée ;  mais  qu'une  personne 
ne  soit  pas  animée,  qu'elle  ne  soit  pas  soumise 
connue  elle  devrait  l'être,  il  en  résulte  en  elle  un 
état  particuliei"  ipii  lait  qu'on  peut  dire  qu'eZ/e 
est  inanimée,  ([u'ellc  est  insoumise. 

11  en  est  de  même  des  choses.  On  dit  qn'iine 
maison  est  inhabitée,  [)arcc  que  l'absence  ou  le 
défaut  d'habitants  la  met  dans  un  état  différent 
de  l'éiat  ordinaire  ou  de  l'état  précédent;  mais 
on  ne  dit  |)as  ([u'une  maison  est  inlouée,  est  in- 
vendve,  parce  (]u'il  s'agit  ici  de  circonstances 
qui  ne  changent  rien  à  l'état  actuel  de  la  maison 
en  elle-même. 

Je  sais  bien  qu'on  dit  qu'un  homme  est  incir- 
concis, que  des  marchandises  sont  invendues, 
quoiiiue  l'absence  de  la  circoncision  et  le  défaut 
de  vente  ne  change  rien  à  l'état  de  l'homme  ou 
des  marchandises;  mais  ces  ex[)ressions  ne  se  di- 
sent (jue  dans  un  sens  d'opposition.  On  dit  les 
incirconcis  par  opposition  à  ceux  qui  sont  cir- 
concis, et  pour  établir  une  différence  entre  les 
uns  et  les  autres.  C'est  une  expression  établie 
parmi  les  juifs  et  les  musulmans.  Chez  nous,  où 
il  n'est  pas  d'usage  de  faire  une  distinction  nomi- 
nale entre  ceux  ijui  sont  baptisés  et  ceux  qui  ne  le 
sont  pas,  on  ne  dit  pas  les  imbaptisés.  On  dit  de 
niéuietiuc  des  marchandises  sont  invendues,  par 
opposition  aux  marchandises  ([ui  sont  vendues, 
et  pour  distinguer  leur  état  de  l'état  de  ces  der- 
nières. Mais  sans  l'idée  de  celte  opposition,  et 
sans  qucUpie  circonstance  qui  la  fasse  sentir,  on 
ne  pourrait  pas  dire  (ju'une  marchandise  est  in- 
vendue. Si  j'ai  mis  i)lusieurs  marchandises  en 
vente,  je  pourrai  dire  par  opposition,  relalivc- 


INA 


381 


ment  à  cette  vente,  que  les  unes  sont  vendues  al 
(]ue  les  auires  sont  invindues.  Mais  si  je  voulais 
dire,  sans  opposition,  que  ma  maison  n'est  pas 
vendue,  je  parlerais  d'une  manière  ridicule  en 
disant  qu'elle  est  invendue. 

Les  poètes,  (pii  se  pi'rmetlent  tout,  ont  pu  dire 
des  guerriers  invaincus ,  ton  bras  est  inraincu. 
Mais  Voltaire  lui-même,  «jui  approuve  cette  ex- 
l^ression  dans  Corneille,  serait  convenu  qu'elle 
serait  bien  étrange  en  prose,  cl  je  ne  crois  pas 
(|u'il  eût  voulu  dire,  dans  une  de  ses  eomi»osi- 
tions  histori(iues,  que  des  troupes  se  retirèrent 
invaincues  ,  qu'une  armée  fut  invaincue,  ou 
(pie  le  bras  de  Louis  XI^^ était  invaincu.  A. 
parler  grammaticalement,  to7i  bras  est  invaincu 
est  une  expression  positive  employée  pour  ex- 
primer une  idée  purement  négative.  'J'un  bras  est 
invaincu  signilie,  dans  le  seul  sens  (ju'on  peut 
doimer  ici  au  mot  invaincu,  ton  bras  est  et  n'est 
pas  vaincu. 

La  particule  in  entre  dans  la  composition  de 
plusieurs  substantifs;  mais  c'est  toujours  pour 
signilier  des  choses  positives,  des  (pudités,  un 
état  réel,  et  jamais  une  siuq)le  absence,  une  né- 
gation absolue.  L'incombustibilité  est  la  qualité 
d'un  corps  incombustible;  V incompréhensibilité, 
la  qualité  d'une  chose  incompréhensible;  Vin- 
conduite,  une  conduite  contraire  aux  règles 
de  la  bonne  conduite;  Xinconstatœe,  une  qualité 
positive  contraire  à  la  constance;  Vindocilité, 
une  (]ualité  (jui  rend  indocile;  ['ingratitude,  une 
qualité  ([ui  rend  ingrat.  Mais  on  ne  dira  pas  Viîi- 
vérité,  connue  le  veulent  certains  novateurs, 
parce  que  ce  mot  n'exprimerait  que  l'absence  de 
la  vérité,  et  que  l'absence  de  la  vérité,  en  ex- 
cluant la  vérité,  ne  [jroduit  pas  une  chose  posi- 
tive contraire  a  la  vérité,  et  "jui  i)uisse  être  ex- 
primée par  un  substantif.  Il  en  est  de  même 
d'insuccès,  d' innécessité,  d'insagesse,  d'ingaieté, 
et  d'un  grand  nombre  d'autres  que  des  nova- 
teurs irréfléchis  voudraient  introduire  dans  la 
langue.  \ oyez  Privatif. 

*  Inabondance.  Subst.  f.  Mot  nouveau  que 
l'usage  n'a  pas  adopté,  mais  ijui  pourrait  être 
utile.  Pénurie  est  l'opposé  d'abondance;  mais 
inabondance  est  entre  les  deux.  Ce  pays 
n'est  pas  pauvre,  dira-t-on,  il  n'y  a  pas  à 
craindre  de  pénurie.  On  répondra  :  Oui,  pour 
vingt  mille  hommes  ;  mais  pour  soixante  mille, 
la  seule  inabondance  est  un  danger.  (La  llarpc.) 

Inabordable.  Adj.  des  deux  genres.  Qu'on  ne 
peut  aborder.  Il  ne  se  met  ipraprés  son  subst.  : 
Une  plage  inabordable.  —  Un  homme  inabor- 
dable. Il  régit  (juclquefois  la  préposition  à  :  Cette 
côte  est  inabordable  aux  vaisseaux  de  l'Europe. 

*  Inabordê.  Inabordée.  Adj.  Mot  nouveau  ([ue 
l'usage  a  ado[)té.  Nous  avons  inabordable,  cl  il 
faut  (]ue  nous  ayons  inabordé,  surtout  dejjuis 
trois  siècles  (jne  l'on  a  découvert  de  nouvelles 
terres  qui  n'avaient  jamais  été  abordées.  Quel 
plaisir  de  réduire  toute  cette  périphrase  en 
un  seul  mot  !  de  peindre  Odomb  et  Gama  tou- 
chant i)Our  la  première  fois  dc^  rives  inabordées'. 
(La  llarpc.)  Vovez  In. 

*  l.NABSTiNKNCE.  Subst.  f.  Mol  uouveau,  que 
l'usage  n'a  pas  adopté,  ijui  iwuirait  l'être  avec 
utilité,  et  sans  inconvénient.  Un  honwne  est  mort, 
parce  (pi'il  s'est  nourri  de  viande  i)cndant  le  cours 
d'une  maladie  (pii  lui  prescrivait  de  ne  vivre  que 
de  légumes  et  de  lait.  On  dira  (pie  c'est  l'usage 
delà  viande  (jui  l'a  tué,  et  cela  s'entendra;  ce- 
pendant cela  n'est  pas  exact,  car  l'usage  delà 
viande  n'est  pas  une  chose  nuisible,  ni  mortelle 


382 


rxA 


par  elle-mome.  Il  csî  mort  pour  ne  s'ctro  pas  aos- 
tenu  de  vijiinle  (]uaiid  il  fallait  s'en  abstenir;  c'est 
donc  V iimlstinence  de  la  viande  ipH  i  a  fait  mou- 
rir. (La  Harpe.) 

Inaccessible.  Adj.  des  deux  genres.  Dont  on 
ne  peut  approcher,  li  se  dit  au  propre  et  au 
figuré  :  Les  torrents  qui  tombent  de  celle  mon- 
tagne en  rendi'nl  le  sommet  inaccessible.  Les 
grands  sont  inaccessibles.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  rocher  inaccessible. —  Un  homme 
inaccessible.  Il  régit  quelipiefois  la  piéposilion 
ù  :  n  cit  inace.tsiWe  a  la  peur,  a  l  amour, 
à  la  flatterie.  Fly  a  peu  de  cœurs  inaccessibles  d 
la  flatterie. 

Ou  sein  de  ce  sépulcre,  inaccessible  au  monde. 

(Volt.,  Sétnir.,  acl.  I,  se.  m,  30.) 

I>AccoMMODABLE.  Adj.  dcs  dcux  gcnrcs,  qui  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Une  querelle  inac- 
commodable,  une  affaire  inaccommodable . 

iNàccor.DABLE.  Adj.  des  deu.v  genres,  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.:  Des  caractères  inaccor- 
dahles. 

Inaccostable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'ai)rès  son  subst.  :  Un  homme  inaccos- 
table. 

Inaccoctcmé,  Inaccootcmée.  Adj.  II  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Des  mouvements  inaccou- 
tumés. 

Inachevé,  Inachevée.  Adj.  Mot  nouveau  que 
l'usage  a  adopté.  Nous  sommes  obliges  de  dire, 
en  parlant  de  l'ancien  Louvre,  ce  grand  monu- 
ment inachevé...  il  ne  convient  pas  quil  reste 
inachevé;  ce  ([ui  n'est  pas  la  même  chose  qu'm- 
/>rt/-/ài<.  (La  Harpe.)  Si  l'on  peut  dire  u\\  édifice 
inachevé,  on  demandera  pourquoi  l'on  ne  pour- 
rait pas  dire  une  maison  imbâtie.  —  Le  cas  est 
bien  différent.  Un  édifice  inachevé  est  dans  un 
état  de  cnmmencement  de  construction  qui  forme 
un  rapport  avec  l'achèvement.  Mais  qu'est-ce 
qu'une  maison  imbâtic?  ce  n'est  rien;  il  n'y  a 
point  d'éiat  positif,  c'est  une  pure  négation  qui 
ne  peut  être  exjH'imce  que  par  une  expression  né- 
gative. Voyez  In. 

Inactif,  Inactiv:;.  Adj.  II  ne  se  met"  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  inactif,  un  peuple  inac- 
tif. 

Inaction.  Subst.  f.  Cessation  d'action.  Il  y  a 
une  inaction  qui  tient  de  l'indolence,  comme 
quand  on  dit  il  aime  à  vivre  dans  l'inaction.  11 
y  en  a  une  autre  qui  tient  de  la  paresse  et  de 
l'indifférence  :  Les  plus  grands  intérêts  ne  le 
tireraient  pas  de  l'inaction. 

iNADMissroLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Preuve  inadmissible, 
moyens  inadmissibles. 

Inadvertance.  Subst.  f.  Ce  n'est  pa.s  comme 
ledit  TAcadcmie,  un  défaut  d'attention  à  quel- 
que chose,  mais  une  action  ou  une  faute  commise 
sans  attention  a  ses  suites. 

*  Inajournable.  Adj.  des  deux  genres.  Mot 
nouveau  (jue  l'usage  n'a  point  adopté,  mais  qui 
mérite  de  1  être.  M.  Daunou  a  dit  :  Multiplions, 
prolongeons  les  séances  destinées  ù  la  discus- 
sions des  lois  constitutixmnelles;  écartons  inexo- 
rablement tout  ce  qui  viendrait  Vinterrovipre 
sans  avoir  un  titre  pressant  et  manifeste  à  une 
déUbévulion  soudaine  et  inajouinable.  —  Une 
chose  inajournable  est  une  chose  qui  existe  dans 
des  circonstances  telles  qu'elle  lie  |)eul  cire  ajour- 
née, et  cette  existence,  accompagnée  de    celle 


modiOcaiion,  est  <pielqiie  chose  qui  peut  être 
e.\j)rimè  par  une  expression  positive.  Voyez  In 
Gl  Inaimuble. 

*  Inaimable.  Adj.  des  doux  genres.  Mot  inusité. 
Nous  avons  bien  des  gens  inaimablcs,  e!  cepen- 
dant inaimable  ne  s'cst  point  encore  dit.  (Vol- 
taire.) 

On  ne  dit  pas  inaimable.,  parce  qu'une  per- 
sonne qui  n'est  p;is  aimable  est  simplcmont  pri- 
vée des  (jualilés  (jui  peuvent  la  rcuilrc  telle  aux 
yeux  des  autres;  mais  de  cette  privation  il  ne 
résulte  pas  en  elle  des  qualités  réelles  contraires 
à  l'amabilité;  ce  n'est  qu'une  négation,  qu'une 
privalion  de  qualités;  et  celle  privation  ne  peut 
être  iiidi(iuéc  que  par  des  cx|)ressioiis  négatives, 
elle  n'est  pas,  et  non  par  des  expressions  posi- 
tives, elle  est  inaimable.  \oyez  In. 

Inaliénable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dil 
des  choses  dont  la  propriété  ne  [leut  valablement 
être  transporlée  à  une  autre  personne.  Il  ne  se 
•net  qu'après  son  subst.  :  Biens  inaliénables. 

Inalliabli:.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne  se 
peut  allier  avec.  11  se  dit  au  propre  et  au  figuré: 
Ces  métaux  sont  inalliables.  Leurs  intérêts 
sont  inalliables.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
substantif. 

Inaltérable,  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne 
peut  s'altérer  ou  cire  altéré.  Au  i)roprc,  il  ne  se 
met  cpi'aprcs  son  subst.  :  Substance  iualtérable. 
Au  figuré,  il  peut  le  précéder,  lorstpie  l'analogie 
et  l'harmonie  le  permettent  :  Une  tranr/uillité 
inaltérable,  v?ie  inaltérable  tranquillité  ,  un 
caractère  inaltérable.  Voyez  Adjectif. 

In'aîiovible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  le  subst.  :  Emploi  inamovible , 
place  inamovible . 

*lNàMcsABLE.  Adj.  dcs  deux  genres.  Mot  nou- 
veau que  l'usage  a  adopté.  Il  signifie  qui  ne  peut 
être  amusé  :  Il  y  a  beaycoup  d'Anglais  qui  pa- 
raissent inamusables.  Etre  iuamusaUe  SU|tpose 
un  état  positif  et  réel,  qui  repousse  tous  les  amu- 
sements. A'oyez  In.  —  Ce  néologisme  n'a  que 
deux  autorités,  lesquelles  me  paraissent  éiiuiva- 
lentes  à  rien  :  celle  de  Dorât  cl  celle  de  Deinous- 
tier.  Leurs  comédies  ont  pu  trouver  souvent  le 
public  inamusable ;  mais  que  n'étaient-ollcs  ainu- 
sanles.  (Ch.  Nodier,  Examen  crit.  des  Dict) 

*  Ina.iiusant,  Inamusante.  Adj.  Mot  nouveau 
que  l'usage  n'a  point  adopté.  H  se  peut  qu'il  y 
ait  une  nuance  cwira  inauiusant  el  e.inuyeux  ; 
mais  elle  est  si  déliée,  que  je  ne  sais  s'il  y  aurait 
un  moyen  de  la  délerniincr.  Ce  qui  n'est  pas 
ainusaiil  csl  si  [irès  de  l'ennui,  en  fait  de  choses 
qui  doivent  être  amusantes,  ipie  bien  peu  de 
personnes  se  chargeront  de  définir  l'inlcrmé- 
diaire,  si  ce  n'esl  peut  être  cet  Anglais  à  qui 
l'on  demandait  s'il  s'amusait  au  spectacle  :  Je  «e 
m'amuse  ni  ne  m'ennuie,  dit-il,  Ve  suis  bien. 
(La  Harpe.) 

/»r/?/ji/ia/(<  exprimerait  une  privation,  une  né- 
gation de  qualités;  el  celle  privalion  ne  peut  être 
cxiirimée  (|ue  jiar  des  expressions  négatives.  11 
faut  donc  dire  celle  chose  n'est  pas  amusante, 
el  non  pas  est  inainusantc.  Voyez  /;/. 

Inanimé,  Inahimée.  Adj.  11  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Une  créature  inanimée,  une  figure 
inanimée. 

Inanité.  Subst.  f.  Vanité,  inutilité.  Mol  nou- 
veau (juc  quelques  écrivains  ont  employé.  L'i- 
nutilité d'une  chose  marque  (pie  cette  chose 
n'esl  d'aucun  usage,  qu'elle  peut  même  cire  dés- 
avantageue  et  nuisible.  L'inanité   exprime  le 


INA 

peu  de  fondcmcnl  d'une  chose,  le  vide  des  cspc- 
tances  qu'on  peut  iiiellre  sur  celte  chose  ;  en  vin 
mot,  sa  Irivolilé  :  Le  sage  à  son  heure  dernière 
est  bien  canvuincu  de  /'inanité  des  choses  hv- 
maines.  Ce  mot  me  parait  utile  cl  expressit". 

Inaperçu,  Inaperçue. Adj.  L'Académie  le  dc!i- 
DÏt  qui  n'est  point  aperçu  :  Le  hasard  n'est  que 
l'effet  de  causes  inurperçues.  Delille  l'a  dit  dans 
le  sens  de  qu'on  n'a  pas  encore  aperçu  : 

II  s'élance,  il  saisit  sa  pesante  massue, 
Cherche  du  noir  séjour  la  porte  inaperçue. 

[Énéid.,  YIII,   28S.) 

Derrière  le  palais  il  était  une  issue. 
Une  porte  «les  Grecs  eacore  inaperçue, 

{Idem,  II,  605.) 

Inappliqué,  Inappliquée.  Adj,  Il  ne  se  met 
qu'api'ès  son  subst.  :  Un  hovime  inappliqué,  un 
esprit  inappliqué. 

l  .  "pRÉciABLE.  Adj.  des  deu.Y  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Quantité  inappréciable,  valeur 
inappréciable.  —  Une  faveur  inappréciable, 
cette  inappréciable  faveur. 

*  iNAPPRivoisàBLE.  Adj.  dcsdcux  gcnfcs.  Qui  ne 
peut  être  apprivoisé.  Mot  nouveau  que  quelques 
écrivains  ont  employé.  Le  pinson,  l'alouette,  la 
linotte,  le  serin,  jasent  et  babillent  tant  que  le 
Jour  dure;  le  soleil  couché,  ils  fourrent  leur  tête 
sous  Vaile,  et  les  voilà  endormis.  C'est  alors 
que  le  génie  prend  la  lampe  et  l'allume,  et  que 
l'oiseau  solitaire,  sauvage,  inapprivoisable,  brun 
et  triste  de  plumage,  ouvre  son  gosier,  com- 
mence son  chant,  fait  retentir  le  bocage,  et 
rompt  mélodie  use  me  nt  le  sileiice  et  les  ténèbres 
de  la  nuit.  ^Diderot.) 

*  Inapte.  Adj.  des  deux  genres.  Mot  nouveau 
proposé  par  Mercier  d'après  Yolney,  (jui  s'en  est 
servi  ;  Devenu  inapte  aus  affaires,  il  en  a  jeté 
le  fardeau  sur  des  mercenaires,  et  les  merce- 
naires Vont  trompé  Ou  demandera  peut-être 
pourquoi  inapte,  lorsqu'on  a  inepte'i  — Je  pense 
que  ces  deux  mots  pourraient  étreenq)loyés  pour 
exprimer  deux  nuances  différentes.  11  me  semble 
que  l'on  est  inepte  par  nature ,  par  mauvaise 
constitution;  et  qu'on  est  inapte  par  accident, 
par  négligence,  faute  d'exercice.  Celui  (jui  est 
inepte  lest  toujours;  on  devient  inapte,  cuuxuiQ 
l'indiipic  \'ohiey  dans  la  phrase  citée. 

Inarticulé,  Inarticulée.  Adj.  (jui  ne  se  met 
qu'apiés  son  subst.  :  Des  sons  inarticulés. 

*  Inassorti,  Inassortie.  Adj.  Mot  nouveau 
que  l'usage  a  adopté.  On  dirait  bien,  dit  La 
Harj)c,  en  disant  un  composé  de  choses  inas- 
sorties, ce  qui  est  fort  différent  de  mal  assor- 
ties. 

*  Inassoupi,  Inassoupie.  Adj.  Qui  n'est  point 
assoupi.  Mot  nouveau  que  f usage  n'a  point 
adopté.  Un  poète,  dit  La  Harpe,  s'emparera  vo- 
lontiers des  xjcux  inassoupis,  pour  peu  qu'il  ail 
à  parler  d'Argus. 

Inattaquable.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne 
peut  être  atiauué.  On  ne  peut  guère  '.e  mettre 
qu'après  son  subst.  :  Poste  inattaquable ,  droit 
inattaquable. 

Inattendu,  Inattendue.  Adj.  Auquel  on  ne 
s'attend  point.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
P^isite  inattendue,  mulheur  inattendu ,  disgrâce 
inattendue . 

*  Inattente.  Subst.  f.  Mot  inusité  dont  Mer- 
cier nropose  l'usage.  La  Harpe  a  dit  :  Serait-ce 


INC 


38- 


un  tort  de  dire  l'inattente  de  tout  secours  força 
les  assiégés  ii  capituler? 

Inattentif,  Inattentive.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'aitrès  son  subst.  :  Un  enfant  inattentif,  un 
esprit  inuitentif. 

Incaguer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
dit  qu'il  signifie  délier  (]uelipi'un,  le  braver,  en 
lui  témoignant  beaucoup  de  mépris.  —  Incaguer 
est  un  terme  du  vieux  langage,  ipic  personne  ne 
comprend  aujourd'hui,  et  dont  personne  ne  fait 
usage. 

Incapable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  incapable  ; 
j//t  homme  incapable  de  raison,  incapable  inap- 
plication. 

Incendie.  Subst.  m.  L'Académie  le  définit 
grand  embrasement.  Cette  définition  est  très- 
fautive.  l'Ile  paraît  indiquer  qu'i/zce/icfte  dit  plus 
(\\\'embrasement,  ce  qui  n'est  pas  exact;  car,  au 
contraire,  embrasement,  sans  y  ajouter  l'adjectif 
grand,  dit  plus  i\\x' incendie.  On  dit  Vincendie 
d'une  grange,  d'une  maison,  et  Veuibrasement 
de  Troie.  Un  incendie  n'est  pas  un  grand  em- 
brasement, mais  un  grand  feu  allumé  par  mé- 
chanceté ou  par  accident.  Veinbrasement  est  un 
feu  général;  Vincendie  a  des  progrès  successifs. 
Une  éliiiccile  allume  un  incendie,  et  Vincendie 
produit  un  vus^-C  embrasement.  L'incendie  porte, 
lance  de  toutes  parts  des  flammes  ;  dans  l'embra- 
sement le  feu  est  partout,  tout  briile,  tout  se 
consume.  Voyez  Embrasé. 

Incertain  ,  Incertaine.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Chose  incertaine,  événe- 
ment incertain.  —  Un  luwime  incertain,  être 
incertain  de  ce  qui  arrivera. 

Ilacine  a  dit  dans  Phèdre  (act.  Il,  se.  ii,  22)  : 

Du  choix  d'un  successeur  Athènes  incertaine. 

Et  dans  Bajazet  (act.  II,  se.  i,  63)  : 

Infortuné,  proscrit,  incertain  de  régner. 

Incertainement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Il  ne  parle  qu'incertainemcnt. 

Incessamment.  Adv.  Sans  délai,  au  plus  tôt.  H 
ne  se  met  (lu'apiés  le  verbe:  On  l'attend  inces- 
samment. 

L'Académie  dit  qu'il  signifie  plus  ordinaire- 
ment, continuellement,  sans  cesse  :  Il  travaille 
incessamment.  On  ne  le  dit  plus  en  ce  sens. 

Incestueux,  Incestueuse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  Iwmme incestueux, 
un  commerce  incestueux ,  un  mariage  inces- 
tueux, un  amour  incestueux,  un  incestueux 
amour. 

Inchoatif.  Adj.  m.  On  prononce  inkoatif.  V.n 
termes  de  grammaire,  on  appelle  rerie*  inchoatif  s, 
les  verbes  (jui  expriment  le  commencement  d'une 
action.  Tels  sont  les  verbes  blanchir,  jaunir, 
vieillir,  grandir,  et  plusieurs  autres  terminés  en 
ir.  On  devrait  plutôt  les  appeler  verbes  pro- 
gressifs, car  ils  expriment  moins  un  commenco- 
ment  qu'une  progression  d'action. 

Incidemment.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  On  n'a  traité  cette  question  qu'incidem- 
ment. 

Incident,  Incidente.  Adj.  qui  ne  se  met  qu  a- 
prés  son  subst.  :  Demandij  incidente,  requête 
incidente,  question  incidente. 

En  grammaire,  on  distingue  la  proposition 
principale  et  la  proposition  incidente.  La  propo- 


384 


INC 


sition  incidente  est  toujours  partielle  à  l'égard  de 
lu  principale;  cl  l'on  peut  dire  que  c'est  une 
proposition  particulière,  liée  à  un  mot  dont  elle 
est  snp|)léi)icnt  explicatif  ou  détenninatif.  Par 
exemple,  quand  on  dit  :  Les  saranis,  gui  sont 
plus  instruits  que  le  commun  des  hommes,  de- 
vraient aussi  les  surpasser  en  saijesse,  c'est  une 
proposition  totale;  qui  sont  plus  inslruils  que  le 
commun  des  huvimes,  c'est  une  |)roposilion  par- 
tielle liée  au  mot  savant,  dont  elle  est  un  supplé- 
ment explicatif,  parce  qu'elle  scn  à  en  développer 
l'idée,  puur  y  trouver  un  motif  qui  justKie  l'é- 
noncé do  la  proposition  princijjale,  /es  savants 
devraient  surpasser  les  autres  hommes  en  sa- 
gesse ;  \d  proposition  partielle,  (7miot«< /)/m5  in- 
struits r/ue  le  commun  des  hommes,  est  donc  une 
proposition  incidente.  —  Pareillement  quand  on 
dit  :  La  gloire  qui  vient  de  la  vertu  a  vn  éclat 
immortel,  c'cii  une  proposition  totale  ;  qui  vient 
de  la  vertu,  est  une  proposition  parliclio,  liée  au 
mol  i/lo ire  ;  mais  elle  en  est  un  supplément  dé- 
terminaiif,  parce  qu'elle  sert  à  restreindre  la  si- 
gnification trop  générale  du  mot  gloire,  par 
l'idée  de  la  cause  particulière  (jui  la  procure, 
savoir,  la  vertu.  Ainsi  la  proposition  partielle, 
qui  vient  de  la  vertu,  est  une  proposition  inci- 
dente. 

Il  y  a  donc  deux  sortes  de  propositions  inci- 
dentes. La  première  est  explicative,  et  elle  sert 
a  développer  la  compréhension  de  l'idée  du  mol 
auquel  elle  est  liée,  pour  en  faire  sortir,  pour  ou 
contre  la  proposition  principale,  une  preuve,  si 
elle  est  spuculative,  ou  un  motif,  si  elle  esl  pra- 
tique. La  seconde  esl  déierminalive,  et  elle 
ajoute  à  l'idée  du  mol  auquel  elle  est  liée,  une 
idée  particulière  qui  la  restreint  à  une  étendue 
moins  générale. 

Lorsque  la  proposition  incidente  est  explica- 
tive, on  peut  la  retrancher  de  la  principale  sans 
en  altérer  le  sens,  i)arce  que,  laissant  dans  toute 
l'étendue  de  sa  valeur  le  mot  sur  lecjuel  elle 
tombe,  elle  peut  en  être  séparée  sans  qu'il  cesse 
d'expiimer  la  même  idée.  Mais  si  la  proposition 
incidente  est  déterminalive,  on  ne  peut  la  re- 
trancher de  la  principale  sans  en  altérer  le  sens, 
parce  que,  restreignant  l'étendue  delà  valeur  du 
mot  auquel  elle  esl  liée,  elle  ne  peut  en  être  sé- 
parée sans  qu'il  recouvre  sa  première  généralité 
par  la  suppression  de  l'idée  particulière  expri- 
mée dans  la  proposition  incidente.  Ainsi,  dans 
le  premier  exemple,  les  savants,  qui  sont  plus 
instruits  que  le  commun  des  hommes,  devraient 
aussi  les  surpasser  en  sagesse,  si  l'on  supprime 
la  proposition  incidente,  la  principale  conservera 
toujours  le  même  sens  dans  loute  son  intégrité, 
parce  «prcUc  aura  toujours  le  même  sujetet  le 
même  altriljut,  les  savants  devraient  surpasser 
en  sagesse  le  commun  des  hommes.  Mais  dans 
le  second  exemple,  la  gloire  qui  vient  de  la 
vertu  a  un  éclat  immortel,  si  l'on  supjjrime  la 
proposition  incidente,  rintégrité  de  la  principale 
cstaltC'Fée  au  point  que  ce  n'est  plus  la  même, 
parce  que  ce  n'est  plus  le  même  sujel  et  le  même 
attribut;  la  gloire  a  un  éclat  immortel,  il  s'agit 
ici  de  la  gloire  en  général,  d'une  gloire  qucl- 
comiue,  ayant  une  cause  quelconque;  de  ma- 
nière iju'il  en  résulte  une  proposition  fausse,  au 
lieu  de  la  première  qui  est  vraie. 

Quand  la  proposiiton  incidente  est  explicative, 
elle  est  toujours  liée  au  mot  sur  lequel  elle 
tombe,  par  l'tm  des  mots  conjoiiclifs  qui,  que , 
dont,  lequel,  etc. 

Le  mol  expliqué  par  la  proposition  incidente 


INC 

est  appelé  Vuntécédcnt  du  conjonctif,  et  de  la 
proposition  incidente  même,  et  c'est  toujours  un 
nom  ou  ré(piivalcnl  d'un  nom.  Dans  ce  «as,  on 
peut,  sans  altérer  la  vérité,  substituer  l'aniécé- 
dcnt  au  conjonctif,  pour  transformer  la  proposi- 
tion incidente  en  primi|);i!c,  en  noumeltant  l'an- 
técédent à  la  méine  syntaxe  (jnc  le  conjonctiL 
Ainsi,  lorsqu'on  a  la  proposition  totale,  les  sw- 
i^ants,  qui  sont  plus  instruite  que  le  commun 
des  hommes,  etc.,  on  peut  dire  les  savants  sont 
plus  instruits  que  le  commun  des  liOmmes ;  et 
cette  proposition,  devenue  priniipale,  a  encore 
la  même  vérité  que  quand  elle  étail  incidente. 
Ce  serait  la  même  chose  de  ces  autres  proposi- 
tions incidentes  :  L'homme  que  Dieu  a  doué  de 
raison  ;  la  Providence  par  qui  tout  est  gouverné  ; 
la  religion  chrétienne  dont  les  preuves  sont  in- 
vincibles. Après  la  substitution  de  l'antécédent  à 
la  place  «lu  conjonctif,  selon  la  même  syntaxe, 
on  aura  autant  de  propositions  jirincipales  égale- 
ment vraies  :  Dieu  a  doué  l'homme  de  raison  ; 
tout  est  gouverné  par  la  Providence  ;  les 
preuves  de  la  religioîi  chrétienne  sont  invin- 
cibles. 

Mais  quand  la  proposition  incidente  est  dé- 
terminalive, quoi(iu'elle  soit  amenée  par  l'un  dos 
adjectifs  conjonctifs  qui,  que,  dont,  lequel,  etc., 
on  ne  peut  pas  la  rendre  [irincipale  en  substi- 
tuant l'antécédent  à  l'adjectif  conjonctif,  sans  en 
altérer  la  vérité.  Ainsi,  dans  la  proposition  totale, 
la  gloire  qui  vient  de  la  vertu  a  un  éclat  im- 
mortel, on  ne  peut  pas  dire  la  gloire  vient  de  la 
vertu,  parce  que  ce  serait  afiirmer  en  général 
que  toute  gloire  a  sa  source  dans  la  vertu,  ce 
que  ne  disait  point  la  proposition  incidente,  et 
qui  est  faux  en  soi. 

Il  est  essentiel  d'observer  que  la  proposition 
incidente,  soit  explicative,  soit  déterminalive, 
forme,  avec  son  antécédent,  un  tout  (]ui  est  une 
partie  logique  de  la  proposition  principale;  l'an- 
técédent en  est  la  partie  grammaticale  correspon- 
dante. La  religion  que  nous  professons  e.'t  di- 
vine ;  dans  celle  phrase,  la  religion  est  le  sujet 
grammatical  de  la  proposition  principale,  lu  re- 
ligion que  nous  professons  est  le  sujet  logique, 
parce  que  c'est  l'expression  totale  de  l'idée  uni- 
que dont  la  proposition  principale  énonce  un 
jugement,  assure  qu'elle  est  divine. 

îl  faut  reconnaître  dans  toute  proposition  in- 
cidente les  mêmes  parties  essentielles  que  dans 
la  principale,  le  sujet,  l'attribut,  les  divers  com- 
pléments, etc.  Par  exemple.  César  fut  le  tyran 
d'une  république  dont  il  derait  être  le  défenseur, 
c'est  une  proposition  totale  et  principale;  doutU 
devait  être  le  défenseur,  est  incidente;  il  (César) 
sujel  de  l'incidente;  (ferai/,  verbe  qui  renferme 
l'altribul  grammatical,  devant, {élixil  devant)  ;  de- 
vant être  le  défenseur  dont  ou  de  laquelle,  at- 
tribut logique;  dent  (de  laquelle),  complément 
déterminatif  du  uom-.ippeWidii  le  défenseur.  Telles 
sont  les  parties  de  la  proposition  incidente,  dé- 
terminalive de  rantécédent ,  d'une  république 
Dans  la  proposition  |)i'inci|)ale,  d'une  républi- 
que est  le  complément  termiriatif  grannnatical  du 
nom  appellatif  le  luvun;  d'une  république  dont 
il  devait  être  le  dejenic,,:.,  ^;iribul  logique, 
César,  sujet  de  la  proposition  totale. 

Le  mot  conjonciif,  (jui  sert  à  lier  la  proposi- 
tion incidente  à  son  anlccédent,  doit  toujours 
être  à  la  ictc  de  la  proposition  incidente,  et  im- 
médiatement après  l'antécédent,  soit  granomali- 
cal,  soit  logiipie;  sans  cela,  le  rapport  de  liaison 
ne  serait  pas  assez  sensible,  et  l'énoncialion  en 


INC 

serait  moins  claire.  —  Cependant  le  conjonclif 
peut  cire  après  une  préposition  dont  il  est  coni- 
p\C'mcM  :  Les  (unis  sur  qui  vous  comptez;  ou 
même  après  le  complément  grammatical  d'une 
proj)osiijon,  s'il  est  délerminatif  do  ce  complé- 
ment :  Les  amis  sur  le  secours  desquels  vous 
wmptez. 

Eu  conséquence  de  la  distinction  des  proposi- 
tions incidentes  en  exiilicalives  et  détermina- 
tives,  l'abbé  Girard  établit  une  régie  de  ponctua- 
tion qui  est  très- raisonnable:  c'est  de  mettre 
entre  deux  virgules  la  proposition  incidente  ex- 
plicative, et  démettre  de  suite,  sans  virgule,  la 
déterminative.  En  eiïct ,  l'explicative  est  une 
espèce  de  remarque  intcrjeclive  mise  en  paren- 
thèse, que  l'en  peut  ajouter  ou  retrancher  à  la 
proposition  principale,  sans  en  altérer  le  sens. 
Elle  n'a  donc  pas  avec  l'antécédent  une  liaison 
logique  bien  nécessaire.  Mais  la  déterminative 
est  une  partie  essentielle  du  tout  logique  qu'elle 
constitue  avec  son  antécédent.  Si  on  la  retrancbe, 
on  change  le  sens  de  la  principale  au  \mn\.  d'en 
altérer  la  vérité;  ainsi  il  ne  faut  pas  même  la 
séparer  de  rantécédcnt  par  une  virgule,  qui  in- 
diquerait faussement  la  séparabililé  des  deux 
idées.  11  faut  donc  écrire  avec  la  virgule,  les  sa- 
vants,qui  sont  plus  instruits  que  le  cnmntun  des 
hommes,  devraient  aussi  les  surpasser  en  sa- 
gesse ;  et  sans  virgule,  la  gloire  qui  vient  delà 
vertu  a  un  éclat  immortel.  [Encyclop.)  Voyez 
Ponctuation. 

Ikcidekt.  Subst.  m.  Événement,  circonstance 
particulière.  On  entend  par  incident  dans  un 
poëme ,  un  épisode  ou  une  action  particulière 
liée  à  ractioii  principale,  ou  qui  en  est  indépen- 
dante. 

Incirconcis,  I\circoncise.  Adj.  qui  se  met 
toujours  ajirés  son  subst.  :  Peuple  incirconcis. 

Incise.  Subst.  f.  On  donne  ce  nom,  en  gram- 
maire, à  tout  sens  détaché,  quand  il  a  peu  d'é- 
tendue. Dans  le  style  coupé,  il  y  a  presque  autant 
d'incises  que  de  propositions.  Dans  ces  vers  de 
La  Fontaine  (liv.  I,  fable  i,  19)  : 

Nuit  et  jour,  à  tout  venant, 
Je  chantais,  ne  yous  déplaise  : 
Yous  chantiez,  j'en  suis  fort  aise; 
Hé  bien  !  dansez  maintenant  ; 

les  trois  derniers  vers  contiennent  cinq  proposi- 
tions qui  sont  autant  d'incises:  Je  chantais,  ne 
vous  déplaise  ;  vous  chauliez,  j'en  suis  fort  aise  : 
dansez  maintenant.  Dumarsais  le  fait  mascu- 
lin. 

Incisif,  Incisive.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  ;  Remèdes  incisifs,  dents  incisives. 

Ikcivu,,  Incivile.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Un  homme  incivil,  une  personne  incivile ,  une 
demande  incivile,  cette  incivile  demande  ;  xin 
procédé  incivil,  cet  incivil  procédé. 

Incivilement  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Parler  incivilement. 

Incivilité.  Subst.  f.  Corneille  a  dit  dans  Po- 
lyeucte  (act.  IV,  se.  iv,  6)  : 

Je  TOUS  ai  fait,  seigneur,  une  incivilité. 

Incivilité,  dit  Voltaire,  au  sujet  de  ce  vers,  ne 
doit  jamais  être  employé  dans  la  tragédie.  {He- 
marqves  sur  Corneille.) 

Inclémence.  Subst.  f.  Voltaire  a  dit  dans  son 
Dictionnaire  philosophique,  au  mot  Diction- 
naire :  J'observerais  que  Vinclénienco  des  airs 


IiNC 


385 


est  ndiculo  dans  une  histoire,  parce  que  ce  ter- 
me à'incltmencc  a  son  oriçinc  dans  la  colère  du 
ciel  qu'on  suppose  manifestée  par  l'intempérie, 
les  dérangenu'iils,  les  rigueurs  des  saisons,  la 
violence  du  froid,  la  corruption  de  l'air,  les  tem- 
pêtes, les  orages,  les  vapeurs  pestilentielles,  etc. 
Ainsi  donc  inclémence  étant  une  métaphore,  est 
consacré  à  la  poésie. 

Quoique  cette  observation  soit  fort  juste,  il 
n'en  faut  pas  conclure  que  toute  métaphore  soi' 
exclusivement  consacrée  à  la  poésie. 

Voici  (|uelques  exemples  de  l'emploi  de  et 
mot  en  poésie  : 

Tandis  que,  pour  fléchir  l'i'ncWmence  des  dieux. 
(Uac,  Iphig.,  act.  I,  se.  ii,  27.) 

Je  supporte  avec  toi  Vinclémence  des  airs. 

(Volt.,  Mahom.,  ad.  II,  se.  iv,  34.) 

Prclexlcz  ses  périls,  les  rigueurs  de  l'hiver. 
Ses  nefs  à  réparer,  ^inclémence  de  l'air. 

(Dblil.,  £;ieid.,  IV,  85.) 

Il  vaut  raieuj.  l'éloigner... 

Que  d'aller,  de  Charybde  affrontant  Vinclémence, 
Braver  les  lourbiflons,  les  gouffres  écumantj. 

[Idem,  III,  567.) 

Jevais,jevais  moi-même,  accusant  leur  silence  (des  dieux), 
Par  mes  vœux  redoublés  fléchir  leur  inclémence. 

(Volt.,  OEd.,  act.  II,  se.  v,  37.) 

Inclination.  Subst.  f.  Penchant,  disposition 
de  l'âme  à  une  chose  par  goût  et  par  préférence. 
Les  inclinations  différent  des  appétits  que  la 
nature  a  établis  dans  tous  les  hommes,  tels  que 
la  faim  et  la  soif,  lesquels  appétits  ne  tendent 
qu'à  notre  conservation,  et  cessent  lorsqu'on  a 
satisfait  les  besoins  corporels  ;  au  lieu  que  les 
inclinatiojts  ont  pour  objet  le  bonheur  de  l'âme, 
qui  a  sa  source  dans  les  sensations  agréables,  et 
dans  la  continuation  de  ces  sensations.  —  j.es 
inclinations d\((èrcr\\.  aussi  licspassions,  qui  con- 
sistent dans  des  affections  violentes,  actuelles 
et  habituelles;  car  les  inclinations  existent  avant 
même  que  nous  ayons  été  affectés  par  les  sensa- 
tions ou  i)erceptions  qu'elles  nous  rendent  agréa- 
bles ou  désagréables.  — Les  inclinations  diffèrent 
de  ['instinct,  q\i\  tient  lieu,  dans  les  animaux,  de 
connaissance,  d'ex|)éricnce,  de  raisonnement  et 
d'art,  pour  leur  utilité  et  leur  conservation. 

l'inclination  diffère  du  penchant.  Elle  s'ac- 
quiert, le  penchant  est  inné.  Le  penchant  est 
violent,  \ inclination  al  douce.  On  sui  son  zh- 
clination,  le  jjenchant  entrainc.  Ils  se  prennent 
l'un  et  l'autre  en  bonne  et  en  mauvaise  i-art. 
On  a  des  penchants  honnêtes  et  des  inclinations 
droites,  des  inclinations  perverses  et  des  pen- 
chants honteux. 

Inclus,  Incluse.  Part,  passé  du  v.  inclure, 
qui  n'est  plus  usité.  — Inclus,  placé  avant  un 
nom  dont  lé  sens  est  vague,  est  invariable  : 
f^ous  trouverez  ci -inclus  copie  de  ce  que  vous 
me  demandez.  .Mais  quand  le  sens  est  précis, 
inclus  prend  le  genre  et  le  nombre  du  substan- 
tif :  f^ous  trouverez  ci-incluse  la  copie  que  vous 
m'avez  demandée.  — Inclus,  placé  après  un  nom, 
quel  qu'il  soit,  se  rapporte  nécessairement  à  ce 
nom,  et  doit  en  adopter  le  genre  et  le  nombre  : 
Une  copie  de  ma  lettre,  une  prornesse  de  ma- 
riage est  ci-incluse. 

Inclusivement.  Adv.  Il  est  opposé  à  exclusive- 
ment, et  signifie  que  la  chose  dont  on  parle  est 
comprise  dans  la  convention  ou  disnosiuon.  Par 


386 


INC 


exemple,  quand  on  dit  depuis  le  lundi  jusqu'au 
dimanche  suivant  inclusivement,  OU  veut  dire 
que  le  dimanche  est  compris  dans  cet  espace  de 
temps. 

Incognito.  Adv.  On  mouille  gn.  Il  ne  se  met 
qu'après  le  verbe  :  Foyager  incognito.  Il  a  gardé 
l'incognito.  Dans  ce  dernier  exemple,  il  est  pris 
substantivement. 

Incohkkknt,  Incohérente.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Parties  incohérentes,  idées  incohé- 
renles;  ces  incohérentes  idées.  Voyez  Adjectif. 

I>coMBCSTiDLE.  Adj.  dcs  dcux  genres.  11  ne 
se  met  qu'ai)rès  son  subst.  :  Mèche  incombus- 
tible, totle  incomhuslâle. 

Incommode.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit  de 
tout  ce  qui  nous  eêne,  de  quelque  manière  que 
ce  soit  :  Un  forgeron,  est  un  voisin  incommode. 
•  Ily  a  des  vertus  incommodes .  Il  ne  se  met  guère 
au'aprés  son  subst.  :  Une  maison  incommode, 
un  bruis  i>icommude.  —  Un  homme  incommode , 
une  femme  incy/iimode. 

Incommodément.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  verbe  :  Jl  est  logé  incommodé- 
ment, il  est  incoMTnodément  logé. 

Inco.mmunk  AELE.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne  le 
met  qu'après  son  subst.  :  Bie?i  incommunicable, 
droits  incomvi unicables. 

Incomparable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  siibsl.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Une  beauté  incomparable,  une 
incomparable  beauté,  une  modestie  incompara- 
ble, une  incomparable  modestie. 

Incomparablement.  Adv.  11  est  toujours  suivi 
d'un  adverbe  de  comparaison,  tel  que  plus , 
moins,  mieux,  etc.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Elle  est  incompara- 
blement plus  belle  que  sa  sœur,  il  s'est  in- 
comparablement mieux  conduit  aujourd'hui 
qu'hier. 

Incompatible.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne 

[leut  subsister  ou  demeurer  avec  u^^  autre  sans 
e  détruire  :  Le  froid  et  le  chaud  sont  incompa- 
tibles dans  vn  viême  sujet.  Le  mouvement  et  le 
repos  sont  incompaiihles  dans  le  même  corps. 
Ce  mot,  ayant  un  sens  relatif,  ne  doit  point  s'em- 
ployer au  singulier  absolument,  et  sans  la  pré- 
position avec.  Pour  (ju'il  puisse  élre  employé 
sans  régime ,  il  faut  qu'on  exprime  les  deux 
termes  de  la  relation,  les  deux  choses  qui  ne  peu- 
vent pas  compatir  ensemble.  On  ne  dit  pas  plus 
incompatible  absolument,  tjue  compatible  :  Ces 
deua,  caractères  sont  incompatiiles.  L'amour  de 
Dieu  et  l'amour  des  richesses  sont  incompati- 
hler.  Son  humeur  est  incompatible  avec  celle  de 
son  frère.  Nous  pensons  qu'on  peut  quelquefois 
le  mettre  avant  les  substantifs  auxquels  il  se 
rapporte,  et  qu'on  dirait  bien,  dans  certains  cas: 
Leurs  incompatibles  humeurs.  Voyez  Adjectif. 

*  Incomplaisance  Subst.  f.  Voltaire  a  enq)loyé 
ce  mot  [Dict.  philos.,  au  mot  Impuissance). 
L'Académie  ne  le  met  point.  Il  nous  semble  de 
nature  à  être  adopté. 

Incovplet,  Incomplète.  Adj.  Au  propre,  il  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  recueil  incom- 
plet, un  ouvraçie  incnviplel.  —  Au  figuré,  on 
pourrait  dire:  Cette  incomplète  satisfaction  ne 
éer ait  point  agréée.  \'oyez  Adjectif. 

Incomplexe.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  suhst.  :  Une  grandeur  incom 
ptexc. 

Incompréhensible.  Adj.  des  deux  genres.  On 
peut  le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie 


LNC 

et  l'harmonie  le  permettent  :  Un  homme  incom- 
préhensible. Les  incompréhensibles  voies  de 
Dieu. 

Inconcevable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit 
d'une  manière  absolue  ou  d'une  manière  relative. 
Dans  le  premier  sens,  il  est  synonyme  <\'incom- 
préhensible.  Dans  le  second  on  a  égard  au  cours 
ordinaire  des  choses,  et  c'est  sous  ce  point  de 
vue  qu'on  dit  d'une  chose  (ju'elle  est  inconceva- 
ble. Par  exemple,  si  un  honmie  fait  une  action 
qui  le  déshonore,  qui  renverse  sa  fortune,  qui 
soit  contraire  à  ses  penchants,  en  un  m.ol,  dans 
laquelle  on  n'aperçoive  rien  (jui  ait  pu  l'annon- 
cer ou  la  faire  prévoir,  on  dit  qu'elle  est  inconce- 
vable.—  /?jcoHccraiZe  est  encore  une  expression 
d'exagération,  comme  nous  en  avons  une  inlinilé 
d'autres  qui  ont  perdu  toute  leur  énergie  par  l'ap- 
plication qu'on  en  fait  dans  des  circonstances 
puériles  et  communes.  Ainsi  nous  disons  d'un 
poêle,  qu'il  a  une  peine  ou  une  facilité  inconce- 
vable à  faire  des  vers.  —  Cet  adj.  peut  se  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'harmonie  et  l'a- 
nalogie :  Oest  une  étourderie  inconcevable^  c^est 
une  incnjicevable  étourderie. 

Il  régit  quelquefois  la  préposition  à  :  Cela  est 
inconcevable  à  des  esprits  bornés. 

Inconciliable.  Adj.  des  deux  genres.  Au  sin- 
gulier, il  exige  la  préposition  avec:  Il  est  incon- 
ciliable avec  son  frère.  Ce  fait  est  inconciliable 
avec  les  principes,  L'Académie  ne  le  met  point 
avec  celle  construction.  Au  pluriel,  les  deux  ter- 
mes de  la  relation  étant  exprimés,  la  préposition 
avec  devient  inutile  :  Des  maximes  inconcilia- 
bles,  des  faits  inconciliables;  on  sous-enlend 
entre  elles,  entre  eux. — On  pourrait  quelquefois, 
dans  ce  sens,  le  mettre  avant  les  substantifs  (ju'il 
modifie:  Ces  inconciliables  înaxime-  nepeitvei.t 
être  adoptées.  Voyez  Incompatible. 

Incongru,  Incongrue.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Une  façon  de  parler  incongrue 
Une  réponse  incongrue. 

Incongrdment.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Il  a  parlé  incongrûment. 

Inconno,  Inconnue.  Adj.  Il  ne  se  dit  point  des 
choses  qu'on  ne  connaît  point;  car  on  ne  dit  rien 
de  ce  qu'on  ne  connaît  pas,  mais  des  choses  qu'on 
connaît  et  des  qualités  qu'on  y  soupçonne.  Ainsi 
nous  voyons  dos  effets  dans  la  nature;  nous  ne 
doutons  point  qu'ils  ne  soient  liés,  mais  la  liaison 
nous  en  est  inconnue.  Nous  voyons  agir  un  de 
nos  semblables,  nous  lui  supposons  un  motif  bon 
ou  mauvais,  mais  il  nous  est  inconnu.  L'épilhète 
inconnu  se  joint  toujours  à  quelque  chose  qu'on 
connaît.- — Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  homme  inconnu,  des  terres  inconnues.  Il  ré- 
git quelquefois  la  préposition  à  :  L'ennui,  qui  dé- 
vore les  autres  hommes,  est  inconnu  à  ceux  qui 
savent  s'occuper  par  quelque  lecture  (Fénclon, 
Télémaque,  liv.  VII,  670.) 

Inconséquence.  Subst.  f.  Y o^ez  Incoîiséquent. 

Inconséquent,  Inconséqdente.  Adj.  Il  y  a  in- 
conséquence dans  les  idées,  dans  les  discours  et 
dans  les  actions.  Si  un  homme  conclut  de  ce  qu'il 
pense  ou  de  ce  qu'il  énonce  le  contraire  de  ce 
qu'il  devrait  faire,  il  est  inconséquent  dans  son 
discours  et  dans  ses  idées.  S'il  tient  une  conduite 
contraire  à  celle  qu'il  a  déjà  tenue,  ou  contraire 
à  ses  inlérêis,  il  est  inconséquent  dans  ses  actions. 
11  y  a  encore  une  troisième  inconséquence,  c'est 
celle  des  pensées  et  des  actions,  et  c'est  la  plus 
commune.  Il  y  a  mille  fois  plus  d'inconséquences 
dans  la  vie  ipie  dans  lec  jugements.  Il  ne  faut  ce- 
pendant pas  dire  d'un  homme  qui  tremble  dans 


INC 

les  ténèbres,  et  qui  ne  croit  point  aux  revenants, 
qu'il  est  inconséquent.  Sa  frayeur  n'esl  pas  libre; 
c'est  un  mouveiuenl  habituel  dans  ses  organes 
qu'il  ne  peut  empêcher,  et  contre  lequel  la  raison 
réclame  iuulileuient.  On  peut  niellre  cet  adjectif 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Un  raisonnement  inconséquent,  une  con- 
duite inconséquente;  cette  inconséquente  con- 
duite, cet  inconséquent  procédé. 

Inconsidéré,  Inconsidérée.  Adj.  Il  se  dit  ou  des 
actions  ou  des  discours,  lorsqu'on  n'en  a  pas 
pesé  les  conséquencas  :  On  se  perd  par  un  pro- 
pos inconsidéré,  on  s^embarrassc  par  une  pro- 
messe inconsidérée,  on  se  ruine  pa,  xine  largesse 
inconsidérée.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Hcmrne  inconsidéré,  action  inconsidérée,  dis- 
tours inconsidéré. 

Inconsidéeément.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  ;  //  a  agi  inconsidérément. 

*  Inconsistance.  Subst.  f.  Mot  nouveau  peu 
usité.  L'inconsistance  des  idées,  du  caractère, 
dit  La  Harpe,  V inconsistance  d'un  ministre, 
d'un  gouvernement,  sont  des  expressions  très- 
claires  :  elles  présentent  avec  précision  ce  qu'il 
faudrait  appeler  autrement  le  défaut  de  consis- 
tance. Il  y  a  tout  a  gagner  pour  l'élégaDce  du 
style. 

Inconsol.\ble.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  homme  inconso- 
lable, une  femme  inconsolable.  Il  est  inconsola- 
ble de  cette  mort.  Vimage  de  mon  inconsolable 
ami  était  toujours  présente  à  ma  pensée.  Voyez 
Adjectif 

*  Inconsolé,  Inconsolée.  Adj.  Mot  nouveau 
qui  est  peu  usité.  Nous  avons  inconsolable,  dit 
La  Harpe;  inconsolé  peut  être  utile,  surtout  en 
poésie,  parce  qu'il  est  sonore  Ne  dirait-on  pas 
bien,  même  ei:  prose  :  Cette  femme,  abandonnée 
de  tout  le  monde,  géinit  inconsolée  dans  la  re- 
traite obscure  où,  ses  malheurs  l'ont  forcée  de  se 
cacher  ? 

I.^coNSTANT ,  Inconstante.  Adj.  On  le  met 
souvent  avant  son  subst.  :  Unhomme  inconstant, 
une  femme  inconstante  ;  la  fortune  inconstante, 
l'inconstante  fortune;  lu  renommée  inconstante , 
ïinconstunte  renommée  ;  un  amour  inconstant, 
un  inconstant  amour.  \ oyez  Adjectif. 

Incontestable.  Adj.  des  deux  genres.  H  ne  se 
dit  que  des  choses,  cl  peut  se  mettre  avant  son 
subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent :  Une  vérité  incontestable,  un  principe 
incontestable,  un  fait  incontestable ,  cette  incon- 
testable vérité.  Voyez  Adjectif. 

Incontestablement.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  vous  a  in- 
contestablement  trompé. 

iKCONxnENT,  Incontinente.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  san  subst.  :  Un  homme  incontinent. 

Incontinent.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  ;  Je  lui  ai  parlé  in- 
continent, je  lui  ai  incontinent  parlé  de  son  af- 
faire. 

Incobporel,  Incorporelle.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  pcrinellent  :  Substance  incorpo- 
relle. Cette  incurporeUe  stihstance.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Incorrect,  Incorrecte.  Adj.  Si  le  style  s'écarte 
souvent  des  lois  de  la  grammaire,  on  dit  qu'il  est 
incorrect,  qu'il  est  plein  d'incorrections.  Si  une 
figure  dessinée  pèche  contre  les  proportions  re- 
çues, on  dit  qu'elle  est  incorrecte.  Le  reproche 


INC 


387 


d'incorrection  suppose  un  modèle  connu  auquel 
on  compare  l'imitation.  On  peut  mellre  cet  adj. 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  cl  l'hannonie 
le  permettent  :  Style  incorrect,  ouvrage  incor- 
rect, auteur  incorrect.  Oscrez-vous  faire  impri- 
mer cette  incorrecte  rapsodie? 

Incorrigible.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  meltreavanl  son  subst.,  en  consuUant  l'analogie 
et  l'harmonie  :  Un  défaut  incorrigible,  un  incor- 
rigible défaut. 

Incorruptible.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  nicilrc  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  cl 
l'harmonie  le  pcrmollent  :  Juge  incorruptible, 
■magistrat  incorruptible ,  vertu  incorruptible  , 
probité  incorruptible .  Cet  incorruptible  magis- 
trat,cette  incorruptible  probité.  \  oyez  Adjectif. 

Incrédule.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
1:  Jttie  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
riianuonie  le  porinettent  :  Un  ho?nme  incrédule, 
un  esprit  incrédule  ;  ces  incrédules  esprits  refu- 
sent de  se  soumettre  aux  décisions  de  l'Église. 
Voyez  Adjectif.  On  l'emploie  aussi  substantive- 
ment :  Un  incrédule. 

Incroyable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Une  chose  incroyable,  une  merveille 
incroyable.  Il  nous  raconte  d'incroyables  mer- 
veilles. 

Inculte.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne  le  mci. 
qu'après  son  subst.  :  Une  terre  inculte, —  Un  es- 
prit inculte,  des  mœurs  incultes. 

L'Académie  ne  dit  ce  mot  que  de  l'esprit,  des 
mœurs,  du  naturel,  et  Féraud  pense  qu'il  ne  se 
dit  point  des  personnes.  Cependant  Bourdaloue  a 
dit  :  Car  il  n'était  pas,  si  j'ose  me  servir  de  ce 
terme,  de  ces  héros  incultes  qui  de  labravoure  se 
font  un  droit  d'ig norancc pour  tout  le  reste.  [Orai- 
son fun.  de  Louis  de  Bourbon,  prince  de  Conde.) 
On  lit  aussi  dans  Trévoux,  jeune  homjne  inculte. 
Malgré  Bourdaloue  el  le  Dictionnaire  de  Tré- 
voux, qui  n'est  plus  une  autorité,  on  ne  dit  pas 
un  homme  inculte,  une  femme  inculte. 

Inculte  ne  peut  se  joindre  qu'à  des  mots  qui 
ont  une  analogie  étroite  avec  la  culture,  c'est-à- 
dire  avec  la  préparation  nécessaire  pour  pro- 
duire, ou  pour  bien  iiroduire:  Une  terre  inculte, 
une  vigne  inculte,  qui  n'esl  pas  disposée,  prépa- 
rée pour  produire.  Riais  quoiqu'on  dise  cultiver 
une  fleur,  Cl  lu  culture  des  fleurs,  on  ne  dit  pas 
une  fleur  inculte,  parce  qu'on  ne  dispose  pas, 
qu'on  ne  prépare  pas  une  fleur  pour  produire 
une  fleur.  De  uièiue,  on  ne  dit  pas  un  homme 
inculte,  parce  qu'on  ne  cultive  pas  un  homme 
dans  le  sens  de  préparation  à  produire,  parce 
que  l'idée  d'homme  est  trop  éloignée  de  l'idée 
du  mot  culture  pris  en  ce  sens.  Mais  on  dit  un 
esprit  inculte,  un  talent  inculte,  etc.,  parce  qu'on 
prépare  l'esprit,  le  talent  à  produire,  et  qu'il  y  a 
une  analogie  étroite  entre  ces  mots  et  celui  de 
culture,  pris  dans  le  scuf  de  préparation. 

Inculture.  Subsl.  f.  Inculture  des  terres^  est 
un  mot  nécessaire,  dit  La  Harpe.  Incultivé  est 
inutile  au  propre  comme  au  figuré,  puisque  nous 
disons  également  des  terrains  incultes,  des  es- 
prits incultes. 

Incurable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peul  le 
inetU'c  avant  son  suiisl.,  en  consuluml  roreille 
et  l'analogie  :  Un  mal  incurable,  une  maladie 
incurable.  —  Un  caractère  incurable,  une  pas- 
sion incurable,  un  défaut  incurable. — Cette  in- 
curable maladie,  cette  incurable  passion,  cet 
incurable  défaut.  Un  incurable  amour.  Voyez 
Adjectif 


588 


IND 


Le  mot  incvralle,  dil  Yoliaire,  n'a  élé  encore 
çnchâssé  dnns  un  vers  que  [wir  l'industrieux 
llacine  [Phèd.,  aci.  I,  se.  m,  13j  : 

D'un  incurable  amour,  rcmcdes  impuissants. 

*  Tncuriedx,  Incdrieuse.  Adj.  Mot  inusité  pro- 
posé par  Mercier.  Il  signifie  qui  n'est  pas  cu- 
rieux :  Coinhien,  et  aux  lois  de  la  religion,  et 
aux  lois  politiques,  se  trouvent  plus  drci/es  et 
aisés  à  mener,  les  esprits  sii/iples  et  iiicurieux, 
que  ces  esprits  survciUanls  et  pédagogues  des 
choses  divines  et  humaines.  (Mont.)  —  Ce  mot 
peut  éire  uiile. 

Indédholillable.  Adj.  des  deux  genres.  On 
peut  le  nielire  avant  son  subst.,  lorsque  l'analo- 
gie et  riiannunic  le  permellcnl  :  Un  point  d'his- 
toire indébrouillahlc,  vne  affaire  indéhrouilla- 
ble.  Je  ne  sais  quel  parti  prendre  dans  cette 
indi'brouillable  aff'aire.  On  mouille  les  l. 

Indécemment.  Adv.  [Owyvownwcindéçament.) 
On  peut  le  uiellrc  entre  1  auxiliaire  et  le  parti- 
cipe :  Agir  indécemmejit.  Il  s'est  indécemment 
comporté  dans  celte  affaire. 

Indécence.  Sulisl.  f.  Ce  mot  n'a  point  de  plu- 
riel lorst]u'il  siL'nilie  le  vice;  il  en  a  un  lorsqu'il 
signifie  des  actions  indécentes  :  Il  a  commis  plu- 
sieurs indécences. 

Indécent,  Indécente.  Adj.  Qui  est  contre  le  de- 
voir, la  bienséance  et  rhonnéleté.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreillo  et 
l'analogie  :  Action  indécente,  discours  indécents, 
conduite  indécente.  Cette  indécente  conduite  lui 
attira  le  hlâine  de  tous  les  hnnnêtes  gens. 

Indéchiffrable.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Écriture  indéchiff[ra- 
ble .  —  Cou duiie  indéchiff'rahle . 

Indécis,  Indécise.  On  ne  le  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  point  indécis. —  Un  homme  indécis. 
Indéclinable.  Ad,,  des  deux  genres.  Tenue  de 
grammaire.  Il  se  dil  des  mots  qui  gardent  dans 
le  discours  une  forme  immuable,  parce  que  l'i- 
dée principale  de  leur  signification  y  est  touj')urs 
^nvisagce  sous  le  même  aspect  Dans  toutes  les 
langues,  les  prépositions,  les  adi -ibes,  les  con- 
jonctions et  les  interjections  sont  indéclinables. 
Dans  la  langue  française,  les  noms  sont  indé- 
clinables :  on  se  sert  de  prépositions  pour  expri- 
mer les  rapports  qui,  dans  d'autres  langues, 
s'exiirimeni  par  différentes  terminaisons  que  l'on 
donne  aux  noms.  Cet  adj.  ne  peut  se  mettre  qu'a- 
prcs  son  subst. 

Indéfini,  Indéfinie.  Adj.  Terme  de  grammaire. 
Il  signifie  la  même  chose  qu'indéterminé,  et  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  On  dit  sens  indéfini. 
Chaque  mot,  dit  Dumarsais,  a  une  certaine 
signification  dans  le  discours  :  autrement  il  ne  si- 
gnifierait rien  ;  mais  ce  sens,  quoique  déterminé, 
c'est-à-dire  quoique  fixé  à  cire  tel,  ne  marque 
pas  toujours  précisément  un  tel  individu,  un  tel 
objet  particulier.  On  appelle  sens  indéterminé  ou 
indéfini  celui  qui  marque  une  idée  vague,  une 
pensée  générale  qu'on  ne  fait  point  tomber  sur 
un  objet  particulier. 

Les  adjectifs  et  les  verbes,  considérés  en  eux- 

inémcs,  n'ont  qu'un  sens  indéfini  par  rapport  à 

l'objet  auquel  leur  signification  est  applicable. 

Gra7id,  durable,  expriment  à  la  vérité  (juclquc 

tre  grand,  quelque  objet  durable;  mais  cet  élie, 

et  objet,  est-ce  un  esprit  ou  un  corps?  est-ce  un 

orps  animé  ou  inanimé?  est-ce  un  homme  ou 

ne  brute?  etc.  La  nature  de  l'être  est  indcfi- 

e,  et  ce  n'est  que  par  des  applications  pariicu- 


IND 

liéres  que  ces  mots  sortiront  de  leur  indétermina- 
tion pour  jirendrc  un  sens  défini,  du  moins  a 
quelques  égards  :  Un  grand  homme,  vne  grande 
entreprise,  un  ouvrage  durable,  une  estime  du- 
rable. Il  en  est  de  même  des  verbes  considérés 
hors  de  toute  application. 

Toute  application  (]ui  n'est  pas  absolument  in- 
dividuelle ou  spécifique  ,  c'est-à-dire  qui  ne 
tombe  pas  précisément  sur  un  individu  ou  sur 
toute  une  espèce,  laisse  toujours  quelque  chose 
d'indéfini  dans  le  sens.  Ainsi,  quand  on  dit  un 
grand  homme,  le  mot^raniest  défini  par  son  ap- 
plication à  l'espèce  humaine;  mais  ce  n'est  pas  à  . 
toute  l'espèce,  ni  à  tel  individu  de  rc<i)éce;  ainsi 
le  sens  demeure  encore  indéfini  à  quelques- 
égards,  quoicju'a  d'autres  il  soit  déterminé. 

Les  nomsappeliatifs  sont  pareillement  indéfinis 
en  eux-mêmes.  Himnnc,  cheval,  agrément,  dési- 
gnent, à  la  vérité,  telle  ou  telle  nature;  mais  si 
l'on  veut  qu'ils  désignent  tel  individu,  ou  la  to- 
talité des  individus  auxquels  cette  nature  i)eut 
convenir,  il  faut  y  ajouter  d'autres  mots  qui  en 
fassent  disparaître  le  sens  indéfini  :  par  exemple, 
cet  homme  est  savant,  l'homme  est  sujet  à  Ver- 
reiir,  etc. 
Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst. 
Indéfiniment.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  //  m'a  promis  indéfiniment. 

Indéfinissable.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne  le 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  homuie  indéfinis- 
sable, un  caractère  indéfinissable. 

Indélébile.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne  se 
peut  effacer.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Caractère  indélébile.  Cet  indélébile  caractère  que 
confère  le  sacrement,  etc. 

Indélibéré,  Indélibéhée.  Adj.  Qui  se  fait  sans 
intention,  sans  examen,  sans  délibération,  pres- 
que machinalement.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  ;  Mouvement  indélibéré,  acte  indélibéré. 
Indemne.  Adj.  des  deux  genres.  Em  se  pro- 
nonce comme  dans  Jérusalem.  11  ne  se  met  point 
avant  son  subst. 

Indemnises,  Indemnité.  Dans  ces  deux  mots, 
on  prononce  c?e?«  comme  dam. 

Indépendamment.  Adv.  Cet  adv.  est  toujours 
suivi  d'un  régime;  de  sorte  qu'on  ne  peut  le  met- 
tre entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Je  vous  ser- 
virai indépendamment  de  tout  événement.  Quel- 
quefois un  le  met  au  commencement  de  la  phrase: 
Indépendauunent  de  tout  ce  qui  pourrait  arri- 
ver, vous  pouvez  compter  sur  moi. 

Indépendant,  Indépendante.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  .  Un  homme  indépen- 
dant, un  esprit  indépendant.— \\  régit  quelque- 
fois la  préposition  de  :  Cela  est  iîidépendant  des 
événements. 

Indestrcctible.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Germe  indestructible,  opinion  in- 
destructible.— Cet  indestructible  germe,  cette  in- 
destructible opinion.  A' oyez  Adjectif. 

Indéterminé,  Indéterminée.  Adj.  On  ne  peut 
le  mettre  qu'après  son  subst.  :  Un  espace  indé- 
terminé, un  temps  indéterminé,  un  nombre  in- 
déterminé. —  Un  homme  ifidéterminé. 

Indéterminément.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Promettre  indélerminément,  il  a  pro- 
mis indéterminémcnt. 

Indévot,  Indévote.  Adj.  On  ne  le  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  indévot,  une  femme  in- 
dévoie. 
Ikdévotement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  la 


wrbc  :  n  a  assisté  à  la  me.ise  indvvctemcnt. 

Index.  Sulisl.  m.  Le  x  se  prononce  fortement. 
("e  mot  ne  clianço  point  au  pluriel  :  Des  index. 

i'.\r"CATEiR.  Siil)Sl.  m.  (pic  Ton  eini)loic  aussi 
a(i)ti':>-:;>_-i:t.  L'.Vcadéinio  ne  dit  point  citm- 
mcnt  il  taui  ^iro  vj.  itL-mn,  mais  il  nous  semble 
(\\\' indicatrice  n'a  rien  lie  conliairc  à  l'analogie 
de  la  langue,  et  qu'on  peut  fort  bien  l'eniployci'. 

Indicatif.  Adj.  (jui  se  prend  aussi  substanli- 
vement.  Terme  de  granunaire  :  Le  mode  indi- 
catif, ou  Vindicatif. 

fsous  avons  dit  à  l'article  F'erbe,  que  l'indica- 
tif est  un  modo  dont  tous  les  temps  aillnncnt  la 
Coexistence  du  sujet  avec  l'attribut  d'une  ma- 
nière positive,  co\umc  je  fais.  Je  faisais,  je  fis, 
Ole;  et  à  l'article  Temps,  nous  avons  fait  coty- 
naitre  tous  les  temps  de  ce  mode. 

Nous  ajouterons  ici  quelques  remarques.  Il  y 
a  des  expressions  qui  veulent  le  verbe  qui  les  suit 
à  l'indicatif,  comme  bien  entendu  que,  a  la 
charge  que,  à  condition  que,  de  même  que,  ainsi 
que,  aussi  bien  que,  autant  que ,  non  plus  que, 
outre  que, parce  que, à  cause  q7te,  attendu  que,  vu 
que,  puisque,  c'est  pour  cela  que,  dans  le  temps 
que,  pendant  que,  tandis  que,  durant  que,  tant 
que,  depuis  que,  dès  que,  aussitôt  que,  à  ce  que, 
à  mesure  que,  peut-être  que,  comme  si,  quand, 
pourquoi,  tant  que. 

11  existe  deux  différences  principales  entre 
l'indicatif  et  le  subjonctif.  La  iiremiére,  c'est 
que  le  subjonctif  n'exprime  l'aflirmation  que 
d'une  manière  indirecte  et  suliordonnce  à  quel- 
ques mots  qui  précèdent;  au  lieu  que  l'indi- 
catif l'exprime  absolument  et  indépendamment 
de  tout  autre  mot  qui  pourrait  précéder.  La  se- 
conde, c'est  que  le  subjonctif  n'a  pas  de  sens  dé- 
terminé lorsiju'ilcst  sépare  de  ce  qui  le  précède; 
au  lieu  que  l'indicatif,  s'il  se  trouve  précédé 
de  quelques  'lots,  n'en  forme  pas  moins,  sansces 
mots,  un  sens  clairet  déterminé,  et  par  consé- 
quent une  affirmation  directe. 

C'est  une  règle  certaine  que  dans  deux  phra- 
ses dont  l'une  est  principale  et  l'autre  subordon- 
née, le  verbe  de  la  proposition  subordonnée  doit 
se  mettre  a  l'indica;if  (juand  le  verbe  de  la  pro- 
position principale  exprime  l'affirmation  d'une 
manière  directe ,  positive  et  indépendante  ;  et 
qu'il  doit  se  mettre  au  subjonctif  (juand  le  verbe 
de  la  proposition  principale  n'exprime  pas  l'af- 
firmation de  cette  manière.  —  On  dira  donc,  en 
faisant  usage  de  l'indicatif,  je  crois  qu'il  ne  \)c\\\. 
y  avoir  d'amitiébien  sincère  entre  les  personnes 
qui  ne  sont  pas  vertueuses.  Je  cherche  quel- 
qu'un qui  m'ai  rendu  service,  et  à  qui  je  veux 
témoir;/ter  ma  reconnaissance.  Je  savais  bien 
que  Vdus  avez  étudié  les  mathématiques,  parce 
que,  dans  chacune  de  ces  phrases,  le  verbe  de 
la  proposition  principale  exprime  l'affirmation 
d'une  manière  directe  et  positive.  —  Mais  on 
dira  atec  le  subjonctif,  je  suis  surpris  ou  éton- 
né que  les  chrétiens  ne  soient  pas  plur  respec- 
tueux dans  les  églises.  Je  cherche  quelq-^un 
qui  N'euille  bien  m'obliger.  Montrez-moi  quel- 
qu'un qui  se  dise  parfaitement  heureux.  Je 
veux  épouser  une  femme  qui  ait  plus  de  vertu 
que  de  beauté,  parce  qu'ici  le  verbe  de  la  propo- 
sition principale  n'exprime  pas  l'affirmation  d'une 
manière  directe  et  positive. 

C'est  d'après  cette  règle  que  Voltaire  a  criti- 
qué ce  vers  de  Corneille  {Menteur,  act.  I, 
se.  IV,  12)  : 

La  phij  belle  des  deux,  je  crois  que  ca  toit  l'autre. 


IM» 


389 


. >  -;foi>  qvp.  ce sni,  dit-il,  e?t  ime  fai-ia  -iî  ;n<m' 
•J)fr.T-r  Ji  trots  -itciU  ww-.  oiic-s-.;  ii-jsiiiv.:.  ',;.ii=:!j 
rmdica;/!".  iMai.'i  p.urquui  dit-or.,  jo  crois  quelle 
est  aimable,  qu'illc  a  de  l'espril^  et  croyez-vous 
qu'elle  SOi\.  aimable,  qu'elle  ait  de  l'esprit  J  1,'est 
que  croyez-vous  n'est  point  positif.  Cmyez- 
vous  exprime  le  doute  de  celui  (pii^  interroge.  Je 
suis  sûr  qu'il  vous  satisfera.  J£lcs-vous  sur 
qu'il  vous  satisfasse?  (  Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

Il  en  est  de  même  de  je  no  crois  pas  qu'elle 
soit  aimable.  Je  ne  crois  pa.^  marque  un  doute. 

—  On  peut  dire  également  bien  je  veux  éjiKise. 
une  femme  qui  a  plus  de  vertu  que  de  becifé, 
ou  je  veux  épouser  une  femme  qui  ait  plu.  ■J,'' 
vertu  que  de  beauté.  Mais  dans  le  premier  -.'i-Si, 
l'affirmation  est  positive;  c'est  une  certaine  ferji'.W; 
déterminée  que  j'ai  vue;  dans  le  second,  i.'esl 
telle  ou  telle  femme  tiui  aura  les  qualités  ;;"u_c  JG 
désire. 

L^niciELç..  Adj.  des  deux  genres.  Il  "i».  se  me' 
qu'apr'^ijSJ^  siibst.  :  Joie  indicible,  <'uieurin 
dicibl  •   Z'iaisir  indicible. 

IW     '/ÉRKMMENT.   Adv.    On    '].''.■ --UCC  ùtiè^é' 

ravin  ..>  t.  Tl  ne  se  met  (ju'apro.^  [t.  verbe  :  OfA'h 
reçu  ir-     fféremment. 

T^niFr.   "ÎENT,  ^■^■nMFF.EES"J.    Adj.  Il   UC  Se  m»-. 

qu'après  3.:..'.  •■'•:"ci>:..  ;  Sncix  indifférent,  action:, 
indifférentes ,  humeur  indifférente,  air  indiffé- 
rent, œil  indi0.rent.  Voyez  hidolence. 

Indigent,  Indigente.  Adj.  (jui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  indigent,  une  femme 
indigente.  Vollaii-e  a  employé  ce  mot  dans  un 
sens  (]ui  ne  se  trouve  point  dans  le  Dictionnaire 
de  V Académie  :  F'oilù  pourquoi  toute  traduction 
d'un poëte grec  est  toujours  faible,  sèche  et  in- 
digente. 

Indigeste.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit  d'un 
aliment  incapable  d'être  digéré,  et  qui  serait  par 
conséquent  plus  proprement  appelé  indigestible 
ou  indigérahle.  Un  pareil  aliment  est  encore  ap- 
pelé, dans  le  langage  ordinaire,  lourd  ,  pesant. 

—  Ce  mot  ne  se  plcnd  [loint  à  la  rigueur  et  dans 
un  sens  absolu,  parce  que  les  matières  absolu- 
ment incapables  d'être  digérées  sont  rejelées  de 
la  classe  des  aliments,  lors  même  (^l'elles  con- 
tiennent une  substance  nutritive.  Ainsi,  comme 
on  ne  s'avise  point  de  manger  les  os  durs ,  les 
cornes,  les  poils,  les  racines  ligneuses,  on  ne 
peut  pas  dire  que  les  choses  de  cet  ordre  soient 
indigestes.  On  entend  donc  par  un  aliment  indi- 
geste, un  aliment  de  difficile  digestion.  — Il  n'y 
a  point  d'aliment  généralement  et  absolument  in- 
digeste, c'est-à-dire  dont  la  digestion  soit  diffi- 
cile pour  tous  les  sujets.  Un  aliment  indigeste 
est  donc  celui  qui  est  difficilement  diLérc  parle 
plus  grand  nombre  de  sujets  sains,  ou  par  un 
ordre  entier  de  sujets  sains.  —  Cet  adjectif  ne 
se  met  qu'après  son  subst. 

Indigestion.  Subst.  f.  7Y  conserve  sa  pronon- 
ciation naturelle.  C'est  une  incommodité  ou  une 
maladie  quehiuefois  très-grave,  dont  la  cause 
évidente  est  la  présence  des  aliments  non  digérés 
dans  l'estomac. 

Indignation.  Subst.  f.  Lc^îj  est  mouillé.  Sen- 
timent mêlé  de  mépris  et  de  colère  (lue  ccrtainer 
injustices  inattendues  excitent  en  nous.  L'indi- 
gnation approuve  la  vengeance,  mais  n'y  conduit 
pas.  La  colère  pas?e;  ïindignation,\)\n'i  réfléchie, 
dure;  elle  nous  éloigne  de  l'indigne.  L'indigna- 
tion est  muette;  c'est  moins  par  le  propos  que 
par  les  mouvements  qu'efie  se  montre.  Elle  ne 
transporte  pas,  elle  gcnfle;  il  est  rare  qu'elle  soit 


590 


IND 


injuste  :  nous  sommes  souvent  indignes  d'un 
mauvais  procédé  dont  nous  no  sommes* pas  l'ob- 
jet. Une  âme  délicate  s'indigne  quciqucfuis  des 
obstacles  (ju'on  lui  oppose,  des  motifs  (ju'on  lui 
croit,  des  rivaux  qu'on  lui  doiuie,  îles  récom- 
penses qu'on  lui  promet,  des  élnges  (]ii'on  lui 
adresse,  des  prélVreiices  mêmes  (pi'on  lui  ac- 
corde ;  en  un  mot,  de  tout  ce  qui  iiiar(]ue  «{u'on 
n'a  pas  d'elle  reslimc  qu'elle  croit  mériter. 

Immgne.  Adj.  des  deux  genres.  Le  gn  est 
mouillé.  Il  ne  se  prend  qu'en  mauvaise  part.  On 
est  indigne  du  bien  cl  non  pas  du  mal.  On  dit 
il  est  indigne  de  ros  hontes  ;  mais  on  ne  dirait 
pas  il  est  indigne  de  punition.   A  oyez  Digne. 

Cet  adjectif  peut  se  mettre  avant  son  subst. , 
dans  le  sens  de  méchant,  odieux  :  Une  action 
indigne,  vu  traitement  indigne;  cet  indigne 
traitement;  une  conduite  indigne,  cette  indigne 
conduite.  Voyez  jddjectif. 

Indigné,  Indignée.  Part,  passé  du  v.  indigner. 
On  mouille  le^re. 

Vous  me  donnez  des  noms  qui  doivent  me  surprendre. 
Madame;  on  ne  m'a  point  instruite  à  les  entendre  ; 
Elles  dieux, contre  moi  des  longtemps  indignés, 
A  mon  oreille  encor  les  avaient  épargnés. 

(Uac,  Iphig.,  act.  II,  se.  V,  4o.) 

Indignés  est  ici  pour  irrités.  C'est  une  sorte  de 
tournure  empruntée  des  Italiens,  qui  se  servent 
souvent  du  mot  sdcgno  pour  ressentiment.  (Lu- 
neau  de  Boisjermain.) 

Indigne)iem.  Adv.  Le  gn  se  mouille.  On  peut 
le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe:  On  Va 
maltraité  indignement,  on  l'a  indignejnent 
maltraité.  En  vers,  on  le  met  quelquefois  avant 
le  verbe  ; 

0  combien  de  héros  incîi'jnemenj  périrent  ! 

(Volt.,  Henr.,  II,  273.) 

IsDicNER.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  On  mouille  le 
gn.  S'indigner  peut  se  construire  avec  un  nom 
précédé  de  la  préposition  de  : 

Ils  luttent  en  grondant,  ils  s'indignent  du  frein. 

(Delil.,  Énéid.,  I,  9i.) 

Indignité.  Subsl.  f.  Ou  mouille  le  gn.  Dans 
le  sens  d'affront,  on  lui  donne  un  pluriel  :  On 
lui  a  fait  mille  indignités.  Dans  les  autres  sens 
il  ne  se  met  (ju'au  singulier. 

Indirect,  Indirf.cte.  Adj.  On  dit  en  physique, 
v,n  mouveinent  indirect.  —  Au  figuré,  moyen 
indirect,  voies  indirectes ,  vues  indirectes .  Il  ne 
faut  pas  confondre  indirect  avec  oblique.  Obli- 
que se  prend  toujours  en  mauvaise  part.  Indi- 
rect ne  se  prend  ni  en  bonne  ni  en  mauvaise 
part.  Parvenir  à  un  emploi  par  de?  voies  indi- 
rectes, n'est  pas  y  parvenir  par  des  voies  obli- 
ques et  illicites.  Il  ne  se  met  ordinairement  qu'a- 
près son  subst. 

Indirectemekt.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'étaii  ùidirec- 
tement  adressé  à  moi. 

Indisciplinable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  meure  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
rharmonic  le  permettent  :  Un  enfant  indisci- 
plinable, une  armée  indisciplinable  ;  son  indis- 
ciplinable armée.  Voyez  Adjectif. 

Indiscipliné,  Indisciplinée.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Soldats  indisciplinés. 
Troupes  indisciplinées. 

Indiscret,  Indiscrète.  Adj.  Il  se  dit  de  celui 
qui  révèle  une  chose  confiée.  L'homme  qui  sait 


IND 

penser,  parler,  et  prévoir  les  suites  de  ses  paroles, 
n'est  [las  indiscret.  Par  un  excès  de  conlianse 
on  ouvre  son  cœur  à  des  indifférents,  on  répand 
son  àme  devant  eux  ;  c'est  une  faiblesse  à  la- 
quelle ou  est  entraîné  par  l'inexpérience  et  par  la 
peine.  La  iieine  cherche  à  se  soulager,  l'inexpé- 
rience nous  dérube  le  danger  de  notre  franchise. 
Les  malheureux  et  les  "enfants  sont  presque 
tous  indiscrets.  Un  geste,  un  regard,  un  mot, 
le  silence  même  est  indiscret.  La  vanité  rend 
indiscret.  — Vindiscrélion  w'QSi  pas  seulement 
relative  à  la  confiance,  elle  s'élcnd.a  d'autres 
objets.  On  dit  d'un  zèle  (ju'il  est  indiscret; 
d'une  action,  qu'elle  est  indiscrète,  etc.  — En 
parlant  des  choses,  on  [)eut  le  mettre  avant  son 
subst,  si  l'harmonie  et  l'ar.alogie  le  permettent: 
Un  homme  indiscret,  une  femme  indiscrète.  — 
Un  geste  indiscret ,  hjj  regard  indiscret,  un 
mot  indiscret,  un  zèle  indiscret,  une  demande 
indiscrète,  une  curiosité  indiscrète,  un  trouble 
indiscret.  Une  indiscrète  demxinde,  une  indis- 
crète curiosité. 

Indiscrètement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  cl  le  participe  :  R  a  agi  indiscrète- 
ment, yous  avez  indiscrètement  agi  dans  cette 
occasion. 

Indiscrétion.  Subst.  L  Quand  il  signifie  le 
vice  de  l'indiscret,  il  n'a  ])oint  de  pluriel  :  Leur 
indiscrétion  leur  fera  du  tort.  Quand  il  se  prend 
pour  les  effets  du  vice,  il  prend  un  pluriel  : 
Cornmettre  une  indiscrétion.  Il  a  commis  plu- 
sieurs indiscrétions.  Voyez  Indiscret. 

Indispensable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  devoir  indispen- 
sable, un  engagement  indispensable,  une  affaire 
indispensable.  —  C'est  pour  tous  un  indispen- 
sable devoir.  L'indispensable  loi  du  trépas. 
Voyez  Jdjectif. 

Indisfensablement.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  y  est  engagé 
indispensablement,  OU  U  y  est  indispensablemcnt 
engagé. 

Indisposé,  Indisposée.  Adj.  Qui  ne  jouit  pas 
de  toute  sa  santé,  dont  le  corps  a  souffert  quel- 
(jue  dérangement  léger.  —  Ce  mot  a  encore  une 
autre  acception.  Il  se  dit,  au  moral,  d'un  élat  de 
l'àme  dans  lequel  les  hommes  répugnent  à  faire 
ce  que  nous  désironr  d'eux.  Nous  les  plaçons 
nous-mêmes  dans  cet  étal  par  maladresse,  ou  les 
autres  le2  y  placent  par  méchanceté. 

Indispctable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peu. 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Des  droits  indiscutables  ;  tels  sont 
les  indisputables  droits  que  je  réclame.  Voyez 
Adjectif. 

Indissoldble.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Des  nœuds  indissohibl/s,  cCin- 
dissolubles  nœuds  ;  une  union  indissoluble,  une 
indissoluble  union;  un  attachement  indisso- 
luble, un  indissoluble  attachement.  Voyez  Adr- 
jectif. 

Indissolublement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  cl  le  participe  :  Ils  sont  unis  indisso' 
lublement,  ils  sont  indissolublement  unis. 

Indistinct,  Indistincte.  Adj.  Dont  toutes  les 
pallies  no  se  séparent  pas  bien  les  unes  des  autres, 
et  ne  font  pas  une  sensation  claire  cl  neite.  On 
dit  que  la  mémoire  ne  nous  laisse  quelquefois  des 
choses  éloignées  que  des  notions  indistinctes  ; 
mais  qu'est-ce  que  cela  signifie?  Que  nous  nous 
rappelons  seulement  quelques  circonstances  d'ua 


IND 

fait  qui  restent  isolées,  faute  d':iulirs  circonstances  j 
dont  le  souvenir  est  i'ff;iCf.  Il  en  est  de  même  des 
images  indistinctes  que  le  sommeil  nous  pré- 
sente, et  des  objets  nue  nous  n'iiperccvons  ([ue 
dans  un  trop  grand  cloignement.  Les  figures  se 
séparent;  l'ensemble  qu'elles  formaient  disparait, 
et  nous  n'en  pouvons  plus  juger;  c'est  une  ma- 
chine dosassembléc  et  ;i  liqueUe  il  mamiuecnctirc 
des  pièces.  —  Cet  adjectif  ne  se  met  guc-re  qu'a- 
près son  subst.  :  Des  notions  indistinctes,  des 
images  indistiiictes. 

Indistii^ctement.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  parlicipe  :  On  a  reçu  indistinc- 
tement tous  ceux  qui  se  sont  présentés.  On  a  , 
indistinctement  reçu  tout  ce  qui  s'est  présente. 

Individdel,  Individuelle.  Adj.  Il  ne  peut  se 
mettre  qu'après  son  subst.  :  Qualité  individuelle, 
différence  indiriduelle. 

ISDIVIPLELLESIENT.     Adv.     Il     SC     mCt    OprcS    Ic 

verbe. 

Indivisible.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorscpie  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  point  indivisible, 
un  atome  indivisible.  Cet  indivisible  atome. 

Indivisiblement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  parlicipe  :  Ils  sont  u?iis  indi- 
vistblement,  ils  sont  in  divisible  ment  unis. 

Indocile.  Adj.  des  deux  genres.  Indocilité. 
Subst.  f.  Ils  se  disent  Tun  et  l'autre  de 
l'animal  qui  se  refuse  à  l'instruction,  ou  qui 
plus  généralement  suit  la  liberté  que^  la  na- 
ture lui  a  donnée,  et  répugne  à  s'en  dé- 
partir. Les  peuples  sauvages  sont  dun  naturel 
indocile.  Si  nous  ne  brisions  de  très-bonne 
heure  la  volonté  des  enfants,  nous  les  trou- 
verions tous  indociles  lorsqu'il  s'agirait  de  les 
apidiqucr  à  quelque  occupation.  Vindi<cilité 
naît  ou  de  l'opiniâtreté,  ou  de  l'orgueil,  ou  de  la 
sottise  ;  c'est  ou  un  vice  de  l'esprit  qui  n'aperçoit 
pas  l'avantage  de  l'instruction,  ou  une  férocité  de 
cœur  qui  la  rejette. — Eu  prose,  l'adjectif  iwc^i^ctVe 
se  met  ordinairement  après  son  subst.  :  Un  en- 
fant indocile,  un  caractère  indocile,  un  esprit 
indocile.  — On  dit  indocile  au  joug,  aux  règles, 
av-x  leçons. 

Boss'uet  a  employé  ce  mot  dans  un  sens  que 
l'on  ne  trouve  point  dans  les  dictionnaires:  «La 
reine  régente  témoigne  au  prince  de  Condé, 
qui  venait  de  vaincre  à  Rocroi,  que  le  roi  était 
content  de  ses  services.  C'est  dans  la  bouche  du 
scurerain  la  digne  récompense  de  ses  travaux. 
Si  les  autres  osaient  le  louer,  il  repoussait  leurs 
louanges  comme  des  offenses,  et  indocile  à  la 
flatterie,  il  en  craignait  jusqu'à  l'apparence.  » 
{jOraison  funèbre  du  prince  de  Conde,  p.  21)4.) 

On  se  rappelle  le  vers  d'Horace  (lib.  I,  od.  i, 
18): 

Indoeilis  paupericm  pati. 

Mais  l'orateur  français  est  ici  supérieur  au 
poëte  latin  dont  il  a  emprunté  l'expression. 
(Mercier.) 

La  langue  française  pourrait  être  enrichie  de 
cette  acception  du  mot  indocile 

On  ne  dit  pas  indocile  d  une  personne. 

Indolence.  Subst.  f.  C'est  une  privation  de 
sensibilité  morale.  L'homme  indolent  n'csl  touché 
ni  de  la  gloire,  ni  de  la  réputation,  ni  de  la  for- 
tune, ni  des  nœuds  du  sang,  ni  de  l'amitié,  ni  de 
l'amour,  ni  des  arts,  ni  de  la  nature;  il  jouit  de 
son  repos  qu'il  aime,  et  c'est  ce  qui  le  dislingue 
de  Vindi/fërent,  qui  peut  avoir  de  l'inquiétude, 
de  l'ennui. 


IND 


591 


Indolent,  Indolente.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent:  Un  hinniuo  indnlcnt,  une  femme 
indolente,  un  caractère  indolent,  une  humeur 
indolente.  —  Cet  indolent  caractère,  cette  inda- 
lente  humeur.  \'oyez  Adjectif,  Indolence. 

Indomptable.  Adj.  dos  deux  genres.  L'Acadé- 
mie dit  qu'on  ne  prononce  pomt  le  p.  Féraud 
veut  absolument  qu'on  le  fasse  sentir  dans  la 
prononciation  soutenue;  mais  je  crois  que  cela 
n'a  lieu  que  dans  les  provinces  méridionales.  On 
peut  le  ])lncer  avant  son  subst.,  yjn  consultant 
l'oreille  et  l'analogie  :  Courage  indomptable,  ani- 
mal indomptable,  caractère  indomptable.  Son 
indomptable  courage. 

Indomptable  taureau,  dragon  impétueni:. 

(Rac,  Phéd.,  act.  V,  se.  vi,  3î.) 

Indompté,  Indomptée.  Adj.  On  ne  prononce 
point  le  p.  Voyez  Indo?nptable .  Cet  adj.  ne  peut 
se  mettre  (ju'après  sou  subst.  ;  Un  cheval  in- 
dompté, un  courage  indompté. 

De  Turenne  déjà  la  valeur  indomptée 
Reponssait  de  Nemours  la  troupe  épouvantée. 

(YOLT.,  Ilenr. ,\m,^Oi.) 

iNDn,  Indue.  Adj.  Heure  indue.  Il  no  se  met 
guère  qu'après  son  subst.  L'Académie  dit  indue 
vexation. 

Ikdcbitable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Cest  une  chose  indubitable  ;  tel  est 
V indubitable  effet  de  cette  cause.  Voyez  Adjectif. 

Induction.  Subst.  f.  C'est  une  manière  <ie  rai- 
sonner par  laquelle  on  tire  une  conclusion  géné- 
rale et  conforme  à  ce  qu'on  a  prouvé  dans  tous 
les  cas  particuliers.  Elle  est  fondée  sur  ce  prin- 
cipe reçu  en  logique  :  ce  <iai  se  p^ut  affirmer  ou 
nier  de  chaque  individu  d'une  espèce,  ou  de 
chaque  espèce  d'un  genre,  peut  être  affirmé  ou 
nié  de  toute  l'espèce  et  de  tout  le  genre.  Souvent, 
dans  le  langage  ordinaire,  la  conclusion  seule 
s'appelle  induction.  —  On  confond  souvent  Yin- 
duction  et  V analogie;  mais  l'on  pourrait  et  l'on 
doit  les  distinguer,  en  ce  que  V induction  est  sup- 
posée complète.  Elle  étudie  tous  les  individus 
sans  exception;  dh  "robrasse  tous  les  cas  possi- 
bles sans  en  omettre  un  seul,  et  aïoi^  seulement 
elle  peut  conclure  et  elle  conclut  avec  une  con- 
naissance sure  et  certaine.  Mais  Vana.or]i3  n'est 
qu'une  induction  incomplète  qui  étend  sa  con- 
clusion au  delà  des  p^incip^^C*  -£««  «run  nombre 
d'exemples  observés  conclut  généralement  pour 
toute  l'espèce. 

Indoire.  V.  a.  de  la  4'  conj.  On  dit  induire 
en  erreur,  et  induire  à  erreur;  le  premier  signi- 
fie, tromper  à  dessein;  le  second  signifie,  être 
cause  que  les  autres  se  trompent,  ce  qui  peut  se 
faire  sans  malice.  (Koubaud.) 

Indulgence.  Subst.  f.  Dans  le  sens  de  facilité 
à  excuser  et  à  pardonner  les  défauts,  il  n'a  point 
de  pluriel.— Il  n'en  a  un  qu'en  parlant  des  indul- 
gences de  l'Église  catholique  :  Des  indulgences 
plénières,  la  vente  des  indulgences. 

Indulgent,  Indulgente.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'orcdle  et  l'analo- 
cie  :  Un  père  indulgent,  une  mère  indulgente, 
un  prince  indulgent  ;  cette  indulqente  amie.  On 
ne  dit  pas  un  indulgent  homme.  Voyez  Adjectif. 

On  donne  à  cet  adjectif  les  régimes  à  ci  pour: 
Il  est  indulgent  à  ses  eiifants ,  pour  ses  enfants. 


392 


IND 


Kl  chacun  ponr  soi-même  est  toujours  indulgtnt. 
(BoiL.,  Sat.  IV,  59.) 

Home  lui  sora-l-^lle  indulgente  ou  scTcre  ? 

_-c.,  Bcren.,  acl.  H,  se.  ii,  30.) 

Henri  If^  était  indulgent  à  ses  amix,  à  ses 
serriteurs,  à  ses  maîtresses.  (Volt.,  Ilist.  du 
parlement,  c\\.  xvxvii  )  On  dit  aussi  envers. 

Indult.  Subsl.  11).  On  fnit  sentir  le  t. 

Indimest.  Adv.  On  le  met  entre  l'auxilinirc  et 
le  participe  :  Procéder  indûment,  on  a  indi'tment 
procédé.. 

Industrie.  Subst.  f.  L'Académie  le  définit, 
adresse  à  faire  quclciuc  chose.  Celte  liélinilion 
trop  vague  ne  nous  parait  pas  comprendre  la  si- 
gnilîcation  (jue  Macinc  donne  à  ce  mot  dans  Iphi- 
qénie  (acl.  ],  se.  i,  71 J  : 

Ulysse,  en  apparence,  approuvant  mes  discours, 
De  ce  premier  torrent  laissa  passer  le  cours; 
Mais  bientôt,  rii|ipelant  sa  cruelle  industrie, 
11  me  représenta  l'honneur  etlaflalri* 
Tout  ce  peuple,  etc 

Cette  industrie  d'L'lysse  est  difrérenle  de  celle 
qu'emploie  un  artisan  pour  faire  subsister  sa  fa- 
mille. 

{.'industrie  dans  un  sens  mclapliysique  est 
une  faculté  de  l'àine  dont  l'objet  roule  sur  les 
productions  et  les  oi)érations  mécaniques  qui 
sont  le  fruit  de  l'invenlion,  et  non  |)as  simple- 
ment de  l'iinilalion,  de  l'adresse  et  de  la  routine, 
comme  dans  les  ouvrages  ordinaires  des  artisans. 
Quoique  ^industrie  soit  fille  de  l'invenlion,  elle 
diffère  du  gmU  ou  du  çjénie.  Le  sentiment  exquis 
des  beautés  et  des  défauts  dans  les  arls  constitue 
\^goût;  la  vivacité  des  sentiments,  la  grandeur  et 
la  force  de  l'imagination,  l'acliviié  de  la  concep- 
tion, font  le  génie.  L'imagination  Iramiuille  et 
étendue ,  la  pénétration  aisée ,  la  coiicei)tion 
prompte,  donnent  Vindustrie.  Ceux  qui  sont  fort 
industrieux  n'ont  pas  toujours  un  goût  sur,  ni  un 
génie  élevé.  Je  dis  plus,  àc?,  génies  ordinaires, 
des  génies  peu  propres  à  rechercher,  à  décou- 
vrir, à  saisir  des  idées  abstraites,  peuvent  avoir 
beaucoup  d'industrie.  Ces  trois  facultés  ne  por- 
tent pas  sur  le  même  objet.  Le  gotît  discerne  les 
choses  qui  doivent  exciier  des  sensations  agréa- 
bles. Le  génie,  |iar  ses  itroductions  admirables, 
fournit  des  sensations  ])iquanlcs  et  imprévues; 
mais  ces  sortes  de  sensations,  que  font  naître  le 
génie  ci  iGgoût,  ne  sont  point  l'objet  de  Vindus- 
trie. Elle  ne  tend  (|u'à  découvrir,  à  expliquer,  à 
représenter  les  opérations  mécaniques  de  la  na- 
ture; à  trouver  des  machines  utiles,  ou  à  en  in- 
venter de  curieuses  et  d'intéressantes  par  le  mer- 
veilleux qu'elles  présenteront  à  re,s|)rit.  —  Les 
îacullés  du  goût,  du  génie  et  de  Vindustrie,  exi- 
gent aussi  divers  genres  de  sciences  pour  on  pcr- 
foclionncr  l'exercice.  Ldgoût  se  forlilie  par  l'ha- 
bilude,  par  les  réflexions,  par  l'esprit  philosoplii- 
q\'e,  par  le  commerce  des  gens  de  goi'it.  (^)uoique 
le  génie  soit  un  pur  don  de  la  nature,  il  s'élend 
pa;-  la  connaissance  des  sujets  qu'il  peut  peindre, 
des  beautés  dont  il  peut  les  embellir,  des  carac- 
tcrcs,  des  passions  qu'il  veut  exprimer;  tout  ce 
qui  ;xcile  le  mouveiTient  des  esjjiits,  favorise, 
pro>'oque  et  échauffe  le  génie.  IJindustrie  doit 
être  dirigée  par  la  science  des  propriétés  de  la 
rr.aiicre,  des  lois  des  mouvements  simples  et 
composés,  des  facilités  et  des  difficullés  que  les 
corps  qui  agissent  les  uns  sur  les  autres  peuvent 
apporter  dans  la  communication  de  ces  mouve- 


INE 

menls.  L'industrie  ost  l'ouvracre  d'i:r.  goût  parti- 
culier pour  la  mécanique,  v,.  .i.ioiquefois  de  l'c- 
lud  -  >^.-  •  ^,  temps.  [Encyclopédie.) 

l.Ni)usrRiEisEME>T.  Adv.  On  peut  le  mettre  en- 
tre l'auxiliaire  et  le  participe  :  Travailler  in- 
dustrieusemctit.  Cela  p.<:t  industrieusement  exé- 
cuté, industrieuseinent  travaillé. 

Industhieux,  iNDusTr.iEcsi'..  Adj.  On  peut  quel- 
quefois le  mettre  avant  son  sulist.,  en  consultant 
l'oreille  et  l'analogie  :  Un  homme  industrieux, 
vue  ouvrière  industrieuse ,  un  esprit  indus- 
trieux. Cet  industrieux  ouvrier. 

Le  ciel,  industrieux  dans  sa  triste  Tengeance, 
Avait  à  le  former  épuisé  sa  puissance. 

(Volt.,  OEd.,  act.  I,  se.  i,  43.) 

A'oyez  Adjectif. 

1NÉBRAM.ABLE.  Adj.  dcs  dcux  gGnrcs.  Qui  ne 
peut  être  cbranlé.  Il  s'emploie  au  physique  et  au 
moral.  On  dil,  ce  mur  est  inébranlable  ;  les  va- 
gues frappent  en  vain  les  rochers,  ils  demeurent 
inébranlables.  On  |)eut  le  inelire  avant  son  subsl., 
lors(iue  l'analogie  et  l'harmonie  le  permetlcnt  : 
Un  rocher  inébranlable. —  Un  courage  inébran- 
lable ,  irne  fermeté  inébranlable.  —  Cette  in- 
ébranlable fermeté.  On  le  met  sans  régime  :  C'est 
vn  hnjume  inébrayilable  ;  ou  avec  la  préposition 
à  :  Ce  rocher  est  iiiébranlahle  à  l'impétuosité  des 
vents.  (Acad.)  On  dit  aussi  cire  inébranlable 
dans  ses  résolutioiis.  "\'oyc/.  Adjectif. 

lNÉBr.A>LABi.EMENT.  Adv.  On  pcut  Ic  mettre  en- 
tre l'auxiliaire  et  le  verbe  :  Il  est  inébranlable- 
ment  attaché  et  son  devoir. 

Ineffable.  Adj.  des  deux  genres.  Qu'on  n'en- 
tend point,  dont  on  n'a  nulle  idée,  dont  on  ne 
peut  j)arler.  Il  se  dit  parliculicrement  des  attri- 
buts de  Dieu,  des  mystères  de  la  religion,  des 
douceurs  de  la  vie  fiuuie,  et  de  la  vision  béatifi- 
([ue.— On  peut  le  inellre  avant  son  subsl.,  lorsque 
l'analogie  et  l'harmoiu'c  le  permettent  :  Un  mys- 
tère ineffable,  cet  ineffable  mystère.  Les  ineffa- 
ble s  bontés  de  Dieu.  \oy 07.  Adjectif. 

Ineffaçable.  Adj.  des  deux  gemcs.  Qu'on  ne 
peut  effacer.  11  se  dit  au  pliysi(]ue  et  au  moral  : 
Une  tache  ineffaçable,  vn  caractère  ineffaçable. 
— On  peut  le  mcUie  avant  son  subst.,  en  consul- 
tant l'analogie  et  rharmonie  :  Souvenir  ineffaça- 
ble, des  traits  ineffaçables. — Cet  ineffaçable  sou- 
venir me  poursuivait  san":  cesse.  L'inef/açable 
caractère  imprimé  par  le  sacrement.  A'oyez  Ad- 
jectif. 

Inefficace.  Adj.  des  deux  genres,  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  liemèdc  inefficace. 

Im^gal,  Inégale.  Adj.  Qui  est  plus  grand  ou 
I)lus  petit  qu'un  autre.  11  se  dit  au  physique  et 
au  moral,  des  choses  et  des  personnes.  —  Les 
grandeurs  sont  inégales  ;  les  pieds  de  cette  table 
sont  inégaux.  (Acad.)  Ce  chemin  est  inégal,  c'esl- 
à-dire  «ju'il  n'est  pas  plain  et  uni.  Ils  se  sont 
battus  à  forces  inégales.  Un  homme  d'vn  carac- 
tère inégal.  —  On  peut,  en  vers,  le  incttrc  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie: 
Mouvejnent  inégal.  Deu.T  choses  d'une  grandeur 
inégale.  Style  inégal,  homme  inégal,  esprit  in- 
égal. 

Comment  de  nos  soleils  l'inégale  clarté. 

(Dblil.,  Gcorg.,  II,  577.1 

Voyez  Adjectif. 

INÉGALEMENT.  Adv.  II  nc  sc  met  qu'après  le 
verbe  :  Se  conduire  inégalement,  écrire  inéga^ 
levient 


INE 

*lNKi.tGAMMF.xT.  A(lv.  On  peiit  le  moKre  entre 
l'auxiliaire  el  le  parliciiic  :  Cet  ouvrage  est  in- 
tU-gamiiicnt  écrit.  C'csl  un  mot  que  l'Afadémie 
a  recueilli  dans  rcdilion  de  K9S,  et  qu'elle  n'a 
point  admis  dans  celle  de  1835. 

1>ÉLÉGA>(  i:  Subsl.  f.  Ce  substantif,  dont  Bos- 
suet  a  fait  usage,  el  plusieurs  autres  après  lui.  ne 
se  trouve  point  dans  les  éditions  du  Dictionnaire 
de  l'Académie  qui  ont  précédé  celle  de  1798  : 
L'inélégance  d'une  construction. 

Inélégant,  Inélégante.  Adj.  Mot  cmpl.iyé  de- 
puis longtemps,  mais  que  l'Acadoniie  n'a  recueilli 
que  dans  son  Dictionnaire  de  dTliS.  la  llaipc, 
dans  son  Cours  de  littérature,  rcpr<..'lie  quelque- 
fois à  Voltaire  des  expi'essùms  inèléf;untes.  On 
peut  mettre  cet  adj.  avant  son  suhst.,  lorsiiuc  l'a- 
nalogie et  l'harmonie  le  permettent  :  Ces  inélé- 
gantes expressions  déparent  son  style.  A'oycz 
Adjectif. 

iNÉLiGinLE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Il  est  inéligible. 

INÉNARRA.BLE.  Adj.  dcs  dcux  geurcs.  Expression 
particulière  au  style  mystique.  Cet  adj.  peut  se 
mettre  avant  soii  suhst.,  lorscjuc  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Saint  Paul  vit  des 
choses  inénarrables.  Ces  inénarrables  gémisse- 
ments.  Voyez  .Idjectif. 

Inepte.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'a- 
nalogie :  Un  hovime  inepte.  —  Un  raisonneme nt 
inepte.  Cet  inepte  raisonnement.  Voyez  Adjec- 
tif. 

Ineptie.  Subst.  f.  C'est  l'état  d'une  âme  qui  n'a 
d'aptitude  à  rien.  Elle  est  l'effet  d'une  stupidité 
que  ne  remue  a\icune  passion.  Elle  est  aussi  l'ef- 
fet des  circonstances  (]ui  placent  un  homme  de 
mérite  dans  des  postes  au-dessous  de  lui,  ou  seu- 
lement opposés  à  son  génie. 

Inépuisable.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne  se 
peut  épuiser.  Il  se  dit  au  physique  et  au  moral. 
On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'ana- 
logie et  l'harmonie  le  perineltent  :  Source  inépui- 
sable, sujet  inépuisable,  inépuisable  rnatière.  — 
Les  modernes  puisent  sans  cesse  dans  cette  in- 
épuisable source.  Voyez  Adjectif. 

Inerti:.  Adj.  f.  Matière  inerte,  viasse  inerte. 
On  pourrait  dire,  dans  certains  cas,  cette  inerte 
matière.  \'oycz  Adjectif. 

Inespéré  ,  Inespérée.  Adj.  Fcraud  prétend 
qu'on  ne  peut  le  mettre  qu'après  son  subst.  11 
nous  semble  qu'il  y  a  des  cas  où  l'on  pourrait  dire 
cet  inespéré  bonheur.  \'oyez  Adjectif. 

I.NESPÉRÉMENT.  Adv.  Il  nc  se  dit  que  des  évé- 
nements favorables,  el  ne  se  met  qu'après  le  verbe  : 
//  lui  est  survenu  inespérément  une  succession. 
Jl  est  peu  iisité. 

Lnestuiable.  Adj.  des  deux  genres.  On  dit  in- 
estimable,  mais  ce  n'est  pas  pour  signifier  le  con- 
traire de  son  simple,  dans  le  sens  où  estimable 
signifie  digne  d'être  estimé  ,  comme  dans  un 
homme  est  estimable  par  sa  probité  ;  vne  action 
est  estimable.  Inestimable  signifie  ijui  est  d'une 
si  grande  valeur,  (ju'on  n'en  saurait  iixer  le  prix: 
Ce  diamant  est  d'un  prix  inestimable.  Il  ne  se 
dit  point  des  personnes,  mais  seulement  des  cho- 
ses. On  ne  dit  pas,  ccst  un  homme  inestimable, 
pour  dire,  c'est  un  homme  qui  ne  mérite  point 
d'être  estimé.  Il  y  a  des  cas  où  on  pourrait  le  met- 
tre avant  son  subst.  :  Cet  inestimable  prix.  Voyez 
Adjectif. 

Inévitable.  Adj.  des  deux  genres.  Qu'on  ne 
peut  éviter.  Il  se  dit  do  la  mort,  du  destin,  et  de 
toutes  les  lois  générales  el  communes  de  la  na- 


^NE 


393 


Uire,  auxqtielles  \f\  force  et  l'industrie  ne  peu- 
vent nous  soustraire.  On  le  transporte  par  exagé- 
ration à  d'autres  choses  <\uv  ne  sont  |ias  également 
nécessaires. — On  peut  le  mettre  avant  son  snbst., 
lorsque  l'analoi,'ie  ot  l'harmonie  le  permettent  : 
Malheur  inévitable,  destinée  inévitable  ;  inévi- 
table destinée.  A'oyoz  Adjectif. 

Inexact,  Inexacte.  Adj.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst.  :  Un  copiste  inexact,  une  co- 
pie inexacte. 

Inexcusable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
Micllre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
y^yAosic '.Faute inexcuscdile.  Un  homme  inex- 
cusable. Cette  inexcusable  faute.  Voyez  Adjec- 
tif 

Inexécutable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Une  mv.nque  inexécu- 
table, un  projet  inexécutable.  Comment  avez- 
vouspu  concevoir  cet  inexécutable  projet?  Voyez 
Adjectif. 

Inexorable.  Adj.  des  deux  genres.  L'Académie 
ne  le  dit  «[uc  des  personnes  :  Il  est  inexorable. 
Le  public  est  vn  censeur  inexorable.  —  11  se  dit 
aussi  des  choses  :  Les  lois  sont  inexorables. 

Ma  gloir»  inexorable  à  toute  heure  me  suit. 

(Rac,  Bérén.,  acl.  V,  se.  VI,  32.) 

On  pewt  ïC  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'ana- 
logie et  l'harmonie  le  permettent  ;  Cet  inexorable 
censeur  ne  vous  passera  aucune  7iégligence.  ("et 
adj.  régit  la  préposition  à  :  Saint  Louis  se  rendit 
inexorable  aux  larmes  et  au  repentir  du  bla.^phé- 
7naleur.  (Fléchier.)  Un  homme  inexorable  à  soi- 
7néme  n'est  indulgent  aux  autres  que  par  un 
e.Tcès  de  raison.  (La  Bruyère,  chap.  iv.  Du  cœur, 
p.  260.)  Aurez-vous  le  cœur  assez  dur  pour  être 
inexorable  à  votreroi  et  à  vosplus  tendres  a7nis? 
(Fénel.,  Télém.,  liv.  xiv,  t.  II,  p.  109.) 

Inexorablement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  iiarlicipe  :  Il  a  inexorable  ment 
repoussé  ma  prièi'e. 

Inexpérdienté,  Inexpérimentée.  Adj.  qui  ne 
so  met  qu'ai>rcs  son  subst.  :  Un  ho7nme  inexpé- 
rimenté. Mercier  propose  d'adoiiler  ce  mot  dans 
le  sens  de,  qui  n'a  pas  été  senti,  éprouve,  que  lui 
donne  Montaigne;  mais  nous  avons  inexpéri- 
ynenté,  dfKis  le  sens  de,  qui  n'a  point  d'expérience. 
Tourquoi  détourner  un  mot  d'une  signification 
reçue,  pour  lui  en  donner  une  nouvelle  et  extra- 
ordinaire? Inexpérimenté  en  ce  sens  n'est  pas  ad- 
missible. 

Inexpiable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie:  Cette  inexpiable  faute,  cette  faute 
i7icxpiable.  ^'oycz  Adjectif. 

Inexplicable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  nc  se 
dit  que  des  choses,  et  peut  précéder  son  subst., 
lorsijue  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Difficulté  inexplicable ,  conduite  inexplicable. 
Cette  inexplicable  difficulté,  celte  inexplicable 
conduite.  Aoyez  Adjectif  II  régit  quelquefois  la 
préposition  d.  Massillon  a  dit  :  Ils  sont  une  énig- 
me inexplicable  à  eux-mêmes.  —  L'Académie  re- 
marque que  ce  mot  signifie  quelquefois  incom- 
préhensible, bizarre,  étrange,  el  qu'alors  il  se  dit 
des  personnes  et  des  choses  :  Un  homme,  un  ca- 
ractère bizarre. 

Inexprimable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  quand  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent:  Douleur  inexprimable, 
joie  inexprimable,  reconnaissance  inexprimable. 


394 


INF 


sentiments  inexprimables. — Cette  inexprimable 
douleur.  Vuyez  Adjectif. 

Inexpcoable.  A(Jj.  des  deux  genres.  I.e  ^  se 
prononce  forleinent.  On  peut  le  mettre  ;ivant  son 
subsl.,  en  consultant  r>neillc  et  l'analogie  :  Une 
forteresse  inexpugnable ,  cette  inexpugnable  for- 
teresse. Voyez  Adjectif. 

IrreXTiNGfiBLr:.  Adj.  des  deux  genres.  Gj/ifait 
diphlhongue.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Une  suif  inextinguible,  une  inextinguible  soif. 
Voyez  Adjectif. 

l^EXTRlcâBLE.  Adj.  dcs  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Ce  chaos  inextricable,  cet  inextri- 
cable chaos.  \  oyez  Adjectif. 

Infaillible.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'o- 
reille et  l'analogie  :  Jiègle  infaillible,  succès  ■in- 
faillible, perte  infaillible,  vérité'  infaillible.  Je 
vous  promets  un  infaillible  succès.  On  ne  dirait 
pas  un  infaillible  homme,  une  infaillible  femme. 
A'oyez  Adjectif. 

IxTAiLLiBLEMENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  au 
commencement  de  la  phrase,  et  quelquefois  après 
le  verbe,  mais  jamais  entre  l'auxiliaire  et  le  parti- 
cipe :  Infailliblement  cela  arrivera,  cela  arrivera 
infailliblement. 

Infaisable.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
infesahle.  Cet  adj.  ne  se  met  jamais  avant  son 
jUbst.  :  Une  chose  infaisable. 

I.NFAMANT,  INFAMANTE.  Adj.  Ou  pcut  le  mettre 
ayant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analo- 
gie :  Des  paroles  infamantes,  u  ne  sentence  infa- 
mante ;  cette  infamante  condamnation.  Voyez 
Adjectif. 

Infâme.  Adj.  des  deux  genres  :  Un  homme  in- 
fàvie,  une  action  infâme.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent :   Un  projet  infâme,  cet  in fâme  projet . 

Infatigable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  ;  Un  homme  infatigable,  un  cheval  in- 
fatigable, un  esprit  infatigable;  cette  infatigable 
activité.  Voyez  Adjectif.  Il  régit  la  préposition  à 
avant  les  noms  et  avant  les  verbes  :  Infatigable  à 
■^  course;  infatigable  à  disputer,  à  écrire. — 
Dans  les  exemples  donnes  par  l'Académie,  cet  ad- 
jectif n'est  suivi  d'aucun  régime. 

Infatigablement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  infatigablement 
attaché  au  travail. 

Infécond,  Inféconde.  Adj.  Il  s'emploie  plus 
ordinairement  en  vers  qu'en  prose  :  Terre  infé- 
conde, esprit  infécond,  génie  infécond. 

La  fille  de  Cûrès,  Proserpine,  a  son  tour. 

Stérile  déilé  d'un  slérite  séjour, 

En  hommage  reçoit  une  \ache  inféconde, 

(Delil.,  Enéide,  VI,  325.) 

Il  ne  se  met  guère  qu'après  son  subst. 

Infect,  Infecte.  Adj.  Il  ne  se  dit  qu'au  physi- 
que. On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  con- 
sullanl  l'oreille  et  l'analogie  :  Une  haleine  infecte, 
un  lieu  infect,  air  infect;  d'infectes  vapeurs. 

Infecter.  V.  a.  de  la  l"^'  conj.  11  se  dit  au  phy- 
sique et  au  moral;  au  lieu  qu'infect  ne  se  dit  que 
dans  le  premier  sens  :  Cette  puanteur  a  infecté 
l'air.  Lapeste  a  infecté  toutela  contrée. 

Jusqu'à  quand  souCfrc-t-on  que  ce  peuple  respire, 
Et  d'un  culte  profane  infecte  voire  empire  1 

(lUc,  Eith.,  ad.  m,  se.  I,  t25.) 


INF 

De  qocl  front  cet  ennemi  de  Dion 
Tient-il  infecter  l'air  qu'on  respire  en  ce  lieu? 

(Rjic.,  Àth.,  act.  m,  se.  V,  7.) 

Voilà  comme  infectant  cette  simple  jeunesie. 
Vous  employez  tuiu deux  le  calme  où  Je  tous  laisse. 
[Idem,  acl.  II,  se.  Tii,  83.) 

Il  forma  dans  Paris  celle  Ligue  funeste, 
Quibienlot  de  la  France  infecta  tout  le  reste. 

(Volt.,  Henr.,  III,  91.) 

Il  ne  faut  pas  confondre  ce  mot  avec  infester, 
qui  sign'IJe  piller,  ravager,  et  au  figure,  incom- 
Tnoder,  tourmenter. 

*  Infélicité.  Subst.  f.  Mercier  aurait  voulu 
faire  revivre  cette  expression.  Elle  a  été  admise 
par  Gattcl  et  par  Boiste,  qui  se  contentent  de  re- 
marquer qu'elle  est  peu  usitée.  Les  Latins  disent 
in  félicitas  ;  les  Italiens  in  félicita;  les  Espagnols, 
infelicidad;  les  Portugais,  infelicidade.  Pour- 
quoi, dit-il.  ne  dirions-nous  ^^is,  jusqu'à  présent 
il  n'a  éprouvé  que  de  lin  félicite  dans  plusieurs 
de  ses  projets? — Pourquoi?  C'est  que  i?i  félicité 
signifierait  le  contraire  de  félicité  :  or,  dans  notre 
langue,  félicité  ne  signifie  pas,  comme  en  latin 
félicitas,  bonheur,  prospérité,  mais  l'état  perma- 
nent d'une  âme  contente;  or,  qu'est-ce  que  le 
contraire  de  cet  état?  C'est  l'absence  de  cet  état; 
ce  n'est  pas  un  être  positif,  ce  n'est  rien.  On  ne 
peut  donc  pas  éprouver  de  Vinfélicité.  On 
éprouve  du  malheur,  i)arce  que  le  mot  malheur 
n'indique  pas  seulement  le  contraire  de  bonheur, 
mais  quelque  chose  de  positif  qui  trouble,  qui 
chagrine,  qui  fait  souffrir.  Mais  on  ne  peut  pas 
plus  dire  infélicité,  (\uinbonheur,  qu'inmala- 
die,  etc.  Voyez  In. 

Inférieur  ,  Inférieiire.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Partie  inférieure,  ordre 
inférieur.  Il  est  inférieur  à  l'autre.  Il  régit  aussi 
en  :  Il  lui  est  inférieur  en  science,  en  talents. 

Infériedrement.  Adv.  li  prend  le  inèuie  ré- 
gime que  l'adjectif  :  Z.'w?i  a  écrit  bien  inférieu- 
rement  à  l'autre. 

Infernal,  Infernale.  Adj.  Monstre  infernal, 
furie  infermde,  dieux  infernaux.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Cet  infernal  stratagème,  infernal* 
méchanceté.  \  oyez  Adjectif. 

Infertile.  Adj.  des  deux  genres.  Son  plus 
grand  usage  est  en  poésie,  où  l'on  peut ,  sebn 
les  cas,  le  mettre  avant  son  subst.  Voyez  Adjectif. 

Infester.  V.  a.  de  la  1"^'  conj.  Incomiu.Jer, 
tourmenter,  ravager.  Les  ennemis  infestèrent 
la  frontière.  Les  mers  sont  infestées  de  pirates. 
— Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  infecter.  Voy. 
ce  mot 

Infidèle.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met  avant 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent :  Un  ami  infidèle,  un  infidèle  ami;  une 
épouse  infidèle,  une  infidèle  épouse.  On  ne  dirait 
pas  un  infidèle  homme.  Cet  adj.  régit  quelque- 
fois la  préposition  à  :  Une  femme  infidèle  à  son 
mari.  Une  ville  infidèle  aux  traités.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Infidèlement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Agir  infidèlement. 

Infime.  Adj.  des  deux  genres.  Mercier  pro- 
pose de  rajeunir  ce  mot  :  C'est  une  action  i»- 
fime.  Dans  toutes  ses  actions  ,  il  ne  montre 
qu'un  caractère  infime. — Peu  de  personnes  s'en 
sont  servies. — Il  s'emploie  assez  souvent  aujour- 
d'hui. L'Académie,quirarecueilli  dans  la  dernière 


INF 

édilion  de  son  Dictionnaire,  remarqiic  qu'il  ne  se 
dit  qu'au  ligure. 

Infim,  l>riNiE.  Adj.  L'Etre  in  fini,  puissance 
infinie.  Il  ne  se  met  guère  qu'après  son  subst. 

I.\FiMMKNT.  Adv.  Il  se  wict  après  le  verbe  : 
Iheu  est  infiniment  bon.  Il  est  infiniment  heu- 
reux. Il  sovffre  infiniment.  Il  a  infiniment  d'es- 
pi-it.  —  Infiniment  ne  parait  pas  susceptible  de 
degi'ès  de  comparaison.  Malcbranchc  a  dit  :  Il 
y  a  sans  doute  infiniment  bien  plus  de  plaisir  et 
plus  d'honneur  à  se  conduire  pur  se^-  propres 
yeux  que  par  ceux  des  autres.  On  sent  qu'iw/î- 
niment  est  déplacé  dans  celle  piu-ase. 

Infinité.  Subst.  f.  Quand  ce  mol  réirit  un  nom 
au  pluriel,  le  verbe  doit  se  meltrc  au  pluriel  : 
Une  infinité  de  gens  croient,  et  non  pas  ci'oit.  Il 
en  est  de  même  quand  ce  mol  est  précédé  du 
pronom  en,  parce  i]ue  ce  pronom  exprime  un 
pluriel  :  Il  y  en  avne  infinité  qui  pensent  que... 

Infinité  n'a  pas  ordinairement  de  pluriel,  et 
l'Académie  ne  lui  en  donne  point.  Cependant  il 
est  des  cas  où  le  pluriel  rend  plus  exactement  l'i- 
dée que  l'on  attache  à  ce  mot.  J.-J.  Rousseau  a 
dit  :  //  faut  avoir  combiné  des  infinités  de  rap- 
ports pour  acquérir  des  idées  de  convenance,  de 
proportion,  d'harmonie  et  d'ordre.  Ici  le  pluriel 
rend  beaucoup  mieux  l'idée  de  l'auteur  que  ne 
ferait  le  singulier. 

Infinitif.  A  l'article  f^erbe,  nous  avons  fait 
connaître  la  nature  du  mode  que  l'on  nomme  in- 
finitif. Isous  ajouterons  ici  quelques  observa- 
tions sur  son  emploi. 

L'infinitif  est  employé  comme  les  autres  noms 
abstraits,  et  sert  de  la  môme  manière  et  aux  mê- 
mes fins.  1°  On  l'emploie  comme  sujet  gramma- 
tical ou  logique.  Nous  disons,  mentir  est  un 
crime,  de  même  que,  le  mensonge  est  un  crime, 
sujet  logique  ;  fermer  les  yeux  aux  preuves  écla- 
tantes du  christianisme  est  une  extravagance 
inconcevable,  de  même  que,  l'aveuglement  volon- 
taire sur  les  preuves,  etc.  Ici  fermer  n'est  qu'un 
sujet  grammatical;  fermer  les  yeux  aux  preuves 
éclatantes  du  christianisme  est  le  sujet  lugiiiue. 
2°  L'iiifinilif  est  (luelqucfois  complément  adjectif 
d'un  verbe  relatif.  On  dit,  l'honnête  homme  ne 
sait  pas  mentir,  comme,  l'honnête  homme  ne 
connaît  pas  le  vicnsi  nge.  3°  11  est  souvent  le  com- 
plément logique  ou  grammatical  d'une  préposi- 
tion. On  dif,  la  honte  de  mentir,  comme,  la  tur- 
pitude du,  mensonge  ;  sujet  à  débiter  des  phra- 
ses, comme,  sujet  à  la  fièvre;  sans  déguiser  la 
vérité,  comme  sans  déguisement,  etc. 

Dans  les  phrases  où  il  y  a  plusieurs  verbes  de 
suite,  ceux  qui  sont  iuunédiatemcnt  après  le  pre- 
mier se  mcllent  toujours  à  l'infinitif:  C'est  aux 
mœurs  et  non  au  destin,  qu'il  faut  imputer  les 
crimes.  Il  se  faut  enlr'aidcr,  c'est  la  loi  de  na- 
ture. S'il  est  quelque  remède  aux  maux  qui  nous 
arrivent,  le  courage  et  la  patience  ''■ous  les  fe- 
ront surmonter.  —  Toutefois  cette  .  »î  ne  s'ap- 
plique pas  aux  verbes  auxiliaires,  donv  la  fonction 
est  déterminée  par  des  principes  suffisamment 
établis:  c'est-à-dire,  qu'on  met  au  participe,  et 
non  à  l'infinitif,  le  verbe  qui  suit  l'auxiliaire  : 
f^oilà  ce  que  j'ai  fait.  C'est  ce  qu'ils  m'ont  pro- 
mis. 

Il  est  dans  le  génie  de  la  langue  franç;iise  de 
préférer,  quand  on  le  peut,  le  mode  infinitif  à 
l'indicatif  ou  au  subjonctif.  En  effet,  l'infinitif  dé- 
barrasse le  discours  de  particules  ou  de  petits 
mots  dont  l'emploi  fréquent  rend  les  construc- 
tions louches  et  le  discours  traînant.  Ainsi  on  dit 
il  vaut  mieux  être  malheureux  que  d'être  cri- 


INF 


395 


minel,  l)lutôt  que,  il  vaut  Tnieux  être  malheu- 
reux que  vous  soyez  criminel.  —  Mais  il  est  des 
cas  où  l'emiiloi  de  l'infinitif  serait  une  faute  : 
c'est  lorsque  le  rapport  en  est  incertain  et  équi- 
voque, comme  dans  celle  phrase  :  C'est  pour  être 
heureux,  mon  fils,  que  je  t'ai  donné  une  bonne 
éducation. — On  ne  voit  pas  si  le  sens  est  pour 
que  je  sois  heureux,  ou  pour  que  -mon  fils  soit 
heureux. 

On  préférera  encore  l'indicatif  ou  le  subjonctif 
à  l'infinitif,  pour  éviter  plusieurs  de  qui  auraient 
différents  sens.  Ainsi,  au  lieu  de,  le  philosophe 
Aristippe  chargea  ses  compagnons  de  dire  de  sa 
part  ù  ses  concitoyens  ,  de  songer  de  bonne 
heure  à  se  procurer  des  biens  qu'ils  pussent  sau- 
ver avec  eux  du  naufrage,  il  faudrait  dire,  qu'ils 
soiigeasse7it  de  bonne  heure,  etc. 

Infirme.  Adj.  des  deux  genres:  Un  homme 
infirme,  un  corps  infirme.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst. 

Irfl.^mmable.  Adj.  des  deux  genres  :  Corps  in- 
flammable, matière  inflammable.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Inflammatoire.  Adj.  des  deux  genres  :  Mala- 
die inflammatoire,  fièvre  inflammatoire.  Il  ne 
se  met  qu'après  son  subst. 

Inflexible.  Adj.  des  deux  genres.  Qu'on  ne 
peut  fléchir.  Il  se  dit  au  physique  et  au  moral  : 
Il  y  a  des  bois  inflexibles.  La  plupart  des  corps 
fossiles  sont  inflexibles ,o\i  ne  peuvent  être  plies 
sans  être  rompus.  Au  moral,  il  signifie  qui  ne  se 
laisse  point  fléchir,  émouvoir  à  compassion,  qui 
ne  se  laisse  ébranler  par  aucune  considération,  et 
se  dit  des  personnes  et  des  choses  qui  ont  rap- 
port aux  personnes  :  Un  homme  inflexible,  un 
caractère  inflexible,  une  vertu  inflexible,  une 
constance  inflexible.  En  ce  sens  on  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Cet  inflexible  tyran,  cette  inflexible  sé- 
vérité. 

Inflexiblement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  in- 
flexiblement attaché  à  son  opinion. 

Inflexion.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  On 
confond  assez  communément  les  mots  inflexion 
et  termijiaison,  qui  expriment  pourtant  des  cho- 
ses très-différentes,  quoiqu'il  y  ail  quelque  chose 
de  commun  dans  leur  signification.  Ces  deux 
mots  expriment  également  ce  qui  est  ajouté  a  la 
partie  radicale  d'un  mol  ;  mais  la  terminaison 
n'est  que  le  dernier  son  du  mot  modifié.  Par  exem- 
ple, aim  est  la  partie  radicale  de  tous  les  mots 
qui  con.sliluenl  la  conjugaison  du  verbe  aimer. 
Dans  j'aimerai,  tu  aimeras,  il  aimera,  il  y  a  à 
remarquer  inflexion  cl  terminaison.  Dans  cha- 
cun de  ces  mots,  la  terminaison  est  différente, 
pour  caractériser  les  différentes  personnes  ai,  as, 
a;  mais  l'inflexion  est  la  même  pour  marquer 
que  ces  mots  appartiennent  au  même  temps,  c'est 
partout  er.  IHnflexion  est  donc  ce  qui  peut  se 
trouver  entre  la  partie  radicale  et  la  terminair 

S071 . 

Influent,  Influente.  Adj.  qui  se  met  ordinai- 
rement après  son  subst.  Mot  nouveau.  Ministre 
influent,  écrivain  influent,  parti  influent.  Ja- 
mais mot,  dit  Mercier,  ne  fut  plus  nécessaire. 
Nous  sommes  de  son  avis.  —  L  Académie  l'a  ad- 
opté. 

Informe.  Adj.  des  deux  genres:  Une  masse 
informe,  un  animal  informe.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst. 

Informer.  V.  a.  delà  1''  conj.  Ou  dit  informer 


OOv> 


LNG 


guelqv'tni  de  quelque  chose.  Racine  a  dit  dans 
bajazct  (acl.  II,  se.  v,  39)  : 

Ne  »ouî  inforasx  point  c«  qu«  je  deTiendrai. 

D'Olivcl  et  La  Havj^ic  ont  ifimarauo  avec  raison 
qu'il  y  a  un  solécisme  (îa:is  ce  vers  On  ne  dit  pas 
s'informer  quelque  chose,  mais  s'informer  de 
quelque  chose.  Il  fallait  absolument  ne  vous  in- 
forviez  pas  de  ce  que  je  deviendrai. 

Infoutlne.  Subst.  f.  Suite  «Je  malheurs  aux- 
quels rbouniie  n'a  point  donné  occasion,  et  au 
milieu  desquels  il  n'a  point  de  reproche  à  se  faire. 
L'i/ifntiinc  tombe  sur  nous;  nous  attirons  quel- 
quefois le  vmlhcur. 

Infortlmî,  I^F0RTC!vÉE.  Adj.  On  le  met  ordi- 
nairement apics  son  subst.  Cependant  il  est  des 
cas  où  l'on  pourrait  le  mettre  avant,  en  consultant 
l'harmonie  et  l'anuloiric  :  Ces  guerriers  infortu- 
nés, ces  infortunés  guerriers.  Voyez  Adjectif. 

IsFr.vcTELR.  Su!)Si.  m.  Kn  parlant  d'une  femme, 
on  ne  dit  point  infractrice.  Mais  pourquoi  ne  le 
dirait-on  pas?  H  y  a  des  cas  où  ce  mot  est  né- 
cessaire. 

*  I^FRÉQUENTÉ,  Infréqientée.  Adj.  Nous  nc 
donnons  pas  cet  adj.  pour  un  mot  usité,  mais  pour 
montrer  que  Delille  l'a  employé  assez  heureuse- 
ment dans  le  vers  suivant  {Éneid.,  VIII,  119)  : 

Surpris  de   voir  troubler  leurs  bords  délicieuï. 
Le  flsuve  infréquenté,  le  bois  silencieux,  etc. 

lNFECCTcri?EMr,M.  Adv.  On  peut  le  mettre  en- 
tre l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  a  traraillé  in- 
fructueusement. J'aurai  donc  infructueusemi  nt 
travaillé. 

Infructueux,  Infructueuse.  Adj.  Au  figuré,  on 
pourrait,  dans  certains  cas,  le  mettre  avant  son 
subst.  :  Champ  infructueux,  terre  infructueuse, 
année  infructueuse.  —  Travail  infructueux  , 
d'infructueux  travaux;  veilles  infructueuses , 
d'infructueuses  veilles.  Voyez  Adjectif. 

Infus,  Infuse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
KUbst.  On  dit  science  infuse,  grâce  infuse,  sa- 
gesse infuse,  c'est-à-dire  (ju'on  n'a  point  accjuise 
par  ses  soins,  maiscju'il  a  plu  à  Dieu  de  verser 
dans  quelques  âmes  privilégiées. 

Ingambe.  Adj.  des  deux  genres.  Léger,  alerte: 
Un  jeune  homme  ingambe.  On  ne  peut  guère  le 
mettre  qu'après  son  subst. 

Inoi-kieur.  Subst.  m.  Nous  avons  trois  sortes 
d'ingénieurs  ;  les  uns  pour  la  guerre,  ils  doivent 
savoir  tout  ce  «lui  concerne  la  construction,  l'at- 
taque et  la  défense  des  places;  les  seconds  pour 
la  marine,  qui  sont  versés  dans  ce  qui  a  rapport 
à  la  guerre  et  au  service  de  mer;  et  les  troisièmes 
pour  les  ponts  et  chaussées,  qui  s'occupent  de  la 
perfection  <les  gramles  routes,  de  la  construction 
des  ponts,  de  rcnd)ellissemciit  des  rues,  de  la  con- 
duite et  de  la  réparation  des  canaux,  etc. 

Inoémeusement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  p.irlicipe  :  //  a  répondu  ingé- 
nieuseiiicnt,  il  a  ingénieusement  répondu. 

Ingémeux,  Ingénieuse.  Adj.  Qui  montre  de 
l'esprit,  de  la  sagacité.  11  se  dit  des  personnes  et 
des  choses  :  Un  poëte  ingénieux,  un  machiniste 
ingénieux.  Une  pensée  ingénieuse,  une  machine 
ingénieuse.  Lcs  choses  ingénieuses  déparent  les 
grandes  choses.  Si  elles  sont  accumulées  dans  un 
ouvrage,  elles  fatiguent.  Elles  sont  plus  faites  pour 
être  dites  que  pour  être  écrites.  Elles  consistent 
dans  des  rapports  fins,  délicats  et  petits,  qui 
échappent  aux  hoimnesde  sens,  dont  l'atlcnlion  se 


porte  sur  les  masses.  Homère,Virgile,  Miîtcn,  îe 
ïasso,  Sophocle,  Euripide,  Corneille,  Racine,  )!e 
sont  point  des  poêles  ingénieux.  On  le  place  avant 
son  subst.,  soit  en  jiarlant  des  personnes,  soit  ea 
parlant  des  choses,  lors(iue  l'analogie  et  l'harmo- 
nie le  permettent.  On  ne  ilira  pas  un  ingénieux 
homme,  une  ingénieuse  femme,  parce  qu'il  n'y  a 
pas  une  analogie  étroite  entre  les  mots  homme, 
femme,  et  ie  mot  ingénieux.  Mais  on  dira  vn  in- 
génieux artiste,  vn  ingénieux  ouvrier,  u7ie  in- 
génieuse ouvrière,  pane  tjue  l'analogie  est  plus 
mai(]Uée.  On  ne  dira  pas  tm  ingénieu.v  pvëte, 
parce  (juc  l'harmonie  s'y  oppose;  mais,  par  la  rai- 
son contraire,  on  dira  un  ingénieux  opticien.  En 
parlant  des  choses,  on  dit  également  bien,  une 
machine  ingénieuse ,  ou  celte  ingénieuse  ma- 
chine ;  une  invention  iîigénieusc,  ou  cette  ingé- 
nieuse invention,  etc. 

Il  régit  quelcjucfois  la  préposition  à  :  Il  est  in- 
génieux à  se  tourmenter. 

Ingénu,  Ingénue.  Ailj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  homme  ingénu,  vn  esprit  ingéiiu, 
un  air  ingémi,  une  réponse  ingénue. 

Ingénuité.  Subst.  f.  L'ingénuité  n'est  ni  la 
naïveté,  ni  la  simplicité,  ni  la  franchise,  comme 
le  dit  l'Académie.  L'ingénuité  fait  avouer  ce 
([u'on  sait  et  <c  qu'on  sent;  elle  ne  sait  rien  ca- 
cher, fait  souvent  pécher  contre  la  ])rudencc,  et 
se  trahit  elle-même.  La  naïveté  fait  dire  li- 
brement ce  qu'on  iiense;  elle  fait  souvent 
manquer  à  la  politesse,  et  offense  quelque- 
fois. La  franchise  fait  parler  comme  on  pense; 
c'est  un  effet  du  naturel.  Elle  ne  saurait  dis- 
simuler. La  simplicité  ne  connaît  ni  le  déguise- 
ment, ni  le  raffinement,  ni  la  malice;  elle  montre 
le  caractère  à  découvert  ;  elle  tient  à  une  inno- 
cence pure. 

Ingénument.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Jiépondre  ingénu- 
luent.  Il  a  ingénument  répondu  que...  Il  a  avoué 
ingénument,  il  a  ingéruimcnt  avoue. 

Ingrat,  Ingrate.  Adj.  On  le  met  quelquefois 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  cl  l'ana- 
logie :  Un  homme  ingrat,  vn  ami  ingrat,  une 
épouse  ingrate,  une  ingrate  épouse.  — En  par- 
lant des  personnes,  il  régit  la  jtréposition  envers. 
On  dit  être  ingrat  cnvcvs  quelqu'un,  cl  non  pas 
être  ingrat  à  quelqu'un.  En  parlant  des  choses, 
il  régit  à  :  Une  terre  ingrate  à  la  culture,  une 
pierre  ingrate  au  ciseau. 

Ces  mêmes  dignités 
Onlrendu  Bérénice  ingrate  à  vos  bontés. 

(Rlc,  Bérén.  acl.  I,  se.  III,  39.) 

Ingrat  à  tes  bontés,  ingrat  à  Ion  amour. 

(Volt.,  Mort  de  Céiar,  acl.  I,  se.  IV,  8.) 

Mallieur     .-  'loyen,  ingrat  h  sa  pairie. 
Qui  vend     '  étranger  son  avare  industrie. 

(Delille.) 

Aujourd'hui  que  la  langue  semble  commencer 
a  se  corrompre,  dit  Voltaire,  et  qu'on  s'étudie  à 
parler  un  jargon  ridicule,  on  se  sert  du  mot  im- 
propre vis-éi-vis  après  ingrat:  Plusieurs  gens 
de  lettres  ont  été  ingrats  vis-à-vis  de  moi,  au  lieu 
é'envcrs  moi. 

Ingratitude.  Subst.  f.  L'Académie  ne  lui  donne 
point  de  pluriel.  Il  n'en  a  point  en  effet  (juand  il 
signifie  le  vice  de  l'ingratitude  :  Je  suis  surpris 
de  l'ingratitude  de  vos  enfants.  Mais  on  lui  eri 
donne  un  quand  on  l'emploie  pour  signifier  des 


INI 

actes  qui  proviennent  du  vice  :  On  éprouve  bien 
des  ingratitudes  dans  ce  monde. 

Me  fait  un  long  récit  de  m«>  ingratitudes. 

(Rac,  Britan.,  acl.  11,  se.  Il,  116.) 

Inguérissable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  U/i  homme  inguîris- 
sable.  Ce  mol  n'est  ijue  du  discours  familier. 

Lnguinal,  Inguinale.  Adj.  On  f;ut  sentir  Vu. 
Il  ne  se  met  iiu'aprésson  subst. 

Inhabileté.  Subsl.  f.  Motnouvcau  que  l'usage  a 
adopté.  Ce  mol,  dit  La  Harpe,  peut  nous  fournir  une 
nuance  de!)lâmcau-des>usdc  l'impérilic  ;  comme 
un  style  inélégant  est  un  peu  au-dessus  du  style 
plat;  comme  Vinurhanité  est  un  peu  au-dessus 
delà  grossièreté. 

Inhabile.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

I^HABIT.ABLE.  Adj.  (Ics  dcux  gcnrcs.  On  yieut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Maison  inliahilable,  pays  inhabi- 
table. Cet  inhabitable  pays,  celte  inhabitable 
contrée.  \ oyez  Adjectif. 

Inhabité,  Inhabitée  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Lieux  inhabités,  contrée  inha- 
bitée. 

*  INH.ABITDDE.  Subst.  f.  J.-J.  Rousscau  3  dit  : 
Uinhabitude  de  penser  da?is  l'enfance,  en  ôte  la 
faculté  durant  le  reste  de  la  vie.  \_' inhabitude 
n'est  pas  seulement  ici  l'absence,  le  défaut  d'ha- 
bitude, mais  un  élal  positif  qui  influe  sur  le  reste 
de  la  vie.  Voyez  In. 

Inhérent,  I;sHÉr.ENTE.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Qualité  inhérente. 

Inhumain,  Inhumaine.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Maître  inhumain,  tyran 
inhumain.  — Action  inhumaine,  traitement  in- 
humain, loi  inhumaine,  coutume  inhumaine . 

Inhumainement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  On  Ca  traité  inhumainement. 

Inimaginable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne 
s'emploie  que  dans  la  conversation  :  Un  contre- 
temps inimaginable. 

Inimitable.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne  peut 
être  imité,  et  non  pas  qu'on  ne  doit  pas  imiter  : 
Une  action  inimitable,  -un  ouvrage  inimitable . 
On  ne  peut  guère  le  mettre  avant  son  subst. 
L'Académie  a  d'abord  paru  condamner  cette 
phrase  :  La  nature  a  des  beautés  inimitables  à 
Vart.  Ces  expressions  négatives,  inimitable,  in- 
comparable, indicible,  et  une  infinité  d'autres, 
ne  régissent  rien  ordinairement,  parce  que  ce 
qu'on  peut  y  ajouter  est  inutile  et  redondant  ;  car 
dire  qu'wM  homme  est  incomparable,  c'est  dire 
qu'on  ne  peut  le  comparer  à  personne;  une  joie 
indicible  est  celle  qu'on  ne  peut  exprimer  par 
aucune  parole;  inimitable  est  ce  qu'une  personne 
ne  peut  imiter;  ainsi  il  semble  qu'il  y  ait  quel- 
que faute  ou  manière  de  |)léonasme  à  dire  que  la 
nature  a  des  beautés  inimitable  'i  l'art.  Cepen- 
dant, après  un  mûr  examen,  a/""^  i.'roir  discuté 
plusieurs  exemples  (pii  ont  part»  \rés-bons,  il  a 
été  décidé  qw'' inimitable  va  ordinairement  sans 
régime,  mais  que  dans  le  style  soutenu,  ou  lors- 
qu'il y  a  quelque  comparaison,  il  peut  en  souffrir 
\n\.  {Décisions  de  l'Académie.) 

Inintelligible.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  suiist.,  en  consultant  l'analo- 
gie et  rhannonie  :  Un  discours  inintelligible, 
cet  inintelligible  discours.  \ oyez  Adjectif. 

Inique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  a  une  signi- 
fication inoms  étendue  qu'injuste.  Il  a  rai)port  à 


INJ 


397 


une  injustice  excessive,  criante,  et  se  dit  parti- 
culièrement des  juges  et  des  jugements.  On  dit 
un  juge  inique,  et  un  homme  injuste.  On  jjcut  le 
mettre  avant  son  subst.  ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  juge  inique,  un 
jugement  inique,  cet  inique  jugement.  Voyez 
Adjectif. 

Iniquement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Juger  iniquement.  On  l'a  jugé  iniquement. 

Initial,  Initiale.  Adj.  On  a[)pclle  lettre  ini- 
tiale la  première  lettre  de  chaque  mot,  comme 
on  appelle  finale  la  dernière.  Il  ne  se  met  (ju'a- 
près  son  subst.  :  Lettre  initiale,  un  ^initial, unà 
initial,  etc.  Voyez  Majuscule. 

Injure.  Subst.  f.  Ce  mot,  dans  une  significa- 
tion étendue,  se  prend  pour  tout  ce  qui  est  fait 
pour  nuire  à  un  tiers  contre  le  droit  et  rcipiité. 
l)ans  une  sieiùficalion  plus  élroilo,  il  signifie  tout 
ce  qui  se  fait  nu  mépris  de  (juohiu'un,  dans  le 
dessein  de  l'offenser,  soit  en  sa  personne,  ou  en 
celle  de  sa  femme,  de  ses  enlants  ou  domestiques, 
ou  de  ceux  qui  lui  appartiennent  soit  à  titre  de 
parenté  ou  autrement.  Ce  n'est  pas  la  même  chose 
que^)7/;  ce  dernier  trouble  dans  la  possession 
des  biens,  de  la  réputation  ;  il  attaque  la  pro- 
priété. L'injure  impute  des  défauts,  des  crimes, 
des  vices,  des  fautes;  elle  nie  les  bonnes  qualités, 
elle  attaque  la  personne.  Racine  a  dit  [Iphigénie, 
act.  II,  se.  VIII,  2)  : 

Orgueilleuse  rivale,  on  t'aime  et  lu  murmures  I 
SouITrirai-je  à  la  fois  ta  gloire  et  tes  injures  ? 

Racine,  dit  Luneau  de  Boisjermain,  a  trouvé 
moyen  d'employer  trés-heureusemcnl  le  mot  in- 
jures dans  le  sens  à'invectives,  quoique,  dans 
cette  acception,  injure  ne  soit  pas  noble.  Cette 
expression  ,  qui  s  emploie  très-bien  lorsqu'elle 
signifie  injure  faite  ou  reçue,  devient  basse  et 
triviale  lorsqu'elle  signifie  parole  injurieuse;  et 
il  faut  beaucoup  d'art  pour  l'employer  en  ce 
sens  dans  le  style  noble.  On  en  trouve  encore  un 
exemple  dans  Andromaque  (act.  IV,  se.  v.  32j  : 

Je  crains  votre  silence,  et  non  pas  vos  injuTcs. 

Cet  exemple  n'est  pas,  à  beaucoup  i)rès,  si  heu- 
reux que  le  premier,  où  la  bassesse  du  mot  in- 
jure est  relevée  par  la  noblesse  du  mot  gloire. 

Injurieusement.  Adv.  11  ne  se  mel  qu'après  le 
verbe  :  On  l'a  traité  injurieusement. 

Injurieux,  Injurieuse.  Adj.  11  se  construit 
tantôt  avec  la  préposition  à,  tantôt  avec  la 
préposition  powr  ;  Ce  mémoire  est  injurieux  aux 
magistrats.  Injurieux  pour  ses  amis.  (.\cad.) 
On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consul- 
tant l'oreille  cl  l'analogie  :  Mémoire  injurieux, 
discours  injurieux ,  paroles  injurieuses  ;  cet 
injurieux  discours,  cette  injurieuse  apostrophe. 
"Soyez  Adjectif. 

Injuste.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subsl.,  en" consultant  lorcille 
et  l'analogie  :  Un  homme  injuste,  et  non  pas  un 
injuste  Iwmme.  Un  arrêt  injuste,  un  injuste 
arrêt  ;  une  sentence  injuste,  une  injuste  sen- 
tence; une  demande  injuste,  une  injuste  de- 
mande; une  guerre  injuste,  ujie  injuste  guerre; 
des  moyens  injustes,  d'injustes  moyens;  etc. 
^■oyez  Adjectif.  r  •    i 

Injustement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  ;  Il  a  été 
condamné  injustement,  il  a  été  injustement 
condamné.  ,     .  • 

Injustice.   Subst.   f.  Il  n'a  point   de  pluriel 


398 


L\0 


lorsqu'il  se  prend  pour  l'habitude  contraire  a  la 
juslicc  :  L'injustice  régnait  en  ce  siècle.  Il  en 
a  un  lorsqu'il  se  prend  pour  les  effels  de  l'in- 
justice, el  alors  il  a  un  sens  passif  :  J'ai  entendu 
de  sa  part  de  grandes  injustices.  Corneille  a  dit 
rendre  injustice.  Aoltairc  dit  à  ce  sujet,  on  ne 
rend  point  injustice  comme  oti  rend  justice.  I.a 
••aison  en  est  qu'on  rend  ce  qu'on  doit  On  doit 
justice,  on  ne  doit  pas  injustice,  [fteinarqnes 
sur  CorneUlf.)  — On  dit  faire  une  injustice, 
faire  d^-  injustices  d  quelqu'un;  mais  on  ne 
dit  pas  9oiis  article,  faire  injustice. 

ILLISIBLE.  Adj.  des  deux  genres.  Voyez  illi- 
sible. 

Innavigabi-e.  Adj.  On  fait  sentir  les  deux  n. 
Il  ne  se  met  qu'après  son  subsi.  Cet  adjectif  est 
peu  usité. 

Inné,  IrvNÉE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  On  |)rononce  les  deux  n. 
Il  se  dit  de  ce  qui  nail  avec  nous,  par  opposi- 
tion à  ce  que  nous  acquérons. 

Innocemiif.nt.  Adv.  On  prononce  inoçament.  Il 
ne  se  met  qu'après  le  verbe  :  Parler  innocem- 
ment, n  a  vécu  innocemment.  Delille  l'a  em- 
ployé dans  une  acception  que  n'indique  point 
l'Académie  [Enéide,  II,  917)  : 

Sur  la  tèle  d'Ascagne  une  flamme  rayonne, 
Tourne  autour  de  son  front  en  brillante  couronne. 
Et,  d'un  léger  éclair  l'effleurant  mollement, 
Autour  de  ses  clieveui  se  joue  innocemment. 

Ihnocence.  Subst.  f.  On  prononce  inoçance. 
Ce  mot  n'a  point  de  pluriel.  On  a  reconnu  son 
innocence. 

Innocent,  Innocente.  Adj.  On  prononce  ino- 
çant.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque 
l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  :  Un 
homme  innocent.  —  Ame  innocente,  esprit  in- 
nncent,  vie  innocente,  mœurs  innocentes.  — Les 
innocentes  bergères,  d'innocents  plaisirs.  Voyez 
Adjectif. 

Innombrable,  Adj.  des  deux  genres.  On  ne 
prononce  qu'un  n.  L'acception  de  ce  mot  varie 
dans  l'esprit  des  hommes  selon  les  circonstances. 
Pour  un  sauvage  qui  ne  peut  pas  compter  au 
delà  de  cinquante,  ce  qui  est  innombrable  com- 
mence au  delà  de  ce  nombre.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Une  multitude  innombrable,  une  innom- 
brable multitude;  des  esprits  innombrables , 
d'innombrables  esprits  ;  ses  innombrables  vais- 
seaux. Voyez  Adjectif. 

Innovation.  Subst.  f.  On  fait  sentir  les  deux  n. 

Inoccupé,  I>occupée.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  inoccupé,  une 
vie  inoccupée . 

Inodore.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  Qui  n'a  point  d'odeur  :  Fleurs 
inodores. 

Inoffensif,  Inoffensive.  Adj.  Mot  nouveau 
qui  est  utile,  et  que  l'usiise  a  adopté.  Une  ré- 
ponse inoffensive,  qui  n'offense  point,  dont  on 
ne  peut  point  s'offenser.  C'est  une  qualité  réelle 
dans  une  réponse  d'être  inoffcnsivc. 

Inopiné,  Inopinée.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  Qui  vient  sans  être  attendu  :  Un  acci- 
dent inopiné,  un  bonheur  iniipiné.  H  se  dit  des 
événements  heureux  et  malheureux  :  Accident 
inopiné,  affaire  inopinée. 

Inopinément.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe:  //  arriva  inopinément;  cela  est  arrivé 
inopinément. 


INS 

Inopï,  Inouïe.  Adj.  Dont  on  n'a  pas  encore  en- 
tendu pnrier.  On  dit  le  cas  est  inouï,  cette  action 
est  inouïe.  Il  se  prend  encore  dans  un  autre 
sens,  comme  dans  ces  vers  : 

Cerbère  en  est  ému;  ses  oreilles  avides 
Savourent  des  acceoU  aux  enfers  tnou'ti. 

Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Une  action 
inouïe,  une  cruauté  inouïe.^ 

INQUIET,  Inquiète.  Adj.  Etre  inquiet  de  quel- 
que  chose,  marque  la  cause  de  l'inquiétude  :  Je 
suis  inquiet  de  7ie  point  recevoir  de  ses  7iou- 
velles.  Être  inquiet  sur  quelque  chose,  en  ex- 
prime l'objet  :  Je  suis  inquiet  sur  son  sort.  Je 
suis  inquiet  sur  cette  affaire. 

Liquiet  se  dit  des  choses  qui  ont  rapport  aux 
personnes;  Joie  inquiète,  esprit  inquiet,  carac- 
tère inquiet.  On  le  met  quelquefois  avant  son 
subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent. 

Des  conrtisans  sur  nous  les  inquiet»  regards 
Arec  avidité  tombent  de  toutes  parts. 

(Volt.,  OEd.,  act.  III,  se.  I,  25.) 

Voyez  Adjectif. 

Inquiétant  ,  Inquiétante  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  el 
l'analogie  :  Une  situation  inquiétante,  cette  in- 
quiétante situation;  une  affaire  inquiétante, 
cette  inqtiiétante  affaire.  "N'oyez  Adjectif. 

Inquiétude.  Subst.  f.  Agitation  de  l'àme  qui  a 
plusieurs  causes.  Vinquietude,  quand  elle  est 
devenue  habituelle,  se  trouve  ordinairement  dans 
les  hommes  dont  les  devoirs,  l'état,  la  fortune, 
contrarient  l'instinct,  les  goijts,  les  talents.  Ils 
sentent  fréquemment  le  besoin  de  faire  autre 
chose  que  ce  qu'ils  font.  Dans  l'amour,  dans 
l'ambition,  dans  l'amitié,  Vinquietude  est  pres- 
que touj(jurs  Teffet  du  uiccontcntement  de  soi- 
même,  du  doute  de  soi-même,  et  du  prix  ex- 
trême qu'on  attache  à  la  possession  de  sa  mai- 
tresse,  d'une  place,  de  son  ami.  11  y  a  une  autre 
sorte  d'inquiétude  qu'  'l'est  qu'un  effet  de 
l'eninii,  du  besoin,  des  liassions,  du  dégoiit. 
Il  y  a  aussi  \'i?iquiétude  des  remords. 

Insalubre.  Adj.  des  deux  genres.  Un  logement 
insalubre,  une  exposition  itisalubre.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Cette  insalubre  expo- 
sition . 

Insatuble.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  homme  insatiable, 
une  femme  insatiable.  Une  avarice  insatiable, 
une  insatiable  avarice.  —  Le  pér(!  Bouhours 
prétend  i\\i'insatiable  doit  se  dire  absolument , 
et  condamne  insatiable  de  biens,  insatiable  de 
voir.  L'Académie  admet  de  avec  un  substantif  : 
Insatiable  d*^  -loire,  i?isatiable  d'honneurs,  in- 
satiable de  i*"  \'!ses.  Insatiable  de  louanges. 
Ce  rogiine  est  woité  aujourd'hui.  Nous  ne  croyons 
pas  qu'on  puisse  l'employer  avec  un  verbe ,  et 
l'Académie  n'en  donne  point  d'exemple.  Voyez 
Adjectif. 

Insatiablement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Il  est  insatiablement  avide  de  gloire. 

Inscription.  Subst.  f.  L'inscription,  en  litté- 
rature, se  dit  de  l'épigraphe,  de  l'épitaphe,  et 
de  tout  ce  qui  s'écrit  en  style  lapidaire  sur  le 
cuivre,  le  marbre,  etc. 

iNscr.iRE.  V.  a.  el  irrég.  de  la  4*  conj.  Il  se 
conjuçue  comme  «crire.  Voyez  ce  mot. 


INS 

Imscbdtable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'iipiès  sou  subsl. 

Iksçu.  Subst.  m.  \ oyez  Insu. 

rNSE>sÉ,  IrtsENSÉE,  Adj.  Oii  donnc  celte  épi- 
thète  injurieuse  à  ceux  ([ui  ont  réellement  perdu 
le  sens  et  la  raison,  et  à  ceux  qui  se  conduisenl 
comme  s'ils  en  étaient  privés.  Il  se  dit  aussi  des 
choses,  et  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
hotinne  insensé,  nu  discours  insensé,  une  action 
insensée,  une  entreprise  insensée,  une  passion 
insensée.  —  On  l'emploie  aussi  substantivement  : 
Un  insensé. 

1nse>sible.  Adj.  des  deux  genres,  qui  se  prend 
i|uoli]uefois  subslaiitivemenl.  En  consultant  l'a- 
nalogie et  l'harmonie,  on  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  dans  les  deux  sens  que  lui  donnent  les 
dictionnaires:  Un  homme  insensible,  v  ne  femme 
insensible,  son  insensible  cœvr.  — Une  transpi- 
ration insensible,  vîie  insensible  transpiration  ; 
vn  viouvement  insensible,  cet  insensible  mou- 
vement. \'o)'ei  Adjectif. 

Inséparable.  Adj.  des  deux  genres.  Employé 
sans  régime,  il  se  dit  des  personnes  et  des  choses  : 
Deux  amis  inséparables,  la  chaleur  et  le  feu 
sont  inséparables.  Appliqué  aux  personnes,  il  a 
un  sens  actif,  et  signifie  qui  ne  se  sépare  point  ; 
appliqué  aux  choses,  il  a  un  sens  passif,  et  si- 
gnifie qui  ne  peut  être  séparé.  Dans  les  deux 
sens,  on  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  con- 
sultant l'analogie  et  l'harmonie  :  Deux  amis  in- 
séparables, deux  inséparables  amis;  des  qua- 
lités inséparables,  ces  inséparables  qualités.  En 
parlant  des  choses,  il  régit  la  préposition  de  : 
Le  remords  est  inséparable  du  crime.  (.\cad.) 
L'orgueil  est  presque  inséparable  de  la  fureur. 
(Fléchier.)  Voyez  Adjectif. 

IîisÉPARABLEME>T.  Adv.  Il  pcut  sc  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ils  sont  unis  insépa- 
rablement, ils  snnt  inséparablement  unis. 

Insidieuseiie^t.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  l'a 
amené  insidieusement  à  faire  cette  promesse  , 
OU  on  Va  insidieusement  amené  à  faire  cette 
promesse. 

Insidiedx,  Insidieuse.  Adj.  Il  se  dit  de  ce  qui 
est  suggéré  par  le  dessein  secret  de  tromper  et 
de  nuire.  On  tient  des  discours  insidieux,  on 
envoie  des  présents  insidieux,  on  fait  des  ca- 
resses insidieuses.  On  peut  le  meltre  avant  son 
subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Des 
caresses  insidieuses ,  d'insidieuses  caresses. 
Voyez  Adjectif 

Insig.ne.  Adj.  des  deux  genres.  On  mouille  le 
gn.  Qui  se  fait  distinguer  par  quelque  qualité 
I)eu  commune.  Il  se  dit  des  personnes  et  des 
choses,  et  se  prend  en  bonne  et  en  mauvaise 
I)arl.  Un  service  insigne,  une  calomnie  insigne. 
On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'ana- 
logie et  l'harmonie  le  permettent.  Cest  un  insigne 
bonheur,  c'est  un  bonheur  insigne;  U)ie  faveur 
insigne,  une  insigne  faveur  ;  un  fripon  insigne, 
un  insigne  fripon.  \o)'GZ  Adjectif. 

InsiGNiFiAHT,  1^SIG^1FIA^TE.  Adj.  On  mouille 
le  gn.  Un  homme  insignifiant,  une  promesse 
insignifiante.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Je  ne  fus 
point  satisfait  pur  ces  insignifiantes  promesses. 

Insinuant,  Insinuante.  Adj.  Il  ne  se  dit  qu'au 
figuré.  En  parlant  des  personnes,  il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.;  en  parlant  des  choses,  on 
peut  le  meltrç  avant,  si  l'analogie  et  l'harmonie  i 
le  permettent.  Un  homme  insinuant,  une  femme  ' 


INS 


399 


insinuante.  —  Des  manières  insinuantes,  ces 
insinuantes  7nanières.  \ oyez  Adjectif. 

Insipide.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit  de 
tout  ce  qui  ne  lait  pas  sur  le  goût  une  impression 
marquée.  On  l'emploie  au  physique  et  au  moral. 
On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant 
l'oreille  et  l'analogie.  Une  liqueur  insipide,  une 
insipide  liqueur.  —  U?ie  plaisanterie  insipide, 
une  insipide  plaisanterie  ;  des  louanges  insi- 
pides, d'insipides  louanges.  Voyez  Adjectif. 

Insistance.  Subsl.  f.  Action  d'insister;  persé- 
vérance à  demander  quelque  chose,  à  soutenir 
quelque  avis,  quelqueopinion.  Mot  nouveau  pro- 
posé par  Mercier.  Nous  n'avons  point  de  mot  dans 
la  langue  qui  exprime  exactement  l'idée  (jue  pré- 
sente celui-ci;  nous  pensons  donc  qu'on  pourrait 
l'admettre;  et  quelques  écrivains  l'ont  déjà  em- 
ployé :  L'insistance  du  mendiant  valide  ajoute 
encore  «  l'abjection  du  métier.  Il  est  de  fait 
que  les  hommes  en  place  accordent  plus  à  l'in- 
sistance qu'au  malheur  réel,  f^oules-vous  réus- 
sir, ne  négliges  pas  l'insistarice.  Tous  ces 
exemples  sont  de  Mercier. — En  1833,  l'Académie 
admet  ce  mot. 

Insister.  V.  n.  de  lal"conj.  On  dil  insister 
à,  cl  insister  sur. 

Insister  à  exprime  la  continuité  de  l'action, 
et  est  toujours  suivi  d'un  verbe  :  Insister  à  de- 
mander une  chose.  Insister  sur  a  rapport  à  la 
chose  même,  et  est  toujours  suivi  d'un  nom  :  Il 
insiste  sur  cette  prétention- 

Insociable.  Adj.  des  deux  genres:  Uji  homme 
insociable,  une  femme  insociable.  En  parlant 
des  choses,  on  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Une  humeur 
insociable,  cette  insociable  humeur;  un  caractère 
insociable,  cet  insociable  caractère. 

*  Insocial,  Insociale.  Adj.  Mot  nouveau,  que 
Voltaire  a  employé  :  Ce  contrat  social  ou  insocial 
n'est  remarquable  que  par  quelques  injures  dites 
grossièrement  aux  rois  parle  citoyen  du  bourg  de 
Genève,  et  par  quatre  pages  insipides  contre  la 
religion  chrétienne.  L'opposition  entre  social  et 
insocial  peut  faire  passer  la  dernière  expres- 
sion. 

Insolemment.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Il  a  parlé  insolemment,  il  a  insolemment 
répondu. 

Insolence.  Subst.  f.  L'insolence  consiste  à 
exagérer  les  avantages  de  son  état,  et  à  les  faire 
valoir  d'une  manière  outrageante  pour  les  au- 
tres. Quand  ce  mot  signifie  Te  défaut,  il  n'a  point 
di;  pluriel  :  L'insolence  de  cet  homme  est  grande. 
(Juaiid  il  se  dit  des  paroles  et  des  actions,  on  lui 
en  donne  un  :  Il  a  dit  des  insolences. 

Insolent,  Insolente.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Un  homme  insolent,  tine  femme  insolente  ; 
un  valet  insolent,  un  insolent  valet;  des  dis- 
cours insolents,  ces  insolents  discours.  lis  avaient 
passé  rapideynent  de  la  consternation  la  plus 
profonde  à  la  plus  insolente  présomption.  (Bar- 
thélem.)  Cet  adjectif  peut  être  suivi  d'une  des 
prépositions  dans,  en  et  avec.  —  Les  âmes 
basses  sont  insolentes  dans  la  bonne  fortune.  Il 
est  insolent  en  paroles,  insolent  a^vGcles  femmes. 
(Acad.) 

Insoluble.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  si  l'analogie  et  l'har- 
monie le  permeltent  :  Un  problème  insoluble, 
cette  insoluble  difficulté. 

Insouciant,  iNSOcciANri:.  Adj.  On  peut  le 
mcllre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 


4U0 


INS 


l'analogie  :  Un  homme  insouciant.  Béreillez 
donc  l'activité  de  votre  insouciant  ami.  A'oycz 
Adjectif. 

Insoumis,  Insodmise.  Adj.  qui  neso  mel  qu'a- 
près son  subsi.  :  Les  peu  pic -i  insoumis. 

Insoutenable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  meure  avant  son  subst.,  lorscjuc  l'analogie  et 
riiarmonie  le  pcrmeltenl  :  Un  liomme  insoute- 
nable, une  femme  insoutenable  ;  une  opinion 
insoutenable,  cette  insoutenable  opinion  ;  une 
vanité  insoutenable ,  utie  insoutenable  vanité. 
Voyez  Adjectif 

Inspecteli;.  Subst.  m.  L'Académie  nedit  point 
comment  il  faut  dire  en  parlant  d'une  femme. 
Mais  il  y  a  des  inspectrices  dans  certains  éta- 
biissemo'nis,  et  rien  n'empêche,  ce  me  semble, 
de  recueillir  ce  mot  dans  les  dictionnaires. 

Inspireh.  X.  a.  de  la  1"  conj.  On  d'ilinspircr 
quelque  chose  à  quelqu'un,  llacine  fait  régir  à  ce 
verbe  la  préposition  dans.  {Alexandre,  act.  III, 
se.  VI,  25)  : 

. .  .   Vos  bontés,  à  leur  tour, 
Dana  les  cœurs  les  plus  durs  inspireront  l'amour. 

L'abbé  d'Oliveta  condamné  ce  régime.  Racine 
lils  l'a  défendu,  mais  sans  appuyer  sa  défense  sur 
des  raisons.  Nous  croyons  d'auiant  mieux  que  ce 
régime  est  bon,  que,  comme  l'a  dit  Racine  lils, 
il  était  aisé  à  son  père  de  l'éviter  en  mettant  : 

Même  aux  cœurs  les  plus  durs  inspireront  l'amour. 

Nous  nous  rangeons  de  l'avis  de  Racine  fils,  et 
voici  nos  raisons  : 

1'  L'Académie  ne  dit  ce  mot  que  des  per- 
sonnes; et  elle  ne  donne  aucun  exemple  qui  puisse 
faire  croire  qu'on  peut  dire  :  Inspirer  quelque 
chose  au  cœur,  à  l'esprit  de  quelqu'im. 

2"  Inspirer  (jueUiu'un,  c'est  lui  communiquer 
un  mouvement  intérieur  qui  le  détermine  à  faire 
quelque  chisc.  L'idée  de  volonté  cnt'-e  donc 
dans  celle  d'inspiration;  on  ne  peut  donc  in- 
spirer que  des  êtres  capables  de  volonté;  on  ne 
peut  donc  inspirer  que  des  personnes. 

Mais  dans  les  vers  dont  il  est  question.  Racine 
n'a  pas  pris  ce  veibe  en  ce  sens,  mais  dans  le 
sens  figuré  de  souffler.  On  dit  au  propre,  inspirer 
de  l'air  dans  les  poumons  (Acad.),  et  au  ligure, 
inspirer  de  l'amour  dans  le  cœur.  Dans  le  pre- 
mier sens,  inspirer  suppose  une  action  qui  doit 
être  faite  par  celui  qui  a  reçu  l'inspiration; 
dans  le  second,  il  suppose  une  modification,  un 
senlimcnt  qu'il  doit  éprouver.  Inspirer  de  l'a- 
mour à  quelqu'un ,  c'est  lui  communi(]ucr  un 
mouvement  intérieur  qui  le  porte  à  aimer.  In- 
spirer l'amour  dans  le  cœur  de  quelqu'un,  c'est 
faire  sur  son  cœur  une  impression  qui  lui  fait 
éprouver,  bon  gré  mal  gi'é,  le  sentiment  de  l'a- 
mour. D'après  cela,  on  pourrait  fort  bien  dire, 
il  m'était  indiffèrent  ;  viais  enfin,  ses  soins,  sa 
complaisance,  la  bonté  du  son  caractère ,  les 
agréments  de  sa  conversation,  m'ont  inspiré  de 
l'amour  pour  lui;  et  la  beauté  de  cette  femme 
est  si  séduisante,  qu'à  la  previicre  rue  elle  in- 
S[)ii'e  de  l'amour  dans  tous  les  cœurs.  —  .le  ne 
prétends  pas  dire  que  celte  façon  de  parler  soit 
usitée;  mais  je  pense  qu'elle  devrait  l'être,  puis- 
qu'elle exprime  une  nuance  différente  de  l'ex- 
pression ordinaire  ;  et  ce  qui  conlrihue  beaucoup 
à  in'affermir  dans  celle  opinion,  c'est  l'exemple 
de  Racine. 

*  I^STABLE.  Adj.  dcs  deux  genres.  Ce  mol  doit 
être  admis,  dit  La  Ilarpc,  puisque  nous  avons 


INS 

instabilité,  et  que  tous  deux  nous  viennent  du 
lalin.  On  dirait  Irès-bicn  un  caractère  instable, 
pour  dire  un  carariére  qui  n'a  point  de  solidité. 
Cet  adjectif  cx[)rime  une  qualité  réelle  et  po- 
sitive. Voyez  In. 

Instamment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  elle  jiarticipe  :  Il  m'en  a  prié  in- 
stamment, il  m'en  a  instamment  prié. 

Instance.  Subst.  L  L'usage  ne  permet  point 
d'employer  ce  substantif  au  singulier.  On  dit 
faire  des  instances,  faire  de  grandes  instances, 
cl  non  pas  faire  une  instance,  fiire  une  grande 
instance.  Instance  signifie  prières,  demandes 
réitérées,  ce  qui  emporte  l'idée  du  pluriel.  Il  ne 
faut  donc  pas  imiter  rAcadémic  qui  dit,  avec  in- 
stance, faire  instance. — Ce  mot  n'a  de  singulier 
qu'en  termes  de  palais  :  L'instance  était  grande 
à  tel  tribunal.  Tribunal  de  première  instance. 
Instant.  Subst.  m.  On  dit  en  un  instant,  et 
cela  s'appli(|ue  au  présent  et  au  passé  :  //  le  fait 
en  un  instant,  il  l'a  fait  en  un  instant.  Dajis 
un  instant  marque  un  futur  :  Je  reviendrai 
dans  un  instant. 

Instant,  Instante.  Adj.  Fcraud  prétend  que 
cet  adj.  ne  peut  s'employer  iju'au  féminin  avec 
les  substantifs  prière,  sollicifalii.n,  poursuite, 
demande,  el  le  plus  souvent  au  pluriel.  Cepen- 
dant l'Académie  dit  :  Le  péril  est  instant,  le  be- 
soin est  instant.  L'emploi  de  ce  mot,  en  ce  sens, 
est  d'autant  moins  Imiucnt,  qu'il  dit  moins  que 
pressant  el  urgent,  (jui  [leuvent  toujours  le  sup- 
l)Iéer.  On  peut  le  mettre  avant  .son  subsl.,  en 
consultant  l'oreille  et  l'analogie:  Des  prières  in- 
slanles,  ces  instantes  prières.  A  oyez  Adjectif. 

Instant  (a  l').  Expression  adverbi.ilc.  Elle  se 
met  quelquefois  au  commencement  de  la  phrase  : 
A  l'instant  on  chanta  le  combat  des  Centaures 
avec  les  Lapithes.  (Fénél.,  Télém.,  liv.  I,  t.  I, 
p.  74.)  On  le  met  aussi  après  le  verbe  :  Il  partit 
à  l'instant.  On  ne  dit  pas  il  est  à  l'instant  parti. 

Instantané,  Instantanée.  Adj.  Qui  ne  dure 
qu'un  instant.  Il  n'y  a  pas  longtemps  encore  que 
l'on  écrivait  instantu?iée  au  masculin  comme  au 
féminin  :  Ce  mouvement,  dit  Voltaire,  n'a  été 
qu'instantanée.  Giàce  à  l'Académie,  on  a  rejeté 
celte  exception  inutile,  el  contraire  à  l'analogie 
de  la  langue.  On  dit  aujourd'hui  un  mouvcmetit 
instantané.  Cet  adj.  ne  peut  se  mettre  qu'après 
son  subst. 

Instigateck.  Subst.  m.  Celui  qui  excite  un 
autre  à  faire  quehjue  chose.  En  parlant  d'une 
femme,  on  dit  instigatrice. 

Instigier.  V.  a  de  la  1'"  conj.  En  vain,  dit  un 
critique,  le  barbarisme  instigucr  esl-il  placé  de- 
puis plus  de  cent  ans  dans  nos  dictionnaires;  le 
bon  goût  le  re[)Ousse  et  le  repoussera  toujours. — 
Celte  critique  ne  nous  semble  pas  juste.  Insti- 
guer  n'est  ni  plus  barbare,  ni  plus  contraire  au 
bon  goût,  qu'instigation  el  instigateur, queVix- 
sage  admet.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai,  c'est  qu'il  esl 
peu  usité. 

Instill.ation.  Subst.  f.  On  fait  sentir  les  deux 
l  sans  les  mouiller. 

Instiller.  V.  a.  de  la  1'"  conj.  On  fait  sentir 
les  deux  l  sans  les  mouiller. 

Instituer.  V.  a.  de  la  1''  conj.  7w<?r  forme 
deux  syllabes. 

Instituteur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  fem- 
me, on  dit  Institutrice. 

Instructeur.  Subst  m.  Peu  d'auteurs,  dit 
A'ollaire,  se  sont  servis  de  ce  mol  qui  manque  à 
notre  langue.  11  s'en  est  servi  lui-même  dans  les 
vers  suivants  {Le  Busse  a  Paris,  102)  : 


INS 

N«mm(i-moi  donc  ces  saints  que  le  ciel  favorise. 

Maître  Abraham  Cliaumeix,  Haytr  le  récollet, 

El  Berlliier  le  jésuite,  et  le  diacre  Trulilot. 

Et  le  doux  Laveirac,  et  Nonotte  et  tant  d'autres, 

Ils  sont  tous  parmi  nous  ce  qu'étaient  les  apôtres, 

Avant  qu'un  feu  divin  filt  descendu  sur  eux, 

De  leur  siècle  profane  inêtructeurt  généreux,  etc. 

Ikstrdctif,  Instructive.  Adj.  11  lie  se  dit  que 
des  choses,  cl  ne  se  met  point  avant  son  subst. 
Rousseau  a  dit  en  vers,  Vinsiructive  morale  ; 
mais  l'inversion  parait  dure. 

Instruction.  Suhsl.  f.  L'Académie  met  avoir 
de  V instruction,  pour  dire  être  instruit.  Ce  néo- 
logisme n'est  pas  tiès-régulier,  car  instruction 
s'est  toujours  dit  activement  de  l'aciioii  d'in- 
stFuire.  Cependant  ilest  adopté  aujourd'hui  assez 
généralement,  et  on  dit  qu'  un  jeune  homme  a 
de  Vinstruction,  pour  dire  qu'il  a  des  connais- 
sances dans  plusieurs  sortes  de  sciences. 

Instruire.  Y.  a.  de  la  4'  conj.  Ce  verbe  se  con- 
jugue comme  nvire.  Il  régit  à  devant  un  infini- 
tif: Je  m'instruis  à  lui  répondre.  La  nature  in- 
struit les  animaux  à  chercher  ce  qui  leur  est 
propre. 

Je  l'instruirai  moi-même  à  venger  les  Troyens. 

(RlC,  Androm.,  acl.  I,  se.  IV,  69.) 

Vous  me  donnez  des  noms  qui  doivent  me  surprendre, 
Madame  ;  on  ne  m'a  pas  instruite  aies  entendre. 

(lUc,  Iphig.,  act.  II,  se.  V,  45.) 

"Voltaire a  dit: 

Ne  pourra-t-on  m'instruirt 

Qui  commande  en  ces  lieux,  quel  est  le  sort  d'AIzire, 
Si  Montèze  est  esclave  et  vuitencor  le  jour. 
S'il  traîne  ses  malheurs  en  cette  horrible  cour? 

{Alt.,  act.  II,  se.  I,  33.) 

C'était  pour  nous  instruire 

Qae  (onvent  la  raison  sufGtà  nous  conduire. 
[Hcnr.,  IX,  257.) 

Son  exemple  initruioait  bien  mieux  que  ses  diseonrs, 
[Idem,  IX,  263.) 

Devant  les  noms,  il  régit  ordinairement  par  :  Il 
7n  instruit  par  son  exemple.  Mais  quelques  poè- 
tes, au  lieu  de  par,  ont  employé  de: 

Instraisei-Ie  d'exemple 

(CoBK.,  Cid,  act.  I,  se.  Tl,  33.) 

Il  m'instruisait  d'exemple  an  grand  art  des  héros. 
(Volt.,  i/enr.,  II,  1Î5.) 

Instrumental,  Instrumentale.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subsl.  .  Cause  instrumentale, 
musique  instrumentale.  Il  n'a  point  de  pluriel 
au  masculin. 

Insu.  Subst.  m.  Féraud  observe  judicieusement 
que,  puisqu'on  écrit  aujourd'hui  savoir,  j'ai  su, 
on  doit  écrire  insu  et  non  pas  insçu.  C'est  ce 
qu'a  fait  l'Académie  dans  la  dernière  édition  de 
son  Dictionnaire. 

Insuffisant,  Insuffisante.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorstjue  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permeltenl  :  Moyens  insuffisants, 
quantité  insuffisante.  Celle  insuffisante  doc- 
trine . 

Insultant,  Insultante.  Adj.  Il  ne  se  dit  que 
des  choses,  et  peut  se  mettre  avant  son  subsl. 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  pennettent  : 
Discours  insultant,  paroles  insultantes,  manié- 


INT 


40{ 


rf  j  insultantes.  Ces  insultantes  maiiières,  cet 
insultant  procrdé.  Voyez  Adjectif. 

Insulte.  Subsl.  f.  Ce  mol,  qui  ne  peut  être 
employé  aujourd'hui  qu'au  féminin,  était  autre- 
fois masculin.  Buuhours,  Fléciiier,  lui  ont  donné 
ce  genre  ;  et  Boileau  a  dit  dans  son  Lutrin  : 

Evrard  seul,  en  un  coin  prudemment  retiré. 
Se  croyait  à  couvert  de  l'insuiCs  taeré. 

(V,  235.) 

Deux  puissants  ennemis 

A  mes  sacrés  autels  font  un  profane  imulte. 
(VI,   135.) 

L'Académie  ne  donne  point  d'exemple  du  plu- 
riel, ce  qui  ferait  croire  que  ce  mot  ne  peut  être 
employé  à  ce  nombre.  Cependant  on  dit  faire 
des  insultes,  il  a  reçu  de  luiplusieurs  insultes. 

Insulter.  V.  a.  de  la  1'^  conj.  On  dit  insulter 
quelqu'un,  et  insulter  à  quelqu'un.  Le  |)reinier 
signifie  simplement  faire  insulte  à  quelqu'un;  h. 
second  ajoute  à  celle  idée  celle  de  la  lâcheté  qui 
fait  qu'on  prend  avantage  de  la  faiblesse,  de  la 
misère,  du  malheur  de  (luclqu'un  pour  l'insulter  : 
Insulter  aux  malheureux. 

Ce  même  Agaraemnon  à  qui  vous  insultez 

(RiC,  Jphig.,  act.  II,  .se.  V,  60.). 

Dans  ce  sens,  il  se  dit  des  choses  :  Les  imita- 
teurs des  passions  des  grands  insultent  à  leurs 
vices  en  les  imitant.  (Massillon.  Petit  Carême. 
Des  exemples  des  grands,  V  part.,  t.  I,  p.  557.) 
Comhienvoit-on  de  femmes, parce  qu'elles  ne  tom- 
bent pas  dans  des  péchés  grossiers,  insuller  à  la 
fragilité  et  à  la  faiblesse!  (Fléchier.) 

Voudrait-il  insulter  à  la  crainte  publique? 

(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  II,  30.) 

Que  des  yeux  étrangers  pleurent  au    moins  son  sort, 
Tandis  que  dans  ces  lieux  on  insulte  à  sa  mort. 

(Volt.,  Oresfc.act.  II,  se.  Il,  35). 

Il  part,  et  des  rameurs 
L'insolente  allégresse  insulte  à  mes  douleurs. 
(Delil.,  Énéid.,  IV,  621.) 

Insupportable.  Adj.  des  deu.^  genres.  Qu'on 
ne  peut  supporter.  Il  se  dit  des  choses  et  des  per- 
sonnes :  Un  homme  insupportable.  Un  joug  in- 
supportable. On  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Une  dou- 
leur insupportable ,  une  insupportable  douleur. 
Une  humeur  insupportable,  une  insupportable 
humeur.  Voyez  Adjectif. 

Insupportablement.  Adv.  Il  se  met  après  le 
verbe  ;  Il  écrit  insupportablement. 

Insurmontable.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  ne 
peut  être  surmonté.  Le  hasard,  la  misère  ci  d'au- 
tres circonstances  nous  exposent  à  des  lentalions 
presque  insurmontables.  Ce  projet  présente  des 
difficultés  insurmontables.  Lorsque  nous  ju- 
geons qu'une  chose  est  insurmontable,  c'est  par 
le  rapport  des  moyens  aux  obstacles.  Ainsi  ce  ju- 
gement suppose  deux  choses  bien  connues,  la 
force  des  moyens  et  la  grandeur  des  obslades.  On 
peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant 
l'oreille  et  l'analogie  :  Des  difficultés  insurmon- 
tables, d'insurmontables  difficultés.  Voyez  Ad- 
jectif. ,         ,  , 

Intact,  Intacte.  Adj.  On  prononce  le  c  et  le  ^ 
On  ne  peut  le  mettie  qu'après  son  subst.  :  Un 
dépôt  intact,  une  vertu  intacte,  un  ho/nme  intact. 

Intarissable.  Adj.  des  deux  genres.  Qu'on  ne 
peut  tarir  Ce  mol  est  pris  de  l'amas  des  eaux,  li 

26 


/i02 


INT 


sedit  au  propre  cl  au  figuré,  et  on  peut  le  mettre 
avant  ^oii  subsl.,  lorsque  l'analogie  et  Iharmonie 
le  permettent.  :  Une  source  intarissable,  vue 
carrière  intarissable,  des  larmes  intarissables. 
—  Cette  intarissable  source  de  larmes...  Cet 
intarissable  babil.  \ osez  Adjectif. 

Intègre.  Adj.  des  îleux  genres.  11  ne  se  inet 
qu'après  son  subst.  :  Juge  intègre,  U7ie  vertu 
intègre. 

Intellect.  Subst.  m.  Féraud  prétend  qu'on 
prononce  intellek.  On  prononce  intcllecte.  C'est 
l'àme  en  tant  qu'elle  conçoit. 

Intellectuel,  Intellectuelle.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Les  facultés  intellcc- 
txtelles,  objet  intellectuel,  véritvs  intellectuelles. 

Intelligence.  Subsl.  f.  L'Académie  dit  ;  lissant 
d'intelligence  pour  vous  surprendre,  pour  vous 
<roOTpe/-.  Ilacineadit  {Bajaz.,ncl.Ul,  se.  vu, 2): 

Tous  deui  à  me  tromper  sonl-ils  d'intelligence  î 

Lequel  de  ces  deux  régimes  est  le  meilleur?  Il 
semble  que  le  premier  a  rapport  aux  mesures 
concerlées  pour  tromper,  et  le  second  au  concert 
de  l'action. 

Intelligent,  Intelligente.  Adj.  Être  intelli- 
gent, substance  intelligente,  homme  intelligent. 
il  ne  se  met  (ju'après  son  subst. 

Intelligible.  Adj.  des  deux  genres.  Paroles 
intelligibles,  passage  intelligible,  auteur  intel- 
ligible. 11  ne  peut  guère  se  mettre  avant  son  subst. 

Intelligiblement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  cl  le  participe.  Il  a  prononcé  intelli- 
gUlement,  ou  il  a  intelligiblement  prononcé. 

INTE.MI>É^,A^T,1^■TEMPÉRA^TE.  Adj.  Un  homme 
intempérant.  11  suit  toujours  son  subst. 

IisTEjipÉr.iE.  Subst.  f.  Il  se  dit  de  la  mer,  de 
l'air,  du  climat,  des  saisons  et  des  humeurs. 

Intention.  Subst.  f.  C'est  la  lin  que  se  propose 
un  homme  en  agissant.  L'Académie  dit  :  Il  a 
intention,  et  il  a  l'intention  de  faire  quelque 
chose.  11  doit  y  avoir  quelque  différence  entre 
ces  deux  expressions.  Je  [lense  qu'elle  peut  se 
tirer  de  la  nature  même  des  termes.  Dans  il  a 
intention,  intention  est  pris  dans  un  sens  indé- 
fini. Ainsi  on  dira  d'un  homme  qui,  en  général, 
a  intention  de  nuire  à  quelqu'un  lorsqu'il  en 
trouvera  l'occasion,  il  a  intention  de  vous  nuire. 
Dans  avoir  l'intention,  le  mot  intention  est  déter- 
miné pas  l'article;  il  signifie  donc  une  intention 
parliculicre.  Ainsi  on  dira  il  a  l'mtention  de 
vous  nuire,  en  parlant  d'un  homme  qui  cherche 
à  exécuter  un  dessein  particulier  qu'il  a  formé 
pour  nuire  à  quelqu'un. 

Interdire.  V.  a.  cl  irrégulicr  de  la  4'  conj.  Il 
se  conjugue  comme  dire,  excepté  à  la  seconde 
personne  du  présent  de  l'indicatif,  où  l'on  dit 
vous  interdisez,  au  lieu  de  vous  interdites. 
On  dit  aussi  interdisez  à  l'impératif. 

Intéressant,  Intéressante.  Adj.  On  peut  quel- 
quefois le  mettre  avant  son  subst.  :  Un  ouvrage 
intéressant,  une  nouvelle  intéressante,  celle 
intéressante  nouvelle,  un  homme  intéressant. 

Intéresser  (s').  Être  intéressé,  ont  des  sens 
très-différents.  L'un  signifie,  prendre  intérêt,  et 
l'autre,  avoir  intérêt  a  une  chose.  Dans  celle 
phrase:  Fuyez  les procè*  sur  toutes  choses  :  sou- 
vent la  conscience  s'y  intéresse,  la  santé  s'y 
altère,  les  biens  s'y  dissipent  (Wailly),  il  fallait 
y  est  intéressée.  L'affe/^tation  de  la  symétrie  a 
peui-éire  |)roduit  ce  contre-sens.  {Dictionnaire 
critique  de  Féraud.) 

Imébêt.  Subst.  m.  Ce  mot  a  beaucoup  d'ac- 


INT 

ceptions.  Pris  dans  un  sens  absolu,  sans  lui  «donner 
aucun  rapport  immédiat  avec  un  individu  ,  un 
corps,  un  peuple,  il  signifie  ce  vice  qui  nous  fait 
chercher  nos  avantages  au  mépris  de  la  justice  et 
de  la  venu,  et  c'est  une  vile  ambition;  c'est  l'ava- 
rice, la  passion  de  l'argent.  —  Quand  un  dit 
l'intérêt  d'un  individu,  d'un  corps,  d'une  nation; 
mon  intérêt,  l'intérêt  de  l'État,  son  intérêt,  leur 
intérêt,  alors  ce  mot  signifie  ce  (jui  importe  ou 
ce  qui  convient  à  rËlat,"'à  la  [)ersonnc,à  moi,eic. 
—  Intérêt,  se  dit  en  litlératurc,  d'un  récit,  d'une 
peinture,  d'une  scène,  d'un  ouvrage  d'es(irit  en 
général.  C'est  l'attrait  de  l'émotion  (ju'il  nous 
cause,  ou  le  yilaisir  (,'je  nous  éprouvons  à  être 
émus,  à  son  occasion,  de  curijsiié,  d  inquiétude, 
de  crainte,  de  pitié,  d'admiration,  etc. 

Intérieur,  Intérieure.  Adj.  Partie  intérieure, 
nioiirei/icnt  intérieur,  paix  intérieure.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst. 

Intérieurement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
La  grâce  de  Dieu  agit  intérieurement.  C'est  un 
fruit  qui  est  gâté  intérieurement. 

Intérim.  Subst.  m.  On  prononce  le  7re. 

Interjection.  Subsl.  f.  Terme  de  grammaire. 
C'est  un  mot  qui  [leint  d'un  seul  trait  les  affections 
subites  de  I  àme,  et  qui  quelquefois  équivaut  à 
une  phrase  entière.  11  y  a  autant  d'interjections 
qu'il  y  a  de  passions  différentes,  et  l'on  emploie 
quelquefois  comme  interjections  des  mots  qui 
expriment  des  idées.  Ainsi,  quand  lioileau  a  dit 
(Sat.  VI,  1)  : 

Qui  frappe  l'air,  bon  Dieu,  de  ces  lugubres  cris? 

L'expression  bon  Dieu,  est  là  une  interjection. 

Voici  les  mois  qui  sont  particulièrement  destinés 
à  former  des  interjections,  et  les  passions  auxquel- 
les ils  ont  rapport  : 

Ah  I  aïe  !  ouf!  ahi!  hé!  hélas  !  expriment  la 
douleur. 

Ah  !  bon!  la  joie. 

Ail!  hé!  la  crainte. 

Fi!  fi  donc!  l'aversion,  le  mépris,  le  dégoût. 

Oh  !  hé  !  sest  !  la  dérision. 

f^olontiers,  soit,  le  consentement. 

Oh!  l'admiration. 

Ha!  Ho!  bon  Dieu!  miséricorde  !  la  surprise. 

Çà  !  alljns!  courage!  oh  çà!  tenez  ferme! 
l'encouragement. 

Gare!  "holà!  hem!  tout  beau.'  oA .'l'avertis- 
sement. 

Hola!  hé  !  l'appel. 

Chut,  paix,  si,  le  silence. 

Voyez  Ha,  Hé. 

Les  interjections  n'ont  pas  de  place  fixe  dans  le 
discours,  mais  elles  y  figurent  selon  ijue  le  sen- 
timent qui  les  produit  les  manifeste  à  l'extérieur. 
La  seule  attention  iju'il  faille  avoir,  c'est  de  ne 
jamais  les  placer  entre  deux  mots  que  l'usage  a 
rendus  inséparables,  comme  entre  le  sujet  et  le 
verbe,  entre  l'adjectif  et  le  substantif  (ju'il  modi- 
fie. Cependant,  lorsque  les  interjections  tiennent 
à  une  phrase,  elles  se  placent  ordinairement  à  la 
tête,  et  y  font  l'emploi  d'un  adjoint  :  Aïe!  vous  me 
faites  mal;  fi  !  cela  est  vilain. 

Interligne.  Subst.  m.  ii^Tze  étant  féminin,  dit 
Féraud,  il  semble  qu'i'w/e/Vi^we  doit  l'être  aussi; 
Trévoux  et  Richelct  lui  donnent  ce  genre.  L'Aca- 
démie dit  qu'il  est  masculin  lorsqu'il  signifie 
l'espace  qui  est  entre  deux  lignes  écrites  ou  im- 
primées, cl  qu'il  est  féminin  lors(iu'il  s'api)lique 
aux  lames  de  métal  qui  servent  dans  les  impri- 
meries à  séparer  les  lignes  et  les  maintenir.  — 


INT 

Il  n'en  est  pas  i'inierUyue  comme  à'antichambro. 
Celle  dernière  expression  signilie  une  pièce  ou 
chambre  qui  osl  avanl  la  ciiambrc  propremenl 
dite;  et  interligne  ne  signifie  pas  ligne,  mais 
espace  ipii  esl  entre  deux  lignes.  Le  genre  doit 
donc  tomber  sur  espace,  et  non  pas  sur  ligne. 

Imeulocuteuk.  Subsl.  m.  l.inguct  a  dit  iw/ec- 
locutrice,  etrAradcniiecn  1S35  admet  ce  féminin. 

iNiEr.MÉDiAiRE.  Adj.  dcs  dcux  gciucs.  On  no  le 
met  qu'après  son  subst.  :  lemps  intermédiaire, 
espace  iittennédiuire,  corps  intermédiaire. 

Imekminable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avanl  sou  subst.,  lorsipie  l'analogie  et 
l'harmonie  lepcrmeUcnt  :  Question interminaUe , 
difficultés  interminables,  procès  interiiiinahle, 
disputes  interminables.  —  Cette  interviinuble 
question,  ces  interminables  difficultés,  etc. 
^'oyez  Adjectif. 

I.NTERMITTENÏ.  iNTEr.MITTENTE.  Ou  prOUOnce  IcS 

deux  t  du  milieu.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Pouls  intermittent,  fièvre  intermit- 
tente. 

Interne.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Qualité  interne,  vertu  in- 
terne, cause  interne, principe  interne. 

*  Imermssable.  Adj.  des  deux  genres.  Mot 
nouveau  proposé  par  Mercier.  On  dit  invariable, 
pour,  qui  ne  varie  point,  qui  ne  jieut  varier;  in- 
tarissable, pour,  qui  ne  peut  tarir  ou  être  tari; 
indéchiffrable,  pour,  qui  ne  jx-ul  être  dèchilTré; 
impérissable,  puur,  qui  ne  peut  i)érir.  Pourquoi 
ne  dirait-on  pas  intemissahle,  pour  signifier  qui 
ne  peut  èire  terni?  A'oltaire  a  dit  [Pucelle,  XXl, 
43): 

Pour  achever  de  mettre  en  tout  son  jour. 
De  Jeanne  d'Arc  le  lustre  interniseable,  etc. 

Inteuprétvtif,  Interprétative.  Adj.  On  ne  le 
met  qu'après  son  subst.  :  Déclaration  interpré- 
tative, clause  interprétative. 

Interprète.  Subst.  m.  L'Académie  n'applique 
qu'aux  yeux  celle  expression,  dans  le  sens  figuré  : 
Les  yeux  sont  les  interprètes  de  l'âme.  Racine  a 
dit  {Britan..,  acl.  II,  se.  m,  114)  : 

. . .  Toujours  de  mon  cœur  la  boiiclie  est  Yintcrprcte. 

et  Voltaire  [Oreste,  acl.  IV,  se.  viii,  36)  : 

Ta  bouche  esl  de  mon  sort  Vinterprète  funeste. 

Interrègne.  Subst.  m.  On  prononce  les  deux  r. 

Interrogant.  Adj.  qui  n'est  d'usage  que  dans 
cette  expression,  ^ot/U  i/jierro^a/i/.  On  iirononce 
intérogant.  Le  point  interrogant,  que  l'on  ap- 
pelle aussi  point  interrogatif,  est  un  point  dont 
on  se  sert  dans  l'écriture  pour  figurer  l'interro- 
gation. 11  se  figine  de  celte  sorte  ('?);  il  se  meta 
4a  fin  de  toute  proposition  qui  interroge,  soit 
qu'elle  suit  pleine  ou  elliptique;  soit  qu'elle  fasse 
partie  du  discours  où  elle  se  trouve,  ou  qu'elle  y 
soit  seulement  rapportée  comme  prononcée  di- 
rectement par  une  autre  personne  :  Peut-on  voir, 
sans  compassion,  souffrir  son  seinbluble'l 

Interrogatif,  Interrogative.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  On  prononce î«ie'/o^a- 
tif.  Terme  de  grammaire.  Qui  sert  à  interroger. 
Une  phrase  est  interrogative,  lorsqu'elle  exprime 
de  la  part  de  celui  qui  parle  une  question  plutôt 
qu'une  assertion.  On  met  ordinairement  à  la  fin 
de  cette  phrase  un  point  que  l'on  nomme  inter- 
rogant ou  interrogatif:  Quavez-vous^  Oùsuis- 
je  ?  Voyez  Interrogant. 


INT 


403 


Quoi  qu'en  disent  p'iusieurs  grammairiens,  il 
n'y  a  dans  la  langue  aucun  Icrme  qui  soit  pr-j- 
prcment  interrogatif,  c'est -à-dire, qui  désigne  es- 
sentiellement l'iiUerrogation.  La  i)reuve  en  esl 
(pie  les  mêmes  mots  que  l'on  allègue  comme 
tels,  sont  mis  sans  aucun  changement  dans  les 
assertions  les  plus  posilives.  Ainsi  l'on  dil  bien, 
combien  coûte  ce  livre'?  Comment  vont  nos  af- 
fuiresl  Où,  tendent  ces  discours?  Pourquoi 
sommes-7iotts  nés?  Quand  reviendra  la  paix? 
Que  veut  cet  homme?  Qui  a  parlé  de  la  sorte? 
Sur  quoi  est  fondée  notre  espérance?  Quel  bien 
est  préférable?  Mais  nous  disons  aussi  sans  inter- 
rogation,/e  501*  combien  coûte  ce  livre  ;  j'ignore 
COnmiiluK  vont  nos  affaires  ;  vous  comprenez  où 
iendc?it  ces  discours  ;  la  religion  nous  enseigne 
pourquoi  nous  sommes  nés;  ceci  nous  apprend 
quand  reviendra  lu  paix  ;  chacun  devine  ce  que 
veut  cet  homme;  personne  ne  sait  qui  a  parlé  de 
la  sorte;  vous  co7inuissez  sur  (pioi  est  fondée 
notre  espérance  ;  cherchons  quel  Lien  esl  préfé- 
rable. Qu'est-ce  i\\x'\  dénote  donc  si  le  sens  d'une 
phrase  est  inierrugalif  ou  non? 

Dans  toutes  celles  où  l'on  trouve  quelqu'un  de 
ces  mois  réjjutés  iulerrogalifs  en  eu.x-mémes, 
on  reconnaît  ce  sens,  eu  ce  que  ces  mots  mêmes 
étant  conjonctifs,  et  se  trouvant  néanmoins  à  la 
tête  de  la  phrase  construite  selon  l'ordre  ana- 
lytique, c'est  un  signe  assuré  qu'il  y  a  ellipse  de 
l'anlécédent,  et  que  cet  antécédent  est  le  com- 
plément granunalical  d'un  verbe  aussi  sous-en- 
tendu, qui  exprimerait  directement  l'interroga- 
tion  s'il  était  énoncé. 

Reprenons  les  exemples  que  nous  venons  de 
donner,  et  nous  allons  nous  en  convaincre.  Com- 
bien coûte  ce  livre?  c'est-à-dire,  apprenez-moi  le 
prix  que  colite  ce  livre.  Comment  vont  vos  af- 
faires? dites-moi  la  manière  selon  laquelle  vont 
vos  affaires,  etc. 

Dans  les  phrases  où  il  n'y  a  aucun  de  ces  mots 
conjonctifs,  on  marque  souvent  le  sens  interro- 
gatif par  un  tour  particulier.  On  met  le  i)ronoin 
personnel  qui  indique  le  sujet  du  verbe  innné- 
dialement  après  le  verbe,  s'il  est  à  un  temps  sim- 
l)le;  et  après  l'auxiliaire,  s'il  esl  a  un  temps  com- 
posé; et  cela  s'observe  lors  même  (jue  le  sujet  est 
exprimé  d'ailleurs  par  un  nom,  soit  simple,  soit 
accompagné  de  modificalifs  .  Fiendrez-vous? 
Avuis-je  compris?  La  raison  que  vous  alléguez 
aurait-elle  été  suffisante?  Il  faut  cependant  ob- 
server que  si  le  verbe  était  au  subjonctif,  cette 
inversion  du  pronom  personnel  ne  marquerait 
point  l'interrogalion,  mais  une  simple  hy[iotlièse, 
ou  un  désir  dont  l'énoncialion  explicite  est  sup- 
primée par  ellipse:  /tinssiez -vous  à  bout  de  votre 
dessein,  i)our,  je  supi)ose  même  que  vous  vins- 
siez à  bout  de  votre  dessein.  Puissiez-vous  être 
content,  pour,  je  souhaite  que  vous  puissiez  être 
content.  Quelquefois  même  le  verbe  étant  à  l'in- 
dicatif ou  au  conditionnel,  cette  inversion  n'est 
pas  interrogative;  ce  n'est  qu'un  tour  plus  élé- 
gant ou  plus  affirmalif  :  Aussi  conservons -nous 
nos  droits  ;  en  vain  formerions-nous  les  plus 
vastes  projets  ;  il  le  fera,  dit-il. 

Ce  n'est  souvent  que  le  ton  et  les  circonstances 
du  discours  quidèlerminent  une  phrase  au  sens 
interrogatif;  et  comme  l'écriture  ne  peut  figurer 
le  ton,  c'est  alors  le  point  inlcrrogalif  ((ui  y  dé- 
cide le  sens  de  la  phrase.  (Beauzée.)  Voyez  In- 
terrogation. 

Interrogation.  Subst.  f.  Interrogation,  en  ht- 
lérature,  se  dit  d'une  figure  de  rhétorique  par 
laquelle  celui  qui  parle  avance  une  chose  par 


404 


INT 


forme  de  question.  L'apostrophe  qu'il  se  fait  alors 
à  iiii-niéino,  ou  qu'il  l'ail  aux  autres,  ne  donne 
pas  peu  de  jpoids  et  de  véliéinence  à  ce  qu'il  dit. 
I, 'orateur  peut,  en  plusieurs  occasions,  employer 
celte  ligure  avec  avantage  :  d°  (juand  il  parle 
d'une  chose  d'un  ton  affirmatif,  cl  comme  ne 
pouvant  souffrir  aucun  doute;  2°  quand  il  veut 
montrer  les  absurdités  où  l'on  tomberait  en  en- 
treprenant de  combattre  ses  senlimcnts;  3"  lors- 
qu'il veut  dcmôlcr  les  réponses  captieuses  ou  les 
sophismes  de  son  adversaire;  4"  quand  souvent, 
pressé  lui-même,  il  veut  à  son  tour  presser  vive- 
ment son  aniagonislc.  Celle  ligure  est  très-propre 
à  peindre  les  fiassions  vives,  mais  surtout  l'in- 
dignation, ouand  rintcrrogation  exprime  le  doute, 
l'incerliiude,  le  verbe  de  la  proposition  subordon- 
née doit  èlre  mis  au  subjonctif  :  Croyez-vous 
qnil  ait  dit  cela  ?  Mais  quand  elle  n'est  em- 
ployée ([ue  j)our  affirmer  ou  nier  avec  plus  d'é- 
nergie, le  verbe  de  celte  proposition  se  met  à  l'in- 
dicatif. 

Croirai-je  qu'un  mortel,  avant  sa  dernière  lieure, 
Peut  pénétrer  des  morts  la  profonde  demeure? 

(Rac,  Phéd.,  act.  II,  «c.  I,  23.) 

Madame,  oublier-vous, 
Qu«  Thésée  ut  mon  père,  et  qu'il  est  votre  époux? 
(Rlc,  Phed.,  act.  II,  se.  v,83.) 

Voyez  Interrogatif. 

Interroger.  V.  a.  de  la1"conj.  On  prononce 
inièroger.  Dans  ce  verbe,  ^  doit  toujours  se  pro- 
noncer comme  j ;  et  pour  lui  conserver  celle 
prononciation  lorsqu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un 
0,  on  met  un  e  muet  avant  cet  a  ou  cet  o  :  J'in- 
terrogeais, interrogeons,  et  non  \)diSj'interrogais, 
interrogons.  ]Nous  ajouterons  les  exemples  sui- 
vants à  ceux  que  donne  l'Académie  : 

Des  victimes  vous-mêmes  interrogez  U  flanc. 

(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  il,  40.) 

Je  reviens  sur  mes  pas,  et,  d'un  œil  curieui. 
Mes  avides  regards  interrogent  ces  lieux, 

(Delil.,  Éniid.,  II,  1003.) 

Il  faut  franchir  l'Averne,  et,  dans  ses  sombres  bois, 
De  l'antique  sibylle  interroger  la  voix. 

(Idem,  III,  585.) 

U  est  temps,  il  est  temps  d'interroger  le  tort. 
{Idem,  VI,  62.) 

Le  héros  cependant  d'un  roc  gagne  la  cime, 
Et  de  la  mer  au  loin  witerroje  l'abtme. 

[Idem,  I,   257.) 

Racine  a  dit  dans  Iphigénie  (act  I,  se.  iv,  9)  : 

Et  qui  de  son  destin  qu'elle  ne  connaît  pas. 
Vient,  dit-elle,  enÂulide  interroger  Calchas. 

On  dit  interroger  quelqu'un  sur  quelque  chose. 
Racine  dit  ici,  interroger  de.  C'est  un  tour  latin 
(|ui  doit  ôlrc  permis  eu  poésie. 

1>tekrompi;k.  V.  a.  de  laA'conj.  Il  se  conju- 
gue comme  rovtpre. 

Mais  un  trouble  importun  vient  depuis  quelques  jours 
De  mes  prospérités  interrompre  le  cours. 

(Rac,  Ath.,  act.  II,  se.  V,  26.) 

Voyez  Rompre. 

Interbdption.  Subst.  f.  Interruption  OU  ré- 
ticence, en  termes  de  littérature,  se  dil  d'une 
figure   de    rhétorique  dans  laquelle   l'orateur. 


INT 

ou  distrait  par  un  sentiment  plus  violent  qui 
s'élève  subitement  au  fond  de  son  àmc,  ou  hon- 
teux de  ce  qui  lui  reste  à  dire,  s'interrompl 
lui-même,  et  se  livre  à  d'autres  idées.  Dans 
VAthalic  de  Racine,  celle  princesse  parle 
ainsi  à  Joad  lorsqu'il  l'a  attirée  dans  le  temple, 
sous  prétexte  de  lui  livrer  Eliacin  cl  ses  trésors 
(act.  V,  se.  V,  4)  : 

En  l'appui  de  ton  Dieu  tu  t'étais  reposé; 

I.'e  ton  espoir  frivole  es-lu  désabusé? 

Il  laisse  en  mon  pouvoir  et  son  temple  et  ta  vie. 

Je  devrais  sur  l'autel  où  ta  main  sacrilic 

Te...   Mais  du  prix  qu'on  m'offre  il  faut  me  contenter. 

Ce  que  lu  m'as  promis,  songe  à  Texécuter. 

Hermione  s'exprime  ainsi  dans  Andromaque 
(act.  II,  se.  I,  49)  : 

Tu  veux  que  je  le  fuie  ;  hé  bien,  rien  ne  m'arrite. 
Allons,  n'envions  plus  son  indigne  conquête: 
Que  sur  lui  sa  captive  étende  son  pouvoir; 
Fuyons  :  mais  si  l'ingrat  rentrait  dans  son  devoir; 
Si  la  foi  dans  son  cœur  retrouvait  quelque  place  ; 
S'il  venait  à  mes  pieds  me  demander  sa  grâce; 
Si  sons  mes  lois,  Amour,   tu  pouvais  l'engager, 
S'il  voulait...  Mais  l'ingrat  ne  veut  que  ra'outrager. 

Ces  interruptions  ont  beaucoup  de  vérité  et  de 
force;  il  est  impossible  a  la  passion,  lorsqu'elle 
est  extrême,  de  sui\re  un  long  enchaînement  d'i- 
dées; le  trouble  de  l'àine  passe  dans  le  discours, 
et  il  se  brise  et  se  découd  ;  mais  il  faut  savoir 
les  employer  à  propos. 

On  lit  dans  Thomas  Corneille  {Comte  d'Essex, 
act.  III,  se.  u,  67)  : 

Que,  sijrque  mes  bontés  passent  ses  attentats... 

Ce  vers,  dit  Voltaire,  ne  signifie  rien.  Seule- 
ment le  sens  en  est  interrompu  par  des  points 
qu'on  appelle  poursuivants;  mais  il  serait  difficile 
de  les  remplir.  C'est  une  grande  négligence  de  ne 
point  finir  sa  phrase,  sa  période,  et  de  se  laisser 
ainsi  interronjpre,  surtout  quand  la  personne  qui 
interrompt  est  un  subalierne  (|ui  manque  aux 
bienséances  en  coupant  la  parole  à  sou  supé- 
rieur.—  On  lit  encore  dans  Thomas  Corneille 
[Comte  d'Esses,  act.  IV,  se.  w,  44)  : 

Pour  la  seule  duchesse,  il  m'aurait  été  doux 

De  passer...  Mais,  liélas  !  un  autre  est  son  époux. 

Cette  réticence  au  luot  i\e  passer,  dit  Voltaire, 
est  une  figure  mal  à  propos  prodiguée;  la  réti- 
cence ne  convient  que  quand  on  craint  ou  qu'on 
rougit  d'achever.  ^  oyez  Réticence. 

Intestin,  Intestine.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Mouteme nt  intestin,  chaleur  intes- 
tine ;  guerre  intestine  ;  discorde  intestine. 

Intlme.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  ;  Ami  intime,  cette  union  intime, 
cette  intime  union;  liaison  intime,  cotte  intime 
liaison  ;  persuasion  intime,  cette  intime  persua- 
sion. \'iiyoz  Adjectif. 

lNToi.Er.ABLE.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'har- 
monie le  permettent  :  Une  chose  intolérable,  une 
injure  intolérable  ;  cette  intolrruble  injure. 

Intolérant,  Intolérante.  Adj.  Un  hoviviein- 
tolérant,  des  prêtres  intolérants.  On  ne  le  met 
qu'après  son  subst. 

Intonation.  Subst.  f.  C'est  l'action  d'entonner. 
Faire  l'intonation  d'un  chant,  c'est  le  commen- 
cer, et  donner  le  ton  sur  lequel  il  doit  être  pour- 


LNT 

suivi. — Intonniinn  se  prend  encore  dans  un  autre 
sens.  On  dit  d'un  musicien  <\\îil  a  l'into /talion 
juste,  li>rs(iii"il  exécute  avec  précision  les  inter- 
valles de  niusi(pic.  l.a  justesse  de  l'intonation  dé- 
pend de  la  voix,  de  l'oreille  et  de  l'exercice.  On 
entend  par  ce  moi,  en  lillérature,  le  ton  plus  ou 
moins  fort,  plus  ou  moins  élevé,  dont  on  pro- 
nonce une  i)lirase,  ou  une  partie  de  période.  On 
ne  dit  pasilu  nième  lun,  je  nuis  aime,  et  smtcz 
d'ici,  vnst'ralle.  Les  intonations  dépendent  du 
caractère  de  l'idée,  ou  de  la  nature  du  sentiment 
que  l'on  veut  exprimer,  et  surtout  de  la  situation 
de  l'àme  de  celui  qui  jiarle,  ou  de  l'effet  (ju'il  a 
dessein  de  produii  e  sur  l'auditeur.  Le  ton  est  plus 
élevé,  selon  que  le  sentiment  est  plus  ou  moins 
vif.  Il  est  moins  élevé  dans  la  plainte,  dans  la 
prière  ;  il  l'est  davantage  dans  le  reproche,  dans 
la  colère,  dans  l'indignation. 

L'intonation  se  régie  surtout  par  les  figures  que 
l'on  emploie.  Dans  la  gradation,  elle  doit  tou- 
jours aller  en  croissant  comme  les  idées  dont  se 
compose  cette  ligure.  Ainsi  l'on  prononcera  avec 
une  intonation  plus  forte  chaque  mot  des  gra- 
dations suivantes  :  //  a  commis  des  fautes,  des 
crimes,  des  forfaits. 

Je  le  vis,  je  rougis,  je  palis  à  sa  vue. 

(Rac,  Phéd.,  act.  I,  se.  m,  121.) 

Dans  l'antiihèse,  l'intonation  des  deux  mem- 
bres de  la  phrase,  ou  des  deux  luots  opposés,  ne 
doit  pas  éire  la  même;  elle  doit  être  plus  forte 
sur  l'un  que  sur  l'autre,  aOn  de  faire  mieux  sen- 
tir l'opposition. 

La  répétition  étant  destinée  à  donner  plus  de 
force  et  d'énerj.'ie  à  une  expres^ion,  l'intonation 
doit  être  plus  forte  sur  le  mot  répété,  afin  de 
mieux  maniuer  sa  destination  :  Feriez ,  venez 
dans  mes  bras.  Le  second  venez  doit  être  plus 
sensible  que  le  premier  :  Je  l'ai  vu,  je  l'ai  vu  de 
mes  propres  yeux. 

Dans  l'interrogation,  l'intonation  sera  plus  forte 
en  proportion  du  sentiment  cpii  l'inspire  :  Arez- 
vous  rempli  mes  intentions^  se  dira  avec  une  in- 
tonation moins  forte  que  n'avez-vous  pas  violé 
tous  vos  serments? 

L'apostrophe  étant  produite  par  un  mouve- 
ment vif  de  I  àme,  l'intonation  sera  d'une  force 
j)lus  ou  moins  grande,  suivant  les  degrés  de  vi- 
vacité de  ce  mouvement.  \oyezJccent,  Quantité. 

Intraduisible.  Adj.  des  deux  genres  :  Unpas- 
soffe  intraduisible,  vu  ouvrage  intraduisible,  un 
auteur  intraduisible.  On  peut  le  incllre  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie: 
Ces  intraduisibles  beautés.  Voyez  Adjectif. 

Intraitable.  Adj.  des  deux  genres.  Un  homme 
est  intraitable  lorsque  la  dureté  de  son  caractère, 
la  férocité  de  son  esprit,  l'inflexibilité  de  son  hu- 
meur, la  fierté  rude  de  ses  mœurs,  repoussent 
tous  ceux  qui  ont  a  traiter,  à  agir  ou  à  converser 
avec  lui.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en 
consultant  l'oredle  et  l'analogie  :  U?i  homme  in- 
traitable, une  fi'mme  intraitable  ;  une  humeur 
tnt'''aitablc  ,  cette  intraitable  humeur.  Voyez 
Adjectif. 

Întp.ansitif.  Adj.  m.  qui  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  En  termes  de  grammaire,  on  appelle  reries 
intransitifs  les  \  erbes  neutres  qui  expriment  des 
actions  i|ui  ne  passent  point  hors  du  sujet  qui  agit. 
DÎ7icr,  Souper,  parler,  cic,  sont  des  verbes  in- 
iransitil's. 

Intrépidr.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 


INT 


405 


l'analogie  :  Homme  intrépide,  courage  intrépide. 
—  Cet  intrépide  courage.  Par  cette  intrépide 
attaque...  Voyez  Adjectif 

Sou  vent,  enlrc  l'houune  intrépide  et  le  furieux, 
il  n'est  de  différence  visible  que  la  cause  qui  les 
anime.  Celui-ci,  pour  des  biens  frivoles,  pour  des 
honneurs  chimcriciucs  (ju'on  acnèierail  encore 
trop  cher  par  un  simple  désir,  sacrifiera  ses  amu- 
semenls,  sa  tran<]uillilc,  sa  vie  même.  L'autre,  au 
contraire,  connaît  le  prix  de  son  existence,  les 
charmes  du  i)laisir,  et  la  dourcur  du  repos.  Il  y 
renoncera  cependant  pour  affronter  les  hasards, 
les  souffrances  et  la  mort  même,  si  la  justice  et 
son  devoir  l'ordonnent  ;  mais  il  n'y  renoncera  qu'à 
ce  prix.  Sa  vertu  lui  est  plus  chère  que  sa  vie, 
que  ses  plaisirs  et  son  repos;  mais  c'est  le  seul 
avantage  qu'il  iiréfére  à  tous  ceux-là. 

INT^.ÉPID[:M^:^T.  Adv.  On  lient  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  soutint  intrépide- 
ment Vattaque  de  l'ennemi;  il  a  intrépidement 
Soutenu  l'attaque  de  Vennemi. 

I.^TRIGANT,  1:ntriga\te.  Adj.  des  deux  genres 
qui  se  prend  aussi  substantivement.  Quoique 
cet  adjectif  vienne  du  verbe  intriguer,  qui  prend 
un  M  après  le  9,  on  l'écrit  sans  u,  pour  le  distin- 
guer du  particijie,  qui  prend  cet  u. 

Cet  adj.  ne  peut  guère  se  mettre  qu'après  son 
subst.  :  (Jn  homme  intrigant,  une  femme  intri- 
gante. Peut-être  pourrait-on  dire  dans  certains 
cas,  cette  intrigante  créature.  Voyez  Adjectif. 

IivTr.iNsÈQUE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  Dans  le  langage  des  philo- 
sophes, il  signifie  qui  est  au  dedans  de  quelque 
chose,  et  qui  lui  est  propre  et  essentiel  :  Fertu  in- 
trinsèque,qualité  intrinsèque. — Il  a  un  sens  |)lus 
déterminé  dans  le  cas  où  il  est  appliqué  à  la  valeur 
desobjets  :  La  valeur  intrinsèque  d'un  bijou  d'or, 
c'est  la  matière  même,  sansaucun  égard  a  la  façon. 
La  valeur  i/itrinsèque  d'une  pièce  de  monnaie, 
c'est  le  inétal  considéré  relativement  au  grain  de 
fin,  et  non  au  travail. 

Lntrinsèquement.  Adv.  Il  ne  se  met  pas  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe. 

LNTnoDL'CTEUR.  Subst.  m.  L'Académie  nous 
avertit  qu'on  dit  au  féminin  introductrice.  En  ef- 
fet, plusieurs  auteurs  ont  emidoyé  ce  mot. 

INTROUVABLE.  Adj.  dcs  dcux  gcurcs.  Fous  êtes 
un  homme  introuvable.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst. 

*I^TROuvÉ,  Introuvée.  Mot  nouveau.  Nous 
avons,  dit  La  Harpe,  inviolable  et  introuvable, 
pourquoi  n'aurions-nous  pas  Miuio/i;  et  introuvé, 
(pii  sont  dans  l'analogie,  et  qu'on  entendrait  tout 
aussi  bien  ?  Ce  fut  une  loi  toujours  inviolée,  etc., 
et  si  l'on  parle  tous  les  jours  d'objets  invendus, 
pourquoi  pas  d'objets  introuvés'^  —  Oui,  pourvu 
([ue  vous  conserviez  toujours  à  ces  expressions 
le  sens  négatif  qu'elles  ont  essentiellement.  Dites, 
voilà  des  objets  invendus,  pour  dire  des  objets 
(|ui  n'ont  pas  été  vendus;  mais  ne  dites  pas,  ces 
iibjets  sont  invendus  ,  car  alors  vous  employez 
une  expression  positive  pour  exprimer  une  pur« 
négation;  vous  sqmblez,  par i«rc/K/Kv, supposer 
dans  l'objet  une  (lualité  positive  qu'il  n'a  point. 
L'analyse  de  cette  phrase,  ces  objets  sont  inven- 
dus, est,  ces  objets  sont  71071  vendus,  c'est-à-dire, 
so7it  et  ne  sont  pas.  Or,  cela  est  aussi  ridicule 
que  si  l'on  disait ,  ces  doux  hommes  sont  non 
amis,  au  lieu  de  dire  tout  simplement,  ces  deux 
hommes  ne  sont  pas  amis.  Voyez  In. 

I.MuniF,  Intuitive.  Adj.  £/(:  forme  deux  syl- 
labes. Il  n'est  dnsîigc  qu'en  cette  phrase:  La 
vision  intuitive  de  Dieu. 


406 


INV 


ÏNTLiTivF.MENT.  Ailv.  Ui  faïl  (Jciix  syllabcs. 
Cet  adverbe  ne  se  inel  point  eiilrc  l'auxiliaire  et 
leparlicipc. 

Inusité.  Inlsitée.  Adj.  Chose  inusitée,  mot 
inusité,  façon  de  parler  inusitée.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subsl. 

Inutile.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  snbst.,  lorstjuc  l'analogie  et 
riiarmonie  le  |>ermellenl  :  Homme  inutile,  tra- 
vail inutile,  peine  inutile,  précinilions  inutiles. 
—  Cet  inutile  travail,  ces  inutiles  précautions. 
Avec  le  verbe  être,  inutile,  régit  de,  (juand  ce 
verbe  «st  pris  iiiipersonnclli^mciil  :  //  est  inutile 
de  dire,  de  faire  ;  ([uand  le  verbe  être  est  jjris 
dans  un  aulre  sens,  i?iutile  régit  à  :  Cela  est 
inutile  à  dire.  "N'oyez  Adjectif. 

Inutilement.  Adv.  Quelquefois  il  se  met  au 
commencement  de  la  phrase,  et  alors  le  pronom, 
sujet  du  verbe,  est  mis  après  le  verbe  :  Inutile- 
ment se  flatterait-on  de  l'apaiser.  D'autres  fois 
on  le  met  après  le  verbe  :  f^ous  vous  tourmentez 
inutilement.  Enfin  on  peut  aussi  le  mettre  enlrc 
l'auxiliaire  et  le  participe:/?  s'est  inutilement 
tourmenté . 

Invaincu,  Invaincue.  Adj.  Corneille  a  dit  dans 
le  Cid  (act.  II,  se.  ii,  22): 

ToB  bras  est  invaincu,  mais  non  pas  invincible. 

Et  dans  les  Horaces  (act.  III,  se.  vi,  22)  : 

Ce  bonheur  a  suivi  leur  courage  invaincu. 

Le  mot  invaincu,  dit  Voltaire,  n'a  point  été  em- 
ployé par  les  autres  écrivains  ;  je  n'en  vois  au- 
cune raison.  Il  signifie  autre  chose  qu'indoînp- 
té  ;  un  pays  est  indompté,  un  guerrier  est  in- 
vaincu. [Remarques  sur  Corneille.)  Yoltîiire  a 
dit  lui-même  dans  Olympie  (act.  I,  se.  ii,86)  : 

Que  mes  braves  guerriers  et  vos  Grecs  invaincus, 
Une  seconde  fois  fassent  trembler  l'Euplirate. 

^'oyez  In. 

Invalide.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
'ju'aprés  son  subst.  :  Un  soldat  invalide.  —  Un 
acte  invalide. 

Invalidement.  Adv.  On  peut  le  niellre  entre 
l'auxiliaire  et  leparlici{)e  :  Il  a  contracté  invali- 
dement,  il  a  invalidement  contracté. 

Invariable.  Adj.  des  deux  genres:  Règle  inva- 
riable, ordre  invariable.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subsl.,  en  consultant  l'oreille  et  ranaiogic  : 
Cette  invariable  règle.  Voyez  Adjectif. 

On  ab\ise  souvent  de  celte  expression.  On  dit 
sa  santé  est  invariable,  le  cours  des  astres  est 
invariable  ;  c(i\a  n'est  pas  exact,  il  n'y  a  rien  d'in- 
viiriable  dans  la  nature.  L'application  do  ce 
lerme  à  l'homme  l'est  bien  moins  encore.  Il  n'y 
a  personne  (jui  soit  invariable  dans  ses  opinions, 
(ims  ses  jugements,  dans  ses  sentiments.  Dieu 
seul  est  iiiriiriable. 

Invariable  est  aussi  un  terme  de  grammaire 
fiançai'^e,  qui  se  dit  des  mol^  qui  ne  prennent 
point  les  signes  du  féminin  ou  du  pluriel.  On 
lie  peut  pas  dire  qu'ils  sont  indéclinables  ;  car  un 
mot  n'est  déclinable  (pie  lorsqu'il  prend  diverses 
terminaisons  pour  indiquer  ses  rajjports  avec  les 
autres  parties  de  la  phrase  ;  et  en  français,  il  n'y 
a  point  de  mots  qui  soient  dans  ce  cas. 

Invariablement.  Adv.  On  le  met  souvent  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  ailaché  inva- 
riitblement  à  son  devoir;  il  est  invariablemetit 
Qitaché  à  son  devoir. 


INV 

Invendable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  (juaprés  son  subst.  :  7"erre  invendable, 
marcha  ndise  invendable . 

Invendu,  Invendue.  Adj.  11  se  dit  des  marchan- 
dises destinées  à  être  vendues,  qui  ne  l'ont  pas 
encore  été  :  Marchandises  invendues.  Voyez. 
In  trouvé. 

Inventeur.  Subsl.  m.  L'Académie  dit  inven- 
trice en  parlant  d'une  femme. 

Inventif,  Inventive.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
pris  son  subst.  ;  Homme  inventif,  esprit  in- 
ventif, génie  inventif. 

Invention.  Subst.  f.  L'invention,  en  termes  de 
littérature,  est  l'action  d'imaginer  ou  de  choisir 
des  sujets  convenables,  d'y  découvrir,  d'y  saisir, 
d'y  développer  ce  que  n'y  voit  pas  le  commun 
des  hommes.  Celui  (pii  compose  un  tout  idéal, 
intércssanl  cl  nouveau,  d'un  assemblage  de  choses 
connues,  ou  qui  donne  à  un  tout  existant  une 
grâce,  une  beauté  nouvelle,  a  ce  (]u'on  appelle 
de  l'invention,  ou  le  génie  de  l'invention. 

Inversion.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire  qui 
signifie  renverseincnt  d'ordre.  Ainsi  toulc  in- 
version suppose  un  ordre  primitif  et  fondamen- 
tal, et  nul  ariangcincnt  ne  peut  être  appelé  iji- 
version  que  par  rapport  à  cet  ordre  primitif. 
Examinons  donc  en  quoi  consiste  cet  ordre. 

En  général,  ordre  veut  dire  arrangement,  soit 
des  choses,  soit  des  mots  ()uand  le  mut  d'ordre 
est  pris  absolument  sans  aucune  qualification, 
et  qu'on  parle  d'êtres  physi(iues,  on  entend  que 
les  objets  nous  sont  présentés  de  manière  que 
nous  nous  faisons  aisément  l'image  de  l'ensemble 
et  des  raj^ports  scion  lesquels  ces  objets  sont 
disposés  entre  eux.  Si  nous  ne  pouvons  pas  nous 
représenter  aisément  cet  ensemble,  et  que  nous 
apercevions  que  les  objets  ne  sont  pas  disposés 
suivant  la  convenance  et  les  rapports  qu'ils  ont 
entre  eux,  nous  disons  qu'il  y  a  confusion,  dé- 
rangement, désordre. 

S'il  s'agit  de  syntaxe  ou  construction  gramma- 
ticale, ordre  ne  se  dit  pas  de  tout  arrangement 
des  mots;  il  semble  (lue  ces  termes,  arrange- 
ment, structure,  aient  en  grammaire  un  sens 
plus  étendu  que  le  mol  û'ordre  ;  on  dit  la  struc- 
ture d'un  discours,  l'arrangement  des  mots  d'une 
phrase.  A  l'égard  à'ordre,  il  ne  se  dit,  à  la  ri- 
gueur, que  de  la  construction  grammaticale  ré- 
gulière. 

Ainsi  ordre  ne  signifie  jias  un  arrangement 
quelconque;  il  ne  marque  que  l'arrangement 
particulier  des  mots,  selon  la  suite  des  signes 
des  rapports  ([u'ils  ont  entre  eux  pour  faire  un 
sens.  Les  mots  ne  peuvent  exciter  de  sens  dans 
l'esprit  de  celui  qui  lit  et  qui  écoute,  tjue  par  la 
connaissance  qu'il  a  des  signes  de  ces  rapports, 
connaissance  (lui  s'ac<iuierl  ou  simplement  ou 
par  usage,  c'est-à-dire  par  le  commerce  (pie  l'on 
a  avec  les  personnes  (jui  parlent  une  langue,  ou 
bien  par  la  voie  de  l'étude,  de  l'instruction  et  de 
la  lecture. 

Le  sens  total  qui  résulte  de  l'assemblage  et  de 
la  construction  des  mots,  ne  peut  être  entendu 
qu'après  (pie  toute  la  proposition  est  énoncée. 
Alors  l'esprit,  par  un  simple  regard,  aperçoit 
toute  la  suite  et  l'cnchainemcnt  des  rapports. 
C'est  cette  suite  de  rajiporls  qu'on  appelle  sim- 
plement ordre,  et  souvent  aussi  ordre  gramma- 
tical, ordre  naturel. 

Quand  tous  les  mots  d'une  phrase  sont  ex- 
I)rimés,  et  qu'ils  sont  rangés  sehm  la  suite  et 
l'enchaînement  de  leurs  rapports,  on  dit  qu'il  n'y 
a  pas  inversion.  Si  ces  mots  ne  sont  pas  rangés 


INV 

selon  la  suile  de  louis  rapports,  il  y  a  immersion, 
c'csl-à-dire  que  rciu'li;iinemcnl  des  rapports  est 
ou  renversé,  ou  intcrioinpu. 

Si  tous  les  mots  nécessaires  pour  rendre  la 
construction  pleine  et  entière  ne  sont  pas  expri- 
més, on  ne  dit  pas  pour  cela  qu'il  y  ait  inver- 
sion, on  dit  qu'il  a  ellipse,  c'est-à-dire  suppres- 
sion, omission  de  quelque  mot ,  dont  l'esprit 
supplée  aisément  la  valeur.  Ellipse  est  opposée 
construction  pleine,  et  inversion  à  construction 
selon  l'ordre  analogue  et  successif  des  rapports 
des  mots.  Quand  je  iWij'ai  toutes  les  fureurs  de 
/'awzoK?-,  ces  mots  sont  dans  l'ordre  grammatical; 
ils  sont  tous  placés  selon  la  suite  immédiate  de 
leurs  rapports.  J'ai  quoi?  toutes  les  fureurs  ;  de 
quoi?  de  V amour.  Mais  si  je  dis: 


De  l'amonr  j'ai  toutes  les  fureurs, 

(Rac,  Phèd.,  act.  I,  se.  m,  107.) 


l'ordre  grammatical  est  renversé.  Il  y  a  inver- 
sion, parce  que  les  mots  ne  sont  pas  ranges  selon 
la  dépendance  et  la  suite  immédiate  de  leurs 
rapports. 

iMais  quand  je  dis  j\n  toutes  les  fureurs  de 
l'amour,  ma  phrase  est  bien  moins  élégante,  bien 
moins  vive  et  bien  moins  harmonieuse  que  si  je 
disais  de  l'a?nour  j'ai  toutes  les  fureurs.  Les  in- 
versions bien  ménagées  donnent  donc  de  la  grâce 
au  discours;  mais  il  faut  que  le  dérangement  soit 
tel  (ju'il  ne  puisse  causer  aucune  méprise,  ni 
aucune  confusion,  et  qu'une  simple  vue  de  l'es- 
prit puisse  aisément  considérer  les  mots  dans 
l'ordre  de  l'analogie  générale  de  la  langue.  Quand 
on  me  dit  :  Là  coule  un  clair  ruisseau,  j'entends 
le  sens  aussi  aisément  que  si  l'on  me  disait,  là 
■un  clair  ruisseau  coule. 

L'inversion  ne  doit  jamais  ôter  à  l'esprit  le 
plaisir  de  se  savoir  gré  d'apercevoir  le  sens  mal- 
gré la  transposition,  et  de  placer  en  lui-même, 
par  un  simple  regard,  tous  les  mots  dans  l'ordre 
selon  lequel  seul  ils  lui  présentent  un  sens,  après 
que  la  phrase  est  finie. 

L'inversion  est  très-fréquente  dans  la  langue 
latine,  parce  que  les  différents  rapports  des  mots 
étant  exprimés  par  des  terminaisons  différentes, 
ou  reconnaît  ces  rapports  à  ces  terminaisons,  in- 
déi)endanunent  de  la  place  que  les  mots  occupent 
dans  la  phrase.  Dans  la  langue  française,  au  con- 
traire, où  les  rapports  des  mots  sont  marqués  par 
leur  place,  les  inversions  sont  bien  plus  rares. 

Madame  Deshoulières  a  dit  (ode  à  M.  de  la 
Rochefoucauld,  72)  : 

Que  les  fougueux  aquilon» 
Sous  la  nef  ouvreat  de  l'onde 
Les  gouffres  les  plus  profonds. 

La  construction  simple  est,  que  les  Aquilons  fou- 
gueux ouvrent  sous  la  nèfles  gouffres  les  plus 
profonds  de  l'onde.  Fléchier  a  dit  [Oraison  fun. 
du  duc  de  Mnntausier,  p.  301.)  ;  Sacrifice  oii 
coula  le  sang  de  mille  vicliines.  La  construction 
est,  sacrifice  oii  le  sang  de  mille  victimes  coula. 

L'inversion  aiipartienl  aussi  bien  au  discours 
familier  qu'au  style  noble  et  élevé  ;  et,  lorsque  les 
transpositions  servent  à  la  clarté,  il  faut  partout 
les  préférer  à  la  construction  simple. 

Madame  Deshoulières  a  dit  [ode  à  M.  de  la 
Jiochefuucauld,  31)  : 

...dans  les  transports  qu'inspire 
CeUe  agréable  saison 


INV 

Où  le  coeur  i  son  empire 
Atsajellit  la  raison. 


407 


L'esprit  saisit  jilus  aisément  la  pensée  que  si  cette 
dame  avait  dit  :  Dans  les  transports  que  cette 
agréable  saison,  où.  le  cœur  assujettit  lu  raison 
à  son  empire,  inspire.  (',c|)endaiit,  d;uis  ces  oc- 
casions même,  rcs])rit  aperçoit  les  raiipurts  des 
mots  selon  l'ordre  de  la  construction  simple. 

L'inversion  contribue  beaucoup  à  l;i  beauté 
des  images, "dit  Condiliac.  Si  je  disais,  cet  aigle 
dont  h:  vol  hardi  avait  d'abord  effrayé  nos  pro- 
vinces, prenait  déjà  l'essor  pour  se  sauver  dans 
les  montagnes,  je  ne  ferais  que  vous  raconter  un 
fait;  mais  je  ferais  un  tableau  en  disant  avec 
Fléchier  ;  Déjà  prenait  l'essor  pmir  se  sauver 
dans  les  montagnes,  cet  air/le  dont  le  vol  hardi 
avait  d'abord  effrayé  nos  provinces.  [Oraison 
fun.  de  Turenne,  p.  ^35.)  Prenait  l'essor  est  la 
principale  action;  c'est  celle  qu'il  faut  peindre 
sur  le  devant  du  tableau.  Déjà  est  une  circon- 
stance nécessaire,  qui  viendrait  trop  tard  si  elle 
ne  commençait  la  phrase.  L'action  se  peint  avec 
toute  sa  promptitude  dans  déj'à  prenait  l'essor; 
elle  se  ralentirait  si  l'on  disait,  //  prenait  déjà 
l'essor.  Pour  se  sauver  da.is  les  7iumtag nés ,  est 
une  action  subordonnée;  et  ce  n'est  pas  sur  elle 
(]ue  le  plus  grand  jour  doit  tomber.  Si  Fléchier 
eût  dit  :  Pmir  se  sauver  dans  les  montagnes, 
déjàprenait  l'essor,  le  coup  de  pinceau  eût  été 
manqué.  Enfin,  dont  le  vol  hardi  avait  d'abord 
effrayé  nos  provinces,  est  une  action  encore  plus 
éloignée;  aussi  l'orateur  la  rejettc-t-il  à  la  fia 
comme  la  partie  fuyante;  elle  n'est  là  que  pour 
contraster,  pour  faire  ressortir  davantage  l'actioji 
principale. — Je  pourrais  dire  :  Les  ennemis  dutit 
nous  fûmes  la  proie  rencontrent  leur  tombeau 
dans  les  flots  irrités;  mais,  pour  faire  une  image, 
il  faudrait  que  dans  les  flots  irrités  commençât 
la  phrase.  Cela  ne  suffirait  ]ias  encore,  car  cette 
peinture  serait  faible  :  Dans  les  flots  irrilés,  les 
ennemis  dont  nous  fûmes  la  proie  rencontreiii 
leur  tombeau.  Le  tal)leau  demande  que  ces  ex- 
pressions, dans  les  flnts  irrités  rencontrent  leur 
tombeau,  ne  soient  [tas  séparées,  et  que  les  enne- 
mis dont  nous  fûmes  la  proie,  soit  présenté  dans 
l'éloignement  Cependant  celte  inversion  serait 
contre  le  génie  de  notre  langue  :  Dans  les  flots 
irrilés  rencontrent  leur  tombeau  les  ennemis  dont 
nous  fûmes  la  pi-oie.  11  faut  donc  cher(;her  un 
autre  tour. — Je  dis  d'abord  :  Les  flots  irrités  de- 
viennent le  tombeaudes  ennemis  dont  nous  fûmes 
la  proie.  Mais,  en  faisant  des  flots  irrités  le  sujet 
de  la  proposition,  je  ne  maniuc  pas  si  sensible- 
ment le  lieu  du  tombeau  que  lorsque  je  prends 
un  tour  où  les  mots  sont  précédés  de  la  préposi- 
tion dans.  Je  dis  donc,  dans  les  flots  irrités 
s'ouvre  un  tombeau  aux  ennemis  dont  nous  fû- 
mes la  proie.  Vous  voyez  ([ue  ce  mol  s'ouvre 
remplit  toutes  les  conditions  que  je  cherche,  qu'il 
ajoute  même  un  trait  au  tableau,  et  vous  com- 
prenez comment  il  faut  se  conduire  pour  trouver 
le  terme  propre  et  la  place  de  chaque  mot. 

Il  est  très-utile,  en  pareil  cas,  de  consulter  le 
langage  d'action,  qui  est  tout  à  la  fois  l'objet  de 
l'écrivain  et  du  peintre. 

La  nature  se  trouve  saisie  à  la  vue  do  tant 
d'objets  funèbres:  tous  les  visages  prennent  tin 
air  triste  et  lugubre;  tous  les  cœurs  sont  émus 
par  horreur,  par  compassion  ou  par  faiblesse. 

Pour  rendre  cette  pensée  par  le  langage  d'ac- 
tion, il  faudrait  montrer,  1°  les  objets  funèbres; 
2"  l'affaissement  dans  la  nature;  3"  la  tristesse 


408 


INV 


sur  tous  le  visngcs;  /j°  l'horreur,  la  comitassion, 
la  faiblesse,  il'uu  ii;iilr;iil  l'éinolion  dans  tons  les 
cœurs.  Fléihier  se  conforme  à  cet  ordre,  autant 
que  la  langue  le  permet. 

A  la  vue,  dit-il,  de  tant  d'objets  funèbres,  la 
nature  se  trouve  saisie  ;  un  air  triste  et  lugubre 
se  répand  sur  tous  les  visages;  soit  horreur,  soit 
compassion,  soit  faiblesse,  tous  les  cœurs  se  sen- 
tent émus.  {Oraison  fun.  de  la  duchesse  d'Ai- 
guillon, p.  57.) 

Il  est  certain  ([u'une  langue  où  l'on  pourrait 
dire,  saisie  se  trouve  la  nature,  émus  sont  tous 
les  cœurs,  aurait  de  l'avanlage;  la  nôtre  ne  souffre 
pas  de  pareilles  inversions. 

L'inversion  est  très-propre  à  augmenter  la  force 
des  conlraslcs,  et  par  là  elle  donni',  pouv  ainsi 
dire,  |)lus  de  relief  à  une  idée,  et  la  fait  sortir 
davantage.  Bossuet  pouvait  dire  : 

Douze  pêcheurs  envoyés  par  Jésus-Christ,  et 
témoins  de  sa  résurrection,  ont  accompli  alors, 
ni  plus  tôt,  ni  plus  tard,  ce  que  les  philosophes 
n'ont  osé  tenter  ;  ce  que  les  prophètes,  ni  le  peuple 
juif,  lorsqu'il  a  été  le  plus  protégé  et  le  plus  fi- 
dèle, n'ont  pu  faire.  Mais  Bossuet  se  sert  d'une 
inversion  par  la(]uelle  il  fixe  d'abord  l'esprit  sur 
les  philosophes,  sur  les  prophètes,  sur  le  peuple 
juif  protège  et  fidèle;  il  nous  fait  sentir  toute  la 
grandeur  de  l'entreprise  avant  de  parler  de  ceux 
qui  l'ont  accomplie;  et  le  tour  qu'il  prend  doit 
toute  sa  beauté  à  l'adresse  qu'il  a  de  renvoyer  les 
douze  pêcheurs  et  raccomi)lissement  à  la  fin  de 
la  phrase.  11  s'exprime  ainsi  : 

Alors  seulement,  et  ni  plus  tôt,  ni  plus  tard, 
ce  que  les  philosophes  n'ont  osé  tenter,  ce  que  les 
prophètes,  ni  le  peuple  juif,  lorsqu'il  a  été  le 
plus  protégé  et  le  plus  fidèle,  n'ont  pu  fuire , 
douze  pêcheurs  envoyés  par  Jésus-Christ,  et  té- 
moins de  sa  résurrection,  Vont  accompli.  [Disc. 
surVhist.  univers.,  IP  part.,  cli.  xxv,  p.  532.) 

En  général,  l'art  de  faire  valoir  une  idée  con- 
siste à  la  mettre  à  la  place  où  elle  doit  frapper  da- 
vantage. 

Celui  qui  n'a  égard  en  écrivant  qu'au  goût  de  \ 
soîi  siècle,  soîige  plus  à  su  personne  qu'à  ses 
écrits. —  Il  faut  toujours  tendre  à  la  perfectio7t, 
et  alors  cette  justice  qui  nous  est  qui'lqvefjis  re- 
fusée par  nos  contemporains,  la  postérité  suit 
nous  la  rendre.  (La  Bruyère,  Des  ouvrages  de 
l'esprit,  eh.  i,  p  230.) 

Par  cette  inversion,  La  Bruyère  fait  mieux  sen- 
tir le  motif  (ju'un  écrivain  doit  se  proposer,  que 
s'il  eut  dit  :  Et  alors  la  postérité  sait  nous  rendre 
cette  justice,  etc. 

Je  n'en  ai  reçu  que  trois  de  ces  lettres  aima- 
bles qui  me  pénètrent  le  cœur,  dit  madame  de 
Sévignc  à  sa  fille.  Qu'on  relranche  le  jironom  en, 
la  pensée  sera  la  même,  mais  l'expression  du  sen- 
timent sera  affaiblie.  Le  pronom  ajouté  avant  le 
nom  auquel  il  se  rapporte,  fait  sentir  combien 
madame  de  Sévigné  avait  l'esprit  préoccupé  de 
ces  lettres. 

Si  l'on  ne  le  voyait  de  ses  yeux,  dit  La  Bruyère, 
pourrait-on  jamais  s'imaginer  l'étrange  dispro- 
portion que  le  plus  ou  le  moins  de  pièces  de  mon- 
naie met  entre  les  homines?  [Des  biens  de  for- 
tune, ch.  VI,  p.  277.) — L'ordre  direct  n'exprime- 
rait pas  l'èlonnement  avec  la  même  force. 

Voltaire  a  dit  dans  VOrphelin  de  la  Chine 
(act.  III,  se.  III,  47)  : 

Je  n'ai  pu  de  mon   ù\s  consentir  à  la  mort. 

La  Harpe  prend  occasion  de  ce  vers  pour  nous 


INV 

donner  (|uelques  règles  sur  l'inversion.  «  Inver- 
sion dure  et  forcée,  dit- il,  étrangère  au  génie  de 
notre  langue.  Ob^erve7.  comme  primipe  général, 
•lue  Vinversion,  dont  le  but  est  do  varier  notre 
versification  sans  dénaturer  les  procédés  du  lan- 
gage, est  naturelle  au  notre  dans  le  régime  direct, 
et  (ju'elle  y  ié[)ugne  dans  le  régime  indirect, 
(juand  il  y  a  concours  des  deux  particules  de  ei 
d.  Ainsi,  l'on  dira  très-bien  : 

Je  n'ai  pu  de  mon  ûls  envisager  la  mort. 

mais  on  aura  tort  de  dire  : 

Je  n'ai  pu  de  mon  fils  contentir  à  la  mort. 

Pourquoi?  c'est  que  l'inversion  est  en  quelque 
sorte  double.  Non-seulement  vous  mettez  la  par- 
ticule de  avant  les  mots  la  mort,  qui  doivent  la 
régir,  mais  vous  la  mettez  avant  une  autre  parti- 
cule qui  doit  naturellement  la  précéder,  avant  d; 
l'oreille  alors  est  trop  déroutée.  En  voulez-vous 
la  preuve?  c'est  que  vous  diriez  sans  aucun  em- 
barras : 

A  la  mort  de  mon  fils  je  n'ai  pu  consentir. 

Vous  n'avez  fait  ici  que  metire  le  régime  avant 
le  verbe,  ce  que  notre  iwésie  permet,  mais  dans 
aucun  cas  vous  ne  diriez: 

De  mon  fils  à  la  mort,  etc. 

jiarce  que  le  déplacement  des  deux  particules 
forme  inévitablement  une  équivoque,  ce  qui 
devient  sensible,  par  exemple ,  dans  ce  vers  de 
Voltaire  : 

A  peine  de  la  cnurj'entrai  dans  la  carrière. 

Il  veut  dire,  à  peine  j'entrai  datis  la  carrière 
de  la  cour.  Mais  qu'arrive-t-il?  c'est  (ju'il  n'eût 
])as  construit  sa  phrase  autrement,  s'il  eût  voulu 
dire  que,  sortant  de  la  cour,  il  était  entré  dans 
la  carrière;  et  par  le  dérangement  des  deux  par- 
ticules, son  vers  présente  en  effet  ce  dernier  sens, 
suivant  les  principes  de  notre  construction.  » 
[Cours  de  littérature ?j 

L'inversion  se  nomme  aussi  hyperbate;  le 
premier  mot  vient  du  latin,  le  second  du  grec. 

Investigateur.  Subst.  m.  Il  fait  au  féminin 
Investigatrice. 

iNVESTiciTioN.  Subst.  L  J.-J.  Rousscau  a  dit 
dans  son  discours  qui  a  remporté  le  prix  à 
fucadéiiiie  de  Dijon  (t.  Vil,  p.  20.)  :  Que  de 
dangers,  que  de  fausses  routes,  dans  l'investi- 
gation (fesse  j'e/ice*.'  Investigation,  dit  Domergue, 
mot  nouveau,  que  la  néologie  approuve,  parce 
(ju'il  est  noble,  sonore,  dérivé  d'une  langue 
polie,  et  (ju'il  exprime  une  nuance  que  l'écrivain 
avait  l)csoin  de  peindre,  et  iju'il  ne  pouvait  obtenir 
de  recherche.  La  recherche  est  l'action  de  cher- 
cher avec  curiosité  ;  {'investigation  est  l'action 
de  chercher  en  suivant  à  la  piste,  comme  l'in- 
diijue  le  mot  latin  vestigium  d'où  investigation 
est  tiré.  Or,  c'est  en  suivant  à  la  piste  la  marche 
desscienceset  celle  des  savants,  à  travers  les  épi- 
nes et  les  détours,  qu'on  est  investi  de  dangers, 
qu'on  rencontre  de  fausses  routes.  Les  deux  idées 
s'appellent  ;  l'expression  mamiue  à  l'une  d'elles, 
Rousseau  la  crée,  et  la  langue  oratoire  a  un  mot 
de  plus. 


INV 

I.NV1NCI31.E.  Adj.  des  lieux  genres.  On  peut  le 
meltre  avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Uii.  monarque  invin- 
cible, cet  invincible  monarque  ;  une  armée  invin- 
cible, cette  invincible  armée;  un  courage  in- 
vincible ,  son  invincible  courage;  un  obstacle 
invincible,  cet  invincible  ùhslacle  ;  unn  opiniâtreté 
invincible,  cette  invincible  opiniâtreté.  —  Argu- 
ment invincible,  ignorance  invincible.  On  ne 
dirait  pas  m«  invincible  homme.  Voyez  Adjectif. 
—  Rollin  fait  régir  a  cet  adjectif  la  préposition  à  : 
Peuples  invincibles  au  fer  et  aux  armes;  et 
Féraud  jiense  ([ue  ce  régime,  quoique  peu 
usité,  doit  être  autorisé.  Nous  sommes  d'autant 
plus  de  cet  avis  que  Boiieau  et  Racine,  deux  des 
meilleurs  modèles  dans  l'art  d'écrire,  s'en  sont 
servis  : 

Mais  qui  peut  t' assurer  c^m' invincible  au  plaisir. 

(BoiL.,  Sat.  X,  128.) 

Bajazet,  à  tos  soins  tôt  ou  tard  plus  sensible. 
Madame,  à  tant  d'attraits  n'était  pas  invincible. 

(Rac,  Baj.,  act.  V,  se.  vi,  21.) 

[Grammaire  des  grammaires,  p.  2'j8.) 

I^vl^cIBLEME^T.  Adv.  Il  ne  se  met  bien  qu'après 
le  verbe  :  //  a  prouvé  invinciblement  que... 

Inviolable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Une  loi  inviolable,  un  serment  invio- 
lable, un  voeu  inviolable.  Cet  inviolable  serment, 
cet  inviolable  vœu.  Voyez  Adjectif. 

Inviolablf.ment.  Adv.  11  peut  se  meltre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  tenu  inviolabte- 
ment  sa  promesse.  Il  a  inviolable  ment  tenu  sa 
promesse.  Cette  règle  est  ininolablement  suivie. 

*Imviolé,  Inviolée.  Adj.  Voyez  Intrnuvé. 

Invisible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  signifie,  qui 
échappe  à  la  vue,  ou  par  sa  nature,  ou  par  la 
petitesse  de  ses  parties,  ou  par  sa  distance.  Les 
substances  spirituelles  sont  invisibles.  Les  par- 
ticules de  l'air  sont  invisibles.  Les  corps 
deviennent  invisibles  pour  nous,  à  force  de 
s'éloigner.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.  : 
Une  main  invisible,  une  invisible  main  ;  un 
ressort  invisible,  un  invisible  ressort. 

I.nvisiblement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe. 

Inviter.  V.  a.  de  la  l"  conj.  Il  se  dit  des  per- 
sonnes et  des  choses  :  Inviter  quelqu'u7i  a  faire 
quelque  chose.  Le  temps  invite  a  la  promenade, 

Mr.  exemple  si  beau  vous  invite  à  le  suivre. 

(Rac,  Frères  ennemis,  act.  III,  se.  IV,  19.) 

Où  le  sommeil  Yinvite  au  Tond  d'un  antre  sombre. 
(Delil.,  Géorg.,  III,  173.) 

Invocation.  Subst.  f.  En  poésie,  c'est  une  prière 
que  le  poêle  adresse,  en  commençant  son  ouvrage, 
à  quelque  divinité,  surtout  à  sa  muse,  pour  en 
être  inspiré. 

Involontaire.  Adj.  des  deux  genres..Ce  à  quoi 
la  volonté  n'a  point  eu  de  part;  ce  qui  n'a  point 
élé  ou  n'est  pas  voulu,  consenti.  Il  parait  à  celui 
qui  examine  les  actions  humaines  de  prés,  que 
toute  la  différence  des  volontaires  et  des  ini^o- 
Zo«/a jVm  consiste  à  avoir  été  ou  n'avoir  pas  été 
réfléchies.  Je  marche,  et  sous  mes  pieds  il  se 
rencontre  des  insectes  que  j'écrase  involontaire- 
ment. Je  marche,  et  je  vois  un  seri)ent  endormi  ; 
je  lui  appuie  mon  talon  sur  la  tète,  et  je  l'écrase 
volontairement.  Ma  réfle.xiou  est  la  seule  chose 


IRl 


409 


qui  distingue  ces  deux  mouvements.  On  ne  le 
met  point  avant  son  subst.  :  Mouvement  involon- 
taire, acte  involontaire. 

Involontairement.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  partici|)e  :  Il  a  agi  involon- 
tairement. Il  a  involontairement  remué  le  bras. 
\  oyez  Involontaire. 

Invraisemblable.  Adj.  des  deux  genres.  S  se 
lirononco  fortement  comme  au  commenccmont 
d'un  mot.  On  ne  le  met  point  avant  son  subst. 
Un  fait  invraisemblable,  une  circonstance  in- 
vraisemblable. 

Invraisemblance.  Subst.  f.  S  se  prononce  for- 
tement comme  au  commencement  d'un  mot. 

Invulnérable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  Au  figuré,  il  régit  la  pré- 
position à  :  Il  est  invulnérable  AU'X.  traits  de  la 
médisance.  (Acad.) 

loNiQLE,  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  SOI)  subst.:  f^ers  ionique,  ordre  ionique, 
secte  ioniqtie. 

*Irascibilité.  Subst.  f.  Mol  nouveau  proposé 
par  Mercier.  Qualité  de  ce  qui  est  irascible. 
Mirabeau  a  dit  :  Les  hommes  qui  substituent 
^irascibilité  de  V amour-propre  au  culte  de  la 
patrie.  —  Il  nous  semble  que  ce  mot  pourrait 
être  adopté  sans  inconvénient. 

Iris.  Subst.  On  prononce  le  *  final.  Autrefois 
l'Académie  regardait  ce  mot  comme  féminin  ; 
mais  dans  la  dernière  édition  de  son  dictionnaire 
elle  dit  tpi'il  est  masculin.  Cette  nouvelle  décision 
est  conforme  à  l'avis  de  M.  de  Mairan,  qui  nous 
a  donné  dans /'£'ncycZopetfie  quelques  recherches 
sur  le  genre  de  ce  substantif. 

Le  mot  d'iVw,  dit-il,  est  certainement  toujours 
féminin  en  latin,  dans  toutes  ses  significations 
quelconques.  Les  auteurs  qui  ont  écrit  en  fran- 
çais il  y  a  qualre-vinglsou  cent  ans,  l'ont  fait  aussi 
de  ce  genre  dans  la  signification  d'arc-cn-ciel,  à 
en  juger  du  moins  par  M.  de  la  Chamlire,  qui 
donna  un  traité  de  Viris  pris  en  ce  sens,  en  1662. 
Mais  je  crois  que  les  physiciens  modernes  l'ont 
fait  toujours  ou  presiiue  toujours  masculin. 

Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  qu'avec  une 
bibliothèque  remplie  de  livres  sur  ces  matières, 
je  n'ai  pu  retrouver  les  endroits  où  j'avais  lu  le 
mot  à'iris  masculin  ou  féminin,  (luoique  j'aie 
parcouru  des  chapitres  entiers  qui  traitent  de  ce 
météore;  par  la  circonstance  de  l'élision  avec 
l'article  le  ou  la,  c'est  toujours  Viris.  Il  faut 
donc  en  venir  au  détail  des  raisons,  et  à  d'autres 
autorités  qui  seront  peut-être  en  même  temps 
jilus  concluantes. 

l'iris,  synonymcd'arc-en-ciel,  météore,  cercle 
lumineux  et  coloré,  tous  sulislantifs  masculins,  a 
sans  doute  invité  d'abord  les  [ihysiciens  modernes 
à  le  faire  masculin  dans  la  même  acception,  sans 
compter  qu'on  évite  parla  l'équivoque  d'une 
belle,  d'une  grande  iris,  avec  une  belle  Philis  ou 
une  grande  Célimène.  El  en  effet,  il  n'est  pas  plus 
question  alors  de  la  messagère  deJunon  ou  d'une 
belle  femme,  qu'il  n'est  question  de  Junon  en 
parlantde  l'air.  Maiscommeunc  pareille  induction 
ne  suffirait  pas  pour  constater  un  usage,  j'.ii  cru 
plus  à  propos  de  consulter  là-dessus  l'Académie 
des  sciences;  et  je  me  suis  adressé  a  ceux  de  ses 
membres  qui  sont  le  plus  au  fait  de  la  matière,  et 
que  je  connais  aussi  pour  les  plus  attentifs  à  se 
bien  exprimer.  Les  uns  m'ont  fait  l'honneur  de 
me  dire  qu'ils  me  demandaient  la  chose  a  moi- 
même;  les  autres  m'ont  répondu  sur-le-champ 
et  sans  hésiter,  masculin,  trouvant  même  ridicule 
qu'on  put  ^n  user  autrement. 


410 


mo 


Le  iliciionnaire  de  Trévoux  dit  niissi  fort  bien 
que  les  philosophes  font  ce  mot  masculin;  mais 
ensuite,  dans  les  explications  et  dans  les  exemples, 
il  le  fait  tantôt  masculin,  tantôt  fcniinin,  tenant 
sans  doute  un  peu  en  cela  de  l'usage  ancien  et 
du  moderne. 

Cette  espèce  de  zone  ou  d'anneau  circulaire  et 
diversement  coloré  qui  entoure  la  prunelle  de 
l'œil,  et  qu'on  appelle  aussi  Viris,  est  certainement 
masculin  sous  ce  nom,  selon  nos  plus  célèbres 
anatomistes,  MM.  AVinslow,  ^lorand,  Ferrein, 
etc.  Le  premier,  qui,  tout  Danois  qu'il  est,  ne 
laisse  pas  de  bien  parler  français  quand  il  s'agit 
des  termes  de  l'art,  m'a  fait  remarquer  à  celte 
occasion  (ju'on  disait  le  tibia  quoiqu'il  n'y  ait  j)as 
de  mot  plus  pleinement  lalin  et  féminin  en  celle 
langue.  Quant  aux  ouvrages  imprimés,  je  trouve 
dans  le  volume  de  l'Acndélnie  des  sciences  de  4704 
un  grand  mémoire  de  M.  Méry,  qui  roule  en- 
tièrement sur  Viris,  et  d'où  je  n'ai  pu  tirer,  non 
plus  que  de  l'extrait  de  M.  de  Fonienelle,  qui 
est  de  cinq  à  six  pages,  de  que!  genre  ils  font 
l'ùvsde  l'oeil;  car  c'est  toujours  Viris,  les  fibres 
de  Viris,  les  mouvements  de  l'iris.  Mais  j'ai  été 
plus  heureux  dans  le  mémoire  de  M.  l'etil,  mé- 
decin, sur  les  yeux  de  Vhomme  et  de  plusieurs 
animaux,  lu  à  la  même  Académie  en  1720.  On 
y  trouve,  sans  équivoque,  un  iris  fort  brun,  tel 
qu'on  le  voit  dans  des  bœufs  et  des  chevaux. 

Enfin  la  fleur,  la  jilante,  la  racine  ou  la  poudre 
d'iris,  quand  elle  est  désignée  par  le  seul  mot 
à!iris,  devient  un  substantif  masculin  dans  le 
langage  des  botanistes  et  des  naturalistes.  Les 
fleuristes,  remarque  encore  fort  bieu  Trévoux, 
font  iris  masculin,  et  l'on  dit  en  ce  sens,  de  Viris 
commun,  les  iris  bulbeux.  Cependant  Savary, 
dans  le  Dictionnaire  du  commerce,  que  l'Aca- 
démie française  veul  bien  quelquefois  consulter, 
a  fait  ce  mot  féminin;  mais  je  crois  qu'il  sera  plus 
sûr  de  nous  en  tenir  au  sciuimcni  des  Jussicu  et 
dos  Duhamel,  qui  le  font  sans  difficulté  masculin, 
et  qui  sont  les  gens  du  monde  qui  enleniloni  le 
mieux  cette  langue. 

Ip.omb.  Subst.  I".  C'est,  dit  Dnmarsais,  une 
figure  i)ar  laquelle  on  veut  faire  entendre  le  con- 
traire lie  ce  qu'on  dit.  Boilcau,  qui  n'a  pas  rendu 
à  Quinault  toute  la  justice  que  le  public  lui  a 
rendue  depuis,  en  narle  ainsi  par  ironie [Sai.  IX, 
2.S4.)  : 

Toulefois,  s'il  le  faut,  je  veux  bien  m'en  dédire. 
Et,  pour  calmer  enfin  tous  ces  flots  d'ennemis. 
Réparer  en  mes  Ters  les  maux  qu'ils  ont  commis. 
Puisque  vous  le  voulez,  je  vais  changer  de  style. 
Je  le   déclare  donc,  Quinault  est  un  Virgile. 

Les  idées  accessoires  sont  d'un  grand  usage 
dans  Vironie.  Le  ton  de  voix,  et  plus  encore  la 
connaissance  du  mérite  ou  du  démérite  personnel 
de  quelqu'un  et  de  la  façon  de  penser  de  celui 
qui  parle,  servent  plus  à  faire  connaître  Vironie 
que  les  paroles  dont  on  se  sert.  Un  honmic  s'écrie  : 
O  le  bel  esprit!  Parle-t-il  de  Cicéron,  d'Horace? 
il  n'y  a  point  là  û'ironie,  1rs  mots  sont  pris  dans 
le  sens  propre.  Farlc-t-il  de  Zoïlc?  c'est  une 
ironie.  Ainsi ,  Vironie  fait  une  satire  avec  les 
mêmes  paroles  dont  le  discours  ordinaire  fait  un 
é'oge. 

Ironique.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Discours  ironique,  ton  ironique, 
réponse  ironique.  Cette  ironique  réponse  7ne 
viqva  au  vif.  Voyez  Adjectif. 

iROMQUEMENT.Adv.  Il  nc  sc  met  qu'après  le 


IRR 

verbe  :  Parler  ironiquement.  Il  a  parlé  ironique- 
ment. 

lBRAisoN?(AnLE.  Adj.  dcs  deux  genres.  On  pro- 
nonce les  deux  r.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.: 
Animal  irraisonnable. 

Il  ne  faut  pas  confondre  irraisotinable  avec 
déraison nabh.  Le  premier  est  un  terme  didac- 
tique qui  se  dit  des  animaux,  parce  (ju'ils  ne  sont 
pas  doués  de  raison  ;  le  second  est  un  terme  du 
langage  ordinaire  (jui  signifie,  qui  est  contraire 
à  la  droite  raisun,  qui  n'agit  pas  suivant  les 
lumières  de  la  raison.  L'homme  n'est  i)as  un 
animal  mm*o««aWe;  mais  il  y  a  bien  des  hom- 
mes qui  sont  déraisonnables. 

Irriîconc'liablk.  Adj.  des  deux  genres.  On 
prononce  les  deux  r.  Qui  ne  se  peut  réconcilier. 
Terme  relatif  à  la  haine,  à  l'envie,  à  la  jalousie, 
et  à  d'autres  pa-^sions  odieuses  qui  divisent  les 
hommes  et  les  animent  souvent  les  uns  contre  les 
autres.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en 
consultant  l'oreille  et  l'analogie:  Haine  irrécon- 
ciliable, f^oilà  deux  ennemis  irréconciliables, 
deux  irréconciliables  ennemis. 

lR^.Éco^cILIABLEMI;NT.  Adv.  Les  deux  r  se  pro- 
noncent. On  peut  quelquefois  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ils  sont  brouillés 
irrcconciliablement,  ils  sont  irréconciliahlement 
brouillés. 

*Irrécoxciliés,  Ir.RÉco.NCiLiÉEs.  Adj.  On  doit 
admettre  ce  mot,  dit  La  Harpe,  puisque  nous 
avons  Irréconciliable.  ]Ne  dirait-on  pas  très-bien 
ne  mettez  jamais  ensemble  deux:  ennemis  irré- 
conciliés^  — Nous  pensons  qu'il  ne  faut  pas  dire 
ces  ennemis  sont  irréconciliés,  mais  ces  ennemis 
ne  sont  pas  réconciliés ,  parce  que  sont  marque 
une  affirmation,  et  que  l'idée  est  entièrement 
négative.  Voyez /«. 

iRr.ÉcDSABLE.  Adj.  dcs  deux  genres.  On  fait 
sentir  les  deux  r.  On  peut  le  mettre  avant  son 
subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent: Témoin  irrécusable,  cet  irrécusaile 
témoiîi. 

Ir.RÉFLÉcHi,  IwtÉFLÉcHiE.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  propos  irréfléchi,  une 
action  irréfléchie,  une  démarche  irréfléchie. 

Irréfragable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie:  Docteur  irréfragable,  autorité  irré- 
fragable, doctrine  irréfragable,  cette  irréfra- 
gable d^ctrir.a:.  \uytz  Aàjiitif 

Irrégulier,  lRBÉGULii;i'.E.  Adj.  Il  ne  se  met 
(ju'après  son  subst.  :  Poëme  irrégulier,  procédé 
irrégiilier,  vers  inréguliers. 

On  appelle  en  grammaire  verbes  irréguliers, 
les  verbes  dont  les  variations  ne  sont  pas  con- 
formes à  celles  du  verbequi  doitservirde  modèle. 
Par  exemple,  aller  esl  un  verbe  irrégulier,  parce 
que  son  infinitif  finissant  en  er,  comme  tous  ceux 
des  verbes  delà  première  conjugaison,  ses  varia- 
tions ne  sont  pas  conformes  à  celles  du  verbe 
chanter,  qui  sert  de  modèle  pour  cette  conju- 
gaison. 

Les  venfaes  irréguliers  de  la  première  conju- 
gaison sontaMe?-, qui  est  un  verbe  netiirc,  envoyer 
et  renvoyer,  i|ui  snut  des  verbesactifs.  Voyez  ces 
verbes  à  leurs  articles. 

11  y  a  dans  la  seconde  conjugaison  en  ir,  un 
grand  nombre  de  verbes  irréguliers.  Condillac 
fait  (piatre  classes  de  cette  conjugaison,  dont  il 
donne  pour  modèles,  finir,  sentir,  ouvrir,  tenir. 
La  première  est  la  même  que  celle  dont  nous 
avons  donné  emplir  pour  modèle.  (Voyez  Con- 
jugaison.) EWc  comprend  tous  les  verbes  qui  se 


IRR 

terminent  on  jç  à  l;i  seconde  personne  du  i)rcsent 
de  l'indiiMlif.  Ses  verbes  irrégidiers  sont  bénir, 
fleurir  au  tiçurtï,  haïr.  Voyez  ces  mots. 

La  seconde  i-onjugaison  en  ir,  dont  le  modèle 
est  sentir,  comprend  les  verbes  consentir,  res- 
sentir, pre'ssciUir,  montir,  dormir,  endormir, 
se  repentir,  servir,  dessercir,  sortir,  partir, 
ressortir,  sortir  de  nouveau,  et  repartir,  répli- 
<iuer.  Mais  ressortir,  être  du  ressort,  répartir, 
partager,  et  sortir,  obtenir,  se  conjuguent  comme 
finir. 

Seconde  conjugaison  en  Ir. 
Modèle,  Sentir. 

Infinitif.  —  Sentir. 

Indicatif.  —  Présent.  Je  sens,  tu  sens,  il  sent; 
nous  sentons,  vous  sentez,  ils  sentent.  —  Im- 
parfait. Je  sentais,  tu  sentais,   il  sentait ,  etc. 

—  Passé  simple.  Je  sentis,  tu  sentis,  il  sentit; 
nous  sentîmes,  vous  sontitcs,  ils  sentirent.  — 
Futur  simple.  Je  sentirai,  tu  sentiras,  il  sentira; 
nous  sentirons,  vous  sentirez,  ils  sentiront. 

Le  reste  conune  dans  la  première  conjugaison 
en  ir. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  sentirais,  etc. 

Impératif.  —  Pré.tent.  Sens,  qu'il  sente  ou 
qu'elle  sente;  sentons, sentez,  qu'ils  sentent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  sente,  que  tu 
sentes,  qu'il  sente  ;  que  nous  sentions,  que  vous 
sentiez,  qu'ils  sentent.  — Imparfait.  Que  je  sen- 
tisse, que  tu  sentisses,  qu'il  sentit;  que  nous  sen- 
tissions, que  vous  sentissiez,  qu'ils  sentissent. 

Panicipe.  —  Présent.  Sentant.  —  Passé. 
Senti,  sentie. 

Les  verbes  irréguliers  de  cette  conjugaison 
sont  bouillir,  courir,  fxiir,  7nourir,  vêtir,  revê- 
tir, acquérir,  conquérir,  recimquérir,  requé- 
rir ;  accourir,  concourir,  discourir,  parcourir, 
qui  se  conjuguent  comme  courir,  ^'oyez  ces 
verbes. 

Troisième  conjugaison  en  In. 

Modèle,  Ouvrir. 

Infinitif.  —  Ouvrir. 

Indicatif.  —  Présent.  J'ouvre,  tu  ouvres,  il 
ouvre  ;  nous  ouvrons,  vous  ouvrez,  ils  ouvrent. 

—  Imparfait.  J'ouvrais,  etc.  — Passé  simple. 
J'ouvris,  tu  ouvris,  il  ouvrit;  nous  ouvrîmes, 
vous  ouvrîtes,  ils  ouvrirent.  —  Futur  simple. 

J'ouvrirai,  etc. 

Conditionnel.  —  Présent.  J'ouvrirais,  etc. 

Impératif.  —  Présent.  Ouvre,  qu'il  ouvre; 
ouvrons,  ouvrez,  (ju'ils  ouvrent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  j'ouvre,  que  lu 
ouvres,  qu'il   ouvre;  que  nous  ouvrions,  que  t 
vous  ouvriez,  qu'ils  ouvrent.  —  Imparfait.  (.)ue 
j'ouvrisse,  que  tu  ouvrisses,  qu'il  ouvrit;  que  î 
nous  ouvrissions,  que  vous  ouvrissiez,*qu'ils  ou- 
vrissent. ! 

Participe.  —  Présent.  Ouvrant.  —  Passé. 
Ouvert,  ouverte. 

On  conjugue  comme  ouvrir  les  verbes  couvrir, 
découvrir,  cntr  ouvrir,  rouvrir,  recouvrir,  offrir, 
mésoffrir,  souffrir. 

Les  verbes  irrésuliers  sont  cueillir,  affaiblir, 
assaillir,  tressaillir.  Accueillir  et  recueillir  .SP 
conju'^i'ent  comme  cueillir.  Voyez  ces  ver 


FRR  41 1 

Quatrième  conjugaison  en  Ir. 
Modèle,  Tenir. 

Infinitif.  — Tenir. 

Indicatif.  —  Présent.  Je  tiens,  tu  tiens,  i 
tient;  nous  tenons,  vous  tenez,  ils  tiennent.  — 
Imparfait.  Je  tenais,  etc.  —  Passé  simple.  Je 
lins,  tu  tins,  il  tint  ;  nous  tînmes,  vous  tintes,  ils 
tinrent.  —  Futur  simple.  Je  tiendrai,  etc. 

Condilioiuiel.  —  Présent.  Je  tiendrais,  etc. 

Impératif.  —  Présent.  Tiens,  qu'il  tienne;  te- 
nez, qu'ils  tiennent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  tienne,  que  tu 
tiennes,"  qu'il  tienne;  que  nous  tenions,  que 
vous  teniez,  (ju'ils  tiennent.  —  Imparfait.  Que 
je  tinsse,  que  tu  tinsses,  qu'il  tint;  que  nous 
tinssions,  que  vous  tinssiez,  qu'ils  tinssent. 

Participe.  —  Présent.  Tenant.  —Passé.  Tenu, 
tenue. 

On  conjuguecomme<e«iV les  verbes  o;?;5a?'<e«zr, 
s'abstenir,  entretenir,  détenir,  maintenir,  ob- 
tenir, retenir,  soutenir,  venir,  subvenir,  conve- 
nir, en  un  mol  tous  ceu.K  (\\i\  dérivent  de  tenir 
et  de  venir. 

Les  verbes  irréguliers  de  la  conjugaison  en  oir, 
sont  avoir  (Voyez  Auxiliaire)',  s'asseoir,  sur 
lequel  on  conjugue  rasseoir  et  se  rasseoir;  voir, 
sur  lequel  on  conjugue  entrevoir  et  revoir;  dé- 
choir, échoir,  falloir,  prévoir,  pourvoir,  surseoir, 
mouvoir,  pouvoir,  savoir,  valoir,  prévaloir,  vou- 
loir. Voyez  ces  verbes. 

Dans  la  conjugaison  des  verbes  en  re,  on  dis- 
lingue cinq  conjugaisons,  dont  les  modèles  sont 
rendre,  paraître,  peindre,  plaire  et  réduire. 
Nous  avons  fait  connaître  la  conjugaison  du  verbe 
rendre  à  l'article  Conjugaison. 

On  conjugue  comme  rendre  tousles  verbes  qui 
se  terminent  en  dre ,  pre,  tre,  vre.  Les  irrégu- 
liers sont  : 

Prendre  et  ses  composés ,  apprendve,  com- 
prendre, etc.;  coudre  et  ses  composés,  recoudre, 
découdre;  mettre  et  ses  composés,  per mettre, 
commettre,  etc.;  moudre,  émoudre,  remoudre ; 
absoudre,  dissoudre,  verbes  défectueux  ;  suivre, 
s'ensuivre  ,  poursuivre  ;  vivre,  revivre,  sur- 
vivre. Voyez  ces  verbes. 

Seconde  conjugaison  en  Re. 
Modèle,  Paraître. 

Infinitif.  —  Paraître. 

Indicatif.  —  Présent.  Je  parais,  lu  parais,  il 
parait  ;  nous  paraissons,  vous  paraissez,  ils  pa- 
raissent. —  Imparfait.  Je  paraissais,  tu  parais- 
sais, il  paraissait;  nous  paraissions,  vous  parais- 
siez, ils  paraissaient.  —  Passé  simple.  Je  parus, 
tu  parus,  il  parut;  nous  parûmes,  vous  parûtes, 
ils  parurent. — Futur  simple.  Je  paraîtrai,  lu 
paraîtras,  il  paraîtra  ;  nous  paraîtrons,  vous  pa- 
raîtrez, ils  paraîtront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  paraîtrais,  etc.  ; 
nous  paraîtrions,  etc. 

Impératif.  —  Présent.  Parais,  qu'il  paraisse 
paraissons,  paraissez,  (ju'ils  paraissent.  ; 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  paraisse,  etc. 
que'nous  paraissions,  etc.  — Imparfait.  Que  je 
parusse,  etc.;  que  nous  parussions,  etc. 

Participe.  —  Pre«en^  —Paraissant.  —Passé. 
Paru.  ^ 

Tous  les  verbes  en  oître  et  en  attre  se  conju- 
cuent  comme  paraître.  Il  ne  faut  excepter  que 
naître.  Paître  est  défectueux.  Voyez  ces  verbes. 


Ui  IRR 

Troisième  conjugaison  en  Re. 
Modèle,  Peindre. 

Infinitif.  —  Peindre. 

Indicatif.  —  Présent.  Je  peins,  tu  peins,  il 
peint;  nous  peignons,  vovis  |iei^'iie/,  ils  fieisnent. 
— Imparfait.  Je  |)(Mgiiais,  etc.;  nous  peignions, 
etc.  —  Passé  simple.  .le  i)eignis,  etc.;  nous  pei- 
gnîmes, etc.  — Futur  simple.  Je  peindrai,  etc.; 
nous  peindrons,  etc. 

Conditiomiel.  —  Présent.  Je  peindrais,  etc.; 
nous  peindrions,  etc. 

Impératif.  —  Prése7it.  Peins,  <]u'il  peigne; 
peignons,  qu'ils  peignent. 

Subjonctif.  — Présent  Que  je  peigne,  etc.; 
que  nous  i)oigniuns,  etc.  — Imparfait.  Que  je 
peignisse,  cpic  tu  peignisses,  qu'il  |)oignit;  que 
nous  peignissions,  que  vous  peignissiez,  qu'ils 
peignissent. 

Participe.  —  Présent.  Peignant.  —  Passé. 
Peint,  peinte. 

Tous  les  verbes  en  aindre,  eindre,  oindre,  se 
conjuguent  comme  peindre. 

Quatrième  conjugaison  en  Re. 
Modèle,  Plaire. 

Infinitif.  —  Plaire. 

Indicatif.  — Présent.  Je  plais,  tu  plais,  il  plait; 
nous  plaisons,  vous  plaisez,  ils  plaisent.  —  Im- 
parfait. Je  plaisais,  etc.;  nous  plaisions,  etc.  — 
Passé  simple.  Je  plus,  tu  plus,  il  plut;  nous 
plûmes,  vous  pliites,  ils  plurent.  —  Futur.  Je 
plairai. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  plairais,  etc.; 
BOUS  plairions,  etc- 

Impératif.  — Présent.  Plais,  qu'il  plaise;  plai- 
sons, qu'ils  plaisent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  plaise,  que  tu 
plaises,  qu'il  plaise;  que  nous  plaisions,  que  vous 
plaisiez,  qu'ils  plaisent.  —  Imparfait.  Que  je 
plusse,  que  tu  plusses,  qu'il  plijt  ;  que  nous 
plussions,  que  vous  jjlussiez,  qu'ils  plussent. 

Participe.  —  Présent.  Plaisant.  —  Passé.  Plu. 

Les  verbes  en  aire  seconjuguentcommejo^rtiVe. 
Mais  faire,  qui  a  des  formes  différentes,  est  la 
règle  d'après  laquelle  on  conjugue  ses  composés, 
contrefaire.,  défaire,  redéfaire,  refaire,  satis- 
faire, surfaire.  Forfaire,  malfaire,  niéfaire  , 
parfaire,  sont  défectueux.  Braire  ÇX  traire  iOïii 
irréguliers  et  défectueux.  'N'oyez  ces  verbes. 

Cinquième  conjugaison  en  Re. 
Modèle,  Réduire. 

Infinitif.  —  Réduire. 

Indicatif.  —  Présent.  Je  réduis,  tu  réduis,  il 
réduit;  nous  réduisons,  vous  réduisez,  ils  ré- 
duisent. —  Imparfait.  Je  réduisais,  tu  rédui- 
sais, il  réduisait;  nous  réduisions,  vous  ré- 
duisiez, ils  réduisaient.  —  Passé  simple.  Je  ré- 
duisis, lu  réduisis,  il  réduisit;  nous  réduisîmes, 
vous  réduisîtes,  ils  réduisirent.  —  Futur  simple. 
Je  réduirai,  lu  réduiras,  il  réduira;  nous  rédui- 
rons, etc. 

Conditionnel.  — Présent.  Je  réduirais,  etc.; 
nous  réduirions,  etc. 

Inipératif.  — Présent.  Réduis,  qu'il  réduise; 
réduis'iris,  réduisez,  qu'ils  réduisent. 

Subjonctif.  — Présent.  Que  je  réduise,    que 


IRR 

tu  réduises,  (|u'il  réduise;  que  nous  réduisions, 
que  vous  réduisiez,  (ju'ils  réduisent.  —  Impar- 
fait. Que  je  réduisisse,  ijuc  tu  réduisisses,  qu'il 
réduisit;  (]ue  nous  réduisissions,  que  vous  ré- 
duisissiez, (pi'ils  réduisissent. 

Particijie — Présent.  Réduisant. — Passé.  Ré- 
duit, réduite. 

On  conjugue  comme  réduire  tous  les  verbes  en 
ire.  Les  irréguliers  sont,  circoncire,  dire  et  re- 
dire, dédire,  contredire,  interdire,  médire,  pré- 
dire, maudire,  confire,  suffire  ;  lire,  relire,  élire; 
rire,  sourire  ;  écrire,  circonscrire,  décrire,  frire. 

Tous  les  verbes  en  vire  se  conjuguent  comme 
réduire,  excepté  bruire,  qui  est  luul  à  la  fois  ir- 
régulier et  défectueux;  luire,  reluire,  nuire. 

On  rapporte  à  cette  conjugaison  boire,  clore, 
conclure,  et  leurs  composés.  Les  verbes  qui  ne  se 
rapportent  ])as  à  un  dcsmodélesquc nous  venonsde 
donner  sont  conjugués  dans  tous  Imirs  temps  diffi- 
ciles, a  leur  rang  alphabétique.  Voyez ZV/i?e/i/«?(/ar. 

iRRÉGULiÈr.EME.vT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  f^ivre  irrégulicre- 
?/ie/it.  Celte  maison  est  irrégulièrement  bâtie. 

Irréligieusement.  Adv.  Il  se  met  après  le 
verbe  :  f^ivre  irréligieusemciU. 

Irremédiadle.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  [jcrmettent  :  Un  mal  irrémédiable, 
une  faute  irrémédiable,  cette  irrémédiable  faute. 
^  oyez  Adjectif. 

1rre.mediabli.ment.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  ])articipe  :  Les  débauches 
Vont  ruiné  irrémédiablement,  OU  Vont  irrémé- 
diablement ruiné. 

Irrémissible.  Adj.  des  deux  genres  :  Fautes 
irrémissibles .  cas  irrémissible.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie ;  Celte  irrémissible  faute,  \oyez  Adjectif. 

Irrémissibleme^t.  Adv.  11  se  met  ajircs  le 
verbe  :  Il  sera  puni  irrémissiblement. 

Irréparable.  .\dj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  ,  loivqne  l'analogie  et 
l'harmonie  le  iicrmetlent  :  Perte  irréparable, 
cette  irréparable  perte  ;  affront  irréparable,  un 
irréparable  a/front;  injure  irréparable,  cette  ir- 
réparable injure. 

]rréparablemi:nt.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  //  l'a  offensé  irréparablement. 

*  Irréparé,  Irréparée.  Adj.  Pourquoi  ne  pas 
employer  ce  mot,  dit  La  Harpe,  quand  nous 
avons  déjà  irréparable'?  Ne  pourrait-on  pas  dire 
on  ne  pardonne  point  une  faute  irréparée^  Je 
pense  qu'on  peut  employer  te  mot  loi-squ'il  y  a 
opposition  avec  des  fautes  qui  ont  été  réparées  : 
On  a  fait  bien  des  fautes;  plusieurs  sont  répa- 
rées, df autres  sont  encore  irréparées.  Mais  s'il 
n'y  avait  point  d'op|X)sition,  je  crois  qu'il  faudrait 
dire  ne  sont  pas  réparées:  f^ous  avez  commis 
bien  des  fautes  qui  ne  sont  pas  encore  réparées, 
et  non  pas  qui  sont  irréparées. — Si  l'on  admet  les 
deux  expressions,  qui  sont  irréparées,  et  qui  ne 
sont  pus  réparées,  il  faut  qu'il  y  ait  une  diffé- 
rence entre  l'une  et  l'autre;  sans  quoi  il  serait  in- 
utile d'admellre  la  prcmiéic.  "Soyez  In. 

Irrépréhensibie.  Adj.  des  deux  genres.  On 
peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'o- 
reille et  l'analogie  :  Homme  irrépréhensible,  vie 
irrépréhensible,  action  irrépréhensible,  conduite 
irrépréhensible  ;  cette  irrépréhensible  conduite. 
Voyez  Adjectif. 

InRÉPRÉHENSiBLEMF.NT.  Adv.  11  nc  sc  mct  qu'a- 
prés  le  verbe  :  Il  a  vécu  irrépréhe ns iblement. 

Ireéprochable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 


IRR 

le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
etraiialoçic  :  Homme  irréprochable,  vie  irrépro- 
chable, mœurs  irréprochables,  coiuitiiie  irrépro- 
chable; celle  irréprochable  ci>?iduite. 

Irrkprochablki«e>t.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Il  a  vécu  irréprochubleme/it. 

Irrésistible.  Aiij.  dos  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consullant  l'oreille  et 
l'analogie  .  Ce  charme  irrésistible ,  cet  irrésis- 
tible charme   Voyez  ^Jdjcctif. 

Irrésistiblement.  Adv.  Ou  [)eut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  est 
entraÎ7ié  irrésistiblement,  il  est  irrésistiblement 
entraîné. 

Irrésolu,  Irrésolde.  Adj  11  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  hotnme  irrésolu,  un  caractère  ir- 
résolu, un  esprit  irrésolu. 

Irrésolument.  Adv.  On  ne  peut  le  mettre  qu'a- 
près le  vcrlie  :  //  a  parlé  irrésolument. 

iKRÉvÉr.KMMENT.  Adv.  11  nc  sc  met  qu'après  le 
verbe  :  Jl  s'est  comporté  irrévéremment.  Il  est 
peu  usité. 

Ireévérence.  Subst.  f.  Manque  de  vénération. 
Il  ne  se  dit  guère  tjue  des  choses  saintes  et  sa- 
crées. 

Irrévérent,  Irrévérente.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'iiar- 
monie  le  permetleiit  :  Posture  irrévérente ,  cette 
irrévérente  posture  ;  discours  irrévérents.  Voyez 
.idjectif. 

Irrévocable.  Adj.  des  deux  genres.  L'Acadé- 
mie ne  lui  donne  qu'une  acception;  il  en  a  deux. 
Il  signifie  ijui  nc  pinit  être  révoqué,  loi  irrévo- 
cable; qui  ne  peut  élre  rappelé,  le  passé  est  ir- 
révocable. On  [)eut  le  meUre  avant  son  subst., 
lorsque  l'analogie  cl  l'harmonie  le  permettent  : 
Cette  loi  irrévocable ,  cette  irrévocable  loi;  un 
arrêt  irrévocable,  cet  irrévocable  arrêt.  Voyez 
Adjectif. 

IRliÉvocABLEME^T.  Adv.  Il  uc  se  met  qu'après 
le  verbe  :  On  a  prononcé  irrévocablement. 

Irrévoqcé  ,  Irrévoquée.  Adj.  Puisque  nous 
avons  admis  irrévocable,  dit  La  Harpe,  pourquoi 
ne  pas  admettre  irreroçMe?  Pounjuoi  ne  pas  dire 
toute  loi  irrévoquée  exige  l'obéissance'^  —  Je 
pense  que  l'on  ne  peut  se  servir  de  ce  mot  que 
lorsque  l'on  indique  une  opposition  entre  des 
chijses  révoquées  et  des  choses  irrévoquées  :  La 
plupart  de  ces  lois  avaient  été  révoquées,  les  au- 
tres étaient  irrévoquées.  Mais  lorsqu'on  parle 
absolument,  sans  rapport  à  cette  opjiosition ,  je 
pense  qu'on  doit  employer  la  négation,  et  que 
l'on  ne  peut  pas  dire  toute  loi  irrévoquée  exiffe 
obéissance,  mais  qu'il  faut  {i\re  toute  loi  qui  71' a 
pas  été  révoquée  exige  obéissance.  Sans  cela, 
quelle  différence  y  aurait-il  entre  une  loi  irrévo- 
quée el  une  loi  qui  n'a  pas  été  révoquée?  et  s'il 
n'y  avait  i)as  de  différence,  pourquoi  admettre 
irrévoquée?  Voyez  In. 

Irritable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Irritation.  Subst.  f.  Mot  nouveau  proposé  par 
Mercier.  Êlat  d'une  personne  irritée.  Je  crois 
qu'on  peut  adopter  ce  mot  en  ce  sens  :  Dans  son 
irntatinn,  il  a  tâché  de  7ne  nuire. — Dans  la  der- 
nière édition  de  son  dictionnaire,  l'Académie 
donne  pour  exemple  du  sens  figuré  de  ce  mot  : 
Calmer  /'irritation  des  esprits. 

Irriter.  V.  a.  de  la  1'°  conj.  Il  se  dit  des  per- 
sonnes et  des  choses.  En  parlant  des  jjersonnes,  il 
signifie  mettre  en  colère:  Irriter  quelqu'un.  On 
vous  a  irrité  contre  moi.  En  parlant  des  choses, 
il  veut  dire  augmenter,  aigrir  ;  Irriter  la  colère, 


IV  R 


413 


irriter  le  courroux,  irriter  des  alarvies,  irnter 
la  douleur. 

El  respecte  un  courroux  que  la  présence  irritt, 

(Volt.,  OEd.,  ad.  III,  sc.  iv,  86.) 

Je  crains  d'irriter  vos  ilarmes. 

(Volt.,  Zdire,  ad.  III,  sc.  vu,  21.) 

Toujours  irritant  vos  douleurs, 
Croireï-ïous  ne  plus  voir  que  des  sujets  de  pleurs  î 
(Rac,  Iphig.,  ad.  II,  sc.  I,  5.) 

Isolément.  Adv.  D'une  manière  îsoiee.  Féraud 
regarde  cet  adverbe  comme  un  néologisme  qui 
n'a  pas  l'air  de  faire  fortune.  Féraud  s'est  trompé; 
cet  adverbe  est  admis  généralement.  On  fait  une 
demande,  une  pétition  isolément  ou  collective- 
ment. 

Isoler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  le  dé- 
finit, faire  qu'un  corps  ne  tienne  à  aucun  autre. 
Une  maison  n'est  pas  isolée  parce  qu'elle  ne  tient 
pas  à  d'autres  maisons,  mais  parce  qu'elle  en  est 
éloignée. 

Issin.  V.  n.  de  la  2'  conj.  Vieux  mot  qui  signi- 
fiait sortir.  Il  n'est  plus  usité  qu'au  participe 
passé  issu,  issue,  et  il  signifie  venu,  descendu 
d'une  personne,  d'une  race. 

Itératif,  Itérative.  Adj.  qui  peut  se  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Mandements  itératifs,  comman- 
dements itératifs  ;  itérative  défense,  itératives 
remojitrances. 

Itérativement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  l'a  averti  itérati- 
vement, on  l'a  itérativement  averti. 

Ivoire.  On  a  été  longtemps  partagé  sur  le  genre 
de  ce  mol.  Vaugelas  et  Thomas  Corneille  le  fai- 
saient féminin:  Boileau  l'a  fait  masculin,  et  ce 
genre  lui  est  resté  : 

Tuivoire  trop  hâta  deux  fois  rompt  sur  sa  lêle 

(BoiL.,  Lutr.,  V,  18.) 

Ivre.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  ivre,  une^  femme 
ivre.  11  régit  souvent  la  préposition  de  :  Etre  ivre 
de  vin,  d'eau-de-vie,  d'amour,  d'espérance,  de 
volupté,  d'orgueil,  etc. 

Ivresse.  Subsl.  f.  L'Académie  dit  :  L'ivresse 
des  passions,  des  grandeurs,  des  succès.  On  dit 
aussi  l'ivresse  du  pouvoir  : 

De  l'absolu  pouvoir  vous  ignorez  Vivresse. 

(Rac,  Ath.,  ad.  IV,  sc.  m,  83.) 

Les  grammairiens  disent  que  ce  mot  n'a  point 
de  pluriel;  cependant  J.-B.  Rousseau  a  dit 
(liv.  I,  ode  XV,  22)  : 

Le  réveil  suit  de  près  vos  trompeuses  ivresse», 
Et  toutes  vos  richesses 
S'écoulent  de  vos  mains. 

Je  pense  que  ce  mol  n'a  point  de  pluriel  lors- 
qu'il est  employé  dans  un  sens  général  et  absolu; 
mais  qu'on  peut  le  mettre  au  i)luriol  lorsqu'il  si- 
gnifie des  états  particuliers  et  distingués  lesuns 
des  autres.  On  peut  dire,  je  crois,  il  est  sujet  à 
de  grandes  colères;  pourquoi  ne  dirait-on  pas, 
dans  ses  fréquentes  ivresses,  il  ne  connaît  plus 
personne  ? 


4(4 


JAM 


JE 


J.  Subst.  m.  La  dixième  Icllrc  do  l'alphabel. 
On  proiiuiicej'e.  Le  son  propre  de  celleletlre  est 
connue  dans  jamais,  jcsuite,  joli,  jeune,  jeter. 
Il  conserve  au  coannenceraenl  des  mots  le  son 
qu^  lut  esl  ppipre 

Cette  lettre  ne  se  double  point,  et  ne  se  trouve 
jamais  ni  avant  une  consonne,  ni  à  la  fin  d'un 
mot,  ni  avant  la  voyelle  i,  si  ce  n'est  par  clision, 
comme  dans  j'ignore,  j'irai;  et  alors  j'  esl  pour 
je.  —  J  a  toujours  le  son  que  l'on  donne  au  g 
avant  e,  i  :  Je  jugerai,  le  jmig,  la  jalnusie. — 
C'est  le  j  et  non  le  g  que  l'on  emploie  dans  pres- 
que tous  les  mots  où  l'on  enlcnd  le  son  de  ja, 
jo,  ju  :  Jarretière,  jalousie,  jolie,  joindre,  ju- 
jubier. Mais  c'est  le  g  et  non  le  j  »iue  Ion  em- 
ploie dans  geôle,  geôlier,  et  dans  les  verbes  en 
ger  et  leurs  dérivés  :  il  ^nange,  nous  mangeons; 
il  gagea,  nous  gageons,  la  gageure,  etc.,  qui  se 
prononcent,  le  jolier,  il  manja,  la  gnjure.  Si 
l'on  a  conservé  l'e  dans  ces  mot!^  c'est  alin  qu'on 
ne  donnât  pas  au  g  le  son  dur  (ju'il  a  dans  gar- 
der, guttural. 

J.-C.  est  l'expression  abrégée  du  nomàc  Jésus- 
Christ. 

Jaillir.  V.  n.  de  la  2'conj.  On  mouille  les  /. 
Il  se  conjugue  comme  finir.  Selon  l'Académie,  il 
ne  se  dit  proprement  que  de  l'eau  ou  de  quelque 
autre  chose  de  fluide.  Nous  croyons  cependant 
qu'on  ne  saurait  reprocher  à  Delille  d'avoir  dit 
(Enéide,  AI,  7j  : 

Du  roc  qui  le  recèle. 
L'un  d'un  feu  pélillant  fait  jaillir  l'étincelle. 

Jaillissant,  Jaillissante.  Adj.  verbal  tiré  du 
"verhQ  jaillir.  On  mouille  les  l.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Des  eaua;  jaillissantes. 

Jalousie.  Subst.  f.  Inquiétude  de  l'âme  qui  la 
porte  à  envier  la  gloire,  le  bonheur,  les  talents 
d'aulrui.  Celte  passion  ressemble  beaucoup  à 
l'envie,  et  on  confond  souvent  ces  deux  mots.  Il 
semble  pourtant  ipie  par  Venrie  nous  ne  considé- 
rons le  bien  qu'en  ce  qu'un  autre  en  jouit,  et 
que  nous  le  désirons  pour  nous;  au  lieu  que 
dans  la  jalousie,  il  s'agit  de  notre  bien  propre 
que  nous  appréhendons  de  perdre,  ou  auquel 
nous  craignons  ([u'un  autre  ne  participe.  On  en- 
vie l'autorité  d'autrui ,  on  est  jaloux  de  celle 
qu'on  possède.  Corneille  a  dit  dans  Nicomède 
(act.  I,  se.  V,  29)  : 

Par  lui  j'ai  jeté  Rome  en  haute  jalousie. 

Voltaire  a  dit  à  l'occasion  de  ce  vers  :  On  in- 
spire de  la  jalousie,  on  la  fait  7ia'itre.  La  jalou- 
sie ne  peut  éirc  haute;  elle  est  grande,  elle  est 
violente,  soupçonneuse,  etc.  {Remarques  sur 
Corneille.) 

Jalolx,  Jalolse.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent:  Un  homme  jaloux,  V7ie  femme  ja- 
louse. Une  liumeur  jalouse,  cette  jalouse  hu- 
meur ;  des  transports  jaloux,  de  jaloux  trans- 
ports. —  Qucl(|uefois  il  régit  rfc  devant  les  noms 
et  les  verbes  :  Jesuis  jaloux  de  viu  gloire;  je  suis 
jaloux  de  mériter  votre  estime.  A  oyez  Jalousie. 

Jamais.  Adv.  On  le  place  lantôl  au  comniemc- 
ment  de  la  phrase,  jamais  je  ne  l'ai  vu  ;  tantôt 
après  le  verbe,  je  ne  le  verrai  jamais  ;  tantôt 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe,ye  ne  l'ai  jamais  , 
eu. — Jamais  est  ordinairement  accompagné  de  la 


négative  ne.  Il  régit  la  préposition  de  :  Cet  hom- 
me ne  boit  jamais  d'eau.  Quelquefois  il  est  suivi 
d'un  nom  appellalif  sans  article  :  Jamais  homme 
n'a  eu  tant  de  génie.  Alors  ce  nom  appcllatif  doit 
s'employer  ai/  singulier,  iiarcc  que  jamais  avec 
h  iiéi^atior»  esl  une  exi)ression  exclusive  qui  n'a 
pas  besoin  de  pluriel. 

L'Académie  dit  que  jamaM  se  dit  quelquefr.is 
sans  être  négatif  :  C'est  ce  qu'on  peut  jamais  dire 
de  mieux.  Alors  il  ne  prend  point  le  ne.  Féraud 
observe  avec  raison  que,  dans  cette  phrase,  quoi- 
que la  négation  ne  soit  pas  exprimée,  le  sens 
n'en  est  pas  moins  négatif.  C'est  comme  si  1  on 
disait  on  ne  pourra  jamais  rien  dire  de  mieux. 

On  dit  à  jamais  el pour  jamais.  Le  premier 
est  plus  énergique  que  le  second.  Un  homme  est 
perdu  à  jamais,  quand  il  est  impossible  qu'il  se 
relève  de  sa  disgrâce;  il  est  perdu  pour  jamais, 
quand  il  est  à  croire  qu'il  ne  s'en  relèvera  pas. 

Japper.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Voyez  Aboyer. 

Jargon.  Subst.  m.  Ce  mot  a  plusieurs  accep- 
tions. Il  se  dit:  1°  d'un  langage  corrompu,  tel 
qu'il  se  parle  dans  nos  provinces;  2°  d'une  langue 
factice  ,  dont  quelques  personnes  conviennent 
pour  se  parler  en  compagnie  el  n'être  pas  enten- 
dues des  autres;  3°  d'un  certain  ramage  de  société 
qui  a  quelquefois  son  agrément  et  s'a  finesse,  el 
qui  supplée  à  l'esprit  véritable,  au  bon  sens,  au 
jugement,  à  la  raison,  aux  connaissances,  dans  les 
personnes  qui  ont  un  grand  usage  du  monde. 
Celui-ci  consiste  dans  des  tours  de  phrase  parti- 
culiers, dans  un  usage  singulier  des  mots,  dans 
l'art  de  relever  de  peûtes  idées  froides,  puériles, 
communes,  par  une  expression  recherchée.  Le 
précieux,  ou  celle  affectation  de  langage  si  oppo- 
sée a  la  naïveté,  à  la  vérité,  au  bon  goiit  et  a  la 
franchise,  dont  la  nation  était  infectée,  et  que 
Molière  décria  dans  ses  Précieuses  ridicules,  fut 
une  espèce  Ag  jargon.  On  a  beau  corriger  ce  mot 
de  jargon  par  les  épithèles  de  joli,  d'obligeant, 
de  délicat,  d'ingénieux,  il  emporte  toujours  avec 
lui  l'idée  de  la  frivolité. 

*  J ARRETER.  V.  a.  delà  1^'  conj.  Mol  nouveau 
proposé  par  Mercier.  Nous  avons  mettre  ses 
jarretières,  qui  parait  suffisant.  Madame  sejar- 
rèle-t-elle  au-dessus  ou  au-dessous  du  genou  ? 
est  bien  plus  dur  à  prononcer  que  madame  inet- 
elle  ses  jarretières,  etc.  ? 

Jauger.  V.  a.  de  la  l"^'  conj.  Dans  ce  verbe,  le 
g  doit  toujours  se  prononcer  cominey,  el,  pour 
lui  conserver  celle  prononciation  lorsqu'il  esl 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o  :  Je  jaugeais,  jaugeons,  et  non  pas, 
je  ja  uga  is,  ja  ugoîis . 

Jaunâtre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 
jours son  snlist.  :  U/ie  robe  jaunâtre. 

Jaune.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  toujours 
son  subst.  :  Du  drap  jaune,  une  fleur  jaune, 
avoir  le  teint  jauîie. 

Jaumssant,  Jaunissante.  Adj.  verbal  tiré  du 
verbe  jaunir.  Cet  adj.  paraît  propre  au  genre 
poétique  :  Les  épis  jaunissants,  la  moisson  jau- 
nissante. Los  poêles  le  mettent  avant  son  substan- 
tif, suivant  le  besoin  de  la  mesure  ou  de  la  rime. 

Je.  Pronom  de  la  1''  personne  du  singulier  des 
deux  genres,  dont  nous  esl  le  pluriel.  Voyez 
Nous.  Il  est  toujours  le  sujet  de  la  proposition: 
Je  marche.  Il  se  met  toujours  devant  le  verbe, 
si  ce  n'est  dans  les  phrases  inlerrogaiives,  que 
deviendrai-je?  que  ferai-je?  dans  celles  où  l'on 


JET 

sxprimo  un  souhait  ou  un  doute  on  forme  d'ex- 
clanintion,  puissé-jc!  en  croirai-je  mes  yeux! 
lorsiiu'il  est  |irécé(ré  de  l;i  conjonction  aussi;  ou 
cnlin  lorsque  le  verbe  se  trouve  dans  une  paren- 
thèse [lui  répondis-je),  aussi  le  ferai-je. 

Dans  tons  ces  cas,  le  veii)e  ne  chaiii;e  pas  île 
terminaison;  il  se  joint  seulement  au  pronom  par 
un  tiret.  Si  le  verbe  est  terminé  par  un  e  muet, 
cet  e  se  change  en  ê  fermé,  aimé-j'e?  sonffré-jc'l 
Quchpiefois  je,  mis  après  un  verbe,  produit 
un  son  dur  cl  flésaïreabic  qu'il  faut  toujours 
éviter.  Ainsi,  au  lieu  de  dire  dors-j'o?  mens-jef 
sens-je?  on  dit  alors  est-ce  que  je  dors?  est-ce 
que  je  mens?  es/-ci^  que  je  sens?  mais  on  ne  dit 
pas  donné-jr?  7ne/ttc-je9 

Le  pronom^e,  et  en  général  les  pronoms  de  la 
première  et  de  la  seconde  personne  qui  sont  su- 
jets de  la  proposition,  se  réjiètent  devant  les 
verbes  (jui  sont  à  des  temps  différents,  et  lors- 
qu'il y  a  dans  la  phrase  une  sorte  d'opposition  : 
Je  dis  et  je  dirai  toujovi's  que  vous  avez  tort; 
je  vous  désapprinive,  mais  je  vous  aime  ;  je  vous 
corrige  parce  que  je  vous  aime.  Les  poètes  ne 
s'astreignent  i)as  toujours  à  ces  règles.  Racine  a 
fort  bien  dit  {Athalie,  act.  II,  se.  ii,  41)  : 

J'ignore  tout  le  reste. 
Et  venaia  vous  conter  ce  désordre  funeste  ; 

et  Voltaire  {Mahomet,  acl.  V,  se.  iv,  64): 

J'ai  trompé  les  mortels,  et  ne  puis  me  tromper. 

Quand  les  verbes  sont  au  même  temps,  et 
qu'il  n'y  a  point  d'opposition,  on  est  libre  de 
répéter  on  de  ne  pas  répéter  le  pronom.  On  dit 
égaleiuenl  bien  je  dis  et  soutiens  que  vous  avez 
tort,  et  je  dis  et  je  soutiens  que  vous  avez  tort. 
Mais  on  ne  dirait  pas,  je  vous  corrige,  mais 
vous  aime.  Voyez  Moi,  Nous. 

Jiisns.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  le  s  final  que 
lorsiiue  le  mol  suivant  commence  par  une  voyelle 
ou  par  un  h  non  aspiré,  et  seulement  dans  le  dis- 
cours soutenu.  Voyez  Christ. 

Jeter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  double  le  t  aux 
personnes  qui  finissent  par  un  e  muet  :  Je  jette 
tu  jettes. 

Sur  un  nouveau  venu  le  courtisan  perfide, 
Avec  malignité,  jette  un  regard  avide. 

(Volt.,  Indiscret,  se.  i,  9.) 

Aux  autres  on  ne  met  qu'un  seul  t:  Jeter,  jetons, 
nous  jetâmes. 

Bai'ine  a  dit  dans  Mithridate  (act.  II,  se.  vi, 
35): 

Sous  quel  appui  tantôt  mon  coeur  s'est-il  jeté? 

et  dans  Athalie  (act.  II,  se.  v,  130)  : 

De  ce  refus  bizarre  où  seraient  les  raisons? 
L  pourrait  me  jeter  en  d'étranges  soupçons. 

On  ne  trouve  point  dans  le  Dictionnaire  de 
V Académie,  d'exemples  analogues  à  ces  expres- 
sions. 

Corneille  a  dit  dans  Cinna  (act.  III,  se.  iv,  35)  : 

Jeter  un  roi  du  trône,  et  donner  ses  États. 

Et  ce  vers  a  été  remplacé  dans  la  suite  par  ce- 
lui-ci : 

Mettre  un  roi  tiers  du  trône  et  donner  fasËUts. 


JOI 


/iî.s 


Voltaire  dit  à  ce  sujet  :  Mettre  hors  est  bien 
moins  énergique  que  jeter,  et  n'est  pa^  même 
une  expression  noble.  BoihurseAi  dur  à  l'oreille. 
Pourquoi  ne  dirait-on  pus  jeter  du  irùne?  o\\  dit 
bien  jeter  du  haut  du  Irànn.  En  tout  cas,  chasser 
eùl  été  mieux  (lUC  mettre  hors.  {Remarques  sur 
Corneille.) 

Tant  qu'on  ne  s'est  choqué  qu'en  de  légers  combats, 
Trop  faibles  pour  jeter  un  des  partis  à  bua. 

(Corn.,  Hor.,  acl.  I,  se.  i,69.) 

Jeter  à  bas,  dit  A''oltairc,  est  une  expression  fa- 
milière, cpii  ne  serait  pas  même  admise  dans  la 
prose.  {Remarques  sur  Corneille.) 

Un  même  instant  conclut  notre  hymen  et  la  guerre. 
Fit  naître  notre  espoir  et  te  jota  par  terre. 

(ConN.,  Hor.,  act.  I,  se.  m,  4t.) 

Un  espoir  jeté  par  terre,  dit  encore  Voltaire, 
est  une  expression  vicieuse. 

Jeu.  Subst.  m.  En  littérature,  on  appelle  j'cm 
de  mots  une  espèce  d'é(iuivoque  dont  la  finesse 
l'ail  le  prix,  et  dont  l'usage  doit  être  fort  mo- 
déré. On  peut  la  définir,  une  pointe  d'esprit  fon- 
dée sur  l'emploi  de  deux  mois  qui  s'accordent 
pour  le  son,  mais  qui  diffèrent  à  l'égard  du  sens. 

Les  jeux  de  mois,  quand  ils  sont  spirituels, 
se  placent  à  merveille  dans  les  cris  de  guerre, 
dans  les  devises  et  les  symboles.  Ils  peuvent  en- 
core avoir  lieu,  lorsqu'ils  sont  délicats,  dans  la 
conversation,  dans  les  lettres,  dans  les  épigram- 
mes,  les  madrigaux,  les  impromi)lu,  et  autres 
petites  pièces  de  ce  genre.  Voltaire  pouvait  dire 
a  Deslouches  {lettre  96*  du  recueil  des  lettres 
en  vers  et  en  prose)  : 

Auteur  solide,  ingénieux, 

Qui  du  Ihcàtre  êtes  le  maître. 

Voua  qui  fîtes  le  Glorieux, 

Il  no  tiendrait  qu'à  vous  de  l'èlre. 

Ces  sortes  de  jeux  mots  ne  sont  point  interdits, 
lorsqu'on  les  donne  pour  un  badinage  qui  ex- 
prime un  sentiment,  ou  pour  une  idée  passagère; 
car  si  coite  idée  paraissait  le  fruit  d'une  ré- 
flexion sérieuse,  si  on  la  débitait  d'un  ton  dog- 
matique, on  la  regarderait  avec  raison  comme  une 
petitesse  frivole.  {Encyclopédie.) 

Jeune.  Adj.  des  deux  genres.  Quand  jeMne  est 
précédé  de  l'article,  il  a  des  sens  différents,  sui- 
vant qu'il  est  placi"  avant  ou  après  son  subst.  Le 
jeune  Scipion  signifierait  que  Scipion  n'était  pas 
âgé;  Scipion  le  jeune  sc  dit  pour  le  distinguer 
de  l'ancien.  —  Quand  cet  adjectif  est  sans  modi- 
ficatif,  il  se  met  toujours  avant  son  subsl.  ;  Un 
jeune  médecin,  un  jeune  garçon,  une  jeune  file. 
Quand  il  est  modifié  par  quelque  adverbe  de 
comparaison,  comme  très,  fort,  lien,  etc.,  il  peut 
se  mettre  avant  ou  après  :  C'est  un  garçon  très- 
jeune,  c'est  un  très-jeune  garçon.  Un  médecin 
flirt  jeune,  un  fort  jeune  médecin. 

Joie.  Subsl.  f.  Barthélémy  a  dit  :  Ne  pouvant 
assouvir  sa  joie,  {f^oyage  duj'etnie  Anâcharsis.) 
Vollaire  a  d'il:  Ivre  de  joie  {Épitre  XXXV, 
96)  : 

J'ai  vu  son  peuple  aux  nouveautés  en  proie, 
Ivre  de  vin,  de  folie  et  de  joie,  etc. 

On  dit  j'ai  de  la  joie  à  vous  voir,  elje  n'ai 
pas  eu  la  joie  de  le  voir.  Pourquoi  la  préposition 
à  dans  le  premier  exemple,  el  la  préposiliontfe 
dans  le  second?  C'est  que,  dans  j'ai  de  lajoia 


416 


JOI 


a  vous  voir,  h  joic  existe  réellement,  cl  vnir  est 
rommi'  un  but  ;iu(]uel  la  joie  est  ;ilt;Kliée;  au 
lieu  que,  dans  jV  n'ai  pas  eu  la  joie  de  le  voir, 
il  n'cxisie  aucun  hut,  aucun  terme  (jui  puisse 
amener  la  préposition  d. 

Le  ciel  s'est  fait  sans  doute  une  joie  inhumaine 
A  rassembler  sur  moi  tous  les  (rails  de  sa  haine. 

(Rac,   Iphig.,  ad.  II,  se.  I,  9t.) 

On  dit  très-bien,  dit  l'abbé  d'Olivet,  au  sujet  de 
ces  vers,  j'ai  de  la  jiie  à  vous  voir,  et  je  me 
suis  fait  vue  j'oie  de  vous  voir.  — Il  serait  en 
effet  plus  réçiilier  aujourd'hui  de  mettre  de  que 
à,  après  se  faire  tme  Joie  ;  mais  du  temps  de 
Racine  cela  était  indifférent. 

Féraud  critique  ce  vers  de  Racine  {Bérénice, 
act.  V,  se.  V,  13): 

Ne  l'entendez-Tous  pas,  cette  cruelle  joie? 

On  entend,  dit-il,  les  cris  de  Joie;  mais  entendre 
la  Joie  est  une  métaphore  forcée,  ou  une  ellipse 
un  peu  forte,  même  en  vers.  — 11  nous  semble 
qu'il  y  a  un  peu  de  pédanterie  dans  cette  criti- 
que, et  que  la  figure  est  très-bonne  dans  le  cas 
où  elle  est  employée. 

L'.Acadéniie  dit  qu'on  appelle  fille  de  Joie  une 
fille  prostituée.  —  On  ne  dit  plus  aujourd'hui 
c'est  vne  fille  de  Joie,  mais  c'est  une  fille. 

On  confond  quelquefois  le  mot  de  Joie  avec 
celui  de  gaieté.  L'un  et  l'autre  de  ces  luots 
marque  également  une  situation  agréable  de 
l'âme,  causée  par  le  plaisir  ou  |)ar  la  possession 
d'un  bien  qu'elle  éprouve;  mais  la  Joie  est  plus 
dans  le  cœur,  et  la  gaieté  dans  les  manières. 
La  joie  consiste  dans  un  scniiment  de  l'àine  plus 
fort,  dans  une  satisfaction  plus  pleine;  la  gaieté 
dépend  davantai.e  du  caractère,  de  l'humeur,  du 
tempérament.  L'une,  sans  paraître  toujours  au 
dehors,  fait  une  vive  impression  au  dedans; 
l'autre  éclate  dans  les  yeux  et  sur  le  visage.  On 
agit  par  gaieté,  on  est  affecté  par  la  joie.  Les 
degrés  de  la  gaieté  ne  sont  ni  bien  vifs,  ni  bien 
étendus  ;  mais  ceux  de  h  Joie  peuvent  être  portés 
au  plus  haut  période;  ce  sont  alors  des  trans- 
ports, des  ravissements,  une  véritable  ivresse. 

Joignant,  Joignante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
Joindre.  On  mouille  le^«.  Une  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Une  maison  Joignante  à  la  mienne, 
les  maisons  joignantes . 

Joindre.  \ .  a.  et  n.  de  la  4*  conj.  Je  joins,  je 
joignais.  Je  Joignis,  j'ai  jnint,  je  Joindrai,  Je 
Jdindruis.  Que  Je  Joignisse,  Jainnant.  Le  gn 
se  mouille  dans  les  temps  où  il  se  trouve.  Joindre, 
dans  lésons  d'unir,  d'allier,  a  pour  régime  quel- 
quefois la  préposition  «,  quelciuofuis  la  préposi- 
tion arec.  On  emploie  à,  lors(pic  les  choses  qu'il 
s'agit  de  Joindre  sont  de  même  nature,  du  uicme 
ordre  de  choses  :  On  jnint  vtie  planche  à  une 
autre  ■planche,  vn  morceau  de  terre  à  un  mor- 
ceaxL  de  terre  ;  Je  vous  prie  de  joindre  vos  prières 
aux  miennes. 

Joignant  d'un  sacré  nœud  ma  maison  à  la  vôtre. 
(Cork.,  Cid,  act.  I,  se.  Ti,  16.) 

Mais  quand  il  s'agit  de  choses  d'une  nature  dif- 
férente, ou  d'un  ordre  différent,  on  emploie  avec  : 
Joindre  de  l'or  avec  du  cuivre  ;  Zénohie  se 
rendit  célèbre  par  toxite  lu  terre, pour  avoir  joint 
la  chasteté  avec  la  beauté,  et  le  savoir  avec  la 
valeur.  (Bossuel,  Discours  sur  l'hist.  univ., 
i'"  Part.,  X'  Epoque,  p.  104.)  Voyez  Jonction. 


JOU 

Ci-joint,  Ci-jointe.  Façons  de  parler  adver- 
biales. L'usage  veut  (]u'on  écrive  :  f-''ous  trou- 
verez ci-Joint  Copie  de  ce  que  vous  demandez; 
et  vous  trouverez  ci-jointe  la  copie  que  vous  me 
demandez.  — Joint,  jdacè  devant  un  nom  dont 
le  sens  est  vague,  comme  copie,  etc.,  parait 
s'accorder  avec  ceci,  sous-enlendu.  Mais  quand 
renonciation  est  précise,  comme  la  copie,  mu 
prowjeiie,  etc.,  l'esprit,  plus  allentif,  voit  mieux 
le  rapport  qui  est  gw^tq  Joint  et  le  nom,  et  l'ac- 
cord a  lieu.  Le  vague  de  l'énoncialion  n'empê- 
che pas  d'écrire,  "  copie  de  ma  lettre  est  ci- 
Jointe.  Joint,  placé  après  un  nom,  quel  qu'il 
soit,  se  rapporte  nécessairement  à  ce  nom,  et 
doit  en  adopter  le  genre  et  les  inflexions.  "Voyez 
Compris,  Excepté,  Inclus. 

Joli,  Jolie.  Adj.  Il  précède  ordinairement  son 
subst.  :  Un  joli  enfant,  une  jolie  fille,  un  joli 
cheval,  une  Jolie  maison.  Ouand  il  est  modifié 
par  quelque  adverbe  de  quantité,  on  peut  le 
mettre  avant  ou  après  :  C'est  une  très-Jolie  per- 
sonne, c'est  une  personne  très-jnlie. 

Joliment.  Adv.  On  peut  le  ineitre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  parlici|)e  :  //  a  répondu  joliment,  ou 
il  u  joliment  répondu. 

JoLivETÊ.  Subsi.  f.  Vieux  mot  conservé  par 
l'Académie,  mais  qui  ne  se  dit  plus  en  aucun 
sens. 

Joncher.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'abbé  d'Oli- 
vet a  critiqué  avec  raison  ce  vers  de  Racine 
[Alexandre,  act.  H,  se.  ii,  10)  : 

Et  de  sang  et  de  morts  vos  campagnes  jonchée». 

On  dit  bien,  avec  l'Académie ,  uiie  campagne 
Jonchée  de  morts;  mais  on  ne  dit  pas  des  cam- 
pagnes jonchées  de  sang.  Le  mot  joncher  ne 
convient  point  aux  choses  liquides. 

Jonction.  Subst.  f.  Il  signifie,  comme  union, 
la  liaison  de  deux  choses  ensemble.  Mais  Injonc- 
tion regarde  proprement  deux  choses  éloignées 
qu'on  rapproche  ou  qui  se  rapprochent  l'une 
de  l'autre;  et  V union  regarde  i)arliculière- 
ment  deux  différonlcs  choses  qui  sont  bien 
ensemble.  Le  mot  de  Jonction  semble  supposer 
une  marche  ou  queUiue  mouvement;  celui  d'u- 
■nion  renferme  une  idée  d'accord  ou  de  conve- 
nance :  on  dit  la  jonction  des  armées,  et  Vunion 
des  couleurs  ;  la  jonction  de  deux  rivières ,  et 
Vunii'n  de  deux  voisins.  Ce  qui  n'est  [tas  Joint 
est  sépare,  ce  qui  n'est  pas  uni  est  divisé.  — 
Union  s'emploie  souvent  au  figuré,  et  toujours 
avec  grtàce  ;  mais  on  ne  se  sert  de  jonction  que 
dans  le  sens  littéral.  La  Jonction  des  ruisseaux 
forme  les  rivières  ;  Vunion  soutient  les  familles 
et  la  puissance  des  États. 

JouAiLLER.  V.  a.  de  la  l'«  conj.  Jouer  à  petit 
jeu  et  seulement  pour  s'amuser.  Il  est  fami- 
lier. 

Jouer.  V.  n.  et  a.  delà  1"  conj.  On  écrit  au 
futur  simple,  Je  jouerai,  et  au  conditionnel.  Je 
Jouerais;  mais  en  poésie  on  écrit  quehpiefois, 
Je  joûrai.  Je  Joûrais.  A  la  première  et  à  la  se- 
conde personne  du  pluriel  de  l'imparfait  de  l'in- 
dicatif, et  du  présent  du  subjonctif,  on  met  un 
tréma  sur  Vi:  twus  Jouions,  vous  Jouiez  ;  que 
nous  Jouions,  que  vous  Joutez.  Ce  qui  s'observe 
dans  tous  les  verbes  dont  le  participe  présent  se 
termine  en  uant. 

Ces  observations  peuvent  s'aiipliquer  aux  ver- 
bes  avouer,  clouer,   déclouer,  nouer,  dénoue} 
contribuer,  distribuer,  échouer,  secouer,  trouer. 


JOU 

puer,  etc.  —  Se  jouer,  dit  I.n  Ilarpc,  peut  entrer 
dans  le  style  le  plus  oratoire  et  le  plus  [lOélique  : 
La  Fortune  se  joue  des  grandeurs,  le  Zéphyr 
se  joue  ddiis  le  feuillage,  etc.  Tout  cela  est  bon  ; 
mais  yoi/er  peut  cire  dinicilcment  au-dessus  du 
familier,  parce  qu'il  rappelle  trop  l'idée  des  amu- 
sements i)ucrils. 

Jouet.  Subst.  m.  Ce  mot  s'emploie  frétpiem- 
ment  dans  le  style  noble  :  Un  homme  est  le  jouet 
de  la  fortune.  Il  est  le  jouet  de  ses  passions. 

El  nous,  tristes  _;'ouef«  d'iino  si  longue  attente. 

(Delil.,  É,xéid.,  III,  656.) 

Misérables  jouetê  de  notre  vanité. 

{BoiL.,  ÉptlrelU,  3t.) 

Triste  jouet  d'un  sort  impitoyable... 

(Raciwb,  Phéd.,  acl.  Il,  se.  i,  25.) 

JoDFFLu,  JooFFLDp.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  Joufflu,  vne  femme 
joufflue. 

Joug.  Subst.  m.  Le  g  final  se  fait  sentir  légè- 
rement comme  gue.  1,'emploi  de  ce  mot,  au 
figure,  est  fréquent  dans  le  style  noble  : 

Tu  voudras  t'aiïranchir  du  joug  de  mes  bienfaits. 
(Rac,  Britann.,  act.  Y,  se.  vl,  31.) 

Heureux  qui,  satisfait  de  son  humble  fortune. 
Libre  du  joug    superbe  où  je  suis  attaché. 
Vit  dans  l'éLit  obscur  où  les  dieux  l'ont  caché. 

(RiC,  Iphig.,  act.  I,  SJ.  I,  10.) 

Jouir.  V.  n.  de  la  2'  conj.  L'Académie  ne  le 
dit  que  des  choses  avantageuses  et  agréables. 
Massillon  l'a  employé  avec  succès  dans  un  sens 
contraire;  IL  ne  croit  rien  avoir  sHl  n'a  tout; 
son  âme  est  toujours  avide  et  altérée,  et  il  ne 
jouit  de  rien  que  de  ses  malheurs  ei  cie  sun  in- 
quiétude. 

11  ne  faut  pas  conclure  de  là  qu'on  puisse  dire 
jouir  d'une  mauvaise  santé,  jouir  d'une  mau- 
vaise répuiiition.  Dans  cette  i)lirase  de  Massillon, 
jouir  est  pris  dans  un  sens  détourné.  Cela  veut 
dire,  il  est  avide  et  altéré  de  jouissances,  et  ces 
jouissances,  au  moment  où  il  croit  les  saisir,  ne 
sont  que  dos  luallieurs  et  des  iniiuiétudes. 

JotissAM,  JouissA.ME.  Adj.  Verbal  tiré  du  v. 
jouir.  11  ne  se  dit  qu'au  palais,  et  se  met  toujours 
après  son  subst.  :  Majeur  usant  et  jouissant  de 
ses  droits.  Fille  usante  et  jouissante  de  ses 
droits. 

Jour.  Subst.  m.  Dans  le  sens  de  lumière,  on 
l'emploie  dans  le  style  noble  :  Vastre  du  jour. 

Peut-être  votre  époux  voit  encore  le  jour  ? 

(Rac,  Phéd.,  act.  II,  se.  v,  39.) 

Lasse  enfin  d'elle-même  et  du  jour  qui  l'écIaire. 
[Idem,  act.  I,  se.  I,  46.) 

On  a  critiqué  le  vers  suivant  de  Racine  {Britan., 
act.  I,  se.  1, 15)  : 

Quoi  !  vous  à  qui  Néron  doit  le  jour  qu'il  respire! 

On  respire  l'air,  a-l-on  dit,  mais  07i  ne  respire 
pas  le  jour.  Nous  ne  croyons  pas  que  cette  cri- 
tique soit  juste.  Voyez  Respirer. 
Dans  le  sens  de  vie,  le  mot  jour  paraît  parti- 


JOY 


i*\ 


culiérement  consacré  au  style  noble  :  Ceux  à 
qui  je  dois  le  jour. 

Avez-vous  oublié  qu'il  m'ont  sauvé  le  jour? 

(Volt.,  Ah.,  act.  I,  se.  i,  91.) 

Jours,  au  pluriel,  signifie  la  vie,  l'âge,  le  temps 
auquel  on  vit;  et  c'est  encore  une  expression  que 
l'on  emploie  fré(]ucminpnt  dans  le  style  noble: 
Le  fil,  la  trame  de  ses  jours. 

En  ce  malheur  je  tremblai  pour  ses  jour». 

(Rac,  Mithrid.,  acl.  I,  se.  i,  85.) 

Mes  jour»  moins  agités  coulaient  dans  l'innocence. 
(Rac,  Phcd.,  act.  I,  se.  m,  146.) 

Uit-on  quelle  aventure  a  terminé  ses  joitrê  ? 

{Idem,  act.  II,  se.  i,  13.) 

Voulez-vous,  sans  pitié,  laisser  finir  vos  jours  ? 
(Idem,  act.  I,  se.  m,  36.) 

Le  chagrin  vint  flétrir  la  fleur  de  ses  beaux  jour*. 
(Volt.,  Henr.,  III,  17.) 

Corneille  a  dit  dans  les  Horaces  (act.  I,  se.  i, 
107): 

Mais  hier  quand  elle  sût  qu'on  avait  pris  journée. 

On  prend  jour,  dit  Voltaire  au  sujet  de  ces  vers, 
et  on  ne  prend  point  journée,  parce  que  jour 
signifie  temps,  et  (\\xq  journée  signifie  bataille: 
Lu  journée  d'Ivry,  la  journée  de  Fonlenoy. 
[Remarques  sur  Corneille.)  11  faut  remarquer 
ici  (juc  journée  ne  signifie  pas  toujours  ba- 
taille. 

L'Académie  dit  vivre  au  jour  la  journée,  au 
jour  le  jour.  Au  propre,  c'est  dépenser  chaque 
jour  ce  qu'on  a  gagné;  au  figuré,  c'est  jouir  du 
présent,  sans  se  mettre  en  peine  de  l'avenir. 
Voyez  Journée. 

Journalier,  Journalière.  Adj.  Travail  jour- 
nalier, occupation  journalière.  —  Esprit  jour- 
nalier, humeur  journalière.  On  ne  peut  guère  le 
mettre  qu'après  son  subst. 

Journée.  Subst.  f.  C'est  la  durée  du  jour,  con- 
sidérée par  rapport  à  la  manière  agréable  ou  pé- 
nible dont  on  la  remplit.  On  dit,  un  beau  jour,  et 
une  belle  journée  ;  mais  un  jour  est  beau  en  lui- 
même,  et  une  journée  belle  par  la  jouissance 
qu'on  en  a  :  Cette  journée  fut  sa?iglante.  La 
journée  sera  longue.  H  s'agit  alors  du  chemin 
que  l'on  a  à  faire  :  f^oyager  à  petites  journées. 
Voyez  Jour. 

Journellement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  travaillé  jour- 
nellement à  cet  ouvrage;  il  y  a  journellement 
travaillé. 

Jovial,  Joviale.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent :  Homme  jovial,  esprit  jovial,  humeur 
Joviale,  cette  Joviale  humeur.  —  Cet  adjectif  n'a 
pas  de  pluriel  au  masculin. 

Joyeusement.  Adj.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaireet  le  participe  :  J'ai  passé  joyeusement 
la  jnurné,  j'ai  joyeusement  passé  la  journée. 

Joyeux,  Joyeuse.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  cU'harmonie  le  per- 
mettent: Unhomme  joyeux,  une  femme  Joyeuse  ; 
humeur  joyeuse,  joyeuse  humeur.  Mener  une 
vie  joyeuse,  mener  joyeuse  vie;   une  joyeuse 


4i8 


JUS 


nouvelle.  On  ne  dit  pas  un  joyeux  homme.  Voyez 
Adjectif. 

Jl'daïqde.  Ailj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
«lu'aprcs  son  subst.:  Loi  judaïque,  les  antiquités 
judaïques,  superstitions  judaïques. 

JoDiciAiuE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Acte  judiciaire,  hail  judi- 
ciaire, ordre  judiciaire,  astr>lûgic  judiciaire. 
JuDiciAiREMExT.  Aiij.  Il  uc  Se  met  qu'après  le 
verbe  :  Cet  acte  a  ctc  fait  judiciairement. 

JuDiciEisEMF.NT.  Adv.  On  jieut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  lia  pensé  judicieuse- 
ment que...  Il  a  judicieusement  pensé  que... 
Jddiciecx,  Jldicif.dsf:.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  liermcttent  :  Un  homme  judicieux.  —  Une 
réflexion  judicieuse,  cette  judicieuse  ré  flexion; 
unecrili'juc  judicieuse,  celle  judicieuse  critique; 
une  remarque  judicieuse,  celte  judicieuse  re- 
marque. On  ne  dirait  pas  u/i  judicieux  homme. 
Voyez  Adjectif. 

Juger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  un  j ;  et 
pour  lui  conserver  cette  pnMionciation  lors(ju'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muel  avant 
cet  a  ou  cet  o  :  je  jugeais,  jugeons,  et  non  pas, 
je  jugais,jugo)is.  Dans  le  sens  de,  élreiropinion, 
de  sentiment  que,  il  régit  l'indicatif  quand  la 
phrase  est  aifinnalive,  et  le  subjonctif  (juand  elle 
est  négative  ou  inlerrogalivc  :  Je  juge  que  vous 
(kiez  partir,  je  ne  juge  pas  que  vous  deviez 
partir,  jugiez-vous  que  je  dusse  partira 

Dans  le  sens  de  croire,  il  régit  l'infinitif  quand 
le  verbe  régi  se  rapporte  au  sujet  de  la  phrase  : 
Il  jugea  devoir  se  comporter  aifisi.  Quand  le 
verbe  régi  ne  se  rapporte  pas  au  sujet  de  la 
phi'ase,  il  faut  se  sei-vir  de  que  avec  le  subjonctif: 
flaire  père  a  jugé  que  vous  deviez  vous  compor- 
ter CM  si. 

On  dit  juger  par,  et  juger  à.  Juger  d'une 
chose  par  une  autre,  suppose  une  cijmpsraison 
de  choses  que  l'on  croit  semblables.  On  juge  de 
la  pièce  par  V échantillon,  j'ai  jugé  de  votre 
cœur  par  le  mien.  Juger  une  chose  à,  c'est  s'at- 
tacher à  un  accessoire,  à  une  apparence,  pour 
porter  un  jugement  sur  le  fond,  sur  la  réalité  : 
Je  jugeai  à  son  air  quil  était  malade.  Je  jugeai 
du  mérite  des  philosophes  à  la  gravité  de  leur 
extérieur,  à  la  pâleur  de  leur  visage,  et  à  la 
longueur  de  leur  barbe. 

Corneille  a  dit  dans  Rodogune  (Act.  I,  se.  v^ 
81)  : 

Que  de  sources  de  haine  !  hélas,  jugct  le  reste. 

Voltaire  dit  à  l'occasion  de  ce  vers  :  Jugez  du 
reste  était  l'expression  propre,  mais  elle  n'en  est 
pas  plus  digne  de  la  tragédie.  Juger  quelque 
chose,  c'est  porter  un  arrêt;  juger  de  quelque 
chose,  c'est  dire  son  sentiment.  [Remarques  sur 
Corneille.) 

Juridique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.:  Sentence  juridique,  acte  ju- 
ridique, procédure  juridique. 

Juridiquement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  On  a  procédé  juridiquement. 

Jusque.  Préposition  qui  marque  certains  termes 
de  lieu  ou  de  temps  au  delà  (lesquels  on  ne  passe 
point;  il  exige  toujours  à  sa  suite  une  autre  pré- 
positionavec  son  complément  :  Jusque  dans  les 
enfers,  jusqu'il  Rome,  jusqu'il  l'aimée  prochaine. 


JUT 

—  Devant  une  voyelle ,  on  écrit  (luclquefois 
jus'^ue  ave(^  un  s  a  la  fin,  et  les  poêles  ajoutent 
ce  5  quand  ils  le  jugent  convenable  à  la  mesure 
du  vers  : 


J'ai  poussé  la  vertu  jusques  à  la  rudess 

^RlC,  Phèà.,  ici.  IV,  se.  Ii,  76.) 

Jusqu'à,  ju-iqu'aux,  scrl  aussi  à  marquer  quel- 
(|iie  chose  (|ui  va  au  delà  de  l'ordinaire,  soit  en 
bien,  soit  en  mal  :  Notre  religion  7ious  ordonne 
d'aimer  jusqu'à  nos  ennemis.  Ils  ont  tué  tout, 
jusqu'aux  enfants. 

Jusque,  devant  là  adverbe,  prend  toujours  un 
tiret  :  Jusque-là. 

\.'e  final  de  jusque  s'clide  devant  à,  au,  aux, 
ici.  Jusqu'à  Rome,  jusqu'dMcielfjusqt^SiUX  nues, 
jusqu'ici. 

Jusque  ne  prend  point  la  préposition  à  quand 
il  doit  être  suivi  des  mots  ici,  là,  ou  d'une  ex- 
pression adverbiale  qui  commence  par  la  prépo- 
sition à  :  Jusqu'ici,  jusque-là,  jusqu'à  présent. 
D'après  cette  règle,  que  fournil  l'usage,  on  doit 
dire,  jusqu'aujourd'hui,  et  non  pas  jusqu'à 
aujourd'hui.  —  En  1835  l'Académie  admet  les 
deux  expressions.  Voyez  Avjourd'hui. 

Jusqu'à  ce  que,  régit  le  subjonctif:  Jusqu'à  ce 
qu'il  soit  arrivé.  Quelques  auteurs  y  joignent  la 
négative,  et  disent, /i/syw'd  ce  qu'il  ne  sait  arrivé. 
Mais  ni  l'usage  ni  l'analogie  ne  demandent  cette 
négative.  Jusqu'à  ce  que,  dit  Voltaire  dans  ses 
Remarques  sur  le  Cid  (AcL  III,  se.  iv,  h^),  est 
rude,  et  ne  doit  jamais  entrer  dans  un  vers. 

Juste.  Adj.  des  deux  genres.  Cet  adjectif  se 
met  lanlôt  avant,  tantôt  après  le  subst.  :  Un  homme 
juste.  —  Une  sentence  juste,  une  juste  puni- 
tior,  une  juste  récompense,  une  juste  propor- 
tion, une  juste  mesure,  un  juste  poids,  un  habit 
juste,  un  calcul  juste,  une  (bservation  juste, 
une  roix  juste,  une  balance  juste,  ^'oyez  Ad- 
jectif 

Juste.  Adv.  Avec  justesse.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près le  verbe  :  Parler  juste,  chanter  juste.  Il 
prit  ses  mesures  si  juste. 

Justemdst.  Adv.  Avec  justice.  On  peut  quel- 
quefois le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  : 
//  a  été  justement  puni.  Il  signifie  aussi  précisé- 
ment. Foilà  justement  ce  qu'il  7wus  faut.  Il  a 
dit  justement  la  vérité.  On  peut  queliiuefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  est 
justemeni  arrivé  comme  je  sortais. 

JusT-JSSE.  Subst.  f.  11  n'a  point  de  pluriel.  Ce 
mot,  qu'on  emploie  également  au  propre  et  au 
figuré,  désigne  en  général  l'exactitude,  la  régu- 
hu'ilc,  la  précision.  Il  se  dit  au  figuré  en  matière 
de  langage,  de  pensées,  d'esprit,  de  goût  et  de 
sentiment". 

Justice.  Subst.  f.  Il  n'a  de  pluriel  que  lors- 
qu'on parle  de  certaines  juridictions,  comme, 
par  exemple,  les  anciennes  justices  des  sei- 
gneurs. 

Justiciable.  Adj.  des  deux  genres  :  U  est  jus- 
ticiable de  tel  tribunal.  Il  ne  se  met  point  avant 
son  subst. 

Justifiable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  pas  avant  son  subst  :  Conduite  justifiable, 
procédé  justifiable. 

Juteux,  Juteuse.  Adj.  qui  suit  toujours  son 
subst.  :  Un  melon  juteux,  une  pêche  juteuse. 


K. 


•tjy 


K.  Subst.  m.,  la  onzième  lettre  de  l'iilpliabet. 
le  son  projire  de  cette  consonne  est  que  très- 
dur:  Kyrielle.  On  ne  s'en  sert  plus  aujourd'hui 
«jue  dans  ce  mot  et  dans  (lucliiues  autres  tirés  des 


langues    élrançères,    comme   kan,    Stockholm, 
kirsch-wasser,  kiosque,  kyste,  etc. 

K  est  la  marque  de  la  monnaie  de  Bordeaux. 


L. 


L.  Subst.  m.  On  prononce  le.  Douzième  lettre 
de  l'alphabet.  Elle  est  du  nombre  des  consonnes. 

Le  son  propre  de  cette  lettre  est  le,  comme 
dans  laurier,  leç^m,  livre,  loge,  lune.  Au  com- 
mencement des  mots,  elle  conserve  toujours  le 
son  qui  lui  est  propre,  comme  dans  lapin,  lar- 
ron ;  au  milieu  d'un  mol  elle  le  conserve  égale- 
ment lorsqu'elle  est  entre  deux  voyelles,  couime 
dans  filer,  voler,  modèle,  fidèle,  appeler.  A  la  lin 
des  mots,  elle  se  fait  ordinairement  entendre, 
commb  dans  profil,  puéril,  subtil,  fil,  etc.,  etc. 
Il  faut  en  excepter  baril,  chenil,  coutil,  four- 
idl,  fusil,  outil,  gril,  nombril,  persil,  sourcil, 
soûl. 

—  Nota.  La  prononciation  des  mots  pluriels  en 
ils  varie  conformément  à  celle  du  singulier  ;  par 
exemple, on  dit  des  fusi-senlevés,  des  outi-zexci  l- 
hnts,  parce  que  ces  mots  se  prononcent  au  sin- 
-'ulier  sans  l  articulation  du  Z;  maison  dit  de.<t 
profil-zexacis,  de  subtU-zarguments,  "p'àVCQ^wc 
dans  ces  cas  on  fait  sonner  la  consonne/  au  sin- 
gulier; enliii  des  péril-za/freux,  en  mouillant, 
parce  que  péril  se  mouille  au  singulier. 

On  fait  ei.iendre  le  l  linal  do  ^e/)/t7  dans  la 
signification  d'idolâtre  ;  dans  gentil  signifiant  joli, 
agréable,  le  l  ne  se  fait  entendre  (juc  devant  une 
voyelle,  et  alors  il  prend  le  son  mouille  -.gentil 
enfant,  gentilhomme;  dans  ce  mot  celte  lettre 
est  muette  au  pluriel  :  De  gentils  enfants,  gen- 
tilshommes. 

Le  l  final  se  change  en  w  dans  les  mois  col,  fol. 
Mais  quoiqu'on  ail  accoutumé  de  les  prononcer 
cou,  fou,  il  est  néanmoins  d'usage  qu'en  certaines 
phrases  ils  conservent,  tant  dans  la  prononciation 
que  dans  l'écriture,  le  l  de  leur  première  ortho- 


graphe. Ainsi  on  dit  et  on  écrit  le  col  de  la  vessie, 
un  fol  appel,  un  f'I  amour,  un  fol  espoir 

Autrefois  on  écrivait  vnhommemulet  efféminé; 
aujourd'hui  on  écrit  un  homme  mou  et  rj/i/niné. 
La  voyelle  i  placée  avant  la  consonne  /  donne 
à  celte  lettre  un  son  mouillé  qui  est  trés-i^om- 
mun  dans  noire  langue.  Ce  son  devrait  avoir  un 
caractère  particulier;  mais  comme  il  nous  man- 
que, il  n'y  a  pas  d'uniformité  tlans  la  manière  de 
le  désigner. 

1»  Nous  indiquons  ce  son  mouillé  par  la  seule 
lettre  l,  quand  clic  e>t  à  la  fin  d'un  mol  et  pré- 
cédée d'un  i,  soit  prononcé,  soit  muet,  comme 
dans  fenil,  babil,  cil,  mil,  péril,  bail,  vermeil, 
écueil,  fenouil,  etc.  11  faut  en  excepter  fil,  cl  les 
adjectifs  en  il,  connue  vil,   civil,  subtil,  etc., 
où  la  lettre  l  garde  sa  prononciation  naturelle.  Il 
I  faut  excepter  aussi  les  mots  fusil,  sourcil,  outil, 
'  gril,  etc.,  et  le  mot  fils,  où  la  lettre  l  est  entiè- 
!  rement  muette. 

!      2°  Nous  représentons  le  ^on  mouillé  par  //  dans 

j  le  nom  Sully,  et  dans  les  mots  où  il  y  a  avant  II 

un  i  prononcé,  comme  dans  fille,  anguille.,  pil- 

I  loge,  cotillon,  etc.  Il  faut  excepter  Gilles,  raille, 

'  ville,  el  tous  les  mots  commençant  par  ill,  comme 

I  illégitime,  illuminé,  illusion,  etc. 

i      3"  Nous  représentons  le  même  son  par  ill,  de 

i  manière  que  Vi  est  réputé  muetlorsipie  la  voyelle 

prononcée  avant  le  son    est  autre  que  i  ou  u, 

comme  ûnns  puillasfe,  treille,  feuille,  elc 

4"  Enfin  nous  enqiloyons  cpiehiuefois  !h  pour 
la  même  fin.  comme  dans  Milhau,  ville. 

Au  surplus,  c'est  mal  rendre  le  son  mouillé 
que  de  prononcer  meilleur,  tailleur,  comme  s'il 
y  avait  mélieur,  tdlieur,  ou  comme  s'il  y  avait 
meyeur,  taîeur. 


LISTE  ALPHABÉTIQUE  DES  MOTS  OU  L'ON  MOUILLE  UN  L  OU  DEUX  L. 

(Les  mots  de  cette  liste  qui  ne  sont  pas  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie,  se  trouvent  dans  notre 
Nouveau  Dictionnaire  de  la  langue  française.) 


Abeille. 

Accordai  lies. 

Accueil. 

.accueillir. 
*Agaillardir  (s*). 

Agenouiller. 

.•Vgenouilloir. 
*Aguillot. 
'Aigail. 

Aiguillade. 
^Aiguillât. 

Aiguille. 

Aiguillée. 

Aicuill»r, 


Aiguilletage. 

Aiguilleter. 
*Aiguilletier. 

Aiguillette. 

Aignillier. 
'*Aiguillière. 

Aiguillon. 

Aisuillonner. 

Aiïlade. 

Ailleurs. 

Andouille. 

Andouiller. 

Andouillelte. 

Anguillade. 


*Angu  illard. 

Anguille. 
*Anguillers. 
*Aniruillière. 
♦Andle. 
*Anillé. 

Appareil. 

Appareillage. 

Appareillement. 

Appareiller. 

Appareilieur. 

Appareilleuse. 

Ardillon. 
*Arille. 


♦Arillée. 

Armadille. 
*Arpailleur. 

Artillé. 

Artillerie. 

Artilleur. 

Attirail. 
♦Aumaillade. 

Auniailles 
•Aureilletos. 
♦Aureillon. 

Avitaillemcni 

Avilailler. 
*Avitailleurr 


Babil. 

BiÉbillage. 

Babillard. 

Babillarde. 

Babiller. 
♦Badail. 

Bail. 
*Baillard, 

Baill.?. 
♦Baille-blé. 

Bâillomeul. 

Bâiller. 
*Baillère. 

Bailleresse 

Baillet. 

Bailleul. 

Bailleur. 

Bailli. 

Bailliage. 

Baillive. 

Bâillon. 

Bâillonner. 
*Bailloques. 
*Baillolte. 
*Baraquille. 

Barbillon. 
*Barbillonner. 

Barbouillage. 

Barbouiller. 

Barbouilleur. 
*Barbouillon. 
*Barillage. 
•Barillard. 
*BarilIc. 

Barillet. 
•Barillon. 
*Barillat. 

Bassc-laille. 

Bataille. 

Batailler. 

Bataillon. 

Béalillcs. 
*Becquillon. 

Béqiiillard. 

Béquille. 

Béquiller. 
*BéquilloD. 

Bercail. 

Bétail. 
♦Bétillcs. 

Bienveillance. 

Bienveillant. 
*Bifeuille. 
*Bigaille. 

Bill. 

Billard. 

Billarder. 

*fiillardiëre. 

Bille. 

Billebarrer 

Billebaudc 

♦Biller. 

Billet 

Billeter. 

♦Billeteur. 
Billelte. 

Billon. 

Billonnage. 

Biltunnemeot. 

BiUonner. 

Billuimeui. 

Billot. 

»BllV.)lije 


♦Bisailh". 

Bisbille. 

BlaïK-liaillc. 
*Bord:nlle. 
*Bouillaison. 

Bouillant. 
*Buuillard. 

Bouille. 
*Bouilleau. 

Boiiiller. 
♦Bouilleur. 

Bouilli. 

Bouillie. 

Bouillir. 
♦Bouillitoire. 

Bouilloire. 

Bouillon. 

Bouillonnant. 

Bouillonnement. 

Bouillunncr. 

Bouillotte. 

Bourbillon. 

Bourdillon. 

Boursiller. 

Bousillagc, 

Bousiller. 

Bousillcur. 

Bousilleuse. 
*Bouteillage. 

Bouteille. 

Bouvillon. 

Bouvreuil. 

Braillard. 
♦Braille. 
*Brailleniciil. 

Brailler. 

Braillcur. 

Brandillement. 

Brandiller. 

Brandilloire. 

Brasiller. 

Bredouille. 

Bredouillement. 

Bredouiller. 

Bredou  illeur, 

BredouiUeuse. 

Brésiller. 

Brésillet. 
♦Brésillot. 

Brétailler. 

Brélailleur. 

Breuil. 
*Bre  ailler. 

Brillamment. 

Brillant. 

Brillante. 

Brillanter- 

Briller. 
•Brillolcr. 

Brindille. 
♦Briquaillons. 

•Bruuailles. 

Brouillamini. 

Brouillard. 

Brouille. 

Brouillement. 

Brouiller. 

Brouillerie. 

Brouillon. 

Brousailles. 

Broutilles. 

•Burail. 


Cabillaud. 
♦CabiUc. 
♦Cabillcls. 
♦Cabillols. 
♦Cabrillet. 

Cacouille. 

Caille. 

Caillé. 
♦Caillebolis. 

Caillebolte. 
♦Cailleboltc. 

Caillcment. 

Cailler. 

Cailletagc. 

Cailleteau. 
♦Caillcter. 
♦Caillctot. 

Caillclle. 
♦CaiHi. 

Caillot. 
♦Caillotis. 

Caillou. 

Cailloutage. 

Caillouteux. 

Camail. 

Camomille. 

Campanille. 

Canaille. 
♦Cancelille. 

CannetiUe. 

Cantalille. 
♦Carcaillcr. 

Carillon. 

Carillonner. 

Carillonneur. 

Carpillon. 
♦Catillac. 
♦Cendrille. 

Cercueil. 

Cliamailler. 

Chamaillis. 
♦Chambrillon 
♦Chanterille. 

Cbarbouiller. 

Charmille. 
♦Chatouille. 

Chatouillement. 

Chatouiller. 

Chatouilleux. 

Chenille. 

Chenilletie. 
♦Chevillage. 

Cheville. 

Cheviller. 

♦Clievillelte. 

♦Chevillon. 

♦Chcvillures. 
Chèvrefeuille. 

Chevreuil. 
Chevrillard. 

Cil.  royez  ce  mot. 

Cillemenl. 

Ciller. 

♦Cisaille. 
Cisailler. 
Cisailles. 
Citrouille. 

•Goaille. 

♦Coailler. 
Cochenillage. 
Cochenille. 
CochenJller. 
Godille. 


*CoIonaille8 
♦Condrille. 

Conseil. 
Conseiller. 
♦Conseilleur. 
♦Conlailles. 
♦Conire-mailler. 
♦Contre-mailles. 
♦Coulre-laille. 
♦Contre-tailler. 
♦CoquiUade. 

Coiiuillagc. 
Coquillart. 

Coquille. 
♦Coquillcux 

Coquillier. 

Coquillicre. 
♦Coquillon. 

Corail. 
♦Corailler. 
♦Coraillère. 

Corailleur. 
♦Coraillolidc. 

Corbeille. 
♦Corbeillée. 

Corbillard. 

Corbillat. 

Corbillon. 
♦Cordille. 
♦Corna  Hier. 
♦CorneiUard. 

Corneille. 
♦Cornilles. 

Cornouille. 

Cornouillei' 

Coronille. 
*Coronopifeuille. 

Cotillon. 
♦Cou  illard. 
♦Courantille. 

Courcaillet. 
♦Courtailles. 

Court-bouillon. 
*Cramailler. 

Crémaillère 

Crémaillon . 
♦Crcvaille. 

Criailler. 

Criaillerie. 

Criaillcur. 
♦Croisille. 

Croisillon. 

Croustille. 

Croustiller. 

Croustilleusemenl 

Croustilleux. 
♦Cueillage.  " 
*Cucille. 
♦Cueillée. 
*Cueillerel. 

CueilU'lle. 
♦Cueillcur. 
♦Cueillie. 

Cueillir. 

Cueilloir. 

Cuiller  ou  Cuillère. 

Cuillerée 

Cuilleron. 

♦Dardille. 
♦Dardiller. 
♦Dardillon- 
DébarbouiHtor. 


421 


DébouiJli 

Débouillir. 

Bt'ljrailler. 

Dpbrcdouiller. 

Debrouilloment. 

Débrouiller. 

Déconseiller. 

*Décraiii[)illcr. 

Défaillance. 

Défaillant. 

Défaillir. 

Défeuillaison. 

Dcfeuiller. 

Dégobiller. 

Dcgobillis. 

Déguenillé 
"Démailler. 

Uémailloller. 
*Demi-dcuil. 

Dépareiller. 

Dépenaillé. 

Dépenailleinenl. 

Dépouille. 

Dépouillement. 

Dépouiller. 
*Dérouillemcnt. 

Dérouiller. 

Désappareillcr. 
*Désentortiller. 

Détail. 

Détailler. 

Détailleur. 

Déturtillcr. 
*DétoupiIlonner. 
*Déverrouiller. 
*Disputaillcr. 
*Disi)Ulaillour. 
"^Duradille. 
*Douillage. 

Douille. 

Douillet. 

Douillette. 

Douillettement. 
*Duuilleux. 
*Douillon. 

Drille. 
*Driller. 
*Drouillet. 

Ebouillir. 
*£bril!ade. 
*£caillage. 

Écaille. 

Écailler. 

Écailleux. 
*Écaillure. 

Écarbouiller. 

Ecaniuillement. 

Écarquiller. 

Échaiilillon. 

Échantillonner. 

Êchenillage. 

ÉcheniUer. 
*Échenfllcur. 

Échenilloir. 
*Êchillon. 
*£couailles. 

Écoutille. 

Êcouiillon. 

Êcouvillon. 

Écuuvillonne;. 

Écrille. 
♦Ècrivaillerie. 


Êcrivailleur. 

Êcueil. 

Écureuil. 

Effeuillaison. 

Effeuiller. 

Égosiller. 
*Êguille. 

Émail. 

Émailler. 

Éinailleur. 

Êmaillure. 
*Eiiibâillonner. 
*Euibarrillé. 

EnibrouiUement. 

Einbrouiller. 
*Embrouilleur. 

Émerillon. 

Émerillonné. 

Émerveiller. 

Emmaillotler. 

Émousiiller. 

Empaillage. 

Empailler. 

Empailleur. 

Encanailler  (s'). 
*Encastillage. 
*Encaslillemenl, 
*Encastillcr. 
*Encornail. 

Enfantillage 
*Enfutailler. 
*Enguenillé. 

Enorgueillir. 

Eiirouiller. 
*Enseuillement. 
*Ensouaille. 

Entaille 

Entailler. 
*Euiailloir. 

Entaillure. 

Entortillement. 

Entortiller. 

Entrailles 

Entre-bâiller. 
*Entre-inodillon. 
*Entre-pointillé. 

Entretaille. 

Entretailler. 

EnlrelaïUure. 
*Entripaillé. 

Envieillir. 
*É[>ailler. 

ÉparpiUement. 

Éparpiller. 

E  pou  i  lier. 

Epousailles. 

Épouvantait. 
*Equille. 
*É(îuillette. 
*É(iuilleur. 

Éraillemcnt. 

Erailler. 

Éraillures. 
*Escarbilles. 
*Eschillun. 

Esciuille. 

Essorillcr. 
*Essorilles. 

Estampille. 

Estampiller. 
*Estavillon. 

Étoupille. 
*Étoupiller. 


Étoupillon. 

Etranguillon. 

Élrésillon. 

Elrésillonncr. 

Étrille. 

Étriller. 
*Etuailles. 

Éveil. 

Éveiller. 
*Eveillure. 

Éventail. 
*Éventailler. 

Éventailliste. 
*Éventillcr. 
*Extraxillaire. 

*Fagotaille. 

♦Faille. 

*Failles. 

Faillibilité. 

Faillible. 

Faillir. 

Faillite. 
*Failloise. 

Famille. 
*Familleux. 
*Faraillon. 

Farfouiller. 
*Farillon. 

Faucille. 
*Faucillelie. 

Faucillon. 

Fauteuil. 

Fendiller. 

Fenil. 

Fenouil. 

Fenouillet. 

Fenouillette. 
*Ferraillage. 

Ferraille. 

Ferrailler. 

Ferrailleur. 
*Feuillade. 

Feuillage. 

Feuillaison. 

Feuillant. 

Feuillantine. 

Fcuillard. 

Feuille. 

Feuille. 

Feuillée. 

Feuille-morte. 

Feuiller. 
*Feuillère. 
*Feuillerel. 

Feuillet. 

Feuilletage. 

Feuilleter. 
*Feuilletis, 

Feuilleton. 

Feuillette. 

Feuillu. 

Feuillure. 

Fille. 

Fillette. 

Filleul. 

Flottille. 
*Fondrilles. 

Fouaille. 

Fouailler. 

Fouille. 

Fouiller. 

Fourmillement. 


Fourmiller. 
•Fourmilion. 
*Franc-iillac. 

Frétillant. 
*Frétillarde. 
*Frétillar(lement. 

Frétillement. 

Frétiller. 
*Friller. 

Funérailles. 

Fusillade. 

Fusiller. 
*Fusillelte. 

Futaille. 

Gaillard. 

Gaillarde. 

Gaillardement, 
*Gaillardet. 

Gaillardise. 

Gaillet. 

Gambiller. 

Gargouillade. 

Gargouille. 
*GargouilIée. 

Gargouillement. 

Gargouiller. 

Gargouillis. 

Gaspillage. 

Gaspiller. 

Gaspilleur. 
*Gazouillard. 

Gazouillement. 

Gazouiller. 

Gazouillis. 
*Gcnouillé. 

Genouillère. 
*Genouilleux. 

Gentille. 

Gentilhomme. 

Gentilhommeric. 

Gentilhommière. 

Gentillàtre. 

Gentillesse. 
*Gerbille. 
*Gerillc. 
*Girouille. 
*Goailler. 
*GoailIeur. 
*Gobillard. 
*Gobille. 
♦Godaille. 

Godailler. 

Gogaillc. 
*Gorge-lbuille. 
*Gosiller. 

Goupille. 
♦Goupiller. 

Goupillon. 
*Goupillonner. 

Gouvernail. 
♦GradiUe. 

Graillemenl. 

Grailler. 

Graillon. 
*Graillonner. 
♦Graillonneur 
•Grappillage. 

Grappiller. 

Grappilleur. 

Grappillon. 

Grassouillcw 
♦Gremillet. 


422 

Grénadille. 

Grenaille. 

Grcnailler. 
^Grenailleur. 
*GrenouiUard. 

Grenouille. 

Grenouiller. 

Grenouillère. 

Grenooillcl. 

Grenouillclle. 

Grésillement. 

Grésiller. 
*Grésillon. 
*Grevilloe. 

Gribouillage. 

Gribouiller. 

Gribouillette. 

Grillade. 

Grillage. 
*Grillagine. 

Grille. 

Griller. 
*Grillelier. 
*Grilloir. 

Grillon. 
*Grillones. 
♦Grillol. 
*Grilloler. 

Grisaille. 

Grisailler. 

Groseille. 

Groseiller. 

Grouillant 

Grouillement. 

Grouiller. 

Guenille. 

GueniUon. 

Gueusaille. 

Gueusaillcr. 
*Guillage. 
*Guillaule. 
*Guillcdiu. 

Guilledou. 

Guillemet. 

Guillemeler. 
*Guillemot. 
*Guil!er. 

Guilleret. 

Guilleri. 

Guillochcr. 

Guillochis. 
*Guilloire. 

Guillotine. 

Guillotiner. 

Habillage. 

Habillement. 

Habiller. 
*Habillcur. 
*Habillot. 

Haillon. 

Harpailler. 

Haute-taill:. 
*Hérillard. 
*Herpailles. 
*Hersillières. 
*Hcrsillon. 

Hollandille. 

Houille. 

Houillcr. 

Houillère. 

Houilleur, 

*Houillite. 


Houraillor. 

HouraiUis. 

Hous[)iller. 
*Hurlc|)iller. 
*Hydrille. 

Indébrouillable. 
Infaillibilité. 
Infaillible. 
Infailliblement. 
*Iniaillc. 

*Jacacail. 

Jaillir. 

Jaillissant. 

Jaillissement. 
♦Janlille. 

Janliller. 

Joaillerie. 

Joaillier. 

Jonquille. 

Jouailler. 

Juillet. 

*Lentillac. 
*Lenlillade. 

Lentille. 
*Lentilleux. 

Limaille. 

Mail. 

Maille. 
*Mailleau. 

Maillet. 
*Maillier. 
*Mailleiage. 
*Mailleter. 
*Mailleur. 

Mailloche. 
*Mailloir. 
*Maillon. 

Maillot. 
*Maill)lin. 

Maillure. 

Malveillance. 

Malveillant. 

Manccnillicr. 

Mandillc. 

Mangeaille. 

Manille. 

Mantille. 
*Maraudaille 
*March:indailler. 

Marguillerie. 

Marguillier. 

Marmaille. 

Médaille. 

Médaillier. 

Médaillisle. 

ÎVIédaillon. 

Meilleur. 
*Ménillc. 

Menuaille. 
*Menul'euillé. 
*Merdaille. 

Merveille. 

Merveilleusement. 

Merveilleux. 

Méteil. 

Mil. 

*Millerel. 

*Millerie. 

Millet. 


*Miraillet. 

Mitrillade. 

Mitraille. 

Mitrailler. 

ModiUon. 

Moinaille. 

Moinillon. 

Moraillcs. 

Moraillon. 

Mordiller. 

Morille. 

Morillon. 

Morillons. 

Mortaillable. 
♦Mosille. 

Mouillage. 

Mouiller. 
*Mouillet. 

Mouillette. 

Mouilloir. 

Mouillure. 
*Moureiller. 

Moustillier. 
*Moutonnaille. 

Muraille. 

Nasillard. 
*Nasillardisc. 

Nasiller. 

Nasillonner. 
*Nille. 

OEil. 

OEillade. 
*OEillé. 

OEillère. 

OEillet. 
*OEilleterie. 

OEilleton. 
*OEillclonner. 

OEillelle. 

Oille. 

Oisillons. 
*Oorail. 
*Orceillc. 

Oreillard. 

Oreille. 

Oreiller. 

Oreillette. 
*Oreillon. 

Oreillons. 

Orgueil. 

Orgueilleusement. 

Orgueilleux 

Orillon. 
*Orillonné. 

Ormille. 

Orpailleur. 

Orseillc. 

Orteil. 

Oseille. 

Ouaille. 
*Ouiller. 

Outiller. 

Paillard. 
Paillarder. 
Paillardise. 
Paillasse. 
Paillasson. 
Paille. 
*Pailléoles. 
Pailler. 


Paillet. 

Paillette. 

Pailleiir. 

Pailleux. 

Paillon 
*Paillonner. 
*Pailloteur. 

Papillon. 
*Papillonacé. 
*Papillonides. 

Papillonner. 

PajjiUolage. 

Papillote. 

Papilloter. 
*Papillots. 

Pareil. 

Pareillement. 

Passacaille. 

Pastille. 
*Pa  touille. 
*Palouillet. 
*Patouilleuse 

Patrouillage. 

Patrouille. 

Palrouillcr. 

PalrouilUs. 
*Paumille. 
*Paumillou. 

Pavillon. 

Peccadille. 
*Peille. 
*Peiller. 
*Peilles. 

Penaillon. 

Pendiller. 
*Pendillon. 

Péril. 
*Périllc. 

Périlleusement. 

Périlleux. 

Persillade. 

Pclillant. 

riHillement. 

Pétiller. 
*Pharillon. 

Piailler. 

Piaillerie. 

Piailleur. 

Pierraille. 
*Pif:ouil. 

Pillard. 

Piller. 

Pillerie. 

Pilleur. 
*Pillu. 
*Plalille. 

Pointillage. 

Pointiller. 

Pointillerie. 

PoiniiUeux. 

Poitrail. 
*Ponliller. 

Porte-aiguilles. 

Poriefcuille. 
*Porle-lentille. 

Postillon. 
*Polilles. 

Touille. 

Pouiller. 
*Pouillerie. 

Pouilles. 

Pouilleux. 
*Pouillier- 


'Fouillis. 
*rouiliol. 

Poulailler. 
*rûursille. 

Prolintaiilo. 

Prcliiilailler. 

Prctraille. 

Quadrille. 
Vualrtiuilh. 

Quenouille 

Quenouille". 
*Quenouillelle 

Quillage. 
*Quillai. 

Quille. 

Quiller. 

QuillcUe. 
*Quillon. 
*Quillot. 

Quiiicaille. 

Quincaillerie. 

Quincaillier. 

Quoailler. 

Rabouillère. 

Racaille. 

Ragaillardir. 
*i»  aille. 

Railler. 

Raillerie. 

Railleur. 
*Rainaillage. 
*Rainailler. 

Ramilles. 

Rappareiller. 

Raréfaction. 
*Rarifeuille. 
*Rasjiaillon. 
*i'calillon. 

r.;:vitaillement. 

Ravitailler. 
*Ravonailles. 

Rebouillir. 
*Rebrouiller. 

Recoquilleuient. 

Recoquiller. 

Recroqueviller  (se). 

Recueil. 

Recueillement. 

Recueillir. 
*Recucilloir. 
*Refeuillcr. 
*Rcfeulllure. 
*RefouiUer. 

Rejaillir. 

Rejaillissement. 

llelevailles. 
*Remmaillottcr. 
*Reaiouiiler. 
*Renille. 
*Rentorliller. 

Répélailler. 

Reprcsaillc. 

Retaille. 


Retailler. 
Iletravaillcr. 
*Retriller 

Réveil. 
*Réveillée. 
Réveiller. 
*Réreilleur. 
Réveillon. 
Rhabillage. 
Rhabiller. 
*Riiiiaille. 
Rimailler. 
Rimailleur. 
Ripaille. 
Rocaille. 
Rocailleur. 
Rocailleux. 
Roquille. 
*Ro(iuilles. 
Rouille. 
Rouiller. 
*Roui  lieux. 
Rouillure. 
Roupiller. 
Roupilleur. 
*Roussailie. 
Routaiiler. 

Saillant. 
*Sailler. 

Saillie. 

Saillir. 
*Sappadille. 

Sauiillement. 

Sautiller. 

Semaille. 

Sémillant. 

Sérail. 
*Serpiller. 

Serpillière. 

Seuil. 
*Seuillet. 

Sillage. 

Siller. 

Sillet. 
*Sillomèlre. 

Sillon. 

Sillonner. 

Soleil. 

Sommeil. 

Sommeiller. 

Sonnaille. 

Sonnai'ilcr. 

Soudrille. 
*Souillard. 
*Souillardière. 

Souille. 

Souiller. 

Souilhn. 

Souillure. 

Soupirail. 

Sourciller. 

Sourcilleux. 

Spadille. 
*Sparaillon. 
*Surfeuille. 


L.  est  l'expression  abrégée  du  mot  leurs  dans 
celte  abréviation,  LL.  AA.  ou  LL.  MM.  {leurs 
altesses  ou  leurs  majestés). — Dans  le  commerce, 
L.  veut  dire  livre;  L.  ST., I ivre  stcrlinj.  —La 
monnaie  fabriquée  à  Rayonne  porte  la  lettre  L. 

La.  Voyez  Article,  Adjectifs  prépositifs. 


LA  4i)3 

Taillable. 
Taillade. 
Taillader 
Taillanderie. 
Taillandier. 
*Taillandin. 
Taillant. 
Taille. 
Tailler. 
Taillercsse. 
*Taillcrolle. 
*raillct. 
*Taillclte. 
Tailleur. 
Taillis. 
Tailloir. 
Taillon. 
*Taillure. 
*Tamisailfc. 
Tatillon. 
Tatillonuage. 
Tatilloruier. 
Tenaille. 
*Tenaillée. 
Tenailler. 
Tenadion. 
*Terraille. 
Tillac. 
Tille. 
TiUée. 
Tiller. 
*IiUeite. 
Tilleul. 
*Tilleur. 
*Tiilotte. 
Tiraillement. 
Tirailler. 
Tiraillerie. 
Tirailleur. 
*Tire-veille. 
Torpille. 
Tortillage. 
Tortille. 
Tortillement. 
Torlillère. 
i  *Torlillis. 
Tortillon. 
I     Touaille. 
'     Toupillon. 
*Touraille. 
;  *Touraillon. 
'     Tourbillon. 
I    Tourbillonner. 
I    Tournailler. 
!    Traille. 
!  *Traillcr. 
I  *Traillet. 
Tramai  I. 
*TraiTiillon. 
Travail. 
Travailler. 
Travailleur. 
*Travouil. 
Treillage. 
Treille. 

La.  Adv.  On  met  un  accent  grave  sur  l'a  de 
ce  mut,  pour  le  distinguer  de  la  article  ou  pro- 
nom, et  cet  à  ne  s'élide  jamais. 

On  le  met  souvent  au  commencement  de  la 
phrase  :  Là  Télémaqv.e  aperçut  des  visages pâles^ 
hideux  et  centristes  {^Qtiû.,   Télém.,  \\V.  xviii 


Treillis. 

Trcillisscr. 
*rr,-saille. 
*rresdlun. 
*J'résillonner. 

Tressaillement. 

Tressaillir. 

Treuil. 

Trij)aille. 
*Tiouillotte. 

Trouvaille. 

Vaillamment. 
Vaillance. 
■\'aillant. 
Aaillantise. 
Valetaille. 
"\"anille. 
A'annillicr. 
*\'atrouille 
Veille. 
Veillée. 
Veiller. 
Veilleur. 
"Veilleuse. 
*Vcilloir. 
*Veillote. 
A'eiitail. 
*Ventiller. 
*\erdillon. 
*Vérétille. 
Vermeil. 
*  Vermeil  le. 
*\'cnneillonner 
\eruiiller. 
A'ermillon. 
Veraiillonuer. 
*Verrillon. 
"Verrouiller. 
Vctillard. 
Vétille. 
Vétiller. 
Vétilleur. 
Vétilleu.K. 
"V'ictuaille. 
*Vietuailleur. 
Vieil. 
"\  ieillard. 
*"\  ieille. 
Vieillerie. 
"\  icillesse. 
"\icillir. 
A'ieillot. 
Volaille. 
Arille. 
Vriller. 
"'■Vrillerie. 
*Vrillelle. 
*Arillon. 

*Zorille. 


424 


LAn 


t.  II,  p.  222).  Dans  celle  conslruclion,  le  verbe 
pcui  (lueliiuefois  précéiler  sou  sujel  :  Là  sié- 
geaient des  magislruts  intègres.  11  se  inel  aussi 
après  le  veibc,  mais  jamais  ciiirc  l'auxiliaire  cl  le 
|)arlicipe  :  Il  est  venu  là,  et  non  pas  il  est  là 
venu. 

Là  sert  à  désigner  que  la  chose  donl  un  parle 
est  éloignée,  comuie  ci  serl  à  désigner  <iu'ellc  est 
proche  :  En  ce  temps-ci, en  ce  temps-là.  Quelque- 
fois il  se  mel  avec  l'adverbe  çà,  pour  signifier 
de  CÔlé  et  d'aulre  :  Les  troupes  étaient  disper- 
sées çà  et  là.  I.urstpie  là  est  joint  à  un  autre 
mol  de  manière  (|u'un  ne  puisse  l'on  séparer  en 
parlant,  dans  récriture,  on  le  joint  à  ce  mot  par 
un  tiret  :  Cet  homme-là,  là-haut,  là-lias,  quelles 
gens  sont-ce  là?  quel  discours  est-ce  là  ? 

Queliiuefois  W  n'est  emjiloyo  (jue  par  une  es- 
pèce de  redondance ,  et  pour  donner  plus  de 
force  el  d'énergie  au  discours:  C'est  là  une  belle 
action  ;  que  dites-vous  Zà?  Alors  ià  ne  prend  point 
le  lirel. 

Autrefois  on  disait  là  où,  pour  dire,  au  lieu 
que.  11  n'est  plus  usité  (lu'abusivement,  et  forme 
un  hiatus  désagréable. 

On  disait  aussi  là  où,  pour,  dans  cet  endroit. 
C'est  une  expression  fautive.  On  dit  c'est  là  que 
je  demeure,  et  non  pas  c'est  là  où  je  demeure. 
C'est  là  que  je  veux  aller,  et  non  pas,  c^est  là 
OÙ  je  veux  aller.  —  S'il  y  avait  deux  verbes 
pour  le  rapport,  la  locution  serait  régulière  :  Là 
où  il  n'y  a  rien  le  roi  perd  ses  droits.  (A.  Lc- 
maire,  Grammaire  des  Grammaires ,  p.  H8fi). 
— On  a  dit  là  où  dans  le  sens  de  lorsque  :  En  fait 
de  mots,  l'analogie  n'a  lieu  que  là  où  l'usage 
l'autorise.  (Beauzce.)  Les  gens  de  bien  meurent 
dans  une  douce  espérance,  là  OÙ  les  méchants 
sont  tourmentes  de  remords.  On  ne  le  dit  plus. 

Labial,  Labiale.  Aiij.  (jui  ne  se  mel  <iu'aprcs 
son  subsl.  :  Lettres  labiales,  offres  luhiules. 

Ce  mot  vien!  du  lalin  luhia,  les  lèvres.  Il  si- 
gnilie  qui  a[>puilii'nl  aux  lèvres.  11  n'a  point  de 
pluriel  au  masculin. 

On  appelle  en  grammaire  ,  articulations  la- 
biales, celles  qui  sont  produites  par  les  divers 
mouvements  des  lèvres;  et  consonnes  labiales, 
les  consonnes  qui  représentent  ces  articulations. 
Nous  avons  cinq  lettres  labiales,  v,  f,  b,  p,  m. 
Les  deux  premières,  v  et  /",  exigent  que  la  lèvre 
inférieure  s'approche  des  dents  supérieures  et  s'y 
appuie,  comme  pour  retenir  le  son.  Quand  elle 
s'en  éloigne  ensuite,  le  son  en  reçoit  un  degré 
d'explosion  plus  ou  moins  fort,  selon  que  la  lè- 
vre inférieure  appuie  plus  ou  moins  fort  contre 
les  dents  supérieures;  et  c'est  ce  qui  fait  la  dif- 
férence des  deux  articulations  v  et  /",  dont  l'une 
est  faible  et  l'autre  forte. 

Les  trois  dernières,  b,p  et  m,  exigent  (jue  les 
deu.x  lèvres  se  rapprochent  l'une  de  l'aulre.  S'il 
ne  se  fait  point  d'autre  mouvement  lors- 
qu'elles se  séparent,  le  son  part  avec  une  explo- 
sion plus  ou  moins  forte,  selon  le  de^'ré  de  force 
que  les  lèvres  réunies  ont  opposé  à"  son  émis- 
sion; el  c'esl  en  cela  ijue  consiste  la  différence 
des  deux  articulations  b  G\.p,  dont  l'une  csl  faible 
et  l'autre  forte.  Mais  si  pendant  la  réunion  des 
lèvres  on  fait  passer  par  le  nez  une  partie  de 
l'air  qui  esl  la  matière  du  son,  l'explosion  de- 
vient alors  m,  et  c'est  pour  cela  que  celle  cin- 
quième labiale  csl  justement  regardée  comme 
nasale. 

L'affinité  de  ces  cinq  lettres  labiales  fait  que, 
dans  la  composition  et  la  dérivation  des  mots, 
elles  se  prennent  les  unes  pour  les  autres,  avec 


LAC 

d'autant  plus  de  (ncilité  que  le  degré  d'affinité 

est  plus  considérable. 

LABoiiitosEMEM.  Adv.  11  nc  se  met  qu'après 
le  verbe  ;  Il  a  passé  laborieusement  sa  vie. 

Laborieux,  Laborielse.  Adj.  Il  se  dit  des 
personnes  et  des  choses  :  Humme  labi  i-ieux, 
vie  labarieiise,  entreprise  laborieuse.  On  peut 
le  mettre  av;mt  son  subsl. ,  lorsque  l'analogie  cl 
l'harmonie  le  pofUicllenl  Cette  laborieuse  en- 
treprise fut  préculeo  dans  Pespace  de  deux  an- 
nées. 

Labodra&le.  Adj.  qui  Kc  so  met  qu'après  son 
subsl.  :  Terres  labourables. 

Lâche.  Adj.  des  deux  genres.  C'esl  l'opposé 
attendu  :  une  corde  esl  lâche  si  elle  parait  fléchir 
en  ijuelque  endroit  de  sa  longueur;  tendue  si 
elle  ne  paraît  fléchir  en  aucun  endroit  de  sa  lon- 
gueur. C'esl  l'opposé  de  ferme,  et  le  synonyme 
de  mol  :  une  étoffe  est  lâche,  si  elle  esl  mal  frap- 
pée; ferme,  si  elle  csl  bien  fouriiio  de  trame. 
C'est  rojiposé  d'actif:  un  animal  est  lâche,  lors- 
qu'il se  meut  nonchalamment  cl  faiblement.  C'esl 
l'opposé  de  serré  :  coudre  lâche,  c'est  éloigner 
ses  points  et  les  faire  longs  cl  mctus.  C'est  l'op- 
posé de  resserré  :  on  a  le  l'entre  lâche.  C'est,  au 
ligure,  l'opposé  de  brave  :  c'est  un  lâche.  Il  est 
synonyme  de  vil  el  hmiteux :  il  a  fait  une  action 
lâche.  Un  style  esl  lâche  lorsqu'il  csl  chargé  de 
mots  inutiles,  el  que  ceux  qu'on  a  employés  ne 
peignent  point  l'idée  fortement.  Au  ligure,  on 
peut  le  mettre  avant  son  subsl. ,  en  consultant 
l'oreille  et  l'analogie.  On  dit  un  lâche  soldat,  un 
lâche  coquin,  une  lâche  trahison. 

Il  devint  Idche  roi  d'intrépide  guerrier. 

(Volt.,  Benr.,  I,  32.) 

Voyez  Adjectif. 

Lâchement.  Adv.  Il  ne  se  dit  qu'au  figuré,  el 
peul  se  melire  entre  l'auxiliaire  et  le  [Ktrlicipe: 
Travailler  lâchement,  s'enfuir  lâchement.  Il 
s'est  lâchement  enfui. 

Lâcher.  "V.  a.  de  la  1"  conj.  C'esl  abandonner 
à  elle-même  une  chose  retenue  par  un  obstacle. 
On  lâche  en  écarlant  l'obstacle.  On  lâche  une 
pierre,  et  elle  tombe.  On  lâche  la  corde  d'une 
grue,  el  le  poids  descend.  On  lâche  un  lobinel, 
et  l'eau  coule.  On  lâche  un  coup  de  pistolet,  ce 
qui  suppose  que  le  pistolet  était  armé.  On  lâcJie 
tout  sous  soi,  ce  qui  suppose  une  faiblesse  dans 
les  intestins.  On  lâche  un  chien  après  un  lièvre. 
On  lâche  le  mot  ([ui  nous  démasque  On  lâche 
prise.  On  lâche  le  pied.  On  lâche  sa  proie.  On 
lâche  la  bride.  On  lâche  la  mesure.  On  lâche  la 
balle.  On  lâche  l'autour.  On  lâche  la  main,  lors- 
qu'on vend  une  chose  au-dessous  de  son  prix. 

Laconique.  Adj.  des  deux  genres.  Style  laco- 
nique, auteur  laconique,  réponse  laconique.  On 
peul  le  nicllre  avant  son  subsl.,  lorsque  l'analogie 
et  riiarmonic  le  permettent  :  Ce  laconique  (tu- 
teur, celte  laconique  réponse.  Voyez  Adjectif. 

Laconique  Cl  concis  ne  signifient  pas  cxacle- 
menl  la  môme  chose.  Laconique  se  dit  des  choses 
el  des  personnes;  concis  ne  se  dit  guère  (jue  des 
choses,  cl  prin(ii)alemenl  des  ouvrages  et  du 
style;  au  lieu  que  laconique  se  dit  principale- 
ment de  la  conversation  ou  de  ce  qui  y  a  rapport. 
On  dit  un  homme  laconique,  une  réponse  la- 
conique, une  \i:\.\.\-Q  laconique  ;  un  ouvrage  concis, 
un  slyle  concis. 

Laconique  suppose  nécessairement  peu  de 
paroles;  concis  ne  suppose  que  les  paroles  né- 
cessaires. Un  ouvrage  peut  être  long  el  concis, 


LAT 

lorsqu'il  embrasse  un  srand  sujet.  Une  réponse, 
une  lelire,  ne  peuvent  être  à  la  fois  longues  et 
laconiques. 

Laconique  suppose  une  sorte  d'iiffectalion  ot 
une  espèce  liedcraut  ;  concis  emporte  pour  l'or- 
dimire  une  idce  de  pcrfeclion  :  f^oilà  xtn  com- 
pliment bien  laconique;  voilà  un  discours  bien 
concis  ci  bien  i  ncrgique. 

Lacomsme.  Suhst.  m.  C'est-à-dire  langage  bref, 
anime  et  senlenlieux.  Mais  ce  mot  désigne  pro- 
prement l'expression  énergique  des  anciens  La- 
cédémoniens,  qui  avaient  une  manière  de  s'é- 
noncer succincte,  serrée,  animée  et  louchante. 

Lachymal,  Lacrymale.  Adj.  C'est  un  terme 
d'anatomic.  11  fait  lacrymaux  au  pluriel  mascu- 
lin. On  dit  conduits  lacrymaux,  points  lacry- 
maux. 

Lacs.  Subst.  m.  plur.  On  ne  fait  presque  point 
sentir  le  c. 

Lactée.  Adj.  f.  qui  ne  se  met  (ju'après  son 
SUbsl.  :  La  voie  lactée,  les  veines  lactées. 

Ladre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  mot 
qu'après  son  subst..  :  Une  truie  ladre.  —  Un 
homme  ladre. 

L'Académie  prétend  qu'en  prenant  substanti- 
vement cet  adjectif,  on  dit  ladrcsse  en  parlant 
d'une  femme.  Si  ce  mot  est  usité,  ce  n'est  que 
parmi  la  populace. 

Laid,  Laide.  Adj.  Il  se  dit  des  hommes,  des 
femmes,  des  animaux,  qui  manquent  des  pro- 
portions ou  des  couleurs  dont  nous  formons  l'idée 
de  beauté.  11  se  dit  aussi  des  dilTérenlcs  par- 
ties d'un  corps  animé.  Mais  quoi  qu'en  disent 
les  auteurs  du  Dictionnaire  de  Trévoux,  et 
même  ceux  du  Dictionnaire  de  rAcadémie,  on 
ne  doit  pas  dire  et  on  ne  dit  pas,  quand  on 
parle  avec  noblesse  et  avec  précision,  une  laide 
mode,  une  laide  maison,  une  étoffe  laide.  Quoi- 
qu'on dise  de  beaux  vers,  on  ne  dit  pas  des 
vers  laids.  On  fait  usage  d'autres  épithètes  ou 
de  périphrases  pour  exiirinicr  la  privation  des 
qualités  qui  nous  rendraient  agréal)les  les  êtres 
inanimés.  Il  en  est  de  même  des  êtres  moraux, 
et  ce  n'est  plus  que  dans  quelques  proverbes 
qu'on  emploie  le  mot  de  laid  dans  le  sens  mo- 
ral. 

L'Académie  donne  pour  exemples  familiers  de 
l'emploi  de  cette  expression,  c'est  un  laid  magot, 
en  parlant  d'un  homme  extrêmement  laid;  et  une 
laidegvenon,  en  parlant  d'une  femme  qui  est  dans 
Je  même  cas.  Ces  exemples  sont  empruntés  du  iau- 
jage  des  halles.  On  peut  le  mettre  avant  son 
subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie:  Un 
homme  laid,  une  femme  laide  ;  une  laide  bote, 
un  laid  animal.  On  dit  proverbialement  il  n'y  a 
point  de  laides  amours.  — C'est  une  laide  chose 
que  de  mentir.  Voyez  Adjectif. 

Laideron.  Subst.  f.  Jeune  fdle  ou  jeune 
femme  laide  :  C'est  une  laide  femme. 

Lainedx,  Laineuse.  Adj.  qui  ne  peut  se  mettre 
qu'après  son  subsl.  :  Un  drap  laineux,  une 
étoffe  laineuse. 

Laisser.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  dit  sans  la 
négation,  je  voîis  laisse  à  penser  s'il  profita  de 
r occasion;  et  avec  la  négation,  il  ne  faut  pas 
laisser  d'aller  son  chemin.  On  dit  ne  pas  laisser 
de  faire,  pour  dire  continuer  de  faire,  ne  pas 
cesser  de  faire,  malgré  quelque  opposition.  Plu- 
sieurs auteurs  emproienl  que  dans  ces  sortes  de 
phrases:  I^os  pliilosophes  savent  que  cette  petite 
supercherie  ne  laisse  pas  que  d'en  imposer  aux 
sots.  (Marmontcl.)  Thomas  Corneille  pensait  que  ' 


LAN 


425 


I  ce  que  est  inutile,  et  tout  le  monde  est  aujour- 

'  d'hui  de  cet  avi-,cxceplé  l'Académie,  (|ui,  laissant 

'  à  chacun  la  liberté  de  s'exprimer  de  l'une  ou  de 

'  l'autre  manière,  donne  pour  exemples,  dans  les 

deux  dernières  éditions  de  son  dictionnaire,  cette 

I   chose  ne  laisse  pas  ((ue  d'être  vraie,   ne  laisse 

I  pas  d'être  vraie.  L'Acadéude  de  17(12  n'emploie 

jamais  ce  que.  —  ^Montesquieu  a   dit    dans  la 

XAX'  lettre  persane  :    Tant    d'honneurs    nf. 

lais.tent  pas  d'être  à   charge,    et  Buffon  :    Ces 

grands  affaissements  ne  laissent  pas   de  tenir 

une  des  premières  places  entre  les  principaux 

faits   de   l'histoire  de  la  terre.  {Théorie  de  la 

terre,  l.  I,  p.  427.) 

Racine  a  dit  dans  Mithridate  (act.  III,  se.  v, 
58): 

Je  veux  iai'sscr  de  vous  jusqu'à  »olre  mémoire. 

On  ne  peut  pas  dire,  laisser  la  viémoire  de 
quelqu'un,  pour,  en  perdre  le  souvenir.  Voyez 
Participe. 

Laiteux,  Laiteuse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Plantes  laiteuses. 

Lambeau.  Subsl.  m.  11  se  dit  figurément  en  par- 
lant des  ouvrages  d'esprit  ;  mais  il  se  prend  tou- 
jours en  mauvaise  part.  On  ne  dit  pas  des  lam- 
beaux précieux,  des  lambeaux  éloquents,  comme 
on  dit  des  ?norceaux  précieux,  des  morceaux 
éloquents.  Cepciidaiil  l'Académie  dit  on  n'a  re- 
tenu que  quelques  lambeaux  de  ce  discours  ;  elle 
aurait  mieux  fait  de  dire  quelques  morceaux. 

LAMBl^F,R.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Mercier  nous 
apprend  l'origine  de  ce  mot.  Lambin,  dit-il,  cé- 
lèbre commentateur  de  Lucrèce,  de  Cicéron,  de 
Piaule,  elc. ,  ennuya  même  des  savants  par  le 
soin  minutieux  qu'il  a  conslamment  de  raii[)orler 
avec  la  plus  scrupuleuse  exactitude  les  diverses 
leçons  des  auteurs  qu'il  commente.  Il  lit  uailrele 
mot  lambiner  dont  on  se  sert  encore  queiiiucfois. 
quoique  le  règne  des  commentateurs  soit  passé. 

Lamentable.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met 
assez  souvent  avant  son  subst.  :  Une  mort  la- 
mentable, un  accident  lamentable.  —  Une  voix 
lamentable,  des  cris  lamentables.  Voyez  .ad- 
jectif. 

Ce  vieillard  vénérable 
A  jeté  dans  mes  bias  un  cri  ixlamentabU. 

(Volt.,  Uahom.,  act    IV,  se.  IV,  57.) 

—  Cette  lamentable  mort,  ce  lamentable  évént" 
ment,  ces  lamentables  cris. 

Des  troupeaux  expirants  les  lamentabht  voix. 

(Delil.,  Georg.,  m,  C31.) 

Lamentablement.  Adv.  On  le  met  quelquefois 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Après  avoir  la- 
mentablement raconté  ses  malheurs. 

Lamentation.  Subsl.  f.  C'est  une  plainte  forte 
et  continue.  Lsl  plainte  s' c\\\Y\mc  par  le  discours, 
les  gémissements  accompagnent  la  lamentation. 

L.AMENTER.  V.  a.  dc  la  V  conj.  Déplorer,  re- 
gretter avec  plaintes  et  gémissements.  Il  est  vieux 
en  ce  sens;  on  ne  dit  filus  lamenter  la  mort  de 
ses  parents,  la  ruine  de  .■sa  patrie.  Les  poêles 
seuls  ont  la  liberté  de  l'employer.  —  Il  ne  s'em- 
ploie en  prose  que  neutralement,  ou  avec  le  i)ro- 
nom  personnel  :  //  ne  fait  que  lamenter.  Des 
femmes  qui  se  lamentent.  F'ous  vous  lamentez 
en  vain. 

Lancer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Selon  l'Académie 


426 


LAN 


on  dil  se  lancer,  pour  dire,  se  jeter  avec  iinpé- 
tuosiU',  avec  clïort  :  Il  se  lança  au  travers  des 
ennemis,  il  se  lança  dans  le  bois.  —  Nous  peil- 
soiii,  avec  Fcraud,  qu'on  le  disait  autrefois,  mais 
qu'aujourd'iini  on  dit  en  ce  sens  s'élancer  :  S'é- 
lancer à  travers  les  ennemis.  Il  s'élwnça  dans 
le  bois. 

Langage.  Subst.  m.  Le  langage  n'est  ni  l'i- 
diome, ni  la  langue  d'une  nation.  Si,  dit  Beau- 
zée,  dans  la  totalité  des  usaiies  de  la  Noix  |)ropres 
à  une  nation,  on  ne  considère  ([uc  l'expression 
et  la  communication  des  pensées,  d'après  les 
vues  de  l'esprit  les  pins  universelles  et  les  plus 
communes  a  tous  les  hommes,  le  nom  de  langue 
exprime  parfaitement  cette  idée  générale.  Mais  si 
l'on  prétend  encore  envisager  les  vues  particuliè- 
res à  celle  nation,  et  les  tours  singuliers  qu'elles 
occasionnent  nécessairement  dans  son  élocutiun, 
le  terme  d'/(/t<;/«e  est  alors  celui  (jui  convient  le 
mieux  à  re.\[)ression  de  cette  idée  moins  générale 
et  plus  resircintc.  La  différence  est  encore  bien 
plus  considérable  enlrc  langue  et  langage.  C'est 
le  matériel  des  mots  et  leur  ensemble  qui  déler- 
mine  une  lam/uf;  elle  n'a  rapport  qu'aux  idées, 
aux  conceptions,  à  l'intelligence  de  ceux  qui  la 
parlent.  Le  langage  paraît  avoit  plus  de  rapport 
au  caractère  de  eelui  qui  parle,  à  ses  vues,  à  ses 
intérêts;  c'est  l'objet  du  discours  qui  détermine 
le  langage  :  chacun  a  le  sien,  selon  ses  passions, 
dit  CondiUac.  Ainsi  la  môme  nation  avec  la  même 
langue  peut,  dans  des  temps  différents,  tenir  des 
langages  différents,  si  elle  a  changé  de  mœurs, 
de  vues,  d'iutcrcis.  Deux  nations,  au  contraire, 
avec  différentes  langues,  peuvent  tenir  le  même 
langage  si  elles  ont  les  mêmes  vues,  les  mêmes 
intérêts,  les  mêmes  mœurs.  C'est  que  les  mœurs 
nationales  tiennent  aux  passions  nationales,  et 
que  les  unes  demeurent  stables  ou  changent 
comme  les  autres.  11  en  est  à  cet  égard  des  hom- 
mes Comme  des  nations.  On  dil  le  langage  des 
yeux,  du  geste,  parce  que  les  yeux  et  le  geste  sont 
destinés  i)ar  la  nature  à  suivre  les  mouvements 
que  les  passions  leur  inq)rimcnl,  et  conséquem- 
menl  à  les  exprimer  avec  d'autant  plus  d'énergie, 
que  la  corrcsiiomlance  est  jilus  grande  entre  le 
signe  et  la  chose  signiliée  qui  le  produit.  Tous  les 
articles  de  ce  Dictionnaire  sont  consacrés  à  la 
pureté  du  langage. 

On  dit  lu  langue  maternelle,  la  langue  fran- 
çaise, anglaise,  etc.,  et  non  pas,  le  langage  via~ 
ternet,  le  langage  français,  etc.  On  dit,  bien 
parler  sa  langue,  et  non  pas  bien  parler  son  lan- 
gage. 

Le  mot  langage  s'emploie  très-bien  dans  le 
style  noble  : 

Et  depuis  quand,  seigneur,  tenez-vous  ce  langag':  ? 
(Ui.c., /phtj.,  ad.  I,  se.  I,  13.) 

Juste  ciel '.Puis-je  entendre  et  soullrir  ce  langage. 
(Idem,  acl.  lY,  se.  vi,  47.) 

You»,  mourir  1  ali  '.  cessez  de  tenir  ce  langage. 

[Idem,  acl.  Y,  se.  ii,  17.) 

Langage.  Le  moyen  le  plus  sûr  et  presque  le 
seul  d'ac(]uérir  une  connaissance  parfaite  des  li- 
ncsses  de  notre  langue,  et  surtout  de  ci'S  exce|)- 
tions  qui  paraissent  si  contraii'csaux  règles,  c'est 
de  converser  souvent  avec  un  homme  instruit. 
Vous  a|)prendrez  plus  dans  quclijues  entretiens 
avec  lui,  que  dans  une  lecture,  (jui  laisse  presque 


LAN 

toujours  des  doutes.  Nous  avons  beau  lire  au 
jourd'hui  les  auteurs  latins,  l'étude  la  .olus  assi- 
due ne  nous  api)rendra  jamais  quelles  fautes  les 
copistes  ont  glissées  dans  les  manuscrits,  ((uels 
mots  impropres  Salluslc,  Tite-Live,  ont  employés. 
Nous  ne  i)ouvons  presque  jamais  discerner  ce 
qui  est  hardiesse  heureuse  d'avec  ce  qui  est  li- 
cence condamnable. 

Les  étrangers  sont,  à  l'égard  de  nos  auteurs,  ce 
que  nous  sommes  tous  à  l'égard  des  anciens.  La 
meilleure  méthode  est  d'examiner  scrupuleuse- 
ment les  excellents  ouvrages. 

La  lecture  assidue  des  bons  auteurs  est  encore 
plus  nécessaire  à  celui  qui  veut  se  former  un 
style  pur  et  correct,  que  l'étude  de  la  plupart  de 
nos  grammaires.  Ce  (pi'on  apprend  sans  peine  et 
parle  secours  du  plaisir,  se  fixe  bien  plus  forte- 
ment dans  la  mémoire,  que  ce  qu'on  étudie  avec 
des  dégotits  dans  des  préceptes  secs,  souvent  très- 
mal  digérés,  cl  dans  lesquels  on  ne  trouve  que 
trop  de  contradictions.  (Extrait  des  œuvres  de 
Voltaire.) 

Langoubeusement.  Adv.  On  peut  quelquefois 
le  placer  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Jl  a 
répondu  langoureu.icment,  il  a  la ngoureusament 
répondu  que... 

Langolt.ecx,  Langocrecse.  Ailj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie:  Un  homme  langoureux,  un  ton  lan- 
goureux, vn  air  langoureux,  des  regards  lan- 
goureux ;  de  langoureux  regards,  de  langoureux 
accents.  Voyez  Adjectif. 

Langde.  Su!)St.  I.  ^'oycz  Langage,  Analogue. 

Langue  française.  11  ne  nous  reste  aucun  mo- 
nument de  la  langue  des  anciens  Vclchcs,  ([ui 
faisaient,  dii-on,  une  partie  des  peuples  celtes  ou 
keltcs,  espèces  de  sauvages  dont  on  ne  connaît 
que  le  nom,  et  qu'on  a  voulu  en  vain  illustrer  par 
des  fables.  Tout  ce  que  l'on  sait,  c'est  (pie  les 
peuples  que  les  Romains  appelaient  Galli,  dont 
nous  avons  pris  le  nom  de  Gaulois,  s'appelaient 
Velches;  c'est  le  nom  qu'on  donne  encore  aux 
Français  dans  la  Basse-Allemagne,  comme  on  ap- 
pelait cette  Allemagne  Tcuich.  La  province  de 
Galles,  (lonl  les  peuples  sont  une  colonie  de  Gau- 
lois, n'a  d'autre  nom  (]ue  celui  de  Velch.  L'n 
reste  de  l'ancien  patois  s'est  encore  conservé  chez 
quelques  rustres  dans  cette  province  de  Galles, 
dans  la  Basse-Bretagne,  dans  quel<iucs  provinces 
de  France. 

Quoique  notre  langue  soit  une  corruption  de 
la  latine,  inélée  de  queli]iios  expressions  grec- 
ques ,  ilalieiincs,  espagnoles,  cependant  nous 
avons  retenu  iilusicurs  mots  dont  l'origine  parait 
être  celtique.  Mais  il  importe  peu  de  connaître 
quelques  restes  de  ces  ruines  barbares,  quelques 
mots  d'un  jargon  cpii  ressemblait,  dit  l'empereur 
Julien,  au  hurlement  des  bétes.  Songeons  à  con- 
server dans  sa  pureté  la  belle  langue  qu'on  parlait 
dans  le  siècle  de  Louis  XIV. 

Ne  commence-t-on  pas  à  la  corrompre?  N'est- 
ce  pas  corrompre  une  langue  que  de  donner  aux 
termes  employés  par  les  bons  auteurs  une  signifi- 
cation nouvelle?  t.}u'ariiverait-il  si  vous  changiez 
ainsi  le  sens  de  tous  les  mots?  On  ne  vous  en- 
tendrait, ni  vous,  ni  les  bons  écrivains  du  grand 
siècle. 

11  est  sans  doute  très-indifférent  en  soi  qu'une 
syllabe  signifie  une  chose  ou  une  autre.  J'avoue- 
rai même  que  si  on  assemblait  une  société  d'hom- 
mes (lUi  eussent  l'esprit  et  l'oreille  justes,  et  s'il 
s'agissait  de  réformer  la  langue  qui  fut  si  bar- 
barie dans  son  origine,  on  adoucirait  i?.  rudesse  «* 


LAN 

plusieurs  expressions;  on  donnerait  de  l'embon- 
jwinl  à  la  sécheresse  de  i]uel(iiics  autres,  et  de 
l'harmonie  à  des  sons  rel)Ulanls.  Oncle,  ongle, 
radoub,  perdre,  borgne,  auraient  |tu  élrc  adoucis. 
Epieu,  lieu,  Dieu,  moycti,  feu,  bleu,  peuple,  nu- 
que, plaqvc,  porche,  anraienl  pu  être  plus  harmo- 
nieux. Quelle  diilercnce  du  mol  théos,  au  mot 
Dieu,  ûcp'ipulus  à  peuple,  tic  locus  à  lieu.' 

Quand  nous  couuneiivàmos  à  parler  la  langue 
des  Romains  nos  vainquwirs,  nous  la  corronipi- 
mes;  \ï Augusius ,  nous  i'inics  aoust,  août;  de 
puvn  paon,  de  Cudumnm  (!aen,  de  Junius  juin, 
à'unctus  oint,  de  purpura  jjourpre,  de  prelium 
prix.  C'est  une  propricté  di'S  bai'l)ares  d'abréger 
tous  les  mois,  .\insi  les  Allemands  et  les  Anglais 
tirent  d'ccclesia  kirk,  cliurcii,  de  foras  furlii, 
de  condemnure  danin.  Tous  les  nombres  romains 
devinrent  dos  monosyllabes  dans  |)resquc  tons  les 
patois  de  l'1'.iu-ope.  Et  noire  mot  vingt  pourvi- 
ffinti  n'allesle-l-il  pas  encore  la  vieille  rusticité  de 
nos  pères?  l.a  plupart  des  lettres  que  nous  avons 
retranchées,  et  que  nous  prononcions  durement, 
sont  nos  anciens  habits  de  sauvage;  chaque  peu- 
ple en  a  des  magasins. 

Le  plus  iiisuj)portable  reste  de  la  barbarie 
velche  et  gauloise,  est  dans  nos  terminaisons  eu 
oin  :  coin,  foin,  oint,  gronin,  soin, marsouin,  tin- 
touin, pourpoint.  11  faut  (ju'un  langage  ait  ^d'ail- 
leurs de  grands  charmes  pour  faire  pardonner  ces 
sons,  qui  tiennent  moins  de  l'homme  que  de  la 
plus  dégoûlante  espèce  des  animaux. 

Maisenfin,  chaque  langue  a  des  mots  désagréa- 
bles ,  que  les  hommes  éloquents  savent  placer 
heureusement ,  et  dont  ils  ornent  la  rusticité. 
C'est  un  très-grand  arl;  c'est  celui  de  nos  bous 
auteurs.  11  faut  donc  s'en  tenir  à  l'usage  qu'ils 
ont  fait  de  la  langue  reçue. 

Il  n'est  rien  de  choquant  dans  la  prononciation 
d'ot'//,  quand  ces  terminaisons  sont  accompagnées 
de  syllabes  soiiores.  Au  contraire,  il  y  a  beaucoup 
d'hai'monie  dans  ces  deux  phrases  :  Les  tendres 
soins  que  j'ai  pris  de  votre  enfance.  Je  suis  loin 
d'être  insensible  à  tant  de  vertus  et  de  charmes. 

Mais  il  faut  se  garder  de  dire  comme  dans  la 
tragédie  de  Nicomède  (acl.  II,  se.  m,  47)  : 

Non;  mais  il  m'a iîurloat  laissé  ferme  en  ce  point. 
D'estimer  beaucoup  Rome,  et  ne  la  crainxlre  point. 

Le  sens  est  beau  ;  il  fallait  l'exprimer  en  vers  plus 
mélodieux.  Les  deux  rimes  de  point  choquent 
l'oreille.  Personne  n'est  rcvoUé  de  ces  vers  dans 
Y Andromaque  (act.  V,  se.  m,  67)  : 

Nous  le  verrions  encor  nous  partager  ses  soins; 
Il  m'aimerait  peul-ètrc  ;  il  le  feindrait  du  moins. 
Âdicu,  lu  pcui  partir;  je  demeure  en  Epire. 
Je  renonce  à  la  Grèce,  à  Sparte,  à  son  empire, 
A  toute  ma  famille,  etc. 

"\oyez  comme  les  derniers  vers  soutiennent  les 
premiers,  comme  ils  répandent  sur  eux  la  beauté 
de  leur  harmonie! 

On  peut  reprocher  à  la  langue  française  un 
trop  grand  nombre  de  mots  simples  auxquels 
manque  le  composé,  et  de  termes  composés  qui 
n'ont  point  le  simple  primitif.  Nous  avons  des  ar- 
chitraves et  point  de  trares;  un  homme  est  im- 
placable et  nesl  point  placable  ;  il  y  a  des  gens 
inaimahles,  cependant  inaimable  ne  s'est  point 
encore  dit. 

C'est  parla  même  bizarrerie  que  le  moi  garçon 
est  très-usité,  et  que  celui  de  garce  est  devenu 


LAN 


427 


une  injure  grossière,  f'émis  est  un  mot  charmant  ; 
vénih-ien  donne  une  idée  affreuse. 

11  me  semble  que  lorsqu'on  a  eu  dans  un  siècle 
un  nombre  suffisant  de  bons  écrivains  devenus 
classi(jues,  il  n'est  plus  guère  permis  d'employer 
d'autres  expressions  que  les  leurs,  et  (pi'il  faut 
leur  donner  le  même  sens,  ou  bien  dans  peu  de 
temps  le  siècle  présent  n'entendrait  plus  le  siècle 
passé. 

Vous  ne  trouverez  dans  aucun  auteur  du 
siècle  de  Louis  XIV  que  Rigault  ait  peint  les  por- 
traits «m  yx/r/inV;  que  Bensorade  ait  pcrsifflé  la 
cour,  que  le  surintendant  Fouijuet  ait  eu  un  goût 
décide  pour  les  beaux-arts,  etc. 

I.e  ministère  prenait  alors  des  e?)^a(7e»îe«<s,  et 
non  \)?^iAcs  errements.  On  tenait,  on  remplissait, 
on  accomi)lissait  ses  promesses;  on  ne  les  réuli- 
suil  |)as.  On  citait  les  anciens,  on  ne  faisait  pas 
des  citations.  Les  choses  avaient  du  rapport  les 
unes  aux  autres, des  ressemblances, des  analogies, 
des  conformités;  on  les  rapprochait,  on  en  tirait 
des  inductions,  des  conséciuences  :  aujourd'hui, 
on  imprime  (ju'un  article  d'une  déclaration  du 
roi  a  trait  a  un  arrêt  de  la  cour  des  aides.  Si 
l'on  avait  demandé  à  Patru,  à  Pcllisson ,  à  Boileau, 
à  llacinc,  ce  ([ue  c'est  qu'avoir  irait,  ils  n'auraient 
su  que  répondre.  On  était  e.xact,  sévère,  rigou- 
leux,  minutieux  même  ;  à  présent  on  s'avise  d'être 
strict.  Lin  avis  était  semblable  à  un  autre;  il  n'en 
était  pas  différent,  il  lui  était  conforme;  il  était 
fondé  sur  les  mêmes  raisons;  deux  personnes 
étaient  du  même  sentiment,  avaient  la  même  opi- 
nion, etc.,  cela  s'entendait.  Je  lis  dans  vingt  mé- 
moires nouveaux ,  que  les  états  ont  eu  un  avis 
parallèle  à  relui  du  parlement  ;  que  le  parlement 
de  Rwuen  n'a  pas  une  opinion  parallèle  a  celui  de 
Paris,  comme  si  parallèle  pouvait  signifier  con- 
forme; comme  si  deux  choses  parallèles  ne  pou- 
vaient pas  avoir  mille  différences. 

Aucun  auteur  du  bon  siècle  n'usa  du  mot  fixer, 
que  pour  signifier,  arrêter,  rendre  stable,  inva- 
riable : 

Et  fixant  de  ses  tocux  l'inconstance  fatale, 
Phèdre  depuis  longtemps  ne  craint  plus  de  rivale. 
(Rac,  Phéd.,  act    1,  se.  i,  25.) 

C'est  à  ce  jour  heureux  qu'il  fixa  son  retour. 
Egayer  la  chagrine,  et  fixer  la  volage. 

Quelques  Gascons  hasardèrent  de  dire  j'ai 
fixé  celte  dame,  pou"*  j<?  l'ai  regardée  fixement, 
j'ai  fixé  mes  yeux  sur  elle.  De  là  est  venue  la 
mode  de  dire  fixer  une  personne.  Alors  vous  ne 
savez  point  si  on  entend  i)ar  ce  mot  j'ai  rendu 
cette  personne  moins  incertaine,  moins  volage; 
ou  si  on  entendre  l'ai  observée,  j'ai  fixé  mes  re- 
gards sur  elle.  V^oilà  un  nouveau  sens  attaché  a 
un  mot  reçu,  et  une  nouvelle  source  d'équivoques. 

Presque  jamais  les  Pellisson,  les  Bussuet,  les 
Fléchier,  les  31assillon,  les  Fcnelon,  les  llacine, 
les  Quinault,  les  Boileau,  Molière  même  et 
La  Fontaine,  qui  tous  deux  ont  commis  beau- 
coup de  fautes  contre  la  langue,  ne  se  sont  servis 
du  terme  vw-«-t;w,  que  pour  exprimer  une  jjosi- 
tion  de  lieu.  On  disait  l'aile  drHte  de  l'année 
do  Scipion,  vis-à-vis  l'aile  gauche  d'Annibal. 
Quand  Plolomée  fut  vis-à-vis  de  César,  il 
trembla. 

ris-â-vis  est  l'abrégé  de  visage-à-visage,  et 
c'est  une  expression  qui  ne  s'emploie  jamais  ni 
dans  la  jwésie  noble,  ni  dans  le  discours  oratoire. 


428 


LAN 


Aujourd'hui  l'on  commence  à  dire  coupable 
vis-à-vis  de  vous,  bienfaisant  vis-à-vis  de  n'uis, 
difficile  vis-u-vis  de  nous,  mêconteiil  vis-à-vis 
de  nous;  au  lieu  de  Coupable,  liieiifaisanl  envers 
nous,  diflicile  enrers  nous,  mccoulcnl  de  nous. 

J'ai  lu  dans  un  ccril  puldic:  le  roi  mal  satisfait 
vis-à-vis  de  son  parlement.  C'e^l  un  amas  de 
barbarismes.  On  ne  pcul  p;is  èlie  mal  satisfuit. 
Mut  e^[  le  conliaire  de  satis,  qui  siçnllie  assez. 
On  est  peu  content,  mécontent,  on  se  croit  mal 
servi,  mal  obéi.  On  n'est  ni  satisfait,  ni  mal 
satisfait,  ni  content,  ni  mécontent,  ni  bien,  ni 
mal  obéi,  vis-à-vis  de  quelqu'un,  mais  de  quel- 
qu'un. Mut  satisfait  est  de  l'ancien  style  des 
burcau.v.  Des  écrivains  peu  corrects  se  sont 
permis  cette  faute. 

Presiiue  t(jus  les  écrits  nouveaux  sont  infectés 
de  l'euqiloi  vicieux  de  ce  mot  vis-à-vis.  On  a 
négligé  ces  expressions  si  faciles,  si  heureuses,  si 
bien  mises  à  leur  place  par  les  bons  écrivains: 
envers,  pour,  avec,  à  l'égard,  en  faveur  de. 
Vous  me  dites  qu'i/n  homme  est  bien  disposé 
vis-à-vis  Je  moi;  qu'il  a  un  rcssenliment  vis-à- 
vis  de  moi;  que  le  roi  veut  se  conduire  en  père 
vis-à-vis  de  la  nation.  Dites  que  cet  homme  est 
bien  disposé  pour  moi,  à  mon  égard,  en  ma 
faveur;  qu'il  a  du  ressentiment  contre  moi;  que 
le  roi  veut  so  cunduirc  en  père  du  peuple,  <iu'il 
veut  agir  en  [lère  avec  la  nation,  envers  la  nation  ; 
ou  bien  vous  parlerez  fyrt  mal. 

Quelques  auteurs  qui  ont  parlé  allobroge  en 
français,  on  dit  élogier,  au  lieu  de  louer,  on  faire 
un  éloge;  par  contre,  au  lieu  de  au  contraire; 
éduquer,  pour  élever ,  ou  donner  de  l'éduca- 
tion. 

C'est  un  défaut  trop  commun  d'employer  des 
termes  étrangers  pour  exprimer  ce  qu'ils  ne 
signifient  pas.  Ainsi  de  celata,  qui  signifie  un 
casque  en  italien,  on  fit  le  mol  salade  dans  les 
guerres  d'Italie  ;  de  bowlingreen,  g;izon  où  l'on 
joue  à  la  boule,  on  n  kni  boulingrin  ;  rosi  beef, 
bœuf  rôti,  a  [iroduit  chez  nos  maitres-d'hôlel  du 
bel  air,  des  bœufs  rôlis  d'agneau,  des  bœufs  rôtis 
de  perdreaux;  de  l'iiaiiii  de  cheval  riding  coat, 
on  a  fait  redingote.  Si  l'on  continue,  la  langue 
française,  si  polie ,  redeviendra  barbare.  Notre 
théâtre  l'est  déjà  par  des  imitations  abominables  ; 
notre  langue  le  sera  de  même.  Les  solécismes,  les 
barbarismes,  le  style  boursoufflé,  guindé,  inin- 
telligible, ont  inondé  la  scène  depuis  Racine,  (]ui 
semblait  les  avoir  bannis  pour  jamais  par  la  pureté 
de  sa  diction  toujours  élégante. 

La  prose  n'est  pas  moins  tombée.  On  voit  dans 
des  livres  sérieux  et  faits  pour  instruire,  une 
affectation  qui  indigne  tout  lecteur  sensé. 

//  faut  mettre  sur  le  compte  de  Vamour-propre 
ce  qu'on  met  sur  le  compte  des  vertus. 

L'esprit  se  joue  à  pure  perte  dansées  questions 
où  l'on  a  fait  les  frais  de  penser. 

Les  éclipses  étaient  en  droit  d'effrayer  les 
hommes. 

Épicure  avait  un  extérieur  à  l'unisson  de  son 
âme. 

L'empereur  Clavdius  renvia  sur  Auguste. 

Lareligion  était  en  collusion  avec  la  nature. 

Cléopâtre  était  u ne  beauté priviléyiée. 

L'air  de  gaieté  brillait  sur  les  enseignes  de 
l'armée. 

Le  triumvir  Lépide  se  rendit  nul. 

Un  consul  se  fit  chef  d'émeute  dans  la  ré- 
publique. 

Mécénas  était  d'autant  plus  éveillé  qu'il  affi- 
chait le  sommeil. 


LAN 

Julie,  affectée  de  piété,  élève  à  son  amant  set 
tendres  supplications. 

Elle  cultiva  l'espérance. 

Son  âme  ipuisre  se  fond  comme  l'eau. 

Sa  philosophie  n'est  point  parlière. 

Son  amant  ne  veut  pas  mesurer  ses  maximes 
à  sa  toise,  et  prendre  une  unie  aux  livrées  de  la 
7naisiin. 

Tds  sont  les  excès  d'extravagance  où  sont  tom- 
bés les  demi-bcaux-csprits  qui  ont  eu  la  manie  de 
se  singulariser. 

On  ne  trouve  pas  dans  Rollin  une  seule  phrase 
qui  tienne  de  ce  jargon  ridicule,  et  c'est  en  quoi 
il  est  très-estimable,  puisqu'il  a  résisté  au  torrent 
du  mauvais  goût. 

Le  défaut  contraire  à  l'affectation  est  le  style 
négligé,  lâche  et  rampant,  l'emploi  fréquent  des 
expressions  populaires  et  proverbiales. 

Le  général  poursuivit  sa  pointe. 

Les  ennemis  furent  battus  à  plate  couture. 

Ils  s'enfuirent  à  vauderotite. 

Il  se  prêta  à  des  propositions  de  paix,  après 
avoir  chanté  victoire. 

Lesléginns  vinrent  au-devant  de  Drusus par 
manière  d'acquit. 

Un  soldat  romain  se  donnait  à  dix  as  par 
jour,  corps  et  âme. 

La  différence  qu'il  y  avait  entre  eux  était,  au 
lieu  de  dire  dans  un  style  plus  concis,  la  difjfé- 
rence  entre  eux  était.  Le  plaisir  qu'il  y  a  à  cacher 
ses  démarches  à  son  rival,  au  lieu  de  dire,  le 
plaisir  de  cacher  ses  démarches  à  son  rirai. 

Lors  de  la  bataille  de  Fontenoy,  au  lieu  de 
dire,  dans  le  temps  de  la  bataille,  à  l'époque  de 
la  bataille,  tandis,  lorsque  l'on  donnait  la  ba- 
taille. 

Par  une  négligence  encore  plus  impar>lonnable, 
et  faute  de  chercher  le  mot  propre,  (juelques 
écrivains  ont  imprimé  il  l'envoya  faire  la  revue 
des  troupes.  11  était  si  aisé  de  dire,  il  l'envoya 
passer  les  troupes  en  revue  ;  U  lui  ordonna  d'aller 
faire  la  7-e  vue! 

Il  s'est  glissé  dans  la  langue  un  autre  vice: 
c'est  d'employer  des  expressions  poétiques  dans 
ce  qui  doit  être  écrit  du  style  le  plus  simple. 
Des  auteurs  de  journaux,  et  même  de  quelques 
gazettes,  parlent  des  forfaits  d'un  coupeur  de 
bourses  condanoné  à  être  fouetté  dans  ces  lieux. 
Des  janissaires  ont  mordu  la  poussière.  Les  trou- 
pes n'ont  1)11  résilier  à  l'inclémence  des  airs.  On 
annonce  une  histoire  d'une  petite  ville  de  province, 
avec  les  preuves  et  une  table  des  matières,  en 
faisant  l'éloge  de  la  magie  du  style  de  l'auteur. 
Un  apothicaire  donne  avis  au  public  qu'il  débile 
une  drogue  nouvelle  à  trois  livres  la  bouteille;  il 
dit  qu'il  a  interrogé  la  nature,  et  qu'Ul'a  forcée 
d'obéir  à  ses  lois- 
Vu  avocat,  à  propos  d'un  mur  mitoyen,  dit 
que  le  droit  de  sa  partie  est  éclairé  du  flambeau 
des  présomptions. 

Un  historien,  en  parlant  d'une  sédition,  vous 
dit  qu'il  alluma  le  flambeau  de  la  discorde;  s'il 
décrit  un  petit  combat,  il  dit  que  ces  vaillants 
chevaliers  descendaient  dans  le  tombeau  en  y 
précipitant  leurs  ennemis  victorieux. 

Ces  puérilités  ampoulées  ne  devaient  pas  repa- 
raître après  le  plaidoyer  de  maître  Petit-Jean 
dans  les  Plaideurs.  Mais  enfin,  il  y  aura  tou- 
jours un  nombre  d'esprits  bien  faits  (jui  conser- 
vera les  bienséances  du  style  et  le  bon  goût,  ainsi 
que  la  pureté  du  langage.  Le  Hcste  sera  oublié. 
(Volt.,  Dict. philos.,  au  mot  Français.) 


LAR 

La:(cuir.  V.  n.  de  la  2'  conj.  Voltaire  a  dit 
{Henr.,  11,  17'J)  : 

Cotign/  languitsait  dans  les  Iras  du  repos. 

LA^GUIssAMMENT.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Parler  lanjuissainment,  regarder  lan- 
guissamment.  On  ne  dirait  pas  il  m'a  langnis- 
sammeiit  regardé. 

Langiissant,  Languissante,  Adj.  On  le  mot 
avant  son  subsl.,  lorsque  l'analogie  et  riiarnionie 
le  perniellciit  :  Un  h-mme  languùsant,  un  ani- 
mal languissant. —  Un  style  huigiiissant,  un  dis- 
cours languissant.  —  Ce  languissant  discours, 
cette  languissante  démarche.  Voyez  Adjectif. 

Lapis.  Subsl.  m.  I.e  s  se  prononce  fortement. 

Laps.  Subsl.  m.  On  prononce  le  p  et  le  s. 

Laqde.  Subsl.  f.  Sorte  de  guninie  résine  d'un 
rouge  jaunâtre.  On  dit  quelijuefois  adjectivement 
gomme  larjue. — 11  se  dit  aussi  d'une  terre  alumi- 
neuse  teinte  d'un  suc  colorant  (]u'on  emploie 
dans  la  peinture:  Laque  de  f^enise,  de  Florence. 

Laque  se  dit  encore  du  beau  vernis  de  la 
Chine,  ou  noir  ou  rouge,  et  des  meubles  (]ui  eu 
sont  revêtus.  Ea  ce  sens  il  est  masculin.  (Acad. 
J83o.) 

Large.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subsl.,  en  consultant  l'oreille  cl  l'ana- 
logie :  Un  habit  large,  une  étoffe  largr,  un  ru- 
hunlarge ;un  large  ruban,  une  large  épée.  Voyez 
yidjectif. 

Au  large,  au  long  et  au  large,  en  long  et  en 
large,  du  long  et  du  large,  phrases  adverbiales 
qui  ne  se  mettent  qu'après  le  verbe  :  //  est  logé 
au  large  ;  il  s'est  étendu  au  long  et  au  large  ;  il 
s'est  promené  en  long  et  en  large;  on  lui  en  a 
donné  du  long  et  du  large. 

Largement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  ol  le  participe,  lorsque  l'harmonie  et 
l'analogie  le  permettent.  On  ne  dit  pas,  on  l'a  lar- 
gement récompensé ,  à  cause  de  la  cacophonie 
produite  par  l'a  lar;  mais  on  dit  il  a  été  large- 
vient  récompensé,  on  l'avait  largement  récom- 
pensé. 

Largesse.  Subsl.  f.  L'Académie  ne  nous  aver- 
tit point  que  ce  mol  ne  s'emploie  guère  qu'au 
pluriel. 

Aux  maltieureux  chrétiens  prodiguei  mes  largesses. 
iVoLT.,  Zaïre,  ad.  V,  se.  i,  59.) 

On  dit,  pour  se  moquer  de  quelque  présent 
de  peu  de  valeur,  voilà  une  belle  largesse! 
A'oycz  Aumône. 

Larme.  Subst.  f.  On  verse  des  larmes  dans  la 
douleur,  mais  on  en  verse  aussi  très -souvent 
dans  la  joie,  dans  l'admiration,  dans  le  plaisir. 
L'amitié,  l'amour,  la  reconnaissance,  ont  leurs 
larmes. 

Leurs  yeux  étaient  remplis  de  ces  heureuses  larmes, 
De  ces  larmes  qui  font  les  plaisirs  des  amants, 

(Volt.,  Henr.,  IX,  294.) 

Certainement  les  larmes  que  versent  dans  les  spec- 
tacles un  grand  nombre  de  femmes,  d'enfants,  et 
même  d'hommes,  ne  sont  ni  des  larmes  de  dou- 
leur, ni  des  larmes  d'affliction.  Il  arrive  assez  sou- 
vent qu'o/t  rit  a  us  larmes. 

De  là  on  peut  tirer  la  principale  différence  qu'il 
y  a  entre  les  larmes  et  les  pleurs.  Les  larmes 
sont  une  lymphe  renfermée  dans  le  sac  lacrymal, 
et  qui  en  sort  soil  pour  humecter  !a  cornée,  et 
l'entretenir  nette  et  transparente,  soit  lorsque  ce 


L.\Il 


429 


sac  est  comprimé  par  l'effet  de  quelpie  passion. 
Ainsi  larmes  se  dit  de  cette  lymphe,  quelle  que 
soil  la  cause  qui  la  rende  visible.  On  verse  des 
larmes  de  Joie,  do  tristesse,  d'admiration,  de 
douleur,  eic.  On  a  les  yeux  baignés  de  larmes, 
on  a  les  larmes  aux  ijeu.c.  Tous  les  pleurs  sont 
des  larmes,  mais  toutes  les  larmes  ne  sont  pas 
des  pleurs.  Les  larmes  ne  prennent  le  nom  de 
pleurs  que  lorsqu'elles  sonl  excitées  par  ijuclque 
passion  violente,  par  (luelquo  blessure  profonde 
du  cœur,  par  un  outrage  sanglant,  ])ar  un  vif  res- 
sentiment, par  un  désir  ardent  de  vengeance,  par 
un  malheur  certain  et  direct.  Il  n'y  a  point  de 
pleurs  dans  le  sac  lacrymal,  il  n'y  a  que  des 
larmes. 

Za'ïre,  avant  de  reconnaître  son  père  et  son 
frère,  répaiid  des  larmes  :  elle  en  répand  lorsque 
son  âme  est  déchirée  par  deux  sentimcnls  oppo- 
sés, et  que  son  sort  est  incertain  : 

Mais,  quoique  ma  fortune  ait  d'éclat  et  de  charmes. 

Je  ne  puis  vous  quitter  sans  répandre  des  larmes. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  II,  se.  ii,  23.) 

Mes  larmes  mal[jrc  moi  me  dérobent  sa  vue. 

{Idem,  40.) 

Lusignan  répand  des  larmes  lorsque,  ignorant 
si  ses  enfants  vivent  encore,  il  cherche  des  lumiè- 
res qui  puissent  l'éclairer  sur  leur  sort . 

lil«darae,  ayez  pitié  du  plus  malheureux  père 
Qui  jamais  ait  du  ciel  éprouvé  la  colère, 
Qui  répand  devant  vous  des  larmes  que  le  temps 
Ne  peut  encor  tarir  dans  mes  yeux  expirants. 

{Idem,  act.  II,  se.  ni,  52.) 

Ne  m'abandonne!  pas.  Dieu  qui  voyez  mes  (armes. 
{Idem,  100.) 

Mes  larmes  t'imploraient  pour  mes  tristes  enfants. 
[Idem,  134.) 

S'il  eût  appris  la  mort  de  ses  enfants,  on  aurait  vu 
couler  ses  pleurs. 

Zaïre,  voulant  s'éloigner  d'Orosmane,  veut  al- 
ler cacher  ses  larmes  loin  de  lui.  Ses  malheurs 
sont  un  secret  ;  elle  ne  doit  parler  que  de  larmes. 

...  Ah!  souffrez  que  loin  de  votre  vue, 
Seigneur,  j'aille  cacher  mes  Jormes,  mes  ennuis. 

[Idem,  ad.  III,  se.  Yl,  55.) 

Mais,  aux  yeux  d'Orosmane,  ces  larmes  sonl  des 
pleurs,  parce  qu'il  croit  Za'irc  en  proie  à  une 
grande  douleur  : 

Mais  pourquoi  donc  ces  pleurs,  ces  regrets,  cette  fuite. 
Celle  douleur  si  sombre  en  ses  regards  écrite? 

[Idem,  act.  lU.sc.  vu,  9.) 

L'esclave  qui  a  remis  à  Zaïre  le  billet  de  Néres- 
tan,  n'a  vu  dans  Zaïre  que  des  larmes;  il  ignore 
la  cause  qui  les  fait  couler  : 

Elle  a  pâli,  tremblé,  ses  yeux  versaient  des  larmes. 
[Idem,  act.  V,  se.  vi,  4.) 

Mais  lorsque  Orosmane  croit  son  malheur  cer- 
tain, lorsqu'il  se  croit  trahi  parcelle  qu'il  adore, 
lorsque  son  cœur  est  en  proie  aux  passions  les 
plus  tumultueuses,  ce  n'est  plus  de  larmes  qu'il 
s'agit  : 

Voili  les  premiers  pleurs  qui  coulent  de  mes  yani. 
[Idem,  act.  V,  se.  VIII,  25.) 


150 


LAR 


Mais  ces  pUuri  sont  cruels  et  la  mort  va  les  suivre, 
(/d-m,  27.| 

Ces  plturs 
Da  sang  qui  va  cou.ir  sont  les  avaiit-coureurf. 

(Idtm,  28.) 

Ou  peut  remarquer  les  mêmes  différences  dans 
Ifts  exemples  suivants  : 

..•  Vos  yeux  do  larmei  moins  trempés, 
A  pleurer  vos  malheurs  étaient  accoutumés. 

(lUc,  Iphig.,  acl.  II,  se.  I,  13.) 

Vos  généreuses  mains  s'emprcssont  d'eflacer 
Les  larmet  que  le  ciel  me  condamne  à  verser. 

(YOLT.,  llahom.  acl.,  I,  se.  il.  11.) 

...  0  jourr  remplir  d'alarmei) 
0  com'bien  les  Pran;ai.  vum  repimdn,  <lv  larme$. 
Quand  sous  la  même  tombe  ils  verront  réunis 
Et  l'époux  et  la  femme,  et  la  mère  et  le  Cls  1 

(Volt.,  Henr.,  VII,  415.) 

L'un,  saisi  d'épouvante,  abandonne  ses  armes, 
L'autre  embrasse  ses  pieds  qu'il  trempe  de  ses  larmes. 
{Idem,  II,  217.) 

lia  larmes  par  avance  avaient  su  le  toucher. 

(Kac,  -Iphig.,  act.  II,  se.  V,  63.) 

De  mas  larmes  au  ciel  j'offrais  le  sacriQce. 

(lUc,  Esth.,  act.  I,  se.  i,  6i.} 

Triste,  levant  au  ciel  ses  yeui  mouillés  de  larmes. 
(Rac,  Dritan.,  act.  II,  se.  Il,  Ib.) 

Il  dit,  et  de  ses  yeux  laisse  tomber  dsc  larmes. 

(Delil.,  Énéid.,  VI,  956. 

yl  ces  mots,  il  se  mit  à  répandre  un  torrent  de 
Virmes.  (Monlesciuieu,  xiv^  lettre  persane.)  Il 
.•^arrêta  un  moment,  et  ses  larmes  coulèrent  plus 
que  jamais.  [Idem.) 

Exemples  de  pleurs  : 

...  Quels  malheurs,  dans  ce  billet  tracés. 
Vous  arrachent,  seigneur,  les  pleurs  que  vous  verseï  ? 
(lUc,  Iphig.,  acl.  I,  se.  i,  35.) 

...  Celte  image  cruelle 
Sera  pour  moi  de  plewrs  une  source  étemelle. 

(Ric,  Phid..,  act.  V,  se.  vi,  S8.) 

On  ne  voit  point  le  peuple  à  mon  nom  s'alarmer, 
Lecieldans  tous  leurs  p/(ura  ne  m'entend  point  nommer. 
(Ràc,  Dritan.,  act.  IV,  se.  m,  57.) 

Je  verse  assex  de  pleur»  pour  la  mort  de  mon  père. 
(Cou».,  Cin.,  acl.  I,  se.  iv,  23.) 

J'en  verse  encor  des  pleurs  de  douleur  et  de  rage. 
(Volt.,  ilahom.,  acl.  IV,  se.  m,  47.) 

Le  repentir  les  suit,  délestant  leurs  fureurs, 

Et  baisse  en  soupirant  ses  yeux  mouilles  de  pUurs. 

(Volt.,  Hcnr., IX,  51.)  i 

La  différence  entre  joueurs  et  larmes  me  semble  , 
tien  marquée  dans  ce  vers  de  Voltaire  où  Tan-  \ 
erède  dit  à  Argire  (act.  111,  se.  iv,  6)  : 

...  Pardonnez,  dans  l'étal  où  tous  éles. 
Si  je  mêle  à  vos  pleitrs  mes  larmes  indiscrètes.  ] 


LAR 

Nous  convenons  qu'il  y  n  dans  de  bons  auteurs, 
et  parliculicreiiiciil  diiis  les  poêles,  des  exemples 
contraires  à  la  dislinclion  que  nous  avons  taché 
d'établir;  mais  il  sullit  que  cette  distinction  se 
trouve  juslilioe  par  le  plus  grand  iiombie  d'exem- 
ples, pour  ipie  nous  soyons  autorisés  à  la  regarder 
comme  bien  fondée.  Souvent  la  gcnc  de  la  mesure 
ou  le  besoin  de  la  rime  a  fait  cunfondrc  ces 
deux  expressions. 

L'Académie  ne  dit  jwint  des  pleurs  de  joie,  et 
nous  ne  croyons  pas  <iue  l'cxeiiqile  de  A  ollaire 
puisse  autoriser  à  le  dire  : 

Le  peuple  impatient  verse  des  pUuri  de  joie. 

(Volt.,  Mér.,  act.  V,  se.  viu,  5.) 

Le  héros,  à  ces  mots,  verso  des  pleur»  de  joie. 

[Idem,  Henr.,  VI,  .348.) 

Le  mot  pleurs  nous  semble  consacré  aux  dou- 
leurs profondes,  au  désespoir,  à  la  fureur,  à  la 
rage.  Bossuel  a  employé  cette  expression  dans 
toute  l'énergie  et  l'étendue  de  sa  signification, 
lorsqu'il  a  dit,  en  parlant  de  l'enier,  c'es-l  là  que 
règne  un  pleur  éteinel.  Pleur  n'a  point  de  singu- 
lier; mais  qui  pourrait,  sous  ce  petit  prétexte 
grammatical,  condamner  celte  énergique  expres- 
sion?— «  L  Académie,  en  4835,  adinct  le  mot  au 
singulier  dans  le  siyle  élevé  ,  et  donne  pour 
exemple  la  phrase  de  Bossuct.  Nous  ferons  obser- 
ver (jue  dans  ce  cas  le  mol  change  d'acception; 
pleur  alors  signifie  l'action  de  pleurer  ou  l'état 
de  ceux  qui  pleurent;  il  répond  au  phratus  des 
Latins.  »  (A.  Lemaire,  Grammaire  des  Gram- 
maires, p.  122->.) 

Doincrgue  explique  autrement  la  différence 
entre  larmes  ci  pleurs.  «  (l'est,  dit-il,  que  larmes 
offre  à  l'esprit  une  idée  dislribulive,  et  pleurs 
une  idée  collective.  On  dit  une  larme,  deus  lor- 
gnes; on  ne  peut  pas  dire  u/t  pleur,  deux  pleurs; 
on  ne  compte  pas  les  pleurs  comme  les  larmes. 

Il  Les  larmes  peuvent  être  dans  l'œil  ou  hors  de 
l'œil;  les  pleurs,  c'esl-à-dirc  les  larmes  réunies, 
sont  nécessairement  hors  de  l'œil.  On  dit,  il.  l'en 
conjure  les  larmes  aux  yeu.v,  des  birmes  roulent 
dans  ses  yeux;  on  ne  dirait  pas,  il  l'en  conjure 
les  pleurs  aux  yeux  ;  des  pleurs  roulent  dans  ses 
yeux;  la  réunion  n'a  pas  encore  pu  s'opérer;  ce 
sont  de  simples  gouttes,  ce  sont  des  larmes.  Il  est 
si  vrai  que  c'est  de  l'idée  unique  de  goutte  qu'il 
faut  tirer  la  signification  de  larmes,  qu'on  dit  une 
larme  de  vin,  pour  une  goutte  de  vin.  » 

Nous  accordons  à  Uomergue  sa  goutte  pour  e.x- 
pli(iuer  \cslurmes;  mais  nous  ne  saurions  conve- 
nir avec  lui  que  pleins  signifie  une  réunion,  une 
collection  de  larmes.  En  elTcI,  les  pleurs  coulent  ; 
ils  se  succèdent,  ils  ne  se  réunissent  nulle  part, 
et  si  l'assertion  de  Domergue  était  vraie,  on  ne 
pourrait  guère  se  servir  du  mol  pleurs  (lu'après 
avoir  réuni  les  larmes  dans  (luelque  petit  vase. 

On  ne  dirait  pas,  il  Ven  conjure  les  pleurs  aux 
yeux,  parce  que  le  \Xio\.  pleurs  étant  consacré  a 
l'idée  d'une  blessure  profonde  de  l'àme,  ou  d'une 
passion  violente,  ne  peut  point  convenir  aux  priè- 
res, qui  n'eniporlent  pas  cette  idée,  cl  c'est  parla 
même  raison  (pi'on  ne  dit  point,  avoir  les  pleurs 
aux  yeux,  ni  un  pleur  de  vin. 

D'aiirés  son  principe,  Domergue  condamne  ce 
vers  d'Orosmane  {Zaïre,  act.  V,  se.  viii,  25)  : 

Voilà  les  premiers  pleurs  qui  coulent  de  mes  yeux. 

Voltaire,  dit-il,  lorsqu'il  peint  Orosmane,  non  pas 


LAV 

pleurant,  mais  versant  quelques  larmes  qu'arra- 
chent la  jalousie  el  la  fureur,  a-l-il  eu  raison  de 
préforor  la  manière  collective?— Ainsi,  selon  Do- 
Tnergue.Orosinancdcvraitdire,  rnj/o /e^pj-ewiè/T^ 
larmes  qui  coulent  de  vies  yvux.  Celle  phrase 
seule,  comparée  au  vers  de  Voltaire,  réfute  Do- 
mergue.  C'est  une  expression  faible,  au  lieu  d'une 
expression  énergique.  D'ailleurs,  Orosnuine  ne 
pouvait  pas  dire  ipi'il  n'avait  jamais  versé  de 
larmes  ;  car,  au  moins  dans  leur  enfance,  les  cni- 

Eereurset  les  rois  en  versent  comme  les  autres 
ommes. 

La  critique  que  fait  Domergue  d'un  vers  de 
Legouvé,  dans  sa  tragédie  iV Épùharis  et  Néron, 
est  aussi  déplacée  (Act.  V,  se.  ii,  22)  : 

Que  d'échafauds  dressés  me  pairoiil  mes  douleurs  ! 
Il  faut  une  Tictime  à  chacun  de  mes  pI:u>-«. 

Douleurs  exige  ici  pleurs ,  non  pas  seulement 
pour  la  rime,  mais  pour  l'analogie  des  idées  :  Il 
faut  une  rictime  à  chacune  de  mes  larmes,  serait 
par  trop  ridicule. 

Larmoyant,  LAnMOYANTE.  Adj.  verbal  tiré  du 
verbe  larmoyer.  Ce  mot  est  vieux,  il  ne  s'emploie 
plus  que  dans  le  langage  familier,  et  le  plus  sou- 
vent en  mauvaise  part.  Si  l'on  dit  encore  7e  co- 
inique  larmoyant,  la  comédie  larmoyante,  c'est 
pour  jeter  quelque  ridicule  sur  ce  genre,  dont  le 
véritable  nom  est  drame,  ou  tragédie  bourgeoise. 

Larmoyi-r.  V.  n.  de  la  i."  conj.  Ce  verbe  se 
conjugue  comme  emplcyer.  11  est  vieux  et  peu 
usité,  quoique  l'Académie  ne  le  dise  pas. 

Larron.  Subst.  m.  Celui  qui  dérobe  et  prend 
furtivement  linéique  chose.  En  parlant  d'une 
l^mme,  on  dit  larronesse. 

Las,  Lasse.  Adj.  11  ne  se  met  point  avant  son 
subst.  Las  régit  de  devant  les  noms  et  les  verbes  : 
Je  suis  las  de  tout  cela;  il  est  las  de  toujours 
demander  sans  j'a i/iais  ohtenir. 

Lascif,  Lascive.  Adj.  11  ne  se  met  guère  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Un  homme  lascif.  —  Une  pos- 
ture lascive,  une  danse  lascive,  des  regards  las- 
cifs. 

Lascivement.  Adv.  On  ne  le  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  //  a  dansé  lascive- 
ment, et  non  pas,  il  a  lascivement  dansé. 

Lassant,  Lassante.  Adj.  verbal  tiré  du  verbe 
lasser.  Il  ne  se  met  ordinairement  qu'après  son 
subst.  :  Un  travail  lassant,  unebesngne  lassante. 

Latéral,  Latérale.  Adj.  On  ne  le  met  point 
avant  son  subst.  :  Chapelle  latérale,  porte  laté- 
rale. Il  h\\.latcraux  au  pluriel  masculin. 

Latin,  Latine.  Adj.  (jui  ne  se  met  jamais  avant 
son  subst.  :  La  langue  latine,  les  muses  latines, 
expression  latine,  V Eglise  lutine. 

Lattis.  Subst.  m.  Le  s  ne  se  prononce  pas, 
mais  il  sert  à  faire  allonger  la  dernière  syllabe. 

Lavement.  Subst.  m.  Un  journaliste  nous  a 
donné  depuis  peu  l'histoire  de  ce  mot,  de  la  ma- 
nière suivante: 

n  Dans  le  temps  où  la  pudeur  était  pl'is  dans 
les  choses  que  dans  les  mots,  on  désignait  l'injec- 
tion pour  laquelle  la  seringue  est  faite  par  le  mot 
grec  clystère.  Des  gens  délicats  y  substituèrent 
longtemps  après  le  mol  lavement.  On  l'adopta 
quoique  vague  ;  mais  les  ecclésiastiques  s'en 
scandalisèrent,  parce  «lue  ce  substantif  est  em- 
ployé dans  les  cérémonies  de  l'Eglise.  Grande  ru- 
meur à  la  cour  et  chez  madame  de  Maintenon. 
Les  jésuites  gagnèrent  l'abbé  de  Saint-Cyran,  et 
employèrent  leur  crédit  auprès  de  Louis  XIV, 
pour  obtenir  que  le  mot  lavement  fiit  mis  au  nom- 


LE 


431 


bre  des  expressions  doshonnétes;  en  sorte  (juc 
l'abbé  de  Saint-Cyran  l)l;'mia  publicpiemcnt  le  père 
Garasse  qui  s'en  était  servi.  Mais,  disait  le  i)èrc 
Garasse,  je  n'entends  par  lavement  ([u'un  bain 
local,  une  ablution;  ce  sont  les  apoliiicaires  qui 
l'ont  profané  on  l'appliquaiil  à  un  usage  incsséant. 
Il  fut  décidé  qu'on  substituerait  le  mot  remède  à 
celui  de  lavement;  n-mcdc  comme  équivoque, 
parut  plus  honnête.  Louis  XIV  accord  i  celle 
grâce  au  père  Le  ïcilier.  Ce  prince  ne  demanda 
plus  de  lavement,\\  demanda  son  remède,  el  donna 
ordre  a  l'Académie  française  d'insérer  ce  mot 
dans  son  Dictionnaire  avec  l'acception  nouvelle.  » 
Ainsi  on  substitua  pendant  quelque  temps  remède 
à  lavement.» 

-Malgrécette  décision  et  cet  usage,  malgré  Saint- 
Cyran,  les  jésuites,  Le  Tellicr  et  les  daines  de  la 
cour,  le  mol  lacement  est  resté  dans  la  langue,  et 
il  a  reparu  dans  le  Dictionnaire  de  V Académie. 
Les  médecins  el  les  apothicaires  s'en  servent  ex- 
clusivement, et  les  dames  qui,  sans  être  malades, 
prennent  ciia(iue  matin  un  lavement  pour  conser- 
ver la  fraîcheur  de  leur  teint,  ne  donnent  plus  le 
nom  de  remède  à  cette  injection  qui  ne  remédie  à 
rien.  Je  ne  [)ailc  pas  ici  des  dames  qui  ont  con- 
servé religieusement  la  tradition  des  us  et  cou- 
tumes de  l'ancienne  cour. 

Laver.  V.  a.  de  la  l""  conj.  On  dit  proverbia- 
lement, laver  la  tête  à  quelqu'un,  pour  dire  lui 
faire  une  sévère  réprimande.  Maisciuaiid  on  em- 
ploie cette  expression  ligurée,  il  faut  conserver  la 
convenance  dos  idées,  el  ne  pas  dire  comme  A'ol- 
taire,  dans  \' Enfant  prodigue  (act.  I,  se.  ii,  49)  : 

Lavons  la  Icte  à  ce  large  visage. 

On  ne  lave  point  la  tête  à  un  visage. 

Lavis.  Subst.  m.  Le  *  ne  se  prononce  pas,  mais 
il  sert  à  faire  allonger  la  dernière  syllabe. 

Laxatif,  Laxative.  Adj.  (pii  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Remède  laxatif,  tisane  laxative. 

Lazzi.  Subst.  m.  On  j)rononce  lazi.  Ce  nom, 
comme  tous  ceux  i]ui  sont  empruntes  des  langues^ 
étrangères,  ne  prend  point  de  s  au  pluriel  :  Des 
lazzi. 

Le,  La,  Les.  Adjectifs  prépositifs,  que  les 
gTammairiens  appellent  aussi  articles.  Voyez  Jd- 
jeclifs  prépositifs. 

Le,  La,  Les.  Pronoms  de  la  troisième  personne. 
Ces  pronoms  sont  réellement  l'article  le,  la,  les, 
amiuel  on  donne  ce  nom  lorsqu'il  n'est  pas  suivi 
d'un  substantif  qu'il  modifie.  Ainsi,  \\  est  aisé  de 
distinguer  si  ces  mots  sont  articles  ou  pronoms. 
Ils  sont  articles  quand  ils  sont  joints  à  des  noms; 
ils  sont  pronoms  quaml  ils  sont  joints  à  des  ver- 
bes. Dans  fui  acheté  les  sermons  de  Massillon, 
les  est  article,  parce  qu'il  est  suivi  d'un  nom,  ser- 
mons ;  ci  ûans  je  le  défendrai  Jusqu'à  lu  mort, 
le  est  pronom,  parce  qu'il  est  suivi  d'un  verbe, 
défc7idrai. 

Les  pronoms  Ze,  la,  les,  se  disent  des  personnes 
et  des  choses,  et  font  toujours  l'oflice  de  régime 
direct.  Ze  est  pour  le  masculin, /«  pour  le  fémi- 
nin, et  les  pour  le  pluriel  des  deux  genres  :  Je  le 
verrai,  je  la  renverrai,  je  les  ai  perdu  s. 

Les  p-ronoms  le,  la,  les,  doivent  se  répéter  de- 
vant tous  les  verbes  dont  ils  sont  régimes  :  Je 
veux  les  voir,  les  embrasser,  les  consoler;  je 
vous  le  dis  it  vous  le  dirai  toujours.  Je  veux 
vivre  pour  l'estimer  et  la  chérir. 

M.  Lévizac  prétend  qu'on  ne  doit  pas  répéter 
les  pronoms  devant  les  verbes  qui,  composés  du 
premier,  expriment  la  répétition  de  la  même  ac- 


432 


LE 


tion.  En  conséquence,  il  veut  (ju'on  diso.jV  iy<i/* 
le  dis  et  redis.  Nous  ne  sommes  point  du  loul  de 
l'avis  do  M.  Lévizac.  Quand,  après  un  verbe  (jui 
exprime  une  action,  on  en  met  un  autre  composé 
du  premier,  qui  ex|)rimc  la  répélitiun  de  la  même 
action  ,  c'est  ordinairement  pour  aiipuyer  sur 
celte  répétliion,  el  alors  rien  de  ce  qui  i)cul  l'aire 
mieux  ressortir  cette  répétition  ne  duit  être  omis. 
Je  pense  donc  (juc  le  caractère  d'une  phrase  de 
celle  nature  exige  la  répétition  du  pronom,  cl 
qu'il  faut  dire  :  Je  vous  le  dis  et  rous  le  redis  ;  il 
le  fait  et  le  refuit;  et  en  eflc!,  c'est  ainsi  qu'on 
s'exprime,  reut-élre,  quand  on  ne  veut  pas  ap- 
puyer sur  la  répétition,  dit-on  qucliiuefois,  il  le 
fait  el  refait;  mais  c'est  le  cas  le  plus  rare. 

Les  pronoms  te,  la,  les,  ne  peuvent  pas  se  rap- 
porter à  des  mots  pris  indéterminéuicnl.  On  ne 
peut  pas  dire,  vous  avez  droit  de  chasse,  et  je  le 
trouve  lien  fondé;  il  m'a  fait  grâce,  et  je  Yai 
-■içue  avec  reconnaissance,  parce  que  droit  et 
grâce  sont  *ies  substantifs  pris  indétcrminément, 
auxquels  le  pronom  ne  peut  pas  se  rapiiorler.  11 
faut,  dans  ce  cas,  ou  réf-n-ler  le  substantif  en  le 
déterminant,  ou  le  déterminer  par  un  article  ou 
quelque  chose  d'équivalent,  ou  chercher  un  au- 
tre tour  ;  f^uus  avez  droit  de  chasse,  et  je  trouve 
ce  droit  bien  fondé.  Il  ma  accordé  ma  grâce,  etie 
l'ai  reçue  avec  reconnaissance,  liacine  a  dit 
(3ii/À/-.,act.  111,  se.  V,  18): 

Quand  je  me  fais  justice,  il  faut  qu'on  se  la  fasse. 

Mais  cette  phrase  est  irrégulière;  et  faire  justice 
ne  pRUt  pas  plus  cire  suivi  du  i)ronoin  que  faire 
grâce. 

Dans  les  phrases  expositives,  les  pronoms  le, 
la,  les,  comme  tous  les  autres  pronoms  qui  sont 
régimes  des  verbes,  doivent  être  placés  avant  les 
verbes  i/e  le  verrai,  je  la  consolerai,  je  les  ap- 
plaudirai. Mais  quand  plusieurs  pronoms  sont 
régimes  du  môme  verbe,  et  qu'a  ce  titre  ils  doi- 
vent le  précéder,  les  pronoms  me,  te,  nous,  vous, 
prennent  la  première  place;  ensuite  viennent  le, 
la,  les,  puis  lui,  leur  ;  y  cl  en  sont  toujours  les 
derniers  :  Je  me  le  promets,  je  te  Vussure,  il  se 
les  assujettit,  il  nous  la  rendra,  nous  vous  les 
rendrons,  je  la  lui  promets,  nous  la  leur  ahan- 
donnoiis. 

Dans  les  phrases  impératives,  le,  la,  les,  se 
mettent  après  le  verbe,  mais  seulement  (juand  ce 
verbe  n'est  pas  pris  dans  un  sens  négatif:  Trai- 
tezAn  bien,  grondez-Vd,  ('pargnez-la;  no  Vj per- 
dez pas,  île  la  chagrinez  pias,  ne  les  effarouchez 
pas. 

Souvent  les  pronoms  le,  la,  les,  rappellent  ,  n 
nom  exprimé  auparavant,  avec  toutes  les  modifi- 
cations  qui  ont  été  données  à  ce  nom  :  Avez-cous 
vu  la  belle  maison  de  campagne  qui  vient  d'être 
vendue"^  Je  l'ai  vue;  la,  c'est-à-dire  lu  belle 
viaison  qui  vient  d'être  vendue.  Cette  phrase, 
qui  est  déterminée  par  l'article  la,  n'est  ipi'unc 
seule  idée,  comme  elle  n'en  serait  qu'une  si  elle 
était  exprimée  par  un  seul  mot. 

Nous  avons  dit  que  le,  la,  les,  ne  peuvent  se 
rapporter  qu'a  un  nom  déterminé;  cc|)eudant  il 
arrive  souvent  que  le  pronom  le  rappelle  plutôt 
les  idées  qu'on  a  dans  l'esprit  que  les  molsiju'on 
a  prononcés  :  f^otdez-vous  r/uc  j'aille  vovs  voir? 
Je  le  veux  ;  le,  c'cst-à-dirc  que  vous  veniez  »;/<? 
voir.  Dans  ce  cas,  le  n'est  ni  masculin,  ni  fémi- 
nin, puisqu'il  se  rapporte  à  une  phrase  entière,  et 
qu'une  phrase  entière  n'a  point  de  genre.  C'est 
pour  celte  raison  que  l'on  dira  ;  Si  le  public  a  eu 


LE 

quelque  indulgence  pour  moi,  je  le  dois  à  votre 
protection  ;  et  non  pas,  je  lu  dois,  car  le  pronom 
ne  se  rapporte  pas  à  indulgence,  mais  à  la  phrase 
le  public  a  eu  quelque  indulgence  pour  moi.  Oo 
dirait  au  contraire:  L'indulgence  que  le  public  a 
eue  pour  moi,  je  la  dois  à  votre  protection  ;  parce 
qu'alors  le  pronom  se  rapporte  au  substantif  in- 
dulgence, dont  il  doit  i)ar  coiiscqueiit  prendre  le 
genre  et  le  nombre.  H  arrive  aussi  que  le  a  rajH 
portà  un  adjectif  ou  à  un  suiistantif  |)ris  adjecti- 
vement, et  alors,  comme  dans  le  .as  précédent, 
ce  pronom  reste  dans  sa  tignilication  primitive, 
sans  prendre  ni  noinJ)re  ni  genre.  I.'ne  femme  à 
qui  l'on  demande  :  Etes-rcus  mulude?  ou,  étcs- 
vous  la  malade  dont  on  m'a  parlé,  rc|)orid  à  la 
Jircinjèrc  question  je  le  suis,  parce  ([uc  malade, 
étant  un  aJjoclif,  n'est  i)as  plus  du  masculin  que 
du  féminin,  du  singulier  (pie  du  iiluriel,  et  le 
pronom  (|ui  s'y  rai)porte  ne  peut  prendre  aucune 
(le  ces  variations.  A  la  seconde  question,  la  femme 
répondra  ^e  la  suis,  i)arce  qu'ici  le  pronom  se 
ra[)porle  a  un  substantif  déterminé  qui  est  du 
féminin,  et  doit  par  conséquent  s'accorder  avec 
ce  substantif.  Si  l'on  demande  à  une  femme,  étes- 
vous  mère'}  elle  répondra,  je  le  suis,  et  non  je 
la  «Mîs;  parce  q\ic  le  substantif  mère  étant  indé- 
terminé, est  pris  adjectivement,  et  que  par  consé- 
quent il  ne  doit  pas  s'accorder  autrement  avec  ce 
nom  qu'avec  un  adjectif.  Mais  si  l'on  demandail, 
êtes-vous  la  mère  de  cet  enfant?  ii  faudrait  ré- 
l)ondre,  je  la  suis,  parce  qu'ici  le  substantif  wèz-e 
étant  détermine  par  l'article,  exige  le  pronom  au 
même  genre  cl  au  même  nombre.  C'est  conformé- 
ment à  cette  règle  (jue  La  Bruyère  a  dit  :  La 
même  justesse  d'esprit  qui  ?ious  fait  écrire  de 
bonnes  choses,  nous  fait  appréhender  qu'elles  ne 
le  soient  pas  assez  pour  mériter  d'être  lues. 
(Ch.  I.  Des  ouvrages  de  l'esprit,  p.  2'')3.)  El  Mo- 
lière {Amants  magnifiques,  ail.  L  SC.  ii)  :  Je  veux 
être  mère,  parce  que  je  le  suis;  et  ce  serait  en 
vain  que  je  ne  le  voudrais  pas  être.  Et  Voltaire  : 
Une  pauvre  fille  demande  à  être  chrétienne, c/  on 
7ie  veut  pus  qu'elle  le  soit.  [Correspondance.) 

C'esl  par  une  raison  semblable  que  le  ne  prend 
ni  genre  ni  nombre,  lorsque,  joint  avec  plus, 
moins,  ou  mieux,  il  forme  avec  eux  un  superlatif 
adverbe.  C'est  ht  chose  que  j'aime  \e  plus,  cl  non 
pas,  la  plus.  Ce  sont  les  biens  que  je  désire  le 
moins,  et  non  pas  les  moins.  Nous  devons  parler 
le  plus  sagement,  et  nous  énoncer  le  Jilus  claire- 
ment qu'il  est  possible.  Il  en  est  de  même  lors(iuc 
CCS  adverbes  sont  suivis  d'un  adjectif,  el  qu'il  n'y 
a  pas  dans  la  phrase  une  idée  de  comparais'jn  : 
Nous  ne  pleurons  pus  toujours  lorsque  nous 
sommes  \e  plus  affligés.  Dans  cet  exemple,  on 
ne  veut  point  comparer  son  affliction  à  celle  de 
queliiucs  autres  personnes.  Mais  si  une  compa- 
raison était  indiciuéc  dans  la  phrase,  le  pronom 
reprendrait  sa  fonction  ordinaire,  cl  s'accorderait 
avec  le  substantif.  Ainsi  l'on  dirait  :  La  personne 
qui  pleure  moins  que  les  autres  n'est  pas  la 
moins  affligée.  Voyez  Superlatif,  Pronom,  Am- 
pliibologie.  Construction. 

Quebiues  grammairiens  modernes  ont  élevé  des 
difliculti'S  sur  la  prononciation  du  pronom  le 
après  un  impératif.  Les  unsprèlendent  qu'on  doit 
prononcer  gardez-le,  luissez-lc,  etc.,  comme  s'il 
n'y  avait  point  d'c;  gnrdez-V,  laissez-l',  etc. 
D'autres  soutiennent  (jue  le  mot  le  représentant  la 
personne  ou  la  chose,  tient  en  quehiue  sorte  la 
place  d'un  substantif,  et  (|u'ainsi  on  doit  le  pro- 
noncer et  dire  en  toutes  lettres;  ^ardea-ie,  lais~ 
sez-le.Qic. 


LE 

M.  Dubroca  a  parfaitement  bien  éciairci  ?a 
question  dans  le  Manuel  des  amateurs  de  la 
langue  française,  \o\c\  ce  qu'il  dit  : 

a  Le  monosyllabe  le  a  deux  sons  bien  distincts 
dans  ce  cas,  ei  l'allemativc  ne  peut  jamais  être 
indifférente.  Le  premier  est  celui  de  IV  muet ,  tel 
qu'on  le  fait  entendre  à  la  fin  du  mot  idole  ;  et  le 
second,  celui  de  l'f  guttural,  dont  la  modification 
est  à  peu  |irès  eu.  Mais  dans  quelles  circonstances 
le  pronom  le  se  prononcc-t-il  avec  l'un  ou  r:iutrc 
de  ces  deux  sons?  La  question  est  d'autant  idus 
difficile  à  résoudre  iju'aucun  grammairien,  qne  je 
saclie,  ne  s'est  encore  occupé  de  la  traiter.  Ce- 
pendant elle  me  parait  infiniment  utile;  l'usage 
fréquent  que  nou^  faisons  des  locutions  dans  les- 
quelles nous  plaçons  le  pronom  h  après  un  verbe 
a  l'impératif,  semblait  devoir  exiger  qu'on  s'en 
occupât.  J'ai  vu  des  hommes  très-instruits  mani- 
fester de  l'hésitation  dans  ce  cas,  et  avouer  IVan- 
chement  leur  embarras.  C'est  ce  qui  m'a  engagé  à 
faire  la  recherche  du  principe  qui  pourrait  diri- 
ger la  prononciation  dans  cette  occurrence.  Nous 
en  avons  un  connu  cpii  m'a  servi  de  base,  et  qui 
est  dans  le  génie  de  la  prononciation  française. 

«  Rarement  nous  prononçons  deux  syllabes 
muettes  de  suite  ;  et  quand  cela  arrive,  nous  don- 
nons a  l'une  d'elles  une  insistance  qui  dispense 
en  quelque  sorte  d'une  pulsation  sur  l'autre.  C'est 
de  ce  principe  que  j'ai  tiré  la  conséquence  ou 
plutôt  la  règle  que  voici  : 

«  lorsque  la  finale  de  l'impératif  qui  précède 
le  monosyllabe  le  est  muette,  comme  dans  cette 
phrase,  faites-le  savoir  à  vosa?nis,  alors,  parla 
raison  que  deux  syllabes  muettes  de  suite  ne  se 
prononcent  pas  sans  qu'il  y  en  ait  une  qui  reçoive 
une  insistance  sen^^ible,  je  prononcerai  le  avec  l'c 
guttural.  Dans  le  cas  contraire,  c'est-à-dire  si  la 
dernière  syllabe  du  verbe  est  masculine,  connue 
dans  ces  phrases,  promettez-Ic-moi,  instruisez-le 
de  ce  (jui  s'est  passé,  je  prononcerai  le  pronom  le 
ai"cc  l'e  muet,  et  je  dirai,  promettez-r  moi,  iîi- 
struiscz-l'  de  ce  qui  s'est  passé.  Ce  principe  me 
parait  juste  et  universellement  applicable  aux  lo- 
cutions dont  il  s'agit.  Il  me  semble  d'ailleurs  que 
la  prononciation  de  ceux  qui  parlent  biea  y  est 
entièrement  conforme.  D'après  cette  règle,  je  pro- 
noncerai ainsi  ces  vers  de  Racine  : 

Avoiiez-i',  madame, 
L'amour  .l'esl  pas  un  feu  qu'on  nir.ferme  en  une  îme. 
{Androm.,  acl.  II,  se.  Il,  98.) 

Du  Troyen  pu  de  moi  failes-le  décider. 

(Idem,  112.) 

«  J'ai  été  d'autant  plus  déterminé  à  poser  ainsi 
les  régies  de  cette  prononciation,  que  je  les  ai 
vues  s'accorder  parfaitement  avec  celle  de  la 
prononciation  de  ces  mêmes  locutions  dans  le 
cas  oit  le  pronom  le  est  suivi  d'un  mot  commen- 
çant par  une  voyelle. 

«  En  effet,  si  la  finale  du  verbe  est  féminine, 
.ilors  le  monosyllabe  le  ne  s'élidc  pas  avec  la 
voyelle  suivante,  et  il  se  prononce  avec  l'e  gut- 
tural. Ainsi  on  dit  Dites-le  à  vos  amis,  faites- 
le  entrer,  et  non  pas  dites-V  à  vos  amis,  faites-l' 
entrer.  Mais  lorsque  la  finale  du  verbe  est  mas- 
culine, l'e  du  pronom  s'élidc.  Ainsi,  l'on  dit  très- 
bien  :  Instruisez-V  en  mon  nom,  promettez-V 
avec  sincérité,  donnez-V  aux piurrcs.  La  raison 
de  cette  différence  vient  du  principe  que  j'ai 
posé.  Dans  le  premier  cas,  il  n'y  a  pas  élision, 
parce  que  la  prononciation  de  deux  svliabes  fé- 


LÉG 


453 


minimes  de  suite  ne  pourrait  pas  avoir  lieu  sans 
blessera  la  fois  et  la  clarté  et  l'euphonie;  et  dans 
le  second,  il  y  a  élision,  parce  cpie  la  voix  tom- 
bant sur  une  syllabe  masculine  ijui  demande  de 
\' insistance,  la  liaison  de  l'<?  muet  dans  le  pro- 
nom le  qui  suit,  peut  s'exécuter  sans  inconvé- 
nient. » 

Lecteur.  Subsl.  m.  Voyez  Liseur. 

Légal,  Légalk.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Des  formes  légales,  des  voies  légales, 
des  7noyens  légaux. 

LÉGALEMENT.  Adv.  Ou  pcut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Nous  avons  procède 
légalement,  nous  avons  légalement  procédé. 

Léger,  Légère.  Adj.  Ftiraud  prétend  que 
le  r  final  se  fait  sentir  dans  le  premier.  Il 
se  trompe.  Cet  adjectif  se  met  ordinairement 
après  son  subst.  :  Un  homme  léger,  vne  femme 
légère,  un  habit  léger,  une  étoffe  légère.  —  Un 
style  léger.  — Dans  le  sens  de  peu  considérable, 
on  peut  le  mettre  avant,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  C'est  une  faute  légère,  c'est  une  légère 
faute;  une  légère  idée,  un  lé(/er  sommeil,  zin 
léger  repas.  Voyez  Adjectif,  Légèreté. 

Légiùrejient.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  est  blessé  légère- 
vient,  il  est  légèrement  blessé. 

Légî^f.eté.  Subst.  f.  Au  figuré,  ce  mot  a  deux 
sens.  11  se  prend  pour  le  contraire  de  grave, 
(^important;  et  c'est  dans  ce  sens  qu'on  dit  de 
légers  services,  des  fautes  légères.  Dans  l'autre 
sens,  légèreté  est  le  caractère  des  hommes  (jui  ne 
tiennent  fortement  nia  leurs  principes,  ni  à  leurs 
habitudes,  et  que  l'intérêt  du  moment  décide. 
Dans  ces  deux  sens,  il  ne  se  met  point  au  plu- 
riel. Mais  on  nomme  des  légèretés,  les  actions 
qui  sont  l'clTet  du  caractère  léger.  —  Légèreté 
dans  res[)ril,  est  (jueltpiel'ois  pris  en  bonne  part; 
d'ordinaire  elle  exclut  la  suite,  la  profondeur, 
l'application,  mais  elle  n'exclut  pas  la  sagacité, 
la  vivacité;  et  quand  elle  est  accouq)agnée  de 
quelque  imagination,  elle  a  delà  grâce. 

Législateuk.  Subsl.  m.  En  parlant  d'une 
femme,  on  dit  législatrice. 

Législatif,  Législative.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Pouvoir  législatif,  puis- 
sance législative. 

LÉGIT1.ME.  .\dj.  des  deux  genres.  Dan;  le  sens 
de,  <iui  a  les  qualités  requises  jiar  la  loi;  il  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Mariage  lé- 
gitime, enfants  légitimes.  —  Dans  le  sens  de 
juste,  é(piitable,  fondé  en  raison,  on  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultr.nt  l'oreille 
et  l'analogie  :  Une  demande  légitime,  cette  légi- 
time demande;  des  prétentioni  légitimes,  ces 
légitimes  prétentions.  Voyez  Adjectif. 

LÉGITIMEMENT.  Adv.  Ou  pcut  le  uicttre  ent 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  réclamé  légitime- 
ment, il  a  légitimement  réclamé. 

Legs.  Subst.  m.  Le  g  ne  se  fait  point  sentir. 
L'Académie  ne  dit  point  comment  il  faut  pronon- 
cer l'e.  Féraud  i)rétend  qu'on  prononce  lé: 
nous  croyons  qu'on  prononce  généralement  le. 

LÉGUER.  V.  a.  de  lai"  conj.  Delille,  employant 
cette  expression  au  ligure,  a  dit  {Enéid.,  IV, 
906)  : 

Didon  au  lil  de  mort  te  lègue  sa  fureur. 

LÉGUME.  Subst.  m.  On  entend  par  ce  mot,  non 
particulièrement  les  graines  (jui  viennent  dans 
des  gousses,  mais  en  généra!  toutes  les  plantes 
potagci"es.  Les  choux,  les  épinards,  les  laitues 

28 


43.i 


LÉT 


le  persil,  les  raves,  ne  sont  pas  moins  des  légu- 
mes que  les  pois  el  les  fèves.  On  distingue  scu- 
lemeni  les  légumes  en  légumes  veris  et  légu- 
mes secs;  elle  dernier  se  dit  des  pois,  des  fèves, 
des  Icnlillcs,  etc.,  que  l'on  conserve  pour  les 
manger  en  hiver, 

I,ÉGUM!\F.LX,     I.ÉGCMirfEUSE.     Adj.    Il    UC    SC  dit 

guère  ([u'au  féminin,  et  ne  se  met  qu'après  son 
subsl.  :  Fleurs  légumineuses ,  plantes  légumi- 
neuses. 

I.ÉMTiF,  LÉNiTivE.  Adj.  quï  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Remède  lénitif,  potion  lénitire. 

Lent,  Lemk.  Adj.  ijui  ne  se  met  guère  qu'a- 
près son  suljst.  :  Un  homine  lent,  un  esprit  lent, 
une  imagination  lente,  un  pouls  lent,  un  poison 
lent,  un  feu  lent.  —  On  pourrait  dire,  dans  cer- 
tains cas,  cette  lente  démurche. 

Cet  adjectif  régit  dans  avant  les  noms,  (>t  à 
avant  les  verbes  :  //  faut  être  lent  dans  le  choix 
de  ses  amis;  l'homme  juste  est  lent  à  punir, 
prompt  à  récovipenser. 

Lentement.  Adv.  On  ne  le  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  marché  lente- 
ment, et  non  pas  Uu  lentement  marché. 

Léonin,  Léonine.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  sulist.  :  Socie'té  léonine,  principe  léonin,  po- 
litique léonine. 

Lépreux,  Lépredse.  Adj.  (jui  ne  se  met  qu'a- 
près Sun  subst.  :  Un  hoviine  lépreux,  une  femme 
lépreuse. 

Lequel,  Laquelle,  Lesquels,  Lesquelles.  Ad- 
jectifs conjonclifs,  qui  s'emploient  au  lieu  de  qui 
et  que.  Lorsque  le  conjonctif  est  le  sujet  de  la 
proposition  incidente,  ou  l'objet  du  verbe  de 
cette  [iroposition ,  on  n'emploie  pas  lequel,  la- 
quelle, mais  qui  dans  le  premier  cas,  que  dans 
le  second  :  Le  musicien  qui  chante,  et  non  le- 
quel citante;  le  livre  que/e  lis,  et  non  pas  lequel 
je  lis. 

Cependant  ces  adjectifs,  susceptibles  de  genre 
et  de  nombre,  sont  très-propres  à  piévenir  les 
équivoques,  el  il  y  a  des  écrivains  qui  les  em- 
ploient souvent  dans  ce  dessein  ;  ruais  il  faut, 
autant  qu'il  est  possible,  préférer  tout  autre 
moyen.  Si  je  à'is  c'est  un  effet  de  la  divine  pro- 
vidence qui  attire  l'admiration  de  tout  le  monde, 
le  conjonctif  qui  est  équivoque.  D'après  la  règle, 
il  doit  se  rapporter  ii  j'rovidence,  qui  le  précède, 
et  d'après  le  sens,  à  effet.  C'est  pour  éviter  ces 
sortes  d'équivoques  que  quelques  écrivains  em- 
ploient le  conjonctif  lequel,  et  disent,  par  exem- 
ple, c'est  un  effet  de  la  divine  providence,  le- 
(juel  attii-e ,  etc.  Alors  l'équivoque  disparaît , 
parce  que  lequel,  qui  est  du  genre  masculin, 
marque  évidemment  le  rapport  à  e//èi,  qui  est  du 
même  genre,  cl  non  pas  à  pnridejice,  (jui  est  du 
féminin.  Mais  ces  sortes  de  phrases  ont  toujours 
quelque  chose  île  contraint  que  le  bon  goût  ne 
saurait  approuver,  ^■oyez  Adjectifs  conj'onctifs. 
Dont. 

I.EST.  Subst.  m.  On  prononce  le  t  final. 

Leste.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  ;  Un  jeune  homme  leste.  — 
Un  habillement  leste,  des  troupes  lestes.  —  Un 
propos  leste,  une  réponse  leste. 

LusTi^uENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  sauté  lestement 
sur  son  cheval,  il  a  lestement  sauté  sur  *"?» 
cheval.  —  //  était  vêtu  lestement;  il  était  leste- 
ment vêtu  ;  il  s'est  tiré  lestement  de  ce  rnauvais 
pas  ;  il  s'est  lestement  tiré  de  ce  mauvais  pas. 

l.ÉTHAr.GiQCE.  Adj.  dcs  deux  genres.  On  peut 
quelquefois  le  mettre  avant  son  subst.  .  Sommeil 


LEU 

léthargique,  indolence  létliargique,  cette  léthar- 
gique indolence. 

Lettre.  Subst.  f.  On  appelle  lettres  les  carac- 
tères représentai  ifs  des  éléments  de  la  voix.  Les 
mois  considérés  comme  des  sons  sont  composés 
de  lettres,  qui  seules  ou  réunies  entre  elles  for- 
ment des  syllabes. 

Par  le  mol  lettre  on  entend  quelquefois  le  son, 
ou  le  caractère  (|ui  sert  à  exprimer  le  son.  C'est 
dans  le  premier  sens  qu'on  dit  une  lettre  sifflante, 
une  lettre  liquide,  une  lettre  rude  à  prononcer. 
C'est  dans  le  second  sens  qu'on  dit  une  grande 
lettre,  une  petite  lettre,  une  lettre  majuscule  OU 
capitale,  une  lettre  française ,  une  lettre  bâ- 
tarde. 

On  appelle  voyelles  les  lettres  dont  la  pronon- 
ciation est  formée  par  une  seule  émission  de 
voix,  sans  articulation;  cicoîisonîies,  celles  dont 
la  prononciation  se  forme  par  le  son  de  voix  mo- 
difié, ou  par  les  lèvres,  ou  par  la  langue,  ou  par 
le  palais,  ou  par  le  gosier,  ou  par  le  nez.  On  les 
appelle  consonnes,  parce  (jue,  pour  former  un 
son,  elles  uni  besoin  d'être  réunies  à  des  voyelles. 

Les  lettres  se  composent  donc  de  voyelles  et 
de  consonnes.  Le  recueil  des  lellrcs  qui  repré- 
sentent les  sons  particuliers  qui  entrent  dans  la 
composition  des  mois  dune  langue,  s'appelle 
alphabet. 

L'alphabet  français  n'a  proprement  que  dix- 
neuf  lettres  ;  a,  h,  c,  d,  e,  f,  g,  h,  i,  l,  m,  n,  o, 
p,  r,  s,  t,  u,  z,  car  lexet  \eetv.  ne  sont  que  des 
abréviations.  Le  x  est  pour  gz,  exemple,  pro- 
noncez egzemple.  X  est  aussi  pour  es,  axiomCf 
prononcez  ucsiume.  On  fait  encore  servir  le  jr 
pour  ss,  Auxerre,  prononcez  Aussère. 

Le  k  est  une  lettre  grecque,  qui  ne  se  trouve 
en  latin  que  dans  certains  mois  dérivés  du  grec. 
C'est  notre  c  dur,  ca,  co,  eu. 

Le  q  n'est  aussi  que  le  c  dur.  Ainsi  ces 
lettres,  c,  k,  q,  ne  doivent  être  comptées  (jue  pour 
une  mémo  lettre;  c'est  le  même  son  représenté 
par  trois  caractères  différents. 

Le  v  représente  l'arliculalion  semi-labiale 
faible,  dont  la  foite  est  f,  el  de  là  vient  qu'elles 
se  prennent  aisément  l'une  pour  l'autre.  Neuf 
devant  un  nom  qui  commence  par  une  voyelle, 
se  prononce  neuv,  on  dit  neuv  hommes. 

Enfin  l'y  est  une  lettre  grecque  qui  s'emploie 
pi)ur  un  i  ou  jwur  deux  i;  pour  un  i  dans  les 
mots  tirés  du  grec,  et  pour  deux  i  dans  les  mots 
purement  français. 

On  peut  donc  dire  que  l'alphabet  français  ren- 
ferme présenlemenl  vingt-cinq  lettres  ;  savoir,  six 
voyelles,  qui  sont  a,  e,  i,  o,  u,  y  ;  et  dix-neuf  con- 
sonnes, qui  sont  b,  c,  d,  f,  g,  h,j,  k,  l,  m  n,  p, 
q,  r,  s,  t,  V,  X,  z.  Voyez  Alphabet,  Consonne, 
f^oyelle,  Diphthongue. 

Lettré,  Lettrée.  Adj.  Tl  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  lettré,  une  femme  let- 
trée. 

Leur.  Adj.  possessif  qui  a  rapport  a  la  troi- 
sième personne.  Il  est  comme  pluriel  de  son,  sa, 
ses,  avec  celle  différence  <iue  ses  se  dit  de  plu- 
sieurs choses  qui  apparlienuent  à  une  seule  \>er- 
sonnc,  leur  d'une  chose  (|ui  apparlienl  à  plu- 
sieurs personnes,  et  leurs  de  plusieurs  choses 
fjui  appartiennent  à  plusieurs  persuimes.  Use  dit 
des  personnes  el  des  choses  :  Leur  père,  leur 
maison,  leur  jardin. 

Leur  se  met  avec  un  substantif  sans  article, 
leur  père  ;  ou  avec  un  article  sans  substantif,  le 
leur. 

Leur  ne  se  met  pas  avant  un  nom  qui  est  suiri 


LEV 

d'un  adjectif  relatif,  et  d'un  pronom  de  la  troi- 
sième porsoiiue.  On  iic  dit  pas  j'ai  vendu  leurs 
chevaux  qu'ils  m'avaient  envoyés  ;  niaisyat  ven- 
du les  cheraus  qu'ils  m'ont  envoijés. 

L'adjectif  possessif  leur  doit  se  i-épéter  avant 
chaque  subst.  qu'il  modifie  :  J'ai  vu  leur  courage 
fl  leur  intrépidité.  Leurs  femmes,  leurs  enfants, 
leu7-s  amis,  les  suppliaient  de  ne  pas  résister  à 
la  for-ce. 

11  se  répète  aussi  devant  des  adjectifs  qui  ont 
un  sens  opposé  ou  différent  :  Ils  nnus  ont  mon 
tré  leurs  bonnes  et  leurs  inauvaises  marchan- 
dises. Mais  il  ne  se  répète  pas  devant  les  adjectifs 
<jui  ont  à  peu  près  la  même  signification  :  Ils 
nous  ont  montré  leurs  beaux  et  brillants  équi- 
pages. Quand  on  dit  Us  nous  ont  montré  leurs 
beaux  et  brillants  équipages,  il  est  clair  (]ue  les 
adjectifs  beaux  et  brillants  sont  appliqués  au 
même  substantif;  et  si  l'on  disait  leurs  beaux  et 
leurs  brillants  équipages,  on  indiquerait  par  lu 
que  l'on  veut  parler  de  deux  espèces  d'équi- 
pages, dont  les  uns  sont  beaux  et  les  autres  bril- 
lants. 

Il  me  semble  que  c'est  une  question  assez  inu- 
tile de  demander  s'il  faut  dire,  tous  les  maris 
étaient  au  bal  avec  leurs  femmes,  ou  avec  leur 
femine.  Puisqu'il  s'agit  de  plusieurs  femmes,  il 
est  clair  qu'il  faut  mettre  le  pluriel  leurs;  si  l'on 
disait  avec  leur  femme,  cela  voudrait  dire  qu'il 
n'y  avait  (ju'une  femme  qui  appartenait  à  tous 
les  maris.  Leurs  femmes  signifie  les  femmes 
d'eux,  c'est  le  sens  collectif;  leur  femme,  c'est 
la  femme  d'eux.  Cependant  on  dirait  bien,  tous 
les  maris  étaient  au  bal,  chacun  avec  sa  feuime, 
parce  que,  dans  cette  phrase,  le  sens  n'est  plus 
collectif,  et  que  le  mot  cliacun  le  rend  distribu- 
tif.  \o^ci  Adjectif  possessif,  Chacun. 

Leur.  Pronom  pluriel  de  la  troisième  per- 
sonne. Il  signi'ie  à  eux  ou  à  elles,  et  est  par  con- 
séquent des'deux  genres.  Ce  pronom,  étant  pluriel 
de  sa  nature,  ne  prend  point  de  5  à  la  fia.  Il  se 
dit  des  personnes,  des  animaux,  et  quelquefois 
des  choses  inanimées  :  Il  est  resté  une  heure  avec 
ses  amis,  sans  leur  dire  un  seul  mot  ;  vos  poules 
ont  faim,  il  faut  \q\\1  donner  éi  manger  ;  j'ai  pris 
heaucovp  de  bains  pendant  ma  maladie,  je  leur 
dois  via  ijuérison. 

Leur  est  toujours  régime  indirect  d'un  verbe. 
Il  se  met  avant  ce  verbe  quand  la  proposition  est 
simplement  énonciative  :  Je  leur  donnerai  à 
manger.  Quand  la  proposition  est  impérative  et 
affirmative,  il  se  met  après  le  verbe;  si  elle  est 
impérative  et  négative,  il  se  met  avant  :  iVe  leur 
donnez  pas  ce  quils  demandent. 

Quel(iuefois,  pour  plus  d'énergie,  on  meta  eux- 
mêmes  ou  Cl  elle-i-mcmes  après  le  verbe,  précédé 
de  leur  :  C'est  ce  que  je  leur  ai  offert  d  eux- 
mêmes  ;  c'est  ce  que  je  leur  ai  offert  à  elles- 
mêmes.  Voyez  Pronom,  Amphibologie. 

Levant.  Subst.  m.  Il  signifie  la  même  chose 
qu'orient  en  géographie.  .Mais  ces  deux  mots  ne 
s'emploient  pas  toujours  indifféreuimcnt ,  lors- 
qu'il s'agit  de  commerce  et  de  navigation.  On 
appelle  le  Levant  toutes  les  côtes  d'Asie,  le  long 
de  la  Méditerranée,  et  même  toute  la  Turquie 
asiatique;  c'est  pourquoi  toutes  les  Échelles,  de- 
puis Alexandrie  en  Éb'ypte  jusqu'à  la  mer  Zs'oir*, 
et  même  la  plupart  des  iles  de  l'Archipel,  sont 
comprises  dans  ce  qu'on  appelle  le  Levant.  iNous 
disons  ;dors  voyage  du  Levant,  marchandises  du 
Levant,  etc.,  et  non  pas  voyage  d'Orient,  mar- 
chandises d'Orient,  à  l'égard  de  ces  lieux-là. 
Cela  est  si  bien  établi,  que  par  Orient  ou  entend 


LIA 


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'  la  Perse,  les  Indes,  Siam,  le  Tonquin,  la  Chine, 
i  le  Japon,  etc.  Ainsi  le  Levant  est  la  partie  oc- 
cidentale de  l'Asie,  et  l  Orient  est  tuut  ce  qui  est 
au  delà  de  l'Muphrate.  Enfin,  (juand  il  n'est  pas 
question  de  comiucrcc  et  de  navigation,  et  qu'il 
s'agit  îl'empirc  et  d  histoire  ancit'nne,  on_  doit 
toujours  dire,  l'Orient,  l'empire  d'Orient,  l'Église 
d'Orient. 

Lever.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  prend  de  pluriel 
que  lorsqu'on  l'applique  aux  astres.  On  lit  dans 
V Encyclopédie. -Il  y  a  pour  les  astronomes  trois 
espèces  de  levers  des  étoiles  :  le  lever  cosmique, 
le  lever  achrunique,  et  le  lever  héliaquc. 

Levkaudé,  Levraudék.  Adj.  Mot  inusité  que 
Voltaire  a  employé  pour  signifier  poursuivi,  per- 
sécuté, pourchassé  comme  un  lièvre.  Je  crois, 
dit-il,  qu'il  vaut  mieux  bâtir  un  beau  château, 
comme  j'ai  fait,  y  jouer  la  comédie  et  y  faire 
bonne  chère,  que  d'être  levraudé  à  Paris,  comme 
Helvélius,  par  les  gens  tenant  la  cour  de  parle- 
ment, et  pur  les  gens  tenant  l'écurie  de  Soi-- 
b'iuîie. 

L1.AISON.  Subst.  m.  Terme  de  liltéralure.  Nous 
avons  vu,  à  l'article  Construction,  que  le  principe 
de  la  plus  grande  liaison  des  idées  doit  diriger 
tout  homme  qui  veut  énoncer  clairement  ses 
pensées  ;  nous  avons  fait  l'application  de  ce  prin- 
cipe à  chaque  partie  de  la  proposition,  et  aux 
différentes  espèces  de  phrases  qui  concourent  à 
!  expression  d'une  [lensce.  JNous  allons  faire  ici 
la  même  application  aux  phrases  considérées  sous 
le  rapport  du  tissu  du  discours.  C'est  Condillac 
qui  nous  servira  de  guide  ici,  comme  il  nous  en 
a  servi  pour  les  règles  de  la  construction  gram- 
maticale. 

Les  pluases,  dit  cet  écrivain  célèbre,  doivent 
être  construites  les  unes  pour  les  autres.  Deux 
pensées  ne  peuvent  se  lier  l'une  à  l'autre  que 
par  les  accessoires  et  par  les  idées  principales. 
Commençons  [)ar  un  exemple. 

Quand  l'histoire  serait  inutile  aux  autres 
hommes,  il  faudrait  la  faire  lire  aux  princes. 
Il  n'y  a  pas  de  meilleur  moyen  de  leur  découvrir 
ce  que  peuvent  les  passions  et  les  intérêts,  les 
temps  et  les  conjonctures,  les  bons  et  les  mau- 
vais conseils.  Les  histoires  ne  sont  composée-t 
que  des  actions  qui  les  occupent,  et  tout  semble 
y  être  fait  pour  leur  usage.  Si  l'expérience  leur 
est  nécessaire  pour  acquérir  cette  prudence  qui 
fait  bien  régner,  il  n'est  rien  de  plus  utile  à  leur 
instruction  que  de  joindre  les  exemples  des  siè- 
cles passés  aux  expériences  qu'ils  font  tous  les 
jours,  u  lieu  qu'ordinaireme nt  ils  n'appren- 
nent qu'aux  dépens  de  leurs  sujets  et  de  leur 
propre  gloire  âjugerdes  affaires  dangereuses  qui 
leur  arrivent;  par  le  secours  de  l'histoire,  ils 
forment  leur  jugement, Sins  rien  hasarder,  sur  les 
événements  passés.  Lorsqu'ils  voient  jusqu'aux 
vices  les  plus  cachés  des  princes ,  malgré  les 
fausses  louanges  qu'on  leur  donne  pendant  leur 
vie,  exposés  aux  yeux  de  tous  les  hommes,  ils  ont 
honte  de  la  vaine  joie  que  leur  cause  la  flat- 
terie, et  ils  connaissent  que  la  vraie  gloire  ne 
peut  s'accorder  qu'avec  le  mérite.  (Boss.,  Avant- 
propos  du  Discours  sur  l'hist.  univ.) 

Il  n'y  a  ici  que  deux  légères  négligences  .-l'une 
à  ces  mots,  sur  les  événements  passés,  qui  font 
un  sens  louche  avec  sans  rien  hasarder.  Bos- 
suet  aurait  pu  d\rc  forment,  sers  rien  hasarder, 
leur  jugement.  L'milre  est  dans  louanges  qu'on 
leur  donne,  car  leur  est  équivoque.  D'ailleurs 
tout  est  parfaitement  lié. 

Pour  mieux  faire  sentir  celle  liaison,  substi- 


J3C 


LIA 


uons  d'aulres  con>ilruclions  à  celles  de  Bossuel, 
rt  disons  : 

Jl  faudrait  faire  lire  l'histoire  aux  princes, 
quand  même  elle  serait  inutile  aux  autres 
U«7nines.  Il  n'y  a  pas  d'autre  vioyen  do  leur  dé- 
couvrir ce  que  peuvent  les  passions  et  les  inté- 
rêts, les  temps  et  les  conjonctures,  lis  bons  et  les 
mauvais  conseils.  Les  histoires  ne  sanl  compo- 
stes que  des  actions  qui  les  occupent,  et  tout 
semble  y  être  fait  pour  leur  usage-  Il  n'est  rien 
de  plus  utile  à  leur  instruclimi,  que  de  joindre 
les  exemples  des  siècles  passés  aux  expériences 
qu'ils  font  tuus  les  jaurs,  s'il  est  vrai  que  l'ex- 
périence suit  ni  cessaire  pour  acquérir  celte  pru- 
dence qui  fuit  bien  régner.  Par  le  secours  de 
l'histiire,  ils  forment,  sans  rien  hasarder,  leur 
(ugement  sur  les  événements  passés,  au  lieu 
qu'ordinairement  ils  n'apprennent  qu'aux  dé- 
pens de  leurs  sujets  et  de  leur  propre  gloire  à 
juger  des  affaires  dangereuses  qui  leur  arri- 
vent. Exposés  aux  yeux  de  tuus  les  hommes,  ils 
ont  honte  de  la  vaine  joie  que  leur  cause  la  flat- 
itrie  ;  et  ils  connais.fetit  que  la  vraie  gloire  ne 
peut  s'accorder  qu'avec  le  m.érite,  lorsqu'ils  voien  t 
jusqu'aux  vices  les  plus  cachés  des  princes  , 
malgré  les  fausses  louanges  qu'on  leur  donne 
pendant  leur  vie. 

Par  les  cliangemenis  que  je  viens  de  faire 
aux  passages  de  Bossuel,  les  phrases  ne  tien- 
uenl  plus  les  unes  aux  autres.  Il  semble  qu'à 
cbacune  je  reprenne  mon  discours,  sans  m'oc- 
cuper  de  ce  que  j'ai  dit,  ni  de  ce  que  je  vais 
dire.  Je  suis  comme  un  homme  fatigué  qui 
s'arrête  à  chaque  pas,  et  qui  n'avance  qu'en  fai- 
sant des  efforts.  Cependant,  si  l'on  considère  en 
elles-mêmes  chacune  des  constructions  que  j'ai 
faites,  on  ne  les  trouvera  pas  défectueuses  ;  elles 
B€  pèchent  que  parce  qu'elles  se  suivent  sans  faire 
un  tissu. 

On  fieul  déjà  sentir  pourquoi  on  n'a  pas  le 
choix  entre  plusieurs  constructions,  lorsque  l'on 
écrit  une  suite  de  pensées,  quoiqu'on  l'ait,  lors- 
qu'on considère  chaque  pensée  sé[)arcMi(Mit.  Une 
nous  reste  [)lus  qu'a  examiner  comment  la  liaison 
des  idées  est  altérée  par  les  transpositions  que 
j'ai  faites. 

Il  faudrait  faire  lire  l'histoire  auxprinces, 
est  naturellement  lié  avec  il  n'y  a  pas  de  îneilleur 
moyen  de  leur  découvrir  ce  que  peuvent  les  pas- 
sions; j'ai  donc  mal  fait  de  séparer  ces  deux  idées 
et  dediie  :  //  faudrait  faire  lire  l'histoire  aux 
princes,  quand  même  elle  serait  inutile  aux 
autres  hommes  ;  il  n'y  a  pas  de  meilleur  moyen, 
etc. 

Après  avoir  remarqué  combien  l'étude  de 
l'histoire  est  utile  aux  princes,  l'esprit,  en  suivant 
la  liaison  des  idées,  se  porte  naturellement  sur 
l'expérience,  (]ui  est  une  autre  source  d'instruc- 
tion ;  et  il  considère  combien  il  est  nécessaire  de 
joindre  l'étude  de  l'histoire  à  l'expérience  jour- 
nalière. J'ai  changé  tout  cet  ordre,  et,  par  consé- 
quent, j'ai  affaibli  la  liaison  des  idées. 

Bossuet,  voulant  démontrer  l'utilité  que  les 
jirinces  peuvent  retirer  des  exemples  des  siècles 
liasses,  commence  par  faire  voir  l'insuffisance  de 
l'expi-rience.et  finit  par  observer  les  secours  que 
donne  l'histoire. 

Enfin,  dans  la  vue  de  montrer  quels  sont  ces 
secours,  il  expose  d'abord  ce  (jue  les  iirinces 
voient  dans  l'histoire,  et  il  considère  ensuite  quelle 
impression  elle  peut  faire  sur  eux.  Tel  est  sensi- 
blemeul  l'ordre  des  idées,  je  l'ai  cnlièremeut 


LIA 

changé.  J'ajouterai   encore  un  exemple  que  ^e 
prends  dans  Bossuel. 

La  reine  partit  des  ports  d'Angleterre  à  la 
vue  des  vaisseaux  des  rebelles,  qui  la  prrursui- 
vaientde  si  près,  qu'elle  entendait  presque  leurs 
cris  et  leurs  menaces  insolentes.  O  voyage  bien 
différent  de  celui  qu'elle  avait  fuit  sur  la  même 
mer,  lorsque,  venant  prendre p^-^session  du  scep- 
tre de  la  Grande-Bretagne ,  elle  viyuit  pour  ainsi 
dire  les  ondes  se  courber  sous  elle,  et  soumettre 
toutes  leurs  vagues  à  la  dominatrice  des  mers! 
Maintenant  chassée,  poui-suivie  par  ses  ennemis 
implacables,  qui  avaient  eu  C audace  de  lui  faire 
son  procès,  tantôt  sauvée,  tantôt  presque  prise, 
chaîi^eant  de  fortune  à  chaque  quart  d'heure, 
n'ayant  pour  elle  que  Dieu  et  son  courage  iné- 
branlable, elle  n'avait  ni  assez  de  vent,  ni  assez 
de  voiles  pour  favoriser  sa  fuite  précipitée. 
{Oraison  /un.  de  la  reine  d'Angleterre,  p.  39., 

Il  y  a  ici  une  petite  faute:  maintenant  elle  n'a- 
vait, il  fallait,  elle  7i'a.  Il  me  paraît  encore  qu'm- 
ébranlable  csl  une  épithète  inutile.  N'ayant  que 
Dieu  et  son  courage,  dit  assez  que  le  courage  de 
la  reine  est  aus-^i  grand  qu'il  peut  l'être. 

On  voit  d'ailleurs  que  Bussuet  a  raïqiroché  les 
idées  qui  conlrasteni,  et  c'est  cela  morne  qui  en 
fait  toute  la  liaison.  Elle  voyait,  dit-il,  les  ondes 
se  courber  sous  elle,  et  soumettre  leurs  vagues  à 
la  dominatrice  des  iners ;  maintenant  chassée, 
poursuivie,  etc.  La  construction  n'aurait  pas  eu 
la  même  grâce  s'il  eut  dit,  elle  voyait  les  ondes  se 
courber  sous  elle,  et  soumettre  leurs  vagues  à  la 
dominatrice  des  mers  :  maintenant  elle  n'a  ni 
assez  de  vent,  ni  assez  de  voiles  pour  favoriser 
sa  fuite  précipitée  :  chassée,  poursuivie  par  ses 
ennemis,  tantôt  sauvée,  tantôt  presque  prise, 
n'ayant  que  Dieu  et  soti  courage. 

Les  idées  accessoires  doivenl  toujours  lier  les 
idées  principales  :  elles  sont  comme  la  trame  qui, 
passant  dans  la  chaîne,  forme  le  tissu. 

Par  conséquent,  tout  accessoire  qui  ne  sert 
point  à  la  liaison  des  idées  est  déplacé  ou  super- 
flu. Bien  des  écrivains,  estimés  d'ailleurs  à  juste 
titre,  paraissent  n'avoir  pas  assez  senti  cette  vé- 
rité. 

La  Bruyère,  voulant  montrer  d'un  côté  la  né- 
cessité des  livres  sur  les  mœurs,  et  de  l'autre,  le 
but  que  doivent  se  projmser  ceux  qui  les  écri- 
vent, s'embarrasse  dans  des  idées  qu'il  démêle 
tout  à  fait  mal.  On  entrevoit  cependant  une  suite 
d'idées  princij)ales  i\\i\  tendent  au  développement 
de  la  pensée,  el  je  vais  les  exjioscr,  afin  qu'on 
puisse  mieux  juger  des  défauts  où  il  tombe. 

Je  rends  au  public  ce  qu'il  m'a  pi-cté. 

Il  peut  regarder  le  portrait  que  j'ai  fait  de 
lui  et  se  corriger. 

L'unique  fin  que  Von  doive  se  proposer  en  écri- 
vant sur  les  mœurs,  c'est  de  corriger  les  hom- 
mes :  7nais  c'est  aussi  le  succès  qu'on  doit  le 
moins  se  promettre. 

Cependant  il  ne  faut  pas  se  lasser  de  leur  re- 
procher leurs  vices,  sans  cela  ils  seraient  peut- 
être  pires. 

L'approbatioîi  la  moins  équivoque  qu'on  en  fût 
recevoir,  serait  le  changement  des  mœurs. 

Pour  l'obtenir,  il  ne  faut  pas  négliger  de  leur 
plaire,  mais  071  doit  prosciire  tout  ce  qui  ne  tend 
pas  à  leur  instruction. 

Toutes  ces  pensées  sont  claires,  et  on  en  saisit 
la  suite.  Mais  celle  lumière  va  disparaître;  li- 
sons: 

Je  rends  au  public  ce  qu'il  771  a  prêté  :  j'ai  em- 
prunté  de  lui  la  matière  de  cet  ouvrage,  ii  est 


LIA 

juste  c/ve  Vayant  acltevé  avec  toute  raltention 
pour  ta  vérilii  dojitje  suis  capable,  et  qu'il  mc- 
rite  de  moi,  Je  lui  en  fusse  la  restitution.  Il  peut 
regarder  avec  loisir  ce  portrait  que  j'ai  fait  de 
lui  d'après  nature;  et,  s'il  se  connaît  quelques- 
vns  des  défauts  que  Je  touche,  s'en  corriger. 
C'est  l'uniqui^  fin  que  l'un  doit  se  proposer  en 
écriront,  et  le  succès  aussi  que  l'on  doit  moins 
se  promettre.  Mais  comme  les  hommes  ne  se  dé- 
goûtent pas  du  vice,  il  ne  faut  pas  aussi  -le  lasser 
de  le  leur  reprocher  ;  ils  seraient  peut-être  pires 
s'ils  venaient  à  manquer  de  censeurs  et  de  cri- 
tiques. C'est  ce  qui  fait  que  l'on  prêche  et  que 
l'on  écrit.  L'orateur  et  l'écrivain  ne  sauraient 
vaincre  la  joie  qu' ils  ont  d'être  applaudis;  mais 
ils  devraient  rougir  d'eux-mêmes,  s'ils  n'avaient 
cherché  par  leurs  discours  et  par  leurs  écrits  que 
des  éloges  •  outre  que  l'approbation  la  plus  sure 
et  la  inoins  équivoque  est  le  changement  des 
mœu7s  et  la  réformation  do  ceux  qui  les  Usent 
ou  qui  les  écoutent.  On  71e  doit  parler,  on  ne  doit 
écrire  que  pour  finstruction;  et  s'il  arrive  que 
l'on  plaise,  il  ne  faut  pas  néanmoins  s'en  repen- 
tir, si  cela  sert  à  insinuer  et  ci  faire  recevoir  les 
vérités  qu  i  doivent  instruire.  Quand  donc  il  s'est 
glissé  dans  un  livre  quelques  pensées  ou  quelques 
réflexions  qui  n'ont  ni  le  feu,  ni  le  tour,  ni  la 
vivacité  des  autres,  lien  qu'elles  semblent  y  être 
admises  pour  la  variété,  pour  délasser  Vesprit, 
pour  le  rendre  plus  présent  et  plus  attentif  ci  ce 
qui  va  suivre,  à  moins  que  d'ailleurs  elles  ne 
soient  .sensibles,  familières,  instructives,  accom- 
modées au  simple  peuple,  qu'il  n'est  pas  permis 
de  négliger,  le  lecteur  peut  les  condamner,  et 
l'auteur  doit  les  proscrire  :  voilc'i  la  règle.  (Pré- 
face, p.  240.) 

Piemièrernent,  il  y  a  dans  ce  morceau  des  pen- 
sées fausses  ou  du  moins  rendues  avec  peu 
d'exactitude.  Telles  sont  on  ne  doit  écrire  que 
pour  corriger  les  hommes,  on  n'écrit  qu'afin  que 
le  public  ne  manque  pas  de  censeurs...  Parce  (juc 
La  Bruyère  écrit  sur  les  mœurs,  il  oublie  qu'on 
puisse  écrire  sur  autre  chose.  11  dit  ensuite  iju'on 
ne  doit  écrire  que  pour  Tinstruction;  mais  si 
cette  instruction  n'est  relative  qu'aux  mœurs,  il  n'a 
fait  que  se  répéter;  si  elle  se  rajiporteà  toutes  les 
choses  que  nous  pouvons  connaître,  elle  fait  voir 
la  fausseté  de  celle  proposition  :  l'unique  fin 
d'un  écrivain  doit  être  de  corriger  les  hommes. 
D'ailleurs  il  n'est  pas  vrai  qu'on  ne  doive  écrire 
que  pour  instruire. 

On  ne  doit  pas  croire  que  La  Bruyère  adoptât 
des  pensées  aussi  fausses.  Elles  ne  lui  ont  échappé 
que  parce  qu'il  ne  savait  pas  s'expliquer  avec 
plus  de  précision.  Quand  on  embarrasse  son  dis- 
cours, il  est  bien  difficile  de  ne  dire  que  ce  qu'on 
veut  dire. 

En  second  lieu,  lorsque  La  Bruyère  dit  :  Le 
public  peut  regarder  le  portrait  que  j'ai  fait  de 
lui  d'après  nature;  et,  s'il  se  connuit  quelques- 
■uns  des  défauts  que  je  touche,  s'en  corriger. 
C'est  l'unique  fin  que  l'on  doit  se  proposer  en 
écrivan  t  ; 

La  seconde  phrase  n'est  pas  lice  à  la  première; 
et  il  semble  que  la  liaison  des  idées  demandait  au 
contraire  :  C'est  l'unique  fin  qu'il  doit  se  propo- 
aer  en  me  lisant. 

En  troisième  lieu,  après  avoir  dit,  c'est  ce  qui 
fuit  qu'on  prêche  et  qu'on  écrit,  La  Bruyère  s'em- 
barrasse i}Our  vouloir  continuer  de  distinguer 
l'orateur  et  l'écrivain,  celui  qui  parle  et  celui  qui 
écrit,  le  discours  et  les  écrits,  ceux  qui  lisent  et 
ceux  qui  écoutent.  Il  ne  fait  par  là  que  répéter  les 


LIA 


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mêmes  idées,  allonger  ses  phrases,  et  gêner  scî 
constructions. 

En  quatrième  lieu,  la  phrase  qui  commence 
par  ces  mots,  l'orateur  et  l'écrivain  ne  sau- 
raient, etc.,  n'est  pas  absolument  lice  à  ce  qui  la 
précède.  Tout  ce  qui  est  renlcrmé  depuis  l'uni- 
que fin,  jusqu'à  quand  donc  il  s'est  q lisse,  serait 
plus  dcgago  si  La  Bruyère  avait  dit  :  L'unique  fin 
que  l'on  doit  se  proposer,  en  écrivant  sur  la  mo- 
rale, est  la  réforme  des  mo'urs.  Je  veux  qu'on 
ne  puisse  pas  vaincre  la  joie  qu'on  a  d'être  ap- 
plaudi; on  devrait  rougir  au  moins  de  n'avoir 
cherché  que  des  éloges.  Il  est  vrai  que  le  succès 
que  l'on  doit  le  moins  se  promettre,  est  de  voir 
les  hommes  se  corriger;  mais  c'est  aus.'ii  le 
moins  équivoque.  Dans  cette  vue,  il  ne  faut  pas 
négliger  de  plaire  :  car  ce  moyen  est  le  plus  pro- 
pre à  faire  recevoir  des  vérités  utiles. 

Enfin  la  dernière  phrase,  qui  commence  à  ces 
mois,  quand  donc,  esl  un  amas  de  mots  jetés  sans 
ordre;  et  il  semble  que  La  Bruyère  n'arrive  qu'a- 
vec bien  de  la  peine  jusqu'à  la  fin. 

Fénelon  veut  peindre  Pyginalion  tourmente  par 
la  soi!  des  richesses,  tous  les  jours  plus  misé- 
rable, et  plus  odieux  à  ses  sujets.  11  veut  peimlre 
sa  cruauté,  sa  défiance,  fes  soupçons,  ses  inquié 
tudes,  son  agitation,  ses  yeux  errants  de  tous  cô- 
tés, son  oreille  ouverte  au  moindre  bruit,  son  pa 
lais,  où  ses  amis  mêmes  n'osent  l'aborder,  ta 
garde  qui  y  voille,  les  trente  chambres  où  il 
couche  successivement,  les  remords  ([Ui  l'y  sui- 
vent, son  silence,  ses  gémissements,  sa  solitude, 
sa  tristesse,  son  abattement;  voilà,  je  pense,  l'or- 
dre des  idées  :  elles  ne  sauraient  être  trop  rappro- 
chées; c'est  surtout  dans  ces  descriptions  que  \-^ 
style  doit  être  rapide. 

Pygmalion,  tourmenté  par  une  soif  insatiable 
des  richesses,  se  rend  de  plus  en  plus  misérable 
et  odieux  ci  ses  sujets.  C'est  un  crime  à  T'ijr  qitc 
d'avoir  de  grands  biens.  L'avarice  le  rend  dé- 
fiant, soupçonneux,  cruel;  il  persécute  les  riches 
et  il  craint  les  pauvres.  Tout  l'agite,  l'inquiète, 
le  ronge  ;  il  a  peur  de  son  ombre.  Il  ne  dort  ni 
nuit  ni  jour.  Les  dieu.T,pour  le  confondre,  l'ac- 
cablent de  trésors  dont  il  n'ose  jouir.  Ce  qu'il 
cherche  pour  être  heureux  est  précisément  ce  qui 
l'empêche  de  l'être.  Il  regrette  tout  ce  qu'il 
donne,  et  craint  toujours  de  perdre;  il  se  tour- 
mente pour  gagner.  On  ne  le  voit  presque  ja- 
mais :  il  est  seul  au  fond  de  son  palais  ;  ses  amis 
mcuies  n'osent  l'aborder,  de  peur  de  lui  devenir 
suspects.  Une  garde  terrible  tient  toujours  des 
épées  nues  et  des  piques  levées  autour  de  sa  mai- 
soji.  Trente  chambres  qui  communiquent  les 
unes  aux  autres,  et  dont  chacune  a  une  porte  de 
fer,  avec  six  gros  verrous;,  sont  le  lieu  ou  il  se 
renferme.  On  ne  sait  jamais  dans  laquelle  d:  ces 
chambres  il  couche,  et  on  assure  qu'il  ne  couche 
jamais  deux  nuits  de  suite  dans  la  même,  de 
peur  d'y  être  égorgé.  Il  ne  connaît  ni  les  doux 
plaisirs,  ni  l'amitié  encore  plus  douce.  Si  on  lui 
parle  de  chercher  la  joie,  il  sent  qu'elle  fuit  loin 
de  lui,  et  qu'elle  refuse  d'entrer  dans  son  cœur. 
Ses  yeux  creux  sont  pleins  d'un  feu  âprs  et  fa- 
rouche; ils  sont  sans  cesse  errants  de  tous  côtes 
Il  prête  l'oreille  au  moindre  bruit,  et  se  sent  tout 
ému  :  il  est  pâle,  défait  ;  et  les  noirs  soucis  sont 
peints  sur  son  visage  toujours  i~idé.  Il  se  tait, 
il  soupire  ;  il  tire  de  son  cœur  de  profonds  gémis- 
sements; il  no  peut  cacher  les  remords  qui  dé- 
chirent ses  entrailles.  {Télém.,  liv.  III,  t.  1, 
p.  125.) 
Le  désordre  de  ce  morceau  est  sensible  L'ati- 


-i38 


LIA 


teur  quitte  une  pensée  pour  la  reprendre;  il  dit 
que  Py^'iniilion  csl  dofiimt ,  soupçonneux,  que 
tout  l'agite,  l'inquicte;  et  il  revient  sur  ces  mémos 
idées  après  s'être  arrêta' sur  d'autres  détails.  Les 
derniers  coups  de  pimeaux  surtout  sont  les  plus 
faibles.  Ouolle  force  y  a-t-il  à  rcmanpier  que 
Pygmalion  ne  connaît  ni  l'amitié,  ni  les  plaisirs, 
ni  la  joie,  quand  on  a  peint  sa  solitude  et  sa 
tristesse?  Les  tours  sont  làclies.  Si  on  lui  parle 
de  chercher  la  j'aie,  il  sent  qu'elle  fuit  loin  de 
lui,  et  qu'elle  refuse  d'entrer  dans  son  cœur. 
Pourquoi  si  on  lui  parle?  D'ailleurs,  la  grada- 
tion des  pensées  était,  la  Joie  refuse  d'entrer 
dans  SI  n  cœur,  et  fuit  loin  de  lui. 

Têlémaquc  fait  ensuite  des  réllcxions  très-sa- 
ges; mais  les  accessoires  rendent  sou  discours 
Irainaiit,  et  y  répandent  du  désordre. 

f^oilà,  dit-il,  ttn  homme  qui  na-  cherché  qu'à 
se  rendre  heureux  ;  il  a  cru  y  paivenir  pur  les 
richesses  et  par  une  autorité  absolue.  Il  possède 
tout  ce  qu'il  peut  désirer,  et  cependant  ilesi  misé- 
rable par  ses  richesses  et  par  son  autorité  mêmes. 
S'il  était  berger, comme  jeVétais  naguère,  il  se- 
rait aussi  heureux  que  je  l'ai  été;  il  jouirait  des 
plaisirs  innocents  delà  campagne,  et  en  jouirait 
sans  remords.  Il  ne  craindrait  ni  le  for,  ni  le  poi- 
son, n  aimerait  les  hommes,  il  en  serait  aimé  :  il 
n'aurait  point  ces  grandes  richesses  qui  lui  sont 
aussi  inutiles  que  du  sable  ,  puisqu'il  n'ose  y 
toucher;  mais  il  joxiiruit  librement  des  fruits  de 
la  terre,  et  ne  souffrirait  aucun  réritublc  besoin . 
Cet  homme  paraît  faire  tout  ce  qu'il  veut;  mais 
il  s'en  faut  bien  qu'il  ne  le  fasse.  Il  fuit  tout  ce 
que  veulent  ses  pussions  féroces.  Il  est  toujours 
entraîné  par  son  avarice,  par  sa  crainte,  et  par 
ses  soupçons;  il  paraît  maître  de  tous  les  autres 
hommes,  mais  il  n'est  pas  maître  de  lui-même, 
car  il  a  autant  de  maUrcs  et  de  bourreaux  qu'il 
a  de  désirs  violents.  {Télém,.,  liv.  III,  t.  I, 
p.  128.) 

Il  y  a  ici  deux  idées  principales  :  l'une,  que 
Pygmalion  est  malheureux  jiar  ses  richesses  et 
p;u-  son  autorité  même;  et  l'autre,  qu'il  serait 
plus  heureux  s'il  n'était  que  berger.  Aucun  des 
accessoires  propres  à  les  développer  n'échappe  à 
Fénelon,  il  sent  tout  ce  (juil  faut  dire,  il  le  dit, 
cl  il  attache.  Il  serait  dlificile  de  le  trouver  en 
faute  à  cet  égard.  Mais  pourquoi  ne  pas  rappro- 
cher de  chacjuc  idée  principale  les  accessoires 
qui  lui  conviennent'?  Pourquoi,  après  avoir  re- 
marqué (juc  rygmalion  e>t  misérable  par  ses  ri- 
chesses et  par  son  autorité  mêmes,  passer  tout  à 
coup  à  la  seconde  idée,  .l'il  était  berger,  la  dé\  e- 
lopper,  cl  renvoyer  à  la  fin  les  accessoires  de  la 
première?  11  me  semble  ipie  si,  avant  cette  se- 
conde idée,  il  eût  transporté  tout  ce  (ju'il  fait  dire 
•  Télémacjue,  depuis,  cet  homme  paraît  faire 
tout  ce  qu'il  veut,  il  aurait  mis  plus  d'ordre  dans 
le  discours,  et  qu'il  aurait  senti  la  nécessité  de 
l'élaguer. 

Un  beau  morceau  est  celui  où  les  faiblesses  de 
rélcmatiue  dans  l'ilc  de  Chypre  sont  peintes  par 
lui-même,  avec  une  candeur  cpii  inspire  l'aniuur 
delà  vertu.  C'est  à  de  pareds  traits (ju'on  recon- 
naît surtout  et  l'esprit  et  le  cœur  de  Fénelon. 
Pour  être  sur  de  plaire,  cet  homme  respectable 
n'a  eu  qu'à  peindre  son  âme.  Je  criticiuerai  ce- 
pendant encore;  mais,  en  pareil  cas,  on  voit  avec 
plaisir  que  l'on  n'a  à  reprendre  que  des  fautes  de 
style. 

Le  discours  de  Télémaque  roule  sur  trois 
choses  principales.  L'une  est  l'impression  que 
font  sur  lui  les  plaisirs  de  l'ile  de  ChvjM-e;  l'autre 


LIA 

son  abattement,  l'oubli  de  sa  raison  et  des  vertus 
de  son  père;  la  dernière,  ses  remords  tpii  ne  sont 
pas  tout  a  fait  étouffés.  Il  est  dommage  que  ces 
objets  ne  soient  i)as  dévelopiiés  avec  assez  d'ordre. 

D'abord  j'eus  horreur  de  tout  ce  que  je  voyais; 
mais  in-'-en.'siblcment  Je  commençais  a  m'y  ac- 
coutumer; le  vice  ne  m'effrayait  plus,  toutes 
les  compagnies  rn'inspiraienl  Je  ne  sais  quelle 
inclination  pour  le  désordre.  On  se  moquait 
de  mon  innocence;  mu  retenue  et  ma  pudeur 
servaient  de  jouet  à  ces  peuples  effrontés.  On 
n'oubliait  rien  pour  exciter  toutes  mes  pas- 
sions, pour  me  tendre  des  pièges,  et  pour  réveil- 
ler en  moi  le  goût  des  plaisirs.  Je  me  sentais  af- 
faiblir tous  les  jours;  la  bonne  éducation  que 
j'avais  reçue  ne  me  soutenait  presque  plus; 
toutes  mes  bonnes  résolutions  s'évanouissaient. 
Je  ne  me  sentais  plus  la  force  de  résister  au 
mal  qui  me  pressait  de  tous  côtés  ;  j'avais  même 
une  viauvuise  honte  de  la  vertu.  J'étais  comme 
un  homme  qui  nage  dans  une  rivière  profonde  et 
rapide  :  d'abcrd  il  fend  les  eùux,  et  remonte 
contre  le  torrent  :  mais  si  les  bor-ls  sont  escar- 
pés, et  s'il  ne. peut  se  l'eposer  sur  le  rivage,  il  se 
lasse  enfin  peu  d  peu,  et  ses  forces  L'abandon- 
nent; ses  membres  épuisés  s'engourdissent,  et  le 
cours  du  fleuve  l'entraîne.  Ainsi  mes  yeux  cum- 
viençaicnt  à  s'obscurcir,  mon  cœur  tombait  en 
défaillance.  Je  ne  pouvais  plus  rappeler  ni  ma 
raison,  ni  le  souvenir  des  vertus  de  mon  père. 
Le  songe  où,  je  croyais  avoir  vu  le  sage  Mentor 
descendit,  aux  Champs-Elysées ,  achevait  de  me 
décourager  ;  une  secrète  et  douce  langueur  s'em- 
parait de  moi;  j'aimais  déjà  le  poison  flatteur 
qui  se  glissait  de  veine  en  veine,  et  qui  pénétrait 
jusqu'à  la  tnoelle  de  mes  os.  Je  poussais  néan- 
moins encore  de  profonds  soupirs,  je  versais  des 
larrnes  amères  ;  Je  rugissais  comme  un  lion,  dans 
ma  fureur.  O  malheureuse  jeunesse  !  disais-Je. 
O  dieux,  qui  vous  Jouez  cruellement  des  hom- 
mes, pourquoi  les  faites-vous  passer  par  cet  âge 
qui  est  un  temps  de  folie  et  de  fièvre  ardente? 
Oh!  que  ne  suis-je  couvert  de  cheveux  blancs, 
courbé  et  proche  du  tombeau,  comme  Laërte  mon 
aïeul?  La  mort  me  serait  plus  douce  que  la  fai- 
blesse honteuse  où.  Je  me  vois.  {Télém.,  liv,  l'y, 
t.  I,  p.  163  ) 

11  y  a  des  longueurs  dans  ce  morceau,  parce 
que  Télémaque  appuie  trop  longtemps  sur  les 
mêmes  accessoires;  et  il  me  semble  que  tout  se- 
rait beaucoup  mieux  lié  si,  avant ^e  ne  me  sen- 
tais plus  la  force,  on  transportait  une  secrète  et 
douce  langueur  s'emparait  de  moi  ;  j'aimais  déjà 
le  poison  qui  se  glissait  de  veine  en  veine,  et  qui 
pénétrait  jusqu'à  la  moelle  de  mes  os.  Cette 
image  ainsi  transposée  préparerait  ce  que  Télé- 
ma(jue  dit  de  sa  faiblesse,  de  son  impuissance  à 
résister  au  torrent,  de  l'oubli  de  sa  raison,  et  des 
vertus  de  son  père.  Il  [)cint  parfaitenicnt  ses  ef- 
forts et  sa  faiblesse,  lorsqu'il  se  compare  à  un 
homme  qui  nage  contre  le  cours  d'une  rivière; 
mais  cette  comparaison  porte  sur  une  supposition 
fausse,  qu'on  peut  remonter  un  torrent  rapide 
Qu'on  ajoute,  ainsi  mes  yeux  commençaient  u 
s'obscurcir,  la  ligure  ne  parait  pas  assez  soute- 
nue. D'ailleurs  il  y  a  quelque  chose  de  louche 
dans  ce  tour  ;  car  il  semble  d'abord  (pi' il  compare 
ses  yeux  u  l'honune  qui  nage;  et  dans  le  vrai,  il 
ne  les  compare  (ju'a  l'épuisement  où  il  se  le  re- 
présente. 

Mais,  malgré  ces  crili(iucs,  ce  morceau,  je  le 
répète,  est  fort  beau.  Il  est  aisé  d'être  plus  cor- 
rect que  Fénelon,  mais  il  est  difficile  de  penser 


LIA 

mieux  quo  lui  :  il  y  a  des  principes  pour  l'un,  il 
n'yei)  a  puim  juiur  l'autre. 

Voici  une  suiic  d'idées  principales  : 

La  chute  des  empires  vous  fait  sentir  qu'il 
n'est  rien  de  solide  parmi  les  hommes. 

Mais  il  riiits  sera  surtout  utile  et  agréable  de 
réfléchir  sur  la  cause  des  progrès  et  de  la  déca- 
dence des  empires. 

Car  tout  ce  qui  est  arrivé  était  préparé  dans 
les  siècles  précédents. 

Et  la  vraie  science  de  l'histoire  est  de  remar- 
quer les  dispositions  qui  ont  préparé  les  grands 
changements. 

En  effet,  il  ne  suffit  pas  de  considérer  ces 
grands  ecénements;  il  faut  porter  son  attention 
sur  les  wœurs,  le  caractère  des  peuples,  des 
princes  et  de  tous  les  hommes  extraordinaires 
qui  y  Ont  quelque  part. 

Toutes  CCS  idées  sont  liées.  Si  un  esi)ril  ordi- 
naire ne  trouvait  rien  à  y  ajouter,  il  ferait  mieux 
de  s'y  borner  <]uc  d'allonger  ses  phrases  sans  don- 
ner plus  de  jour  ni  plus  de  force  à  ses  pensées. 
Mais  à  un  homme  de  ténie,  elles  se  présentent 
avec  tous  les  accessoires  qui  leur  conviennent, 
et  il  en  forme  des  tableaux  où  tout  est  parfaite- 
ment lié.  Il  n'appartient  qu'à  lui  d'être  plus  long, 
sans  être  moins  précis.  Écoutons  Bossuet. 

Quand  vous  voyez  passer  comme  en  un  instant 
devant  vos  yeux,  je  ne  dis  pas  les  rois  et  les  em- 
pereurs, mais  CCS  grands  empires  qui  ont  fait 
trembler  tout  l'univers;  quand  vous  voyez  les 
Assyriens  anciens  et  nouveaux,  les  Mèdes,  les 
Perses,  les  Grecs,  les  Romains,  se  présenter 
devant  vous  successivement ,  et  tomber,  pour 
ainsi  dire,  les  uns  sur  les  autres,  ce  fracas  ef- 
froyable vous  fait  sentir  quil  n'y  a  rien  de  so- 
lide parmi  les  hommes,  et  que  l'inconstance  et 
l'agitation  est  le  propre  partage  des  choses  hu- 
maines. 

Mais  ce  i/ui  rendra  ce  spectacle  plus  utile  et 
plus  agréable,  ce  sera  la  réflexion  que  vous  fe- 
rez ,  ?ion- seulement  sur  Vélévation  et  sur  la 
chute  des  empires,  mais  encore  sur  les  causes 
de  leurs  progrès,  et  sur  celles  de  leur  décadence. 

Car  ce  incnie.  Dieu  qui  a  fait  Venclunncinent 
de  Vunivers,  et  qui,  tout-puissant  par  Ivi-mêrne, 
a  voulu, pour  établir  l'ordre,  que  les  parties  d'un 
si  grand  tout  dépendissent  les  unes  des  autres; 
ce  Tnème  Dieu  a  voulu  atissi  que  le  cours  des 
choses  humaines  eût  sa  suite  et  ses propoi-iions  : 
je  veux  dire  que  les  hommes  et  les  nations  ont 
eu  des  qualités  proportionnées  à  l'élévation  à 
laquelle  ils  étaient  destinés,  et  qu'à  la  réserve 
de  certains  coups  extraordinaires,  où,  Dieu  rou- 
lait qtie  sa  main  parût  toute  seule,  il  n'est  point 
arrivé  de  grand  changemejit  qui  n'ait  eu  ses 
causes  dans  les  siècles  précédents. 

Et  comme  dans  toutes  les  affaires  il  y  a  ce 
qui  les  prépare,  ce  qui  détermine  à  les  entre- 
prendre ,  et  ce  qui  les  fait  réussir,  la  vraie 
science  de  l'histoire  est  de  remarquer  dans  cha- 
que temps  ces  secrète»  dispositions  qui  ont  pré- 
paré les  grands  changements,  et  les  conjonciares 
importantes  qui  les  ont  fait  arriver. 

En  iffet,  il  ne  suffit  pas  de  regarder  seule- 
ment devant  ses  yeux,  c'est-à-dire  de  considérer 
ces  grands  événements  qui  décident  tout  à  coup 
de  la  fortune  des  empires.  Qui  veut  entendre  i 
fond  les  choses  humaines,  doit  les  reprendre  de 
plus  haut  ;  et  il  lui  faut  observer  les  inclinations 
et  les  mœurs,  ou,  pour  dire  tout  en  xin  mot,  le 
caractère,  tant  des  peuples  dominants  en  géné- 
ral, que  des  princes  en  particulier,  et  enfin  de 


LIB 


450 


tous  les  hommes  extraordinaires  qui, pur  Pim- 
portunce  du  persunnugc  qu'ils  ont  eu  à  faire  dans 
le  monde,  ont  contribué  en  bien  ouen\iual  aux 
changements  des  États  et  à  la  fortune  publique. 
(Disc,  sur  l'hist.  univ.,Hl'.  part.,cliap.  i  et  ii, 
p.  411.) 

Il  n'y  a  rien  à  désirer  dans  ce  passage  :  tout  y 
est  conforme  à  la  plus  grande  liaison  des  idées  ;  je 
n'y  vois  pas  même  un  mot  qu'on  puisse  relran- 
clier  ou  changer  de  place.  (Condillac.)  Voyez 
Construction. 

Liant,  Liante.  Adj.  verbal  tiré  du  t.  lier.  On 
ne  le  met  qu'après  son  subst.  :  Caractère  liant, 
homme  liant. 

LiBÉBAi,,  Libérale.  Adj.  qui  fait  libéraux  an 
pluriel  masculin,  et  qui  ne  se  met  ([u'aprés  son 
subst.  11  se  dit  de  celui  ou  de  celle  qui  fait  pari 
aux  autres  de  ses  propres  biens:  Un  homme  li- 
bellai, une  femme  libérale.  On  dit  aussi  une 
main  libérale.  On  appelle  ar^s  libéraux,  j)ar  op- 
position au<  arts  mécaniques,  ceux  qui  appar- 
tiennent uniquement  à  l'esprit,  et  ceux  où  l'esprit 
a  plus  de  part  que  le  travail  de  la  main. 

Ce  mot  se  dit  depuis  (juelque  temps,  dans  un 
sens  plus  étendu,  de  celui  qui  tend  à  se  dépouil- 
ler de  tout  intéicl  personnel  fondé  sur  l'injustice, 
les  préjugés  ou  l'abus  des  passions,  en  faveur  du 
bien  général,  pour  le  plus  grand  avantage  des 
sociétés  humaines  et  le  bonheur  des  individus 
(lui  les  composent.  .Vu  commencement  on  a  éiran- 
fement  abusé  de  cette  expression  pour  colorer 
les  entreprises  du  despotisme  et  les  extravagances 
dn  l'amb  tien;  aujourd'hui  on  semble  vouloir  la 
rappeler  a  sa  signification  pure  et  naturelle.  Des 
idées  libérales  ,  des  institutions  libérales.  On 
dit  aussi  substantivement  les  libéraux,  pour  dé- 
signer ceux  qui  font  proi'cssion  d'idées  libérales. 
—  Ce  mot,  pris  en  ce  sens,  n'a  point  de  rapport 
à  ce  que  l'on  entend  ordinairement  par  libéralité, 
il  en  a  plutôt  à  ce  que  les  anciens  entendaient  par 
churitas  humani  generis,  et  les  premiers  chré- 
tiens \)V^V  charité,  OU  amour  du  prochain. 

Libéralement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Donner  libéralement;  il  en  a  usé  libéra- 
lement envers  moi. 

LiBÉRALiTK.  Subst.  f.  Cc  mot,  appliqué  à  la 
vertu  à  laquelle  on  donne  ce  nom,  n'a  point  de 
pluriel.  11  en  prend  un  lorsqu'il  se  dit  des  actes 
dont  cette  vertu  est  le  principe  :  César  faisait 
beaucoup  de  libéralités  au  peuple. 

LiBÉBATEOR.  Subst.  m.  On  dit  libératrice  en 
parlant  d'une  femme. 

Liberté,  Subst.  f.  Ce  mot  ne  prend  de 
pluriel  qu'en  parlant  des  libertés  de  l'église  gal- 
licane, des  immunités  et  franchises  que  les  sou- 
verains laissent  ou  accordent  à  certaines  villes, 
à  certaines  provinces,  et  de  certaines  manières 
d'agir  trop  libres  et  trop  familières.  D'après  cela, 
on  peut  reprocher  à  Corneille  d'avoir  dit  dans 
Cintia  (act.  I,  se.  m,  75)  : 

f.a  perte  de  no3  biens  et  de  nos  liberteê. 

Il  est  évident  qu'il  est  question  dans  ce  vers  de 
la  liberté  du  peuple  romain,  et  non  de  franchises 
ou  d'immunités.  Voyez  Franchise. 

Libertin,  Libertine.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Un  jeune  homme  libertin,  une 
vie  libertine,  une  humeur  libertine.  Voyez  Li- 
bertinage. 

Libertinage.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  s'emploie 
plus  guère  qu'en  parlant  du  dérèglement  dans  les 


440 


Lie 


mœurs,  dans  la  coiuliiilc;  autrefois,  il  signifiait 
lieeiue  des  opinions  en  matière  de  religion,  on, 
comme  le  dit  M.  Cousin,  indépendance  d'esprit 
poussée  juMju'a  la  Icmcrité.  Il  y  a  peu  de  vrais 
chrttie/is,je  dis  même  pour  la  fui.  Il  y  en  a  bien 
qui  croient,  niciis  par  superstition  ;  il  y  en  a 
bien  qui  lie  croient  pas,  mais  par  libertinage. 
Peu  sont  entre  deux.  (Pascal,  Pensées,  p.  227.) 

Sagement  cloigiié  même  eu  suit  |Mus  joimc  .Vjt; 
Da  ca;;olismc  et  du  libertinage, 

(J.-B.  Rocss.,  lir.  II,  épitre  IT.) 

Libertin  .s'employait  aussi  dans  le  même  sens  : 

Je  le  soupçonne  encor  d'iîire  un  peu  libertin, 
Je  ne  remarque  point  qu'il  hante  les  églises. 

(Mol.,  Tartufe,  act.  II,  se.  ii.  St.) 

Libidineux,  Libidineuse.  Adj.  Si  ce  mot,  que 
l'Académie  a  recueilli,  a  été  en  usage  autrefois, 
il  ne  l'est  plus  aujourd'hui,  à  moins  que  ce  ne 
soit  en  plnisanlant,  et  pour  affecter  de  se  servir 
d'une  expression  extraordinaire.  Ces!  ainsi,  je 
crois,  et  seulement  ainsi  qu'on  pourrait  employer 
l'exemple  qu'en  donne  l'Académie  :  Appétits  libi- 
dineux. 

Libre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  libre,  vne  femme 
libre.  —  Une  ville  libre,  vn  peuple  libre.  — Une 
profession  libre.  —  Un  air  libre,  une  contenance 
libre. 

Libre  de,  suivj  d'un  subslanlif,signifieexc«;/)/, 
affranchi  de  :  Être  libre  de  soins,  être  libre  de 
soucis.  J'ai  été  jusqu'à  présent  libre  de  tout  en- 
gagement. Racine  a  dit  en  ce  sens  {Iphig.,  act.  I, 
se.  I,  10)  : 

Heureux  qui,  satisfait  de  son  humble  fortune, 
Libre  du  joug  superbe  où  je  luis  attaché. 

Libre  de,  devant  un  verbe,  veut  dire  qui  a  la 
liberté  de  :  J^ous  êtes  libre  d'accepter  ou  de  re- 
fuser. 

Librement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Agir  librement,  il  a  parlé  librement. 

Licence.  Siibst.  f.  En  termes  de  beilos-lellres, 
on  appelle  licence  poétique  une  ineorreelion,  une 
irrégularité  de  langage  permise  en  faveur  du 
nombre,  de  l'harmonie,  de  la  rime,  ou  de  l'élé- 
gance des  vers.  C'est  une  ellipse  qui  sort  des 
règles  de  la  syntaxe,  comme  dans  ces  exemples  : 

Je  t'aimais  inconstant,  qu'aurais-je  fait  fidèle? 

(Rac,  jlndrom.,  act.  IV,  se.  r,  91.) 

Peuple  roi  que  je  sers, 
Commandei  à  César,  César  à  l'univers. 

C'est  une  voyelle  supprimée,  parce  qu'elle  altère 
la  mesure  si  on  ne  la  compte  pas,  ou  qu'elle  af- 
faiblit le  nombre  et  le  sentiment  de  la  cadence  si 
on  la  com[»tc  pour  une  syllabe.  Tel  est  Ve  muet 
d'assiduemoil ,  d'ingénuement ,  d'enjouement, 
d'eff'raicra,  d'avouera,  d'encore,  do  gaieté,  parrc 
qirilne  ferait  piis  à  l'oreille  un  temps  assez  marqué. 
C'est  de  même  une  consonne  supi)rimée  en  faveur 
de  l'élisionou  de  la  rime.  Ainsi,  dans  les  noms  de 
villes,  Naples,  Londres,  Athènes,  etc. ,  il  est  permis 
au  poëte  d'écrire iVa/)/e,  Londre,  Athène,  sans  .y; 
ainsi,  à  la  première  personne  de  certains  verbes, 
comme  je  dnis,  je  vois,  je  produis,  je  frémis,  je 
lis,  j'avertis,  les  poêles  se  sont  permis  de  ra- 
Iranchcr  le  «,  et  d'écrire,  je  doi,je  voi,  je  pro- 


LIE 

dui,je  frémi,  etc.  Ce  sont  aussi  dos  abverbcs  ab- 
solus mis  à  la  place  des  adverbes  relatifs,  comme 
alor.i  que,  cependant  que,  au  lieu  de  lorsque,  pen- 
dant que.  C'est  quclipiefois  le  ne  supprimé  de 
l'interrogation  négative,  comme  lorsqu'on  dit, 
sarez-rous  pas,  royez-vorts  pas,  dois-je  pasf 
au  lieu  de  ne  savez-rous  pas,  ne  voyez-vous  pas, 
ne  dois-je pas?  Enfin,  ce  sont  ([uchiues  inver- 
sions peu  forcées,  mais  qui,  n'ayant  pas  pour 
raison  dans  la  prose  la  nécessité  du  nombre,  de 
la  rime  et  de  la  mesure,  y  [laraitridcnt  çratuile- 
ment  employées,  quoiqu'elles  fussent  quelque- 
fois très-favorables  a  l'harmonie,  et  que  par  con- 
séquent il  fût  à  désirer  (jue  l'usage  les  y  reçût. 
On  les  trouvera  presque  toutes  rassemblées  dans 
ces  vers  de  la  Henriade,  où  la  Discorde  dit  à 
l'Amour  (IX,  7J)  : 

Ah  !  si  de  la  Discorde  allumant  le  ti$nn. 
Jamais  à  tes  fureurs  tu  milas  mon  poiton, 
Si  tant  de  fois  pour  loi  j'ai  troublé  la  nature. 
Viens,  vole  sur  mes  pas,  viens  venger  mon  injure. 
Un  roi  victorieux  écrase  mes  serpents; 
Ses  mains  joignent  l'olive  aux  lauritrs  triomphants; 
La  Clémence,  avec  lui  marchant  d'un  pas  tranquille. 
Au  sein  tumultueux  de  la  guerre  civile, 
Va,  $ous  ses  étendards  flottants  de  tou$  côtés, 
Réunir  tous  les  cœurs,  par  moi  seule  écartés; 
Encore  une  victoire,  et  mon  trône  est  en  poudre. 
Aux  remparts  de  Paris  Henri  porte  la  foudre. 
Ce  héros  va  combattre,  et  vaincre  et  pardonner. 
De  cent  chatnes  d'airain  son  bras  va  m'enchaincr. 
C'est  à  loi  d'arrêter  ce  torrent  dans  sa  course. 
"Va  de  tant  de  hauts  faits  empoisonner  la  source. 
Que  sous  ton  joug.  Amour,  tl  gémisse  abattu; 
Va  dompter  son  courage  au  sein  de  la  vertu. 

(Marmontel.) 

LicENciEDSEMr.KT.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Il  a  parlé  licencieusement ,  vivre  li- 
ceticieusement. 

Licencieux,  Licencieuse.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst,  :  Une  vie  licencieuse,  pa- 
roles licencieuses,  discours  licencieux. 

Licite.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
«ju'aprèsson  subst.  :  Une  chose  licite,  vue  action 
licite. 

Licitement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Cela  se  peut  licitement. 

Licol  ou  Licou.  Subst.  m.  Le  premier  ne  se 
dit  qu'en  vers,  licvant  une  voyelle,  pour  éviter 
l'hiatus.  Hors  de  là  on  dit  toujours /tcoK. 

Lien.  Siibst.  m.  On  prononce  lien.  Féraud 
prétend  qu'il  ne  se  dit  au  pluriel  que  dans  le 
sens  figuré.  Les  liens  dont  lu  pudeur  enchaînait 
mon  sexe.  11  se  trompe;  on  dit  au  propre  des 
liens.  L'Académie  dit  en  ce  sens,  faire  des 
liens. 

L'Académie  ne  dit  point  les  liens  de  la  vie. 
Voltaire  l'a  dit  dans  la  Mort  de  César  (act.  Il, 
se.  IV,  4S)  : 

J'ai  traîné  Ici  liens  de  mon  indigne  vie 
Tant  qu'un  peu  d'espérance  a  flatté  ma  patrie. 

Lieu.  Subst.  m.  11  ne  faut  pas  le  confondre 
:w ce  endroit.  Lieu  marque  un  total  d'espace  ; 
endroit  n'indique  proprement  que  la  partie  d'un 
espace  plus  étendu.  Bien  des  gens  de  province 
disent  mal  à  propos,  notre  endroit,  pour  dire 
notre  ville  ou  notre  village. 

Corneille  a    dit    dans    Polyeucte   (act.    l'y 
se.  m,  67): 

Et  sans  me  laies'r  lii".i  de  tourner  en  arriére. 


LIN 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Sans  me  laisser 
lieu  est  une  expression  de  prose  rampante.  [Be- 
marques  sur  Corneille.) 

Au  lieu,  prciiosilion  qui  régit  de  :  Av  lieu  de 
lui,  au  lieu  de  faire.  Il  se  met  au  commence- 
ment de  la  phrase  :  Ju  lieu  de  venir,  il  s'est  en- 
fui ;  ou  au  second  membre:  Il  s'est  enfui  au 
lieu  de  venir. 

Ligneux,  I.igm.use.  Adj.  Du  h['\nlignum,  buis, 
de  la  nature  du  bois.  On  mouille  ^/i  ••  Plantes  li- 
gneuses. 

*  Liminaire.  Adj.  des  deux  genres.  On  disait 
autrefois  une  épître  liminaire ,  au  lieu  d'une 
épttre  préliminaire.  On  ne  le  dit  plus  aujour- 
d'hui. 

LiMiTROPnK.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Pays  limitrophe,  pro- 
vince limitrophe. 

LiMONEDX,  LiMONEOSE.  Adj.  qui  ne  se  mot  qu'a- 
près son  subsl.  :  Terre  limoneuse,  terrain  li- 
moneux. 

LiJiPiDE.  Adj.  des  deux  genres.  On  peul  li; 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Une  eau  limpide,  les  limpide.'; 
eaux  de  ce  ruisseau. 

Lingual,  Linguai,e.  Adj.  L'!<  se  prononce  ou. 
iSerf  lingual.  — Consonne  linguale.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.,  et  n'a  point  de  pluriel  liias- 
culin. 

Ce  mot  vient  du  latin  lingua,  langue,  et  signi- 
fie qui  a  rapport  à  l;i  langue,  qui  en  dépend.  On 
appelle  en  grammaire,  articulations  linguales, 
celles  qui  dépendent  principalement  du  mouve- 
ment do  la  langue;  et  consonnes  linguales,  les 
lettres  ([ui  représentent  ces  articulations.  Dans 
notre  langue,  comme  dans  toiMcs  les  autres,  les 
articulations  linguales  sont  les  i)lns  nombreuses, 
parce  que  la  langue  est  la  principale  des  parties 
organiques  nécessaires  à  la  production  de  la  pa- 
role. Nousenûvons  en  français  jusqu'à  treize, 
que  les  uns  classifient  d'une  manière  et  les  au- 
tres d'une  autre.  Beauzée  divise  les  consonnes 
linguales  en  quatre  classes,  qui  sont  les  dentales, 
les  sifflantes,  les  liquides  el  les  mouillées. 

11  appelle  d!e7j/a/e.y,  celles  qui  paraissent  exiger, 
-l'une iinanière  plus  marquée,  que  la  langue  s'ap- 
puie contre  les  dents  pour  les  produire.  Nous  en 
avnnscinq,  n^d,  t,  g,  q.  Les  trois  premières,  ?;,  d, 
t,  exigent  que  la  pointe  de  la  langue  se  porte  vers 
les  dents  supérieures,  comme  pour  retenir  le  son. 
L'articulation  n,  puisqu'elle  en  repousse  une 
partie  par  le  nez,  est  une  articulation  nasale. 
Les  deux  autres,  d  et  t,  sont  purement  orales, 
et  ne  diffèrent  entre  elles  que  par  le  degré  d'ex- 
l)losion  plus  ou  moins  fort  que  reçoit  le  son  quand 
la  langue  se  sépare  des  dents  supérieures,  vers 
lesquelles  elle  est  d'abord  portée;  ce  qui  fait 
que  l'une  de  ces  articulations  est  faible  et  l'autre 
forte. 

Les  deux  autres  articulations,^  et  7,  ont  entre 
idles  la  même  différence,  la  première  étant  faibli^, 
et  la  seconde  forte;  et  elles  diffèrent  des  trois 
premières,  en  ce  qu'elles  exigent  que  la  pointe 
de  la  langue  s'appuie  contre  les  dents  inférieu- 
res, quoique  le  mouvement  explosif  s'opère  vers 
la  racine  de  la  langue.  Ce  lieu  du  mouvement  or- 
ganique a  fait  regarder  ces  articulations  comme 
gutturales  par  plusieurs  auteurs.  Mais  elles  ont 
de  commun  avec  les  trois  autres  articulations 
dentales,  de  procurer  l'explosion  au  son,  en  aug- 
mentant la  vitesse  par  la  résistance,  et  d'appuyer 
la  langue  contrôles  dents,  ce  qui  semble  leur  as- 
signer plus  d'analogie  avec  celles-là  qu'avec  l'ar- 


LIR 


441 


liculation  gutturale  Ji,  qui  ne  se  sert  point  des 
dents,  et  ipii  procure  l'explosion  au  son  par  une 
augmentation  réelle  de  la  force. 

Les  articulalions  linguales  sifflantes  diffèrent 
en  ce  qu'elles  peuvent  se  coniinuer  (piclquc 
temps,  et  devenir  alors  une  espèce  de  sifUemont. 
Nous  en  avons  quatre,  z,  s,  j,  ch.  I.cs  doux  pre- 
mières exigent  une  disposition  org;mi(pio  toute 
différente  d'os  deux  autres,  el  elles  diflércnt  sou- 
vent du  fort  au  faible,  ainsi  que  les  deux  dernières. 

Les  articulations  linguales  liquides  sont  ainsi 
nommées  i)arco  qu  elles  s'allient  si  bien  avec 
plusieurs  autres  arliculitions,  (ju'elles  n'en  pa- 
raissent plus  faire  ensemble  qu'une  seule.  Nous 
en  avons  deux,  /  et  r.  La  première  s'opère  d'un 
seul  coup  do  langue  vers  le  palais;  la  seconde 
est  l'effet  d'un  trémoussement  réili'ré  delà  langue. 

Pour  ce  qui  est  des  articulations  mouillées, 
continue  Beauzée,  je  n'entreprendrai  pas  d'assi- 
gner l'origine  de  celte  ilénomination  :  je  n'y  en- 
tends rien,  à  moins  que  le  mol  mnuillé  lui-mcmc, 
donné  d'abord  en  exemple  du  l  mouillé,  n'en  soit 
devenu  te  nom,  et  ensuite  de  gn  par  compagnie. 
Ce  sont  les  deux  seules  articulations  mouillées 
que  nous  ayons  Voyez  L. 

LiQUATioN.  Subst.  f.  Qua  se  prononce  coua; 
et  ti,  ci. 

LiQDÉFACTioN.  Subst.  f.  On  fait  sentir  Vu,  el 
ti  se  prononce  comme  ci. 

Liquéfier.  V.  a.  de  lai"  conj.  Que  se  pro- 
nonce ké. 

Liquidation.  Subsl.  f.  Qui  se  prononce  hi. 

Liquide.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  se  pro- 
nonce ki:  Corps  liquides.  — Confitures  liquides. 
—  Consonnes  liquides.  —  Argent  liquide.  En 
prose,  il  ne  s(î  met  qu'après  son  subst.  Les 
poêles  ont  ilil  le  liquide  clément,  les  liquides 
plaines,  pour  dire  la  mer.  —  En  grammaire,  on 
appelle  consonnes  liquides,  les  deux  linguales  l 
et  r.  Voyez  Linguales. 

LiQuor.EUx,  LiQuosKusE.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  f^in  liquoreux,  boisson  li- 
quoreuse. 

Lire.  V.  a.  et  irrég.  de  la  4"  conj.  Voici  com- 
ment il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  lis,  tu  lis,  il  lit;  nous 
lisons,  vous  lisez,  ils  \\%cw\..— Imparfait,  .le  lisais, 
tu  lisais,  misait;  nous  lisions,  vouslisiez,  ils  li- 
saient. —  Passé  simple.  Je  lus,  lu  lus,  il  lut  ; 
nous  liimcs,  vous  lûtes,  ils  lurent.  —  Futur.  Je 
lirai,  lu  liras,  il  lira;  nous  lirons,  vous  lirez,  ils 

liront.  ,  X     .     ■         1-    • 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  brais,  lu  lirais, 
il  lirait  ;  nous  lirions,  vous  liriez,  ils  liraient. 

Impératif.  —  Présent.  Lis,  qu'il  lise;  lisons, 
lisez,  qu'ils  lisent. 

Subjonctif.  —Présent.  Que  je  lise,  que  lu 

lises,  qu'il  lise;  que  nouslisions,  (jucvous  lisiez, 

qu'ils  lisent.  —  Imparfait.  t,)ue  je  lusse,  (pie  tu 

lusses,  qu'il  lût  ;  iiue  nous  lussions,  que  vou? 

'  lussiez,  qu'ils  lussent. 

'      Participe.— /'rc«e/i<.  Lisant.  —  Passi:.  Lu,  lue. 
I      Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxiliaire 

'  avilir.  •     ,  ■     o 

i      On   demande  s'il  faut  dire,   lis-jc  bien  f  on 
'  lisé-jebien?  Je  pense  qu'on  ne  doit  dire  ni  I  un 
ni  l'autre;  ces  phrases  sont  trop  dures  a  1  oreille. 
On  dit  est-ce  que  je  lis  bien?  , 

'       On  dit  figurémcnt  lire  dans  la  pensée  de  quel- 
qu'un, dans   les  yeux  de  quelqu'un;  lire  dans 
l'avenir.  On  dit  aussi  lire  quelque  chose  sur  le 
visage  de  quelqu'un  Je  lis  voire  pensée  sur  votre 
i  visage. 


442 


LIT 


Il  se  dognise  en  lain,  je  li<  sur  son  vitage 
Des  fiers  Domitius  l'humeur  Irisle  et  sauva;;e. 

(Rac,  Bri<a7..,  act.  I,  se.  1,  35.) 

Mais  on  ne  dit  pas  lire  sur  un  journal,  lire  sur 
un  registre.  11  faut  dire  lire  dans  un  j'iurnul, 
dtms  un  registre  :  J'ai  lu  cette  nouvelle  dans 
un  journal. 

Lis.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'on  prononce 
le  s  (iiiaiid  il  s'agit  de  la  fleur  ou  de  la  plante  qui 
la  poile,  et  (|uand  on  dit  un  teint  de  lis;  mais 
qu'on  ne  le  prononce  jtoint  en  termes  d'armoiries, 
c'cst-à-iîiie  en  parlant  de  cette  ligure  de  trois 
fleurs  de  lis  liées  ensemble,  desquelles  celle  du 
milieu  e^l  droite,  et  les  deux  autres  ont  les  som- 
mités penchantes  et  courliées  en  dehors.  — Mais 
l'Académie  nous  dit  aussi  que  dans  l'expression 
poétique  Vempire  des  lis,  on  prononce  le  s. 

S'il  en  est  ainsi,  ceux  qui  disent  la  décoration 
du  lis,  en  jM'ononçant  le  s,  prononcent  mal  ;  car 
il  s'agit  de  la  fleur  de  lis  dont  parle  l'Académie, 
et  qui  fait  partie  des  armoiries  de  la  France. 

Du  resie,  je  jiense  qu'il  en  est  du  mot  lis 
comme  de  celui  de  fîls,  dont  ]ilusieurs  personnes 
font  sentir  le  5  dans  la  conversation,  parce  qu'ils 
entendent  prononcer  ainsi  au  théâtre.  Il  me 
semble  <iuo,  dans  le  discours  ordinaire,  on  dit 
des  lis,  et  non  pas  des  lisses,  soit  en  pariant  de 
la  fleur  ou  de  la  piaule,  soit  en  parlant  d'armoi- 
ries, toutes  les  fois  que  ce  mot  ne  se  lie  point 
avec  le  mot  suivant,  commençant  par  une 
voyelle.  On  dit  des  lis  blancs,  des  lis  jauties ,  et 
non  pas  des  lisses  blancs,  des  lisses  jaunes  ; 
mais  les  poètes  permettent  d'indiquer  ce  mot  avec 
la  prononciation  du  s  final,  lorsque  cette  pronon- 
ciation leur  donne  une  rime;  et  ils  suppriment 
aussi  ce  «  lorsque  cela  leur  parait  plus  commode  : 

Là  sur  un  trône  d'or  Charlemagne  et  Clovis 
Veillent  du  haut  des  cieux  sur  l'empire  des  lis. 

(YoLT.,  Henr.,  vu,  247.) 

Ici  le  S  final  doit  être  prononcé.  Voici  un  autre 
vers  où  il  ne  doit  pas  l'être  : 

Henri  dans  ce  moment  voit  sur  des  fleurt  de  lis 
Deux  mortels  orgueilleux  auprès  du  trùne  assis. 

(YoLT.,  Henr.,  vu,  327.) 

—  Ces  deux  exemples  ne  peuvent  servir,  selon 
nous,  qu'à  confirmer  les  réaies  données  par  l'Aca- 
démie. 

LiSELT.,  Lecteur.  Substantifs  masculins.  Li- 
seuse, lectrice.  Substantifs  féminins.  On  appelle 
lecteurs,  lectrices,  ceux  ou  celles  dont  l'emploi 
est  de  lire  à  des  persuiuies  qui  les  écoutent  ou 
qui  devraient  les  écouter.  On  doit  appcXav  liseuis 
ou  liseuses,  ceux  ou  celles  qui  ne  lisent  que 
pour  leur  instruction  ou  pour  leur  plaisir. 

Lisible.  Adj.  des  deux  genres.  Écriture  li- 
sible, caractère  lisible.  11  ne  se  met  qu'aiircs  son 
subst. 

Lisiblement  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  i)articipe  :  Cela  est  écrit  lisible- 
ment, cela  est  lisHAcme nt  écrit. 

Lisse.  Adj.  des  deux  genres.  Une  étoffe  lisse , 
un  corps  lisse.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Lit.  Subst.  m.  L'Académie  dit  être  au  lit  de 
la  mort,  au  lit  de  mort. 

Ma  mère  au  lit  de  mort  a  reçu  nos  promesses. 

(YoLT.,  a=t.  V,  se.  III,  41.) 

JVacine  a  employé  ce  mot  dans  un  sens  que  l'A- 
cadémie n'indique'  point . 


LIV 

Ai-je  dû  mettre  au  jour  l'opprobre  de  (on  (i(? 

(llAC,  /'Md.,  aol.  Y,  se.  i,  U.) 

LiTEACx,  Linteau.  La  ressemblance  du  son 
fait  quelquefois  confondre  ces  deux  mots  dans  le 
langage  familier.  Liteaux  se  dit  des  raies  cok/- 
récs  qui  traversent  certaines  toiles  d'une  lisière  à 
l'autre.  11  n'y  a  que  les  pièces  de  toiles  jdeinca 
destinées  à  faire  des  nappes  et  dos  serviettes  i\[.i 
aient  des  liteaux.  —  Linteau  se  dit  d'une  pièce 
de  bois  qui  se  met  au  travers  d'une  i>oric  ou 
d'une  fenêtre,  poursoutenir  la  mai;onncrie. 

Litigieux,  Litigieuse.  Adj.  Droits  litigieux, 
affaires  litigieuses.  Il  nc  se  met  (ju'aprcs  son 
subst. 

Litote.  Subst.  f.  Terme  de  lilléraluro.  La  li- 
tote, dit  Duinarsais,  est  un  trope  par  lequel  on 
se  sert  de  mots  qui,  à  la  lettre,  paraissent  affaiblir 
une  pensée  dont  011  sait  bien  que  les  idées  ac- 
cessoires feront  sentir  toute  la  force.  On  dit  le 
moins  par  modestie  ou  par  égard,  mais  on  sait 
bien  que  le  moins  réveillera  l'idée  du  plus.  Dans 
le  Ci(i,  quand  Chimène  dit  à  Rodrigue  (act.  m, 
se,  IV,  115)  : 

Ya,  je  ne  te  hais  point, 

elle  lui  fait  entenonre  bien  plus  que  ces  mots-là 
ne  signifient  dans  leur  sens  propre. 

Il  en  est  de  même  de  ces  façons  de  parler,  je 
ne  puis  vous  louer,  c'est-à-diie,  je  blâme  votre 
conduite;  je  ne  vièprise pus  vos  présents,  signi- 
fie que  j'en  fais  beaucoup  de  cas  ;  il  n'est  pas 
sot,  veut  dire,  il  a  plus  d'esprit  que  vous  ne 
croyez;  il  n'est  pas  poltron,  fait  entendre  qu'il  a 
du  courage;  Pythagore  n'est  pus  un  auteur  vié- 
prisable,  c'est-a-dire  que  Pythagore  est  un  au- 
teur qui  inérile  d'être  estimé  ;  je  ne  suis  pas 
difforme,  veut  dire  modestemenl  iju'on  est  bien 
fait,  ou  du  moins  (pi'on  le  croit  ainsi.  —  On  ap- 
pelle aussi  cette  figure  exténuation  ;  elle  est  op- 
posée à  l'hyperbole. 

Littéraire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Société  littéraire,  journal 
littéraire,  noureIl.es  littéraires,  mémoires  litté- 
raires, anecdote  littéraire,  dispute  littéraire.  Il 
ne  se  dit  que  des  choses. 

Littéral,  Littérale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Sens  littéral,  explication  litté- 
rale. L'Académie  nc  dit  point  s'il  a  un  pluriel  au 
masculin.  Le  P.  Berruycr  a  dit  des  commentaires 
littéraux,  et  quehiucs  autres  littérateurs  ont  fait 
usage  de  ce  pluriel. 

Littéralement.  Adv.  Il  ne  se  met  point  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  li  a  expliqué  licté- 
raleiiicnt  ce  passage. 

Littérateur.  Subst.  m.  L'Académie  ne  ilil point 
comment  il  faut  appeler  une  femme  qui  est  versée 
dans  la  littérature.  Nous  pensons  qu'il  n'y  a 
point  d'inconvénient  à  dire  littératrice. 

Livide.  Adj.  des  deux  genres.  Teint  livide, 
lèvres  livides.  On  peut  le  mettre  avant  Sun  subst., 
lorsque  l'analogie  et  l'harinoiiie  le  peiincltcnt  : 
Cette  livide  fiqurc  s'offrait  sans  cesse  à  mon 
imagination.  Voyez  Adjectif. 

Livrer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  ne  dit 
pas  livrer  à  la  mort,  au  trépas,  au  supplice. 

Ktfais  livrer  sans  crainte  aux  supplices  tout  prêts 
L'assassin  de  ton  Gis  et  l'ami  d'.'Uvarez. 

(YoLT.,  Àl:.,  acl.  Y,  se.  V,  4.) 

Delillc  a  dit  aussi,  dans  un  sens  que  n'indiçiua 
point  l'Académie  : 


LOI 

combien  de  son  bonheur  l'homme  aisément  s'eniTrc! 
Sans  prétoir  l'avenir,  an  présent  il  se  livre. 

(Delil.,  Éneid.,  X,  643.] 

Local,  Locale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Mouvement  local,  coutume  locale  ;  usages 
locaux. 

LocATis.  Subst.  m.  Cheval  do  louage.  On  pro- 
nonce le  5  Unal.  Ce  mot  est  familier  eï  peu  usité. 

Logeable.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  sou 
subst.  :  Une  maison  logeable. 

Loger.  V.  a.  et  n.  de  la  i"conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  j;  et 
pour  lui  conserver  cette  prononciation  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
devant  cet  a  ou  cet  o  :  Je  logeais,  logeons,  et  non 
pas  je  Ingiiis,  lagons. 

Logis.  Subst.  m.  Selon  Bouhours,  les  honnêtes 
gens  disent  il  est  venu  au  logis;  il  a  dîné  au 
logis  ;  il  n'y  a  que  le  peuple  qui  dise  il  est  venu 
à  la  maison.  — .aujourd'hui  c'est  tout  le  con- 
traire, les  gens  du  monde  ne  disent  jamais  le 
logis,  mais  la  maison.  La  petite  bourgeoisie  et 
le  peuple  ilisent  le  logis. 

LoGOGRipnn.  Subst.  m.  Terme  do  littérature. 
Espèce  de  symbole  ou  d'énigme  consistant  prin- 
cipalement "dans  un  mot  qui  en  contient  plu- 
sieurs autres,  et  qu'on  propose  à  deviner,  comme 
par  exemple  dans  le  mot  Rome  on  trouve  les 
mots  or,  re  note  de  musique,  mer. 

Logomachie.  Subst.  f.  Ce  mot  vient  du  grec,  et 
signifie  dispute  de  mois.  Il  se  prend  toujours 
dans  un  sens  défavorable.  On  lui  donne  trois 
sens  divers.  Il  signifie  :  1"  une  dispute  en  paroles 
ou  injures  ;  2°  une  dispute  de  mots,  et  dans  la- 
quelle les  disputants  ne  s'entendent  pas;  3°  une 
dispute  sur  des  choses  de  nulle  importance. 

*  Logo-diarrhée.  Subst.  f.  Mot  inusité,  em- 
ployé en  plaisantant  par  Voltaire  :  Je  me  suis 
abandonne  au  flux  de  7na  jihinie ;  j'ai  la  logo- 
diarrhée,  et  je  barbouille  inutilement  du  papier 
pour  vous  dire  des  choses  que  vous  savez  mieux 
que  moi. 

Lon.  Adv.  Il  est  quelquefois  précédé,  quel- 
quefois suivi  de  la  préposition  de  :  Loin  d'eux 
s'enfuyait  le  doux  sommeil.  (Fénel.  ,  Télém., 
liv.  XXI,  t-  ii>  290.)  Cela  est  beau  de  loin.  Loin 
de  se  met  queWjuefuis  au  commencement  de  la 
phrase,  par  manière  d'interjection  :  Loin  d'ici 
les  profanes!  Loin  de  nous  ces  héros  sans  hu- 
7nanité.'  (Boss.,  Orais.  fun.  du  prince  de  Condé, 
p.  305.)  Quelques  poêles,  et  particulièrement 
Delille,  disent  loin  tout  seul  [Jardins,  iv,  165)  : 

Loin  ces  rains  monuments  d'un  chien  on  d'an  oiseau. 

—  De  loin  se  met  ordinairement  après  le  verbe, 
même  dans  les  temps  composés  :  Il  a  prévu  de 
loin  ce  qui  arriverait,  et  non  pas  il  a  de  loin 
prévu.  Quelciuefois,  cependant,  il  est  mieux  de  le 
placer  avant,  afin  qu'il  ne  sépare  pas  le  verbe  de 
Sun  régime  :  Ce  prince  qui  de  loin  avait  pn'-vu 
lesprcjds  de  l'ennemi. 

L' -académie  dit  loin  à  loin,  de  loin  à  loin,  et 
donne  pour  exemples  de  ces  phrases  adverbiales, 
planter  des  arbres  loin  à  loin.  Les  hameaux,  les 
maisons  y  sont  semés  loin  à  loin.  Il  ne  me  vient 
plus  voir  que  de  loin  à  loin.  —  On  est  surpris  de 
trouver  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  cette 
ancienne  locution,  que  l'on  n'emploie  plus  au- 
jourd'hui. Nos  bons  auteurs  disent  généralement 
de  loin  en  loin. 

Non  loin  de,  expression  adverbiale.  C'est  la 
raême  chose  qneprèsde;  sinon  que  le  premier 


LON 


443 


est  plus  élégant,  et  tient  davantage  au  style 
noble:  Dans  les  montagnes  de  la  .^aric,  non 
loin  de  la  route  de  Brùinçon.  (Marinonlel.) 

iVon  {oïnde  ce  rivage,  un  bois  somhro  cl  Iranquille 
Sous  les  ombrages  fraij  présente  un  doux  asile. 

(Volt.,  Hcnr.,  i,  193.) 

Bien  loin,  conjonction,  est  suivi  ou  de  la  prépo- 
sition de  avec  l'infinitif,  ou  de  que  avec  le  sub- 
jonctif: Bien  loin  à'obéir,  bien  loin  qu'i7  le  fusse. 
On  dit  souvent  loin  de,  au  lieu  de  bien  loin  de; 
m;iis  ce  dernier  est  plus  expressif. 

Les  dieux  ont  prononcé  ;  loin  de  leur  contredire, 
C'est  à  vous  de  passer  du  coté  de  l'empire. 

(Rac,  Britan.,  act.  II,  se.  m,  61.) 

Loin  que  le  chef  ait  un  intérêt  naturel  au 
bonheur  des  particuliers...  (J.-J.  Rousseau.) 

Bien  loin  équivaut  à  une  iiégutin ;  ainsi  il 
doit  e'cigcr  le  suljjonctif  dans  les  cas  où  la  néga- 
tion l'exige.  Il  faut  donc  dire,  bien  bun  de  con- 
venir qu'il  y  ait  du  sublime  dans  les  paroles  que 
Moïse  fait  prononcer  à  Dieu  au  commencement 
de  la  Genèse  ;  et  non  pas  comme  Boileau,  bien 
loin  de  convenir  qu'il  y  a,  etc.  (X'  Réflexion  sur 
Longin);  car  on  dirait  avec  la  négative,  vous  ne 
convenez  pas  qu'il  y  ait  du  sublime  dans  ces 
paroles. 

Lointain,  Lointaine.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  Iharmonie 
le  permettent  :  Pays  lointains,  régions  lointaines, 
climats  lointains,  lointains  climats. 

El  le  berger  connaît,  par  d'assuré:"  présages. 
Quand  il  doit  éviter  les  lointains  pSlnrages. 

(Delil.,  Géorg.,  i,  425.) 

Loisible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Cela  est  loisible,  n'est  pas 
loisible.  Il  vous  est  loisible  de  penser  ainsi. 

Loisir.  Subst.  m.  I!  régit  quelquefois  la  pré- 
position de  avec  l'infinitif:  Avoir  le  loisir  de 
faire  une  chose.  Quand  il  ne  régit  pas  l'infinitif, 
on  dit  avoir  du  loisir,  ou  être  de  loisir:  J'ai 
du  loisir,  ètes-rous  de  loisir?  Mais  dans  le  cas 
contraire,  il  faut  employer  le  verbe  avoir:  Area- 
vousle  loisir  d'écrire  cette  lettre?  et  non  pas, 
ètes-vous  de  loisir  d'écrire  cette  lettre  ? 

Long,  Longue.  Adj.  On  le  met  souvent  avant 
son  subst.  :  Une  robe  longue,  une  longue  robe  ; 
une  allée  longue,  une  longue  allée;  avoir  la  barbe 
longue,  une  lon'juc  barbe.  Delille  a  dit  [Énéid., 
IV,  1015)  : 

Levant  un  lonrj  regard  Tcrs-  le  céleste  empire. 

Voyez  Adjectif. 

Longtemps  .\dv.  On  peut  le  mettre  au  com- 
mencement de  la  phrase,  ou  après  le  verbe,  ou 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Longtemps  il 
refusa  de  nous  suivre  ;  il  a  résisté  longtemps, 
il  a  longtemps  résisté. 

.\vec  après,  longtemps  cesse  d'être  adverbe, 
et  alors  on  en  fait  deux  mots  distincts  :  Après  un 
si  long  temps. 

LoNcnEMENT.  Adv.  L'm  ne  se  prononce  point  ; 
il  n'est  la  que  pour  donner  au  g  un  son  fort,  qu'il 
n'a  pas  devant  l'e.  On  peut  (luclquefois  mettre 
cet  adverbe  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il 
a  parlé  longuement.  Il  a  longuement  discuté  sur 
cette  matière. 

LoNGCEtR,  Longoecbs.  Subslantlfs  féminins. 


444 


LON 


Termes  ilc  lilliTalurc.  La  longueur  d'un  discours, 
c'est  son  otciuliic.  Mais  \):\v  longueurs,  on  eiileiid 
les  di'faiils  tlu  slylc  tjiii  coiisislcnt  à  'lire  dos 
choses  inulilos  an'  dcvcluppiMiienl  <1ps  iiltos,  et 
qui  n'y  sont  pas  natiirollonienl  liées.  D'aiiréscola, 
un  discours  |>eul  être  long  sans  avoir  des  lon- 
gueurs, cl  il  peut  a\oir  des  longueurs  sans  être 
long. 

Dans  loul  discours,  dit  Condillac,  il  y  a  une 
idée  par  où  l'on  doit  coinnicnccr,  une  par  où 
l'on  doit  linir,  cl  d'aulrcs  ywv  où  l'on  doit  jjasser; 
la  ligne  est  Iraccc.  tout  ce  qui  s'en  écarte  est  su- 
perflu. Or,  on  s'en  écarle  en  insérant  des  choses 
élrangcres,  enrcpéianl  cequia  déjà  été  dit,  en  s'ar- 
rêlant  sur  des  détails  inutiles.  Ces  défauts,  s'ils 
sont  IVéqucnls,  refroidissent  le  discours,  l'énor- 
vcnt.  tiu  Miémo  rnhscurcisseiit.  Le  lecteur  fatigué 
perd  le  (il  des  idées  (pi'on  n'a  jjassu  lui  rendre  sen- 
sible; il  n'entend  plus,  il  ne  sent  plus,  et  les  jilus 
grandes  beautés  auraient  peine  a  le  tirer  de  sa 
léthargie. 

On  serait  court  et  précis,  si  l'on  concevait  bipn, 
et  dans  leur  ordre,  toutes  les  pensées  qui  doivent 
développer  le  sujet  qu'on  traite.  C'est  donc  de  la 
manière  de  concevoir  cpie  naissent  \Q^lnngvc%irs 
de  style,  vice  contre  leiiviel  on  ne  saurait  trop  se 
précautionner,  et  qu'on  n'évitera  pas,  si  on  s'é- 
carte des  règles  tirées  du  principe  de  la  liaison 
des  idées,  ^oyez  Liaison,  Ci  nstniction. 

L'abbé  Dubos  veut  dire  que  l'imitation  ne 
nous  remue  (pie  i)arce  que  les  objets  imités  nous 
auraient  remués;  mais  que  l'impression  en  est 
moins  durable,  parce  qu'elle  est  moins  forte. 
Voici  comment  il  expose  celte  pensée: 

Les  peintres  et  les  poètes  excitent  en  ?ious  des 
passions  artificielles,  en  présentant  des  imita- 
tions des  objets  capables  d'exciter  en  nous  des 
passions  véritables.  Comvie  l'impression  que 
ces  imitations  font  sur  nous  est  du  iné nie  genre 
que  l'impression  que  l'objet  imité  par  le  peintre 
ou  par  le  poète  ferait  sur  nous  ;  comme  V impres- 
sion que  l'imitation  fait  n'est  différente  de  l'im- 
pression que  l'objet  imité  ferait,  qu'en  ce  qu'elle 
est  moins  forte,  elle  doit  exciter  dajis  notre  âme 
une  passion  qui  ressemble  à  celle  que  l'objet  imité 
aurait  pu  exciter.  La  copie  de  l'objet  doit,  pour 
ainsi  dire,  exciter  en  nous  une  copie  de  la  pas- 
sio?i  que  l'objet  y  aurait  excitée.  Mais  comme 
l'impression  que  V iinitation  fait  n'est  pas  aussi 
profonde  que  l'impression  que  l'objet  même  au- 
rait faite...  cette  imprcssvm  superficielle,  faite 
par  une  imitation,  disparaît  sans  avoir  des  sui- 
tes duralles,  comme  en  aurait  une  impres.<;in7i 
faite  par  l'objet  que  le  peintre  ou  le  poète  a 
imité.  [  lié  flexions  crit.  sur  la  poésie  et  sur  la 
peinture, i."  parl.,sect.  S'.) 

L'embarras  des  conslructions  de  l'abbé  Dubos 
et  SOS  répélilions  prouvent  les  efforts  qu'il  fait 
pour  rendre  une  i)ensée  qu'il  v\<.  conçoil  jias  net- 
Icment.  11  est  long  dans  le  dessein  d'être  plus 
clair;  il  en  est  jilus  obscur. 

Lorsqu'on  veut  émouvoir,  on  peut  cl  l'on  doit 
même  nniiliplicr  les  images.  Ou  peut  aussi,  dans 
les  ouvrages  dcslinOsa  éclairer,  joindre  à  un  lour 
simple  un  tour  ligure,  propre  a  répandre  la  lu- 
mière. ;Mais  il  y  a  des  écrivains  <iui  ont  de  la 
peine  à  quitter  une  pensée,  et  qui  font  un  volume 
de  ce  dont  un  autre  ferait  a  peine  quelques 
feuillels.  C'esl  le  style  de  Taiibé  Duguct. 

T'out  le  monde,  dit-il,  est  capable  de  compren- 
dre quelle  serait  la  ftlicitc  d'une  nation  oii 
toute  la  force  et  toute  l'autorité  seraient  accor- 
dée' à  la  vertu;  oit  toutes  les  menaces  et  tous 


LOU 

les  châtiments  ne  seraietit  que  coïitre  le  vice; 
dont  le  prince  ne  serait  terrible  qu'à  quiconque 
ferait  le  mal,  et  jamais  à  ceux  qui  aiuient  et 
font  le  bien  ;  oii  Vépér  que  Dieu,  lui  a  confiée  se- 
rait la  protection  des  justes,  et  ne  frait  trembler 
que  leurs  ennemis;  où  la  rérité  et  la  clémeîice 
s'uniraient  ;  oii  la  justice  et  la  paix  se  donne- 
raient un  mutuel  baiser,  et  oii  l'on  verrait  ac- 
complir ce  qu'a  dit  l'apôtre  :  la  vertu  respectée 
et  comblée  d'honneurs ,  et  le  vice  humilié  et 
couvert  d'ignominie. 

Voilà  bien  îles  mots  povu-  répéter  une  même 
chose,  l  es  derniers  tours  n'ajoutent  aux  pre- 
miers ni  lumière,  ni  image.  On  voit  seulcmenl  qvic 
l'écrivain  s'applaudit  d'une  fécondité  qui  ne  pro- 
duit que  des  sons.  (Extrait  de  V Art  d'écrire  de 
Condillac.) 

loocvcîTi';.  Subst.  f.  On  prononce  loîcnuacilé. 
Habilude  de  parler  beaucoup.  Il  se  prend  tou- 
jours en  mauvaise  part. 

Lons.  Ce  mot  joint  avec  que  est  une  conjonc- 
tion. Dans  lorsque,  on  fait  sentir  le  s  de  lors. 
Mais  dans  dès  hirs  et  pour  lors,  lors  csi  adverbe, 
et  on  no  fait  point  enlcudi'o  le  s. 

Lorsque  régit  ordinairement  l'indicatif,  lorsqu'il 
veut,  lorsqu'il  voulait,  lorsqu'il  apprit,  etc.  Dès 
lors  que  ne  se  dit  point.  Des  qu'il  fut  arrivé,  et 
non  pas  dès  lors  qu'il  fut  arrivé.  On  peut  dire, 
il  est  vrai,  je  vis  bien  dès  lors  (\uc  j'étais  perdu  ; 
mais  là,  que  se  rapporte  à  je  vis,  et  non  i)as  à  dès 
/o?-5  ;  et  danscot  exemiile,  dès  Inrs  est  adverbe, 
et  non  conjonction.  (Vaugelas.) 

Louable,  .^dj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Une  action  louable, 
une  conduite  louable,  une  louable  conduite. 

LooASGF.R.  V.  a.  de  !a1"conj.  Dans  ce  verbe, 
g  doit  toujours  se  prononcer  comme^  ;  et  pour 
lui  conserver  cette  prononciation  lorsqu'il  est 
suivi  d'uu  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o  :  je  louangeais,  louangeons  ;  cl  non 
pas /e  louangnfs,  louangons. 

Louche.  Adj.  <lcs  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  louche ,  une 
femme  louche,  du  vin  louche,  une  expression 
hniche. 

Une  phrase  c^i  louche  lorsque  les  mots  qui  la 
composent  semblent,  au  premier  coup  d'œil,  avoir 
un  certain  rajiport,  quoique  véritablement  ils  en 
aient  un  autre;  de  telle  façon  que  les  idées  ne 
sont  ni  claires,  ni  intelligibles. 

La  Bruyère  a  dit  :  Les  femmes  ne  se  sont-elles 
pas  au  contraire  établies  elles-mêmes  dans  cet 
usage  de  ?ie  rien  savoir,  ou  par  la  faiblesse  de 
leur  comple.vii:n,  ou  pur  la  paresse  de  leur  es- 
prit, ou  par  le  talent  et  le  génie  qu'elles  ont  seu- 
lement pour  les  ouvrages  de  lu  tnain^  (ch.  HT, 
Des  femmes,  p.  200.)  —  Par  le  talent  et  le  (jénic 
qu'elles  ont,  fait  d'abord  avec  ce  qui  précède  un 
sons  absurde,  et  ces  tours  sont  à  éviter. 

Voici  des  exemples  que  Rouhours  tire  de  Vau- 
gelas, et  où  il  trouve  de  l'èlèg;mcc  :  Ces  gens 
faisaient  tout  ce  qu'ils  pouvaient  pour  lui per 
suader  de  rebrousser  chemin,  ou  du  moins  (pi'it 
séparât  cette  multitude.  Les  ambassadeurs  de- 
mandaient la  paix,  et  qu'W  lui  plùt...  — Il  fallait 
lïwp  pcr.suader  de  rebrou  s.';er  chemin,  ou  du  moins 
de  séparer.  C'est  pécher  contre  la  plus  grande 
liaison  des  idée?  que  de  marquer  dans  une  phrase 
le  morne  rapport  par  deux  prépositions  diffé- 
rentes. Demandaient  la  paix  et  <\\\' il  lui  plût 
n'est  pas  non  plus  assez  correct.  On  remarquera 
la  même  faute  dans  l'exemple  suivant  :  Il  croyait 


LUG 

le  ramener  par  la  douceur,  et  que  ses  remon- 
trances... 

Si  c'est  une  faute  d'expriuicr  les  mônies  rap- 
ports par  des  uioyeiis  (lilïéreuts,  c'en  serait  une 
plus  i;ranile  d'exprimer  des  rapports  différents 
par  la  même  préposition.  Ne  dites  donc  pas  l'on- 
tragc  que  v>ous  m'avez  fait  de  ine  croire  capable 
d'approuver  et  de  me  réjouir  d'une  action  sidt- 
iestable.  On  approuve  une  action,  et  non  pas 
d'une  action.  —  Il  serait  mal  encore  dédire,  ils 
n'ont  plus  ni  affection  ni  créance  pour  elles; 
car  on  n'a  pas  de  la  créance  pour  qucUprun,  mais 
en  quelqu'un.  11  faut  toujours  consulter  la  syn- 
taxe, et  ne  lier  les  idées  que  par  les  moyens 
iju'elle  fournit. 

l'ne  phrase  peut  être  louche  lors(iue,  par  sa 
construction,  on  semble  sujjposer  connue  réel  ce 
qu'on  a  pourtant  intention  de  nier,  ou  comme 
faux  ce  qu'au  contraire  on  prétend  allirmer  :  Si  je 
ne  vais  pas  vous  vuir,  ce  n^ est  pas  parce  que 
j'ai  du  refroidissement  pour  vous  ;  le  VGvhc:  j'ai 
a  l'indicaiif,  à  cause  de  parce  que,  est  un  aveu 
réel  du  refroidissement  dont  ou  veut  pourtant  se 
défendre.  Mais  en  disant,  ce  n'est  point  que  j'aie 
du  refroidissement  pour  vous  ;  j'aie  au  subjonc- 
tif, à  cause  du  que  après  la  négation,  est  un  dés- 
aveu formel  et  sans  ambiguïté  du  refroidissement 
dont  on  se  défend.  Voyez  Sens. 

Lour.D,  Lourde.  Adj.  On  le  met  souvent  avant 
son  subsl.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent  :  Un  fardeau  bien  lourd,  un  lourd 
fardeau. —  Un  esprit  lourd.  —  Une  lourde  chute, 
une  lourde  fauti',  une  lourde  besogne,  une  lourde 
tâche.  On  ne  dit  pas  un  lourd  esprit,  ^'oyez  Jd- 
jectif. 

LounDE.iiENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  tombé  lourde- 
ment, il  est  lourdement  tombé. — Il  s'est  trompé 
lourdement,  il  s'est  lourdement  trompé. 

Loyal,  Loyale.  Adj.  Il  se  dit  des  personnes  et 
des  choses,  et  peut  se  mettre  avant  son  subst., 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Un  homme  loyal,  un  procédé  loyal. —  Une  mar- 
chandise bonne  et  loyale. — Cette  loyale  conduite, 
ce  loyal  procédé. — Des  procédés  loyaux. 

LoYALi;.MENT.  Adv.  On  peut  quelquefois  le  met- 
tre entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  con- 
duit loyalement,  il  s'est  loyalement  conduit. 

LiBr.iQUE.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie;  Homme  lubrique,  femme  lubrique. — 
Des  regards  lubriques,  ces  lubriques  regards. 
A' oyez  AJjectif. 

LusniQUE-MENT.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe. 

Ldcide.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  en  consultant  l'analogie  cl 
l'harmonie  :  Avoir  des  intervalles  lucides,  une 
expression  lucide,  un  raisonnement  lucide,  ce 
lucide  raisonnement.  Yoyez  Adjectif. 

Lucratif,  Ll'ckative.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analo- 
gie :  Un  métier  lucratif,  un  emploi  lucratif.  — 
Ce  lucratif  métier,  ce  lucratif  emploi.  On  ne  di- 
rait pas  cette  lucrative  charge.  Voyez  Adjectif. 

Ldgubke.  Adj.  des  deu.x  genres.  Il  semblerait, 
par  les  exemples  que  donne  l'Académie,  que  ce 
mol  ne  peut  se  dire  que  des  choses;  cependant 
on  dit  un  homme  lugubre,  pour  dire  un  homme 
dont  l'air,  la  contenance,  la  démarche,  les  vête- 
ments, les  discours,  marquent  une  tristesse  pro- 
fonde. On  le  met  souvent  avant  son  subst.  : 
F'oix  lugubre,  une  lugubre  voix  se  fit  entendre; 


LUI 


445 


cris  lugubres,  de  lugubres  cris;  plainte  lugu- 
bre, une  lugubre  plainte,  ton  lugubre.  \o)CZ  Ad- 
jectif. 

J.CGUBREMENT.  Adv.  On  pcut  (pielquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est 
vêtu  lugubrement,  il  est  higtArement  vêtu 

Lui.  Pronom  de  l.i  troisième  |)ersonne  du  sin- 
gulier. Sa  fonction  principale  est  de  servir  de 
complément  à  une  préposition  exprimée  ou  sous- 
entendue;  J  allai  à  lui,  je  tombai  sur  lui,  vous 
irez  avec  lui,  il  h\i  donna  un  coup  d'épée.  Dans 
ce  dernier  exemple,  la  préposition  est  sous-en- 
tendue; c'est  Comme  si  l'on  disait,  il  donna  à  lui 
un  coup  d'épée.  11  ne  se  dit  ordinairement  (jue 
des  personnes.  Quoi(|u'un  homme  dise  fort  bien 
d'un  antre  qu'ii  se  repose  sur  lui,qn'il  s'appuie 
sur  lui,  on  ne  dira  jias  pour  cela  d'un  lit  ou  d'un 
bâton,  reposez-vous  sur  lui,  appuyez-vous  sur 
lui;  mais  ou  se  servira  de  la  préposition  ellipti- 
que dessus  :  Reposez-vous  dessus,  appuyez-vous 
desstis. 

En  parlant  des  choses,  on  emploie  le  pronom 
en  au  lieu  de  de  lui,  et  le  pronom  y  au  lieu  de  à 
lui.  On  ne  dit  pas  d'un  mur,  n'approchez  pas  de 
lui;  on  dit  m'cu  approchez  pas  ;  ni  d'un  village, 
allez  II  lui;  il  faut  dire  allez-y. 

Une  l'enune  dit  d'un  chien  (ju'ellc  aime  :  Il  fait 
tout  mon  amiisement,  je  n'aime  que  lui,  je  suis 
attachée  à  lui,ye  ne  sors  pas  sans  lui.  Cependant 
on  ne  dira  pas  d'un  cheval  qn'on  ti  a  jamais 
monté  sur  lui,  qu'on  ne  s'est  pus  encore  servi  de 
lui,  mais  ([u'on  ne  s'en  est  pas  encore  servi. 

11  semble  donc  qu'avec  les  prépositions  de  et  à, 
le  pronom  lui  ne  se  dit  pas  indifféremment  des 
choses  et  des  personnes.  Cependant,  lorsqu'il  est 
précédé  des  prépositions  avec  ou  après,  il  peut 
se  dire  des  choses  même  inanimées  :  Ce  torrent 
enti'aîne  avec  lui  tout  ce  qu'il  rencontre;  il  ne 
laisse  après  lui  que  du  sable  et  des  cailloux. 
Voyez  Elle. 

Lui  peut  être  le  sujet  d'une  proposition,  mais 
seulement  par  répétition,  et  pour  donner  plus  d'é- 
nergie à  l'expression  :  Il  l'a  dit  lui-viéme;  ou 
pour  représenter  le  pronom  le,  régime  direct,  et 
le  lier  avec  une  proposition  incidenlc  :  f^ous  l'ou- 
tragez, lui  qui  vous  aime  si  tendrement. 

Lui,  étant  particulièrement  destiné  à  servir  de 
complément  à  une  iiréposition,  est  souvent  ré- 
gime indirect:  Je  lui  ai  dit,  c'est-à-dire  j'ai  dit 
à  lui.  Alors  il  est  commun  aux  deux  genres,  mais 
en  deux  cas  seulement  :  le  premier,  lorsqu'il  pré- 
cède le  verbe, /'ai  vu  votre  sœur,  et  je  lui  ai 
parlé;  le  second,  quand  le  verbe  est  à  l'impéra- 
tif :  si  vous  rencojitrez  via  sœur,  parlez-lui. 
Hors  de  là,  il  est  toujours  du  genre  masculin. 

J'ai  dit  que  /»£,  régime  indirect,  est  commun 
aux  deux  genres  lors(iu'il  précède  le  verbe.  En 
effet,  ilsemetquelquefoisaprès.  A vec  le  verbe par- 
ler,on(\iravoulez-vous  parler  à  lui,  OUvoulez-vous 
lui  parler?  Dans  le  premier  exemple,  lui  ne  peut 
convenir  qu'au  masculin;  dans  le  secon<l,  il  peut 
convenir  au  masculin  ou  au  féminin. 

J'ai  dit  aussi,  d'après  le  Dictionnaire  de  V .4- 
cadémie,  que  lui  est  dos  deux  genres,  quand  le 
verbe  est  à  l'impératif;  mais  celle  régie  n'esl  pas 
sans  exception,  car,  si  l'on  dit  donnez-loi,  on  dit 
aussi  donyiez  d  lui;  et  dans  ce  dernier  exemple, 
lui  ne  peut  rappeler  qu'un  masculin.  J'observe 
qu'il  y  a  de  la  différence  entre  donnez-lui  et 
donnez  à  lui.  Le  premier  exprime  seulement 
l'action  de  donner  à  quelqu'un;  le  second  indique 
une  préférence,  une  exclusion  de  quelques  au- 
tres :  f^ous  ne  savez  pas  à  qui  donner  ce  livre. 


U6 


LUM 


donnez-le  à  lui;  c'esl-à-dirc  à  lui  préferahlement 
aux  autres.  Une  différence  à  peu  près  semblable 
se  remarque  entre  je  vevx  lui  parler,  ci  Je  veux 
parler  à  lui.  Le  premier  signifie  je  veux  lui 
dire  quelque  chose,  lui  faire  connallre  quelque 
chose  par  le  moyen  de  la  parole;  le  second  veut 
dire,  je  veux  lui  adresser  la  parole,  à  lui  et  non 
à  un  autre. 

A  tout  aulrc  mode  que  l'impéralif,  lui  doit  pro- 
céder le  verbe,  loules  les  fois  qu'il  est  le  terme 
d'un  rapport  qui  pourrait  être  exprimé  par  la 
prél)Osilion  à  :  Je  lui  ai  lu  mon  ouvrage.  Au  con- 
traire, il  doit  suivre  le  verbe,  s'il  est  le  terme 
d'un  rajjport  exprimé  par  la  préposition  de:  Nous 
dépejidons  de  lui. 

Lors(iue  le  pronom  le  est  régime  direct  d'un 
verbe,  et  qu'il  partage  celte  fonction  avec  un  ou 
plusieurs  noms  placés  ajjrès  le  verbe,  il  faut, 
après  ce  verbe,  rappeler  l'idée  de  ce  pronom  par 
lui,  qui  lie  alors  ce  nom  ou  ces  noms  aveo  le 
pronom  le  :  Je  Yaivu,  lui  et  ses  amis  ;  je  Vaivu, 
lui,  sa  femme  et  ses  enfants. 

Lui,  rc|;'ime  indirect,  se  répèle,  par  la  même 
raison,  après  un  verbe,  mais  avec  la  préposition 
à  :  Je  lui  ai  parlé  à  lui  et  à  sa  sœur. 

On  ne  doit  pas  se  servir  indifféremment  de  lui 
et  de  soi.  (Juand  on  parle  en  général,  et  sans  in- 
diquer une  personne  qui  est  le  sujet  de  la  phrase, 
ilfaul  se  servir  de  soi:  Il  faut  que  chacun  prenne 
garde  à  soi.  ^lais  lorsqu'une  personne  en  parti- 
culier est  désignée  dans  lu  phrase,  il  faut  mettre 
lui:  Cet  homme  ne  prend  pas  garde  à  lui.  A''oyez 
Elle,  Eux,  Se,  Soi,  Pronom,  Ainphibologie , 
Explétif. 

LoiiiE.  V.  n.,  défectueux  et  irrégulier  de  la 
4'  conj.  Il  se  conjugue  ainsi  qu'il  suit  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  luis,  lu  luis,  il  luit  ; 
nous  luisons,  vous  luisez,  ils  luisent.  —  Impar- 
fait. Je  luisais,  lu  luisais,  il  luisait;  nous  lui- 
sions, vous  luisiez,  ils  luis;iient. — Point  de  passé 
simple.  —  Futur.  Je  luirai,  lu  luiras,  il  luira; 
nous  luirons,  vous  luirez,  ils  luiront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  luirais,  tu  luirais, 
il  luirait;  nousluiiions,  vous  luiriez,  ils  luiraient. 

Impératif.  —  Présent.  Luis,  (pi'il  luise;  lui- 
sons, luisez,  qu'ils  luisent. 

Subjonctif.  — Présent.  Que  je  luise,  que  lu 
luises,  qu'il  luise;  que  nous  luisions,  que  vous 
luisiez,  (lu'ils  luisent.  —  L imparfait  manque. 

Participe.  —  Présent.  Luisanl  —  Passé.  Lui. 
point  de  féminin. 

Les  tenqis  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire Avoir. 

Luisant  ,  Luisante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
Luire.  Il  se  met  ai)rès  son  subst.  :  Une  étoile 
luisante,  des  couleurs  luisantes,  une  étoffe  lui- 
sante. Voyez  Adjectif  verbal. 

LoMiÉr.E.  Subsi.  f.  On  dit  figurément,  dit  l'A- 
cadémie, mettre  un  livre,  mettre  un  ouvrage  en 
lumière,  pour  dire  l'imprimer,  le  rendre  public, 
le  mcllre  en  vente.  L'Académie  ajoute  qu'il  est 
peu  usité.  —  L'Académie  aurait  dû  dire  que  cette 
expression,  fort  commune  autrefois,  et  ([u'on  met- 
tait même  au  titre  des  ouvrages,  ne  s'emploie  plus 
aujourd'hui.  Cn  dit  bien  (Ju'h/i  ouvrage  n'a  pas 
encore  vu  la  lumière;  mais  on  ne  dit  pas  qu'on 
va  bientôt  le  mettre  en  lumière,  ou  qu'o?i  l'a  mis 
en  lumière. 

Hacine  a  employé,  dans  un  autre  sens,  rnettre 
en  lumière;  mais  celte  expression  ne  passerait 
pas  aujourd'hui  • 


LUX 

Mais  plus  ce  rang  «ur  moi  répandrait  de  splendeur. 
Plus  il  me  ferail  lionlc  cl  mettrait  en  lumière 
Le  crime  d'en  avoir  dépouillé  l'Iiériliére. 

(Bnlan  ,  act.  II,  se.  III,  104,) 

Les  poètes  disent  souvent. Za  lumière  pour  la 
vie,  voir  la  lumière  jiour  vivre  : 

Bientôt  de  Jéiibcl  la  fille  mearlrière. 
Instruite  qu«  Joas  voit  encor  la  lumière. 

(lUc,  Ath.,aci.  IV,  se.  111,23.) 

...  La  tunvidrc  éclaire  encor  ses  yeux. 

(Volt.,  Tancr.,  act.  V,  se.  t,  7.) 

Il  le  faut  de  ma  main  traîner  sur  la  poussière. 
De  trois  coups  dans  le  £eia  lui  ravir  la  lumière. 

(Volt.,  Mahom.,  act.  IV,  se.  iii,  79.) 

Et  mes  yeux  sans  regret  quitteront  la  lumière. 

(Volt.,  Alz.,  act.  I,  se.  i,  22.) 

La  lumière  sans  moi  vous  eût  été  ravie. 

(Volt.,  OEd.,  act.  V,  se.  ii,  61.) 

Lumignon.  Subst.  m.  On  mouille  le^n. 

Lumineux,  Lumineuse.  Adj.  Au  propre,  il  uc  se 
met  qu'après  son  subsl.  :  Un  corps  lumineux, 
une  trace  lumineuse;  au  figuré,  on  peut  le  mcllre 
avant,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Un 
principe  lumineux,  ce  lumineux  principe  ;  une 
dissertation  lumineuse,  cette  lumineuse  disser- 
tation. Voyez  Adjectif. 

Lunaire'  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
(ju'après  son  subst.  :  Unmois  lunaire,  une  année 
lunaire. 

Lunatique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  cheval  lunatique.  —  Un 
homme  lunatique,  une  femme  lunatique. 

Llstral,  Lusthale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Eau  lustrale. 

Luth.  Subst.  m.  Le  h  ne  se  prononce  pas;  mais 
on  prononce  le  t. 

*  [.cxubiek.  V.  n.  de  la  i"  ccnj.  Mol  nou- 
veau proposé  par  ISIcrcicr.  Il  donne  pour  exem- 
ples :  cet  arbre  luxurie  de  fleurs  et  de  fruits  ;  cet 
ouvrage  luxurie  d'images  li-illantes  et  dépensées 
fortes.  Il  luxurie  de  santé.  Luxurier  d'esprit. 
Ce  mot  est  mauvais  en  ce  qu'il  présente  une 
é(iuivoque.  Vient-il  de  luxe  ou  de  luxure?  Par  la 
composition,  il  semblerail  venir  de  luxure,  et, 
par  la  signilicalion  qu'on  lui  donne,  on  le  fait 
venir  de  luxe.  D'ailleurs,  qu'est-ce  que  luxurier? 
Est-ce  étaler  avec  luxe?  Mais  peut-on  dire  qu'un 
arbre  étale  avec  l-ixe  ses  fleurs  et  ses  fruits? 
quun  ouvrage  étale  avec  luxe  des  pensées  bril- 
lantes? Luxe  eir.porte  une  idée  de  dépense  qui 
ne  convient  point  ici. — Pascal  s'esl  servi  du  mot 
luxuriant.  [Pensées,  p.  220.) 

Luxe.  Subsl.  m.  C'esll' usage  qu'on  fait  des  ri- 
chesses et  de  l'industrie  pour  se  procurer  une 
existence  agréable.  Voyez  Faste. 

Luxure.  Subsl.  f.  Ce  terme  comprend  dans  son 
acception  toutes  les  actions  qui  sont  suggé- 
rées par  la  passion  immodérée  des  hommes  pour 
les  femmes,  ou  des  femmes  pour  les  hommes.  Il 
ne  s'emploie  guère  qu'en  morale  religieuse.  La 
luxure  est  un  des  sept  péchés  capitaux. 

Luxurieux,  Luxurieuse.  Adj.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  cl  l'har- 
monie le  permettent  ;  Un  homme  luxurieux,  une 
femme  luxurieuse.  —  Des  pensées  luxurieuses, 
de  ltcj;urieuses  pensées  ;*des  regards  luxurieux , 


MAC 

de  luxurieux  reçards.  Ce  terui  ne  s'emploie 
guère  (]ue  lians  la  inonile  ^cli^ieuse. 

Lyrique.  Adj.  des  deux  genres.  II  ne  se  inel 
qu'après  son  subst.  :  Poésie  lynque,  genre  lyri- 
que. 

Lynqvc  se  dit  iiarliculièrement  des  anciennes 
odes 'ou  slances  qui  répondent  à  nos  airs  ou  chan- 
sons. On  a  appelé  les  odes  poésies  lyriques , 
parce  que  quand  on  les  chantait,  la  lyre  acc«'m- 
paguait  h  voix. 


MÂG 


447 


Lt  caractère  de  !a  iioi-pie  lyrique  est  la  no- 
blesse et  la  douceur;  la  noblesse  pour  les  sujets 
héroïques,  la  douceur  pour  les  sujets  badins  ou 
calants;  car  elle  embrasse  ces  deux  cenrcs.  'N'oyez 
Ode. 

Les  modernes  ont  une  autre  espèce  de  poème 
lyrique  que  les  anciens  n'avaient  pas,  et  qui  mé- 
rite mieux  ce  nom,  parce  (juil  est  réellement 
chanté  ;  c'est  le  drame  appelé  Opéra.  Voyez 
Style. 


M. 


M.  Subst.  m.  On  prononce  vie.  Cesl  la  trei- 
zième lettre  de  l'alphabet,  et  la  neuvième  des 
consonnes. 

T,c  son  propre  de  cette  lettre  est  me,  comme 
dans  mal,  médisant,  midi,  mnde,  muse. 

Au  commencement  des  mots,  le  m  conserve 
toujours  le  son  qui  lui  est  propre;  mais  à  la  fin 
d'une  syllabe,  il  est  un  signe  denasalité,  (juand  il 
est  suivi  de  l'une  des  trois  lettres  m,  h,p  ;  comme 
dans  eimnener,comhler,  comparer,  emmaillotter, 
que  l'on  prononce  comme  s'il  y  avait  enmener, 
conhler,  conparer,  cnmaillotter.  — Il  faut  en  ex- 
cepter les  mots  qui  commencent  par  imm,  comme 
immodeste,  immédiatement,  immense,  que  Ion 
prononce,  im-viodeste ,  im- médiate  ment,  im- 
mense, etc.  —  On  prononce  aussi  le  m  dans  les 
mots  où  celte  lettre  est  suivie  de  n,  comme  in- 
demniser, amnistie,  A gamemnon  ;  &\ce^\.è  dam- 
ner et  ses  dérivés,  condamner  et  ses  dérivés,  et 
automne. 

Le  m  a  aussi  l'articulation  nasale  dans  comte, 
compte,  dompter,  domptable,  prompt. 

A  la  fin  des  mots,  m  est  le  signe  de  la  nasalité 
de  la  voyelle  précédente,  comme  dans  nom,  pro- 
nom, faim,  parfum,  etc.  Il  faut  excepter  Tinter- 
jection  hem,  (juclques  mots  latins,  comme  item, 
et  la  plupart  des  noms  propres  étrangers,  où  la 
lettre  m  conserve  sa  prononciation  naturelle, 
comme  dans  Sem,  Cham,  Amsterdam.  Adam  se 
prononce  cependant  avec  le  signe  de  la  nasalité. 

Lorsipie  m  est  redoublé,  on  n'en  prononce  or- 
ilinairement  qu'un,  comme  dans  commode,  com- 
mis, commissaire,  etc.  Il  faut  excepter  yi7«mo7j, 
Emmanuel,  etc.,  et  les  mots  où  le  double  m  est 
précédé  de  i,  comme  dans  immanquable,  im- 
mense, etc. 

Dans  grammaire,  grammairien,  on  ne  pro- 
nonce qu'un  m;  mais  dans  grammatical  et  gram- 
matiste,  on  fait  sentir  les  deux  7«. 

M  est  l'expression  abrégée  du  mot  majesté  ou 
du  mot  monsieur,  qui  s'abrège  plus  ordinairement 
ainsi  :  >P.  —  Mgr  signifie  monseigneur,  Md  mar- 
chand, Mde  marchande,  Mme  madame,  — Ms.  ou 
Msc.  manuscrit,  Mss  manuscrits.  —  M  est  la 
marque  de  la  monnaie  de  Toulouse. 

M.*..  Voyez  Mon. 

MACAr.oNiQrE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  Eubst. 

Machinal,  Machinale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Mouvement  machinal,  action 
machinale.  BulTon  a  dit  mouvements  iriachi- 
«aux.— L'Académie  remarque  que  ce  pluriel  est 
peu  usité. 

MACBi\ALEME?iT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Agir  machinalement. 
Il  s'est  machinalement  avancé. 

Maohinateur.  Subst.  m.  L'Académie  n'indiaue 


point  comment  il  faut  dire  en  parlant  d'une  femme. 
Il  y  a  bien  des  femmes  qui  se  mêlent  de  machina- 
tions; il  serait  dommage  qu'on  ne  pût  pas  dire 
machinatrice. 

Machine.  Subst.  f.  L'Académie  dit  que  les 
poètes  appellent  l'univers  lu  machine  ronde.  Fé- 
raud  observe  avec  raison  que  l'Académie  n'en- 
tend sûrement  parler  que  de  la  poésie  familière. 

Madame.  Subst.  f.  Nous  ne  nous  servons  point, 
dit  Voltaire ,  des  mots  monsieur  et  madame , 
dans  les  comédies  tirées  du  grec.  L'usage  a  per- 
mis que  nous  appelions  les  Romains  et  les  Grecs 
seigneur,  et  les  Romaines  madame;  usage  vi- 
cieux en  soi,  mais  qui  a  cessé  de  l'élre,  parce  que 
le  temps  l'a  autorisé.  (Remarques  sur  Bérénice 
de  Racine.)  Voyez  Monseigneur,  Monsieur. 

Mademoiselle.  Subst.  L  Voyez  Monsieur. 

Madré,  Madrée.  Adj.  Il  ne  se  met  avant  son 
subst.  ni  dans  le  sens  propre,  ni  dans  le  sens  fi- 
guré :  Porcelaine  madrée,  bois  viadré.  —  Un 
homme  madré,  une  femme  madrée. 

Madrigal.  Subst.  m.  Terme  de  littérature.  On 
apj)elle  ainsi  une  petite  pièce  ingénieuse  et  ga- 
lante, écrite  en  vers  libres,  et  qui  n'est  assujettie 
ni  à  la  scrupuleuse  régularité  du  sonnet,  ni  à  la 
subtilité  de  l'épigramme.  mais  qui  consiste  seu- 
lement en  quelques  pensées  tendres,  exprimées 
avec  délicatesse  et  précision.  L'épigramme  peut 
être  polie,  douce,  mordante,  maligne ,clc.;  pourvu 
qu'elle  soit  vive,  c'est  assez.  Le  madrigal,  au  con- 
traire, a  une  pointe  toujours  douce,  gracieuse, 
et  qui  n'a  de  piquant  que  ce  qu'il  lui  en  faut  pour 
n'être  pas  fade. 

On  regarde  le  madrigal  comme  le  plus  court  de 
tous  les  petits  poèmes.  Il  peut  avoir  moii;s  de 
vers  que  le  sonnet  et  le  rondeau  ;  le  m('laiige  des 
rimes  et  des  mesures  dépend  absolument  du 
goût  du  poète.  Cependant  la  brièveté  extrême  du 
madrigal  interdit  absolument  toute  licence,  soit 
pour  la  rime,  soit  pour  Ir,  mesure,  soit  pour  la 
pureté  de  l'expression.  Boileau  en  a  fait  connaître 
le  caractère  dans  les  deux  vers  suivants  (A.  P., 
II,  '144)  : 

Le  madrigal,  plus  simple  et  plus  noble  -.u  son  tbur, 
Respire  la  douceur,  la  tendresse  et  l'amour. 

(Extrait  de  VEncyotopcdie.) 

Mapflé,  Mafflée.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  visagr  mafflé.  La  Fontaine  a  dit 
mufflue  (liv.  IIÎ,  fable  xvii,  8)  : 

La  voilà  pour  condition, 
Grasse,  ma/Jlue  et  rebondie. 

Magie.  Subst.  f.  On  appelle  magie  du  style, 
.  l'illusion  que  produit  le  style  par  son  accord  par- 


•i48 


MÂG 


fait  avec  les  pensées  qu'il  exprime.  Celle  expres- 
sion ne  con\  icnl  guère  aux  sujets  de  i)ur  r:iison- 
nciiieiil,  nuiis  clic  s';ippliiiue  pjirliculiért'iuciil  aux 
dcsiriplioiis  cl  à  la  peinture  des  niouvciiieiUs  de 
1  âuie.  C'e.-t  surtout  dans  les  beaux  morceaux  de 
Racine  qu'on  est  séduit  par  la  magie  du  siyle,  et 
que  le  cliarnic  qui  résulte  de  l'accord  parfait  de 
l'expression  avec  la  vérité  des  objets  fait  qu'on 
s'oublie  soi-uiéme,  pour  s'identilier  avec  les  per- 
sonnages, el  partager  tous  les  mouvements  de  leur 
àme. 

Magique.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met 
qucl(|Ucfois  avant  son  subst.  :  Jrt  magique,  ca- 
ractcre  magique,  paroles  magiques.  —  Grcssct  a 
dit  l'url  des  magiques  accords. 

Magisi  EU.  Subst.  ni.  L'c  est  Ircs-ouvert,  et  on 
fait  sentir  le  r. 

M.iGisTiiAt,  Magistrale.  Adj.  Il  ne  se  met 
gucrc  (ju'aprcs  son  subst.  :  Air  magistral,  tun 
magistral ,  voix  magislralc.  —  Il  n'a  point  de 
masculin  au  pluriel. 

ÎMagistraleiient.  Adv.  On  ne  le  met  pas  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Jl  a  parlé  magistra- 
lement. 

Magisthat.  Subst.  m.  On  ne  fait  pas  sentir  le  /. 

Magnamhi;.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  dit  de 
celui  qu'élèvent  au-dessus  des  objets  et  des  pas- 
sions (]ui  conduisent  les  hommes,  une  passion 
plus  noble,  un  objet  plus  grand  ;  qui  sacrilie  le 
moment  au  temps,  son  bien-être  à  l'avantage  des 
autres,  la  considération,  l'estime  même, à  la  gloire 
ou  à  la  patrie.  On  mouille  le  gn.  On  peut  (lucl- 
queiois  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant 
roreillc  et  l'analogie  :  Un  prince  inagnanime,  un 
cœur  magnanime  ,  une  résolution  magnanime, 
ces  mannaninics  résolutions.  Voyez  Adjectif, 

^Iag.n\mmi;jie^t.  Adv.  On  mouille  le  gri.  On 
peut  quelquefois  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le 
particijje  :  //  s'est  comporté  magnanimeînent,  il 
s'est  magnaiiiniemcnt  comporté  dans  cette  occa- 
sion. 

Magnam-mité.  Subst.  f.  On  mouille  le  gii. 
Voyez  Magnanime. 

MAG^AT.  Subsl.  m.  On  prononce  magvenat,  en 
passant  légèrement  sur  gue. 

]MAG^ÉslE.  Subst.  f.  On  prononçait  autrefois 
7naguenêsie;  aujourd'hui  on  mouille  Ic/?/;. 

Magnétique.  Adj.  des  deux  genres.  611  a  i)ro- 
noncé  d'abord  magucnclique.  Aujourd'hui  on 
mouille  assez  généralement  le^«. 

Magnétisme.  Subst.  m.  On  a  prononcé  mague- 
nétisme;  aujourd'hui  on  prononce  assez  généra- 
lement ce  mot  en  mouillant  le  gn. 

Magmficlnce.  Subst.  f.  On  mouille  le  gn. 
Voyez  Magnifique. 

Magnifique.  Adj.  des  deux  genres.  On  mouille 
le^«.  Il  se  dit  au  jjropre  et  au  ligure  des  jicrson- 
nes  et  des  choses ,  et  il  désigne  tout  ce  qui  donne 
une  idée  de  grandeur  et  d'o[)ulciice.  Un  homme 
est  magnifique,  lorscju'il  nous  offre  en  lui-même, 
et  dans  tout  ce  (jui  rinlércsse,  un  speclarlo  de 
dépense,  de  libéralité  et  de  richesse,  qui;  sa  ligure 
el  ses  actions  ne  déparent  point.  Tne  entrée  est 
magnifique,  lorstju'on  a  pourvu  à  tout  ce  qui 
peut  lui  donner  un  grand  éclat  par  le  choix  des 
chevaux,  des  voilures,  des  vélemenls  et  de  tout 
ce  (jui  tient  au  corlégc.  Un  éloge  est  magnifique, 
lorsciu'il  nous  donne  do  la  ]iersonnc  (jui  l'a  lait, 
cl  de  celle  a  qui  il  est  adressé,  une  iiùs-haule 
idée.  Le  luxe  va  quelquefois  sans  la  magiii  licence, 
mais  la  magnilicencc  est  inséparable  du  luxe;  c'est 
par  celle  raison  qu'elle  éblouit  souvent  el  qu'elle 
ne  louche  jamais.  Ou  dcuI  le  mettre  avant  son 


MAI  ^ 

subst.,  en  consultant  l'analogie  et  l'harmonie; 
Prince  magnifique,  temple  magnifique,  meubles 
magnifiques,  festin  magnifique,  magnifique  fes- 
tin ;  magnifique  repas;  éjuipage  magnifique , 
magnifique  équipage  ;  promesses  magnifiques  , 
magnifiques  promesses. 

Magnifiquement.  Adv.  On  mouille  le  .971.  On 
peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  : 
//  niius  a  traités  magnifiquement,  il  nous  a  ma- 
gnifiquement traités. 

Magot.  Subst.  m.  On  ne  i)rononce  point  le  t. 

Maigre.  Adj.  des  deux  genres  :  Un  homme 
maigre,  un  poulet  maigre,  un  bœuf  maigre,  un 
terrain  maigre.  On  le  met  avant  son  subst.,  lors- 
que l'analogie  et  l'harmonie  le  pennclloni  :  Un 
maigre  sujet,  un  sujet  léger  et  qui  fournit  peu; 
un  maigre  divertissement  ,  un  divertissement 
jjcu  agréable;  une  maigre  récompense,  une  faible 
récompense;  une  -maigre  chère,  une  mauvaise 
chère;  une  viaigre  réception  ,  une  réception 
froide. 

Maillot.  Subst.  m.  On  ne  fait  point  sentir  le 
t  final. 

Main.  Subst.  f.  L'Académie  dit  ligiirément, 
ma  rie,  ma  fortune  est  dans  vos  mains,  est  entre 
vos  mains.  —  Cette  expression  dans  les  mains, 
entre  les  mains,  a  une  signification  beaucoup 
plus  étendue  : 

Sa  confidence  auguste  a  mis  entre  mes  maint 
Des  secrets  d'où  dépend  le  destin  des  liuinains. 

(Rac,  Britan.,  act.  V,  se.  III,  25.) 

Dieu  lient  le  cœur  des  rois  entte  ses  mains  pui.«$anle». 
(IlAC.,  Esth.,  act.  I,  SCI,  67.) 

Du  monde  entre  mes  tnuins  j'ai  vu  les  destinées. 
(Volt.,  Uort  de  César,  act.  I,  se.  i,  38.) 

...  Notre  gloire  est  dans  nos  propres  mains. 

(Rac,  Iphtg.,  ait.  I,  se.  II,  100.; 

On  dit  aussi  figurément  dans  ma  main,  dans 
sa  main,  pour  dire  en  son  pouvoir,  en  mon  pou- 
voir. 

Elle  met  dans  ma  main  sa  fortune  et  ses  jours. 

(Rac,  Baj.,  act.  III,  se.  iv,  48.) 

On  dit  aussi  figurément,  dit  l'Académie,  donner 
la  7nain ,  prêter  la  main  à  quelqu'un,  pour  dire 
l'aider  en  quelque  affaire,  le  favoriser.  —  On  dit 
aussi  en  ce  sens,  tendre  la  main,  présenter  la 
mavi . 

Et  me  tend  une  main  prompte  à  me  soulager. 

(Rac,  Iphig.,  ad.  Il,  se.  l,  110.) 

Je  n'accepte  la  main  qu'elle  m'a  présentée. 

Que  pour  m'arraer  contre  elle 

\Idsm,  m.) 

Maint,  Mainte.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'avaDt 
son  subst.  :  Maint  homme,  maintes  fois. 

Où  maint  Grec  aCTamé,  maint  avide  Ar^ien, 
Au  travers  des  cliarbons  va  piller  le  Troycn. 

(BoiL.,  Satire,  VI,  109.) 

Maint ,  dit  La  Bruyère  (chap.  XIV,  De 
quelques  usages),  est  un  mot  qu'on  ne  devait 
jamais  abandonner,  et  à  cause  de  la  facilité 
qu'il  y  avait  à  le  couler  dans  le  style,  et  à 
cause  de  son  origine,  qui  est  française.  Vaugelas 
remarquait  qu'à  moins  d'être  employé  dans  un 


MAI. 

poëme  hérorque,  il  ne  sérail  pas  bien  reçu  si  ce 
n'est  en  r.iill.int.  Thomas  Corneille  disa'il  i|iril 
pouvait  cnrorc  liaurcr  avec  grâce, non-seulonient 
dans  une  c|ngramnic  ou  dans  un  conte,  mais  en- 
core dans  un  pocmc  héroïque,  surtout  quand  on 
le  répète  comme  dans  ce  vers  : 

Dans  maint»  el  maints  combats  sa  valeur  éprouvée. 

On  ne  le  souffre  que  dans  le  style  marotique, 
et  dans  renjouçniem  de  la  conversation. 

jf/u«/i/si^'nilie  |iiusiours;  mn'i-, plusieurs  indi- 
que injrcmcni  et  siini)lciiipiil  le  nombre,  tandis 
que  7itai,it  réduit  la  pluralité  a  une  sorte  d'unité, 
comme  si  les  objets  formaient  une  exception,  un 
tout  séparé  du  reste,  un  corjisà  pnrt.  La  locution 
maint  auteur,  semiile  annoncer  un  nombre  d'au- 
teurs (]ui  forment  une  sorte  de  classe,  el  comme 
s  ils  faisaient  cause  i:omimmc;  plusieurs  n'an- 
nonce (pic  le  nomlire  sans  désigner  aucun  rap- 
1)01 1  particulier  entre  eux,  si  ce  n'est  qu'ils  ont 
la  Miome  opinion.  la  même  marche,  le  même  ti- 
tre, queKiuc  chose  île  semblable.  Ces  mots  disent 
plus  tH[cqueli]ues-u/is  et  moins  (]uoief/f/c  up. — 
—Miiiiit  a  le  i)riviléçe  rare  de  se  répéter  et  d  ex- 
primer iKir  sa  répétition  un  assez  grand  nombre. 
On  dit  maint  et  tnaint,  conune  tant  et  tant.  Ces 
sortes  de  licences  contribuent  beaucoup  à  donner 
aux  langues  des  formes  distinctives  qui  les  ren- 
dent intraduisibles  quant  à  la  grâce  et  au  génie; 
et  par  la,  elles  ont  (iuel.]ue  chose  de  précieux.  \ji 
locution  maint  et  maint  est  si  conunode,  qu'on 
ne  peut,  en  (luelque  manière,  s'empêcher  de  s'en 
servir  de  temjis  en  temps,  et  de  dire  inainte  et 
mainte  fuis. 

Maintenir.  V.  a.  et  irrég.  de  la  2"^  conj.  Il  se 
conjugue  comme  Unir.  A'oyez  Irréguliir. 

Ce  mot  signifie,  à  la  lettre,  tenir  la  main  à  une 
chose,  la  tenu-  dans  le  même  état.  On  maintient 
ce  qui  était  déjà  tenu,  et  qu'il  faut  tenir  encore 
pour  qu'il  subsiste  dans  le  même  état. 

M.tiNTiETi.  Subst.  m.  Ce  moi  se  jirend  dans 
deux  sens  tout  a  fait  différents.  Dans  le  premier, 
il  a  rapport  au  verbe  juaintenir,  et  se  dit  des 
moyens  que  l'on  emploie  afin  de  conserver  une 
chose  dans  son  intégrité,  dans  l'état  où  elle  est. 
G  est  ainsi  que  l'on  dit  le  maintien  des  lois,  le 
maijUien  de  la  religion,  le  viaintien  des  insti- 
tutions. 

Dans  l'autre  sens,  maintien  se  dit  de  l'habi- 
tude extérieure  de  tout  le  corps.  Il  diffère  de 
contenance  en  ce  qu'il  sert  à  manpier  des  égards 
aux  autres  hommes,  et  que  la  contenance  est 
destuii'c  a  leur  imposer.  11  y  a  une  infinité  de 
contenances,  parce  qu'il  y  a  des  états  différents 
et  que  les  positions  varient;  il  n'v  a  qu'un  bon 
maintien,  parce  que  l'honnêteté  civile  est  une  et 
invariable. 

Mais.  Conionction    adversative.    Elle  sert   à 
marinier  ou  une  opposition  entre  deux  membres 
de  jilirascs:  Elte  est   belle,  mais  elle  est  mé- 
chante; ou  à  lier  deux  membres  de  phrases  dont  ' 
le  dernier  ex|>osc  la  raison  de  ce  (jui  est  exprimé 
par  le  pn-mier    Je  l'ai  puni,  viais  il  l'avait  me- 
nte. —  Joint  aux  mots  encore,   de  plus,  bien 
plus,  i\  sert  à  lier  deux  membres  d'une  phrase 
dont  le  second  désigne  une  addition  à  la  chose  î 
exprunen  par  le  premier,  ou  une  augmentation  de 
cette  chose  :   Non-seulemetU  il  est  bon,   mais  ' 
encore  il  est  brave  ;  il  l'a  insulté,  mais  de  plus 
H  l  a  battu    —  Mais,  employé  seul,  sert  à  lier  i 
deux  membres  d'une  phrase  dont  le  second  ex- 
prime la  diminution  d'une  qualité  exprimée  dans 


MAJ. 


4i9 


le  premier  :  Elle  est  bien  faite,  mais  elle  n'est 

pas  rjrandc. 

Dans  la  conversation,  mais  se  met  quelquefois 
au  commencement  d'une  phrase,  et  alors  d  sert 
a  appuyer  fortement  sur  ce  ipii  suit  :  Mais  pour- 
quoi n'arcz-vous  pas  répondu?  —  Ouelquefois 
Il  ne  marque  qu'une  transition  d'iin  sujet  dé 
conversation  ou  d'entietien  à  un  autre  :  Mais 
parlons  maintenant  de  ivs  afuùes;  mais  re- 
venons à  ce  que  nous  disions. 

lorsque  de  deux  membres  de  phrases  réunis 
par  la  conjonction  mais,  l'un  est  affinnalif  et 
l'autre  néi;atif,  il  n'est  pas  nécessaire  de  répéter 
le  verbe  dans  le  second  ineinlue,  parce  que  la 
conjonction  mais  servant  à  marquer  opposition 
ou  icstriction,  annonce  assez  par  elle-même  si  le 
membre  qui  la  suit  doit  éirc  pris  dans  un  sens 
alfinn  itif  ou  négatif  :  Z,'/mn/i(;/a'e  w?  frappe  pas 
simplement  l'rellle,  mais  l'esprit.  (Boii.,  Traité 
du  sublime,  chap.  XXXII.)  Ce  ne  sont  pas  les 
places  qui  honorent  les  hounnes,  7nais  les  hommes 
qui  honorent  les  places.  —  C'est  vu  homme  qui 
a  de  fesprit.  i/iais  peu  d'inslrur/ion.  Voyez 
Ellipse.  — Mais  sejircnd  quelquefois  substan- 
tivement :  ridlà  bien  des  si,  des  mais. 

Ondit  familiéremeiil  je  n'en  puis  mais,  en 
puis-je  Tnais?  pour  dire  ce  n  est  pas  ma  faute 
est-ce  ma  faute?  ' 

Maison.  Subst.  f.  Ce  mot  désiirne  au  propre 
un  bâtiment  destiné  au  loixeinont'des  hommes. 
11  se  dit  pariiciiliércment  de'  celles  qui  sont  des- 
tinées à  des  particuliers.  Les  bourgeois,  les  iié- 
go(-i;ints,  les  artisans,  les  cultivateurs  ont  des 
mai.ions;  les  grands  à  la  ville  occupent  des 
liàtels;  les  rois  et  les  princes  ont  des  palais; 
les  seigneurs  ont  des  châteaux  dans  leurs 
terres. 

Féraud  dit  que  maison  de  campagne  et  mai- 
son des  champs  c'est  la  même  chose.  Bouhours 
le  dit  aussi ,  fondé  sur  ce  qu'une  maison  de 
campagne  convient  aux  gens  de  qualité,  vu  que 
leur  état  suppose  de  l'aisance;  et  iiu'une  maison 
des  champs  convient  à  la  liour-'co'sie,  dont 
l'état  semble  exiger  plus  d'économie'  dans  la  dé- 
pense. Cette  distinction  n'est  pas  juste.  L'idée 
des  champs  réveille  celle  de  culluie,  et  l'idée 
de  campagne  réveille  celle  d'agrément.  Une  mai- 
son des  champs  est  une  habitation  avec  les  ac- 
cessoires nécessaires  aux  vues  éionomiques  fiui 
l'ont  lait  construire  ou  acheter,  loinine  un  verger, 
un  potager,  une  basse-cour,  des  éruries  jiour 
toute  sorte  de  bétail,  etc.  Une  maison  de  cam- 
pagne est  une  habitation  avec  les  arcessoircs  né- 
cessaires aux  vues  de  liherié,  d'indcpendance  et 
de  plaisir  (jui  en  ont  sugircre  l'acipiisition,  comme 
avenues,  remises,  jardins,  bosquets,  parterre, 
etc. 

Dans  les  sociétés  civiles  où  il  y  a  une  grande 
inégalité  de  condiiimi,  uuiisnu  se  dit  au'fiu'uré 
des  familles  illustres  ou  ircs-nobles  :  Une  mai- 
son souveraine,  une  muùon  illustre.  En  parlant 
des  personnes  d'une  condition  infrneure,  maison 
se  prend  iioiir  fortune  :  Cei  lioiiiiiie.  à  force  de 
travail  et  d'économie,  a  fait  uj,e  bonne  inalton. 

MaItresse.  Subst.  f.  Dans  le  sens  d'amante, 
il  est  banni  du  style  noble.  Voltaire  dit  dans  ses 
Remarques  sur  Corneille,  ipie  jamais  ce  mot 
n'a  été  employé  par  Racine  dans  ses  bonnes 
pièces 

Majesté.  Subst.  f.  Quand  ce  mot  est  joint  à 
un  adjcclifou  à  un  participe,  on  met  au  féminin 
cet  adjectif  ou  ce  particijie;  il  n'y  a  point  de  dif- 
ficulté sur  ce  cas    Ou  dit  votre  majesté  est  vie- 

29 


4"0 


MAJ 


torieuse,  votre  majesté  est  satisfaite.  Mais  il  en 
est  aiiirciiiciit  quand  ce  mol  csl  juiiil  à  des  sub- 
slaniifs  cmploycs  adjcclivemenl.  l-"aul-il  dire, 
par  cxemiile ,  depuis  que  mire  majesté  est 
maîtresse  ou  est  m;iilrc  de  cette  province.  Sclun 
le  |)ère  Bouhours,  il  faul  dire  sa  vitijeslé  est  le 
père  et  le  protecteur  de  ses  sujets,  ei  non  pas  la 
mère  el  la  pruleclricc;  el  il  i'aiit  dire  de  inèine 
sa  majesté  est  maître,  et  non  pas  maîtresse  de 
cclto  province. 

Il  est  hors  de  doute,  dit  Th.  Corneille,  que 
quand  il  s'agit  de  doinicr  aux  rois  un  titre  qui 
les  distinçuc  iiarliculicrcmont,  on  doit  toujours 
se  servir  de  mus,  cl  qu'il  faul  dire  vous  êtes, 
sire,  le  plus  grand  des  rois.Ow  dira  bien,  wtre 
majesté  est  très-cclairée;  mais  on  ne  peut  pas 
dire  votre  majesté  est  le  plus  éclairé,  ou  la  plus 
éclairée  de  tous  les  rois. 

Majkstui.lx,  Majestceuse.  Adj.  On  pont  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  roreille  et 
l'analoçic  :  Un  port  majestueux,  un  air  7na~ 
jestueux,  une  taille  majestueuse,  un  temple 
majestueux  ;  cette  majestueuse  démarche  était 
accompagnée,  etc. 

Majeur,  Majkuhe.  Adj.  Une  fille  majeure. — 
Utie  force  majeure,  un  intérêt  majeur.  —  On 
dit  la  majeure  partie.  Parloul  ailleurs  cet  ad- 
jectif suit  son  s\ibst.  —On  dit  au  piquet  tierce 
majeure,  quinte  majeure;  on  disait  autrefois 
tierce  major,  quinte  major  : 

Sur  mes  cinq  cœars  portés  ta  dame  arrire  encor, 
Qui  me  fait  justtment  une  quinte  major. 

(3l0L.,  Fdchi'ux,  acl.  II,  se.  il,  13.) 

L'Académie  prétend  qu'on  emploie  encore  (jucl- 
quefois  cette  expression.  Nous  pensons  que  cela 
arrive  bien  rarcuient. 

M.uuscuLR.  Adj.  qui  se  prend  quelquefois 
substantivenicnl.  On  appelle  lettres  majuscules 
ou  grandes  lettres,  certaines  lettres  qui  ont  une 
figure  différente  de  celles  des  lettres  qu'on  a\)- 
peWc  minuscules  ou  petites  lettres.  On  met  une 
lettre  majuscule  au  coinmcnccnient  d'un  dis- 
cours, et  a\i  cominenccnient  d'une  phrase  dont 
la  précédente  est  terminée  par  un  point.  Tous 
les  noms  profircs  doivent  commencer  par  une 
majuscule  :  Tibère,  César,  Socrate ,  Pierre, 
Paul,  la  Seine. 

On  <loil  regarder  comme  de  vrais  noms  pn.»- 
pres  Champs  Élysées,  Mer  Rouge,  Mer  Médi- 
terranée ;  car  c'est  sous  ces  noms  qu'en  a  -zj^wé- 
ralemenl  coutume  de  désigner  ces  lieux.  11  fnul 
donc  les  commeneor  par  une  majuscule,  <>i  il  f  lul 
commencer  de  même  lu  second  mot,  autr'>incnt 
on  croirait  que  Champs  et  Mer  forment  sci;ls  le 
nom  propre.  Par  la  même  raison,  il  nesuflinit 
pas  non  plus  de  mettre  une  majuscule  au  so^-ond 
mol.  —  t'.epcndant  cpiand  ces  mo<s  sont  unis  par 
un  tiret,  et  ijue  !e  second  n'est  pas  un  nom  proi>re, 
ce  second  mot  ne  [)rend  [wint  de  majuscule: 
Pori-ri>ijal,les  Paijs-bas.  — «L'Académie  écrit 
sans  majuscule  au  premier  mot,  vier  Rmige,  mer 
Méditerranée,  et  avec  majuscule  au  second, 
Pays-Bas,  Port-Boyal,  ce  qui  nous  parait  préfé- 
rable, parce  (pie,  dans  le  premier  cas,  l'adjectif 
seul  est  caractcristi(iue,  et  que  dans  le  second, 
malgré  le  tiret,  il  ne  sert  pas  moins  à  former  le 
nom  propre.  «  (A.  l.emajre,  Grammaire  des 
Grammaires,  p.  'Jlj';.) — Les  champs  thessalicns, 
les  monts  idaliens,  ne  sonlpas  de  vrais  noms  pro- 
pres: ce  sont  des  tournures  poétiques  pour  dire 
la  Thcssalie,  l'Idalie. 


Le  nom  de  Dieu,  quand  il  désigne  individuel- 
lement l'Èlic  suprême,  doit  coinmcncei'  par  une 
majuscule,  parce  qualurs  il  est  considéré  comme 
un  nom  i)ropre  :  ('roire  en  Dieu,  la  crainte  de 
Dieu.  .Mais  le  moi  dieu  ne  l'uinmcnce  |)oinl  par 
une  majuscule,  s'il  est  a|)pliqué  aux  divinités  du 
paganisme,  s'il  est  [nis  dans  un  sens  figuré,  «u 
s'il  est  regardé  comme  le  sujet  de  <iuelque  qua- 
lilic.iiion  de  l'P.lrc  suprême  :  Les  dieux  de  In 
Grèce  et  de  Home;  on  appelle  quelquefnis  Ici 
mis,  lis  dieux  de  la  terre.  Le  dieu  des  miséri- 
cordes, Zedieii  des  ven  eances,  le  i\\c\xd\lhruham. 

Les  noms  des  sciences,  des  arts,  des  métiers, 
s'ils  sont  pris  dans  un  sens  individuel  qui  disii"\- 
guc  la  science,  l'art,  le  métier,  de  toute  autre 
science,  de  tout  autre  art,  de  tout  autre  inéiier, 
doivent  prendre  une  initiale  majuscule  :  La 
Grammaire  est  une  science  indispensable,  la 
Musique  est  un  art  enchanteur',  il  est  honteux 
d'ignorer  les  principes  de  V  Orthographe;  la  Me- 
nuiserie emprunte  le  secours  de  la  Géométrie  et 
du  Dessin,  pour  fournir  des  embellissements  à 
l'.4rchitccture.  —  .Mais  ces  noms  rentrent  dans 
l'ordre  commun  quand  ils  sont  présentés  cousme 
sujets  d'une  qualification  déterminativc,  et  on 
les  écrit  sans  majuscule  :  La  grammaire  latine, 
la  grammaire  française  ,  la  viusique  ita- 
lienne, etc. 

Les  noms  des  êtres  abstraits  personnifiés  pren- 
nent une  majuscule.  Ainsi,  on  écrit  la  f^ertn, 
la  Fortune,  les  Grâces,  (piand  on  regarde  «."es 
êtres  comme  des  i^ersonncs. 

On  commence  par  des  lettres  majuscules  les 
noms  appellatifs  des  tribunaux,  des  compagnies, 
des  corps,  et  ceux  qui  déterminent  par  l'idée 
d'une  profession  ou  d'une  ilignité,  soit  ci\ilc, 
soit  ccdésiasticiue,  lorsque  ces  mots  sont  em- 
ployés sans  com()lement  délerminatif,  pour  dési- 
gner individuellement  leur  -olijet  :  On  comptait 
autrefois  douze  Parlements  en  France.  L'Aca- 
démie  n'a  pas  donné  de  drcision  sur  cet  article. 
Le  Roi  des  rois. 

Mais  CCS  mêmes  mots  s'écrivent  sans  majus- 
cule s'ils  sont  présentés  dans  le  discours  sans 
application  individuelle,  oi:  si  l'application  est 
dé^ignée  par  un  complément  déterminatif  :  La 
fermeté  des  7nemhres  du  parlement,  l'union  des 
églises,  le  roi  des  animaux. 

Les  adjectifs  saint,  grand,  et  semblables, 
doivent  prendre  une  initiale  majuscule,  lorsqu'ils 
entrent  dans  la  composition  d'un  nom  propre  et 
en  font  partie  :  Saint  Pierre,  Henri  le  Grand. 

Quand  on  adresse  la  parole  a  une  personne,  ou 
à  un  être  quelconque,  le  nom  tpii  déï,igne  cette 
personne  ou  cet  être,  fùi-il  appellatif,  iloit  avoir 
une  initiale  majuscule:  O  Ciel!  ('  Terre!  — 
C'est  par  la  même  raison  (pi'on  écrit  avec  une 
initiale  majuscule  Motiseigneur,  Monsieur,  Ma- 
dame, Mademoiselle,  en  adressant  la  parole  aux 
personnes.  Hors  ce  cas,  on  n'emploie  point  la 
majuscule,  et  on  écrit  j'ai  remis  votre  lettre  à 
monsieur,  à  madame,  a  sa  majesté. 

Quand  un  mol  a  p!u>ieurs  signiQcalions  dif- 
férentes, il  est  assez  convenable  d'employer  une 
initiale  majuscule  jiour  ilésigncr  la  signification 
la  plus  considérable.  Cette  attention  est  propre 
à  prévenir  liicn  îles  équivo<|ues  et  à  faciliter 
au  îecleur  l'inielligencc  de  ce  qu'il  lit  ,  ea 
lui  faisant  apercevoir  sur-lc-cliamp  clans 
quelle  acception  il  doit  prendre  les  mots  doat 
l'auteur  fait  usage.  Ainsi  Ion  écrira  avec  une 
initiale  majusfule,  la  Jeunesse,  pour  désigner  les 
jeunes  gens;  et  avec  une  minuscule  la  jeunesse, 


MAJ 

pour  signifier  le  plus  bel  âge  de  la  vie.  On  écrira 
aussi  avec  une  in;ijuscule  les  Grands,  i)Oiir  de- 
signer les  personnes  les  plus  c'onsidéral)les  d'un 
État,  el  les  granis  himimcs,  pour  signifier  les 
hommes  distingués  jiar  leurs  talents.  Le  nml 
justice  s"ccrira"par  un  grand  J  lorsqu'il  expri- 
mera celle  vertu  morale  qui  fait  qu'on  accorde 
à  chacun  ce  qui  lui  appartient  :  La  Justice  csl 
la  première  vertu  d' un  prince  ;  ou  bien  encore 
lorsipi'il  s'agira  des  ol'liciers  on  magistrats  qui 
rendent  la  justice.  Mais  le  mot  deyr/s/ice  s'écrira 
par  un  petit  j,  lors(]u'il  signifiera  bon  droit,  rai- 
son :  Il  ne  /nui  pus  se  faire  justice  sni-mcme. 

Cette  (listinciion  doit  même  avoir  lieu  entre 
deux  sens  individuels  d'un  nom  appellatif.  Il  se 
rendit  an  sénat,  en  ])arlant  du  lieu;  il  fut  blâmé 
par  le  Si'nat,  en  parlant  du  corps. 

On  écrira  avec  une  initiale  majuscule  tout 
nom  comnuin  dérivé  d'un  nom  propre,  pourvu 
qu'il  soil  pris  pour  désigner  la  (jualité  principale 
qui  caractérise  le  nom  propre  :  Les  Césars,  les 
Alexandrcs,  les  Pradons,  les  Corneilles. 

Il  convient  également  de  distinguer  le  litre 
d'un  livre  ou  d'une  pièce  (juclcouquo  par  une 
initiale  majuscule.  Il  en  est  de  même  lorsipi'on  le 
cite  :  L'Histoire  de  France.  On  lit  dans  un  conte 
de  Voltaire  {Gerlrude,  16,  : 

Toujours  sur  sa  loileUc  est  la  Sainte  Écriture, 
£t  le  Petit  Carême  est  surtout  sa  lecture. 

Enfin,  dans  la  poésie,  il  est  reçu  de  mettre 
une  majuscule  au  commencement  de  chaciue 
vers,  grand  ou  petit,  soil  qu'il  commence  un 
sens,  soit  (pi'il  lasse  i>artie  d'un  sens  commencé. 

Toutes  les  règles  que  nous  venons  d'cîjjoscr 
se  trouvent  dans  les  grammaires,  mais  il  s'en  faut 
bien  que  l'usage  soit  uniforme  à  l'égard  de  «jucl- 
ques-uncs.  Plusieurs  personnes,  par  exemple,  ne 
mettent  une  majuscule  aux  no.ms  des  sciences, 
arts,  métiers,  etc.,  que  lorsque  ces  noms  expri- 
ment le  sujet,  la  matière  dont  il  est  particulière- 
ment (luestion  dans  un  discours,  dans  un' traité, 
dans  un  mémoiie.  Ainsi,  dans  un  l'ailé  d'archi- 
tecture, dans  un  mémoire  sur  l'architecture,  le 
mot  archi.ecture  sera  toujours  écrit  avec  une 
majuscule;  mais  dans  tout  autre  cas,  ils  écri- 
vent ces  noms  sans  uiaju.scule.  —  D'autres  n'in- 
diquent point  par  l'orthographe  les  différents  sens 
à.QS  mois  justice,  etc.,  (pic  nous  avons  indiqué 
plus  haut.  Il  n'y  a  rien  de  bien  tiv;e  sur  ce  point. 

Nous  ne  partageons  pas  l'indignation  de 
Beauzée  contre  ceux  (]ui  s'affrancrussont  des 
vieilles  règles  de  la  giammaire,  en  supprimant 
plusieurs  majuscules  initiales:  «C'est,  du-il, 
une  entreprise  qui  doit  récolter  la  raison,  autant 
qu'elle  clioipie  les  yeux.  C'est  une  pratiipje  con- 
traire à  un  usage  trcs-rédechi  de  la  nation.  Elle 
tend  à  bannir  de  noire  écriture  la  netteté  de 
l'expression,  (]ui  dépend  toujours  de  la  distinc- 
tion précise  des  objets.  Ajoutons  que  l'œil  mémo 
a  intérêt  à  la  conseivalion  des  lettres  majuscules; 
il  s'égarerait  et  so  lasserait  de  l'uniformité  d'une 
page  où  tomes  les  lettres  seraient  constannnent 
égales.  Les  grandes  lettres,  répandues  avec  in- 
telligence pimni  les  peiiles,  sont  des  points  de 
repos  pour  I'omI,  autpiel  elles  offrent  en  même 
temps  le  plaisir  do  la  variété.  »  [Grammaire  des 
Grammaires,  p.  •.i62.) 

Nous  conv(>noi!s  (jue,  quand  les  majuscules 
sont  nécessaires  pour  prévenir  une  équivoque, 
on  fait  fort  bien  de  les  employer;  mais  nous 
pensons  qu  excepté  ces  cas,  qui  n'ont  lieu  que 


MAL 


451 


dans  un  très-petit  nombre  de  mots,  et  ceux  où 
ces  lettres  sont  prescrites  jiar  un  usage  uniforme 
et  constant,  on  fait  foit  bien  de  les  sup|)rimer, 
el  qu'il  n'y  a  rien  dans  celte  snjjpression  ipii 
puisse  révolter  la  ruisun  Si  les  majuscules  soiu 
nécessaires  à  l'teil  pour  l'empêcher  d&  "garer 
el  de  se  lasser  de  runiformiié  des  pages;  si  les 
majuscules  ont  l'avantage  d'offrir  en  même  temps 
a  l'icil  et  des  points  de  repos  et  les  plaisirs  de 
la  variété,  il  nous  semble  «pi'on  évitera  ces 
inconvénients,  et  qu'on  procurera  ces  plaisirs, 
en  mellant  des  majuscules  au  commencement  de 
chaiiue  phrase,  cl  dans  tous  les  cas  oii  elles  sont 
prescrites  par  un  usage  constant.  Si,  d'un  côté, 
l'œil  se  lasse  d'ime  trop  grande  uniformité  de 
caractères,  de  l'autre ,  il  est  choqué  à  la  vue 
d'une  page  hérissée  de  majuscules;  et  l'on  sait 
combien  sont  choquantes  à  la  vue  ces  cojjies 
où  des  inaitres  d'écriture  ignorants  s'efforcent 
de  nuilliplier  les  majuscules,  pour  faire  briller 
l'adresse  de  leur  main  et  la  hardiesse  des 
traits  de  i)luinc. 

Mal.  Subst.  m.  Quebiues  ijcrsonnes  disent 
J'ai  cherché  lonr/teiiips  ce  lirr(',j'ai  eu  ii'e/i  du 
mal  o  le  trouver;  on  a  lien  du  mal  à  gagner 
su  vie  ;  j'ai  eu  bien  du  mal  à  vie  procurer  votre 
adresse.  (!cs  manières  de  parler  ne  sont  auto- 
risées que  dans  le  discours  familier.  Partout 
ailleurs  il  faut  dire,  j'ai  eu  bien  de  la  peine. 

Mai,.  Adv.  Dans  les  temps  simples,  il  se  met 
ordinairement  après  le  v(;!be  :  Celte  affaire  va 
mal.  Dans  les  temps  composés,  on  le  inel  entre 
l'auxiliaire  el  le  parliciiie  :  //  a  viol  agi.  il  en  a 
vialnsé.  On  le  met  quelqucluis  avant  linliniiif,  et 
queli]uefois  après  :  Je  ne  croyais  pas  vial  faire, 
je  ne  croyais  pas  faire  mal.  —  Se  mal  trouver 
de  (jtielqne  chose  ne  se  dit  qu'au  figuré,  et  seu- 
lement à  l'inlinilif  el  aux  tenqts  composés;  il 
signilie  éprouver  un  mauvais  effel  d'une  action, 
d'une  démarche  que  l'on  a  faite.  Se  trouver  mal 
se  dit  au  propre,  dans  un  sens  absolu,  et  signifie 
ressentir  subitement  delà  faiblesse  :  5«  senhr 
défaillir.  Voyex  Langue  française. 

Malade.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subsi.  ;  Un  homme  malade,  une 
femme  malade,  un  enfant  malade.  On  dit  être 
malade  à  mourir,  et  être  malade  d'un  mal  in- 
curable. 

Maladii:.  Subst.  f.  L'Académie  dit  les  maladies 
de  Vâme.  On  dit  aussi  les  maladies  du  cœur. 

Hélas  !  combien  le  cœur  a-l-il  de  matadies  ? 

(Volt.,  2e  dise.tur  l'homme,  106.) 

Maladif,  Maladive.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  inaladif,  une  femme 
maladive. 

L'Académie  le  définit  valétudinaire,  qui  est 
bujet  à  être  malade,  f^alétudinaire  n'exprime 
pas  la  même  chose  que  maladif.  L'ne  personne 
valétudinaire  csl  une  personne  dont  la  santé  est 
ou  chancelante,  ou  délicate,  ou  souvent  altérée 
par  differenies  maladies  qui  lui  arrivent  [lar  in- 
tervalles; elle  est  d'une  sanlé  ciuincclanie.  Lue 
personne  maladive  est  sujette  à  être  souvent 
malade,  non  par  la  délicatesse  de  sa  couslitnlion, 
mais  par  «luelipie  alTeclion  particulière,  par  un| 
principe  morbiliqne  donl  elle  est  affectée. 

Maladroit,  .Mai.api;oite.  .idj.  qui  ne  se  me 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  viuladroit,  un 
ouvrier  maladroit. 

11  V  a  la  même  différence  entre  ce  mot  et 
malhabile,  (ju  onue   i.iuladresse  Ct  mulhabilett, 


in2 


MAL 


Maladresse  se  dit,  dnnslc  sens  propre,  du  peu 
d';i|ililiiilc  aux  rxcivit'cs  du  (•or[)s.  Malluilileté 
iicscdil  (jucdu  manque d'.ijjliludo aux  foiuliuns 
do  l'cspril.  Un  joueur  de  l)dlard  est  vtaladioit  ; 
un  nciiocialcur  est  mulliubilc.  Ou  nouiine  (jnel- 
(jucfuis  au  figure  maladresse,  le  m.iiii]uc  dinlel- 
Ii^eufC  cl  de  ca|)acilc  pour  des  o|iéialions  (jui 
de|)endeiit  des  vues  de  l'esprit;  mais  il  n'y  a  pas 
rociprocilc;  el  l'on  ne  nommera  jamais  mulha- 
hileté  le  dcf.iul  d'aplilude  aux  exercices  corpo- 
rels. On  pcui  donc  dire  (|u'un  néi^ociateur  est 
mahidioit,  mais  on  ne  dira  pas  ([u'un  joueur  de 
billard  soit  malliahile. 

Maisiiuelle  dilTcrcncey  a-l-il  entre  un  nogo- 
cialcur  maludruit  et  un  néçociaicur  malhabile? 
La  voici  ;  on  peut  distinguer  dans  les  négocia- 
tions <icux  choses  :  les  moyens  <|ne  l'esprit  in- 
vente dans  le  dessein  de  réussir,  et  l'emploi  de  ces 
moyens,  l'exécution  du  plan  projeté  par  l'esprit. 
Si  un  néjrocialcur  invente  de  mauvais  moyens, 
propres  à  éloigner  du  but,  au  lieu  d'en  rappro- 
chci',  il  est  malhabile  ;  si,  lors  de  l'exécutiou,  il 
propose,  dans  une  circonstance  défavorable,  ce 
qu'il  a  dessein  de  faire  agréer,  ou  s'il  le  propose 
mai,  s'il  irrite  les  ppr^on^es  qui  |)()urraieni  le 
servir,  et  met  sa  conliancc  en  celles  qui  ont  in- 
térêt à  le  trahir,  il  est  maladroit. 

MALADEtoiTEME>T.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  s'est  excusé 
maladruiletnent,  il  s'est  maladroitement  excusé. 

Malaise.  Subst.  m.  Manque  de  choses  néces- 
saires aux  besoins  de  la  vie.  On  dit  en  ce  sens  : 
Cet  homme  est  dans  le  malaise.  On  dit  aussi 
cet  homme  est  pauvre  et  malaisé.  Mais  l'adjectif 
malaisé  a  une  acception  (pie  n'a  iioint  le  sub- 
stantif/«aZatsc.  11  est  synonyme  de  diflicile:  Cette 
affaire  est  malaisée.  De  l'adjectif ///«/(( tW,  pris 
en  ce  sens,  on  a  fait  l'adverbe  malaisément. 

Malaisé,  Malaisée.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près sou  subst.  :  Une  chose  malaisée. —  Un  riche 
malaisé.  Voyez  Malaise. 

Malaisément.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  yous  réussirez  inalaisément.  Voyez 
Malaise. 

Malavisé,  INIalavisée.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  malavisé,  une  femme 
■malavisée . 

Malbati,  Malbatie.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  mulhâli,  une  femme 
malhûtie. 

Malcontfnt,  Malcontente.  Adj.  qui  ne  se 
rael  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  malcnntent, 
une  femme  malcnntenle.  Voyez  Mécontent. 

Mai.e.  Adj.  des  deux  genres:  Enfant  mâle, 
perdrix  mâle.  —  En  ce  sens,  il  se  met  toujours 
.■;)ros  son  subst.  —  Dans  le  sens  figuré,  on  peut 
ieukittre  avant,  lorsque  l  analogie  et  l'iiarmniiie 
l'i  pertoel'.enl  :  Couraye  mâle,  résolution  mule, 
vertu  mdle.  —  Son  mâle  courage,  cette  mâle  ré- 
su(u  tien. 

C'est  li  ce  qn'allendiienl  ma  liaine  et  ma  colère 
De  la  mMe  vertu  qui  fait  ton  caractère. 

(Volt.,  Mort  de  Cétar,  acl.  II,  se.  IT,  76.) 

Voyez  Adjectif. 

Malédiction.  Subst.  f.  Imprécation  qu'on  pro- 
nonce Contre  tpielque  objet  malfaisant.  Un  |ière 
irrite  maudit  son  enfant  ;  un  homme  violent 
maudit  la  pierre  qui  le  blesse;  le  peuple 
maudit  le  souverain  qui  le  vexe;  le  philosophe 
qui  admet  la  nécessité  dans  les  événements,  s'y 


MAL 

1  soumet  et  ne  maudit  personne.  —  On  croit  que 
la  malédiction  assise  sur  un  cire  est  une  espèce 
de  caractère;  un  ouvrier  croit  que  la  matière 

!  qui  ne  se  prête  pas  a  ses  vues  est  maudite;  un 

!  joueur,  que  l'argent   iiui  ne  lui  proiile  pas  est 

j  maudit. 

Malencontreux,  MALF.NCONTr.ErsE.  Adj.  Il  se 
dit  des  iiersonnes  et  descllo^es.  Un  homme  mal- 
encontreux, sujet  à  rciicoiiirer  des  choses  fâ- 
cheuses. Un  événement  matencuntrevx ,  qui 
[loito  malheur.  En  parlant  des  jM-rsonnes,  il  ne 

j  se  mel(iu'a|irèssoii  siibsi.  ;  en  pail.uit  des  choses, 
on  peut  (inelqucfcis  le  mettre  avant  :  Ce  malen- 

I  conireux  événement. 

I      Malfaihe.  V.   n.  et  dcfeclueux  de  la  4*  conj. 

!  Il  n'est  usité  qu'à  l'infiiiitir,  mal  faire,  et  au  par- 
ticipe passé,  iiialfiit.  11  jireiid  l'auxiliaire  avoir. 
—  L'Académie  n'admet  ijuc  l'iiifiiiitif. 

j       Malfaisant,  Malfaisante.  Adj.  H  ne  se  mel 

j  guère  (ju'uprès  son  f  iibst.  :  Un  homme  malfai- 
sant, un  esprit  malfaisant.  — U ne  humeur  Tnal 

I  faisante. —  Une  nourriture  malfaisante. 

\      Malcracieux  ,   Malgracielse.    Adj.   Disgra- 

!  deux  a  une  teinte  plus  forte. 

Malgré.  Préposition.  Elle  régit  les  noms  sans 
le  secours  d'une  autre  préjtosition  :  Malgré  son 
père,  malgré  ses  supérieurs.  —  Malgré  la  pluie, 
mulgié  lu  grêle.  Ou  ne  peut  dire  malgré  que,  que 
dans  ces  sortes  de  jibrases  :  Malgré  que  vous 
en  ayez,  malgré  qu'il  en  ait,  c'esl-a-dire  »/ja?^re 
Vos  efforts,  malgré  ses  elforis.  En  effet,  malgré 
que  veut  {ï\ïc  mauvais  gré  que,  quelque  mauvais 
gré  que  ;  on  ne  doit  donc  pas  dire,  malgré  i\\ï'\\ 
ait  fait  cela,  malgré  ipie  je  fusse,  malgré  quej'c 
sois;  il  faut  dire,  (pioiipiil  ait  fait  cela,  quoi- 
que je  fasse,  t\uou\ncj'e  sois. 

Malhabile.  Adj.  des  deux  genres.  On  dit  un 
homme  malhahile,  et  un  vialhabde  homme.  Voy. 
Maladroit. 

Maliiabilehent.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'aiixiliairc  et  le  parlici|)e  :  //  .t'y  est  pris  mal- 
habilement,  il  s'y  est  malhubileuient  pris. 

Malheureusement.  Ailv.  11  se  met  quelque- 
fois au  commencement  de  la  phrase  :  Malheu- 
reusement il  tomba  de  cheval.  On  le  met  aussi 
après  le  verbe  :  Il  a  vécu  maiheureusejnent; 
ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  mal- 
heureusement vécu. 

Malheureux,  MALnEOREDSE.  Adj.  Il  peut  pré- 
céder son  subst.,  lorsque  l'analoirie  et  l'harino- 
nie  le  permettent  :  Un  Itomme  malheureux,  un 
malheureux  enfant,  un  ami  malheureux,  mon 
malheureux  ami;  un  choix  malheureux ,  un 
malheureux  choix;  un  jour  malheureux,  un 
malheureux  Jour;  une  rencontre  malheureuse, 
une  malheureuse  rencontre  ;  une  circonstance 
midheureuse,  une  malheureuse  circonstance. — 
En  parlant  des  personnes,  lorscpi'il  signifie  mau- 
vais en  son  genre,  il  doit  toujours  précéder  son 
subst.  :  Un  malheureux  auteur,  un  malheureux 
écrivain.  \'oycz  AJjectif. 

On  dit  indilTéreminenl  une  rie  malheureuse, 

une  vie  misérable  ;  c'est  un  malheureux ,  c'est  un 

j  homme  tnisérable.  Mais  il  y  a  des  cas  où  l'un  de 

ces  deux  mots  convient,  et  ou  l'autre  neconvicnl 

'  pas.  On  est  malheureux  au  jeu,  on  n'y  est  pas 

J  misérable,  mais  on  deviciu  misérable  en  per- 
dant beaucoup  au  jeu.  Misérable  semble  mar- 
I  qiier  un  état  fâcheux,  soittpi'.jn  y  soit  né,  soi? 
j  que  l'on  y  soit  loinliè.  Malheureux  semble  mar- 
1  quer  un  accident  qui  arrive  tout  à  coup,  et  qui 


MAL 

mine  iino  forliinc  naissante  ou  ptaWic.  On  pininf 
pi'0|irein(MU  los  luallieureux,  on  assiste  les  mt- 
séraiies.  AOici  deux  vers  de  Uac-ino  qui  expri- 
ment fort  bien  la  différence  de  ces  deux  mots 
[Esth.,  ad.  11F,  se.  i,  41)  : 

Haï,  craînt,  enTié,  souvent  plu?  miscrabU 

Uue  lousles  mjlheiireux  que  mon  pouvoir  accable. 

De  plus,  viiséralle  a  d'autres  sens  que  malheu- 
reux n'a  pas;  car  on  dit  d'un  mrcliant  auteur 
et  d'un  niéciiant  ouvrage  :  Cest  v»  auteur  7ni- 
sérable,  cela  est  luisèrable.  On  dit  encore  a  peu 
près  dans  le  uièinesens  :  f"^«us  me  traitez  comme 
un  misérable ,  c'esl-;i-dirc  vous  n'avez  nulle 
considération,  nul  c^'ard  pour  moi.  On  dit  encore 
c'est  vil  vtisérable,  en  pariant  d  un  iiomme  mé- 
prisable par  sa  bassesse  et  par  ses  vices.  — On 
emploie  (puhpiofois  malheureux  dans  le  même 
sens  :  C'est  vu  iinilheureuT  que  les  honiicles 
gens  ne  peuvent  plus  vnir.  (Acad.) — Enfin,  misé- 
rable s"appli(iue  aux  choses  inanimées,  au  tctnps, 
aux  saisons,  etc.  \  oyez  Gueux. 

Malhonnête.  Adj.  des  deux  genres.  En  parlant 
des  clioses,  il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Une  action  luulhonnètc,  une  conduite  malhon- 
nête, un  procédé  mtilhniincle.  —  Ou  dit  vn  mal- 
honnête luimme,  pour  diie  un  homme  ipii  man- 
que d'honneur  et  de  probité.  Un  liouime  mal- 
honnête se  dit  d'un  liomme  qui  manque  à  la  ci- 
vilité, à  la  iioliiessc,  aux  égards  que  les  hommes 
se  doivent  les  uns  aux  autres  dans  la  société. 
Voyez  Adjectif. 

Il  ne  faut  pas  confondre  ce  mot  avec  déshon- 
nête.  Déshonnète  est  contre  la  pureié,  contre  la 
pudeur,  contre  la  bienséance.  Malhonncie  est 
contre  la  civilité,  et  quelquefois  contre  la  bonne 
foi,  contre  '.  i  droiture.  Le  premier  ne  se  dit  que 
des  choses;  le  second  se  dit  également  des  cho- 
ses et  des  personnes. 

jNIauce  ,  Malignité  ,  Méchanceté.  Substan- 
tifs féminins.  La  malice  est  une  inclination 
à  nuire  adroitement  et  finement;  la  malignité, 
une  malice  sccrélc  et  profonde;  la  méchanceté, 
un  penchant  a  faire  du  mal.  En  effet,  le  propre 
de  la  wiaZt'cc  est  l'aiiresse  et  la  finesse;  le  |)ropre 
de  la  malignité,  la  dissimulation  et  la  profondeur  : 
le  propre  delà  méchanceté,  l'audace  et  lairocité. 
—  Le  substantif  malignité  a  une  tout  autre 
force  que  son  adjectif  malin.  On  permet  aux  en- 
fants d'ôire  malins,  on  ne  leur  passe  la  malignité 
en  quoi  que  ce  soit,  parce  (pie  c'est  l'état  d'une 
âme  qui  a  perdu  l'instinct  de  la  bienveillance, 
qui  désire  le  maliieur  de  ses  semblables,  e!  sou- 
vent en  jouit  On  leur  passe  des  malices,  on  va 
même  (juciquefois  jusqu'à  les  y  encourager, 
parce  que,  sans  tenir  à  rien  de  révoltant,  la  mu- 
lice  suppose  une  sorte  d'esprit  dont  on  peut  tirer 
parti  par  la  suite.  Celte  sorte  d'indulgence  est 
pourtant  dangereuse;  car  la  ruse  que  suppose 
la  malice  dispose  insensiblement  à  la  malignité, 
parce  que  rien  ne  coiiie  a  l'amour-propre  pour 
réussir;  et  de  la  ■malignité  à  la  méchanceté,  il 
y  a  si  peu  de  distance,  (ju'il  n'est  pas  difficile 
âe  prendre  lune  pour  l'autre. 

Il  y  a  dans  la  malignité  plus  de  suite,  plus  de 
profondeur,  ])lus  de  dissiuuilation,  plus  d'acti- 
vité »iue  dans  la  malice.  La  malignité  n'est  pas 
aussi  dure,  ni  aussi  atroce  que  la  méchanceté. 
Elle  fait  verser  des  larmes,  mais  elle  s'attendri- 
rait peut-être  si  elle  les  voyait  couler. 

L'Académie  ne  dit  malice  que  des  personnes  et 


MAL 


455 


du  péché.  Racine  a  dit  la  malice  du  sort  [Esth., 
act.  IV,  se.  I,  73)  : 

Aux  malices  du  tort  enfa  c^crctei-vous. 

On  dit  être  exposé  à  la  malice  de  quelqu'un, 
se  garantir  de  la  wvaWcc  ào.  quel qu'u n  Je  reslaist 
toujours  exposé  à  la  malice  <le  mes  cnunmis,  et 
je  m'étais  presque  àté  les  in'ujcus  de  m'en  garan- 
tir. (Montesquieu,  WIV  lettre  persane.) 

Maliciel'skment.  Adv.  On  peut 'e  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  dit  ce/a  mali- 
cieusement. Il  a  malicieusement  interprété  celte 
réponse. 

Malicieux,  Malicieuse.  Adj.  Un  homme  ma- 
licieux, une  femme  malicieuse,  un  enfant  ma- 
licieux. —  Un  dessein  malicieux.  On  |ieut  le 
mettre  avant  son  sulist.  :  Un  mtdicieux  dessein, 
une  malicieuse  intrigue 

Malignkment.  Adv.  On  iicut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  dit  cela  maligne- 
ment  il  a  malignement  interprété  ce  passage. 

Malin,  Maligne.  Adj.  Un  homme  malin,  un 
esprit  malin. — Disrrurs  malin.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  lorsijue  l'analogie  et  riKirm>>- 
nie  le  |)crmettent  :  Une  inaligne  bêle,  une  ma- 
lii/ne  interprétation,  une  maligne  joie,  un  malin 
Vouloir;  l'esprit  malin,  le  malin  esprit.  Voyez 
Adjectif. 

Klle  avait  évilé  la  perfide  machine. 
Lorsque  se  rencontrant  sous  la  main  de  l'oiseau, 
Elle  sent  son  onaU  maline. 

(La  l'oNT.,  liv.  VI,  fable  XYl,  10.) 

Remarquez  qu'on  ne  dit  pas  la  main  de  rot- 
seau,  qWongle  est  masculin,  et  qu'il  n'est  pas 
permis  de  prononcer  maline,  ce  qui  est  toiUefois 
très-commun  dans  nos  provinces.  (Cb.  Nodier, 
Examen  crit.  des  Dict.) 

Malingre.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  viulingi-e,  une 
femme  malingre,  un  enfant  vialingre. 

Malintentionné,  Malintentionnée.  A<lj.  Cet 
adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  homme 
malintentionné,  une  personne  malintentionnée. 

11  y  a  des  mécontents  dans  les  temps  de  trou- 
bles; il  y  a  en  tout  temps  des  rialintenlionnés. 
Le  mécontcnteiuenl  cl  la  mauvaise  intention  peu- 
vent être  bien  ou  mal  fondes.  Le  mécontentement 
ne  se  prend  pas  toujours  en  mauvaise  part  ;  il  est 
rare  que  la  mauvaise  intention  soit  excusable; 
elle  n'est  presque  jamais  sans  la  dissimulation  et 
l'hypocrisie. 

Malpuopre.  Adj.  des  deux  genres.  Sale.  Il  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  malpropre, 
une  femme  malpropre.  —  Des  meubles  malpro- 
pres, un  habit  malpropre,  une  chambre  mal- 
propre. 

Autrefois  on  disait  malpropre,  pour  signifier 
qui  n'a  pas  les  dispositions  nécessaires  pour 
réussir  à  une  chose.  Corneille  a  dit  [Rodogune, 
act.  I,  se.  VI,  85)  : 

Vous  me  trouvei  malpropre  à  celle  confidence. 

Malpropre,  dit  Voltaire  à  l'occasion  de  ce  vers, 
ne  doit  i>as  entrer  dans  le  style  noble.  Il  ne  doit 
entrer  dans  aucun  style,  à  cause  de  l'équivoque. 
On  (lit  aujourd'hui  peu  propre;  mais  Corneille  et 
Molière  ont  toujours  dit  malpropre  en  ce  sens. 

MALPnopRE.MENT.  Adv.  Ou  pcul  quclqucfols  Ic 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  tra- 


454 


MAN 


raille  inalprrprement,  il  a  malproprement  tra- 
ruillc. 

Malsain,  Malsaine.  Adj.  qui  se  met  toujours 
nprèsson  sul)Sl.  :  Un  homme  malsain,  une  fem- 
me malsaine.  Un  air  malsain,  une  nourrilure 
malsaine. 

Malséant,  Malséante,  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.  :  Un  air  mulsiiunt,  une  conduite 
malséante. 

Maltraitkr.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Selon  Ccau- 
lée,  maltraiter iisniùc  fuire  outrui^'e  ù  queli|u'iiii, 
soit  de  paroles,  soit  de  coups  de  main;  traiter 
mal,  signilie  faire  mauvaise  clière  à  quelqu'un, 
ou  n'en  pas  user  à  son  gré.  Il  observe  que,  dans 
les  temps  cuinposes  du  verbe  traiter  mal,  le  gi;- 
nie  de  noire  lani^ue  exige  (jue  l'ailverhc  7nal  |)asse 
avant  le  pariicipe  traité,  il  m'a  mal  traité,  ce 
qui  semble  le  rajjprocher  du  verbe  maltraiter; 
mais  alors  la  dilTcrcnce  des  sens  que  l'on  vient 
d'indiquer  doit  toujours  avoir  lieu,  et  elle  se  re- 
marque jusque  dans  l'orlhograplie.  Maltraite, 
en  un  scnl  mot,  vient  d(i?naltraiter;  mal  traité, 
en  deux  mots,  vient  de  traiter  mal.  Psous  ajou- 
terons que  cette  différence  n'éiant  pas  sensible 
dans  la  prononeialion,  il  est  bon,  pour  jjrévonir 
Téquivo  pie,  d'ajouter  lien  ou  fort  a  înal;  car 
alors  on  pourra  le  mettre  aijfès  le  participe  :  Il 
m'a  mal  traité,  il  m'a  traité  fort  mal. 

Malveillant,  Malveillante.  Adj.  On  mouille 
les  /.  On  l'emploie  plus  ordinairement  comme 
subslanlif  :  Les  malveillants.  Prisadjecliveiiionl, 
on  pe'.ii  1(;  mettre  avant  son  subsl.,  lorsque  l'ana- 
logie et  riiarmonie  le  permettent  :  Un  caractère 
ma Ive /liant,  avoir  de  malveillantes  intentions. 

Mami-.ld,  Mamelue.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.  :  Un  homme  mamelv,  une  femme 
inamelue. 

M'asiie,  M'amodr.  Substantifs  féminins.  Termes 
de  mignardise  et  de  tendresse  qui  ne  s'emploient 
que  familièrement.  On  dit  aussi  i|uelquefois  m'a- 
mie,  en  parlant  à  une  femme  dune  basse  classe. 
On  le  dit  aussi  dans  un  sens  de  dénigrement  cl 
de  mépris,  en  i)arlaiil  a  une  femme  que  l'on  re- 
garde cummo  fort  au-dessous  de  soi:  Apprenez 
wi'aniie  que  je  ne  suis  point  disposée  à  souffrir 
vos  impertinences. — I/Àcadémie,  au  mot  amour, 
dit  que  m'amour  est  une  expression  (|ui  s'em- 
ployait anciennement  pour  won  «wioM?-;  mais  elle 
écrit  7/m  mie,  et  non  pas  /«'a/Hze. 

MA>f;H0T  ,  Manchotte.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Un  homme  manchot,  une 
femme  manchotte. 

Mamdille.  Subst.  f.  On  mouille  les  l. 

Manes.  Subst.  m.  plur. 

Et  Thésée  a  rejoint  les  m  )ne«  de  tos  frères. 

(Hac,  Pbcd.,  acl.  U,  se.  I,  VZ.) 

Il  se  met  toujours  au  pluriel,  même  en  parlant 
d'une  seule  personne  :  Les  viûncs  d'Jchille. 

Mangeable.  Adj.  des  deux  genres.  L'<?(iui  suit 
le  5  est  entièrement  muet.  11  n'est  là  que  pour 
donner  au  g  un  son  doux,  cpi'il  n'a  pas  devant 
Va.  Il  se  dit  le  plus  souvent  avec  la  négative:  Cela 
n'fst  pas  mangeable,  et  nc  sc  met  qu'après  son 
subst. 

Ma.ngeant,  Mangeante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
meîiger.  Ve  n'est  là  que  pour  donner  au  g  un 
son  doux,  qu'il  n'a  pas  devant  l'a.  Il  ne  se  met 
(lu'api'ès  son  subsl.  :  Un  homme  qui  est  bien  bu- 
vant et  bien  manr/eani. 

Manger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dansée  verbe,  le 
g  a  la  i)rononciaiion  du  j,  de  sorte  qu'il  faut  mel- 


MAN 

tre  à  la  suite  de  cette  leilre  un  e  muet,  lorsqu'elle 
est  suivie  d'un  «  ou  d'un  o,  ce  qui  lui  donne  la 
prononciation  u\i  j :  Je  mangeai,  mangeons,  et 
non  |)as,  je  mangai,  mangons. 

1\Iani\uli;.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Du  cuir  maniable,  du  fer 
maniable,  un  marteau  qui  n'est  pas  maniable. — 
Un  e.iprit  maniable. 

Maniaque.  Aiij.  des  deux  genres  q\ii  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

-Manie.  Subst.  f.  L'Académie  ne  l'indique  point 
dans  le  sens  que  lui  donne  Kacine  dans  les  vers 
suivants  (/jd/jj>.,  act.  IV,  sc.  i,  1)  : 

Quelle  étrange  manie 
Vous  peut  faire  envier  le  sort  d'Ipliigénieî 

Ce  mot  entre  dans  la  composition  de  i>lusieurj 
autres  mots,  |)our  signitier  une  passion  déréglée, 
un  goùl  dérègle  pour  (pielque  chose  :  L'angloma- 
nie est  un  goùl  déiéglé  pour  les  mœurs  et  les 
usages  des  Anglais.  La  b ihlioma nie  c^l  une  pas- 
sion déréglée  pour  les  livres,  etc.  De  là  on  a  fait 
anglomaiie,  hibliomane,  etc. 

Maniement.  Subst.  m.  On  prononce  maniment. 
L'e  ne  sert  ([u'à  rendre  longue  la  syllabe  ni. 

Manière.  Subst.  f.  Moyen  particulier  de  faire 
une  chose. —En  termes  de  peinlure,  lai  dit  avoir 
une  manière,  ou  avoir  de  la  manière ,  deux  ex- 
pressions qui  ne  signifient  pas  la  même  chose. 
<,>iioique  la  nature  n'ait  point  de  manii-re,  on  ap- 
pelle belle  manière,  luie grande  manière,  le  faire 
de  ceux  «jui  l'imitent  dans  un  si  y  le  sjvant.  C'est 
un  éloge  que  la  manière  prise  en  ce  sens;  elle 
n'est  (ju'une  élégante  exagèralinn  de  la  vérité. 
Mais  lorsqu'on  dit  iju'uii  dessinateur  met  de  la 
manière  dans  tout  ce  (]n'il  fait,  (pi'il  '^  a  de  la 
munière  dans  son  trail,  dans  sa  manœuvre,  dans 
ses  effets,  c'est  un  reproi  he.  Ou  fait  eniendrepar 
là  qu'il  sort  en  tout  du  ton  de  la  nature,  ([ue  ses 
contours  ne  sont  point  justes,  que  son  clair-obscur 
est  altéré,  etc. 

Le  style  et  la  manière  nc  sont  que  la  même 
chose  Sous  des  noms  dilïérents.  L'usage  a  assigné 
le  terme  de  manière  à  la  peinture,  et  celui  de 
stylo  à  l'art  d'écrire.  Ainsi  l'on  dit,  ce  tableau  est 
dans  lu  manière  de  liiiphac!,  comme  on  dit  ce 
plaidoyer  est  dans  le  style  de  Cicémn. — Depuis 
<]uelque  temps,  cependant,  on  parle  de  style  en 
peinture,  et  de  /«az/tc/'e  dans  les  belles-lettres. 

De  manière  est  suivi,  ou  de  que,  ou  de  la  pré- 
position à  :  lùiiics  les  choses  de  manière  que 
tout  le  monde  soit  content,  OU  de  munière  à  con- 
tenter tout  le  monde. 

Maméi'.é,  Maniérée.  Adj.  11  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  maniéré,  un  auteur  ma- 
niéré,  un  style  maniéré.  —  En  peinture,  ,^^M/'e5 
maniérées ,  composition  maniérée,  couleur  ma- 
niérée, draperies  maniérées. 

Manieur.  Subst.  m.  La  Bruyère  a  employé  ce 
mol  fort  à  [jropos  dans  la  phrase  suivante  :  Le 
manieur  d'argent,  V  homme  d'affaires,  est  un  ours 
qu'on  ne  saurait  apprivoiser.  (Cliap.  VI,  Des 
biens  de  fortune,  p.  2/8.) 

Manifeste.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ncse  met 
(piaprès  son  subst.  :  Une  erreur  manifeste,  un 
crime  manifeste. 

Manifestkjient.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  ;  On  lui  a  fait  voir  manifestement,  et  non 
pas,  on  lui  a  manifestement  fait  voir. 

Manigance,  .Manigancer.  Ces  deux  mots  ne 
peuvent  être  employés  dans  le  style  noble. 

Manme.  Subst.  "f.  Drogue.    L'Académie  dit 


MAN 

qu'on  prononce  mîine.  Férarnl  observe,  avec  rai- 
son, qu'il  faudrait  l'écrire  de  niêuic,  et  qu'on  ne 
de\rail  pas  craindre  do  le  confondre  avec  les  mâ- 
nes, parce  que  ce  dernier  se  dit  toujours  au  plu- 
riel, et  la  manne  toujours  au  singulier.  —  Celle 
oribograi>lie  aurait  encore  ravania;:e  de  distinguer 
ce  mot  du  mot  manne,  panier,  dont  la  première 
syllabe  est  brève,  (pioiqu'oM  l'écrive  comme  l'A- 
cadémie veut  qu'on  écrive  manne,  drogue. 

]Ma>oeuvre.  Suhst.  m.  II  signide  littéralement 
celui  fjui  travaille  de  ses  mains;  mais  on  ne  s'en 
sert  (]ue  pour  signifier  un  homme  qui  sert  au 
compagnon  niac^'im,  pour  lui  gàclier  le  plaire,  pour 
nettoyer  les  régies,  pour  apporter  sur  son  ccba- 
faud  les  moellons  et  autres  choses  n<'cessaires. 

On  appelle  ^ussi  figurément  et  j)ar  mépris, 
manœiirie,  un  homme  (\'.i\  exécute  un  ouvrage 
d'art  grossièrement  et  par  routine. 

Il  y  a  cette  diffén-nce  entre  manœuvre  et  man- 
œtivricr,  que  ce  dernier  ne  se  dit  que  de  l'art  de 
la  manœuvre  dans  la  navigation.  —  L'Académie 
remarque  (pi'il  se  dit  aussi  en  parlant  de  la  man- 
œuvre des  iroupes  de  ti'rre. 

Manque.  Subsi.  m.  Ce  qui  manque  à  une  chose 
pour  qu'elle  soii  complète,  entière,  jiour  qu'elle 
soit  telle  qu  elle  doit  être,  telle  qu'elle  est  ordinai- 
rement. 11  ne  faut  pas  confondre  ce  mot  avec 
manquement.  Manque  a  rapport  à  la  chose  à  la- 
quelle il  manipic  (]ueU]\\e  i-hose\  manquement  ;i 
rappori  à  la  personne  qui  fait  (luc  la  chose  n'a  pas 
ce  qu'clU  doit  avoir.  Manque  de  parole  est  ce 
qui  nîan(|uc  à  la  parole  pour  être  tenue,  pour 
être  elïci'luèe;  manqiiernent  de  purole  est  l'ac- 
tion de  celui  qui  cause  le  manque  de  parole,  en 
ne  tenant  |)as  parole:  Ce  inanque  de  parole  me 
mil  dans  l'embarras.  Son  manquement  de  parole 
•m'irrita  contre  lui. 

Manquement  est  synonyme  de  faute.  Le  man- 
quement e»i  une  faute  d'omission,  tandis  ipje  la 
faute  e^l  lanlôl  de  conuiieilrc  ce  qui  n'est  pas 
permis,  tantôt  d'omettre  ce  qui  était  prescrit.  Par 
la  faute  on  fait  mal,  par  le  manquement  on  n'ob- 
serve pas  la  règle.  Dans  la  fuite,  il  y  a  toujours 
une  omission  qui  forme  le  manquement  propre- 
ment dit.  Le  manquement  est  fait  â  la  règle;  ainsi 
on  dit  vn  manquement  de  fà,  de  respect,  de  pa- 
role ;  on  ne  dit  pas  une  faute  de  parole,  de  res- 
pect, de  fui.  Ce  terme  marque  l'ojiposilion  au 
bien,  le  mal. 

Manquement.  Subst.  m.  Voyez  Manque. 

Manquep,.  V.  n.dc  la  l""con  .  Ce  verbe  a  divers 
sens,  suivant  ([u'il  c>t  neutre  ou  aclif.  On  dit  ab- 
aoluraenl  manquer,  dans  le  sens  de  faillir,  tomber 
en  faute  :  "Fous  les  hommes  sont  sujets  à  man- 
quer. On  dit  qu'une  arme  à  feu  a  manqué,  lors- 
qu'elle n'a  pas  pris  feu,  qu'elle  n'a  pas  fait  explo- 
sion, quoiqu'on  ait  fait  tout  ce  (ju'il  fallait  pour 
lui  faire  produire  cel  effet.  Manquer  dans  le  sens 
de  faute  de,  régit  la  prèp'osition  de:  Man- 
quer i argent,  de  mvnilinns,  de  cœur,  de  résolu- 
tion, d'occasion.  —  On  dit  aussi  inanquer  de  foi, 
di- parole,  [lour  dire,  n'avoir  ])oint  de  Itonne  foi, 
no  pas  tenir  sa  parole. — Manquer  à,  c'est  ne  pas 
faire  ce  qu'on  doit  :  Manquer  à  la  règle,  man- 
quer à  son  devoir,  à  ses  amis,  à  ce  qu'on  a  pro- 
mis, à  son  honneur,  à  sa  parole.  Une  maison 
manque  par  les  fondements,  un  cheval  manque 
par  les  jambes. —  On  dii  les  vignes  ont  manqué, 
les  fruits  ont  manque,  ces  terres  ont  manqué. 
Cette  année  la  sécheresse,  fut  très-grande,  de 
vianière  que  les  terres  qui  étaient  dans  les  lieua; 
élevés  manquèrent  absolument,  tandis  que  relies 
qui  purent  être  arrosées  furent  très- fertiles. 


MAR 


4Î5Î5 


(Montesquieu,  XI"  lettre  persane.)  —  Active- 
ment. Manquer  son  coup,  ne  pas  réussu"  dans 
son  dessein;  majiqucr  l'occasion,  la  laisser 
échapper;  manquer  quelqu'un,  ne  jtas  le  trou- 
ver, venir  trop  tard  dans  l'endroit  où  il  était; 
manquer  un  lièvre,  une  perdrix,  ne  pas  les  tuer, 
pour  n'avoir  pas  tiré  juslc.  Ce  verbe  s'emploie 
avec  le  pronom  personnel.  On  dit  se  manquer  à 
soi-même,  pour  dire,  manquera  ce  qu'on  se  doit, 
se  faire  ti;rt. 

IMansdétdde.  Subst.  L  Corneille  n'a-t-il  pas 
grande  raison  de  traduire  par  déb  nnaire  le  mot 
grec  d'Aristote  ,  si  mal  traduit  par  fainéante 
En  effet,  le  caractèie  de  la  mansuétude  est  op- 
posé à  colère;  fainéant  est  Oppose  à  laborieux 
(\'oltaire,  Remarques  sur  le  1 '"  discours  de  Cor- 
neille.) 

Manuel,  Manuelle.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Ouvrage  manuel,  travail  ma- 
nuel, distribution  manuelle. 

Manuellement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Donner,  recevoir  quelque  chose  manuel- 
lement. 

Manuschit,  Manuschite.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Pièce  manuscrite,  copie 
manuscrite. 

MAi'.AicHEK.  Subst  m.  On  appelle  maraîchers, 
a  Paris,  des  jardiniers  ([Ui  culiivcnt,  dans  l'inté- 
rieur (le  colle  ville  ou  dans  les  on\irons,  des 
terres  tpii  n'étaient  autrefois  que  des  marais. 

Marasme.  Subst.  m.  Mirabeau  a  dit  le  ma- 
rasme politique:  Le  ministère  anglais  pourrait 
espérer,  en  favorisant  la  discorde,  en  laissant 
de  l'esp:  ir  aux  mécontents,  de  nous  voir  peu  à 
peu  tDiiber  dans  un  dégoût  égal  du  despoiisuie  et 
de  la  liberté,  désespérer  de  nnus-mèmes,  nous 
consumer  lentement  dans  un  marasme /"'/i/î'yj/e. 
Je  iiensc  que  cette  expression  mérite  d'être  ac- 
cueillie. 

iMahatre.  Subst.  f.  Ce  mot  s'emploie  bien  dans 
le  siyle  noble. 

Dangereuse  marâtre,  à  peine  elle  vous  vit 

(Rac,  Phéd..,  acl.  I,  se.  I,  39.) 

Périsse  la  marâtre. 
Périsse  le  cœur  dur,  de  soi-même  idolâtie. 
Qui  peutgoûleren  paix  dans  le  suprême  rang 
Le  barbare  plaisir  d'Iiëriler  de  son  sang! 

(Volt.,  ife'r.,  act.  I,  se.  i,  53.) 

11  s'emploie  au  figure,  comme  nom,  et  même 
comme  adjectif  : 

La  noture  marâtre  en  ces  alTreux  climats 
No  produit,  au  lieu  d'or,  que  du  fer,  des  soldats. 
(CbebillON,  Rhadumiste  et  Zenotie,  acl.  II,  SC.  II,  49.) 

Marchander.  V.  a  de  la  1"^'  conj. 

Je  sais  que  les  Romains,  qui  l'avaient  en  otage, 
L'ont  enlin  renvoyé  pour  un  plus  digne  ouvrage; 
Que  ce  don  à  sj  more  elail  ie  prix  f.il.il 
Dont  leur  Fliminius  marchandtit  Annibal. 

{Cou.,  Aicom.,  acl.  I,  se.  i,  19.) 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ces  vers  :  Cette  expres- 
sion populaire,  marchandait,  devient  ici  très- 
éner::iiiueet  (rés-noble,  par  l'oiiposiiion  du  grand 
nom'd'Annibal,  qui  inspire  du  respect.  On  dirait 
très-bien,  même  en  prose,  cet  empereur,  après 
avoir  marchandé  la  couronne,  trafiqua  du  sang 
des  nations.  [liemurqiies  sur  Corneille.) 
MiRCHEB.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe,  em- 


4S6 


MAR 


ijyé  au  liguré,  régit  la  préposition  à  :  Marcher 
j  la  vit  luire. 

J/orduroiU  à  grands  pas  au  pousoir  despotique. 
(Volt.,  Ihnr.,  Vil,  35S.) 

Bacine  u  dit  {Jik.,  uct.  111,  se.  m,  yii)  : 

je  ceignis  la  lure  et  marchai  son  égal. 

Celte  belle  expression,  dunt  llacine  s'est  sot  vi  !e 
premier,  et  ((u'oii  a  sou\  cni  employoc  aprf'S  lu>, 
est  imitée  «le  Vir^'ile  {Enéide,  l,  5U): 

Ast  ego  qute  dhùm  incedo  Itegina. 

Ce  que  Dclillc  a  traduit  par  (1,  79)  : 

El  moi  qui  morc/ie  égale  au  souverain  des  dieui 

VoUair-'  •\dit  aussi  [Zaïre,  act.  111,  se.  vi,  8): 

Vos  superbes  rivales 
Qui  «L^ulaient  mon  cœur  el  marchaient  ros  égales. 

Il  a  dit  encore  ,  les  citoyens  de  Paris... 
voyaient  dans  le  parlement  un  corps  auguste... 
qui  viarchuit  d'un  pas  égal  entre  le  roi  et  le  peu- 
ple. [Sièc/e  de  Louis  XIV,  ch.  iv.) 

j;Acadcniic  n'indique  puiifl  celle  acception. 

llacine  a  fait  un  emploi  iiardi  de  celle  expres- 
sion dans  les  vers  suivauls  d'Athalie  (ad.  iV, 
se.  I,  i)  : 

Dans  ces  voiles,  mes  sœurs,  que  porlent-ils  tous  deux? 
Quel  est  ce  glaive  enGn  qui  marche  devant  eux? 

Un  glaive  qui  marche  est  une  imaçc  qui  ne  peut 
élre  li.isardce  ([n'en  poésie. 

Maiîécagi.ux,  Marécageijse  Adj.  qui  ne  se  mcl 
qu'a|)rès  smi  suIjsI.  :  Près  marécageux,  terre 
marécageuse,  pays  marécageux. 

MAnÉE.  SuiiSl.  r.  Voyez  Mars. 

Marginal,  Marginale.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  sun  subsl.  :  Notes  marginales. 

Mari.  Suhsl.  m.  Ce  mol  ne  s'emploie  point 
dans  le  style  nublc,  où  époux  convient  mieux. 
Mari  se  dil  coininniicinenl  dans  le  ^lylc  familier. 

Marier.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Madame  de  Scvi- 
çnc  a  dit  :  Marier  le  luth  à  la  voix;  el  Gresset 
{Éyl.  V,  177)  : 

Les  bergers  unis  aux  bergères. 
Formeront  des  danses  légères, 
El  mariront  leurs  voix  au  so--  des  rhalumeaui. 

Nous  pensons  que  la  différence  (ju'il  y  a,  au  li- 
guré, cnire  marier  à  et  marier  arec,  c'est  (jue 
marier  à  se  dil  de  deux  choses  (jui  se  confon- 
dent ensemble,  el  dont  l'union  forme  un  tout, 
marier  le  lulh  à  la  voix  ;  el  marier  avec  se  dil 
des  choses  (jui  ne  sont  que  jointes  ensemble,  el 
restent  dislincles  après  leur  jonction,  marier  la 
vigne  avec  l'ormeau. — L'Académie  n'admet  point 
celle  distinction.  Elle  dit  marier  la  vigne  avec 
l'ormeau,  à  l'ormeau  ;  sa  voix  se  marie  bien  avec 
son  instrument,  à  cet  instruvient,  au  son  de  cet 
instrument. 

Marin,  Marine.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
subsl.  :  Un  veau  marin,  un  monstre  marin,  une 
oonque  marine. 

Marital,  Maritale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a|)rés 
son  subsl.  :  Pouvoir  marital.  Il  n'a  point  de  mas- 
culin au  pluriel. 


MAS 

MARiTALr.MENT.  Il  Mc  Se  inct  jioint  entre  l'auxi- 
liaire cl  le  participe:  Ils  ont  vécu  maritalement, 
el  non  pas,  t/v  ont  maritalement  vécu. 

MAïainiE.  A.l)  des  deux  genres.  En  prose,  il 
ne  se  met  qu'après  .v.n  ciib^l.  :  Puissance  mari- 
time. Des  poêles  poufi.ilcnl  dire  le  maritime 
empire,  pour  dire  la  mrt 

Marhiteux.  Siil)Sl.  m.  (.l'est,  dil  l'Académie, 
une  expression  familière  qui  signifie  iiileux,  qui 
est  mal  sous  \o  lanH^-l  de  la  "fortune  ou  de  la 
sanlé,  et  qui  i.'en  |ilaml  hal)ituclleinent.  —  C'est 
un  vieu.\  ma  qui  n'est  plus  usité,  i.e  bas  peuple 
dil  aujourd'hui  minable. 

Makotique.  Adj.  des  dfMx  genres.  V.n  prose,  il 
ne  se  mcl  <iu'a|)res  son  subsl.  :  Style  marotique, 
vers  mai-<  tir/ues,  clc. 

Ce  mot  se  dil,  dans  la  poésie  franç.aise,  d'une 
manière  d'écrire  parliculieie,  gaie,  agréable,  et 
tout  à  la  fois  simple  et  naturelle.  Clément  Marot 
en  a  donné  le  modèle,  el  c'est  de  lui  <]ue  ce  style 
a  lire  son  nom.  Ce  poêle  a  eu  plusieurs  iinita- 
icurs  dont  les  [ilus  fameux  sont  La  Fontaine  el 
J.-B.  Rousseau. 

Marquant,  Marquante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
marquer.  11  ne  se  met  <|u'après  son  subsl.  :  Une 
personne  marquante,  une  idée  marquante, 

jNIarri,  Marrie.  Adj.  Ce  mot  est  surtout  affecté 
au  style  religieux  :  Un  pécheur  est  marri  d'avoir 
offensé  Dieu.  Autrefois  un  le  disait  communé- 
ment. Je  suis  extrêmement  marri  que  vous  ne 
tue  puissiez  donner  de  ineilleurs  signes  de  paix. 
^Voilure.)  Rousseau  a  dil  de  Catulle  en  style  ma- 
rotique (liv.  I,  épilreiii,  242)  : 

Et  suis  marri  que  le  poivre  assaisonne 
Un  peu  Irnp  fort  ses  petits  madrigaux. 

— Vauvenargues  a  employé  ce  mot  dans  le  pas- 
sage suiviinl  :  On  serait  bien  marri  de  passer  un 
seul  jour  à  la  merci  du  temps  et  des  fâcheux 
[Maxime  cxlvii,  p.  521.) 

Mars.  Subsl.  m.  Dans  loules  les  acceptions  de 
ce  mol,  on  fait  sentir  le  s  linal.  —  Cela  rient 
comme  mars  en  carême,  se  dil  proverbialeim^nl 
d'une  chose  qui  ne  manque  jamais  d'arriver  a 
une  certaine  éjjoque;  maison  parlant  d'une  chose 
qui  arrive  à  propos,  on  doit  dire  arriver  comme 
marée  en  carême.  (Acad.) 

Martial,  ÎMartiali..  Adj  On  peut  quelquefois 
le  ineltre  av;inl  son  suhsl  :  Courage  martial,  hu- 
meur martiale,  air  martial,  ardeur  martiale, 
celte  martiale  ardeur. 

Ce  mol  n'a  p  iint  de  masculin  au  pluriel,  si  ce 
n'est  en  lermes  de  pharmacie,  où  l'on  dit  des  re 
mèdes  martiaux. 

î»Iai;tyr.  Subst.  m.  Mattyre.  Subsl.  f.  Se  ilit 
de  celui  ou  de  celle  (pii  a  souffert  la  mort  ou  des 
tourments  pour  la  religion  :  Un  saint  martyr; 
une  sainte  vierge  et  martyre.  Chaque  religion  a 
ses  martyrs. 

Au  figuré,  il  se  dit  d'un  homme  ou  d'une 
femme  qui  a  beaucoup  souffert  pour  tine  _cau<e 
profane,  ou  qui  s'cxjjose,  par  sa  conduite,  à 
beaucoup  de  dangers,  à  beaucoup  de  disgrâces.  // 
y  a  des  m.urtyrs  de  vanité  aussi  bien  que  de 
piété.  (Nicole.) 

Martyre.  Subsl.  m.  Ce  mot,  dans  le  sens  de 
morl,  de  tourmenls  endurés  pour  la  foi,  ne  prend 
poinl  de  pluriel  :  Le  martyre  de  ces  saints  per- 
sonnages. 

Masculin,  Masculine.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subsl.  :  Le  sexe  masculin,  la  ligne  mas- 
culine. 


.MAT 

En  termes  (le  çrnmiuaire,  on  nppellc  terminai- 
son mascvliiii'  l;i  icriniiKiison  d'un  mot  qtii  ii';i 
S  oint  à'e  fcmiuin  (i;ii:s  la  ilcrnicre  syll.iho,  ou 
ans  la  deniiorc  syll.ibc  (lui)uol  IV  fciiniiin  ne  sn 
fait  puinl  sciiiir.  Main  et  inaison  ont  la  terminai- 
son masculine,  (luoiciu'ils  soient  du  genre  fémi- 
nin. Homme  ;\  la  lei'minaison  féminine,  (]uoi<iu'il 
soit  du  genre  masculin.  Pleurait,  tombeau,  ont 
la  terminaison  masculine.  C'est  ce  que  dans  les 
vers  on  aiipclle  aussi  rime  masculine. 

En  grannuMiie,  on  dit  le  genre  masculin,  ou 
substantivemenl  le  masculin,  pour  désigner  la 
classe  des  noms  à  laquelle  on  a  donné  ce  nom. 
Voyez  Genre. 

Massaciunt,  Massacrante.  Adj.  Ce  mot,  q\ii  ne 
se  trouve  dans  aucun  dictionnaire,  est  cei)end;nii 
usité  dans  la  conversation.  On  dit  II  est  d'une 
humeur  massacrante  ,  elle  est  d'une  humeur 
massacrante.  La  Grammaire  des  Grammaires 
remarque  avec  raison  (lu'il  vaut  mieux  dire  // 
est  de  bien  mauvaise  humeur,  ou  il  est  d'une 
humeur  bien  bourrue. — L'expression  massacrant 
ne  peut  avoir  une  analogie  naturelle  avec  l'idée 
qu'on  veut  exprimer. — L'.\c.idcmie,  en  dS35,  ad- 
met ce  mot,  m;iis  uniiiucincnt  comme  adjectif  fé- 
minin, et  elle  le  dit  usité  seulement  dans  la  locu- 
tion familière,  humeur  massacrante,  c'est-à-dire 
bourrue,  grondeuse,  menaçante.  Le  sens  de  ce 
mot  est  donc,  [)ar  hyperbole,  prête  à  tout  inassa- 
crer.  (A.  Lemaire,  Grammaire  des  Grammaires, 
p.  181.) 

Massacre.  Siibst.  m.  Un  massacre  signifie  un 
nombre  d'hommes  tués  :  Il  y  a  eu  hier  un  grand 
massacre  près  de  f^arsovie,près  de  Cracovie.  On 
ne  dit  point,  il  s'est  fait  le  massacre  d'un  hom- 
me; et  cependant  on  dit  un  homme  a  été  mas- 
sacré; en  ce  cas,  on  entend  (ju'il  a  été  tué  de  plu- 
sieurs coups  avec  barbarie. 

La  poésie  «e  sert  du  mol  massacré  pour  tué, 
assassiné  : 

Que  par  sa  propre  main  mon  père  mauacré. 

(CoB.,  Cih.,  act.  I,  se.  i,  11.) 

(Volt.,  Dict.  philos.) 

Massif,  .Massive.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent :  Un  bi'ilimenl  massif,  une  tour  massive, 
de  l'or  massif.  Cette  massive  architecture.  Voyez 
Adjectif. 

Massivement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  est  bâti  bien  mas- 
sivement, cela  est  massivemeut  bâti. 

Mat,  Matte.  Adj.  On  prononce  le  /  au  mascu- 
lin comme  au  féminin.  On  le  met  oïdiiiairemenl 
après  son  suhsl.  :  De  l'or  mat,  de  l'argent  mut, 
de  la  vaisselle  matte. 

Matéiuhi.,  Matérielle.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  siibst  :  Les  substances  matérielles,  les 
choses  malérielles. —  Un  ouvrage  matériel. 

Matehnel,  Maternelle.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  rorellle  et  l'analo- 
gie :  Amour  maternel,  affection  maternelle;  ce 
maternel  amour. — Langue  materne/le. 

Matin.  Subst.  m.  Thomas  Curneillc  prétendait 
quedemain  au  matin  est  plus  correct  que  dviain 
matin,  et  que  si  on  peut  se  servir  de  cette  der- 
nière expression,  ce  n'est  que  dans  le  discours  fa- 
milier et  non  en  écrivant. — 11  est  certain  (pie  l'on 
dit  généralement  demain  matin,  hier  matin,  et 
dernain  au  soir,  hier  au  soir  ;  c'est  sans  doute 
une  bizarrerie  de  l'usaire;  mais  il  faut  s'y  sou- 
mettre. \  oyez  Demain^ Soir. 

Matin  s'emploie  aussi  adverbialement,  et  est 


MAX 


457 


susceptible  de  degrés  de  comparaison  :  Plus  ma- 
tin, très-matin;  le  plus  uialin  que  vous  pourrez. 
11  sejointanssi  à  «piciqucsadverJies,  comme  trop, 
aussi,  fort,  ctc.:7'n/p  mutin,  aussi  uiutin  qu'hier, 
fiTt  matin,  ctc  Mutin,  aitverlie,  se  place  tou- 
jours après  le  vorl)e,  et  jamais  entre  le  participe 
et  l'auxiliaire  :  //  est  venu  fort  uiatin,  et  non  |)as, 
■il  est  fort  matin  venu. — Le  matin  et  le  .wir  sont 
aussi  des  espèces  d'adverbes  :  Je  travaille  le  ma- 
tin et  je  sors  le  soir.  Ainsi  le  vers  suivant  de 
Boilcau  n'est  pas  correct  [Sat.  vni,  50): 

It  condainni:  au  mutin  ses  sentiments  du  soir. 

On  dit  bien,  le  jour  étant  venu,  la  nuit  étant 
re«i/e;  mais  on  ne  dit  pas, /<;  matin  étant  venu, 
le  soir  étant  venu,  parce  <pie,  dit  Bouliours,  on 
regarde  cette  piemicre  clarté  qui  Tait  le  jour,  et 
cette  première  obscurité  (|ui  fait  la  nuit,  comme 
«inelque  chose  d'indivisible,  et  qu'il  n'en  est  pas 
ainsi  du  m.itin  cl  du  .soir.  —  Les  poètes  appellent 
la  Jeune>se  le  matin  de  la  vie. 

Mati.nal,  M.atimer,  Matineux.  Il  y  a  des  dif- 
férences entre  les  signilications  de  ces  adjectifs. 
Le  premier  signilio,  qui  se  lève,  qui  s'est  levé 
malin  :  f^ous  êtes  bien  matinal  aujourd'hui;  Icse- 
cond,  qui  a[)partient  au  matin,  (pii  a  rappurl  au 
matin.  L'étoile  matinière ;  le  troisième,  ijui  a  l'ha- 
bitude de  se  lever  malin  :  Un  homme  matineus, 
une  feuime  malinouse. 

Matois,  Matoise.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  //  est  matois,  elle  est  malaise.  11 
s'emploie  aussi  siibst.iiUivcment. 

Matrimonial,  Mairijiomale.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Causes  matrimoniales, 
questions  matriuuutiules,  droits  matrimoniaux. 

Maudire.  V.  a.  de  la  4'  conj  H  se  conjugue 
comme  dire,  excepté  qu'il  redouble  le  s  au  mi- 
lieu du  mot,  dans  les  temps  où  dire  n'a  <iu'un 
seul  s  :  Je  maudissais,  nous  maudissions. 

Maudit,  Maudite.  Adj.  11  ne  s'ein|)loieadjccli- 
veincnt  (lu'en  parlant  des  choses,  et  se  met  ordi- 
nairement avant  son  subst.  :  Maudit  chemin, 
maudit  livre,  maudit  jeu,  maudite  maison, 
maudite  race,  maudite  engeance.  —  Il  sc  dit 
quelqiiefoisdes  personnes  ou  des  choses  pour  s'en 
plaindre  avec  impatience  ou  colère.  (Acad.  4835.) 

Maussade.  Adj.  des  deux  genres.  Ou  |)eut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsipie  ranalogic  et 
1  hannonie  le  permettent  :  Un  homme  maussade, 
une  femme  maxissude,  une  réponse  maussade, 
cette  maussade  réponse.  —  Un  habit  maussade, 
un  bâtiment  maussade.  Voyez  Adjectif. 

Maussadement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  répondu  maussa- 
deme/it,  il  a  maussadement  répandu. 

Mauvais,  Mauvaise.  Adj.  11  se  met  ordinaire- 
ment avant  son  subst.  :  Mauvais  pain,  mauvais 
vin,  mauvais  repus,  mauvaise  habitude,  mau- 
vais goût,  etc. — Mauvais  augure,  mauvais  pré- 
sage. On  dit  cependant  avoir  l'air  mauvais, 
pour  dire,  avoir  un  extérieur  redoutable.  Voyez 
Adjectif  cl  Méchant. 

Mauvais  s'emploie  aussi  adverbialement  . 
Trouver  bon,  trouver  mauvais.  (Miand  trouver 
mauvais  régit  la  conjonction  que  et  le  subjonc- 
tif, mauvais  e^t  adverbe,  et  par  conséipicnt  inva- 
riable Quand  il  régit  des  noms,  il  c<t  adjc-tif,  et 
prend  les  formes  du  féminin  et  du  pluriel  :  //  fau- 
drait être  injuste  pour  trouver  mauvaise  une 
action  si  généreuse.  A'oyez  Comparatif. 

Maxillaire.  Adj.  des  deux  genres  (jui  ne  se 
met  qu'a|)rès  son  subst.  On  prononce  lesd.eux  l, 
sans  les  mouiller  :  Glandes  vtaxilluires. 


4M8 


MEC 


Me.  Pronom  de  la  promièrc  personne,  qui 
sVinploic  au  singulier  pour  le  masculin  ot  le  fé- 
ininin;  il  ne  s'cniploic  (|uc  comme  régime  des 
verbes,  et  sert  également  pour  le  régime  direct 
«1  le  régime  indirect  :  //  me  reucimtic,  régime 
'lirect;  il.  me  plaît,  Tv'Swwc  indirert,  il  plait  a 
moi.  Il  se  place  toujours  avant  le  verbe,  dont  il 
est  le  régime,  et  IV  qui  le  termine  s'elidc  lorsque 
ce  verbe  connnence  (i.'ir  une  voyelle  :  //  m'aime, 
il  vi'einbrasse.  Cet  e  s'élide  aussi  avant  y  cl  en  : 
Il  veut  m'y  entraîner.  Ne  m'en  parlez pax 

Quand  vie,  régime  d'un  verbe,  est  aceoiniiagné 
d'un  autre  pionom  cpii  est  régime  du  même 
verbe,  i/ie  doit  cire  placé  avant  co  pronom  : 
f^ovs  me  le  direz,  nnis  ne  me  le  refuserez  pas. 

Dans  les  |llIra^:cs  où  il  y  a  deux  verbes,  on 
place  ordinairemenl  le  i)rononi  me  avant  celui 
dont  il  est  le  régime  :  On  7ie  peut  me  reprucher 
ce  défunt,  et  non  pas  on  ne  ma  peut  reprocher  ce 
défaut.  Plusieurs  auteurs  ne  suivent  pas  celle 
règle;  mais  il  est  toujours  mieux  de  s'y  confur- 
mer,  à  moins  qu'on  ne  puisse  le  faire  sans  bles- 
ser l'oreille  par  des  sons  désagréables.  Cependant 
on  ne  peut  jamais  mcllre  me  avanl  le  premier 
verbe,  (piand  ce  verbe  est  à  un  temps  comp(>sé. 
On  ne  peut  dire,  ians  aucun  cas,  je  m'aurais 
voulu  procurer  ce  plaisir.  11  faut  dire,  en  suivant 
la  règlc,y'a!/?-a(5  voulu  me  procurer  ce  plaisir. 

Quand  le  pronom  me  est,  dans  la  même  phrase, 
régime  dirccl  d'un  verbe,  et  régime  indirect  d'un 
autre  verbe,  il  doit  se  réi)éler  avant  chacun  de 
ces  verbes:  Il  m'estime  et  me  donne  chaque 
jour  des  preuves  de  sa  hienveUlaiice.  Dans  le 
premier  exemple,  me  csl  régime  direct;  dans  le 
second,  il  est  régime  indirect. 

Quand  y  est  uni  au  pronom  me,  il  se  mcl  avanl 
le  verbe.  On  dit  bien  vous  m'y  attendez,  je  iwus 
prie  de  m'y  mener  ;  maison  ne  dit  pas,  uttcndcz- 
Vt'y,  menez-m'y  ;  il  faul  dire^  attendez-y-moi, 
menez-y-moi.  \  oyez  Aloi. 

xMéoh  Mes.  C'est  la  même  particule  prépositive, 
donl  l'euphonie  sujjprime  snuvpnl  la  liuale  5. 
Elle  se  met  au  commencement  de  certains  mots, 
et  est  privative,  mais  dans  un  sens  moral,  et 
marque  (pielque  chose  de  mauvais,  le  mal  n'é- 
tant que  l'alLScnce  ou  la  privation  du  bien. 
L'abbé  Régnier  a  donné  la  liste  de  tous  les  mots 
composés  de  celte  parlicule,  el  usités  de  son 
temps,  el  il  écrit  mes  partout,  soit  qu'on  pro- 
nonce ou  qu'on  ne  prononce  pas  le  s.  En  voici 
une  autre  un  peu  difrérenle,  où  l'on  n'a  écrit  s 
que  dans  les  mots  où  celle  lelire  se  prononce, 
cl  c'est  lorsque  le  mol  sinq^^e  commence  par  une 
voyelle,  dont  on  a  relraiiché  qucltpics  mots  qui 
ne  sont  plus  usités,  et  où  l'on  en  a  ajouté  ([uel- 
ques-uns  qui  sont  d'usage  :  Mécompte,  mécomp- 
ter  ,  méioniiaissuhtc  ,  uiéconiiaissance,  mécon- 
naître ;m,écontent,  inécoiitentemcnt, mécontenter; 
mécréant;  médire , médisance ,  médisant;  méfaire, 
méfait;  mégarde  ;  méprendre,  viéprise,  mépris, 
méprisable,  méprisant,  mépriser  ;  mtsaisc,  més- 
alliance, mésallier,  mésestimer,  mésintelliyence, 
mésiiffrir;  mésséance,  niésséant;  mèsuser ;  mé- 
vendre,  mévente.  ï.es  Italiens  em()loienl  mis  dans 
le  sens  de  notre  mes  ;  les  Allemands  ont  miss,  qui 
parait  être  la  racine  de  iii-lre  particule. 

MÉcMsiQUE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  (pi'après  son  subsl.  :  Les  arts  7nécaniques. 
—  Un  métier  mécanique. 

Mécamquf.me.nt.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'ajjrès 
le  verbe  :  //  a  tracé  cette  figure  mécanique- 
ment. 

Méchamment.   Adv.   On  peut   le  moUre  entre 


ilEC 

l'auxiliaire  cl  le  verbe  :  H  a  fait  cela  mécham- 
ment ;  tous  ces  faits  ont  été  méchampient  in- 
ventés. 

Méchanceté.  Subsl.  f.  Il  n'a  pas  toute  l'éten- 
due de  la  significaliuii  de  l'adjectif  méchant.  Il 
signilic  ini(iuilé,  malignité,  malice:  La  méchan- 
ceté d'une  action  ;  une  aclinn  pleine  de  méchan- 
ceté. On  ne  dit  point  In  méchanceté  d'uiipnëte, 
ou  d'un  poème,  d'un  discours,  ou  d'un  orateur. 

—  Quand  méchanceté  désigne  le  vjcc,  il  n'a 
point  de  pluriel  :  Lu  méchanceté  de  ces  detue 
hommes,  el  non  pas  les  méchancetés.  Mais  quand 
on  parle  des  actions  produites  i)ar  le  vice,  on 
peut  le  rnetlre  au  pluriel  :  Il  m'a  fuit  mille  mé- 
chancetés. 

Méchant,  MÉcuANTE.  Adj.  Il  se  met  le  plus  sou- 
vent avant  son  subsl.  :  Méchante  terre,  méchant 
pays,  méchant  cheval,  méchant  livre,  méchant 
vers,  méchant  oi'ateur.  — Méchant  homme,  mé- 
chante femme,  méchant  esprit,  méchante  action. 

—  Méchante  physionomie,  mécltante  viinc. 
Yoyez  Adjectif 

Quoicjue  méchant  Cl  mauvais  soient  presque 
synonymes  pour  le  sens,  ils  ne  le  sont  pas  pour 
l'emploi,  el  ne  se  mènent  pas  iniliffcremmenl. 
Méchant  dil  quelque  chose  de  plus  fort  que 
ynauvais.  —  On  dil  trouver  viauvais,  sentir 
mauvais,  on  ne  dil  point  trouver  méchant,  etc.; 
on  dit  prendre  en  mauvaise  part,  el  non  pas  en 
méchante  part.  —  Méchant  s'emploie  quelque- 
fois sulislantivemenl  :  Les  méchants,  c'est  im 
méchant.  Mauvais  est  toujours  adjectif.  — En 
parlant  des  ouvrages  d'e^itril,  m<iuvais  et  mé- 
chant ont  des  sens  différents;  l'un  a  rapport  au 
défaut  de  talent,  l'autre  a  la  malignité.  L'ne 
épigramme  peut  élre  tout  à  la  fois  mauvaise  el 
méchante.  Cependant  méchant  a  (juclquefois  le 
sens  de  mauvais,  quand  il  |)rccéde  le  subslantif. 
Une  méchante  épigramme  est  une  épigramme 
sans  sel  et  sans  esprit,  une  épigramme  méchante 
csl  une  éjiigrainuie  jilcine  de  traits  malins  et 
|)lquanls.  Dans  d'autres  occasions  aus.si,  mé- 
chant a  divers  sens,  suivant  qu'il  suit  ou 
qu'il  i)récèdc  S(jn  substantif;  méchant  homme 
a  rapport  aux  actions;  homme  mécltant,  aux 
pensées  et  aux  discours.  L'un  fait  des  méchan- 
cciés,  l'autre  en  pense  el  2n  dit.  —  Mécliant, 
dans  le  premier  sens,  se  met  avant  son  subslantif 
quand  i!  est  seul  ;  mais  quand  il  est  joint  aux 
adverbes  de  quantité,  on  peut  le  mettre  avant 
ou  après  :  C'est  le  plus  mécliant  homme,  ou 
l'homme  le  plus  méchant  que  je  connaisse  ;  c'est 
vu  fort  méchant  hum  me  ,  ou  un  homme  fort 
méchant.  Avee  le  moins,  extrèmeiiient,  infini- 
ment, et  autres  adverbes  semblables,  il  se  met 
toujours  après;  C'est  bien  l'homme  le  moins 
méchant,  cl  non  pas  le  vioins  méchant  homme. 
C'est  un  homme  extrêmement  méchant. 

Mécompte.  Subsl.  m.  Yauvcnargues  a  employé 
ce  mot  dans  un  sens  juste  qui  ne  se  trouve  pas 
dans  les  dictionnaires  :  Ce  qui  fait  souvent  le 
mécomj)lc  d'un  écrivain,  c'est  qu'il  croit  retidre 
les  choses  telles  qu'il  les  aperçoit  ou  qu'il  les 
sent.  [Maxime    Vil,  p.  515.) 

MÉl;o^^AlssABLE.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  humme  mécon- 
naissable. —  Cet  adjectif  ne  signifie  pas  simple- 
ment, comme  le  dit  l'Académie,  (ju'on  ne  peut 
reconnaître  qu'aveo  peine,  mais  il  emporte  avec 
lui  l'idée  d'un  changement  dans  la  personne 
même,  soil  en  bien,  soit  en  mal.  On  ne  dil  pas 
d'un  homme  déguiàé  en  femme,  (ju'ii  est  mé- 
connaissable, mais  qu'ii  ncst  pas  reconnaissa- 


IWEC 

ôfe;  on  le  dit  d'une  personne  dont  la  maladie, 
les  chagrins,  la  croissance,  la  vieillesse,  les  grands 
travaux,  ont  cliango  les  traits,  la  ligure,  la  taille, 
etc.  :  Lu  petite  rérule  l'a  rendu  incconiuiissnble. 
Il  il  tellement  grandi  en  deux  ans,  qu'il  est 
■mécdinnissahle  pour  ceux  qui  ne  l'ont  pas  vu 
depuis  ce  temps-là. 

NitcoNNAissANCii.  Subsl.  1".  C'cst,  dit  l'Acadé- 
niic,  un  manque  de  reconnaissance,  de  grati- 
luilo;  et  elle  dclinit  l'ingratitude,  un  mani|ue 
de  reconnaissance  pour  un  bienfait  reçu.  Sui- 
vant l'Acadéuiic ,  Méconnaissance  et  ingrati- 
tude signifieraient  donc  la  mémo  chose.  Si 
cela  était,  pounjuoi  deux  mots'.'  Il  est  vrai 
que  le  mot  niéconnaissu7icc  ii  vieilli;  maison  le 
regrette,  et  plusieurs  i>crsonnes  s'en  servent  en- 
core. Il  inditjue  une  nuance  de  moins  que  l'in- 
gratitude. La  méconnaissance  peut  être  un  effet 
de  r indifférence,  de  l'oubli  ;  l'ingratitude  est 
toujours  la  maniue  d'un  mauvais  cœur. 

Mécon.naissant,  Méconnaissante.  Adj.  qui  ne 
se  met  qu'après  son  subt.  :  Il  est  méconnaissant. 

Méconnaître.  Y.  a.  de  la  4°  conj.  Ce  verbe 
s'emploie  très-bien  dans  le  style  noble  : 

Fier  de  son  noiivean  rang,  ra'ose-t-il  méconnattre  ? 
(Rac,  Iphig.,  acl.  m,  se.  il,  2.) 

Mécontf.nt,  Mécontente.  Adj.  (jui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  mécontent. 
Elle  est  mécontente.  —  H  y  a  de  la  différence 
entre  mécontent  et  malcnntent. 

Ces  deux  mots  ont  rapport  au  déplaisir  que 
nous  C[)rouvons  lorsque  quelque  chose  ne  réus- 
sit pas  au  gré  de  nos  espérances  ou  de  nos 
désirs;  mais  mécontent  ajoute  au  premier  un 
accessoire  d'humeur,  de  dépif,  de  ressentiment 
contre  la  caus"  de  ce  déplaisir.  —  On  est  con- 
tent de  quelqu'un  lorsiiu'il  fait  ou  qu'il  a  fait 
tout  ce  qu'on  désirait  qu'il  fit.  On  est  malcon- 
tent lorsqu'il  le  fait  d'une  manière  peu  conforme 
à  nos  vues,  à  nos  désirs,  par  maladresse,  par 
incapacité,  sans  aucune  mauvaise  inlenlion.  Un 
maître  est  malcontent  d'un  domestique  qui  le 
sert  maladmitement;  un  m''ître  est  mécontent 
d'un  domestique  qui  le  trompe,  qui  le  vole,  qui 
lui  manque  de  respect,  (|ui  fait  \\y?.\  son  service 
par  né-'ligc:ice  ou  par  paresse.  Nous  sommes 
maîcontents  lorsque  après  avoir  conçu  un  des- 
sein, formé  un  plan,  le  succès  ne  répond  par  a 
nos  espérances,  sans  qu'il  j  ait  de  la  faute  cie 
personne.  Nous  sommes  mécontents  des  autres 
ou  de  nous-mêmes  ,  si  c'est  par  la  faute  des 
autres  ou  i>ar  la  nôtre.  —  On  est  malcontent 
lorsqu'on  n'a  pas  tout  ce  qu'on  désire;  on  est 
mécontent  lorsqu'on  n'éprouve  pas  ,  qu'on  ne 
reçoit  pas  ce  qu'on  croit  dû,  ce  à  quoi  l'on  croi'. 
avoir  quelque  droit.  T'n  domestique  est  mal- 
content d'un  maître  qui  ne  lui  donne  pas  les  gra- 
tifications qu'il  avait  espérées;  il  en  es',  mécon- 
tent s'il  ne  lui  paie  pas  ses  gages.  —Mécontent 
s'emploie  subslaniivcmenl,  mais  seulement  au 
pluriel  :  Les  mécontents.  Ce  mot  s'emploie  en 
parlant  de  ceux  (]ui  croient  qu'on  n'a  pas  tenu 
à  leur  égard  la  conduite  qu'on  était  obligé  de 
tenir.  [Dict.  synonymique  de  Laveaux.) 

Mécontentkmf.nt.  Subst.  m.  L'Académie  le 
définit,  déplaisir,  manque  de  satisfaction.  Ainsi, 
d'après  cette  définition,  on  jtourrait  dire  qu'î/zic 
personne  a  éprouvé  vn  grand  mécontentement 
de  la  maladie  de  son  père,  de  la  perte  de  son  pro- 
cès. Méconienteinent  aloupurs  rapport  à  quelque 
personne  qui  en   est  ou  qu'on  croit  en  être  la 


MEF 


4S8 


cause.  C'est  un  sentiment  pénible  produit  parla 
conduite  que  les  autres  ont  tenue  a  noire  égard, 
ou  par  l'idée  que  nous  nous  sommes  faite  de 
celle  conduite  Un  enfant  donne  du  inéconteti' 
tement  à  ses  parents  ;  j'ai  bien  du  mécontente- 
ment de  rotre  conduite,  ^'oyez  Mécontent. 

Médaille,  Médailler,  INIédailliste,  Médail- 
lon. Dans  ces  quatre  mots,  on  mouille  les 
deux  /. 

MÉDixiK.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme 
qui  exerce  la  médecine,  oi;  ne  dit  ni  une  méde- 
cine, ni  une  femme  médecine,  mais  une  femme 
médecin,  de  même  qu'on  dit  une  femme  au- 
teur. 

MÉDECINE.  Subst.  f.  L'art  de  conserver  la 
santé  et  de  guérir  les  maladies.  En  ce  ^ens,  il  ne 
se  dit  qu'au  singulier.  Dans  le  sens  de  potion, 
breuvage,  ou  aiure  remède  qu'on  prend  par  la 
bouche"  pour  se  purger,  ce  mot  a  un  [iluricl  : 
l'rcndn;  plusieurs  médecines.  L'Académie,  ne 
donnant  pas  plus  d'exemples  du  pluriel  dans  celle 
signifieatittn  que  dans  la  première,  semble  indi- 
quer que  ce  mol  ne  se  dit  jamais  qu'au  sin- 
gulier. 

Médiat,  Médiate.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  subst.  Ou  ne  prononce  jias  le  t  au 
masculin:  Cause  médiate ,  autorité  médiate, 
pouvoir  médiat. 

Média  tement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Cette  cause  a  agi  viédiatement,  et  non 
pas  a  médiatement  agi. 

Médiateur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  médiatrice. 

Médical,  Médicale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  —  L'Académie  n'indique  point 
le  pluriel  masculin  de  cet  adjectif;  mais  M. 
N.  landais  et  .M.  Lemaire  sont  d'avis  que,  puis- 
([u'elle  dit  un  ouvrage  viédical,  on  peut  dire 
aussi  des  ouvrages  médicaux. 

Médicamenteux,  Médica.mentecse.  Adj.  qui 
se  met  toujours  après  son  subsl.  :  Aliment  médi- 
camentcux. 

Médicinal  ,  Médicinale.  Il  ne  se  met  jamais 
qu'après  son  subst.  :  Herbe  médicinale,  plante 
médicinale,  potion  médicinale.  Dans  les  anciens 
dictionnaires,  on  trouve  médécinal.  Médicinal 
est  généralement  adopté  aujourd'hui.  Il  n'a  point 
de  masculin  au  pluriel. 

Médiocre.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst..  et  il  y  fait  (juclquelois 
très-bien,  (]Uoi  (ju'en  dise  Féraud  :  Une  fortune 
médiocre,  une  médiocre  fortune  ;  un  esprit  mé- 
diocre ,  une  heovlé  médiocre;  une  médiocre 
beauté.  Voyez  .adjectif. 

Médiocrement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  tra- 
vaillé médiocrement  ,  il  n  médiocrement  tra- 
vaillé. Quelquefois  il  se  construit  avec  la  pré- 
position de  :  Il  a  médiocrement  d'esprit. 

Médire.  V.  n.  et  irrég.  de  la  4'  conj.  Il  se 
conjugue  comme  dire ,  si  ce  n'est  à  la  seconde 
personne  du  présent  de  l'indicatif,  où  l'on  dit 
vous  médises,  au  lieu  de  vou.':  médites.  On  dit 
aussi  inédisez  à  l' impératif. 

Médisant,  Médis.ante.  Adj.  Il  ne  se  met  qu  a- 
près  son  sui)St.  :  Un  homme  médisant,  une 
femme  médisante. 

Méditatif,  Méditative.  Adj.  On  ne  le  met 
qu'après  son  subst.  :  Esprit  méditatif 

Médullaire.  Adj.  des  deux  genres.  On  pro- 
nonce les  deux  l  sans  les  mouiller.  On  ne  le  met 
qu'après  son  subsl. 

INlÉFAiRE.  \.  n.  et  défectueux  de  la  4*  cow- 


160 


MÊL 


Il  n'esl  usité  «]u'à  l'infinilif  wéfuire,  et  au  par- 
ticipe passe  iiiêfuit,  cl  proiul  l'auxiliaire  avoir. 
Ce  nicil  ii'ol  plus  aiimis  clans  le  style  iiublo,  il  l'est 
seulement  ilans  le  style  comique  on  f.iniilicr. 

Mkfait.  Siibst.  ui.  Ce  mol  n'esl  plus  aJmis 
dans  le  siylc  noble  ;  il  ne  l'est  que  dans  le  style 
comique  ou  familier  : 

De  ses  méfaitt\e  Tenx  savoir  le  Til. 

(Volt.,  Enf.prod,,  ad.  Y,  se.  Ill,  6.) 

Méfiant,  Méfiante.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  méfiant,  un  esprit 
méfiant. 

Mkfikr  (se).  V.  pronom,  de  la  l"  conj.  On 
confond  (lucliiucfois  se  imfier  cl  <c  défier,  (pioi- 
que  ces  deux  verbes  oflrcnl  des  sens  assez  dif- 
férents. 

On  se  méfie  de  quelqu'un  par  suite  d'un  ca- 
racti-rc  nu'fuint,  et  (pioiqu'on  n'ait  aucune  raison 
particulière  qui  puisse  juslilicr  la  méfiance.  On 
se  défie  de  (pn'lqu'uii  parce  (pi'on  a  des  raisons 
parliculièrcs  de  douierdcla  probité,  delà  sin- 
cérité de  (juclqu'un.  — Se  méfier  de  ([uelqu'un 
n'attaque  jias  aussi  direclcmenl  la  perscnne  <]ue 
se  défier  de  quelqu'un.  Le  premier  ne  suppose 
que  le  caiacièrc  méfiant  de  celui  qui  se  méfie  ; 
le  second  indique  (iiicli]ue  soupçon,  quelque  opi- 
Dion  désavaniagcusc  à  lelui  dont  on  se  défie. 
(Lavcaux,  Dict.  synonymiquc.) 

Mf.illedr,  Meh.lf.cre.  Adj.  C'est  le  compa- 
ratif de  bon  :  Ce  vin-hi  est  hou,  mais  celui-ci  est 
encore  meilleur.  Celle  étoffe  est  meilleure  que 
l'autre.  —  Le  siipei  latif  de  meilleur  est  le  meil- 
leur. 11  se  met  toujours  avant  son  subst.  :  C'est 
le  nieilleur  fruit,  ei  nnii  pas  le  fruit  le  meilleur. 
Suivi  d'un  verbe,  il  demande  le  subjonctif:  C'est 
le  7rtcilleur  homme  qui  soit  au  iiivnde. 

Mélancolique.  Adj.  des  deux  genres  :  Un 
homme  mélancolique,  une  femme  mélancolique  ; 
humeur  mélancolique,  affection  mélancolique, 
tempérament  viélancolique.  —  Entretien  mé- 
lancolique. On  peut  le  meure  avant  son  subst., 
en  consultant  l'oreille  cl  l'analogie  :  Cette  mé- 
lancolique humeur,  ce  inéluncolique  entretien. 
Voyez  Adjectif. 

Mélancoliquement.  Adv.  11  ne  se  met  guère 
qu'après  le  verbe  :  Nous  avons  passé  quelques 
jours  lieu  mélancoliquement. 

Mélange.  Subst.  m.  L'Académie  le  définit,  ce 
qui  résulte  de  plusieurs  choses  mêlées  ensemble. 
-^  On  ne  sait  trop  comment  appli(juer  cette  dé- 
finition à  ce  terme,  dans  les  vers  suivants  : 

Tandis  que  vous  vivrez,  le  sort,  qui  toujours  cliange, 
Ne  vous  a  point  promis  un  bonheur  sans  mélange. 
Kac,  Iphig.,  acl.  I,  se.  i,  53.) 

Selon  l'Académie,  cela  voudrait  dire,  le  sort  ne 
vous  a  point  promis  un  bonheur,  sans  ce  qui 
résulte  de  plusieurs  choses  mêlées  ensemble; 
mais  cela  n  a  aucun  sens.  —  L'Académie  aurait 
dû  dire  que  mélange  se  dit  aussi  d'une  chose 
accidentelle  qui  est  ou  peut  cire  iiiélec  à  une 
chose  principale;  et  l'on  aurait  pu  appliquer 
celte  définition  aux  vers  de  Racine. 

MÉLANGEn.  V.  a.  de  la  V  conj.  Dans  ce  verbe, 
g  doit  toujours  se  prononcer  coinmey,-  et  pour 
lui  Conserver  cette  prononciation  lorsqu'il  est 
suivi  dun  a  ou  d'un  o,  on  met  un  c  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o:  Je  mélangeais,  mélangeons,  et 
Cion  \):\s  je  mélungais,  mélangons. 

Mêleb.  V.  a.  de  la  l"  conj.  Dans  le  sens  pro- 


MÊL 

pre ,  il  signifie,  brouiller  ensenoblc  plusieurs 
choses,  cl  dans  ce  cas,  il  se  construit  avee  la 
préj)OSition  arec  :  Mêler  de  l'eau  avec  du  tin, 
et  non  pas  mêler  de  l'eau  à  du  rin.  —  Dans  le 
sens  ligure,  il  sigiiilie  joindre,  unir  une  chose  a 
une  autre,  et  alors  il  régit  la  préposition  à  : 
Mêler  la  douceur  à  la  sévérité,  mêler  l'agréable 
à  l'utile. 

Et  mêle,  en  se  vantant  soi-mime  à  tout  propos. 
Les  louanges  d'un  fat  d  celles  d'un  héros. 

(BuiL.,  D:te.  au  roi,  23.) 

MÉLODIE.  Subst.  f.  L'Académie  dit  que  mé- 
lodie est  opposé  à  harmonie,  en  cc  (jue  mélo- 
die ne  signifie  que  l'heureux  arrangement  des 
sons  qu'on  entend  successivomenldans  un  même 
air  chanté  par  une  même  personne,  ou  joué  sur 
un  même  instnimeiil  ;  au  lieu  tiw' harmonie  si- 
gnifie l'accord  de  plusieurs  iiarties  que  l'on  en- 
tend en  même  teuips.  —  D'après  celte  distinc- 
tion, F^iraud  iiréleiid  (lu'oii  doit  dire  la  mélodie, 
et  non  pas  l'harmonie  du  langage,  du  dis- 
cours. 

Nous  avons  déjà  remarqué  au  mol  Harmonie 
que  cc  <iue  nous  ai)pcl(ins  harmonie  dans  le  dis- 
cours, devrait  s'appeler  plus  ])ropreiiient  mé- 
lodie ;  mais  qu'ayant  emprunté  ce  mot  des  an- 
ciens, qui  entendaient  par  harmonie  ce  (juc  nous 
entendons  aujourd'hui  par  mélodie,  nous  avons 
conservé  l'idée  (pi'ils  y  attachaient  en  parlant 
du  discours  et  du  langage;  et  nous  n'avons  em- 
ployé le  nom  de  mélodie  qu'en  parlant  de  mu- 
sique. Ce  serait  donc  contre  l'usage  et  la  raison 
qu'on  voudrait  établir  aujourd'hui  qu'il  faut 
toujours  dire  la  mélodie  du  style,  la  mélodie  du 
discours,  au  lieu  de  l'harmonie.  Nous  ne  pré- 
tendons pas  cependant  qu'on  ne  puisse  jias  dire 
lu  mélodie  du  style,  (piaiid  on  veut  signifier 
seulement  par  ce  mol  la  partie  de  l'harmonie  qui 
consiste  uniquement  dans  l'accord  successif  des 
tons,  et  respcce  de  mélodie  musicale  qui  en 
résulle,  abstraction  faite  de  l'harmonie  du  style 
avec  le  sujet,  et  avec  l'objet  de  la  pensée.  On 
pourra  dire  en  ce  sens  la  mélodie  d'une  phrase , 
la  mélodie  du  discours;  mais  on  ne  dira  pas  la 
mélodie  imitative  ;  lu  mélodie  du  style  arec  le 
sujet,  etc.  Voyez  Harmonie. 

C'est  d'après  celle  distinction  fondée  sur  l'é- 
tymologic,  l'usage  et  l,i  raison,  (pie  le  mot  iné- 
lodie  oratitii'  est  expli(iué  dans  le  Dictionnaire 
cncyclopédiq  ue . 

«La  mélodie,  y  est-il  dit,  est  l'accord  successif 
des  sons  dont  il  n'existe  a  la  lois  ([u'une  partie, 
mais  une  partie  lice  par  ses  rajjports  avec  les 
sons  qui  précèdent  et  qui  suivent,  comme  dans 
le  chant  musical,  où  les  sons  sont  placés  à  des 
intervalles  aisés  à  saisir. 

n  La  mélodie  du  discours  consiste  dans  la  ma- 
nière dont  les  sons  simples  ou  composés  sont 
assortis  et  liés  entre  eux  iiour  former  des  syl- 
labes, dans  la  manière  dont  les  syllabes  sont 
liées  entre  elles  pour  former  un  mot,  les  motj 
entre  eux  pour  former  un  membre  de  période 
ainsi  de  suite. 

«  Toutes  les  langues  sont  formées  de  voyelles, 
de  consonnes  et  de  diphthnngues,  qui  sont  des 
combinaisons  de  voyelles  seuleiiicnt.  On  a  fait 
ensuite  les  syllabes,  qui  sont  des  combinaisons 
de  voyelles  avec  les  consonnes.  De  ces  combi- 
naisons primordiales  du  langage,  les  i)euplesont 
formé  leurs  mots,  qu'ils  ont  figure  au  gré  de 
certaines  lois  que  l'usage,  l'habitude,  l'exemple. 


MEM 

le  besoin,  Tari,  l'inrinçinnlion,  les  occasions,  le 
hasarJ,  ont  jntn/duilcs  chez  eux.  C'est  ainsi  que 
<lo  sepi  niilos.  les  musiciens  ont  coini)osé  non- 
souleuienl  dilTcreiiis airs.  m;iisdi(Tcrcnlcs  espèces, 
diffcrcnis  genres  de  nuisique. 

«  Ceux  qui  ont  tiailé  de  la  niclodie  nous  di- 
sent que  les  lelircs  doivent  se  joindre  entre  clle^ 
d'une  manière  ai>éo  ,  qu'il  l'aut  éviter  le  con- 
I  ours  imp  frciiuent  des  voyelles,  [larce  qu'elles 
;endent  le  discours  mou  et  llollant;  celui  des 
consonnes,  parce  (lu'cllcs  le  rendent  dur  et  sca- 
breux ;  Ii;  grand  nomlire  des  inonosylldbcs,  i)arce 
qu'ils  lui  oient  la  consistance;  celui  des  mots 
longs,  parce  (ju'ils  le  rendent  lâche  et  trainant.  11 
faut  varier  les  chutes,  éviter  les  rimes,  niellro 
d'abord  les  plus  peliles  phrases,  ensuite  les 
ijrandes.  Enlin,  il  faut,  dit-on,  que  les  consonnes 
et  les  voyclle>  soient  tellement  mêlées  et  assor- 
ties, qu'elles  se  donnent  par  retour  les  unes  aux 
autres  la  consistance  ri  la  douceur;  que  les  con- 
sonnes appuient,  soutiennent  les  voyelles;  et 
ijue  les  voyelles,  à  leur  tour,  lient  et  polissent 
les  consomies.  Mais  tous  ces  i>réceples  deman- 
dent une  oreille  l'aile  à  l'harmonie.  Us  ne  doivent 
pas  être  toujours  observés  avec  bien  du  scrupule; 
c'est  au  goût  a  en  décider.  11  suffit  presque  (lue 
le  goùl  soit  averti  (ju'il  y  a  lànlessus  des  lois  gé- 
nérales ,  alin  ([u'il  soit'  plus  attentif  sur  lui- 
même.  « 

.MÉLODiEcsEMENT.  Ailv.  11  sc  mct  aprcs  le 
verbe:  Le  rossigiml  chante  iimhidieuscment. 

Mélodieux  ,  INIélodielse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avanl  son  sul)St.,  en  consultant  l'analogie 
et  l'harmonie  :  Chant  mélodieux ,  voix  mélo- 
dieuse; des  accents  mélodieux,  de  viélodieux 
accents.  ^  oyez  Adjectif. 

Mesibiie.  Subsl.  ni.  \oycz  Phiase  cl  Périnde. 

MÊME.  Ce  mot  peut  être  considéré  ou  comme 
pronom,  ou  cnmiuo  adjectif.  Quand  même  est 
pronom,  il  est  ucs  deux  genres,  et  prend  un  s  au 
pluriel;  il  signilie  identité ,  c'est-à-dire  que  la 
personne  ou  la  chose  dont  on  parle  n'est  autre 
que  celle  dont  il  a  déjà  été  question,  comme 
quand  ou  dit  en  parlant  des  personnes  le  même 
m'est  venu  voir,  les  mêmes  m'ont  parlé  ;  et  en 
jtarlani  d'une  affaire,  je  travaille  toujours  à  la 
même. 

Considéré  comme  adjectif,  7nême  exprime  iden- 
tité ou  parité.  On  le  recomiait  lorsqu'on  peut  le 
l'aire  précéder  de  l'un  des  [ironoms  personnels 
lui,  elle,  eux,  elles,  nous,  vous.  Il  s'accorde  tou- 
jours en  genre  et  en  nombre  avec  le  nom  ou  le 
pronom  auquel  il  se  iai>porle,  et  il  a  trois  usages 
din'érenis: 

l"  Même  se  met  souveul  immédiatement  après 
lessubstanlifselapresla  i)lu|iart  des  pronoms,  pour 
leur  doimcr  jilus  de  force  et  d'énergie,  comme 
dans  les  exemples  su  i  van  Is  :  Les  bienfaits  mêmes 
veulent  être  ussuisannés  par  des  manières  obli- 
geantes. Les  rochers  mêmes  sont  sensibles  à  de 
touchants  accords  (Grcssel,  Z)wc.  sur  Churmonie, 
\'^  pari.)  Les  criminels  condamnés  aux  peines 
du  l'artare  n'ont  pus  besoin  d'autres  châtiments 
de  leurs  fuutesquelcurs  fautes  mêmes,  (l'éncloii.) 
Les  grands  ne  seoibleiit  nés  que  pour  ev.r-Uli''- 
mcs.  (Massillon.  Petit  Carême.  Sur  les  obstacles 
que  la  vérité  trouve  dans  le  cœur  des  grands, 
2'  pan  ,  t.  I,  p.  6J4.)  Ceux  qui  se  plaignent  de 
la  fortune  n'ont  souvent  à  se  plaindre  qvcd'eux- 
mcmes.  (Volt.,  Siècle  de  Louis  XIV,  au  mol 
Cassa  ndre.) 

2°  Même  a  quelquefois  la  signification  d'i- 
dentité, comme  dans  ces   exemples  :   C'est  le 


MÊM 


461 


même  soleil  qui  éclaire  touter  les  nattons  de  la 
terre.  (Reslaut.)  Les  mémos  manières  qui  siéent 
bien  quand  elles  sont  naturelles,  rendent  ridi- 
cule quand  elles  sont  affectées.  (De  Wailly.) 
Dans  ce  sens,  il  se  place  avant  le  subslanlif. 

3"  Même  signilie  encore  parité,  c'est-à-dire 
que  la  iiersonne  ou  la  chose  dont  on  parle  est 
égale  ou  semblable  à  une  autre.  Dans  ce  cas, 
même  peut  se  tourner  par  l'adjectif  <^f(/ ou  sem- 
blable, comme  dans  la  phrase  sui\anle:  Chose 
digne  d'udmiratinn,  dans  l'immense  quantité 
d  hommes  qui  peuplent  lu  terre,  on  n'en  trouve 
pas  deux  ayant  même  visitqe,  mêmes  traits. 
(Reslaut.) 

On  a  pu  remarq\ier  dans  les  exemples  précé- 
dents que  même,  dans  chacune  de  ces  significa- 
tions,  prend  le  genre  et  le  nombre;  mais  quand 
même  est  précédé  du  pronom  vous,  et  (pie  ce 
pronom  se  rapporte  à  un  seul  individu,  même  ne 
prend  point  de  pluriel,  comme  dans  : 

Vous-mrfmo  où  seriei-vous,   vous  qui  la  combattez, 
Si  toujours  Antiope,  à  ses  lois  o|iposée. 
D'une  pudique  ardeur  n'eût  lirûlc  pour  Tliésco? 

(lUc,  Phed.,  ad.  1,  se.  I,  124.) 

Vou.'!  seul  pouvez  parler  di'^nemenl  de  Tous-m^m» 
(Volt.,  iienr.,  l,  374.) 

Même  est  adverbe  quand  il  est  employé  dans 
la  signification  à'aussi,  plus,  encore,  et  qu'il 
peul,  sans  que  le  sens  de  la  phrase  soit  alléré,  se 
transposer,  c'est-à-dire  être  mis  indilïércmment 
avant  ou  après  le  substantif  ou  le  pronom,  en  y 
joignant  la  conjonction  et.  On  dira  donc  : 

J'enlèverais  ma  femme  à  ce  temple,  \  vos  bras; 
Aux  dieux  même,  à  nos  dieux,  s'ils  ne  m'exauçaient  pas. 
(Volt.,  Olympie,  ad.  lit,  se.  ui,  9G.) 

Les  animaux,  les  plantes  même  étaient  au  nom- 
bre dei)  diri^ntés  egupiLûunes.  fDe  Waillv.^  Sans 
altérer  le  sens  de  la  phrase,  ou  [wurrau  di-'e  f  en- 
lèverais ma  femme  à  ce  temple,  à  vos  bras,  et 
même  aux  dieux.  Les  animaux  et  même  les 
plantes,  etc.  Dans,  les  libertins,  les  impies 
même  tremblent  à  lu  vue  de  la  mort,  il  faut  écrire 
inêute  sans  s,  parce  (ju'on  peut  dire,  sans  altérer 
le  sens  de  la  phrase,  les  libertins  et  même  les 
impies  tremblent  à  lu  vue  de  la  mort.  Mais  dans, 
les  impies  mêmes  tremblent  à  lu  vue  de  lu  mort, 
il  faut  écrire  mêmes  avec  un  s,  parce  (pion  peut 
dire  les  impies  e«.r-mèmes  tremblent  à  la  vue  de 
la  mort.  Racine  a  dit: 

Ces  murs  mémca,  seit'neur,  peuvent  avoir  des  yeux... 
[Urilann.,  ad.  II,  se.  VI,  21. 

Lsi  Grecs  mêmes  sont  las  de  servir  sa  colère. 

C'est  Hippocrate  qui  voulut  que  .tes  erreurs 
mêmes  fussent  des  leçons.  (Bailliéloiny.)  Les 
dieux  eux-méme^  devinrent  jalnu.v  des  bergers. 
(l'énel.,  Télém.,  liv.  Il,  t.  i,  ]>.  dU7.) 

Quant  au  mot  même  mis  à  la  suite  d'un  verbe, 
il  n'y  a  aucun  doute  qu'on  ne  doive  le  regarder 
comme  adverbe,  et  par  consécpieni  l'écrire  sans 
s,  puisqu'on  peut  sans  difliculie  le  transposer  et 
le  faire  précéder  de  la  conjonction  et.  On  écrira 
donc,  nous  ne  devons  pas  fréquenter  les  impies, 
nous  devons  les  éviter  même  comme  des  pestes 
publiques.  (De  Wailly.) 

71/(?'//c  s'emploie  souvent  à  la  suite,  non-seule- 
ment des  pronoms  personnels,  mais  aussi  des  ad- 
jectifs démonstralils:  Cela,  cela  même;  celui-ci, 
celui-là  même.  les  [>^r.'n^vf?s  [HT'-.v^/jels  qui  pren- 
nent îiiême  à  leur  suite  sont,  toi,  moi,  lui,  elle, 


462 


MEN 


vous,  niius,  eux,  elles.  Moi-même,  loi  même,  elc 
11  suil  ;ilors  le  nombre  aui|iic!  ces  i)roii(ims  sont 
Cini'liiyi'S  :  cous- même  liU  singulioi',  x-ous-mèmes 
au  plnriol,  eua-mêmes,  olc.  les  poiites  prenaient 
autrefois  la  lii-ence,  laiilôl  de  mcllre  un  s  au  sin- 
gulier, pour  çat'ner  une  syllabe;  laniol  de  le  re- 
trancher au  |iluriol,  parce  iju'il  y  avail  une  syl- 
labe (le  trop.  Celle  licence  ne  se  pardonnerait  i)as 
auj-iurvlliiii. 

Soi-même,  lui-même,  ont  des  sens  diffcrcnls  : 
Se  sauver,  se  perdre  soi-même,  c'est  sauver  ou 
perdre  in  propre  personne.  Il  s'est  sauvé  lui- 
même,  c'esl-à  (lire  sans  le  secours  d'aulrui.  Il 
s'est  perdu  lui- même,  c'est-à-dirc  par  sa  faute. 
//  se  loue  lui-même,  c'est-à-dire  lui  se  loue,  et 
les  autres  peul-éirc  ne  le  louent  jjas.  //  se  loue 
iok  mht,(s^  c'ctiv  .\  dirt.  i.  loui  m  i'rotir»  personne 
et  non  i)as  celle  d'un  autre.  On  vuii  ijuc  lui-même 
est  sujet  de  la  phrase,  et  que  soi-même  est  em- 
ployé comme  réirimc. 

De  -même  que  fait  l'office  d'une  conjonction. 
Lors(]u'il  y  a  dans  une  phrase  deux  membres  de 
comparais(jn,  et  (ju'on  met  de  même  que  au  com- 
mencement du  premier,  on  met  aussi  ordinaire- 
ment de  rnême  au  commencement  du  second  :  De 
même  que  la  cire  molle  reçoit  uisément  toutes 
sortes  d'cmprei/ites  et  de  figures,  de  même  un 
jeune  homme  reçoit  facilement  toutes  les  impres- 
sions qu'on  veut  lui  donner.  (Acad.) 

A  MÊME.  Adv.  On  l'a  dit  autrefois  pour  en 
môme  temps  :  A  même  que  la  prière  fut  faite, 
l'orage  fut  apaisé.  Oucl'iuefois,  dit  Thomas  Cor- 
neille, on  l'emploie  a  un  autre  usiige  (jui  n'est  pas 
reçu  par  ceux  <iui  parient  correclement;  c'est 
quand  on  dit,  boire  à  même  la  bouteille.  Celte 
expression  est  souvent  cmidoyce  dans  le  langage 
famdier.  Avant  de  condamner  celte  cxi)ressioa 
familière,  que  l'un  peut  regarder  conmie  une  es- 
père de  gallicisme,  je  demanderais  a  Thomas 
Corneille  par  ipielle  autre  expression  il  pourrait 
la  reinjilaier. 

L'Académie  dit  mettre  à  même,  être  à  même, 
laisser  à  même,  pour  mettre,  être,  laisser  à  por- 
tée, en  toute  lilicrlé.  Ces  cxiircssions  sonl  l'aini- 
licres,  el  peuvent  eue  regardées  aussi  comme 
des  gallicismes.  11  serait  difficile  de  les  rcin[tlaccr 
exactenicni  par  d'autres  exi)ressions. 

*  Mkiieté.  Subsl  f.  Le  mot  scientifique  ù/r//- 
tilé  ne  signifie  <iue  même  chose.  11  pourrait  élre 
rendu  en  français  par  mêmeté.  (Volt.)  Ce  mot 
n'est  pas  adiipté. 

MKMoir.E.  i)ui)Sl.  f.  L'Académie  ne  leditpoinl 
dans  le  sous  où  Voltaire  l'emploie  dans  les  vers 
suivants  : 

Muii  esprit,  peu  jaloux  de  Tivre  en  la  mémoire. 
Ne  considère  poiiil  le  reproche  ou  U  gloirs. 

(Unrt  de  Céêar,  act.  Itl,  «c.  Il,  110.) 

Qae  ne  puis-je  plutôt  ravir  .\  la  mémoire 
Les  crudlâ  monumenti  de  cm  afTreiix  succès  ! 

(VotT.,  Iltnr.,  m,  220.) 

Mémorable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit 
des  choses  qui  sont  dignes  île  mémoire,  el  peut 
se  meure  avant  son  subst.,  en  cousullanl  l'oreille 
et  l'analogie  :  Action  mémnruble,  cluise  mémora- 
ble, journée  mémorable,  fait  mémorable.  Cette 
mémorable  action,  cette  mémorable  jcurnée,  etc. 

Menaçant,  Mknaçante.- Adj.  verbal  tiré  du  v. 
menacer.  Vn  prose,  il  ne  se  met  (lu'aiirés  son 
subsl.  :  Un  visage  menaçant,  un  air  menaçant, 
des  paroles  menaçantes. 


MEN 

Menacer.  "V.  a.  de  la  1"  ronj.  Racine  l'a  em- 
ployé dans  des  acceptions  très-diverses  qui  n'ont 
pas  été  toutes  recueillies  par  l'Académie: 

Nous  menaçioni  de  loin  Icj  rivages  de  Troie. 

(^Iphig.,  act.  I,  se.  I,  46.) 

Le  bras  déjà  levé  menaçait  mes  refus. 

[Idem,  act.  I,  se.  1,  S8.; 

Songez-yous  aux  roalbeurs  qui  nnus  menacent  tous? 
\Idem,  act.  I,  sc,!l,  23.) 

MÉNAGER.  V.  a.  de  la  \'*  eonj.  'Dans  ce  verbe, 
le^r  doit  toujours  se  prononcer  comme  \\n  j ;  et 
[wur  lui  conserver  cette  prononciation  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  n,  on  met  un  e  muet 
avai<  ce'  a  oi:  cet  o:  Je  ménageais,  ménageons. 
et  non  pasjV  menaçais,  menaçons. 

Ménager,  Ménagkre.  Adj.  qui  s'emploie  quel- 
quefois substantivement.  Il  ne  se  met  guère  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  homme  ménager,  une  femme 
ménagère. 

Au  figuré,  cet  adjectif  prend  pour  régime  la 
préposition  de  : 

Le  sage  est  ménager  du  temps  et  des  paroles, 

(La  FoMTAiMB,  liT.  VIII,  fable  xivi,  36. 

Mendier.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe, au  fi- 
guré, s'emploie  dans  le  style  noble  : 

J'ai  mendie  la  mort  chez  des  peuples  cruels. 

(RaC,  Àndrom.,  act.  II,  .«c.  il,  15.) 

Je  pourrais,  il  est  vrai,  tncniiirr  «on  .5;-;iui, 
Et  son  premier  cscUve,  élre  lyran  suus  lui 

(Volt.,  Brut.,  act.  II,  se.  ii,  77. i 

Mener.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Corneille  a  dit 
dans  Pohjeucte  (act.  V,  se.  vi,  45)  : 

Us  mènent  une  vie  avec  laiit  d'innocence. 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers,  on  mène  une 
vie  innocente,  el  non  pas  avec  innocence. 

Mensonge.  Subsl.  m.  Voyez  Menterie. 

Mensonger,  Mensongiore.  Adj.  Cet  adj,  se  dit 
bien  dans  le  siyle  noble,  cl  peut  être  mis  avant 
son  sub^t.,  lorsiiue  l'analogie  cl  l'harmonie  le 
permetlcnt  :  Discours  mensongers,  plaisirs  men- 
songers. Ces  mensongères  protestations.  Voyez 
Adjectif — La  Bruyère  met  mensonger  au  nombre 
des  mois  qu'il  regrette  :  c'est  une  preuve  que  de 
son  temps  il  était  déjà  vieux,  11  a  repris  faveur, 
cl  l'on  s'en  sert  aujourd'hui  non-seulement  dans 
la  haute  poésie,  mais  dans  le  discours  soutenu. 

Mental,  Mentale.  Adj.  Qui  s'exécute  avec 
renleiidemcnt.  C'est  l'opposé  de  veriial.  Cet  ad- 
jectif n'a  point  de  masculin  au  pliuicl.  11  ne  se 
met  t|u'après  son  subst. 

Menterie.  Subsl.  f.  Il  n'est  que  du  discours  fa- 
milier. Menterie  ne  signifie  pas  la  même  chose 
que  mensonge.  La  menterie  esi  une  simple  faus- 
seté avancée  dansTinlenlion  de  trom|)er;  le  men- 
simge  est  une  fausseté  combinée  de  manière  à  sé- 
duiie,  à  abuser  :  Les  enfants  préludent  aux 
mensonges /jar  des  mcnteries.  Le  fourbe  fait  des 
mensonges,  le  bavard  dit  des  menteries. 

Menti;lr,  Menteuse.  Adj.  qui  se  prend  aussi 
subslanlivcmcnl.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  : 
Un  liomme  menteur,  une  femme  menteuse. 

Mentir,  V.  n.  el  irrégulier  de  la  2  conj.  Il  se 
conjugue  c(nnine  sentir.  Voyez  Im'gulier,  On 
dit  quelquefois  foMs  en  avez  menti;  mais  cette 


MER 

expression  n'est  admise  que  dans  les  temps  com-  I 
I)Osés.  On  ne  dit  pas  vous  en  mentez. 

Mentir  ne  lient  être  cmiiloyc  qu'avec  précau-  ^ 
lion  dans  le  style  noble.  On  a  relevé  avec  raison  i 
les  expressions'  suivantes,  comme  prosaïques  et  ' 
trop  familières:  I 

...  Je  ïiivis  tremblante,  à  ne  vous  point  mentir. 
'^Rac,  Phid.,  acl.  IV,  se.  VI,  2.) 

Il  ne  faut  point  mentir,  ma  juste  impitienca 
Voas  accusait  déjà  Je  quelque  iiéijligence. 

^UAC.,  Bérén.,  acl.  I,  se.  IT,  5.) 

Fcraud  prétend  (pic  mentir  se  dit  figui'émenl 
des  choses,  et  il  donne  pour  exemple,  j'iiv(ùs 
Vœilvif,  qui  unn"iiçuit  un  peu  d'esprit,  et  qui  ne 
mentait  pas  ti.tulemcnt.  Cette  plirase  est  très- 
mauvaise.  On  dit  bien  avoir  une  mine  menteuse, 
une  physionomie  menteuse;  mais  on  ne  dit  pas 
sa  pliysionoJHte  ment,  sa  mine  ment,  son  œil 
ment. 

Menu,  ]Memje.  Adj.  des  deux  genres  :  Un  hom- 
me menu,  une  femme  menue,  vue  corde  menue. 
— 11  y  a  des  cas  où  on  ne  peut  le  mettre  (pi'avant 
son  subst.  :  Menue  monnaie,  menues  sommes, 
menus  frais,  menus  plaisirs,  menus  grains,  me- 
nus droits,  menu  plomb,  menu  rôt.  Voyez  Ad- 
jectif. 

MÉPHITIQUE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  f^apeur  méphitique,  air 
viéphitique. 

*  Méi>i-acer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  mot,  dit 
La  Harpe,  doit  être  adopté,  parce  qu'il  est  clair, 
qu'ilaiinoaccoiitioiiqninous manque,  et  que  inul 
placer  ne  ronilrait  pas.  Mrplticcr  signilicrait  ne 
pas  placer  selon  les  conven;nces,  et  il  y  a  un 
grand  avaniaiie  a  dire  tout  cela  d'un  seul  mot.  Je 
suppose,  par  exomiile,  qu'une  femme  laide  s'in- 
troduisit dans  une  cérémonie  où  il  faudrait  que 
de  jolies  femmes  représentassent ,  on  pourrait 
dire,  vrilù  une.  feinnic  méphirée ;  ce  que  ne  dirait 
pas  aussi  bien  mal  placce  ou  déplacée,  parce 
que  ces  mots  ont  plusieurs  sens.  — Nous  sommes 
de  l'avis  de  l.a  Harpe. 

MÉPRIS.  Siiiist.  m.  Qnantl  il  se  dit  du  senti- 
ment, il  n'a  point  de  pluriel.  On  dit  à  plusieurs 
comme  à  un  scid,  je  ne  mérite  pas  votre  mépris, 
et  non  pas  rn.9  nupri.';.  —  (Juand  il  signilie  té- 
moignage lie  inc[;ris,  il  prend  un  pluriel  :  Je  ne 
puis  souffrir  vos  mépris. 

Méprisable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  s^n  suhst.,  en  consiilianl  l'oreille  et 
l'analogie  :  Un  humme  méprisable,  vue  femme 
méprisable.  —  Cette  méprisable  action,  cette 
méprisable  conduite.  Voyez  Conteuiplible. 

MÉPRISANT,  MÉpRisvNTE.  Adj.  vcrbal.  11  ne 
peut  guère  se  mettre  qu'après  son  subst.  Il  ne  se 
dit  point  des  personnes,  mais  des  choses  (pii  ont 
rapport  aux  [lersonnes.  On  ne  dit  pas  un  homme 
méprisant ,  une  femme  méprisante,  mais  un 
geste  méprisant,  un  ton  méprisant,  des  manières 
méprisantes,  un  air  méprisant.  —  Dans  la  der- 
nière édition  de  son  dictionnaire,  l'Académie  le 
dit  des  personnes. 

MÉPRistR.  \.  a.  de  la  1'"  conj.  Voyez  Bé- 
priser. 

Mer.  Subst.  f.  Fénelon  a  dit  Je  demandai  à 
Narbal  comment  les  Tyri^ns  tétaient  rendus  si 
puissants  sur  la  mer  {Télém.,  liv.  III,  1. 1, 138^. 
On  peut  dire  sur  mer  ou  sur  la  mer;  l'une  et 
l'autre  expression  est  française,  mais  on  emploie 
la  première  lorsque  le  mot  mer  est  pris  dans  un 


.MES  403 

sens  vague  et  indéfini,  et  la  seconde  quand  on 
veut  lui  donner  un  sens  défini. 

Mer  basse  et  ia.f.se  mer  ne  signifient  pas  tout 
à  fait  la  mèine  chose.  La  mer  est  basse  en  cet 
<';i</ro«7,  c'est-à-dire  il  n'y  a  pas  beaucoup  d'CaU. 
La  basse  mer,  c'est  la  mer  vers  la  lin  de  son  re- 
flux. On  appelle  pleine  mer  ou  haute  mer,  la 
mer  éloignée  des  rivages.  Il  semble  que  hatte 
mer  indique  un  eloignemcnt  plus  considérable. 

AIehcantile.  Atlj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  cpi'aprés  son  subst.  :  Contrat  mercuntiic, 
profession  mercantile,  esprit  mercantile.  Ce'. te 
dernière  locution  ne  se  prend  qu'en  mauvaise  pan. 

Mercenaire.  .\dj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Travail  mcrccnuin-, 
un  homme  mercenaire ,  une  âme  mercenaire. 
Des  troupes  mercenaires.  Si  ce  mot  est  pris 
comme  une  modification  de  l'âme,  il  signifie  un 
caractère  inspiré  par  an  intérêt  sordide  C'est 
dans  le  même  sens  qu'on  dit  des  actions,  des 
discours,  des  amitiés,  des  amours  merce- 
naires. 

Mercenairement,  Adv.  On  ne  le  met  point 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  a  agi  merce- 
nairement. 

Merci.  Subst.  f.  (jui  n'a  point  de  pluriel. 

Méridional,  Méridionale.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  sub>t.  :  Pays  méridional,  peuples 
méridionaux,  cadran  rnéridional. 

Merveille.  Subst.  f.  On  mouille  les  l.  Il  ne 
faut  pas  confondre  faire  inervcille,  où  ce  mot  est 
employé  indéfiniment  et  sans  article,  et  faire 
des  merveilles,  où  il  s'emploie  avec  l'article. 
L'un  signifie /"«ire  très-bien,  faire  y  est  neutre, 
et  il  ne  se  dit  que  des  choses.  L'autre  signifie 
faire  des  choses  merveilleuses ,  le  verbe  faire 
y  est  actif,  et  il  ne  se  dit  que  des  personnes  : 
Cette  figure  fait  merveille  dans  ce  discours; 
cet  orateur  a  fait  aujourd'hui  des  merveilles.  — 
Dans  le  iliscours  familier,  on  dit  qucliuefois 
faire  merveilles,  dans  ce  dernier  sens,  on  par- 
lant des  personnes,  et  en  supprimant  l'article  et 
mettant  merveilles  au  pluriel.  L'Académie  met 
sans  remarque:  //  fil  des  merveilles  ce  jour-là. 
Mais  faire  des  merveilles  ne  se  dit  jamais  des 
choses.  — L'Académie,  dans  sa  dernière  édition, 
écrit  faire  merveilles,  et  n'admet  point  faire 
merveille  en  donn.int  au  verbe  un  sens  neutre. 
Aussi  n'eniiiloie-t-elle  cette  locution  qu'en  parlant 
des  personnes. 

Merveilleusement.  Adv.  On  mouille  les  l.  On 
peut  quchpiefois  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  Il  a  travaillé  merveilleusement,  OU  il 
a  mcrveilleu sèment  travaillé.  Cet  ouvrage  est 
merveilleusement  fait,  ou  est  fait  merveilleu- 
sement. 

Merveilleux,  Merveilleuse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  homme  merveilleux, 
c'est  une  chose  merveilleuse,  c'est  U7ie  mer- 
veilleuse chose  que...  —  Ironiquement,  roî/,ç«?/t« 
un  merveilleux  homme. 

Merveilleux  est  un  de  ces  mots  que  l'on  em- 
ploie souvent  par  exagérati(m.  Pour  certaines 
gens,  et  surtout  pour  certaines  femme*,  tout  est 
merveilleux,  ou  tout  est  affreux.  Celte  exagéra- 
tion est  un  riilicule  pour  les  gens  sensés. 

Mes.  'V'oyez  Mon. 

MÉsANCE.  Subst.  f.  Trévoux  le  marque  mas- 
culin et  féminin.  Ou  ne  le  fait  que  féminin  :  Ujte 
mésange. 

MÉSESTIMER.  V.  a.  de  la  l'^conj.  Il  dit  moins 
que  mépriser.  Mésestimer,  en  [larlant  des  choses, 


46-i 


MET 


se  prend  toujours  en  mauvaise  part,  et  signifie 
app.vcicr  les  i  hoscs  au-ilcbsous  de  leur  ju^le  va- 
lei:r.  AJcil  esiimir  se  dit,  soit  en  bien,  soil  en 
rn;il,  ei  c  est  csiiincr  ou  au-dessus  ou  au-dessous 
de  la  jiîsic  valeur. 

*  >iÉsiMrr.i'BÉTER.  V.  a.  de  la  J"  coiij.  Ce 
mot,  ijue  l'ou  ne  trouve  point  dims  le  Diction- 
naire de  l'^hadéiine,  a  clé  employé  p;ir  J.-J. 
Eousseau.  H  si^nilic  inlcr|)réler  delavoiablomcnt  : 
Je  ne  suis  pus  si  prompt  que  rous  à  iiicsiiiter- 
pri'ter  les  inulifs  de  mes  amis.  (J.-J.  Roussea"!.) 

•MÉsoFmiR.  V.  a.  et  irrcg.  delà  2""  Lujnj.  Il  se 
conjugue  couime  ouvrir.  \  oyez  IrréguUer. 

Mesquin,  .Mesqui>r.  Adj.  (fui  ne  se  met  qu'a- 
près sou  subsl.  :  Un  homme  mesquin,  vue  femme 
mesquine.  — Un  air  mesquin,  une  dépense  mes- 
quine. 

Mesquinement.  Adv.  On  pe.il  quelquefois  le 
mcllieeiiire  l'auxiliaire  ei  le  parlicqic  :  Il  nous 
a  traitis  mestjuinemcnt,  il  ?i/us  a  mesquinement 
traités. 

Messé.vnt,  Messéante.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Une  chose  messéante. 

Messeomi.  V.  n.  de  la  3«  conj.  Ce  verbe,  qui 
signilie  ne  pas  convenir,  ne  pas  éirc  séanl,  n'est 
plus  d'usaij'e  à  l'inlinitif,  cl  s'emploie  aux  mêmes 
temps  que  seoir  dans  le  sens  d'élre  conve- 
nable. 

Mesdue.  Subsl.  f.  On  dit  rompre  les  viesures 
de  quelqu'un,  il  a  rompu  toutes  mes  mesures, 
c'esl-à  due  il  a  rendu  inuliliîs  tous  mes  projets. 
On  joint  aussi  ii  celle  expression  la  prcposiliou 
avec: Les /''^audois,  quoiq uc condu mnés ,  n'acuient 
pas  encore  rompu  toutes  mesures  avec  l'Eglise 
romaine.  [boS^i. ,  JJist.  des  variations  des  églises 
protestantes,  liv.  Al,  §  7S.)  La  Bruyère  a  dit 
être  jetés  hors  des  mesures  :  L'on  est  né 
quelquefois  avec  des  mœurs  faciles,  de  la 
complaisance  et  tout  le  désir  de  plaire  ; 
mais  par  les  traitements  de  ceux  arec  qui  l'on 
vil  ou  de  qui  l'on  dépend,  on  est  jelé  hors  de 
ses  mesures,  et  même  de  si>n  natuntl. 

A  mesure  que,  expression  conjonctive  qui  régit 
l'indicalil' :  A  mesure  que  l'un  avançait,  l'autre 
reculait.  —  L'Académie  dit  qu'on  le  mcl  aussi 
quelquefois  absolument  sans  que,  et  qu'alors  on 
le  met  toujours  à  la  fin  de  la  plira-^e  :  Travaillez, 
et  l'on  vous  paiera  à  mesure.  — Elle  donne  aussi 
maintenant  l'expression  à  mesure  de,  dont  (jucl- 
ques  bons  auteurs  se  sont  servis:  L'Allemagne 
est  la  seule  puissance  qui  se  fortifie  à  mesure 
de  sesper/es.  (Montes(]uieu.)  Les  Romains  aug- 
mentaient toujours  leurs  prétentions  à  mesure 
de  leurs  défaites.  (Munlcsiiuieu,  Grandeur  et 
décad.  des  /{uni. ,ch.  i.j  J.-J.  Rousseau  A  liii  deve- 
nant de  jour  en  jour  plus  puissant,  il  devenait 
plus  odieux  en  même  mesure. 

Méslser.  V.  n.  de  la  1^'  conj.  Il  dit  moins 
qu'abuser.  On  mésuse  de  la  chose  qu'on  em- 
ploie mal,  on  abuse  de  la  chose  qu'on  emploie 
à  faire  du  vud. 

*  MÉTAiL.  Subsl.  m.  Voyez  Métal. 

Métal.  Subst.  m.  11  fait  au  pluriel  métaux. 
Les  noms  des  métaux  et  des  aromates  ne  s'em- 
ploienl  point  au  jiluriel,  i)arce  qu'ils  désignent 
comme  iniliviiluelle  la  masse  de  chacun  de  ces 
métaux  et  de  ces  aromates.  Leur  nom  est.  à  la 
vériié,  celui  d  une  cs|>èce,  mais  d'une  espèce  con- 
sidérée individuellement ,  et  (pii  ne  renferme 
point  d'individus  distincts.  En  eflet,  quand  on 
les  considère  comme  mis  en  œuvre,  divises  en 
plusieurs  parties,  et  qu'on  y  distingue  do,>  qua- 
lités qui  permettent  de  les  ranger  dansdifférenies 


MET 

classes,  alors  ils  |)rcnnent  un  |iluricl,  et  le  noir 
devient  un  nom  commun  ou  appcllat  if:  Des  cuivres 
de  différentes  couleurs,  lesplombs  d'un  bâtiment. 

Métal,  Mitnil.  Il  ne  fiut  pas  confondre  ces 
deux  substantifs.  1  e  premier  se  dit  d'un  corps 
minéral  qui  se  forme  dans  les  entrailles  tle  la 
terre,  cl  (pii  csl  fusible  et  iniiKéable.  l.e  second 
est  une  conqujsiliun  de  métaux,  ou  un  mélange 
de  métaux,  avec  ce  qu'on  appelle  des  demi- 
inélaux.  L'or  est  un  métal,  te  sirnilor  un  mé- 
tuil.  L'Académie  a  omis  ce  mol,  que  l'on  trouve 
dans   Buffon  et  dans  d'autres  lioii->  auteurs. 

MÊiALKi'SE.  Subst.  f.  C'est  une  ligure  parla-  . 
quelle  on  explique  ce  qui  suii  |tuur  f;iire  enten- 
dre ce  qui  précède,  ou  ce  ijui  piéccde  pour  faire 
entendre  ce  qui  suit;  c'est-a-dire  une  espèce  de 
méionyinie  où  l'on  prend  l'aniéccdent  pour  l- 
conséquent,  ou  le  conséiiuent  pour  l'anlécé- 
dciit. 

On  croit  avant  que  de  parler;  ^'e  crois,  dH\c 
prophète,  et  c'est  pour  cela  que  je  parle.  Il  n'y 
a  point  là  de  méialepse;  mais  il  y  a  une  méla- 
lepse  (juand  on  se  sert  de  parler  ou  de  dire  pour 
signifier  croire  :  Direz-rous  après  cela  que  je  ne 
suis  pus  de  vos  amis?  c'esl-a-dire  croirez-vous^ 
aurcz-vous  sujet  de  croire? 

On  rapporte  de  même  à  la  mélalepsc  ces  façons 
de  parler  :  Il  oublie  les  bienfuits,  c'est-à-dire  il 
n'est  jias  reconnaissant.  Som-enez-vous  de  notre 
convention,  c'csl-à-dire  observez  notre  conven- 
tion Seigneur,  ne  vous  ressouvenez  point  de  nos 
fautes,  cest-à-dire  ne  nous  en  punissez  point, 
accordez-nous-cn  le  panlon.  Je  ne  vous  connais 
pas,  c'esl-à-dire  je  ne  lais  aucun  cas  de  vous,  je 
vous  méprise,  vous  clés  à  jnon  égard  comme 
n'étant  point.  —  Il  a  été,  il  a  vécu,  veut  dire 
souvent,  il  est  mort;  c'est  l'antécédent  pour  le 
conséquent. 

.  . .  C'eu  est  fait,  madame,  et  j'ai  vteu  ; 

(lUc,  ^ithr.,  act.  V,  se.  ▼,  52.) 

c'est-à-dire,  je  me  meurs. 

La  métalcpse  se  fait  lorsqu'on  passe,  comme 
par  degrés,  d'une  signification  à  une  autre.  Par 
exemple,  les  poètes  prennent  les  hivers,  les  étés, 
les  moissons,  les  automnes,  et  tout  ce  qui  n'arrive 
qu'une  fois  en  une  année  pour  l'année  même. 
Nous  disons  dans  le  discours  ordinaire,  c'est  un 
vin  de  quatre  feuilles,  pour  dire  c'est  un  vin  de 
quatre  ans;  et,  en  termes  d'eaux  et  forcis,  on  dit 
bois  de  quatre  feuilles,  pour  dire  bois  de  quatre 
années. 

Ainsi  le  nom  des  différentes  opérations  de  l'a- 
griculiure  se  prend  pour  le  temjis  de  ces  opéra- 
tions, c'est  le  consé(iuenl  pour  l'antécédent.  La 
moisson  se  prend  pour  le  leiufts  de  la  moisson  ; 
lu  vendange  |>our  le  temps  de  la  vendange.  //  est 
murt  pendant  la  moisson,  c'esl-a'dire  dans  le 
temps  de  la  moisson.  La  moisson  se  fait  ordinai- 
rement dans  le  mois  d'août  ;  ainsi,  par  métonymie 
ou  méUilepse,  on  appelle  la  moisson  [août,  qu'on 
prononce  Voût;  alors  le  temps  dans  lequel  une 
chose  se  fait  se  prend  pour  la  chose  même, 
et  toujours  à  cause  de  la  liaison  que  les  idées 
accessoires  ont  entre  elles.  (Extrait  de  Dumar- 
sais.) 

Métallique.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
metiju'aprésson  subst.  :  Corps  métallique,  partie 
métallique,  couleur  métallique.  —  Science  ?iié- 
tullique,  histoire  métultique. 

Métaphore.  Subst.  f.  C'est,  dit  DumarsaiSj 
une  figure  par  laquelle  on  transporte,  pour  ainsi 


AIET 

dire,  la  sianificalion  pri)prc  d'un  nom  (ou  |)liilôt 
d'i/«  mol)  il  une  iiuiio  t-ignilicalion  qui  ne  lui 
ronvicMl  qu'en  vcilu  d'une  couipaniison  qui  csl 
dans  l'espril.  Un  mot  pris  dans  un  sens  niiHaplio- 
rique  pciti  sa  signiricalion  propre,  et  en  prend 
une  nuuvollc  ipii  ne  se  présente  à  l'esprit  (|uc 
par  la  roni|)araison  cpie  l'on  fait  entre  le  sens 
propre  de  ce  mot,  et  ce  ([u'on  lui  compare.  Par 
exemple,  i|uand  on  dit  tpie  le  mensonge  se  pare 
souvent  des  cmilcurs  de  la  vérité,  dans  celle 
phrase,  couleurs  n'a  jilus  de  signilicatioii  |)ro|>re 
et  primitive;  ce  mot  ne  uiar(iue  plus  celle  iumit'i'e 
inodiliée  ipii  nous  l'ail  voir  les  objets,  ou  iilancs, 
ou  rouges,  ou  jaunes,  etc.  ;  il  signiiie  les  dehors, 
les  ai)pareiices,  et  ("ela  par  comparaison  cnlrc  le 
sens  |)ropre  ilc  covleurs,  el  les  dehors  (juc  jircnd 
un  hounnc  (pii  nous  en  impose  sous  le  masque 
de  la  sinccriié.  Les  couleurs  font  connaître  les 
objets  sensiiiles;  elles  en  l'ont  voir  les  dehors  el 
les  apparences.  Un  huinme  qui  ment  imite  (juel- 
quefois  si  bien  la  contenance  et  le  discours  de 
celui  (jui  ne  ment  jias,  *iue,  lui  trouvant  le  même 
dehors,  et,  pour  ainsi  dire,  les  mêmes  couleurs, 
nous  croyons  ipj'il  nous  dit  la  vérité.  Ainsi, 
comme  nous  jugeons  qu'un  objet  qui  nous  parait 
blanc  est  blanc,  de  même  nous  sommes  souvent 
la  du|)e  d'une  sincérité  apparente;  el  dans  le 
temps  qu'un  inqjosleur  ne  fait  que  prendre  les 
dehors  d'homme  sincère,  nous  croyons  qu'il 
nous  parle  sincèrement. 

Quand  on  dit  la  lumière  de  l'esprit,  ce  mot 
de  lumière  est  pris  métaphori(]uement.  Car, 
comme  la  lumière,  dans  le  sens  propre,  nous 
fait  voir  les  objeis  corporels,  de  même  la  faculté 
de  connaiire  et  d'apercevoir  éclaire  l'esprit  et  le 
met  en  étal  de  porter  des  juKemenls  sains. 

La  mélaphore  est  donc  une  espèce  de  tiope. 
Le  mot  dont  on  se  seri  dans  la  métaphore  est 
pris  dans  un  auire  sens  que  dans  le  sens  propre  ; 
il  est,  pour  ainsi  dire,  dans  une  demeure  em- 
pruntée, dit  un  ancien;  ce  qui  est  commun  el 
essentiel  à  tous  les  iropes. 

De  |)lus,  il  y  a  une  sorte  de  comi)araison,  ou 
(juelipie  rapi)orl  éipiivalenl,  entre  lemotampiel 
on  donne  un  sens  méta|)liori(pie,  et  l'oljjct  à  (pioi 
un  \eut  l'appliquer.  Par  exemple,  (]uand  on  dit 
d'un  lionune  en  colère  que  c'est  un  lion,  lion 
est  jiris  alors  dans  un  sens  niélaphoriipic;  on 
compare  l'homme  en  colère  au  lion,  el  voilà  ce 
qui  distingue  la  métaphore  des  autres  figures. 

Il  y  a  celle  dil'ièrence  entre  la  métaphore  el  la 
comparaison,  que,  dans  la  comparaison  ,  on  se 
sert  de  lermos  ([ui  font  connaiire  que  l'on  com- 
pare une  chose  à  une  auire;  par  exemple,  si 
l'on  dit  d'un  homme  en  colère  qu'il  est  comme 
unliun,  (l'ai  une  comparaison  ;  mais  quand  ou 
dit  simiilement,  c'est  vnlwn,  la  comiiaraison 
n'est  alors  (jne  dans  l'esiiril,  et  non  dans  les 
termes  :  c'est  une  mêlapiiorc. 

Mesurer,  dans  le  sens  propre,  c'est  juger  dune 
quantité  incoimue  par  une  quantité  coimue, 
soit  par  le  secours  du  compas,  de  la  règle,  ou  de 
quelque  autre  instrument  ([u'on  appelle  mesure. 
Ceux  «jui  pretmenl  bien  toutes  leurs  [)récaulions 
pour  arriver  à  leurs  lins,  sont  comparés  a  ceux 
qui  mesurent  (piehiue  quanlité  :  ainsi  on  dit  par 
métaphore,  cpi'i/*  0/1/  lien  pris  leurs  mesures. 
Par  la  môme  raison,  on  dit  (lue  les  personnes 
d  une  condition  médiocre  ne  doivent  pas  se 
mesurer  avec  les  grands,  c'est-à-dire  vivre 
comme  les  grands,  se  comparer  à  eux  comme  on 
compare  une  mesure  avec  ce  qu'on  veut  mesurer. 
Oh  doit  mesurer  sa  dépense  avec  son  revenu 


MET 


^.6»? 


c'est-à-dire  qu'il  faut  régler  sa  dépense  sur  son 
revenu;  la  (pianlilè  du  re\enu  doii  être  comme 
la  mesure  de  la  (luanlité  de  la  dé|)ense. 

Comme  une  clef  ouvre  la  porte  d'un  api)arle- 
mcnl  et  nous  en  domie  l'entrée,  de  même  il  y  a 
des  connaissauies  préliminaires  (pii  ouvrent, 
pour  ainsi  dire,  l'entrée  aux  sciences  plus  pro- 
fondes, txs  connaissances  des  principes  sont 
appelées  clefs  par  métaphore.  La  grammaire 
est  la  clef  des  sciences,  la  logii/ve  est  la  clef  de 
la  philosophie.  On  dit  aussi  d'une  ville  forliliée  (pii 
est  sur  la  frontière,  (iu'('//<;  est  lu  clef  du  royaume, 
e'est-à-dire  que  l'cimemi  (jui  se  rendrait  maitrc 
de  celle  ville  serait  a  portée  d'entrer  ensuite  avec 
moins  de  peine  dans  le  royaume  dont  on  pai'le. 

f^tie  ?,c  (lit  au  propre  de  la  faculté  de  voir,  et 
par  extension  ,  de  la  manière  de  regarder  les 
objets;  ensuite  on  donne,  par  métaphore,  le  nom 
de  vue  aux  pensées,  aux  projets,  aux  desseins. 
Avilir  de  grandes  vues,  perdre  de  vue  une  entre- 
prise, n'y  plus  jienser. 

G  lût  se  dit  au  propre  du  sens  par  lequel  nous 
recevons  les  impressions  des  saveurs.  La  langue 
est  l'organe  du  goût.  Avoir  le  goût  dépravé, 
c'est-à-dire  trouver  bon  ce  que  communément 
les  autres  trouvent  mauvais,  et  trouver  mauvais 
ce  (pie  les  autres  trouvent  bon.  Ensuite  on  se 
sert  du  terme  de  guûi  par  métaphore,  pour  mar- 
(picr  le  sentiment  intérieur  dont  l'esprit  est 
aflcclé  à  l'occasion  de  quelque  ouvrage  de  la 
nature  ou  de  l'art.  L'ouvrage  plail  ou  dé[)lait,  on 
l'approuve  ou  on  ledésapprouve;  c'est  lecerveau 
qui  est  l'organe  de  ce  goùl-là  :  le  goût  de  Paris 
s'est  trouvé  conforme  au  goût  d'Athènes,  dit 
Racine  dans  sa  |)rèrace  d'//)/ii^(;/ife;  c'est-à-dire, 
comme  il  le  dit  lui-même,  (pie  les  s|)eclaleurs  ont 
été  émus  à  Paris  des  mêmes  choses  qui  ont  misau- 
trefoisen  larmes  le  jjIus  savant  peupledela  Grèce. 

La  mélaphore  esl  de  sa  natuic  une  source 
d'agrément,  et  rien  ne  flatte  peut-être  plus  l'esprit 
que  la  reprêsenlaiion  d'un  objet  sous  une  image 
étrangère.  La  métaphore,  assujettie  aux  lois  (|ue 
la  raison  el  l'usage  de  la  langue  lui  prescrivent, 
est  non-seulement  le  plus  beau  et  le  plus  usité 
des  Iropes,  c'en  est  aussi  le  plus  utile.  Il  reinl  le 
discours  plus  abondant,  par  la  facilité  desclian- 
gemcnls  el  des  emprunts,  et  il  prévient  la  plus 
grande  de  toutes  les  difficultés  en  désignant 
chaiiue  chose  |)ar  une  dénomination  caractéris- 
tique. Ajoutez  à  cela  que  le  piopre  des  méta- 
phores csl  d'agiter  l'esprit,  de  le  transporter  tout 
(l'un  coup  d'un  objet  à  un  autre;  de  le  presser, 
de  comparer  soudainement  les  deux  idées  qu'elles 
présentenl,  el  de  lui  causer,  par  ces  vives  et 
jjromiiles  émotions,  un  plaisir  inexprimable. 

Mais,  pour  (pie  les  métaiihores  produisent  ces 
effets,  il  faut  qu'elles  soient  justes  cl  naturelles. 
Les  métaphores  sont  défectueuses: 

•]"  Quand  elles  sont  tirées  de  sujets  bas.  Il 
ne  faut  pas  imiter  cet  auteur  qui  dit  (lue  le  dé- 
liioe  universel  fut  la  lessive  de  la  nature,  ni  celui 
(pii  i\'\li]\\e  le  gourmand  fait  de  son  ventre  unégout 
incomuiode  d'aliments  et  de  breuvages;  que  l'es- 
prit est  unchampqui  languit  s'il  n'est  f  u?né,  elc. 

2'!  Quand  elles  sont  forcées,  prises  de  loin,  et 
que  le  rapport  n'est  point  assez  naturel,  ni  la 
comparaison  assez  sensible,  comme  quand  Théo- 
phile a  dit  [La  Solitude,  ode  v,  145)  : 

Je  baignerai  mes  mains  fol.Ures 
Dans  les  ondes  de  tes  cheveux; 

et  dans  un  autre  endroit  {Le  Mutin,  ode  v.  33.V 


La  cliarrue  nciirclie  la  plaine. 


30 


40G 


MET 


On  peut  rapporter  à  la  incinc  espèce  les  métn- 
phores  tirées  de  sujets  peu  connus. 

S"  Il  faut  aussi  avoir  é'z:m\  aux  convenances 
des  différents  styles.  Il  y  à  des  métaphores  (lui 
conviennent  au  style  |)Oéti<jue,  qui  seraient  d»-- 
piacées  dans  le  style  oratoire.  Boileau  a  dit  {ode 
sur  la  pnse  de  I\ami/v,  5)  : 

Aeconrei,  Ironpc  savante; 
Des  sons  que  ma  lyre  enfante 
Ces  arbres  sont  rejouis. 

On  ne  dirait  pas  en  prose  (]u'une  lyre  enfante 
des  si'7t$. 

4"  On  peut  quelquefois  adoucir  une  métaphore, 
en  la  changeant  en  comparaison,  ou  bien  en 
ajoutant  quel<iue  correctif;  par  exemple,  en 
disant  pour  ainsi  dire,  si  l'on  pcvl  parler  ainsi, 
etc.  :  L'art  doit  être  pour  ainsi  dire  enié  sur  la 
nature.  La  nature  soutient  l'art,  et  lui  sert 
de  base;  et  l'art  embellit  et  perfectionne  la 
nature. 

5"  Lorsqu'il  y  a  plusieurs  métaphores  de  suite, 
il  n'est  pas  toujours  nécessaire  qu'elles  soient 
tirées  exactement  du  même  sujet,  comme  on  ' 
v-icnl  de  le  voir  dans  un  des  exemples  précédents. 
.£«/e  est  pris  de  la  culture  des  arbres;  soutien, 
6a 5c,  sont  pris  de  l'archilecture.  Mais  il  ne  faut 
pas  qu'on  les  prenne  de  sujets  opposés,  ni  (jue 
les  termes  métaphoriques  dont  l'un  est  dit  de 
l'autre,  excitent  des  idées  qui  ne  puissent  point 
être  liées,  comme  oi  l'on  disait  d'un  orateur, 
c'est  vn  torrent  qui  s'allume,  au  lieu  de  dire 
c'est  un  torrent  qui  entraîne.  On  a  reproché  à 
Malherbe  d'avoir  dit  (liv.  II,  ode  pour  le  roi,  2); 

Prends  ta  foodre,  Louis,  et  Ta  comme  un  lion. 

îi  fallait  plutôt  dire  comme  Jupiter.  Dans  les 
premières  éditionsduCid.Chimène  disait  (acl.  III, 
se.  IV,  133)  : 

Malgré  des  feux  si  beaux  qui  rompent  nia  colère. 

Feux  Ci  rompent  ne  vont  point  ensemble.  C'est 
une  observation  de  l'Académie  sur  les  vers  du 
Cid.  Dans  les  éditions  suivantes,  on  a  mis  trou- 
blent au  lieu  de  rompent,  et  celte  correction  ne 
parait  pas  réparer  la  première  faute. 

Écorce,  dans  le  sens  propre,  est  la  partie  ex- 
térieure des  arbres  et  des  fruits;  c'est  leur  cou- 
verture. Ce  mol  se  dit  fort  bien  dans  un  sens 
métaphorique  pour  marquer  les  dehors,  l'appa- 
rence des  choses.  Ainsi  l'on  dit  ^\\\g  tes  ignorants 
^arrêtent  à  l'écorce  ;  qu'il*  s'attachent,  qu'/7* 
s'amusent  à  l'écorce.  Remarquez  que  tous  ces 
verbes,  s'arrêtent,  s'attachent,  s'amusent,  con- 
viennent fort  bien  avec  écorce  pris  au  propre; 
mais  vous  ne  diriez  pas  au  j)ropre,  fondre  l'écorce. 
Fondre  se  dit  de  la  glace  ou  du  métal;  vous  ne 
devez  donc  pas  dire  au  figuré,  fondre  Vécorce. 
Cette  expression,  que  l'on  trouve  dans  une  ode 
de  Rousseau,  doit  donc  [)asser  pour  trop  hardie. 

L'hiver,  qui  si  longtemps  a  fait  blanchir  nos  plaines, 
ITcnchaine  plus  le  cours  des  paisibles  ruisseaux; 
Bt  les  jeunes  zéphyrs  de  leurs  chaudes  haleines 
Ont  fondu  I Vcorce  des  eaux. 

(Ode  VIII,  lir   m,  1.) 

©>  Chaque  langue  a  des  métaphores  particu- 
lières qui  ne  sont  point  en  usage  dans  les  autres 
langues.  Par  exemple,  les  Lapins  disaient  d'une 
ixmdft:  Dextrum  et  sinistrum  cornu;  et  nous 
disons  ïaile  droite  et  l'aile  gauche. 

Il  est  SI  vrai  (juc  chaque  langue  a  ses  méta- 


MET 

phores  propres  et  consacrées  par  l'usage,  que, 
si  vous  en  changez  les  termes  par  les  équivalents 
mêmes  «pii  en  approchent  le  plus,  vous  vous 
rendez  ridicule.  Un  étranger  écrivant  à  son  pro- 
tecteur, lui  disait  :  Monseigneur,  vous  avez 
pour  moi  des  boyaux  de  père;  il  voulait  dire 
des  entrailles.  On  dit  mettre  la  himière  sous  le 
boisseau,  pour  dire,  cacher  ses  talents,  les  rendre 
inutdes;  l'auieur  du  poiine  de  la  Mudclaine 
ne  devait  donc  pas  dire  (liv. vu),  mettre  le  flam- 
beau sous  le  muid. 

A  ces  six  remarques  de  Dumarsais  sur  le  mau- 
vais usage  des  métaphores,  Beauzce  ajoute  un 
septième  principe  qu'il  tire  de  Ouintilicn.  C'est 
que  l'on  donne  a  un  mol  un  sens  mélaplioritiue, 
ou  par  nécessité,  (juand  on  mantpie  de  terme 
propre,  ou  par  raison  de  préférence  pour  présenter 
une  idée  avec  plus  d'énergie  ou  avec  |)lus  de 
décence.  Toute  méiapiiore  <|ui  n'est  pas  fondée 
sur  une  de  ces  conhidéralions  est  déplacée. 
Voyez  Comparaison. 

MÉTAPnoRiQLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  (|u'après  son  subst.  :  Sens  métaphorique,  ex- 
pression métaphorique. 

Métapuoriquejiem.  .\dv.  Il  ne  se  met  point 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe.  :  Cela  est  dit 
métaphoriquement,  et  non  pas  cela  est  métapho- 
riquement dit. 

Métaphysique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Science  métaphysique, 
connaissances  métaphysiques,  principes  méta- 
physiques. 

Météoroi.ociqde.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Observations  météoro- 
logiques. 

MÉxnoDE.  Subst.  f.  C'est  l'art  de  conciUcr  la 
plus  arande  clarté  et  la  plus  grande  précision 
avec  toutes  les  beautés  dont  un  sujet  est  suscep- 
tible. —  On  méprise  la  méthode  ou  on  l'e.xalte. 
Bien  des  écrivains  legardcnl  les  règles  comme 
U's  entraves  du  génie.  D  autres  les  croient  d'un 
grand  secours;  mais  ils  les  choisissent  si  mal,  et 
les  mullipliont  si  fort,  qu'ils  les  reiulcnl  inutiles, 
ou  même  nuisibles.  Tous  oui  également  tort, 
ceux-là  de  blâmer  la  méthode,  parce  qu'ils  n'en 
connaissent  pas  de  bonne;  ceux-ci  de  la  croire 
nécessaire  lorsqu'ils  n'en  connaissent  que  de  fort 
défectueuses.  —  Un  ouvrage  sans  ordre  peut 
réussir  par  les  détails,  et  placer  son  auieur  parmi 
les  bons  écrivains;  mais  plus  d'ordre  le  rendrait 
digne  de  plus  de  succès.  Dans  les  matières  de 
ralstmnement,  il  est  impossible  ipie  la  lumière  se 
répande  également  sur  toutes  les  parties,  si  la 
méthode  mancjue;  dans  les  choses  d'agrément, 
il  est  au  moins  certain  (juetoutcc  qui  n'est  pas 
à  sa  place  perd  de  sa  beauté. 

Pour  ne  point  s'égarer  dans  îe  cours  d'un 
ouvrage,  pour  dire  chaque  chose  à  sa  place,  et 
pour  l'exprimer  convenablement,  il  est  absolu- 
ment nécessaire  d'embrasser  son  objet  d'une  vue 
générale.  L'obscurité,  lorsqu'elle  est  rare,  peut 
naître  d'une  distraction  ;  mais  lors(pi'elle  est 
frc(]uente,  elle  vient  certainement  de  la  manière 
cimfusc  dont  on  saisit  la  matière  qu'on  traite.  On 
ne  juge  bien  des  proportions  de  chaque  partie, 
([ue  loisqu'on  voit  le  tout  <à  la  fois. 

ouaiid  on  commença  à  faire  des  poëmes,  on 
sentit  combien  il  était  important  d'mtcresscr.  On 
remarqua  que  l'intérêt  augmenie  a  porportion 
(|u'il  est  moins  partagé,  et  on  reconnut  combien 
l'unité  d'action  est  nécessaire.  D'autres  obsci- 
vations  découvrirent  d'autres  règles,  et  les  poètes 
eurent,  sur  la  méthode,  des  idées  si  exactes,  que 


MET 

c'eût  été  à  eux  à  en  donner  des  leçons  aux  philo- 
sophes. —  I.a  niclliodc  csl  pour  les  génies  ce  que 
les  lois  sont  jniur  les  hommes  libres.  les  iwiëmos 
ne  plairont  (iu';uilant  qu'on  s'écartera  moins  des 
régies.  Si  l'on  trouve  de  l'agicmcnt  dans  les 
écarts,  c'est  que  chacun  d'euK  est  un,  et  que, 
par  cou séqu en l,  séparé  de  l'ouvrage  amiucl  il  ne 
tient  pas,  il  a  sa  l>caulé.  Tous  ensemble  ils  font 
un  poëine  où  il  y  a  de  belles  choses,  et  lu;  l'ont 
pas  un  heau  poëme.  En  cITci,  si,  descendant  de 
détails  en  détails,  on  ne  voyait  l'iinili;  nulle  part, 
l'ouvrage  entier  ne  serait  i]u'un  chaos.  Toutes 
les  parties  doivent  donc  former  un  seul  tout. 

La  méthode,  qui  apprend  à  faire  un  tout,  est 
commune  a  tous  les  genres.  Elle  est  surtout 
nécessaire  dans  les  ouvrages  de  raisonneineni; 
car  rallcnlion  diminue  à  mesure  qu'on  la  par- 
tage, et  l'esprit  ne  saisit  plus  rien  lorsqu'il  est 
distrait  par  un  trop  grand  nonibre  d'objets.  — 
Or,  l'unité  d'action  dans  les  ouvrages  faits  pour 
intéresser,  et  l'unité  d'objet  dans  les  ouvrages 
faits  pour  instruire,  demandent  également  (juc 
toutes  les  parties  soient  entre  elles  dans  des  pro- 
portions exactes,  et  que,  subordonnées  les  unes 
aux  autres,  elles  se  rapportent  toutes  à  une  même 
fin.  Par  là,  l'unité  nous  ramène  au  principe  de 
la  plus  grande  liaison  des  idées;  elle  en  dépend. 
En  effet,  cette  liaison  étant  trouvée,  le  commence- 
ment, la  lin  et  les  parties  intermédiaires  sont 
déterminés  :  tout  ce  qui  altère  les  proportions 
est  élagué;  et  on  ne  peut  jdus  rien  retrancher 
ni  déplacer  sans  nuire  à  la  lumière  ou  à  l'agré- 
ment. 

Pour  découvrir  cette  liaison,  il  faut  fixer  son 
objet  jusqu'à  ce  qu'on  puisse  en  déterminer  les 
principales  parties,  et  tout  comprendre  dans  la 
division  générale.  Il  faut  éviter  les  divisions 
purement  arbitraires,  el  même  les  divisions  préli- 
minaires où  )'on  décompose  un  objet  dans  toutes 
ses  parties;  l'esprit  du  lecteur  se  fatiguerait  dès 
l'entrée  de  l'ouvrage;  les  choses  (ju'il  lui  serait 
le  plus  essentiel  de  retenir  lui  échapperaient,  el 
les  précautions  ([ue  l'auteur  aurait  prises  pour  se 
faire  entendre  le  rendraient  souvent  inintelli- 
gible. Commencer  [Tir  des  divisions  sans  nombre, 
pour  afficher  beaucoup  de  méthode,  c'es'.  s'éga- 
rer dans  un  labyrinthe  obscur  pour  arriver  à  la 
lumière  :  la  méthode  ne  s'unnoncc  jamais  moins 
que  lors(|u'il  y  en  a  davantage. 

Le  début  d'un  ouvrage  ne  saurait  donc  être 
trop  simple  id  trop  dégagé  de  tout  ce  (pu  peut 
souffrir  quelque  dilliculié.  La  division  générale 
étant  faite,  on  doit  chercher  l'ordre  où  les  parties 
contribuent  devantagc  à  se  prêter  mutuellement 
de  la  lumière  et  de  l'agrément.  Parla  tout  sera 
dans  la  plus  grande  liaison.  —  Ensuite  chaque 
partie  peut  êir^  considérée  en  particulier,  et 
sous-divisée  autant  de  fois  qu'elle  renferuH!  d'ob- 
jets qui  peuvent  faire  chacun  un  tout.  Rien  ne 
doit  entrer  dans  ces  sous-divisions  (jui  jiuisse  en 
altérer  l'unité,  el  le's  parties  ne  connaissent  d'autre 
ordre  que  celui  ([ui  est  indique  par  la  gradation 
la  plus  sensible.  Dans  les  ouvrages  faits  pour 
intéresser,  c'est  la  gradation  de  sentiment;  dans 
les  autres,  c'est  la  gradation  de  lumière. 

Mais  afin  de  se  conduire  sûrement,  il  faut 
savoir  choisir  parmi  les  idées  qui  se  présentent  ; 
le  choix  est  nécessaire  [lournerien  adopter  (pii 
ne  contribue  à  la  plus  grande  liaison.  Tout  ce 
qui  n'est  pas  lié  au  sujet  qu'on  traite  doit  être 
rejeté  ;  les  choses  mêmes  qui  ont  avec  lui  quel- 
que liaison  ne  méritent  pas  toujours  qu'on  en 
fasse  usage.  Ce  droit  n'appartient  qu'à  ce  qui  peut 


MET 


46/ 


se  lierplus  sensiblement  à  la  fin  qu'on  se  propose. 

Le  sujet  et  la  fin,  voilà  donc  les  deux  points 
de  vue  qui  dnivenl  nous  régler.  Ainsi,  (|uand 
une  idée  se  présente,  nous  avons  à  considérer 
si ,  étant  liée  à  notre  sujet ,  elle  le  développe 
relativement  à  la  fin  pour  lacpielle  nous  le  trai- 
tons, et  si  elle  nous  conduit  par  le  chemin  le  plus 
court. 

En  prenant  notre  sujet  pour  un  seul  point  fixe, 
nous  pouvons  nous  étendre  indifféremment  de 
tous  côtés.  .41ors  plus  nous  nous  écartons,  moins 
les  détails  où  notre  esprit  s'égare  ont  de  rapport 
entre  eux;  nous  ne  savons  plus  où  nous  arrêter, 
et  nous  paraissons  entreprendi'c  plusieurs  ou- 
vrages, sans  en  achever  aucun.  —  Mais  lorsqu'on 
a  pour  second  point  fixe  une  lin  bien  déterminée, 
la  route  est  tracée;  chaque  pas  contribue  à  un 
plus  grand  dév(!loi)peinent ,  et  l'on  arrive  à  la 
conclusion  sans  avoir  fait  d'écarts.  —  .Si  l'ouvrage 
entier  a  un  sujet  et  une  fin,  chaque  chapitre  a 
également  l'un  et  l'autre,  chaque  article,  chaque 
phrase.  Il  faut  donc  tenir  la  même  conduite  dans 
les  détails.  Par  la  l'ouvrage  sera  un  dans  son 
tout,  un  dans  chaque  partie,  et  tout  y  sera  dans 
la  plus  grande  liaison  possible. 

En  se  confiirmant  au  principe  de  la  plus  grande 
liaison,  un  ouvrage  scia  donc  réduit  au  plus 
petit  nombre  de  chapitres,  ses  chapitres  au  plus 
petit  nombre  d'articles,  les  articles  au  plus  i)elit 
nombre  de  phrases,  et  les  phrases  au  jibis  [)etit 
nombre  de  mots.  —  Dans  la  nature,  tous  les 
objets  sont  liés  pour  ne  former  qu'un  seul  tout. 
C'est  pourquoi  il  nous  est  si  naturel  de  passer 
légèrement  des  uns  aux  autres.  Nous  souunes, 
jusque  dans  nos  plus  grands  écarts,  conduits 
par  quelque  sorte  de  liaison.  Il  faut  donc  con- 
tinuellement veiller  sur  nous  pour  ne  pas  sortir 
du  sujet  que  nous  a\ons  choisi.  Il  y  faut  donner 
d'autant  plus  d'attention,  (]ue,  toujours  en  com- 
bat avec  nous-mêmes  pour  nous  prescrire  des 
limites  ou  y)0ur  les  franchir,  nous  nous  croyons, 
sur  le  moindre  prétexte,  autorisés  dans  nos  plus 
grands  écarts.  Il  semble  souvent  (jue  nous  soyons 
plus  curieux  de  montrer  «lue  nous  savons  beau- 
coup de  choses,  que  de  faire  voir  que  nous  sa- 
vons bien  celles  que  nous  traitons. 

Les  digressions  ne  sont  permises  que  lorsque 
nous  ne  trouvons  pas  dans  le  sujet  sur  lequel 
nous  écrivons,  de  quoi  le  présenter  avec  tous 
les  avantages  (pi'on  y  désire.  Alurs  nous  cher- 
chons ailleurs  ce  ipi'il  ne  fournit  pas;  mais  c'est 
dans  la  vue  d'y  revenir  bientôt,  et  dans  l'espé- 
rance d'y  répandre  plus  de  lumière  ou  plus 
d'agrément.  Les  digressions  ne  doivent  donc 
jamais  faire  oublier  le  sujet  principal;  il  faut 
•lu'elles  aient  en  lui  leur  commencement,  leur 
fin,  el  (ju'elles  y  ramènent  sans  cesse.  Un  bon 
écrivain  est  comme  un  voyageur  qui  a  la  pru- 
dence de  ne  s'écarter  de  sa  route  que  pour  y 
lentrer  avec  des  commodités  propres  à  la  lu 
faire  continuer  plus  heureusement. 

On  peut  travailler  aux  difléreiitcs  parties  d'u. 
ouvrage  suivant  l'ordre  dans  leciuel  on  les  t 
distribuées;  et  on  peut  aussi,  lorsque  le  plan 
est  bien  arrêté,  passer  indiricreminent  du  com- 
mencement à  la  fin,  ou  au  milieu  ;  et,  an  heu  de 
s'assujettir  à  aucun  ordre,  ne  consulter  que 
l'attrait  (jui  fait  saisir  le  moment  où  l'on  est  plus 
propre  à  traiter  une  iiartie  qu'une  autre.  Il  y  a 
dans  cette  conduite  une  manière  libre  qui  res- 
semble au  désordre,  &'ins  en  être  un.  Elle  dé- 
lasse l'esprit  en  lui  présentant  des  objets  toujours 
différents,  et  elle  lui  laisse  la  liLerlc  de  se  livret 


468 


]\1ET 


à  toute  sa  vivacité.  Cependant  la  subordination 
des  j)arties  lixc  des  points  de  vue  ijui  préviun- 
uenl  ou  toni^eiil  des  écurts,  et  (]ui  laménent 
sans  cesse  à  l'olijct  prin(i|)al.  On  doii  d  inc 
mettre  son  adresse  à  régler  l'esprit  ^ans  lui  oler 
la  liheric.  Quelque  ordre  que  les  gens  à  talents 
mettent  dans  leurs  dinra^^es,  il  est  raie  tju'ils 
s'y  assujciiissenl  lors(pi'irs  travaillent.  (Extrait 
dcl'ylit  u't'crire,  de  LondiUac.) 

MtTiioDiQLi:.  Adj.  des  deux  genres.  En  par- 
lant des  personnes,  il  signilie  (pji  a  de  la  régie, 
de  la  mclliudc  :  Un  humnie  méthodique,'ti7i 
esprit  mct/ioJiqiie.  En  parlant  des  choses,  il 
signifie,  (pii  est  fait  avec  mciliodc  :  Discours 
méthodique ,  imité  viélUodique.  Dans  l'un  et 
dans  l'auiie  sens,  il  ne  se  met  qu'après  son 
subst. 

Méthodiqlemkivt.  Adv.  :  Il  a  parlé  méthodi- 
quement. On  peut  quelquefois  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  méthodiquement 
truite  cette  affaire. 

Métuodistk.  Subst.  m.  C'est  le  nom  que  Buf- 
fon  donne  aux  auteurs  qui  ont  suivi  diver.'-es 
méthodes  en  bolaniiiue.  —  On  le  dit  aussi  des 
médechis  i\\\\  suivent  la  méthode  et  les  règles 
l)rescrilcs  en  médecine,  par  o]iposition  aux  ëm- 
l)iri(iues  (lui  ne  suivent  qu'une  aveugle  pratique. 
L'Académie  n'admet  ce  mot  que  pour  désigner 
une  secte  religieuse  qui  a  pris  naissance  en  An- 
gleterre. 

Métier.  Subst.  m.  Ce  mot,  qui  est  bas  au 
propre,  se  dit  ligurcinent  des  professions  les  i)lus 
nobles.  Selon  Balzac,  les  peintres  s'en  offcnseni, 
et  les  généraux  d'armées  s'en  font  honneur,  et  les 
uns  et  les  autres  ont  raison.  Telle  est  la  bizarre- 
rie de  l'usage.  On  dit  le  métier  des  armes,  le 
métier  de  la  guerre.  Cet  officier  aime  son  mé- 
tier, il  a  le  cœur  au  métier.  Cet  avocat,  ce  7né- 
decin  suit  son  métier.  Le  métier  de  ceux  qui 
commandent  est  le  pUis  difficile  de  tous.  On  dit 
aussi  en  paiiant  des  ouvrages  :  Il  n'y  a  que  les 
aens  du  mctier  qui  en  soient  bans  juges.  fBou- 
hours.)  Quelquefois  pourtant,  métier  au  liuuré 
se  prend  en  mauvaise  pan  :  Le  devoir  des  juges, 
dit  i.a  Bruyère,  est  de  rendre  la  justice,  et  leur 
métier  est  de  la  différer  :  quelques-uns  savent 
leur  devoir,  et  fmt  leur  métier.  (Ch.  XI^^  De 
quelques  usages.) 

Le  mol  métier,  dit  Voltaire,  ne  peut  être  ad- 
mis dans  le  style  noltle  qu'avec  une  expression 
qui  le  fortilio,  coinme  le  métier  des  armes.  Il  est 
beureusemenl  employé  par  Racine  dans  le  sens 
le  plus  bas.  Alhalie  dit  a  Joas  tact.  IL  se.  vu. 
78):  V  ,  , 

Laissez  là  cel  Iiabit,  quillez  ce  vil  métier. 

On  ne  peut  exprimer  plus  fortement  le  mépris 
de  cette  reine  pour  le  sacerdoce  des  Juifs,  (^e- 
marques  sur  Aicomède,  act.  III,  se.  i,  23.) 

Métis,  Métisse.  Ailj.  On  prononce  le  «  final 
de  niétis  :  Un  espagml  mctis,  une  indienne 
métisse.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Métony.'mie.  Subst.  f.  Figure  de  rhétori(pic. 
Le  mot  de  métoni/mie  signilie  Iranspcsilion,  ou 
changement  de  nom;  un  nom  pour  un  autre. 
En  ce  sens,  cette  ligure  comiirend  tous  les  au- 
tres Iropes;  car,  dans  tous  les  iropes,  un  mot 
n'étant  pas  pris  dans  le  sens  qui  lui  est  jn-opre, 
réveille  une  idée  qui  pourrait  être  expriiiuepar 
un  autre  mol.  iNous  remarquerons  au  mol  Sy- 
necdoque, ce  qui  dislingue  proprement  la  mé- 
tonymie des  autres  trojiés.  Les  maîtres  de  l'art 


MET 

restreignent  la  métonymie  aux  usages  suivants  : 

i°  La  cause  pour  rel'fet.  Par  exemple,  rirre 
de  son  travail,  c'est-à-dire  vivre  de  ce  qu'on 
gagne  en  travaillant.  C'est  prendre  la  cause  pour 
l'effet,  que  de  donner  le  nom  de  l'auteur  à  ses 
ouvrages  :  lia  lu  Cicéron,  Horace,  f^irgilc,  etc., 
e'csl-à-dire  les  ouvrages  de  Cicéron,  d'Horace, 
de  Virgile,  etc.  On  donne  souvent  le  nom  de 
l'ouvrier  à  l'ouvrage.  On  dit  d'un  drap  que  c'est 
un  van-rahais,  un  rousseau,  un  pagnon,  c'eil- 
à-dire,  un  drap  de  la  manufacture  de  'N'an-Ro- 
bais,  ou  de  celle  de  Ilousscau,  etc.  C'est  ainsi 
(|u'on  donne  le  nom  du  peintre  au  tableau;  on 
dit  j'ai  vu  un  beau  reinbrandt,  pour  dire,  j'ai 
vu  un  beau  tableau  fait  par  Reinbrandt.  On  dil 
d'un  curieux  en  estampes,  qu'ï^  a  un  grand 
7iombre  de  culids,  c'est-à-dire  un  grand  nombre 
d'estampes  gravées  par  Callol. 

Au  lieu  du  nom  de  l'effet,  on  se  sert  souvent 
du  nom  de  la  cause  instrumentale  (pii  sert  à  le 
reproduire.  Ainsi  pour  dire  que  quebiu'un  écrit 
bien,  c'est  à-dire  qu'il  forme  bien  les  caractères 
de  l'écriture,  on  dit  (]u'i7  a  une  belle  7nain.  La 
plume  est  aussi  une  cause  instrumentale  de  l'é- 
criture, et  par  conséquent  de  la  composition; 
;\\n'~.\  plume  se  dil  par  métonymie  de  la  manière 
de  former  les  car.'ictères  de  l'écriture,  et  de  la 
manière  de  composer.  Plume  se  prend  aussi 
[jour  l'auteur  même  :  C'est  une  bonne  plume, 
c'est-à-dire  c'est  un  auteur  (jui  écrit  bien; 
c'est  une  de  nos  meilleures  plumes,  c'est-à-dire 
un  de  nos  meilleurs  auteurs.  Pinceau  se  dit 
aussi  par  métonymie  comme p/î/"(e.  On  dil  d'un 
habile  peintre,  (|iic  c'est  un  savant  pinceau. 

2"  L'effet  pour  la  cause.  Ainsi  les  poètes  di- 
sent la  pdle  /II' ri,  les  pâles  maladies.  La  mort, 
la  maladie,  ne  sont  point  pâles,  mais  elles  pro- 
duisent la  pâleur.  Ainsi  on  donne  à  la  cause  une 
éj)itliète  qui  ne  convient  qu'à  l'effet. 

3"  le  conliMiant  pour  le  contenu ,  comme 
quand  on  dil  il  aime  lu  bouteille,  c'est-à-dire 
il  aime  le  vin.  Le  ciel  se  prend  souvent  pour 
Dieu  même  :  Implorer  le  secours  du  ciel,  grâce 
au  ciel,  pécher  contre  le  ciel.  La  terre  se  tut 
devant  Alcarandre,  c'est-à-dire  les  peuples  de  la 
terre  se  soumirent  à  lui.  Rome  désapprouva  la 
conduite  d' Appius,  c'est-à-dire  les  Romains  dés- 
approuvèrent. 

i\°  Le  nom  du  lieu  où  une  chose  se  fait, 
pour  la  chose  même.  On  dit  un  candebec,  au 
lieu  de  dire  un  chapeau  fait  à  ("audebec,  ville 
de  iNonnaiidie  ;  un  damas,  au  lieu  de  dire  un 
sabre  ou  un  couteau  fait  à  Damas. 

5»  Le  signe  pour  la  chose  signifiée  : 

Dans  ma  vieillesse  languissante, 
Le  sceptre  que  je  liens,  pèse  à  ma  main  tremblante. 
(QuiNAULT,  Phaéton,  acl.  II,  se.  v.) 

c'est-à-dire  je  ne  suis  plus  dans  un  âge  couve 
nable  pour  me  bien  acciuittcr  des  soins  que  de- 
mande la  royauté.  Ainsi,  le  sceptre  se  prend 
pour  l'autorité  royale,  le  bâton  de  maréchal  de 
France,  pour  la  dignité  de  maréchal  de  France. 
L'épée  se  prend  jjour  la  profession  militaiie, /a 
nbe  pour  la  magistrature  et  pour  l'élat  de  ceux 
qui  suivent  le  barreau. 

A  la  fin  j'ai  quille  la  robe  fOUT  l'épée 

(Conn.,  Menteur,  acl.  I,  se.  i,  1   ) 

La  palme  était  autrefois  le  symbole  de  la  vic- 
loire.  On  dit  d'un  saint  qu'ila  remporté  lapalnit 
du   martyre.   Il  y  a  dans  cette  expression  une 


MET 

mélonymic.  Palme  se  prend  pour  victoire,  el 
de  plus  ,  l'expression  est  mclaphorique;  la 
victoire  dont  on  veut  parler  est  une  victoire 
spirituelle. 

60  Le  nom  abstrait  pour  le  concret.  Voyez 
Sens.  Blancheur  est  un  terme  abstrait;  mais 
(juand  je  dis  Ce  papier  est  blanc,  blanc  est 
alors  un  terme  concret. 

7°  Les  parties  du  corps  qui  sont  regardées 
comme  le  siège  des  passions  et  des  sentiments 
intérieurs,  se  prennent  pour  les  sentiments  mêmes. 
C'est  ainsi  qu'on  dit  il  a  du  cœur,  c'est-à-dire 
du  courage.  La  cervelle  se  prend  aussi  pour 
l'esprit;  on  dit  d'un  étourdi  que  c'est  vne  tète 
sans  cervelle.  Quand  on  dit  c'est  un  homme  de 
tête,  c'est  vne  benne  tête,  on  veut  dire  que  celui 
dont  on  parle  est  un  homme  habile,  un  homme 
de  jugement.  La  tête  lui  a  tovmé,  c'est-à  dire 
il  a  perdu  le  bon  sens ,  la  présence  d'esprit. 
Avoir  de  la  tclc  se  dit  aussi  figurémenl  d'un 
opiniâtre  ;  tête  de  fer  se  dit  d'un  homme  appli- 
qué sans  re'.àche,  et  encore  d'un  eiiiclé.  La 
langue,  qui  est  le  principal  organe  de  la  parole, 
se  prend  pour  la  parole  ;  c'est  vne  méchante 
langue,  c'est-à-dire  c'est  un  médisant.  Aroir  la 
langue  bien  pendue,  c'est  avoir  le  talent  de  la 
parole,  c'est  iiarlcr  facilenieiil. 

8°  On  donne  aux  pièces  de  monnaie  le  nom 
du  souverain  dont  elles  portent  l'empreinte.  Nous 
disons  un  louis  d'or. 

Voilà  les  jirincipales  espèces  de  métonymies. 
Quelques-uns  y  ajoutent  la  mélonjTnie  par  la- 
quelle on  nonune  ce  qui  jiréccde  pour  ce  qui 
suit,  ou  ce  qui  suit  pour  ce  qui  précède.  C'est 
ce  qu'on  appelle  l'antécédent  pour  le  conséquent, 
ou  le  conséc]uent  pour  lantécédent.  On  en 
trouvera  des  exemples  dans  la  métalepse,  qui 
n'est  ([u'unc  espèce  do  mélonymic  à  laquelle  on 
a  donné  un  nom  particulier.  Voyez  Métalepse, 
Au  lieu  qu'à  l'égard  des  autres  "espèces  de  mé- 
tonymies, on  se  contente  de  dire  métonymie  de 
la  cause  pour  l'effet,  métonymie  du  contenant 
pour  le  contenu,  métonymie  du  signe,  etc. 

Mettable.  Adj.  des  deux  genres  (jui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.,  et  ordinairement  avec 
la  négative  ;  Cet  habit  n'est  pas  mettable.  —  On 
dit  cet  habit  est  encore  mettable. 

Metthe.  V.  a.  et  irrég.  de  la  4'"  conj.  Voici 
comment  on  le  conjugue  : 

Indicatif.  — Présent.  Je  mets,  tu  mets,  il  met; 
nous  mettons,  vous  mettez,  ils  mettent.  —  Im- 
parfait. Je  mettais,  lu  mettais,  il  mettait;  nous 
mettions,  vous  mettiez,  ils  mettaient.  —  Passé 
simple.  Je  mis,  tu  mis,  il  mit  ;  nous  mimes,  vous 
mites,  ils  mirent. — Futur.  Je  mettrai,  tu  met- 
tras, il  mettra,  nous  mettrons,  vous  mettrez,  ils 
mettront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  mettrais,  tu 
mettrais,  il  mettrait;  nous  mettrions,  vous  met- 
triez, ils  mettraient. 

Impératif.  —  Présent.  Mets,  qu'il  mette; 
mettons,  mettez,  qu'ils  mettent. 

Subjonctif.  — Présent.  Que  je  mette,  que  tu 
mettes,  qu'il  mette;  que  nous  mettions,  que 
vous  mettiez,  qu'ils  mettent.  —  Imparfait.  Que 
je  misse,  que  tu  misses,  qu'il  mil;  que  nous 
missions,  que  vous  missiez,  qu'ils  missent. 

Participe.  —Présent.  Mettant.  —  Passé.  Mis, 
mise. 

11  forme  ses  temps  composés  avec  l'auxiliaire 
avoir.  j 

Dans  ce  verbe,  le  t  se  double  toujours,  suivi  j 
ou  non  suivi  d'un  e  muet,  excejite  cependant 


MKZ 


4G9 


aux  trois  personnes  du  singulier  du  présent  ie 
l'indicatif,  et  à  la  seconde  personne  du  singulier 
de  l'in'pératif. 

Ce  verbe  s'unit  avec  toutes  sortes  de  prépo- 
sitions, comme  dans,  sur,  arec,  auprès,  de- 
dans, dehors,  etc.  Avec  certains  noms,  il  régit  d 
et  l'inllnitif  :  .^lettre  sa  gloire  à  obéir,  snn  plaisir 
à  faire  du  bien.  — Se  itieltrc  a  plusieurs  signi- 
fications. Au  propre,  c'est  se  placer  ;  mettez- 
vous  à  côté  de  moi;  il  s'est  mis  à  la  première 
place.  Au  figuré,  il  signifie  tantôt  commencer, 
tantôt  s'habiller  :  Se  mettre  à  travailler,  se 
mettre  à  crier.  —  Il  se  met  bien,  il  se  met 
mal. 

Mettre  s'emploie  très-bien  dans  le  style  noble  : 

Sfcttons  !e  sceptre  aux  mains  dignes  de  le  porter. 
(Rac,  Phèd.,  acl.  II,  se.  Tl,  23.) 

Je  puis  dans  tout  son  jour  mettre  la  vérité. 

(RiC,  Ath.,  acl.  II,  se.  VI,  t.) 

Après  mettre  sa  confiance,  on  emploie  ordi- 
nairement la  préposition  eîi,  lorsqu'il  s'agit  de 
personnes,  et  en  ou  dans,  lorsqu'il  s'agit  de 
choses  ;  //  met  une  grande  confiance  en  ses 
amis.  On  dit  mettre  sa  confiance  en  ses  riches- 
ses, et  mettre  su  confiance  dans  ses  richesses. 
La  différence  entre  ces  deux  locutions,  c'est  que 
la  première  exprime  une  opposition  avec  toute 
autre  chose  en  quoi  on  pouirait  mettre  sa  con- 
fiance; il  met  sa  confiance  en  ses  richesses,  au 
lieu  de  la  mettre  en  ses  amis,  etc.  ;  et  que  la 
seconde  a  plus  de  rapport  au  service,  au  se- 
cours que  l'on  peut  tirer  dos  choses  dans  les- 
quelles on  a  mis  sa  confiance  :  Dans  cette  mal- 
heureuse affaire,  il  viet  sa  confiance  dans  ses 
richesses,  il  croit  que  ses  richesses  pourront  le 
sauver. 

Mi^cBLE.  Subst.  m.  Il  ne  faut  pas  confondre 
meuble  et  ustensile.  On  les  dislingue  bien  dans 
une  cuisine.  Les  tables,  les  chaises,  etc.,  sont 
\es  meubles  ;  les  casseroles,  les  poêlons,  etc., 
sont  les  ustensiles. 

Mr.ur.TniER,  Meurtrière.  Adj.  L'Académie  ne 
le  dit  (pie  des  choses  :  Des  armes  meurtrières  , 
guerre  meurtrière.  —  Poétiiiucment  :  Le  glaive 
meurtrier,  la  dent  meurtrière  du  sanglier. 

Racine  l'a  dit  des  personnes  : 

Bicnlôl  de  Jézabel  la  fille  meurtrière. 
Instruite  que  Joas  voit  encor  la  lumière. 

[Ath.,  act.  IV,  se.  m,  23.) 

Il  ne  se  met  guère  qu'après  son  subst. 
Meurtrir.   V.  a.   de  la  2"  conj.  On  le  disait 
autrefois  pour  tuer,  égorger  : 

.\Ilez,  sacrés  vengeurs  de  vos  princes  meurtris. 

(Rac,  Ath.,  acl.  V,  se.  vi,  49.) 

Il  ne  signifie  plus  aujourd'hui  que  faire  une 
contusion. 

MÉVENDRE.  V.  a.  de  la  4'  conj  L'Académie  le 
définit,  vendre  une  chose  moins  qu'elle  ne  vaut. 
—  Ce  n'est  pas  là  la  signilication  de  ce  mot.  Il 
veut  dire  vendre  à  perte,  vendre  une  marchan- 
dise à  moindre  prix  qu'elle  ne  coi'iie.  Celui 
<pii  vend  une  marchandise  moins  (pi'clle  ne  vaut, 
peut  y  gagner,  et  alors  il  ne  mévend  pas,  il  vend 
a  bon  marché. 

Mkzzo-termine.  Subst.  m.  C'est  un  mol  em- 
prunté de  l'italien,  qui  signifie,  parti  moyen 
qu'on  prend  pour  terminer  une  affaire  embar 


.i70 


MIE 


rassanle,  pour  concilier  des  prélcnlions  oppo- 
sées. 

Mi.  r.'irliciile  invariable,  ijui  entre  dans  la 
composition  de  plusieui-s  mots,  cl  qui  signifie 
demi  :  Mi-côte,  mi-chemin.  Il  3C  joint  ordinai- 
rement par  un  tiret  an  mot  qui  suit  Mi  est  fé- 
miriin  quand  il  est  joint  à  un  nom  de  mois  :  La 
vit-mai,  la  mi-utûi.  Hors  de  là,  il  est  du  même 
genre  que  le  mot  auquel  il  est  joint,  excepté 
vii-carâine,  qui  est  féminin,  (\\mj\<\\\c  carême  soit 
masculin  :  La  lui-carème.  —  11  s'emploie  aussi 
adverbialement:  A  mi-côte,  à  ?in-cliemin,  à 
mi-jambes. 

MiACLAKT,  MiACi.ANTE.  Adj.  vcrbal,  tire  du 
verbe  miauler  :  Une  chatte  miaulante ,  des 
chats  miaulants.  11  ne  se  met  qu'après  son 
subst. 

Mlc^EL-A^GE.  Nom  d'un  peintre  italien.  Il 
faut  prononcer  Mikcl-An^e. 

MicnoscopE.  Subst.  m.  L'Académie  ne  le  met 
qu'au  propre.  On  l'emploie  aussi  au  figuré. 

L'un  d'eux  était  de  ces  conteur» 
Qni  n'ont  jamais  rien  tu  qu'avec  un  microscope; 
Tout  est  géant  chez  eux,  etc. 

{La  Font.,  liv.  IX,  fable  i,  79.) 

Midi.  Subst.  m.  Il  ne  s'emploie  point  au  plu- 
riel :  Je  m'y  rendrai  sur  le  midi,  et  non  pas 
$tir  les  midi.  On  dit  viidi  est  sunné,  et  non  pas 
a  sonné,  et  encore  mow'à  ont  srmné. 

Mielleux,  Miellelse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Goût  mielleux.  —  Tvn  miel- 
leux. 

Mien,  Mienne.  Adj.  possessif  qui  se  rapporte 
a  la  première  personne  du  singulier.  Voyez  ^i- 
jectifs  possessifs. 

Mien,  dans  le  style  familier,  se  joint  quelque- 
fois avec  un,  et  se  met  devant  le  subst.  :  Un 
mien  frère,  vu  viien  parent,  un  mien  neveu, 
une  mienne  cousine.  (.\cad.) 

Voltaire  a  dit  dans  \  Enfant  prodigue  (act.  V, 
se.  VII,  49)  : 

Je  gagne  en  cette  affaire 
Beaucoup  sans  doule,  en  trouvant  un  tnîVn  frère. 

■^'■oyez  Adjectif. 

Mieux.  Adv.  C'est  le  comparatif  de  6zVy/,  ad- 
verbe; le  mieux  en  est  le  superlatif.  Il  signifie 
parfaitement,  d'une  manière  i)lus  accomplie, 
d'une  façon  plus  avantageuse. 

Lors(iue  mieux  est  suivi  de  deux  infinitifs,  on 
met  de  avant  le  second,  quoique  le  promior  ne 
soit  pas  précédé  de  celle  préposition  :  Il  y  a 
beaucoup  d'occasions  où.  il  vaut  mieux  se  taire  que 
de  parler  (Acad.  au  mol  valoir.)  J'aime  mieux 
vous  déplaire  que  de  vous  <row/5cr. (Marmontol.) 

Quelques  auteurs  modernes  ont  supprimé  1(;  de. 
MarmonU'l  est  mémo  d'avis  qu'on  ne  fait  pas  une 
faute  en  l'omettant.  Cfpondant,  il  croit  qu'il  est 
mieux  de  le  conserver.  Ce  n'est  pas  inulil^ment, 
dit-il,  qu'il  s'est  glissé  entre  le  que  comparatif  et 
le  verbe.  Il  indicjue  une  ellipse,  cl  suppose  con- 
fusément un  mol  sous-enlendu,  qui,  dans  la 
1/lirase  analytique,  le  régirait,  comme  lors(pron 
dit  :  //  vaut  mieux  mourir  libre  que  de  rirre 
esclare  ;  de,  fait  entendre  le  muîhcur  et  la  Iwnte  ; 
3e  ci'uins  vwiits  le  malheur  de  mourir  que  la 
honte  de  vivre  esclave. 

Plus  et  mieux  ne  sont  pas  synonymes,  dit 
M.Sicard;  le  iiremier  ne  s'emploie  (|uê  (piand  il 
s'agit  d'extension,  et  le  second  quand  il  s'agit  de 
perfection  :  L'abbé  Prévôt  a  plus  écrit  queFéne- 


HIL 

Ion,  mais  Fénelon  a  mieux  tcrit  que  l'abbé  Pré- 
vôt /Vi/.y,dans  la  preiriiére  piirase,  tombe  sur  le 
nombre  des  volumes;  et  mieux,  dans  la  seconde, 
a  pour  objet  la  perfection  du  style. 

Lorsque  mieux  fait  partie  du  premier  membre 
d'une  iilirase,  et  que  ce  premier  membre  est 
aflirinatif,  le  second  membre  doil  être  négatif  et 
I)rendre  ne  :  f^ous  écrives  mieux  que  vous  ne 
parlez.  Dans  celte  phrase,  il  faut  supprimer po* 
ou  point. 

Dans  les  temps  simples,  mieux  se  met  après 
le  verbe  :  Il  est  mieux,  il  se  porte  mieux  ;  mais 
dans  les  temps  composés,  il  vaut  mieux  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  mieux 
chanté aujourd'huiqu  hier, CX  non  pas,77a  chanté 
mieux.  J'ai  mieux  aimé,  et  non  pas,  fui  aimé 
mieux. 

*  MiEcx-FAisANT.  Adj.  Il  cst  à  conserver,  dit 
Mercier ,  car  il  dit  plus  que  bienfaisant. 
J.-J.  Rousseau  l'a  employé  :  Je  revis  le  chirur- 
gien Parisid,  le  meilleur  et  le  mieux-faisant  des 
hommes.  [Confess.,  2'  part.,  liv.  VII,  t.  xv,  p. 8.) 

MiGNARD,  MiGNAi'.DE.  Ailj.  Il  uc  sc  dit  quc  dcs 
choses,  ne  se  met  (pi'après  son  subst.,  et  n'est 
point  admis  dans  le  style  noble.  Un  sourire 
mignard,  un  parler  miynard,  des  manière.-i 
migvardcs. 

MiGNAr.DnjiEST.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe.  Cet  enfant  a  été  élevé  mignardcment. 

jMignon,  Mignonne.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst. : yisage mignon,  bouche  mignonne, 
beauté  mignonne,  des  souliers  mignons.  — Ar- 
gent mignon,  péché  mignon. 

MiGNONEMENT.  Adv.  Il  pcut  Se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  est  fait  migno- 
nement,  ou  cela  est  mignonement  fait. 

Mil.  Subst.  m.  Millet.  On  mouille  Ici. 

Mil.  Adj.  numéral.  Voyez  il/tV^e. 

Militaire.  Adj.  des  deux  genres.  Corneille  a 
dit  dans  liodogune  (act.  I,  se.  i,  (13)  : 

Ayant  régné  sept  ans,  son  ardeur  jnt/i"tair«. 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  \  ers:  Ce  lûol  milita  ire 
psi  technique,  c'est- à-dire  un  terme  d'art  :  Zepa« 
militaire,  la  dise ipli ne  militaire ,  l'ordre  militaire 
de  Saint- Louis.  Il  faut  en  poésie  employer  les 
mots  guerrière ,  belliqueuse.  (Remarques  sur 
Corneille.)  Ce  mot  ne  se  met  qu'après  son  subst. 
Mille.  On  prononce  les  deux  /  sans  les  mouil- 
ler. Ce  mol,  employé  comme  adjectif  numéral, 
est  des  deux  genres,  et,  de  même  que  les  autres 
nombres  cardinaux,  il  ne  prend  point  la  marque 
du  i)luriel  :  Les  Mille  et  une  Nuits.  —  Il  en  est 
de  même  de  mille  employé  pour  signifier  un 
nombre  considérable, maisinccrlain  :  Nous  tenons 
au  monde  par  mille  chaînes.  (Nicole.) 

Mille  bras  sont  Ictcs  pour  punir  l'assassin. 

(Volt.,  Henr.,  V.  319.) 

Dans  la  supi)utation  ordinaire  des  années, 
quand  mille  est  suivi  d'un  ou  de  plusieurs  autres 
nombres,  on  retranche  la  dernière  syllabe.  Ainsi 
on  écrit,  l'an  mil  huit  cent  vingt-deux,  Cl  non 
pas  riiille.  —  Donierirue  prétend  (ju'on  n'écrit 
ainsi  mil  que  lorsqu'il  s'agit  du  millésime  où 
l'on  se  trouve,  cl  t|ne  partout  ailleurs,  il  faut 
écrire  mille.  Ainsi  l'on  écrira,  l'an  cinq  mille 
huit  cent  vingt  de  la  création  du  monde;  Pan 
deux  \n\\\c quatre  cent  quarante.  Nous  pensons 
(pi(^  «Clic  oi)servalion  est  juste. 

Mille,  employé  subslantiveiuent  pour  signifier 
un  espace  de  chemin,  prend  un  s  au  pluriel: 


MIN 

H  y  a  deux  milles  de  Londres  à  tel  lieu.  Des 
milles  d' Annleterie ,  d'Italie,  d'Allemugiie. 

MiLLÉNAiKE.  Adj.  des  deux  gonrcs.  Ou  prononce 
les  doux  /,  mois  sans  les  mouiller.  11  ne  se  met 
qu'après  Sun  subst.  :  Le  nombre  viillénuire. 

MiLLÉsuiK,  Subst.  m.  On  l'ait  sentir  les  deux  /, 
mais  sans  les  mouiller. 

Millet.  Subst.  m.  On  mouille  les /. 

MlLLlAIRE,      MiLLIAUD,    MiLLUSSE,     MILLIÈME, 

MiLLiEB, Million,  MiLLiONiSAir.E,  Millionnucme. 
Dans  CCS  huit  mots,  on  ne  prononce  qu'un  l. 

Million  prend  un  s  au  pluriel,  niéme  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  autre  nom  de  nombre  :  Trois 
millions  quatre  cent  inille  francs. 

*Ml^ABL^;.  Adj.  dos  deux  L'ciires.  Expression 
basse  et  populaire  (lue  l'Acadcinic  a  bien  fait  de 
ne  pas  mellre  dans  son  Dictionnaire,  mais  qui 
est  moins  Imssc  que  martniteux,  qu'elle  a  re- 
cueilli, et  auquel  elle  a  donné  le  même  sens. 
Voyez  ce  mol. 

Mi.NCF,.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  mellre 
avant  son  suhsl..  lorsque  l'analogie  cl  l'iiarmoiiie 
le  permeltenl  :  Une  èlofft'  mince,  vne  donhlure 
mince,  vne  lame  mince.  —  Une  raison  mince, 
un  esprit  mince;  une  mince  considération.  — 
L'Académie  ne  ledit  poinl  dans  lacception  sui- 
vante :  Je  les  trouvai  échauffes  sur  une  dispute 
la  plus  mince  gui  se  puisse  imaginer.  (Mon- 
tesquieu, XXXVl"'  lettre  persane.) 

MiNÉHAL,  MiNÉiiALE.  Adj.  qui  DC  SC  mct 
qu'après  son  subst.  :  Sel  minéral,  eaux  miné- 
rales. 

Mineur,  Mineure.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Enfurd  mineur,  fille  mineure. 

MiMATURE.  Subst.  f.  On  prononce  migna- 
ture. 

Ministériel,  Mimstérielle.  Adj.  Une  se  met 
qu'après  son  subst.:  Affaires  ministérielles  , 
décision  ministérielle,  lettre  ministérielle,  opé- 
ration ministérielle. 

MiMSTÉRiLLLK.Mi.NT.  Adv.  Il  HC  sc  mcl  qu'api'ès 
le  verbe  :  //  «  ripnnduministériellenient,  et  non 
pas  il  a  ministeriellement  répondu. 

MiNjsTRE.  Suhsl.  m.  Ce  mot  esl  toujours  mas- 
culin, même  lonju'il  modifie  un  nom  du  genre 
féminin.  Ou  a  donc  eu  raison  de  reprocher  à 
Racine  ces  vers  des  Frères  ennemis  (.\ct.  II, 
se.  III,  11.) 

Dois-je  prendre  pour  juge  une  troupe  insolente, 
D'un  lier  usurpateur  ministre  violente  ? 

Il  fallait  dire  ministre  violent. 

Ce  mol  s'emploie  dans  le  style  noble,  surtout 
au  figure  : 

Des  vengeances  des  rois  ministre  rigoureux. 

(Rac,  Âth.,  ad.  II,  sc.  v,  114.) 

Ifj'riistre  impétueux  des  faiblesses  du  roi. 

(Volt.,  Uenr.,  m,  146.) 

Mincit.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  t. 
Il  n'a  i)oint  de  pluriel.  C'esl  le  milieu  de  la  nuit, 
l'heure  a  laquelle  le  soleil,  descendu  au-dessous 
de  noire  horizon,  sc  retrouve  dans  le  plan  du 
même  méridien.  On  dit  minuit  est  sonné,  cl  non 
pas  a  sonné,  et  eniorc  moins  ont  sonné. 

MiNxîscDLE.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  prend 
aussi  substanlivement.  11  ne  sc  met  qu'après  son 
subst.:  Lettre  vdnu seule.  Yeiyez  Majuscule. 

Minutieux,  Minutieuse.  Adj.  On  peut  le  mellre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le    permetlent  :  Soins    minutieux  ,    recherches 


MOB 


471 


minutieuses,  attentions  minutieuses.  —  De 
minutieuses  reclierches,  de  minutieuses  atten- 
tions. Voyez  Adjectif. 

Mi-parti,  Mi-partie,  Adj.  qui  iiese  mol  qu'a- 
près son  subsl.  :  Une  robe  mi-partie  de  blanc  et 
de  noir.  —  Jjcs  avis  sont  mi-partis,  sont  par- 
tagés par  moitié. 

iMiRACCLEUsEMKNT.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'aijxiliaire  cl  le  participe  :  //  a  viirucuku- 
sement  échappé,  il  a  été  miraculeusement  dé- 
livré. 

Miraculeux,  Miracdlexise.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Chose  miraculeuse ,  action  miracu- 
leuse. —  Celte  miraculeuse  guérison.  Voyez 
Adjectif. 

Miroir.  Subst.  m.  Corneille  a  dit  dans  Po- 
lyeucte  (Act.  1,  se.  m,  31): 

Il  passe  dans  Rome,  avec  autorité, 
Pour  fidèle  miroir  de  la  fatalité. 

A'ollaire  a  dit  au  sujet  de  ces  vers  :  On  dit 
bien  inimir  de  l'avenir,  parce  (ju'on  est  supposé 
voir  l'avenir  comme  dans  un  miroir.  Mais  on  ne 
peut  dire  miroir  de  la  fatalité,  parce  que  ce 
n'est  [)as  celle  fatalité  (lu'on  voit,  mais  les  événe- 
ments qu'elle  amène.  (  Remarques  sur  Cor- 
neille). 

Misérable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
souvent  avant  son  subst.  :  Un  homme  misérable, 
irnc  famille  misérable,  une  vtisérable  famille; 
un  état  misérable,  un  viisérable  état;  des  rai- 
sons misérables,  de  luisérublcs  raisons;  une 
misérable  ambition,  un  misérable  repas.  Voyez 
Adjectif,  Gueux,  Malheureux. 

Misère.  Sutet.  f.  Dans  le  sens  d'indigence,  oc 
terme  n'est  point  admis  dans  le  slyle  noble.  On 
l'y  emploie  dans  celui  de  calamité: 

Je  vais  suivre  vos  pas,  mais  pour  revoir  mes  frères, 
Et  savoir  d'eux  encor  la  tin  de  nos  misèrei. 

(Cor.,  Hot.,  act.  I,  sc.  iv,  109.) 

J'entends,  vous  gémissez.  Mais  telle  est  ma  misère  : 
Je  ne  suis  point  à  vous,  je  suis  à  votre  père. 

(Rac,  JIftthr.,  act.  II,  se.  vi,  65.) 

Ce  n'est  qu'en  ce  sens  que  misère  se  dit  aussi 
bien  au  pluriel  qu'au  singulier. 

Miséricordieux  ,  Miséricordieuse.  Adj.  On 
dit  que  Dieu  est  tout  miséricordieux.  On  ne  dit 
pas  absolument  un  homme  miséricordieux,  une 
femme  miséricordieuse  ;  il  faut  dire  un  homme 
miséricordieux  envers  les  pauvres,  une  femme 
miséricordieuse  envers  les  malheureux.  Bossuet 
^\i(\\XQ  Jésus-Christ  a  été  miséricordieux  eîivers 
les  pécheurs. 

Mitiger.  V.  a.  delà  l"  conj.  Dans  ce  verbe, 
g  doit  toujours  se  prononcer  commet;  et  pour 
lui  conserver  celte  prononeialiou  lorsqu'il  esl 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o  :  Je  vtitigeuis,  vdtigeons,  et  non 
pas  je  iiiiligais,  mitigons. 

Mitoyen,  Mitoyenne.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.:  Mur  mitoyen.  —  Avis  mitoyen, 
parti  mitoyen. 

Mitraille.  Subsl.  f.  On  mouille  les  l. 

Mixte.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  mel 
qu'après  son  subst.  :  Corps  mixte. 

Mixtion.  Subsl.  f.  Dans  ce  mol,  ti  conserve  sr> 
prononcialion  nalurelle. 

Mixtionner.  V.  a.  delà  i^'  conj.  Dans  ce  mot, 
ti,  conserve  sa  prononciation  naturelle. 

Mobile.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut,  au 


Â!i> 


MOE 


li?nr(S  le  mr'ltre  avant  son  subst.,  en  consultant 
l'oreille  et  l'analogie  :  Corps  mobile,  roue  vv'bile, 
caractère  mobile,  ce  mobile  caractère  ;  une  iiitu- 
•jination  mobile,  cette  mobile  imagination. y Q'^GZ 
Adjectif. 

MoBii.'Tï  .^ubst.  f.  L'Académie  ne  dit  [)i)int 
ta  mobilité  de  la  physinnomif,  expression  dont 
on  se  sert  souvent,  surtout  en  parlant  des 
acteurs  :  Cet  acteur  a  une  grande  mobilité  dans 
la  physionomie. 

Mode.  Subs!.  m.  Terme  de  grammaire.  Voyez 
rerbc. 

MoDÉnATF.cr..  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme,  on  dit  modératrice. 

Modération.  Subst.  f.  H  n'a  point  de  pluriel. 

MoDKRÉ,  MoDF.nKE.  Ailj.  11  uc  sc  inct  (|u'a[ircs 
son  subst.  :  Esprit  modérée  httmeur  modérée.  — 
Feu  modéré,  chaleur  modérée. 

Modérément.  Adv.  Il  ne  sc  met  qu'aprôs  le 
verbe  :  //  .•s'est  comporté  modérémetit,  et  non  pas 
il  s'est  modérément  comporté. 

Moderne.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Les  auteurs  modernes ,  ces  modernes 
auteurs  ;  une  invention  moderne,  cette  moderne 
invention.  \'oyo7.  Adjectif. 

Modeste.  Âdj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Air  modeste,  visage  modeste.  Un 
maintien  modeste,  son  modeste  maintien;  sa 
contenance  modeste,  sa  modeste  contenance  ;  ses 
désirs  modestes,  ses  moàestes  désirs.  Voyez  .ad- 
jectif. Humilité. 

IMoDESTEMENT.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe.  Il  s'est 
comporté  modeste mc/il  ;  il  s'est  modestement 
comporté  dans  cette  occasion. 

Modestie.  Subst.  f.  Ce  mot  n'a  point  de  pluriel 
quand  il  signifie  en  générai  la  vertu  à  la(]uelle 
on  donne  ce  nom.  Il  en  a  un  lorsqu'on  veut 
distinguer  des  nuances  dans  cette  qualité  appli- 
quée à  plusieurs  individus.  Bossuet  a  très-bien 
dit,  C'était  là  de  ces  modesties  que  la  crainte 
inspire. — Bossiict  l'a  dit  aussi  moins  beuieu- 
semenl  pour  discours  modestes  :  Au  milieu  de 
ces  modestie».  On  ne  peut  l'employer  en  ce  sens. 
Voyez  Humilité. 

MoDiFicATiF  ,  MoDiFicATiVE.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.,  et  qui  se  prend  ijuelque- 
fois  substantivement  -.Un  terme  modifcatif,  une 
expression  modificative.  Un  modificulif. 

Modification.  Subst.  f.  V.  Construction. 

MoDiQDE.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met 
avant  ou  après  le  subst.:  Une  somme  modique, 
une  modique  somme;  uti  repas  modique,  un 
modique  repas  ;  un  revenu  inodique,  un  modique. 
revenu  Voyez  Adjectif. 

MoDiQCF.MF.NT.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
s  erbe  :  //  paie  modiquement  ses  domestiques. 

MoDULKr..  \  .  a.  et  n.  L'Académie  dit  moduler 
un  air.  Dclillc  dit  moduler  sa  voix  {Enéide , 
Vll,dl.) 

Il  vole;  il  voit  doj.\  le  trop  f.imcux  séjour 
Où  la  belle  Circi',  fille  du  dieu  du  jour, 
Uodtitant  arec  .^rl  sa  voix  mélodieuse. 
Charme  de  ses  doux  sons  son  ile  insidieuse 

Moelle.  Subst.  f.  Substance  grasse,  oléagi- 
neuse, qu'on  trouve  en  masse  dans  le  milieu  des 
longs  os.  On  dit  au  propre,  la  moelle  des  os. 
Féneliin  l'a  dit  au  figuré  pour  signifier  le  fond 
de  rame  :  Les  hommes,  à  un  certain  âge,  ne  peu- 
vent presque,  plus   se  plier  eux-mêmes  contre 


MOI 

certaines  hahitude.i  qui  ont  vieilli  avec  eux,  et 
qui  sont  entrées  jusque  dans  la  moelle  de  leurs 
os.  [Ttlém.,  liv.  X^'l,  t.  ii,  p.  475.)  Féraud 
observe  avec  raison  que  celle  expression  n'est 
pas  fort  noble,  et  (pi'elle  seniblc  peu  diiine  d'un 
poëme,  même  en  prose.  Mais  il  prétend  que  l'on 
dit  lu  moelle  d'un  livre,  ])(iiir  dire  ce  qu'il  y  a 
de  meilleur  dans  un  livre  ;  et  nous  pensons  que 
cetic  expression  n'est  bonne  ni  en  vers  ni  eu 
prose. 

Moelleux,  Moelleuse.  Adj.  Au  propre,  il  sc 
met  toujours  après  son  subst.  :  Un  os  moelleux. 
An  figuré,  on  peut  le  mettre  avant,  en  consultant 
l'oreille  et  l'anaiOgie:  Des  discours  moelleux,  ce 
moelleux  discours.  —  Des  contours  moelleux, 
de  moelleux  contours,  ^'oyez  Adjectif. 

Moedrs.  Subst.  m.  plur.  Le  s  final  ne  se 
prononce  qu'avant  une  voyelle  ou  un  h  non 
aspiré.  Ce  mot,  à  l'égard  'de  l'épopée,  de  la 
tragédie  ou  delà  comédie,  désigne  le  caractère, 
le  génie,  l'humeur  des  persoimages  (ju'on  fait 
parler.  Ainsi,  le  terme  de  inmirs  ne  s'emploie 
point  ici  selon  son  usage  coiniiiun.  Par  les  mœurs 
d'un  personnage  qu'i>n  introduit  sur  la  scène, 
on  enicnd  le  fond,  (juel  ([u'd  soit,  de  son  génie, 
c'est-a-dire  les  inclinalions,  bonnes  ou  mauvaises 
de  sa  part,  qui  doivent  le  constituer  de  telle 
sorte  que  son  caractère  soit  fixe,  permanent,  et 
(pi'on  entrevoie  lonl  ce  que  la  personne  repré- 
sentée est  capable  de  faire,  sans  qu'elle  puisse 
se  détacher  des  prcinicres  inclinations  par  où 
elle  s'est  montrée  d'abord  ;  car  l'égalité  doit  régner 
d'un  bout  a  l'auircde  la  pièce. 

Il  y  a  une  autre  espèce  de  mœurs  qui  doil 
l'égnerdans  tous  les  poèmes  dramatiques,  et  qu'il 
faut  s'attacher  à  bien  caractériser:  ce  sont  les 
mcpurs  nationales.  Corneille  a  conservé  précieu- 
sement les  mœurs  ou  le  caractère  propre  des 
Romains;  il  a  même  osé  lui  donner  plus  (Téléva- 
tion  et  de  dignilé.  H  n'a  pas  essuyé  pour  cela  les 
reproches  (]iie  l'on  fait  à  Racine,  d'avoir  francisé 
ses  héros,  si  ou  peut  parler  ainsi. 

le  terme  de  mœurs  veut  donc  être  entendu 
fort  différemment,  et  même  il  n'a  trait  en  aucune 
manière  à  ce  «lue  nous  ajjpelons  morale,  quoiqu'en 
quelque  sorte  elle  soit  le  véritable  objet  de  la 
tragédie,  qui  ne  devrait  avoir  d'autre  but  que 
d'attaquer  les  passions  criminelles,  et  d'établir  le 
goût  de  la  vertu,  d'où  déi)end  le  bonheur  de  la 
société.  (Extrait  deVEnojclopédie.) 

Mor.  Pron.  de  la  1''  pers.  du  sing.  et  des  deux 
genres,  dont  la  fonction  [)i-ineipalc  est  de  servir 
de  complément  à  des  prépositions.  Il  ne  se  dit 
(]uc  des  personnes  ou  des  ehoses  i)ersonnifiées. 
Après  une  préposition,  il  n'y  a  que  le  pronom 
tiioi  qui  puisse  exiirinier  la  première  personne  du 
singulier  :/^0(/5  servircz-vous  de  moif  Pense-t-un 
à  moi?  Ils  auront  besoin  de  moi.  Ils  auront 
affaire  à  moi.  Selon  moi,  vous  avez  raison. 
I'\iiles  cela  pour  moi.  F'ous  ne  serez  pas  arrivé 
avant  mm.  H  en  est  de  même  ai)rès  une  conjonc- 
tion :  Mon  frère  et  moi,  mon  frère  ou  mai,  nul 
autre  que  moi. 

7l/ot  s'cnq)loie  aussi  soit  comme  régime  direct, 
soit  comme  régime  indirect  des  verbes  actifs; 
mais  c'oit  seulement  à  l'impératif,  cl  alors  vini 
est  toujours  |)lacé  après  le  verbe,  avec  lequel  il 
est  joint  par  un  trait  d'union  :  Aimez-moi, 
régime  direct;  donnez-moi,  régime  indirect; 
c'est  comme  donnes  à  moi. 

Cependant  donnez-moi,  sans  préposition,  ou 
donnez  à  moi  avec  la  préposiiien  «,ne  s'emploient 
pas  indiriércinmcnl  l'un  j'our  l'autre  On  dit  don' 


MOI 

•/(««-wiozMorsqu'onscbornpàdemnndcnincchosc; 
el  l'on  dit  donnez  à  moi,  lorsqu'on  I;i  dciiuuiilo 
à  quelqu'un  ([ui,  paraissant  ne  savoir  à  qui  lu 
ilonncr,  esl  au  moment  de  la  donner  à  un  autre. 

A  tout  autre  mode  que  riin|i(Tatif,  vioi  ne 
peut  se  construire  seul.  Quehiuei'ois  il  se  con- 
.-Iruit  avec  je,  et  sert  a  donner  plus  d'cnerçie  au 
sujet  :  Moi,  je  mus  dis;  moi,  je  prétends.  Moi, 
jV  souffrirais  vne pareille  insolence! 

Moi,  que  j'ose  opprimer  el  noircir  l'innocence! 

(Ràc,  Phèd.,  act.  III,  se.  m,  69.) 

D'autres  fois  il  se  construit  avec  me,  et  sert  à 
donner  plus  d'énergie  à  ce  (ironom,  soit  comme 
régime  direct,  soit  comme  régime  indirect,  ou 
bien  il  sert  à  tenir  la  place  de  ce  pronom,  pour 
le  lier  à  un  |ironnm  conjonctif.  Fous  me  chassez, 
i.'mi  !  vous  vie  donnez  si  peu  de  chose,  à  moi! 
il  me  méprise,  mai!  qui  lui  ai  fuit  tant  de  bien  ! 
Quand  il  n'est  mis  que  pour  donner  plus  d'énergie 
à  me,  on  y  ajoute  quelquefois  même,  qui  en 
donne  davantage  encore,  et  qui  se  joint  là  moi 
par  un  trait  d'union.  Vous  me  chassez,  moi,  ou 
moi-même  ;  vous  me  soutenez  cela,  à  moi,  OU  à 
mtri-méme. 

Dans  ce  vers  de  Corneille  [Médée ,  act.  I, 
se.  V,  48)  : 

Dans  un  si  grand  revers  que  tous  resle-t-il  ?  —  Moi. 

Moi  rappelle  l'idée  d'un  phrase  entière;  il  si- 
gnifie/e  me  reste. 

Quand  moi  est  régime  direct  ou  indirect  d'un 
verbe  à  l'impératif  suivi  du  pronom  y,  il  se 
met  après  ce  pronom  :  fous  allez  à  l'Opéra, 
menez-y-moi;  vous  avez  là  votre  voiture,  don- 
nez-y-moi une  place  ;  et  alors  y  se  met  entre 
deux  tr<iits  d'union.  A  la  seconde  personne  du 
singulier,  le  nronorn  jnoi  se  met  à  la  mémo  place, 
el  si  le  verbe  finit  par  un  e  muet,  on  met  après 
ce  verbe  un  5,  que  l'on  place  entre  deux  traits 
d'union  ,  afin  d'éviter  la  dureté  de  la  pronon- 
ciation :  Mc/ie-S-y-moi  ,donne-S-y-nioiu}ie  j:lace. 

Lorsque  moi  est  présente  connue  sujet  d'une 
proposition  incidente,  il  doit  régir  le  verbe  à  la 
première  personne,  el  l'on  doit  dire  moi  qui 
t'aimai,  et  non  pas  moi  qui  t'aima;  si  c'était  moi 
5;//' eusse,  el  non  pas  si  c'était  muiquimK. 

Suivant  la  règle,  mni  doit  régir  me,  et  il  faut 
dire  c'est  moi  qui  me  nonum:  Pierre,  Cl  lion  pas 
c'est  moi  qui  se  nomme  Pierre. 

Féraud,  dans  son  Dictionnaire  critique,  en 
approuvant  cette  règle,  iirélend  que  l'usage  y 
esl  contraire,  el  que  l'oreille  esl  choquée  d'en- 
tendre dire,  si  c'était  vioi  qui  l'eusse  fait,  si 
c'était  moi  qui  prêchasse.  Je  pense  que  Féraud 
s'est  trompé,  et  ipie  tous  les  gens  qui  se  piquenl 
de  bien  parler  et  de  bien  écrire  ne  manquent 
jamais  à  cette  règli-.  Voyez  Qui. 

Si  le  pronom  moi  esl  joint  à  un  autre  pro- 
nom personnel  ou  à  un  substantif  pour  former 
le  sujet  d'un  verbe,  on  nict  ensuite  le  pronom 
personnel  nous,  (jui  devient  le  sujet  de  la  pro- 
position .Vous  et  moi  nous  lui  rendrons  visite. 
Mon  frère  et  moi  nous  irons  à  la  campagne. 
Sur  quoi  il  faut  remarquer  que  la  politesse  fran- 
çaise demande  que  la  personne  qui  jiarle  se 
nomme  toujours  la  dernière.  Vous  el  moi,  et 
non  pas  moi  et  vous  ;  cependant,  dans  le  cas 
d'une  grande  infériorité,  celui  qui  parle  pieui  se 
nommer  le  premier.  L'n  père  dira  moi  et  mon 
Als  ;  un  maître,  moi  et  mon  domestique.  Voyez 
jipostrophe. 


M0[ 


475 


De  moi,  pour  moi.  quant  «  moi,  expression 
adverbiales.  De  moi  était  très-usité  autrefois. 
.Malherbe  s'en  sert  souvent;  Ménage  le  croyait 
propre  à  la  poésie,  el  réservait  pour  moi  pour  li 
prose.  De  moi  ne  se  dit  iilus,  el  l'on  dit  pour 
moi  en  vers  et  en  prose  ; 

Pour  moi,  soit  que  le  ciel  me  soil  dur  ou  propice. 
(ConN.,  Cin.,  ad.  1,  se.  m,  116.) 

Quant  «  7noi  a  été  proscrit  par  Vaugelas,  et 
déiciulu  par  Chapelain.  Il  s'est  soutenu  dans  le 
slyle  familier.  —  A  moi!  est  une  sorte  d'excla- 
mation pour  appeler  quel(]u'un  auprrs  de  soi  : 
A  moi,  soldats!  —  De  vous  à  moi^  esl  une  fa- 
çon de  parler  familière  qui  signifie,  je  vous  le 
dis  en  confiance,  de  mus  à  moi,  je  ne  crois  pas 
que  la  chose  réussisse. 

Moindre.  Adj.  comparatif  des  deux  genres. 
C'est  le  comparatif  de  petit,  et  il  signifie  plus 
petit:  Cette  somme  est  inoindre  que  l'attire.  Il 
s'einploie  qucl(]uefois  absolument  sans  la  con- 
jonction que  :  Votre  douleur  en  sera  moindre. 
—  Le  moindre  en  est  le  superlatif  :  C'est  la 
moindre  satisfictioii  qu'on  lut  doive.  Au 
moindre  bruit  il  s'éveille.  —  Avec  la  néga- 
ti\  e,  il  signifie  aucun  :  Je  n'en  aipus  la  moindre 
appréhension. 

Moins.  Adv.  On  prononce  le  s  devant  un  mot 
qui  commence  par  une  voyelle  ou  un  h  non  as- 
piré. C'est  le  comparatif  de  peu,  le  superlatif 
est  lemoijis  :  Parlez  moins,  parlez  moins  haut. 
C'est  le  moins  que  l'on  puisse  faire  Mnins  d'ur- 
gent, moins  de  soldats,  etc.  Il  a  cinq  ans  de 
moins  que  son  frère.  —  Moins  se  place  après  les 
temps  simples  des  verbes;  et  quand  il  esl  seul 
et  qu'il  n'est  jias  suivi  d(>  que,  il  se  met,  dans  les 
temps  composés,  entn;  l'auxiliaire  el  le  participe. 
Les  poêles  s'affranchissent  cpielquefois  de  celle 
règle,  et  Voltaire  a  dit  dans  OEdipe  i^act.  111, 
se.  I,  54]  : 


Si  je 


!  eusse  aime  moins. 


Fn  prose,  il  faudrait  dire  Si  je  l'eusse  moins 
aimé.  —  Si  moins  est  suivi  de  que,  on  peut  le 
inetlre devant  ou  après  le  participe  dans  les  temps 
composés  :  Si  je  l'eusse  moins  aimé  que  vous,  ou 
si  je  l'eusse  aimé  moins  que  vous  — Si  moins  est 
suivi  d'un  autre  adverbe,  il  doit  être  mis  après  le 
participe  :  Ilsontcombattu  mo'wscouroffeusement. 
Ces  mêmes  règles  doivent  s'observer  devant  un  in- 
fini i  if:  Vous  ne pouvezmo'ïn^  faire, ou  fairemo'ms 
pour  l'un  que  pour  l'autre.  On  l'a  vu  combattre 
moins  courageusement.  — A  muins,  devant  un 
nom,  régit  la  préposition  de  :  A  moins  à,' un 
prompt  secours.  A  moins,  devant  un  verbe, 
régit  que  avec  le  subjonctif  et  la  négative  : 
A  moins  que  vous  ne  changiez  de  conduite.  — 
A  moins  que  se  construit  aussi  dans  le  même 
sens,  avec  l'iiifiiiilif  el  la  préposition  de,  et  alors 
on  supi  rime  la  négative  :  Je  ne  pouvais  pas  lui 
parler  plus  fortement,  à  moins  (jue  de  le  que- 
reller. On  peut  aussi  supprimer  le  que  •  A 
moins  d'être  fou,  on  ne  peut  parler  ainsi. 

Lorsque  au  moins,  ou  du  inoins,  commen- 
cent une  phrase,  le  pronom,  sujet  du  verbe 
suivant,  peut  être  mis  après  ce  verbe  :  S'il  n'est 
pas  riche,  du  moins  il  a,  ou  du  moins  a-til  de 
quoi  vivre. 

Mois.  Subsl.  m.  Avec  les  noms  dénombre  car- 
dinaux, on  dit  sans  préposition  :  Le  trois  jan- 
vier, le  six  mai,  etc.  Mais  avec  les  noms  de 
nombre  ordinaux,  il  faut  que  le  nom  du  mois 


474 


MOI 


soit  précédé  tle  la  proposilion  de  :  Le  troisième 
jour  Je  janvier,  le  sixième  de  mai,  ou  du  mois 
de  mai- 

iMoisiR  (se).  V.  n.  de  la  2'  coiij.  Se  couvrir 
d'une  certaine  mousse  blanche  qui  inaniuc  un 
couinienceuienl  de  curru|)lion.  Beauzée  dit  que 
moisir  et  chancir  dilfércnl  en  ce  que  celui-ci 
se  dit  des  premiers  signes  de  changement,  celu> 
là  du  cliansenicnl  entier.  l)e^  confitures  sont 
chaticies  lorsqu'elles  sont  couvertes  d'une  pel- 
licule blanchâtre;  elles  sont  inoisies  (juand  il 
s'clcvc  de  cette  pellicule  une  erflorcsccnce  en 
mousse  blancliùlre  ou  verdàlre.  Un  pâté ,  un 
jambon  qui  se  chancissc/it,  doivent  ciio  niangés 
proin|itciiicnt;  ([uand  ils  sont  moisis,  ils  ne  sont 
plus  mangeables.— L'Académie n'inditiuo  aucune 
différence  entre  ces  deux  mots;  elle  remarque 
seulement  que  chancir  est  vieux. 

Moisson.  Subsl.  f.  L'Académie  dit  au  figuré: 
Moisson  de  lauriers,  et  vioisson  de.  gloire.  Pour 
moisson  de  lauriers,  il  n'y  a  i)oinl  de  doute  : 

Ces  moissons  de  lauriers,  ces  lionneurs,  ces  conquêtes. 
(Rac,  Iphig.,  acl.  V,  se.  ii,  53. | 

Mais  peut-on  dire  également  des  moissons  de 
gloire^  Certainement  on  ne  dirait  pas  des  7nois- 
sons  d'il:  iiiieiir  ,  des  moissons  de  rtpuiation  ; 
gloire  semble  être  dans  le  même  ordre  d'idées. 
Ilest  vrai  que  Racine  a  dit  dans  Iphigénie  (acl.  V, 
se.  11,  25j  : 

Songez,  seigneur,  songez  à  ces  moissons  de  gloire 
Qu'à  Tos  vaillantes  mains  présente  la  victoire. 

Mais  c'est,  ce  me  semble,  une  licence  qui  est 
justifiée  par  le  second  vers.  Ce  second  vers 
donne,  pour  ainsi  dire,  a  gloire,  le  sens  de  lau- 
riers; 

Qu'à  vos  vaillantes  mains  présente  la  victoire. 

La  victoire  ne  présente  pas  la  gloire  aux  mains; 
mais  elle  présente  aux  mains  les  lauriers  qiii 
procurent  de  la  gloire.  S;ins  ce  second  vers,  je 
crois  <1U''  lu  licence  serait  trop  forte. — On  trouve 
dans  les  poètes  classiques  d'autres  exemples  de 
cette  expression.  Boileau  a  dit  [A.  P.,  IV, 
22j): 

Que  dt  moissons  de  gloire  en  courant  amassées 

Et  La  Fontaine  (liv.  VII,  fab.  xviii,  50}  : 

Mars  nous  fait  recueillir  d'amples  moissons  de  gloire. 

Quelques-uns  disent  proverbialement,  porter 
la  faux  dans  la  moisson  d'autrui,  pour  dire, 
entreprendre  sur  les  droits,  sur  les  fonctions. 
C<'  proverbe  vient  du  latin.  Riclielct  et  l'Acadé- 
rnic  disent,  mettre  la  faucille  dans  l-a  moisson 
d'autrui,  et  cela  est  mieux  ;  car  pour  faire  la 
moisson ,  on  se  sert  de  faucilles  et  non  pas 
de  faux. 

Moissonner.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  terme  est 
fréquemment  cmi)loyé  dans  la  poésie  et  dans  le 
style  soutenu.  L'Académie  dit  moissoîmer  des 
palmes,  moissonner  des  laurier»,  la  mort  a  mois- 
sonné un  grand  /inmbre  d'iwmrnes ;  sa  rie  a  été 
moissonnée  dans  sa  fleur.  '  .Mais  on  dit  aussi 
qu'un  homme,  que  des  hommes  ont  été  mois- 
sonnés, pour  dire  (lu'ils  ont  été  tués,  ou  qu'ils 
sont  morts. 


MOM 

J'ai  perdu,  dans  la  fleur  de  leur  jeune  sii<oa. 

Six  frcre 

Le  fer  moissonna  tout 

(RjkC,  Phéd.,  acl.  H,  se.  l,  57.) 

Il  le  faut  avouer,  parmi  cts  courtisans. 

Que  fnotsaonna  le  fer  en  la  Heur  de  leurs  ans. 

(Volt.,  tlenr.,iu,  201.) 

El  le  peuple,  étonné  de  cette  fin  terrible. 
Plaignit  un  roi  si  jeune,  et  sitôt  moissonne. 

{Idem,  III,  28.) 

Tel  d'un  bras  foudrojant  fondant  sur  les  relellcj, 
Il  motesonne  en  courant  leurs  troupes  criminelles 
{Idem,  VI,  303.) 

Il  reconnaît  surtout  ces  généreux  Troyens 
Que  moissonna  le  fer  dans  tes  champs  phrygiens. 
(Dblil.,  Énéid.,  vi,  617.) 

MoissoNKEUR.  Subst.  m.  Moissonneuse.  SubsL 
f.  Quoique  moisson  et  nwissoimer  s'cmploienl 
au  figuré,  il  n'en  est  pas  de  même  de  moisson- 
nevr. 

Moite.  Adj.  des  deux  genres  :  Draps  moites, 
mains  vioites,  inurailles  moites.  11  nc  se  luel 
qu'après  son  subst.  Quelques  poètes  ont  dit  le 
moite  empire,  le  moite  élément,  pour  dire  la 
iner.  Rousseau  a  dit  le  moite  élément,  et  Gresset 
{Carême  impromptu,  65)  : 

Quelijue  autre  curé  plu?  savant... 
Bravant  les  fougues  de  la  bise, 
Se  serait  livré  sans  remise 
Aux  périls  du  motte  élément. 

Celte  expression  nc  serait  guère  admise  aujour- 
d'hui que  dans  le  style  badin. 

Moitié.  Subst.  1'.  L'Académie  dit  quil  se 
prend  dans  une  signification  particulière,  et  se 
dit  figurément  et  lamiliérement  d'une  fenune  à 
l'égard  de  son  mari  :  Covi.vicnt  se  porte  votre 
moitié?  Il  a  perdu  sa  chère  moitié.  Beaucoup 
d'écrivains  ont  employé  cette  expression  dans 
le  style  noble  : 

Laissez  à  Méncla?  racheter  d'un  tel  prix 
Sa  coupable  moitié  dont  il  est  trop  épris. 

(Rac,  Iphig.,  act.  IV,  se.  IT,  104.) 

Tandis  que  plein  d'amour,  d'horreur  et  de  pitié, 
Je  vole  sur  les  pas  de  ma  chère  moitié. 

(Délit.,  Énéid.,  II,  1027.) 

Delille  la  dit  d'une  sœur  à  l'égard  de  sa  sœur  : 

0  toi  qui  de  mon  âme  es  la  chère  moitié. 
Ma  sœur,  lis  avec  moi  dans  mon  cœur  ellrayé. 

(Bni^id.,  IV,  13.) 

Moitié  s'emploie  souvent  sans  article  :  J'ai 
moitié  dans  cette  succession,  cette  ville  perdit 
moitié  de  ses  habitants. 

Mollasse.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  qu'afirès  son  subst.  :  Chair  mollasse,  étoffe 
mollasse. 

Mollement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  s'est  conduit 
mollement  dans  cette  affaire,  il  s^est  molle- 
ment conduit. 

Mollesse.  Subsl.  f.  Ce  mot  n'a  point  de 
pluriel. 

Mollet,  Mollette.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  lit  mollet,  des  coussins  mol- 
lets, du  pain  mollet. 

AloMENTANÉ,  MOMENTANÉE.  Adj.  Ou  disait  au- 
trefois momentanée  au  masculin  Comme  au  l'cmi- 


MON 

nin.  On  dit  aujourd'hui  momentané,  et  l'Acadé- 
mie l'indique  ainsi.  Il  ne  se  met  qu'a])r6s  son 
subst.  :  Un  efj'ort  momentané,  vu  plaisir  m.o- 
mentané,  une  action  momentanée. 

Momentanément.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Ce  météore  n'a  paru  que  momentané- 
ment. 

Mon.  Adj.  possessif  qui  répond  à  la  prcmiàre 
persoime.  11  fait  ma  au  féminin,  el  mes  au 
pluriel  dos  deux  genres.  Il  s'emploie  toujours 
avec  des  substantifs,  et  ne  peut  jamais  être  pré- 
cédé de  l'article. 

Lorsqu'un  nom  féminin,  s<Mt  substantif,  soit 
adjectif,  ciimmtMice  par  une  vnycllc  ou  par  un  h 
non  aspire,  et  qu'il  suit  innnéiiialcmcnt  ce  pro- 
nom, on  met  mon  au  lieu  de  ma,  afin  d'éviter 
l'hiatus  qui  résulterait  de  la  rencontre  des  deuK 
voyelles  :  J\Io?i  âme,  mon  ipce  ,  mon  aimable 
amie,  el  non  pas  ma  âme,  ma  épée,  ma  aimable 
amie  ;  et  devant  un  /;  aspiré  on  dit  mu  au  fémi- 
nin: ma  hache,  ma  haranque. 

Quand  le  pronom  personnel  sujet  du  verbe 
indique  assez  le  sens  de  l'adjectif  possessif,  on 
ne  met  point  ce  dernier.  Ainsi  l'on  dit ^'ai  mal 
à  la  tête,  et  non  pas  j'ai  mal  à  ma  tète,  parce 
que  le  pronon  jV  indi(]ue  assez  qu'il  s'au'it  do  la 
,téte  de  celui  qui  p;irlc  ;  car  on  ne  peut  pas  avoir 
mal  à  la  icte  d'un  autre.  On  dit  de  nicniey'oi 
reçu  vn  coup  au  bras,  à  la  jambe,  et  non  pas  à 
mon  Iras,  à  ma  jambe.  Mais  quand  le  pronom 
qui  est  sujet  ne  désigne  pas  clairement  (jue  la 
chese  dont  il  est  question  appartient  à  celui  q\ii 
parle,  il  faut  mettre  l'adjectif  jiossessif.  Par 
exemple,  si  je  disais/e  mis  que  la  jambe  s'enfle, 
je  n'indi(]uerais  pas  assez  qu'il  est  question  de 
ma  jambe,  car  je  puis  voir  de  môme  enfler  la 
jambe  d'un  autre.  11  faudrait  donc  dire,  si  je 
voulais  indiquer  que  je  veux  parler  de  ma 
jambe,  et  non  de  celle  d'un  autre,  je  vois  que 
majajube  s'enfle.  C'est  par  la  même  raison  qu'il 
faut  û\re  j'ai  perdu  mon  argent,  je  perds  tout 
mon  sang,  ijuand  on  parle  de  son  propre  argent, 
et  de  son  propre  sang.  Ces  équivoipics  ne  peuvent 
pas  avoir  lieu  avec  les  verbes  réfléchis;  et  quand 
je  dis  je  me  suis  blessé  à  la  main,  on  entend 
bien  que  je  veux  parler  de  ma  main  et  non  de 
celle  d'un  autre.  Cependant  l'usage  veut  que 
l'on  dise,  ye  me  suis  tenu  toute  la  journée  sur 
mes  jambes,  peut-être  pour  mieux  exprimer  la 
fatigue  de  cette  position  :  de  même  qu'on  dit, 
pour  augmenter  l'énergie  de  l'expression,  je  r«i 
vu  de  mes  propres  yeux,  je  l'ai  entendu  de  mes 
propres  oreilles. 

L'adjectif  jiossessif  mo7i,  ma,  mes,  se  répète 
devant  chaque  substantif  et  devant  chaque  ad- 
jectif, à  moins  (pie  ces  adjectifs  n'aient  à  peu 
près  le  même  sens.  On  dit  donc,  mon  père  et  ma 
mère  sont  venus,  et  non  pas  mes  père  et  mère 
sont  venus.  Mon  père,  ma  mère,  mes  frères  et 
m.es  sœurs  sont  morts;  je  lui  ai  montré  mes 
beaux  el  mes  vilains  habits;  je  lui  ai  îiiontré 
mes  beaux  et  brillants  équipages. 

Il  est  clair  que  dans  la  dernière  phrase  les 
adjectifs  beaux  et  brillants  sont  appliqués  au 
même  substantif;  et  (]ue  si  l'on  disait  mes  beaux 
et  7nes  brillants  équipages,  on  indi(]uerait  par 
là  que  l'on  veut  parler  de  deux  espèces  d'é- 
quipages ,  dont  les  uns  sont  beaux  et  les 
aunes  brillants.  Voyez  Adjectifs  possessifs, 
Accord. 

Mo.N,vcAL,  Monacale.  Adj.  11  se  dit  par  mépris 
de  tout  ce  qui  a  rapport  à  l'état  de  moine  :  f^ie 
monacale,  petitesses  monacales,  intrigues  ma- 


MON 


475 


nacafes.  Il  n'a  point  de  pluriel  au  masculin. 
Voyez  Monastique. 

MoNACALEMENT.  .\dv.  D'uuc  façon  monacale. 
Il  ne  se  met  qu'après  le  verbe  :  //  a  toujours 
vécu  monacalement.  C'est  un  terme  de  mé- 
pris. 

MoNAncHiQUE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Gouvernement  monar- 
chique. Etat  monarchique. 

MoNARCHiQUEM^NT.  Adv.  Il  uc  sc  met  qu'après 
le  verbe  :  Il  a  gouverné  monarchiquement,  et 
non  p;is  z7  a  monarchiquement  gouverné. 

Monastique.  Adj.  des  deux  cernes.  Il  ne  se 
met  qu'ai)rès  son  sulist.  :  V^ie  monastique,  dis- 
cipline monastique,  les  ordres  monastiques.  11 
diffère  de  monacal,  en  ce  qu'il  se  prend  tou- 
jours en  bonne  part,  et  que  le  dernier  ne  se  dit 
qu'en  mauvaise  part  et  par  mépris. 

.Mondain,  Mondaine.  Adj.  îles  deux  genres. 
On  peut  lo  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'a- 
nalogie et  l'harmonie  le  permettent  :  Femme 
mondaine, parure  mondaine;  ces  mondaines  pO" 
rurcs.  Voyez  .Idjcctif. 

MoNDAiNEMENT.  Adv.  Il  116  se  mct  qu'après  le 
verbe  :  Il  a  toujours  vécu  mondainement. 

Monologue.  Subst.  m.  Terme  de  littérature. 
Scène  dramatique  où  un  personnage  parait  el 
parle  seul.  Le  monologue  est  un  raisonnement 
et  un  discours  (pic  quelqu'un  se  fait  à  lui-même. 
Les  monologues  doivent  être  rares,  extrêmement 
courts,  el  même  ne  doivent  être  employés  (lue 
dans  la  passion. 

Monopole.  Subst.  m.  Le  monopole  ne  con- 
siste pas  à  vendre  seul ,  mais  à  s'être  rendu 
maitrc  d'une  denrée  pour  la  vendre  seul.  Lu 
homme  qui  aurait  dans  un  pays  la  propriété 
d'une  mine  unique  qui  y  existerait ,  ne  com- 
mettrait pas  un  monopole  en  vendant  seul  les 
produits  de  sa  mine;  ou  du  moins  cette  espèce 
de  monopole  n'cmporlcrait  pas  le  sens  odieux  (lue 
l'on  attache  ordinairement  à  ce  mot.  —  Mono- 
pole se  dit  du  trafic  illicite  et  odieux  que  fait 
celui  (lui  se  rend  seul  le  mailre  d'une  sorte  de 
marchandise,  pour  en  être  le  seul  vendeur,  et 
la  mettre  à  si  haut  prix  que  bon  lui  semble,  ou 
bien  en  surprenant  des  lettres  du  prince  pour 
être  autorisé  à  l'aire  seul  le  commerce  d'une  cer- 
taine sorte  de  marchandise,  ou  enfin  lorsque  tous 
les  marchands  d'un  même  corps  sont  d'intelli- 
gence pour  enchérir  les  marchandises  ou  y  faire 
quelque  all(;ration. 

MoNosYLLAnE.  .^dj-  m  (lue  l'on  prend  sub- 
stantivement. Ce  mot  est  composé  de  deux  mots 
grecs,  monns  seul,  et  sullabê  syllabe,  qui  se  pn)- 
noncent  comme  si  ces  deux  éléments  étaient  sé- 
parés et  (ju'on  écrivit  mono-syllabe.  La  lettre  s, 
(lui,  se  trouvant  entre  deux  voyelles,  devrait  être 
prononcée  comme  a,  se  prononce  s,  parce  (lu'au 
moyen  (le  celle  séparation  mentale,  elle  est  con- 
sidérée comme  initiale. 

Il  se  dit  des  mots  d'une  syllabe.  On  lit  dans 
ï Encyclopédie,  a  l'article  Monosyllabe,  qu'une 
langue  qui  abondera  en  monosyllabes  sera 
prompte,  énergique,  rapide;  mais  qu'il  est  dif- 
ficile qu'elle  soit  harmonieuse. 

Vaugelas,  Ménage  et  .Marmontel  n'étaient  point 
de  cet  avis,  et  ils  citent  pour  exemple  ces  deux 
vers  (le  Malherbe  : 

El  moi  ie  ne  îois  rien  quand  je  ne  la  vois  pas... 

tLiv.  V,  Stonce»,  T.  14.) 

Et  tout  ce  que  je  'ois  n'est  qn'un  poinl  à  mes  yenx. 
(Liv.  V,  chanson,  V.  30.) 


476 


MON 


Il  n'est  pns  vrni,  dit  Marmontcl,  comme  on 
l'a  dit  tant  de  fois,  qu'un  vers  compose  de  mo- 
nosyllabes soil  i-oimnniicmcnl  dur,  cl  «pie  l'on 
diiive  l'éviler.  On  doit  savoir  le  coiii|)oser  de 
sons  pleins  et  ti'ariicuialions  liantes  qui  se  suc- 
cèdent sans  peine;  et  nlors  une  suite  de  mono- 
syllabes fera  un  vers  mélodieux.  On  cite  comme 
une  exce|)tion  rare  ce  vers  de  Racine  [Phèdre, 
act.  IV,  se.  II,  78}  : 

Le  jour  n'est  pas  plus  pur  que  le  fond  de  mon  cœur. 

On  en  trouvera  cent  dans  nos  bons  poètes,  tels 
que  ceux-ci: 

Mon  père  Tcrlueui, 
Fait  le  bien,  suit  les  lois,  et  ne  craint  que  les  dieux... 
(Volt.,  Jfe'r.,  .ict.  II,  se.  ii,  75.) 

L'art  n'est  pas  fait  pour  toi,  tu  n'en  as  pas  besoin; 
(YoLT.,  Zaïre,  act.  lY,  se.  ii,  63.) 

lesquels  ne  sont  ni  moins  coulants,  ni  moins  har- 
monieux nue  ceux  de  Racine. 

On  pourrait  encore  ajouter  à  ces  exemples 
Ce  vers  de  Racine,  dans  Buiazet  (act.  I,  se.  m, 
63):  J         V         ^  , 

Quand  je  fais  tout  pour  lui,  s'il  ne  fait  tout  pour  moi. 

—  On  trouve  aussi  dans  les  œuvres  deRcgnier 
un  assez  grand  noinbre  de  vers  qui,  bien  que 
composés  de  monosyllabes,  n'ont  rien  de  désa- 
gréable pour  l'oreille.  Nous  avons  recueilli 
ceux-ci  : 

Par  Dieu,  les  plus  grands  clercs  ne'sont  pas  les  plus  fins. 
[Sat.  111,256.) 

Et  moi  qui  ne  leur  dis  ni  bonsoir  ni  bonjour. 

[Sat.  XI,  524.) 

Tout  le  mal  que  tu  sens,  c'est  toi  qui  le  le  fais. 

[Épitre  I,  130.) 

Quant  aux  suivants,  ils  pourraient  à  bon  droit  être 
cités  par  les  criti(iiies  qui  accusent  les  vers  com- 
posés de  monosyllabes  d'être  durs  cl  rocailleux  : 

Ha-:  que  ne  suis-je  roi  pour  cent  ou  six-vingts  ans  ! 
(Sot.  VI,  60.) 

Et  sont  ceux  qu'on  peut  dire  et  saints  et  gens  de  bien. 
(Sot.  XII,  112.) 

Monotone.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
fuére  (lu'ajyrès  son  subsl.  :  Chaiit  monotone,  pro- 
nonciatiiin  monnlfine,  style  mnnotone. 

Mo^OTOM^:.  Subsl.  1  Défaut  de  variation  du 
ton.  11  y  a  la  monotonie  de  la  voix,  la  monotonie 
de  la  déclamation,  la  monotonie  du  style.  Voyez 
Style. 

MoNS.  Expression  familière;  abréviation  mé- 
prisante du  nwKvionsieur  : 

Mais  mont  ton  fils,  le  sieur  de  Fierenfat, 
Me  semble  avoir  un  procédé  bien  plat, 

(YoLT.,  Enf.  prod.,  act.  I,  se.  i,  5.) 

Cest  moi  seul,  mon»  Damis,  qui  fais  ce  mariage. 
[L'Indiscret,  se.  III,  7.) 

MoKSEiCNEtjR.  Subsl.  m.  II  s'écrit  en  un  seul 
mot  quand  on  jtarie  aux  houunes  :  Monseigneur 

le  prince  de On  l'écrit  en  deux  mois  quand  on 

parle  i\  Dieu  :  Min  Seiynenr  et  won  Dieu.  —  Il 
n'en  faut  pas  mciire  deux  de  suite  dans  la  même 


MO?C 

phrase.  —  Quand  le  pronom  mus  termine  un 
membre  de  la  période,  il  faut  le  faire  suivre  de 
Monseigneur  :  J'ai  reçu  de  mus,  Monseigneur  ; 
il  n'appartient  qu'à  vous,  Monseigneur.  On  le 
place  ordinairement  après  car,  mais,  au  reste, 
du  reste,  après  tmit,  certes,  certainement,  c'est 
pourquoi,  et  autres  semblables  :  Car,  M  n sei- 
gneur ;  7iiaij,  Monseigneur,  elc.  —  On  évite  de 
le  meure  après  un  verbe  actif,  parce  qu'il  en 
résulte  ordinairement  une  sorte  d'équivoque. 
On  ne  dira  lionc  pas,  je  ne  t^eux  pas  acheter. 
Monseigneur  ;    il   faut   dire,   je    ne  veux  pas, 

Monseigneur,  acheter Il  y  a  plusieui's  autres 

occasions  où  il  faut  éviter  les  é<juivo(iucs  que 
le  peuple  trouve  entre  ce  mot  et  celui  qui  le 
précède.  Ainsi,  il  faut  éviter  de  dire,  c'est  du 
veau,  Miinseignei/r ;  c'est  une  bête.  Monsei- 
gneur. Ces  équivoques  ne  sont  pas  fondées  en 
raison;  mais  il  sufllt  que  le  vulgaire  les  voie 
pour  ([u'il  faille  les  éviier,  —  Il  ne  faut  pas 
mettre  ce  mot  entre  un  substanlif  et  son  adjectif, 
si  l'adjoclif  est  du  même  scnrc(\u(;  Monseigneur, 
comme,  c'est  un  procédé.  Monseigneur,  très- 
insolent.  —  On  dit.  Monseigneur,  votre  altesse; 
et  non  pas  votre  altesse  ,  Monseigneur.  Ces 
régies  peuvent  être  appliquées  aux  mots  mon- 
.^ieur  et  madame. 

MoNSiECR.  Subsl,  m.  En  prose  on  ne  prononce 
ni  le  n  ni  le  r  ;  en  poésie  on  prononce  quelquefois 
le  r. 

Yous  oubliez,  Monsieur, 
Qu'Hortense  est  ma  cousine  et  cbcrit  son  honneur. 
(YoLT.,  l'Indiscret.,  se.  vi,  55.) 

Le  pluriel  est  messieurs,  où  l'on  ne  prononce  ni 
le  r,  ni  le  s. 

Le  nom  de  monsieur  ne  doit  se  mettre  que 
devant  le  nom  des  auteurs  qui  sont  encore 
vivants,  ou  dont  la  mémoire  est  encore  récente. 
On  dit,  Corneille,  Jiucine,  f^oltaire,  Gresset  ; 
et  on  dit  quelquefois  encore  monsieur  de  La 
Harpe.  On  ne  doit  pas  ajouter  aux  noms  de 
juonsieur,  madame,  mademoiselle,  \c  nom  propre 
de  la  personne  à  laquelle  ou  adresse  la  parole, 
à  moins  que,  dans  une  compagnie,  on  ne  puisse 
désigner  autrement  la  persoiuie  à  qui  l'on  veut 
parler;  mais  on  peut  ajouter  les  noms  de  dignité 
ù  ceux  de  monsieur,  madame  :  Munsieur  le 
comte,  madame  la  comtesse,  pourvu  cependant 
iju'on  le  fasse  rarement  cl  sans  arieclation. 

Nous  ne  nous  servons  point,  dit  Voltaire,  des 
mots  monsieur,  madame,  dan?  les  comédies  tirées 
du  grec.  L'usage  a  i)ermis  que  nous  appelions 
les  Romains  ei  les  Grecs  seigneurs,  et  les  Ro- 
maines madame;  usage  vicieux  en  soi,  mais  qui 
cesse  de  l'être,  parce  que  le  temps  l'a  autorisé. 
[Remarques  sur  la  Bérénice  de  Racine.)  Voyez 
Monseigneur. 

Monstre.  Subsl.  m.  Au  propre  et  au  figuré,  il 
régit  quelquefois  la  préposition  de:  C'est  un 
monstre  de  laideur,  vn  monstre  de  nature.  — 
Un  monstre  iï ingratitude,  dc  cruauté.  L'Aca- 
démie le  délinit,  animal  ijui  a  une  conformation 
contraire  à  l'ordre  de  la  nature.  On  pourrait 
croire  d'a[irès  cela  (pie  le  mot  monstre  ne  peut 
se  dire  que  des  animaux.  Il  se  dit  de  toutes  les 
productions  dc  la  nature  qui  ne  sont  pas  con- 
formes aux  lois  ordinaires.  On  donne  ce  nom  en 
général  à  toute  i>roduciion  organisée  dans  la- 
quelle la  confurmalion ,  l'arrangemenl  ou  le 
nombre  dequclipies-uncs  des  parties  ne  si'ivent 
pas  les  régies  ordinaires.  Il  y  a  des  monstres 
dans  les  fleurs,  dans  les  fruits,  etc. 


MON 

Monstrueux,  Monstruelse.  Adj.  On  peut  le 
meure  avaiil  son  subsl. ,  lorsque  l'analosic  cl 
i'hariiionie  le  pcrmeUenl  :  Un  enfant  mon- 
strueux, un  animal  inonslnteux,un  uwnstrucux 
animal.  —  Une  ingratitude  monstrueuse,  une 
monstrueuse  ingratitude. 

Mont,  Montagni;.  L'Académie  explique  ces 
deux  mots  pai"  la  mciiie  dùlinilion,  sans  indiquer 
précisémenl  la  difforcnce  de  leurs  sii-MiiTR'atiuiis. 
Mont  désigne  une  masse  délaclu'C  de  loule 
autre  masse  i)areillc,  soit  j)liysii|iienicnt ,  soit 
idéalcmcni;  viontugne  ne  forme  qu'une  appella- 
tion vague,  sans  aucune  distinction  inilividnc'lle; 
et  on  y  joint  la  prcposilion  de,  pour  l'iippliiiucr 
à  des  olijels  indi\iducls  :  Les  montagnes  des 
Alpes,  lus  montagnes  de  Suisse.  Le  mont  esl 
Opposé  au  val  ou  vallon;  on  court  par  monts  et 
par  vaux.  La  montagne  est  proprement  opposée 
à  la  plaine  ;  on  mène  paitre  un  troupeau  de  la 
plaine  sur  la  montagne.  —  (Juand  on  dit  les 
monts,  on  entend  ordinairement  les  Alpes, 
comme  dans  ces  phrases,  passer  les  monts, 
repasser  les  monts,  au  delà  des  monts,  deçà  les 
monts. 

On  dit  le  mo}it  Caucase,  le  mont  Etna,  le 
mont  Liban,  \e7110nt  Apennin,  le  Juont  Olympe 
Il  semble  que  le  mol  mont  soit  affcclé  aux  mon- 
tagnes l'amcuscs  par  leur  hauteur;  cependant  on 
dit  les  montagnes  de  la  Lune,  et  les  montagnes 
de  lu  Table,  pour  marquer  celle  monlagnc  voi- 
sine du  cap  de  Bonne-Espérance  à  la  pointe 
méridionale  de  rArri(iiie,  quoi(iue  an  rapport  dos 
voyageurs  ce  soit  une  des  plus  haules  du  monde. 
Enfin,  l'usMge  a  voulu  tju'en  parlant  de  certaines 
montagnes  on  se  servit  de  leur  nom  loul  simple  : 
c'est  ainsi  qu'on  dit  les  Alpes,  les  Andes,  les 
Pyrénées,  les  Cévennes,  le  f^ésuve,  le  Slromboli, 
les  Vosges,  le  Schwarzwanden,  le  Pic,  l'Apen- 
nin. Voyez  Genre. 

Montagnakd,  Mo^iTAGNAr.DE.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subsl.  :  Peuples  montagnards, 
animaux  montagnards.  Voyez  Montagneux. 
Montagne.  Subsl.  f.  Voyez  Mont  ei  Genre. 
Mo.ntagneux,  .Montag>euse.  Adj.  On  jjcut  le 
mettre  avnnt  son  subsl.,  en  consultant  l'uroiUo 
et  l'analogie:  Pays  montagneux ,  contrée  mon- 
tagneuse, cette  montagneuse  contrée.  —  Mon- 
tagneux ne  se  dit  que  des  pays  où  il  y  a  beaucoup 
de  monlagnes;  cl  montagnard  se  dit  des  hommes 
et  des  animaux  qui  habitent  ces  pays. 

MoMÉE.  Subsl.  f.  Il  se  dit,  selon  l'Académie, 
d'un  petit  escalier,  dans  une  maison  de  pauvres 
gens.  —  Montée  en  ce  sens  est  une  expression 
vulgaire  par  hniuelle  le  bas  peuple  désigne  l'es- 
calier d'une  maison  quelconque,  petite  ou 
grande,  riche  ou  pauvie. 

Montre  se  dil  [)roprenient  de  la  iientc  plus  ou 
moins  douce  d'un  escalier.  On  le  dit  aussi  delà 
pente  plus  ou  moins  douce  d'une  montagne, 
d'une  éminencc,  d'uncoleau.  Les  anciens  archi- 
tectes disaient  une  viontée,  pour  dire  une  marche 
d'escalier. 

Monter.  V.n.  et  a.  dela'l"conj.  L'Académie 
donne  des  exemples  où  ce  verbe  prend  lanlôl 
l'auxiliaire  avoir,  lanlôl  l'auxiliaire  p^re;  mais 
elle  ne  dil  pas  dans  quels  cas  il  faut  employer 
l'un  ou  l'autre.  Noire-Seigneur  est  monté  au 
ciel;  il  a  inonté  quatre  fois  à  sa  chambre  pen- 
dant la  journée;  il  eal  monté  dans  sa  chambre 
et  y  esl  resté. —  Féraud  dil  qu'il  prend  l'auxi- 
liaire avoir  quand  il  est  actif  et  qu'il  a  un 
régime  direct  :  J'ai  monté  les  degrés;  et  qu'il 
preud  l'auxiliaire  être  quand  il  est  neutre.  Mais 


MON 


477 


celte  règle  n'est  pas  sufllsante,  car  elle  ne  pcul 
pas  s'ap|)liqucr  au  sec(jnd  exemple  donné  par 
l'.Acadéniie ,  qui  cmiiloie  avoir  dans  un  sens 
neutre.  —  \'i>]v\  la  ré^le  (pi'il  faut  suivre  pour 
ce  verbe  el  pour  ions  les  autres  semblables,  b: 
l'on  veut  exprimer  l'action  de  monter,  il  faui 
employer  l'auxiliaire  avoir  :  Il  a  monté  quatre 
fois  à  sa  chambre  pendant  la  journée;  il  n 
monté  pendant  trois  heures  au  haut  de  la 
montagne  ;  il  a  monté  les  degrés;  la  rivière  t. 
monté  de  six  pouces  depuis  hier.  Si,  au  contraire, 
on  veut  cxi)rimer  l'étal  tpii  résulte  de  l'action  d.- 
monter,  il  faut  employer  l'auxiliaire  être:  Il  esl 
monté  dans  sa  chambre  il  n'y  a  qu'une  lieure. 
f^otre  père  est-il  monté  dans  sa  chambre?  — 
Oui,  il  y  est  monté.  A  quelle  heure  y  a-t-il 
montéf  C'est-à-dire,  a-t-il  l'ait  l'action  d'y  mon- 
ter? Il  y  a.  monté  à  huit  heures. 

Le  vers  suivant  de  Voltaire  offre  un  exemple 
contraire  à  celle  règle  [OEd.,  act.  V,  se.  1,  6)  : 

J'ai  sauve  cet  empire  en  arrivant  au  trône; 
J'en  descendrai  du  inoius  comme  j'y  suis  monté. 

Mais  je  soutiens  que,  sans  le  mauvais  son  de  j'y 
ai,  VolUiirc  aurait  dit  j'y  ai  monté.  C'est  une 
licence  qu'un  usage  abusif  autorise,  mais  qui  ne 
doit  point  tirer  à  conscipience.  Voyez  Aspirer. 

Ce  verbe  a  un  grand  nombre  d'acceptions.  On 
dit  monter  à  cheeal;la  mer  monte;  monter  une 
pendule;  cet  instrument  est  monté  trop  haut; 
ce  mur  monte  au-dessus  du  voisin  ;  monter  la 
garde;  monter  un  vaisseau  ;  monter  en  graine; 
monter  en  couleur;  monter  une  machine;  la 
somme  de  ces  nombres  monte  haut;  les  astres 
montent  sur  V horizon  ;  il  est  înonté  sur  le 
théâtre;  le  luxe  est  monté  à  un  haut  excès; 
la  voix  de  Vtniwcence  est  montée  au  ciel;  il  esl 
monté  de  celte  classe  à  une  autre;  le  blé  monte, 
etc.  D'où  l'on  voit  que  d.ins  presque  toutes  ses 
accop'.ions,  il  ex[)rime  ou  siinplcinenl  ou  figiiré- 
menl  l'action  de  passer  d'une  situation  a  une 
autre  situalinn  plus  élevée. 

Monter  régit  les  prépositions  à,  sur,  dans,  en. 

Monter  à  suppose  un  but  que  l'on  veut 
atteindre,  en  allant  de  bas  en  haut  :  Monter  u 
l'assaut  ;  monter  à  la  brèche;  monter  au  haut 
d'un  arbre;  monter  à  une  tour,  au  haut  d'une 
tour.  . 

Monter  à  un  arbre  inariiue  le  dessem  d  en 
atteindre  une  partie  élevée,  en  quittant  la  terre  cl 
s'allachant  à  l'arbre:  Monter  à  un  arbre  pour 
prendre  un  nid  d'oi.ieaux.  On  dit  dans  le  même 
sens,  monter  à  une  échelle.  Monter  sur  un  arbre 
suppose  le  dessein  de  se  placer  parmi  les  bran- 
ches, soit  pour  er.  cueillir  le  fruit,  soit  pour 
éviter  quehiue  danger,  soit  pour  mieux  voir  ce 
qui  se  passe  aux  environs  :  Le  sanglier  le  pour- 
suivait, il  monta  sur  un  arbre,  el  non  pas  à  un 
arbre.  Il  faut  monter  sur  cet  arbre  pour  en 
cueillir  les  fruits.  Il  monta  sur  un  arbre  pour 
voir  passer  le  cortège.  On  monte  aussi  sur  un 
arbre  pour  Ic  tailler,  pour  l'élaguer,  pour 
l'émonder. 

Monter  à  cheval  suppose  le  dessem  de  partir, 
et  a  toujours  quehiue  rapport  à  l'art  de  manier 
un  cheval,  de  surte  <iue  monter  à  ne  se  du  pomt 
avec  les  noms  des  animaux  qui  ne  rappellent  pas 
directement  l'idée  de  cet  art.  On  ne  dit  pas 
monter  à  jument,  monter  à  cavale,  monter  a 
mulet,  montera  âne,  monter  à  chameau.  Mon- 
ter à  cheval  se  dit  même  particulièrement  de 
l'art  de  manier  un  cheval,  de  se  tenir  bien  a 


478 


MON 


cheval.  Ce  jeune  homme  monte  bien  à  cheval. 
Il  apprend  à  monter  à  cheval.  Quand  l'expression 
n'a  aucun  rappoil  a  ccl  an,  on  dil  monter  sur  : 
Il  monta  sur  son  cheral  pour  ne  pas  être  pressé 
dans  lu  foule.  Il  monta  sur  son  cheral  pour 
viievx  rnir  la  cérévumie. 

On  tlil  monter  sur,  pour  désigner  simplcinenl 
unesupériorilé  de  position  :  Monter  sur  un  cite- 
rai,  sur  un  âne,  sur  une  jument.,  sur  un 
chameau  ;  vionter  sur  une  chaise,  sur  tin 
escabeau,  sur  une  table,  sur  un  banc;  monter 
sur  une  échelle,  pour  êlre  dans  une  position 
commode  pour  atteindre  ou  pour  faire  quelque 
chose. 

On  monte  à  sa  chambre,  el  on  monte  dans  sa 
chambre.  La  première  locution  indi(|ue  simple- 
ment laction  de  monter  :  En  montant  à  ma 
chambre,  je  fis  un  faux  pus.  La  seconde  sup- 
pose l'inteniion  de  rester  dans  sa  chambre,  de  s  y 
renfermer.  On  monte  à  su  chambre  pour  prendre 
son  chapeau,  sa  canne,  un  livre,  etc.;  i)our  en 
redescendre  peu  de  temps  après.  On  monte  dans 
sa  chambre  pour  s'y  occuper,  pour  y  travailler, 
pour  s'y  entretenir  avec  quelqu'un,  pour  y  passer 
la  soirée,  pour  se  coucher. 

On  monte  en  voiture  pour  partir,  en  chaire 
pour  prêcher;  on  monte  dans  une  voilure  par 
ch"ix,  par  préférence  :  Je  ne  veux  pus  monter 
dans  cette  mauvaise  voiture.  On  monte  dans 
une  voiture,  pour  y  arranger  quelque  chose, 
pour  prendre  ce  qu'on  y  avait  oublié,  pour  la 
raccommoder;  en  un  mot,  dansions  les  cas  où 
il  n'est  pas  directement  question  do  dépurl.  On 
Tiiiiîite  dans  une  chaire  pour  la  décorer,  pour 
la  réparer,  pour  y  mettre  ce  dont  le  prédicateur 
a  besoin;  eu  un  mot,  dans  tous  les  cas  où  il  n'est 
pas  directement  question  de  prêcher.  On  a  fait 
dans  une  église  une  chaire  neuve,  le  curé  va  la 
voir,  y  monte  pour  juger  si  elle  est  commode, 
d:ins  \in  lem[)s  où  le  public  n'est  pas  assemblé 
dans  l'église;  alors  on  dit  qu'il  morde  dans  la 
cl/aire,  et  non  pas  qu'il  monte  en  chaire.  Voyez 
Dans. 

Monter  au  trône  se  dit  d'un  prince  qui,  par 
les  lois  du  pays,  a  droit  d'y  monter  ;  Il  monta  au 
trône  de  son  père,  au  trône  de  ses  ancêtres. 
v'  Monter  sur  un  trône  su[)posc  que  l'un  y  monte 
/  autrement  que  par  droit  de  succession  :  Les 
princes  qui  étaient  autrefois  élus  pour  régner 
en  Pologne,  montaient  sur  le  trône  de  Pologiie. 
Darius,  fils  d'Hystaspe,  né  dans  une  condition 
privée,  milita  sur  le  trône  de  Perso. 

*  Montrable.  Adj.  des  deux  genres.  Mol 
inusité  que  l'on  peut  employer  dans  queli]ues  cir- 
constances particulières.  Voltaire  écrit  à  madame 
du  Deffant,  qui  était  aveugle  :  Si  vous  aviez  des 
yeux,  vous  ririez  bien  de  ma  figure  de  quatre- 
ringl-un  ans;  elle  n'est  ni  transportuble,  ni 
montrable. 

MoMKER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Féraud  dit  que 
ce  mol  n'est  pas  du  style  noble.  C'est  une  erreur  : 
on  le  trouve  dans  nos  meilleurs  poètes: 

Il  faut  montrer  ici  ton  zèle  cl  la  prudence. 

(Rac,  Iphig.,  »cl.  I,  se.  1,  12C.) 

Qu'éloigné  du  mallieur  qui  m'opprime, 
Votre  cœur  aisément  se  »no>i(rc  magnanime. 

[Idem,  act.  I,  se.  m,  45.) 

Le  reste  pour  son  Dieu  montre  un  oubli  fatal. 

(lUc,  Ath.,  act.  I,  se.  I,  17.) 

MoNTOEux,  MONTUEUSE.  Adj.  Il  ïic  sc  mct 
qu^après  son  substantif  :  Pays  montueux 


MOR 

MoQCER.  V.  pronom,  delà  J"conj.  Féraud 
blâme  les  auteurs  qui  lont  employé  au  passif. 
Au  lieu  de  dire  la  crainte  d'être  mvqué,  il  veut 
qu'on  dise  la  crainte  qu'on  ne  .te  moque  de  moi, 
de  nous,  de  vous,  etc.  ;  et  c'est  en  faveur  de 
l'opposiiioïKiu'il  passe  celle  phrase  de  J.-J.  Rous- 
seau, Les  esprits  forts  qui  s'étaient  moqurs  de  la 
fée,  furent  moqués  à  leur  tour.  (  Heine  fan- 
tasque, t.  XIII,  30y.)  Il  ne  faut  pas  en  croire 
Féraud  sur  cet  article.  Tout  le  monde  em- 
ploie ce  verbe  au  passif;  et  outre  le  pioverî» 
qui  dit  les  moqueurs  sont  souvent  moqués^ 
l'Académie  donne  pour  exemple  //  fut  moqué  de 
tout  le  monde,  el  dil  expres.^cmenl  (jue  ce  verbe 
s'emploie  au  participe  avec  le  verbe  ^/rt. 

Moqueur,  .Moqueuse.  Adj.  qui  se  prend  sub- 
stantivement. Il  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  : 
Un  homme  moqueur,  une  femme  moqueuse  ;  un 
ris  moqueur,  un  air  moqueur. 

Moral,  Moiiale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subsl.  :  Discours  moral,  théologie  viorale,  pré- 
ceptes moraux ,  réflexions  morales  ;  vertus 
morales,  certitude  morale. 

MoRALi:.  Subsl.  f.  Il  n'a  point  de  pluriel.  C'est 
abusivement  (}uo  quelijues  personnes  disent  faire 
des  morales  à  quelqu'un. 

Moralement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
lauxiliaire  el  le  participe  ;  Il  vit  moralement 
bien;  il  a  moralement  bien  vécu.  —  Cela  est 
prouvé  7niiralement,  cela  est  moralement  prouvé. 
—  On  dit  moralement  parlant,  et  on  le  met 
comme  inci.se,  au  commencement  ou  a  la  lin  d'une 
proposition  :  Moralement  parlant,  cela  est  im- 
possible ;  cela  est  impossible,  moralemejit  par- 
lant. 

Moraliser.  V.  n.  de  la  d"^*  conj.  Tout  événe- 
ment moralise,  a  dil  La  Molle.  Expression  neuve 
et i)hilosophi(iue,dit  Mercier.—  En  1835,  l'Aca- 
démie l'acimei. 

Moralité.  Subsl.  f.  Depuis  la  révolution,  on  a 
dit  co  mol  pour  désigner  le  caractère  moral 
dune  fxjrsonne,  ses  manirs,  ses  principes.  Plu- 
sieui-s  grammairiens  se  sont  élevés  contre  celle 
nouvelle  acception;  mais  elle  a  été  et  elle  est 
encore  em})loyée  partout.  On  demande  des  ren- 
seignements stir  1(1  moralité  d'une  personne  à  qui 
l'on  veut  confier  un  emploi;  on  exisa  des  certi- 
ficats de  moralité.  Il  est  présumable  que  1  usage 
maintiendra  celle  expression,  malgré  les  gram- 
mairiens.—  On  la  trouve  dans  la  dernière  édi- 
tion du  Dictionnaire  de  l'Académie. 

Moralité.  Terme  de  littérature.  Toute  |)Oésie 
un  peu  sérieuse  «ioil  avoir  son  objet  d'utililé. 
son  bul  moral;  cl  la  vérité  de  senlimeni  ou  de 
réflexion  (]ui  en  résulte,  l'imiiression  salutaire 
de  crainte,  de  pitié,  d'admiralion,  de  mépris,  de 
haine  ou  d'amour  quelle  fait  sur  l'ànie,  est  ce 
qu'on  nomme  moralité.  (Marinonlel.)  Dans  l'a- 
])ologuo,  on  appelle  moralité  la  vérité  qui  ré- 
sulte du  récit  allégorique. 

Mor.DAisT,  Mordante.  A<lj.  On  le  met  avant 
son  subsl.,  lorsque  l'analogie  et  1  harmonie  le 
permettent:  Esprit  mordant,  style  mordant, 
traits  mordants.  Une  épigramme  mordante, 
celte  mordante  épi'/ramme;  une  humeur  mor- 
dante, cette  mordante  humeur;  une  satire 
mordante,  cette  mordante  satire;  des  cen- 
sures mordantes ,  de  mordantes  censures. 
Voyez  adjectif. 

MoRDiCAKT,  MoRnicANTF..  Adj.  Au  figuré,  el 
au  féminin,  on  i»eut  le  meltre  avant  son  subsl., 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permetlenl  :  Une 
humeur  mordicante,    cette  mordicante  humeur^ 


MOK 


MOT 


47» 


MoRGCE,  MonciER.  L'ii  n'esl  dans  ces  mois 
qAu-  pour  doiiuer  au  p  un  son  fort,  qu'il  n'a  pas 
devant  l'e.  Sans  cet  m,  on  prononcerait  ynorje, 
mnrjer. 

MOKT,  Morte.  Adj.  Dans  les  expressions  sui- 
vantes, il  a  un  sens  oifférent,  selon  qu'il  est  i)lacc 
»v;int  ou  après  le  subst.  Du  mort-bois  est  du 
liois  de  |)eii  de  valeur  qui  n'esl  propre  à  aucun 
ouvrage;  du  Imis  mort,  est  du  bois  séché  sur 
pied.  —  Morte-eau  se  dit  des  marées  (juand 
elles  sont  au  point  le  plus  bas;  eau  morte  se  dit 
de  l'eau  qui  ne  coule  pas,  comme  l'eau  des 
'langs,  des  mares,  etc. 

Mortel,  Mortelle.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  snb^t.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie. Dans  le  sens  de,  qui  donne  la  mon,  ou 
qui  parait  devoir  la  causer,  on  dit  une  moludie 
mortelle,  un  coup  mortel,  vne  b/essvre  mortelle, 
vn  poison  m  >r tel  ;  ai  Von  |)eut  dire  cette  mor- 
telle blessure.  —  Dans  le  sens  de  grand  ,  ex- 
trême, excessif,  haine  Tnortelle,  inimitié  mor^ 
telle,  un  déplaisir  mortel,  un  vioriel  déplaisir  ; 
c'est  son  ennemi  mortel,  c'est  son  viortel  en- 
nemi, n  y  a  trois  mortelles  lieues  d'ici  là,  cl 
non  pas  trois  lieues  mortelles.  On  dit  un  effroi 
viortel,  et  inortel  effroi.  Féraud  [)rélend  que, 
quand  il  signifie  (pii  est  sujet  a  la  mort,  il  ne 
peut  se  mettre  qu'après  son  subst.;  et  en  consé- 
quence il  blâme  ce  vers  de  Racine  dans  Esther 
(aci.  III,  se.  vu,  52)  : 

Le  succès  est  certain 
Si  le  snccès  dépend  A' Tine  mortelle  main. 

Je  ne  pense  pas  que  la  critique  soit  juste.  On 
peut  quelquefois  mettre  cet  adjectif  avant  son 
subst.,  dans  le  sens  indiqué  par  férauil. 

Mortellement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  nous  a  offensés 
mortellement,  ou  il  nous  a  mortellement  offen- 
sés. 

Mort-gage.  Subst.  m.  Ce  mot  étant  composé 
d'un  substantif  cl  d'un  adjectif,  lun  et  l'autre 
doit  prendre  la  marque  du  pluriel;  ainsi  l'on  doit 
écrire  au  pluriel  des  iwirts-gages. 

Morte-saiso:m.  Subst.  f.  (^e  mot  étant  composé 
d'un  substantif  cl  d'un  adjectif,  l'un  cl  l'autre 
doit  prendre  la  inar(]ue  du  pluriel.  Il  faut  donc 
écrire  au  pluriel  de*  mortc.'i-sai.^ons. 

Mortifiant,  Mortifiante.  Adj.  verbal  lire  du 
V.  mortifier.  On  peut  (pielquefois  le  mettre  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  i  analogie  : 
Une  chose  -mortifiante.  Une  injure  mortifiante, 
vue  mrrtifiaiite  injure  ;  des  humiliatûms  rnor- 
tifutntes ;  de  mortifumtes  humiliatiojis.  Un  refus 
mortifiant,  un  mortifiant  refus. 

Mort-ivre.  Adj  L'.\cad(Mnie  dit  ivre-mort. 
On  dit  l'un  et  l'autre.  Nous  pensons  que  mort- 
ivre  se  dit  d'un  homme,  et  qu'en  parlant  d'une 
femme,  on  doit  dire  ivre-mcrte.  pour  distinguer 
par  la  ]trononciaiion  le  féminin  du  masculin; 
car  il  n'y  aunit  aucune  différence  pour  la  pro- 
nonciation entre  mort-ivre  et  morte-ivre.  — 
On  dira  de  même  au  pluriel,  morts-irres  au 
masculin,  et  ivres-mortes  au  féminin.  Ce  fémi- 
nin pluriel  sera  analogue  au  singulier;  et  l'on 
évitera  la  prononciation  dure  de  mortes-irres. 

MoRT-NÉ.  Adj.  L'Académie  écrit  au  pluriel  deux 
enfants  mort-nés.  Il  nous  semble  (ju'on  doit 
écrire  morts-nés.  Un  enfant  mort-né  est  un 
enfant  né  mort  ;  des  enfants  morts-nés  sont 
des  enfants  nés  morts. 

Mortuaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :    Un  drap  mortuaire. 


un  registre  martuaire,    un  extrait   mortuaire 

Morvecx,  Morvedse.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'a|)rés  son  subst.  :  Enfant  mm-vevx  ,  nez 
morreux. 

Mot.  Subst.  m.  Le  t  final  ne  se  prononce  que 
devant  une  voyelle.  Mut,  dit  l'Acadéuiie,  se  dit 
d'une  ou  plusieurs  syllabes  réunies  (pii  expri- 
ment une  idée.  Les  granuiiairiens  divisent  les 
mots  en  substantif,  article^  adjectif,  pronom, 
verbe,  préposition,  adi^erbe,  conjonction  et  iti- 
terjection.  Voyez  ces  mots. 

11  faut  distinguer  dans  ces  mots  la  significa- 
tion objective  et  la  signification  formelle  ;  la 
signification  objective,  c'est  l'idée  fondamentale 
(pii  est  l'objet  de  la  signification  du  mot,  et  qui 
l)cul  être  désignée  par  des  mois  de  différentes 
espèces.  La  sigiiificalH>n  formelle,  c'est  la  ma- 
nière particulière  dont  le  mot  présente  à  l'esprit 
l'objet  dont  il  est  le  signe ,  laquelle  est  com- 
mune à  tous  les  mots  de  la  même  espèce,  et  ne 
peut  convenir  à  ceux  des  autres  espèces. 

Le  même  objet  pouvant  donc  être  signifié 
par  des  mots  de  différentes  es|)éces,  cm  peut 
dire  que  tous  ces  mots  ont  une  mêiiis  significa- 
tion objective,  [larce  qu'ils  représentent  tous 
la  même  idée  fondameruale  ;  mais  chaque  es- 
pèce ayanl  sa  manière  propre  de  prê£3nter 
l'objet  dont  il  est  le  signe,  la  signification  for- 
melle est  nécessairement  diflérenie  dans  les 
mots  de  diverses  espèces,  quoiqu'ils  puissent 
avoir  une  même  signification  objective.  Commu- 
nément ils  ont,  dans  ce  cas,  une  ra<"ine  généra- 
tive  commune,  ijui  est  le  type  matériel  de  l'idée 
fondamentale  qu'ils  représentent  tous;  mais  celle 
racine  est  accompagnée  d'inflexions  et  de  termi- 
naisons qui,  en  désignant  la  diversité  des  e.s- 
péc(!s,  caractérisent  en  même  temps  la  signifi- 
cation formelle.  Ainsi  la  racine  commune  um 
dans  aimer,  amitié,  ami,  amical,  amicalement, 
est  le  type  de  la  signification  objective  com- 
mune a  tous  ces  mots,  dont  l'idée  londaincntale 
est  celle  de  ce  sentiment  affectueux  qui  lie  les 
hommes  par  la  bienveillance;  mais  les  diverses 
iiillexioiis  ajoutées  a  cette  racine  désignent  tout 
à  la  fois  la  diversité  des  espèces,  et  les  différentes 
significations  formelles  (jui  y  sont  attachées. 

11  faut  encore  distinguer,  dans  la  signification 
objective  des  mots,  l'idée  ]irincipale  et  les  idées 
accessoires.  Lorsque  plusieurs  mots  de  la  même 
espèce  re|)résenlent  une  même  idée  objective, 
variée  seulement  de  l'une  à  l'autre  par  des  nuan- 
ces différentes  qui  naissent  de  la  diversité  des 
idées  ajoutées  à  la  première,  l'Clie  qui  est  com- 
mune a  tous  les  mots  est  l'idée  principale;  et 
celles  qui  y  sont  .ajoutées,  et  qui  différencient 
les  signes,  sont  les  idées  accessoires.  Par  exem- 
ple, amour  el  amitié  sont  des  noms  cpii  [irésen- 
lent  également  à  l'esprit  l'idée  de  ce  sentiment  de 
Vàmf  qui  porte  les  hommes  à  se  réunir;  c'est 
l'idée  pniicii)ale  de  la  signification  objective  de 
ces  deux  mots.  Mais  le  n)in  amour  ajoute  à  cette 
idée  principale  l'idée  accessoire  de  l'inclination 
d'un  sexe  pour  l'autre;  et  le  nomawi'^tt;  y  ajoute 
l'idée  accessoire  d'un  juste  fondement,  sans  dis- 
tinction de  sexe.  On  trouvera,  dans  les  mêmes 
accessoires,  la  différence  des  substantifs  amam 
et  ami,  des  adjectifs  amoureux  et  amical,  des 
adverbes  avwvrev sèment  cl  amicalement. 

Quand  on  ne  considère  dans  les  mois  de  la 
même  espèce  qui  désignent  une  même  idée  ob- 
jective principale,  (jue  celte  seule  idée  prin- 
cipale, ils  sont  synonymes  ;  mais  ils  cessent  de 
l'èlrc  quand  on  fait  attention  aux  idées  accès- 


480 


MOT 


soires  (lui  les  différeiicieiil.  A'uycz  Si/ituiujntcs. 
Dans  bien  des  eus,  on  peul  les  eiii|)loyor  iiidis- 
lincieincnt  cl  sans  choix  ;  c'esl  surinui  luisijn'on 
ne  veut  et  qu'on  ne  doit  préseiiler  d;iMS  le  dis- 
cours (juc  l'idée  pi  iiicipidc,  el  qu'il  n'y  a  dans 
la  lani;ue  aucun  mol  (|ui  lexpriniC  seule,  avec 
abslraclion  de  toute  idée  acicssoirc.  Alors  les 
circonstances  font  assez  connaître  (|uc  l'on  l'ait 
abstraction  des  idées  accessoires,  que  l'on  dési- 
gnerait par  le  nicmc  mol  en  d'autres  occurrences. 
Mais,  s'il  y  avait  dans  la  langue  un  mol  qui 
signifiât  ridée  i)rincipale  seule,  el  abslraile  de 
toute  autre  idée  accessoire  ,  ce  serait,  en  ci-tle 
occasion,  une  faute  contre  la  jusiesse,de  ne  pas 
s  en  servir  plutôt  t|ue  d'un  autre  auquel  l'usa^'c 
aurait  attaché  la  signilication  de  la  même  idée, 
modiliée  par  d'autres  idées  accessoires. 

Dans  d'autres  cas,  la  justesse  de  rcxprcs>ion 
exige  (pie  l'on  choisisse  scrupuleusement  entre 
les  synonymes,  parce  <iu'il  n'est  pas  toujours 
indifférent  de  présenter  l'idée  principale  sous  un 
aspect  ou  sous  un  autre. 

Aux  mots  synonymes,  caractérisés  par  l'iden- 
tité du  sens  principal,  maigre  les  différences 
maléric'llcs,  on  peut  opposer  les  mois  homony- 
mes, caraclcriscs  au  contraire  par  la  diversité 
des  sens  princijjaux,  malgré  l'idealitc  ou  la  res- 
semblance dans  le  matériel. 

Remaripiez  qu'il  ne  faut  pas  s'en  rapporter 
uniquement  au  matériel  d'un  mol,  pour  juger  de 
quelle  es[)cce  il  est.  On  trouve  des  homonymes 
qui  sont  tantôt  d'une  espèce  et  tantôt  d'une 
autre,  selon  les  différentes  significations  dont  ils 
se  revêtent  dans  les  diverses  occurrences.  Par 
exemple  ,  .si  est  conjonction  quand  on  dit  si 
vous  voulez  ;  il  est  adverbe  quand  on  dit  vous 
parles  si  bien;i\  est  nom  lorsiiu'en  termes  de 
musique  on  dit  un  si  cadence.  En  est  quelque- 
fois préposition,  jD<i?Ver  en  maître;  d'autres  fois 
il  est  pronom,  nous  en  arrivons.  Tout  est  nom 
dans  celle  phrase  :  Lo  lout  est  plus  grand  que 
sa  partie;  il  est  adjectif  dans  celle-ci  :  Tout 
lioinme.  est  menteur;  il  est  adverbe  dans  cette 
troisième  :  Je  suis  Uml  surpris. 

C'esl  donc  surtout  dans  leur  signification  qu'il 
faut  examiner  les  mots  pour  en  bien  juger;  et 
l'on  ne  doit  en  fixer  les  espèces  ipie  par  les  dif- 
férences spécifiipies  qui  en  délerminent  les  ser- 
vices réels.  Si  l'on  doit,  dans  ce  cas,  quel»iue 
attention  au  matériel  des  mots,  c'est  pour  en 
observer  les  diffcrenies  métamorphoses,  (]ui  ne 
sont  toutes  que  sa  nature  sous  diverses  formes; 
car  plus  un  objet  montre  de  faces  différentes, 
plus  il  est  accessible  a  nos  lumières. 

L'nc  chose  essentielle  pour  penser  juste  et 
pour  exprimer  neliement  ses  pensées,  c'est  d'at- 
tacher toujours  aux  mots  des  idées  claires  et 
précises.  Il  n'est  que  trop  fréquent,  et  l'expé- 
rience nous  inontH!  tous  les  jours,  ipie  l'on  est 
dans  l'habitude  d'employer  des  mots  sans  y 
joindre  des  idées  précises,  ou  même  aucune 
idée  ;  de  les  eini>loyer  taniôl  dans  un  sens,  tantôt 
dans  un  autre  :  ou  de  les  lier  à  d'autres  qui  en 
rendent  la  signification  indéterminée,  el  de  su[)- 
poser  toujours  que  les  mots  excitent  chez  les 
autres  les  mêmes  idées  que  nous  y  avons  aita- 
chécs.  Le  meilleur  conseil  <jue  l'on  puisse  donner 
contre  cet  abus,  c'esl  de  s'apjiliiiuer  à  n'avoir 
que  des  idées  bien  nettes  et  bien  déterminées, 
de  n'employer  jamais,  ou  du  moins  que  le  plus 
raremciil  possible,  des  mots  qui  ne  nous  donnent 
pas  une  idée  claire;  de  lâcher  de  fixer  la  signi- 
fication de  ces  mots;  de  suivre  en  cela  l'usage 


MOT 

commun,  auianl  qu'on  le  pourra  ;  et  enfin  d'éviler 
de  prendre  le  même  mol  en  deux  sens  différents. 
Si  celle  règle  générale,  il  idée  |)ar  le  bon  sens, 
élait  suivie  el  observée  dans  tous  les  détails  avec 
quelque  soin,  les  mots,  bien  loin  d'être  un 
obstacle,  deviendraient  un  aide  cl  un  secours. 

Tout  mol  peul  avoir  un  sens  propre  el  un  sens 
figure.  Un  mot  est  au  propre  cpiand  il  signifie 
ce  pounpioi  il  a  clé  premiércmeni  établi,  l.e  mot 
lion  a  été  d'abord  destine  à  signifier  cel  animal 
qu'on  a|ipelle  lion  :  Je  viens  de  lu  ménagerie,  j'y 
ai  vu  lin  beau  lion;  lion  est  pris  là  dans  le  sens 
propre.  Mais  si,  en  i)arlant  d  un  homme  em- 
I>orié,  je  dis  c'est  un  lion,  lion  est  alors  ilans  le 
sens  figuré.  —  tjuand,  par  comparaison  ou  par 
analogie,  un  mot  se  prend  ilans  tiuelque  autre 
sens  que  celui  de  sa  deslinalion,  cet  accident 
peul  êlre  appelé  l'acception  du  mot. 

11  y  a  des  mois  primitifs  el  des  mots  dérivés. 
Un  mol  est  |irimilif  lorsqu  il  n'est  tiré  d'aucun 
autre  mot  de  la  langue  dans  laquelle  il  est  en 
usage.  Ciel,  roi,  bon,  sont  des  mois  primitifs. 
Un  mol  est  dérivé  lorsqu'il  esl  tiré  de  quehjue 
autre  mol  comme  .'■^  «a  source.  Ainsi  céleste, 
royal,  royaume,  royauté,  rryalcment,  bonté, 
bonnement,  soiil  des  iMOls  dérivés. 

Un  mot  peul  êlre  simple  ou  composé.  Juste, 
justice,  sont  des  mots  simples;  injuste,  injus- 
tice, sont  des  mois  composés. 

On  connaît  en  fran(;ais  les  rapports  respectifs 
des  mois  entre  eux  par  l'ai  rangeinenl  dans  lequel 
on  les  place;  voyez  Construction  ;  \)'at  les  pré- 
positions qui  mettent  les  noms  en  rapport, 
comme  par,  pour,  sur,  dans,  en,  à,  (/<?,  etc.  Les 
prénoms  ou  prépositifs ,  ainsi  nommés  parce 
qu'on  les  place  devant  les  subslanlifs,  servent 
aussi  à  faire  connaître  si  l'on  doit  prendre  les 
noms  dans  un  sens  général,  ou  dans  uu  sens 
singulier,  ou  dans  un  sens  indéfini,  ou  dans  un 
sens  individuel.  Enfin ,  après  que  toute  une 
phrase  a  été  lue  ou  énoncée,  l'esprit,  accoutume 
à  la  langue,  se  prêle  à  considérer  les  mois  dans 
l'arrangement  convenable  au  sens  total,  cl  même 
à  suppléer,  par  analogie,  des  mots  qui  sont  quel- 
quefois Sous-entendus.  Kien  de  plus  commun 
aujourd'hui  que  de  créer  des  mois  nouveaux  sans 
nécessité.  J.-J.  Kousseau  a  indi<]ué,  dans  le 
passage  suivant,  les  conditions  au.xquelles  on 
peul  se  ])ermellre  celle  création.  «  Quand  j'ai 
hasardé,  dit-il,  le  mol  investigation,  j'ai  voulu 
rendre  un  service  à  la  langue,  en  y  introduisant 
un  terme  doux  el  harmonieux,  dont  le  sens  est 
déjà  connu,  el  qui  n'a  point  de  synonyme  en 
français.  C'esl,  je  crois,  toutes  les  conditions 
qu'on  exige  pour  autoriser  celle  lilK-rté  salu- 
taire, n  (  JNote  3'^  de  la  lettre  de  J.-J.  sur  une 
nouvelle  réfutation  de  son  discours  par  un  aca- 
démicien de  Dijon.)  \  oyez  Ncolngie. 

Nous  avons  dit,  au  mol  Monosyllabe,  ce  <|u'il 
faut  penser  des  vers  qui  ne  sont  composés  que 
de  ces  sortes  de  mots.  La  Har|)e  nous  donne  un 
anire  conseil  sur  les  mois  composés  de  cinq  syl- 
labes. Voltaire  a  dit  dans  V Orphelin  de  la  Chine 
(act.  I,  se.  1, 1)  : 

Se  peut-il  qu'en  ce  lemps  de  désolation  f 

En  général,  dit  La  Harpe,  il  faut  êlre  fort  sobre 
de  ces  sortes  de  mois  de  cimi  syllabes,  difficiles 
à  bien  placer  dans  nos  vers,  el  particulièrement 
ceux  qui  finissent  en  ion.  Ils  sont  très-rares  dans 
Racine;  mais  surtout  ils  ne  sont  pas  faits  pour 
le  commencement  d'une  pièce,  qui  doit  loujourj 


MOT 

eire  soigné,  et  prévenir  favorablement  l'oreille 
du  spectateur.  (Cours  de  littérature.) 
A  ces  ots.  Expression  adverbiale.  Quand  il 
,  eut  dit  cela.  11  se  met  à  la  tète  delà  phrase;  .4 
ces  mots,  Idoménée  embrassa  Téit'maque.  (ïù- 
nelon,  Télém.,  liv.  IX,  t.  i,  |).  310.) 

Mot  à  mot.  Phrase  adverbiale.  Sans  aucun 
cbangemciil,  ni  dans  les  mots  ni  dans  leur  ordre  : 
.flpprendre  un  discours  mot  à  mot. 

Mot  pour  mot.  Expression  adverbiale.  En  ren- 
dant le  sens  de  chaiiue  mot,  traduire  un  discours 
mot  pour  mot. 

Mot  signifie  aussi  sentence,  apoplilhcgme,  dit 
notable,  jiarole  remarquable,  ingénieuse,  plai- 
sante, agréable.  —  On  appelle  mot  heureux,  un 
mot  heureu.sement  trouvé;  beau  mot,  un  mot 
plein  de  sens  ei  de  raison  :  Ce  beau  mot  est  d'un 
philosophe  grec.  On  dit  le  mot  pour  rire,  en 
parlant  des  plaisanteries  que  l'on  dit  pour  égayer 
une  compagnie  :  Ce  vieillard  a  toujour.i  le  luot 
pour  rire.  En  parhint  d'une  chose  sérieuse  et 
importante  qui  ne  saurait  être  tournée  en  i)Iai- 
santerie,  on  dit  il  n'y  a  pas  le  mot  pour  rire. 
—  Mot  profond  sc  dit  d'un  mot  (|ui,  sous  l'ap- 
parence d'un  sens  ordinaire,  renferme  un  sens 
plus  unporlant.  On  appelle  mot  fin,  une  expres- 
sion qui,  sous  une  apparence  de  simplicité,  offre 
iine  idée  délicaie  et  spirituelle.  On  appelle  fami- 
lièrement le  fin  mot  d'une  affaire,  l'intention 
secrète  de  ceux  qui  la  proposent  ou  qui  la  font 
marcher. 

Mot  consacré.  On  appelle  mots  consacrés  , 
certains  mots  particuliers  (|ui  ne  sont  bons  qu'en 
certaines  occasions,  et  on  leur  a  peut-être  d ^nné 
ce  nom,  parce  que  ces  mots  ont  commencé 
par  la  religion,  dont  les  mystères  n'ont  pu 
être  exprimés  que  par  des  mots  faits  exprès. 
Trinité,  incarnation,  nativité,  transfigura- 
tion ,  annonciation ,  Visitation ,  assomption 
fils  de  perdition ,  portes  de  l'enfer,  vase  d'é- 
lection, homme  de  péché,  etc.,  sont  des  mois 
consacrés  aussi  bien  que  cène,  cénacle,  fraction 
de  pain,  acte  des  apôtres,  etc. 

De  la  religion,  on  a  étendu  ce  mot  de  consa- 
cré aux  sciences  et  aux  arts,  de  sorte  que  les 
mots  propres  des  sciences  et  des  arts  s'ap|)cllent 
consacrés.  Tels  sont  gravitation,  raréfaction, 
condensation,  et  un  grand  nombre  d'autres  ei! 
matière  de  physique;  allegro,  adagio,  ana, 
arpeggio,  en  musique,  etc. 

Il  faut  se  servir  sans  difficulté  des  mots  con- 
sacrés dans  les  matières  de  religion,  de  sciences 
et  d'ans.  Celui  qui  voudrait  dire,  par  exemple, 
la  fête  de  la  naissance  de  Notre-Seigneur,  lu 
fête  de  la  visite  de  lu  F'ierge,  parlerait  très-mal. 
L'usage  veut  qu'on  dise,  en  parlant  de  ces  deux 
mystères,  la  nativité  et  la  Visitation.  Ce  n'est 
pas  qu'on  ne  puisse  dire  la  naissance  de  Noire- 
Seigneur,  cl  la  visite  de  laTiarge.  Par  exemple 
la  naissa?ice  de  Notre-Seigneur  est  bien  diffé- 
rente de  celle  des  princes;  la  visite  que  rendit 
la  vierge  à  sa  cousine,  ne  ressemblait  point 
aux  visites  profanes  du  mojide.  L'usage  veut 
qu'on  dise  aussi  la  cène  et  le  cénacle;  et  ceux 
qui  diraient  une  chambre  haute  pour  le  cé- 
nacle, et  le  souper  \mut  la  cène,  s'exprimeraient 

B,n  mot.  On  appelle  ainsi  un  sentiment  vive- 
ment et  finement  exprimé.  Il  faut  que  le  bon  mot 
naisse  naturellemeni  ei  sui-ie-champ;  qu'il  soit 
ingénieux,  plaisant,  agréable,  enfin  qu'il  ne  ren- 
lerme  point  de  raillerie  grossière,  injurieuse  et 
piquante.  La  plupart  des  bons  mots  consistent 


MOU 


461 


dans  des  tours  d'expi-ession  qui  offrent  à  l'esprit 
deux  sens  également  vrais,  m.iis  dont  le  premier, 
(lui  saute  d'abord  aux  yeux,  n'a  rien  (jue  d'in- 
nocent ;  au  heu  (pie  l'autre,  qui  est  le  i)lus 
caché,  renferme  souvent  une  malice  ingénieuse. 
Le  bon  mot  est  i)bUol  ima^'iné  (pic  pensé- ii 
prévient  la  inédil:iiion  et  le  "raisonnement, 'et 
c'est  en  partie  pouniuoi  tous  les  bons  mots  ne 
sont  pas  capables  de  soutenir  l'impression.  La 
plui)ait  perdent  hur  grâce  dés  ([u'on  les  rapporte 
détachés  des  circonstances  qui  les  ont  fait  naitre, 
circonstances  (ju'il  n'est  jias  aisé  de  faire  sentir 
à  ceux  qui  n'en  ont  pas  été  les  témoins.  Voyez 
Jeu  de  mots.  (Extrait  en  grande  partie  de  ÏÉn- 
cyclopédie.)  A'oyez  Accident. 

Mot,  pris  adverbialement,  exclut  pas  on  point: 
Il  n'a  dit  mot. 

MoTEnn.  Subst.  m.  L'Académie  n'indique  pas 
de  quel  mot  il  faut  se  servir  en  parlant  d'une 
femme,  mais  elle  dit  qm  l'adjectif  moteur  fait 
au  leininin  motrice:  f^ertu,  faculté,  puissance 
motrice.  Féraud  {iréiend  qu'en  parlant  d'une 
femme  qui  aurait  donné  le  brunie  à  une  affaire, 
on  iiouirait  et  on  devrait  dire  qu'elle  a  été  le 
moteur,  et  non  pas  la  motrice  de  cette  affaire. — 
Comme  Féraud  n'appuie  son  opinion  ni  sur  des 
raisons  ni  sur  des  exemples,  je  pense  (ju'on  peut 
se  dispenser  de  l'adopter;  puisque  l'Académie 
dit  motrice  dans  la  signification  adjcctive,  on 
ne  voit  pas  pourquoi  on  ne  le  dirait  pas  substan- 
tivement; et,  puisqu'on  dit  eZ/e  a  été V instigatrice 
de  cet  événement,  disons  aussi  elle  a  été  la 
motrice  de  cet  événement. 

Motus.  Interjection.  On  prononce  le  s.  Il  est 
fjimilier. 

Mon,  Molle.  Adj.  Il  fait  au  pluriel  rnous  et 
non  pas  7noux.  Le  masculin  se  met  toujours  après 
le  subst.:  Un  lit  mou,  un  clieval  mou,  un  général 
mou.  Le  féminin  peut  quelquefois  se  mettre  avant 
son  subst.  On  dit  une  molle  oisiveté,  et  l'on  ne 
peut  pas  dire  une  oisiveté  molle. 

J'aime  mieux  un  ruisseau  qui  sur  la  molls  arène 
Dans  an  pré  plein  de  fleurs  lentement  se  promène. 
(BoiL.,  A.  P.,  I,  167.) 

Mais  on  dit  de  la  cire  molle,  des  chairs  molles, 
des  poires  mol/es. 

Mouchard.  Subst.  m.  On  ne  fait  point  sentir 
le  d. 

Moucher.  V.  a.  delà  !'«  conj.  :  Moucher  un 
enfant,  se  moucher.  Il  y  a  des  gens  qui  disent  et 
des  auteurs  qui  ont  écrit  moucher  dans  un  sens 
neutre,  comme  tousser.,  cracher;  c'est  une  faute 
qu'il  faut  éviter.  Moucher  doil  toujours  avoir  un 
régime.  Je  me  mouche  souvent,  et  non  pas  je 
mouche  souvent.  —  I.'Académie,  dans  la  der- 
nière édition  de  son  Dictionnaire,  dit  (jue  le  verbe 
moucher  s'emploie  quelquefois  absolument,  dans 
le  même  sens  (jue  s'il  était  accompagné  du  pro- 
nom :  Il  ne  mouche  presque  point,  le  tabac  fait 
moucher.  Elle  permet  aussi  de  dire  7/ioucher  du 
sang 


MoucHETTi:s.  Subst.  f.  [)lur  Ce  mot  n'a  point 
de  singulier.  On  dit  les  mouchettes,  et  non  pas 
la  mouchettiL 

MouDUE.  f .  a.  et  irrég.  de  la  4'  conj.  Il  se 
conjugue  ainsi  qu'il  suit  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  mouds,  tu  mouds,  il 
moud;  nous  moulons,  vous  moulez,  ils  moulent. 
—  Imparfait.  Je  moulais,  lu  moulais,  ii  moulait; 
nous  moulions,  vous  mouliez,  ils  moulaient.  — 
Passé  simple.  Je  moulus,  tu  moulus,  il  moulut; 

3J 


482 


MOU 


nous  inoulùiiios,  vous  moulûles,  ils  moulurent. 
—  Futur.  Je  moudrai,  lu  moudras,  il  moudra; 
nous  moudrons,  vous  moudrez,  ils  moudront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  moudrais,  tu 
moudrais,  il  moudrait;  nous  moudrions,  vous 
moudriez,  ils  moudraient. 

Impcratil"  —  fn'sent.  Mouds,  qu'il  moule; 
moulons,  moulez,  qu'ils  moulent. 

Subjonctif.  —  l'rcsent.  Que  je  moule,  que  lu 
moules,  qu'il  moule;  «jue  nou.s  moulions,  que 
vous  mouliez  ,  (ju'ils  moulent.  —  Imparfait. 
Que  je  moulusse,  que  tu  moulusses,  qu'il  luou- 
lût;  (jue  nous  moulussio/;s,  (jue  vous  moulus- 
siez, qu'ils  moulussent. 

Participe.  —  Présent.  Moulant.  —  Passé. 
Moulu,  moulue. 

Il  prend  l'auxiliaire  avoir  dans  ses  temps  com- 
posés. 

Mouiller.  V.  a.  de  la  l'"  conj.  En  terme 
de  grammaire,  on  dit  mouiller  les  l,  pour 
dire  les  prononcer,  non  loul  à  l'ait  selon  leur  son 
naturel,  comme  dans  Achille,  ville,  mais  avec 
une  sorte  de  mollesse,  comme  dans  fille,  grille. 
Alors  les  deux  l  sont  presijue  toujours  précédés 
d'un  i,  et  quand  celle  voyelle  y  est  ^eule,  elle 
se  fait  sentir  comme  à  l'ordinaire,  fille,  grille; 
mais  ([uand  il  s'y  trouve  d'autres  voyelles  ou 
quelque  diplitbongue,riest  presque  muet,  n'étant 
mis  là  que  pour  faire  mouiller  les  deux  l  :  Ba- 
taille, bouteille,  cueille.  (Acad.)  Voyez  L.  On 
dil  aussi  qu'on  mouille  les  deux  lettrés  ^n,  pour 
dire  qu'on  l"s  pronc  r.ce  comme  dans  agneau,  et 
non  pas  a\\;c  un  se n  dur  comme  dans  agnat, 
que  l'on  prononce  aguenat. 

MoDRANT,  .Mourante.  Adj.  verbal  tiré  du  verbe 
mourir,  hc  masculinsuit  toujours  le  subsl  :  Un 
hcvime  mourant,  les  yeux  movrants.  Le  féminin 
peut  quelquefois  le  précéder  :  Sa  voix  mourante, 
ou  sa  mouranie  voix;  cet  adjectif  est  admis  dans 
le  style  noble  : 

Et  la  triste  Italie  eneor  toule  fumante 

Uti  feux  qu'a  rallumés  ^a  liberté  mourante. 

(Rac,  mthrid.,  act.  III,  se.  I,  61.) 

Son  père  à  ses  côtés  sous  mille  coups  mourant. 

(Volt.,  Henr.,  ii,  519.) 

Je  la  yois  cette  lettre  à  jamais  effrayante 

Que,  prête  à  se  glace<r,  traça  sa  main  mourante. 

(Volt.,  Sémir.,  act.  I,  se.  m,  21 .) 

Mourir.  V.  n.  et  irrégulicrde  la  2*  conj.  On 
le  conjugue  ainsi  qu'il  suit  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  meurs,  tu  meurs,  il 
meurt;  nous  mourons, vous  mourez,  ils  meurent. 

—  Imparfait.  Je  mourais,  tu  mourais,  il  mou- 
rait ;  nous  mourions,  vous  mouriez,  ils  mouraient. 

—  Passé  simple.  Je  mourus,  lu  mourus,  il  mou- 
rut; nous  mourûmes,  vous  mourûtes,  ils  mou- 
rurent. —  Futur.  Je  mourrai,  tu  mourras,  il 
mourra  ;  nous  mourrons,  vous  mourrez,  ils  mour- 
ront. 

Conditionnel. — Présent.  Je  mourrais,  lu  mour- 
rais, il  mourrait;  nous  mourrions,  vous  mour- 
riez, ils  mourraient. 

Impératif.  —  Présent.  Meurs,  qu'il  meure; 
mourons, mourez,  qu'ils  meurent. 

Subjonctif.  — Présent..  Que  je  meure,  que  tu 
meures,  qu'il  meure;  que  nous  mourions,  que 
vous  mouriez,  qu'ils  meurent.  —  Imparfait. 
Que  je  mourusse,  que  tu  mourusses,  qu'il  mou- 
rût ;  que  nous  mourussions,  que  vous  mourussiez, 
qu'ils  moarusscnt. 


MOU 

Participe.  —  Présent.  .Mourant,  —  P^naé 
Mort,  morte. 

Ce  verbe  prend  l'auxiliaire  être  dans  ses  temps 
comiwsés. 

Faire  iiuurir  ne  se  dil  pomt  au  passif.  Quoi- 
que Yaugelas  ait  condamné  il  y  a  longtemps  les 
expressions  il  a  été  fait  mourir,  il  fut  fait 
mourir,  le  peuple  ne  laisse  pas  de  s'en  servir 
encore,  et  surtout  à  Taris. 

Racine  a  Ai\.{Frères  ennemis,  act. A',  se.  v,  ^)  : 

Et  du  même  poignard  dont  est  morte  la  reine. 
Celte  Gère  princesse  a  percé  son  beau  sein. 

On  dit  bien  viourir  de  faim,  de  chagrin,  de 
douleur,  mourir  de  ses  blessicres,  mais  on  ne 
dit  pas  mourir  d'un  poignard,  d'une  épée,  d'un 
boulet  de  canon.  Il  faut  dire  ?nourir  d'un  coup 
de  poignard,  d'un  coup  d'épée,  etc. 

On  ne  dit  pas  Je  meurs  d'aller,  je  meuts  de 
savoir;  mais  je  meurs  d'envie  d'aller,  de  savcir, 
et  cela  ne  se  dit  (juc  dans  la  conversation  fami- 
lière. (Voltaire,  Remarques  sur  Corneille.) 

MODSQCET.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  pointle  t. 

MorssE.  J.-J.  Rousseau  a  employé  ce  mol 
adjectivement,  et  lui  a  fait  signifier  le  contraire 
d'aiguisé  ;  Ma  ;  ' nctration  est  naturellement 
très-mousse,  mais  elle  s'est  aiguisée  à  force  de 
s'exercer  dans  les  ténèbres. 

MoLssEux,  Mousseuse.  Adj.  Qui  mousse.  I!  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Du  vin  mousseux. 

—  Bose  mousseuse  se  dil  abusivement,  pour  rose 
moussue,  d'une  rose  dont  le  calice  et  la  tige  sont 
garnis  d'une  espèce  de  mousse.  (Acad.) 

MonssD,  MousscE.  Adj.  Qui  est  couvert  de 
mousse.  Il  ne  se  met  qu  après  son  subsl.  :  Un 
arbre  moussu,  une  pierre  moussue.  Voyez  Mous- 
seux. 

MonvA?iT,  Mouvante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
mouvoir.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  :  Force 
mouvante,  sable  mouvant,  terre  mourante.  — 
Tableau  mouvant. 

Mouvoir.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  3'  conj. 
Voici  comme  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  meus,  lu  neus,  il 
meut;  nous  mouvons,  vous  mouvez,  ils  meuvent. 

—  Imparfait.  Je  mouvais,  tu  mouvais,  il  mou- 
vait; nous  mouvions,  vous  mouviez,  ils  mou- 
vaient. —  Passé  simple.  Je  mus,  lu  mus,  il  mut; 
nous  mûmes,  vous  mûtes,  ils  murent.  —  Futur. 
Je  mouvrai,  tu  mouvras,  il  inouvra;  nous  mou- 
vrons, vous  mouvrez,  ils  uiouvronl. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  mouvrais,  tu 
mouvrais,  il  mouvrait;  nous  mouvrions,  vous 
mouvriez,  ils  mouvraient. 

Impératif.  Présent.  Meus,  qu'il  meuve  ;  mou- 
vons, mouvez,  qu'ils  meuvent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  meuve,  que  tu 
meuves,  qu'il  meuve;  que  nous  mouvions,  que 
vous  mouviez,  qu'ils  meuvent.  —  Imparfait. 
Que  je  musse,  que  lu  musses,  qu'il  mût;  qua 
nous  mussions,  que  vous  mussiez,  qu'ils  mussent. 

Participe.  —  Présent.  Mouvant.  —  Passé. 
Mu,  Mue. 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxiliaire 
avoir. 

Plusieurs  de  ces  temps  ne  sont  usités  que  dans 
le  style  didactique.  (>n  ne  peut  concevoir  com- 
ment l'âme  peut  mouvoir  le  coi'ps.  Dans  le  dis- 
cours ordinaire,  il  y  a  plusieurs  temps  de  ce 
verbe  qui  rebutent  l'oreille,  et  qui  par  consé- 
quent ne  sont  point  usités.  On  n'aime  pas  à  lire 
dans  Bossuel  :  Les  premières  affaires  qui  S9 


MUE 

murent  dunsl'É[ili.ie;  mais  on  dit  fort  bien  un 
corps  qui  se  meut. 

Moyen,  .Moyenne.  Adj.  Il  se  met  souvent  avant 
son  subst.  :  Une  taille  moyenne,  une  moyenne 
taille:  une  grandeur  moyenne,  une  moyenne 
grandeur.  —  Temps  moyi  n.  Voyez  Mjeclif. 

MuABLE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  f^entviuahJe, volonté  muulle. 

Mci:t,  Muette.  Adj.  Il  se  dit,  1°  de  celui  qui 
ne  peut  parler  à  cause  de  (jucliiue  empêchement 
naturel  ou  par  (juclque  accident:  Un  homme 
muet,  une  femme  muette,  un  enfant  muet;  2''des 
personnes  qui  ne  s'expliiiucnl  point  dans  (juelque 
circonstance,  par  ciaintc,  par  élonuement,  etc.  : 
Il  demeura  nmet  d'étnnncment.  Croyes-vous 
qu'il  reste  muet  dans  cette  affaire? 

Avei-vons  prétendu  que,  muet  el  tranquille, 
Co  hnros,  qu'armera  l'amour  et  la  raison, 
Vous  laisse  pour  ce  meurtre  abuser  de  son  nom  ? 
(lUc,  Iphig.,  act.  I,  se.  l,  98.) 

Muet  se  dit  aussi  des  choses.  On  dit  un  jeu 
muet,  une  scène  muette. 

J'entendrai  des  regards  que  vous  croirez  muets. 

(lÎAC,  Britan.,  act.  II,  se.  m,  156.) 

Cet  adj.,  appliqué  aux  personnes,  se  met  tou- 
jours après  son  subst.  Appliqué  aux  choses,  il 
peut  le  précéder,  loi-sque  l'analogie  el  l'harmonie 
le  permettent  :  Une  muette  horreur. 

Voyez  là-haut  ces  bois  dont  la  muetta  horreur 
Aujourd'hui  même  encore  inspire  l'épouTante. 

(DBLii,.,Bnrftd.,  TUI,  463.) 

Et  sur  ces  sombres  lieux,  muettet  régions, 
Oii  le  trépas  conduit  ses  paies  légion». 

(Gresset,  Éijl.  VI,  71.) 

Muet,  Muette.  Terme  de  grammaire.  Cette 
qualification  a  été  donnée  aux  lettres,  par  les 
grammairiens,  en  deux  sens  dilïérenls  ;  dans  le 
premier  sens,  elle  n'est  attribuée  qu'à  certaines 
consonnes  dont  on  a  prétendu  caractériser  la 
nature  ;  dans  le  second  sens,  elle  désigne  toute 
lettre,  voyelle  ou  consonne,  qui  est  employée 
dans  l'orthographe,  sans  élre  rendue  en  aucune 
manière  dans  la  prononciation. 

Il  est  démoniré  qu'aucune  consonne  n'a  de 
valeur  qu  avec  la  voyelle,  ou,  si  l'on  veut,  que 
toute  articulaàon  doit  précéder  un  son.  Ainsi, 
on  ce  sens,  toutes  les  consonnes  sont  muettes 
par  leur  nature,  puisqu'elles  ne  rendent  aucun 
son,  mais  qu'elles  modifient  seulement  les  sons. 

Quant  aux  lettres  muettes  dans  l'orthographe, 
nous  n'avons  rien  de  mieux  à  '."aire  qu2  de  trans- 
crire les  observations  de  M.  liarduin ,  que 
Beauzée  a  fait  insérer  dans  V Encyclopédie. 

«  Qu'on  ait  autrefois  prononcé  des  lettres  qui 
ne  se  prononcent  plus  aujourd'hui,  cela  semble 
prouvé  par  les  usages  qui  se  sont  perpétués  dans 
plus  d'une  province,  et  par  la  comparaison  de 
quelques  mots  analogues  entre  eux,  dans  l'un 
desquels  on  fait  sonner  une  lettre  qui  demeure 
oiseuse  dans  l'autre.  C'est  ainsi  que  a-  et  p  ont 
gardé  leui'  prononciation  dans  veste,  espioîi,  bas- 
tonnade, hospitalier,  septembre,  septuagénaire, 
quoiqu'ils  l'aient  perdue  dansres<iV,  expier,  las- 
ton,  hospitiil,  haptesme,  sept,  etc.  (On  supprime 
même  ces  lettres  dans  l'orthographe  moderne  de 
plusieurs  de  ces  mots,  et  l'on  écrit,  vêtir,  épier, 
bâton,  hàpital.) 

<■■■  Mon  intention  n'est  cependant  pas  de  soute- 


MUE 


483 


nir  que  toutes  les  consonnes  mutiles  qu'on  em- 
ploie ou  (pi'on  employait  il  n'y  a  jias  longtemna 
au  milieu  de  nos  mots,  se  prononçassent  origi- 
nairement. Il  est  au  contraire  fort  vraisemblable 
•lue  les  savants  se  sont  plu  à  introduire  des  lettres 
muettes  dans  un  grand  nombre  de  mots,  afin 
qu'on  sentit  mieux  la  relation  de  ces  mots  avec  la 
langue  latine.  »  Beauzée  ajoute ,  ou  même  par 
un  motif  moins  louable,  mais  plus  naturel,  parce 
i|ue,  comme  le  remarque  l'abbé  Girard,  on  met- 
tait sa  gloire  à  montrer  dans  l'écriture  française 
qu'on  savait  le  latin.  «  Du  moins  est-il  constant 
que  les  manuscrits  anciens,  antérieurs  à  l'im- 
primerie, offrent  beaucoup  de  mots  écrits  avec 
une  simplicité  (pii  montre  qu'on  les  prononçait 
alors  comme  à  présent,  quoiqu'ils  se  trouvent 
écrits  moins  simplement  dans  des  livres  bien  plus 
modernes.  J'ai  eu  la  curiosité  de  parcourir  quel- 
ques ouvrages  du  quatorzième  siècle,  oia  j'ai  vu 
les  mots  suivants  avec  l'orthographe  que  je  leur 
donne  ici  :  droit,  saint,  traité,  dette,  devoir, 
doute,  avenir,  autre,  moût,  recevoir,  votre  ;  ce 
qui  n'a  pas  empêché  d'écrire  longtemps  après  : 
droict,  sainct,  traicté,  dehte,  dcbvoir,  double, 
advenir,  auLtre,  moult,  recepvoir ,  vostre,  pour 
marquer  le  rapport  de  ces  mots  avec  les  noms 
latins  :  dircctus,  sanctus,  tractatus,  dehitum, 
debere,  dubitatio,  advenire,  aller,  multum,  reci- 
pere,  vester.  On  remarque  même  en  plusieurs 
endroits  de  s  manuscrits  dont  je  parle  une  ortho- 
graphe encore  plus  simple,  et  plus  conforme  à 
la  prononciation  acluelle  que  l'orthographe 
dont  nous  nous  servons  aujourd'hui.  Au  lieu 
d'écrire  science,  corps,  temps,  compte,  mœurs, 
on  écrivait  dans  les  siècles  éloignés,  sience,  cors, 
tems,  conte,  meurs.  » 

M.  Beauzée  observe  ici  qu'on  a  bien  fait  de 
ramener  science,  à  cause  de  l'étymologic;  corps 
et  temps,  tant  à  cause  de  l'étyinologie  qu'à 
cause  de  l'analogie  qu'il  est  utile  de  conserver 
sensiblement  entre  ces  mots  et  leurs  dérivés, 
corporel,  corporifier ,  corpulence ,  to-ntporel,  tem- 
poralité, temporiser,  temporisation,  et  pour 
les  distinguer  par  rorthcgrai)hc  des  mois  homo- 
gènes, cors  de  cerf,  ou  cors  des  pieds;  tant,  ad- 
verbe, pour  le  distinguerdeia/t  pour  les  tanneurs, 
et  de  tend,  verbe,  rareillcment,  compte,  en  con- 
servant les  traces  de  son  urigine,  computum,  se 
trouve  différencié  par  làdeco/w/e,  seigneur  d'un 
comté,  et  de  conte,  narration  fabuleuse. 

«  Outre  la  raison  des  etymolugies  latines  ou 
grecques,  nos  aïeux  insérèrent  et  conservèrent 
des  lettres  muettes  pour  rendre  plus  sensible 
l'analogie  de  certains  mots  avec  d'autres  mots 
français.  Ainsi,  commcjnajiicment,  étemuement, 
dévouement,  je  lierai,  je  tuerai,  j' avouerai,  sont 
lormés  de  manier,  éternuer,  dévouer,  lier,  tuer, 
avouer,  on  crut  devoir  mettre  ou  laisser  à  la  pé- 
nultième syllabe  de  ces  premiers  mots  un  e  qu'on 
n'y  prononçait  pas.  On  en  usa  de  même  dans  beau, 
nouveau,  oiseau,  damoiseau,  chasteau,  et  autres 
mots  semblables,  [)arcc  que  la  terminaison  eau  y 
a  succédé  à  el.  JNous  disons  encore  unbel  huvime, 
un  nouvel  ouvrage;  et  l'on  disait  jadis,  oisel, 
dumoisel,  chaslel. 

«  Les  écrivains  modernes,  plus  entreprenants 
que  leurs  devanciers,  rapprochent  de  jour  çsa 
jour  rorthogra|)he  de  la  prononciation.  On  n'a 
guère  réussi"  à  la  vèrilé,  dans  les  tentatives  qu'on 
a  laites  jusqu'ici  pour  rendre  les  lettres  qui  se 
pn  lionceiit  plus  conformes  aux  sons  et  aux  arti- 
culations quelles  représentent  ;  et  ceux  qui  ont 
voulu   faire  écrire  ampereur,  acsion,  ati  lieu 


4«4 


MUE 


d'empereur,  action,  n'ont  point  trouvé  il'imila- 
teurs    M;iis  on  a  été  plus  heureux  dans  la  sup- 

Pression  d'une  quantité  de  lettres  inuellcs,  (juc 
on  a  entièrement  proscrites,  sans  considérer  si 
nos  aïeux  les  prononçai»  nt  ou  non,  cl  sans  même 
avoir  trop  d'égards  pour  celles  que  des  raisons 
d'étymologie  ou  d'analogie  avaient  maintenues 
si  longtemps.  On  est  donc  parvenu  à  écriie  doute, 
parfaite,  honnête,  arrêt,  ajouter,  omettre,  au 
lieu  de  dnubte,  parfaicte,  Jwnneste,  arrest,  ad- 
j'outer,  obmettre  ;  Cl  la  consonne  oiseuse  a  été 
remplacée  dans  plusieurs  mots  par  un  accent 
circonflexo,  maïqué  sur  la  voyelle  précédente, 
lequel  a  souvent  la  double  propriété  irindi(]uer 
le  retranchement  d'une  lettre  et  la  longueur  de 
la  syllabe.  On  commence  aussi  a  ôicr  Ve  muet  de 
gaiement,  remerciement,  ctcrnuement,  dévoue- 
ment, etc. 

«  INIais,  malgré  les  changements  considérables 
que  noire  orthographe  a  reçus  depuis  un  siècle, 
il  s'en  faut  encore  de  beaucoup  qu'on  ait  aban- 
donné tuus  les  caractères  muets.  11  semble  qu'en 
ser  déterminant  à  écrire  sûr,  mûr,  au  lieu  de 
sevr,  vieur,  on  aurait  dû  prendre  aussi  le  parti 
d'écrire  huu,  chapau,  et  cuf,  hevf,  au  lieu  lïœvf, 
bœuf,  quoique  ces  derniers  mots  viennent  d'ovum, 
bovis;  mais  l'innovation  ne  s'est  pas  étendue 
jusque-la  ;  et  comme  les  hommes  sont  rarement 
uniformes  dans  leur  conduite ,  on  a  même 
épargné  dans  certains  mois  lelle  leltrequi  n'avait 
pas  plus  le  droit  de  s'y  maintenir  ([u'en  plusieurs 
autres  de  la  même  classe  d'où  elle  a  été  retran- 
chée. Le  ff,  par  exemple,  esl  resté  dans  poing, 
après  avoir  été  banni  de  soing,  loing,  témoing. 
Que  dirai-je  des  consonnes  redoublées  qui  sont 
demeurées  dans  une  foule  de  mois  où  nous  ne 
prononçons  qu'une  consonne  simple? 

«  Quelques  progrés  que  fasse  à  l'avenir  la 
nouvelle  orthographe,  nous  avons  des  lettres 
mueltes  qu'elle  ne  pourrait  supprimer  sans  défi- 
gurer la  langue,  et  sans  en  détruire  l'économie. 
Telles  sont  celles  qui  servent  à  désigner  la  nature 
elle  sens  des  mots;  comme  n  dans  ils  aiment, 
ils  aimèrent,  ils  aimassent;  et  en  dans  les  temps 
où  les  troisièmes  personnes  plurielles  se  terminent 
en  aient  ou  en  oient,  ils  aimaient,  ils  aimeraient, 
ils  soient.  Car  à  l'égard  du  t  de  ces  mots,  et  de 
beaucoup  d'autres  consonnes  qui  sont  ordinai- 
rement muettes,  personne  n'ignore  qu'il  faut  les 
prononcer  quelquefois  en  conversation,  et  plus 
souvent  encore  dans  la  lecture  ou  dans  le  dis- 
cours soutenu ,  surtout  lorsque  le  mot  suivant 
commence  par  une  voyelle. 

«  Il  y  a  des  lettres  mueltes  d'une  autre  espèce, 
qui  probablement  ne  disparaîtront  jamais  de 
l'écriture.  De  ce  nombre  est  I'm  servile  (ju'on  met 
toujulirs  après  la  con'^onne  q,  à  moins  qu'elle  ne 
soit  tinale;  pratique  singulière  (jui  avait  lieu 
dansr  la  hnguc  latine  aussi  constamment  que 
dans  la  française.  Il  est  vrai  que  cet  v  se  pro- 
nonce en  queiilUCS  mots,  quadrature,  équestre, 
quinquagt'simc;  mais  il  est  muet  dans  la  t^\\\- 
pixi,  quant iite,  querelle,  quotidien,  quinze. 

u  J'ai  peine  à  croire  que  l'on  bannisse  jamais 
P«  et  Ye  qui  sont  presque  toujours  muets  entre 
un  ^  et  une  voyelle.  Cotte  consonne  g  répond  à 
deux  sortes  d'ariiculations  bien  différentes.  De- 
vant a,  o,  u,  elle  doit  se  prononcer  durement; 
mais  quand  elle  précède  un  e  ou  un  i,  la  pro- 
nonciation en  est  plus  douce,  et  ressemble  entiè- 
rement à  celle  du  j.  Or,  pour  apporter  des 
exceptions  à  ces  deux  règles,  et  pour  donner  au 
g.  en  ceriains  cas,   une  valeur  contraire  à  sa 


JlLlE 

position  actuelle,  il  fallait  des  signes  qui  fissent 
connaitre  les  cas  exceptés.  On  aura  donc  pu 
imaginer  l'expédient  de  mettre  un  «  après  le  g, 
pour  en  rendre  l'articulation  dure  devant  un  e 
ou  un  i,  connne  dans  guérir,  collègue,  orgueil, 
guitare,  guimpe  ;  et  d'ajbuter  un  e  à  cette  con- 
sonne, pour  la  faire  prononcer  mollement  devant 
a,  0,  V,  comme  dans  geai,  George,  gageure. 
L'm  muet  semble  pareillement  n'a\oir  été  inséré 
dans  cercueil, accueA,écueil,  (pie  pour  y  affermir 
le  c,  qu'on  prononcerait  conmie  s  s'il  était  immé- 
diatement suivi  de  Ve. 

«  Il  n'est  pas  démontré  néanmoins  que  ces 
voyelles  mueltes  l'aient  toujours  été  ;  il  est  pos- 
sible, absolument  parlant,  qu'on  ait  autrefois 
prononcé  Vu  et  l'e  dans  écueil,  guider,  George, 
comme  on  les  prononce  dans  écuelle.  Guise, 
ville,  et  dans  géomètre.  Mais  une  remarque 
tirée  de  la  conjugaison  des  verbes,  jointe  à  l'usage 
où  l'on  est  depuis  longtemps  de  rendre  ces 
lettres  muettes,  donne  lieu  de  conjecturer  en 
effet  qu'elles  ont  été  placées  après  le  g  et  le  c, 
non  pour  y  être  prononcées,  mais  seulement  pour 
prêter  à  des  consonnes  une  valeur  contraire  à 
celle  que  devrait  leur  donner  leur  situation  devant 
lelle  ou  lelle  voyelle. 

n  U  est  de  ijrincipe  dans  les  verbes  de  la  pre- 
mière conjugaison,  comme  flatter.  Je  flatte, 
blâmer,  je  blâme,  que  la  première  personne 
plurielle  du  présent  de  l'indicatif  se  forme  du 
participe  présent  en  changeant  ant  en  ons,  et  que 
l'imparfait  de  l'indicatif  se  forme  par  le  change- 
ment du  même  ant  en  ais  ;  flattant,  nous  flat- 
tons, je  flattais;  blâmant,  nous  blâmons,  je 
blâmais.  (Voyez  Formatvi/i.)Suivsiïil  ces  exem- 
ples, on  devrait  écrire,  je  mange,  nousmangons, 
je  ma?igais,  etc.  ;  mais  comme  le  g  doux  de 
mange  serait  devenu  un  g  dur  dans  les  autres 
mots,  par  la  rencontre  de  Vo  cl  de  l'a,  il  est  pres- 
que évident  que  ce  fut  tout  exprès  pour  conserver 
le  g  doux  dans  nous  mangeons,  je  mangeais, 
que  l'on  y  introduisit  un  e  sans  vouloir  qu'il  fût 
prononcé.  Par  là  on  crut  trouver  le  moyen  de 
marquer  tout  à  la  fois  dans  la  prononciation  et 
dans  l'orthographe  l'analogie  de  ces  deux  mots 
avec  je  mange,  dont  ils  dérivent.  La  même 
chose  peut  se  dire  de  nouscommenceons,je  cotn- 
nie?iceais,  qu'on  n'écrivait  sans  doute  ainsi  avant 
l'invention  de  la  cédille,  que  pour  laisser  au  c 
la  prononciation  douce  qu'il  a  dans  je  com- 
mence. 

«  Cette  cédille,  inventée  si  à  propos,  aurait  dû 
faire  imaginer  d'autres  marques  pour  distinguer 
les  cas  où  le  c  doit  se  prononcer  comme  un  k 
devant  la  voyelle  e,  et  pour  faire  connaître  ceux 
où  l'e  doit  être  articulé  d'une  façon  opposée  aux 
règles  ordinaires.  Ces  signes  particuliers  vau- 
draient beaucoup  mieux  que  l'interposition  d'une 
ou  d'un  V,  qui  est  d'autant  moins  satisfaisante 
(ju'elle  induit  .à  prononcer  écuelle,  comraGécxuil, 
aiguille  comme  anguille,  et  même  géographe  et 
aiguë  comme  George  et  figue. 

«  Quoi  qu'il  en  soit  de  mon  idée  de  réforme, 
dont  il  n'y  a  point  d'apparence  qu'on  voie  jamais 
l'exèculion,  on  doit  envisager  la  voyelle  e  dans 
beau  tout  autrement  ijue  dans  il  mangeait.  Elle 
ne  fournit  par  elle-même  aucun  son  dans  le 
premier  de  ces  mots;  mais  elle  est  censée  tenir 
aux  deux  autres  voyelles,  et  on  la  regarde  en 
(]uel(iue  sorte  comme  faisant  partie  des  caractères 
employés  à  représenter  lo  son  o;  au  lieu  que 
dans  il  mofigeait,  Ve  ne  concourt  en  rien  à  la 
représentation  du  son;  il  n'a  nulle  espèce  de 


à 


MUS 

liaison  avec  Ya  suivant,  c'est  à  la  seule  consonne 
ff  qu'il  est  uni,  pour  en  changer  l'articulation, 
eu  égard  à  la  place  qu'elle  occupe.  Ce  que  je  dis 
ici  de  Ve,  pnr  rapiiort  au  mot  mangeait,  doit 
S'entendre  cg;deinent  de  lu  tel  qu'il  est  dans 

fuerre,  recueil,  quotité ;(i\  ce  que  j'observe  sur 
e,  par  rapport  au  mot   beau,  doit   s'entendre 
aussi  de  l'a  et  de  Yo  dans  Saône  et  bœuf.  » 

Mugissant.  Mcgiss.vnte.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  mvgir  :  Un  taureau  vivgissant,  les  ondes 
mugissantes,  sa  voix  vivgissante,  la  mer  mu- 
gissante, les  flots  viiigissanls. 

Soudain  avec  un  bruil  terrible, 
Sur  ses  gonds  mugissants  tourne  la  porte  horrible. 
(Delil.,  Énéid.,  VI,  747.) 

Au  féminin,  on  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  pcrmoltcnl. 
On  pourrait  dire  en  poésie,  une  mugissante  voix, 
les  mvgissantt  s  ondes. 

McGUETTin.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Vieux  mot 
inusité  que  Voltaire  a  employé  agréablement  dans 
les  vers  suivants: 

Une  lille  d'ici 
Me  tracassait,  me  donnait  du  souci  : 
C'était  Colette  ;  et  j'ai  vu  la  friponne 
Pour  mes  écus  rauguetler  ma  personne. 

MciD.  Subst.  m.  Le  d  ne  se  prononce  point. 

MuNICIP.iL,  MCMCIPALE.  Adj.  11  uc  so  luct 
qu'après  son  sulist.  :  Conseil  vmnicipal ,  droit 
municipal,  lois  municipales.  Il  fait  au  pluriel 
masculin  municipaux  :  Officiers  municipaux. 

Munition.  Subst.  f.  Provisions  de  guerre  qui 
concernent  les  armes  et  les  vivres.  En  ce  sens  il 
ne  se  met  guère  qu'au  pluriel  :  Mtmitions  de 
guerre,  munitions  de  louche.  —  On  dit  au  sin- 
gulier, pain  de  munition. 

McQUEix,  Mdquecse.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  sou  subst.  :  Glandes  muqtteuses,  plantes 
muqueuses. 

Mnn,  Mure.  Adj.  On  le  met  ordinairement 
après  son  subst.  Cependant  on  dit  après  une 
mûre  dclilération.  Blé  mûr,  fruit  inûr.  —  Age 
mûr,  homme  mûr,  jugement  mur,  esprit  mur. 

Muiîesient.   Adv.   Û  ne  se  dit  '.[u'au  ligure,  et 

1)cut  quelquefois  se  mettre  entre  l'auxiliaire  et 
e  participe  :  Il  a  considéré  mûrement  cette  af- 
faire, ou  il  a  mûrement  coîi.iidéré  cette  af- 
faire. 

Murmure.  Subst.  m.  Voltaire  a  dit  le  inur- 
mure  du  sang  [Oresie,  act.  I,  se.  v,  87)  : 

Écoutez-vous  du  sang  le  dangereux  murmure. 
Pour  des  enfants  ingrats  qui  bravent  la  nature  ? 

MusARD,  Musarde.  Adj.  qui  se  prend  aussi 
substantivement.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst. 

Musclé,  Misclée.  Adj.  Qui  a  des  muscles 
bien  marqués.  Il  ne  se  met  (ju'après  son  subst.  : 
Une  figure  bien  musclée,  une  statue  bien  7nus- 
clêe. 

Musculaire.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  appar- 
tient aux  muscles.  Il  suit  toujours  son  subst.  : 
Mouvement  musculaire,  force  musculaire. 

Musculecx,  Mcscdlecse.  Adj.  Qui  a  beaucoup 
de  muscles.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Partie  musculeuse. 

Musical,  Musicale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  ^îrt  musical,  phrase  musicale, 
caractères  musicaux. 

♦Musiqcer  V.  n.  de  la  l'«  conj.  Mot  inusité 


MUT 


485 


employé  par  .T.-J.  Rousseau  (Confessions , 
Ile  part.,  liv.  viii)  :  Nous  musicàmes  tout  le 
jour. 

Mutin,  Mutine.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  enfant  mutin ,  un  esprit 
mutin. 

Mutiner  (se).  V.  pronom,  delà  U'  conj.  Cor- 
neille a  dit  dans  Cinna  (act.  IV,  se.  i,  13)  : 

Cinna  seul  dans  sa  rage  s'obstin»;, 
Et  contre  vos  bontés  d'autant  plus  se  mutine. 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers.  Se  mutiner 
contre  des  bontés  est  une  expression  bourgeoise. 
On  ne  l'emploie  qu'en  parlant  des  cnfanls.  Ce 
n'est  pas  que  le  mot  mutiné,  cini>loyé  avec  art, 
no  puisse  faire  un  très-bel  effet.  Racine  a  dit 
[Phèdre,  act.  II,  se.  i,  85)  : 

Enchaîner  un  captif  de  ses  fers  étonné. 
Contre  un  joug  qui  lui  plaît  vainement  mutiW. 

B'atitajit  plus  exige  un  que  ;  c'est  une  phrase 
qui  n'est   pas  achevée.   [Rernarques  sur    Cor 
neille.) 

Mutinerie.  Subst.  f.  Corneille  a  dit  dans  Hé- 
raclius  (act.  V,  se.  vu,  11)  : 

Son  ordre  excitait  seul  cette  mutinerie. 

Ce  mot,  dit  Voltaire,  est  trop  familier.  Révolte, 
sédition,  tumulte,  sont  les  termes  usilcs  dans  le 
style  noble.  {Remarques  sur  Corneille.) 

Mutuel,  Mutuelle.  Adj.  Suivant  Vaugelas, 
on  dit  réciproque  de  deux,  et  mutuel  d'un  plus 
grand  nombre  :  Le  ?nari  et  la  femme  dnjvent 
s'' aimer  d'un  amour  réciproque  ;  les  chrf  tiens 
doivent  s^aimer  d'un  amour  inutuel.  —  L'usage 
ne  confirme  pas  celte  décision  ,  car  on  dit  que 
deux  personnes  se  sont  fait  un  don  mutuel,  et 
non  pas  un  don  réciproque.  Thomas  Corneille 
prétond  qu'il  n'y  a  que  peu  de  difl'éreiice  entre 
ces  termes,  et  même  qu'on  peut  les  prendre  in- 
différemment l'un  pour  l'autre.  L'Académie 
semble  être  de  cet  avis;  elle  définit  mutuel  ^at 
réciproque,  et  réciproque  par  mutuel,  et  dit  ce 
dernier  de  deux  personnes  comme  d'un  plus 
grand  nombre. 

Il  est  certain  cependant  que  ces  deux  mots  ne 
peuvent  pas  s'employer  indjifércmment  l'un  pour 
l'an  Ire,  et  nous  pensons  que  Roubaud  a  bien 
établi  leur  différence.  Mutuel,  dit-il,  désigne 
l'écliange  ;  réciproque  ,  le  retour.  Le  premier 
exprime  l'action  de  donner  et  de  recevoir  de 
part  et  d'autre;  ie  second,  l'if-îion  de  rendre 
selon  ([u'on  reçoit.  L'échange  est  libre  et  volon- 
taire; on  donne  en  échange,  et  cette  action  est 
mutuelle.  Le  retour  est  dû  ou  exigé;  on  paie 
de  retour,  et  celte  action  est  réciproque.  On  dit 
que  l'affection  est  mutuelle,  pour  signifier  qu'on 
s'aime  l'un  l'autre;  on  dû  qu'elle  est  réciproque, 
pour  marquer  qu'on  se  rend  sentiment  pour 
sentiment.  Le  don  qu'on  se  fait  l'im  à  l'autre  est 
mutuel,  le  don  qu'on  se  rend  l'un  pour  l'autre 
est  réciproque.  Mais  le  don  est  surtout  mutuel 
quand  il  est  le  même  ou  du  même  genre  de  part 
et  d'autre;  il  n'est  que  réciproque  s'il  s'agit 
d'objets  différents  cédés  en  compensation.  Un 
mari  et  une  femme  s'engagent  mutuellement  leur 
foi,  et  ils  s'engagent  réciproquement  à  des  de- 
voirs différents. 

L'adjpctif  mutuel  peut  se  mettre  avant  son 
subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent :   Amour  mutuel,  leur  mutuel  amour, 


486 


N 


Haine  viutueUe.  Des  devoirs  mutuels,  de  mu- 
tuels decuirs.  La  Justice  et  la  Puix  se  dtrnne- 
raient  un  mutuel  baiser.  (l)u  Gucl.) 

Mutuellement.  Adv,  On  peut  le  mellrc  enlre 
'auxiliaire  el  le  [larlicipe  :  Ils  se  sont  promis 
nutuellemciit,  ou  ils  se  sotit  mutuellement  pro- 
Viw  de...  Voyez  Mutvel. 

MïSTfcr.r.  Subsl.  m.  Ce  mot  est  admis,  dans 
i  style  noble,  au  propre  et  au  figure  : 

Sur  ces  murs  fcnébreux  des  linces  sont  rangées  ; 
Dans  des  vases  de  smi:  leurs  pointes  sont  plongées, 
Appareil  menaçaul  de  leur  myttire  affreux. 

(Volt.,  Ihnr.,  V,  229.) 

Qui  sait  si  le  roi  votre  père 
Vent  que  de  son  absence  on  sache  le  tnys(er«  ? 

{Ràc,  Phèd.,  act.  I,  se.  i,  17.) 

Mystérieusement.  Adv.  On  peut  quelquefois 
le  mettre  entre  l'auxiliaire  el  le  participe  :  // 


NÂI 

s'est  conduit  mystérieusement,  ou  il  s'est  myê' 
tcrieuscment  conduit  dans  cette  affaire. 

Mystérieux,  mystérieuse.  Adj.  :  Caractèree 
mystérieux,  paroles  mystérieuses,  sens  mysté- 
rieux. —  Un  homme  mysténeux,  une  fevirtw 
mystérieuse.  En  parlant  des  ciinses,  on  peut  le 
mettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  perinellenl  :  Ces  mystérieux  ca- 
ractères, CCS  7nysléricuses  paroles. 

Mystique.  Adj.  des  deux  ucnrcs.  11  ne  se  dit 
que  par  rapport  aux  choses  de  la  religion:  Le 
sens  mystique  de  l'Ecriture  sainte.  —  Auteur 
mystique,  livre  mystique.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Ce  mystique  auteur,  cette  mystique  ex- 
plication. 

Mystiquement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Il  a  explique  viystiquement  ce  passage. 

Mythologique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Discours  viytholo- 
gique,  livre  mythologique. 


N. 


N.  Subst.  m.  On  prononce  ?ie.  La  quatorzième  j 
lettre  de  l'alphabet  et  la  onzième  des  consonnes.  ! 
Le  son  propre  de  celte  lettre  est  comme  dans 
■nager,  négoce,  nippe,  novice,  nuage. 

Celle  Icilre,  lorsqu'elle  est  suivie  d'une  voyelle,  ! 
conserve  toujours  le  son  qui  lui  esl  [)roprc  au  ' 
commencement  et  au  milieu  des  mois,  comme 
dans  nourrice,  anodin,  cabatie.  On  eu  excepte 
enivrer  el  ses  dérivés,  et  enorgueillir,  qui  se  pro- 
noncent comme  s'il  y  avait  deux  n;  le  premier  wa- 
sal,  lesecond  articulé:  an-nivrer,  annorgueillir. 

N,  suivi  d'une  aiilre  consonne,  perd  le  son 
qui  lui  esl  propre,  el  prend  le  son  nasal,  comme 
dans  aîicre,  engraver,  ingrédient. 

NliiKil  se  fait  sentir  dans  aiio7KC«,a.'«e?),  Eden, 
gramen,  hymen,  et  dans  tous  les  mots  où  il  se 
lie  naturelleiiient  avec  le  mot  suivant,  commen- 
çant par  une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré. 

Il  faut  remarquer  à  ce  sujet  qu'on  ne  doit 
jamais  faire  sentir  la  terminaison  nasale ,  à 
moins  que  le  mot  où  elle  se  trouve  n'appelle, 
par  sa  nature  grammaticale,  le  mot  (jui  le  suit, 
et  n'ait  avec  lui  une  liaison  nécessaire.  Voyez 
f^oyelle,  En. 

Dans  bien  et  rien,  suivis  immédialcmenl  de 
i'ndjeclif,  de  l'adverbe  ou  du  verbe  qu'ils  mo- 
ilificnl,  on  fait  sentir  le  n,  lorsque  cet  adjectif, 
cet  adverbe  ou  ce  verbe  commencer.l  par  une 
voyelle  ou  un  A  non  aspiré  :  Bien  honorable,  bien 
utilement,  bien  écrire;  prononcez  bien-nlwno- 
rable  ,  bien-nutilement ,  bien-nécrire .  Mais  si 
les  mots  bieniii  rien  sont  suivis  d'un  tout  autre 
mol  que  d'un  adjectif,  d'un  adverbe  ou  d'un 
verbe,  le  n  ne  se  fait  pas  sentir  :  Il  parlait  bien 
et  à  propos;  il  ne  voyait  rien  et  n  entendait 
pas  un  mot.  Il  en  est  de  même  de  bien  el  rien 
employés  substantivement  :  Ce  bien  est  à  moi, 
c'est  un  bien  à  souhaiter;  ce  rien  a  des  attraits 
pour  moi. 

Quand  n  est  redoublé,  il  ne  donne  jamais  à  la 
vovelle  prccédenle  le  son  nasal,  si  ce  n'est  dans 
ennobli,  ennui,  et  leurs  dérivés.  Ainsi  deux  nn 
ne  servent  qu'à  rendre  la  syllabe  précédenle 
brève,  et  anneau,  année,  innocence ,  innom- 
brable, se  prononcent  aneau,  anée  ,  inocencc, 
inombrable.  Dans  annales,  annexe,  inné,  in- 
nové, innominé,  on   fait  senlir  les  deux  nn. 


En  termes  de  marine  ou  de  googi'aphie,  N.  esl 
l'expression  abrégée  du  mot  7iord.  —  N.  est  sou- 
vent employé  pour  signifier  7iotrc.  — IS.-S.  veut 
A\rc  Noire-Seignexir.  — Dans  le  commerce,  K. 
C.  signifie  noire  cmnpie,  N"  numéro.  —  Sur  les 
monnaies,  N  indique  la  ville  de  Montpellier. 

Nacelle.  Subsl.  f.  L'Académie  prétend  qu'on 
(iil  figurémenl  la  nacelle  de  saint  Pierre,  pour 
dire  T'Eglisc  catholique  romaine.  Nous  ne  con- 
seillons à  personne  de  se  servir  de  cette  expres- 
sion. 

Nage.  Subsl.  f.  On  dit  être  tout  en  7iage,  pour 
dire  avoir  irès-chaud.  Le  mot  7uige  est  ici  une 
corruption  du  vieux  mot  âge,  qui  signifiait  eau. 
On  devrait  donc  dire  être  tout  en  âge  ;  mais 
l'usage  a  prévalu.  (Roquefort,  Glossaire  de  la 
langue  romane.) 

Nageu.  V.  u.  de  la  i"  conj.  L'Académie  ne 
donne  point  d'exemple  des  acceptions  suivantes  : 

Le  bûcher,  par  mes  mains  détruit  et  renversé. 
Dans  la  sang  des  bourreaux  nagera  dispersé. 

(lUc,  /phii?.,  act.  V,  se.  ii,  91.) 

Nagear.t  dans  le  reflux  des  contrariétés. 

(Volt,,  JUahom.,  act.  IV,  se.  m.  49.) 

Naguère  ou  Naguèses.  Adv.  Oji  dit  l'un  ou 
l'autre  indifféremmen:.  On  ne  s'en  sert  guère 
dans  la  conversation;  mais  on  remploie  souvent 
dans  la  poésie  el  dans  le  slyle  soutenu  :  Elle  ne 
laissait  pas  d'avoir  la  douleur  diins  Vâme  en 
voyant  qu'on  la  chercherait  vainement  des  yeux 
dans  ces  fêtes  où  naguère  elle  s'était  vue  adorée. 
(Marmontcl,  Contes  moraux.  Le  bon  mari,  t.  II, 
p.  9-7.) 

N'avez-vous  pas  naguère  entendu  sans  terreur 
Des  rochers  de  Scjlla  la  bruyante  fureur? 

(Dblil.,  Bneid.,  I.  283.) 

On  peut  le  mettre  avant  ou  après  le  verbe,  ou 
entre  l'au-xiliaire  et  le  participe. 

Nai'f,  Naïve.  Adj.  Naturel,  sans  fard,  sans 
artifice.  Dans  tous  les  sens,  on  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  coiisuliant  rorcillc  et  l'ana- 
iogic  :  Une  beauté  naive,  une  7mive  beauté  ;  une 
description  naïve,  U7ie  7iaïve  description  ;  une 


NAR 

humeur  tiaire,  une  naïve  humeur.  Voyez  Ad- 
jectif, Style. 

En  litléraiure,  ce  mot  se  prend  souvent  sul)- 
stantivement  : 

La  cour,  dcsabnscc, 

Oédaisma  de  ces  vers  l'eilraTagaiicc  aiséo. 
Distingua  le  ndif  du  plat  et  du  boufTon. 

(BoiL.,  À.  P.,  I,   91.) 

Une  des  chnses  qui  7inus  plaît  le  plu.';,  c'est  le 
//ai/,- mais  c'est  aussi  le  style  le  plusdinicileàat- 
tiaper.  La  raison  en  est  qu'il  est  précisément  entre 
le  noble  ot  le  bas  ;  et  il  est  si  prés  du  bas,  qu'il  est 
très-difficile  de  le  côtoyer  toujours  sansy  tomber. 

Il  ne  faut  pas  confondre  le  natui-el  et  le  naïf. 
Le  naturel  est  opposé  au  recherché  et  au  forcé; 
le  na'if  est  opposé  au  réfléchi ,  et  n'appartient 
qu'au  sentiment. 

Nain,  Nai>e.  Adj.  qui  se  prend  aussi  sub- 
stantivement. 11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Arhre  nain,  huis  nain,  œuf  nain.  En  par- 
lant des  personnes,  on  l'emploie  substantivement: 
C'est  un  nain,  c'est  une  naiiie. 

Naissant,  Naissante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
naître.  Les  poëtes  le  mettent  souvent  avant  son 
subst.  :  Des  fleurs  naissantes,  de  naissantes 
fleurs.  Corneille  a  dit,  votre  naissante  gloire; 
Delille,  ce  naissant  usage;  Gresset,  le  nais- 
sant gazon,  un  amour  naissant,  une  passion 
naissante. 

Naître.  Y.  n.  et  irrégul.  de  la  4'  conj.  11  se 
conjugue  comme  paraître,  si  ce  n'est  qu'il  fait 
je  naquis,  au  passé  simple,  et  né,  née,  au  par- 
ticipe passé.  Il  prend  l'auxiliaire  être  dans  ses 
lemps  composés. 

Naïvement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  !l  a  avoué 
naïvement  sa  faute,  ou  il  a  naïvement  avoué  sa 
faute. 

Naïveté.  Subst.  f.  Il  n'a  point  de  pluriel  quand 
il  signifie  le  caractère  naïf:  La  naïveté  de  ces 
deux  enfants;  il  en  a  un  quand  il  signifie  dis- 
cours naïf  :  Dire  des  naïvetés. 

Il  y  a  une  grande  différence  entre  la  naïveté 
et  une  naïveté.  La  naïveté  est  le  langage  du 
beau  génie  et  de  la  simplicité  pleine  de  lumière; 
elle  fait  les  charmes  du  discours;  elle  csi  le 
chef-d'œuvre  de  l'art  dans  ceux  à  qui  elle  n'est 
pas  naturelle.  Ce  qu'on  appelle  une  naïveté  est 
une  pensée,  un  trait  d'imagination,  un  sentiment 
«lui  nous  éehappe  mrilgré  n'ous,  et  qui  peut  quel- 
quefois nous  faire  tort  à  nous-mêmes  :  c'est  l'ex- 
pression de  la  vivacité ,  de  l'imprudence ,  de 
l'ignorance  des  usages  du  monde.  Une  naïveté 
sied  bien  à  un  enfant,  à  un  villageois,  parce 
qu'elle  porte  le  caractère  de  la  candeur  et  de 
l'ingénuité  ;  mais  la  naïveté  dans  les  peusées  et 
dans  le  style  fait  une  impression  qui  nous  en- 
chante, à  proportion  qu'elle  est  la  peinture  la 
plus  simple  d'une  idée  dont  le  fond  est  fin  et 
délicat.  Voyez  Style. 

Narcotiqle.  Adj.  des  deux  genres.  Qui  as- 
soupit :  Remède  narcotique.  On  dit  au  figuré  dis- 
cours narcotique,  poésie  narcotique,  style  nar- 
cotique. On  peut,  en  ce  sens,  le  mettre  avant 
son  subst.  :  Cette  narcotique  poésie.  —  L'Aca- 
démie n'emploie  ce  mot  au  figuré  que  substanti- 
vement ;  elle  dit  :  Ce  livre  est  un  Ion,  un  vrai 
narcotique. 

Nargder.  V.  a.  de  la  l'"'  conj.  On  ne  fait  pas 
sentir  Vu,  qui  n'est  là  que  pour  donner  au  g  la 
prononciation  degue. 


NAR 


487 


Narine.  Subst.  f.  Delille  a  dit,  en  parlant  de 
cheval  {Jardins,  I,  251)  : 

Superbe,  l'œil  en  feu,  les  îiannes  fumantes 

Un  critique  a  trouvé  cette  expression  ignoble, 
un  autre  a  prétendu  qu'elle  était  plus  noble  qur 
naseaux.  Nous  sommes  de  l'avis  de  ce  der- 
nier. 

Narrateur.  Subst.  m.  Comme  ce  mol  a  rap- 
l)ort  aux  discours  oratoires  et  d'apparat,  et  (juc 
les  femmes  n'en  font  pas  ordinairemcnl,  on  ne 
le  dit  point  au  féminin.  Si  l'on  était  obligé  de 
l'employer  à  ce  genre,  il  faudrait  dire  narra- 
trice. On  fait  sentir  les  deux  r. 

Narratif,  Narrative.  Adj.  :  Style  narratif, 
poésie  narrative ,  prncès-verhal  narratif  du 
fait;  mémoire  narratif  d'une  cérémonie.  Il  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  On  fait  sentir  les 
deux  r. 

Narration.  Subst.  f.  On  fait  sentir  les  deux  r. 
Terme  de  littérature.  Dans  l'éloquence  et  dans 
l'histoire,  la  narration  est  le  récit  ou  la  relation 
d'un  fait  ou  d'un  événement  comme  il  est  arrivé, 
ou  comme  on  le  suppose  arrivé. 

On  demande  quatre  qualités  essentielles  dans 
la  narration  :  la  clarté,  la  probabilité,  la  brièveté 
cl  l'agrément. 

On  rend  la  narration  claire  en  y  observant 
l'ordre  des  lemps,  en  sorte  qu'il  ne  résulte  nulle 
confusion  dans  l'enchaînement  des  faits ,  en 
n'employant  que  des  termes  i)ropres  cl  usités,  et 
en  racontant  l'action  sans  interruption. 

Elle  devient  probable  par  le  degré  de  con- 
fiance que  mérite  le  narrateur;  parla  simplicité 
et  la  sincérité  de  son  récit;  par  le  soin  qu'on  a 
de  n'y  rien  faire  entrer  do  contraire  au  sens  com- 
mun ,  aux  opinions  reçues  ;  par  le  détail  précis 
des  circonstances  et  par  leur  union ,  en  sorte 
qu'elles  n'impliquent  point  contradiction,  et  ne 
se  détruisent  p.-int  mutuellement. 

La  brièveté  consiste  à  ne  point  reprendre  les 
choses  de  plus  haut  qu'il  est  nécessaire,  et  à  ne 
les  point  charger  de  circonstances  triviales,  ou 
de  détails  inutiles. 

Enfin,  en  donne  à  la  narration  de  l'agrômenl, 
en  employant  des  expressions  nouii)reuses,  d'ur 
son  agréable  et  doux,  en  évitant  dans  leur  arran- 
gement les  hiatus  et  les  dissonnances  ;  en  choi- 
sissant, ])our  sujet  de  son  récit ,  des  choses 
grandes,  nouvelles,  inaitendues;  en  euibellissani 
sa  diction  de  tropcs  et  de  figures;  en  tenant 
l'auditeur  en  suspens  sur  certaines  circonstances 
intéressantes,  et  en  excitant  des  mouvements  de 
tristesse  ou  de  joie,  de  terreur  ou  de  pitié. 

C'est  principalement  la  narration  oratoire  qui 
comporte  ces  ornements:  car  la  narration  his- 
torique n'exige  qu'une  simplicité  mâle  et  majes- 
tueuse, qui  coûte  plus  à  un  écrivain  que  tous 
les  agréments  du  style  qu'on  peut  répandre  sur 
les  sujets  qui  sont  du  ressort  de  l'éloquence. 

Narration  est  un  mot  dont  on  fait  usage  par- 
ticulièrement en  poésie  ,  pour  signifier  l'action 
ou  l'événement  principal  d'un  poème.  Les  actions 
dont  le  récit  est  sous  une  forme  artificielle,  ou 
active,  constituent  les  poèmes  dramatiques. 
Celles  qui  sont  seulement  racontées  par  le  poëte, 
comme  historien ,  forment  les  poëmes  épi- 
(jues. 
Narré.  Subst.  m.  On  fait  sentir  les  deux  r. 

N.ARRER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  fait  sentir 
les  deux  r.  L'Académie  explique  narrer  par  ra- 
conter,  et  raconter  par   narrer.  Il  parait  quô 


488 


NAT 


narrer  se  dil  plus  parliculiorement  de  l'exitusi- 
tion  et  du  dévelopiicmcnt  des  faiis,  dans  les 
ouvrages  histori(|ues,  ou  dans  les  discours  ora- 
toires. 

Nasal,  Nasale.  Adj.  Terme  de  grammaire.  Il 
se  dil  d'un  son  modilio  par  le  nez,  ol  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Sf/i  nasal,  prammciation 
nasale,  voyelle  nasale,  os  nasaux.  On  dislingue 
dans  r.dphabet  des  voyelles  et  des  consonnes  na- 
sales. I.es  voyelles  nasales  sont  celles  qui  reprc- 
senieraienl  des  sons  dont  l'émission  se  ferait  en 
partie  par  l'ouvcrinre  do  la  bouche,  el  en  partie 
par  le  canal  du  nez.  Nous  n'avons  point  de  ca- 
ractères destinés  exclusivement  à  cet  usage  ;  nous 
nous  servons  de  7«  ou  de  n  après  une  voyelle 
simple  pour  en  marquer  la  nasalilé,  an  ou  am, 
ain  ou  aim,  vn  ou  «m,  on  ou  nm.  On  donne 
quelquefois  aux  sons  mômes  le  nom  de  voyelles; 
el,  dans  ce  sens,  les  voyelles  nasales  sont  des 
sons  dont  l'émission  se  fait  en  partie  par  le  canal 
du  nez.  Les  consonnes  nasales  sont  les  deux  m 
et  n  ;  la  première  labiale,  et  la  seconde  linguale 
et  dentale;  toutes  deux  ainsi  nommées,  parce 
que  le  mouvement  organique  qui  produit  les 
articulations  qu'elles  représentent ,  fait  passer 
par  le  nez  une  partie  de  l'air  sonore  qu'elles  mo- 
difient. (Beauzée.)  Voyez  Lettre,  Voyelle,  M,  N. 

Natal,  Natale.  Adj.  L'Académie  dit  qu'il  n'a 
point  de  masculin  au  pluriel.  Cependant  on  ap- 
pelle jriix  natals,  des  jeux  par  lesquels  les  an- 
ciens célébraient  la  naissance  des  hommes  illus- 
tres. Cet  adjectif  se  dit  du  temps  et  du  lieu  de 
la  naissance.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Sa  terre  natale,  sa  ville  natale.  —  Molière  a 
dit  {École  des  Femmes,  act.  V,  se.  ix,  27)  : 

L'obli2;ea  de  sortir  de  sa  natale  terre. 

Mais  il  ne  doit  pas  être  imité  en  cela.  —  On  dit 
respirer  l'air  natal,  pour  dire  respirer  l'air  du 
lieu  où  l'on  est  né. 

Natif,  Native.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  natif  de  Paris.  — De 
l'or  natif,  de  l'argent  natif. 

En  parlant  des  personnes,  on  dit  né  à  Paris,  et 
natif  de  Paris.  iVa  ^/su  ppose  le  domicile  fixe  des 
parents,  au  lieu  (jue  né  suppose  seulement  nais- 
sance. Celui  qui  nait  dans  un  endroit  paraccident, 
est  7ie  dans  cet  endroit;  celui  qui  y  naît  parce  que 
son  père  et  sa  mère  y  ont  leur  séjour,  en  est  natif. 

Ce  mot,  dit  Mercier,  appliqué  jusqu'à  présent 
aux  per.sonnps,  peut  aussi  l'être  aux  choses.  Par 
exemple  :  Tout  ouvrage  étranger  perd  infiniment 
de  sa  couleur  native  daiis  une  traduction  fran- 
çaise, arec  rjuelqve  précision  el  quelque  énergie 
qu'on  en  puisse  rendre  les  idées,  les  images  et 
les  sentiments.  —  Plusieurs  l'ont  employé  ainsi. 
En  ISS.*),  l'Académie  donne  les  exemples  sui- 
vants :  //  7i'a  pas  encore  perdu  sa  candeur  native  ; 
il  a  toute  sa  simplicité,  toute  sa  pudeur  na- 
tive. 

Nation.  Subst.  L  On  dit  indifféremment  les 
peuples  de  l'Asie  OU  d'Asie  ;  mais  après  le  mot 
nation,  on  met  toujours  l'article  :  Les  nations 
de  l' Asie,  les  nations  de  l'Europe. 

Une  nation  est  bien,  comme  le  dil  l'Académie, 
un  terme  collectif  par  lequel  on  désigne  la  totalité 
des  personnes  nées  ou  naiuraliséesdans  un  pays  et 
vivant  sous  un  même  gouvernement  ;  mais  comme, 
dans  le  sens  littéral  el  primitif,  le  mot  natinn 
marque  un  rapport  commun  de  naissance,  d'ori- 
gine, il  est  naturel  d'appeler  nation  la  totalité  des 
races  nées  ou  établies  de  père  en  flls  dans  le 


NAT 

même  pays,  et  désignées  par  une  dcnominaUon 
commune,  comme  le  nom  à  l'égard  des  familles. 
Dans  cette  acception,  natùm  com])rcnd  tous  les 
naturels  du  pays,  clpuiple  tous  les  hahilanls.  Po- 
litiquement parlant,  la  nation  est  une  grande 
famille  politique  à  l'instar  de  la  famille  naturelle; 
le  peuple  est  une  grande  muliilude  ras-emblée  et 
réunie  par  des  liens  communs.  La  nati'm  est 
allachée  au  pays  par  la  culture,  elle  le  possède; 
\e peuple  est  dans  le  pays,  il  l'iiabitc.  Dans  plu- 
sieurs États,  le  peuple  esi  distingué  de  la  nation 
comme  un  ordre  particulier;  la  nation  est  le 
tout,  le  peuple  est  la  partie,  el  celte  partie  est 
composée  d'une  grande  multitude.  La  nation  se 
divise  en  plusieurs  ordres,  et  \c  peuple  en  esl  le 
dernier. 

National,  Nationale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Asscmhlic  nationale,  concile 
national,  les  conciles  nationaux,  troupes  nat- 
tionales. 

Ce  mot  s'emploie  substantivement  au  plurel 
masculin  :  Les  étrangers  et  les  nationaux. 

Naturaliser.  V.  a.  de  la  1'=  conj.  L'Acadé- 
mie ne  dit  pas  se  naturaliser.  Raynal  a  dit, 
engager  les  princes  à  envoyer  leurs  enfants  a 
Goa,  pour  s'y  naturaliser  en  quelque  manière 
avec  les  mœurs  et  les  pHncipes  de  la  cour  de 
Lisbonne. 

Naturaliste.  Subst.  m.  L'Académie  n'indi(|ue 
par  ce  mol  ([ue  celui  qui  a  étudié  la  nature.  Il 
a  une  autre  acception  qu'elle  a  omise. 

On  appelle  aussi  naturalistes  ceux  qui  n'ad- 
mettent point',de  Dieu,  mais quicroicnt  qu'il  n'y  a 
qu'une  substance  matérielle  revêtue  de  diverses 
qualités  qui  lui  sont  essentielles,  et  par  le  moyen 
desquelles  tout  s'exécute  nécessairement  dans  la 
nature,  comme  nous  le  voyons.  Naturaliste  en 
ce  sens  est  synonyme  de  matérialiste. 

Natcre.  Subst.  f.  Autrefois  on  employait  ce 
mot  sans  article  : 

C'est  un  lEiiTrc  où  nature  a  fait  lous  ses  eHorts. 
(Malherde,  liT.  y,  sonnet,  r,  2.) 

Aujourd'hui  on  ne  le  dit  sans  article  que  dans 
quelques  expressions,  comme  crime  contre  na- 
ture,peindre  d'après  nature,  représenter  d'après 
nature 

Corneille  a  dit  dans  HéracUus  (act.  IV, 
se.  I,  9)  : 

Vous,  pour  qui  son  amour  a  forcé  la  naturt. 

Voltaire  dit,  au  sujet  de  ce  vers  :  Il  eût  clé 
mieux,  je  crois,  de  dire  a  dompté  la  nature;  car 
forcer  la  nature  signifie  pousser  la  nature  trop 
loin.  [Remarques  sur  Corneille.) 

N.ATCREL,  Naturelle.  Adj.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst.  :  La  loi  naturelle,  les  lu- 
mières naturelles,  les  forces  naturelles,  les  sen- 
timents naturels,  l'histoire  naturelle.  —  Fils 
naturel,  fille  naturelle.  —  Du  vin  naturel,  un 
style  naturel. 

Une  pensée  naturelle  est  nécessairement  vraie; 
mais  loule  pensée  vraie  ne  parait  pas  toujours 
naturelle,  parce  que  le  rapport  réel  qui  peut  se 
trouver  entre  des  idées  n'est  pas  toujours  sen- 
sible. Nous  ne  jugeons  une  pensée  naturelle  que 
lorsqu'elle  se  présente  d'abord  à  \'e^m\.  ;  si  elle 
lui  échappe,  ou  (lu'elle  ne  se  laisse  qu'entrevoir, 
nous  ne  manquons  pas  de  nous  en  prendre  à  rai>- 
leur.  Notre  anour-iiropre  nous  persuade  aisé- 
ment que  ce  rue  nous  ne  concevons  pas  sans 


À 


NAT 

effort  n'a  pu   être  produit  sans  beaucoup  de 
travail.  [Encyclop.)  Voyez  le  mot  suivant. 

Naturel,  adjectif ,  est  employé  substantive- 
ment dans  cette  phrase  :  Les  nuturels  du  pays  ; 
mais  cela  n'a  lieu  qu'au  pluriel;  on  ne  dit  pas 
c'est  vil  naturel,  c'est  une  naturelle  du  pays. 
—  Girault-Duvivicr  reni;u-que  (lue  ce  mot  ne 
s'emploie  pas  avec  les  noms  des  nations  euro- 
péennes, et  qu'on  s'exprimerait  mal  en  disant 
les  naturels  de  France,  les  naturels  d' Espaçjne. 
[Grammaire  des  Grammaires,  p.  1200.) 

NatoIucl.  Subst.  m.  Terme  de  belles- lettres. 
Le  naturel  est  un  sentiment  de  la  belle  nalure 
joint  à  une  grande  facilite  pour  la  peindre. 
L'art,  dit  CondiUac,  entre  plus  un  moins  dans  ce 
que  nous  nommons  naturel.  Tantôt  il  ne  craint 
pas  de  paraître,  tantôt  il  semble  se  cacher;  il  se 
montre  plus  dans  une  ode  que  dans  une  épîlre, 
dans  un  poëme  cpiipie  que  dans  une  fable.  Si 
quelquefuis  il  disparait  dans  la  prose,  s'il  faut 
même  qu'il  disparaisse,  ce  n'est  pas  qu'on  écrive 
bien  sans  art  ;  c'est  que  l'art  est  devenu  en  nous 
une  seconde  nature,  (^uand  le  style  n'a  pas  tout 
l'art  que  le  genre  d'un  ouvrage  annonce,  il  est 
au-dessous  du  sujet;  et,  au  lieu  de  paraître  na- 
turel, il  parait  familier  ou  trop  commun;  quand 
il  en  a  plus,  il  est  forcé  ou  affecté.  Il  n'est  donc 
naturel  qu'aiilanl  (pie  l'art  est  d'accord  avec  le 
genre  dans  lequel  on  écrit,  et  cet  accord  en  fait 
toute  l'élégance.  xMais  ce  sont  la  des  choses  dif- 
ficiles à  déterminer  lorsqu'il  s'agit  du  style  poé- 
tique, parce  (pi'il  y  entre  plus  d'arbitraire  (jue 
dans  celui  de  la  prose. 

Nous  nous  imaginons  volontiers  avoir  des  idées 
absolues  de  luutes  les  choses  dont  nous  parlons, 
jusque-là  qu'il  faut  quelque  réflexion  pour 
remarquer  que  les  xaols  grand  et  petit  ne  signi- 
fient que  des  idées  relatives.  Ainsi,  lorsque  nous 
disons  que  i'-acine,  Despréaux,  Bossuet  et  ma- 
dame de  Sévigné  écrivent  naturellement,  nous 
sommes  portés  à  prendre  ce  mot  dans  un  sens 
absolu,  comme  si  le  naturel  était  le  même  dans 
tous  les  genres;  et  nous  croyons  toujours  dire  la 
même  chose,  parce  que  nous  nous  servons  tou- 
jours du  même  mot.  iN'ous  ne  tombons  dans  cette 
erreur  que  parce  que  nous  ne  remarquons  pas 
tous  les  jugements  que  nous  portons  ,  et  que 
néanmoins  nos  jugements  sont  différents,  suivant 
les  dispositions  où  nous  sommes;  dispositions 
que  nous  ne  remarquons  pas  davantage,  et  aux- 
quelles nous  obéissons  à  notre  insu.  En  effet, 
au  seul  titre  d'un  ouvrage,  nous  sommes  disposés 
à  désirer  dans  le  style  plus  ou  moins  d'art,  parce 
que  nous  voulons  que  tout  soit  d'accord  avec 
l'idée  que  nous  nous  faisons  du  genre  ;  nous  ne 
disons  pas  à  la  vérité  ce  que  nous  entendons  par 
cet  accord,  nous  ne  déterminons  rien  à  cet  effet  ; 
contents  de  sentir  confusément  ce  que  nous  dé- 
sirons, nous  approuvons,  nous  condamnons,  et 
nous  supposons  que  le  naturel  est  toujours  le 
même,  parce  (jue  la  notion  vague  que  nous  atta- 
chons à  ce  mot  se  retrouve  dans  toutes  les  accep- 
tions dont  il  est  susceptible.  Mais  si  nous  savions 
observer  le  sentiment,  qui,  en  pareil  cas,  nous 
conduit  mieux  que  la  réflexion,  nous  verrions 
que  toutes  les  fois  que  les  genres  diffèrent,  nous 
sommes  disposés  différemment,  et  qu'en  consé- 
quence nous  jugeons  d'après  des  règles  diffé- 
rentes. —  Lorsque  je  vais  commencer  la  lecture 
de^  Racine,  mes  dispositions  ne  sont  pas  les 
mêmes  que  lorsque  je  vais  commencer  celle  de 
madame  de  Sévigné.  Je  puis  ne  pas  le  remarquer, 
mais  je  le  sens-  et  en  conséquence  je  m'attends  à 


NAV 


489 


trouver  plus  d'art  dans  l'un,  et  moins  dans  1  autre 
D'après  ccKc  attente,  dont  je  ne  me  rends  pas 
compte,  je  juge  qu'ds  ont  écrit  tous  deux  natu- 
rellement; et,  en  me  servant  du  même  mot,  je 
porte  deux  jugements  (jui  diffèrent  autant  que  le 
style  d'une  lettre  diffère  de  celui  d'une  tra- 
gédie. 

Pour  achever  de  déterminer  nos  idées  sur  ce 
que  nous  nommons  naturel,  il  faut  considérer 
ijuc  nous  devons  à  l'art  tout  ce  que  nous  avons 
acquis,  et  que  proprement  il  n'y  a  <le  naturel 
en  nous  que  ce  que  nous  tenons  de  la  nature. 
Or,  la  nature  ne  nous  fait  pas  avec  telle  ou  telle 
habitude;  elle  nous  y  préparc  seulement,  et  nous 
sommes,  au  sortir  de  ses  mains,  comme  une  argile 
qui,  n'ayant  par  elle-même  aucune  forme  "ar- 
rêtée, reçoit  toutes  celles  que  l'art  lui  donne. 
Mais  parce  qu'on  ne  sait  pas  démêler  ce  que 
ces  deux  principes  sont,  chacun  séparément, 
on  attribue  au  premier  jibis  qu'il  ne  fait,  et  on 
croit  naturel  ce  que  le  second  produit.  Cepen- 
dant l'art  nous  prend  au  berceau,  cl  nos  études 
commencent  avec  le  premier  exercice  de  nos 
organes.  Nous  en  serions  convaincus  si  nous 
jugions  des  choses  que  nous  avons  apprises  dans 
notre  enfance,  par  les  choses  que  nous  sommes 
obligés  d'apprendre  aujourd'hui,  ou  par  celles 
que  nous  nous  souvenons  d'avoir  étudiées.  -- 
ouand  nous  admirons,  par  exemple,  dans  un 
danseur  le  naturel  des  mouvements  et  des  atti- 
tudes, nous  ne  pensons  pas  sans  doute  qu'il  se 
soit  formé  sans  art;  nous  jugeons  seulement  que 
l'art  est  en  lui  une  habitude,  et  qu'il  n'a  plus 
besoin  d'étude  pour  danser,  comme  nous  n'en 
avons  plus  besoin  pour  marcher. 

Le  naturel  consiste  donc  dans  la  facilité  de 
faire  une  chose,  lorsqu'aprcs  s'être  étudié  [>our 
y  réussir,  on  y  réussit  enfin  sans  s'étudier  davan- 
tage; c'est  l'art  tourné  en  habitude.  Le  |)octc  et 
le  danseur  sont  également  naturels,  lorsqu'ils  sont 
parvenus  l'un  et  l'autre  à  ce  degré  de  perfection 
qui  ne  permet  plus  de  remarquer  en  eux  aucun 
effort  pour  observer  les  règles  qu'ils  se  sont 
faites.  (Extrait  de  ['Encyclopédie.) 

,NATur,ELLEMENT.  Adv.  Il  sc uict  aprés  le  veroe  : 
Ecrire  naturellement,  cela  se  faitnaturcllevient, 
il  a  parlé  naturellement.  —  On  dit  quelque- 
fois par  forme  d'incise,  naturellement  parlant. 

N.vuFnACÉ,  Naufragée.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  f^aisscavx  naufrages, 
effets  naufragés. 

Nautique.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  (ju'après  son  subst.  :  Cartes  nautiques. 
Astronomie  nautique. 

Naval,  Navale.  Adj.  L'Académie  dit  qu'il  n'a 
pas  de  pluriel  au  masculin;  mais  je  pense  que, 
puisqu'on  dit  un  combat  naval,  on  pourrait  bien 
dire  aussi  des  combats  navals.  Cet  adj.  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Bataille  navale,  armée 
navale,  forces  navales. 

Navigable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Mer  navigable,  rivière 
navigable,  canal  navigable. 

Navigateur.  Subst.  m.  Qui  a  fait  do  grands 
voyages  sur  mer.  Comme  jusqu'à  présent  il  n'y  a 
aucune  femme  qui  ait  entrepris  de  grands  voyagea 
sur  mer,  par  des  vues  particulières,  on  ne  dit 
point  navigatrice. 

Naviguer.  V.  n.  de  la  1"  conj.  L'm  est  là 
pour  donner  au  g  le  son  de  gue,  ([u'il  n'a  pas 
devant  \'e.  On  disait  autrefois  naviger. 

Navire.  Subst.  m.  Ce  mot  était  autrefois 
fémiain,  et  dans  la  haute  poésie,  on  disait  plus 


490 


m. 


Kouvent  la  navire  que  le  navire.  La  Gra.-ivnaire 
des  Grammaires  prétend  que  le  féminin  s'est 
conservé  en  parlant  du  vaisseau  des  Aigon;iutcs, 
et  qu'on  dit  lu  navire  Argn.  On  ne  fait  plus  celle 
l'Xceplion  aujourd'hui,  cl  l'on  dit  également  le 
navire  Argn,  suit  en  parlant  de  ce  vaisseau,  soit 
on  parlant  de  la  constellation. 

Navrant,  Navrante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
navrer.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
ypectacle  narrant. 

Ne.  Le  inol  ne,  que  nous  joignons  au  verbe 
d'une  proposition  pour  la  rendre  négative,  est 
appelé  ncf/alion  par  quelques  grammairiens,  et 
négative  par  d'autres.  Il  est  ordinairement  suivi 
de  joa*  ou  de  point;  quelquefois  aussi  il  n'en  est 
pas  suivi.  \o)cz  Pas  cl  Point. 

Le  verbe  de  la  proposition  se  met  entre  ne  et 
pas,  je  ne  sais  pas.  Dans  les  temps  composés, 
l'auxiliaire  se  uicl  entre  ne  cl  pas,  je  ?iui  pas 
su.  Si  le  verbe  est  à  l'infinitif,  on  place  ordi- 
nairement ne  pas  avant  cet  infinitif,  71e  pas 
savoir.  On  dit  aussi  ne  savoir  pas;  mais  le  pre- 
mier a  un  sen^lus  négatif  que  le  second. 

Lorsque  ne  n'est  suivi  ni  de  pas,  ni  de  point, 
ni  d'aucun  autre  mot  équivalent,  le  sons  de  la 
proposition  est  moins  négatif.  Je  ne  sais  mar- 
que une  ignorance  moins  absolue  que  je  ne  sais 
pas. 

Les  mois  pas  Gi  point  que  l'on  joint  à  la  néga- 
tion, peuvent  donc  en  être  regardés  comme  des 
complémenls,  puisqu'ils  rendent  le  sens  plus 
négatif.  Les  mots  goutte,  brin,  mot,  mie,  rien, 
etc",  servent  aussi  à  compléter  la  négation;  et 
quand  on  les  emploie  à  cet  usage,  on  supprime 
pa^et  point.  Mais  alors  il  faut  que  ces  mots  ne 
soient  point  précédés  de  l'article.  On  ne  dit  pas, 
je  n'en  dirai  le  mot,  mais,  je  n'en  dirai  mot. 

Dans  les  phrases  comparatives,  quelquefois  0:1 
met  la  njgative  ne  après  qiœ,  et  quelquefois  0!i 
la  supprime  :  Elle  n'est  pas  si  belle  que  vous  le 
pensez;  elle  est  moins  belle,  plus  belle  que  vous 
De  croyez. 

Pour  comprendre  les  régies  que  nous  allons 
donner  sur  celle  matière,  il  faut  distinguer,  avec 
BeauzcQ,  des  comparatifs  d'égalité,  comme  tout, 
autant,  aussi,  si,  et  des  comparatifs  d'inéga- 
lité ,  comme  autre ,  autrement,  plus,  moins, 
mieux,  meilleur,  pis,  pire,  et  observer  que  les 
comparaisons  ont  toujours  deux  membres,  liés 
ordinairement  par  la  conjonction  conductive  que. 
Voici  maintenant  les  règles  que  donnent  les  gram- 
mairiens pour  l'emploi  ou  la  suppression  de  ne 
dans  ces  sortes  de  phrases. 

1"  Après  les  comparatifs  d'égalité,  le  que  qui 
réunit  les  deux  membres  de  la  comparaison  n'est 
jamais  suivi  de  ne  :  Je  n'ai  pas  tant  de  crédit 
que  ro«j /'imaginez;  il  n'a  pas  tant  d'ennemis 
i.u'W  le  croit;  il  vit  aussi  bien  qu'il  le  peut;  il 
n'est  pas  si  sage  qu'on  le  dit. 

On  supprime  le  ?ie,  parce  que  le  second  membre 
énonce  alfirmalivement  le  terme  auquel  on  com- 
pare le  premier,  pour  affirmer  on  nier  l'égMliié  du 
inemier  avec  le  second,  en  rendant  simplement 
le  premier  positif  ou  négatif  :  Je  fis,  ou  je  ne 
fis  pas,  autant  de  réponses  victorieuses  qu'on 
me  Ut  d'objections,  c'est-à-dire,  on  me  fit  des 
olijeciions,  et  c'est  le  terme  auquel  je  compare 
uies  réponses  victorieuses;  j'en  fis,  ou  je  n'en  fis 
pas  un  nombre  égal. 

2"  Après  les  comparatifs  d'inégalité,  marqués 
par  plus  ou  par  moins,  explicitement  ou  implici- 
tement, énoncés, on  bien  par au/re,  autrement,  ou 
quelque  autre  terme  équivalent;  si  le  premier 


NE 

membre  est  affirmatif,  le  second,  qui  vient  apré? 
que,  doit  être  négatif,  et  prendre  71e:  H  est  plus 
riche  qu'il  n'était;  vous  écrirez  mieux  que  vcus 
ne  parlez;  il  pense  autrement  aujourd'hui,  qu'il 
ne  pensait  hier;  j.^  conçois  vos  raisons  mieux 
que  vous  ne  pensez  ;  il  est  moins  malheuretueque 
je  ne  le  suis. 

On  emploie  la  négative  dans  la  seconde  propo- 
sition, pour  faire  sentir  la  différence  qu'il  y  a 
entre  ce  qui  est  exprimé  dans  la  première  pro- 
position, et  ce  qui  est  exprimé  dans  la  seconde. 
Il  est  plus  riche  qu'il  n'était,  exprime  que  h 
richesse  qu'il  possède  présentement  n'esl  i)as  égale 
à  celle  qu'il  possédait  autrefois.  Il  jiossède  pltis, 
et  il  n'avait  pas  ce  plus.  La  négaiivc  est  donc 
nécessaire  dans  la  seconde  proposition,  pour  faire 
sentir  cette  différence.  Sans  cette  négative,  cett?; 
différence,  qui  est  essentielle  à  l'idée,  ne  serait 
pas  exprimée;  il  est  plus  riche  qu'il  était.  Matr 
on  ne  complète  pas  la  négation  par  les  mots  pas^ 
point,  etc.,  parce  (ju'on  ne  nie  pas  l'existence  de 
la  richesse,  mais  seulement  l'existence  d'une 
richesse  plus  grande.  I.c  sens  négatif  ne  se  porte 
pas  uniquement  sur  il  est  7-iche,  mais  sur  il  est 
plus  riche. 

3^  Après  les  mêmes  comparatifs  d'inégalité,  si 
le  premier  membre  est  négatif,  le  second,  qui 
vient  après  que,  est  affirmaûf,  et  ne  prend  point 
7ie  :  Il  n'est  pas  plus  riche  qu'il  était,  fous 
n'écrivez  pas  mieux  que  vous  parlez;  vous  ne 
peiisespas  autrement  que  vous  dites. 

Dans  les  comparaisons  d'inégalité,  il  y  a  tou- 
jours une  proposition  négative;  de  sorte  que,  si 
la  première  proposition  est  positive,  la  seconde 
doit  être  négative;  et,  si  la  première  est  négative, 
la  seconde  doit  être  positive;  car,  au  moyen  d'une 
simple  conversion,  on  peut  toujours  ramener  la 
phrase,  dont  le  iircmier  membre  est  négatif,  à  la 
forme  simple;  cl  pour  cela,  il  suffit  de"mettre  le 
second  membre  à  la  place  du  premier  :  Personne 
7ie  peut  être  plus  persuadé  que  je  le  suis,  se 
convertit  en,  je  suis  plus  persuade  que  personne 
7ie  peut  l'être. 

Au  reste,  ces  deux  dernières  règles  ne  sont 
applicables  que  cpiand  on  veut  réellement  expri- 
mer l'inégalité  dans  la  comparaison  ;  car  il  est  des 
cas  où  l'on  prend  le  môme  tour  pour  marquer 
régalité  réelle,  au  moyen  d'une  proposition  né- 
gative, <]ui  nie  l'inégalité.  Pierre  n'est  pas  moins 
riche  que  Paul,  est  un  tour  que  1  on  prend 
quelquefois  pour  faire  entendre  que  l'un  est  aussi 
riche  ([ue  l'autre.  Cependant  l'inégalilé  pouvant 
être  en  plus  ou  en  moins,  la  négation  simple  de 
l'une  n'emporte  pas  la  négation  de  l'autre,  et  con- 
séquemment  il  peut  rester  du  doute,  parce  qu'il 
y  a  équivoque;  mais  on  peut,  en  prenant  le 
même  tour,  et  selon  le  sens  qu'on  voudra  donner 
à  la  phrase,  éviter  cette  équivoque,  au  moyen 
de  îie  mis  ou  supprime  après  le  que.  Ainsi,  i)6ur 
exprimer  qu'on  est  persuadé,  et  que  personne 
ne  peut  l'être  davanUige,  on  dira  :  On  ne  peut 
pas  être  plus  persuadé  que  je  le  suis;  et  pour  dire 
qu'on  n'est  point  persuadé,  et  que  personne  ne 
peut  l'être  davantage,  on  dira  :  On  ne  peut  être 
plus  persuadé  que  je  ne  le  suis.  (Beauzée.)_ 

Lorsque  les  deux  membres  d'une  comparaison 
sont  négatifs,  comme  dans  le  dernier  exemple  que 
nous  avons  cilé,  ce  n'est  pas  une  comparaison 
d'inégalité  qui  est  exprimée,  mais  réellement 
une  comparaison  d'égalité  sous  la  forme  d'ime 
comparaison  d'inégalité.  Dans  on  ne  peut  être 
plus  persuadé  que  je  71e  le  suis,  il  n'y  a  pofnt 
comparaison  d'mégahtè,  mais  comparaison  d'cga- 


NE 

Hlé.  Ma  non  persxtasioii  est  égale  ù  toute  autre 
non  persuasion.  D'Alembcrl  a  (lit,  l'existence 
de  Scipion  ne  scm  pas  plus  Jouteuse  dans  dix 
siècles  qu'elle  ne  l'est  aujourd'hui.  On  voit  dans 
celte  |)liraso  que  l'existence  n'est  pas  douteuse 
aujourd'hui,  et  qu'elle  no  le  sera  pas  dans  dix 
siècles.  11  y  a  égalité  de  non  doutcou  de  corlilude. 
L'existence  de" Scipion  sera  aussi  certaine  dans 
dix  siècles  qu'elle  l'est  aujourd'hui.  Ainsi  la 
négation,  dans  les  deux  membres  d'une  coini)a- 
laison,  est  \me  manière  de  former  une  compa- 
raison d'égalité.  Dans  cette  phrase  de  madame  de 
Séyiïnè,  cependant  vous  m'aviez  fait  une  ré- 
ponse, ci  on  ne  peut  avoir  été  mieux  perdue 
qu'elle  ne  Va  été.,  il  l'aut  supprimer  le  ne  du 
second  membre,  car  madame  de  Sévigné  lail 
entendre  (luc  la  réponse  a  été  mieux  perdue 
qu'aucune  autre  ne  l'a  été.  Ce  n'est  pas  une  com- 
iiaraison  d'égalité. 

L'iniciTogation  produit  dans  une  phrase  le 
même  effet'que  la  négation.  On  supprime  donc 
le  îie  dans  le  second  nïembre  de  la  comparaison, 
ionsque  le  premier  est  interrogatif,  à  moins  que 
ce  ne  soit  une  comparaison  d'égalité,  sous  la 
forme  d'une  comparaison  d'inégalité  :  Croyez- 
vous  qu  un  homme  puisse  être  plus  heureux  que 
vous  X'ti^s  depuis  trois  7iiois?  (J.-J.  Rousseau.) 

Si  le  premier  membre  est  négatif  et  interro- 
gatif en  même  temps,  il  faut  mettre  ne  dans  le 
second  :  Ne  vous  ai-jc  pas  mieux  servi  que  je 
ne  puis  servir  aucun  maître^ 

Enfin,  si  le  tour  interrogatif  se  trouve  dans  une 
comparaison  d'égalité,  sous  la  forme  négative,  il 
faut  mellre  7ic.  dans  le  second  membre.  D'Alcm- 
bert  aurait  pu  dire,  l'existence  de  Scipion  sera-t- 
elh  plus  douteuse  dans  dix  siècles,  qu'elle  ne 
l'est  aujourd'hui'^ 

A  moins  nue  précédant  un  verbe  employé  à 
un  mode  personnel  est  toujours  suivi  de  «e  /  A 
moinsqu'il  ve  s'ahseriie  ;  je  7}e  sors  pas,  à  moins 
qu'il  ne  fusse  beau  ;  et  moins  que  vous  ne  lui 
parliez.  Cependant  Corneille  a  dit  : 

A  moins  que  pour  régner  le  destin  les  sépare  ; 

et  Molière  {Dépit  amoureux,  act.  I,  se.  i,  72)  : 

A  moins  qne  la  suivante  en  /Visse  autant  pour  moi. 

Mais  ce  sont  des  licences  qui  ne  prouvent  rien 
contre  la  règle.  Voyez  Moins. 

Toute  proposition,  soit  affimiativc,  soit  néga- 
tive, qui  suit  les  mots  sans  que,  ne  peut  ren- 
fermer la  négative  ne  :  Ce  n'est  pas  à  nous  à 
penser  aux  règles,  c'est  à  elles  à  nous  conduire 
SuDS  que  nous  y  pensions.  (Condillac.)  Les  puis- 
sances  établies  par  le  coTnmerce  s'élèvent  peu  à 
peu,  et  sans  que  personne  s'en  aperçoive.  (Mon- 
tesquieu, Grand,  et  décad.  des  Rom.,  ch.  IV.) 

Je  reçus  et  je  vois  le  jour  qne  je  respire, 
Sans  que  mère  ni  père  ait  daigné  me  sourire 

(IU&,  Iphig.,  act.  II,  se.  i,  31.) 

.a  proposition  subordonnée  à  avajit  que  ne 
prend  point  la  négative  ne,  lorsque  le  verbe  qui 
suit  avant  que  exprime  une  action  sur  l'existence 
de  laquelle  il  n'y  a  point  de  doute  :  N'avons- 
nous  pas  vu  les  satellites  de  Pompée  environner 
Milan  avant  qu'il  (ù\.ju(/é?  Il  n'y  a  aucun  doute 
surle  jugement  de  Milon,  puisque  ce  jugement 
avait  existé.  Mais  quand  l'action  exprimée  [lar  le 
verbe  qui  suit  avant  que  exprime  une  action 
sur  l'existence  de  laquelle  il  y  a  du  doute,  il 


NÉG 


491 


faut  mettre  la  négative  ne,  qui  marque  ce  doute. 
On  dirait,  tirez  ce  lièvre  du  gite  arant  qu'il  ne 
parte,  et  non  pas  avant  qu'û  parte.  A'oyez  Avant. 
Nous  finirons  cet  article  par  une  icmarque  de 
Voltaire  sur  deux  vers  de  Corneille. 

Si  j'ai  besoin  de  vous,  do  peur  qu'on  me  controiffne. 
(A'iconi.,  act.  I,  se.  I,  83.) 

Il  faudrait,  pour  que  la  phrase  fut  régulière, 
le  négation  ne,  qu'on  ne  me  contraigne.  En 
général,  voici  la  règle.  Quand  les  Latins  emploient 
le  ne,  nous  l'employons  aussi  :  rereor  ne  cudat, 
je  crains  qu'il  ne  tombe.  Quand  les  Latins  se  ser- 
vent d'M^,  utrum,  nous  supprimons  ce  ne: 
Diibito  utrum  eas ,  je  doute  que  vous  alliez; 
opto  ut  vivas,  je  souhaite  que  vous  viviez. 
Quand  je  doute  est  accompagné  d'une  négation, 
je  ne  doute  pas,  on  la  redouble  pour  exprimer 
la  chose:  Je  ne  doute  pas  que  vous  ne  l'aimiez. 
La  suppression  du  ne  dans  le  cas  où  il  est 
d'usage,  est  une  licence  qui  n'est  permise  que 
quand  la  force  de  l'expression  la  fait  pardonner. 

Seigneur,  je  crains  pour  vous  qu'un  Romain  vous  écoule. 
(.Yicom.,  act.  I,  se.  Il,  58.) 

C'est  ici  une  expression  de  doute,  et  la  néga- 
tion ne  est  nécessaire  :  Je  crains  qu'un  Romain 
ne  vous  écoute.  Mais  en  poésie  on  peut  se  dis- 
penser de  cette  règle.  {Remarques  sur  Corneille.) 
Voyez  Nier,  Désespérer,  Disconvenir,  Douter. 
Empêcher,  Défendre,  Craindre,  Trembler, 
appréhender.  Falloir. 

NF.ANMoirss.  Adv.  Le  s  se  prononce  devant  une 
voyelle  ou  un  h  non  aspiré.  On  le  met  ou  au  com- 
mencement de  la  phrase  :  Néanmoins  je  lui  par- 
lerai; ou  après  une  conjonction  :  Et  néanmoins, 
si  néanmoins  ;  ou  au  milieu  d'une  phrase  :  Je  ne 
laisserai  pas  néanmoins  de  l'aller  voir. 

Néant.  Subst.  m.  Le  t  final  ne  se  prononce 
pas. 

Nébuleux,  Nébuleuse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu  a- 
piès  son  subst.  :  Temps  nébuleux,  cielnébuleux. 
Si  l'on  voulait  l'employer  au  ligure,  on  pourrait 
k  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie.  Voyez  Adjectif. 

Nécessaire.  Adj.  des  deux  genres  qut  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Chose  nécessaire,  mal 
nécessaire.  Cet  adjectif  s'emploie  tantôt  absolu- 
ment, tantôt  avecles  prépositions  à,  de  et  pour.- 
La  respiration  est  nécessaire  à  la  vie;  la  foi  est 
nécessaire  pour  le  salut;  il  est  nécessaire  de 
manger  pour  vivre. 

Nécessairement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe: 
Il  faut  nécessairement  manger  pour  vivi-e. 

NÉCESSITEUX,  Nécessiteuse.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  sonsubst.  On  l'emploie  substantivement: 
Les  nécessiteux.  L'Académie  ne  l'indique  point. 
—  Marmonlel  a  dit  une  langue  nécessiteuse, 
et  je  pense  qu'il  a  bien  dit.  La  langue  écHte  ne 
laisse  pas  d'être  nécessiteuse,  parce  que  ses 
besoins  s'étendent  au  dehors.  L'élégance  de  la 
langue  française  a  trop  pris  sur  sa  vigueur; 
ses polis.'seurs  l'ont  affaiblie. 

Nef.  Subst.  f.  On  prononce  le  /'final. 
■  Négatif,  Négative.  Adj.  qui  ne  se  metqua- 
près   son   subst.  :   Proposition   négative,  par- 
ticule négative,  terme  7iégatif.  Voyez  Disoon- 

V6  TlQ-Tt  CG  t 

Los  métaphysiciens  distinguent  entre  négatior 
et  privation.  Ils  appellent  «f^ya^ioyi  l'absence  d^i. 
attribut  qui  ne  saurait  se  trouver  dans  le  sujet, 
parce  qu'il  est  incompatible  avec  la  nature  du 


492 


NE  G 


sujet.  C'est  ainsi  que  l'on  nie  que  le  monde  soit 
l'ouvrase  du  hasiird.  Ils  apitellent  privulion 
l'absence  d'un  allribul  qui  non-seulcmciit  peut  se 
trouver,  mais  se  trouve  même  oïdinairemenl 
dans  le  sujet,  parce  qu'il  est  compatible  avec  la 
nature  du  sujet,  et  qu'il  en  est  un  accompagne- 
ment ordinaire.  C'est  ainsi  qu'un  aveugle  est 
privé  de  la  vue. 

Les  grammairiens  sont  moins  circonspects, 
parce  (|uc  celte  distinction  est  inutile  aux  vues 
de  la  parole.  L'absence  de  tout  allribul  est  pour 
eux  négation.  Mais  ils  donnent  pariiculiércmcnt 
cenom  aux  mois  destinés  a  désigner  celle  absence, 
comme  non,  ne.  Sur  quoi  il  est  important  d'ob- 
server que  la  ncgation  désigne  l'absence  d'un 
attribut,  non  comme  conçu  par  celui  qui  parle, 
mais  connue  im  mode  propre  à  sa  pensée  actuelle. 
En  un  mol,  la  négation  ne  présente  point  à  l'esprit 
l'idée  de  celte  absence  comme  pouvant  êlre  sujet 
dequclciues  allribuls;  c'est  l'absence  elle-même 
qu'elle  indique  immédiatement  comme  l'un  des 
caractères  propres  au  jugement  actuellement 
énoncé.  Si  je  dis,  par  exemple,  la  négation  est 
contradictdire  à  l'affirmatioii,  le  nom  négatwi 
en  désigne  l'idce  connue  sujet  de  l'atlribui  con- 
tradictoire, mais  ce  nom  n'est  point  la  négation 
elle-même;  la  voici  dans  cette  phr.ise,  Dieu  ne 
peut  être  injuste,  parce  que  ne  désigne  l'absence 
du  pouvoir  d'être  injuste,  qui  ne  saurait  se  trou- 
ver dans  le  sujet  qui  est  Dieu. 

La  dislinclion  philosophique  entre  np^nfion  et 
privation  n'est  pourtant  pas  tout  à  fait  perdue 
pour  la  grammaire,  et  l'on  y  distingue  des  mots 
négatifs  et  des  mois  privatifs. 

Les  mois  négatifs  sont  ceux  qui  ajoutent  à 
l'idée  caractéristique  de  leur  espèce,  et  à  l'idée 
propre  qui  les  individualise,  l'idée  particulière 
de  la  négation  grammaticale.  Les  mois  personne , 
rien,  aucun,  ni,  etc.,  sont  des  mots  négatifs. 

Les  mots  privatifs  sont  ceux  qui  expriment 
directement  l'absence  de  l'idée  individuelle  qui 
en  consiiiue  la  signification  propre,  ce  qui  se  fait 
communément  par  une  particule  composante 
mise  à  la  lèle  du  mot  positif.  Les  Grecs  se  ser- 
vaient pour  cela  de  Valpha,  que  les  grammai- 
riens nomment  par  celte  raison  a  privatif.  La 
particule  in  était  souvent  privative  en  latin. 
Dignvs,  mol  positif;  indignus,  mol  [Hivalif. 
Quelquefois  le  n  de  in  se  change  en  /  ou  en  r, 
quand  le  mot  positif  commence  [lar  une  de  ces 
liquides;  et  d'autres  fois  en  m,  si  le  mot  com- 
mence par  les  labiales  b,  p  et  m.  Legitimns, 
de  là  illegitimus ;  regularis ,  de  là  irregula- 
ris.,  elc. 

Nous  avons  transporté  dans  notre  langue  les 
mots  privatifs  grecs  et  latins,  avec  les  particules 
de  ces  langues;  nous  disons  anomal,  abîme, 
indigne,  indécent,  insensé, inviolable,  infortune, 
illégitime,  irrégulier,  etc  Mais  si  nous  intro- 
duisons (luelques  mots  privatifs  nouveaux,  nous 
suivons  la  méthode  latine,  et  nous  nous  servons 
de  in. 

Ainsi  la  principale  différence  entre  les  mots 
négatifs  et  les  mots /);iro/i/s,  c'est  que  la  néga- 
tion, renfermée  dans  la  signification  des  premiers, 
tombe  sur  la  proposition  entière  dont  ils  font  par- 
tie et  la  rendent  négative,  au  lieu  que  celle  qui 
constitue  les  mots  privatifs  lombe  sur  l'idée  indi- 
viduelle de  leur  signification,  sans  influer  sur  la 
nature  de  la  proposition. 

Qu'il  me  soit  i)ermis  de  faire  quelques  obser- 
vations sur  cet  article,  que  j'ai  emprunté  de 
M.  Beauzée,  l'un  de  nos  plus   habiles   gram- 


NEG 

mairiens,  et  de  développer  ici  l'idée  nouvelle 
que  j'ai  avancée  sur  celle  matière  a  l'article  in 

Je  ne  comprends  pas  Imp  celle  distinction 
entre  la  négation  des  mois  négatifs,  qui  tombr 
sur  la  phrase  enlicre  et  la  rend  négative,  et  la 
négation  des  mois  privatifs,  qui  tombe  sur  l'idée 
individuelle  de  leur  signification ,  sans  influer 
sur  la  nature  de  la  proposition. 

M.  Beauzée  convient  qu'il  y  a  également  né- 
gation dans  les  mots  négatifs  et  dans  les  mots 
privatifs.  S'il  en  est  ainsi"  l'expression  doit  être 
négative  pour  les  uns  cl  pour  les  autres,  et  la 
négation  des  mots  privatifs  ne  doit  point  avoir  la 
force  de  rendre  la  phrase  affirmative;  car  il  n'y  a 
rien  de  plus  opposé  que  la  négation  et  l'affn- 
mitim,  et  il  est  impossible  qu'une  négation  pro- 
duise une  affirmation. 

M.  Beauzée  répondrait  sans  doute  que  dans 
les  mots  privatifs,  la  négation  ne  tombant  pas  sur 
la  proposition  eniiêre,  mais  seulement  sur  l'idée 
individuelle  de  leur  signification,  celle  négation 
ne  produit  point  l'affirmation.  Mais  puisqu'on 
suppose  une  négation  dans  l'expression  priva- 
tive, et  une  neya<wM  dans  l'expression  négative, 
ils'ensuii  que  dans  ces  deux  phrases,  cet  homme 
n  est  pas  constant,  et  cet  homme  est  inconstant, 
l'absence,  la  privation,  la  négation  de  constance 
est  également  exprimée,  quoiiiu'ellene  le  soit  pas 
d'une  manière  semblable.  Or,  si  dans  la  première 
phrase  je  dois  employer  une  exprcssinn  négative, 
et  dans  la  seconde  une  expression  affirmaUve,  il 
est  bien  clair  ([ue  la  négation  que  l'on  appelle 
privation  influe  sur  la  nature  de  la  phrase,  puis- 
qu'elle la  rend  afllrmalive,  de  négative  qu'elle 
devait  êlre  naturellement.  Cependant  il  doit  y 
avoir  une  différence  entre  ces  deux  manières  de 
s'exprimer,  d'autant  jilus  qu'elles  sont  énoncées 
dans  des  formes  opposées  et  contradictoires. 

Je  crois  pouvoir  avancer  qu'il  n'y  a  point  de 
négation  dans  ces  prétendues  expressions  pri- 
vatives. En  effet,  s'il  y  en  avait  une,  le  mot  in- 
constant signifierait,  pfl5  constant;  et  la  phrase 
cet  homme  est  inconstant,  voudrait  dire,  cet 
homme  est  pas  constant,  ce  qui  revient  à  n'est 
pas  constant,  et  ramène  à  l'expression  négative. 
Il  serait  donc  inutile  de  distinguer  cet  homme 
7i'est  pas  constant,  et  cet  homme  est  inconstant, 
puisque  ces  deux  phrases  signifieraient  exacte- 
ment la  même  chose. 

Il  me  seinble  que  la  dénomination  de  privatifs, 
que  l'on  a  appliquée  à  ces  mots,  ne  leur  convient 
nullement;  et  qu'ils  désicnenl  toujours  quelque 
chose  de  positif.  La  preuve  que  j'en  donne,  c'est 
qu'ils  sont  toujours  accompagnésd'une  expression 
positive  qui  annonce,  non  une  privation,  mais 
l'existence  d'une  chose  réelle  ou  idéale.  Quand 
07!  est,  on  est  quelque  chose,  et  l'on  n'est  ni  une 
négation  ni  une  privation. 

L'absence,  le  défaut,  la  privation  d'une  qua- 
lité, ne  sont  pas  lellemenl  absolus  ([u'il  n'en  résuite 
souvent  une  (jualité  contraire, qui  a  une  existence 
réelle,  (jui  a  ses  modifications  et  ses  effets.  Par 
exemj)le,  quand  je  dis  cet  hovnue  n'est  pas  cour- 
ti'^an,  il  ne  résulte  pas  de  l'absence  de  la  qualité 
de  courtisan  une  qualité  contraire,  appréciable, 
qui  ait  ses  modifications  et  seseffels.  Voilà  pour- 
(]uoi  je  ne  puis  i)as  dire,  cet  homme  est  incour- 
tisan. Il  en  est  de  mènie  des  mots  amusant,  con- 
trariant, blessé,  aimable,  aimé,  etc.  Mais  quand 
je  dis  cet  homme  est  inconstant,  on  sent  (jue  je 
veux  désigner  par  celte  expression  une  qualité 
réelle  et  positive,  qui  a  ses  modifications  et  ses 
effets,  et  qui  résulte  de  l'absence  de  la  constance. 


NEG 

On  peut  distinguer  dans  l'nbscnce  de  la  con- 
stance deux  points  de  vue  différents  :  d°  l'absence 
absolue  de  la  constance,  sans  aucun  rapport  à  la 
mauvaise  tiualiié  qm  résulte  de  cette  absence; 
et  on  dit  en  ce  sens,  cet  linmnio  n'est  pus  con- 
stant; 2"  on  peut  regarder  l'absence  de  la  con- 
stance comme  une  mauvaise  qualité  positive,  qui 
a  ses  modilications  et  ses  effets,  et  alors  l'exjjrcs- 
sion  doit  être  affirmative,  cet  homme  est  incon- 
stant. Cette  explication  rend  sensible  la  différence 
des  deux  expressions. 

Or,  je  pense  quel'on  a  imaginé  ces  mots,  que 
l'on  nomme  abusivement  privatifs,  pour  désigner 
ces  (lualités  réelles  qui  résultent  de  l'absence 
d'une  (jualité;  et  ce  qui  me  confirme  dans  cette 
oiiiiiioii,  c'est  ([ue  l'absence  sinqile  des  qualités, 
qui  ne  produit  pas  une  qu'alité  contraire,  n'est 
pas  susceptible  (l'être  désignée  par  ces  sortes  de 
mots.  On  dit  cet  homme  est  incapable,  est  in- 
juste, est  insouciant,  etc.  ;  mais  on  ne  peut  i)as 
dire  cet  homme  est  inspiritucl,  inaimable,  in- 
souffrant,  etc.  ;  il  faut  se  borner  à  dire  n'est 
pas  spirituel,  n'est  pas  aimable,  n'est  pas  souf- 
frant. 

Concluons  de  là  qu'il  faudrait  un  autre  mot 
pour  désigner  les  mots  que  l'on  a  appelés  jusqu'à 
présent /3r»cai//;s-.  Je  laisse  le  soin  de  le  chercher 
a  des  personnes  plus  habiles  que  moi,  qui  auront 
trouvé  quelque  justesse  dans  mes  observations. 

Il  me  semble  que  si  le  principe  que  je  propose 
était  adopté,  il  mettrait  une  iKirrière  à  cette 
fureur  néologique  qui  s'efl'orce  d'introduire 
dans  la  langue  une  foule  d'ex])ressions  de  cette 
espèce,  qui  clioiiucnt  autant  le  bon  sens  que  les 
ureilles;  et  qu'on  aurait  une  règle  sure  pour 
connaître  celles  que  l'on  peut  adopter,  ou  qu'il 
faut  rejeter.  Voyez  In. 

Négation.  Subst.  f.  Les  grammairiens  enten- 
dent par  ce  mot  l'absence  de  tout  attribut;  mais 
ils  donnent  particulièrement  ce  nom  aux  mots 
destinés  à  désigner  cette  absence,  comme  no)i, 
ne. 

La  langue  française  a  l'avantage  de  pouvoir 
exprimer  différents  degrés  de  négation,  soit  en 
employant  simplement  la  négative  ne,  soit  en 
cooijjlétant  le  sens  de  cette  négative  par  les  mots 
pas  et  point.  Ne  exprime  le  degré  le  plus  faible 
de  négation,  je  ne  puis,  je  ne  sais;  ne  pas 
exprime  un  degré  plus  élevé,  je  ne  puis  pas,  je 
ne  sais  pas;  ne  point  exjjrime  la  négation  avec 
plus  d'énergie  encore,  je  ne  puis  point,  je  ne 
sais  point.  Voy.  Négatif,  Ne,  Non,  Pas,  Point. 

Négativement.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe  : 
//  a  répondu  négativement. 

NÉCLiGEsiMKNT.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Elle 
était  négligemment  vêtue. 

Négligence.  Subst.  f.  On  appelle  en  général 
néglir/ciice  de  style,  toutcequi,  dans  le  discours 
écrit,  choque  l'oreille  sans  choquer  les  règles  de 
la  grammaire. 

11  y  a  des  négligences  aimables,  qui  donnent 
de  l'agrément  aux  pensées,  et  que  par  celle  raison 
l'on  ne  saurait  blâmer.  Elles  ne  sont  guère  admises 
que  dans  les  lettres  familières,  et  dans  les  poésies 
légères.  Les  lettres  de  madame  de  Sévigné  et  les 
fables  de  La  Foniarne  offrent  un  grand  nombre 
d'exemples  de  ces  sortes  de  négligences. 

^■ÉGL1GE^T,  NÉGLIGENTE.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  négligent,  une 
femme  négligente.  — Je  ne  vois  nulle  part  qu'il 
se  dise  des  choses;  mais  je  lis  dans  Voltaire, 
mon   amitié    n'est     point    du    tout     négligente 


NÉO 


493 


{Correspondance);  et  il  me  semble  que  cela  est 
bien  dit. 

NÉGLiGEn.  V.  a.  de  la  l''''conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  j  ;  et  pour 
lui  conserver  cette  ijrononciaiion  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o  :  Je  négligeais,  négligeons,  et  non 
pas  je  négligais,  négligons. 

Négociateur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme,  on  dit  négociatrice. 

Neigeux,  Neigeuse.  Adj.  qui  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst.  :  Temps  neigeux,  saison 
neigeuse.  Volney  a  dit  :  Au.  nord,  pur  delà  une 
mer  irrégulière  et  lo7iguement  étroite,  sont  les 
campagnes  de  l'Europe,  riches  en  prairies  et 
en  champs  cultivés;  à  sa  droite,  depuis  la  mer 
Caspienne,  s'étendent  les  plaines  neigeuses 
ot  nues  de  la  Turtarie  [Les  liuines,  ch.  IV); 
et  Delille  a  employé  ce  mot  de  la  même  manière 
dans  les  vers  suivants  {Enéide,  VU,  ySS)  : 

Deux  Centaures  alticrs,  tiers  enfants  des  nuages. 
De  lears  sommets  neigeux  descendent  à  grands  pas. 

Néographe.  Adj.  i)ris  substantivement.  On 
appelle  ainsi  celui  cpii  affecte  une  manière  d'é- 
crire nouvelle  et  contraire  à  l'orthographe  reçue. 
L'orthographe  ordinaire  nous  faisait  écrire 
françois,  j'étais,  ils  aimeraient  ;  Voltaire  a 
écrit  français,  j'étais,  ils  aimeraient,  en 
mettant  ai  pour  oi  dans  ces  exemples,  et  par- 
tout où  Voi  est  le  signe  d'un  e  ouvert.  Nous 
emjjloyons  des  lettres  majuscules  à  la  tète  de 
chaque  phrase  qui  commence  après  un  point,  à 
la  tète  de  chaiiue  nom  propre,  etc.  ;  Voltaire 
avait  supprimé  toutes  ces  ca|)italcs  dans  la  pre- 
mière édition  de  son  Siècle  de  Louis  XI f^.  Du- 
marsais  a  supprimé  sans  exception  toutes  les 
lettres  doubles  qui  ne  se  prononcent  point  et 
qui  ne  sont  point  autorisées  par  l'étymologie;  il 
a  écrit  home,  came,  arèter,  doner,  anciène,  con- 
dâner.  Duclos  n'a  pas  même  égard  à  celles  que 
l'étymologie  ou  l'analogie  semblent  autoriser;  il 
supprime  toutes  les  lettres  muettes,  il  écrit  di- 
férentes,  l êtres,  èle,  téâtre,  etc.;  il  change  ph 
en  /',  ortografe,  filusofique,  etc.  Ainsi  Voltaire, 
Dumarsais,  Duclos ,  sont  des  néographes  mo- 
dernes. 

NÉoGRAPuisME.  Subst.  m.  Manière  d'écrire 
nouvelle,  et  contraire  à  l'orthographe  reçue.  Le 
fondement  et  le  prétexte  du  néographisme,  c'est 
que  les  lettres  étant  instituées  pour  représenter 
les  éléments  de  la  voix,  l'écriture  doit  se  confor- 
mer à  la  prononciation.  Mais  il  est  aisé  d'abuser 
de  ce  principe.  Les  lettres,  il  est  vrai,  sont  éta- 
blies pour  représenter  les  éléments  de  la  voix  ; 
mais  comme  elles  n'en  sont  pas  les  signes  natu- 
rels, elles  ne  peuvent  les  signifier  qu'en  vertu 
de  la  convention  la  plus  unanime,  qui  ne  peut 
jamais  se  reconnaître  que  par  l'usage  le  plus 
général  de  la  plus  grande  partie  des  gens  de 
lettres.  Il  y  aura,  si  vous  voulez,  plusieurs  ar- 
ticles de  cette  convention  qui  auraient  pu  être 
plus  généraux,  plus  conséquents,  plus  faciles  à 
saisir;  mais  enliii  ils  ne  le  sont  pas,  et  il  faut 
s'en  tenir  aux  termes  de  la  convention.  Toutes 
les  langues  ont,  dans  leur  orthographe,  des  irrégu- 
larités semblables  à  celles  que  fou  reproche  a  la 
nôtre;  et  on  bouleverserait  tout  si  l'on  voulait  les 
faire  disparaître,  et  peut-être  même  ne  pourrait- 
on  y  parvenir  enticrcincnl. 

J'avoue  que  de  siècle  en  siècle  il  s'établit  de 
nouvelles  manières  d'écrire  certains  mots,  et  que 


■i94 


NÉO 


:iolre  orlhograplie  actuelle  est  bien  iJifférenlc,  à 
i)|iisienrs  csanis,  de  celle  du  seizième  siècle. 
iMais  la  plui)art  de  ces  chançcmenls  sont  une 
suite  de  ceux  qui  ont  eu  lieu  dans  la  pronon- 
'•ialion;  ils  ne  peuvent  se  faire  que  peu  à  peu,  et 
ne  doivent  passer  pmir  rcL-le  <iue  lorsque  l'usage 
général  les  a  adoi)lés.  Certainement  un  n'écrira 
pas  aujoud'hui  M/wrfe,  au  Wcu  d' é (nd e, ■  sçavnir. 
au  lieu  de  savoir,  comme  écrivait  Montaigne, 
parce  que  l'usage  d'écrire  étude  et  sat^oir  est  gé- 
néralement adopté.  Mais  comme  plusieurs  gens 
de  lettres  se  sont  élevés  contre  le  néographisme 
de  \'oliaire,  de  Dumarsais,  de  Duclos,  de.  ;  (jue 
l'usage  est  partagé  sur  quelques-unes  de  ces 
nouvelles  manières  d'écrire,  et  qu'il  a  cntière- 
mr-nt  repoussé  les  autres  ;  les  règles  que  ces  écri- 
vains ont  données  sur  cette  matière  ne  peuvent 
passer  que  pour  des  systèmes,  et  ne  doivent  point 
litre  rangées  parmi  les  principes  de  notre  gram- 
maire. Le  Dictionnaire  de  l'Académie  française 
pourrait  être  d'une  gramle  utilité  à  cet  égard,  si 
ses  éditions  successives  indiquaient  exactement 
les  changements  que  l'usage  a  généralement 
adoptés.  Il  servirait  do  régulateur  dans  cette 
partie,  épargnerait  l'embarras  de  se  décider  pour 
tel  ou  Ici  système,  et  emiK'cherait  la  propagation 
des  innovations  contraires  à  la  raison  et  aux 
vrais  principes.  C'est  ce  qu'il  a  fait  pour  le  néo- 
graphisme  des  écrivains  dont  nous  venons  de 
parler.  Mais  que  d'irrégularités  n'offre-t-il  pas 
d'ailleuis  dans  un  grand  nombre  de  mois! 

ZNÉOLOGTE.  Sulist.  f.  Invention,  usage,  emploi 
de  termes  nouveaux.  Noire  langue,  comme  toutes 
les  autres,  s'est  formée  pcîu  à  peu.  Pauvre  dans 
les  commencements,  el  bornée  à  un  petit  nombre 
de  mois,  elle  s'est  successivement  accrue  et  en- 
riciiie  d'un  grand  nombre  d'expressions  deve- 
nues nécessaires,  par  les  changements  de  gou- 
vernements, de  mœurs,  d'usages,  de  relation , 
par  la  naissance  et  l'accroissement  des  sciences, 
des  arts,  du  commerce,  et  par  une  multitude 
d'autres  cattSes  nées  de  ces  circonstances.  La 
néologie  est  donc  le  principe  de  raccroissemont, 
de  la  richesse  et  de  la  perfection  de  la  langue. 
C'est  surtout  à  l'époque  oij  la  langue  française  a 
pris  imc  forme  régulière,  qu'on  a  vu  i)araitre  un 
grand  nombre  de  mois  nouveaux,  et  les  illustres 
solitaires  de  Port-Royal,  qui  ont  tant  contribué 
à  lui  donner  celte  forme,  ont  élé  les  pères  de 
la  néologie  française.  En  vain  le  jésuite  Bou- 
hours  a  voulu  s'op|)oser  à  ces  innovations;  les 
expressions  nouvelles  conformes  à  la  raison  et  à 
l'analogie  ont  [irévalu  sur  ses  critiques,  et  sont 
généralement  adoptées.  11  en  a  été  de  même  du 
Dicii  nnaire  vénldgiqve  du  fameux  abbé  Des- 
fontaines; et  si  l'usage  eût  rejeté  tous  les  mots 
réprouvés  par  ce  critique,  nous  n'aurions  i)as 
aujourd'hui  dans  notre  langue  plusieurs  expres- 
sions qui  contribuent  à  en  faire  l'ornement  et  la 
richesse. 

Prclendrc  qu'on  ne  doit  point  créer  de  mots 
nouveaux,  c'est  donc  s'opposer  aux  progrès  et  à 
la  perfection  de  la  langue  :  c'est  meltre  des 
bornes  à  l'avam-ouient  des  sciences,  des  arts  et 
de  la  philosophie;  c'.;st  entraver  le  génie.  La 
France  ne  posséderait  pas  aujourd'hui  les  ou- 
vrages immortels  qui  font  les  délices  de  la  nation 
et  radmi''alion  de  l'Europe  entière,  si,  dès  les 
commencements,  on  ciit  interdit  au  génie  toutes 
les  expressions  nouvelles,  lous  les  tours  nou- 
veaux; notre  langue  serait  encore  celle  des 
Velches. 

Je  dis  les  tmirs  nnuvenvx,  car  c'est  .inssi  en 


NÉO 

cela  que  consiste  la  néologie;  et  c'est  surtout  dans 
le  sens  figuré  qu'on  pcui  <[uel(iuefois  introduire 
avec  succès,  dans  le  langage,  un  tour  extraordi- 
naire ou  une  association  de  termes  dont  on  n'a 
pas  encore  fait  usage.  Pourquoi  m'empêchcriez- 
vous  de  créer  un  mot  nouveau,  si  j'ai  une  idée 
nouvelle  à  exprimer  ;  un  tour  nouveau,  s'il  rend 
mieux  ma  pensée  que  le  tour  ordinaire'? 

Mais  si  la  néologie  est  permise,  le  nénlnglsme, 
qui  en  est  l'abus,  est  dangereux  et  répréliensible. 
On  peut  employer  un  terme  noiivcnii.  mais  il 
faut  qu'il  soit  nécessaire;  il  faut  (ju  il  n'y  ait 
pas  dans  la  langue  un  autre  mot  qui  rende  la 
même  idée,  ou  qui  l'exprime  avec  la  même 
force,  avec  la  même  énergie.  Il  faut  enfin  que 
ce  mot  soit  intelligible,  et  qu'il  prenne  sa  source 
dans  l'analogie,  qui  n'est  cpi'une  extension  de 
l'usage.  Tout  mot  qui  se  présente  sans  l'attache 
de  l'analogie,  «pii  lui  donne  pour  ainsi  dire  le 
sceau  de  l'usage  actuel,  est  rejeti-  avec  dédain. 

Il  en  est  de  même  des  tours  extraordinaires  el 
des  figures  inusitées  ;  ils  sont  rejetés  s'ils  ne  font 
pas  jaillir  une  lumière  extraordinaire,  s'ils  ne 
peignent  pas  l'objet  d'une  manière  plus  vive 
qu'il  n'a  été  peint  jusqu'alors,  s'ils  n'expriment 
pas  le  sentiment  d'une  manière  plus  énergique 
ipie  ne  l'a  fait  jusqu'alors  aucun  autre  tour, 
aucune  autre  figure. 

Mais  dans  l'u'sage  de  la  néologie,  il  faut  beau- 
coup de  circonspection  et  de  retenue.  Les  mots 
nouveaux,  les  tours  nouveaux,  doivent  être  em- 
ployés rarement  et  sans  affectation.  Rien  n'est 
jilus  ridicule  qu'un  ouvrage  où  l'auteur  affecte 
d'en  mettre  dans  presque"  toutes  ses  phrases. 
Alors  ce  n'est  plus  la  langue  française,  c'cït  un 
jargon;  ce  n'est  plus  la  néologie,  v'G^i  le  néf>h- 
gisrne.  Nous  avons  vu  naguère  paraître  quelques 
ouvrages  de  cette  espèce.  Ils  ont  imposé  d'abord 
à  quelques  fanatiques  dont  ils  flattaient  les  vi- 
sions, à  quelques  jeunes  gens  dont  l'imagination 
n'était  pas  encore  réglée  par  la  raison;  mais  enfin 
le  bon  goût  en  a  fait  justice,  et  ils  ne  sont  plus 
aujourd'hui  (ju'un  objet  de  risée.  Voyez  Mot, 
Néologisme, 

Néologiqde.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'ajirès  son  subsl.  :  Expression  néologi- 
qiic,  dictionnairo  néologiqve. 

iNÉOLOGisMf;.  Subsl.  m.  On  entend  par  ce  mol 
l'affectation  de  certaines  personnes  a  se  servir 
d'expressions  nouvelles  et  éloignées  de  celles  que 
l'usage  autorise.  C'est  l'abus  de  la  néologie.  "Voy. 
ce  mol. 

Le  rtéologisme  ne  consiste  pas  seulement  à 
introduire  dans  le  langage  des  mots  nouveaux  qui 
y  sont  inutiles;  c'est  le  tour  affecté  des  phrases, 
c'est  la  liizarrerie  des  signes,  qui  caractérise 
surtout  le  néologisme.  Un  auteur  qui  conmît  les 
droits  et  les  décisions  de  l'usage,  ne  se  sert  que 
des  mots  reçus,  ou  ne  se  résout  à  en  introduire 
de  nouveaux  (]ue  (piand  H  y  est  forcé  par  une 
disette  .disolue  el  un  besoin  indispensable.  Sim- 
ple et  sans  affectation  dans  ses  tours,  il  ne  re- 
jette point  les  expressions  figurées  qui  s'adap- 
tent naturellement  à  son  sujet;  mais  il  ne  les 
recherche  point,  et  n'a  garde  de  se  laisser  éblouir 
par  le  faux  éclat  de  cerlains  traits  plus  hardis 
que  solides,  et  par  les  tournures  bizarres  que  lui 
présente  vme  imagination  échauffée. 

C'esi,  dit  Voltaire,  l'envie  de  briller  et  de  dire 
d'une  manière  nouvelle  ce  que  les  auires  ont  dit, 
qui  est  la  source  des  ex[)ressions  nouvelles, 
comme  des  [jcnsées  recherchées.  ()ui  ne  peut 
briller  par  une  pensée  veut  se  faire"  remarquer 


NEU 

par  un  mot...  Pourquoi  éviter  une  expression  qui 
est  d'usage,  pour  en  introduire  une  qui  dit  pré- 
cisément la  même  i-hose?  Un  mot  nouveau  n'est 
pardonnable  que  quand  il  est  absolument  néces- 
saire, intelligible  et  sonore.  On  est  obligé  d'en 
créer  en  physique  :  une  nouvelle  découverte, 
une  nouvelle  machine,  exigent  un  nouveau  mot 
]Mais  fail-on  de  nouvelles  découvertes  dans  le 
cœur  humain?  Y  a-t-il  une  autre  grandeur  (jue 
celle  de  Corneille  et  de  Bossuel  ?  Y  a-t-il  d'au- 
tres passions  que  celles  qui  ont  clé  maniées  par 
Racine,  effleurées  par  Quinaull?  Y  a-til  une 
ulre  morale  évangélique  que  celle  du  père 
Bourdaloue  ? 

Ceux  qui  accusent  notre  langue  de  n'clre  pas 
assez  féconde  doivent  en  effet  trouver  de  la  slé- 
riLlé,  mais  c'est  en  eux-mêmes.  i,)uand  on  est 
bien  pénétré  d'une  idée,  quand  un  esprit  jusie 
et  plein  de  chaleur  possède  bien  sa  pensée,  clic 
sort  de  son  cerveau  tout  ornée  des  expressions 
convenables,  comme  Minerve  sortit  tout  armée 
du  cerveau  de  Jupiter. 

Néologue.  Subst.  m.  On  donne  ce  nom  à  ce- 
lui qui  affecte  un  langage  nouveau,  des  expres- 
sions bizarres,  des  tours  recherchés,  des  figures 
extraordinaires.  Voyez  Néologie  et  Néolu- 
çisme. 

Nerf.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  point  le  /"au 
pluriel;  souvent  môme,  au  singulier,  on  ne  le  fait 
pas  sentir  dans  la  conversation  :  U71  7ierf  de 
bœuf. 

Nerveux,  Nerveuse.  Adj.  Il  ne  se  met  pas 
avant  son  subst.  :  Carps  nervexis,  Iras  nerveux. 
—  Fluide  nerveux,  affection  nei-veuse.  —  Dis- 
cours nerveux,  style  nerveux. 

Net,  Nette.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Une  place  nette,  de  la  vaisselle  nette. — 
Une  pensée  nette.  — Un  affaire  nette,  vn  compte 
net,  un  bien  net,  un  produit  net.  —  Une  con- 
science nette. 

On  dit  qu'î/ne  pensée  est  nette,  lorsqu'elle  re- 
présente l'objet  sans  nuage  et  sans  obscurité. 
Voyez  Clarté. 

Nettement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  /.'  s'est  expliqué 
nettement  sur  cet  article,  ou  il  s'est  nettement 
expliqué  sur  cet  article. 

Nettoyer.  \.  a.  de  la  l'^  conj.  Ce  verbe  se 
conjugue  comme  employer.  Il  paraît  j)eu  propre  au 
style  noble,  si  ce  n'est  dans  l'acception  suivante  : 

Bt  toi,  Xeptune,  et  toi,  si  jadis  mon  courage 
Ufinfîmes  assassins  nettoya  ton  riTâge. 

(Rac,  Phid.,  ad.  IV,  se.  ii,  51.) 

Neuf.  Adj.  numéral  des  der.x  genres.  Le  /"ne 
se  prononce  point  dans  ce  mot  quand  il  est  suivi 
iminédiatemcnt  d'un  mot  qui  commence  par  une 
consonne:  Neuf  cavaliers,  neuf  chevaux;  pro- 
noncez neu  cavaliers,  ncu  chevaux.  Quand  il  est 
suivi  d'un  nom  qui  commence  par  une  voyelle  ou 
Uû  h  non  aspire,  le  f  se  prononce  comme  un 
V  !  Neuf  ccus,  neuf  ans,  neuf  enfants,  neuf 
hommes,  prononcez  neuv  ccus,  ncnv  ans, 
neuv  enfants,  neuv  hommes.  Mais  quand  neuf 
n'est  suivi  d'aucun  mot ,  ou  qu'il  n'est  suivi 
ci  d'un  adjectif  ni  d'un  substantif,  on  laisse  au 
f  sa  prononciation  naturelle  :  Ils  étaient  neuf. 
Neuf  et  demi.  Tous  les  neuf  arrivèrent  à  la 
fois. 

Nllf,  Nedve.  Adj.  Dans  ce  mot  le  /"final  se 
prononce  au  singulier  et  au  pluriel  :  Un  habit 
neuf,    des  Lan   neufs,  un    chapeau   neuf,   une 


NI 


495 


maison  neuve.  —  Une  pensée  neuve,   une  ex 
pression  neuve.   —  Un  homme   neuf.  Il  ne  SO 
met  guère  qu'après  son  subst.  Voltaire   a   dit 
(épître  XLVII,  29)  : 

Je  veux  de  ntuve»  Tcrilcs. 

On  dil«  neufei  de  neuf.  Ce  sont  deux  phrases 
adverbiales  qui  ne  signifient  pas  précisément  la 
même  chose.  A  neuf  se  dit  des  choses  qu'on 
raccoininodc  et  qu'on  renouvelle  en  quelque 
sorte  :  Refaire  un  bâtiment  à  neuf.  Bemcttre 
vn  tableau  i\  neuf,  blanchir  des  bas  il  neuf.  De 
neuf  se  dit  des  chosesloutes  neuves.  On  dit  qu'une 
personne  a  fait  habiller  ses  gens  de  neuf,  pour 
dire  qu'elle  leur  a  fait  faire  des  habits  neufs. 

Neutkalement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'ajirès  le 
verbe  :  yous  avez  employé  ce  verbe  actif  ncu- 
Iralement,  et  non  pas,  vous  avez  neutralemcnt 
employé. 

Neutre.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  Ce  mot  nous  vient  du  latin 
neuter,  qui  veut  dire,  ni  l'un  ni  l'autre.  En  le 
transportant  dans  notre  langue  avec  un  léger 
changement  dans  la  terminaison,  nous  en  avons 
conservé  la  signification  originelle,  mais  avec 
([uelque  extension.  Neutre  veut  dire  qui  n'est 
ni  de  l'un  ni  de  l'autre,  ni  à  l'un  ni  à  l'autre,  ni 
pour  l'un  ni  pour  l'autre,  indépendant  de  tous 
deux,  indifférent  ou  impartial  entre  les  deux. 
Ci'esl  dans  co  sens  ([u'un  État  peut  dem.eurer 
r.eulre  entre  deux  puissances  belligérantes,  un 
savant  entre  deux  opinions  contraires,  un  ci- 
toyen entre  deux  partis  opposés,  etc. 

"Le  mot  neutre  est  aussi  un  terme  propre  à  la 
grammaire,  et  il  y  est  employé  en  deux  sens  dif- 
férents. 

Dans  plusieurs  langues ,  il  y  a  trois  genres  pour 
les  noms  :  le  masculin,  le  féminin  et  le  7tcutre. 
Dans  la  langue  française,  il  n'y  en  a  que  deux, 
le  masculin  et  le  féminin. 

Dans  la  langue  française,  comme  <ians  plusieurs 
autres,  on  distingue  des  verbes  actifs,  des  verbes 
passifs  et  des  verbes  neutres.  Les  verbes  neutres 
sont  de  deux  sortes.  Les  uns  ne  signifient  pas 
une  action,  mais  seulement  une  qualité,  comme 
il  excelle,  ou  une  situation,  comme  il  languit, 
ou  quehiue  autre  état  ou  attribut,  comme  il 
règne.  Les  autres  verbes  neutres  signifient  des 
actions,  mais  qui  ne  passent  point  dans  un  sujet 
différent  de  celui  qui  agit,  ou  dont  l'impression 
ne  peut  être  reçue  par  un  objet  étranger,  comme 
dîner,  souper,  marcher,  triompher. 

Le  verbe  neutre  diffère  du  verbe  actif,  en  ce 
que  celui-ci  exprime  une  action  qui  se  reporte 
sur  un  objet  étranger,  et  que  le  verbe  neutre  ex- 
prime une  action  faite  par  le  sujet,  et  sans  rap- 
port à  un  objet  étranger.  Il  suit  de  là  que  le 
verbe  neutre  n'a  jamais  de  régime  direct. 

Il  est  important  d'observer  que  nous  avons 
plusieurs  verbes  qui  forment  leurs  temps  com- 
posés, ou  par  l'auxil'aire  avoir,  ou  par  l'auxi- 
liaire é/re  .•  tels  sont  convenir,  demeurer,  des- 
cendre, monter,  repartir:  cl  !;i  plupart,  dans  ce 
cas,  changent  de  sens  en  changeant  d'auxiliaire. 
Voyez  ces  mots  et  Conjuyaise?i. 

Neuvième.  Adj.  des  deux  genres.  Nombre 
d'ordre.  Il  se  met  entre  l'article  et  le  substantif 
qu'il  modifie  :  Le  neuvième  jour,  la  neuvième 
fois. 

Nez.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  z. 

Ni.  Conjonction  négative  qui  signifie  et  ne. 

Elle  sert  à  lier  entre  elles  les  parties  simiiairas 


496 


NIE 


d'une  proposition  n(?galivc.  Quand  deux  ou  jilu- 
sicms  prupusillons  négalivcs  ont  le  même  sujet 
avec  (iilfLM-cnls  attributs,  ou  le  même  attrihul 
avec  différents  sujets,  nous  réunissons  toutes  les 
propositions  en  une  seule,  en  répétant  ni  devant 
cliaiiiic  sujet  ou  devant  chaque  atiriliui.  Au  lieu 
do  diic  Vuit  ne  me  coni'ient  pas,  l'intlre  ne  me 
convient  pas,  on  dit  ni  l'un  ni  l'autre  ne  me 
convient.  La  justice  ne  fut  Jamais  ni  si 
éclairée,  tii  si  sec/urable.  (Boss.,  Omis.  fun.  de 
Michel  Le  Tcllier,  p.  253.)  Ni  doit  toujours  être 
accompagné  de  la  négative  ne,  et  fait  supprimer 
pas  ou  point  lorsqu'il  est  répété.  Boileau  a  dit 

Mon  esprit  n'admet  point  un  pompeux  barbarisme. 
Al  d'un  vers  ampoule  l'orgueilleux  solécisme. 

S'il  eût  dit,  mon  esprit  71'admet  ni  un  pompeux 
barbarisme,  ni,  etc.,  il  aurait  supprimé  po/>j/. 

Ni  est  quelquefois  suivi  immédiatciiiciil  de 
7ie,  lorsqu'il  joint  deux  propositions  négatives; 
dans  ce  cas,  la  proposition  liée  rejette  pus  :  Ja- 
mais pécheur  ne  demanda  vn  pardon  plus 
liuinhle,  ni  ne  -sen  crut  plus  indigtie.  (Boss., 
Orais.  fun.de  Michel  Le  Tellicr,  p.  271 .)  A' oyez 
Accord. 

Niable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  proposition  niable,  un 
cas  niable. 

Niais,  Niaise.  Adj.  :  Un  oiseau  yiiais.  —  Un 
garçon  niais,  une  fille  niaise.  — Une  démarche 
niaise,  un  raisonnement  niais,  un  style  niait. 

Trois  sceptres  à  son  trône  attachés  par  mon  bras. 
Parleront  au  lieu  d'elle  et  n«  se  tairont  pas. 

(CoBN.,  Ificom.,  acl.  I,  se.  i,  105.) 

Puisque  les  sceptres  parleront,  dit  Voltaire,  il 
est  clair  qu'ils  ne  se  tairont  pas.  Ces  sortes  de 
pléonasmes  retombent  quelquefois  dans  ce  qu'on 
appelle  le  style  niais  :  Htlas!  s'il  n'était  pas 
mort,  il  serait  encore  en  vie.  {Remarques  sur 
Corneille.)  —  Cet  adjectif  peut  quelquefois  se 
mettre  avant  son  subst.  :  Cette  niaise  réponse 
fit  rire  tout  le  monde. 

NiAisEMexT.  Adv.  Il  peut  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  répondu  niaise- 
ment, il  a  niaisement  répondu. 

Nin.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  d. 

Nier.  V.   a.  de  la  l'^  conj.  Ce  verbe,  suivi 
d'un  autre  verbe,  demande  de  et  l'infinitif,  lors- 
(jue  le  verbe  régi  se  rapporte   au  sujet  de  la  j 
phrase  :  //  a  nié  d'avoir  dit  cela.  Dans  le  cas  j 
contraire,  on  emploie  que  avec  le  subjonctif  :  Je  j 
ne  nie  pas  que  vous  ne  soyez  fondé  à  faire  cette 
demande,  je  nie  que  cela  soit,  je  ne  nie  pas  çue 
cela  ne  soit. 

On  voit  que  lorsque  nier  est  employé  avec  la 
négation,  le  ne  doit  cire  répété  dans  lu  proposition 
subordonnée  '.Je  ne  nie  pas  que  je  ne  l'aie  dit,  et 
non  pas,  je  ne  nie  pas  que  je  l'aie  dit.  Fous  ne 
sauriez  nier  qu'un  homme  n'apprenne  bien  des 
choses  quand  il  voyage.  (Fénel.,  XYII'  dialoguo  ! 
des  morts.  Sacrale  et  Alcibiade.)  On  ne  peut  nier  ' 
qvi'je  XiC  sois  très-fondc  à  m'ériger  en  Aristar-  | 
que,  en  juge  souverain  des  ouvrages  nouveaux.   [ 
(J.-J.  Rouss.,  le  Persi/fleur.)  —  Selon  le  JJict. 
de  l'Académie,  on  peut  indifféremment  mettre  [ 
ou  supprimer  la  négative  :  Je  tic  nie  pus  qu'il  ait  , 
fait  cela,  qu'il  nuit  fuit  cela.  Mais  si  l'on  con-  1 
suite  les  meillfeurs  grammairiens  et  les  écrivains  I 


NOC 

les  plus  distingués,  on  verra  qu'il  faut  toujours 
mettre  cette  négative.  Il  en  est  de  même  quand 
ce  verbe  parait  sous  une  forme  interrogative  : 
Peut-on  nier  qu'il  n'ait  avancé  cette  proposi- 
tion? —  Lorsque  le  sens  de  nier  est  affirmatif^ 
le  verbe  de  la  subordonnée  ne  i)rend  point  ne. 
Je  nie  qu'il  soit  venu. 

NiGAup,  NiGAiDE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Il  est  nigaud,  elle  est  nigaude.  — 
On  l'emploie  souvent  substantivement  :  Un  ni- 
gaud, une  nigaude.  Ce  mot  est  familier. 

Niveler.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  double  la 
lettre  /  dans  les  temps  de  ce  verbe  où  cette  lettre 
est  suivie  d'un  emuet  :  Je  nivelle,  je  ?nvellerai, 
il  nivellera,  il  nivellerait.  On  ne  met  qu'un  l 
lorsque  celte  lettre  est  suivie  d<;  toute  autre 
lettre  qu'un  c  muet  :  Je  nivelais,  j'ai  nivelé, 
ils  nivelèreîit. 

Noble.  Adj.  Il  se  met  quelquefois  avant  son 
subst.,  et  il  y  a  même  des  cas  où  l'on  ne  peut  le 
pLicer  autrement.  Ou  dit  un  air  noble,  une  âme 
tioble,  un  cœur  noble,  un  style  noble,  les  parties 
nobles.  On  peut  dire  son  cœur  nob!e,  ou  son 
noble  cœur;  mais  il  faut  dire  ces  nobles  délasse- 
ments, vn  noble  loisir,  et  non  pas  ces  délasse- 
ments nobles,  un  loisir  noble. 

NoBLEMF.NT.  Adv.  Oii  pcut  Ic  mettre  entre 
l'auxiliaire  nt  le  participe  :  //  s'est  comporté  no- 
blement, uu  il  s'est  noblement  comporté  dans 
cette  occasion. 

Noblesse.  Subst.  f.  Ce  mot  n'a  point  de  plu- 
riel :  La  noblesse  de  leurs  ancêtres,  la  noblesse 
de  leur  style,  et  non  pas  les  noblesses. 

Noblesse  est  aussi  un  terme  de  belles-lettres. 
Diderot  blâme  la  prétendue  noblesse  qui  nous 
fait  exclure  de  notre  langue  un  grand  nombre 
d'expressions  énergiques.  Les  Grecs  et  les  Latins, 
dit-il,  qui  ne  connaissaient  guère  cette  fausse 
délicatesse,  disaient  en  leur  langue  ce  qu'ils 
voulaient,  et  comme  ils  le  vouliient.  Pour  nous, 
à  force  de  réprimer,  nous  avons  appauvri  la 
nôtre;  et  n'ayant  souvent  qu'un  terme  propre  à 
rendre  une  idée,  nous  aimons  mieux  affaiblir 
l'idée,  que  de  ne  pas  employer  un  terme  noble. 
Quelle  perte  pour  ceux  d'entre  nos  écrivains  qui 
ont  l'imagination  forte,  que  celle  de  tant  de  mots 
que  nous  revoyons  avec  plaisir  dans  Amyot  et 
dans  Montaigne  !  Ils  ont  commencé  par  être 
rejetés  du  beau  style,  parce  qu'ils  avaient  passé 
dans  le  peuple;  et  ensuite  rebutés  i)ar  le  peuple 
même,  qui,  à  la  longue,  est  toujours  le  singe  des 
grands,  ils  sont  devenus  tout  à  fait  inusités. 
Je  ne  doute  point  que  nous  n'ayons  bientôt, 
comme  les  Chinois,  la  langue  parlée  cl  la  langue 
écrite. 

Noce.  Subst.  f.  Ce  mol  s'emploie  dans  le  même 
sens  au  singulier  et  au  pluriel  :  Aller  d  la  noce, 
ou  aux  ?ioces. 

Nos  noces,  croyez— moi,  ne  seront  point  secètes. 

(VotT.,  l'Indiscret,  se.  vi,  69.) 

D«5  noces  que  je  veux 

^CoRW.,  Uéracl.,  act.  III,  se.  11,2.) 

Ce  mot  7ioces,  dit  Voltaire,  est  de  la  comédie,  à 
moins  qu'il  ne  soit  relevé  par  qucl<iue  épithéle 
terrible.  {Remarques  sur  Corneille.) 

Nocher.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  s'emploie  qu'en 
poésie  : 

L'efirovable  Caron  est  nocher  de  cette  onde. 

(nELiL.,  Énrfjd.,  vr,  588.) 


NOM 

Nocturne.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
^ueliiuelois  le  mettre  avant  son  subst.  :  Fision 
noctvrtw,  apparition  nocturne,  vne  expédition 
nocturne,  cette  nocturne  expé.dilion ;  une  retraite 
nocturne,  cette  nocturne  retraite. 

Noir,  iNoiur.  Adj.  Dans  le  sens  propre,  il  se 
mel  assez  souvent  avant  son  subst.  :  Un  habit 
noir,  une  hurle  noire,  de  la  bile  noire.  Un  noir 
limon.  On  ne  dit  pas  un  noir  crime,  ttnc  noire 
wa/jce,  mais  on  dit  M«  -noir  attentat,  une  noire 
trahison,  ces  noirs  artifices,  ces  noirs  abîmes. 

Son  cœur  n'enferme  point  une  malice  noire. 

(Rac,  Dritan.,  acl.  Y. se.  m,  28.) 

NoiBATRE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subst.  :  Couleur  noirâtre, 
eau  noirâtre,  teint  noirâtre. 

NoiKADD,  iSoiRAUDii.  Adj.  ijue  l'on  prend 
quebiuefois  substantivement  :  Il  est  noiraud, 
elle  est  noiraude.  C'est  un  noiraud,  une  noi- 
raude. 11  ne  se  met  guère  (ju'après  son  sul)St. 

JXoiRcir,.  V.  a.  de  la  2'=  conj.  Ce  mot  est  sou- 
vent employé  au  figuré  dans  le  style  noble  • 

îloi,  que  j'ose  opprimer  et  noiTCir  l'innocence! 

(RiC,  Phèd.,  acl.  III,  se.  m,  C9.) 

Je  ne  me  noircis  point  pour  le  justifier. 

(Rac,  Baj.,  acl.  V,  se.  vi,  16.) 

Pourquoi  ta  bouche  impie, 
A-t-elle,  en  l'accusant,  osé  noirtir  sa  vie? 

(Rac,  Phèd.,  act.  IV,  se.  vi,  100.) 

J'ignore  de  quel  crime  on  a  pu  me  noircir. 

(lUc,  Britan.,  act.  IV,  se.  il,  3.) 

Je  sais  de  quels  forfaits  on  peut  noircir  ma  vie. 

(Volt.,  OEd.,  acl.  II,  se.  iv,  5.) 

*  NoLiTioN.  Subst.  f.  On  a  quelquefois  em- 
ployé ce  mol  dans  le  style  didactique,  comme  le 
contraire  de  volition. 

Nom.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire. 

Un  homnnc  qui  ne  saurait  aucune  langue, 
recevrait  jiar  les  sens  les  impressions  des  objets, 
se  formerait  une  idée  de  chacun  d'eux,  mais  sans 
pouvoir  commuuifiuerccs  idées  à  d'autres  hom- 
mes i)ar  le  moyen  de  la  parole. 

Pour  pouvoir  parler  d'une  chose,  il  faut  que 
celle  chose  ail  un  nom,  c'est-à-dire  qu'il  existe 
un  mot  établi  pour  la  désigner  et  en  rappeler 
l'idée  :  il  faut  (juc  celui  qui  veut  parler  de  celte 
chose  connaisse  ce  nom  ;  et,  pour  cju'ilsoil  com- 
pris de  ceux  à  qui  il  veut  en  parler,  il  faut  qu'ils 
le  connaissent  aussi.  Voyez  Mut. 

Un  noyn  est  donc  un  mot  établi  par  l'usage 
d'une  langue  pour  désigner  une  chose,  et  rappeler 
l'idée  de  cette  chose  a  veux  ipii  connaissent  cet 
usage.  Ainsi,  dans  la  langue  française,  le  mot 
soleil  étant  établi  par  l'usage  pour  designer  l'astre 
qui  nous  éclaire  pendant  le  jour,  est  le  nom 
français  de  cet  astre;  et  toutes  les  fois  que  ce 
mot  est  prononcé,  il  raiipcUe  l'idée  de  oel  astre 
dans  l'esprit  de  ceux  qui  connaissent  cette  desti- 
nation. De  même,  dans  la  langue  latine,  le  mot 
sol  rappelle  cette  même  idée  dans  l'esprit  de 
ceux  qui  connaissent  l'usage  auquel  ce  mot  a  été 
consacré  dans  cette  langue. 

Les  noms  sont  donc  la  base  de  la  communi- 
cation des  pensées  par  le  moyen  de  la  parole, 
c'est-à-dire  la  base  du  discours. 

Pour  donner  un  nom  à  une  chose,  il  faut 
qu'elle  existe,  ou  que  nous  puissions  la  regarder 


NOM 


497 


comme  existante.  Les  mots  7téant,  rien,  quoi- 
qu'ils expriment  la  négation  de  l'existence,  sont 
des  noms  que  nous  avons  donnés  a  l'idée  que 
nous  nous  sommes  formée  de  cotte  négation;  et 
cette  idée  existe  dans  notre  esprit. 

Dans  la  nature,  cl^Kpie  ol)j(H  est  un  être  dis- 
tinct et  séparé  de  tout  autre  être  ;  il  a  son 
existence  singulière,  son  existence  à  part,  qui 
n'appartient  qu'à  lui,  cl  ne  peut  appartenir  à  un 
autre.  Ainsi,  dans  une  allée  d'arbres,  le  premier 
arbre  est  un  arbre  distinct  du  second  ol  de  tous 
les  autres;  il  a  son  existence  a  part  el  qui  n'aji- 
partienl  qu'a  lui,  el  l'on  peut  en  dire  autant  du 
second,  du  Iroisiéme  et  de  chacun  des  arbres 
dont  l'allée  est  composée.  De  même  mon  frère  a 
une  existence  singulière  qui  n'est  qu'à  lui,  et 
qui  ne  peut  être  communiquée  ni  à  moi,  ni  à 
aucun  autre  honune  ;  cl  moi,  j'ai  aussi  mon 
existence  (jui  m'est  propre,  et  qui  ne  peut  être 
confondue  ni  avec  celle  de  mon  frère  ni  avec 
celle  de  tout  autre  homme.  Les  choses,  consi- 
dérées ainsi  en  elles-mêmes,  et  sans  rapport  avec 
d'autres  choses,  sont  ce  qu'on  appelle  des  in- 
dividus. Les  idées  qu'on  s'en  forme,  sont  des 
idées  individuelles,  et  les  noms  (ju'on  leur  donne, 
s'appellent  des  noms  propres.  Ainsi  un  nom 
propre  est  un  nom  donné  à  un  individu,  c'est  un 
nom  propre  à  désigner  cet  individu  de  manière 
à  le  distinguer  de  tout  autre  individu.  Pierre, 
t|ui  est  le  nom  que  l'on  a  donne  à  mon  frère,  est 
un  nom  propre,  el  Jacques,  qui  est  celui  que 
l'on  m'a  imposé,  est  aussi  un  nom.  propre.  Paris, 
qui  est  le  nom  d'une  ville  distincte  de  toute  autre 
ville,  est  un  nom  propre. 

Dans  la  nature,  il  n'existe  réellement  que  dos 
individus.  Il  suit  de  là  que,  dans  la  formation 
dos  langues,  les  hommes  ne  durent  invente'' 
d'abord  que  des  noms  propres,  ([u'ils  apjili 
«piérent  aux  objets  individuels,  à  mesure  d'^ 
besoin  qu'ils  eurent  d'en  communiquer  ou  d'ew 
rappeler  les  idées  aux  autres. 

.Mais  lorsqu'on  eut  un  grand  nombre  de  no7ns 
propres,  on  sentit  que  leur  multitude,  loin  de 
faciliter  la  communication  des  idées,  y  portait  le 
désordre  el  la  confusion ,  par  l;i  difficullé  et 
même  par  l'impossibilité  de  les  garder  tous  dans 
la  mémoire,  et  (lue  plus  on  en  créerait  de  nou- 
veaux, i)lus  on  augmenterait  le  désordre  et  l'em- 
barras. Je  suppose,  par  exemple,  qu'une  famille 
isoli'c  n'eut  que  trente  arbres  autour  de  son 
habitation,  cl  qu'elle  n'en  connût  point  d'autres; 
je  suppose  (lu'elle  eût  donné  un  nom  propre  à 
chacun  de  ces  trente  arbres.  Jusque-là,  la  con- 
fusion n'est  pas  grande,  parce  «lue  chaque  arbre 
ayant  ou  une  situation  ou  une  forme  particulière 
bien  remanjuable,  chaque  membre  de  la  famille 
peut  aisément  s'en  rappeler  l'idée  lorsqu'il  entend 
prononcer  le  nom  propre  qu'on  est  convenu  d 
lui  donner.  Mais  si,  par  quelque  circonstance 
assez  ordinaire  aux  sociétés  naissantes,  celte 
famille  se  trouve  transportée  dans  une  forêt, 
alors  elle  n'a  plus  de  mots  pour  désigner  cha(iue 
arbre  de  cette  forêt.  Elle  sent  qu'il  lui  est  impos- 
sible de  donner  un  nom  à  chacun  d'eux,  et  <iue, 
quand  même  elle  le  pourrait,  ce  grand  nombre 
de  noms  se  confondraient  dans  la  mémoire,  et  ne 
pourraient  servir  a  les  indiquer  et  à  en  rappeler 
l'idée.  Le  besoin  mel  donc  celte  famille  dans  la 
nécessité  de  créer  un  nom  qui  puisse  convenir  à 
tous  les  individus  qui  composent  cette  forêt. 
Pour  cela,  elle  remarque  des  Iraits  de  ressem- 
blance entre  tous  ces  individus;  elle  observe 
qu'ils  ont  tous  un  tronc,  des  branches  et  des 

.90 


#98 


NOM 


ramea'ix;  (lu'ils  sont  lous  allacliés  à  la  terre  par 
des  racines,  qu'ils  croissent  et  s'élèvent  i)lus 
hautijuc  toutes  les  autres  productions  terrestres; 
et  elle  donne  un  nom  commun  à  lous  les  individus 
qui  ont  ces  rapports  de  ressemblance.  Je  suppose 
que  ce  nom  soit  arbre.  Arbre  est  alors  pour  cette 
famille  un  nojn  commun,  qui  n'exprime  pas, 
comme  tous  les  autres  noms  qu'elle  a  formés 
jusqu'alors,  un  seul  individu,  mais  qui  est  com- 
mun à  plusieurs  individus  dont  elle  a  forme  une 
îlasse,  d'après  les  traits  de  rcssemtjlance  qu'ils 
ont  entre  eux.  Les  grammairiens  appellent  aussi 
ces  nom':,  noms  appeUatifs. 

Le  nom  commun  n'exprime  pas,  comme  le  nom 
propre,  une  chose  qui  existe  réellement  dans  la 
nature,  mais  une  classe  d'individus  que  l'esprit 
a  formée,  et  qui  n'a  d'existence  que  dans  l'esprit. 
Cela  est  si  vrai,  que  la  classe  d'individus  désignée 
par  le  mot  arbre,  par  exemple,  comprend  indis- 
tinctement tijus  ces  individus,  soit  qu'ils  existent, 
soit  qu'ils  n'existent  pas;  elle  comprend  et  tous 
les  arbres  qui  existent,  et  tous  ceux  qui  ont 
existé,  et  tous  ceux  qui  existeront  ou  pourront 
exister  dans  la  suite. 

On  sent  combien  les  noms  communs  ont  dû 
étendre  la  communication  des  idées,  par  le  moyen 
de  la  parole.  Avant  leur  institution,  on  ne  pou- 
vait parler  (jue  des  individus,  c'est-à-dire  des 
choses  qui  ont  une  existence  réelle;  depuis  celle 
institution,  on  a  pu  parler  des  classes,  et  dé- 
signer des  opérations  de  l'esprit. 

Supposons  que  cette  famille  ait  trouvé  dans 
cette  foret  des  arbres  qui  produisent  des  glands, 
des  pommes,  des  poires,  des  cerises,  des  i)runes, 
et  d'autres  fruits  dont  elle  a  appris  à  faire  sa 
nourriture,  elle  aura  bientôt  éprouvé  le  besoin 
d'avoir  des  noms  pour  distinguer  ces  arbres  de 
la  classe  générale  qu'elle  a  formée  auparavant; 
et,  remanjuanl  ce  qui  les  dislingue  de  tous  les 
autres  arbres,  elle  aura  formé,  par  leurs  diffé- 
rences, des  classes  particulières,  comme  elle  a 
formé  une  classe  générale  par  les  ressemblances  ; 
et  elle  inventera  les  noms  de  chêne,  pommier, 
poirier,  cerisier,  prunier,  etc.,  (jui  indi<]ueroiU 
autant  de  classes  particulières  comprises  dans  la 
r.asse  générale  indiquée  par  le  mot  arbre.  Ces 
noms  seront  aussi  des  noms  communs,  mais  qui 
comprendront  un  nombre  d'individus  moins 
grand  que  le  nom  arbre.  On  appelle  genres  les 
classes  générales  qui  comprennent  des  classes 
particulières,  et  espèces  celles  qui  sont  com- 
prises dans  des  classes  générales.  Ainsi,  les 
noTTW  communs  sont,  ou  des  7ioms  de  genres,  ou 
des  7wms  d'espèces. 

Il  y  a  aussi  des  noms  de  sortes,  c'est-à-dire 
des  noms  de  classes  inférieures  aux  expèces,  cl 
qui,  dans  ces  espèces,  sont  distinguées  par  des 
apparences  ou  des  formes  particulières.  Ainsi, 
dans  l'espèce  des  pommes,  la  reinette  est  une 
sorte  de  i)omme;  et  si,  dans  celle  sorte  on  re- 
marque encore  d'autres  apparences,  d'autres 
formes  parùculiéres,  la  reinette  deviendra  une 
es[)cce  de  pomme  à  laquelle  ces  sortes  seront 
subordonnées. 

Celte  formation  des  classes  n'empêche  pas  que 
les  noms  qui  servent  à  les  indiquer  ne  puissent 
servir  aussi  à  désigner  les  individus  qui  les  com- 
posent :  on  se  sert  pour  cela  de  certains  mots 
qui  en  restreignent  l'étendue  à  une  ou  à  plusieurs 
idées  individuelles,  comme  quand  on  dit  :  Le 
roi,  cet  homme,  l'arbre  que  vous  roijez,  cic. 
Qelques  hommes.  "N'oyez  Article,  Adjectif,  Pré-  ! 
positif.  Ainsi,  dans  la  formation   des  langues,  i 


NOM 

on  a  commencé  par  les  individus,  puis  on  a 
remonté  jusqu'aux  genres,  a|irèsquoi  l'o!!  a  des- 
cendu aux  espèces,  aux  sortes,  et  juscju'aux 
individus,  point  d'où  l'on  était  parti. 

Les  genres,  comme  je  l'ai  dit,  sont  des  classes 
générales  qui  compiennenl  des  classes  i)articu- 
lières  que  Ion  nomme  espèces,  si  on  les  consi- 
dère comme  contenues  dans  une  classe  plus 
générale  que  celle  qu'ils  représentent.  Le  mot 
plante,  par  exemple,  exprime  une  classe  plus 
générale  que  le  mot  arbre,  et  comprend  dans  sa 
signification,  avec  |)lusieurs  autres  classes,  celle 
qui  est  exprimée  i»ar  ce  dernier.  Ainsi  le  mot 
arbre,  qui  est  un  nom  de  genre  lorsqu'on  le  con- 
sidère comme  signilianl  une  classe  générale  qui 
comprend  dans  son  étendue  les  classes  particu- 
lières exprimées  par  les  mois  chêne,  poirier, 
pommier,  etc.,  est  un  nom  d'espèce  si  on  le 
considère  comme  exprimant  une  classe  qui  est 
contenue  dans  une  classe  plus  générale,  exprimée 
par  le  mol  plante.  11  en  est  de  même  des  espèces, 
qui  peuvent  devenir  des  genres  par  rapport  aux 
classes  inférieures  qu'elles  comprennent. 

Après  avoir  ainsi  fait  des  noms  propres  pour 
désigner  séparément  les  individus,  et  des  7ioms 
communs  pour  désigner  les  classes  dans  lesquelles 
on  les  a  ranges,  on  a  fait  des  noms  collectifs, 
pour  présenter  à  l'esprit  l'idée  d'un  tout  indivi- 
duel formépar  l'assemblage  de  plusieurs  individus 
d'une  même  espèce.  Ainsi  on  a  api)clé  armée, 
un  tout  formé  par  l'assemblage  ou  réunion  de 
plusieurs  soldats  sous  la  conduite  d'un  général. 
Peuple  est  une  collection  de  plusieurs  individus 
de  l'espèce  humaine,  rassemblés  en  un  corps 
politique,  vivant  en  société  sous  les  tnémes  lois; 
forêt,  l'assemblage  d'un  grand  nombre  d'arbres 
qui  sont  les  uns  auprès  des  autres.  Ces  noms  sont 
dits  collectifs,  en  ce  qu'ils  ra.ssemblent  sous  une 
idée  individuelle  les  idéesdc  plusieurs  individus; 
et,  en  ce  sens,  ce  sont  des  noms  individuels  qui 
ne  peuvent  être  appliqués  que  distribulivement 
aux  individus  de  la  collection  qu'ils  expriment. 
Mais  si  1  on  considère  l'idée  individuelle  désignée 
par  le  nom  collectif  comme  faisant  partie  d'une 
classe  d'individus  à  laquelle  on  a  donné  ce  nom, 
alors  il  est  véritablement  nom  com7nun,  puisqu'il 
peut  s'appliquer  à  tous  les  individus  de  celle 
classe.  Ainsi,  le  mot  armée,  qui  csl  no7n  collectif 
par  rapport  à  soldats,  est  nom  cnmviun  par  rap- 
port à  la  classe  d'êtres  que  l'on  a  désignés  par  le 
mot  armée. 

Jusqu'ici,  nous  avons  considéré  les  noms  par 
rapport  à  la  manière  dont  l'esprit  envisage  les 
êtres.  Les  grammairiens  les  considèrent  aussi  par 
rapport  à  la  nature  même  des  objets.  Sous  ce 
point  de  vue,  ils  distinguent  Ags  noms  substantifs 
cl  des  7ioms  adjectifs,  çiu'ils  aiipellent  simple- 
ment substantifs  et  adjectifs.  A'^oyez  ces  mots. 

Nous  n'acquérons  la  connaissance  des  objets 
corporels  que  par  l'impression  que  leurs  qualités 
l'ont  sur  nos  sens.  Lors(ju'un  de  ces  ol)jets  frappe 
nos  yeux  par  la  couleur  ou  blanche,  ou  rouge, 
ou  noire,  etc.;  par  une  forme  ou  ronde,  ou 
carrée,  ou  triangulaire,  etc.  ;  qu'il  nous  jjarait 
au  toucher  ou  rude,  ou  poli,  ou  dur,  ou  mou; 
ces  qualités,  et  toutes  les  autres  que  nous  remar- 
quons réunies,  nous  paraissent  l'être  sur  quelque 
chose  qui  est  diflérenl  d'elles,  <]ui  est  comme 
sous  elles,  et  leur  sert  de  soutien.  Ce  quelque 
chose  que  nous  ne  connaissons  pas  cl  que  nous 
ne  connaîtrons  jamais,  mais  dont  nous  concevons 
l'existence,  nous  l'avons  appelé  substance,  des 
deux  mots  latins  stare  sub,  être  dessous,  et  de 


I 
I 


NOM 

là  le  nom  suhstaniif,  par  lequel  on  a  désigne 
l»ut  nom  de  subsiaiice  corporcUo.  Nous  avons 
senti  aussi  que  la  réunion  des  qualités  dont  nous 
.•fquérons  la  connaissance,  non  immédialenienl 
par  les  sens,  mais  par  la  rénexion,  ne  peut  exister 
■ans  un  être  qu'elles  inodilient,  et  qui  leur  serve 
l'omnic  de  soutien,  et  nous  nous  sommes  fait  une 
idée  des  substances  spirituelles  ou  esprits;  et 
nous  avons  appelé  aussi  substantifs  les  noms  par 
lesquels  on  désigne  ces  sortes  de  substances. 

Un  nom  substantif,  OU  un  substantif  est  donc 
un  mot  qui  signifie  une  substance,  c'cst-à-dircun 
élre  dont  la  nature  est  inconnue,  ilans  lequel 
Dous concevons  réunies  diflV'ientes  niodilications 
que  nous  apercevons  par  les  sens  ou  par  la  ré- 
lii'Xion,  et  dont  nous  ne  pourrions  concevoir  la 
ri  union  sans  l'idée  d'un  èire  réel  qu'elles  modi- 
iicnl  et  qui  les  soutient.  A  proprement  parler,  le 
nom  de  substantif  ne  devrait  être  appliqué 
qu'aux  noms  qui  désignent  des  cires  corporels, 
l)arce  qu'eux  seuls  désignent  des  substances  pro- 
prement dites,  mais  on  l'a  applicpié  aussi  aux 
êtres  spirituels.  Les  mots  arbre,  filante,  maison, 
pommier,  eau,  mer,  sabla,  ame,  ange,  Diev, 
Jonl  des  noms  substantifs. 

Apres  avoir  nommé  substantifs  les  noms  oui 
expriment  un  cire  quelconque  modifié  par  des 
qualités  réunies,  on  a  oiiservé  que  chacune  de  ces 
qualités  pouvait  cUe-mcnic  recevoir  différentes 
modifications  ;  et ,  à  cause  de  cette  analogie  ou 
ressemblance  avec  les  substances  réelles,  on  a 
supposé  qu'elles  étaient  le  soutien  de  ces  modi- 
fications; ou  les  a  rangées  dans  la  classe  des  sub- 
stances, et  on  a  nommé  substantifs  les  noms  (jui 
les  désignent.  Ainsi,  par  exemple,  la  blancheur, 
qui  est  la  qualité  d'une  substance,  peut  être 
considérée  à  part  de  cette  substance  ;  on  peut, 
en  la  considérant  ainsi,  lui  attribuer  différentes 
modifications  :  blancheur  éclatante,  blancheur 
éblouissante,  etc.,  et  s\ov?,  blancheur  est  un  sub- 
stantif. On  appelle  ces  sortes  de  substantifs, 
substantifs  abstraits,  parce  que  ces  qualités 
existent  dans  notre  esprit,  comme  séparées  de 
tout  objet  ;  et  pour  les  distinguer  des  autres 
substantifs  que  ion  nomme  concrets,  c'est-à-dire 
qui  ilésignent  la  substance  même  revêtue  do  ses 
quahlés. 

Les  substantifs  abstraits  sont  aussi  des  noms 
comiiiunsqui  expriment  des  classes  plus  ou  moins 
étendues  et  subordonnées  les  unes  aux  autres. 
Le  niot  vice,  j)ar  exeiuple,  exprime  une  classe 
générale,  dont  lu  gourmandise,  Vivrcgneric,  la 
paresse,  l'ingratitude,  sont  des  classes  parti- 
culières; de  même  que  les  mots  magistrat,  pncte, 
orateur,  peintre,  médecin,  expriment  des  classes 
particulières,  comprises  dans  la  classe  géncr.le 
exprimée  par  le  mol  homme. 

On  verra,  au  mot  Adjectif,  que  les  substiîr.'.ifs 
font  quelquefois  l'office  d'adjectifs. 

Les gianunairiens appellent  adjectifs,  ou  noms 
adjectifs,  les  mots  qui  servent  à  modifier  les 
substantifs,  ou,  comme  ils  disent,  les  /wms  sub- 
stantifs On  a  tâclié  d'expliquer  clairement,  au 
mot  adjectif,  ce  qu'on  doit  entendre  par  ces 
dénominations.  "N'oyez  Abstrait,  Adjectif,  Com- 
plément, Concret,  Nombre,  Genre. 

Nom  se  prend  quelquefois  pour  renommée, 
réputation. 

Corneille  a  dit  dans  Sertorius  Tact,  n,  se.  ii, 
Ifi  :  -  .  . 

Je  n'ose  m' éblouir  d'un  peu  de  nom  fameux. 


NOM 


499 


Yollairc  a  fait  sur  ce  vers  la  remarque  sui- 
vante :  Le  mot  de  peu  ne  convient  point  à  un 
nom.  Un  peu  de  glaire,  tin  peu  de  renommée,  de 
réputation,  de  puissance,  se  dit  dans  toutes  les 
langues;  et  un  peu  de  nom  dans  aucune.  Il  y  a 
une  grammaire  commune  à  toutes  les  nations, 
ijui  ne  permet  pas  que  les  adverbes  de  quantité  se 
joignent  à  des  choses  qui  n'ont  pas  de  (piantité. 
(»n  peut  avoir  plus  ou  moins  de  gloire  ou  do 
jinissance,  mais  non  pas  plus  ou  moins  de  nom. 
[Remarques  sur  Corneille) 

Nombre.  Subsl.  m.  Il  se  dit  de  plusieurs 
unités  considérées  ensemble.  Un  ne  fait  pas 
nombre,  deux  font  nombre.  Le  nombre  de  dix, 
de  vingt,  etc. 

Les  noms  de  nombre  sont  des  noms  qui  ex- 
lirimcnt  la  quantité  ou  le  rang  des  personnes  ou 
(les  choses.  Ils  sont  substantifs  ou  adjectifs. 
Les  noms  de  nombre  substantifs  ])('uveiit  être 
romptés  eux-mêmes,  et  sont  toujours  jn-écédés 
par  un  autre  nom  de  nombre,  ou  par  un  article. 
Tels  sont  les  noms  de  nombre  collectifs  ou  d'as- 
semblage, comme  une  dnizainc,  un  millier; 
les  noms  de  nombre  distributifs,  comme  la 
moitié',  le  tiers,  le  quart  ;  les  noms  de  nombre 
proportionnels,  comme  le  double,  le  quadruple, 
le  centuple,  elc. 

Les  noms  de  nombre  aii/ec/ip  servent  à  comp- 
ter. Ils  précèdent  toujours  les  substantifs  qu'ils 
modifient,  et  ne  peuvent  être  précédés  que  par 
l'article,  ou  par  les  adjectifs  pronominaux.  On 
les  dislingue  en  nombres  cardinaux  et  nombres 
ordinaux. 

Les  nombres  cardinaux  servent  à  marquer 
la  quantité  des  personnes  et  des  choses,  et  ré- 
|)ondent  à  cette  question  :  Combien  y  en  a-t-il  ? 
Tels  sont  U7i,  deux,  trois,  quatre,  vingt,  elc. 
—  Les  nombres  ordinaux  marquent  le  rang 
que  les  personnes  et  les  choses  occupent  entre 
elles.  Tels  sont  premier,  sccoiid,  troisième, 
vingtième,  etc. 

Excepté  premier  et  second,  tous  les  nombres 
ordinaux  se  forment  des  nombres  cardinaux,  en 
changeant  en  vième  ceux  qui  finissent  en  f;  en 
changeant  en  ième  Ve  muet  de  ceux  qui  ont  celle 
terminaison,  et  en  ajoutant  ième  à  ceux  qui  fi- 
nissent par  une  consonne,  le  nombre  cinq  prend 
en  outre  u  après  le  q.  Ainsi  de  neuf,  de  trois, 
de  quatre,  de  cinq,  on  fait  neuvième,  irinsième, 
quatrième,  cinquième.  —  Unième  ne  s'emploie 
qu'après  vingt,  trente,  quarante,  cinquante, 
soixante,  quatre-vingt,  cent  et  mille. 

On  emploie  les  nombres  cardinaux  au  lieu  des 
nombres  ordinaux,  en  parlant  des  heures  et 
des  années,  il  est  six  heures,  Van  mil  huit 
cent  vingt-deux;  dans  le  discours  familier,  en 
parlant  du  jour  du  mois,  le  deux  de  mars,  le 
quatre  de  mai;  mais  on  dit  toujours  lepremier 
de  juin,  d'août,  etc.;  en  parlant  des  souverains 
et  des  princes  du  même  nom  qui  ont  gouverné 
le  même  pays,  Louis  douze,  Henri  quatre.  On 
dit  cependant  François  premier,  Henri  second, 
parce  qu'après  les  ncms  des  princes,  on  ne  met 
\)omi  un,  deux.  —  Girauli-Duvivier,  so  fondant 
sur  l'opinion  d'un  assez  grand  nombre  de  gram- 
mairiens, pense  qu'on  ne  dit  pas  Henri  un. 
Franc- is  un,  mais  qu'on  dit  assez  indilTcrcm- 
menl  Henri  second  ou  Henri  deux. — On  dit  auss 
Charles  cinq,  Pnilippc  cinq,  etc.  ;  mais  on  dit 
Charh'.t-Qiiint,  en  parlant  du  cin(iuième  em- 
l)ereur  d'Allemagne,  qui  a  porté  ce  nom ,  et 
Sixte-Quint,  en  |)arlant  d'un  pape  contemiw- 
rain  d'Henri  IV. 


J 


800 


NOM 


De  tous  les  nombres  adjectifs  cardiilaux,  il 
n'y  a  ijuc  vingt  ci  cent  <|ui  iH-ennenl  un  s, 
quand  «m  les  iiiiilli|)lie  par  un  aulre  nom  de 
nombre  rardinal,  c  est-à-dire  (juaml  il  est  ques- 
tion de  plusieurs  r//i^/j,  ou  de  plusieurs  c<'/i/5; 
comme  (|uand  on  dit  (/nulrc-vinpts,  sis-tiug(s, 
deux  cents,  trois  ce/tts,  etc.  Mais  quand  il  est 
«lucstion  de  dater  les  années,  on  ne  met  point  à 
ces  mots  la  mar.iue  du  pluriel,  cl  l'on  crrit  l'an 
viil  sept  cent,  l'un  mil  sept  cent  quatre-vingt, 
quoique  cent  et  vinyt  soient  précédés  d'un  autre 
nom  de  nombre,  parce  (jue  ce  sont  des  nombres 
cardinaux  pour  des  nombres  ordinaux,  et  qu'il  ne 
s'agit  ([ue  d'une  année,  comme  s'il  y  avait  Van 
millième,  sept  centième,  etc.  —  Vingts  au  plu- 
riel, ne  prend  de  s  (lue  quand  il  est  immédiate- 
ment suivi  d'un  nom  substantif,  quatre-vingts 
chevaux;  mais  il  s'écrit  sans  s,  lorsqu'il  pré- 
cède un  nom  de  nombre  amiuel  il  est  joint.  — 
II  en  est  de  même  du  nombre  cent;  l'usage  veut 
qu'on  écrive  neuf  cent  mille,  et  nevf  cents 
hommes. 

Quant  au  genre,  il  n'y  a,  de  tous  les  nombres  ad- 
jectifscardinaux,  (jue  m/;,  dont  la  terminaison  varie 
du  masculin.ui  réminin,)//i  tableau,  une  bouteille. 

On  dit  vingt  et  un,  trente  et  tin,  quarante  et 
vn,  etc.,  jus(iu'a  soixante  et  dix  inclusivement  ; 
maison  dit  sans  la  conjonction,  vingt-deux,  vingt- 
trois,  trente-deux,  trente-trois,  etc.,  soixante- 
deux,  etc.  Enfin,  l'on  dit  sans  la  conjonction  et, 
quatre-vingt-un,  quatre-vingt-oîize,  cent  M«,etc., 
comme  quatre-vingt-deux, quatre-vingt-trois,  c\.^i. 

Lorsqu'un  nombre  cardinal  est  jirécédé  du 
pronom  en,  l'adjectif  (pii  suit  ce  nombre  est  or- 
dinairement précédé  de  la  préposition  de  :  Il  n'y 
en  a  pas  un  de  riche  ;  il  y  en  eut  mille  de  tués. 
Mais  devant  un  substantif  on  supprime  ce  Je,  et 
l'on  prend  un  autre  tour  :  //  y  en  eut  cent  qui 
furent  faits  prisonniers,  Ct  non  pas,  il  y  en  eut 
f^ent  de  prisonniers. 

Lorsque  le  substantif  est  avant  le  nombre  car- 
dinal, nus  pour  un  nombre  ordinal,  on  met  ce 
substantif  au  sini:ulier,  l'an  mil  sept  cent;  mais 
si  ce  substantif  est  après  le  nombre,  il  se  met 
au  pluriel  :  Notis  irons  à  six  heures  précises  ;  il 
est  <]ualre  heures. 

Quant  aux  noms  de  nombre  adjectifs  ordi- 
naux, et  aux  noms  de  nombre  substantifs,  col- 
lectifs, distributifs  ou  proportionnels,  ils  pren- 
nent la  marque  du  jiluriel  :  Les  premiers,  les 
seconds,  deux  douzaines,  les  trois  quarts,  les 
trois  centièmes,  trois  millions,  etc. 

On  ap[)elle  nombres.,  en  grammaire,  des  ter- 
minaisons qui  ajoutent  à  l'idée  principale  du  mot 
l'idée  accessoire  de  la  quantité.  11  y  a  deux 
nombres  :  le  singulier,  qui  désigne  l'unité,  et  le 
pluriel,  qui  manjue  pluralité.  Cheval,  chevaux, 
présentent  en  (juebjue  manière  le  même  mot  sous 
deux  terminaisons  différentes  :  c'est  comme  le 
même  mot,  afin  de  présenter  à  l'esiirit  la  même 
idée  principale,  l'idée  de  la  même  esjjéce  d'ani- 
mal; les  terminaisons  sont  différentes,  afin  de 
désigner  par  l'une  un  seul  individu  de  cette  es- 
pèce, ou  cette  seule  espèce;  et  par  l'autre,  plu- 
sieurs individus  de  cette  espèce.  Dans  Ze  cheval 
est  utile  à  Ihumme,  cheval  signifie  l'unité  de 
l'espèce  ;  dans  mon  cheval  m'a  coûté  cher,  che- 
val signifie  un  seul  individu  de  l'espèce;  dans, 
yaiacheté  dix  chevaux,  c/icrowa;  désigne  plusieurs 
individus  de  la  même  espèce. 

11  y  a  quatre  espèces  de  mots  qui  sont  suscep- 
tibles de  cette  espèce  d'accident  :  Les  noms,  les 
prénoms,  les  adjectifs  et  les  verbes. 


NOM 

Quand  je  dis  les  noms,  j'entends  par  là  les 
noms  appellatifs;  caries  noms  propres  emportent 
l'unité,  et  sont  toujours  du  nombre  singulier.  Si 
l'on  en  trouve  tpii  prennent  la  terminaison  du 
pluriel,  c'est  qu'ils  sont  employés  figurément  dans 
un  sens  appellatif ,  comme  quand  on  dit  les  Cicé- 
rons  pour  les  grands  orateurs,  les  Césars  pour 
les  grands  capitaines,  les  Plutnns  pour  les  grands 
philosophes,  les  Haumaises  pour  les  bons  cri- 
ti(|ues,  etc.  ;  ou  (ju'ils  sont  appliqués  à  une  col- 
lection d'individus,  comme  les  Bourbons,  etc. 

(Juand  je  dis  les  deux  Corneille,  les  deux  Sci- 
pion,  il  y  a  ellipse;  c'est  comme  si  je  disais,  les 
deux  hommes,  les  deux  indiviilus  qui  portent 
chacun  le  nom  propre  de  Corneille,  de  Scipion  ;  et 
alors  le  pluriel  tombe  sur  le  mot  homme  ou  sur  le 
moti«(ia-i(fi/,ct  nuUcmentsurlemot  Cojnet7Ze,ou 
sur  lemot&j/)to/j,(]ui,  par  conséquent,  ne  doivent 
point  prendre  le  signe  caractérisliiiue  du  iiluriel. 
Mais  quand  je  Ahles  Bourbons,  BourbnnXi'esi^lui: 
le  nom  propred'un  individu  ;  il  est  devenu  le  nom 
propre  d'une  classe  d'individus.  On  dit  les  Bour- 
bons, les  Sluarts,  les  Antonins,  comme  on  dit  les 
Français,  les  Allemands,  les  Champenois,  les 
Bourguignons.  Ce  sont  des  classes  dont  tous  les 
individus  ont  un  nom  commun.  Les  Romains 
disaient  de  même  au  pluriel,  Julii,  Antonini, 
Scipiiines,  de  même  (jue  Romani,  Afri,  Aqxti- 
tunes  ;  ce  sont  des  noms  propres  de  collections 
que  nous  rendons  aussi  en  français  par  le  pluriel, 
quand  nous  les  traduisons. 

Lorsque  les  noms  propres  prennent  la  signifi- 
cation itluricUe,  ils  prennent  ou  ne  prennent  pas 
la  terminaison  caractéristique  de  ce  nombre,  sui- 
vant les  cas.  S'ils  désignent  seulement  jibisicurs 
individus  d'une  môme  famille,  parce  qu'ils  sont 
le  nom  propre  d'une  famille,  ils  ne  prennent  pas 
la  terminaison  plurielle  :  Les  deux  Corneille  se 
soîtt  distingués  dans  les  lettres  ;  les  Cicéron  ne 
se  sont  pas  également  illustrés.  Si  les  noms  pro- 
pres sont  pris  dans  un  sens  appellatif,  ils  prennent 
la  terminaison  plurielle  :  Les  Corneilles  sont 
rares  sur  notre  Parnasse,  et  les  Cicérons  dans 
notre  barreau. 

On  dit  qu'il  y  a  des  noms  appellatifs  qui  n'ont 
point  de  pluriel.  Tels  sont  les  noms  de  métaux , 
comme  or,  argent,  fer,  plomb,  etc.  ;  les  noms 
des  aromates,  comme  le  baume,  la  myrrhe,  le 
storax,  l'encens,  l'abiynthe,  le  genièvre,  etc.; 
les  noms  des  vertus  ct  des  vices,  comme  la  chas- 
teté, la  pudeur,  la  gloire,  la  charité,  la  paresse, 
l'ivrognerie,  elc;  les  adjectifs  pris  substantive- 
ment, comme  le  beau,  le  vrai,  l'utile,  etc.  ; 
quelques  mots  relatii's  à  l'homme  physi(jue  et  à 
l'homme  moral,  comme  le  repos,  le  sang,  la  pau- 
vreté, la  bile,  etc.  ;  l'od<irat,  l'ouïe,  le  toucher, 
la  vue,  le  goût,  l'enfance,  l'adolescence,  la  jeu- 
nesse, la  santé,  etc.  ;  la  plupart  des  mots  qui 
ont  passé  des  langues  mortes  ou  étrangères  dans 
notre  langue,  comme  des  alibi,  des  alinéa,  etc. 
Mais  on  ne  fait  pas  attention  que  ces  noms  sont 
réellement  des  noms  propres,  ou  qui  doivent  être 
regardés  comme  tels. 

En  effet,  les  noms  de  métaux  et  d'aromates 
désignent  comme  individuelle  la  masse  de  cha- 
cun de  ces  métaux  et  de  ces  aromates;  leur  nom 
est,  à  la  vérité,  le  nom  d'une  espèce,  mais  d'une 
espèce  considérée  individuelloment,  et  qui  ne 
renferme  point  d'individus  distincts.  Mais  quand 
on  les  considère  comme  mis  en  œuvre,  divisés 
en  plusieurs  parties,  et  qu'on  y  distingue  des 
qualités  qui  permettent  de  les  ranger  dans  diffé- 


NOM 

rentes  classes,  alors  ils  prennent  un  pluriel,  el  le 
nom  devient  un  nom  commun  ou  .-ippellatil' : 
Des  ors  de  couleurs,  des  fers  aigres,  les  plombs 
d'vn  bitliiiient. 

Noire  langue,  formée  à  l'imitation  de  celle  des 
Latins,  a  donné  des  noms  projires  aux  venus  et 
aux  viees,  que  ces  peuples  avaient  divinisés; 
elle  a  considéré  aussi  comme  individuelles  toutes 
les  choses  que  l'esprit  ne  peut  pas  diviser  en 
plusieurs  individus  distincts; et  c'est  ainsi  que  le 
heaii,  le  vrai,  l'odorat,  la  vue,  le  sang,  l'en- 
fance, etr.,  sont  devenus  des  espèces  île  noms 
propres  qui  ne  prennent  point  de  pluriel. 

Quant  aux  noms  étrangers  introduits  dans 
notre  lanu'uc,  tous  se  mettent  au  pluriel,  par  le 
moyen  dos  prépositifs;  mais  ils  ne  preiment  point 
la  terminaison  de  ce  nombre,  parce  que  leurs 
terminaisons  propres  ne  se  prêtent  pas  à  celte 
variation,  ([uc  plusieurs  d'entre  eux  portent  le 
caractère  du  pUuiel  dans  la  langue  d'où  ils  ont 
été  tirés  ,  comme  des  errata,  des  duplicata,  des 
lazzi;  cl  (pie  d'autres,  qui  sont  au  singulier  dans 
cette  langue,  ne  pourraient,  sans  ([uelque  appa- 
rence de  barbarie,  prendre  le  signe  de  pluralité 
de  la  nôtre,  comme  des  te  Deum,  des  quiproquo, 
etc.  (Voyez  cliaciue  article  de  ce  genre  \muv  con- 
naître les  exceptions  et  l'opinion  de  l'Acadé- 
mie.) 

Il  est  une  autre  classe  très-nombreuse  de  mots 
qui  se  mettent  au  pluriel  par  le  moyen  des  pré- 
positifs, sans  pienilie  la  terminaison  cai'actéris- 
tique  de  ce  nombre.  Tels  scjnt  les  signes  inventés 
pour  représenter  une  chose  ou  une  idée  uni(iue. 
Les  lettres  de  l'alphabet,  les  chiffres,  les  notes 
de  musitpie,  cl  tous  les  mots  de  la  langue  con- 
sidérés nial(:Micllement,  sont  dans  oe  cas.  On  dit 
deux  a,  deux  b;  deux  un,  deux  trois,  deux 
quatre;  trois  sol,  deux  ut,  quatre  la;  les 
si,  les  mais,  les  que,  les  qui,  etc.  Lti  marque  du 
pluriel  qui  précède  ces  mots  indique,  non  jiki- 
sieurs  individus  distincts  de  la  même  espèce, 
mais  la  répétition  du  même  signe  individuel. 
Voyez  J. 

S'il  y  a  des  noms  qui  n'ont  point  de  pluriel, 
il  y  en  a  aussi  qui  n'ont  point  de  singulier,  parce 
qu'ils  expriment  plusieurs  choses  distinctes  réu- 
nies sous  le  même  nom.  Tels  sont  ancêtres, 
broussailles, ciseaux,  hurdes,  vivres,  et  idusieurs 
autres  que  l'on  indiquera  à  leur  article.  Voyez 
Substantif,  Pronom,  Adjectif,  f^crbe. 

Nombre.  Terme  de  belles-lettres.  Il  se  dit 
d'une  certaine  mesure,  proportion  ou  cadence 
qui  rend  un  vers,  une  période  agréable  à  l'oreille. 
Il  y  a  (pielque  différence  entre  le  nombre  de  la 
poésie  et  celui  de  la  prose.  Le  nombre  de  la 
poésie  consiste  dans  une  harmonie  plus  marquée, 
qui  dépend  du  nond)rc  déterminé  des  syllabes, 
delà  richesse  du  choix,  du  mélange  des"  rimes, 
et  enfin  de  l'assortiment  des  mois  et  des  sons 
dont  ils  sont  composés.  Le  nombre  est  donc  ce 
qui  fait  proprement  le  caractère,  et,  pour  ainsi 
dire,  l'air  d'un  vers.  C'est  par  le  nombre  qu'il 
"st  doux,  coulant,  sonore;  et  la  privation  de  ce 
nombre  le  rend  faible,  rude,  ou  dur. 

Le  nombre  de  la  prose  est  une  sorte  d'harmo- 
nie simple  et  sans  alîectation,  moins  mar(|uée 
que  celle  des  vers,  mais  (jue  l'oreille  pourtant 
aperçoit  et  goûte  avec  plaisir.  C'est  ce  nombre 
qui  rend  le  style  aisé,  libre,  coulant,  et  (jui  donne 
au  discours  une  certaine  rondeur. 

La  plus  belle  pensée  plait  dil'licilement  lors- 
qu  elle  est  énoncée  en  termes  durs  et  mal  arran- 
gés.  Si   l'oreille  est  agréablement  flattée  d'un 


NON 


501 


discours  doux  et  coulant,  elle  est  choquée  quand 
le  nombre  est  trop  court,  mal  soutenu,  (piand  la 
chute  est  trop  rapide.  L'orateur  doit  éviter  et  le 
style  haché,  (pii  n'offre  (pie  des  idées  décou- 
sues, et  le  style  trainant  et  languissant,  (]ui  lasse 
l'oreille  et  la  dégoûte.  C'est  en  gardant  un  juste 
milieu  entre  ces  deux  défauts,  (jû'on  donnera  au 
discours  cette  harmonie  toujouis  nécessaire  |x>ur 
plaire,  et  quchpiefois  pour  persuader. 

Notre  langue  a  son  haruKmie  propre  et  parti- 
culière qui  r(>sulte  des  cadences  tantôt  graves  et 
lentes,  tantôt  légères  et  rapiili^s,  tantôt  fortes  et 
impétueuses,  tantôt  douces  et  coulantes,  que  nos 
bons  orateurs  savent  distribuer  dans  leurs  (lis- 
cours,  et  varier  selon  la  dilTerencc  des  sujets 
(lu'ils  traitent;  c'est  dans  leurs  ouvrages  qu'il 
faut  la  chercher  et  l'étudier.  Voyez  Harmo- 
nie. 

Nombreux,  Nombreuse.  Âdj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subsl.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Un  peuple  nombreux,  une  année 
nombreuse,  une  nombreuse  armée  ;  une  nom- 
breuse assemblée ,  une  assemblée  nombreuse. 
Voyez  Adjectif. 

Nombril.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le 
l  final. 

Nominatif.  Subst.  m.  On  prononce  le  f.  On 
appelle  ainsi,  dans  les  langues  qui  ont  des  cas, 
celui  (]ui  dfîsignele  sujet  d'une  proposition.  La 
langue  française,  n'ayant  point  de  déclinaisons, 
n'a  point  de  cas,  et  par  consé(iuent  point  de  no- 
minatif; nous  disons  qu'un  nom  est  le  sujet  du 
verbe  ,  lorsque  l'on  dit  qu'il  est  au  nominatif 
dans  les  langues  où  il  y  a  une  terminaison  par- 
ticulière pour  cet  accident;  et  nous  reconnais- 
sons (pi'un  nom  est  le  sujet  d'un  verbe,  non  à 
sa  terminaison,  qui  est  invariable,  mais  a  la  place 
qu'il  occupe  dans  la  phrase.  Dans  le  ciel  est  juste, 
le  ciel  est  ce  qu'on  apjielait  autrefois  le  nomi- 
natif. 11  en  est  de  môme  des  autres  cas.  Voyez 
Cas. 

NoMMÉME^T.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  O/i  en  accuse  plusieurs  personnes,  et 
nommément  tel  ou  tel. 

Non.  Mol  négatif,  qui  est  directement  opposé 
au  mot  allirmafif  orn.  Il  s'emploie  seul  et  isolé- 
ment pour  rc'pondre  négativement  :  f^iendrez- 
vous^  Non.  Dans  le  style  familier,  il  est  remplacé 
([uelquefois  |iar  neuni,  et  par  point  du  tout  :  Ne 
l'ave z-vous  pas  vu  hier?  Nenni.  f^ous  l'avez 
donc  vu  aujourd'hui'.'   Point  du  tout. 

Non  se  met  quelquefois  à  la  tcle  de  la  phrase, 
et  on  le  répèle  pour  donner  plus  de  force  à  la 
négation  :  Non,  le  vice  ne  peut  rendre  heureux 
V homme  qui  s'y  livre.  Ne  croyez  pas,  6  Cretois, 
que  je  méprise  les  hommes;  non,  non, /e  sais 
combien  il  est  grand  de  travailler  à  les  rendre 
lions  et  heureux.  (Féncl.,  Télém.,  liv.  VI,  t.  i, 
p.  210.) 

Dans  le  cours  de  la  phrase,  non  s'emploie  quel- 
quefois seul,  quelquefois  avec  pas,  jamais  avec 
poifil  :  Ils  ont  soutenu  cette  diatribe,  non  par 
de  doctes  écrits,  mais  par  de  sanglantes  ba- 
tailles. (Bossuet.)  Avec.  \cs  adjectifs  et  les  ad- 
verbes, il  faut  employer  non  pas,  (piand  il  y  a 
comparaison  :  Il  écrit,  non  pas  supérieurement, 
mais  agréablement.  Il  a  un  style,  non  pas  br-il- 
lant,  mais  pur  et  correct.  Dans  les  autres  cas, 
on  met  seulement  iion  devant  les  adjectifs  ;  C'est 
un  témoin  non  recevahle. 

Non,  suivi  de  que,  signifiées  n'est  pas,  et  régit 
le  subjonctif:  Non  que  je  veuille.  Non  ou'il 
voulût. 


S02 


NOU 


Non  plus,  expression  proverbiale.  11  se  dit  ou 
seul  :  f^'oiis  ne  l'aimes  pas,  ni  moi  non  plus  ;  ou 
comme  adverbe  de  comparaison  :  //  ne  bouge 
non  [)Ius  qu'une  statue. 

Ao.NciiALAjiMENT.  Adv.  Oo  pcut  Ic  mettre  entre 
lauxiliairc  cl  le  parlici[ie:  Il  itail  nonchalam- 
ment couché,  ou  il  était  couché  nonchalamment 
sur  un  canapé. 

No:«PARF.iL,  NoNrAREiLLE.  Adj.  quï  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  mérile  niupareil,  une 
vertu  nonparcille.  Uesl  vieux  el  iiors  d'usage. 

Notable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  quel- 
quefois  le  mettre  avant  sun  subst.  :  Dits  notables, 
faits  notables,  un  dnniviage  notable,  un  notable 
dommage;  un  notable  bourgeois. 

NoTADLEJiENT.  Adv.  Od  Ic  mct  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Il  a  été  notablement  lésé 
dans  cette  affaire. 

Notoire.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  mot 
qu'après  son  subsl.  :  Un  fait  notoire,  une  vérité 
notoire. 

Notoirement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  cl  le  participe  :  Il  est  notoirement 
coupable,  il  s'est  notoirement  rendu,  coupable. 

Notre.  Adj.  possessif  des  deux  genres,  qi:i 
répond  au  pronom  pcrs(jnnel  nous.  —  Quand  il 
modifie  un  substantif  exprime,  il  se  met  tou- 
jours avant  ce  substantif,  exclut  l'arlicle,  et  fait 
au  pluriel  7ios  :  Notre  maison,  notre  frère,  nos 
sœurs.  — truand  il  mudilie  un  substantif  sous- 
entendu  ,  iï  prend  l'accent  circonflexe  sur  Va, 
est  toujours  précédé  de  l'article,  cl  fuit  au  plu- 
riel noires  :  Votre  frère  et  le  nôtre,  celte  maison 
et  la  notre,  vos  sœurs  et  les  nôtres.  Voyez  Ad- 
jectifs possessifs. 

Notre  et  votre,  ainsi  que  les  autres  pronoms 
possessifs,  signifient  (luelquefois,  non  ce  qui  nous 
appartient,  mais  ce  (lui  nous  intéresse  :  Jstarbé 
vous  défend  de  découvrir  au  roi  quel  est  voire 
étranger.  (Fénel.,  Télém.,  liv.  111,  t.  i,  146). 
Notre  France.  Notre  grande  ville.  Les  bour- 
geois disent  notre  quartier  ;  les  gens  du  bon 
Ton ,  mon  quartier.  Les  domestiques  disent 
notre  maître.  —  Serez-vous  des  nôtres'^  c'est-à- 
dire  de  notre  partie.  Les  nôtres  ont  bien  com- 
battu, c'est-à-dire  ceux  de  notre  nation  ,  de 
notre  parti. 

NouEDx,  NocEDSE.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
»on  subst.  :  Du  bois  noueux,  un  bâton  noueux. 

Nourrir.  V.  a.  delà  2''  conj.  Ce  verbe  s'em- 
ploie fréquemment  au  figuré  dans  le  style  noble  : 

Ce  cœur  nourri  de  sang  et  de  guerre  affamé. 

(Rac,  ilithrid.,  act.  II,  se.  m,  24.) 

Jloi,  nourrii  dans  la  guerre,  aux  liorreurs  du  carnage. 
llUc,  Àth.,  act.  II,  se.  V,  113.) 

Vous,  nourri  dans  la  fourbe  et  dans  la  trahison. 

{Idem,  acl.  III,  se.  iv,  55.) 

Un  cœur  toujours  nourri  d'amertume  et  de  pleurs. 
(Rac,  Phéd.,  act.  II,  se.  i,  53.) 

Ni  que  du  fol  amour  qui  trouble  ma  raison. 
Ma  lâche  complaisance  ait  nourri  le  poison. 

(/dcm,  acl.  II,  se.  y,  95.) 

Et  puisse  ton  supplice  à  jamais  effraver 
Tous  ceux  qui  comme  toi,  par  de  lâches  adresses. 
Des  princes  malheureux  nourrissent  les  faiblesses. 
(Idem,  act.  lY,  se.  VI,  107.) 

Pir  sa  mère  élevé,  nourri  dans  ses  maximes. 

(Volt.,  Uenr.. III,  15.) 


NOO 

J'ai  nourri  mes  chagrins  sans  les  manifester. 

(Volt.,  Sémir.,  acl.  I,  se.  v,  94.) 

Ses  périls  nourrissaient  ma  tendresse  inquiète. 

(Volt.,  lltr.,  acl.  I,  se.  l,  *8.) 

La  rapide  clincelle  en  pétillant  s'échappe; 

Des  feuilles  l'ont  reçue.  Alors  dans  son  bercean, 

Achate  d'un  bois  sec  nourrit  ce  feu  nouveau. 

(Dklil.,  Énéid..  I,  246.) 

Se  nourrir  s'emploie  aussi  au  figuré  :  Ils  ne 
se  nourrissent  que  d'idées  tristes.  — Il  se  dit 
au  propre  avec  la  préposition  de:  Il  ne  se  nour- 
rissait que  d'herbes  el  de  racines;  ou  sans  ré- 
gime :  Cet  homme  se  nourrit  bien. 

Nourrissant,  Nocrrissaxte.  Adj.  verbal tirédu 
v.  nourrir.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
friande  nourrissante. 

NocRRiTDRE.  Subst.  f.  Cc  mot  se  disait  autre- 
fois pour  éducation.  Riclielel  ijit,  il  n'a  point  de 
novrriture,  f)Our,  il  n'a  point  d'éducation.  Cor- 
neille parlant  d'Altale,  qui  avait  été  élevé  à  Rome, 
dit  [Nicomède,  act.  II,  se.  m,  9)  : 

Si  vous  faites  état  de  celle  nourriture, 
Donnez  ordre  qu'il  règne,  elle  tous  en  conjure. 

Il  ne  s'est  conservé  que  dans  le  proverbe,  nour 
riiure  passe  nature;  pour  dire,  la  bonne  édu- 
cation peut  corriger  un  mauvais  naturel.  — En 
parlant  d'un  enfant  mal  élevé,  on  dit,  en  plai- 
santant, en  parlant  de  celui  qui  en  a  pris  soin  : 
f^ous  avez  fait  là  une  belle  nourriture. 

Nois.  Pronom  de  la  première  personne  du 
pluriel.  Il  est  des  deux  genres,  et  se  dit  des  per- 
sonnes el  des  choses  personnifiées. 

Il  s'emploie  comme  sujet  du  verbe,  nous  vou- 
lons, et  alors  il  est  le  pluriel  Aaje.  Il  s'emploie 
aussi  comme  régime  direct,  il  nous  blâme  ; 
comme  régime  indirect,  il  7icus  a  donné  de  l'ur- 
gent ;  et,  dans  ces  deux  cas,  il  est  le  pluriel  de 
me.  11  s'emploie  aussi  c<iininc  cuinplcmcnt  des 
prépositions,  et  alors  il  est  le  pluriel  de  moi:  Il 
se  moque  de  nous,  venez  avec  nous,  faites  cela 
pour  nous.  Pour  la  construction,  il  suit  les  règles 
des  pronoms  dont  il  est  le  pluriel.  Voyez  ces 
pronoms. 

Lorsque  nous,  employé  comme  sujet  ou  comme 
régime,  est  joint  à  un  autre  nom  qui  con- 
court avec  ce  pronom  à  former  le  sujet  ou  le 
régime,  il  faut  d'abord  mettre  nous  avant  le 
verbe,  puis  le  répéter  après  ce  vcibc,  sans  pré- 
position, s'il  est  sujet  ou  i  égime  direct  ;  avec  une 
préposition,  s'il  est  régime  indirect,  afin  de  le 
lier  avec  le  nom  qui  concourt  à  former  le  sujet 
ou  le  régime  :  Nous  partirons  demain,  nous  et 
nos  domestiques  ;  il  nous  a  bien  reçus,  nous  et 
nos  amis;  il  nous  a  donné  de  Vargi  nt,  à  nous  et 
à  nos  amis. 

Quelquefois  un  auteur  dit  nous,  au  lieu  de  moi 
et  je  ;  el  celte  façon  de  parler  est  plus  modeste 
que  la  dernière.  —  Quand  le  pronom  nous  est 
employé  au  lieu  du  pronom  je,  on  doit  écrire 
avec  le  nombre  singulier  le  parlicipe  mis  en  rap- 
port avec  le  pronom  «ou*,  el  alors  dire:  persuadé 
covnne  nous  le  sommes,  parce  que  le  discours 
répond  i)lulôt  à  la  i)cnsée  qu'aux  règles  de  la 
grammaire. 

[Grammaire  des  Grammaires,  p.  323  ) 

i  Et  le  ciel  nous  ordonne 

'  Que  sans  peser  ses  dmits,  nous  respections  son  trAne. 

1  (Volt.,  Qreste,  act.  III,  se.  iv,  20.) 


M] 

Le  premier  vnus,  dit  La  Harpe,  est  ici  de 
trop.  On  d\{,jc  rnvs  ordoinie  défaire,  OV\j"'or- 
donnc  que  vous  fassiez.  On  ne  dit  pas/e  vous 
ordonne  que  vous  fassiez.  On  en  voit  la  raison; 
c'est  ([ue  l'un  des  deux  vous  est  inutile.  Celle 
faute  rcvien;  plusieurs  fois  dans  les  pièces  de 
Voltaire  : 

Ah  çà,  Nanine, 
Permellcz-moi  qu'ici  l'on  tous  destine... 

(Nanine,  act.  I,  se.  VII,  44.) 

{Cours  dt  liitérature .) 

NouvEAD,  ou  NocvEL,  NocvF.LiE.  Adj.  On  met 
toujours  nouvel  avant  le  subst.  :  Le  nouvel  un, 
■nouvel  accident,  nouvel  hommage;  noiivcuu  Cl 
nouvelle  peuvent  se  placer  avant  ou  après,  selon 
les  cas  :  Du  vin  nouveau,  une  chanso7i  nouvelle, 
la  7iouvelle  lune,  la  ntnivelle  année,  une  nouvelle 
manière.  —  (Quelquefois  nouveau,  avant  le  sub- 
stantif, a  un  sens  différent  de  celui  qu'il  présente 
quand  il  est  après.  On  entend  par  nouveaux 
livres,  d'aulres  livres  que  ceux  qu'on  a  c-  qu'on 
a  lus;  et  par  livres  nouveaux,  des  livres  qui 
ont  paru  depuis  peu.  Un  nouvel  habit  est  un 
habit  différent  de  celui  qu'on  vient  de  quitter; 
unhahit  nouveau  est  un  habit  de  nouvelle  mode. 
—  Bossuet  dit,  une  chose  si  nouvelle  au. v  chré- 
tiens. On  dit  aujourd'hui  pour  :  Cette  chose  est 
nouvelle  pour  moi.  —  Nouveau  s'emploie  (luel- 
quefois  adverbialement  et  signiûe  nouvellement. 
Du  leurre  nouveau  battu.  On  ne  l'emploie  pas 
en  ce  sens  avec  un  substantif  féminin,  excepté 
dans  la  locution  une  file  nouveau-née.  Il  s'em- 
ploie encore  dans  le  sens  de  nouvellement,  avec 
quelques  autres  participes  qui  deviennent  des 
substantifs;  et  alors  il  est  adjectif  variable  :  Un 
nouveau  marié,  de  nouveaux  mariés,  une  nou- 
velle mariée.  (Acad.  1835.) 

NouvixLEMENT.  Adv.  Ou  pcut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  consenti  nou- 
vellevient,  ou  il  a  nouvellement  consenti  à  cet 
arrangement. 

NovATECR.  Subst.  m.  L'Académie  ne  dit  point 
comment  il  faudrait  dire  en  parlant  d'une  femme. 
Il  nous  semble  (jne  rien  n'empêcherait  de  dire 
novatrice. 

NovissiMÉ.  Adv.  Mot  emprunté  du  latin.  On 
ne  peut  le  mettre  qu'après  le  verbe  :  Cela  est 
arrive  novissimé. 

Noyer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  Employer.  Ménage  prétend  que  de  son 
temps  le  bon  usage  était  de  prononcer  néier. 
Richelet  est  du  même  avis.  Il  soutient  qu'il  n'y 
a  que  les  poètes  qui  disent  noyer.  Aujourd'hui 
on  ne  dit  plus  que  noyer.  Ce  verbe  s'emploie 
dans  le  style  noble,  au  ligure  : 

Tandis  que  dans  les  pleurs  moi  seule  je  me  noie. 
(Rac,  Bérén,,  act.  V,  se.  y,  14.) 

Longtemps  dans  notre  sang  Sylla  s'était  noyé. 

(Volt.,  Mort  de  César,  ad.  III,  se.  iv,  27.) 

Delille  a  dit  [Énéid.  1,  111)  : 

Dispersez  sur  les  mers  ou  noyca  leurs  vaisseaui. 

No,  Nue.  Adj.  Il  se  met  ordinairement  après 
son  subst.  :  Un  homme  -nu,  une  femme  nue,  les 
pieds  nus,  la  tête  nue  ;  une  épéc  nue, 

....   Je  t'expose  ici  mon  âme  toulo  nue. 

(Rac,  Britan.,  act.  II,  se.  II.  127.) 


NUL 


SOS 


Nu  est  invariable  dans  les  locutions  suivantes 
où  il  précède  son  subst.  :  Nu-pieds,  nu-tête, 
nu-jambes. 

Nuage.  Subst.  m.  Ce  terme  est  admis  dans  le 
style  noble,  au  lu'oprc  et  au  figuré  :  Le  ciel  est 
couvert  de  nuages. 

Déjà  do  traits  en  l'air  s'élevait  un  iiitaj-. 

(Rac,  Iphig.,  ad.  Y,  se.  Ti,  22.) 

Madame,  ou  je  me  trompe,  ou  durant  vos  adieux, 
Quelques  pleurs  répandus  ont  obscurci  vos  yeui. 
Puis-je  savoir  quel  trouLle  a  formé  ce  nuage  ? 

(Rac,  Britan.,  act.  V,  se.  lii,  1.) 

NcAGEnx,  Nuageuse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  ciel  nuageux. 

Nubile.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Jge  nubile,  fille  nubile. 

Nuire.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  4"  conj.  Voici 
comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  nuis,  tu  nuis,  il 
nuit;  nous  nuisons,  vous  nuisez,  ils  nuisent.  — 
Imparfait.  Je  nuisais,  tu  nuisais,  il  nuisait  ;  nous 
nuisions,  vous  nuisiez,  ils  nuisaient.  —  Passé 
simple.  Je  nuisis,  tu  nuisis,  il  nuisit;  nous  nui- 
sîmes, vous  nuisîtes,  ils  nuisirent. —  Futur.  Je 
nuirai,  tu  nuiras,  il  nuira  ;  nous  nuirons,  vous 
nuirez,  ils  nuiront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  nuirais,  tu  nui- 
rais, il  nuirait;  nous  nuirions,  vous  nuiriez,  ils 
nuiraient. 

Impératif.  —  Présent.  Nuis,  qu'il  nuise;  nui- 
sons, nuisez,  qu'ils  nuisent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  nuise,  que  tu 
nuises,  qu'il  nuise;  que  nous  nuisions,  que  vous 
nuisiez,  qu'ils  nuisent.  —  Imparfait.  Que  je 
nuisisse,  que  tu  nuisisses,  qu'il  nuisît;  que 
nous  nuisissions,  que  vous  nuisissiez,  qu'ils 
nuisissent. 

Participe.  — Présent.  Nuisant.  — Passé.  Nui  ; 
point  de  féminin. 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

Nuire  à  quelqu'un;  cela  nuit  à  mon  projet. 

Nuisible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  chose  nuisible  à  la 
santé;  un  homme  nuisible  à  la  société. 

Nuit.  Subst.  f.  Ce  mot  est  reçu  dans  le  style 
noble  au  propre  et  au  figuré  : 

Bientôt  de  l'occident,  oii  se  forment  les  ombres, 
La  nuit  vint  sur  Paris  porter  ses  voiles  sombres, 
El  cacher  aux  mortels,  en  ce  sanglant  séjour. 
Ces  morts  et  ces  combats  qu'avait  vus  l'œil  du  jour. 
(Volt.,  Henr.,  VI,  383.) 

Dans  la  nuit  du  tombeau  j'enfermerai  ma  honte. 

(Rac,  hMg-,  act.  II,  se.  i,  132.) 

Ces  horribles  secrets 
Sontcncor  demeurés  dans  une  nuit  profonde. 

(Volt.,  Sémir,  acl  I,  se.  m,  29.) 

De  la  nuit  du  silence  un  secret  peut  sortir. 

(Volt.,  Mér.,  act.  I,  se.  IT,  36.) 

Dans  celle  nuit  d'erreur  où  le  monde  est  plongé. 
Apportons,  s'il  se  peut,  une  faible  lumière. 
(Volt.,  Diac.  sur  la  loi  naturelle,  Exordc,  vers  8.) 

Nuitamme>t.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Après  l'avoir  tué  nuitamment,  et  non  pas, 
après  l'avoir  nuitamment  tué. 

Nul,  Nulle.  Adj.  Aucun,  pas  un.  Il  ne  se  met 


S04 


0 


qu'avant  son  subst.  :  Nul  homme,  nulle  femme. 
Féraud  pivlonJ  qu'il  ne  se  dit  que  des  personnes. 
C'est  une  erreur.  On  dit  mille  exactitude,  nulle 
prudence,  nulle  justice,  nul  cas,  etc.  En  ce 
.sens  il  n'a  i)as  de  pluriel. 

Nul  siij'nilie  aussi  d'aucune  valeur.  Dans  ce 
sens,  il  jjrend  un  pluriel,  et  se  met  après  son 
subst.  :  Un  testament  nul,  un  arrêt  nul ,  v/ie 
clause  nulle,  un  talent  nul.  Des  procédures 
nulles. 

NuLLE.MEM.  Adv.  Quap.d  il  sert  de  réponse  à 
une  question,  il  se  met  sans  la  négative  :  Foulez- 
vous  céder  vos  droits?  Nullement.  Partout  ail- 
leurs il  doit  être  précédé  de  la  négative  :  Je  ne 
le  souffrirai  nullement  ;  je  ne  le  veux  nul- 
lement; il  n'est  nullement  instruit  de  cette 
affaire. 

NcMEM.  Adv.  On  peut  quelquefois  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  conté  nû- 


OBL 

ment  le   fait,   ou  il   a    nûment   conté  le  fait. 

Numéraire.  Adj.  des  deux  genres  <]uine  se  met 
qu'a[)rés  son  subst.  :  f'^aleur  numéraire. 

NuMÉRjiL,  Ni'MÉRALE.  Adj.  qui  Hc  sc  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Adjectif  numéral,  lettre  numé- 
rale. 11  fait  au  pluriel  masculin,  numéraux  :  Des 
adjectifs  nutnéraux. 

NuMÉRiQDE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Opération  numérique, 
rapport  numérique. 

Numéro.  Subst.  m.  Il  ne  prend  point  de  s  au 
pluriel.  — En  4835,  l'Académie  met  un  s  au  plu- 
riel, et  c'est  aujourd'hui  l'usage  général. 

NcPTiAt,  Nuptiale.  Adj.  11  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Jiobe  nuptiale,  bénédiction  nuptiale, 
habits  nuptiaux,  lit  nuptial,  couche  nuptiale. 

Ndtritif,  Nutritive.  Adj.  qui  no  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Remède  nutritif,  faculté 
nutritive. 


0. 


0.  Subst.  m.  C'est  la  quinzième  lettre  ae  l'al- 
phabet et  la  quatrième  des  voyelles.  Notre  pro- 
nonciation distingue  un  o  long  et  un  o  bref.  Nous 
prononçons  différemment  7/n /lô/e,  cl  une  hotte  ; 
une  côte,  et  une  cotte.  —  Nous  représentons  sou- 
vent le  son  de  Vo  par  la  diphthongue  oculaire  au, 
comme  dans  aune,  baudrier,  cause,  dauphin, 
fausseté,  gaule,  haut,  jaune,  laurier,  naufrage, 
pauvre,  ruuque,  fauteur,  taupe,  vautour.  D'au- 
tres fois  nous  représentons  o  par  eau,  comme 
dans  eau,  tombeau,  cerveau,  cadeau,  chameau, 
fourneau,  troupeau,  fuseau,  gâteau,  veau. 

La  lettre  o  est  quelquefois  pseudonyme,  en  ce 
qu'elle  est  le  signe  d'un  autre  son  que  de  celui 
pour  Icciuel  elle  est  instituée;  ce  qui  arrive  par- 
tout où  clic  est  prépositive,  dans  unediphlhongue 
réelle  et  auriculaire.  Elle  représente  alors  le  son 
ou,  comme  dans6ow,  foin,  que  l'on  prononce  en 
effet,  boua,  fouen. 

Elle  est  quelquefois  auxiliaire,  comme  quand 
on  l'associe  avec  la  voyelle  u  pour  représenter 
le  son  oji,  qui  n'a  pas  de  caractère  propre  en 
français,  comme  dans  bouton,  ouvrage,  foudre, 
goutte,  houblon,  jour,  louange,  moutarde,  nous, 
poule,  souper,  tour,  vous. 

Dans  tous  les  cas  où  Yo,  joint  à  Yi,  forme  'la 
diphthongue  apparente  oi,  et  sc  prononce  é  ou  è, 
ou  a  substitué  l'a  à  Vo,  et  cet  usage  est  devenu 
si  général,  que  l'Académie  a  cru  devoir  l'adopter 
et  (juc  nous  l'avons  adopté  nous-môme,  malgré 
notre  répugnance.  Ainsi  nous  écrivons  comme  les 
autres,  Anglais,  Français,  Bourbonnais,  je 
lisais,  je  lirais,  monnaie,  connaître,  paraître; 
il  lisait,  etc.  Voyez  Oi. 

La  Ici  Ire  o  est  muette,  1»  dans  les  trois  mots 
paoîi,  faon,  Laon  (ville),  que  l'on  prononce  pan, 
fan,  Lan  ;  et  dans  les  dérivés,  comme  paon/ieaw 
(|)etit  paon),  qui  diffère  ainsi  de  panneau  (terme 
de  menuiserie);  Laonnais,  qui  est  delà  ville  ou 
du  pays  de  Laon  ;  2»  dans  les  sept  mots,  œuf, 
bœuf,  mœuf,  chœur,  cœur,  mœurs  cl  sœur,  (jue 
l'on  prononce  euf  beuf,  meuf,  keur,keur,  meurs, 
et  seur  ;  Z"  dans  les  trois  mots  œil,  œillet  et 
œillade,  soit  que  l'on  prononce  par  è,  comme  a 
la  fin  de  soleil,  ou  par  eu,  comme  à  la  fin  de  cer- 
cueil. On  écrit  aujourd'hui  économe,  économie, 
écuménique,  sans  o  à  la  première  syllabe*  le  mot 
(Hdipe  est  étranger  dans  notre  langue. 


0  est  l'expression  abrégée  du  mot  Ouest.  — 
Dans  le  commerce,  C.  O.  est  l'abréviation  de 
compte  ouvert.  Dans  les  anciens  livres  de  com- 
merce, ONC.  ou  ON.  signifie  once. 

Obéissance.  Subst,  f.  11  ne  se  met  point  au 
pluriel.  On  ne  dit  plus  comme  autrefois,  présenter 
ses  obéissances  à  quelqu'un,  assurer  quelqu'un 
de  ses  obéissances. 

Obéissant,  Obéissante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
obéir.  Il  se  met  ordinairement  après  son  subst., 
si  ce  n'est  dans  les  formules  de  politesse  :  Fotre 
obéissant  serviteur,  votre  très-obéissant  ser- 
viteur. Un  enfant  obéissant,  des  sujets  obéis- 
sants. 

Obliger.  V.  a.  de  la  l^^  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  un  /;  et, 
pour  lui  conserver  celte  prononciation  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
devant  cet  a  ou  col  o.  J'uhllgeai,  j'obligeais  ;  el 
non  pas  j'obligui,  j'obligais.  Féraud  prétend 
qu'obliger  rca\l  indifléremment  à  ou  de,  et  que 
l'oreille  seule" doit  décider  du  choix.  Cette  opinion 
est  une  erreur.  A  et  de  sont  des  prépositions 
dont  la  signilicalion  est  si  dilTérente,  que  ce  n'est 
pas  l'oreille,  mais  bien  la  différence  des  idées, 
ou  celle  des  points  de  vue  sous  lesquels  on  con- 
sidère une  idée,  qui  peut  autoriser  à  ppéférer 
l'une  à  l'autre.  Lorsqu'une  ciusc  exlcricurc,  agis- 
sant immédiatement  sur  nous,  y  produit  une 
obligation,  eZ/e  îwus  obligea:  La  religion  nous 
oblige  à  restituer  ce  que  nnus  avo7is  dérobé;  lu 
loi  710US  oblige  à  payer  notre  part  des  contri- 
butions publiques  ;l'hnnncur  nous  oblige  a  répa- 
rer le  tort  que  7ious  avons  fait  aux  autres.  Les 
devoirs  que  l'on  nous  impose  nous  obligent  sou- 
vent à  faire  des  choses  que  nous  ne  voudrions 
pas  faire. 

Mais  lorsque  l'obligation  est  considérée  comme 
existant  déjà  en  nous,  et  que  c'est  de  nous-mêmes, 
comme  d'un  principe,  que  nous  tirons  la  néces- 
sité de  faire,  7101/5  souimes  obligés  de  :  Je  me 
trouvai  mal,  et  je  fus  obligé  de  m'arrcter. 
L'obligation,  la  nécessité  de  m'arréter  est  venue 
d'une  cause  intérieure,  du  mal  (jue  j'éprouvais. 
Dieu  nous  a  caché  le  movient  de  notre  mort, 
pour  nnus  obliger  A'avoir  ntlention  à  tous  les 
moments  de  notre  vie.  (La  Rochefoucauld.)  Ici, 
Dieu  ne  nous  oblige  pas  immédiatement;  il  faic 


OBL 

\ine  chose  propre  à  faire  naître  en  nous  l'obli- 
gation. Voilà  pourquoi,  comme  dit  Foraud,  de 
est  meilleur  avec  le  iiassif,  et  à  avec  le  pronom 
personnel  :  //  est  obligé  de  le  faire;  il  s'oblige  à 
le  /'il ire. 

Obliger,  dans  le  sens  de  rendre  service,  faire 
plaisir,  veut  cHresuivi  do  la  préposition rfe  :  f^ous 
m'obligerez  beaucoup  i\c  faire  cela. 

Quand  être  obligé  ne  martpie  (ju'un  devoir 
moral,  il  se  dit  des  personnes  et  jamais  des  choses. 
Ainsi,  quoiqu'on  dise  o?i  est  obligé  d'obéir  aus 
lois  divines  et  humaines  ;  on  est  obligé  de  tra- 
vailler à  réprimer  ses  passioyis;  un  ne  dira  pas, 
la  Jeunesse  est  obligée  A'avoir  du  respect  pour 
les  personnes  âgées.  Dans  ce  cas,  on  dit,  la 
jeunesse  doit  avoir  du  respect,  etc.;  ou  un  jeune 
homme  est  obligé  d'avoir  du  respect.  De  même, 
au  lieu  de  dire,  la  critique  est  obligée  d'être 
sévère,  lorsqu'un  livre  contient  des  maximes 
contraires  à  la  morale,  dites  :  l.u  critique  doit 
être  sévère ,  ou  un  critique  est  obligé  d'être 
sévère. 

Oblique.  Adj.  des  deux  genres  :  Ligne  oblique  ; 
—  moyens  obliques,  voies  obliques;  louange  ob- 
lique. 11  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  ;  et,  si  on 
pouvait  le  mellre  avant,  ce  ne  serait  que  dans 
le  sens  figure  :  Ces  obliques  moyens.  "Voyez 
Adjectif. 

Oblique  est  aussi  un  terme  de  grammaire.  11 
est  oppose  à  direct.  On  s'en  sert  pour  caractériser 
certains  cas  dans  les  langues  transpositives,  et 
dans  toutes  pour  distinguer  certains  modes  et 
certaines  propositions.  On  ne  connaît  point  de 
cas  obliques  dans  la  langue  française. 

On  distingue  dans  les  verbes  deux  espèces 
générales  de  modes,  les  uns  personnels  et  les 
autres  impersonnels.  Les  premiers  sont  ceux  qui 
servent  a  énoncer  des  propositions,  et  le  verbe  y 
reçoit  des  terminaisons  par  lesquelles  il  s'accorde 
en  personne  avec  le  sujet;  les  autres  ne  servent 
qu'à  exprimer  des  idées  partielles  de  la  propo- 
sition, et  non  la  proposition  même;  c'est  pour- 
quoi ils  n'ont  aucune  terminaison  relative  aux 
personnes.  C'est  entre  les  modes  personnels  que 
les  uns  sont  directs  et  les  autres  obliques.  Les 
modes  directs  sont  ceux  dans  lesi]ucls  le  verbe 
sert  à  énoncer  une  proposition  principale,  c'est- 
à-dire  l'expression  immédiate  de  la  i)ensée  qu'on 
veut  manifester;  tels  sont  l'indicaiil',  l'impératif 
et  le  conditionnel,  iiuc  l'un  appelle  ;iussi  suppo- 
sitif.  Les  modes  obliques  sont  ceux  qui  ne  peuvent 
servir  qu'à  énoncer  une  [iroposilion  incidente 
subordonnée  à  un  antécédent  qui  n'est  (ju'une 
partie  de  la  proposition  principale.  Tels  sont  le 
subjonctif,  qui  existe  dans  presque  toutes  les  lan- 
gues, et  l'optatif,  ipii  n'appartient  ([u'aux  Grecs. 

Le  verbe  a  été  introduit  dans  le  système  de 
la  parole  pour  énoncer  l'existence  intellectuelle 
des  sujets  sous  leurs  attributs,  ce  qui  se  fait  par 
des  propositions.  Quand  le  verbe  est  donc  à  un 
mode  où  il  sert  piimilivement  à  cette  destination, 
il  va  directement  au  but  de  son  institution,  le 
mode  est  direct.  Mais  si  le  mode  est  exclusive- 
ment destine  à  exprimer  une  énonciation  subor- 
donnée et  partielle  de  la  proposition  primitive  et 
principale,  le  verbe  y  va  d'une  manière  moins 
direple  à  la  fin  pour  laquelle  il  est  institué,  le 
mode  est  oblique. 

On  distingue  pareillement  des  propositions 
directes  et  desproi)ositions  obliques. 

Une  proposition  directe  est  celle  par  laquelle 
on  énonce  directement  l'existence  intellectuelle 
d'un  sujet,  sous  un  attribut  :  Dieu  est  éternel; 


OBS 


>05 


soyez  sage  ;  il  faut  que  la  volonté  de  Dieu  se 
fasse;  nous  serions  ineptes  à  tout  sans  le  con- 
cours de  Dieu,  ctc  Le  verbe  d'une  proposition 
directe  est  à  l'im  des  trois  modes  directs,  l'indi- 
catif, l'impératif  ou  le  conditionnel. 

Une  proposition  oblique  est  celle  i)ar  laquelle 
on  énonce  l'existence  d'un  sujet  sous  un  attribut, 
de  manière  à  présenter  cette  énonciation  comme 
subordonnée  à  une  autre  dont  elle  dépend,  et  à 
l'intégrité  de  laquelle  elle  est  nécessaire  :  Il  faut 
que  la  volonté  de  Dieu  soit  faite  ;  quoi  que  vous 
fassiez,  faites-le  au  nom  du  Seigneur,  etc.  Le 
verbe  d'une  proposition  oblique  est  en  français 
un  siibjcncliL 

Toute  pruposilion  oblique  est  nécessairement 
incidente,  puisqu'elle  est  nécessaire  à  l'intégrité 
d'une  autre  proposition  dont  elle  dépend  :  Il  faut 
que  la  volonté  de  Dieu  soit  faite  ;  la  pruposition 
oblique  que  la  volonté  de  Dieu  suit  faite,  est  une 
proposition  incidente  ijui  tombe  sur  le  sujet  il, 
dunt  elle  restreint  l'étendue;  i7  (cette  chose)  que 
la  volonté  de  Dieu  soit  faite,  est  nécessaire  ; 
quoi  que  vous  fassiez  est  une  proposition  inci- 
dente qui  tombesur  le  complément  objectif  le  du 
verbe  faites,  et  en  restreint  l'étendue;  c'est 
pour  dire,  faites  au  nom  du  Seigneur  le  quoique 
vous  fassiez. 

Mais  toute  proposition  incidente  n'est  pas  ob- 
lique, parce  que  le  mode  de  toute  pruposition 
incidente  n'est  pas  \\x\-mémc  oblique,  ce  qui  est 
nécessaire  à  l'obliquité,  si  on  peut  le  dire  de  la 
proposition.  .Ainsi,  (juand  on  dit,  les  savants, 
qui  sont  plus  instruits  que  le  commun  des  hnui- 
vies,  devraient  aussi  les  surpasser  en  sagesse, 
la  proposition  incidente,  qui  sont  plus  instruits 
que  le  commun  des  hommes,  n'est  point  oblique, 
mais  directe,  parce  que  le  verbe  sont  est  à  l'indi- 
catif, tjui  est  un  mode  direct. 

La  i)roposition  opposée  à  Vincidcntc,  c'est  la 
principale;  la  proposition  opposée  a  V oblique, 
c'est  la  directe.  L'incidente  peut  être  ou  n'être 
lias  nécessaire  à  l'intégrité  de  la  principale  selon 
qu'elle  est  explicative  ou  déterminative;  mais 
l'oblique  est  à  rintésrité  de  la  principale  d'une 
nécessité  indiciuéepar  le  mode  du  verbe;  h  prin- 
cipale peut  être  ou  directe  ou  oblique,  et  la 
(/z;ec^e  peut  être  ou  incidente  ou  principale,  se- 
lon l'occurence.  (Beauzée.) 

Obliquement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  lia  tiré  obliquement  cette  ligne,  ou  il  a 
tiré  cette  ligne  obliquement;  mais  non  pas,  il  a 
obliquement  tiré  cette  ligne. 

L'Académie  dit  qu'il  signifie  aussi  indirecte- 
ment :  Louer,  blâmer  obliq^icment.  — Nous  pen- 
sons qu'il  faut  \)vé[ivcv  indirectement. 

Oblong,  Oblo.ngue.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  jardin  oblong,  une  place  oblou- 
gue,  un  livre  oblong. 

Obscène.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  .•  Mot  obscène,  paroles 
obscènes,  chanson  obscène  ;  ces  obsc'enes  pein- 
tures, ces  obscènes  dis  cours, ces  obscènes  images. 
Obscur,  Obscure.  Adj.  11  se  met  avant  son 
subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent :  Lieu  obscur,  prison  obscure,  une  obscarn 
prison;  retraite  obscure,  obscure  retraite  ;  nais- 
sance obscure,  obscure  naissance;  une  vieillesse 
obscure,  une  obscure  vieillesse. 

Voudrais-je,  de  la  terre  inutile  fardeau. 
Attendre  chez  mon  père  une  ofcscure  Tieillesseî 

(RiC,  Ifhig.,  act.  I,  se.  II,  92.) 


«06 


0B5 


Obsccrémejtt.  Adv.  Il  se  nicl  aiircs  le  vcibo  : 
//  a  reçu  obscurément,  et  non  pas,  il  a  obscuré- 
ment vécu. 

Obscdrité.  SiibsL  f.  Terme  de  liiliTaturc. 
C'est  la  dénomination  d'imc  chose  obscure. 
Vobscurité  peut  être  ou  dans  la  perception,  ou 
dans  la  dirociii>n. 

L'obscurité  dans  la  perception  vient  princi- 
palement de  ce  qu'on  ne  conçoit  pas  les  choses 
comme  elles  sont,  ou  comme  un  trouve  qu'elles 
sont,  mais  comme  on  juge  qu'elles  doivent  êlre 
avant  de  les  avoir  connues  ;  de  sorte  (jue  noire 
jugement  précède  alors  noire  connaissance,  et 
devient  la  réi'le  de  nos  conceptions  :  au  lieu  (jue 
la  nature  et  la  raison  nous  disent  que  les  ciioses 
ne  doivent  être  jugées  que  comme  elles  sont 
connues,  et  que  nous  les  connaissons,  non 
comme  elles  sont  en  elles-mêmes,  mais  telles  qu'il 
a  plu  à  Dieu  de  nousles  l'aire  connaître. 

L'obscurité  dnns  la  diction  peut  venir  en  pre- 
mier lieu  de  rambiguïlc  du  sens  des  mots;  se- 
condement, des  figures  ou  ornements  de  rhéto- 
rique; troisièmement,  de  la  nouveauté  ou  de 
l'ancienneté  surannée  des  mots.  Xoye?.  Style. 

Obsécration.  Subst.  f.  Figure  de  rhétorique, 
par  laquelle  l'orateur  implore  l'assistance  de  Dieu 
ou  de  ([ueUiuc  homme. 

Obséder.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Voltaire  l'a  em- 
ployé dans  une  acception  que  n'indique  point 
l'Académie  : 

Soufcnt  Je  ses  erreurs  notre  âme  est  obtcdée. 

(Volt.,  Se'mtr.,  act.  I,  se.  v,  62.) 

Obséquieux,  Obséquieuse.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  obséquieux, 
une  satisfaction  obséquieuse. 

Observateur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme,  on  dit  observatrice 

On  l'emploie  aussi  adjectivement,  et  il  ne  se 
met  qu'après  son  subst,  :  Un  esprit  observa- 
teur. 

Observation.  Subst.  f.  Voyez  Observer.  Faire 
une  observation,  c'est  observer.  Or,  si  l'on  ne 
doit  pas  dire  observer  à  quelqu'un,  il  ne  faut  donc 
pas  dire,  faire  une  ibservation  à  quelqu'un^  je 
vous  fais  cette  observatiim ;  il  faut  dire  faire 
part  de  son  obserratinn  à  quelqu'un ,  je  vous 
fais  faire  cette  observation. 

Observer.  V.  a.  et  n.  delà  l'*  conj.  Dans  ce 
mol,  la  prononciation  du  b  approche  un  peu  de 
celle  du  p.  On  nctrouve  point  dans  le  Dictionnaire 
de  l'Académie  d'exemple  analogue  à  la  manière 
dont  ce  verbe  est  employé  dans  les  vers  suivants  : 

Je  Terrai  le  témoin  de  ma  flamme  adultère 
Observer  da  que!  front  j'ose  aborder  son  père. 

(Rac,  Phéd.,  act  III,  se.  III,  17.) 

Lorsque  ce  verbe  signifie  épier,  remarquer  iCs 
actions,  les  gestes,  les  discours  d'une  personne, 
il  est  actif  et  prend  un  régime  direct  :  Je  vous 
observe,  c'est-à-direj'oijcrre  vous.  — Mais  lors- 
qu'il signilie  faire  une  remaniue,  remar(]uer,  il 
est  neutre.  Alors,  quand  on  veut  l'employer  dans 
ce  sens,  il  ne  faut  ni  qu'il  soit  précédé  d'un 
pronom  personnel  régime,  ni  suivi  d'un  nom  avec 
ou  sans  préposition.  Ainsi  il  ne  faut  pas  dire  je 
vous  observe  que,  je  lui  ai- observé  que,  je  vous 
observe ^une  chose  à  laquelle  vous  n'avez  pas 
pensé,  j'observe  à  l'assemblée  que  :  car,  comme  on 
ne  considère  pas  une  chose  à  quclpt'un,  counne 
on  ne  la  lui  remaniue  pas,  on  ne  doit  pas  non 


occ 

plus  la  lui  observer;  mais  on  doit  la  lui  faire 
remaniuer,  la  lui  faire  considérer,  la  lui  faire 
observer.  Tour  parler  lorreclement,  il  faut  donc 
dire,  observez  bien  que,  je  lui  ai  fait  observer 
que,  je  mus  fais  ibscrver,  je  vous  prie  d'obser- 
ver vne  chose  à  laquelle  vous  n'avez  pas  pensé; 
je  prie  l'assemblée  d'observer  que,  ou  l'assem- 
blée voudra  bien  observer  que.  Faites-leur  même 
observer  que  rien  ne  contribue  plus  à  l'économie 
et  à  lu  propreté,  que  de  tenir  chaque  chose  en  sa 
place.  {F^nal.,  Education  des  fdles,  ch.  XI.)  Lt 
juste  défense  de  moi-même  m'oblige  seulemem  a 
vous  faire  observer  qu'en  peignant  les  misèrci 
humaines,  etc.  (J.-J.  Rousseau.)  Je  me  bon  r  \ 
faire  ol)server  à  un  enfant  ce  qu'il  fait  couti- 
nuclleiiient.  (Condillac.) 

Obstinément.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  soutenu  obstiné- 
vient  ce  mensonge,  ou  il  a  obstinément  soutenu 
ce  mensonge. 

Obstiner  (s').  V.  pronom.  Ce  verbe  régit  la 
préposition  à  devant  un  infinitif  :  //  s'ob.stinc  à 
i/ie  persécuter. 

Obtenir.  V.  a.  et  irrég.  de  la 2' conj.  11  se  con- 
jugue comme  tenir.  Voyez  Irrégulier.  Dans  ce 
mot,  la  prononciation  du  b  approche  un  peu  de 
celle  du p:  Obtenir  quelque  chose  de  que/qu'un. 
Il  a  obtenu  de  partir  ;  il  a  obtenu  que  je  partisse 
On  met  de  quand  la  chose  obtenue  a  élé  accor- 
dée à  la  personne  qui  est  le  sujet  de  la  proposi- 
tion ;  on  met  que  quand  la  chose  obtenue  a  été 
accordée  à  une  autre  personne. 

Obtus.  Obtuse.  Adj.  ijui  ne  se  met  qu'après 
son  subsl.  :  Un  angle  obtus.  —  Un  esprit  ob- 
tus. 

Occasion.  Subst.  f.  On  à\\.  prendre  occasion, 
sans  article.  Monlesquieu  a  dit,  mettre  en  tcca- 
sion  :  Je  demeurais  quelquefois  une  heure  dans 
une  compagnie  sans  qu'on  m'eût  regardé,  et 
qu'on  m'eût  mis  en  occasion  d'ouvrir  la 
bouche.  (XXX'  lettre  persane.)  Celle  expres- 
sion nouvelle  parait  nécessaire  ici  ;  fournir  l'oc- 
casion ne  signifierait  pas  la  même  chose. 

Occasionnei,,  Occasionnelle.  Adj.  qui  ne  se 
met  (]u'aprés  son  subst.  :  Cause  occasionnelle. 

OccAsioNNELLE.MENT.  Adv.  11  sc  mel  aprés  le 
verbe  :  Je  suis  venu  occasionnellement,  et  non 
pas  je  suis  occasionnclleynentvenu. 

Occidental,  Occidentale.  Adj.  :  Pag  s  ceci- 
dental,  peuples  occidentaux,  les  Indes  occiden- 
tales. —  On  dit  empire  d'Occident,  éi/lise  d'Oc- 
cident,  et  non  pas,  empire  occidental,  église 
occidentale. 

Occiput.  Subst.  m.  On  prononccle  t. 

Occulte.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'aprc'sson  subsl.  :  Cause  occulte,  vertu  occulte, 
faculté  occulte,  qualité  occulte,  propriété  occulte, 
maladie  occulte;  les  sciences  occullcs. 

Occupation.  Subst.  f.  Figure  de  riiéîorique  qui 
consiste  à  [)révenir  une  objection  (pie  l'on  prévoit, 
en  se  la  faisant  à  soi-même,  et  en  y  répondant. 
Fléchicr  a  mis  celle  figure  en  usage  dans  cel  en- 
droit ùcV Oraison  funèbre  de.  Turenne  (jt.  110)  : 
«  Quoi  donc,  n'y  a-t-il  point  de  valeur  et  de 
générosité  chrétienne?  L'Ecriture  ,  qui  com- 
mande de  se  sanctifier ,  ne  nous  apprend-elle 
pas  que  la  pitié  n'est  point  incompatible  avec  les 
armes?...  Je  sais,  messieurs,  que  ce  n'est  point 
en  vain  que  les  princes  portent  l'épée  ;  que  la 
force  peut  agir  quand  elle  se  trouve  jointe  avec 
l'équité;  que  le  Dieu  des  armées  préside  à  cette 
redoutable  justice  que  les  souverains  se  fon 
eux-mêmes;  que  le  droit  des  armes  est  néces- 


ODE 

taire  pour  la  conservation  de  la  société,  et  que 
les  guerres  sont  permises  pour  assurer  la  paix, 
pour  protéger  l'innocence,  pour  arrêter  la  ma- 
lice qui  se  déborde,  et  pour  retenir  la  cupidité 
dans  les  bo'nes  de  la  justice.  « 

On  nomme  ainsi  celte  (igurc,  du  mot  latin 
occupare,  occuper,  s'empjror,  [inrce  qu'elle  sert 
à  s'emparer,  pour  ainsi  dire,  de  l'esprit  de  l'au- 
diteur. On  l'appelle  autrement,  préoccupation. 
(Encijclop.) 

Occuper.  V.  a.  de  la  l"'  conj.  On  dit  s'occu- 
per à,  et  s'occuper  de.  Le  premier  se  met  avec 
les  verbes,  le  second  avec  les  adjectifs  :  On  s'oc- 
cupe de  son  a //'aire,  on  s'occupe  à  le  tour- 
menter. 

Hier  au  soir,  de  pleurs  loule  trempée, 
De  ce  dessein  étiez-vous  occupée? 

(YOLT.,  Ifan.,  acl.  II,  se.  m,  11.) 

Tandis  que  tout  s'occupe  âme  persécuter. 

(Rac,  3Iithr.,  act.  III,  se.  i,  7b.) 

L'Académie  dit  s'occuper  de  son  jardin,  et 
s'occuper  à  son  jardin.  Le  second  exemple  ne 
peut  être  bon  iiue  comme  phrase  elliptique  ; 
s'occuper  à  son  jardin,  c'est-à-dire  s'(.ceuper  à 
travailler  à  son  jardin.  On  peut  s'occuper  de 
.wn  jardin,  sans  s'cccuperà  .'son  jardin.  —  L'A- 
cadémie admet  les  deux  prépositions  devant  un 
infinitif,  selon  le  sens  de  s'occuper;  ainsi  on  dira 
il  s'occupe  de  détruire  les  abus;  il  y  songe,  il 
en  cherche  les  moyens;  et  il  s'occupe  à  détruire 
les  abus,  il  y  travaille.  Il  en  est  de  même  avec 
les  substantifs. 

S'occuper  se  dit  aussi  absolument  :  f^ous  vous 
ennuyez,  il  faut  vous  occuper. 

Souffrez  one  mon  courage  ose  enfin  s'occuper. 

(Rac,  Phéd.,  act.  III,  se.  V,  27.) 

OccuRRE>T,  OcccRHENTE.  Adj.  qui  nc  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Les  cas  occurrents,  les  af- 
faires occurrentes. 

OcÉiiN.  Subst.  m.  Voltaire  a  donne,  par  ex- 
tension, au  lac  de  Genève  le  nom  d'Océan. 
{Épttre  LXXVI,  17)  : 

D'un  tranquille  Océan  l'eau  pure  et  transparente 
Baigne  les  bords  fleuris  de  ces  champs  fortunés. 

Delille  a  dit  Yocéan  de  Vair{Énèid.,  YI,  24); 

Il  t' élève  un  beau  temple,  ô  Dieu  de  la  lumière  ! 
Et  t'offre,  heureux  nocher  d'une  nouvelle  mer. 
L'aile  dont  il  vogua  dans  l'océan  de  l'air. 

0CT0GÉN.4IRE.  Adj.  dcs  dcux  çcnrcs  qui  s'em- 
ploie aussi  substantivement.  Commeadjectif,  ilne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  yieillard  octogé- 
naire. 

Octogone.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Figure  octogo?ie. 

OccLMRE.  Adj.  des  deux  genres.  Une  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Témoin  oculaire. 

Ode.  Sulist.  f.  Terme  de  littérature.  Dans  la 
poésie  grecque  et  latine,  l'ode  est  une  pièce  de 
vers  qui  se  chantait,  et  dont  la  lyre  accompa- 
gnait le  chant.  Le  mol  ode  signifie  chant,  chan- 
son, hymne,  cantique. 

Dans  la  poésie  française,  l'ode  est  un  poërae 
lyrique  composé  d'un  nombre  égal  de  rimes  plates 
ou  croisées,  et  qui  se  dislingue  par  des  strophes 
qui  doivent  être  égales  entre  elles,  et  dont  la 


ŒU 


507 


première  fixe  la  mesure  des  autres.  Boiieau  parle 
ainsi  de  l'ode  (^.  P.,  Il,  58)  : 

L'ode  avec  plus  d'éclat  et  non  moins  d'onorgie, 
Elevant  jusqu'au  ciel  son  vol  ambitieux. 
Entretient  dans  ses  vers  commerce  avec  les  dieux. 

(".hante  un  vainqueur  poudreux  au  bout  de  la  carrière; 
Mène  .\clillle  sanglant  au  bord  du  Simols, 
Ou  fait  fléchir  l'Escaut  sous  le  joug  de  Louis. 

Son  style  impétueux  souvent  marche  au  hasard  : 
Chez  elle,  un  beau  désordre  estun  elfet  de  l'art. 

Comme  l'oJe  est  une  poésie  faite  pour  inspi- 
rer les  sentiments  les  plus  passionnés,  elle  admet 
l'enthousiasme,  le  sublime  lyrique,  la  hardiesse 
des  débuts,  les  écarts,  les  digressions,  enfin  le 
désordre  poétique. 

On  distingue  l'ode  sacrée,  qui  s'adresse  à  Dieu, 
et  que  l'on  nomme  aussi  hymne  ou  cantique; 
l'ode  héroïque,  consacrée  à  la  gloire  des  héros; 
l'ode  morale  ou  philosophi(iue,  où  le  poète  chante 
les  charmes  de  la  vertu  ou  la  laideur  du  vice; 
l'ode  anacréonlique,  (lui  célèbre  les  plaisirs. 

Lecaraclère  de  l'ode,  de (juelque  espèce  qu'elle 
soil ,  ce  qui  la  distingue  de  tous  les  autres 
poèmes,  consiste  dans  leplus  haut  degré  de  pen- 
sée et  de  sentiment  dont  l'esprit  et  Te  cœur  de 
l'homme  soient  capables.  L'ode  choisit  ce  qu'il  y 
a  de  plus  grand  dans  la  religion,  de  plus  surpre- 
naiil  dans  les  merveilles  de  la  nature,  de  plus 
admirable  dans  les  belles  actions  des  héros,  de 
plus  aimable  dans  les  vertus,  de  plus  condam- 
nable dans  les  vices,  de  plus  vif  dans  les  plaisirs 
de  Bacchus,  de  plus  tendre  dans  ceux  de  l'Amour. 
Elle  ne  doii  pas  seulement  plaire,  étonner;  elle 
doit  ravir  et  transporter.  {Encyclopédie,  extrait 
de  l'article  Ode  par  le  chevalier  de  Jaucourt.) 

OdiecseiMent.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  comporté  odieu- 
sement, ou  il  s'est  odieusement  comporté  dans 
cette  affaire. 

Odiecx,  Odieuse.  Adj.  Il  régit  quelquefois  la 
préposition  à  .•  C'est  vn  homme  odieux  à  sa  fa- 
mille. Employé  sans  régime,  on  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  enconsultanl  l'oreille  et  l'ana- 
logie. On  ne  dit  pas  un  odieux  homme,  un  odieux 
prince,  un  odieux  crime  ;  mais  on  peut  dire  ?(«e 
odieuse  entreprise,  vn  odieux  attentat,  etc. 

Odorant,  Odorante.  Adj.  Il  est  surtout  usité 
en  poésie,  et  peut  se  mettre  avant  son  subst., 
lorsque  l'oreille  et  l'analogie  le  permettent  :  Bois 
odorant,  fleurs  odorantes,  ces  odorantes  fleurs. 
Voyez  Adjectif. 

Odoeat.  Subst.  f.  Ce  mot  n'a  point  de  plu- 
riel. 

Odoriférant,  Odoriférante.  Adj.  H  signifie 
la  même  chose  qu'odorant,  mais  '1  s'emploie  sur- 
tout en  prose.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Parfums  odoriférants ,  aromates  odoriférants. 

OEiL.  Subst.  m.  Le  pluriel  est  yeux,  dans  le 
sens  propre,  et  œils  dans  le  sens  analogique  :  //  a 
mal  aux  yeux ,  des  œils  de  bœuf.  —  Cependant 
on  dit  les  yev.v  du  pain,  du  fromage,  du  bouil- 
lon. (Acad.  lS3o.)  Voyez  Formation. 

3'eTi  reponds  sur  ma  tête  et  j'aurai  l'œil  à  tout. 

(Corn.,  Héracl.,àct.  III,  se.  iv,  52.) 

Voltaire  remarque  sur  ce  vers,  qvicj'artrai  l'œil 
à  tout  est  une  expression  de  comédie. 

On  dit  entre  quatre  yeux,  pour  dite  tête  à 
tète.   Voyez  Quatre. 

OEuF."Subst.  m.  On  prononce  euf.  Le  /"se 


nos 


01 V 


fait  sentir  au  singulier,  non  au  pluriel  :  U/i  œuf, 
des  œufs.  T v ononcdz  des  eu. 

OEivBi:.  Subst.  Il  csl  onlinaireincnl  féininin  : 
L'œnrrc  Je  la  création  fut  achcvi'C  en  six  jours; 
l'œuvre  de  la  rédemption  fut  accninpUe  sur  la 
croix;  faire  une  bonne  œuvre.  Ceiiciidant,  dans 
le  style  soutenu,  il  est  quelnuefois  masculin  au 
singulier  :   Un  œuvre  de  génie,  ce  saint  œuvre. 

Sans  cela  toute  fable  est  un  œuvre  imparfait. 

(La  FoNTiiNE,  lit.  XII,  fable  ii,  32.) 

—  OEuvre,  lieu  et  banc  destinés  dans  une  pa- 
roisse pour  les  marguiiiiers,  est  féminin  :  Il  y  a 
une  belle  œuvre  dans  cette  église.  —  OEuvre, 
production  do  l'csiirit,  pièce  qu'un  auteur  a 
composée,  soit  en  prose,  soit  en  vers,  n'est  usité 
(ju'au  pluriel  et  au  léuiinin  :  On  a  fait  un  re- 
cueil de  toutes  ses  œuvres.  — OEuvre,  dans  le 
sens  d'action  morale,  est  féminin  :  Qiucun  sera 
jugé  selon  ses  bonnes  ou  mauvaises  œuvres. 
(Acad  )  OEuvre,  employé  pour  signilier  la  pierre 
philosoiihalc,  ne  se  dit  qu'au  singulier  et  au 
masculm,  et  seulement  avec  le  mot  gra?id  :  Le 
grand  œuvre.  —  OEuvre,  employé  pour  signifier 
un  recueil  de  tontes  les  estauijjes  d'un  môme  gra- 
veur, est  masculin  :  L'œuvre  de  CuHot,  d'Albert 
Durer,  etc.  —  En  parlant  des  ouvrages  de  mu- 
sique, œ!a-/esedit  de  certaines  compositions  des 
auteurs,  auxquelles  ils  donnent  ce  titre,  et  il  est 
masculin  :  Le  premier  et  le  second  œuvre  de  ce 
musicien  sont  fort  recherchés. 

Offensant,  Offensante.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Discours  offensant,  paroles  off^ensantes; 
cette  offensante  repartie.  A'oyez  Adjectif. 

Offknsif.  Offensive.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  sust.  :  Guerre  offensive,  armées 
offensives,  liyue  offensive  et  défensive. 

OFFENSivr.Mr.NT.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe: 
Il  a  agi  offensivement,  et  non  pas,  il  a  offensi- 
vement  agi. 

Office.  Subst.  m.  Corneille,  en  employant  ce 
mol  dans  le  sens  de  service,  a  dit  {Rodognne, 
act.  I,  se.  II,  1)  : 

Vous  pouvez  comme  lui  me  rendre  un  ion  office. 

Voltaire  dit  à  cette  occasion  :  Jamais  ce  mot 
familier,  bon  office,  ne  doit  entrer  dans  le  style 
tragique.  [Remarques  -lur  Corneille.) 

Office  est  féminin  lors(]u'il  signifie  le  lieu  où 
l'on  iirépare  tout  ce  qu'on  sert  sur  la  table  pour 
le  dessert  :  Une  belle  office.  —  C'est  l'avis  de 
l'Académie  ;  mais  elle  remarque  qu'en  parlant  de 
la  classe  de  domcsli(iuos  ipii  miingo  à  l'olfice  il 
s'empl<;ieau  niascnlin  :  Dansccttc7naison,\'oiiicc 
est  très-nombreux.  La  Gnumnaire  des  Gram- 
maires dit  au  contraire  (ju'il  est  féminin  dans  ce 
dernier  sens. 

Officiel,  Officielle.  Adj.  il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Lettre  officielle,  déclaration  officielle , 
réponse  officielle. 

Officiki.levent.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe  : 
//  a  agi  officiellement  dans  cette  affaire,  Ct  non 
pas,  il  a  officiellement  agi. 

Officieusement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  s'est  offert  à  moi 
officieusement,  ou  il  s'est  officieusement  offert 
à  moi. 

Officieux,  Officieuse.  Adv.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  ci  l'ana- 
logie :  Une  personne  officieuse.  —  Cet  officieux 


01 

ami.  —  Un  mensonge  officieux.  Voyez  Ad- 
jectif. 

11  régit  quelquefois  la  préposition  envers. 
Flécbier  a  dit,  il  est  officieux  à  ceux  qui  sont 
au-dcssuus  de  lui.  L'usage  n'a  pas  adopté  ce 
régime. 

Offre.  Subst.  f.  Racine  a  dit  dans  Bajazet 
(act.  III,  se.  vu,  27)  : 

.\li  1  si  d'une  autre  cliame  il  n'était  point  lié, 
L'offre  de  mon  hymen  l'eûl-il  tant  effrayé, 
L'cût-il  ^cfasé  même  aux  dépens  de  sa  »ie  ? 

Geoffroi  a  prétendu  que,  dans  ce  vers,  Racine 
avait  fait  off're  masculin.  Mais  peut-être  Racine 
a-t-il  voulu,  par  une  elli[)se  hardie,  rapporter  le 
participe  refusé  à  liymen.  Ce  rapport  n'est  point 
forcé,  ct  parait  assez  naturel  :  L'offre  de  mon 
hymen  Veût-il  tant  effrayé?  et  eûi-il  refusé  cet 
hymen,  même  aux  dépens  de  sa  vie  ? 

Offrir.  V.  a.  et  inégulier  de  la  2'  conj.  11  Sfe 
conjugue  comme  ouvrir.  Voyez  Irrégulier.  Offrir 
une  chose,  offrir  quelque  chose  à  quelqu'un. 
Offrir  à  quelqu'un  une  chose  à  faire.  Je  lui 
offris  une  bonne  œuvre  ci  faire.  Devant  les  verbes, 
il  régit  de  :  Il  m'offrait  de  le  reprendre.  —  S'of- 
frir régit  Cl  :  C'à.tt  le  premier  objet  qui  s'offrit  à 
mes  yeux.  —  Offrir  un  prix  de  quelque  chose. 
Je  lui  en  ai  offert  deu.v  cent  mille  francs. 

Offusquei!.  V.  a.  de  la  1'"  conj.  Voltaire  a  dit 
{Epitre  à  M.  Falkener,  en  tète  de  Zaïre)  : 

Des  larmes  même  ont  offusque' 
Plus  d'un  œil  que  j'ai  remarqué 
Pleurer  de  l'air  le  plus  aimable. 

Ognon.  Subst.  m.  On  mouille  le  ^n.  On  écrit 

aussi  oignon,  mais  on  prononce  ognon. 

Oi.  On  a  introduit  la  diphtbongiie  oculaire  ai 
à  la  place  de  la  diplithongue  oculaire  oi,  dans  les 
mois  français,  j'avois,  etc.,  comme  si  ai  était 
plus  propre  (ju'oi  à  représenter  le  son  de  i'c  ou 
de  l'e.  Si  l'on  avait  à  rèfoi'iner  oi  dans  les  mots  où 
il  se  prononce  c  ou  c,  il  faudrait  y  substituer  è 
ou  é,  autrement,  c'est  réformer  un  abus  par  un 
plus  grand,  c'est  pécher  contre  l'analogie.  Si  l'on 
a  écrit  français,  j'avais,  c'est  que  nos  péres  pro- 
nonçaient ainsi;  mais  on  n'a  jamais  prononcé 
français  en  faisant  entendre  l'a  et  \'i.  En  un  mot, 
si  l'on  voulait  une  réforme,  il  fallait  plutôt  la 
tirer  de  procès,  succès,  très,  auprès,  dès,  etc., 
que  de  se  régler  sur  un  petit  nombre  tle  mots 
pareils  qu'on  écrit  par  ai,  par  la  raison  de  l'ély- 
molo^lo  palais,  pcilatium,c\.  parce  que  telle  était 
la  prononciation  de  nos  pères,  i)rononciation  qui 
se  conserve  encore  non-sculcincnt  dans  lesautres 
langues  vulgaiies,  mais  même  dans  quelques- 
unes  de  nos  provinces.  —  Telles  sont  les  ob- 
jections qucDumarsais  a  faites  dans  l'Encyclo- 
pédie (au  mot  Diplithongue)  contre  l'ortho- 
graphe de  Voltaire.  Ailleurs  il  ajoute  que  ce 
changement  renverse  toutes  les  analogies  pareilles 
à  celles  ([u  il  y  a  entre  notion  ct  connoUre,  ap- 
paroir cl  paraître,  a7igloisel  anglomane,  etc. 

M.  Dessiaux  a  répondu  à  ces  objections  de  la 
manière  suivante  dans  \e  journal  grammatical: 
u  Ici,  à  la  vérité,  l'analogie  est  altérée  dans  une 
lettre,  mais  elle  n'est  pas  détruite  pour  cela; 
dans  une  foule  d'expressions  il  y  a  des  mutations, 
des  suppressions,  dos  inétaplasmosciui  divisenlles 
mots  de  la  même  famille,  quand  la  iirononciation 
est  contraire  à  l'uniformité  de  leur  orthographe. 
Ainsi  nous  avons  barbe  et  imberbe,  inaptitude  et 
inepte,   foin  et  faner,  vert  et  verdure,  nuit  et 


OLI 

nocturne,  et  des  milliers  de  mots  semblables. 

«J'avouerai  de  bonne  foi  ([u'en  thèse  générale 
è  n'est  pas  mieux  représenté  par  m' (pic  par  ru"; 
mais  examinons  les  circonstances  parliculicres 
qui  viennent  affaiblir  celte  objection,  et  nous  la 
verrons  tomber  d'elle-même.  Si  Yollaire  et  les 
réformateurs  dont  il  eml)rasse  l'opinion  eussent 
proposé  l'iniroduclion  de  ce  signe  dans  notre 
langue  à  la  place  de  la  diphlhongue  ni,  nos  ad- 
versaires auraient  raison  ;  mais  l'usage  de  la 
voyelle  ai  est  si  ancien,  si  fré(pient,(iue  l'on  reste 
stupéfait  en  voyant  Dumarsais  écrire  que  les 
réformateurs  se  sont  régh's  sur  un  petit  nombre 
de  mois  pour  réclamer  ce  changement.  »  Voyez  A. 

Oi\.  Voyez  Lungue  fruiiçuise. 

Oindre.  Y.  a.  et  irrégulier  de  la  4'  conj.  Voici 
comme  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  J'oins,  lu  oins,  il  oint; 
nous  oignons,  vous  oignez,  ils  oignent.  —  /w- 
/^az/ûiV.  J'oignais,  lu  oignais,  il  oignait;  nous 
oignions,  vous  oigniez,  ils  oignaient.  —  Passé 
simple.  J'oignis,  tu  oignis,  il  oignit;  nous 
oignimes,  vous  oignîtes,  ils  oignirent.  —  FuUir. 
J'oindrai,  tu  oindras,  il  oindra;  nous  oindrons, 
vous  oindrez,  ils  oindront. 

Conditionnel.  —  Présent.  J'oindrais,  tu  oin- 
drais, il  ointlrait;  nous  oindrions,  vous  oindriez, 
ils  oindraient. 

Impératif.  —  Présent.  Oins,  qu'il  oigne,  etc. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  j'oigne,  que  tu 
oignes,  qu'il  oigne;  que  nous  oignions,  que  vous 
oigniez,  qu'ils  oignent.  —  Imparfait.  Que  joi- 
gnisse,  que  tu  oignisses,  qu'il  oignit;  que  nous 
oignissions,  que  vous  oignissiez,  qu'ils  oignis- 
sen». 

Participe.  —  Présent.  Oignant.  —  Passé.  Oint, 
ointe. 

Les  temps  composés  se  conjuguent  avec  le 
verbe  auxiliaire  avoir. 

Oing.  Subsl.  m.  On  ne  prononce  point  le  g. 

OiSEDX,  Oiseuse.  Adj.  Il  ne  se  met  guère  iju'a- 
prés  son  subsl.  :  Des  goûts  oiseux,  des  disputes 
oiseuses,  des  considératinns  oiseuses.  —  Une 
épithète  oiseuse,  des  ornements  oiseux.  —  Des 
paroles  oiseuses.  —  Quoi(iue  l'Académie  dise 
des  gens  oiseux,  il  est  certain  que  cet  adjectif  ne 
se  dit  plus  des  personnes. 

Oisif,  Oisive.  Adj.  :  Un  hornine  oisif,  une 
femme  oisive.  —  On  dit  aussi  une  vie  oisive,  des 
talents  oisifs.  On  peut  le  meitre  avant  son  subst., 
en  Consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Cette  oisive 
nonchalance ,  cette  oisive  indolence.  A'oyez  Ad- 
jectif.    • 

Oligarchiqde.  Adj.  des  deux_  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Etat  oligarchique, 
gouvernement  oligarchique. 

Olivâtre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Teint  olivâtre,  visage  oli- 
vâtre. 

Olive.  Subst.  f.  Selon  l'Académie,  on  dit  quel- 
quefois ««n/rneou  d'olives,  pour  dire  un  rameau 
d'olivier.  —  On  ne  dit  pas  plus  un  rameau  d'oli- 
ves,qu'on  ne  dit  vu  rameau  de  poires,  pour  dire 
un  rameau  de  poirier.  Le  peuple  dit  le  jardin 
des  Olives,  pour  dire  le  jardin  des  Oliviers; 
mais  c'est  une  expression  que  l'on  peut  regarder 
comme  consacrée.  Cependant  on  dit  au  figuré 
Volive,  pour  dire  un  rameau  d'olivier  : 

Le  front  calme  et  serein, 
Mahomet  marche  en  maître  et  l'oîire  à  la  main. 

(,Yoi.T.,  llahom.,  act.  II,  se.  li,  3t.) 


ON 


-m 


Olographe.  Adj.  m.  qui  n'e-st  guère  d'usage 
que  dans  celte  phrase  :  testavient  olographe. 

OMBiiAGKu.  A',  a.  de  la  1'^'  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  j ;  et, 
pour  lui  conserver  celle  prononciation  lors- 
qu'il est  suivi  d'un  a  ou  d'un  d,  on  met  un  e 
muet  avant  cet  a  ou  cet  o  :  j'ombrageai,  j'om- 
brageais, et  non  \)di?.j'o7nbragai,j'ombragais. 

Il  ne  faut  pas  confondre  ombrager  avec  ombrer. 
Le  premier  se  dit  des  corps  qui  font  de  l'ombre  : 
Une  grande  quantité  d'arbres  ombragent  la  cam- 
pagne. Le  second  ne  se  dil  qu'en  peinture,  et 
signilie,  faire  les  ombres  dans  un  tableau,  dans 
un  dessin  :  Ce  peintre  ombre  bien. 

Ombrageux,  O.mbrageuse.  Adj.  (|ui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  Il  ne  se  dit  au  propre  que 
des  chevaux,  desmidels,  etc.,  (jui  sont  sujets  a 
avoir  peur,  et  à  s'arrèier  ou  à  se  jeter  subitement 
de  côté  (juand  ils  voient  ou  leur  ombre,  ou  (piel- 
que  objet  (jui  les  surprend  :  Cheval  ombrageux. 
H  se  dit  ligurément  des  hommes  qui  prennent 
trop  légèrement  des  soupçons,  de  V ombrage,  sur 
des  choses  qui  les  regardent,  qui  les  intéressent  : 
Un  homme  ombrageux, un  esprit  ombrageux. 

Ombre.  Subsl.  f.  Dans  le  sens  de  prétexte,  il 
ne  s'emploie  qu'avec  la  préposition  sous,  et  sans 
arlicle  :  //  a  trompé  bien  des  gttis  sous  ombre 
d'amitié.  —  Dans  le  sens  d'apparence,  il  s'em- 
ploie avec  l'article  ou  sans  article  :  Il  iiy  a  pas 
ombre  de  doute,  il  n'y  a  pas  l'ombre  du  doute. 

Ombrer.  Voy.  Ombrager. 

O-MBP.Eux,  Ombreuse.  Adj.  Qui  fait  de  l'ombre. 
11  est  usilé  en  poésie,  et  peut  se  meitre  avant  son 
subsl.  :  Les  ombreuses  forêts. 

Dans  la  nuit  ténébreuse. 
Dont  un  bois  vaste  entoure  une  vallée  ombreu$e. 

(Delil.,  Enéide,  VI,  183.) 

Omettre.  Y.  a.  et  irrégulier  do  la  4'  conj.  Il  se 
conjugue  comme  mettre.  A'oyez  ce  mol. 

On.  Mot  que  les  anciens  grammairiens  ont  mis 
au  nombre  des  pronoms  indéfinis,  et  qui  est  un 
nom  qui  signifie  homme.  En  effet,  ce  mol  s'est 
formé,  par  abréviation  ou  par  corruption,  du  mot 
homme.  Ainsi,  quand  je  dis  o?i  étudie,  on  joue, 
on  7/(a«yc,  c'est  comme  si  je  disais. /iowwe  étudie, 
homme  joue,  homme  mange  ;  et  c'est  ainsi  qu'on 
disait  anciennement.  On  disait  aussi  l'homme 
étudie,  l'homme  joue,  etc.,  avec  l'article  ;  et 
on  a  conservé  parmi  nous  cet  article  dans  cer- 
tains cas. 

On  ne  se  joint  jamais  qu'avec  la  troisième  per- 
sonne du  singulier  des  verbes,  mais  il  ne  peut 
précéder  ceux  que  l'on  nomme  impersonnels.  Il 
est  synonyme  àliomme,  et  sert  a  indiquer  ou 
l'espèce,  on  naît  pour  inourir  ,  ou  une  partie 
vague  des  individus  de  l'espèce,  sans  aucune 
désignation  individuelle,  comme,  on  nous  écoute. 

Il  suit  de  l'étymologic  de  ce  mot,  qu'il  ne  peut 
se  dire  que  des" personnes.  M.  deWailly  prétend 
qu'on  ne  peut  le  dire  de  Dieu  ;  et  il  a  bien  raison, 
puisque  ce  mot  ne  peut  s'entendre  d'un  individu 
désigné.  Mais  il  en  conclut  ([u'on  ne  peut  pas 
dire,  au  jugement  dernier,  on  ne  nous  deman- 
dera pas  ce  que  nous  avons  lu,  mais  ce  que  nous 
avons  fait;  et  qu'il  faut  dire.  Dieu  ne  nous 
demandera  pas,  etc.  En  cela,  je  crois  que  ce 
grammairien  s'est  trompé.  Dans,  au  jugement 
dernier,  on  ne  nous  demandera  pas,  etc.,  on  ne 
se  met  pas  au  lieu  de  Dieu,  mais  il  indique  un 
être  quelconque  qui  demandera  compte  :  ce  qui 
fait  tomber  l'idée  principalesur  les  lectures  et  sur 


510 


ON 


les  actions,  et  non  sur  l'être  qui  doit  en  demnnder 
comiitc.  En  effet,  il  y  a  de  la  différence  entre 
ces  deux  i)in-ases.  Dans,  au  jugement  dernier, 
on  nous  demandera  ce  qve  nous  avons  fait,  la 
conséquence  de  cette  vérité,  c'est,  i)rcncz  donc 
garde  à  ce  que  vous  faites,  veillez  donc  sur  vos 
actions,  puisque  c'est  de  ces  actions  qu'on  vous 
demandera  compte.  Ce  que  vous  avez  fait,  ou 
vos  actions,  est  ici  la  chose  principal^  que  l'un  a 
en  vue.  Mais  quand  on  dit,  au  jugement  dernier. 
Dieu  vous  demandera  ce  que  vous  avez  fuit, 
l'idée  tombe  principalement  sur  Dieu.  La  con- 
séquence est,  craignez  ce  juge  suprême,  mettez- 
vous  en  étal  de  paraître  devant  lui,  et  de  lui 
rendre  compte  de  vos  actions.  11  suflilqueces 
deux  phrases  expriment  chacune  une  nuance 
différente,  une  vue  particulière  de  l'esprit,  pour 
qu'elles  doivent  être  conservées. 

On  dit  on  et  l'on  ;  mais  on  ne  se  sert  du  der- 
nier que  pour  éviter  quelque  son  désagréable 
qui  résulterait  de  ce  qui  précède  ou  dece  qui 
suit.  Ainsi  on  ne  dit  pas,  et  on,  si  on,  ou  on; 
mais,  et  l'on,  si  l'on,  eu  l'on,  afin  d'éviter  la 
rencontre  désagréable  des  deux  sons.  De  même 
on  ne  dit  pas  Von  quand  ce  mot  est  suivi  de  le, 
la,  les,  lui,  cl  autres  mots  qui  formeraient  ca- 
cophonie. On*i  sent  combien  est  désagréable  à 
l'oreille.  Va?!  le  lui  a  dit,  l'on  le  hiidira,  je  ne 
veux  pas  que  l'on  le  iourîupnte;  cette  répétition 
du  son  produit  par  le  l  est  insupportable.  On 
est  le  mot  primitif,  Voji  n'a  été  inventé  que  pour 
les  cas  particuliers  dont  nous  avons  parlé,  et  il 
ne  faut  l'employer  que  dans  ces  cas. 

On,  comme  sujet  d'un  verbe,  le  précède,  si  ce 
n'est  dans  les  inlerrogalions.  On  dit,  on  pense; 
dit-07i9  pense-t-on?  Sur  quoi  il  l<iut  remarquer 
(jue,  dans  ce  dernier  cas,  lorsque  le  verbe  flnit 
par  un  a  ou  un  e,  on  met  entre  071  et  le  verbe 
un  t  euphonique,  que  l'on  fait  précéder  et  suivre 
d'un  trait  d'union  :  Que  fera-t-on  ?  que  de- 
mande-t-on9 

On  se  joint  à  des  noms  féminins  ou  à  des  noms 
pluriels ,  lorsque  les  circonstances  conduisent 
naturellement  l'esprit  à  saisir  ces  rapports.  Ainsi 
une  femme  dira,  on  n'est  pas  toujours  jeune  et 
jolie  (Acad.),  et  l'on  n'en  sera  i)oint  choqué,  parce 
qu'on  sait  que  c'est  une  femme  qui  parle  de  son 
sexe,  et  que  par  là  l'esprit  est  disposé  à  saisir  le 
rapport  de  on  avec  le  féminin.  Molière  a  dit  dans 
les  Précieuses  ridicules  (se.  X.)  :  C'est  vn  ad- 
)ii  iruhle  lieu  que  Paris  ;  il  s'y  passe  tous  les  jours 
cent  choses  qu'on  ignore,  quelque  spirituelle 
ç'/'on  puisse  être.  Madame  de  Sévigné  mettait 
liiMJours  le  féminin  dans  ces  i)hrases":  Un  mal- 
heur continuel  pique  cl  offense;  on  hait  d'être 
houspillée /if/r  la  fortune. 

Cependant,  pour  autoriser  ce  rapport,  il  ne 
suffit  pas  que  ce  suit  une  femme  qui  parle,  mais 
:l  faut  qu'elle  parle  de  son  sexe.  Si  une  femme, 
ai)rès  avoir  parlé  d'un  homme  qui  s'est  venec 
d'une  injure,  l'excuse  en  disant,  on  n'aime  pas 
à  être  méprisé,  elle  ne  peut  employer  que  le 
masculin.  L'esprit  est  préoccupé  d'un"  substantif 
masculin,  il  rejetterait  l'autre  rapport.  Mais  si 
une  femme  ]);irlc  d'une  personne  de  son  se.xe  qui 
s'est  retirée  d'une  société  où  elle  n'était  pas 
estimée,  elle  ne  peut  employer  que  le  féminin,  et 
l'espT-it,  préoccupé  d'un  sulJslantif  féminin,  rejet- 
terait le  masculin.  Elle  dira  donc,  on  n'aime  pas 
a  être  méprisée. 

RL  Lévizac,  imitant  ici  les  anciens  grammai- 
riens, qui  fondaient  plutôt  les  règles  sur  les  mots 
que  sur  les  idées,  prétend  que  l'usage  d'emplover 


ON 

le  féminin  avec  le  mot  on  est  un  abus  consacré 
par  les  écrivains,  parce  que  l'origine  de  on  an- 
nonce le  masculin,  auquel  l'assujettit  encore  sa 
signifii-ation  vague  et  indéterminée,  et  que  rien 
d'indéterminé  n'a  ni  ne  peut  avoir  de  genre. 

On  peut  répondre  que  quiconque  par  son  ori- 
gine annonce  le  masculin,  auquel  l'assujettit 
encore  sa  signification  vague  et  indéterminée,  et 
que  cependant  il  se  met  en  rai)port  avec  un  fémi- 
nin ,  lorsque  le  discours  ou  les  circonstances 
indiquent  qu'il  est  question  d'une  femme.  Voyez 
Quiconque. 

On  pourrait  dire,  pour  sauver  la  règle,  que, 
dans  ces  cas,  les  circonstances  ou  les  expressions 
qui  indiquent  le  féminin  tirent  en  quelque  sorte 
le  mot  de  son  indétermination,  et  le  restreignent 
à  une  signification  féminine 

Il  en  est  de  même  du  pluriel.  Les  circonstances 
exigent  quelquefois  que  l'on  fasse  rapporter  on  a 
un  substantif  de  ce  nombre.  L'Académie  donne 
pour  exemple,  on  n'est  pus  des  esclaves,  pnvr 
essuyer  de  si  mauvais  traitements.  Cette  phrase 
est  régulière,  j)arce  que  les  circonstances  indi- 
quent que  l'on  veut  parler  de  plusieurs.  C'est  en 
effet  comme  si  l'on  disait,  nous  ne  sommes  pas 
des  esclaves,  ou  les  homjnes  ne  sont  pas  des 
esclaves.  La  Bruyère  a  dit  :  Le  commencement 
et  le  déclin  de  V amour  se  font  sentir  par  l'em- 
barras oii  Z'on  est  de  se  trouver  seuls.  (Ch.  IV. 
Du  Cœur,  p.  281.)  Et  on  lit  dans  Corneille  (/*«- 
hjcucte,  act.  I,  se.  m,  21)  : 

On  n'a  tous  deux  qu'un  cœur  qui  sent  mêmes  traTeràes . 

Voltaire,  dans  ses  commentaires  sur  Corneille, 
dit  que  cette  expression  ne  paraît  pas  d'abord 
française,  mais  qu'elle  l'est  en  effet.  Est-071  allé 
Zà<  dit-il,  on  y  est  allé  deux.  C'est  là  un 
gallicisme  qui  ne  s'emploie  que  dans  le  style  très- 
familier. 

C'est  aussi  dans  le  style  très-familier  que  l'on 
emploie  on  pour  la  première  personne  du  sin- 
gulier ou  du  pluriel.  Ainsi,  un  homme  (jui  aura 
été  longtemps  sans  en  voir  un  autre,  lui  dini 
fort  bien  :  Il  y  a  longtemps  qu'on  ne  vous  a  vu, 
c'csl-a-dire  que  je  nevousai  vu,  ou  que  nous  ne 
vous  avons  vu.  Les  auteurs  se  servent  aussi  quel- 
quefois de  cette  expression,  pour  éviter  de  se 
désigner  directement.  On  a  dit  plus  haut,  c'est- 
à-dire,  j'ai  dit  plus  haut. 

On  l'emploie  aussi  en  ce  sens  dans  le  style 
comique  : 

Je  liais  la  vanité,  mais  ce  n'est  point  un  vice 
De  savoir  se  connaître  et  se  rendre  justice. 
On  n'est  pas  s.ms  esprit,  en  pluil,  on  a  je  crois. 
Aux  petits  cabinets  l'air  de  l'auii  du  roi. 
Il  faut  bien  s'avouer  que  l'on  est  fait  à  peindre  ; 
On  danse,  on  chante,  on  boit,  on  sait  parler  et  feindre. 
(ToLT.,  f  Indiscret,  se.  ir,  9.) 

Il  est  assez  indifférent  pour  le  sens  de  dire  on 
ou  l'on,  mais  l'un  doit  être  quelquefois  préféré  à 
l'autre,  selon  ce  qui  précède  ou  ce  qui  suit;  c'est 
à  l'oreille  à  décider.  On  est  suivi  dans  la  pronon- 
ciation d'un  n  euphoiu'quc  lorsqu'il  précède  une 
voyelle  avec  laquelle  il  doit  se  lier  :  (hi-n-a  dit., 
on-n- estime,  etc.  —  C'est  pour  cela  que  plusieurs 
personnes,  accoutumées  à  lier  le  n  final  de  on 
avec  la  voyelle  suivante,  suppriment  le  n  qui 
doit  caraetcriscr  la  négation  que  le  sens  de  la 
phrase  exige;  par  exemjile,  au  lieu  d'écrire,  on 
n'a  rien  à  faire,  ou  n'est  lui  «  ?-tc«,  elles  écri- 
vent   on  a  rien  à  faire,  on  est  bon  à  rien.  Mais 


OPA 

êias  ces  phrases,  rien,  sii;iiiliant  néant,  nulle 
chose,  pas  du  tout,  et  ayant  conséqucmmcnt  un 
sens  négatif,  denuinde  évKlemmcni  la  négative  îie. 
{Grammaire  des  Grammaires,  p.  31)8.) 

0.\cTi;EUSE.'\!F.>r.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ce  livre  est  onctucu- 
seinent  écrit;  il  a  prêché  nnctueusement. 

Onctueux,  O.NCTLEUsE.Adj.  :  Du  lois  onctueux; 

—  w«  prédicateur  onctueux.  On  pourrait  dire, 
cet  onctueux  prédicateur.  Voyez  Adjectif.  Té- 
r.uid  prétend  i\\\'onctveux  ne  se  dit  (juc  des 
choses  inalcriellcs,  jjour  exprimer  ce  (psi  est  d'une 
^^ubstance  grasse  et  huileuse,  et  ipfon  ne  dit 
l)oint  un  prédicateur  onclucu.v.  L'Académie  le 
dit. 

Onde.  Subst.  f.  On  l'emploie  en  [)oésic  pour 
Veau  en  général  :  Le  cristal  de  l'onde,  l'onde 
fugitive. 

Le  cristal  sur  leurs  mains  verse  une  onde  limpide. 
(Delil,,  Ènéid.,  I,  966.) 

Ondoyant,  Ondoyante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
ondoyer.  On  peut  en  poésie  le  mettre  avant  son 
subst.  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  l'aguos 
ondoyantes,  plaines  ondoyantes,  fumée  on- 
doyante. Les  ondoyantes  plaines. 

Onéreux,  OMÎr.EDSE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
jn'ès  son  subst.  :  Charge  onéreuse,  coiidition 
onéreuse,  voisinage  onéreux. 

Onomatopée.  Subst.  f.  On  appelle  ainsi  une 
figure  de  rhétorique  par  laquelle  un  mot  imite 
le  son  naturel  de  ce  qu'il  signilio.  On  réduit  sous 
cette  ligure  les  mots  formés  par  imitation  du  son; 
comme  le  glouglou  de  la  bouteille,  le  cliquetis, 
c'est-à-dire  le  bruit  que;  font  les  boucliers,  les 
épées,  et  les  autres  armes,  en  se  choquant;  le 
trictrac,  sorte  de  jeu,  nommé  ainsi  du  bruit  que 
font  les  dames  et  les  dés  en  se  cho(iuant.  Cette 
figure  n'est  point  un  Iropc,  puisque  le  mot  se 
I)rend  dans  un  sens  jiropre.  Voyez  Figure,  Trope. 

—  Ch.  Kodier  a  fait  un  dictionnaire  spécial  des 
Onomatopées  françaises. 

Onze.  Adj  numéral  des  deux  genres.  Il  se  met 
ordinairement  avant  son  subst.  :  Onze  chevaux, 
mze  francs,  onze  heures.  —  On  dit  :  ils  sont 
onze,  ils  étaient  onze.  L'Académie  reman[ue 
que  l)icn  que  ce  mot  commence  par  une  voyelle, 
il  arrive  quelquefois,  et  surtout  quand  il  est 
question  de  dates,  qu'on  prononce  et  qu'on  écrit 
sansélision,  l'article,  la  préposition,  uu  la  par- 
ticule (pii  le  précède  :  De  onze  enfants  qu'ils 
étaient,  il  en  est  mort  dix.  De  vingt,  il  n'en  est 
resté  que  onze.  Il  faut  aussi  remarquer  que  ijuand 
onze  est  précédé  d'un  mot  qui  finit  par  une  con- 
sonne, on  ne  prononce  pas  plus  la  consonne 
finale  que  s'il  y  avait  une  aspiration  :  F'ers  les 
onze  heures.  —  On  dit  aussi  le  onze  du  mois. 
Voyez  Apostrophe. 

0nz!è.me.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  avant 
son  subst.  ;  et  il  suit,  ])our  la  prononciation  et 
l'orthographe,  les  mêmes  règles  que  onze  :  Le 
onzième  jour,  le  onzième  vuds.  IL  vivait  au 
onzième  siècle.  L'Académie  remarque  que  cer- 
taines personnes  disent  encore  l'onzième;  mais 
l'usage  le  plus  général  est  i)our  le  onzième. 
Voyez  Apostrophe. 

Onzièmement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Je  lui  ai  fait  observer  onzièmement,  et  non  pas 
je  lui  ni  onzièmement  fait  observer. 

Opaque.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Corps  opaque,  matière 
opaque. 


OPU 


su 


Opéra.  Subst.  m.  Les  meilleurs  grammairiens 
ne  lui  donnent  point  de  s  au  pluriel;  en  1762 
l'Académie  était  de  cet  avis.  Mais  dans  les  édi- 
tions de  1798  et  de  1835  elle  prétend  (ju'il  prend 
ce  signe  du  pluriel.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
(pie  Boileau,  Voliaire,  Condillac  et  plusieurs 
autres  l'ont  toujours  écrit  sans  s. 

Opéra.  Terme  de  littérature.  L'opéra  est  une 
espèce  de  poëme  dramatique  fait  pour  être  mis 
en  musique,  et  chanté  sur  le  théâtre  avec  la  sym- 
phonie, et  toutes  sortes  de  décorations  en  ma- 
chines et  en  habits.  La  Bruyère  dit  que  l'opéra 
doit  tenir  les  yeux  et  les  oreilles  dans  un  égal  en- 
chantement. (Ch.  I.  Des  Ouvrages  de  l'esprit, 
P.261.J 

Opérateur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  opératrice. 

Opiat.  Subst.  m.  On  fait  sentir  le  t,  et  l'on 
I)rononce  comme  s'il  y  avait  opiate. 

Opiniâtre.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
meitre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Un  homme  opiniâtre,  un  esprit 
opiniâtre,  travail  opiniâtre,  silence  opiniâtre. 
—  Cette  opiniâtre  aversion,  cet  opiniâtre  zèle. 
On  ne  dit  ni  U7i  opiniâtre  homme,  ni  un  opi- 
niâtre esprit.  Voyez  Adjectif. 

Opiniâtrement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  dé- 
fendu opiniâtrement  cette  place,  OU  il  a  opiniâ- 
trement défendu  cette  place. 

Opportun  ,  Opportune.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  temps  opporlim,  une 
occasion  opportune . 

Opposition.  Subst.  f.  Terme  de  rhétorique; 
c'est  une  figure  de  rhétorique  par  laquelle  on 
joint  deux  choses  qui,  en  apparence,  sont  in- 
compatibles, comme  (juand  Horace  parle  d'une 
folle  sagesse,  et  qu'Anacréon  dit  que  l'amour 
est  une  agréable  folie.  Cette  figure,  qui  semble 
nier  ce  qu'elle  établit  et  se  contredire  dans  ses 
termes,  est  cependant  ircs-élégante  ;  elle  réveille 
plus  que  toute  autre  l'attention  et  l'admiration 
des  lecteurs,  et  donne  de  la  grâce  aux  (liscours 
quand  elle  n'est  point  recherchée  et  qu'elle  est 
I)lacée  à  propos,  ^'oulez-vous  un  exemple  d'une 
opposition  brillante,  moins  marquée  dans  les 
mots  que  dans  la  pensée;  je  n'en  puis  guère  citer 
de  plus  heureuse  que  celle  de  ces  beaux  vers  de 
la  Henriado  (ix,  300)  : 

Les  Amours  enfantins  désarmaient  ce  héros, 

L'un  tenait  sa  cuirasse  encor  de  sang  trempée, 

L'autre  avait  détaché  sa  redoutable  épée, 

Et  riait  en  tenant  dans  ses  débiles  mains 

Ce  fer,  l'appui  du  trône,  et  l'effroi  des  humains. 

11  fallait  dire,  peut-être,  Veffroi  des  eiinemis. 

Oppresseur.  Subst.  m.  Personne  i\e  nous  ap- 
prend comment  il  faudrait  dire  en  parlant  d'une 
femme. 

Oppression.  Subst.  f.  Il  n'a  qu'un  sens  passif, 
et  ne  se  dit  que  de  ce  qui  est  oppressé  ou  op- 
primé :  Uiie  oppression.  L'oppression  du  peuple. 
—L'Académie  dit  qu'au  figuré,  il  s'emiiloic  aussi 
pour  exprimer  l'action  d'opprimer  ;  Jamais  on 
ne  poussa  l'oppression  plus  loin. 

Opprimer.  V.  a.  delal'^'conj.  Voyez  Accabler. 

Optique.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Apparence  optique,  illusion 
optique. 

Opulent,  Opulente,  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Homme  opulent,  ville  opulente,  cett* 
opulente  ville. 


512 


ORA 


Or.  Siilist.  m.  Ce  mot  n'a  point  de  pluriel (jurind 
il  désigne  comme  individuolle  la  masse  du  mi'lal 
qu'il  signifie  :  Une  boite  d'or,  vue  yuontre  d'or, 
de  l'or  cil  barre.  Mais  quand  on  considère  l'or 
comme  mis  en  œuvre,  divisé  en  plusieurs  i)ar- 
lics,  et  (ju'on  y  distingue  des  qualités  qui  per- 
mettent de  le  ranger  dans  dilTérenles  classes, 
alors  ce  mot  prend  un  [iluriel  :  Des  ors  de  cou- 
leur, une  bnt/e  de  deux  ors.  Voyez  Nombre. 

Orage.  Subst.  m.  Corneille  a  dit  dans  Jiodo- 
gune  {ncl.  III,  se.  vi,  li): 

Cependant  allons  Yoir  si  nous  vaincrons  l'orage. 

f^aincrc  l'orage.,  dit  Voltaire,  est  impropre.  On 
détourne,  on  calme  un  orage,  on  s'y  dérobe,  on 
le  brave,  etc.  On  ne  le  vainc  pas.  {Remarques 
sur  Corneille.) 

Orageux,  Orageuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent:  Une  mer  orageuse,  un  temps 
orageux,  une  saison  orageuse.  —  Une  cour  ora- 
geuse, une  rie  orageuse,  une  liberté  orageuse. 
Ces  orageuses  délibérations.  Voyez  Adjectif. 

Oraison.  Subst.  f.  Discours.  Subst.  m.  Ces 
deux  mots,  en  gn:mmaire,  signifient  également 
}'éi)pnciation  de  la  pensée  par  la  parole,  et  en 
cela  ils  sont  synonymes. 

Dans  le  discours,  on  envisage  surtout  l'analogie 
et  la  ressemblance  de  renonciation  avec  la  pen- 
sée énoncée.  Dans  Voraison,  on  fait  plus  d'at- 
tention à  la  matière  physique  de  renonciation, 
et  aux  signes  vocaux  qui  y  sont  employés.  Ainsi 
lorsqu'on  dit  en  latin,  ÎJens  est  œternus  ;  en 
français,  Dieu  est  éternel;  en  italien  eterno  è 
iddio;  en  allemand,  Gotl  isl  ewig,  c'est  toujours 
le  même  discours,  i>arce  que  c'est  toujours  la 
môme  pensée  énoncée  par  la  parole  et  rendue 
avec  la  même  fidélité  ;  mais  Voraison  est  différente 
dans  chaque  énonciation,  parce  que  la  morne 
pensée  n'est  pas  rendue  partout  par  les  mêmes 
signes  vocaux;  Icgi tuas  lilteras,  tuas  legiUtle- 
ras,  litteras  tuas  legi,  c'est  encore  en  latin  le 
même  discours,  parce  que  c'est  renonciation 
fidèle  de  la  même  pensée.  Mais  quoi(iue  les  mô- 
mes signes  vocaux  soient  employés  dans  les  trois 
jihrases,  Votaison  n'est  pourtant  pas  tout  à  fait 
k  même,  parce  que  l'ensemble  pliysi(pje  de  re- 
nonciation varie  de  l'une  à  l'autre. 

Le  discours  est  donc  plus  intellectuel;  ses 
parties  sont  les  mêmes  que  celles  de  la  pensée, 
le  sujet,  l'attribut,  et  les  divers  comidéments  né- 
cessaires aux  vues  de  renonciation;  il  est  du  res- 
sort de  la  logique. 

L'oraison  est  |)lus  matérielle;  ses  parties  sont 
les  différentes  espèces  de  mots,  l'interjection,  le 
nom,  le  |)ronom,  l'adjectif,  le  verbe,  la  préposi- 
tion, l'adverbe  et  la  conjonction,  que  l'on  nomme 
les  parties  d'oraison.  Elle  suit  les  lois  de  la  gram- 
maire. 

Le  style  caractérise  le  discours  et  le  rend  pré- 
cis ou  diffus,  élevé  ou  rampant,  facile  ou  em- 
barrassé, vif  uu  froid,  etc.  La  diction  caractérise 
Voraison,  et  fait  (pi'clle  est  correcte  ou  incor- 
recte, claire  ou  obscure,  etc. 

L'étymologie  peut  servir  à  confirmer  la  dis- 
tinction que  Ion  vient  d'établir  entre  disrours  et 
oraison.  Lc  mot  discours,  en  latin  discursus, 
vient  du  verbe  discurrere,  courir  de  place  en 
place,  ou  d'idée  en  idée,  parce  <iue  l'analyse  de 
la  pensée,  qui  est  VoW]H  du  discours,  lîionlrc 
l'une  après  l'autre  les  idées  partielles,  et  passe 
en  quelque  manière  de  l'une  à  l'autre.  Le  mot 


ORA 

oraison  est  lire  immédiatement  du  latm  oratio, 
formé  i!i'nratum,  supin  A'orure  ;  et  orare  ^  U'iC 
première  origine  dans  le  génitif  oris,  du  nom  os, 
bouche,  (|ui  est  le  nom  d(>  l'iiisliument  organique 
du  matériel  de  la  parole.  Orure,  faire  usage  de 
la  bo'jcbe  pour  énoncer  sa  pensée;  oratio,  la 
maliéro  physique  do  l'énoncinlion. 

J'ajouterai  ici  ce  qu'a  écrit  M.  l'abbé  Girard 
sur  la  différence  des  trois  mots  harangue,  dis- 
cours, oraison.  Quoiciu'il  prenne  ces  mots  re- 
lativement à  l'éloquence,  on  verra  néanmoins 
qu'il  mot  entre  les  deux  derniers  une  distinction 
de  même  nature  que  celle  que  j'y  ai  mise  moi- 
même. 

«  La  harangue,  dit-il,  en  veut  proprement  au 
cœur;  elle  a  pour  but  de  persuader  cl  d'émou- 
voir; sa  beauté  consiste  à  être  vive,  forte  et 
touchante.  Le  discours  s'adresse  directement  à 
l'esprit;  il  se  propose  d'expliquer  et  d'instruire; 
sa  beauté  est  d'être  clair,  juste  et  élégant.  Vo- 
raison travaille  à  prévenir  l'imagination  ;  son 
plan  roule  ordinairement  sur  la  louange  ou  sur 
la  critique  ;  sa  beauté  consiste  à  être  noble,  dé- 
licate et  brillante.  Lc  capitaine  fait  à  ses  soldats 
une  harangue  pour  les  animer  au  combat.  L'a- 
cadémicien prononce  un  discours  pour  dévelop- 
per ou  pour  soutenir  un  système.  L'orateur  pro- 
nonce une  oraison  funèbre  pour  doimci  .,  l'as- 
semblée une  grande  idée  de  son  héros. 

«  La  longueur  de  la  haran'iun  ralentit  queliiue- 
foisle  feu  de  l'action.  Les  fleurs  du  discours  g^ 
diminuent  souvent  les  grâces.  La  recherche  du 
merveilleux  dans  Voraison,  fait  perdre  davantage 
du  vrai.« 

Ainsi  il  en  est  du  discours  ciàcV  oraison  dans 
le  langage  des  rhéteurs,  comme  dans  celui  des 
grammairiens;  de  part  et  d'autre  le  discours  est 
l)our  l'esprit,  parce  qu'il  en  représente  les  pen- 
sées; Voraison  est  pour  l'imagination,  parce 
qu'elle  représente  d'une  manière  inalériellc  et 
sensible.  (Beauzée.) 

Or,Ai.,  Orale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après  son 
s\ihst.  :  Loi  orale,  tradition  orale. 

Ce  mot,  dans  l'usage  ordinaire,  signifie  qui 
s'expose  de  bouche  ou  de  vive  voix  ;  et  on  l'em- 
ploie principalement  pour  marquer  quelque  chose 
de  différent  de  ce  cpii  est  t'crit  :  La  tradition 
orale,  la  tradition  écrite. 

En  grammaire,  c'est  un  adjectif  qui  sert  à  dis- 
tinguer certains  sons  ou  certaines  articulations 
des  autres  éléments  semblables. 

Un  son  est  oral,  lorsque  l'air  qui  en  est  la 
matière  sort  entièrement  par  l'ouverture  de  la 
bouche,  sans  qu'il  en  refiuc  rien  par  le  nez.  Une 
articulation  est  orale.,  quand  elle  ne  fait  refluer 
par  le  nez  aucune  partie  de  l'air  dont  elle  mo- 
difie le  son;  tout  son  qui  n'est  puni  oral  est 
nasal;  il  en  est  de  même  des  articulations. 

On  appelle  aussi  voyelle  ou  consonne  orale, 
toute  lettre  qui  représente  ou  un  son  oral,  ou 
une  articulation  orale. 

Orangé,  Orangkk.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Du  taffetas  orangé,  des  rubans 
orangés,  salin  orangé.    ■ 

Orateur.  Sui)St.  m.  Je  i>ense  que  si  l'on  parlait 
d'une  femme,  il  faudrait  dire  une  femme  ora- 
teur, comme  on  dil«;je  funuue  auteur.  Delille 
a  dit  orateur  du  crime  {Enéide, Yl,  688)  : 

Ulysse  les  suivait,  cet  orateur  du  crime. 

Oratoire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son   subst.  :  L'art   orqtoire,   discours 


ORE 

aratoire,  slyJc  oratoire.  A'oycz  Accent,  Harmonie, 
Style. 

Oratoiremem.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Il  a  parlé  oratoirenient,  et  non  pas  il  a  oratoi- 
reme lit  parlé. 

Oratorio  pu  Oratoire.  Subst.  m.  Espèce  de 
drame  en  l.ilin  ou  on  lansue  vulgaire,  divisé  par 
scènes,  à  l'imitation  des  pièces  de  thcàlre,  mais 
qui  roule  toujours  sur  des  sujets  pris  de  la 
religion,  et  qu'on  met  en  musi(]ue  pour  être 
exécuté  dans  quelque  èdise  durant  le  carême, 
ou  en  d'autres  temps.  Le'  mot  oratorio  est  em- 
prunté de  l'italien. 

Orbiculaire.  Adj.  des  deux  genres  :  Mouve- 
ment orbiciilaire.  figure  orbiculaire.  I.a  Fontaine 
a  dit  :    L'orbiculaire  image.  A'oyez  A'IJcctif. 

Orchestre.  Subst.  m.  On  prononce  orkestre. 
Autrefois  on  faisait  ce  mot  féminin.  Aujourd'hui 
on  ne  le  fait  plus  que  masculin. 

Ordinaire.  Adj.  des  deux  genres:  État  ordi- 
naire des  choses;  le  cours  ordinaire  de  la  na- 
l"re;  usage  ordinaire,  procédé  ordinaire,  lan- 
gage ordinaire.  —  Un  homme  ordinaire,  un 
esprit  ordinaire.  Il  se  met  rarement  avant'  son 
subst.  Cependant  Boileau  a  dit  {Sat.  X   341)  • 


ORG 


Mù 


mie  dit  avoir  l'oreille  d'un  ministre.  Racine  a 
dit  dans  le  même  sens  (Athalie,  act.  III 
se.  m,  74)  :  ' 

/'approchai  par  degrés  de  l'oreille  des  rois. 


Ce  récil  passe  un  peu  l'ordinaire  mesure. 

Ordi\aire.ment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
1  auxiliaire  et  le  participe:  Il  est  ordinaire- 
ment levé  à  six  heures. 

Ordinal.  Adj.  m.  qui  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Nombre  ordinal. 

Les  nombres  ordinaux  se  mettent  ordinaire- 
ment entre  l'article  et  le  substantif  qu'ils  modi- 
lient  :  Le  premier  jour,  le  trni.Hème  mois  V 
/  année.  Avec  certains  noms  propres,  le  nombre 
ordinal  se  me!  après  le  subst  :  François  premier 
Henri  second.  On  dit  aussi,  dans  les  citations. 
lirre  second,  chapitre  troisième.  —  Les  nombres 
ordinaux  formant  leur  adverbe  en  ajoutant  ment 
a  ceux  qui  Imissent  par  un  e  muei,  et  ement  à 
ceux  qui  finissent  par  une  consonne  :  Premier, 
second,  premièrement,  secondement  ;  troisième' 

V;atrième,tnnsièmement,quatrièmement.Yoycz 

\  ombre.  ' 

Ordom!v.ui;or.  Subst.  m.  On  lui  donne  quel- 
quefois un  féminin:  Elle  a  été  ^'ordonnatrice  de 
la  fête.  (Acad.  JS35.) 

Ordon.>er.  V.  a.  de  h  1"  conj.  Disposer 
mettre  en  ordre.  Voltaire  dit,  dans  ses  Remai^ 
ques  sur  Corneille,  qu'il  est  plus  énergique 
qu  arranger,  disposer.  —  Dans  le  sens  de  com- 
mander, prescrire,  il  régit  de  avec  l'infinitif,  lors- 
qu  II  a  un  régime  indirect  :  On  a  ordonné  d  votre 
frère  de  partir;  et  que  avec  le  subjonctif  quand 
I  n  a  point  de  nom  en  rcgime  :  Votre  père  a  or- 
dm>,e(]ue  vous  le  fissiez.  Cependant  Voltaire  a 
dit  dans  Oreste  (act.  III,  se.  iv,  20)  : 

Il  règne,  c'est  usez;  el  le  ciel  nous  ordonne 

Que,  sans  peser  ses  droits,  nous  respections  son  trône. 

En  prose,  il  faudrait  dire  nous  ordonne  de  res- 
pecter, ou  ordonne  que  nous  respections 

Ordre.  Subst.  m.  On  dit  mettre  ordre  à  quel- 
que chose,  el  donner  ordre  à  quelqu'un  de  faire 
quelque  chose.  Mettre  ordre  n'a  point  de  pluriel 

m^ifn.    .rj  '"""'■^/''^  "'•'^'■'^  à  quelque  chose, 
mais  on  an  donner  des  ordres 

Orddrier,  ORDCRiÈnE  Adj.  Qui  se  plaît  à  dire 
des  ordures,  des  paroles  sales  et  déshonnêtes.  Il 
ne  se  met  qu  après  son  subst.  .•  //  est  ordorier. 

Oreule.  Subst.  L  On  mouille  les  Z.  L'\cadé- 


Oremus.  Subst.  m.,  tiré  du  latin.  On  prononce 
le  5  final. 

Orgamque.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Corps  organique. 

Orge.  Subst.  f.  On  le  faisait  auirof(Ms  mascu- 
lin. Il  a  plu  à  l'Académie  de  le  faire  féminin  et 
on  l'a  fait  féminin  :  De  l'orge  bien  levée,  de  belles 
orges.  Cependant  il  est  resté  masculin  dans  ces 
deux  phrases  :  De  l'orge  mondé,  de  l'orge  perlé 
L'Académie  aurait  pu,  et  peut-être  dû,  le  faire 
féminin  dans  ces  deux  expressions. 
Orgeat.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  ^. 
Orgue,  ou  Orgues.  Subst.  Il  est  masculin  au 
singulier  et  féminin  au  pluriel  :  Un  bon  orgue, 
de  belles  orgues. 

Faut-il  dire  c'est  une  des  plus  belles  orgues, 
on  un  des  plus  beaux  orgues,  ou  un  des  plus  belles 
orgues?  Les  grammairiens  ne  sont  pas  d'accord 
sur  ces  locutions.  La  règle  d'accord,  dit  l'un 
d'eux  ,  semblerait  autoriser  c'est  un  des  plus 
Mies  orgues.  En  suppléant  ce  qui  manque  (Jans 
cette  phrase  elliptique,  nous  aurons  c'est  ur 
orgue  du  nombre  des  plus  belles  orgues;  or,  ur 
correspond  à  orgue  au  singulier,  qui  est  ma.scu- 
lin,  il  devrait  donc  en  prendre  le  senre.  .Mais  ce 
serait  une  bizarrerie  trop  frappante  de  présenter 
dans  la  même  phrase  le  même  substantif  sous 
deux  genres  différents.  Ainsi  celle  iihrase  ne  peut 
être  tolérée.  Les  deux  autres,  n'étant  pas  dans 
l'accord,  ne  peuvent  pas  l'être  davantage,  suivant 
ce  grammairien. 

Domcrgue  pense  que  c'est  déjà  une  bizarre- 
rie de  donner  à  un  substantif  un  genre  au  sin- 
gulier et  un  autre  genre  au  pluriel;  mais  il  croit 
qu'elle  serait  bien  plus  frappante,  si  elle  se  trou- 
vait dans  la  même  phrase.  Il  est  d'avis  qL-3,  dans 
le  cas  proposé,  orgue  n'adopte  ipi'un  senre,  et 
c'est  le  masculin,  soit  parce  qu'il  est'  le  plus 
noble,  comme  le  disent  les  grammairiens,  soit 
parce  qu'ayant  clé  employé  le  premier,  c'est  à 
lui  à  donner  l'ordre.  La  Grammaire  des  Gram- 
viaires,  embarrassée  dans  la  diversité  de  ces  opi- 
nions, pense  qu'il  faut  éviter  ces  phrases,  et 
prendre  un  autre  tour. 

Quant  à  nous,  nous  pensons  avec  Domcrgue, 
que  c'est  une  irrégularité  choquante  de  faire  uiî 
mot  masculin  au  singulier,  et  féminin  au  pluriel; 
que  c'en  est  une  bien  plus  grande  encore  de  le 
faire  dans  la  même  phrase  et  masculin  et  fémi- 
nin; et  qu'il  faudrait  qn'orgue  n'eût  qu'un  wnre 
dans  ces  sortes  de  phrases.  Nous  ajoulons~qu'il 
taudrait  partout  ne  lui  en  donner  (ju'un  ,  mais 
que  dans  le  choix,  on  devrait  préférer  le  féminin, 
à  cause  de  la  terminaison  féminine  du  mot. 
La  prétendue  noblesse  du  masculin  est  ridicule; 
et,  si  l'on  faisait  ce  mot  féminin,  ce  eenre  serait 
employé  le  premier,  et  réglerait  le  reste.  On  doit 
donc  dire,  suivant  nous,  c'est  une  des  plus  belles 
orgues.  Nous  disons  qu'on  doit  le  dire,  mais 
nous  ne  disons  pas  que  cette  locution  serait  gé- 
néralement reçue.  C'est  au  lecteur  à  se  dé- 
cider. 

Orgueil.  Subst.  m.  En  voyant  ce  mot  ainsi 
écrit,  on  pourrait  croire  qu'il  faut  prononcer  or- 
glieil,  car  \'ii  n'étant  là  (luc  pour  donner  au  g  la 
prononciation  forte  qu'il  n'aurait  pas  devant  \'e, 
il  ne  reste  que  eil  à  prononcer  avec  le  y.  Il  fau' 

33 


u 


ORT 


■ononcor  comme  si  l'on  écrivait  orgueuil,  et 

sioiiillcr  \i  l  final. 

On  dit  pnr  cllip?0,  Vorgueil  de  la  naissance, 
f orgue  il  des  richesses  : 

Xons  ne  connaissons  point  l'orgueil  de  la  naissance, 
(Volt.,  JfoAom.,  act.  I,  se.  ii,  41.) 

Oser  d'un  luxe  vain  fouler  am  pieds  l'orgueil. 

(Dblil.,  Én^td.,  VIII,  495) 

Orgueil  se  prend  qnelqucfois  en  bonne  part  : 
Un  noble  orgueil. 

J'aime,  je  l'aToûrai,  cet  orgueil  généreux 
Qui  n'a  jamais  fléchi  sous  le  joug  amoureux. 

(Rac,  Ph*d.,  act.  Il,  se.  l,  77.) 

Ofcceillecsement.  Adv.  On  peut  le  mellrc 
entre  rnuxiliairc  ci.  le  participe  :  //  a  répnndu 
nrgveillevsement.  Il  a  orgueilleusement  parlé  de 
ses  richesses. 

Or.GDEiLLECx,  Ohcceillecse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  suhst.  ,  lorsque  l'analoçic  ot 
l'harmonie  le  pormellcnt  :  U/i  Jiomme  orgveiUeu.T, 
une  fe'rme  orgueilleuse.  —  Un  air  orgueillcu.T, 
un  ton  orgueilleux,  des  manières  orgueilleuses. 
—  Des  orgueilleux  transports,  V orgueilleuse  co- 
lère. Voyez  Adjectif. 

Cet  adjectif  régit  quelquefois  la  préposition  de 
avant  les  noms  et  avant  les  veibes:  Il  est  orgueil- 
leux de  ses  bons  succès.  (Acad).  Il  est  orgueil- 
leux d'avoir  remporté  le  prix. 

Orient.  Voyez  Lerant. 

Or.iESTAr,,  fJr.iKNTAi.E.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près son  siibst.  :  Pays  oriental,  régions  irienta- 
les,  peuples  orientaux.  —  Langues  ovtenlalcs. 

Op.iGiNAir.E.  Adj.  des  deux  çenres,  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  honnne  originaire 
de  Languedoc,  des  peuples  originaires  de  Ger- 
manie. 

Originairement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe: 
Ce  mot-lù  vient  originairement  du  nrec.  —  L'A- 
cadémie  dit  cet  homme,  cette  famille  est  ori- 
ginairement d'Allemagne.  Féraud  observe  avec 
raison  qu'on  doit  dire  être  originaire,  et  vient 
originairement  de,  etc. 

Original,  Originale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  tableau  original,  une  statue 
originale,  titre  original,  un  acte  original.  —  Un 
auteur  original,  des  écrivains  originaux. 

Substantivement,  on  ne  le  dit  des  personnes 
qu'en  mauvaise  part,  pour  signifier  un  homme  sin- 
gulier en  quciiiue  chose  ^\m  le  rend  ridicule  : 
Cest  un  original,  un  vrai  original,  un  franc 
original.  Original  n'est  plus  admis  dans  le  style 
noble.  11  fait  au  pluriel  masculin  originaux. 

Origine.  Subst.  f.  Voltaire  a  dit  dans  Oreste 
^acl.  Il,  se.  V,  9): 

De  votre  sang  soolcnir  l'origine. 

La  Harpe  dit,  à  l'occasion  de  ce  vers,  on  soutient 
Vhonneur,  la  dignité,  les  droits  du  sang  ;  on 
n'en  soutient  pas  l'origine.  {Cours  de  littéra- 
ture.) 

OiuciNEL,  Originelle.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Justice  originelle,  grâce  ori- 
ginelle, péché  originel. 

Or,iG;NELLEMr.NT.  Adv.  Il  se  mol  après  le  verbe: 
L'homme  est  originellement  pécheur. 

Orthodoxe.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Auteur  orthodoxe,  doctrine 
orikodoxe. 


ORT 

ORTHOGRAPnE.  Subsl.  f.  Tcrmc  de  grammaire. 

Ce  mot,  jinr  sa  valeur  élynmlogique  ,  signifie 
peinture  ou  représenlutioii  régulière.  Dans  le 
langage  des  grammairiens  ipii  se  sont  approprié 
ce  terme,  c'est,  ou  la  représentation  régulière  de 
la  parole,  ou  l'art  de  représenter  régulièrement  la 
parole. 

Il  ne  peut  y  avoir  qu'un  seul  système  de  prin- 
cipes pour  peindre  la  parole  qui  soit  le  meilleur 
et  lovéritable;  car  il  y  aurait  tmp  d'inconvénients 
à  trouver  bons  tous  ceux  ([uc  l'un  peut  imaginer. 
Cependant  on  donne  également  le  nom  d'orZ/fo- 
graphe  à  tous  les  systénies  d'éeriture  que  diffé- 
rents auteurs  ont  publiés;  cl  l'on  dit  l'orthographe 
de  Dumarsais,de  DucU)S,de  f^oltaire,  etc.,  pour 
désigner  les  systèmes  particuliers  que  ces  écri- 
vains ont  publiés  ou  suivis.  C'est  que  la  régula- 
rité indiquée  par  Tétymologie  du  mol  n'est  autre 
chose  (pie  celle  (lui  suit  nécessairement  de  tout 
corps  syslémaiicpie  de  princi|)cs,  ipii  réunit  tous 
les  cas  pin liiuliers sous  la  même  loi. 

Aussi  n'appcllo-t-on  pas  orthographe  la  manière 
d'écrire  des  gens  non  instruits,  (|ui  se  rappro- 
chent tant  qu'ils  peuvent  de  la  valeur  alphabéti- 
(pie  des  lettres,  qui  s'en  écartent  en  queUiucs  cas, 
lorsqu'ils  se  rappellent  la  manière  dont  ils  ont  vu 
écrire  (pielques  mots;  qui  n'ont  et  ne  peuvent 
avoir  aucun  égard  aux  différentes  manières  d'é- 
crire qui  résultent  de  la  différence  des  genres, 
des  nombres,  des  personnes,  et  autres  accidents 
arammaticaux;  en  un  mot,  qui  n'ont  aucun  prin- 
cipe stable,  et  qui  donnent  tout  au  hasard;  on 
dit  simplement  qu'ils  ne  savent  pas  l'orthogra- 
phe, qu'ils  n'ont  point  d'ortlv graphe,  qu'il  n'y 
en  a  point  dans  leurs  écrits. 

Si  tout  système  d'orthograjibe  n'est  pas  admis- 
sible, s'il  en  est  un  qui  mérite  sur  tous  les 
autres  une  préférence  exclusive,  lâchons  d'en 
assiancr  ici  le  fondement,  et  d'indiquer  les  carac- 
tères qui  le  rendent  reconnaissable. 

Une  lansTue  est  la  totalité  des  usages  propres  à 
une  nation  pour  exprimer  les  pensées' par  la  voix. 
D'où  vient  celle  ncccssiié  de  ne  reconnaître  dans 
les  langues  que  les  décisions  de  l'usage?  C'est 
(jue  l'on  ne  parle  que  pour  être  entendu;  que  l'on 
ne  peut  être  entendu  qu'en  employant  les  signes 
dont  la  signification  est  connue  de  ceux  pour  qui 
on  les  emiiloie;  qu'y  ayant  une  nécessité  indis- 
pensable d'employer  les  mêmes  signes  pour  tous 
ceux  avec  qui  l'on  a  les  mêmes  liaisons,  afin  de  ne 
pas  être  surchargé  i>ar  le  grand  nombre,  ou  em- 
barrassé par  la  dislinition  qu'il  faudrait  en  faire, 
il  est  l'galemenl  nécessaire  d'user  des  signes  con- 
nus d'^aiitorisés  par  la  multitude;  et  que,  pour  y 
parvenir,  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  (]uc  d'em- 
ployer ceux  qu'emploie  la  multitude  elle-même, 
c'est-à-dire  ceux  qui  sont  autorisés  par  l'usage. 

Tout  ce  ipii  a  la  même  lin  et  la  même  univer- 
saliié  doit  avoir  le  même  fondement,  et  l'écriture 
est  dans  ce  cas.  C'est  un  autre  moyen  de  com- 
muniquer ses  [len^^^ées,  p;ir  la  peinture  des  sons 
usuels  qui  en  constiuicnt  l'expression  orale.  La 
pensée,  étant  purement  intellectuelle,  ne  peui  cire 
représentée  par  aucun  signe  matériel  ou  sensible 
qui  en  soit  le  type  naturel.  Elle  ne  peut  relie  que 
par  des  signes  conventionnels,  et  la  conreiition 
ne  peut  être  autorisée  ni  connue  que  par  l'usage. 
Les  productions  de  la  voix,  ne  pouvant  être  <pie 
du  ressort  de  l'ouïe,  ne  peuvent  pareillement  être 
I  représentées  par  aucune  îles  choses  qui  ressor- 
tisscnt  au  tribunal  des  autres  sens,  à  moins  d'une 
convention  qui  établisse  entre  les  éléments  de 
la  voix  et  certaines  figures  visibles,  par  exemple, 


os 

la  relation  nécessaire  pour  fonder  celte  siçnifioa- 
lion.  Or,  coite  convention  est  île  nièiiie  n;itiiie 
que  la  première:  c'est  l'usage  qui  doit  l'autoriser 
cl  la  faire  coniiaiire. 

11  y  aura  peut-être  des  articles  de  celte  con- 
vention (lui  auraient  pu  être  plus  généraux,  plus 
analogues  à  d'autres  articles  anlécédeuls,  plus 
aisés  à  saisir,  plus  l'acilcs  et  plus  sim|)Ies  à  exé- 
cuter. Qu'importe?  vous  devez  vous  conformer 
aur  décisions  de  l'usage,  (luclque  capricieuses  et 
quelque  inconséquentes  qu'elles  puissent  vous 
paraître. 

Nul  particulier  ne  doit  se  flatter  d'opérer  subi- 
tement une  révolution  dans  les  choses  qui  inlc- 
rcssent  toute  une  grande  société,  surtout  si  ces 
choses  ont  une  existence  permanente;  et  il  ne 
doit  pas  i)lus  se  promettre' d'altérer  le  cours  des 
variations  des  divises  dont  l'existence  est  passa- 
gère et  dépendante  de  la  multitude.  Or,  l'expres- 
sion de  la  pensée  par  la  voix  est  nécessairement 
variable,  parce  (ju'elle  est  iiassagérc,  cl  que  par 
la  elle  fixe  moins  les  traces  sensibles  qu'elle  peut 
mettre  dans  rimaginalion.  Au  contraire,  l'expres- 
sion de  la  parole  par  l'écriture  est  permanente, 
parce  qu'elle  offre  aux  yeux  une  image  durable, 
que  l'on  se  re|iréscnte  aussi  souvent  et  aussi 
longtemps  qu'on  le  juge  à  propos,  et  qui  par 
conséquent  fait  dans  l'imagination  des  traces  plus 
profondes.  C'est  donc  une  iirétention  cliiniérique 
que  de  vouloir  mener  l'ccriLure  parallèlement 
avec  la  parole;  c'est  jjervertir  la  nature  des 
choses,  donner  de  la  mobilité  à  celles  qui  sont 
essentiellement  i-ermanenles,  et  de  la  stabilité 
a  celles  ([ui  sont  essentiellement  changeantes  et 
variables. 

Devons-nous  nous  plaindre  de  l'incompatibilité 
des  natures  de  deux  choses  qui  ont  d'ailleurs 
entre  elles  d'autres  relations  si  intimes?  Applau- 
dissons-nous, au  contraire,  des  avantages  t]ui 
en  résultent.  Si  l'orthographe  est  moins  sujette 
que  la  voix  à  subir  des  changements  de  forme, 
elle  devient  par  la  môme  dé|)osilaire  et  léiiioiu 
de  l'ancienne  prononciation  des  mots,  et  elle  fa- 
cilite la  connaissance  des  élymologies.  Voyez 
Né(graph  is  m  e . 

On  trouve  les  règles  générales  de  l'orthographe 
aux  divers  articles  de  grammaire  qui  y  ont  rap- 
port, et  les  règles  particulières  aux  mots  suscep- 
tibles de  quelque  observation  relative  à  cette 
matière. 

OnTHOGR.\pniQiJE  Adj.  des  deux  genres  qui 
ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Diclioniiaiie 
orthi  graphique. 

Orthologie.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire 
adopté  par  quelques  grammaiiiens.  La  gram- 
maire considère  la  parole  dans  deux  étals,  ou 
comme  prononcée,  ou  comme  écrite  :  voilà  un 
motif  bien  naturel  de  diviser  en  deux  classes  le 
corps  entier  des  observations  grammaticales. 
Toutes  celles  ipii  concernent  la  parole  prononcée 
sont  de  la  première  classe,  à  laquelle  on  a  donné 
le  nom  d'arthologie,  parce  (jue  c'est  elle  qui 
apprend  tout  ce  qui  appartient  à  l'art  de  parler. 
Toutes  celles  (|ui  regardent  la  parole  écrite  sont 
de  la  seconde  classe,  qui  est  ajipelée  urlhngruphe, 
parce  que  c'est  elle  qui  apprend  l'art  d'écrire. 

Os.  Subst.  m.  Gatlel  prétend  qu'on  doil  pro- 
noncer le  A-  final,  surtout  au  singulier  et  à  la  fin 
de  la  phrase.  C'est  probablement  d'a|)rès  cet 
auteur  (juc  tant  de  beaux  parleurs  et  de  belles 
parleuses  aifecient  de  pronoacer  ce  mol  comme 
si  l'on  écrivait  osse.  On  ne  prononce  pas  ce  5 
final,  à  moins  que  le  mot  os  ne  soit  suivi  immé- 


ou 


515 


diatement  d'un  mot  commençant  par  une  voyelle 
on  un  h  non  aspiré  :  Ses  us  êiaienl  cariés.  Un 
amas  d'os  ci  de  chairs. 

OsEiî.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  Dans  le  sens 
neutre,  on  supprime  souvent  pas  :  Je  n'ose,  je 
n'oserai  Vous  le  dire;  je  n'oserai  le  faire.  Mais 
quand  ce  verbe  est  actif,  il  faut  mellre  ne  pas  : 
f^ous  a  m'es  raison  de  ne  pas  l'oser.  Féraud 
condamne  en  conséquenco  celte  phrase  tie  lios- 
suet  :  Il  a  fait  ce  que  l'auire  n'avait  osé.  11  fallait 
dire  n'avait  pas  osé. 

Ostensible.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
mel  iju'après  son  subst.  :  Lettre  ostensible,  in- 
structions ostensibles,  par  opposition  à  instruc- 
tions secrètes. 

Ostensiblement.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe  : 
Je  lui  ai  écrit  ostensiblement,  et  non  pas,  je  lui 
ai  ostensiblement  écrit. 

*0sTENT.\TEUr.,  OSTENTATRICE.    Adj.    Mot    HOU- 

veau  employé  par  J.-J.  Rousseau  :  Un  régime 
purement  négatif  n'est  pas  celui  qui  convient  à 
une  philosophie  ostenlalricc  (/i/i /je  veut  que  des 
œuvres  d'éclat,  et  n'apprend  rien  tant  à  ses  sec- 
iateurs  qu'à  beaucoup  se  montrer.  {Rousseau 
juge  de  Jean-Jacques,  2'  dial.) 

Ou.  Conjonction  atlernalivc.  Il  faut  remarquer 
qu'on  ne  mel  jamais  l'accent  grave  sur  1'»  de  ou 
conjunclion.  On  peut  le  répeter  devant  chacun 
des  mots  qu'il  joint,  ou  ne  le  mettre  (pic  devant 
le  second  :  Ou  vous  ou  lui  ;  vous  nu  lui  ;  vous  ou 
lui  ou  moi.  11  se  joint  (luclquefois  avec  bien, 
dans  le  discours  familier,  ou  lorsiju'on  veut  le 
mieux  distinguer  de  l'adverbe  où.  —  Après  ou, 
il  faut  répéter  l'article,  le  [ironom,  ou  la  pré[  osi- 
lion,  dont  on  s'eslservi  auparavant.  Corneille  a  dit  : 

Ucduit  à  te  déplaire,  ou  saufTrir  un  atTronl. 

11  fallait  répéter  la  préposition,  et  dire  réduit  à 
te  déplaire  ou  à  souffrir  un  affront.  —  Lorsque 
soit  doit  être  redoublé,  on  mel  (pieliiuefois  ou  au 
lieu  du  second  soit  :  Soit  que  vous  ayes  fait 
cela,  OH  que  vous  ne  l'ayez  pas  fait.  —  Ou  ne 
doil  élre  employé  que  dans  le  sens  affirmalif. 
Dans  le  sens  négatif  on  se  sert  de  ni.  C'est  donc 
avec  raison  qu'on  a  critiqué  ces  vers  de  Corneille 
{Cid,  acl.  I,  se.  I,  5,  éd.  de  Volt.)  : 

Ce  n'est  pas  que  Cliimène  écoute  leurs  soupirs, 
Ou  d'uo  regard  propice  anime  leurs  désirs. 

Il  fallait  mettre  ni  d'un  regard  propice. 

On  a  demandé  s'il  faut  dire  lequel  des  deux  fut 
le  plus  intrépide,  de  César  ou  A'  Alexandre'^  ou 
en  supprimant  la  préposition  de,  lequel  des  deux 
fut  le  plus  intrépide.  César  ou  Alexandre  f  11 
est  certain  (jue  plusieurs  écrivains  emploient  de 
dans  ces  occasions,  et  que  d'autres  l'omeitcnt. 
(^)uelques  grammairiens  se  sont  élevés  contre  la 
première  de  ces  locutions,  et  onl  exposé  ainsi 
leurs  raisons  :«  L'analyse  fait  coimaitre  le  vice 
de  celte  locution.  Dans  cette  phrase,  lequel  des 
deux  fut  le  plus  intrépide ,  de  Cé:^ur  ou  d'A- 
lexandre, je  distingue  trois  propositions  :  d"  Le- 
quel des  deux  fut  le  plus  intrépide  ?  2°  César 
fut-il  plus  intrépidequ'  Âlexandre'f  Z"  Alexandre 
fut-il  plus  intrépide  que  César  ^  César  el  Alexan- 
dre fout  donc  chacun  le  sujet  d'une  proposiiion. 
Or,  le  sujet  d'une  proposition  ne  saurait  cire  pré- 
cédé d'une  préposition;  il  doit  être  énoncé  jiurc- 
menl  et  simplement.  Il  s'ensuit  donc  (ju'on  doit 
dire  lequel  des  deux  fut  le  plus  intrépide,  César 
ou  Alexandre?  C'csl  ainsi  que  parlent  les  Latins, 
les  Anglais,  les  Italiens,  et  tous  les  peuples  qui 


516 


OU. 


onl  une  langue  raisonncc.  La  prcposilion  Je, 
que  l'on  a  iiiiioiiuile  dans  ces  sorics  de  locutions, 
ne  i)cui  élre  reçardée  comme  euphonique;  c'est 
un  terme  né  de  l'ignorance;  l'usage  Va  sanctionné 
en  quelque  snric ;  mais  la  raison,  |ilus  forte  que 
l'usage,  veut  enlin  qu'on  le  proscrive. 

Vous  direz,  par  exemple,  duquel  des  deux 
a-t-on  le  plus  honorablement  parlé,  de  mon  père 
ou  de  vion  -  ncle'f  parce  que  la  proposition  sous- 
entendue  est  celle-ci  :  A-t-on  parlé  plus  hono- 
rablement de  mon  oncle  que  de  mon  pèrcf  Ainsi, 
de  ce  que,  dans  celte  secon'de' phrase,  duquel  des 
deux  a-t-on,  etc.,  la  préposition  do  n'est  em- 
ployée (pie  p;nce  (pie  le  ternie  interrogatif  duquel 
desdfux  csi  lui-même  précédé  de  la  préposition 
de,  on  doit  conrhire  (juc,  dans  la  première  locu- 
tion, lequel  des  deux  fut  le  plus  intrépide,  etc., 
on  ne  doit  jias  employer  la  préposition  de,  parce 
que  le  terme  interrogatif,  lequel  des  deux,  n'en 
est  pas  précédé.  » 

La  Grammaire  des  Grammaires  remarque 
avec  raison  (]ue  l'usage  7i'a  point  sanctionné  la 
locution  que  l'on  condamne  ici,  cl  les  observations 
qu'on  vient  de  lire  paniissenl  d'autant  plus  justes, 
qu'elles  se  trouvent  confirmées  par  des  exem|)les 
tirés  de  nos  meilleurs  écrivains;  Ils  ne  savaient 
lequel  ils  devaient  admirer  darantage ,  OU  un 
roi  de  Suède  qui,  à  l'âge  de  vingt-deux  ans, 
donnait  la  couronne  de  Pologne,  ou  le  prince  qui 
la  refusait.  (Volt.,  Hist  de  Charles XIT,  liv.  II, 
année  1704.)  Lequel  des  deux  a  tort,  ou  celui 
qui  cesse  d'aimer,  ou  celui  qui  cesse  de  plaire? 
(Marmontel.) 

Lamoignon,  nous  irons,  libres  d'inquiétude, 

Chercher 

Quel  chemin  le  plus  droit  à  la  gloire  nous  gjiide. 
Ou  la  vaste  science    ou  la  vertu  tolide  ? 

(Boit.,  ^pttre  VI,  153.} 

Je  ne  sais,  dans  son  funeste  sort, 
Qui  m'afflige  le  plus,  ou  sa  vie,  ou  sa  mort. 

(CORX.,  Rodog.,  ad.  V,  se.  T,  7.) 

OÙ.  Adv.  de  lieu  et  de  temps.  Dans  les  phrases 
interrogatives,  il  se  met  avant  le  verbe  :  Où 
allez-vous?  oit  sont-ils? 

On  disait  autrefois  indifféremment,  dans  le 
temps  que  j'étais  jeune,  ou  dans  le  ternps  où 
j'étais  jeune.  On  dit  aujourd'hui  dans  le  temps 
OÙ  j'étais  jeune.  Boileau  a  dit  {Lutrin,  II, 
123): 

Hélas  :  qu'est  devenu  ce  temps,  cet  heureux  temps, 
Où  les  rois  s'honoraient  du  nom  de  fainéants? 

Il  y  aurait  donc  aujourd'hui  quelque  chose  à 
reprenàio  dans  ce  vers  de  Racine  [Britannicus, 
act.  I,  se.  1,  'Jl)  : 

Non,  non,  le  temps  n'est  plus  7U«  Néron,  jeune  encore, 
Me  renvoyait  les  vœux  d'une  cour  qui  l'adore. 

On  dit  bien  oii  pour  dans  lequel,  auquel,  dans 
laquelle,  à  laquelle, dans  lesquels,  auxfiucls,  dans 
lesquelles,  auxquelles,  mais  seulement  quand  il 
s'agit  de  tenqisou  de  lieu.  Le  lieu  où  je  suis,  la 
maison  où  je  demeure,  le  siècle  où  il  vivait. 
Mais  on  ne  dira  p;is  le  bonheur,  la  félicité  où  ï! 
aspire;  ce  sont  des  affaires  où  je  suis  intéressé; 
il  faut  dire,  le  bonheur  auquel  j'aspire,  la  féli- 
cité à  laquelle  j'aspire.   C'est   par  celle  raison 


OUA 

que  d'Olivet  trouvait  insupportable  ce  vers  dp 
La  Fontaine  (Liv.  111,  fable  vu,  1)  : 

Chacun  a  son  défaut,  où  toujours  il  revient. 

Il  fallait  auquel  tmijours  il  revient.  On  peut 
reprocher  le  même  défaut  à  ciîtte  phrase  de  Mon- 
tes(]uieu,  c'est  un  mal  où  me9  amis  ne  peuvent 
porter  de  remède.  YIc  lettre  persane)  Il  a  mieux 
dit  dans  la  phrase  suivante  :  Sois  assuré  qu'en 
(]iielque  lieu  du  monde  où  je  suis,  tu  as  un  ami 
fidèle.  (Montesquieu,  i"  lettre  persane.) 

Il  faut  avouer  cependant  (pie  les  poêles  s'af- 
franchissent de  cette  régie,  parce  que  datis  lequel, 
dans  lesquels,  etc.,  ne  sont  pas  des  expressions 
très-propres  à  entrer  dans  un  vers  : 

Faites  qu'en  ce  moment  je  lui  puisse  annoncer 
Un  bonheur  où  peut-être  il  n'ose  plus  penser. 

(Rac,  Be'rén.,  act.  V,  se    i,  3.) 

Je  romps  le  joug  funeste  où  les  Juifs  sont  soumis. 
(Rac,  Etth.,  act.  V,  se.  iv,  7.) 

Reine,  l'excès  des  maux  où  la  France  est  livrée 
Est  d'autant  plus  affreux  que  leur  source  est  sacrée. 
(Volt.,  Henr.,  Il,  1.) 

A'os  premiers  sentiments  doivent  tous  s'elTacer 
A  l'aspect  des  grandeurs  où  vous  n'osiez  penser. 
(Volt.,  Mahom.,  act.  V,  se.  ii,  15.) 

On  dit  aussi  où  au  lieu  de  dont,  mais  seule- 
ment quand  il  est  ((uesiion  de  lieu  ou  de  temps. 
La  maison  d'où  il  est  sorti,  en  parlant  d'un 
logis;  lu  maison  dont  il  est  sorti,  en  parlant  de 
race.  D'après  ce  principe,  AVailly  trouve  une 
faute  dans  celte  piiiase  :  Les  alliés  de  Borne, 
indignés  et  honteux  tout  à  lu  fois  de  connaître 
pour  maîtresse  une  ville  dont  lu  liberté  parais- 
sait bannie;  il  fallait  d'où,  la  liberté  paraissait 
bannie.  —  Dans  le  discours  oratoire,  quand  il  y 
a  plusieurs  interrogations  de  suite,  on  ne  met 
quelquefois  le  verbe  que  dans  la  première,  et  on 
le  supprime  dans  les  autres  :  Où  sont,  diront-ils, 
les  promesses  de  Jésus-Christ?  où  la  fermeté 
de  son  Église?  OÙ  la  pureté  tant  vantée  du 
christianisme?  (Bossucl.)  Là  rwcst  une  locution 
dure,  et  par  conséquent  vicieuse.  —  On  dit 
familièrement  d'oMr«>/(<7(/<?,  au  lieu  Ae  pourquoi; 
mais  il  faut  observer  qu'alors  le  verbe  doit  être 
précédé  du  pronom  personnel  qui  lui  sert  de 
sujet  :  D'oii  vien  t  qu'il  me  gnmde  ;  a  u  lieu  qu'avec 
pourquoi,  Ic  pronom  doit  suivre  le  verbe  :  Pour- 
quoi me  gronde -t-il?  On  ne  doit  pas  dire  d'où 
vient  7ne  gronde-t-il  ?  —  Où  que,  en  quelque 
lieu  que: 

Où  que  soit  Rosidor,  il  le  suivra  de  près, 
Et  je  saurai  changer  ses  myrtes  en  cyprès. 

(Corn.,  CUtandre,  act.  IV,  se.  vu,  U.) 

Expression  provmciale,  mais  que  sa  vivacité 
elliiitiquc  rendait  digne  d'élrc  conservée.  Marot  a 
dit  admirablement  [Léander  et  Héro,  135): 

L'œil  et  le  cœur  de  tous  cens  qui  la  virent, 
Où  qu'elle  allât  tous  les  jours  la  suivirent. 

François  de  Ncufchateau  a  remarque  celle  locu- 
tion dans  Biifl'on  et  J.-J.  Rousseau.  (Ch.  Nodier, 
Examen  cril.  des  dict.) 

Ouate.  Subst.  f.  L'Académie  prétend  que 
l'on  prononce  ouète.  Il  nous  semble  que  c'est 
une  erreur.  Celle  même  Académie  donne  pour 


OUI 

exemple  acheter  de  la  ouate;  ce  qui  ferait  croire 
que  l'o  de  ce  mol  est  aspiré;  cependant  elle  donne 
aussi  les  exemples  suivants,  où  il  ne  l'est  pas  : 
Une  camisole  d'uuate,  une  jupe  doublée  d'ouate, 
vne  couverture  d'ouate.  Boileau  a  dit  (Lutrin, 
IV,  44) : 

Où  sur  l'ouate  molle  éclate  le  labls. 

Il  est  possible  que  quelques  couturières  de 
Paris  disent  rfe  la  ouate,  ou  de  la  ouète  ;  mais  il 
vaut  ndeux,  en  ceci,  imiter  Boileau  que  les  cou- 
turières. 

OuATEK.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie  pré- 
tend qu'on  prononce  owè/er.  Voyez  Ouate. 

Oubli.  Subst.  m.  Il  n'a  point  de  pluriel. 

Ol'bliance.  Subst.  f.  Aieux  mot  que  .Mercier 
voudrait  rajeunir:  Ccqu'il  y  a  déplus  nécessaire 
au  repos,  au  hcnheur  de  la  vie,  c'est  Toubliancc 
des  injures  jiassées.  —  Ce  mot  dit  quelque  autre 
chose  qu'oiiùli;  il  indique  la  disposition  habi- 
tuelle, l'habitude  d'oublier. 

Oublier.  V.  a.  de  la  1"^  conj.  On  dit  oublier  à, 
quand  il  s'agit  d'un  manque  d'usage,  d'habitude; 
ainsi  0//  oublie  à  danser,  à  lire,  en  no  dansant  pas, 
en  ne  lisant  pas.  On  dit  oublier  de,  quand  il  s'agit 
d'un  manque  de  mémoire  :  J'ai  oublié  d'aller 
en  tel  endroit  ;  j'avais  oublié  de  vous  dire  que. 
—  Je  nvublienii  jamais  d'avoir  vu.  beaucoup 
pleurer  une  petite  fille  qu'on  avait  désolée  avec 
la,  fable  du  Loup  et  du.  Chien.  (J.-J.  Rouss., 
Emile,  liv.  II,  t.  vi,  p.   156  ) 

Ces  nuances  délicates  n'étaient  i)as  connues, 
sans  doute,  du  temps  de  Boileau,  car  il  a  dit  : 
J'oubliais  à  vous  dire  que  les  libraires  me  pres- 
sent fort  de  donner  une  nouvelle  édition  de  mes 
ouvrages.  {Lettre  au  R.  P.  Thoulier,  13  di'c. 
A-lQ'ù .)  ky\']o\\TÛ.'\nn\\ii\i"M\.:  J'oubliais  de  vous  dire, 
elplusicuis  éditeurs  ont  ainsi  corrigé  cette  phrase. 

Oublieux,  Oublieuse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Il  est  oublieux,  elle  est  oublieuse. 

Oui.  Mot  qui  marque  l'aflirination  ;  il  est  opposé 
a  non.  Il  se  prononce  ordinairement  comme  s'il 
était  écrit  houi,  avec  un  h  aspiré.  L'on  écrit  et 
l'on  prononce  le  oui,  ce  oui:  Le  oui  et  le  non. 
On  le  répète  en  vers  sans  qu'il  fasse  hiatus. 

Oui,  oui,  celle  TCrlu  sera  récompensée. 

(Rac,  Frères  ennemis,  act.  III,  se.  m,  57.) 

Oui,  oui,  TOUS  me  suivrez,  n'en  (louiez  nnllemenl. 
(Rac,  >lndrom.,  ad.  II,  se.  m,  1.) 

Cependant  cette  répétition  parait  un  peu  dure,  et 
Racine  l'a  évitée  dans  ses  antres  pièces.  On  dit 
je  crois  qu'oui.  —  Oui  est  souvent  la  réponse  à 
une  intcrnisation,  et  alors  il  équivaut  à  une 
phrase  entière  :  Jvez-vous  fait  cela?  Oui, c'csl- 
a-dire  j'ai  fait  cela.  —  Il  se  dit  quelquefois 
absolument,  et  se  met  comme  incise  au  com- 
mencement dune  phrase  :  Oui,  je  le  soutiendrai 
devant  tout  le  monde.  Y  oyez  Apostrophe. 

Ou'i-DiRE.  Subst.  m.  Ce  nom  étant  composé  de 
deux  mots  qui  ne  prennent  point  de  s  au  pluriel, 
on  ne  peut  en  mettre  ni  à  l'un  ni  à  l'autre;  et  on 
dit  au  pluriel,  des  ouï-dire. 

Ou'i'r..  V.  a.  irrégulier  et  iléfectueux  de  la  2' 
conj.  On  disait  autrefois  -.j'ois,  tu  ois,  il  oit; 
nous  oyons,  vous  oi/ez,  ils  oient.  On  disait,  à 
l'imparfait,  j'oyais;  au  futur,  j'oirai;  mais  il 
n'est  plus  employé  maintenant  ([u'au  passé  simple 
de  l'indicatif:  j'ouïs,  il  ouït;  à  l'imparfait  du 
subjonctif,  que  j'ouïsse,  qu'il  ouït;  à  l'infinitif, 
ouïr;   et  aux  temps   composés  qui  se  forment 


OUT  S17 

avec  l'auxiliaire  avoir  et  le  iKirlicipe  passé  oui, 
ouïe. 

Corneille  a  dit  dans  le  Menteur  (act.  I,  se.  vi, 
édit.  de  Folt.)  : 

Quand  je  vcu3  o:«  parler  de  guerre  et  de  tourments. 

Voltaire  a  dit,  au  sujet  de  ce  vers  :  Je  vous  ois 
ne  se  dit  plus.  Puunpioi  ?  Cette  diphthongue 
n'est-ellc  pas  sonore?  Foi,  loi,  crois,  buis,  révol- 
tent-ils l'oreille?  Pourquoi  rinlinitif  ouïr  est-il 
resté,  et  le  présent  est-il  prosrril?  La  syntaxe  es', 
toujours  fondée  sur  la  raison.  L'usage  et  l'abo- 
lition des  motsdéi)endent  queli|iiefois"du  caprice; 
mais  l'on  peut  dire  que  cet  usage  tend  toujours  à 
la  douceur  de  la  pronoiicialion."'j(?  l'ois,  j'ois,  est 
sec  et  rude;  on  s'en  est  défait  insensiblement. 
{Remarques  sur  Corneille.) 

Ourdir.  Y.  a.  de  la  2'^  conj.  L'Académie  dit 
au  figuré  :  Ourdir  une  trahison  ;  c'est  lui  qui  a 
ourdi  celte  trahison.  —  Il  s'emploie  ligurémenl 
avec  d'autres  mots  ;  on  dit,  par  exemple,  ourdir 
un  ouvrage.  Si  j'osais  vous  donner  un  conseil, 
dit  '\^oltaire,  ce  serait  de  songer  à  être  simple, 
«  ourdir  votre  ouvrage  d'une  manière  bien  na- 
turelle, bien  claire,  qui  ne  cotUc  aucune  atten- 
tion à  l'esprit  du  lecteur.  (Correspondance.) 

Outil.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  /. 

Outiller.  V.  a.  de  la  1"^  conj.  On  dit  fami- 
lièrement d'un  ouvrier,  qu'il  est  bien  ou  mal 
outillé,  pour  dire  qu'il  a  de  bons  ou  de  mauvais 
outils,  ou  qu'il  a  beaucoup  ou  peu  d'outils. 

Outrageant,  Outrageante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  outrager.  Ou  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
Inrsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Des  paroles  outrageantes,  ces  outrageantes  pa- 
roles; un  procédé  outrageant,  cet  outrageant 
procédé;  il  ne  se  dit  que  des  choses.  Voyez  Adr- 
jectif,  Outrageux. 

Outrager.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  être  prononcé  comme  un  j  ; 
cl  jiour  lui  conserver  celte  prononciation  lors- 
qu'il est  suivi  d'un  «  ou  d'un  o,  on  met  un  e 
muet  avant  cet  a  ou  cet  o  :  J'outrageai,  j'outra- 
geais, et  non  \r^s  j'outragai,  j'outragais.  L'Aca- 
démie ne  le  dit  ijuc  des  personnes.  Voltaire  a 
dit  dixns  l'Enfant  prodigue  (act.  111,  se.  v,  88)  ; 

J'ai  de  tous  deux  outragé  la  tvndreste. 

On  dit  outrager  quelqu'un  de  paroles  ;  mais  c'est 
le  seul  cas  où  l'on  dise  outrager  de  quelque  chose. 
On  ne  dit  pas  il  l'a  outragé  de  termes  injurieux, 
les  terjues  dont  vous  m'avez  outragé.  Cette  règle, 
qui  est  certaine  en  i)rose,  n'est  pas  toujours 
respectée  par  les  poètes;  et  Racine  a  dit  élé- 
gamment dans  Iphigénie  (act.  III,  se.  vi,  62)  : 

Croyez  qu'il  faut  aimer  autant  que  je  vous  aime, 
Pour  avoir  pu  souiïrir  tous  tes  noms  odieux 
Dont  votre  amour  le  vient  d'outrager  à  mes  yeui. 

On  ne  dirait  point  en  prose,  vous  m'avez  outragé 
de  noms  odieux. 

Outrageusement.  Adv.  II  se  met  après  le  verbe  : 
Il  7n'a  traité  outrageusement ,  et  non  pas  il  m'a 
outrageusement  traité.  On  l'a  battu  outrageuse- 
ment. 

Outrageux,  Outrageuse.  Adj.  On  peut  queU 
quefois  le  ineitie  avant  son  subst.  :  Des  paroles 
outrageuscs,  ces  outrageuses  paroles.  "Voltaire  a 
dit,  au  sujet  de  ce  vers  de  Corneille  {Polyeucte, 
act.  V,  se,  11,61)  : 

Cosse  de  me  tenir  ce  discours  outrageux. 


518 


OUV 


Le  mot  outrageux  n'est  pas  usité;  mais  plusieurs 
auteurs  s'en  sont  heureusement  servis.  Nous  ne 
sommes  pas  assez  riches  pour  nous  priver  de  ce 
que  nous  avons. 

Je  pense  qu'il  y. a  quelque  différence  entre 
outrageux  <i\.  outrageant.  Outrageant  me  scnible 
avoir  rapport  i);irliculiéroment  à  l'ariiuii,  au  geste, 
au  ion;  cl  outrageux  a  la  nature  de  la  chose.  Je 
dirai  donc  à  quelqu'un  que  je  crois  avoir  eu 
intention  de  m'outrager  :  f^ous  m'avez  adressé 
des  paroles  outrageantes ,  c'est-à-diro  par  les- 
quelles vous  avez  eu  intention  de  m'oulragcr. 
Mais  on  pourni  me  répondre  :  Comment  pouvcz- 
vous  a|)peler  outrageantes,  des  paroles  (jui  no 
contiennent  rien  &outrageux?  On  pourra  diio, 
un  geste,  un  regard  outrageant  ;  on  ne  dirait  [«as, 
un  geste,  un  regard  outrageux. 

OuTf.K.  Préposition.  Corneille  a  dit  dans  IIc- 
raclius  (act.  III,  se.  i,  125): 

Outre  que  le  succès  est  encore  à  douter. 

Outre  que,  dit  Voltaire,  à  l'occasion  de  ce 
vers, ne  doit  jamais  entrer  dans  un  vers  héroïque. 
{Remarques  sur  Corneille.) 

OLTnLcciD.t.\cE.  Subst.  f.  Il  est  vieux.  Voltaire 
s'en  est  servi  :  Quant  à  l'attraction,  voici  trcs- 
naïvcmcnt  ce  qui  m'a  déterminé  à  en  parler  avec 
tant  d'outrecuidance.  {Correspondance.) 

Odtrer.  y.  a.  de  la  1"  conj.  C'est  excéder  la 
juste  mesure.  On  dit,  des  pensées  outrées,  vue 
déclamation  outrée,  une  plainte  outrée,  des  pas- 
sions outrées.  Mais  où  c>t  la  règle  de  ces  choses? 
Qui  est-ce  qui  a  fi.xc  le  point  en  deçà  duquel  la 
C'hoseesl  faillie, et  au  delà  duquel  elle  est  outrée? 
Qui  est-ce  qui  a  donné  au  public,  mêlé  de  tout 
état  et  de  toute  condition,  ce  tact  délicat  qui, 
dans  la  représentation  d'une  pièce,  lui  fait  dis- 
cerner un  sentiment  juste  d'un  sentiment  outré, 
une  expression  vnie  d'une  expression  fuusse?  H 
le  fait  souvent  de  manière  à  étonner  les  hommes 
du  goût  le  plus  délicat. 

OcvERTE-MENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  parlicipc  :  Jl  m'a  déclaré  ouver- 
tement ce  qu'il  pense,  OU  il  m\i  ourertcment 
déclaré  ce  qu'il  pense.  On  peut  le  mettre  avant 
OU  après  l'adjectif  qu'il  modifie  :  //  est  ourer- 
iement  ambitieux ,  OU  il  est  amUitieux  ouverte- 
ment. 

Odvkrtuke.  Subst.  f.  Dans  le  sons  figuré  d'ex- 
pédients, on  dit  donner  des  ouvertures,  et  non 
pas  faire  des  ouvertures.  Combien  d'ouvertures 
a-t-il  données?  (Fléchier.  )  —  Dans  le  sens 
d'avis,  de  proposition,  on  dit  faire,  et  non  pas 
donner  :  Il  ft  une  ouverture  qui  plut  à  tout  le 
monde. 

Ouvrable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  jour  ouvrable,  des 
jours  ouvrables. 

Ouvrage.  Subst.  m.  On  dit  ouvrage  de  l'esprit, 
et  ouvrage  d'esprit,  et  ces  deux  expressions  ne 
signifient  pas  la  même  chose.  L'esprit  a  part  à 
l'un  et  à  l'autre:  mais  on  entend  pai'  »■  v rage  de 
l'esprit  un  ouvrage  de  la  raison  et  de  cetie  intel- 
ligence qui  dislingue  l'homme  delà  bêle;  et  par 
ouvrage  d'esprit,  un  ouvrage  de  la  raison  polie, 
de  celle  fine  intelligence  qui  distingue  un  homme 
d'un  autre  homme.  Tour  ce  (jue  les  hommes 
Inventent  dans  les  sciences  et  dans  les  arts  est 
un  imvrogp  de  l'esprit.  I.es  compositions  ingé- 
nieuses des  gens  de  lettres,  suit  en  prose,  soit  en 
vers,  sont  des  ouvrages  d'esprit  :  Les  systèmes 


OUV 

aes  regfes  qui  constituent  la  logique,  la  rhéto- 
rique, la  poétique,  sont  de  beaux  ouvrages  de 
l'espril;  le  Lutrin,  la  Ilenriude,  Jthalie ,  le 
Tartufe  ,  sont  d'excellents  ouvrages  d'esprit. 
(Beauzée,  Synonymes.) 

On  appelle  ouvrage  d'esprit  une  composition 
d'un  homme  de  lettres  faite  in'ur  communiquer 
au  public  et  à  la  postérité  iinrliiuo  chose  d'in- 
structif ou  d'amusant.  L'histoire  d'un  ouvrage 
renferme  ce  (jue  l'ouvrage  contient ,  et  c'est  ce 
qu'on  ap[)clle  ordinairement  extrait  ou  analyse. 
Le  corps  d'un  ouvrage  consiste  dans  les  matières 
qui  y  sonl  traitées;  entre  ces  matières  il  y  a  un 
sujet  principal,  à  l'égard  duquel  tout  !<•  reste  est 
seulement  accessoire.  Le  plan  d'un  ouvrage 
consiste  dans  l'ordre  et  la  division  de  toutes  ses 
parties.  La  beauté  d'un  owrra^f?  dépend  l)eaucoup 
du  plan  que  l'auleiir  s'est  formé.  L'intérêt  d'un 
ouvrage  consiste  dans  le  choix,  l'ordre  et  la  repré- 
sentation de  la.  pensée.  Le  choix  décide  le  sujet, 
l'ordre  élablif  le  plan,  la  représentation  donne  l 
style.  Si  l'ouvrage  affecte  par  le  sujet,  s'il  saliS' 
faU  par  le  plan,  s'il  attache  par  le  slyle,  c'est  un 
ouvrage  inlérossant.  —  L'n  ouvrage  est  complet, 
lor,s(pi"il  contient  tout  ce  qui  regarde  le  sujet 
traité.  On  dit  q\i'uii  ouvrage  est'  relativement 
co///7)Ze^,  lorsqu'il  renferme  tout  ce  qui  était  connu 
sur  le  sujet  traité  pendant  un  cerLiin  temps  ;  ou 
si  l'ouvrage  est  écrit  dans  une  vue  particulière, 
on  peut  dire  qu'il  est  simplement  com|ilel,  s'il 
contient  tout  ce  qui  esl  nécessaire  pour  atteindre 
son  but.  Au  contraire,  on  appelle  incomplets  les 
ouvrages  qui  mamiuent  de  cet  arrangement, 
ou  dans  lesquels  o:i  trouve  des  lacunes  cau- 
sées par  la  perte  de  certains  morceaux  de  ces 
ouvrages. 

On  peut  encore  donner  une  division  des  ouvra- 
ges d'après  la  manière  dont  ils  sonl  écrits,  et  les 
distinguer  en  ouvrages  obscurs,  c'est-à-dire  dont 
tous  Tes  mots  sont  irop  génériques,  et  qui  ne 
portent  aucune  idée  claire  et  précise  à  l'esiirit; 
on  ouvrages  prolixes,  qui  conlionneni  des  choses 
étrangères  et  inutiles  au  iiut  (lue  l'auteirr  paraît 
s  être  proposé  ;  en  ouvrages  utiles,  qui  traitent 
de  choses  nécessaires  aux  connaissances  ou  à  la 
conduite  de  l'homme;  en  ouvrages  amusants, 
qui  ne  sont  écrits  que  pour  divertir  les  lecteurs, 
tels  que  les  nouvelles,  les  contes,  les  romans  et 
les  recueils  d'anecdotos.  ll/t  bon  ouvrage  esl  un 
ouviage  instructif  et  bien  écrit. 

Ouvrant,  Ouvrante  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
ouvrir.  Il  n'est  d'usage  que  dans  ces  phrases,  c 
porte  ouvrante,  à  portes  ouvrantes. 

Ouvrer.  V.  a.  de  la  i^'  conj.  11  esl  vieux  et  ne 
se  dit  plus  que  de  la  monnaie  :  Ouvrer  la  mon- 
naie, fabriquer  des  esi)éces.  —  On  dit  adjective- 
ment du  linge  ouvré,  pour  dire  du  linge  de  table 
façonné,  travaillé  :  Nappes,  serviettes  ouvrées. 
—  Du  fer  ouvré,  du  cuivre  ouvré,  travaillé, 
pour  le  distinguer  du  fer  en  barres,  du  cuivre  en 
lames. 

Ouvrier,  Ouvrière.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
I)rès  son  subst.  :  Jour  ouvrier ,  cheville  ou- 
vrière. 

Il  s'emploie  aussi  substantivement  •  U/i  ouvrier, 
une  ouvrière. 

Ce  mot  est  de  trois  syllabes  en  vers  : 

Soyez  plutôt  maçon,  si  c'est  rolre  talent, 
OuiTier  estime  dans  un  art  nécessaire. 
Qu'écrivain  du  commun  et  poète  vulgaire. 

(BoiL.,  .\.r.,IV,  26.> 


PAG 


518 


La  Fontaine,  on  citant  ce  proverbe,  dit  artisan 
(liv.  1,  fable  xxi,  i)  : 

A.  l'œuvre  011  connail  l'artisan. 

Il  fallait  dire  l'ouvrier.  Il  n'est  pas  permis  de 
chanijcr  les  mois  d'un  proverbe.  On  dit  d'un 
ouvrage  <pi'un  veut  louer  qu'il  csl  do  main  de 
viaîtrc;  La  Hruyère  a  dit,  en  ce  sens,  de  main 
d'otirrier.  C'est  une  faute.  Tout  ouvrage  est  fait 
de  main  d'ouvrier;  cl  quand  on  dit  de  main  de 
maître,  ou  entend  dislinguer  les  maîtres,  que 
l'on  supjjuse  plus  habiles  que  de  simples  ouvriers. 
—  On  ne  dirait   pas  aujourd'liui  ouvrier  d'un 

Eocle,  comme  Vaugelas  l'a  dit  autrefois  de  Mal- 
erbe.  Ouvrier  et  artisan  se  disent  au  propre 
seuls  et  sans  régime;  mais  au  figure,  ils  s'unis- 
sent éléi;;unment  a  des  noms  avec  la  préposition 
de.  On  "ne  dit  jwint  d'un  cordonnier  qu'il  csl 
l'artisan  d'un  soulier,  ni  d'un  menuisier  cpi'il 
est  l'ouvrier  d'une  porte;  mais  on  dit  d'un 
homme,  pour  le  louer,  qu'il  est  l'artisan  de  sa 
fortune,  qu'il  a  été  l'ouvrier  d'une  révolution. 
Ocviun.  \.  a.  de  la  1'  conj.  A'oyez  Irrégnlier. 
Voici  (juclques  exemples  où  ce  verl)eest  erniiloyé 
dans  des  acceptions  qui  ne  sont  point  indiquées 
par  l'Académie  : 


Uii  antre  loiiobrcux 

Ouvre  une  houohe  immcnit 

(UuLit,.,  Èmid.,  VI,  305.) 

K  des  tounnonts  nouveaiiic  tous  mes  sens  sont  ouvert». 
(Volt.,  Oreste,  acl.  I,  se.  v,  9.) 

Turnus  ouvre  à  pas  Icnls  sa  marclie  solennelle. 

(Delil.,  Éneid.,Xll,  259.) 

Quelque  accès  m'est  ouvert  en  ce  séjour  sacré. 

(Volt.,  Somir.,  act.  I,  se.  i,  108.) 

J'espère  que  du  moins  un  heureux  avenir 
A  vos  faits  immortels  joindra  mon  souvenir; 
Et  qu'un  jour  mon  trépas,  source  de  votre  gloire, 
Ouvrira  le  récit  d'une  si  belle  histoire. 

(RàC,  Jphig.,  act.  V,  se.  H,  43.) 

Ovale.  Adj.  des  deux  génies  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  table  ovale,  une  figure 
ovale,  un  trou  ovale. 

Il  est  aussi  substantif  masculin. 

Autrefois  le  substantif  était  féminin,  et  l'on 
écrivait  comme  aujourd'liui  ovalo ;  mai--  depuis 
qu'on  le  fait  masculin,  on  lui  a  conservé  la  ter- 
minaison féminine.  Voilà  sans  doulc  |);)unpioi  on 
a  conservé  à  l'adjeclif  masculin  la  mèuie  termi- 
naison. On  devrait  écrire  ovul  au  substantif  et  à 
l'adjectif  masculin  :  Un  aval,  un  fruit  aval. 


P. 


P.  Subst.  m.  On  prononce  pe.  C'est  la  seizième 
lettre  de  l'aliihabet,  et  la  douzième  des  consonnes. 

Le  son  propre  de  celte  lettre  est  pe,  comme 
da7is  péril,  pigeon,  pninmude. 

Le  p  iuiiial  conserve  toujours  le  son  qui  lui 
est  propre ,  ïoit  devant  une  voyelle,  soit  devant 
une  consonne,  comme  &ax\?,  peuple,  psaume. 
Cependant  devant  /;,  le  p  initial  a,  comme  nous 
allons  le  voir  ci-après,  une  prononciation  qui  lui 
est  particulière. 

Dans  le  corps  du  mot,  p  conserve  également 
le  son  qui  lui  est  prupre.  On  le  fait  sentir  dans 
ineptie,  inepte,  adaptinn  ,  captieux,  reptile, 
exrmptiiin,  (pioiiiu'on  ne  le  prononce  pas  dans 
exempter;  à'iW'^réde  mpteur ,  rédemptiun, septante, 
septuntième,  septembre,  septennaire,  septennal, 
septentriiin,  septentrional, septuagénaire,  septua- 
gésime,  i\im%  accepter,  excepterai  leurs  dérivés; 
mais  il  est  muet  A;m%  Baptiste ,  compte,  et  ses  dé- 
rivés; Avin^  dompter,  compter  pnmpt  et  ses  dé- 
rivés, et  en  général  dans  presque  tous  les  mots 
où  il  se  trouve  entre  deux  consonnes. 

Le  p  final  se  prononce  dans  Alep,  Gap,  jalap, 
julep,  cap;  il  ne  se  prononce  point  d-iuscamp, 
champ,  drap,  sirop,  quoique  suivi  d'autres  mois 
qui  comnienccnl  par  une  voyelle.  —  Il  ne  se  pro- 
nonce point  à  la  fin  de  certains  mots  où  il  n'est 
conservé  que  pour  l'ètymologic,  comme  dans 
loup ,  corps,  sept,  temps,  ([u'on  prononce  lou, 
cor,  set,  tan.  — Le  p  final  ne  se  prononce  que 
dans  coup,  beaucoup,  trop,  et  seulement  devant 
les  mots  qui  commencent  par  une  voyelle:  //  a 
beaucoup  étudié,  il  est  trop  entêté.  Daiiij  le 
discours  soutenu,  coup  inattendu,  coup  extraor- 
dinaire, se  prononcent  cou-pinuttenda,  cou- 
pextranrdinaire. 

P,  suivi  de  h,  se  prononce  comme  fe  :  Phare, 
philtre,  phosphore,  philosophe,  phrase,  physio- 
liùiJiie,  phalange,  philanthrope  ,  se  prononcent 
fare,  filtre,  filosofe,  etc.  — Quand  le  lo  est  redou- 


blé, on  n'en  prononce  qu'un  :  Apprendre,  frap- 
per, opposer,  etc.,  prononcez  aprendre,  fraper, 
oposer. 

P  en  musique  signifie  piano  ou  doux.  —  P 
dans  le  commerce  signifie /j/vvie^/e.  — C'est  l'ex 
pression  abrégée  du  mot  père.  — P.  II.  signifie 
Port-Iioyal.  Sur  les  gravures,  p/?i.r.,  pour ^/:«j:iï, 
accompagne  le  nom  du  peintre, 

Pacifii-.atel'r.  Subsl.  m.  L'Académie  n'indi(iue 
point  comment  il  faudrait  dire  en  parlant  d'une 
femme.  Il  nous  semble  que  l'analogie  indi([ue 
pacificatrice ,  et  quelques  écrivains  l'ont  em- 
ployé. Voltaire  écrit  à  Callicrine  II  :  f^os  enne- 
mis ne  seront  parvenus  qu'à  faire  graver  sur 
vos  médailles  :  'l'riouiphulrice  de  l'empire  Ot- 
toman, et  pacificatrice  de  laPologne.  {XX" lettre, 
27  mai  1769.) 

Pacifique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Prince  pacifique,  esprit 
pacifique,  humeur  pacifiqtie.  —  Règne  pacifique, 
vie  pacifique.  Voyez  Paisible. 

Pacifique.me^t.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  IL  a  répondu  pacifi- 
quement à  tout  ce  qu'on  lui  a  demandé,  ou  il  a 
pacifiquement  répondu  à  tout  ce  qu'on  lui  a  de- 
mandé. 

Pactiser.  Y.  n.  de  la  4"  conj.  Ce  mot,  qui 
est  un  terme  de  pratique,  a  été  employé  par  J.-J. 
Ilousseau  dans  le  langage  commun  :  Il  [t'-enfint] 
sait  toujours  vous  faire  payer  une  heure  d'appli- 
cation par  huit  jours  de  complaisance  A  chaque 
instant  il  faut  pactiser  avec  lui.  [Roiile,  liv.  IL) 

Pagination.  Subst.  L  Série  de  Munn-ros  dans  un 
livre  on  dans  un  manuscrit.  Ce  m..l  n'est  guère 
usité  que  dans  les  imprimeries  et  dans  les  librai- 
ries :  La  pagination  de  ce  voUiuie  est    fausse. 

Pagnoterie.  Sulist.  L  Ce  mot  est  défini  dans 
les  dictionnaires,  aclioii  de  pagnote,  làdietc,  pol- 
iroimerie.  Voltaire  l'a  employé  dans  le  sens  de 
bévue,  de  balourdise  :    Le  Suisse,  dilril,  jfu» 


520 


PAI 


itaprime  pmir  le  libraire  genevois,  s'est  avisé 
de  mettre  dans  Alzirc  (;ict.  V,  se.  vu,  19)  : 

Le  bonheur  m'aveugla,  l'amour  m'a  détrompé  ; 

au  lieu  de  : 


Le  bonheur  m'aveugla,  la  mort  m'a  délron 


ipe. 


Cette  pagnolerie  fuit  rire  le  parterre,  mais  fait 
enrager  l'auteur. 

Païi.n,  Païknnf..  Adj.  11  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Les  philosophes  païens,  la  religion 
païenne. 

Pair.  Adj.  in.  qui  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  wmihre pair . 

Paipe.  Siilist.  f.  lise  dit  de  deux  choses  qui 
vont  ensemble  |)ar  une  nécessité  d'usage,  comme 
les  bas,  les  sowliers,  les  j;urelières ,  le.s  ganis, 
les  manclietles,  les  boUes,  les  sabols,  les  boufies 
d'oreilles,  les  pislolcls,  etc.  ;  ou  d'une  seule  chose, 
nécossairoment  composée  île  deux  parties  qui 
fout  le  même  service,  comme  des  ciseaux,  des 
lunettes,  des  pincellcs,  des  culottes  etc.  — Une 
couple  et  nue  paire  peuvent  se  dire  aussi  des 
animaux;  mais  la  couple  ne  marque  que  le 
nombre,  et  la  paire  y  ajoute  l'idée  d'une  asso- 
ciation. Un  boucher  dira  qu'il  achètera  une 
couple  de  bœuf~,  parce  qu'il  on  veut  deux;  mais 
un  laboureur  doit  dire  qu'il  en  achètera  une 
paire,  parce  qu'il  veut  les  atteler  à  la  même 
charrue. 

Paisible.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut,  sur- 
tout dans  le  discours  soutenu,  le  mollre  avant 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent  :  Uit  liomme  paisible,  un  ani'nal 
paisible.  —  Des  bois  paisibles,  des  forêts  paisi- 
bles; ces  paisibles  bois,  ces  paisibles  forêts. 
Paisible  se  dit  de  celui  qui  demeure  en  paix; 
pacifirjue,  de  celui  qui  aime  la  p:iix,  qui  la  pro- 
cure, qui  la  maintient.  Voyez  Adjectif. 

PAisiBi-r.MKNT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  joui  paisible- 
ment de  son  revenu;  il  a  paisiblement  joui  de 
son  revenu. 

Paissant,  Paissante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
paître  :  Des  unimau-v  paissants.  Il  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subst. 

Paître.  V.  n.  et  défectueux  de  la  4'  conj.  Il 
se  conjugue  comme  naître,  si  ce  n'est  qu'il  n'a 
ni  passé  simple  de  l'indicatif,  ni  imparfait  du 
subjonctif,  cl  ([u'il  ne  s'empluie  aux  temps  com- 
posés que  dans  cette  phrase  du  discours  familier: 
//  a  pu  et  repu.  —  «On  l'a  pris  en  sens  diffé- 
rents: pour  l'action  de  paître  proprement  dite, 
et  pour  celle  de  conduire  les  troupeaux  qui 
paissent.  Celte  dernière  acception  n'est  pas  fran- 
çaise, mais  elle  est  conforme  à  l'expression  anti- 
que el  naïve  des  ])remières  langues  où  l'on  re- 
trouve cette  identité,  comme  d;ms  le  patois  des 
habitants  presque  nomades  de  nos  grandes  mon- 
tagnes. 0 

Précieuse  faveur  du  dieu  puissant  des  ondes, 
Dont  il  paf(  tes  troupeaux  dans  les  grottes  profondes. 
(Delil.,  Gcorg.,  IV,  431.) 

(Ch.  Nodier,  Examen  crit.  des  Dict.) 

Paix.  Subst.  f.  Féiaud  remaniue  que,  dans  le 
sens  de  lran(|uillité  de  l'àme,  paix  ne  se  joint  pas 
avec  les  adjectifs  possessifs,  el  qu'on  ne  dit  pas 
ma  paix,  sa  paix,  leur  paix,  comme  on  dit  ?na 
tranquillité,  sa  tranquillité,  leur  tranquil- 
lité. 


PAL 

Dclillc  a  dit  {Enéide,  V,  989)  • 

Car  je  n'habite  pas  le  séjour  des  forfaits, 
Mais  le  lerl  Elysée  et  sa  tranquille  poix. 

Je  doute  <iu'on  puisse  dire  habiter  la  paix  d'un 
lieu. 

Palatale.  Adj.  f.  qui  se  <lit  des  consonnes  qui 
sont  j)ioduiles  par  le  niouvoMicnl  de  la  lansue  qui 
va  toucher  au  palais.  D,  T,  L,  N,  R,  sont  des 
consoimes  palatales. 

Pale.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  :  Un  homme  pille,  une  femme 
pâle;  ttîie  lumière  pâle,  une  pâle  lumière  ;  un 
flambeau  pâle,  un  pâle  fla7nbeau.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Pâleur.  Subst.  f.  Il  ne  se  dit  que  des  per- 
sonnes. Quoiqu'on  dise  une  couleur  pâle,  on  ne 
dit  pas  la  ptileur  d'une  couleur.  —  On  dit  la 
pâleur  de  la  mort  : 

La  pâleur  de  la  mort  est  déj.i  sur  son  teint. 

(P.AC,  Pkèd.,  acl.  V,  se.  y,  4.) 

Pâlir.  V.  n.  et  a.  de  la  2'  conj.  L'Académie 
dit  pâlir  de  colère.  Racine  a  dil  dans  Phèdre 
(act.  IV,  se.  VI,  3)  : 

J'ai  pili  du  dessein  qui  vous  a  fait  sortir. 

Il  a  dit  aussi  dans  la  même  pièce  (act.  III, 
se.  1, 12)  : 

. Quand  son  épée  allait  chercher  mon  sein, 

A-t-il  pili  pour  moi? 

Palis.  Subst.  m.  Pieu.  Delille  l'a  employé 
dans  le  style  noble  [Enéide,  IX,  735)  : 

Déj.ï  leur  main  s'apprête  à  combler  les  fossés 
l)e  leurs  polis  aigus  vainement  hérissés. 

Palliatif,  Palliative.  Adj.  On  prononce  les 
deux  /  s;ms  les  mouiller.  11  ne  se  met  (pi'aprcs 
son  subst.  :  Remède,  pcdliatif  cure  palliative. 

Pallii.r.  V.  a.  delà  1'^'  conj.  On  prononce  les 
deux  Z  sans  les  mouiller. 

Pallicm.  Subst.  m.  Mot  latin  qui  a  conservé 
en  français  sa  prononciation  latine.  On  fait  sentir 
les  deux  l  :  Pal-liom. 

PALPAELf:.  Adj.  lies  deux  genres,  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Les  corps  sont  palpables.  — 
Raisonnement  palpable. 

Palpablf..me>t.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe: 
On   lui  a  montré  palpablcmcnt  sa  méprise. 

Palper.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Féraud  dit  que 
ce  mot  est  bas  et  poj)ulaire,  el  qu'il  n'est  bon 
que  pour  le  style  burlesque,  ou  plaisant,  ou  mo- 
(jucur.  Il  est  certain  (pi'il  a  ces  caractères  dans 
l'expression  palper  de  Vargenl;  mais  dans  cette 
phrase,  il  est  détourné  de  sa  véritable  significa- 
tion. Palper  dans  le  sens  de  manier,  toucher 
doucement,  n'est  ni  bas,  ni  populaire,  ni  trivial. 
Buffon  aditr^"/!  général,  les  oiseaux  se  servent 
de  leurs  doigts  beaucoup  plus  que  les  quadru- 
pèdes, soit  pour  saisir,  soit  pour  palper  les 
corps.  [Disc,  sur  la  nat.  des  oiseaux,  t.  XVIII, 
p.  64.) 

Palpitant,  Palpitante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
palpiter.  Il  ne  se  mel  qu'après  son  subst.  :  Les 
entrailles  palpitantes,  des  chairs  palpitantes, 
le  fosur palpitant. 

Palpiter.  V.  n.  de  la  1"  conj.  :  Im  paupière 


PAR 

lui  joalpile.  Mo/i  cœur  palpite,  son  cœur  pal- 
pite 

Ah  !  que  mon  cœur  palpitait  à  sa  vue  ! 

(Volt.,  Enf.  prod.,  acl.  III,  se.  v,  16.) 

*Pajiphlétikr.  Subst.  m.  Mot  nouveau.  Terme 
de  mépris.  Faiseur  de  mauvais  pampldcls  :  Ce 
qui  me  fâche,  c'est  que  le  nom  de  madame  l.hi- 
chûtelet  soit  indignevient  livré  à  la  malignité 
d'vn  pauiphlélier  comme  Desfuntaines.  (Vol- 
taire.) 

Panégïriqlk.  Subst.  m.  Terme  de  belles- 
lettres.  Discours  public  à  la  louange  d'une  per- 
sonne illuslre,  d'une  vertu  sigiialce,  ou  d'une 
grande  action.  11  se  dit  particulièrement  aujour- 
d'hui des  éloges  publics  des  anciens,  et  de  ceux 
de  nos  saints  :  Le  pam'gynque  de  Trajun,  le 
pam'gyriqw'  de  saint  François. 

Les  grands  orateurs  modernes  fondent  leurs 
panégyriques  des  saints,  des  rois,  des  héros,  sur 
une  ou  deux  vertus  |irincipales  auxquelles  ils 
rapportent  conuuc  a  leur  centre  toutes  leurs  au- 
tres vertus,  et  les  circonstances  glorieuses  de 
leur  vie  ou  de  leurs  actions.  D'ailleurs  il  faut 
se  garder  d'entasser  trop  de  faits  dans  un  panégy- 
rique; ils  doivent  èire  comme  fondus  dans  les 
réflexions  et  dans  les  tours  oratoires;  ce  qui  est 
comme  iuqwssible  en  suivant  historiquement 
l'ordre  des  temps. 

Parmi  nos  panégyristes  modernes,  Fléchier  est 
brillant,  ingénieux  ;  lîourdaloue,  moins  orné,  mais 
plus  grave  et  plus  majestueux;  le  caractère  des 
panégyriques  de  MassiUon  est  un  mélange  de  ce 
qui  domine  dans  les  deux  autres. 

Paon.  Subst.  m.  On  prononce ^a«. 

Paonneac.  Sulist.  m.  On  prononcera  h  efl?/. 

Paqde.  Subst.  En  parlant  de  la  fcte  des  Juifs, 
qui  porte  ce  nom,  il  est  féminin  et  prend  l'ar- 
ticle :  La  Pùc/iie  des  Juifs.  En  parlant  de  la 
fête  des  chrétiens  (jui  porte  ce  nom,  Pâque  ou 
Pâques  ne  prend  point  d'article,  et  est  du  genre 
masculin  :  Quand  Pûque  ou  Pâques  sera  passé. 

Pâques  est  féminin  et  pluriel  dans  ces  phrases  : 
Pâques  fleuries,  Pâques  closes,  faire  ses  Pâ- 
ques. 

Par.  Préposition.  On  est  souvent  embarrassé, 
dit  la  Grammaire  des  Grammaires  (p.  598),  sur 
le  choix  que  l'on  doit  faire  des  prépositions  de 
ou  par,  que  régit  ordinairement  le  verbe  passif; 
voici,  pour  se  lixer,  une  règle  qui,  si  elle  n'est 
pas  universelle,  est  du  moins  très-étendue. 

(Juand  le  verbe  cx|)rinie  des  actes  intérieurs 
de  l'àme,  on  emploie  de  :  Un  Jeune  liomme  ver- 
tueux est  estimé  de  tout  le  monde,  même  des 
libertins. 

Mais  si  le  verbe  présente  une  opération  de 
l'esprit,  ou  une  action  du  corps,  on  emploie  la 
préposition  par  :  La  poudre  à  canon  fut  inventée 
par  un  moine,  et  les  bombes  le  furent  par  u?i 
évêque. 

Si  le  verbe  passif,  outre  son  régime,  est  suivi 
de  la  préposition  de  et  d'un  nom,  alors  on  doit 
employer  par  pour  le  régime  du  verbe  passif: 
f^otre  ouvrage  a  été  loué  d'une  manière  fort  dé- 
licate par  vn  célèbre  académicien.  — Kesiaut, 
Wailly  et  Féraud  sont  d'avis  qu'on  ne  doit  ja- 
mais employer  par  avant  le  nom  de  Dieu,  et  alors 
ils  pensent  que  l'on  doit  dire  :  Toutes  nos  ac- 
tions seront  jugée.':  de  Dieu  à  la  résurrection, 
et  non  pas  par  Dieu.  Cette  opinion  a  sûrement 
pour  motif  d'éviter  l'équivoque  du  juron  vul- 
gaire pardieu  avec  les  mots  var  Dieu  ;  quoi  qu'il 


PAR 


S21 


en  soit,  il  nous  semble  qu'il  faut  dire:  Le  ciel, 
la  terre,  l'homme,  la  femme,  ont  été  créés  par 
Dieu,  plutôt  ipie  /(•  (■('('/,  /((  terre,  l'homme,  la 
femme,  ont  été  créés  de  Diiu.  {Grammaire  des 
Grammaires,  p.  599.)  —  Molière  semble  avoir 
voulu  éviter  cette  équivoqiu'  dans  le  passage 
suivant,  où  il  lui  était  facile,  s'il  l'eût  vimlu,  de 
remplacer  de  par  la  préposition  par  {École  des 
rnaris,  act.  I,  se.  ii,  70)  •- 

Sommes-nous  clic7.  les  Turcs,  pour  renfermer  les  femmes? 

Car  on  dit  qu'on  les  tient  esclaves  en  ce  lieu. 

Et  que  c'est  jiour  cela  qu'ils  sont  maudits  de  Dieu. 

Corneille  a  dit  dans  Pompée  (act.  IV,  se.  m, 
d05): 

Faites  çrice,  seigneur,  ou  souffrez  que  j'en  fasse. 
Et  montre  à  tous  par  là  que  j'ai  repris  ma  place. 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ces  vers  :  Jamais,  dans 
la  poésie,  on  ne  doit  employer  pur  ki,  par  ici,  si 
ce  n'est  dans  le  style  comi(iue.  [Remarques  sur 
Corneille.) 

Corneille  a  dit  dans  Cinna  (act.  III,  se.  iv, 
/.3)  : 

Et  prends  vos  intérêts  par  delà  mes  serments. 

Pur  delà  vies  serments,  dit  Voltaire,  est  une 
expression  dont  on  ne  trouve  que  cet  exemple  ; 
et  cet  exemple  me  parait  devoir  mériter  d'être 
suivi.  [Remarques  sur  Corneille.) 

Parce  que,  conjonction.  Il  ne  faut  pas  la  con- 
fondre avec  ces  trois  mots,  par  ce  que;  je  le 
crois,  parce  que  vous  le  dites;  c'est-à-dire,  à 
cause  que  vous  le  dites.  Je  vois  par  ce  que  vous 
m'avez  écrit,  c'est-à-dire  par  les  choses  (lue 
vous  m'avez  écrites,  ^'oyez  Préposition. 

Par  ou  fer.  Particule  prépositive  qui  se  lïiet  au 
commenceiuent  deccrtainsmots.  Elle  est  ainplia- 
tivectmaniucuneidéeaccessoire  de  plénitude  ou 
de  perfection  :/"«?•/((;■/,  entièrement  fait  ;parre/i(r, 
venir  jusqu'au  bout;  persécuter,  suivre  avec 
acharnement;  péroraison,  ce  qui  donne  la  plé- 
nitude entière  a  l'oraison,  etc.  La  particule  latine 
per  avait  la  même  énergie  :  PeHniquus,  très- 
injuste. 

rARABOLiQDE.  Adj .  dcs  dcux  gcurcs,  qui  ne  se 
met  (ju'après  son  subst.  :  Miroir  parabolique, 
ligne  paraholique. 

Pai-.ade.  Subst.  f.  Espèce  de  farce  ordinairement 
préparée  pour  amuser  le  peuple,  et  qui  souvent 
fait  rire  pour  un  moment  la  meilleure  compagnie. 
Ce  si)ectacle  tient  égaleiDcnt  des  anciennes  co- 
médies nommées  platariœ,  composées  de  simples 
dialogues  presque  sans  action,  et  de  celles  dont 
les  personnages  étaient  pris  dans  le  bas  peuple, 
dont  les  scènes  se  passaient  dans  les  cabarets,  et 
qui  pour  cette  raison  furent  nommées  taber- 
nariœ. 

Les  personnages  ordinaires  des  parades  d'au- 
jourd'hui sont  le  bonhomme  Cassandre,  père, 
tuteur,  ou  amant  suranné  d'Isabelle  ;  le  vrai  ca- 
ractère de  la  charmante  Isabelle  est  d  être  éga- 
lement faible,  fausse  et  précieuse  ;  celui  du  beau 
Léandre,  son  amant,  est  d'allier  le  ton  grivois 
d'un  soldat  à  la  fatuité  d'un  petit-mailre.  Un 
Pierrot.,  et  quelquefois  un  Arlequin,  et  un  mou- 
cheur  de  chandelles,  achèvent  de  remplir  tous 
les  rôles  de  la  parade,  dont  le  vrai  ton  est  toujours 
le  plus  bas  comique. 

La  parade  subsistait  encore  sur  le  théâtre  fran- 
çais du  temps  de  la  minorité  de  Louis  XIV; 


522 


PAR 


lorsq.lc  Scarroii,  dans  son  Boman  comique^  fait 
lo  [wrliail  du  vieux  comédien  la  Rancune,  cl  de 
niadeinoisellc  de  la  Caverne,  il  donne  une  idée 
du  jeu  ridicule  des  aclcurs  el  du  Ion  |)i;iteuient 
lic.ul'fou  de  la  plui)arl  des  petites  pièces  de  ce 
temps. 

La  comédie  ayant  enlin  reçu  des  lois  de  la  dé- 
cence et  du  lion"  goùl,  la  parade  ne  fut  pas  ce- 
pendant absolument  anéantie.  Elle  ne  pouvait 
1  être,  parce  qu'elle  porte  un  caracicie  de  vérité, 
et  qu'elle  |>cint  les  mœurs  du  peuple  qui  s'en 
amuse;  elle  fut  seulement  abandonnée  à  la  ])opu- 
lace,  et  reléguée  dan>  les  foires  el  sur  les  théâtres 
des  charlatans,  qui  jouent  souvent  des  scènes 
bouffonnes  pour  attirer  un  plus  grand  nombre 
d'acheteurs.  (Extrait  de  V Encyclopédie.) 

PARADiGJir.  Sulist.m.Terme  de  grammaire.  Il  se 
dit  des  exemples  de  conjugaisons(iui  peuvent  ser- 
vir de  nioiiéles  pour  lesauties  verbes  que  l'usage 
et  l'analogie  ont  soumis  aux  mêmes  variations. 
'^^0}■ez  Cinjugaison. 

Paradoxal,  Pakadoxalh.  Adj.  qui  se  met  après 
son  subst.  :  Opinion  paradoxale^  esprit  para- 
doxal. 

Paradoxe.  Subst.  m.  Autrefois  il  s'employait 
aussi  adjectivement  :  Une  opinion  paradoxe.  Au- 
jourd'hui on  ne  dit  plus  en  ce  sens  que  para- 
doxal. 

Paraître.  Y.  n.  de  la  4'"  conj.  On  prononce 
parêtre. 

L'un  après  l'autre  enGn  se  vont  faire  parattre. 

(Cors.,  Uéracl.,  act.  ïll,  se.  m,  47.) 

Se  vont  faire  paraître,  dit  Voltaire,  est  un 
barbarisme.  On  se  fait  voir,  on  ne  se  fait  point 
paraître.  La  raisun  en  est  évidente:  c'est  qu'on 
parait  soi-même,  el  qu';  ce  sont  les  autres  qui 
viius  voient,  [fiemarrji/cs  stir  Corncillf.)Cç\;\  ne 
doit  s'ciilendre  que  lorsque  le  verbe  esi  joint  au 
pronom  personnel;  car,  dans  le  sensadif,  on  dit 
très-bien  faire  paraître:  Il  a  y  a  sorte  d'estime 
particulière  qu'elle  ne  fasse  paraître /?<)(/?•  votis. 
(Sévigné.)  'Mz\'ii\Vn'S  faire  paraître  ne  peut  régir 
que  des  noms;  et  on  ne  dirait  pas  aujourd'hui, 
comme  a  dit  Bossuet,  sa  fin  nous  a  fait  paraître 
qiie  ce  n'est  pas  pour  ces  ucant<iges,  etc.  Il  fau- 
drait dire,  sa  fin  nous  a  fiit  connaître,  nous  a 
■montré. — Paraître  se  met  queliiuefois  avant 
son  sujet  ;  Tout  à  coupparut  un  homme...  Il  régit 
l'inlinitif  sans  préposition;  on  dit,  vous  me  pa- 
raissez douter  de  ma  sincn'ilé,  ou  il  vie  paraît 
que  vous  doutez  de  ma  sincérité.  Dans  le  sens 
négatif,  il  régit  le  subjonctif:  //  ne  paraît  pas 
que  vous  doutiez  de  sa  sincérité. 

PAP.ALiFsr.  Subst,  f.  Terme  de  rhétorique.  La 
pa7-alip.se  est,  dans  l'art  oratoire,  une  ligure  par 
laquelle  on  feiiii  «le  vouloir  omettre  certains  faits, 
pour  les  détailler  avec  plus  d'assurance  et  plus 
d'éclat.  «  Je  ne  vous  parlent i pas,  mes.sieurs,  de 
ses  injustices  (dit  Cicéron  au  sujet  de  A'errès), 
je  pusse  sous  silence  ses  e.rccs  ;  je  tais  ses  dé- 
baucltcs  ;  je  jette  un  voile  obscur  sur  ses  bruta- 
lités; je  supprime  même  ses  extorsions  depuis 
son  retour  de  Sicile;  je  ne  veux  vous  offrir 
qu'une  peinture  légère  de  ses  moindres  pilla  f/cs.-> 
Cette  ligure  est  assez  naturelle,  et  peut  s'em- 
ployer avec  adresse  en  bonne  et  en  mauvaise 
part. 

Parallèle.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Ligne  parallèle. 

Vaugelas  dit  (ju'au  propre  on  écrit  parallèle. 


PAR 

et  au  figuré  paralelle,  et  il  se  récrie  sur  cette  bi- 
zarrerie. Elle  n'a  plus  lieu  aujourd'hui.  A'oyei 
Langue  française. 

Parali.ï^li;.  Subst.  m.  Le  parallèle  est,  dans 
l'art  oratoire,  la  comparaison  de  deux  hommes 
illustres;  exercice  ai^reable  pour  l'esprit,  qui 
va  et  revient  de  lun  à  l'autre,  qui  compare 
les  trails,  qui  les  couq)te,  et  qui  juge  continuel- 
lement de  la  différence. 

Paraît,  Payante.  .Adj.  verbal  tiré  du  v./7ar<?r. 
Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Une  étoffe  pa- 
rante. 

Pap.asol.  Subst.  m.  D'après  la  règle  générale 
qui  veut  que  le  s  entre  deux  voyelles  soit  pro- 
noncé connue  un  s,  on  devrait  prononcer  pa- 
razol.  ÎNlais  ce  mol  est  considéré  eoninic  com- 
posé des  deux  mots /)«ra  et  sol,  et  dans  cette  vue, 
le  s  de  sol  étant  une  lettre  initiale,  doit  conserver 
sa  prononciation  primitive. 

pARCocRir,.  \.  a.  et  irrég.  de  la  2'  conj.  11  se 
conjugue  comme  courir. 

PARDo^^•ABLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
dit  que  des  ciioses,  et  ne  se  met  (]u'aprês  son 
subst.  :  Une  faute  pardonnable,  une  offense  par- 
donnable. 

Pardonner.  Y.  a.  de  la  1'"  conj.  Il  se  dit,  en 
régime  direct,  des  choses,  et  jamais  des  per- 
sonnes. On  û\{  pardonner  un  crime,  mais  on  ne 
dit  pas pardo/i/icr  un  criminel.  11  faut  iMvc  par- 
donner à  un  criminel.  11  régit  aussi  la  préposi- 
tion de  devant  un  infinitif:  Je  ■  vous  pardonne 
d'avoir  agi  ainsi. 

Pardonner  signifie  proprement  accorder  la 
rémission,  remettre  le  cîiàtiment,  promettre  l'ou- 
bli d'une  faute.  Celte  siguificalion  sujjpose  tou- 
jours un  délii,  une  offense  ei  une  peine  encou- 
rue par  uncoupable.  .Ainsi  l'on  doit  d'wc pardonner 
une  offense,  une  injure,  une  insulte.  C'est  ce  que 
les  Latins  appelaient  ignoscere.  On  dit  dans  le 
monic  sens,  on  ne  lui  pardonne  pas  ses  talents, 
son  mérite,  sa  supériorité,  parce  ijuc  dans  ces 
phrases,  les  talents,  le  mérite,  la  supériorité,  sont 
regardés  comme  des  offenses  qui  blessent  l'amour- 
propre. 

Mais/;a»(io/ine»-sedit  aussi  de  plusieurs  choses 
qui  n'offensent  personne,  (jui  ne  blessent  l'amour- 
proprc  de  personne,  qui  ne  méritent  aucun  chàti- 
mciil,  aucun  ressentiment;  Aan, pardonner  n'ex- 
priine  pas  précisément  une  rémission  tie  peine  qui 
tombe  sur  celui  (]ui  a  coinnus  la  faute,  mais  une 
indulgence  qui  a  jiour  olijet  la  faute  même,  parce 
(lu'elle  a  été  commise  sans  mauvaise  intention, 
par  inadverlanee,  par  oubli,  par  faiblesse  hu- 
maine, ou  i)ar  une  espèce  d'impossibilité  de  faire 
autrement.  Alors  le  pardon,  ou  plutôt  l'indul- 
gence, tombe,  non  sur  la  personne,  mais  sur  la 
chose  même,  et  pour  marquer  ce  but  on  dira, 
en  parhmt  <lc  la  chose,  pard^mner  ci.  Ainsi  on 
dira  avec  Voliaiic  :  On  doit  |tardoimer  à  ces  pe- 
tites fautes,  inséparables  d'un  art  dans  lequel 
on  éprouve  autant  d'obstacles  qu'on  fait  de 
pas.  — //  se  trouvera  en  France  des  âmes  nobles 
et  éclairées  qui  sauront  rendre  justice  aux  ta- 
lents, c/î/i  pardonneront  aux  fautes  inséparables 
de  l'humanité ,  qui  encuuragcront  les  beaux- 
arts.  {Épitre  dédicatoirc  des  Lois  de  Minos.) 
Pardonnez  à  cette  petite  digression  un  peu  aigre- 
lette. [Lettre  412",  au  comte  d'Argenlal,  2  fé- 
vrier 171^1.)  Ce  Tuncrèdc  est,  dit-on,  rejoué 
et  reçu  avec  quelque  indidjence,  cmnme  tine 
pièce  il  laquelle  vos  bons  conseils  ont  ôlé  quel- 
ques défauts  ;  et  l'on  pardonne  a  ceux  qui  res- 
tent. [Lettre  d33<=,  au  comte  d'Argental,  Il  a^Til 


PAR 

1761.)  Je  vie  fluiie  que  vous  avez  parannnc  n 
mon  embarras. 

On  dira  avec  Fénclon  {Tr/ém.,  liv.  I,  t.  i, 
p.  7())  :  Pardonitt'z  à  ma  iloulctir!  C'est  ce  qiio 
les  I  aiins  expriniaicnl  par  indulgcre.  le  pardon 
ne  pcui  tumber  (pie  sur  la  cause  de  la  fauie.  On 
pardonne  à  une  personne,  lnrscjuc  cette  i)crsunne 
est  la  cause  nionif'  de  la  faute,  lorsipiVlJi»  l'a 
commise  avec  inientioii,  et  (jue  par  là  elle  ^'cst 
mise  d.ins  le  cas  d'une  peine,  li'un  re|)roclie,  ou 
de  quelque  diose  de  semblable.  Mais  on  par- 
donne à  vue  fini  te,  \ov?.(\\ic  cçWc  l'aule  n'a  point 
sa  source  dans  l'intention  de  la  personne;  et 
cette  dernière  expression  est  analogue  à  la  pre- 
mière. On  pardonne  à  vn  hotnine  viie  fiivte 
qu'il  a  commise  ;  on  pardonne  à  l'oubli,  à  la 
faiblesse,  à  Cètat  de  quelqu'un. 

Parkil,  Pareille.  Adj.  On  mouille  le  l  final  au 
masculin,  et  les  doux  /  au  l'cminin.  11  se  met 
après  son  subst.  :  Deux  choses  pareilles. 

Parkiilkmem.  Adv.  On  mouille  les  doux  l. 

PARE.NTiii'.sE.  Subst.  f.  On  appelle  ainsi  une 
{igure  rorméc  de  celte  manière  (  ),  et  qui  s'em- 
ploie pour  clore  vuie  pliraso  formant  un  sens 
distinct  et  sèi)aré  de  celui  de  la  iièriodc  où  elle 
est  insérée.  11  vient  à  moi  {observez  bien  ceci), 
dans  le  dessein  de  me  maltraiter.  Observez  bien 
ceci  est  en  parenthèse.  C'est  un  défaut  dans  le 
style  que  les  parenthèses  tro[)  fré(iucntes  et  trop 
longues.  Elles  einl)arrassent  et  obscurcissent  le 
discours,  et  le  rendent  lâche  et  traînant. 

Parer.  V.  a.  de  la  '1"  conj.  Racine  a  dit  dans 
Bajazet  (act.  Il,  se.  v,  3)  : 

!\icn  ne  m'a  pu  parer  contre  ses  derniers  coups. 

La  Harpe  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  On  dit  parer 
des  coups  et  se  garantir  des  coups.  Parer  ne 
peut  s'appliciueraux  personnes  que  comme  verbe 
pronominal,  suivi  de  la  particule  de  :  Se  parer 
des  embijches  de  l'ennemi,  se  parer  du  soleil; 
mais  on  ne  pourrait  pas  dire  se  parer  contre  l'en- 
nemi. 

Paresse.  Ce  mot  n'a  pas  de  pluriel.  Subst.  f. 
L'Académie  ne  le  dit  que  des  personnes.  En 
poésie,  on  le  dit  aussi  des  choses  : 

...  Après  lui,  Cloanllic  fend  les  (lots; 

Ses  rameurs  seul  plti*  forls;  mais  l'art  des  matelots 

De  son  vaisseau  pesant  accuse  la  paresse. 

(Delil.,  ÉnHd.,  V,  209.) 

Paressetjx,  Paresseuse.  Adj.  11  ne  se  met  or- 
dinairement qu'après  son  subst.  :  Un  homme 
paresseux,  une  femme  paresseuse. 

On  dit  paresseux  à  lorsipje  l'action  dont  il  est 
question  est  un  but  tpi'il  s'agit  d'atteindre  :  Il  est 
paresseux  à  servir,  il  est  paresseux  à  remplir 
ses  devoirs.  On  emploie  de  lorsqu  il  s'agit  d'une 
détermination  intérieure  :  //  est  paresseux  d'é- 
crire. 

Vos  froids  rai?onncmenls  ne  feront  qu'attiédir 
Un  spectateur  toujours  paresseux  d'applaudir. 

[A.  P.,  III,  ?1.) 

Quoique  mo7i  fils  ne  soit  pas  paresseux  d'écrire. 
Je  nai  jamais  de  lettre  comme  les  autres.  (Sé- 
vigné.)  Je  sui.v  que  vous  êtes  un  peu  paresseux 
d'écrire;  mais  vous  ne  Vêles  ni  de  penser  ni  de 
rendre  service.  (Voltaire.) 

PAnFAip.i:.  V.  a.  et  défectueux  de  la  A""  conj. 
Il  n'est  usiléqu'à  rinnnitif,/)«r/<'/ïr,cl  au  })arti- 
cioe  oassé,  parfait,  et  prend  l'auxiliaire  avoir. 


PAR 


525 


rARFAiT,  Parfaite.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  stibst.,  lorsque  l'harmonie  et  l'analogie 
le  permettent  :  Une  beauté  par  frite,  urte  parfaite 
lienulé  ;  un  parfait  accord,  un  parfait  courtisan. 
^'||ycz  Adjectif. 

Parfait  honnête  homme,  ("cite  loculion  est 
dans  la  bouche  de  tout  le  monde.  Cependant  il  y 
;i  beaucoup  de  grammairiens  (jui  pensent  qu'elle 
est  incorrecte,  parce  ipie,  disent-ils,  deux  adjectifs 
ne  doivent  pas  être  joints  à  un  nom  sans  con- 
jonction, et  que  parfait  cXlwnnête,  i|ui  précèdent 
le  mot  Itomme,  présentent  cette  faute.  —  Les 
grammairiens  se  tionipent.  Ici  le  mot  honnête 
n'est  pas  précisément  un  adjectif,  c'est  un  mot 
joint  au  mot  homme,  pour  n'exprimer  avec  lui 
qu'un  seul  substantif.  Il  n'y  a  donc  réellement 
qu'un  adjectif  Voltaire  a  dit  [Éducation  d'un 
prince,  v.  33)  :  Ce  pauvre  honnête  homme  ;  Colar- 
deau  (Perfidies  à  la  7node,itcl.  \,  se.  ix,  101)  :  Ce 
sérère  honnête  homme.  Kaeine,dans  une  lettre  à 
son  lils  [la  Sfi'  du  recueil,  21  jiiillel)  :  Je  veuxvie 
flatter  que  faisantvotre  possible  pour  devenir  un 
|);iifait  honnête  homme,  voks  concevrez  qu'on  ne 
peut  l'être  sans  rendre  à  Dieu  ce  qu'on  lui 
doit. 

Faire  une  chose  au  parfait,  est  une  expression 
qui  s'est  introduite  dans  la  langue  par  abus. 
^ Oyez  Langue  française. 

Parfait  est  un  mol  absolu.  Il  rejette  toute 
modification  en  plus  ou  en  moins.  On  ne  i)eui 
dire  ni/i/(/5  parfait,  ni  moins  parfait. 

Parfait.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire 
Voyez  2\inps. 

Paf,i^\iti:jif,nt.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  lia  fait 
parfaitement  sa  commission,  il  a  parfaitemenr 
bien  fait  sa  commission. 

Parier.  Y.  a.  de  la  1"  conj.  Quand  ce  verbe 
est  employé  sans  négation,  il  faut  mettre  à  l'in- 
dicatif la  phrase  qui  lui  est  subordonnée  :  Je  parie 
qu'il  a  dit  cela  ;  il  faut  au  contraire  la  mellre  au 
subjonctif  quand  il  est  accompagné  d'une  né- 
gatiiiii  :  Je  ne  parie  pas  qu'il  ait  dit  cela. 

I'arlace.  Subst.  m.  qui  n'est  pas  fort  ancien 
dans  la  langue.  C'est  une  expression  familière 
dont  on  se  sert  quelquefois  pour  désigner  une 
abondance  de  paroles  inutiles  ou  dépourvues  de 
sens  :  A  quoi  bon  tout  ce  parlage^  —  11  se  dit 
aussi  des  discours  apprêtés  (juc  l'on  lient  dans  le 
dessein  de  tromper  :  Se  laisser  surprendre  au 
pjirlage  d'un  fiurbe. 

Paislanï,  Parlante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
parler.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
portrait  parlant,  une  tête  parlante. 

Parléi;.  Adj.  f.  Il  ne  se  dit  (ju'avec  langue. 
On  dislingue  la  lanrjue  parlée  de  la  langue 
écrite. 

PARLEH.V.n.  et  quelquefois  actif  delà  l^^conj. 
Ce  mot  s'emploie  figurémeiildansun  grand  nombre 
de  cas.  L'Académie  dit,  les  yeux,  le  risage  d'une 
personne,  parlent  ;  son  silence  parle  ;son  mérite, 
ses  services  parlent  ;  les  murailles  parlent. 
Voici  d'autres  exemitles  qui  ne  sonl  pas  moins 
utiles  que  ceux  de  l'Académie  : 

Calclias  qui  l'attend  en  ces  lieux, 
Fera  taire  nos  pleurs,  fera  parler  les  dieux. 

(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  i,  135.) 

L'honneur  rorîf,  il  suffit,  ce  sonl  là  nos  oracles. 

[Idem,  act.  I,  se.  il,  98.) 

Est-ce  donc  votre  cœnr  qui  vient  de  ziofis  parler? 
[Jdem,  act.  .,  se,  m,  8.) 


au 


TAR 


Vctr;  Ironl  le  à  MaUian  n'a-l-il  poinl  trop  parle  ? 
(lUc,  Àth.,  ad.  m,  se.  Ti,  6.) 

L'humanité  vous  parle  ain^i  que  votre  père. 

(VoLT.,il».,act.  I,  se.  1,  109.) 

L'iudulgente  vertu  parle  par  votre  bouche. 

{Idtm,  art.  I,  ^c.  l,  13S.) 

Ce  faog  prit  à  couler  parle  à  ses  sens  surpris. 

(Volt.,  Orette,  act.  Y,  se.  ii,  14.) 

Au  conseil  assemble 
L'cJiiril  de  Mahomet  par  ma  bouche  a  parlé. 

(Volt.,  iîahom.,  act.  Il,  se.  il,  3.) 

Tu  hii  paries  du  cœur,  lu  la  cherches  des  yeux.. 

(Rac,  Àndrom.,  act.  lY,  se.  v,  103.) 

Mais,  soit  qu'un  vieux  respect  pour  le  sang  de  leurs  maîtres 
Parlât  encor  pour  moi  dans  le  cœur  de  ces  traîtres. 
(Volt.,  Hcnr.,  II,  33S.) 

A  quel  dessein  veut-il  parler  à  moi? 

\CoR>'.,  Héract.,  act.  XI,  se.  IV,  3.) 

Vollairc  a  dil  au  sujet  de  ce  dernier  vers,  parler 
à  moi  ne  se  dil  point.  11  faut,  jne  parler.  On 
peut  dire,  en  reproche,  parlez  à  moi,  oubliez- 
vnus  que  vous  parles  à  moi?  [Remarques  sur 
Corneille.) 

Parler  mal  et  mal  parler  ne  sont  pas  syno- 
nymes. Le  second  loml)e  sur  les  choses  que  l'on 
dit,  et  le  premier  sur  la  manière  de  les  dire. 
Ck;Iui-ci  est  contre  la  grammaire,  el  l'autre  contre 
la  morale.  Il  ne  faut  ni  7iuil  parler  des  absents, 
ni  parler  mal  devant  les  savants.  —  Au  reste, 
cette  distinction  n'a  lieu  ([u'à  l'infinitif  et  dans  les 
temps  composés  du  verbe  parler.  On  ne  dirait 
pas,  il  mal  parle,  il  mal  parlait.  Il  faudrait 
prendre  un  autre  tour,  et  dire,  par  exemple,  il 
ose  mal  parler,  il  se  donnait  la  lihertc  de  tuai 
parler,  clc.  (lioauzée.)  Ajoutons  (juc  parler  mal 
peut  se  dire  dans  les  temps  simples,  ;K)ur  mal 
parler.  Il  parle  mal  de  tout  le  monde.  ^lais  ce 
qui  ôte  l'équivoque,  c'est  que  quand  il  est  ques- 
tion de  langage,jDaj7er  ma^s'emploiesansrégime; 
et  quand  ils'agii  de  censure  et  de  médisance,  iî 
régit  la  préposition  de  :  Cet  homme  parle  mal,  il 
parle  mal  de  vous. 

Trouver  à  qui  parler,  et  trouver  avec  gui  par- 
ler, ont  aussi  des  significations  différentes.  Le 
premier  signifie  que  nous  trouvons  des  gens  qui 
nous  répondent,  qui  nous  rabattent  le  cacjuet  ;  le 
second,  qu'un  trouve  des  gens  avec  qui  l'on  peut 
s'cnlreienir.  Le  premier  se  prend  plutôt  en  mal 
qu'en  bien. 

—  On  dit  généralement  parlant,  et  à  parler 
généralement.  Le  premier  est  plus  usité  et  se  met 
ordinairement  a  la  tète  de  la  phrase.  —  Faire 
parler  de  soi,  se  prend  ordinairement  en  mau- 
vaise part  :  C'est  un  malheur  pour  une  femme 
de  faire  parler  d'elle. 

Parleub.  Subst.  m.  Kn  parlant  d'une  femme, 
on  dil  parleuse.  Voltaire  dit  en  \hrhnld' y4rmide, 
dans  l'opéra  de  Quinault  (jui  porie  ce  nom. 
Vautour  parle  en  elle,  et  elle  n'est  point  parleuse. 
[liciiiarques  sur  Corneille.)  Il  veut  dire  par  la 
que,  quand  la  passion  domine  en  elle,  elle  ne 
disseric  pas  sur  l'amour,  elle  ne  débile  pas  des 
lieux  communs,  elle  ne  clierche  point  à  discuter 
la  difficulté  de  vaincre  celte  passion,  à  prouver 
que  l'amour  triomphe  des  cœurs  les  plus  durs. 

On  appelle  grand  parleur,  un  homme  qui  parle 
trop,  qui  parle  souvent  mal  à  propos,  ([ui  parle 
en  l'air,  qui  parle  pour  parler.  On  ne  dit  pas  d'un 


PAR 

homme  qui  ne  dit  rien  que  île  sensé  ,  qui  ne  dit 
rien  d'inutile,  iju'il  est  un  grand  parleur,  quoi- 
qu'il jKU-le  beaucoiq»;  on  ne  le  dirait  pas  même 
d'un  homme  qui,  dans  une  on  deux  rencontres, 
aurait  tenu  do  longs  discours  contre  sa  coutume, 
et  se  serait  trouvé  en  humeur  de  parler  plus  qu'à 
l'ordinaire.  Grand  parleur  marque  une  habitude, 
et  il  ne  faut  pas  s'en  servir  dans  les  cas  où  il 
n'est  (luesiion  (]uc  d'un  aclc.  —  On  n'exhorte 
guère  les  gens  à  n'être  pas  grands  parleurs  ;  on 
les  exhorte  à  ]);ulor  pou  ;  du  moins  on  ne  dil 
ordinairement  grand  parleur  que  pour  mar- 
quer un  homme  qui  est  sujet  à  parler  beaucoup. 

'*PAi;Lii':RE.  Adj.  f.  Mot  nouveau  digne  d'être 
adopté:  Donnez-nous  2-ile  votre  œuvre  des  six 
jours  ;  vos  pièces  seules  anl  du  mouvement  et  ac 
l'intérêt,  et,  ce  qui  vaut  mieux  que  cela,  de  la 
philosophie,  non  pas  de  la  philosophie  froide  et 
parliére,  7nais  de  la  philosophie  en  action.  CVol- 
taire.) 

Parmi.  Préposition.  Corneille  a  dit  dans  Po- 
lyevcte  (acl.  I,  se.  m,  69)  : 

Parmi  ce  grand  amour  que  j'avais  pour  Sévère, 
J'attendais  un  époux  de  la  main  de  mon  père. 

Parmi  ce  grand  amour,  dit  Voltaire,  est  un 
solécisme.  Parmi  demande  toujours  un  pluriel, 
ou  un  nom  collectif.  [Remarques  sur  Corneille.) 
D'après  cela,  il  y  a  aussi  un  solécisme  dans  ce 
vers  de  Racine  [Britannicus,  act.  II,  se.  vi,  3)  : 

Mais  parmi  ce  plaisir  quel  chagrin  me  dévore  ? 

Mais  on  peut  dire  parmi  le  peuple,  vous  avez 
mis  du  faux  argent  parmi  de  l'or  (ici  argent 
signifie  7nonnaie);  parce  que  dans  ces  phrases 
parmi  est  suivi  d'une  expression  collective. 

Cependant,  on  ne  saurait  blâmer  l'emploi  de 
cette  expression  dans  les  vers  suivants  : 

Que  crois-tu  qu'Alexandre,  en  ravageant  la  terre, 
Cherche  parmi  l'horreur,  le  tumulte  et  la  guerre? 
(BoiL.,  Èpttrey,  45.) 

Parmi  ce  bruit  confus  de  plaintes,  de  clameurs, 
Henri,  vous  répandiez  de  véritables  pleurs  ; 

(Volt.,  «enr.,  V,  342.) 

Il  y  porta  la  flamme,  et  parmi  le  carnage. 
Parmi  les  trails,  le  feu,  le  trouble,  le  pillage . . . 

(Volt.,  Mér.,  act.  III,  se.  v,  33.1 

parce  que  luut  ce  qui  donne  une  idée  de  confu- 
sion, donne  aussi  une  idée  de  muliitude. 

Quoique  parmi  demande  lonjours  un  pluriel, 
on  ne  peut  pas  dire  parmi  deux  hommes,  parmi 
trois  hommes;  il  faut  que  le  nombre  soit  indéfini, 
ou  du  moins  qu'il  présente  l'idée  d'une  multitude, 
dont  les  individus  ne  peuvent  pas  se  présenter 
en  même  temps  individuellement  à  l'esprit.  Par- 
iai cent  personnes,  vous  iCeii  trouverez  pas  une 
qui. . . 

Autrefois  on  employait  joarm/  comme  adverbe, 
et  alors  on  ne  lui  donnait  point  de  régime. 
La  Fontaine  a  dit  (liv.  VIII,  fable  x,  17)  : 

Ces  deux  emplois  sont  beaux,  mais  je  voudrais  parmi 
Quelque  doux  et  discret  ami. 

Aujourd'hui  il  n'est  plus  usité  en  ce  sens. 

Parodie.  Subst.  f.  Terme  de  liiléralure.  11  se 
dit  proprement  d'une  plaisanierie  poétique  qui 
consiste  à  appliquer  certains  vers  d'un  sujet  à 
un  autre,  pour  tourner  ce  dernier  en  ridicule, 
ou  à  travestir  le  sérieux  en  burlesque,  en  affeo- 


PAR 

tant  de  conserver  amant  qu'il  est  possible  les 
mêmes  rimes,  les  mémos  mois  et  les  mornes  ca- 
dences. Le  changement  d'un  seul  mot  suffit  pour 
parodier  un  vers.  Ainsi  Corneille  fait  dire  dans 
le  CiJ,  à  un  de  ses  personnages  (act.  I,  se. 
VI,  7;  : 

Pour  grands  que  soient  les  rois,  ils  sont  ce  que  nous  sommes, 
Ils  peuvent  se  tromper  comme  les  autres  hommes. 

Un  très-petit  changement  a  fait  de  ces  deux 
vers  une  maxime  leçue  dans  tout  l'empire  des 
lettres  : 

Pour  grands  que  soient  les  rois,  ils  sont  ce  que  nous  sommes. 
Et  se  trompent  en  vers  comme  les  autres  hommes. 

On  appelle  aussi  parodie,  l'application  toute 
simple,  mais  maligne,  de  queliiues  vers  connus, 
ou  d'une  partie  de  ces  vers,  sans  y  rien  changer. 
—  Lne  autre  espèce  de  parodie  consiste  à  faire 
des  vers  dans  le  goiit  et  dans  le  slyle  de  certains 
auteurs  peu  approuvés.  Tels  sont,  dans  notre 
langue,  ceux  où  Boileau  a  imité  la  dureté  des 
vers  de  la  Pucelle  (XI V=  épit/ramme): 

Maudit  soit  l'auteur  dur  dont  l'âpre  et  rude  verve, 
Son  cerveau  tenaillant,  rima  malgré  Minerve, 
Et  de  son  lourd  marteau  martelant  le  bon  sens, 
X  fait  de  méchants  vers  douze  fois  douze  cents  ! 

Enfin,  la  principale  espèce  de  parodie  est  un 
ouvrage  en  vers  composé  sur  une  pièce  entière, 
ou  sur  une  partie  considérable  d'une  pièce  de 
poésie  connue,  qu'on  détourne  à  un  autre  sujet 
et  à  un  autre  sens,  par  le  changement  de  quelques 
expressions. 

On  appelle  parmi  nous  parodie,  une  imitation 
ridicule  d'un  ouvrage  sérieux;  et  le  moyen  le 
plus  commup  que  le  parodisle  y  emploie,  est  de 
substituer  une  action  triviale  à  une  action  hé- 
roïque. Les  sots  prennent  une  parodie  pour  une 
critique  ;  mais  la  parodie  peut  être  plais;nile,  et 
la  critique  très-mauvaise.  Souvent  le  sublime  et 
le  ridicule  se  touchent;  plus  sou  vent  encre,  pour 
faire  rire,  il  suffit  d'appliquer  le  langage  sérieux 
et  noble  à  un  sujet  ridicule  et  bas.  La  parodie 
de  (juclques  scènes  du  (}id  n'empêche  [loint  que 
ces  scènes  ne  soient  irùs-bellcs;  et  les  mêmes 
choses  dites  sur  la  perruque  de  Chapelain  et  sur 
l'honneur  de  don  Dièsçue,  peuvent  élre  risibics 
dans  la  bouche  d'un  vieux  rimeur,  (luoiijue  très- 
nobles  et  trcs-loucli;mtos  dans  la  bouche  d'un 
guerrier  vénérable  et  morlcUement  offensé.  Bime 
ou  crève,  à  la  place  de  meurs  ou  iue,  est  le 
sublime  de  la  parodie,  et  le  mot  de  don  Diègue 
n'en  est  pas  moins  terrible  dans  la  situation  du 
Cid. 

Tnc  excellente  parodie  serait  celle  qui  por- 
terait avec  elle  une  saine  critique  comme  l'élo- 
quence de  Petit-Jean  et  de  L'Intimé  dans  les 
Plaideurs.  Alors  on  ne  demanderait  pas  si  la 
parodie  est  utile  ou  nuisible  au  goût  d'une  nation. 
Mais  celli-  qui  ne  fait  (pie  travestir  les  beautés 
sérieuses  d'un  ouvrage,  dispose  et  accoutume 
les  esprits  à  plaisanter  de  tout,  ce  qui  fait  pis  que 
de  les  rendre  faux. 

La  parodie  et  le  burlesque  sont  des  genres 
irès-dilTérenls,  et  le  F'irgile  travesti  do  Scarron 
l'.'est  rien  moins  <iu'ui;e  parodie  àeVEncide.  La 
hoane  parodie  est  une  [)l;iisanleric  fine,  capable 
d'amuser  et  d'instruire  les  esprits  les  plus  sensés 
cl  ios  plus  pulis;  le  burlesque  csl  une  btuffon- 
licrie  misérable  qui  ne  peut  plaire  qu'à  la  popu- 


PAR 


sas 


lace.  (Extrait  de  Marmontel  et  àes  Mémoires  de 
V .-icadémif.  des  Belles- Lettres.) 

PAnoissiAL,  Paroissiaie.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Église  paroissiale,  viesse 
paroissiale. 

Part.  Snbst.  f.  le  t  final  no  se  prononce  jamais. 
—  Selon  Férauil,  on  dit  indilféremmenl  fie  toute 
part,  et  de  toutes  parts;  le  premier  est  le  meil- 
leur. L'Académie  dit  de  toutes  parts  et  de 
toute  part.  Nous  pensons  quci/e  toutes  parts  c^K 
j)référable,car  cela  veut  dire  do  tous  les  endroits, 
de  tous  les  côtés. 

Et  quand  de  toute»  parts  assemblés  en  ces  lieux. 

(Uac,  Iphig.,  act.  I,  se.  m,  35.) 

A  part.  Façon  de  parler  adverbiale  qui  se  ir.et 
ordinairement  ajjrésle  verbe:  Mettre  à  part;  et 
quelquefois  après  un  substantif  : /'reVeH/ion  à 
part,  raillerie  à  part. 

On  dit  fainiliôremenl,  à  part  moi,  à  part  soi. 
à  part  vous  ;  mais  on  ne  dit  pas,  à  part  eux,  a 
part  elles. 

On  disait  autrefois  part  au  lieu  de  partie: 


Une  si  belle  part  d'une 


belle  nuit. 

(Corneille. 


Une  part  de  mes  chiens  se  sépare  Je  l'autre. 

On  le  disait  aussi  pour  côté  :  Des  deux  parts, 
des  deux  côtés. 

Et  combien  des  dcuac  parts  l'amour  et  la  fureur 
Etaleront  ici  de  spectacles  d'horreur! 

(Corneille.) 

Partager.  V.  a.  de  la  !'°  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  un  /;  et 
pour  lui  conserver  cette  prononciation,  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
avant  cet  a  ou  cet  o  :  Je  partageais,  partageons, 
et  non  pas,  je partagais,  partagons. 

On  dit  partager  avec,  quand  on  retient  pour 
soi  une  partie  des  choses  que  l'on  partage;  et 
partager  entre,  quand  on  ne  retient  rien  :  Il 
partageait  son  bien  avec  les  pauvres,  et  n'en 
reservait  qu'une  très-petite  partie.  Il  vendit 
tous  ses  biens  et  les  partagea  entre  les  pauvres. 

Voltaire  a  dit  dans  la  Hcnriade  (IV,  144)  : 

Cent  desseins  portajeaicnf  son  âme  irrésolue. 

EtDelille(^«eVi.,VI,81J): 

Ne  me  demandez  pas  les  peines  innombrables 
Que  partage  le  ciel  à  tous  ces  misérables. 

Parti.  Subst.  m.  Prendre  parti,  et  prendre 
son  parti,  ont  des  sens  différents.  Le  premier 
signifie  se  déclarer  dans  une  querelle  pour  l'un 
ou  l'autre  para'  ;  le  second  veut  dire  prendre  une 
résolution  : 

Et  sans  compter  sur  moi  prenez  votre  parti. 

'Rac,  Baj.,  act.  II,  se.  m,  S.) 

Cette  expression,  prenez  votre  parti,  est  Irop 
familière  pour  le  style  noble.  Voyez  Faction. 

Partial,  Partiale.  Adj.  11  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  juge  partial,  un  historien  par- 
tial —  Le  pluriel  partiaux  est  inusité.  (Acad. 
1S35.) 

Partiale-ment.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
Il  s'est  conduit  partialement  dans  cette  affaire, 
et  non  pas,  il  s'est  partialement  conduit. 


S26 


PAR 


Paf.tic'pant,  Participame.  Adj.  verbal  lire  du 
V.  parliciper  :  Il  en  est  participant.  Ou  ne  le  met 
<ju';i])rL'S  son  subst. 

P.niTiciPE.  Nous  avons  dit  (voyez  f^erbe)  que 
les  verbes  adjectifs  soiil  des  expressions  iihregces, 
'l'^uivideiites  à  deux  éléinciils  du  discours,  à  un 
adjectif,  et  au  verbe  être,  ^imercsl  l'équivalent 
ii'ctre  uiiuant  ;  lire,  d'être  lisant.  Or,  cet  adjeclif, 
séparé  du  verbe  être,  reprend  sa  fonction  pre- 
mière d'adjectif;  mais  il  n'exprime  pas  exacte- 
ment de  la  morne  manière  que  les  autres  adjectifs, 
qui  ne  peuvent  pas  entrer  dans  la  composition 
des  verbes;  il  conserve  un  rapport  à  ces  verbes; 
ce  qui  lui  a  fait  donuor  le  nom  de  participe. 

Le  participe  est  un  mol  (|ui  participe  de  la 
nature  du  verbe  et  de  celle  de  l'adjectif  ou  du 
substantif. 

On  distinpiue  deux  sortes  de  participes  ;  le 
participe  présent,  qui  est  l'adjectif  résultant  de 
la  décomposition  d'un  verbe  adjectif,  et  le  par- 
ticipe passé,  qui  est  celui  qui  sert  avec  les  verbes 
auxiliaires  à  former  les  temps  composésdes  verbes. 
Lorsque,  décomposant  le  verbe  adjectif  aimer,  je 
dis  <?<;•«  aimant,  aimant  est  \e  participe  présent 
du  verbe  aimer;  et  quand  je  àh,  fui  aimé,  je 
suis  ve7iti,  aimé  et  venu  sont  \&S participes  passés 
des  verbes  aimer  et  venir. 

Du  participe  présent.  — Les  participes  pré- 
sents se  Icrminent  tous  en  ant.  Ils  sont  distingués 
des  adjectifs  simples,  en  ce  qu'ils  ont  à  un  verbe 
un  rapport  (pie  ces  derniers  n'ont  |)as.  Bon  est 
un  adjectif  simple,  parce  qu'il  ne  peut  i)as  entrer 
dans  la  comp'jsitiou  d'un  verbe  adjectif;  mar- 
cha tit ,  jouant,  sont  des  participes  présents, 
parce  qu'ils  entrent  dans  la  composition  des 
verbes  marcher,  jouer,  et  qu'ils  participent  de 
la  nature  du  verbe  et  de  celle  de  l'adjectif. 
Quand  je  dis  j'at  vu  un  homme  marchant,  mar- 
chant est  un  adjectif  qui  modifie  le  substantif 
homme  ;  mais  cet  adjectif  tient  aussi  delà  nature 
du  verbe,  puisqu'il  modifie  le  substantif  avec  uu 
■apport  de  simultanéité  à  une  époijuc  (lueh-on- 
que,  et  qu'il  peut  avoir  aussi  d'autres  proprii'lés 
du  verbe,  comme  dans  cette  phrase,  une  femme 
caressant  son  enfant,  où  l'on  voit  que  le  par- 
ticipe caressant  a  un  réçinfc  dire<t,  de  même 
que  le  verbe  d'où  il  est  tiré,  létjime  que  ne  peut 
jamais  avoir  un  adjectif  ^m/j/». 

Anciennement ,  les  participes  présents  pre- 
naient, comme  les  adjectifs  simples,  les  formes 
du  genre  et  du  nombre  des  substantifs  qu'ils 
modifiaient,  et  l'on  écrivait,  une  femme  cares- 
sante son  enfant,  îles  satyres  portants  m«  panier 
de  fleurs.  Aujourd'hui  ces  participes  sonl  inva- 
riables,  cl  conservent  toujours  la  forme  du  mas- 
culin et  du  singulier  :  Une  femme  caressant 
son  enfant,  des  satyres  portant  un  panier  de 
fleurs. 

Quelquefois  les  participes  présents  sont  dé- 
pouillés de  tout  rapport  avec  le  verbe,  et  ne  sont 
employés  qu'a  sii,'nifier  une  (lualité,  une  situation, 
un  état  du  substantif,  abstraction  faite  de  tout 
rapjKjrt  aux  temps  et  aux  autres  propriétés  du 
verbe.  Par  exenq>le,  dans  une  mère  caressant 
son  enfant,  le  rapport  au  verbe  est  bien  marqué. 
Caressant  modifie  la  femme  avec;  le  rapport  à 
l'action  de  caresser;  mais  si  je  veux  désigner 
dans  celte  femme,  non  l'action  de  caresser,  mais 
une  qualité,  une  disposition  naturelle  (jui  la  porte 
à  l'action  de  caiesser,  je  dirai  qu'e//e  est  cares- 
sante, et  alui  s  le  mot  caressante  est  semblable  à 
un  adjectif  simple. 

Ces  sortes  d'adjectifs,  tirés  des  verbes,  et  que 


PAR 

l'on  appelle  adjectifs  verbaux,  n'étant  plus  des 

participes  présents,  mais  d<'S  adjectifs  simples, 
s'accordent  en  genre  ei  en  nombre  avec  le  sub- 
stantif (ju'ils  modifient,  comme  on  vient  de  le  voir 
dans  l'exemple  cité. 

Il  y  a  beaucoup  de  verbes  dont  le  participe 
peut  être  changé  ainsi  en  adjcilif  verbal  ;  mais  il 
n'est  pastoujuursaisédedislinguerl'un  de  l'autre, 
et  par  consécpicnt  de  savoir  s'il  l";iul  faire  accor- 
der ou  non  avec  son  substantif  un  adjectif  ter- 
miné en  ant. 

Souvent  les  participes  présents  sont  précédés 
de  la  préposition  en ,  et  alors  ils  restent  participes 
présents,  et  no  peuvent  pas  être  confondus  avec 
l'adjectif  verbal.  Quelques  grammairiens  les  ap- 
pellent gérondifs,  mais  il  n'y  a  pas  d'inconvénient 
à  leur  laisser  le  nom  de  participe.  La  prciwsilion 
en,  mise  avant  le  partici|)e  présent,  sert  particu- 
lièrement à  indiquer  que  le  particif)ese  ra|)porle 
au  sujet  du  verbe  dans  les  cas  où,  sans  celte 
préposition,  il  pourrait  se  rapporter  au  sujet  ou 
au  régime.  Par  exemple,  dans  je  l'ai  rencontré 
allant  à  la  campagne,  allant  peut  se  rapporter 
également  au  sujet  ou  au  régime,  et  le  sens  peut 
être,  je  l'ai  rencontré  lorsque  j'allais  à  la  cam- 
pagne, ou  je  l'ai  rencontre  qui  allait  à  la  cam— 
paf/ne.  Mais  on  ôte  l'équivoque  en  mettant  la 
préposition  en  avant  le  participe;  et  je  l'ai  ren- 
contré en  allant  à  la  campagne  voudra  dire,  je 
l'ai  rencontré  lorsque  f  allais  à  la  campagne , 
parce  que  la  particule  en  détermine  le  participe 
à  se  ra[)porter  au  sujet. 

Les  verbesaciifs  exprimant  es.sentiellcmenl  une 
action,  leurs  participes  présents  ne  peuvent  être 
changés  en  adjectifs  verbaux  modifiant  le  sujet 
qui  l'ait  l'action.  Le  changement  ne  peut  avoir 
lieu  que  pour  signifier  dans  le  sujet  lUie  (lualité, 
une  disposition,  ou  un  état  permanent  relatif  au 
sens  exj)rimé  par  le  verbe. 

Je  ne  jieux  pas  dire  qu'une  personne  est 
aimante,  pour  dire  qu'elle  aime  actuellement; 
car  aimer  est  une  action,  et  n'esl  ni  une  qualité, 
ni  une  disposition,  ni  uu  état  permanent.  Mais 
si  je  veux  dire  (ju'une  persoimc,  par  l'effet  do  la 
sensibilité  <lc  son  cœur,  a  une  «pialilé  perma- 
nente qui  la  porte  à  se  livrer  au  sentiment  de 
l'amitié  ou  de  l'amour,  je  dirai  t]ue  cette  per- 
sonne est  aimante,  indiquant  jiar  là,  non  (]u'elle 
fait  lactiou  d'aimer,  mais  «pi'elle  a  une  (jualité 
permanente,  habituelle,  (pii  la  porte  à  aimer.  On 
ne  peut  pas  dire  une  femme  parlante,  parce  que 
parlant  exprime  une  action  et  non  une  ipialilé. 
Mais  on  dit  une  tête  parlante  en  pai  lan!  d'un 
ouvrage  de  mécanique  (jui  a  laijualité  de  parler, 
et  qui  par  là  est  distinguée  des  autres  têtes  arti- 
ficielles qui  n'ont  i)as  la  même  qualité.  Une  per- 
sonne n'esl  \)^s  chantante,  parce  qu'en  chantant 
elle  fait  une  action;  mais  un  air  est  chantant 
parce  (ju'il  a  <lcs  «pialités  qui  le  rendent  propre 
à  être  chanté.  Je  ne  dirai  pas  d'une  personne  qui 
m'outrage,  que  c'est  une  personne  outrageante, 
parce  qu'il  ne  s'agit  que  d'une  action,  et  non 
d'une  qualité;  mais  je  dirai  que  les  paroles 
qu'elle  m'adresse  sont  outrageantes,  parce  que 
ces  paroles  ont  une  qualité  (jui  les  rend  telles. 
Une  couleur  changeante  n'est  pas  une  couleur 
qui  change,  mais  une  couleur  dont  la  qualité,  la 
propriété  est  de  changer.  Des  instrumeiils  tran- 
chants ne  sont  pasdcs  instruinonlsqui  tranchent, 
mais  des  instruments  qui  ont  la  (lualiic,  la  pro- 
priété de  trancher.  Une  personne  a/fli/eant  une 
autre  personne,  fait  l'action  d'aflbger;  et  sous 
ce  rapjiort,  je  ne  puis  pas  dire  qu'elle  est  affti- 


PAR 

géante.  Mais  vite  nnvreUe  est  affligeante  1  irs- 
qu'ellc  a  dps(nialilés  propres  à  aflliiicr. 

Ce  que  l'on  vient  de  ilin'  des  vcilirs  actifs 
peut  s'appliquer  aux  veri)es  iieulrcsqui  cx|iriment 
une  aclidu.  leur  participe  iircsont  ne  peut  se 
chanper  en  adjectif  verlial  (|u'cn  classant  d'ex- 
primer une  action,  jxiur  exinimer  une  qualité  mi 
un  état  On  ne  dit  \m\'?.v  ne  personne  riante,  parce 
que  rire  est  une  action,  et  non  une  (pialilé  ou  un 
étal  permanent.  Maison  dit  m«  air  riant,  une 
cainpofjne  riante,  parce  iju'il  s'agit  ici  de  sub- 
stantifs que  l'on  ne  rei)réscntc  pas  comme  laisanl 
une  action,  mais  comme  ayant  des  ijualitcs  qvii 
les  rendent  ai.'réaiiles.  Une  personne  sav-ffrant 
est  une  |)ersoime  qui  soulfie,  c'est  l'jiction  de 
souffrir;  c'est  le  participe  présent.  Si  je  dis  d'une 
personne  qu'elle  est  snvffrante,  je  ne  la  considère 
plus  relativement  à  l'action  de  souffrir,  mais 
relativement  à  l'état  île  souffrance  où  elle  se 
trouve.  On  dira,  je  les  ai  vus  mourant  s}tr  lu 
champ  de  bataille,  je  les  ai  vus  mourant  d'ii?ie 
mort  glorieuse,  parce  (juil  s'agit  ici  de  l'action 
de  mourir;  njais  si  l'on  veut  expriuicr  lélat  de 
personnes  (]ni  meurent,  on  dira  je  les  ai  laissés 
mourants  sur  le  champ  de  bataille,  cette  femme 
est  mourante. 

Il  faut  observer  que  les  participes  préseiits  des 
verbes  neutres  (pii  expriment  des  actions  peuvent 
se  changer  en  adjectifs  verbaux,  iurs(]ne  ces 
actions  sont  en  môme  temps  les  (jualilés  distinc- 
tives  de  rpsiiécedont  on  parle,  .\insi,  l'on  dit  des 
hommes  pleurants,  vne  femie  pleurante,  des 
oiseaux  volants,  des  chiens  ahnyants,  des  tau~ 
reaux  invgissants,  des  agneaux  hèhnits,  des 
chats  7nii!uhints,  un  lion  rWjissa/il,  une  lv<nnr 
rugissante.  Des  animaux  rampants,  du  lierre 
rampant,  des  arbres  verdoyants,  une  campagne 
verdoyante.  Des  flots  écuinanls.  On  dit  des  épis 
jaunissants,  des  7noissons  jaunissantes,  parce 
qu'il  est  daiu.  la  nature  propre  des  épis  et  des 
moissons  de  jiumr.  Mais  ou  ne  dirait  pas  d'un 
homme  altaijui' de  la  jaunisse,  q-j/'jY  est  jaunis- 
sant, iiarce  qu'il  ne  s'agit  ici  que  d'une  chose 
accidentelle.  On  ne  dit  pas  non  plus  des  animaux 
sautants,  marchants,  mangeants,  |)arce  qu'il 
s'agit  d'actions  <iiii  ne  sont  pas  des  caractères 
dislinctil's  d'une  espèce. 

Quand  les  verbes  neutres  n'expriment  pas  une 
action,  le  chançement  du  participe  présent  en 
adjectif  verbal  est  naturel,  parceiiu'alors  le  verbe 
neutre  exprime  un  état.  On  dit  donc  toutes  les 
créatures  existantes,  les  hiumes  viva?its,  les 
monuments  subsislants.  etc. 

Toutes  les  fois  (jue  le  participe  présent  est 
précédé  du  pronom  se,  il  exnrime  nécessairement 
une  action,  l't  ne  |)eiit  par  conséqiicnt  être  regardé 
comme  un  adjectif  simple.  Dans  deux  personnes 
saunant,  des  femmes  se  parant,  des  brutichcs 
s'agitan:,  on  voit  clairement  (jn'il  ne  peut  être 
question  ù'une  qualité,  mais  qu'il  s'agit  d'une 
action  do-.il  se  exprime  l'objet.  On  ne  dini  donc 
pas,  deux  personnes  s'aimanles,  des  femmes  se 
parantes,  des  branches  s'agitanles.  .\  la  véi'ité, 
Boileau,  I.a  Fontaine,  Molière  et  Racine,  ont 
donné  quelquefois  à  cos  participes  la  forme  du 
pluriel  ;  mais,  outre  que  les  exemples  puisés  dans 
les  poètes  ne  doivent  pas  toujours  êlrc  imités  par 
les  prosateurs,  on  peut  penser  que  c'est  un  reste 
de  l'usage  <ini  n'était  pas  encore  entièrement  aboli 
alors,  de  faire  prendre  aux  i>arlicipes  [irésents 
toutes  lesforinesdes  adjectifs  simples.  Cesauteurs 
mêmes  paraissent  n'avoir  agi  ainsi  que  lorsque 
ia   rime  les  y  invitait.  Partout  ailleurs  ils  ont 


PAR 


527 


laissé  au  participe  présent  sa  forme  primiiiYC. 
Boileau  a  dit  : 

Kl  pour  lier  des  mois  si  mal  a' entr' accordants. 
Prendre  dans  ce  jardin  la  lune  avec  les  dénis. 

{Épttre,  XI,  63.; 

Et  plus  loin  des  laquais,  l'un  l'antre  s'agaçants, 
Fonl  aboyer  les  iliiens  et  jurer  les  passants. 

(Sat.M,  57.) 

Mais  d  a  dit  aussi  {Sut.  III,  220)  : 

Nos  Ijravcs  n'accrochant,  se  prennent  aux  chevaux. 

On  lit  dans  Racine  [Idylle  sur  la  paix,  v.  40) 

En  leur  fureur  de  nouveau  a'oubliants. 

Mais  on   y  lit  aussi  {Athalie,   act.  I,  se.  i, 

i-y.)  : 

Les  morts  se  ranimant  à  la  voix  d'ÉIisce. 

T.a  Fontaine  a  dit,  à  cause  de  la  rime  [Philé- 
T/!on  et  Baucis,  102)  : 


Moitié  secours  des  dieux,  moitié  peur  so  hdtants. 


Et, 

Ces  deux  rivaux  ensemble  se  jouants. 

Mais  lorsqu'il  n'est  point  gêné  par  la  rime,  il 
dit(liv.  IV,  fab.  xii,  73)  : 

Corsaires  à  corsaires 
L'un  l'aiilro  s'attaquant  ne  font  pas  leurs  affaires. 

Delille,  qui  vivait  dans  un  temps  où  il  n'était 
[)lus  permis  de  faire  des  adjectifs  simples  de  ces 
sortes  de  participes,  ne  tombe  point  dans  cette 
faute  : 

Vois  ces  groupes  d'enfants  s»  jouant  sous  l'ombrage. 
Des  milliers  d'ennenjis  se  pressant  sous  nos  portes. 
Fondent  sur  nos  remparts. 

{Énéid.,  II,  438.1 

Bossuet  et  Fénelon,  qui  écrivaient  en  prose, 
ont  évité  ces  fanies  que  la  gêne  de  la  rime  fai- 
sait faire  (juclquefois  aux  poètes  leurs  contem- 
porains :  La  mémoire  de  la  création  allait  s'af- 
faiblissant  pe?/  à  peu.  (Bossuet.)  En  même  temps 
j'aperçus  l'enfant  Cupidon,  dont  les  petites  ailes 
s'asitant,  le  faisaient  v<lliger  autour  de  sa  mère. 
fFènel.,  Télém.,  liv.  IV,  t.  i,  p.  156.) 

Ce  que  l'on  vient  de  dire  suffira,  je  pense, 
junir  faire  distinguer  dans  quel  cas  il  faut  em- 
])loyer  le  participe  présent  ou  l'adjectif  simple; 
a[)pliquons  à  quelques  autres  exemples  le  résul- 
tat de  nos  observations. 

.Nous  avons  dit  que  le  participe  présent  ne 
peut  se  changer  en  adjectif  verbal  iju'en  se  dé- 
pouillant i!c  tout  rapport  à  une  action.  Ains' 
toutes  les  Ibis  que  je  vois  le  participe  accom[ia- 
cnè  de  quelque  circonstance  (pii  inditiue  un  rap- 
port au  verbe,  je  dois  en  conclure  «pi'il  est  par- 
ticipe, cl  non  adjectif.  Dans  j'ai  vu  cette  dam» 
o!)liireanl  ses  amis,  le  mot  obligeant  fManl  suivi 
du  nk'ime  ses  amis,  je  reconnais  dans  ce  mot 
une  propriété  du  verbe,  qui  est  d'avoir  un  régime 
direct,  cl  j'y  vois  par  conséquent  un  participe 
présent.  .    , 

La  mer  mugissant  ressemblait  a  une  personne 
qui.  (Fénelon.)  Ici,  je  vois  deux  verbes  inis  en 
rapport.  La  mer,  par  son  action  de  invgir,  res- 


5-28 


PAR 


semblait,  etc.  Mugissant  a  donc  rapport  m 
verbe,  il  est  donc  p;iriicii)e.  Dans  combien  de 
pères,  trciiihlaiil  de  déplaire  à  leurs  cnfaiils,  srni 
faibles,  et  se  croient  tendres,  je  reiii;iniiie  <iuc 
tremblant  a  le  rcgiiiic  du  verbe  dont  il  lire  son 
origine;  j'en  conclus  qu'il  exprime  la  niéiiie  ac- 
tion (jue  ce  verbe,  cl  par  conséquent  qu'il  est 
participe.  Mais  dans  un  père  tremblunt  se  Jette  à 
vos  genoux,  je  ne  vois  (ju'un  substanlil'  cl  un 
adjectif,  père  tremblant;  rien  ne  m'avertit  que 
tremblant  signifie  une  action;  tout  me  montre, 
au  contraire,  qu'il  indique  un  étal;  et,  par  cette 
raison,  je  dois  le  regarder  comme  un  adjectif 
verbal.  L>  s  autres  hnmmes paraissent  iremblanls 
à  leurs  pieds.  (Fcnelon.)  Je  vois  de  même  des 
adjectifs  vcibaux  dans  les  phrases  suivantes  :  des 
feux  dévorants,  une  eau  dormante,  des  eaux 
jaillissantes,  parce  que  je  n'y  aperçois  aucune 
fonction  du  verbe;  mais  si  celte  fonction  se  fait 
remarquer  de  quelque  manière  que  ce  soit,  je 
reconnaîtrai  des  participes  présents.  C'est  ce  qui 
a  lieu  dans  une  femme  aimant  ses  devoirs,  les 
eavx  jaillissant  du  rocher;  les  éclairs  sillonnant  la 
wï'/?,  etc.  Par  les  uicmcs  raisons,  je  reconnais  des 
adjectifs  verbaux  ddi\)S  des  feux  \o\i\ii\s,  des  étoiles 
volantes,  des  oiseaux  volants  ;  et  des  participes  pré- 
senlsdans(/e.y/roz<s  volant  dit  haut  des  murs,  des 
flèches  volant  de  part  et  d'autre,  des  oiseaux 
volant  vers  le  nord.  Dans  ces  derniers  exemples, 
du  haut  des  murs,  de  part  et  d'autre,  vers  le 
nord,  donnent  au  sens  de  volant  le  caractère 
d'une  action.  11  en  est  de  même  des  exemples  sui- 
vants. J'ai  trouvé  vne  femme  tremblante,  lan- 
guissante, moiM-antc  ;  voilà  évidemment  des  ad- 
cclifs,  ils  expriment  un  état.  J'ai  trouvé  cette 
femme  jouant,  sortant  de  son  Ut,  allant  et  venant 
dans  la  maison,  voilà  évidemment  des  participes 
présents,  puisqu'ils  désignent  des  actions,  soit 
par  eux-mêmes,  soil  par  les  accessoires  qui  les 
accompagnent.  Girard  a  dit  des  esprits  bas  et 
rampants  ne  s'élèvent  jamais  au  sublime.  Je  ne 
puis  m'empécher  de  voir  dans  bas  et  rampants 
deux  qualités  (lui  m'indiquent  des  adjectifs.  Mais 
quand  je  lis  dans  Fénelon,  il  entend  les  ser- 
pents, il  croit  les  voir  rampant  autour  de  lui, 
le  sens  de  la  phrase  me  montre  rampant  comme 
e.xprimant  une  action  ;  c'est  comme  s'il  y  avait  il 
croit  les  voir  ramper.  Dans  ces  vers  de  Boileau 
{Sat.lU,2i6): 

L'assielle  votant. 
S'en  ïa  frapper  le  mur  et  rCTÎenl  en  roulant. 

On  remarque  quatre  actions  dont  l'assielle  est 
le  sujet.  Elle  vole,  elle  va  frapper  le  viur  ;  elle 
rerient,  elle  roule  ;  volant,  qui  exprime  une  de 
ces  allions,  est  donc  un  participe  présent,  et  ne 
peut  èlre  un  adjectif  verbal. 

Cliei  les  hommes  ailleurs  sous  ton  jnug  gémissants. 
Vainement  on  cliercha  la  raison,  le  droit  sens. 

(BoiL.,  .Sat.  XII,  143.) 

Je  les  peins  dans  le  meurtre  \  l'enii  triomphants, 
Rome  entière  noyée  au  sang  de  ses  enfants. 

(Corn.,  Cin.,  act.  I,  se.  m,  54.) 

L'autre,  avec  des  yeui  secs  et  presque  indiffércnls. 

Voit  monrir  ses  deux  fils  par  son  ordre  cxpir  tntf. 

(llAC,  Bér6n.,  act.  IV,  se.  V,  125.) 

Selon  quelques  grammairiens,  l'adjectif  verbal 
n'est  employé  dans  ces  vers  que  parce  que  le 
régime  indirect  précède  le  participe;  de  sorte, 
ajoulcnt-ils,  que,  si  l'on  rélablissait  l'ordre  na- 


PAR 

turel,  il  faudrait  conserver  le  participe,  et  dire 
les  hommes  gémissant  s>us  ton  joug,  triomphant 
à  l'envi  dans  le  meurtre,  exi)irant  par  son 
ordre. 

Je  pense  qu'il  faut  mettre  ces  exemples  au 
nombre  des  licences  (pie  se  permettaient  encore 
les  poètes  du  temps  de  {'."ineille,  de  Racine  et 
de  Boileau,  pour  éviter  la  conirainle  de  la  rime. 
Dans  ces  exemples,  les  compléments  sous  ton 
joug,  il  Vcnvi,  par  son  ordre,  désignent  des  ac- 
tions, et  cela  suffit  p mr  conserver  le  participe, 
soil  qu'il  y  ait  inversion  ou  non. 

On  lit  dans  \  Orphelin  de  la  Chine  (act.  I, 
se.  jii,  i7)  : 

Tandis  que  leurs  sujets  tremblants  de  murmurer. 

Voici,  dit  la  Harpe,  un  exemple  de  cette  rè- 
gle que  j'ai  indiquée  ailleurs,  et  qui  défend  de 
décliner  le  participe  présent  d'un  verbe  quand  il 
en  régit  un  autre  au  moyen  de  la  particule  de. 
Tremblant,  tremblante,  est  un  adjectif  verbal 
qui  ne  peut  régir  un  verbe.  11  fallait  donc  écrire, 
tremblant  de  murmurer,  et  non  pas  tremblants. 
Mais  cette  faute,  devenue  aujourd'hui  si  com- 
mune partout,  par  une  suite  de  l'ignorance  pres- 
que générale  de  la  langue,  ne  peut  éire  attribuée 
ici  qu'aux  imprimeurs.  Voltaire  ne  pouvait  igno- 
rer ni  violer  gratuitement  une  règle  si  essenlielle. 
{Cours  de  littérature.) 

Du  participe  passé.  —  Le  participe  passé  sert, 
comme  nous  l'avons  dit,  à  former  avec  les  verijes 
auxiliaires  les  temps  composés.  Jimé  est  le  par- 
ticipe passé  du  verbe  aimer,  parce  qu'il  sert 
avec  le  verbe  avoir  à  former  les  temps  composés 
de  ce  verbe  :  J'ai  aimé,  j^ avais  aimé;  venu  est 
le  participe  passé  du  verbe  venir,  parce  qu'il 
sert  avec  le  verbe  être  à  former  les  temps  com- 
posés du  verbe  venir. 

Dans  certains  cas,  ce  participe  reste  invariable  ; 
dans  d'autres,  il  prend  le  genre  et  le  nombre  du 
nom  auquel  il  se  rapporte.  la  distinction  de  ces 
cas  est  un  des  points  sur  lesquels  les  grammai- 
riens ont  le  plus  écrit,  sans  [wuvoir  s'accorder. 
Au  lieu  de  nous  mêler  dans  celte  discussion,  nous 
allons  présenter  le  système  de  Condillac  sur  cette 
maiière,  et  lâcher  d'y  ramener  toutes  les  diffi- 
cultés. 

On  dit  j'ai  habillé  mes  troupes,  mes  troupes 
que  j'ai  habillées,  mes  troupes  sont  habillées  ; 
voilà  constamment  l'usage.  Or,  on  voit  pourquoi, 
dans  la  dernière  phrase,  le  participe  se  met  au 
féminin  et  au  pluriel,  c'est  qu'habillées  est  un 
adjectif  qui  modifie  un  substantif  féminin  et 
pluriel.  On  dit  7nes  troupes  sont  habillées,  comme 
on  dirait  ces  marchandises  sont  bonnes. 

Mais  si,  dans  la  seconde  phrase,  ce  participe 
modifie  également  le  substantif  tivupes,  il  y  de- 
vra prendre  encore  la  terminaison  qu'il  a  prise 
dans  la  troisième,  cl  U  faudra  dire  mes  troupes 
que  j'ai  habillées.  Or,  illc  modifie.  En  effet,  quel 
est  l'objet  du  verbe  avoir,  lorsque  je  dis  mes 
troupes  que  j'ai,  ou,  ce  qui  est  la  môme  chose, 
7>ies  troupes,  lesqtielles  j'ai?  Il  est  évident  que 
c'est  mes  troupes.  Si  j'ajoute  donc'  habillées,  co 
participe  ne  peut  exprimer  cpi'une  des  modifica- 
tions du  substantif  troupes,  il  est  donc  encore 
adjectif. 

Mais  que  sera-t-il  dans  la  phrase  où  il  ne  prend 
ni  le  fiMiiinin,  ni  le  pluriel  ,  j'ai  habillé  vies 
troupes?  Dumarsais  a  remarque  le  premier  qu'en 
pareil  cas  le  participe  est  toujours  un  substantif. 
Le  participe  passé  est  donc  substantif  ou  adjectif 
suivant  la  manière  dont  on  l'emploie. 


PAR 

Le  verbe  avoir,  dit  ce  célèbre  grammairion, 
signifie  proiireincnt  poMet/er  :  j'ai  une  terre.  On 
l'a  eiisuiic  clendii  a  d'autres  usages,  et  on  a  dit 
j\n  faim,  fui  soif;  cAv,  ciuoiqu'un  n'ait  pas  faim 
comme  on  a  une  terre,  et  que,  dans  l'un  comme 
dans  l'aulro  cas,  avoir  ne  signitie  pas  absolument 
la  mi'me  ciiose  que  posséder,  il  y  a  cependant 
quelcjiie  analogie  entre  j'ai  une  terre  et  j'ai 
faim.  Oi',  d'analogie  en  analogie,  un  mot  liuit 
souvent  i)ar  èlnî  pris  dans  une  acception  qui  a 
à  peine  quelque  rapport  avec  la  première.  C'est 
ce  <pii  est  arrivé  au  verbe  avoir;  il  a  passe 
par  une  suite  d'acceptions,  dont  les  deux  ex- 
trêmes sont  j'at  une  terre,  j'ai  habilh' ;  C[  ces 
deux  extrêmes  dilTcreiit  en  ce  que  l'un  a  pour 
accessoire  un  rapport  au  présent,  et  que  l'acces- 
soire de  l'autre  est  un  rapport  au  passe.  Dans/'ai 
une  terre,  l'objet  du  verlie  fljvu'r  est  vnc  terre; 
habillé  est  donc  également  l'objet  du  verbe  aroir 
<hus  j'ai  habillé.  Or,  un  verbe  ne  peut  avoir  pour 
objet  qu'une  chose  qui  existe,  on  que  nous  con- 
sidérons comme  existante;  c'est-à-dire  qu'il  ne 
peut  avoir  pour  objet  qu'une  chose  que  nous 
désignons  par  un  nom  substantif.  Habillé  est 
donc,  ainsi  ([u'uite  terre,  un  nom  substantif. 

Ces  sortes  de  substantifs  participent  du  verbe  ; 
ils  ont  un  objet  quand  le  verbe  en  a  un.  Mes 
troupes,  par  exemple,  est  l'objet  û'Iiabillé,  dans 
j'ai  habillé  mes  troupes.  Ils  n'ont  point  d'objet 
quand  le  verbe  n'en  a  pas.  Ainsi  di\\i'^  j'aiparlé, 
parlé  est  un  substantif  qui  n'a  pas  d'objet. 

De  même  qu'on  distingue  dos  verbes  d'action 
et  des  verbes  d'état,  on  pourrait  distinguer  deux 
espèces  de  particii)es  substantifs  :  les  uns  sont 
des  substantifs  qui  expriment  une  action,  habillé, 
parlé;  les  autres  sont  des  substantifs  qui  expri- 
ment un  état,  dormi,  langui. 

Tous  ces  substantifs  diffèrent  des  autres,  en 
ce  qu'ils  ne  sont  ni  masculins,  ni  féminins,  ni  sin- 
guliers, ni  pluriels.  Leur  terminaison  ne  varie  donc 
jamais;  et,  par  conséquent,  les  participes  adjec- 
tifs sont  seuls  susceptil/les  de  genre  et  de  nombre. 

Dès  (lue  les  participes  substantifs  sont  inva- 
riables dans  leur  terminnison,  il  ne  peut  y  avoir 
aucune  diflicullé  sur  la  manière  de  les  employer. 
Passons  donc  aux  particiiies  adjectifs. 

Les  participes  adjectifs  peuvent  se  construire 
avec  le  \erbe  être,  ou  avec  le  verbe  avoir.  Dans 
le  premier  cas,  ou  le  verbe  être  conserve  la  si- 
gnification qui  lui  est  propre,  ou  il  ne  la  con- 
serve pas.  S'il  la  conserve,  le  participe  doit  tou- 
jours s'accorder  avec  le  sujet  de  la  proposition, 
il  est  aimé,  elle  est  aimée,  ils  sont  aimés. 

La  vertu  timide  est  souvent  opprimée.  (Mass., 
Petit  Carènie.  l^ices  et  vertus  des  grands,  2''  part.) 
La  vertu  obscure  est  souvent  méprisée.  (Idem.) 
Lesgensde.  ;H<^ri7e  étaient  connu^parurilcsPerses, 
et  ils  n'épargnaient  rien  pour  les  gagner.  (Boss. 
Disc,  sur  l'Iiist.  univers.,  3"  part.,  ch.  v,  p. 
446.)  Les  anciens  Grecs  étaient  généralement 
persuadés «7«c  l'âme  est  immortelle.  (Barth.)  Ils 
sont  tombés,  ils  ont  été  châtiés,  ces  enfants  tant 
aimés  de  leurs  parents. 

Si  le  verbe  être  ne  conserve  pas  la  significa- 
tion qui  lui  est  propre,  il  est  employé  à  la  place 
du  verbe  avoir,  et  on  dira  il  s'est  tué  pour  il  a 
tué  soi,  et  il  s'est  crevé  les  yeux  ,  pour  il  a 
crevé  les  yeux  à  soi.  Alors  il  y  a  encore  une 
distinction  a  faire. 

Ou  l'action  exprimée  par  le  participe  a  pour 
objet  le  sujet  même  de  la  proposition,  et  vous 
direz  il  s'est  tué,  elle  s'est  tuée,  ils  se  sojit 
tués;  car,  en  pareil  cas,  le  participe  est  un  ad- 


PAU 


)29 


jeclif  qui  doit  prendre  le  genre  et  le  nombre  du 
nom  qu'il  modifie. 

Ou  l'action  a  jyour  objet  un  nom  différent  du 
sujet  de  la  proposition,  et  vous  direz  il  s'est 
crevé  les  yeux,  elle  .^'est  crevé  les  yeux,  ils  se 
sont  crevé  les  yeux;  car  ici  le  participe  ci-evé  est 
un  substantif.  //  .-t'est  crevé  est  potir  il  a  crevé  à 
soi,  où  l'on  voit  que  crevé  est  lulijet  du  verbe 
avoir,  et  (jue  se  pour  à  soi  est  le  terme  du  raji- 
l)ort.  Dans  il  s'est  tué,  au  contraire,  at  est  l'objet 
du  participe, qui,  parcelle  raison,  s'accorde  avec 
ce  pronom 

La  règle  que  l'usage  suit  danstoutes  les  phrases 
où  le  verbe  être  est  employé  à  la  place  du  verbe 
avoir,  est  donc  de  regarder  comme  adjectif  tout 
participe  qui  a  pour  objet  le  sujet  mémo  de  la 
proposition,  et  de  regarder  comme  substantif  tout 
participe  qui  a  un  autre  nom  jwur  ob;et.  Dans  le 
premier  cas,  le  participe  est  susceptible  de  genre 
et  de  nombre  ;  dans  le  second,  il  ne  lest  i)as.  Cette 
régie  est  constante,  et  ne  sou lïre  point  d'exception. 
Exemples  du  premier  cas:  Cette  femuie  s'est  voi- 
lée, a  voilé  elle.  Elle  s'est  blessée  ci  la  jambe,  etc. 
Exemples  du  second  cas.  Elle  s'est  voilé  la  tête  ; 
ce  n'est  pas  elle  cpii  est  l'objet  de  voilé,  mais  /« 
tête;  c'est  comme  s'il  y  avait,  elle  avuilé  la  tête  d 
elle.  Cette  personne  s'e.st  blessé  la  jambe,  a 
Idessé  la  jambe  à  elle.  Elle  s'est  imaginé  que 
vous  l'aimies.  Elle  n'a  pas  imaginé  elle,  mais 
elle  a  imaginé  une  chose,  savoir,  que  vous 
l'aimez.  Ils  se  sont  dissimulé  qu'on  les  a  trom- 
pés, c'est-à-dire  ils  ont  dissimulé  à  eux  cette 
chose,  savoir,  qu'on  les  a  trompés.  Ils  se  sont  ar- 
rogé plusieurs  droits,  c'est-à-dire  (7*  ont  arrogé 
à  eux,  etc. 

Quelquefois  on  ne  voit  pas  clairement  que  le 
pronom  soit  l'objet  du  participe;  mais  il  l'est 
réellement  toutes  les  fois  qu'd  ne  peut  pas  se 
tourner  paru  soi,  en  soi,  à  moi,  à  toi,  etc.  ;  c'est- 
à-dire  toutes  les  fois  qu'on  ne  peut  pas  le  regarder 
comme  régime  indirect.  Par  exemple,  dans  nous 
nous  sommes  abstenus,  il  semble  «]ue  nous  ne 
soit  pas  l'objet  d'abstenus,  parce  qu'abstenir  est 
un  verbe  neutre  qui  n'admet  pas  de  régime  di- 
rect, et  qu'on  ne  i)eutpas  dire  abstenir  soi.  A  la 
vérité,  le  matériel  de  la  langue  ne  permet  pas  de 
direqu'oM  a  abstenuquelqu'un ;ma\s\'cs\)vH,  dans 
710!/*  «01/5  somynes  abstenus,  voit  nous  avons 
tenu  nous  loin  de,  car  c'est  là  le  véritable  sens 
du  verbe  abstenir;  et,  selon  ce  sens,  nous  est 
l'objet  du  participe.  Il  en  est  de  môme  des  verbes 
se  moquer,  se  repentir,  etc.  ;  et  l'on  doit  dire,  en 
faisant  accorder  le  participe  avec  le  pronom, 
elles  se  sont  moquées  de  vous,  ils  se  sont  repen- 
tis, elles  se  sont  prévalues,  elle  s'est  repentie, 
elle  s'e.st  enfuie. 

Lorque  le  participe  est  joint  au  verbe  auxili- 
aire avoir,  il  est  aisé  de  connaître  s'il  est  sul)- 
stantif,  ou  s'il  est  adjectiL  II  est  suI)stanlirtoutes 
les  fois  qu'il  est  suivi  de  son  objet,  j'ai  reçu  les 
lettres;  il  est  adjectif  toutes  les  fois  «pril  en  est 
précédé,  les  lettres  que  j'ai  reçues.  On  dira  donc. 
de  deux  filles  qu'elle  avait,  elle  en  a  fuit  une 
religieuse,  et  non  pas  faite  ;  car  rtne  est  l'objet 
du  participe  jait,  et  il  ne  vient  qu'après.  Le  sens 
est,  elle  a  fuit  l'une  d'elles  religieuse.  Par  la 
même  raison  on  dira,  en  faisant  du  iiarlicipe  un 
substantif,  les  académies  ont  fait  des  objections  : 
et,  en  faisant  de  ce  même  partici|)e  un  adjectif, 
j'iqnorelesohjections  que  les  académies  ont  faites. 

Pendant  longtemps  tous  les  grainmairiens  on: 
prétendu  (pie  le  participe  passé  d'im  verbe  actif. 
quoiQue  précédé  d'un  régime  direct,  devait  êtrf 

34 


530 


PAR 


invariable  lorsqu'il  était  suivi  du  sujet  de  la 
proposition.  En  conséquence,  on  devait  dire,  bc- 
lon  eux,  la  justice  que  vous  ont  reudxi  vos  juges, 
la  leçon  que  vous  ont  donné  ro.v  viaitrcs,  les  ou- 
vrages qu'a  écrit  ce  grand  homme,  les  peines  que 
m'a  causé  cet  événement.  Mais  on  a  reconnu  que 
cette  raison  est  sans  fondement,  et  personne  au- 
jourd'hui n'admet  (?eltc  exception;  on  dit  la 
justice  que  vous  ont  rendue  vos  juges,  la  leçon 
que  vous  ont  donnée  vos  maîtres,  etc. 

Mais  une  question  sur  laquelle  les  grammai- 
riens ne  sont  jwint  d'accord,  c'est  de  savoir  si 
le  participe  est  variable  dans  sa  terminaison 
lorsqu'il  est  suivi  d'un  verbe  ou  d'un  adjectif. 
Faut-il  dire,  par  exemple,  elle  s'est  laissée  mou- 
rir, ou  elle  s'est  laissé  mourir  ;  elle  s'est  rendue 
eathoJique,  ou  elle  s'est  rendu  catholique?  Com- 
mençons par  examiner  le  participe  lorstiu'il  est 
suivi  d'un  verbe. 

Ou  dil  elle  s'est  Unlpeindre,  et  non  pas<'//e  s'est 
'hhc  peit.tlrc,  parce  que  ce  n'est  pas  du  participe 
fait  que  se  est  l'objet  ;  il  l'est  d'une  idée  qui  est 
exprimée  par  ces  deux  mots  fait  peindre.  De  mô- 
me, quoiijuon  dise  une  mai-ion  que  j'ai  fuite, 
parce  que  l'adjectif  conjonctif  çwe  est  l'objet  du 
participe /otie,  on  doit  dire  une  maison  que  j'ai 
fcit  faire,  parce  qu'alors  le  conjonctif,  au  lieu 
d'être  l'objet  du  partiripc,  devient  l'objet  de  fuit 
faire.On  dira  aussi  imitez  lesvertusquevous arez 
entendu  louer,  et  non  pas  entendues,  parce  que  le 
conjonctif  n'ol  l'objet  ni  d'entendre,  nide  lover, 
pris  séparément.  iH'est  de  ces  deux  mots,  réunion 
d'une  idée  qu'on  exprime  avec  ces  deux  mots 
comme  on  pourrait  l'exprimer  avec  un  seul.  Enfin 
on  dira,  terminez  les  affaires  que  vous  avez pré- 
'vu  que  vous  auriez,  G\  non  Yi^s prévues,  parce  que 
le  conjonctif  est  l'objet  d'une  seule  idée  exorimée 
^»r  ces  mots,  prévu  que  vous  auriez. 
'  D'après  ces  exemples,  on  peut  établir  pour 
règle,  que  le  participe  est  invariable  dans  sa  ter- 
minaison, toutes  les  fois  qu'on  le  joint  à  un  verbe, 
pour  exprimer  avec  deux  mois  une  seule  idée, 
comme  nous  l'exprimons  avec  un  seul.  Il  ne  s'agit 
donc  plus,  pour  juger  si  le  parlicijie  suivi  d'un 
verbe  doit  être  ou  n'être  pas  suscep  ible  do  ccnre 
et  de  nomore,  que  de  considérer  suouojd  snou  is 
comme  aeux  laces  séparées  colle  ou  \erbe  et 
celle  (kl  pariicipe,  ou  si,  au  contraire,  nous 
sommes  portés  à  les  regarder  comme  une  seule 
idée. 

On  doit  dire  elle  a  pris  un  remède  qui  l'a  fait 
mourir,  parce  que  le  pronom  la  est  l'objet  d'une 
seule  idée,  fait  mourir.  Mais  dira-t-on   die   a 

Î*ris  w?i  remède  qui  l'a  laissée  mourir,  ou  quil'a 
aissé  mourir"^  Quelques  grammairiens  veulent 
qu'on  dise  laissée.  Ils  .considèrent  donc  sép:uê- 
ment  l'idée  de  laissé  çt  celle  de  inourir;  et, 
parce  (juc  mourir  no  peut  pas  avoir  un  objoi,  ils 
pensent  que  le  pronom  la  est  celui  <lu  |iarli(i|)e 
laissée.  De  même  ils  veulent  qu'on  dise  elle  s'est 
présentée  (t  la  porte,  je  i'ui  laissée  passer,  quoi- 
qu'on doive  iiiic,  je  l'ai  fait  passer.  Pour  rendre 


mourir.  Mais  que  veut  dire  j'«i  laissé  elle?  Il 
semble  que  nous  sommes  portos  à  regarder 
laissé  mourir  ou  laisser  passer  comme  une 
seule  idée,  et  que  nous  sommes  clioqués  de  la 
voir  partagée  en  deux  par  un  pronom  placé  entre 
le  participe  et  le  verbe. 

Autre  exemple  des  momcs  grammairiens  :  Aret- 
voms  entendu  chanter  la  nouvelle  actrice?  Je 


PAR 

l'ai  entendue  chanter,  c'est-à-dire  j''ai  entendu 
elle  chanter.  Aves-vous  entendu  chanter  la  nou- 
velle arieitrf  Je  l'ai  entendu  c/m/i <<>»•,  c'est-à- 
dire  j'ai  entendu  chanter  V ariette,  ^uaiid  il 
s'agit  de  l'ariette,  ils  considèrent  donc  entendu 
chanter  comme  une  seule  idée,  parce  qu",  en 
effet,  l'ariette  ne  peut  être  l'objet  que  de  l'idée 
exprimée  par  ces  deux  mots  réunis,  entendu 
chanter.  Or,  il  faut  convenir  <iu'à  la  rigueur,  la 
nouvelle  actrice  pourrait  cire  l'objet  (ïeniendu; 
ni;iis  il  ne  s'agit  pas  seulemom  de  l'avoir  enten- 
due, il  s'agit  de  l'avoir  entendu  clianler,  et  il 
semble  qu'on  ne  peut  pas  considérer  comme 
deux  idées  séparées  celle  du  participe  et  celle  du 
verbe;  il  faudrait  donc  dire,  je  l'ai  entendu 
chanter,  même  de  l'actrice. 

Les  grammairiens  opposés  au  système  de  Con- 
dillac,  que  je  viens  d'exposer,  distinguent  le  cas 
où  l'infinitif  (jui  suit  le  participe  est  neutre,  de 
celui  ou  il  est  actif.  Dans  le  premier  cas,  disent- 
ils,  le  participe  laissé  doit  être  variable  ;  dans  le 
second,  il  doit  être  invariable.  En  conséquence, 
ils  veulent  que  l'on  écrive  avec  accord,  une 
personne  s'est  présentée  et  la  porte,  je  l'ai  laissée 
passer,  parce  que  le  pronom,  régime  direct,  ap- 
partient au  i)arii(i|)c,  et  non  à  passer,  qui  est  un 
verbe  neutre.  J'ai  laissé  elle  passer.  Mais  ils 
voudraient  que  l'on  dit,  sans  accord,  ellt^  s'est 
laissé  conduire,  elle  s'est  laissé  gouverner,  par 
la  raison  que  conduire  ,  gouverner ,  sont  des 
verbes  actifs,  et  qu'alors  le  pronom  relatif  n'est 
pas  le  régime  de  laisser,  mais  de  ces  deux  verbes, 
elle  a  laissé  conduire  elle,  elle  a  laissé  gou- 
verner elle. 

Mais  si  l'on  examine  bien  la  nature  du  verbe 
laisser,  suivi  d'un  infinitif,  on  verra  qu'il  ne 
peut  être  séparé  de  cet  infinitif  sans  présenter 
un  sens  différent  de  celui  que  lui  donne  sa  liai- 
son avec  cet  infinitif.  Je  l'ai  laissé,  signifie,  je 
l'ai  quitté,  je  l'ai  abandonné,  je  l'ai  oublié;  et 
c'est  ce  sens  qu'aurait  le  verbe,  si,  en  le  séparant 
dcl'inlinilif,  ondisaiij'wi  laissé  elle,  ou  je  l'ai 
laissée;  et  si  l'on  ajoutait  ensuite  joA-sser,  cet  In- 
finitif ne  serait  plus  lié  à  la  phrase,  il  n'aurait 
Doint  de  régissant.  Il  ne  pourrait  être  l'objet  de 
laisse;  car,  '^'"i'^  ''o  (-ac  ce  Dariicino  en  aurait 
déjà  un;  sivoir,  eue,  je  Pat  laissée,  et  l'on  sait 
qu'un  participe,  non  plus  qu'un  verbe  actif,  ne 
peut  avoir  deux  objets  ou  deux  n'-gimcs  directs. 
Après  avoir  entendu  jV  l'ai  laissée,  l'esprii  atta- 
cherait à  ce  verbe  le  sons  qu'il  a  lorsqu'il  est  em- 
ployé seul;  et  si  l'on  ajoutait  passer,  il  faudrait 
(ju'il  revint  sur  ses  pas,  et  qu'il  abandonnât  ce 
sens,  pour  lui  en  donner  un  autre;  ce  qui  est 
absolument  contraire  au  génie  de  la  langue,  qui 
veut  que  chaque  mot  présente  le  plus  tôt  po-sible 
/e  sens  qu'il  doit  avoir,  et  qu'il  n'y  ait  point 
d'intermédiaire  entre  un  motel  celui  "U  ceux  qui 
doivent  déterminer  le  sens  dans  lequel  il  doit  être 
pris.  Or,  ici  la  terminaison  du  participe  laissée 
marquerait  un  intermédiaire,  puisqu'elle  rappel- 
lerait le  pronom  la,  comme  régime  de  ce  participe, 

-Mais  si  ce  participe  pouvait  être  séparé  de 
l'infinitif,  et  avoir  son  régime  à  part,  pourquoi 
cela  n'aurail-il  pas  lieu  dans  les  cas  où  le  sub- 
stantif est  exprimé?  Or,  on  ne  dit  pas  j'ai  laissé 
ces  dames  passer,  ce  (ju'cn  pourrait  dire  si  ces 
dames  étaient  réellement  le  nigime  do  laissé.  On 
dit,  au  contraire,  j'ar  laissé  passer  ces  darnes,  ce 
qui  prouve  que  le  régime  appartient  réellement 
aux  deux  verbes,  qui  ensemble  éijuivalent  à  un 
verbe  actif,  et  nun  au  oui  \cThopasser,  qui  est 
un  verbe  neutre.  On  dit  laisser  tomber  des  it- 


PAR 

rres,  et  non  ^?is  laisser  des  livres  tomber  ;  or, 

f)Ourqiioi,  dans  cette  phrase, /e«  livres  seraient-ils 
e  régime  de  laisser  tomber,  et  ne  seraient-ils  (jne 
le  régime  de  laissés,  dans  je  les  ai  laissés  toiuber? 

Je  lis  dans  un  traité  des  i)arlicipes:  Les  livres 
qu'il  a  laissés  tomber  ;  on  laisse  les  livres  tom- 
ber ;  on  ne  les  retient  pas  lorsqu'ils  tombont;  que 
est  donc  le  régime  de  il  a  laissé  cl  non  de  tomber. 
Malgré  celte  assertion,  je  doute  (jue  l'auteur  ait 
iainais  dit  à  (]uelqu'un  vous  laissez  ,  ou  vous 
avez  laissé  votre  livre  tomber.  On  laisse  tomber 
des  livres,  on  fait  t^imber  des  livres.  Cl  ordi- 
nairement on  ne  sépare  point  tes  deux  verbe-:. 

On  dit  également,  il  faut  laisser  vtanger  ces 
enfants,  Ct  il  faut  leur  laisser  vianger  celte 
salade;  d'où  il  suit  qu'il  Faut  dire,  en  parlant 
des  enfants,  je  les  ai  laissé  manger  ,  et  on  |»ar- 
lanl  de  la  salade,  Je  l'ai  laissé  manger.  Quoi<iue 
le  verbe  manger  ait  dans  ces  phrases  des  sens 
Irés-dinérenls,  on  ne  saurait  y  cire  trompé,  parce 
qu'il  y  a  toujours  dans  ce  qui  précède  (juciquc 
circonstance  qui  détermine  le  sens  dans  lequel  ce 
verbe  doit  être  pris. 

Mais,  dira-t-on,  si  l'inlinilif  est  un  verbe  actif, 
et  qu'il  soit  suivi  lui-même  d'un  régime  direct, 
on  sera  bien  obligé  de  regarder  le  pronom  couune 
le  régime  direct  du  participe,  puisqu'on  ne  peut 
l'attribuer  à  rinfinilif,  qui  a  lui-même  son  régime 
direct.  Ainsi,  il  faudra  dire  je  Zesat  laissés  tuer 
vies  pigeons,  je  les  ai  laissés  boire  mon  vin,  sans 
quoi  les  verbes  tuer  et  boire  auraient  deux 
régimes  directs  :  eux  et  mes  pigeons,  dans  la 
première  phrase;  eux  et  mo7i  vin,  dans  la  se- 
conde. 

Si  l'on  convient  (juc  laisser  tuer  équivaut  à 
une  seule  expression  (jui  a  le  sens  d'un  verbe 
actif,  cette  expression  ne  peut  pas  plus  qu'un 
verbe  actif  avoir  deux  régimes  directs.  On  ne  dira 
donc  pas,  laisser  tuer  eux  vies  pigeons;  mais 
on  dira,  mettant  le  régime  naturel  le  iiromicr,  et 
faisant  de  1  autre  un  régime  indirect,  laisser  tuer 
mes  pigeons  à  eux,  ou  par  eux.  On  ne  dira  donc 
pas, /e  les  ai  laissés  tuer  mes  pigeons,  mais  Je 
leur  ai  laissé  tuer  mes  pi/jeons.  On  dit  laisses 
boire  un  coup  à  cet  homme,  et  non  pas  laissez 
cet  homme  bi-ire  un  coup;  et,  par  coDScquenl, 
on  dira  je  leur  ai  laisse  boire  -mon  vin,  ce  ([Ui 
signifiera  j'ai  laissé  boire  vion  vin  à  eux.  C'est 
ainsi  qu'on  dit  je  leur  ai  fait  traverser  le 
fleuve,  ou  je  leur  ai  laissé  traverser  le  fleuve  ; 
et  non  pas  je  les  ai  fuit,  je  les  ai  laissés  tra- 
verser le  fleuve 

Il  n'y  a  peut-être  qu'un  cas  où  le  verbe  laisser 
puisse  être  séparé  de  l'infinitif  qui  le  suit,  i  est 
lorsque  cet  ia.iaitif  est  un  verbe  pronominal , 
comme  dans  il  faut  laisser  ces  enfants  se  di- 
vertir. Encore  pcut-un  dire  que,  dans  ce  cas, 
iaisser  n'est  pas  joint  a  l'infinitif,  pour  neformer, 
avec  cet  iniiaitif,  qu'une  seule  idée,  puisqu'il  en 
est  séparé  par  le  pronom  se,  qui  donne  au  \crbe 
divertir  un  caractère  particulier,  en  formnnlson 
régime  direct,  indepcndam:nenl  du  \crbe  laisser. 
On  dira  bien,  dans  ce  cas,  en  parlant  de  plu- 
sieurs enfants, /«  les  ai  laissés  se  divertir,  et  on 
ne  peut  pas  dire  autrement. 

Je  sais  que  quchiues  grammairiens  donnent 
jiour  règle  incontestable  que,  lorsque  le  participe 
est  un  verbe  actif,  et  l'inlinitif  un  verbe  neutre, 
il  faut  faire  tomber  le  régime  sur  le  parlicijKî  et 
non  sur  le  verbe;  et  (pi'ainsi  il  faut  dire,  je  les 
ai  laissés  passer,  je  les  ai  laissés  tomber,  je  les 
ai  vus  tomber,  je  les  ai  vus  jnourir.  Je  sais 
qu'ils  citent  même  à  l'appui  de  cette  règle  quel- 


PAR 


i3î 


ques  exemples  tirés  de  nos  meilleurs  poêles  : 
comme  : 

Allez,  dis-je,  et  sachez  quel  lieu  les  a  vus  naître. 
(Volt.,  Oreite,  acl.  II,  se.  m,  18.) 

Cette  nuit  je  l'ai  vue  arriver  en  ces  lieux. 

(Rac,  Britan.,  acl.  II,  se.  Ii,  14.) 

Lui-mime  d'aussi  loin  qu'il  nous  a  vus  paraître. 

(Uac,  Daj.,  uct.  Y,  se.  XI,  7.) 

Mais  il  ne  faut  passe  lasser  de  répéter  (]ue  des 
exemples  pris  dans  les  i)oëtcs,  lorsqu'ils  no  sont 
pas  d'accord  avec  les  jjrincipes  cl  l'usage,  [au- 
vent n'être  que  des  licences.  11  ne  s'agil  i)as  ici 
de  savoir  si  llacinc  et  Voltaire  ont  vu  deux  idées 
ilistinctos  dans  voir  paraître,  voir  arriver,  voir 
naître,  mais  s'il  est  dans  l'esprit  et  le  génie  de 
la  langue  de  voir  ces  deux  idées.  Or,  il  est  cer- 
tain (]u'il  est  plus  naturel  de  dire  j'ai  vu  pa 
raîlre  cet  astre,  j'ai  vu  arriver  cette  priit- 
cesse,  j''aivu  naître  celte  femme,  que  j'ai  vu 
cet  astre  paraître,  j'ai  vu  cette  princesse  arriver , 
j'ai  vu  cette  femme  naître.  Donc,  dans  le  lan- 
gage ordinaire,  les  deux  verbes  sont  regardés 
comme  ne  formant  qu'une  seule  idée,  susceptible 
d'un  régime  comme  un  vcrlieariif.  llacinemêuie 
avait  mis  dans  sa  première  édition  : 

Je  l'ai  vu  cette  nuit  arriver  en  ces  lieux. 

Et  c'est  probablement  pour  éviter  le  son  dés- 
agréable de  celle  nuit  arriver,  qu'il  a  changé  ce 
vers.  Il  a  sacrifié  l'exactitude  à  l'harmonie;  cette 
l'aule,  n'ayant  point  été  relevée,  en  a  amené  une 
autre  de  la  même  nature;  enfin,  dans  la  suite, 
un  grammairien  célèbre  ayant  tâché  de  la  justi- 
fier, elle  a  trouvé  des  imitateurs. 

Il  faut  convenir  cependant  qu'il  y  a  des  cas  où 
le  participe  peut  être  séparé  de  l'infinitif;  mais 
alors  le  sens  de  la  phrase  cl  la  construction  na- 
turelle indiquent  et  autorisent  cette  séparation. 
On  dit,  par  exemple,  j'ai  vu  celte  dame  peindre, 
ct  celle  i)hrase  signifie  j'ai  vu  cette  dame  gui 
peignait.  Je  dirai  donc  dans  ce  sens /e  Ta  t  vue 
peindre.  Si  je  disais /'«t  vu  peindre  cette  dame, 
cela  signifierait  évidemment  j'ai  vu  queli/u'u?!. 
qui  faisait  le  portrait  de  cette  dame;  ainsi  je 
dirais,  en  ce  sens,  je  l'ai  vu  peindre.  On  dit 
même,  en  ce  sens,y<?  les  ai  vus  piller,  en  parlant 
de  gens  qui  pillaient,  c'csl-à-dire  j'ai  vu  des 
hommes  piller,  occupés  ii  piller  ;  et  je  les  ai  vu 
piller.,  en  parlant  de  gens  que  l'on  pillait,  c'est-à- 
dire  j'ai  vu  piller  ces  gens,  etc. 

11  ne  nous  reste  plus  qu'a  considérer  le  parti- 
cipe lorsqu'il  est  suivi  d'un  adjectif,  l-'aul-il  dire 
elle  s^est  rendue  maîtresse,  elle  s'est  rendue 
catholique,  OU  elle  s'est  rendu  maîti-esse,  elle 
s'est  rendu  catholique'^  Pour  résoudre  celte 
question,  il  faut  considérer  si  nous  sommes  |)ortés 
à  séparer  les  idées,  ou  à  les  unir  dans  une  seule. 
Or,  il  semble  qu'on  dit  beaucoup  mieux,  le  com- 
merce a  rendu  riche  cette  ville,  que  le  commerce 
a  rendu  cette  ville  riche.  Ainsi,  quolcjuc  nous 
employions  deux  mots,  nous  ne  paraissons  avoir 
qu'une  seule  idée,  comme  si  nous  disions  a 
enrichi.  I/idéc  scrail-ellc  donc  une  lorsque  nous 
nous  servons  d'une  périphrase,  comme  lorsque 
nous  la  rendons  en  un  seul  mot  ?  Mais  cette  con- 
clusion serait  peut-être  trop  précipitée;  car 
l'oreille  est  quelquefois  la  régie  de  nos  construc- 
tions, autant  au  moins  que  notre  manière  do 
concevoir.  En  effet,  on  dira  [ilulùt  le  vommerce  a 


532 


PAR 


rendu  cette  ville  opulente,  que  le  commerce  a 
rendu  tipvlcnte  cette  ville;  j'ai  rendu  cette  per- 
sonne maîtrossc  do  711071  sort,  que  j'ai  rendu 
7iiuitresse  de  mon  sort  cette  personne  ;  un  dvcleur 
a  rendu  ce  prolestant  cathctique,  <]ii'i/«  docteur 
a  rendu  catholique  ce  protestant.  Il  scinhlc  tioiic 
que  nous  soyons  |)or(es  à  séparer  l'iiléo  du  parli- 
cipe  (le  celle  de  l'adjectif,  el,  par  conséquenl,  on 
peut  dire  elle  s'est  rendue  catiidù/ue,  elle  s'est 
rendue  luaitrcssc.  Mais  si  nous  scpar.ins  plus 
Volontiers  l'idée  du  participe  de  celle  d'un  ad- 
jeclil',  c'csl  qu'un  adjectif  présente  une  idée  qui, 
étant  plus  délcrminée,  se  distingue  davantage  de 
toute  autre.  Celle  d'un  verbe  à  l'InGnilif,  étant  au 
Contraire  indélerniinéc,  est,  par  celte  raison, 
plus  proi)ie  a  se  conl'oudre  avec  celle  du  par- 
tici|)e. 

i.e  participe  passé  est  invariablodans  les  verbes 
impersonnels.  On  dit  les  chaleurs  qu'il  a  fait,  el 
non  J)as  les  chaleurs  qu'il  a  faites;  la  grande 
disette  qu'il  ij  a  eu,  el  non  pas  la  grande  disette 
qu'il  y  a  eue. 

A  ces  observations  sur  les  participes  nous 
joindrons  quelques  remarques  de  Voltaire  et  de 
La  Harpe. 

Là  par  un  long  récit  de  toutes  les  misères 
Que  durant  noire  enfance  ont  enduré  nos  pères. 

(Corn.,  Cin.,  act.  I,  se.  m,  32.) 

Ont  enduré,  dit  Voltaire,  parait  une  faute  aux 

grammairiens;  ils  voudraient  les  misères  qu'ont 
endurées  nos  pères.  Je  ne  suis  point  du  tout  dt^ 
leur  avis.  Il  serait  ridicule  de  dire  les  misères 
qu'on  souffertes  710s  pères,  quoiqu'il  faille  dire 
les  iniiéres  que  nos  pères  ont  souffertes.  [Remar- 
ques sur  Corneille.) 

Voltaire  s'est  souvent  mis  au-dessus  de  ces 
règles  des  participes;  il  a  dit,  en  parlant  d'une 
femme  {Tancrède,  act.  IV,  se.  11, 17)  : 

Et  l'eussé-je  aimé  moins,  comment  l'abandonner? 

Il  fallait  aimée,  dit  La  Harpe.  [Cours  de  litté- 
rature.) Voyez  .Ibsolu. 

Participkr.  A',  n.  délai"  conj.  Il  régit  à  et  de. 
Participer  à,  c'est  avoir  part  à  quelque  chose. 
Un  associé  participe  à  tous  les  droits  d'une 
société. Lesdifjérentes  classes  desélèves  assistent 
(111X  repas  sans  participer.  (Barthél.,  Anacharsis^ 
ch.  XLviii,  l.  n  ,  p.  136.)  //  les  attirait  parles 
charmes  de  la  conversation,  en  s'associant  à 
leurs  plaisirs,  sans  participer  à  leurs  excès. 
(Idem,  ch.  lxvii,  t.  V,  p.  285.) 

Participe  à  ma  gloire  au  lieu  de  la  souiller, 
Tlclie  à  l'en  revêtir,  non  à  m'en  dépouiller. 

iCoRN.,  Wor.,  act.  IV,  se.  vil,  23.) 

Participer  de,  c'est  tenir  de  la  nature  de  quel- 
que chose  :  Un  7niné rai  qui  participe  du  vitriol. 
Le  7nulet,  engendré  d'un  âne  et  d'une  cavale, 
particii)e  de  la  nature  de  l'un  et  de  l'autre. 

Déjà  de  Vespérus  la  douteuse  lumière, 

Qui  participe  ensemble  et  de  l'ombre  et  du  jour, 

Éclairait  à  demi  le  céleste  séjour. 

(Delil.,  ParadiB  perdu,  IX,  50.) 

Quelques  grammairiensont  conclu  de  ces  exem- 
ples que  participer  est  suivi  de  ù  quand  son  sujet 
est  un  nom  de  ])crsonne,  et  (ju'il  est  suivi  de 
la  préposition  de  quand  son  sujet  est  un  nom  de 
choses. 

Cette  règle  est  fausse,  car  on  pourrait  fort  bien 


PAR 

dire  d'un  homme,  né  d'un  blanc  et  d'un  notre,  il 
partici|)ait  </c  l'un  et  de  l'autre;  el  en  parlant 
d'une  |)laiite,  elle  participait  aua:  soins  que  Con 
donnait  à  toutes  les  plante;  de  ce  jardin. 

Queltjues-uns  disent  participer  pour  prendre 
part  :  je  participe  u  votre  douleur.  L'.\cadéinic 
dit  qu'il  s'emploie  (luehjuefois  en  ce  sens;  elle 
aurait  du  dire  (|ue  le  bon  goût  le  rejette. 

Pahticllk.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  Ce 
mot  est  un  diminutif  de  partie ;'i\  signifie  une 
i>etite  partie  d'un  tout.  Les  granimainens  l'ont 
adopté  en  ce  sens,  pour  designer  par  un  nom 
unique  toutes  les  parties  d'oraison  invariables, 
les  prépositions,  les  adverbes,  les  conjonctions 
el  les  interjcviions.  Il  n'y  aurait  pas  grand  mal  à 
celle  dénomination,  si,  en  effet,  elle  ne  désignait 
que  les  espèces  dojit  le  caractère  commun  est 
l'invariabilité.  Mais,  par  un  abus  jjresque  général 
chez  les  grannuairiens,  on  a  a|)pelé  particules, 
non-seulement  les  mois  invariables,  mais  encore 
de  petits  mots  extraits  des  espèces  variables.il 
n'est  i)as  rare  de  trouver  dans  des  livres  élémen- 
taires la  particule  se,  les  |)articules  son,  ses,  ou 
leur,  et  on  sait  que  la  particule  on  y  joue  un  rôle 
très-important.  C'est  un  abus  réel,  parce  qu'il 
n'est  plus  possible  d'assigner  un  caractère  qui 
soil  commun  à  tous  ces  mois,  et  qui  puisse  fonder 
la  dénomination  commune  par  laquelle  on  les 
désigne. 

Beauzéene  regarde,  avec  raison,  comme  par- 
ticules que  les  parties  élémentaires  qui  entrent 
dans  la  composition  de  certains  mois,  pour  ajouter 
à  l'idée  primitive  du  mol  simple  auquel  on  les 
adapte  une  idée  accessoire  dont  ces  éléments  sont 
les  signes.  Il  appelle  particules  prépositives  celles 
qui  se  mettent  à  la  tète  du  mot,  el  particules 
poslpositives  celles  qui  se  meltent  à  la  lin. 

Nous  avons  parlé  à  leur  rang  ali)habélique  des 
principales  particules  prépositives.  A'oyez  A  ou 
Ad;  Âb  ou  Ahs ;  Anti ;  Co,  Corn,  Col,  Cor,  Con; 
Contre;  Dé;  Dés;  Di;  Dis;  E  OU  Ex;  En; 
In;  Mé  ou  Mes;  Par  ou  Fer;  Be  ou  Ré. 

Nous  avons  encore  plusieurs  autres  particules 
qui  viennent  ou  de  nos  prépositions  ,  ou  des 
prépositions  latines,  ou  de  quelques  i)articules 
latines;  elles  en  conservent  le  sens  dans  nos 
mots  composés,  et  n'ont  pas  grand  besoin  d'être 
expliquées  ici.  En  voici  quelques  exemples  : 
Entreprendre,  interrompre,  introduii-e,  pour- 
voir, prévoir,  produire,  rétrograder,  subveni/ . 
subdélégué,  soumettre,  sourire,  survenir,  tru- 
duire,  transposer. 

Le  nombre  de  nos  particules  poslposilivis 
n'est  pas  grand  ;  nous  n'en  avons  que  trois,  ci,  lu , 
et  du.  Voyez  ces  mots. 

Particulier,  Particulière.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Un  Tnotif  particulier,  une 
raison  particulière. —  Un  cas  particulier,  une 
aventure  particulière,  un  talent  particulier.  — 
Une  chambre  particulière,  une  maison  parti- 
culière. —  Un  hom7ne  particulier,  un  esprit 
particulier. 

Particulier  est  opposé  à  général,  dans  il  j^aut 
sacrifier  V  intérêt  particulier  «  Vintérêt  général; 
à  public,  dans  il  est  doux,  après  avoir  vécu  dans 
le  tumulte  des  affaires,  de  retourner  à  la  vie 
particulière  ;  à  universel,  iiaiasl'Eglise  admet  un 
jugement  particulier;  à  l'idée  de  collet tion. 
dans  un  particulier  de  cet  endroit  a  fait  une 
belle  action;  à  commun,  dans,  dans  cette  maison 
chacun  a  sa  chambre  particulière.  Dans  cette 
phrase,  les  assemblées  particulières  sont  illi- 
cites, il  est  corrélatif  de  publiques.  Dans  U  faut 


PAU 

connaître  les  circonstances  particulières  d'une  i 
affaire  pour  en  décider,  il  est  opposé  à  ordinaires 
et  ^communes.  Quand  il  se  ijit  d'une  liaison,  il  en  | 
marque  rtH<»mt7<  ;  d'un  officier,  il  en  marque  la 
sulordinutiin ;  d'un  événement,  il  en  marque 
la  rareté;  d'un  goût,  il  en  marque  la  vivacité; 
etc. 

Ce  mot  s'emploie  aussi  substantivement.  On 
dit  le  particulier  d'une  affaire,  pour  dire  ce  qu'il 
y  a  de  plus  particulier  dans  une  aiïairc,  le  détail 
et  les  circonstances  d'une  affaire. 

On  dit  aussi  un  particulier,  pour  dire  une 
l)orsonne  privée,  par  opi>osiiiou  à  une  société,  à 
une  communauté,  à  luie  collection  :  //  avait 
établi  le  plus  grand  commerce  qu'un  particulier 
de  l'Europe  pût  jamais  embrasser.  (\  oll.) 

En  particulier.  Expression  adverbiale.  A 
part  ;  séparément  des  autres  :  f^oir,  prendre 
quelqu'un  en  particulier.  —  On  dit  être  en  son 
particulier,  pour  dire,  être  retiré  dans  son  cabi- 
net, dans  sa  chambre,  dans  son  appartement.  — 
On  dit  aussi  en  mon  particulier,  pour  dire,  pour 
ce  qui  est  de  moi. 

PARTicuLn:nEJiENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  ni  a  recommandé 
■particulièrement  cette  affiiire,  ou  o«  vi'a  par- 
ticulièrement recommandé  cette  affaire. 

Partie.  Subst.  f.  Parties  du  discours.  Voyez 
Nom,  Substantif,  Adjectif,  Pronom ,  f^erbe. 
Préposition,  Adverbe,  Conjonction,  et  Inter- 
jection. 

Parties  des  animaux.  On  dit  le  pied  d'un 
cheval,  d'un  bœuf,  d'un  cerf,  d'un  chameau, 
d'un  éléphant,  d'un  mouton,  d'un  veau,  d'une 
chèvre,  cl  des  autres  animaux  dont  cette  partie 
est  de  corne.  On  dit  la  patte  d'un  chien,  d'un 
chat,  d'un  lièvre,  d'un  lapin,  d'un  loup,  d'un 
ours,  d'un  singe,  d'un  rat,  et  des  autres  animaux 
chez  qui  celte  partie  n'est  pas  de  corne.  —  On 
dit  les  ongles  d'un  lion,  les  griffes  d'un  chat, 
d'uîi  tigre,  etc.;  les  serres  d'7/n  aigle,  d'un  vau- 
tour ;  les  serres  OM  les  /nains  d'un  épervier. — 
On  dit  la  bouche  d'un  cheral,  d'un  chameau, 
d'un  âne,  d'un  vudet,  d'un  éléphant,  et  en  géné- 
ral des  bêtes  de  somme  et  de  trait.  —  La  gueule 
d'un  bœuf,  d'un  chien,  d'un  brochet,  d'un  lion, 
d'un  loup,  d'un  crocodile,  etc.  On  nomme  de 
même  cette  partie  dans  la  plupart  des  animaux 
à  (luatre  pieds,  et  dans  les  poissons.  --  On  dit 
le  groin  d'un  cochon,  le  mufle  d'un  cerf,  d'un 
bœuf,  d'un  lion,  d'un  léopard, d'un  tigre,  — le 
museau  d'un  chien,  d'un  renard,  pour  désigner 
cette  partie  de  la  tête  qui  comprend  la  gueule 
et  le  nez.  —  On  appelle  les  défenses,  ou  les 
broches  du  sanglier,  les  doux  grosses  dents  cro- 
chues et  effilées  qui  sortent  de  sa  gueule.  —  Ou 
dit  la  hure  d'un  sanglier,  d'un  saumon,  pour 
dire  la  téic. 

Les  termes  les  plus  bas  deviennent  quelquefois 
les  plus  nobles,  soit  par  la  i)lace  où  ils  sont  mis, 
soit  par  le  secours  d'une  épithète  heureuse.  Cor- 
neille dit  dans  son  Héraclius  (act.  II,  se.  11, 40)  : 

Il  semble  que  de  Dieu  la  main  appesantie, 
Se  faisant  du  tyran  l'effroyable  partie, 
Venille  avancer  par  là  son  juste  châtiment. 

Terme  de  chicane.  La  main  de  Dieu  appe- 
santie, qui  devient  l'effroyable  partie  du  tyran, 
est  une  idée  terrible.  [\o\Im-Q..) 

Parties  d'oraison.  Voyez  Oraison. 

PânxiEL,  Partielle.  Adj.  Il  ne  se  metqu'af)rés 
lM>n  subst.  :  Les  sommes  partielles. 


FAR 


533 


PARTin.  V.  n.  irrégulier  de  Ja  2*  conj.  Il  se 
conjugue  comme  sentir.  \'oyez  Irrrgvlier. 

Si  l'on  voulait  s'en  rapporter  aux  grammairiens 
plutôt  qu'à  la  raison,  on  se  trouverait  embarrassé 
pour  décider  si  le  \bvhc  partir  prend  toujours  hi 
verbe  auxiliaire  être,  ou  s'il  prend  taniùi  le  verbe 
être,  tantôl  le  verbe  avoir.  Fcraud  nous  dit,  dans 
son  dictionnaire, (jue quelques-uns,  parignorance, 
ou  par  inadvertance,  disent,  j'ai  parti,  au  lieu 
de  je  suis  parti;  et  il  ajoute  (]uo  le  verbe  partir 
prend  toujours  être  pour  auxiliaire  dans  ses 
temps  composés. 

D'un  aulrc  côté,  je  trouve  dans  la  Grammaire 
des  Grammaires  (p.  473),  que  partir,  comme 
7.-ionter,  descendre,  et  plusieurs  autres  verbes, 
['ix-nd  tantôt  l'auxiliaire  être,  et  tantôt  l'auxi- 
lir,v^  <\^!oir;  et  je  lis  dans  le  Dictionnaire  de 
i'A'-  .'..»£  îa  phrase  suivante  ;  Le  fusil  a  parti 
tout    '.     .  foup. 

\.9  1  .ehcsso  d'une  langue  consiste  surtout  dans 
la  quantité  (les  moyens  (lu'elle  offre  jiour  expri- 
mer les  différentes  vues  do  l'esprit,  et  les  nuances 
qui  les  distinguent.  Ce  serait  appauvrir  une 
langue  que  de  rejetcrquclques-uî.sdeces  moyens, 
sans  dcmonti'er  (pi'il  en  existe  d'éijuivalents. 

Dans  lasignifii-ation  du  mol  partir,  il  y  a  deux 
vues  bien  distinctes  :  la  ]);cmiérc,  (jui  représente 
l'action  du  sujet,  lors  du  départ,  avoir  parti;  la 
seconde,  qui  montre  l'étal  du  sujet  après  le  dé- 
part, être  parti.  Or,  si  le  verbe  partir  no  pouvait 
prendre  que  l'auxiliaire  être,  \\  n'existerait  pas 
d'expression  dans  la  langue  pour  distinguer  les 
nuances  de  ces  deux  idées,  et  l'on  dirait  égale- 
ment le  lièvre  est  parti,  et  pour  marcpicr  l'action 
du  départ,  et  pour  siirnilier  l'étal  du  lièvre  rela- 
tivement à  celte  action,  après  ([u'elle  est  faite 
J'arrive  prés  d'un  chasseur  une  demi-heure 
après  qu'un  lièvre  a  parti,  il  me  dit  le  lièvre 
est  parti;  et  j'entends  par  là  qu'il  s'en  est  allé, 
qu'il  a  quitté  le  lieu  où  il  était,  qu'il  n'y  est  plus. 
Mais  si  je  lui  demande,  quand  a-t-il  partie  et 
qu'il  me  réponde,  il  est  parti  il  y  a  une  demi- 
lieurc  ;  \o\\ii  il  est  parti  employé  pour  signifier 
cl  l'action  que  le  lièvre  a  faite  en  partant,  et  l'élat 
du  lièvre  relativement  à  cette  action  depuis  le 
moment  de  son  départ.  Je  conçois  bien  que  le 
lièvre  est  parti  depuis  le  moment  de  son  départ  ; 
mais  je  ne  compremls  pas  comment  il  est  parti, 
lorsqu'il  partait. 

Disons  donc  que  le  verbe /jarAn-  prend  l'auxi- 
liaire avoir  (juand  on  veut  exprimer  l'action  de 
partir,  et  qu'il  prend  l'auxiliaire  être  quand  on 
veut  marquer  l'élat  du  sujvjt  reiativemenl  a  celte 
action  finie.  Il  y  a  la  même  diffi'rence  entre  il 
a  parti  el  il  est  parti,  ({n'entre  il  a  passé  et  il 
est  passé. 

Partisan.  Su])St.  m.  Qui  est  attaché  au  parti 
de  quelqu'un,  qui  soutient  son  i)arli.  Quelques 
auteurs  ont  dit  partisane  au  fi'ininin.  N'ollairc 
dit  dans  une  lettre  à  madame  du  Boccagc  (2U" 
lettre,  12  octobre  1749)  :  Elle  vous  rendait  bien 
justice,  vous  n'aviez  point  de  partisane  plus 
sincère.  Ce  mot  est  peu  usité. 

PAnTiTiF,  Partitive.  Adj.  Ce  terme  est  usité 
pour  caractériser  les  adjectifs  (jui  désignent  ane 
partie  des  individus  compris  dans  l'étendue  de  la 
signification  des  noms  aux(iuels  ils  sont  joints, 
comme  quelques,  plusieurs,  etc.  Les  grammai- 
riens regardent  encore  comme  partitifs  les  ad- 
jectifs ccjmparatifs  et  superlatifs,  les  adjectifs 
numéraux,  soitcardinaux,  comme  un,  deux,  soit 
ordinaux,  comme  premier,  second,  troisièms, 
etc.,  parce  qu'en  effet  tous  ces  mois  désigaenî 


854 


PAS 


des  objets  extraits  de  la  lolalilt-,  au  moyen  de  la 
qualilication  comparative,  superlative  ou  numé- 
ri(|ue,  désignée  par  un  adjectif  :  J'ivsieurs  de 
nos  anciens  auteurs;  il  iic  s'aiiil  pas  ici  de  tous 
nos  anciens  auteurs,  mais  d'une  partie  indéter- 
minée tjui  est  désignée  par  ratijectif  plusieurs, 
qui,  par  cette  raison,  est  partitif.  J)eus  de  vies 
aniis  ;  il  s'agit  ici  non  de  la  lotaliit^  de  mes  amis, 
mais  d'une  partie  précise  déterminée  numérique- 
ment par  l'adjeciif  cardinal  ou  coilcctilc/ef/x,  tiui 
est  partitif,  t^iueiques  grauimairions  ont  admis  un 
article  partitif,  et  il  est  vrai  ipi'il  y  a  partition 
dans  les  phrases  où  ils  prétendent  voir  cet  arlirle, 
comme  du  pain,  de  l'eau,  de  l'honneur;  mais  ces 
locutions  ont  déjà  été  appréciées  et  analystes 
ailleurs.  Voyez  Adjectif  et  Article.  Ce  qu'elles 
ont  do  réellement  p;irtiiif,  c'est  la  préposition  de 
qui  est  extraclive.  (Bcauzée.) 

Partition.  Subst.  f.  Le  premier  ii  conserve  sa 
prononciation  naturelle,  le  second  se  prononce 
comme  ci. 

Parvenir.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  2«  Ounj.  11 
se  conjugue  comme  venir  et  prend  l'auxiliaire 
être.  Etre  allé,  être  arrivi'.  être  décédé,  être 
mort,  être  né,  être  tombé,  être  venu,  être  par- 
venu, etc.,  ne  signifient  point  une  action,  mais 
un  état  qui  résulte  d'une  action.  Celui  qui  est  allé, 
est  dans  l'étal  d'un  homme  (jui  s'est  niù  pour  se 
rendre  en  quelque  endroit,  et  il  en  est  de  môme 
lorsque  l'iiCtion  d'aller  est  déterminée.  On  dit  d'un 
homme  qui,  est  à  Rome  depuis  six  ans,  il  est  allé 
à  Home.  Être  arrivé,  c'est  être  au  but  do  son 
voyage,  c'est  un  étal,  etc. 

Pas,  Point.  Expressions  qui  se  joignent  ordi- 
nairement <i  la  négative  ne.  Elles  se  mettent  après 
le  verbe,  dans  les  temps  simples:  Je  ne  l'aime 
pas,  je  n'en  veux  point.  DiuiS  les  temps  com- 
posés, on  les  met  entre  1  auxiliaire  et  le  participe  : 
Je  n'ai  pas  dormi,  il  n'est  point  renu.  Ordinai- 
rement on  les  met  devant  l'infinitif  :  Il  faut  ne 
le  pas  montrer.  Quelquefois  on  peut  les  mettre 
après  ,  comme  dans  cet  exemple  de  Fléchier  : 
Platon  ne  laissait  atix  femmes,  pour  toute  gloire, 
que  celle  de  n'en  avoir  point. 

Voltaire  a  dit  dans  la  IJenriade  (VTIT,  323)  : 

Amitié  que  les  rois,  ces  illustres  ingrats. 
Sont  assez  mallieurcux,  pour  ne  connaître  pas. 

On  peut  supporter  cette  inversion;  mais  celle-ci, 
de  Molière,  est  trop  dure  a  l'oreille  (Tartufe, 
act.  V,  se.  III,  58)  : 

Aux  menaces  du  fourbe  on  ne  doit  dormir  point. 

Pas  et  point  peuvent  cire  regardés  comme  les 
compléments  de  la  négation  à  la<iuelle  ils  sont 
joints;  car  sans  eux  le  sens  est  moins  nég;itif,  et 
ils  servent  a  l'achever,  à  le  préeiser,  a  le  com- 
pléter. Je  ne  puis,  nie  moins  <]UCje  7ie  puis  pas 
ou  je  ne  puis  point.  Ces  mots  ne  sont  point 
négatifs  par  eux-iiiémes;  cet  usage  leur  vient, 
selon  toute  api)aroncc,  de  ce  que,  dans  l'ordre  des 
choses  qu'ils  expriment,  ils  sont  la  limite,  le  ncc 
plus  vltrà  des  dimensions  ou  soustractions 
qu'on  peut  y  faire.  De  la  vient  (lu'avcc  point, 
la  négation  est  plus  forte  qu'avec  pas,  pane  que, 
dansTordic  des  distances,  le  point  est  une  limite 
plus  éloignée  que  le  pas.     ' 

On  supprime  pas  et  point  devant  ni,  rien, 
jamais,  plus,  aucun,  parce  que  ces  mots  suni 
autant  de  compléments  de  la  négation  ne:  Je  ne 
Paime  ni  ne  l'estime;  il  ne  vaut  rien;  je  ne  le 


PAS 

verrai  jamais;  je  ne  lui  pardonnerai  plus  ;  û 
n'en  a  aucun.  On  les  supjjrime  aussi  devant 
autre  :  Je  ne  veux  d'autre  récompense  i/ue  votre 
amitié.  — On  les  retranche  aussi  après  les  adjao 
tifs  conjonctifs  suivis  du  suhjonctff  :  Est-il  quel- 
qu'un qui  ne  le  sache?  devant  que  signiliant  seu- 
lement, ^e  ne  ferai  que  ce  qu'il  voudra;  apréS 
que  signifiant  pourquoi  ne,  que  ne  parle z-rousf 
après  si,  à  moins  que,  et  les  autres  conjoneiions 
qui  ont  le  même  sens,  si  vous  ne  l'ordonnez,  à 
7noinsque  V(jiis  ne  le  souhaitiez.  Après  les  verbes 
oser,  pouvoir,  cesser,  on  peut  omettre  ou  ein|)loyer 
pas  ou  point,  selon  que  l'on  vent  nier  plus  ou 
moins  fortement  ; /e  n'ose,  nie  moins  fortement 
que  je  n'osa  pas  ;  je  71  ose  pas,  que  je  n'ose 
point.  Lorstiue  ces  trois  verbes,  employés  dans 
le  sens  négatif,  n'ont  pas  pour  complément  un 
infinitif,  ou  lors<ju'ils  sont  employés  sans  com- 
plément, ils  sont  presque  toujours  suivis  de  pas  : 
Dieu  ne  peut  pas  l'impossible,  il  71e  cesse  pas, 
vous  n'osez  pas.  —  Avec  les  noms  de  nombre 
joints  a  la  proposition  de,  ou  à  la  conjonction  que, 
on  retranche  JJU5  nupint:  Je  ne  le  i-errot  de 
dix  jours,  il  y  a  dix  jours  que  je  ne  l'ai  vu. 
Observons  cependant  à  l'égard  du  second  exem- 
ple, qu'il  ne  faut  supprimer  pas  ou  point  après 
il  j  a,  que  lorsque  le  verbe  qui  suit  cette  expres- 
sion est  au  passé;  car,  s'il  était  à  tout  autre 
temps,  on  mettrait  pas  ou  point  :  Il  y  a  un  an 
que  je  ne  lui  parle  pas,  il  y  avait  un  an  que  je 
7ie  lui  parlais  point 

Pas  énonce  simplement  la  négative,  point  l'ex- 
prime avec  beaucoup  plus  de  force.  Le  premier, 
souvent,  ne  nie  la  chose  qu'en  partie,  ou  avec 
une  modification;  le  second  la  nie  toujours  ab- 
solument, totalement  et  sans  réserve.  On  dira 
vous  7ie  croyez  pas  une  chose  qu'en  71e  peut 
vous  persuader,  y  ous  71e  croyez  point  celle  que 
votre  esprit  rejette  entièrement.  Dans  Ic  premier 
cas,  il  peut  vous  rester  quelque  doute;  dans  le 
second,  vous  êtes  décidé.  On  dira  aussi,  il  n'a 
pas  ce  qu'il  faudrait  d'esprit  pour  une  telle 
place;  parce  que  cela  suppose  qu'il  n'est  pas  réel- 
lement sans  esprit;  mais  si  l'on  dit  il  71'a  point 
d'esprit,  cela  signifie  ([u'il  en  est  entièrement 
dépour\'u. 

Par  cette  raison,  pas  vaut  mieux  que  point 
avant  les  mots  qui  servent  à  marquer  le  degré  de 
•lualilé  et  de  quantité,  tels  que  moins,  plus,  beau- 
coup, si,  fort,  et  autres  semblables  :  Cicénm 
7i'est  pas  7noins  véhément  que  Deiaosthètics  ; 
Démcsthèncs  n'est  pas  si  abondant  que  Cicé- 
ron;lcs  riches  ne  sont  pas  toujours  plus  heureux 
que  les  pauvres.  Assez  ordinaireme7it,  il  n'y  a 
pas  beaucoup  d'argent  chez  les  gens  de  lettres. 

P<ir  la  même  raison,  pas  est  préférable  avant 
.les  noms  de  nombre:  Qui  71'a  pas   un  soti  à 
dépenser,  n'a  pas  un  grain  de  7nérite  à  faire 
paraître. 

De  même,  pas  convient  mieux  à  quelque 
chose  de  passager  et  d'acciilcntel  ;  point  à  (juel- 
quc  chose  de  permanent  et  d'Iiabituel.  //  71e  lit 
pas,  c'est-à-dire  présentement  ;  il  ne  lit  point, 
c'est-à-dire  jamnis,  dans  aucun  temps.  On  dira 
également  d'un  homme  qu'il  ne  dort  point,  pour 
faire  entendre  qu'il  a  une  insomnie  habituelle;  et 
qu'il  7te  dort  pas,  pour  manpier  qu'actuellement 
il  est  éveillé. 

Par  la  même  raison  encore,  pas,  après  tout, 
marque  une  exclusion  partielle,  ai  point  une  ex- 
clusion totale.  Tous  ceux  qu'on  accusait  71'ont 
pas  été  convaincus;  c'est-à-dirc  (iucl(|ues-uns  de 
ceux  qu'on  accusait  71'otit  pas  été  convai/icus 


PAS 

Toui  ceux  qtCon  accusait  n'ont  point  été  con- 
vaincvs,  c'esl-à-dire  aucun  de  ceux  ou'on  accu- 
sait n'a  été  convaincu. 

Quand  pas  ou  point  cuire  dans  l'inlenogalion, 
c'est  avec  des  sens  un  peu  différents.  Si  ma 
question  est  accompagnée  de  ([uelciue  doute,  je 
dtni:  N'ui-ez-vo'is  point  été  hi?  N'est-ce  point 
vous  qui  me  trahissez  ?  Maissi  j'en  suis  persuadé, 
je  dirai  par  iiumière  de  rcpioctie,  n'urez-vous 
pas  été!à9  n'est-ce  pas  roi^i'  qui  m'avez  trahi? 

De  même  lorsiiu'oii  dit  n'avcz-vnus  point  vu 
un  telf  c'est  une  question  simple,  et  lorsqu'on 
dit  n'avez-vous  pas  ra  un  tel?  on  veut  marquer 
par  là  qu'on  croit  que  celui  qu'on  interroge  a  vu 
celui  dont  on  parle.  Xovez  Point. 

Pascal,  Pascale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  L'agneau  pascal,  cierge  pascal.  On 
dit  au  masculin  pluriel  des  cierges  pascals,  et 
non  pas  pascaux.  — L'Académie  dit  qu'il  fait 
pascaux,  maisclleajoulc  (luoccplurielcsl  inusité. 

Passaple.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Du  vin  passable,  des  vers 
passables. 

Passablement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  acquitté  pas- 
sablement de  sa  commission,  OU  il  s'est  passa- 
blement acquitté  de  sa  commission. 

Passagi:p.,  Passagère.  Adj.  11  ne  se  dit  que  des 
choses,  et  on  jiout  le  metire  avant  son  subst., 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Plaisirs  passagers  ,  douleur  passagère  ,  cette 
beauté  passagère,  cette  passagère  beauté  ;  des 
oiseaux  passagers.  —  Il  faut  se  garder  de  le 
confondre  avec  l'adjectif  passant,  passante. 
Voyez  ce  mot. 

PASSAGÈnE.MENT.  .\dv.  Il  uc  sc  met  qu'après  le 
verbe  :  //  a  occupé  passagèrement  ce  poste. 

Passant,  Passa^ite.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
passer.  Quoique  cet  adjectif  ait  la  terminaison 
active,  il  a  le  sens  passif.  Il  ne  se  dit  pas  de  ce- 
lui qui  passe,  mais  de  l'endroit  oii  l'on  passe 
fréquemment  :  Un  chemin  passant,  une  ville 
passante.  Il  se  met  ordinairement  après  son  subst. 

Passe-Droit.  Subst.  m.  On  doit  dire  au  pluriel 
des  passe-droit  sans  s.  Le  mol  passe  est  verbe, 
et  ne  peut  prendre  un  5  au  pluriel;  ci  il  ne  s'agit 
point  de  passer  des  droits,  mais  de  passer  le 
droit.  Des  passe-droit  sont  des  grâces  ([ui  pas- 
sent le  droit.  La  pluralité  tombe  sur  grâces,  qui 
est  sous-entendu  .-  On  m'a  fait  un  grand  nom- 
bre de  passe-droit. — L'Académie  écrit  des  passe- 
droits. 

Passe-Parole.  Subst.  m.  On  dit  au  pluriel  des 
passe-parole,  sans  s.  La  i)luralité  ne  peut  tomber 
ni  sur  passe,  qui  est  un  verbe,  ni  sur  le  sub- 
stantif parole  ;  car  il  ne  s'agit  que  de  passer  par 
la  parole  et  non  de  passer  des  paroles.  La  pluralité 
tombe  sur  c)7rt;//a/iafewe«/,  qui  est  sous-entendu. 
Des  passe-parole  sont  des  commandements  qui 
passent  par  la  parole. 

Passe-Partodt.  Subst.  m.  On  dit  au  pluriel 
des  passe-partout  sans  s;  la  pluralité  tombe  sur 
le  mot  clef;  des  passe-partout  sont  des  clefs  (jui 
ouvrent  toutes  les  portes  d'une  maison. 

Passe-Port.  Subs.  m.  On  dit  au  pluriel  des 
passe-ports. 

Passer.  Y.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe 
prend  l'auxiliaire  avoir  (juand  il  signifie  l'action 
de  passer  :  Il  a  passé  en  .Amérique  en  tel  temps; 
nous  avons  passé  par  la  Champagne  après  avoir 
passe  la  Aleuse.  L'empire  des  Assyriens  ? 
passéaux  Mèdcs  ;  Charles-Quint  a  passé  l'Eu- 
phrate.  (De  Wailly.)  La  procession  ^  passé  sous 


PAS 


S55 


mes  fenêtres.  (Condillac.)  Mais  on  emploie  l'au- 
xiliaire être  lorscju'on  veut  exprimer  l'état  qui 
résulte  de  cette  action  .-  Il  est  passé  en  Amérv/ue 
depuis  tel  temps.  Ce  temps  csi  passé,  et  il  a 
passé  bien  vite.  Cette  mode  est  passée,  cette 
fleur  esl  passée.   La  procession  est  passée. 

Et  comment  savez-vous 

. .    .Si  leur  sînR  tout  pur,  ain.«i  que  leur  noblesse, 
Ett  patte  jusqu'à  ïous  de  Lucrèce  en  Lucrèce, 

(BoiL.,  Sat.  V,  83.) 

Boiieau  aurait  pu  mettre  a  passé,  s'il  avait 
voulu  exprimer  l'action  par  laquelle  le  sang  et  la 
noblesse  passent;  mais  comme  il  a  voulu  expri- 
mer particulièrement  l'effet  résultant  de  cette 
action,  l'existence  réelle  du  sang  et  do  la  noblesse 
après  le  passage,  il  a  dû  dire  est  passé.  C'est 
donc  à  tort  ([ue  rabb('  d'Olivet  a  prétendu  que 
Boiieau  aurait  dû  divc  a  passé. 

Se  pas.ier  à,  se  passer  de,  sont  deux  locutions 
absolument  différentes.  Se  passer  à  signifie  se 
conlenler  de  ce  qu'on  a  ;  se  passer  de  signifie 
soutenir  le  besoin  de  ce  qu'on  n'a  pas  :  //  a 
quatre  attelages,  on  peut  se  passer  à  moins, 
f'^ous  avez  cent  mille  écus  de  rente,  et  je  m'en 
passe.  (Volt.,  Remarques  sur  le  Menteur,  \ic\..  I, 
se.  V,  75.) 

Ce  verbe  est  relatif  au  mouvement  d'un  lieu 
dans  un  autre,  sans  aucun  égard  ni  .à  celui  d'où  le 
mouvement  se  fait,  ni  à  celui  oii  il  est  dirigé,  mais 
seulement  à  l'endroit  où  il  se  fait,  ou  bien  a  celui 
qui  le  voit  et  en  juge.  Il  a  une  infinité  d'accep- 
tions qui  se  reconnaissent  par  les  phrases  où  il  esl 
employé.  Le  cerf  a  passé  par  cet  endroit.  Ils  ont 
passé  debout  ou  sans  s'arrêter.  Passer  Au  papier 
sur  le  feu  pour  le  sécher.  Ce  malade  ne  passera 
pas  l'hiver.  Ce  manteau  m'a  passé  deux  an- 
nées. Il  passe  mal  son  temps.  Les  plaisirs  pa«- 
sent  vile.  La  \\e  se  passe.  La  beauté  et  la  jeu- 
nesse se  passent.  Cette  étoffe  se  passera.  Ces 
sortes  de  couleurs  paiie/ji.  Riennejoaise  comme 
les  modes.  Ces  fruits,  ce  vin,  ce  fromage,  ces 
mets,  sont  joa.s5ei.  Des  raisins  passés.  Ces  rs\- 
i^ins passent,  on  n'en  voit  plus  guère.  Il  vous 
passe  de  toute  la  tète.  Il  était  homme  de  bien,  je 
ne  sais  comment  il  a  commis  cette  action  ;  cela 
me  passe.  Le  madrigal  ne  passe  guère  dix  à  douze 
vers.  Elle  a  passé  sa  chemise  par-dessus  sa  tête. 
Il  y  a  des  i)hysicicns  qui  ont  prétendu  que  la 
poussière  dont  l'air  est  rempli  passait  à  travers 
le  verre.  La  vertu  ne  passe  pas  toujours  des  pères 
aux  enfants.  Le  nom  de  qucliiucs  hommes  de  ce 
siècle  passera  à  la  i)ostéritc.  Ses  succès  ont  pa.tsé 
mes  espérances.  Queli|ucs  opinions  des  anciens 
qu'on  regardait  comme  des  erreurs ,  passent 
maintenant  pour  des  vérités  constantes.  Il  ne  peut 
pas  se  passer  de  vin,  je  me  passe  de  peu.  Il  faut 
en  passer  par  !à.  Il  y  a  des  considérations  au- 
dessus  destiuelles  je  ne  saurais  passer,  elles 
m'arrêtent  tout  court.  Passes  le  préambule,  allez 
à  la  chose.  Vous  me  trouverez  intraitable,  je  ne 
vous  passerai  rien.  Racontez  les  clioses  comme 
elles  se  ^onl  passées  ;  tous  ces  traits  d'imagina- 
tion qui  embellissent  un  récit,  sont  autant  de 
petits  mensonges.  Cette  monnaie  ne  passe  pas.  Je 
vous  passerai  cette  pièce  pour  vmgl  francs. 

Passer  par  les  mains.  Passer  par  les  armes. 
Passer  sur  le  ventre  à  quelipi'un.  Cela  a  passé 
tout  d'une  voix  dans  le  conseil.  Passer  un  acte. 
Passer  d'un  objet  à  un  autre.  Passer  au  feu,  à 
la  calandre,  à  la  filière,  à  la  claie,  en  blanc,  en 
carton,  au  tamis,  à  la  chausse,  au  filtre,  au  cha- 
mois, à  l'alambic.  Pa^er  maître.  Passer  licence. 


336 


PAS 


Passer  In  plume  par  le  bec.  Passer  l'éponçe. 
Passer  If  liut. 

Passe-tesips.  Subst.  m.  Racine  a  dit  dans 
Jthalù  'W..  II,  se.  VII,  61)  : 

Hé  quoi  :  fous  n'aïei  point  de  pattc-tempi  plus  doux? 

On  a  remarqué  avec  raison  que  passe-temps  ne 
pcul  s'employer  dans  la  poésie  notiie.  —  Nous 
pensons  que  "celle  expression  est  irés-bien  pla- 
cée ici. 

Passe-volant.  Subsl.  ni.  On  dil  au  pluriel  des 
pusse-volants. 

Passible.  Adj.  des  deux  genres,  qui  se  met 
.iprcs  son  suhsl.  :  Un  corps  passible. 

Passif,  Passive.  Adj.  que  l'on  prend  aussi 
.><ii()Slanli\  emcnl.  Il  ne  se  mcl  qu'après  son  subst.  : 
Un  être  passif,  vn  rôle  passif. 

Un  termes  de  grammaire,  on  à\i  verbe  passif, 
rnix  passive,  sens  passif ,  signification  passive . 
C.i;  mol  est  forme  de  passum,  supin  du  verbe 
/^(//i,  soulïrir,  être  affecté.  Le  passif  est  opposé  à 
laclif. 

le  verbe  passif  est  un  verbe  qui  contient  un 
altrii)Ut  dans  lequel  l'action  est  considérée  comme 
souH'crle  par  le  sujet.  Je  suis  aimé  est  un  verbe 
passif.  —  Le  verbe  passif  se  conjugue,  dans  tous 
ses  temps,  avec  l'auxiliaire  être,  ainsi  qu'il  suit  : 

Indicatif.  —  Je  suis  loué  ou  louée;  j'étais 
loué  ou  louée;  je  fus  loué  ou  louée;  j'ai  été 
loué  ou  luuéc  ;  j'eus  été  loué  ou  louée;  j'avais  été 
loué  ou  louée;  je  serai  loué  ou  louée  ;  j'aurais  été 
loué  ou  louée. 

Conditionnel.  — Je  serais  loué  ou  louée;  j'au- 
rais été  loué  ou  louée /j'eusse  été  loué  om  louée. 

Impératif.  —  Sois  loué  ou  louée. 

Subjonctif.  — Que  je  sois  loué  ou  louée;  que 
je  fusse  loué  om  louée;  que  j'aie  été  loué  ou  louée; 
rjuc  j'eusse  été  loué  nu  louée. 

Infinitif.  —  Être  loué  ou  louée. 

Participe.  —  Présent.  Etant  loué  ou  louée.  — 
Passé.  Ayiuit  été  loué  ou  louée. 

Il  y  a  des  verbes  (jui  ont  le  sens  passif  sans 
avoir  la  forme  passive,  comme  périr.  Il  y  en  a 
au  contraire  (jui  ont  la  forme  passive  sans  avoir 
le  sens  passif,  (;ommeye  suis  entré.  — Quebjuc- 
fois  nous  employons  le  tour  actif  avec  le  jironom 
réfléchi,  pour  exprimer  le  sens  passif,  au  lieu  de 
faire  usage  de  la  forme  passive.  Ainsi  on  dit 
cette  marchandise  se  débitera,  quoique  la  mar- 
chandise soit  évidemment  le  sujet  passif  du  dé- 
bit, et  qu'on  eût  pu  dire  sera  débitée,  s'il  avait 
plu  à  l'usage  d'autoriser  celle  piirase  d;,ns  ce 
sens;  je  dis  dans  ce  sens,  car  dans  un  autre  on 
dit  très-bien  quand  cette  marchandise  sera  dé- 
bitée, j'en  achèterai  d'autres.  La  différence  de 
ces  deux  phrases  est  dans  le  temps  :  cette  mar- 
choîidise  se  débitera,  est  au  futur,  et  l'on  dirait 
dans  le  sens  actif,  je  débiterai  celte  marchan- 
dise ;  quand  celle  marchandise  sera  dubilée, 
est  un  futur  com|)osc,  et  l'on  dirait  dans  le  sens 
actif,  quand  f  aurai  débité  cette  marchandise. 
(Beauzée.)  Voyez  Sens,  Conjugaison. 

Passio>s.  Subst.  f.  plur.  Terme  de  rhétori(iue 
cl  de  poésie.  On  appelle  ainsi  tout  uiouvemenl 
de  la  volonté  qui,  causé  par  la  recherche  d'un 
bien  ou  par  l'appréhension  d'un  mal,  apjiorte  un 
tel  changement  dans  l'esprit,  qu'il  en  résulte  une 
différence  notable  dans  les  jugements  qu'il  porte 
en  cet  état,  et  que  ces  mouveinenls  influent  même 
sur  le  corps.  Telles  sont  la  pitié,  la  crainte,  la 
colère,  etc. 

L'élofiuencc, non-seulement  admet  les  passions, 


PAS 

mais  encore  elle  les  exige  nécessairement.  «On 
sait,  dit  llollin,  que  les  passions  sont  l'àme  du 
discours,  (|ue  c'est  ce  qui  lui  donne  une  impé- 
tuosité et  une  véhémence  qui  emportent  et 
entraînent  tout,  et  ([uc  l'orateur  exerce  par  là 
sur  ses  auditeurs  un  emi)ire  absolu,  cl  leur  in- 
spire tels  seiitimenis  (|u  il  lui  phiii;  (juclquefois 
en  i)rufilaiit  adroilemeiil  de  la  penio  et  de  la  dis- 
position favorable  qu'il  trouve  dans  les  esprits, 
mais  d'autres  fois  en  surmontant  loute  leur  ré- 
sistanca  par  la  force  victorieuse  du  discours,  et 
les  obligeant  de  se  rendre  comme  malgré  eux.  La 
péroraison,  ajoute-t-il,  est,  i\  proprement  parler, 
le  lieu  des  passions;  c'est  la  que  l'orateur,  pour 
achever  d'abattre  les  esprits  et  puur  enlever  leur 
consenteuient,  emploie  sans  ménagement,  selon 
l'importance  et  la  nature  des  affaires,  toui  ce  que 
l'éloquence  a  de  plus  fort,  de  plus  tendre  et  de 
plus  alfeclueux.  » 

Les  rhéteurs  donnent  des  préceptes  fort  éten- 
dus sur  la  manière  d'e.xciter  les  jtassions,  et  ils 
peuvent  être  utiles  jusqu'à  un  certain  point; 
mais  ils  sont  tous  f«rces  d'en  revenir  à  ce  prin- 
cipe, que,  pour  loucher  les  autres,  il  faut  être 
louché  soi-même. 

On  sent  assez  que  des  mouvements  forts  et 
paliiétiqucs  seraient  mal  rendus  par  un  discours 
brillant  et  fleuri,  et  qu'il  ne  doit  s'agir  de  rien 
moins  que  d'amuser  l'espril  (juand  on  veut  triom- 
I»her  du  cœur.  De  même  dans  les  fiassions  plus 
douces,  tout  doit  se  faire  d'une  manière  simple  et 
naturelle,  sans  étude  et  sans  affectation  ;  l'air, 
l'extérieur,  les  gestes,  le  ton,  le  style,  tout  doit 
respirer  je  ne  sais  quoi  de  doux  et  de  tendre  qui 
parle  du  cœur  et  qui  aille  droit  au  cœur. 

On  entend  par  joaMw/fs,  en  poésie,  les  senti- 
ments, les  mouvements,  les  actions  passionnées 
que  le  poëte  donne  à  ses  |)ersonnages. 

happassions  simt,  pour  ainsi  dire,  la  vie  et 
l'espril  des  poëmes  un  peu  longs.  Tout  le  monde 
en  connaît  la  nécessité  dans  la  tragédie  et  dans  la 
comédie;  l'épopée  ne  peut  pas  subsister  sans  elles. 

Passionnément.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  aime  passionné- 
ment cette  femme  ;  il  est  passionnément  aimé  de 
cette  femme. 

Passionnes  (se).  \.  pronom,  de  la  \"  conj.  Ce 
verbe  n'est  point  usité  à  l'actif.  Quelques  per- 
soiuies  ont  A\\. passionner  son  chant,  passionner 
sa  déclamation,  mais  ces  locutions  n'ont  pas 
été  sanctionnées  par  l'usage.  —  En  1835,  l'Aca- 
démie les  admet. 

Se  passionner,  c'est  se  préoccuper  fortement 
et  aveuglément.  Les  gens  à  imagination  se  pas- 
sionnent facUemenl.  Il  est  dillicili!  de  ne  pas  se 
passionner  pour  une  chose,  lorsiju'on  y  prend  un 
grand  intérêt.  Unauleura  dit  assez  heureusement: 
J'ai  su  jouer  une  de  ces  langueurs  qui  touchent, 
et  j'ai  vu  quelquefois  qu'on  se  passionnait  à 
mim  rôle.  —  On  dit  adjectivement  :  Un  amant 
passionné,  un  style  passionné,  un  regard  pas- 
sionné,  un  ton  passionné.  —  On  est  passionné 
pour  la  musique,  pour  la  danse,  pour  la  pein- 
ture. —  Je  ne  crois  pas  qu'on  dise,  comme  on 
le  prétend  dans  V Encyclopédie,  être  passionné 
des  richesses,  être  passionné  d'une  femme.  — 
On  dit  quelquefois  absolument,  c'est  un  homme 
passionné. 

Passivement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Ce  verbe  se  prend  passivement. 

Pastobal,  Pastorale.  Adj.  (pii  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Chant  pastoral,  habit  pastoral, 
vie  pastorale,  poésies  pastorales.  —  Lettre  pas' 


PAT 

torale,  instrucivni  pastorale.  —  I.e  pluriel  pas- 
toraux n'est  point  usité.  (Acad.  ■ISSS.) 

On  appelle  poésie  pastorale,  une  iiuilalion  de 
la  vie  cliainiit'ire  représentée  avec  tous  ses  char- 
mes possibles. 

On  donne  aussi  aux  pièces  pastorales  le  nom 
d'égIogufl,{Vun  mot  grec  (pii  signifiait  recueil  de 
pièces  choisies,  dans  (pielcjuc  genre  que  ce  fût. 
On  a  jugé  à  jn-oiios  de  donner  ce  nom  aux  petits 
|)oëmes  sur  la  vie  champètie,  recueillis  dans  un 
même  volume- Ainsi  on  a  dit  les éjlngiivs  de  Vir- 
gile, c'esl-à-diro  le  recueil  de  ses  petits  poèmes 
sur  la  vie  pastorale. 

Quelquefois  aussi  on  les  a  wommésidylles,  d'un 
mot  grec  qui  signifie  une  petite  image,  une  pein- 
ture dans  le  genre  gracieux  et  doux. 

S'il  y  a  quelque  différence  entre  les  idylles 
et  les  églogues,  elle  est  fort  légère;  les  auteurs 
les  confondent  souvent  ;  cciiendanl  il  semble 
que  l'usage  reut  plus  d'action  et  de  mouvement 
dans  l'églogue;  et  que  dans  l'idylle  on  se  con- 
tente de  trouver  des  images,  des  récits  ou  des 
sentiments  seulement. 

La  poésie  pastorale  peut  se  présenter  non- 
seulement  sous  la  forme  du  récit,  mais  encore 
sous  toutes  les  formes  qui  sont  du  ressort  de  la 
poésie.  Ce  sont  des  hommes  en  société,  qu'on  y 
représente  avec  leurs  intérêts,  et  par  conséquent 
avec  leurs  passions;  passions  plus  douces  et  plus 
innocentes  que  les  nôtres,  il  est  vrai,  mais  qui 
peuvent  prendre  toutes  les  mêmes  formes,  quand 
elles  sont  entre  les  mains  des  poêles.  Les  bergers 
peuvent  dom;  figurer  dans  des  poëm«î8  épiques, 
comme  VyJtInjs  de  Sograis;  dans  des  comédies, 
comme  les  bergeries  de  Racan  ;  dans  des  tragé- 
dies, des  opéras,  des  élégies,  des  églogues,  des 
idylles,  des  épigrammes,  des  allégories,  des 
chants  funèbres,  etc.  (Extrait  de  l'ouvrage  inti- 
tulé Principes  de  littérature.) 

Patauger.  V.  n.  de  la  2'  conj.  C'est  une  ex- 
pression familière  dont  on  se  sert  quelquefois 
pour  dire,  marcher  avec  embarras,  avec  peine, 
dans  de  l'eau  bourbeuse,  ou  dans  quelque  autre 
liquide  malpropre.  Voltaire  a  dit  :  f^otis  avez 
raison  de  trouver  de  grandes  difficultés  dans  le 
chapitre  de  Locke  sur  la  liberté.  Il  avouait  lut- 
ine me  qu'il  était  là  comme  le  diable  pataugeant 
dans  le  chaos. 

Pateh.  Subst.  m.  On  prononce  le  r.  Il  ne  prend 
point  de  s  au  pluriel  :  Trois  Pater. 

Patère.  Subst.  f.  Vase  très-ouvert  dont  les 
.-mciens  se  servaient  dans  leurs  sacrifices.  Il  se 
dit  également  d'une  espèce  de  crochet  terminé 
par  un  ornement  en  cuivre  doré,  à  peu  près  de 
'a  forme  d'une  patère  antique,  et  enfin  de  certains 
ornements  d'architecture. 

Paternel,  Paternelle.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmo- 
nie le  permettent  :  Amoxir  paternel,  tendresse  pa- 
ternelle, affection  paternelle,  soin.i  paternels, 
v'f  paternel  amour.  Voyez  Adjectif. 

Paternellement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
L  verbe  :  Il  Va  traité  paternellement,  et  non 
pas  il  l'a  palcriiellement  traité. 

Pâteux,  Patkdse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Du  pain  pâteux,  des  poires  pâteu- 
ses. —  Acoir  la  bouche  pâteuse,  la  langue  pâ- 
teuse. 

Pathétiquk.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subst.  :  Discours  pathétique, 
un  orateur  pathétique,  des  accents  pathétiques. 
Voyez  Accent. 

l.e  pathétique  est  cet  enthousiasme,  cette  vc- 


PAU 


537 


hémence  naturelle,  cette  jMîinture  forte  qui  émeut, 
qui  touche,  qui  agite  le  cœur  de  l'homme  Tout 
ce  qui  transporte  l'auditeur  hors  de  lui-même, 
tout  ce  ipii  captive  son  entendement  et  subju- 
gue sa  volonté,  voilà  le  pathétiipie. 

Pathétiquement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Cet  acteur  a  joué  très  pathétique- 
ment. 

Pathos.  Subst.  m.  Mot  purement  grec  qui 
signifie  lesm  juvements  ou  les  passions  (jue  l'ortV 
teur  excite  ou  se  propose  d'exciter  dans  l'àmc  de 
ses  auditeurs  : 

On  voit  partout  chez  vous  Vithos  et  le  pathos. 
(Mol.,  Femmes  savantes,  acl.  III,  se.  y,  37.) 

Ce  mot  ne  se  prend  plus  guère  aujourd'hui  qu'en 
mauvaise  part.  On  l'emploie  dans  le  discours 
familier  pour  exprimer  une  chaleur  affectée  ou 
ridicule  dans  un  discours  ou  dans  un  ouvrage. 
On  prononce  le  s. 

Patidulaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Des  fourches  patibu- 
laires. Mine  patibulaire,  phy.nonouiie  patibu- 
laire. 

Patiemment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  [)arlicipe  :  Il  a  snuffltrt  patiem- 
ment, ou  il  a  patiemment  souffert  tout  ce  qu'on 
lui  a  dit. 

Patient,  Patiente.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  ho7nme  patient. 

Patriarcal,  Patriarcale.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Siège  patriarcal,  trône 
patriarcal.  On  ne  dit  pas  patriarcaux  au  pluriel 
masculin. 

Patrimonial,  Patrimoniale.  Adj.  qui  ne  se 
met  i|u'après  son  subst.  :  Héritage  patrimonial, 
biens  patrimoniau.T,  terre  patrimoniale. 

Patriotique.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
queUpiefois  le  mettre  avant  son  subst.  :  Ces  sen- 
timents patriotiques,  ces  patriotiques  senti- 
ments. 

Patronal,  Patronale.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Fête  patronale. 

Patronymique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Nom  patronymique. 

Patte.  Subst.  f.  Il  se  dit  du  pied  des  animaux 
à  quatre  pieds  qui  ont  des  doigts,  des  ongles  ou 
des  griffes,  ^'oycz  Parties  des  animaux. 

Pauvre.  Adj.  des  deux  genres  qui  s'emploie 
aussi  substantivement.  Pauvre,  placé  avant  ou 
après  les  substantifs /wwwe  et  femme,  a  quelque- 
fois des  sens  différents.  Un  pauvre  homme  veut 
dire  quelquefois  un  homme  sans  mérite;  quel- 
quefoisilsignifieunhommeài)laindre:  Le  pauvre 
homrne  ne  sait  que  devenir;  (piehpiefois  aussi  il 
signifie  un  homme  qui  n'a  pas  de  h\m,  j'ai  ren- 
contré un  pauvre  homme.  Un  homme  pauvre, 
une  femme  pauvre,  signifient  un  homme,  une 
femme  qui  est  dans  l'indigence.  Il  y  a  de  la  dif- 
f('rence  entre  un  pauvre  auteur  et  un  auteur 
pauvre.  Le  premier  est  un  auteur  sans  mérite,  le 
second  est  un  auteur  qui  est  dans  l'indigence. 

On  dit  ujie  langue  pauvre,  en  parlant  d'une 
langue  qui  n'a  pas  tous  les  termes  et  tous  les  tours 
nécessaires  pour  bien  exprimer  les  pensées.  — 
En  général,  dans  le  sens  de  chélif,  mauvais  dans 
son  genre,  M  se  met  avant  son  subst.  :  Une  pauvre 
harangue,  une  pauvre  pièce,  «w»  pauvre  esprit, 
%ine  pauvre  espèce. 

Pauvrement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  vécu pauvrcmeut, 
ou  il  a  pauvrement  vécu 


558 


PED 


Pauvresse.  Subst.  f.  Domerguc  prétend  qu'on 
dit  une  pauvresse,  et  que  celle  exprcssiun  est 
une  qujililicalion  do  mépris.  Pauvresse  est  une 
expression  [)opulaire ,  qui  n'emporte  point  une 
qualilicalion  de  mépris. 

P.4.LVRETÉ.  Subst.  f.  Cc  mot  n'a  de  pluriel  que 
lorsqu'il  signifie  des  choses  basses,  méprisables, 
sottes,  ridicules  :  Il  ne  dit  que  des  pauvrchs. 

Pavot.  Subst.  m.  Le  t  linal  ne  se  prononce 
point.  Les  poètes  se  servent  fréquemmeni  de  ce 
mot  pour  signifier  le  sommeil  :  Ce  ne  fut  peint 
le  Sommeil  qui  lui  i-ersa  ses  doux  pavots,  ce  fut 
ia  Discorde  qui  l'enivra  de  ses  poisons.  (Féiiel., 
Ttlem.) 

Ses  yeax  creui  et  perçants,  ennemis  du  repos. 
Jamais  du  doux  summcil  n'ont  senti  les  pavots. 

(Volt.,  Hc-nr.,  iv,  229.) 

Ce  fut  dans  ce  terrible  et  lugubre  appareil. 
Qu'au  milieu  des  pavots  que  verse  le  Sonmeil... 

(Idem,  y,  127.) 

Payable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
(ju'aiirés  son  subst.  :  Une  somme  payable  à  telle 
époque. 

Payement.  Subst.  m.  L'Académie  l'écrit  ainsi. 
Mais  aujourd'hui  on  écrit  et  l'on  prononce  assez 
généralement  paiement  sans  y.  —  En  1835,  l'Aca- 
démie reconnaît  cette  dernière  orthographe,  mais 
elle  continue  à  écrire /jaye/ne/i^ 

Payer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  C'est  un  usage 
assez  général  aujourd'hui  de  mettre  dans  ce  verbe 
et  dans  tous  ceux  qui  se  terminent  en  uyer,  un  i 
voyelle  à  la  place  de  l'y,  toutes  les  fois  que  cet  y 
ne  tient  pas  la  place  de  deux  i.  Ainsi  l'on  écrit 
je  paie,  tu  paies,  il  paie;  nous  payons,  etc.  Je 
paierai,  je  paierais.  Celle  observation  est  appli- 
cable aux  verbes  balayer,  bégayer,  essayer,  etc. 
—  L'Académie  ne  blâme  pas  celte  innovation, 
cependant  elle  conserve  partout  l'y. 

Peccable.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
les  deux  c.  11  ne  se  met  (ju'après  son  subst.  : 
Tout  homme  est  peccable. 

Peccadille.  Subst.  f.  On  [irononce  les  deux  c, 
et  on  mouille  les  l. 

Peccant,  Peccame.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  On  prononce  les  deux  c-  Humeur 
peccante. 

Peccata,  Peccavi.  Dans  ces  deux  mots,  on  pro- 
nonce les  deux  c. 

PixHEÇR.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  pécheresse. 

Pêcheur.  Subst.  m.  On  dit  pêcheuse,  d'une 
femme  qui  pêche. 

Pectoral,  Pectorale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Sirop  pectoral,  vin  pectoral  ;  — 
croix  pectorale.  —  Muscles  pectoraux. 

Péctjsiaire.  Adj.  (pii  ne  se  met  ([u'aprés  son 
subst.  :  Amende  pécuniaire,  peine  pécuniaire. — 
Intérêt  pécuniaire,  secours  pécuniaire. 

PÉccNiELX,  Péccnieuse.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst. 

Pédant,  PÉDA^TE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  pédant,  une  femme  pé- 
dante, un  air  pédant,  des  manières  pédantes.  — 
Il  s'emploie  substanlivrnicnt  :  Un  pédant,  une 
pédante.  Voyez  Adjectif. 

Pédantesque.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.  en  consultant  I  har- 
monie cl  l'analogie  :  Discours  pédatitesque,  ce 
pédantesque  discours. 

PÉDAMTESQLEiiENT.  Adv.    On    peut  îc  inclire 


PEI 

entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a-disserté 
pédantesquement,  ou  il  a  pédantesquement  dis- 
serté. 

Pédestrement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  //  est  venu  pédestre/nent,  et  non  pas  il 
est  pédestrement  venu. 

Peindre.  V.  a.,  n.  et  irrégulier  de  la  4°  conj. 
Pour  connaître  la  manière  dont  ce  verbe  se  con- 
jugue, voyez  Irrégulier. 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxi- 
liaire avoir. 

Peindre  une  personne,  un  animal,  une  bou- 
teille. —  Peindre  sur  bois,  sur  toile.  —  Peindre 
à  l'huile,  à  fresque,  en  détrempe,  en  miniature. 
—  Peindre  les  passions. 

l'iiiRE.  Subst.  f. — On  dit  adverbialement,  à 
peine:  Télémaque  suivait  à  peine,  regardant 
toujours  derrière  lui.  (Fénel.,  Télém.,  liv.  VU, 
t.  i,  p.  248.)  On  le  met  quelquefois  à  la  léte  de 
la  phrase,  et  alors  le  pronom  sujet  se  mel  après 
le  verbe.  A  peine  nous  eut-\\  quittés.  Il  est  es- 
sentiel de  bien  i)lacer  cet  adverbe,  et  il  faut  qu'il 
soit  rapproché  des  mois  auxquels  il  a  rapport. 
C'est  avec  raison  que  l'abbé  d'Olivet  a  critiqué, 
sous  ce  rapport,  les  vers  suivants  de  Kacine 
[Britannicus,  act.  IV,  se.  ii,S3): 

Du  fruit  de  tant  de  soins,  à  peine  jouissant. 
En  avez-vous  six  mois  paru  reconnaissant? 

Qui  ne  croirait  qu'à  peine  doit  se  lier  avec  jomw- 
sant,  comme  si  Néron  ne  faisait  (]ue  commencer 
à  jouir?  et  cependant  à  peine  doit  se  lier  avec  le 
vers  suivant  :  A  peine  en  avez-vous,  etc.  A 
peine  se  place  après  le  verbe  dans  les  temps 
simples  :  On  trouvait  à  peine  de  Veau,  pourboire. 
Dans  les  temps  compo^és,  il  se  met  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  On  eut  à  peine  trouvé  cet 
homme. 

Peintre.  Subst.  m.  et  f.  On  dit  une  femme 
peintre,  comme  on  dit  une  femme  auteur  :  Elle 
est  peintre. 

Peinture.  Subst.  f.  Terme  de  rhétorique  et  de 
poésie.  Voyez  Description,  Image. 

On  appelle  double  peinture,  celle  qui  consiste 
à  présenter  deux  images  opposées,  qui,  jointes 
ensemble,  se  relèvent  muluellcment.  C'est  ainsi 
que  Virgile  fail  dire  à  Ënée,  lorsqu'il  voit  Hector 
en  songe  (Enéide,  11,  363)  : 

. .  .  Qu'Hector  ressemblait  peu 
A  ce  terrible  Hector  qui,  dans  leur  ûotte  en  feu. 
Poussait  des  ennemis  les  cohortes  tremblantes. 
Ou  d'Achille  emportait  les  dépouilles  fumante*! 
Sa  barbe  hérissée,  et  se5  babils  [joudreui. 
Le  sang  noir  et  glacé  qui  collait  ses  cheyeui. 
Ses  pieds  qu'avaient  gonflés  par  l'excès  des  tortures. 
Les  liens  dont  le  cuir  traversait  leurs  blessures. 
Son  sein  encor  percé  des  honorables  coups 
Qu'il  reçut  sous  nos  murs  en  cumbaltant  pour  nous. 
Tout,  do  ses  longs  malheurs  m'offrait  ici  l'image. 

C'est  aussi  en  usant  d'une  double  peinture  que 
Corneille,  dans  le  récit  du  rôle  de  Pauline,  lui 
fait  dire,  en  parlant  de  Sévère  {PoUjeucte,  act.  I, 
se.  m,  yy)  : 

Il  n'était  point  couvert  de  c«s  tristes  lambeaux 
Qu'une  ombre  dé.^olée  emporte  des  tombeaux; 
Il  n'était  point  perce  de  ces  coups  pleins  de  gloire 
Qui,  retranchant  sa  vie,  assurent  sa  uicmuirc  ; 
Il  semblait  triomphant,  et  tel  que  sur  son  char, 
Victorieux  dans  Home,  entre  notre  César,  etc. 

La  double  peinture  est  d'un  effet  merveilleux 
pour  le  pailiétique;  mais  comme  celle  adresse 
est  une  des  plus  grandes  du  poète  et  de  l'orateur. 


PEN 

il  faut'  la  savoir  niénascr,  l'employer  sobrement 
5t  a  propos.  {Encyclopédie.) 

*  Pkjokatif,  Péjorativk.  Adj.  On  nomme  ainsi 
une  oxprcssion,  et  p;irliculiéreinem  une  termi- 
naison qui  ravale  le  sens.  —  H  ."'y  a  poinl  un 
mol  français  sous  la  leltrine  pej,  et  on  ne  sait 
pourquoi  péjoratif  n'y  est  puinl.  Cela  vienl  peut- 
être  (le  la  vieille  erreur  (|u'il  n'y  a  poinl  do  péjo- 
ralif  en  français.  —  Nous  avons  pris  aux  Italiens 
leur  prjoralif  en  accio,  et  nous  l'employons  à 
tout  moment.  Dans  bravache,  dans  rit/ace,  la 
dernière  syllabe  est  pi'-joratù-e,  —  Il  en  est  de 
même  de  lios  diminutils  en  oite,  cl  d'une  foule 
d'autres;  ce  qui  iJrnuve  (pi'il  y  a  beaucoup  de 
péjorutifn  IVainnis,  '\\m\k\uc  jujoralif  wa  le  soit 
pas.  (Ch.  Nodier',  Exnmen  ait.  des  Dict.) 

Pêle-mêle.  Adv.  11  ne  se  mel  qu'après  le  verbfi: 
Ils  entrèrent  pêle-mêle  dans  la  ville  avec  les 
ennemis. 

Pénal,  Pénale.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après  son 
subsl.  :  Code  pénal,  loi  pénale. 

Penaud,  Pe^i.aode.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  //  est  penaud,  elle  est  penaude. 

Penchant,  PENcnA^TE.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
pencher.  Il  ne  se  mel  qu'après  son  subst.  :  Une 
muraille  penchante. 

PEjiCHANT.  Subsl.  m.  Penchant  n'a  un  pluriel 
que  lorsiju'il  se  dit  absolument  et  sans  régime  : 
Il  faut  résister  à  ses  penchants.  Quand  il  régit 
à.  ou  pour,  il  se  mel  toujours  au  singulier.  On  dil 
il  a  un  grand  penchant  a  lu  vanité,  et  non  pas^e 
grands  penchants 

Pendable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Un  homme  pendable,  va 
cas  pendable. 

Pendant.  Préposition.  Elle  exige  un  régime 
direct  :  Pendant  Vorage. 

Pendant  que,  conjonction,  régit  l'indicatif: 
Tous  les  bergers,  oubliant  leurs  cubajies et  leurs 
troupeaux,  ttaient  suspendus  et  immobiles  pen- 
dant que  je  leur  donnais  des  leco7is.  (Fcnel., 
Télém.,  liv.  11,1.  I,  p.  108) 

Pendant  que  uKinpie  la  simultanéité  de  deux 
événements,  de  deux  choses  :  Pendant  que  vous 
étiez  en  Espagne,  j'étais  en  Italie.  Tandis  que 
marque  non  pas  la  siinullaiièilé  de  deux  cvéne- 
menls,  de  deux  choses,  mais  une  opposition, 
soit  entre  le  teinpsque  celle  conjonction  indique, 
et  un  autre  temps  exprime  ou  sous-entendu ,  soil 
entre  deux  actions  qui  se  font  simultanôinenl  : 
Jouissez  des  plaisirs  tandis  <.\\icvous  êtes  riche, 
vous  ne  le  serez  peut-être  pas  toujours.  P^ous 
faites  fort  bien ,  tandis  que  vous  ête.t  encore 
jeune,  d'enrichir  votre  ménioire  par  la  connais- 
sance des  langues.  {  Volt,  à  M.  le  marquis  d'Ar- 
gens,  \AV  lettre,  22  juin  1737.)  Quand  vous 
serex  vieux,  il  ne  ^era  plus  lomps  de  les  étudier. 
Dans  ces  phrases,  il  y  a  opposition  cuire  un  lemps 
îxprimé  et  un  antre  temps  (}ui  n'est  que  vague- 
tieul  indiqué.  Tiuidisque  vous  vuus  divertissez, 
^e  me  consume  dans  te  chagrin.  Ici  on  ne  veut 
pas  marquer  précisément  la  simultanéité  de  deux 
choses,  mais  l'opposition  de  deux  choses  qui  sont 
simultanées. 

Dans  ces  vers  de  La  Fontaine  (Liv.  VII,  fable 
xviii,  1)  : 

Pendant  gu'un  philosophe  assure 
Que  toujours  par  leurs  sens  les  hommes  sont  dupés. 

Un  autre  philosoplie  jure 

Qu'ils  ne  nous  ont  jamais  trompes. 

Il  n"y  a  pas  expression  de  la  simultanéité  de  deux 
(ivénements,  mais  opposition  enUe  deux  événe- 


PEN 


539 


ments  simultanés.  11  me  semble  donc  oue  noire 

fabuliste  aurait  dû  dire  : 

Tandis  qu'un  philosophe  a.'î.^ure,  de. 

Les  exemples  suivants  sont  conformes  à  l'ex- 
plication que  nous  venons  de  donner  : 

Ces  Juifs  dont  vous  voulez  délivrer  la  nature, 

Que  vous  croyez,  seigneur,  le  rebut  des  humains, 

D'une  riche  contrée  autrefois  souverains, 

l'endanl  qu'ils  n'adoraient  que  le  dieu  de  leurs  pères. 

Ont  vu  bénir  le  cours  de  leurs  destins  prospères. 

(Rac,  Esth.,  act.  V,  se.  I,  30.', 

C'est  l'asile  du  juste,  et  la  simple  innocence 
Y  trouve  son  repos;  tandis  que  la  licence 
N'y  trouve  qu'un  sujet  d'effroi. 
(J.-B.  Rouss.,  liv.  I,  Ode  sur  la  Providence  divine,  47.) 

Et  que  me  servira  que  la  Grèce  m'admire, 
Tandiê  que  je  serai  la  fable  de  l'Ëpire? 

(Rac,  Androm.,  act.  III,  se.  I,  61.) 

Un  astrolojrue  un  jour  se  laissa  choir 
Au  fond  d'un  puits.  On  lui  dit  :  Pauvre  bête. 
Tandis  qu'.\  peine  à  tes  pieds  tu  peux  voir, 
Penses-tu  lire  au-dessus  de  ta  tète? 

(La  Font.,  liv.  II,  fabl.  xiii,  t.) 

Pendant,  Pendante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
pendre.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Fruits 
pendants,  oreille  pendante. 

Penddle.  Subst.  Il  est  féminin  quand  il  signifie 
une  horloge  à  poids  ou  à  ressort,  une  belle  pen- 
dule; et  masculin  quand  il  signifie  un  poids  at- 
taché à  une  verge,  à  un  fil  de  fer  ou  de  soie,  qui, 
par  ses  vibrations,  règle  les  mouvements  d'une 
horloge,  et  a  divers  autres  usages. 

Pénétrant,  Pénétrante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  pénétrer  :  Liqueur  pénétrante,  odeur  péné- 
trante ;  esprit  pénétrant.  Il  suit  ordinairement 
son  subst. 

Pénétrer.  V.  a.  de  la  1'''  conj.  Pénétrer,  avec 
le  régime  direct,  signifie  percer,  passer  à  travers, 
entrer  bien  avant  :  L'hui/e  pénètre  les  étoffes,  la 
pluie  a  pénétré  mes  habits.  —  Buffon  a  pénétré 
les  secrets  de  la  nature. 

Pénétrer  dans  se  dil  des  lieux  où  l'on  entre 
avec  quelque  difficulté  :  Malgré  les  gardes,  il 
a  pénétré  dans  la  prison. — On  pénètre  les  corps, 
on  pénètre  dans  les  lieux.  (Doinergue.) 

FÉiNiBLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  met  sou- 
vent avant  son  subst.  :  Un  ouvrage  pénible,  un 
travail  pénible,  un  pénible  travail  ;  une  entre- 
prise pénible,  une  pénible  entreprise  ;  un  effort 
pénible,  un  pénible  effort.  —  Une  situation  pé- 
nible, une  pénible  situation  ;  un  doute  pénible, 
un  pénible  doute.  Voyez  Adjectif. 

Quelquefois  cet  adjectif  régit  la  préposition  à 
devant  un  infinitif  (Boil.,  A.  P.,  I,  45)  : 

Tout  doit  tendre  au  bon  sens;  mais,  pour  y  parvenir, 
Le  chemin  est  glissant  et  pénible  à  tenir. 

Avec  le  verbe  être  employé  impersonnellement, 
il  régit  la  préposition  de  :  Il  est  pénible  de  quitter 
un  trône. 

PÉNinLE.nENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  parlicii)C  :  Il  a  travaillé  péni- 
blement, ou  il  a  péniblement  travaillé. 

Pénitent,  Pénitente.  Adj.  qui  se  mot  toujours 
après  son  subst.  :  Un  pécheur  pénitent,  une 
femme  pénitente. 

PÉNITENTIAUX,  PENIlENTlELLES.Adj.il  o'a  poillt 


540 


PEN 


de  singulier  :  Psaximes  pénitcntiaux ,  œuvres 
pénite'ntielhs.  Ou  ne  peut  pas  le  mcUre  avant 
son  sul)S(. 

Pensant,  Pensante.  Adj.  verbal  lire  du  v. 
penser. 

Pensée.  Subsi.  f.  La  ]>cnséc,  en  général,  est  la 
représenlalion  de  quelque  chose  dans  l'esprit;  et 
l'expression  est  la  représentation  de  la  pensée  par 
la  parole. 

Les  pensées  doivent  être  considérées  dans  l'art 
oratoire  coniinc  ayant  deux  sortes  de  qualités  : 
les  unes  sont  appelées  logiques,  parce  que  c'est 
la  raison  cl  le  ht  m  sens  (]ui  les  exigent;  les  autres 
.-.ont  dos  qualités  de  goùl,  parce  que  c'est  le  gnùl 
ipii  en  deciile.  Celles-là  sont  la  substance  du  dis- 
cours, celles-ci  en  sont  l'assaisonnement. 

La  première  qualité  logique  de  h  pensée,  c'est 
qu'elle  suit  vraie,  c'esl-a-dire  qu'elle  représente 
la  chose  telle  qu'elle  est.  A  celle  première  qualité 
lient  la  justesse.  Une  pensée  parfailcment  vraie 
est  juste.  Cependant  l'usage  met  quelque  dilTé- 
renee  cuire  la  vériié  cl  la  justesse  de  la  pensée. 
LaceVz^ii  signifie  plus  précisément  la  conformité 
de  la  pensée  avec  l'objet  ;  hjw^lessc  marijuc  plus 
expressément  l'étendue.  La  p^'usée  esl  donc  vraie 
quand  elle  rei)résenle  l'objet,  et  elle  est  juste 
quand  elle  n'a  ni  plus  ni  moins  d'étendue  que 
lui. 

La  seconde  qualité  est  la  clarté.  Peut-être 
même  est-ce  la  [)remiére;  car  une  pensée  (|ui 
n'est  pas  claire  n'est  pas  proprement  une  pensée. 
La  clarté  consiste  dans  la  vue  nette  cl  dislincie 
de  l'objet  qu'on  se  représente,  et  qu'on  voit  sans 
nuage,  sans  obscurité  :  c'est  ce  qui  rend  la  pen- 
sée nette.  On  le  voit  séparé  de  tous  les  autres 
objets  qui  l'environnent;  c'est  ce  qui  la  rend 
dislincie. 

La  première  chose  qu'on  doit  faire,  quand  il 
s'agit  de  rendre  une  pensée,  c'est  donc  de  la  bien 
reconnaître,  de  la  démêler  d'avec  tout  ce  qui  n'est 
point  elle,  d'en  saisir  les  contours  et  les  parties. 
C'est  à  quoi  se  réduisent  les  qualités  logiques 
des  pensées;  mais  pour  plaire,  ce  n'est  pas  assez 
d'être  sans  défaut,  il  faut  avoir  des  grâces;  et 
c'est  le  goût  qui  les  donne.  Ainsi,  tout  ce  que 
les  pensées  peuvent  avoir  d'agrément  dans  un 
discours  vient  «le  leur  choix  et  de  leur  arrange- 
ment. Toutes  les  régies  de  l'élocution  se  réduisent 
à  ces  deux  points,  choisircl  arranger.  [Encyclop.) 

Penser.  V.  n.  et  a.  de  la  \"  conj.  Dans  le  sens 
de  faire  réflexion,  faire  attenlion,  avoii'  dessein, 
il  régit  la  préposition  à,  parce  «ju'il  s'agit  d'un 
but  vers  lequel  l'esprit  s'est  porté  :  Je  pense  à 
cette  affaire,  pensez  à  vous,  Je  pense  à  vous 
répondre,  à  vous  surprendre  —  (Juand  il  signifie 
avoir  une  idée  ou  une  opinion  dans  l'esprit,  il 
régit  un  complémenj  direct,  ou  la  conjonction 
que  :  f^oilù  ce  Que  je  pense,  jn  pense  que  vous 
avez  tort,  f^oi/à  ce  que  je  pense,  signifie,  voilà 
l'idée,  l'opinion  que  j'ai  dans  l'esprit;  voilà  à 
quoi  je  pense,  veut  dire,  voila  l'objet  auquel 
mon  esprit  est  appliiiué,  comme  à  un  point, 
comme  a  un  terme.  —  Penser,  dans  le  sens  de 
croire,  régit,  comme  ce  verbe,  la  conjonction  71/e, 
de  la  même  manière,  c'esl -à-dire  avec  l'indicatif 
dans  la  phrase  affirmative,  et  avec  le  subjonctif 
dans  la  jihrase  négative  ou  interrogativc  :  Je 
pense  7!/'i/pCut  arriver  aujourd'hui  ;  il  ne  pense 
pas  que  cela  puisse  réussir;  pensez-vous  que 
j'obéisse  uveug/éinent? Penser,  dans  le  sensd'étrc 
sur  le  point  de,  ne  régit  point  de  jiréposition  : 
J*aipensé  mourir. 


PER 

Je  pris  certain  aulcur  autrefois  pour  mon  maître; 
/(  pcnta  me  gSler. 

(La  Font.,  Epttre  à  l'évéque  d'Avranchcê  tn  tui 
donnant  un  Quintilien,  46.) 

Penser.  Subst.  m.  L'Académie  dit  qu'il  n'a 
guère  d'usage  que  dans  la  poésie.  Féraud  dit  qu'il 
est  vieux  et  qu'il  ne  s'enqiloie  plus,  même  en 
jwésie.  Yollairc  l'a  cnq)luyé  heureuMjincnl  dans 
la  phrase  suivante  :  Quel  est  Vhonnne  sur  lu 
terre  qui  peut  assurer,  sans  une  impiété  ab- 
surde, qu'il  est  impossible  à  Dieu  de  donner  à 
la  matière  le  sentiment  et  le  penser?  {Diction- 
7iaire  Philosophique.)  Penser  ne  signifie  pas  ici 
pensée,  mais  la  faculté  de  penser.  J.-J. Rousseau 
a  dit,  le  penser  des  âmes  fortes  leur  donne  un 
idiome  particulier,  et  les  âmes  couniuines  n'ont 
pas  même  lu  grammaire  de  cette  langue. 

Peuçant,  Pior.çANTE.  Adj.  verbal  lire  du  v.  per- 
cer. Il  ne  se  mel  cpi'ajjrès  son  subst.  :  Un  poinçon 
perçant,  une  alêne  perçante,  un  froid  perçant, 
un  vent  perçant,  des  cris  perçants,  une  voix 
perçante,  des  yeux  perçants,  vn  esprit  perçant. 

PEiiCER.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj  L'Académie 
ne  donne  pas  un  nombre  suffisant  d'exemples  de 
l'emploi  de  ce  verbe  au  figuré.  En  voici  quel- 
ques-uns (jui  paraîtront  utiles  : 

Mais  on  ne  peut  tromper  l'œil  rigilant  des  dieux; 
Ses  plus  obscurs  complots  il  perce  les  abîmes. 

(Volt.,  Sémir.,  acl.  I,  se.  m,  44.) 

Nous  avons  tous  cru  voir  Agamemnon  lui-même 
Qui,  perçant  du  tombeau  les  gouffres  éternels... 

(YoLT.,  Oreste,  acl.  V,  se.  vu,  20.) 

Vous  seule  avez  percé  ce  mystère  odieux. 

(Rac,  Phèd.,  act.  V,  se.  i,  15.) 

Déjà  de  l'avenir  perçant  la  nuit  profonde, 
Les  oracles  sacres  le  promettent  au  monde. 

(Delil.,  Énéid.,  VI,  1079.) 

Perclus,  Percluse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Il  est  perdus,  elle  est  percluse.  Il 
est  perclus  d'un  Iras. 

Pei'.daele.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  ;  Un  procès  perdiihle. 

Perdre.  V.  a.  de  la  4^  conj.  Fléchier,  dit  Fé- 
raud, voulait  qu'on  dit  perdé-je  ;  et  Vaugelas, 
perds-je;  il  ajoute  q>ie  l'usage  a  décidé  pour  le 
dernier,  que  celte  décision  est  raisonnable  et  sui- 
vant l'analogie,  et  qu'on  ne  peut  imaginer  sur  quoi 
Fléchier  appuyait  son  opinion.  —  C'était  sans 
doute  sur  la  dureté  de  la  |)rononcialion  éic  perds- 
je.  Je  pense,  au  contraire,  que  l'usage  a  adopté 
l'opinion  de  Fléchier,  et  que  l'on  dit  perdé-je. 
Au  mot  personnel,  Fcraud  dit  exi»rcsséincnt,  si 
je  après  le  verbe  fait  un  son  dur  ou  équivoque, 
l'usage  le  condamne.  11  ne  faut  point  dire  cours- 
je,  perds-je,  mens-je,  etc.  ;  mais  il  faut  prendre 
un  autre  tour,  et  dire  :  Est-ce  que  je  cours? 
est-ce  que  je  mens?  Il  ajoute  que  perdé-je  est 
tout  à  fait  mauvais. 

Pè;re.  Subst.  m.  L'Académie  ne  donne  point 
d'exemple  du  mot  père,  pris  dans  le  sens  sui- 
vant : 

Le  travail  est  souvent  le  père  du  plaisir. 

(Vot.T.,  4e  dise. sur  l'homme,  115.) 

Perfectible.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
mel  qu'après  son  subst.  :    Un  être  perfectible. 

Perfide.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  met  sou- 
vent avant  son  subst.  :  Un  homme  perfide,  une 


PER 

femne  perfide,  un  amant  pej-fide,  un  perfide 
amant;  un  umi  perfide,  un  perfide  ami;  un 
éclat  perfide,  un  perfide  éclat;  des  serments 
perfides,  de  perfides  serments.  Voyez  Adjectif. 

Perfidemkm-.  Adv.  On  peut  le  mellre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  l'a  livré  perfide- 
ment, ou  il  l'a  perfidement  livré  à  ses  enne- 
mis. 

PÉr.iL.  Subst.  m.  Voyez  Eminent.  Corneille  a 
dit  dans  Polyeucte  (act.  IV,  se.  m,  66): 

Il  m'ote  des  périls  que  j'aurais  pu  courir. 

On  n'ôle  point  des  périls,  on  vous  sauve  d'un 
péril,  on  détourne  un  péril,  on  vous  arrache  à 
un  péril.  (\o\\...  Remarques  sur  Corneille.) 

Périllkusement.  Adv.  11  ne  se  met  (ju'aprés 
le  verbe  :  //  a  marché  périllcu sèment  entre  deux 
précipices,  et  non  pas,  il  a  périlleusement 
marché. 

Périllf.u.\,  Périllecse.  Adj.  On  {)eulle  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Occasion  périlleuse,  poste  périlleux,  si- 
tuation périlleuse,  périlleuse  situation  ;  entre- 
prise périllcise ,  périlleuse  entreprise.  Saut 
périlleva:.  \o\.  Adjectif. 

Période.  Subst.  H  est  féminin  quand  il  signi- 
lie  :  l"  une  révolution  qui  se  renouvelle  réguliè- 
rement, comme  la  période  solaire,  la  période 
lunaire;  2"  une  phrase  composée  de  plusieurs 
membres;  3"  un  espace  de  temps  qui  s'écoule 
entre  deux  époques.  Il  est  masculin  quand  il 
signifie  le  i>lus  haut  point  où  une  chose  puisse 
arriver  :  Il  est  au  plus  haut  période  de  la 
gloire.  Il  est  encore  masculin  lorsqu'on  veut 
exprimer  un  espace  de  temps  vague,  comme  dans 
le  dernier  période  de  sa  rie. 

Période,  en  grammaire,  se  dit  d'un  assemblage 
de  phrases  et  de  propositions  qui,  liées  entre 
elles,  forment  un  sens  total,  par  le  rapport 
qu'elles  ont  les  unes  avec  les  autres.  On  dis- 
tingue la  iiériode  simple,  qui  n'a  qu'un  membre, 
et  la  (lériode  composée,  qui  en  a  plusieurs  ;  mais 
la  première  n'est  autre  chose  que  ce  (ju'on  ap- 
pelle proposition;  et  une  période  proprement  dite 
doit  avoir  au  moins  deux  membres. 

Nous  ne  pouvons  rien  donner  de  meilleur  sur 
cette  matière  que  ce  qu'en  a  dit  Condillac  dans 
son  Art  d'écrire. 

Dans  une  période,  dit-il,  plusieurs  propositions 
de  différentes  espèces  concourent  au  déveloj)- 
pement  d'une  seule  pensée.  Elles  forment  un 
discours  dont  les  principales  parties,  sans  avoir 
un  sens  fini,  sont  distinguées  par  des  repos  plus 
marqués.  Or,  ces  différentes  parties  sont  ce  qu'on 
appelle  7nembres,  et  le  discours  entier  est  ce 
qu'on  nomme  période.  Il  y  a  bien  des  phéno- 
mènes gui  embarrassent  les  philosophes  ;  et  les 
plus  communs  ne  sont  pas  ceux  qui  les  embar- 
rassent le  moins.  Voila  une  période.  Elle  ren- 
ferme deux  phrases  que  l'on  appelle  membres.  Il  y 
a  bien  des  phénomènes  qui  embarrassent  les  phi- 
losophes, c'est  le  premier  membre;  et  les  plus 
communs  ne  sont  pus  ceux  qui  les  embarrassent 
le  moins,  c'est  le  second. 

Une  période  peut  avoir  un  plus  grand  nombre 
de  membres,  trois,  par  exemple,  ijualre  ou  da- 
vantage; ni;iis  il  est  inutile  de  les  compter.  Il 
suffit  de  bien  lier  les  idées  ;  et  il  serait  ridicule 
de  s'occuper  du  nombre  des  phrases  ou  des 
mots. 

Cmnme  donc,  en  considérant  une  carte  uni- 
verselle, vous  sortez  du  pays  où  vous  êtes  né, 


PER 


541 


et  du  lieu  qui  vous  renferme,  pour  parcourir 
toute  la  terre  habitable,  que  vous  embrassez  par 
la  pensce  avec  toutes  les  mers  et  tous  les  pays  ; 
ainsi,  en  considérant  l'abrégé  chronologique, 
vous  sortez  des  bornes  étroitesde  votre  tige,  etvous 
vous  étendez  dans  tous  les  siècles. 

Mais  de  viéme  que,  pour  aider  sa  mémoire 
dans  la  connaissance  des  lieux,  on  retient  cer- 
taines villes  principales,  autour  desquelles  on 
place  les  autres,  chacune  selon  va  distance; 
ainsi  dans  l'ordre  des  siècles,  il  faut  avoir  cer- 
tains temps  marqués  par  quelque  grand  événe- 
ment, auquel  on  rapporte  tout  le  reste.  (Boss., 
Avant-propos  du  Disc,  siirl'hist.  univers.,  p.  7.) 

Tout  est  lié  dans  cette  période  ;  en  voici  une 
où  il  y  a  (piehjues  petits  défauts. 

C'est  la  suite  de  lu  religion  et  des  empires 
quevous  devez  imprimer  dans  votre  mémoire  ;  et. 
comme  la  religion  et  le  gouvernement  politique 
sont  deux  points  sur  lesquels  roulent  les  choses 
humaines,  voir  ce  qui  regarde  ces  choses  t'enfer- 
me dans  un  abrégé,  et  en  découvrir  par  ce  moyen 
tout  l'ordre  et  toute  la  suite,  c'est  comprendre 
dans  sa  pensée  tout  ce  qu'il  y  a  de  grand  parmi 
les  hommes,  et  tenir,  pour  ainsi  dire,  le  fil  de 
toutes  les  affaires  de  l'univers.  (Idem.) 

J'aimerais  mieux  voir  dans  un  abrégé,  que 
voir  ce  qui  regarde  ces  choses  renfermé  dans 
un  ain'</e'.  Je  retrancherais  encore  joar  ce  moyen, 
comme  inutile. 

11  y  a  deux  inconvénients  a  craindre  dans  les 
longues  périodes  :  l'un,  de  tomber  dans  des  équi- 
voques pour  éviter  les  constructions  forcées  ; 
l'autre,  de  faire  violence  aux  constructions  pour 
éviter  les  équivoques.  Ce  n'est  pas  assez  qu'une 
transposition  prévienne  les  doubles  sens,  il  faut 
encore  que  les  idées  se  lient  également  dans 
l'ordre  renversé  comme  dans  l'ordre  direct. 
Voici  une  longue  période  qui  est  fort  bien  faite. 

Quel  témoignage  n'est-ce  pas  de  la  vérité,  de 
voir  que  dans  les  temps  où.  les  histoires  profanes 
n'ont  à  nous  conter  que  des  fables,  ou  tout  au 
plus  des  faits  confus  ou  à  demi  oubliés,  l'É- 
criture, c'est-à-dire,  sans  contestation,  le  plus 
ancien  livre  qui  soit  au  monde,  nous  ramène 
par  tant  d'événements  précis,  et  par  la  suite 
même  des  choses,  à  leurs  véritables  principes , 
c'est-à-dire  à  Dieuqui  u  tout  faitietnous  marque 
si  distinctement  la  création  de  l'univers,  celle 
de  l'homme  en  particulier,  le  bonJieur  de  son 
premier  état,  les  causes  de  ses  ?nisères  et  de 
ses  faiblesses,  la  corruption  du.  monde  et  le  dé- 
luge, Vorigine  des  arts  et  celle  des  nations,  la 
distribution  des  terres,  enfin  la  propagation  du 
genre  humain,  et  d'autres  faits  de  même  impor- 
tance, dont  les  histoires  humaines  ne  parlent 
qu'en  confusion,  et  nous  obligent  à  chercher  ail- 
leurs les  sources  certaines?  (Boss  ,  Disc,  sur 
l'iiist.  univers.,'2'pM-\..,ch.  I,  p.  147.) 

On  voit  que  dans  une  période,  tous  les  mem- 
bres doivent  être  distincts,  et  liés  les  uns  aux 
autres.  Quand  ces  conditions  ne  sont  pas  rem- 
plies, ce  n'est  qu'un  assemblage  confus  de  plu- 
sieurs phrases.  En  voici  un  exemple  : 

Comme  les  arcs  triomphaux  des  Romains  ne 
se  dressaient  que  pour  éterniser  la  mernoire 
d'un  triomphe  réel,  les  ornements  tirés  des  dé- 
pouilles qui  avaient  paru  dans  un  triomphe,  et 
qui  étaient  propres  pour  orner  l'arc  qu'on  dres- 
sait, afin  d'en  perpétuer  la  mémoire,  n'iUaienl 
point  propres  pour  embellir  l'arc  qu'on  élevait 
en  mémoire  d'un  autre  iriompJie  ,  principale- 
ment sila  victoire  avait  été  remportée  sur  un  autre 


542 


PER 


peuple  que  celui  sur  qui  avait  été  remportée  la 
vitttiire,  laquelle  avait  ao/iné  lieu  au  premier 
triomphe,  comme  au  premier  arc.  (Dubos,  7î- - 
flexions  sur  la  poésie  et  sur  lu  peinture,  2'  part. , 
Seol.  XIII',  2'  Jiépea:.) 

Bossuel  conçoit  neltcinont  sa  ponsOc,  et  ses 
idées  s'arrangoiit  naliirellcmenl;  rDoispluslablié 
Dubos  fait  d'efforts,  plus  il  s'embarrasse.  11 
est  obscur  par  les  (>récaulions  qu'il  prend  pour 
se  faire  cnleiuire.  On  dc'inéle  (ju'il  veut  dire  ([ue 
les  arcs  iriuinphaux  étant  ornés  des  dépouilles  des 
ennemis,  on  ne  pouvait  pas  faire  servir  les  mêmes 
dans  des  occasions  où  la  victoire  avait  été  rem- 
portée sur  des  peu|>lcs  différents. 

Quand  ou  accumule  les  idées  sans  ordre,  on 
s'embarrasse  tl.uis  sa  jiropre  pensée,  et  un  ne 
sait  plus  iiar  où  linir.  Ou  sent  qu'on  est  obscur, 
et  on  le  devient  davantage  ,  parce  qu'on  veut 
cesser  de  rètre.  On  pourrait  dire  : 

J{ie/t  n'est  plus  propre  à  lums  faire  connaître 
ce  que  peuvent  sur  tous  les  hommes,  et  princi- 
palement sur  les  enfants,  les  qualités  propres  à 
l'air  d'un  certain  pays,  que  de  considérer  le 
pouvoir  des  simples  ricissitudes  ou  altérations 
passagères  de  l'air  sur  les  organes  qui  ont  ac- 
quis toute  leur  consistance. 

L'abbé  Dubus  exprime  celte  même  pensée  avec 
beaucoup  de  désordre  et  de  superfluité. 

Hien  n'est  plus  propre  à  nous  donner  vne 
juste  idée  du  pouvoir  que  doivent  avoir  sur  tous 
les  hommes,  tl  principalement  sur  les  enfants, 
les  qualités  qui  sont  pr  près  à  l'air  d^un  certain 
pays,  en  vertu  de  sa  composition,  lesquelles  on 
pourrait  appeler  ses  qualités  permanentes  ;  que 
de  rappeler  lu  connaissance  que  nous  avo?is  du 
pouvoir  que  les  simples  vicissitudes  ou  les  al- 
térations passagères  de  l'air  ont  même  sur  les 
hommes,  dont  les  organes  ont  acquis  la  consi- 
stance dont  ils  sont  susceptibles.  (Dubos,  Jié- 
flexions  sur  la  poésie  et  sur  lapeinture,  2''  part., 
sect.  XIV.) 

Les  fautes  de  la  période  suivante  sont  sensibles. 

7h>it  persuadé  que  je  suis  que  ceux  que  l'on 
choisit  pour  de  différents  emplois,  chacun  selon 
son  génie  et  sa  profession,  font  bien;  je  me 
hasarde  de  dire  qu'il  se  peut  faire  qu'il  y  ait  au 
monde  plusieurs  personnes,  connues  ou  incon- 
nues^ que  l'on  n'emploie  pas  ,  qui  feraient  très- 
bien.  (La  Bruyère,  ch.  il,  Du  mérite  personnel, 
p.  265  ) 

En  lisant  La  Bruyère,  on  trouve  souvent  des 
constructions  dans  ce  goùt-là. 

Si  l'on  étudie  les  périodes  bien  faites,  on  re- 
marquera que  les  idées  princiiialcs  des  différents 
aieinbrcs  tendent  toutes  au  même  but,  et  que 
les  modifications  qui  les  accompagnent,  les  dé- 
veloppent et  lesarrangçnt  avec  ordre  autour  d'une 
idée,  (jui  est  comme  un  centre  commun.  C'est 
pourquoi  une  période  bien  faite  est  apiHîlée  une 
période  arrondie. 

Celui  qui  met  un  freia  à  la  fureur  des  nota, 
Sait  aussi  des  méchants  arrêter  les  com[ilols  ; 
Soumis  avec  respect  à  sa  Tolunté  sainte, 
Je  crains  Dieu,  cher  Abner,  et  n'ai  point  d'autre  crainte. 
(Rac,  Àth.,  acl.  I,  se.  I,  61.) 

Je  ne  crains  que  Dieu,  voilà  à  quoi  toute  la 
période  se  raiiporte.  Cette  idée  est  en  même 
temps  l;i  principale  du  second  ipembre;  elle  est 
naturellement  liée  à  la  principale  du  premier,  et 
les  propositions  subordonnées  la  dévelojjpent  cl 
l'ancadissent.  Voici  un  passage  où  Massillon  lie 
parfaitement  ses  idées  dans  une  suite  de  périodes. 


PER 

L'idée  principale,  à  laquelle  toutes  les  autres  se 
rapportent,  est  qu'ow  n'oserait  dire  la  vérité  aux 
princes. 

GûIl-s  parles  louanges,  on  n'oserait  pas  leur 
parler  le  langage  de  la  vérité.  Eux  seuls  igno- 
rent dans  leur  Etat  ce  qu'eux  seuls  devraient 
connaître  ;  ils  envoient  des  mi  ni.it  res  pour  être 
informés  de  ce  qui  se  passe  de  plus  secret  dans 
les  cours  et  dans  les  royaumes  les  plus  éloignés, 
et  personne  it'userait  leur  apprendre  ce  qui  se 
passe  dans  leur  royaume  propre;  les  discours 
flatteurs  assiègent  leur  trône,  s'emparent  de 
toutes  les  avenues,  et  ne  laissent  plus  daccès  a 
la  vérité.  Ainsi,  le  souverain  est  seul  étranger 
au  milieu  de  ses  peuples;  il  croit  manier  les 
ressorts  les  plus  secrets  de  l'empire,  et  il  en 
ijnnre  les  événements  les  plus  publics  ;  on  lui 
cache  ses  pertes,  on  grossit  ses  avantages,  on  lui 
diminue  tes  misères  publiques,  on  le  joue  à 
f'vce  de  le  respecter  ;  il  ne  voit  plus  rien  tel  qu'il 
est,  tout  luiparail  tel  qu'il  le  souhaite  {Petit 
Carême,  Des  tentations  des  grands,  2»  part.,  1. 1, 
p.  562.) 

Voici  une  période  (jui  n'est  pas  si  bien  faite, 
parce  qu'il  y  a  trop  de  propositions  incidentes 
dans  le  premier  membre.  Elle  est  encore  de  Mas- 
sillon. 

Souvenes-vous  de  ce  jeune  roi  de  Judu,  qui, 
pour  avoir  préfère  les  avis  d'uîie  jeunesse  in~ 
considérée  à  la  suges.sc  et  à  la  maturité  de  ceux 
aux  conseils  desquels  Sulovion  son  père  était 
redevable  de  la  gloire  et  de  lu  prospérité  de  son 
règne,  et  qui  lui  conseillaient  d'affermir  les 
commencements  du  sien  par  le  soulagement  de 
ses  peuples,  vit  un  nouveau  royaume  se  former 
des  débris  de  celui  deJuda,  et  qui,  pour  avoir 
voulu  exiger  de  ses  sujets  au  delà  de  ce  qu'ils 
lui  devaient,  perdit  leur  amour  et  leur  fidélité 
qui  luiétaientdus.  [Petit  Carême, Des  tentations 
des  grands,  2"^  part.,  t.  1,  p.  562.) 

La  liaison  des  idées  est  ralentie,  parce  que 
Massillon  s'arrête  sur  un  nom  de  la  [)reinière 
proposition  incidente,  pour  le  modifier  par  deux 
autres  propositions  assez,  longues  :  Aux  conseil.^ 
desquels,  etc.,  et  qui  lui  conseillaient,  etc. 
Or,  l'esprit  n'aime  pas  à  être  retardé  de  la  sorte. 

Si  des  propositions  do  cette  espèce,  jetées  dans 
le  piemier  membre,  raleulissent  le  discours,  elles 
rendent  la  période  Irainanle  lorsqu'elles  sont  ajou- 
tées au  dernier.  Fénelon  écrit  ainsi  à  madame  de 
Maintenon  : 

Comme  le  roi  se  conduit  bien  moins  par  des 
maximes  suivies  que  par  l'iinpressioji  des  gens 
qui  l'environnent,  et  au.cqiiels  il  a  confie  son 
autorité,  le  capital  est  de  ne  perdre  aucune 
occasion  pour  l'obséder  pur  des  gens  surs,  qui 
agissent  de  concert  avec  vous,  pour  lui  faire 
accomplir  dans  leur  vraie  étendue  ses  devoirs, 
dont  il  n'a  aucune  idée. 

C'est  au  dernier  pour  que  la  période  devient 
languissante. 

L'ne  préposition  ne  peut  être  répétée  qu'autant 
qu'elle  exprime  le  même  rapport,  et  qu'elle  sub- 
ordonne deux  propositions  à  une  même  propo- 
sition principale. 

Ce  ne  serait  pas  faire  une  période,  ce  serait 
écrire  une  suite  de  phrases  mal  liées,  que  de  dire 
avec  Pascal  ; 

1»  Qu'est-ce  donc  que  nous  crie  cette  avidité 
(d'acquérir  des  connaissances),  sinon  qu'il  y  a  eu 
autrefois  en  l'homme  un  véritable  bonheur  dont 
il  ne  lui  reste  maintenant  que  la  marque  et  la 
trace  toute  vide;  2*^  qu'il  essaie  de  remplir  de 


PER 

tO'.tt  ce  qui  l'environne  ;  S'en  cherchant  dans 
les  choses  absentes  le  secours  quil  n'obtient  pus 
des  présentes,  et  que  les  unes  et  les  autres  sont 
incapables  de  lui  donner  ;  ^i"  parce  que  ce  gouffre 
infini  ne  peut  être  rempli  que  par  un  objet  infini 
etimviuablc.  (Pensées,  2'  pari.,  art.  Y,  §  3.) 

Les  phrases  sont  disiiiiiiuces  par  des  chiffres. 
On  vuil  que  la  seconde  nioiiilie  le  dernier  nom 
de  la  première,  que  la  troisième  modifie  la  se- 
conde, et  que  la  (jualriLiiic  modifie  la  dernière 
parlie  de  la  Iroisicme.  Ce  n'est  ccrlainement  pas 
là  une  période  arrondie 

L'ennui  dévore  les  grands,  et  ils  ont  bien  de 
la  peine  à  remplir  leur  journée.  Voilà  une  idée 
principale  que  madame  de  Maintcnon  développe 
dans  une  suite  de  phrases  bien  faites  et  bien 
lices  : 

Que  ne  puis-je  vous  donner  toute  mon  expé- 
rience !  que  ne  puis-je  vous  faire  voir  l'ennui 
qui  dévore  les  grands,  cl  la  peine  qu'ils  ont  à 
remplir  leur  journée  !  AV  voyez-vous  pas  que 
je  meurs  de  tristesse  dans  une  fortune  qu'on 
aurait  eu  peine  à  imaginer,  et  qu'il  n'y  a  que 
le  secours  de  Dieu  qui  vi  empêche  d'y  succom- 
ber'^ J'ai  été  jeune  et  jolie  ;  j'ai  goûté  des  plai- 
sirs; j'ai  été  aimée  partout.  Dans  vn  âge  plus 
avancé,  j'ai  passé  des  années  dans  le  coiumercc 
de  l'esprit  ;  je  suis  venue  à  la  faveur;  et  je 
vous  proteste  que  tous  les  états  laissent  un  vide 
affreux,  une  inquiétude,  une  lassitude,  une  en- 
vie de  connaître  autre  chose,  parce  qu'en  tout 
cela  nen  ne  satisfait  entièrement  [A  viadame 
de  la  Maisonfort,  i6'j6.)\0Yez  Coupe,  Nar- 
ration . 

Pébiodique.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Mouvement  périodique, 
révolution  périodique,  fièvre  périodique.  — Ou- 
vrage périodique.  —  Style  périodique,  discours 
périodique.  "N'oyez  Narration. 

Périodiquement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Les  astres  se  meuvent  périodique- 
ment. 

Péripétie.  Subst.  f.  Péripétie,  en  terme  de 
littérature,  est  dans  le  poëmc  dramatique  ce 
qu'on  appelle  ordinairement  dénoùment.  La  pé- 
ripétie est  proprement  le  changement  de  condi- 
tion, soil  heureuse,  soit  malheureuse,  qui  ar- 
rive au  princiiial  persoimage  d'un  drame,  et  qui 
résulte  de  quelque  reconnaissance  ou  autre  in- 
cident qui  donne  un  nouveau  tour  à  l'action. 
Ainsi  la  périi)élie  est  la  même  chose  que  la  cata- 
strophe, à  moins  qu'on  ne  dise  que  celle-ci  dé- 
pend de  l'autre,  comme  un  effet  dépend  de  sa 
cause  ou  de  s^n  occasion. 

Les  qualités  que  doit  avoir  la  péripétie  sont 
d'être  probable  et  nécessaire;  pour  cela,  elle  doit 
être  une  suite  naturelle,  ou  au  moins  l'effet  des 
actions  précédentes,  et  encore  mieux,  naître  du 
sujet  même  de  la  pièce,  et,  par  conséquent,  ne 
point  venir  d'une  cause  étrangère,  et  pour  ainsi 
dire  collatérale. 

Périphrase.  Subst.  t.  La  périphrase  est  une 
circonlocution,  un  circuit  de  paroles.  Ainsi  ce 
tour  sera  vicieux  s'il  n'est  pas  employé  à  pro- 
pos. Quand  on  prononce  le  nom  d'une  cliose, 
l'esprit  ne  se  porte  pas  plus  sur  une  qualité 
que  sur  une  autre;  il  les  embrasse  toutes 
confusément.  Il  voit  la  chose,  mais  il  n'y  aper- 
çoit point  encore  de  caractère  déterminé.  Au 
contraire,  il  démêle  quelques-unes  des  qualités 
qui  la  distinguent,  lorsiju'au  nom  on  substitue 
une  circonlocution.  En  un  mot,  le  nom  montre 
la  chose  dans  un  éloianement  où  on  la  recon- 


PÉR 


545 


nail  ;  mais  on  l'aperçoit  imparfaitement,  elles  dé- 
tails échappent.  La  périiiiirase,  au  contraire,  la 
rapproche,  et  en  rend  les  traits  plus  distincts  et 
plus  sensibles,  l.e  nom  de  Dieu,  \k\v  exemple, 
ne  réveille  pas  l'idée  de  tel  i>u  tel  attribut;  mais 
la  jjériphrase,  celui  qui  a  créé  le  ciel  et  lu  terre, 
représente  la  Divinité  avec  toute  sm  intelligence 
cl  toute  sa  puissance.  Cette  môme  idée  peut 
è!re  caractérisée  par  autantdc  périphrasesqu'il  y 
a  d'attributs  dans  Dieu  ;  mais  le  choix  des  ca- 
rnctcres  n'est  jamais  indifférent. 

Celui  qui  règne  dans  les  deux,  de  qui  relè- 
vent tous  les  empires,  à  qui  seul  appartient  la 
gloire,  la  majesté,  l'indépendance,  est  aussi 
celui  qui  fait  la  loi  aux  rois,  et  qui  leur  donne, 
quand  il  lui  plaît,  de  grandes  et  de  terribles 
leçons.  (Bossuct.) 

Celui  qui  met  un  frein  à  la  fureur  de.s  flots, 
Sait  aussi  des  méchants  arrêter  les  complots. 

(Rac,  Ath.,  acl.  I,  se.  l,  61.) 

Dans  ces  deux  exemples.  Dieu  est  caractérisé 
bien  différemment.  Mais  essayons  de  changer  les 
périphrases  de  l'un  à  l'autre,  et  disons  : 

Celui  qui  met  un  frein  à  la  fureur  des  flots, 
est  aussi  celui  qui  fait  la  loi  aux  rois,  et  qui 
leur  donne,  quand  il  lui  plaît,  de  grandes  et  de 
terribles  leçons. 

Celui  qui  règne  dans  les  deux,  de  qui  relè- 
vent tous  les  empires,  à  qui  seul  appnrtient  la 
gloire,  la  majesté,  l'indépendance,  sait  arrêter 
les  complots  des  méchants. 

Ces  périphrases  n'ont  plus  la  mênie  grâce; 
elles  paraissent  froides,  déplacées,  et  l'on  en  voit 
la  raison.  C'est  que  le  caractère  donné  à  Dieu 
n'a  plus  assez  de  rapport  avec  l'action  de  cet 
être;  l'attribut  n'est  plus  assez  lié  avec  le  su- 
jet de  la  proposition 

Les  orateurs  médiocres  se  perdent  souvent 
dans  le  vague  de  ces  sortes  de  périphrases.  Ils 
craignent  de  nommer  les  choses,  et  ils  croient 
trouver  du  sublime  dans  des  circonlocutions 
prises  au  hasard.  Quelquefois  aussi  le  besoin  de 
quelques  syllabes  fait  tomber  dans  ce  défaut  jus- 
qu'aux meilleurs  poètes;  mais  rien  n'est  plus 
capable  de  rendre  le  discours  froid,  pesant  ou 
ridicule.  Quand  donc  les  périphrases  ne  contri- 
buent pas  à  lier  les  idées,  il  faut  se  borner  à 
nommer  les  choses. 

Rien  n'est  plus  lié  aux  propositions  que 
nous  formons,  que  les  sentiments  dont  nous 
sommes  alors  affectés.  Aussi  les  ]K'riphrascs  ne 
sont-elles  jamais  plus  élégantes  que  lorsque,  ca- 
ractérisant une  pensée,  elles  expriment  encore 
des  sentiments. 

Au  lieu  d'expliquer  la  métempsycose  en  disant 
qu'elle  fait  sans  cesse  passer  les  âmes  par  diffé- 
rents cori)-,  liossuet  emploie  des  périphrases  qui 
font  voir  toute  l'absurdité  qu'il  trouve  dans  cette 
opinion.  Il  s'explique  ainsi  : 

Que  dirai-je  de  ceux  qui  croyaient  la  trans- 
migration des  âmes,  qui  les  faisaient  rouler  des 
deux  à  la  terre,  et  puis  de  la  terre  aux  cteus; 
des  animaux  dans  les  hommes,  et  des  fiomnies 
dans  les  aniouiu.r;  de  la  félicité  à  la  misère, 
et  delà  misère  ù  la  félicite,  sans  que  ces  révo- 
lutions eussent  jamais  ni  de  terme,  m  d  ordre 
certaine  , 

On  peut,  après  une  périphrase,  en  ajouter  une 
seconde,  une  troisième,  et  cela  sera  fort  bien, 
pourvu  qu'ellesexprimenlchacunedesaccessoires 
qui  renchérissejit  les  uns  sur  les  autres,  et  qui 


HéA 


PÉR 


soient  t.iiisri'l.Tiifsn  In  clidçcel  aux  circonstances 
oùl'onenparle;  les  idées,  par  ce  moyen,  se  lieront 
de  plus  en  plus.  Mais,  au  cuiilraire,  la  liaison 
s'affaiblira ,  ci  le  style  deviendra  lâche,  si  les 
dernières  périphrases  ont  moins  de  force  que 
les  premières.  Despréaux  a  dit  {Sat.  I,  29)  : 

Tandis  que,  libre  encor. .  . 

Mon  corps  n'est  point  courbé  sous  le  faix  des  années, 
Qu'on  ne  voit  point  mes  pas  sous  l'âge  cbanceler, 
lit  qu'il  reste  à  la  Parque  encor  de  quoi  liler. 

Voilà  trois  périphrases  pour  dire,  tandis  que 

je  ne  iui.-i  pas  I  iciix.  La  |)rciiiiore  est  lioinie, 
parce  qu'elle  fait  image;  la  seconde  est  une  pein- 
ture plus  faible;  la  troisième  ne  peint  rion,  et 
n'est  pas  même  exacte;  car  on  peut  être  vieux, 
quoiqu'ir  reste  à  la  Parque  de  (luoi  liler.  D'ail- 
leurs, qu'on  ne  roit  point  mes  pus  chanceler  CSl 
un  tour  làclie  ;  il  eût  été  mieux  de  dire,  que  je 
ne  chancelle  pas.  Enfin,  sous  l'âge  est  une  faible 
répétition  de  sous  le  faix  des  années. 

La  règle  est  donc  que,  quand  on  veut  expri- 
mer une  mémo  chose  par  [)lusieurs  périphrases, 
il  faut  que  les  images  soient  dans  une  certaine 
gradation;  qu'elles  ajoutent  successivement  les 
unes  aux  autres,  etciuc  tout  ce  qu'elles  expriment 
convienne  également,  non-seulement  à  la  chose 
dont  on  parle,  mais  encore  à  ce  qu'on  en  dit. 

Il  faut  encore  consulter  le  caractère  de  l'ou- 
vrage où  l'on  veut  faire  entrer  les  images.  Dans 
un  poëine,  par  exemiile,  on  exprimera  ainsi  la 
pointe  du  jour  (Volt.,  Henriade,  VII,  475)  : 

L'aurore  cependant,  au  visage  vermeil, 

Ouvrait  dans  l'Orient  le  palais  du  soleil. 

La  nuit  en  d'autres  lieux  portait  ses  voiles  sombres. 

Les  songes  voltigeants  fuyaient  avec  les  ombres. 

Ce  langage  serait  froid  et  ridicule  partout  ail- 
leurs. 

Comme  on  se  sert  d'une  périphrase  pour 
ajouter  dos  accessoires,  on  s'en  sert  aussi  pour 
écarter  des  idées  désagréables,  basses  ou  peu 
honnêtes.  Mais  il  faut  bien  se  garder  d'éviter 
des  termes,  uniquement  parce  qu'ils  sont  dans  la 
bouche  de  tout  le  monde.  Lorsque  le  langage 
couimun  convient  au  sentiment  (ju'on  éprouve 
et  aux  circonstances  où  l'on  est,  il  ne  faut  pré- 
férer une  périphrase  qu'autant  ([u'elle  convient 
encore  davantage.  Il  est,  par  exeinple,  tout  na- 
turel (ju'un  père  dise,  ma  fille  devrait  pleurer 
mu  mort,  et  c'est  moi  qui  pleure  la  sienne.  Je 
ne  vois  |)as  pounjuoi  il  craindrait  de  se  servir 
du  mot  pleurer.  Ce|)endant  le  père  Bouhours 
loue  ces  vers  que  Maynard  a  faits  sur  ce 
sujet  (Ode  IX,  49)  : 

Hâte  ma  fin  que  la  rigueur  diffère, 
Je  hais  le  monde  et  n'y  prétends  plus  rien. 
Sur  mon  tombeau  ma  bile  devrait  faire 
Ce  que  je  fais  maintenant  sur  le  sien. 

Ce  père  tendre  parait  se  faire  un  petit  plaisir 
de  doimer  à  deviner  s'il  répand  des  larmes.  La 
périphrase  ne  doit  pas  être  employée  [wur  écar- 
ter l'idée  du  sentiment,  et  pour  y  substituer  une 
énigme.  Ces  vers  de  Maynard  sont  donc  d'un 
mauvais  goût;  et  n'y  prétends  plus  rien  est 
une  phrase  qui  n'est  là  que.  pour  achever  le 
vers. 

Les  délinitions  et  les  analyses  sont  proprement 
des  périphrases,  dont  le  propre  est  d'expliiiuer 
une  chose.  Dieu  est  la  cause  première,  voilà  une 
déùnilion  ;  car  de  là  naissent  tous  les  attributs  de 


PER 

la  Divinité.  Vous  ferez  une  analyse  si  vous 
dites.  Dieu  est  la  cause  première  indépendante, 
souverainement  intell igent(',toute-puissante,Q\.C, 
Vous  pouvez  donc  substituer  au  nom  de  Dieu 
sa  définition  ou  son  analyse  Mais  alors  votre 
dessein  est  uniquement  de  faire  connaître  l'idée 
que  vous  vous  faites,  et  vous  rom|)lissez  votre 
objet  si  vous  vous  expliquez  clairement.  Quant 
aux  périphrases  qui  ne  sont  ni  définitions,  ni 
analyses,  vous  n'en  devez  faire  usage  qu'autant 
qu'elles  caractérisent  les  choses,  soit  par  rap- 
port aux  circonstances  où  vous  les  considérez, 
soit  par  rapport  aux  sentiments  dont  vous  êtes 
affecté.  Si  vous  les  employez  toujours  avec  ce 
discernement,  vous  ne  devez  pas  craindre  de  les 
trop  multiplier.  (Condiliac,  Art  d! écrire.) 

Périr.  V.  n.  de  la  2"  «onj.  Périr,  avec  l'au- 
xiliaire avoir,  exprime  l'action  ipii  a  fait  périr. 
//  a  péri  ce  jour-léi;  ce  jour-là,  l'action  qui  l'a 
fait  litrir  a  eu  lieu.  Il  a  péri  dans  le  combat. 
Périr,  avec  l'auxiliaire  être,  indique  l'état  (jui 
résulte  de  l'action  de  périr  :  Ils  sont  péris,  ils 
n'existent  plus. 

Lorsque  Càlypso,  voulant  retenir  Télémaque 
daûB  son  ile,  lui  peint  le  naufrage  d'Ulysse,  elle 
ne  doit  pas  vouloir  lui  représenter  l'action  par 
laquelle  il  a  péri,  mais  l'eiat  (pii  est  résulté 
de  cette  action,  c'est-à-dire  la  mort  d'Ulysse. 
Fénelon  ne  se  serait  donc  pas  aussi  bien  exiirimé 
qu'il  l'a  fait  s'il  eût  dit,  elle  voulut  faire  en- 
tendre qu'il  avaii  péri  dans  le  naufrage;  aussi, 
dit-il,  elle  voulut  faire  entendre  qu'il  était  ^trt 
dans  le  naufrage  (Télém.,  liv.  1,  t.  i,  p.  7fi). 
c'est-à-dire  que  sa  mort  en  avait  été  la  suite.  - 
On  dira  donc  également  bien,  il  a  péri  dans  l.. 
combat,  ou  il  est  péri  dans  le  coJubat,  suivant 
qu'on  voudra  fixer  l'esprit  ou  sur  l'action  qui  a 
donné  la  mort,  ou  sur  la  mort  même  (jui  a  été  l'ef- 
fet de  l'action. — L'Académie,  qui  donnait  autrefois 
à  ce  verbe  l'auxiliaire  e<;e  ou  l'auxiliaire  avoir,  a 
retranché  dans  la  dernière  édiliiiu  de  son  diction- 
naire les  exemples  où  il  était  accompagné  du 
premier.  Mais  elle  indique  le  lurlicipe  pén, 
périe  ;  ce  qui  doit  faire  supposer  qu'elle  autorise 
dans  certains  cas  l'usage  de  l'auxiliaire  être. 

Corneille  a  dit  [Cinna,  act.  ÏII,  se.  :,  71)  : 

Je  conserve  ce  sang  qu'elle  veut  voir  périr. 

Périr  un  sang,  dit  Voltaire,  est  un  barbarisme. 
[Remarques  sur  Corneille.) 

Périssable.  Adj.  des  deux  genres,  qui_  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Des  biens  périssa- 
bles . 

*  Pkrissologie.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire. 
Voyez  Pléonasme. 

Permanent,  Permanente.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'ajirès  son  subst    :  Un  bonheur  permanent. 

Permettre.  V.  a.,  n.  et  irrégul.  de  la  4'  conj. 
Il  se  conjugue  comme  mettre.  Voyez  ce  mol. 

Quand  ce  verbe  a  un  régime  indirect,  il  de- 
mande de  et  l'infinitif  :  On  vous  permet  de  sortir. 
Dans  le  cas  contraire,  il  demande  que  et  le  sud- 
jonctif  :  f^otre  père  a  permis  que  vous  sor- 
tissiez. 

Permciecsement.  Adv.  Il  se  met  entre  l'au- 
xiliaire et  le  participe:  Cela  est  pernicieusement 
inventé. 

Perniciecx,  Pernicieuse.  Adj  On  le  met  sou- 
vent avant  son  subst.  :  Conseil  pernicieux,  per- 
nicieux conseil;  maxime  pernicieuse  ,  perni- 
cieuse maxime;  invention  pernicieuse,  perni- 


PER 

exemple.  \  oyez  MJeciif.  ^    nxcxexix 

PKBor.AjsoN.  Subsl.  /.  Terme  de  rhétorimie 
On  .ppolle  a.ns,  la  conclusion  ou  la  Je  ïœ 
partie  du  discours,  dans  laquelle  l'oralcur  rj! 
sumc  en  peu  de  mois  les  I.rincipaux  c£  ,n  'il 
a  tra,  ,s  avec  étendue  d.ns  le  c'orps  de  p  "o 
et  tache  d  émouvoir  les  passions  de  ses  an  if' 

Scr'5S:fï'ïr-^'=^''='^^'"''-i^'-'l    ' 

SSêst;^e^jï;;--^.--t--;M;-s 

non,    çie  j.iie,   d  cmnlalion,    qu'on   se   nronoso 

ineune,  c  est  la  liaiiie,  le  mépr  s,  rindi-nuinn 
la  col.Te,  clc  Dans  un  discours  du  genre  de  ' 
bcratif,  ou  s-cfforce  do  faire  naître  Te  péra  .ce" 
ou  la  con l.ance,  d'inspirer  la  crainte,  ou  de  c  er 
le  trouble  dans  les  .cvurs.  La  péroraison  doil^S  re 
véhémente  el  pleine  de  passion,  mais  en  nén  o 
emps  courte.  11  ne  faut 'pas  laisser  a  l'âuS?- 
e  temps  de  respirer,  pour  ainsi  dire,  picc  qui 

Quand  on  dit  que  la  péroraison  doit  émonvni,- 

tepiible;  car  iien  ne  serait  plus  ridicnlP  ,,  ,r.  f 

tp-mmer  par  des  traits  P^theS  Se  sûnï  ca  se  o' 

1  "c  s  agirait  qued'un  intérêt  1  •■seroid'un  obi,w 

foK  peu  important.  {E noydopédie)  '  •"' 

PEr.PE10EL      P.hPÉi  CELLE.    Adj.Il   nc    sc    ino. 

Priipri-vp    Ail;   An.,  A _ 


PER 


545 


Perplexe.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  m^i 
qu  après  son  subst.  :   Cas  vervle^n     fu^ 
perplexe.  peipieae,    situation 

Persécdta'.t,  Persécutante.   Adi    verbal  iir,i 

su"bsl--^£t"'"--  "  "^  "^  ""''   'l"Vés4on 

re^:rSï"S^.S;..;;-    ^"   P--'-'    d'une 
.■aS£^^l^-;-;;^:^^--^--re 

:^;s:"sS:^^"^^'^^'^™'"-^^«'S:!i^ï 

PEBSÉïÉiiANT,  Persévérante.  Adj.  verbal  tiré  ,1,, 
yrersevérer.  Ilnese  melqu'aprèsionsubst  'A" 

'pTsif  Subi";''  î^'"  f-''''-P--é:é?anie'^'' 
PERSIL.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  / 

hovune  ne  l'a  dit,  ni  Pierre  ni  Paul  îu  T 
Puisque  ridée  û'hovuue  est  a  prindn.ie  dân^  l-i 
signification  du  mol  ;«.«<,..., '.^^S'eslTonî 
u"  nom  comme  h.mn.e.  Not'is  disons  en  S 
r>emo:  personne  ne,  et  il  est  éviden  oue  c'el^ 
une  contraction  de  ne  homo,  où  l'on  ?".'  sen 
X""iL"''  '7T  ^'""^d'«-s°enfraiSs 
mémemor  1?"  '^î''  ^^''  "•ès-ovidemmen  le 
'riiu^  '.^  ''"'^'"'"'  '^"^n^  a"  matériel, 
/Sl27'^''r'"''''"''^^'  l'«n  di^'-'il 


a(i.?au'il's2'nr  "?'"  ™I''''J'<^  ««"^  P-'^Posiiif 
-;.1;h3  la  plupart  des  g,.a,;u.;:i,SL'^'&^J 

Quelcpics    grammairiens  ont    MiV.i^n,),, 

Ion   n'apDu  e  sur   nii,-,,n    ..  •  *-=''^' *^  "^ 

"i^j'un,   siii    aucun    raisoiineriiKiii   .   t.- 1» 

es  langues  qu'un  mot  pu.sse-élre  présent 'dns 

a  .neinc  phrase  sous  deux  .enres  dif  Se,,      e 

SI  1  usage  avait  établi  une  exception  po,i  le  ,'n 

P^f^^mio,   In    raison  devrait   Tabolir.  C'e  î      e 

<^iois,   ce  qui  est  arrivé  depuis  VauKelaser  i^ 

est  di,ne  d'a,.ouroVJe)i     J^^^^^^ 

aussi  heureux  <j,œ  vous!  '  ^'"°""'  "  "^'^ 

Peraonue.  Terme  de  grammaire    71  v  -,  i,. 
relations  générales  que  peut  avoir'-,   '-^  ,    \   ? 
parole  le  sujet  de  la^.ySio  "'  a- 'ou  1 1' 
nonce  lui-mc.nela  prdpo.'ition  duù   i  èsUe  sue' 
ou  la  parole  lui  est  adressée  par  u i ufu   e   ou   I 
et  simplement  sujet  sans  prononcer  le  d^scmn 
et  sans  ère  apostrophé.  I)!,ns  cette  ,'ropisitir 
je  SUIS  h  sei,jneur  ton  Dieu   c'esi  ^,"''"^^"!""' 
est  le  sujet,  et  à  qui  il  ef^  a  l-iiHéd^ét'e  1  !''''' 
gncurDieud;isracl;  mais  en  némeienn    c'est' 
lui  qui  produ  t    'acte  de  la  n-iml,.    ,,,•     '        "' 
cediscJurs.Danscel^c^i'S::^,'';;-'- 

parle;c;estaluiqJei:.p.SJLXS.'ïulln' 
dans  celle-ci,  Z^,V„  a  créé  i;ko,u^t  ,;^fl 

a  /au  a  son  imago.  Dieu  est  encore    c  smV. 

na>s  11  ne  pai  e  i.oint,  et  le  discours  ne  1  Fès'i 

o:.^ppoi.cpreiè,érepl;i;;Li^ïéii^;,î*^:r^ 
nrteir:;n^3r^;e;-';ïè 

£=^;^-anfli:^--^^ 
Jiigaison,  Accord.  ^••")C/Cott 

PensoANEL,  Phiiso^«Ei.LE.  Adj.  qui  ne  se  ma 
q  i  après  son  subst.  :  Mérite  pUonnel,  f,Su- 

t^/Zt","r^'  *"'  ''""'^  de  grammaire,  signifiée-; 
e^l  iclatif  aux  personnes,  ou  qui  reçoit  é.  m"" 
flexions  relatives  aux  personnel.  On  applique " 

55 


140 


PEU 


mot  aux  pronoms,  aiix  terminaisons  Je  certains 
modes  des  verbes,  a  ces  modes  des  verbes,  cl 
aux  verbes  mêmes. 

On  appelle  pronmns  personnels  ceux  qui  pré- 
senieni  a  lespril  des  êtres  déterminés  par  lidée 
prise  de  l'une  des  trois  personnes.  Les  pronoms 
personnels,  dans  le  système  ordinaire  des  gram- 
mairiens, ne  sont  (lu'unc  espèce  particulière,  et 
l'on  y  ajoute  les  pronoms  dêmonslratifs,  les  pos- 
sessifs, les  relatifs,  etc.  Mais  il  n'y  a  de  véritables 
pronoms  que  ceux  tjue  l'on  nomme  personnels; 
et  les  autres  prétendus  pronoms  sont  ou  des  noms 
ou  des  adjectifs,  ou  même  des  adverbes.  Voyez 
Adjectif,  Pronom. 

Pf.rsoisnellkment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
rau\ili;iire  cl  le  participe  :  Il  m'a  offensé  person- 
nellement, ou  il  m'a  personnellement  offensé. 

PEF.soNMFirR.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Prêter  un 
corps,  une  âme,  un  visage,  un  esprit  ù  des  êtres 
purement  intellectuels  ou  moraux,  auxquels  on 
attribue  aussi  un  langage,  un  caractère,  des  sen- 
timents et  des  actions. 

Ainsi  les  poêles  personnifient  les  passions  ou 
d'antres  êtres  métaiihysiqucs  dont  ils  ont  fait  des 
divinités,  et  que  les  païens  adoraient  ou  crai- 
enaienl,  tels  ipie  l'Envie,  la  Discoïde,  la  Fann, 
la  lortune,  la  Victoire.  A  leur  imitation,  les 
modernes  ont  aussi  i^ersoni.ilîê  des  êtres  sembla- 
bles; telle  est  la  M«jllesse  dans  le  Lutrin  de 
Boilcau;  le  Fanatisme,  la  Discorde,  la  Politique, 
l'Ainour,  dans  la  Hennade  de  Voltaire. 

Peusuadé.  Part,  et  adj.  Voltaire  en  a  fait  un 
subst.  :  Le  frère  Rigvlet avait  toute  la  simplicité 
et  tout  l'enthousiasme  d'un  persuadé. 

Persuader.  V.  a.  do  la  l'«  conj.  On  lit  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Académie  de  179S,  Us  s'étaient 
liersuadês  qu'on   n'oserait  les   contredire.  Plu- 
sieurs i-Taiiiiiiaii  ions  ont  prétendu  que  l'Académie 
avait  où  tort  de  faite  accorder  le  participe  avec 
le  i)roiiom5e,  et  de  mettre /)erst/«tfe.ï  au  pluriel. 
Ils  se  fondent  sur  ce  que  le  pronom  se,  signilianl 
ici  à  soi,cs\.  un  régime  indirect;  car  se  persuader 
quelque  chuse,  c'est   persuader  quelque  chose  à 
soi.  —  Mais  ces  grammairiens  n  ont  pas  observé 
iju'on  dit  aussi,  persuader  quelqu'un  de  quelque 
chose,  et  »}ue  par  LH)iiséquent  ils  s'étaient  per- 
suadés que  personne   n'oserait  les   contredire, 
peut  se  tourner  par  ils  avaient  persuade  eux, 
que  personne  n'oserait  les  contredire;  où  l'on 
voit  que  le  pronom  se  est  le  régime  direct  du 
participe.  Voilà  pouniuoi  1'  usage  s'est  établi  de 
faire  accorder  le  régimedanscessurtesde  phrases: 
//*  se  sont  persuadés  que  cela  seul  suffit.  (Buff., 
manière  de  traiter  l'histoire  naturelle,  i..  I,p.42.) 
Cependant  comme  on  peut  dire  également  per- 
sxiader  quelqu'un  de  quelque  ch"se,  et  persuader 
quelque  chose  à  quelqu'un,  on  peut  a  Sun  gré 
regarder  le  pronom  se  comme  un  régime  direct, 
ou" comme  un  régime  indirect,  et  l'aire  accorder 
^u  non  le  participe  avec  ce  prunuin,  suivant 
'idée  qu'on  a  dans  l'esprit.  —  Nous  devons  faire 
emarquer  que  dans  l'édition  de  l&io,  l'Académie 
.•crit  ainsi  la  phrase  (lui  a  donné  lieu  à  cet  article: 
Us  s'étaient  persuadé  qxCon  n'oserait  les  contre- 
dire. 

Persdasif,  Perscasive.  adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Raison  persuasive,  orateur 
persuasif. 

Pertinemment.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  //  en  a  parlé  pertineiumen,  il  en  a  dis- 
couru pertinemment. 

Perturbateur.  Subst.  m.  En  pariant  d'une 
femme,  on  dit  perturbatrice. 


PÉT 

Pervers,  Perverse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  :  Un  naturel  pervers,  un  kotnme 
pervers,  une  doctrine  perverse,  cette  perverse 
doctrine. 

Pesamment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  était  pesamment 
armé. 

Pesant,  Pesante.  Adj.  On  peut  le  mellrc  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Style  pesant,  charge  pesante,  pesante  charge, 
un  fardeau  pesant,  un  pesant  fardeau. 

PÈsK-LiQUEuii.  Sulist.  m.  On  écrit  au  pluriel 
des  pèse-liqueur  sans  s.  La  pluralité  ne  peut 
tomber  ni  sur  pèse,  qui  est  un  verbe,  ni  sur 
liqueur;  elle  tombe  sur  instrument,  qui  esl  suu- 
enlendii  :  Des  pèse-liqueur  sont  des  instrmnonls 
avec  lesquels  on  pèse  la  liqueur  ou  les  liqueurs 
Pestifj-.re.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Uti  air  pestiféré,  une 
vapeur  pestiféré,  v ne  odeur  pestiféré.  11  est  (tcu 
usité. 

Pestiféré,  Pestiférée.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  lieu  pestiféré,  des 
m  arc/i  a  ndises  pestiférées. 

Pestile>t,  Pestilente.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  fièvre  pestilente,  un 
air  pestilent. 

Pestilentiel,  Pestilentielle.  Adj.  <iui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Air  pestilentiel,  mala- 
die pestilentielle. 

Pétillant,  Petilunte.  Adj.  On  mouille  les  /. 
On  ne  le  met  qu'après  son  subst.  .  Du  vin  pétil- 
lant, des  yeux  pétillants,  un  sang  pétillant. 

Pétillement,  Pétiller.  Dans  ces  deux  mots, 
les  /sont mouillés. 

Petit, Petite.  Adj.  Petit,  joint  aux  mots  homme 
ou /e/«7/îe,  n'exprime  ordinairement  qu'une  petite 
taille  :  Un  petit  homme,  U7ie  petite  femme.  Oa 
dit  de  même  un  petit  cheval,  un  petit  chien. 
.Mis  avant  d'autres  noms,  il  signifie  quelquefois 
de  peu  d'importance,  de  peu  de  valeur  :  Un  petit 
prince,  un  petit  génie,  des  petites  gens.  Une 
petite  affaire.  Une  petite  circonstance.  —  Quand 
cet  adj.  n'est  pas  modifié  par  un  adveibe  de 
(luanlité,  il  se  met  avant  son  subst.  :  Un  petit 
homme,  une  petite  femme.  Quand  il  esl  joint  à  UD 
adverbe  de  quantité,  il  se  met  avant  ou  après: 
Un  homme  fort  petit,  une  femme  bien  petite;  un 
fort  petithomme,  une  bien  petite  femjne. 

Petit  esl  (]Up|qiicfois  un  terme  d'affection  et 
de  tendresse,  comme  dans  ce  vers  de  madame 
Deshouliêres  [Les  moutons,  idylle  4)  : 

Ilélas!  peliU  moulon?,  que  tous  êtes  beureui! 

Petit  n'est  pas  ici  un  adjectif  qui  marque  direc- 
tement le  volume  et  la  petitesse  des  moulons. 
Voyez  Comparatif. 

Petitement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  toujours  vécu 
petitement,  ou  U  a  toujours  petitement  vécu. 

*  Petitissihe.  Voltaire  s'est  servi  de  ce  mot 
en  parlant  de  la  pe'.ite  république  de  Genève  : 
La  philosophie,  dit-il,  a  fait  de  merreilleiis 
progrès  depuis  quelque  temps,  Tnais  cette  philo- 
sophie n  a  pourtant  pas  empêché  qu'on  ait  ùicendié 
le  livre  de  Jean-lacques  dans  la  petitissiine 
répuhrique.  Ce  mot  est  un  terme  de  circonstance, 
qui  ne  lait  point  partie  de  la  langue. 

Pétrifiant,  Pétrifiante.  Adj.  verbal  qui  ne  se 
met  ([u'après  son  subst.  :  Sucs  pétrifiants,  fon- 
taine pétrifiante. 

Pétbir.  V.  a    de  la  2*  conj.  L'Académie  na 


PEU 

pas  indiqué  exactement  l'emploi  (lue  l'on  peut 
nure  de  ce  mot  au  ligure  : 

A  mon  jiFaisir  j'ai  pétri  sa  jeune  âme. 

Volt.,  Enf.  prod.,  ad.  I,  se.  1,  HO.) 

Ces  ramas  de  larcins  maroliques, 
Mo. lie  français  et  moitié  germaniques, 
Petria  d'erreur  el  de  haine  cl  d'ennui. 

(Volt.,  épttrc  XXXV,  157.) 

«v^fi'!""'''  .^"'^^^'^TE.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consuiianl  loreilie  el  l'ana- 
logie :  Un  wwme  pétulant,  un  enfant  pétulant, 
i^elte  pctida nie  jeunesse. 

Peu.  Adv.  H  est  oi)posc  à  beaucoup;  et,  joint 
arH/i/"i"''"]'''^'  ''  '■'^=il  la  préposition  rf^  sans 
article  :  Fe,,  d  argent, peu  de  bois,  peu  d-hommes 

^^."ii^f.r"'\P"  '"^  '"^^  "''•'"'  l*^^  adjectifs 
qu  1  modi  le  :  Peu  aimable,  peu  con.plaisant. 
U  pieccdc  les  adverbes  qu'il  modifie,  peu  aaréa- 
blement,  et  suit  ceux  (jui  le  modifient,  fort  peu 
bien  peu.  -  Joint  au  x'crbe,  il  se  met  apiésdan.s 
les  temps  smq.les,  il  boit  peu;  et  dans  les  temps 
composes  entre  l'auxiliaire  et  le  participe,  il  a 
peu  bu.  S  il  est  modifié  par  quelque  autre  ad- 
verbe, on  peut  le  mettre  ou  avant  ou  après  le 
parlicii.e  :  II, n'a  coûté  fort  peu,  ou  // J'a  fort 
peu  coûte.  ' 

Je  n'ose  m'éblouir  d'un  peu  de  nom  fameux. 

(CoBN.,  ScTtor.,  acl.  II,  se.  ii,  74.) 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Le  mot  de  peu 

ne  convient  pas  au  nom  :  Un  peu  de  gloire; un 
peu  de  renommée,  de  réputation,  de  puissance, 
se  du  dans  toutes  les  langues,  et  un  peu  de  nom 
ne  se  dit  d.nis  aucune.  11  y  a  une  grammair» 
commune  a  toutes  les  nations  qui  ne  permet  ras 
cttanf  ^""T  ^^"'•'"'ile  «e  joisPnentlSS 
cuoses  qui  il  un  pas  de  .luantité.  On  peut  avoir 
plus  ou  moins  de  gloire  et  de  puissance,  mais 

Cor  J,'iy\  """  "'°'"^  '^'^  "'"°'  (^''""''•?«^*  "^r 
.-.if/"1''.''l'f-^'-^'"^"^"'  ^'""  ''^"fre.  Aussi  Vol- 

El  malgré  tout  le  peu  que  le  ciel  m'a  failnailre. 

rSeïle^^"'  "*"''''  '"''"''^™«  "«e  contradiction 
Quelques  personnes  disent  un  petit  peu   pour 
dire  une  petite  quantité.  Cette  locution  est  vi- 
cieuse. Peu  signifie  seul  une  peliic  quantité 

subsiantif,  Il  I  est  aussi  dans  le  peu,  de  peu,  à 
peu,  pour  peu.  ^  ■*,  « 

...S"  ■î"f"'  ^  !^  préposition  de.  et  suivi  d'un 
substantif  singulier,  régit  le  verbe  au  singulier: 
/  eu  de  monde  a  .y,/  ,«««  arrivée:  inais  oeu  ré^it 

ïam['ni';ïi ';'"';'''.'""■"'''  '''  suiïi'dCsSb- 

Si-ÏÏLÏÏ;.  ""^-^^P^rsonnessaventse  suffire 
C'était  peu. 


PEU 


547 


v.nîlc^-.,f  'i'"'  "''^  ^•^'■s  'es  remarques  sui- 
^antes.  Celle  longue  période,  commençant  par 
ces  mois,  r  était  peu,  (pij  annoncent  une  pro- 
gression  d  idée,  la  dément  à  la  fin.  Ou  se  se.'l  de 
ce  te  tournure  quand  ce  qui  précède  est  moins 
loit  que  ce  qui  suit,  comme  dans  Alhalie  (acl.  I, 

C'ct  pm  que  le  front  ceinl  d'une  milre  étrangère, 
Ce  lévite  a  Baal  prête  son  ministère; 
Ca  temple  l'imporlune,  et  son  impiété 
Voudrait  anéantir  le  dieu  qu'il  a  quitté. 

Ici  la  phrase  va  en  croissant.  Ouitter  le  Dieu 
d  Israël  pour  Baal  est  une  impiété;  c'en  est  une 
plus  grande  de  vouloir  anéantir  le  temple  et  le 
culte  d'un  dieu  qu'on  a  (|uitté.  Mais  riiymen 
(1  Itis  est  certainement  beaucoup  moins  horrible 
pour  Electre  que  le  meurtre  de  son  père  assas- 
sine par  sa  mère.  {Cours  de  littérature  ) 

Celte  règle  est  jiarfaiiement  bien  observée  dans 
les  vers  suivants  de  Racine  {lphi.énie,iic[.  III 
se.  VI,  26)  :  ^  r   ^       ,         i., 

C'ett  peu  de  TÏoler  l'arailié,  la  nature  ; 

C'est  peu  que  de  vouloir,  sous  un  couteau  mortel, 

Me  montrer  votre  cœur  fumant  sur  un  autel  ; 

D'un  appareil  d'hymen  couvrant  ce  sacrilice,  ' 

Il  veut  que  ce  soit  moi  qui  vous  mène  au  supplice  : 

Uue  ma  crédule  main  conduise  le  couteau  ! 

Qu'au  lieu  de  votre  époux,  je  sois  votre  bourreau  ! 

Il  faut  seulement  remarquer  que  c'est  peu  devant 
un  infinitif  ne  doit  pas  être  suivi  de  que;  du 
moins  c  est  la  décision  des  grammairiens.  Racine 
(levait  donc  dire,  c'est  peu  de  vouloir,  el  non  pas. 
c  est  peu  que  de  voi  loir. 

Il  nous  semble,  dit  la  Grammaire  des  Gram- 
maires (Éd.  de  18l'J,  p.  844),  que  de  même  -lu'un 
au.  Il  s  en  faut  de  beaucoup,  lorsqu'il  s'agit  de 
quantité,  de  même  on  doit  dire,  il  s'en  faut  de 
peu;  et  comme  on  dit,  lorsqu'il  est  question  de 
ilillerence,  xl  s  en  faut  beaucoup,  on  doit  éiïale- 
ment  dire,  il  s'en  fautpeu. 

Si  ces  observations  sont  justes,  nous  sommes 
loiule  a  en  conclure  que  ce  serait  s'exprimer 
mcoirccternent  que  de  dire,  il  s'en  faut  peu  que 
ce  vase  ne  soit  plein,  nu  lieu  do,  il  s'en  faut  de 
peu  que  ce  vase  ne  soit  plein;  et  il  s'en  fau'  de 
peu  qu'il  n'ait  achevé  son  ouvrage,  au  lieu  de 
il  s  en  faut  peu  cin'il  n'ait  achevé  son  ouvrage' 
Voyez  Beaucoup,  Falloir,  Guère. 

t>.r,..        Cl   „.        e        «^  ... 


c  étatt  peu  que  les  liens  altérés  de  ton  sane 
dussent  osé  porler  le  couteau  dam  ton  flanc  • 
yu  a  la  face  des  dieux  le  meurtre  de  mon  père 
Fût  pour  comble  dhorreur  le  crime  de  ma  mère  • 
c.  ««  peu  qu'en  d'autres  main,  la  perlide  ail  remis 
^e  sceptre  qu  après  toi  devait  porter  ton  fils, 
Btque  dans  mes  malheurs  Égisie  qui  me  brave, 

pTur'.^'r' m'""  P'"^'  '^""-^  Electre  en  esclave; 
Pour  m  accabler  encore,  son  (ils  audacieux, 
IlM,  jusqu'à  ta  fille  ose  lever  les  yeux. 

(CnÉBiLLOff,  Electre,  act.  I,  se.  i,  19.) 


lEun.  Su  .st.  f.  On  dit  crainte  d'accident 
mais  on  ne  dit  pus  peur  d'accident.  On  dit  tou- 
jours de  peur,  et  jamais  peur  de:  De  peur  des 
voleurs,  de  peur  qu'on  ne  vous  critique.  On  le 
flit  même  devant  un  verbe  à  l'infinitif,  ipioique  la 
repctitii.n  de  la  préposition  paraisse  blesser 
1  oreille  :  /l  s'abstient  de  manger,  par  la  craitite 
délre  empoisonné,  et  se  laisse  mourir  de  faim 
de  peur  do  mourir. 

Lors(|u'aprcs  de  peur  il  y  a  une  phrase  sub- 
ordonnée, il  faut  meure  ne  au  verbe  de  celte 
phrase  .  Il  se  retira,  de  peur  qu'on  ne  l'obligeât 
a  repondre,  cl  non  pas,  qu'on  l'obligeât  d  ré- 
pondre. 

PEUiiECx,  Peureuse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  peureux,  une  femme 
peureuse,  un  animal  peureux. 

Pect-êtkk.  .\dv.  dubitatif.  On  joint  toujours 
ces  deux  mois  jku-  un  lire;,  el  ils  sont  souvent 
suivis  de  qoe  :  Peut-être  que  oui,  peut-être  que 
non,  peut-être  qu'il  viendra.  —  On  peut  dire 
iu^s\, peut-être  viendra-t-il.  —  On  jteut  le  placer 
avant  ou  après  le  verbe ,  el  dans  les  temps  coiu 


J48 


riii 


poses,  ou  après  l'auxiliaire,  ou  après  le  parlicipi": 
Peut-être  le  ferat-il,  il  le  fera  peut-être  ;  ilia 
peut-être  fuit,  il  l'a  fait  peut-être.  —  Quand 
peut-être  est  au  coiiiiiieiiccniciil  Je  la  plirasc,  il 
faul  inetire  le  pronom  sujel  du  verhe  a|)iés  le 
vcrhe:  Peu t-c Ire  iro/is-/iuus.  ^lais  quand  il  csl 
ku  milieu  de  la  phrase,  le  pronom  conserve  sa 
place  nalurelle  :  Tels  sont  les  conseils  auxquels 
peut-être  nous  snuinu's  redevables  de  notre  tran- 
quillité, f't  non  pas,  auxquels  peut-être  somuies- 
nous  redcruhles  de  notre  tranquillité. —  C'est 
une  ni'gliijence  de  mellre  le  verbe  pouvoir  ^\cc 
veut  être,  parce  ijuc  ce  mot,  exprimant  doute, 
^cerliludo.  ne  saurait  modifier  un  verbe  qui 
'exprime  ci;alement.  —  «  l.e  verbe  pouvoir  em- 
(  pioyt'  avec  il  est  possible,  forme  un  i)léonasnic. 
Allais  a\ec  le  mol  peut-être,  qui  n"est  plus  pour 
v(  nous  ([u'un  simple  odverbe  dubilalif,  la  cpies- 
»  tion  est  dilTcrcnlc.  Si  Bossuet  eût  supprimé  le 
a mvl peut-être  dans  la  phrase  suivante:  Mais 
'<  peut-être  au  défaut  de  la  fortune,  les  qualités 
■-  de  Vesprit,  les  grands  desseins,  les  vastes 
"pensées  pourront  7ious  distinguer  du  reste  des 
i'ho-nï/ies,  il  eût  affirmé  ce  pouvoir;  ccqui  serait 
«  contraire  à  sa  pensée,  puisiiu'il  n'a  voulu  faire 
«qu'une  objection  dubitative.  «  (A.  Lemaire. 
Grammaire  des  Grammaires,  p.  881.^: 

Peut-être  se  prend  dans  un  autre  sens  qui  n'est 
point  indiqué  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie. 
Dans  le  sens  dont  je  parle,  au  lieu  d'être  dubitatif 
il  est  réellement  aflirinalif.  En  voici  un  exemple  : 
J ^i  mon  champ  à  labourer,  je  «'irai  peut-être 
pasemph.yervion  temps  à  terminer  vos  différends, 
et  à  travaiiler  à  vos  affaires,  tandis  que  je  né- 
gligerai les  miennes.  (.Montesquieu,  XI*^  lettre 
pei-sane.)  Peut-être  pas  veut  dire  ici  sûrement 
pas. 

PiiÉEus.  Subst.  m.  On  prononce  le  s  final.  En 
littérature,  on  entend  par  ce  mot  une  pensée 
tïiviale  revêtue  d'une  image  pompeuse  ou  bril- 
lante  Aoyez  Image.,  Galimatias. 

PuÉMx.  Subst.  m.  On  \)Vononce  Phénixe. 

Philologie.  Subst.  f.  Espèce  de  science  com- 
pojée  de  grammaire,  de  poétique,  d'antiquités, 
d'histoire,  de  philosophie,  quelquefois  même  de 
mathématiques,  de  médecine,  de  jurisprudence, 
sans  traiter  d'aucune  de  ces  matières  à  fond,  ni 
séparément,  mais  les  effleurant  toutes  ou  en  par- 
tie. La  philologie  est  une  espèce  de  littérature 
universelle,  tpii  traite  de  toutes  les  sciences,  de 
leur  origine,  de  leurs  progrès,  des  auteurs  (jui 
les  ont  cultivées,  etc.  C'est  ce  que  nous  appelons 
en  Erance  les  belles-lettres,  et  ce  qu'on  nomme 
dans  les  universités  les  humanités.  — OnaiipcUc 
philologues,  ceux  qui  ont  embrassé  cette  science 
universelle. 

raiLOLOGiQDE.  Adj.  dcs  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Recherches  philolo- 
giques, i.ielanges  philologiques. 

*PniLo.soruAiLLE.  Subst.  f.  Terme  de  mépris 
inventé  pai-  Fréron,  répété  par  1. inguet,  et  re- 
cueilli parFéraud.  On  l'emploie,  dit  ce  dernier, 
en  parlant  de  la  tourbe  des  prétendus  philosophes 
modernes.  Et  dans  celte  tourbe  il  comprend  Vol- 
taire. —  Le  mot  philosophaille  a  été  inventé 
contre  les  philosophes,  comme  le  mot  prêtraille 
contre  les  |irèties.  Ce  dernier  a  pris,  et  se  trouve 
dans  tous  les  dictionnaires;  le  premier  csl  tombé, 
cl  n'a  éié  ramassé  (;ue  par  l'abbé  Fcraud.  Cela 
tient  a  l'esprit  du  siècle. 

Pnii.osoi'UALE.  Adj.  f.  qui  ne  se  dit  que  dans 
celte  phrase  :  Pierre  philosophale.  On  ne  le  met 
point  avant  son  subst. 


PUR 

Philosophe.  Subsl.  m.  que  l'on  prend  quel- 
quefois adjcclivcment.  Dans  cette  dcTiiière  signl- 
ficalion,  il  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  :  Un 
roi  philosophe.  C'est  celte  épllre  que  les  beaux 
esprits  n'entendent  peut-être  pas,  car  ils  sont 
peu  philosophes,  (^'ollairc,  Correspondance.) 
L'abl.é  Fcraud  veut  nous  faire  croue  <jue  ce 
mot  est  presque  toujours  pris  en  mauvaise  pari. 

Philosophe  se  dil  aussi  des  femmes  :  f/ne 
femme  philosophe.  Nous  somvtesuu  temps  où  une 
femme  peut  être  hardiment  philosophe.  (Vol- 
taire.) 

*PniLosopHERiK,  *  Philosophesque,  *Philo- 
sopHJSEii,  *  PuiLosopnisTE.  Mots  barbares  inven- 
tés ])ar  Fréron,  répétés  par  Linguei,  et  recueillis 
parFéraud.  Ces  mots  nouveaux,  dil  ce  dernier, 
commencent  à  s'accréditer.»  L'indignation (pi'onl 
excitée  dans  les  bons  esprits  les  horribles  écarts 
de  certains  philosophes  modernes,  a  fait  inventer 
ces  mots  assez  singuliers.  «  —  Ces  mots  ne  com- 
mençaient point  à's'accrcdiier  du  temps  de  Fé- 
raud,  et  ils  ne  sont  pas  plus  en  honneur  aujour- 
d'hui (]uc  les  noms  de  Fréron  et  do  1. inguet. 

Ph/losopherie.  Subst.  f.  Selon  Féraud,  il  se  dil 
en  plaisantant  pour  philosophie.  —  Ainsi  l'on 
pourrait  dire  en  plaisantant,  la  philosopherie  de 
Socrate.  Cette  décision  de  Féraud  n'a  pas  fait 
fortune. 

Philcsophesque.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se 
dit  pour  ridiculiser  le  travers  d'esjjril  de  Voltaire, 
do  J.-J.  Rousseau,  de  d'Aleinbert,  de  Diderot,  de 
Buffon,  de  Mannontel,  de  Dumarsais,  afin  de 
faire  mieux  ressortir  le  génie  de  Frér.)n,  de  No- 
notte,  de  l'abbé  Gcoffroi  et  de  l'abbé  Féraud.  Du 
moins,  c'est  l'avis  de  ce  dernier. 

Philosophiser,  v.  n.,  a  le  iiiêine  sens  que  phi- 
losopher pris  en  mauvais  jiart.  C'est  raisonner 
comme  les  auteurs  que  je  viens  de  nommer  dans 
l'article  précédent. 

Philosophisie.  Subsl.  m.  Faux  philosophe,  tel 
que  Voltaire,  J.-J.  Rousseau,  d'Alembert,  Dide- 
rot, Buffon,  Mannontel,  etc.,  etc. 

Tous  ces  mots  ne  se  trouvent  point  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Académie,  ce  qui  prouve  qu'ils 
n'ont  pas  fait  fortune;  ils  ne  sont  guère  usités 
que  dans  les  sacristies. 

Philosophique.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne 
se  met  qu'a[)rès  son  subst.  :  Raisonnement 
philosophique,  discours  philosophique,  matière 
philosophique.  —  E.iprit  philosophique, 

Puilosophiqlemest.  Adv.  Il  ne  se  inet  qu'après 
le  verbe  :  f^ivre  philosophiquement.  Il  a  toujours 
vécu  philosophiquement. 

PnriASE.  Subsl.  f.  Terme  de  grammaire.  11  se 
dil  particulièrement  d'une  façon  de  parler,  d'un 
tour  d'expression,  en  tant  ([ue  les  mots  y  sont 
construitsct  assembles  d'une  manière  particulière. 
Par  exemple,  on  dit  est  une  jihrase  française; 
hoc  dicitur,  une  phrase  latine  ;  si  dice,  une  phrase 
italienne;  luan  sagt,  une  phrase  allemande. 
A'^oila  autant  de  manières  différentes  d'analyser  et 
de  rendre  la  pensée.  Il  ne  faut  pas  confondre  la 
phrase  avec  la  pioposiiion.  Une  proposition  peut 
être  rendue  de  diverses  manières,  et  elle  est  tou- 
jours la  même,  quoique  les  phrases  qui  l'oxpri- 
inenl  d'une  manière  différente  soient  différentes. 
Aussi  les  (jualiiés  bonnes  ou  mauvaises  de  la 
phrase  sont-elles  bien  différentes  de  celles  de  la 
prop'isition.  Une  phrase  est  bonne  ou  mauvaise 
.selon  que  les  mots  dont  elle  résulte  sont  assemblés, 
termines  el  construits  d'après  ou  contre  les  règles 
établies  par  l'usage  de  la  langue.  Une  proposition, 
au  contraire,  est  bonne  ou  mauvaise,  selon  qu'elle 


PIE 

est  conforme  ou  non  aux  principes  immuables  de 
la  morale.  Une  piirasc  est  correcte  ou  incorreito, 
claire  ou  obsciiie,  éléirantc  ou  corniiivnic,  simple 
ou  figurée,  etc.  ;  une  proposition  est  vraie  ou 
fausse"  lionntMe  ou  (ioshonncte,  juste  ou  injuste, 
pieuse  ou  scamlaleiiso,  etc.,  si  on  IVnvisage  par 
rapport  a  la  niali('ro;  et  si  on  l'onvisagc  dans  le 
discours,  elle  est  (lirccie  ou  inliiede,  principale 
ou  incidente,  etc.  —  Un  excellonl  et  judicieux 
écrivain,  dit  ^'all^eIas,  peut  inventer  de  nou- 
velles façons  (le  parler,  pourvu  (pi'il  y  apiiorle 
toutes  les  cii-coiislances  requises.  —  Cela  est 
vrai,  mais  il  faut  être  fond(;  sur  un  besoin  réel 
ou  Irès-apparont;  cl,  dans  ce  cas-la  même,  il  faut 
être  circonspcci,  et  agir  avec  retenue.  Voyez 
Néoloffie,  Proposition. 

Padi'rpitr  phrases,  dilBouhonrs,  c'est  quitter 
une  expression  conrlc  et  simple  (jui  se  présente 
d'cllcMiênie  pour  en  [)rendre  une  plus  étendue 
et  moins  naliiiello,  (jui  a  je  ïie  sais  quoi  de  fas- 
tueux, l  II  écrivain  cpii  aime  ce  qu'on  appelle 
phrdscr  (c'est  ce  (pi'on  appelle  aujourd'hui  vn 
phrasier),  ne  dira  pas,  si  i-ovs  saviez  i-ous  con- 
tenir dans  de  justes  homes  ;nm'i  il  dira,  sii^aus 
ariez  soin  de.  retenir  les  mouvements  de  votre 
vsprit  dans  les  homes  d'une  juste  modération. 

Rien  n'est  plus  opposé  à  la  pureté  de  notre 
style.  Voyez  Clarté,  Covpe. 

On  emploie  quclipiefois  le  mot  de  phrase  dans 
un  sens  jjIus  général,  pour  designer  le  génie  par- 
ticulier d'une  langue  dans  l'expression  des  pen- 
sées. C'est  dans  ce  sens  qu'on  dit  que  la  phrase 
hébraïque  a  de  l'énergie,  la  phrase  grecque  de 
l'harmonie,  la  phrase  latine  de  la  majesté,  la 
phrase  française  de  la  clarté  et  de  la  naïveté,  etc. 

Physiologique.  Adj.  des  deux  genres  qui  se 
met  toujours  après  son  subst.  :  Recherches  phy- 
siologiques. 

PlAlLLEIî,   PlAILLF.RIR,  PlAILLEOR.  DunS  CeS  trOiS 

mots,  on  mouille  les  deux  l. 

Pièce.  Subst.  f.  Terme  de  littérature.  On  en- 
tend par  ce  mol,  en  français,  un  poëme  drama- 
tique tout  entier;  cl  on  appelle  en  général  pièces 
de  théâtre,  les  Iragédics,  les  comédies,  les  opéras, 
les  opéras-comiciues,  ci  même  les  mélodrames. 

On  appelle  pièces  do  poésie,  certains  ouvrages 
en  vers  d'une  médiocre  longueur,  telles  qu'une 
ode,  une  élégie,  etc.  —  Pièces  fugitives.  Voyez 
Fugitif. 

Pied.  Subst.  m.  I.e  d  ne  se  prononce  pas. 
Voyez  Parties  des  animaux.  On  dit  le  pied 
d'une  montagne,  d'un  rocher,  d'une  muraille, 
d'un  hastion  ;  les- pieds  d'une  tahle,  d'une  armoire, 
d'une  chaise,  d'un  banc,  d'une  commode  ;  le  pied 
d'un  chandelier  ;  les  pieds  d  un  chenet,  d'unemar- 
mite.Ou  i\i)[tc\\e  le  pied 0[i  les  pieds  du  lit ,  l'endroit 
du  lit  où  l'on  a  ordinairement  les  pieds  lorsqu'on 
est  dans  le  lit,  et  ijui  est  opposé  au  chevel. 

En  poésie,  on  appelle  pied,  ralliance  ou  l'ac- 
cord de  plusieurs  syllabes  qui  entrent  dans  la 
composition  des  vers,  et  leur  donnent  de  la  ca- 
dence. Le  nom  de  pied  ne  convient  ([u'à  la  poé- 
sie des  anciens,  et  à  celle  de  cpiebiues  langues 
modernes.  Eu  français  on  mesure  les  vers  par  le 
nombre  des  syllabes  ;  ainsi  nous  appelons  vej-s 
de  douze  .syllabes,  nos  grands  vers  ou  vers 
alexandrins;  et  nous  en  avons  de  dix,  de  huit,  de 
six,  de  quatre,  de  deux  syllabes,  et  d'autres  ir- 
•«guliers,  d'un  nombre  impair  de  syllabes. 

?iERnAiLi,E.  Subsl.  f.  On  mouille  les  deux  /. 

PiEr.REUx,  Pierreuse.  Adj.  qui  ne  se  met 
jfu'après  son  snbst.  :  Un  champ  pierreux,  un 
chemin  pierreux.  —  Une  poire  pierreuse. 


PIN 


549 


I  Piètre.  Adj.  des  deux  genres.  11  est  familier, 
et  se  met  souvent  avant  son  subsl.:  Un  habit 
piètre,  un  piètre  habit;  des  meubles  bien 
piètres. 

yuello  ('Iran.'C  aventure 
T'a  donc  réduit  en  si  piètre  posture? 

(Volt.,  Kuf.  prod.,  aot.  lit,  se.  ii,  {T.") 

Voyez  Adjectif. 

Piètremkm.  Adv.  Il  est  familier,  et  peut  se 
placer  entre  l'auxiliaire  cl  le  p;irlicipe  :  //  est 
logé  piètrement,  ou  il  est  piètrement  logé. 

Pieusement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaiie  et  le  participe  :  Il  a  toujours  vécu 
pieusement,  ou  il  a  toujours  pieusement  vécu. 

Pieux,  Pieuse.  Adj.  On  le  dit  de  la  piété  envers 
Dieu:  Un  homme  pieux,  une  femme  pieuse; 
de  la  piélé  filiale  et  de  la  compassion  pour  les 
malheureux  :  //  était  conduit  par  l'amour  \neux 
qu'un  fils  doit  à  son  père.  (Fénel.,  Téléni.) 
Il  alla  lui-même  retirer  son  corps  sanglant  et 
défiguré;  il  versa  sur  lui  des  larmes  ]iicuses. 
(Fenel.,  r<7.'«i.,liv.  XVll,t.ii,p.  dOO.)  On  peul 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie.  On  ne  dit  pas  un  pieux  homme,  un 
pieux  prêtre;  et  en  général  le  masculin  figur* 
mal  devant  un  mot  de  deux  syllabes  terminé  pai 
un  e  muet  ;  mais  on  dit  wne  femme  pieuse,  et 
une  pieuse  femme  ;  une  pensée  pieuse,  et  une 
pieuse  pensée  ;  un  dessein  pieux,  et  un  pieux 
dessein;  une  entreprise  pieuse,  et  une  pieuse 
entreprise  ;  une  méditation  pieuse,  et  une  pieuse 
méditation  ;  une  croyance  pieuse,  et  une  pieuse 
croyance.  —  On  dit  vn  legs  pieux,  et  non  pas 
vn  pieux  legs.  Voyez  Adjectif. 

Pigeon.  Subst.  m.  C'est  un  terme  moins  noble 
que  colombe.  Il  ne  faut  pas  dire  que  le  Saint- 
Esprit  apparut  à  la  sainte  f^ierge  sous  la  forme 
d'un  pigeon,  mais  sous  la  firme  d'une  colombe. 
—  Quand  on  parle  de  pigeons  vivants  et  qui 
sont  appariés,  on  dit  vue  paire  de  pigeons;  quand 
on  parle  de  pigeons  pour  manger,  on  dit  une 
couple  de  pigeons,  yo^'cx  Couple,  Paire. 

Pignoratif.  Adj.  m.  Terme  de  jurisjirudence. 
Le^r  a  le  son  dur;  piononcc/. pigueiio7-al if. 

Pillage,  Pillard,  Piller,  Pilli.uie,  Pilledr. 
Dans  ces  cinci  mois,  les  l  sont  mouillés. 

Pillard,  pillarde,  adj.,  ne  se  met  qu'après  sot 
subst.  :  Uîie  troupe  pillarde,  une  humeur  pil 
larde. 

Pimpant,  Pimpante.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a 
près  son  subsl.  :  Un  hommepimpant,  une  femm» 
pimpante. 

Non,  tu  n'es  plus  ce  monsieur  d'Ertremonde, 
Ce  clievalier  .<i  pjmpanl  dans  le  inonde. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  act.  III,  se    i,  5.) 

Pincé,  Pincée.  Adj.  qui  se  met  après  son 
subst.  :  Un  air  pincé,  un  style  pincé.  L'Aca- 
démie ne  lui  fait  point  régir  la  préposition  de. 
Mais  Voltaire  dit  pincé  d'avarice  [Enfanf 
prodigue,  act.  I,  se.  iv,  19)  : 

Être  à  la  fois  et  Jlidas  et  Narcisse, 
Enllé  d'orgueil  et  pincé  d'avarice. 

Pincer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe,  le 
c  a  la  prononciation  de  se;  et,  pour  la  lui  con- 
servera tous  les  temps  et  a  toutes  les  personnes, 
il  faut  incttic  une  cédille  dessous  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi,  on  écrit 


3.S0  PIQ 

/tous  pinçons,  je  pinçais,  je  pinçai,  cl  non  pas 
itousjjincons,  ClC. 

Pincer,  toucher.  On  dit  pincer  eu  parluni 
«le  «lueliiues  inslrumcnls  de  musique  a  tordes, 
lorsqu'on  en  lire  le  son  en  les  iduchani  du  bout 
des  doigts,  au  lieu  de  les  louclicr  avec  un  ar- 
chet :  Pincer  la  guitare,  le  luth,  lu  harpe.  On 
dit  toucher  GQ  parlant  des  instruments  a  touches, 
comme  lorguc,  le  clavecin,  le  forlc-piano.  On 
a  observé  que  les  verbes  toucher,  battre,  em- 
ployés pour  exprimer  l'action  de  jouer  des  in- 
struments, sont  actifs,  et  que  l'instrument  en  est 
l'objet  ou  le  régime  direct.  On  a  cunclu  de  là  que 
ce  régime  ne  doit  pas  cire  précédé  d'une  pré()0- 
Sition ,  et  que  puisqu'on  dit  toucher  quelque 
chose,  battre  quelque  chose,  on  doit  dire,  pour 
parler  correctement,  toucher  le  clavecin,  le  furlt- 
piano,  Vorgve  ;  pincer  la  harpe,  la  guitare,  le 
luth  ;  battre  la  caisse,  le  tambour,  les  timbale.i. 
On  ne  dit  plus  guère  aujourd'hui  toucher  le 
clavecin,  le  forté-piano,  l'orgue,  mais  jouer  du 
clavecin,  etc.  —  «  L'Académie, en  J83^  dit  tou- 
«  cher  la  lyre  (expression  (jui  nous  semble  i;eu 
H  juste,  puisipiil  s'agit  d'un  instrument  à  cor- 
u  des)  ;  toucher  l'orgue,  le  piano.  Mais  clic 
"  ajoute  qu'on  dit  aussi,  abusivement,  toucher 
«  du  piano,  de  l'orgue.  Nous  croyons  même  qu'en 
tt  général,  l'usage  est  pour  celle  dernière  tour- 
ce  nure,  el  qu'on  dit  plus  habituellement  :  Cette 
«  jeune  personne  touche  du  piano.  C'est  qu'alors 
«  le  mot  /o!/c/je?' est  devenu  neutre  el  synonyme 
«  àc  jouer.  Mais  (juand  il  s'agit  d'un  l'ait  par- 
«  ticulier,  le  régime  direct  nous  parait  devoir 
«  être  employé  de  préférence  :  Elle  va  loucher  le 
«  piano.  Qui  donc  louche  l'orgue  à  la  paroisse  ? 
«  Quant  au  mot  pincer,  l'Académie ,  dans  ce 
«  cas,  le  regarde  comme  ordinairement  neutre; 
m  elle  dit  :  Pincer  de  la  harpe,  de  la  guitare.  » 
(A.  I.emaire ,  Grammaire  des  Grammaires, 
f  i-IS'i.) 

Pincettes.  Subsi.  f.  plur.  11  n'a  i)oint  de  sin- 
gulier. L'Académie  dit  qu'on  dit  quelquefois  au 
singulier,  do7inez-moi  la  pincette.  Mais  TETix 
cni  parlent  ainsi  parlent  mal.  On  dit  ,  cl  l'on 
ûoil  dire,  domiez-moi  les  pincettes.  On  ne  dit 
pas  plus  donnez-moi  la  pincette  ,  pour  dire 
donne z-m.oi  les  pincettes,  (pi'on  ne  dit  donnez- 
moi  le  ciseau,  pour  dire  donnez-inoi  les  ci- 
seaux; ou  donnez-moi  la  force,  ^OMV  donnez- 
moi  les  forces. 

PiNDiRiQUE.  Adj.  des  deux  genres,  (]ui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  .•  Ode  pindurique,  .style 
pindurique. 

PipfT,.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Pascal  a  employé 
ce  mol  dans  un  sens  figuré  :  Le  présent  ne 
nous  satisfaisant  jamais,  Vespérance  nous 
jiipe,  et  nous  viène  jusqu'à  lu  mort. 

PiPEUR.  Subst.  m.  Qui  trompe  au  jeu.  L'A- 
cadémie ne  dit  |)as  comment  il  faudrait  dire  en 
parlant  d'une  femme,  elon  ne  le  truuve  nulle  par'.. 
Pourquoi  ne  dirait-on  paspipevse? 

PiQDANT,  Piquante.  Adj.  Au  prupre,  il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Une  branche  piquante, 
dv  vin  piquant ,  -une  sauce  piquante.  —  Au 
figuré,  on  peut  le  mettre  avant,  en  consullanl 
l'oreille  et  l'analogie  :  Une  réponse  piquante, 
eette  piqua7ite  réponse;  une  hyperbole  piquante, 
une  piquante  hyperbole  ;  une  repartie  piquante, 
une  piquante,  repartie.  Voyez  Adjectif. 

PiQUK-MQi  E.  Sub;-t.  m.  On  doit  dire  au  pluriel 
Ûcs pique-jiique  sans  s.  La  pluralité  tombe  .sur 
le  mot,  repas  qui  est  sous-entcndu.  —  L'Acadc- 
luic  écrit  des  pique-niques. 


PIT 

PiEE.  Adj.  des  deux  genres.  C'est  l'oppobé  d 
meilleur,  el  le  comparatif  de  mauvais  ;  au  su- 
perlatif on  dil  le  pire.  11  signilîe  |)lus  mauvais, 
de  plus  méchante  (lualilé,  plus  nuisible  :  Les 
hommes  seraient  peut-être  pires,  s'ils  venaient 
à  manquer  de  censeurs.  (La  Biuyère.)  La  condi- 
tion des  hommes  serait  pireque  celle  des  bêtes,  si 
la  Solide  philosophie  et  la  religion  ne  les  soute- 
naient. (Fénelon.)  Quand  il  forme  une  compa- 
raison, il  est  suivi  de  la  conjonction  que  :  Ce  vin- 
là  est  pire  que  le  premier;  cl  ([uand  il  est 
superlatif,  il  rcgil  la  préposition  de:  C'est  le  pire 
de  tous.  Voyez  Pis. 

Pis.  Adv.  comparatif.  C'est  rop[X)Sé  de  mieux. 
Il  signilie  jilus  mal ,  plus  désavantageusement  : 
Ils  sont  pis  que  jamais  ensemble.  Il  en  a  dit  pis 
que  pendre. 

Quchjucs  personnes  ont  cru  que  pis  est  ad- 
jectif dans  les  phrases  suivantes  :  Il  n'y  a  rien 
qui  suit  pis  que  cela;  ce  que  j'y  trouve  de  pis; 
il  ne  saurait  rien  arriver  de  pis.  Mais  pis  est 
adverbe  dans  ces  phrases,  comme  mieux  dans 
celles-ci  :  Il  n'y  a  rien  qui  soit  mieux  que  cela; 
ce  que  j'y  trouve  de  mieux,  etc.  Pis,  l'opposé 
de  mieux,  se  place  dans  les  mêmes  cas,  comme 
adverbe;  pire,  l'opposé  de  meilleur,  s'emploie 
de  même  seul,  comme  ailjectiL 

Pis,  dans  aucun  cas,  ne  peut  être  regardé 
comme  adjectif;  s'il  pouvait  Têlre,  on  lui  con- 
naîtrait un  féminin ,  car  ce  mot  ne  saurait  être 
de  deux  genres.  Serait-ce  pire?  Mais/)t/e  est  un 
adjectif  des  deux  genres,  et  il  est  ridicule  de 
supposer  qu'un  adjectif  qui  est  masculin  et  fé- 
minin ait  encore ,  on  ne  saurait  pourquoi,  un 
autre  masculin.  Pire  esl  le  latin  pejnr,  des  deux 
genres,  comme  meilleur  est  melior;  pis  est  i'ad- 
\e,vhQ.  pejus,  coiiiuic  mieux  esi  melius. 

Il  n'est  point  de  cas  où  pis  ne  puisse  être 
reconnu  pour  adverbe  comme  mieux,  et  pire 
pour  adjectif  comme  meilleur;  il  n'y  a  que  le 
peuple  qui  dise  tant  pire,  de  mal  en  pire,  etc. 

Enfin,  si  pis  était  adjectif,  il  serait  du  moins 
queliiuefois  joint  à  un  substantif,  puisque  c'est  là 
loflice  [iropre  d'un  adjcclif.  Or,  il  ne  l'est  jamais. 
On  ne  dira  certainement  pas,  il  n'y  a  pis  eau 
que  l'eau  qui  dort,  il  n'y  a  pis  étal  que  celui 
d^ un  homme  dont  la  conscience  n'est  pas  pure. 
C'est  toujours  pire  (jue  vous  joignez  a  un  sub- 
stantif. (Roubaud.) 
Pistil.  Subst.  m.  On  ne  mouille  pas  le  /. 
PiTEDSEMEivT.  Adv.  On  pcut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  el  le  participe  :  Il  s'était  lamenté 
piteusement,  ou  il  s'était  piteusement  lamenté. 
Piteux,  Piteuse.  Adj.  Il  esl  familier,  ne  se 
dit  (juc  des  choses,  et  .le  se  mel  guère  qu'avant 
son  subst.  :  //  est  dans  un  pileux  état.  Faire 
une  piteuse  mine,  faire  piteuse  chère. 

Pitoyable.  Adj.  des  deux  genres.  L'Académie 
le  dit  pour  enclin  à  la  pitié;  il  n'est  plus  usité 
en  ce  sens  : 

C'est  2tre  arnbassadenr  et  tendre  et  pitoyable. 

(Corn.,  ISicom.,  acl.  III,  se.  m,  14.) 

Le  mol  pitoyable,  dit  A'ollaire,  signifiait  alors 
compatissant,  aussi  bien  que  digne  de  pitié. 
[Remarques  sur  Corneille.)  —  Il  signifie  digne 
de  pilié,  ou  méprisable,  mauvais  dans  son  genre; 
et  on  ()eui  le  nieitie  avant  son  subsi.,  en  con- 
sullanl l'oreille  et  l'analogie  :  Un  état  pitoyable, 
un  pitoyable  état;  il  es  cris  pitoyables,  de  pi- 
toyables cris,  —  Un  stylo  pitoyable,  un  pitoya- 
ble style;  m«  ouvrage  pitoyable,  un  pitoyable 
ouvrage. 


PLA 

Pitoyablement.  Adv  On  peul  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  est  affligé  pitoya- 
biement,  ou  //  est  pitoyablement  affligé. 

PiTTORESQrE.  Ailj.  (les  deux  peines.  On  pro- 
Doncc  les  deux  t.  11  ne  se  met  (in';iprcs  son 
SUb^t.  :  Site  pittoresque,  description  pittoresque. 

—  Attitude  pittoresque,  sujet  pittoresque. 
PnTORESQLE)iF.>T.  Adv.  OU  i)ronuiKe les  dcux 

t  On  peut  le  mettre  entre  l'iiuxiluiirc  et  le  par- 
tici|)e  :  Il  a  piltmesquement  décrit  ce  voyage. 

PiTciTKcx,  PiTLiTEtSE.  Adj.  Il  nc  se  met 
qa'a|)rés  son  subst.  :  Humeur  pituiteuse,  tem- 
vérament  pituiteux. 

*  Pi.Af.ABLE.  Adj.  des  deux  genres.  Nousavons, 
dit  Voltaire,  desarcliilraves,  et  point  de  traves ; 
des  arrliivoltes,  et  point  de  voiles,  en  architec- 
ture. On  ts\.  impote  ut,  on  n'est  \>o\ni  paient  ;  il  y 
a  des  cens  implacables,  et  pas  un  ae  placoble. 
On  ne  linirail  pas  si  on  voulait  exposer  tous  les 
besoins  lie  notre  langue;  c'est  une  gueuse  lièrc, 
et  à  qui  il  faut  faire  laumôme  malgré  elle.  Il  est 
bien  étrange  qu'on  dise  implacable,  et  non  pas 
placubir  ;  âme  inaltérable,  el  non  pas  altérable  ; 
héros  indomptable,  et  non  béros  domptable. 

A'oliaire  a  osé  braver  l'usage,  en  employant  le 
xaoi placable .  Il  n'est  pas  surprenarit,  dit-il,  que 
les  hommes  aient  imaginé  une  infinité  de  moyens 
différents  d'apaiser  la  colère  de  VEtre  su- 
prême; mais  tous  dépendent  du  même  principe, 
de  Vidée  d'un  Dieu  i)lacablc. 

Place.  Subst.  f.  Racine  a  dit  dans  Mithridate 
(act.  II,  se.  m,  5)  : 

Pompée  a  saisi  l'avantage 
rj'une  nuit  qui  laissait  peu  de  place  au  courage. 

Peu  de  place  pour  peu  de  ressources,  n'est  pas 
français. 
Placet.  Subst.  m.  Le  i  ne  se  prononce  point. 

—  Quoique  ce  mot  soit  lire  d'un  verbe  latin  à  la 
3»  personne  du  singulier,  l'Académie  lui  donne 
le  signe  du  pluriel  :  Des  plucets. 

Plafond.  Subst.  m.  Le  ûJ  ne  se  prononce 
point. 

Plaidant,  Plaidante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
plaider.  Il  se  met  toujours  cprès  son  subst.  : 
I^s  parties  plaidantes.  —  Un  avocat  plaidant. 

Plaider.  \.  a.  de  la  i"  conj.  On  (V\\  plaider 
une  cause,  mais  on  ne  dit  pas  plaider  unpro- 
cès. 

L'Académie  prétend  qu'on  dit  plaider  quel- 
qu'un; et  elle  donne  ])0ur  exem])le  .-  Il  a  été 
obligé  de  plaider  son  tuteur  pour  lui  faire  rendre 
compte.  On  jiarlail  ainsi  autrefois.  Aujourd'hui 
OD  ail  plaider  contre  quelqu'un. 

Boileau  a  dit  dans^j  Zu/rx/j  (III,  119)  : 

Le  moindre  d'entre  nous,  sans  argent,  sans  appoi, 
Vtl  plaidé  le  prélat  et  le  chantre  avec  lui. 

Plaignant,  Plaignante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  plaindre.  C'est  un  terme  de  pratique.  Il  ne 
se  met  jamais  qu'après  le  subst.  -.  La  partie 
plaignante. 

Plain,  Plaine.  Adj.  Quand  il  signifie  uni , 
plat,  ilse  met  avant  son  su.^bt.  -.En  plain  champ, 
en  plaine  campagne.  —  Ijuand  il  se  dit  des 
étoffes,  pour  signifier  qu'elles  sont  sans  ligures, 
sans  façons,  il  se  rnel  après  son  subst.  :  Du  ve- 
lours plain,  du  satin  pluin,  dxi  linge  plain. 

Plaindre.  Y.  a.  de  la  4°  conj.  Racine  a  dit 
dans  Phèdre  (act.  II,  se. il,  12)  : 

J«  rétoque  des  lois  dont  j'ai  p{ain(  la  rigueur. 


PLA 


551 


On  a  remarqué  avec  raison  qu'on  se  plaint  de  lu 
rigueur  d'une  loi,  mais  (pi'on  ne  jwut  pas  dire 
en  plaindre  la  rigueur. 

Se  plaindre  de  ce  que,  se  plaindre  que.  On  lit 
dans  la  Grammaire  des  Granunaires  (p  1218), 
que  lursipie  le  verbe  de  la  proposition  subor- 
donnée est  à  l'indicatif,  ces  deux  locutions  s'em- 
ploient indifféieiiimeiit  1  une  pour  l'autre  ;  et  que 
lorsqu'il  est  au  subjonctif,  se  plaindre  que  est 
la  seule  qui  soit  autorisée.  Il  ne  faut  |)rcs'iue 
jamais  croire  que,  d:uis  une  langue  lixée,  deux 
expressions  dificrenles  puissent  éire  <Miii)loyées 
iiidifforcmment  ;  et  si  le  cas  existait,  il  faudrait 
rejeter  l'une  ou  l'autre  de  ces  expressions.  Exa- 
minons donc  la  première  partie  de  cette  règle  de 
la  Grammaire  des  Grammaires. 

•,)uand  on  dit  se  plaindre  de  quelque  chose,  la 
pré[)osition  de  indique  un  rapport  direct  entre  la 
cliose  dont  on  se  plaint,  et  la  personne  qui  s'en 
plaint.  Dans  on  se  plaint  de  ce  que,  de  indique 
de  même  un  rai)port  direct,  po>itir,  entre  le 
sujet  du  verbe  et  la  chose  qui  cause  la  plainte: 
Je  me  plains  de  ce  que  vous  m'urcz  inst/llé,  de 
ce  que  vous  m'avez  frappé,  de  ce  que  vous 
n'avez  pas  rempli  vos  obligations  envers  moi; 
votre  frère  se  plaint  de  ce  que  vous  n'avez  point 
d'amitié  pour  lui;  je  vie  plains  de  ce  que  j'ai 
éprouvé  une  injustice.  Dans  toutes  ces  phrases, 
se  plaindre  siiîulfîc  proprement  faire  des  plaintes, 
des  reproches  relativement  à  une  chose  dont  on 
a  reçu  queUiue  tort,  quelque  dommage. 

Mais  5e  plaindre  signifie  aussi  blâmer,  trouver 
mauvais,  sans  rapport  direct  et  positif  de  la  chos 
avec  le  sujet;  et  alors  il  me  semble  qu'il  fauv 
employer  que:  On  se  plaint  (\u' il  y  a  de  la  par- 
tialité dans  les  tnluîiaux.  C'est  une  plainte 
générale,  el  où  la  chose  n'a  pas  un  rapport  di- 
rect avec  le  sujet.  Un  homme  qui  se  croirait  lésé 
par  un  jugement  dirait  :  Je  me  plains  de  ce 
qu'il  y  a  eu  de  la  partialité  dans  le  tribunal. 
On  se  plaignait  que  l'indiscipline  était  dans 
l'armée.  Combien  de  fois  ne  s'est-on  pas  plaint 
que  les  affaires  n'avaient  ni  règle  ni  fin! 
(Boss. ,  Oraison  funèbre  de  Le  Tellier,  p.  254.) 
Je  dirai ,  je  me  plains  qu'o«  met  trop  de 
précipitation  dans  les  affaires,  si  je  parle  en 
général  des  affaires,  sans  rapport  à  moi;  et  je 
jue  plains  de  ce  (pi'o/i  a  mis  trop  de  précipi- 
tation dans  mon  a/faire,  parce  qu'il  s'a^'il  d'une 
affaire  qui  m'est  personnelle  :  Les  gens  de  mer 
se  plaignent  que  j'ai  favorisé  tes  gens  de 
la  campagne.  (Marinontel.  Trépied  d'Hélène.) 
La  plainte  ne  tombe  pas  directement  sur  le  dés- 
avantage de  ceux  ijui  se  plaignent,  mais  sur  la 
faveur  accordée  aux  gens  delà  campagne. 

Parlez;  Phèdre  se  plaint  que  je  suis  outragé. 

iRac,  Phid.,  act.  III,  se.  T,  59.) 

Permettez  que  mon  amitié  se  plaigne  que  voua 
avez  hasardé  dans  votre  préface  des  choses  sur 
lesquelles  vous  deviez  auparavant  me^  consul- 
ter. (Voltaire.)  Ils  se  plaignaient  peut-être  avec 
justice  que  les  nobles  et  les  patriciens  ne  tra- 
vaillaient qii'éi  se  rendre  seuls  maîtres  du  gou- 
vernement. (Vertot.)  Que  l'on  essaie  de  substi- 
tuer dans  toutes  ces  phrases  de  ce  que  à  que, 
cl  l'on,  seniira  que  ce  régime  n'y  peut  être  ad- 
mis. Il  me  parait  donc  clair  qu'on  nc  dit  pas 
iiuliffi'reinmenl  se  plaindre  de  ce  que  et  «e 
plaindre  que. 

Il  est  vrai,  comme  le  dit  la  Grammaire  des 
Grammaires,  fjue  lorsque  le  verbe  de  la  phrase 


552 


PLA 


subonlunnôc  est  an  subjonctif,  il  faut  noccssai- 
renient  mettre  se  plaindre  qiM,  Cette  réi'lc  con- 
flrme  ce  que  nous  venons  d'clablir.  Le  subjonctif 
marque  doute,  inccriitnde,  et  repousse  par  con- 
séquent de  ce  que,  qui  indique  toujours  quelque 
chose  de  dctoruiiné,  de  positif:  Quelques-uns 
ont  pris  Vintt'rèt  de  Norcisfe.,  et  se  simt 
plaints  que  j'en  eusse  fuit  un  très-inèchunt 
h  rnuie.  (Rac,  Préface  de  Britan.)  Je  m'i/ifcr- 
vierni  si  elles  se  plaignaient  qu'on  les  eût  en- 
nuyées. (Idem.)  f'ous-.jic/iie,  monsieur,  pourez- 
vous  vous  plaindre  qu'on  n'ait  pas  rendu  justice 
à  vi'tre  Dialogue  de  l'Ainour  et  de  l'Amitié? 
(Boil.,  Lettre  à  Ch.  Perrault.)  Pauvre  comme 
Je  croyais  l'être,  je  n'avais  pas  droit  de  me 
plaindre  que  l'on  voulût  me  rendre  ména'tère 
du  peu  d'urgent  qu^on  me  donnait.  (  Marmoiilel.) 

Plaintif,  Plaintive.  Adj.  Il  se  dit  ordinaire- 
ment des  choses  (jui  ont  rapport  aux  personnes  : 
Ton  plaintif,  rois  plaintive.  — Ou  dit  cepen- 
dant familièrement  (|u'?/w  homme  est  plaintif 
pour  dire  qu'il  se  plaint  toujours. 

Cet  adjectif  se  met  ordinairement  après  son 
subst.  On  j)eut  <iueiqucfois  le  mettre  avant.  C'est 
ce  qui  arrive  en  poésie:  Dn  plaintifs  accents, 
la  plaintive  tourterelle. 

Plaintivement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a 
chanté  plaintivement  celle  romance, ouil  aplain- 
tivement  chanté  cette  romance. 

Plaii-.e.  y.  n.  et  irrég.  de  la  4'  conj.  Voyez 
Irrégulicr. 

Plaire  à  quelqu'un,  cet  ouvrage  plaît,  plaît  à 
tout  le  monde. 

Plaire  dcMinl  un  verbe  à  l'infinitif  régit  à  ou 
de.  Il  régit  de  quand  il  est  employé  imperson- 
nellement :  //  jne  plaît,  il  ne  me  plaît  pas  de 
vous  obéir,  you  s  plaît-il  de  in'écovterf  Quand 
le  verbe  régi  ne  se  rapporte  pas  au  sujet  du 
verbe,  on  emploie  que  :  Fous  plaît-il  que  je 
vie  retire^  Ailleurs,  il  régit  à  :  Cela  plaît  à  mo7i 
frère.  Cela  ne  plaît  pas  à  tout  le  monde. 

Il  y  a  de  la  dilfércnce  entre  ce  qui  le  plaît  ot 
ce  qu'il  te  plaît,  i.e  premier  signifie  ce  qui  t'est 
agréable;  et  le  second  ce  que  tu  veux.  Ainsi 
Racine,  au  lieu  de  dire  dans  les  Plaideurs  {acA.  II, 
se.  XIII,  6)  : 

Tu  prétends  faire  ici  de  moi  ce  qui  te  platt, 

aurait  dii  dire:  Tu  prétends  faire  ici  de  moi  ce 
qu'il  le  plaît,  c'est-à-dire  le  que  tu  veux. 

Celle  faute  se  rencontre  fréquemment,  même 
chez  de  bons  auteurs.  J.-J.  Rousseau  dit  tou- 
jours ce  qui  pour  ce  qu'il.  Si  l'on  demande  à 
qucl<iu'un  qui  est  à  table,  que  voulez-vous  que 
je  vous  serve  ?  et  qu'il  réponde,  ce  qui  vous 
plaira,  cela  signifiera  servez-moi  ce  que  vous 
trouvez,  ce  que  vous  jugez  bon.  Mais  s'il  ré- 
pond, ce  qu'il  vous  plaira,  cela  vomira  dire,  ce 
qu'il  vous  plaira  me  donner.  11  y  a  ellipse. 

Je  fais  ce  qui  me  plaît,  signifie,  je  fais  ce  qui 
m'est  agréable;  et  je  fais  ce  qu'il  me  plaît,  veut 
dire,  je  fais  ma  volonté.  Les  hommes  seront 
toujours  ce  qu'il  plaira  aux  femmes,  Sous-en- 
tendu  qw'ils  s'iicnt.  (.1  -J.  Rousseau.)  Choisis- 
sez, et  prenez  ce  qui  vous  plaira,  ce  qui  vous 
sera  agréable,  ce  que  vous  trouverez  de  voire 
goût. 

Se  plaire  régit  à  avec  l'infinitif:  Se  plaire  à 
mal/aire.  Racine  a  dit  dans  Esther: 

Helevez  le?  superbes  portiques 
Do  (cmple  cù  notre  Dieu  se  plait  d'élre  adoré. 


PLA 

D'Olivel  remarque  que  Racine  aurait  dit  se 
plaît  a  être  adoré,  si  l'lii:ilus  l'avait   permis 

Se  plaire  se  joint  aux  noms  par  la  préposition 
à  ou  la  l)répositi<>n  dans.  Se  plaire  d  quelque 
chose,  suppo.'^e  toujours  une  action  exprimée  ou 
sous-entendue  :  //  se  plaît  à  lire,  à  écrire;  if  se 
plaît  (I  la  lecture,  à  la  chasse  ;  il  se  plaît  à  la 
ville,  Il  la  campagne,  c'csl-ù-dire  à  vivre  à  lu 
ville,  à  la  campagne.  Mais  (piand  il  s'agit  d'un 
état,  on  se  sert  de  dans:  Il  se  plaît  d'ms  les 
fêles,  dans  les  plaisirs,  dans  la  douleur,  dans 
les  larmes,  dans  la  puurrcié ,  dans  la  solitude. 

Faul-il  dire,  ils  se  sont  plus  «  me  tourmenter, 
ou  ils  se  sont  plu  à  me  tourmenter?  Il  parait 
certain  qu'il  faut  dire  ils  se  sont  plu.  Plaire 
est  un  vcibc  cssenliclleincnt  neutre  ;  son  parti- 
cipe ne  peut  donc  pas  èiie  susce[)tible  d'un 
régime  direct.  Elle  s'est  plu  ne  signifie  pas  elle 
a  plu  soi,  mais  elle  a  plu  à  soi;  ils  se  sont  plu 
à  me  tourmenter  signifie  il  a  plu  à  eux  de  me 
tourmenter-  Ainsi,  il  faut  dire,  ils  se  sont  plu  à 
me  tourmenter.  (Acad.,  Jls  se  sont  plu  à  me 
persuader.  (Idem.)  Insectes  invisibles  que  la 
main  du  Créateur  s'est  plu  éi  faire  naître  dans 
l'abîme  de  Vinfîniment  petit.  (\'olt.,  Micromè- 
gas,  ch.  VI  )  Les  poêles  i piques  se  sont  toujours 
\)\n  à  décrire  des  batailles.  (Dell.,  Préface  de 
l'Enéide,  \).  63.) 

A  Dieu  ne  plaise  régit  que  avec  le  subjonctif: 
J  Dieu  ne  plaise  que  je  me  plaigne  de  lui.'  — 
Pliît  à  Dieu  régit  pareillement  que  avec  le  sub- 
jonctif :  Pliit  d  Dieu  qu'tV  s'en  allât  !  Plût  à 
Dieu  se  met  aussi  seul  comme  réponse  à  une 
phrase  qui  précède  :  Je  crois  que  mus  vous  êtes 
trompé.  Plût  à  Dieu!  c'est-à-dire  je  le  souhaite 
fort,  cela  me  ferait  beaucoup  de  plaisir. 

Plaisamment.  Adv.  On  prononce  plaisament. 
On  peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  cl  le  parti- 
cipe: Il  a  plaisamment  raconté  cette  aventure. 
ou  il  a  raconté  plaisamment  cette  aventure. — 
Elle  était  plaii^aviment  coiffée. 

Plaisant,  Plaisante.  Adj.  verbal  tiré  du  v 
plaire.  Il  se  disait  autrefois  pour  agréable,  sur- 
tout en  vers  : 


Plaiiant  séjour  des  5mes  affligées, 
Vieilles  forêts  de  trois  sièctes  âgées. 


(RlCAH.'l 


Vallons,  fleuves,  rocliers,  plaisante  solitude, 
Si  TOUS  fuies  témoins  de  mon  inquiétude. 
Soyez-le  désormais  de  mon  contentement'. 

(Mem.) 

Aujourd'hui,  il  ne  se  prend  pl'is  en  ce  sens. 
II  signifie  qui  récrée,  qui  divertit,  qui  fait 
rire  ;'et,  dans  ce  sens,  oi.  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'analogie  et  l'harmo- 
nie :  Un  conte  plaisant,  une  aventure  plai- 
sante, une  plaisante  aventure.  — Il  se  dit  aussi 
pour  signifier  impertinent,  ridicule  ;  et  alors  il  se 
met  toujours  avant  son  subst.  :  C'est  unplaisant 
homme,  un  plaisant  personnage,  un  plaisant 
visage,  un  plaisant  conte. 

Oti  !  le  plaisant  projet  d'un  poêle  ignorant! 

(Boil.,  ^.  P..  Itl,  241.) 

Plaisant.  Adj.  et  subst.  m.  Tenue  de  littéra- 
ture. Tout  ce  qui  est  risible  n'est  pas  i-idicule; 
tout  ce  qui  est  plaisant  n'est  pas  comique:  lOUt 
ce<iuiest  comique  n'est  \y,\s  plaisant.  Une  mal- 
adresse est  risible;  une  prétention  manqiiée  est 
ridicule;  une  situation  qui  expose   le  vice  au 


PLA 

mépris  est  comique  ;  un  bon  mot  cs.1  plaisant. — 
Le  coviiqve  est  le  ridicule  i|ui  lésulic  de  la  fai- 
blesse, de  l'erreur,  des  travers  de  l'esprit  ou  des 
vices  du  caraclcre.  —  I.ep/awa«/ est  l'effet  de  i;i 
surprise  rt?joiiiss;mtc  (]ue  nous  cause  un  con- 
traste fra|)paiil,  singulier  et  nouveau,  aperçu 
entre  deux  objets,  ou  entre  un  objet  et  l'idce  dis- 
parate qu'il  a  fait  nailre.  C  est  une  rencontre 
imprévue  qui,  par  des  rapports  inexplicables,  ex- 
cite en  nous  la  douce  convu^ion  du  rire.  — La 
bniiffonneric  est  une  exaacratioii  du  cotniiiue  et 
du  plaisant.  L'Avare  et  le  Tartufe  sont  deux  per- 
sonnages comiques;  Crispin,  dans  le  Légataire, 
est  un  personnage  plaisant  ;  Jodelet,  un  person- 
nage hovffiin.  11  arrive  naturellement  que  le  bon 
comique  est  idaisant.  Ce  vers, 

Oui,  mon  frère,  je  suis  un  méchant,  un  coupable, 
(Mol.,  Tartufe,  acl.  III,  se.  vi,  2.) 

a  l'un  et  l'autre  caractère  dans  la  bouche  de  Tar- 
tufe. 11  est  plaisant  par  l'opposition  de  la  vé- 
rité que  dit  Tartufe  avec  l'effet  qu'elle  produit, 
et  par  la  singularité  piquante  de  ce  contraste;  il 
est  comi(iue,  parce  qu'il  exprime  le  plus  vive- 
ment qu'il  est  possible  l'adresse  du  fourbe  qui 
trompe,  et  (ju'il  va  faire  sentir  de  même  la  cré- 
dule prévention  de  l'homme  simple  qui  est 
trompé. 

Mais  le  plaisant  n'est  pas  toujours  comique, 
parce  que  le  contraste  qu'il  présente  peut  n'être 
qu'une  singularité  de  rapports  entre  deux  idées 
qu'on  ne  croyait  |ias  faites  pour  se  lier  ensemble  ; 
comme  si,  par  exemple,  un  valet  imagine  de 
prendre  la  place  de  son  maître  au  lit  de  la  mort,  de 
dicter  son  testament,  et  d'oser,  après, lui  soutenir 
qu'il  l'a  fait  lui-même,  et  que  sa  léthargie  le  lui 
a  fait  oublier.  Il  n'y  a  rien  là  de  ridicule  dans 
lesmœtu-s  n,  dans  les  caractères  ;  mais  il  y  a  une 
contrariété  d'idées  si  imprévue,  et  il  en  résulte 
une  suri)rise  si  naturelle  et  si  amu'^ante,  que  le 
vrai  comique  ne  l'est  pas  davantage.  Cependant 
si,  dans  cet  exemple,  on  ne  voit  pas  le  comique 
de  caractère,  on  croit  y  voir  du  moins  le  comi- 
que de  situation,  dans  l'embarras  où  s'est  mis  le 
fourbe;  mais  comme  il  se  dégage  de  ses  propres 
filets,  et  que  ce  n'est  pas  à  ses  dépens  ipie  Ton 
rit,  comme  l'on  rit  aux  dépens  de  Tartufe  lors- 
qu'il se  voit  pris  sur  le  fait,  il  est  facile  de  re- 
connaître que  la  situation  de  Crispin  n'est  que 
plaisante,  et  que  celle  de  Tartufe  est  comi- 
que. (Extrait  de  Marmontel.) 

l'iAisANTERiE.  Subst.  f.  On  dit  adverbialement, 
plaisunlerie  à  part,  pour  dire,  |)arlant  sérieuse- 
ment. Il  se  met  ordmairement  au  commencement 
de  la  phrase,  et  en  manière  d'incise  :  Plaisanterie 
à  part,  c'est  vraiment  uni:  belle  action. 

Plaisir.  Subst.  m.Féraud  dit  qu'avec  le  verbe 
cire,  on  met  a  près  piowir  la  préposition  de;cehi 
est  vrai.  Soîi  plaisir  at  de  faire  du  bien.  Mais 
il  ajoute  qu'avec  le  verbe  avoir.,  il  faut  mettre  la 
préposition  ù  ;  cl  cela  n'est  pas  exact,  car  on  dit 
également  bien,  j'aurai  le  plaisir  de  vous  voir, 
et  J ai  du  plaisir  à  le  voir,  à  l'entendre.  Le 
premier  indique  un  sentiment  qui  naîtra  dans 
l'àme,  sans  un  but  marqué  auquel  elle  tendra 

Eour  l'aire  naître  ce  sentiment;  le  second  indique 
ors  de  l'àme  un  but  duquel  naîtra  le  plaisir. 
J'ai  du  plaisir  ù  le  voir,  à  l'entendre,  signifie 
que  l'attention  que  je  donne  à  le  voir,  à  l'en- 
tendre, me  procure  du  plaisir,  .l'aurai  le  plaisir 
de  vous  voir  signifie  seulement  j'éprouverai  du 
plaisir  (juand  je  vous  verrai  :  J'ai  eu  le  plaisir  de 


PLA 


SS3 


le  rencontrer,  delui  parler.  On  dit  /ï  y  a  plai- 
sir  à  s'acquitter  de  ses  devoirs;  et  Pascal  a  dit 
Il  y  a  plaisir  d'élredans  un  vaisseau  battu  de 
l'orage,  hrsqu'on  est  assuré  qu'il  ne  périra  point. 
On  voit  dans  le  premier  exeinjde  un  but  auquel 
on  tend,  et  c'est  ce  (]ui  demande  la  préposition  ri. 
On  voit  dans  le  second,  ([u'il  n'est  iiucstion  que 
d'im  état,  d'une  situation,  et  c'est  le  cas  d'em- 
ployer de  ;  ce  n'est  donc  p;is,  comme  dit  Féraud, 
[larce  que  le  verbe  commence  par  une  consonne 
ou  par  une  voyelle  que  l'on  met  à  ou  de. 

Plan,  Plane.  Adj.  (jui  ne  se  met  (pi'aprés  son 
subst.  :  Angle  plan,  surface  plane,  figure 
plane. 

Plan.  Subst.  m.  Terme  de  littérature.  Ce  terme, 
emprunté  de  l'architecture,  et  appliqué  aux 
ouvrages  d'esprit,  signifie,  les  preu/iers  linéa- 
ments qui  tracent  le  dessin  d'un  ouvrage,  son 
étendue  circonscrite,  son  commencement,  son 
milieu,  sa  fin,  la  disliibution  et  l'ordonnance 
de  ses  parties  principales,  leur  rapport,  leur 
enchaînement. 

Ce  doit  être  le  premier  travail  de  l'orateur,  du 
poète,  du  philosophe,  de  l'historien,  de  tout 
liomme  qui  se  propose  de  faire  un  tout  qui  ait  de 
l'ensemble  et  de  la  régularité. 

Un  homme  qui  n'écrit  que  de  caprice  et  par 
pensées  détachées,  comme  Montaigne  dans  ses 
Essais,  peut  n'avoir  qu'une  intention  générale; 
il  est  dispensé  de  se  tracer  un  plan.  Mais  dans 
un  ouvrage  où  tout  doit  se  lier,  se  combiner 
comme  dans  une  montre,  pour  produire  un  effet 
commun,  est-il  prudent  de  se  livrer  à  son  génie 
sans  avoir  son  plan  sous  les  yeux?  C'est  cepen- 
dant ce  qui  arrive  assez  souvent  aux  jeunes  écri- 
vains, et  surtout  dans  le  genre  où  ce  premier 
travail  bien  médité  serait  le  plus  indispensable. 
(Extrait  de  Marmontel.) 

Plani-taihe.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'a[)rès  son  subst.  :  Système  planétaire, 
région  planétaire,  années  planétaires. 

Plat,  Plate.  Adj.  :  Un  terrain  plat,  un  bâti- 
ment plat,  des  cheveux  plats,  vn  style  plat,  un 
ouvrage  plat,  une  plate  réponse.  —  On  appelle 
plat  pays,  la  campagne,  les  villages,  les  bour- 
gades, par  opposition  aux  villes,  aux  places 
fortes;  et  l'on  AW.  pays  plat  par  opposition  aux 
pavs  de  montagnes.  —  On  dit  qu'?//;''  année  a  été 
ba'ttiie  II  plate  couture;  et  on  appelle  phi  le  pein- 
ture les  ouvrages  de  peinture  qui  se  l'ont  sur  des 
superficies  plates,  par  opposition  aux  peintures 
de  relief. 

Plat-bord,  Plate-bande,  PrATE-For.ME,  Plate- 
longe.  Chacun  de  ces  mots  est  composé  d'un 
adjectif  et  d'iui  substantif  qui  prennent  l'un  et 
l'autre  la  niaripic  <lu  i)luriel  :  Des  plats-brrds, 
des  plates-bandes,  des  plates-formes,  des plates- 
lonrjes.  Voyez  Cimiposé. 

Platement.  Adv.  On  peut  le  inettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  parlé plateneiit, 
ou  il  a  platement  parlé. 

Platine,  ou  Or  blanc.  Métal  nouvellement 
découvert.  Autrefois  on  n'était  pas  d'accord  sur 
son  genre,  mais  aujourd'hui  r.\cadéniie  et  tous 
les  savants  le  font  masculin,  comme  les  autres 
métaux  :  Le  platine. 

*  Platise.  Subst.  L  :Mot  inusité  que  J.-J. 
Rousseau  a  employé  au  lieu  de  platitude  :  Peu 
de  jours  après  la  publication  de  mon  livre 
(Ém'ilc),  parut  un  autre  ouvrage  sur  le  même 
sujet,  tiré  mot  à  mot  de  mon  premier  volume, 
hors  quelques  platises  dont  on  avait  entremêlé 
cet  extrait.  [Confessions,  2<=  part.,  liv.  XL) 


»54 


PLÉ 


>îprcier  Tcul  qii'iin  ndincnz  platise.  Plaiises, 
dil-il ,  lieux  cnmmiins,  choses  insignifioMtes.  Les 
critiques  de  profession,  les  pédants,  les  jnur/ia- 
listes  qui  se  répètent  sans  cesse,  qui  se  lumen- 
tent  sur  la  perte  du  goût,  et  toujuurs  sur  le  uicme 
ton,  n'écrivent  que  des  platcses.  —  Mais  iiuus 
appi.'lons  toiiles  ces  choses-là  îles  platitudes; 
pourquoi  un  mol  nouveau  qui  ne  signifierait  rien 
de  plus? 

Plâtreux,  Plâtreuse.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  s^m  subsl.  :  Un  terrai»  plâtreux,  terre 
plâtreuse. 

Placsiblk.  Adj.  des  deux  genres.  11  se  mel 
ordinaireincnl  après  son  subst.  :  Une  raison 
pluusible,  vn  prétexte  phiusille ,  une  excuse 
plausible. 

Plei:<,  Pleine.  Adj.  Il  se  met  ordinairement 
après  son  subsl.  :  Un  muid  piein,  vue  bouteille 
pleine,  un  verre  plein,  un  rase  pliun.  —  Il  est 
souvent  suivi  de  la  préposition  de  :  Un  muid 
plein  der/w,  une  bouteille  pleine  d'eau,  un  livre 
plein derecherches.  —  Dans  les  phrases  s'j  vantes, 
il  sr;  met  avant  son  subst.  :  Pleine  rnudange, 
pleine  récolte.  —  On  le  met  aussi  av;uit  son 
subst.,  dans  le  sens  d'entier,  absolu  :  Une  pleine 
connaissance,  une  pleine  autorité,  luie  pleine 
puissance,  une  pleine  liberté,  une  pleine  l'ictoire, 
vn  plein  pouvoir.  —  On  dit  aussi  pleine  lune,  en 
pleine  rue,  en  plein  marché,  en  pleine  assemblée, 
en  plein  vent,  en  pleine  marche,  en  pleine  re- 
traite. —  Crier  à  pleine  tète,  à  pleine  gorge, 
voguer  à  pleines  voiles,  boira  à  plein  verre.,  etc. 
"VDyez  Adjectif. 

P'^EiNEMENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  J'en  suis  pleinement 
convaincu ,  il  s'est  plsinemcnt  justifié. 

Plénièke.  Adj.  I.,  qui  ne  se  dit  qu'avec  cour 
cl  indulgence,  et  qui  se  met  toujours  après  ces 
substantifs  :  Ci^ur  plénière,  indulgence  plénièrc . 

Pléonasme.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire. 
Selon  les  grammairiens,  c'est  une  figure  de  con- 
struction, qui  est  opposée  à  l'ellipse.  Elle  se 
fait  lorsque  dans  le  discours  on  met  quelque 
mol  qui  est  inutile  pour  le  sens,  et  qui,  étant 
été,  laisse  ce  sens  dans  son  intégrité.  Le  mm  de 
pléonasme  signifie  ou  plénitude,  ou  superfluité. 
Si  on  l'entend  duns  le  premier  sens,  c'est  une 
figure  qui  donne  au  disrours  plus  de  grâce,  |)lus 
de  netteté  ou  plus  de  fori:e  ;  si  on  le  p.-end  dans 
le  second  sens,  c'est  un  vérilabb  défaut  cjui  tend 
à' la  battologie. 

C'est  un  défaut  dans  le  langage  grammatical  de 
désigner  par  un  seul  et  même  mol  deux  idées 
aussi  oppjsées  que  le  sont  celle  d'une  figure  de 
construction,  et  celle  d'un  vice  d'élocution.  A 
b  bonne  heure  qu'on  eût  laissé  a  la  figure  le  nom 
de  pléonasme,  qui  marque  simpiemenï  abondance 
et  richesse;  mais  il  fallait  désigner  la  super- 
fluité des  mots  dans  chaque  phrase  par  un  autre 
terme;  par  exemple,  celui  de  périssoingie,  qui 
est  connu,  devrait  être  employé  seul  dans  ce 
sens. 

Il  y  a  pléonasme  lorsque  des  nwls  qui  parais- 
sent superflus  par  rapport  à  l'intégrité  du  sens 
gnimmatical,  servent  pourtant  a  y  ajouter  des 
idées  accessoires,  surabundanlcs,  qm  y  jettent 
de  la  clarté  ou  qui  en  augmentent  l'énergie. 
Quand  on  dit  je  Vai  vu  de  mes  yeux,  les  mots 
de  mes  yeux  sont  effectivement  superflus  jar 
rapport  au  sens  grammatical  du  verbe  j'ai  vu, 
puisqu'on  ne  peut  jamais  voir  que  des  yeux,  et 
que  qui  dit  j'ai  vu,  dit  assez  que  c'est  par  les 
yeux,  et,  de  plus,  que  c'est  par  les  siens.  Ainsi 


PU 

il  y  a,  grammaticalement  parlant,  une  double 
sufterfluiié;  mais  ce  superflu  gnimmalical  ajoulc 
des  idées  accessoires  (pii  augmenleui  l'énergie  du 
sens,  et  qui  font  entendre  <iu  on  ne  parle  pas  sur 
a  rapport  douteux  d'aulrui  ou  qu'on  n'a  pas  vu 
la  chose  par  hasard  et  sans  attention,  mais  qu'on 
l'a  vue  avec  réflexion,  cl  qu'on  ne  l'assure  que 
d'après  sa  propre  expérience  bien  constatée  : 
c'est  donc  un  pléonasme  nécessaire  a  l'énergie  du 
sens.  «  Cela  est  fondé  en  raison,  dit  Vaugelas, 
parce  que,  lorsijue  nous  voulons  bien  assurer  une 
chose,  il  ne  suffit  p;is  de  dire  simplement  je  l'ai 
vue,  puisque  bien  souvent  il  nous  semble  avoir 
vu  des  choses  que,  si  l'on  nous  pressait  de  dire 
la  vérité,  nous  n'oserions  assurer  avoir  vues.  Il 
faut  donc  dii'c  je  l'ai  vu  de  mes  yeux,  pour  ne 
laisser  aucun  sujet  de  douter  que  cela  ne  soit 
ainsi  ;  tellemenl  qu'à  le  bien  prendre,  il  n'y  a 
poinl  de  mots  superflus;  parce  qu'au  contraire 
ils  sont  nécessaires  pour  donner  une  pleine  assu- 
rance de  ce  que  l'on  affirme.  En  un  mol,  il  suffit 
que  l'une  des  choses  dise  plus  (jue  l'autre  pour 
éviter  le  vice  du  pléonasme,  c'esta-dire  ïapéris- 
sologie,  qui  consislf  a  ne  dire  qu'une  même 
chose  en  paroles  différentes  cl  oisives,  sans  qu'el- 
les aient  une  signification  ni  plus  clemlue.ni  plus 
forte  (jue  les  premières.  » 

Pledrant,  Plecp.ante.  Adj.  verbal  lire  du  v. 
pleurer.  On  ne  le  met  qu'après  son  subst.  :  U'% 
homme  pleurant,  une  femme  pieu  ranie . 

Pleurer.  V.  n.  et  a.  de  la  t"  conj.  P/eurer 
amèrement.  Il  régit  la  préposition  de,  pour  ex- 
j)rimer  la  cause  des  larmes  :  Pleurer  de  ioi», 
pleurer  de  dépit,  pleurer  de  rage  : 

Et  de  quelque  disgrâce  enfin  que  vous  pUuriet. 

[Racini;,  Iphig.,  act.  II,  »c.  m,  lî.) 

Pleurer,  actif,  se  dit  des  choses  cl  des  personnes  : 
Pleurer  ses  péchés,  pleurer  la  mort  de  son  père, 
de  sa  mère  ;  pleurer  la  perte  de  ses  amis  ;  pleurer 
une  épouse,  un  fils.  Il  faut  pleurer  les  hommee 
à  leur  naissance,  et  non  pus  à  leur  mort.  (Mon- 
tesquieu, XL'  lettre  persane.) 

Pleurez-vout  Clvlemneslre  ou  bien  Iphiçénie? 

^Rac,  IpMg.,  act.  I,  se.  l,  38.) 

Pledredr.  Subsl.  m. On  dit  plenre%ise,en  par- 
lant d'une  l'euime.  On  l'emploie  quelquefois  ad- 
jectivement :  Un  saule  pleureur. 

Pleureux,  Pf.EDREusE.  Adj.  rccucilli  par  l'Aca- 
démie, mais  iiui  n'est  jjIus  guère  usité.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  air  pleureux,  un» 
mine  pleureuse,  les  yeux  pleureux. 

Pleurs.  Subsl.  m.  plur.  Voyez  Larmes. 

Pleuvoir.  V.  n.  cl  (Jéfectiieux  de  la  3'conj. 
Il  n'est  d'usage  qu'à  l'infinitif,  pleuvoir;  au  par- 
lici[)e  passé,  plu,  il  a  plu  ;  et  avix  troisièmes  per- 
sonnes du  singulier,  ainsi  qu'il  suit  :  //  pleut,  il 
pleuvait,  il  plut,  il  pleuvra,  il  pleuvrait,  qu'il 
pleuve,  qu'il  plût.  H  n'a  point  d'impératif.  Aux 
temps  composés  :  il  a  plu,  il  avait  plu,  il  eût  plu, 
il  aura  plu,  il  aurait  plu,  qu'il  ait  plu,  qu'il  sût 
plu. 

Ce  verbe  se  dit  au  figuré  des  choses  morales  : 
Dieu  fait  pleuvoir  ses  grâces  sur  ses  élus. 

Que  de  bienj,  que  d'honneurs  sur  loi  s'en  vont  pleueoir.' 
(BojL.,  Sut.  Via,  ls6.) 

Pliable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
guère  (ju'après  son  subst.  :  L'osier  est  pliablt, 
—  U ne  huvieur  pliable .  Xo^QZ  Pliant. 


PLI 

Pliaht,  Pliante.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  plier. 
H  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  :  L'osier  est 
pliant,  vu  sit'tjc  pliant.  —  Caractère  pliant,  hu- 
meur plianle,  esprit  pliant. 

Féraud  dit  que  pliable  et  pliant  ont  à  peu  près 
le  même  sens.  —  La  difféieiice  de  ce?  doux  niDls 
est  sensible.  Ce  qui  est  pliable  est  susceptible 
d'être  plié,  quoique  peut-cire  il  n'ait  jamais  èiè 
plié.  Ce  qui  estp/in//<esl  re  (ju'oii  |)lie,  et  re  nui 
en  effet  a  Ole  plié.  On  ne  dit  pas  un  siège  pliable, 
mais  un  sii'ge  pliant.  Un  cnraclère  pliable  est 
un  caiactèrc  (jui  n'a  pas  encore  Ole  plié,  mais 
qui  peut  l'cire;  vn  caractère  pliant  est  un 
caractère  qui  plie  facilemert. 

Plier.  V.  a.  et  n.  de  la  4"  conj.  Il  s'emploie 
souvent  au  figuré  :  Plier  .■son  esprit,  plier  soji 
humeur,  plier  son  caractère. 

Tu  dois  à  ton  état  plier  ton  caractère 

(Volt.,  AU.,  act.  I,  se.  ly,  7.) 

L'Académie  ne  donne  à  ce  verbe,  dans  le  sens 
actif,  qtie  des  personnes  pour  sujet  ;  et  cepen- 
dant ii  se  dit  aussi  des  choses  : 

La  coutume,  la  loi,  plia  mes  premiers  ans 
K  la  religion  des  lieureux  musulmans. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  I,  se.  i,  103.) 

Plier,  ployer.  L'Académie  confond  complète- 
ment ces  deux  verbes.  Ainsi  elle  dit  :  Plies  votre 
serviette,  ployez  votre  serviette  ;  plier  des  bran- 
ches d'arbres,  ployer  le  penvu  en  marchant,  etc. 
Cependant  elle  ajoute  :  «  Ployer  s'emploie  comme 
«  actif,  comme  neutre,  et  avec  le  pronom  per- 
«  sonnel,  dans  presque  tontes  les  acceptions  du 
«verl)C  plier,  mais  seulement  en  poésie  et  dans 
•  le  style  élevé.  Dans  le  langage  ordinaire  on  se 
«  sert  déplier.» 

Pour  se  convaincre  de  l'inexactitude  de  ces 
décisions,  il  suffira  de  lire  la  différence  de  ces 
deux  mots,  telle  qu'elle  est  expliquée  dans  notre 
Nouveati  Dictionnaire  de  la  Imigue  française. 
»  Au  propre,  plier,  c'e>t  mettre  en  double, 
par  plis,  de  manière  qu'une  partie  de  la  chose  se 
rabatte  sur  l'autre  ;p/('y^r,  c'est  mettre  en  forme 
de  boule  ou  d'arc,  de  manière  que  les  deux  bouts 
de  la  chose  se  rapprochent  plus  ou  moins.  On  plie 
à  plat,    on  ploie  en  rond.  Ainsi  plier  et  ployer 
différent  comme  lepZide  la  courbure.  Le  papier 
que  vous  plissez,  vous  le  pliez  ;  le  papier  que 
vous  ployez,  vous  le  roulez.  —  Plier  se  dit  par- 
ticulièrement des  corps  minces  et  îîasiiues,  ou  du 
moins  fort  souples,  qui  se  plissent  facilement  et 
gardent  leurs  plis.  Ployer  se  dit  p;n-iiculièremeut 
des  corps  roideset  élastiques  qui  Uw'hissent  sous 
l'effort,  et  tendent  à  se  rétablir  dans  leur  premier 
état.  On  plia  de  la  mousseline,  et  on  ploie  une 
branche  d'arbre.  Plier  et  pZoyer  s'emploient  quel- 
quefois l'un  et  l'autr"  dans  le  sens  de  courber, 
fléchir,  céder;  mais  alors  plier  indique  un  effet 
plus  grand,  plus  marqué,  plus  approchant  du  pli 
rigoureux.  En  marchant,  vous  jo/oyes  le  genou  ; 
dans  une  irènuflexion  profonde,  vous  le  plies. 
Pour  manpier  qu'une  personne />/oîc  beaucoup 
le  corps  sans  pouvoir  sr- relever,  on  dira  qu'elle 
est  pliée  en  deux.  Si  vous  voulez  en  effet  qu'une 
épéc  jD^ie,  quoi  qu  elle  ne  fasse  en  effet  que  ployer, 
ce  sera  lorsqu'elle  pliera,  comme  on  dit,  jusqu'à 
la  garde.  Sous  le  tardeauqui  {sl\\.  ployer  un  homme 
fort,  l'homme  faible  plie.  Une  armée  ne  fait  que 
ployer,  tant  qu'elle  résiste  et  s'efforce  de  repren- 
dre sa  place;  sinon  elle  plie,  elle  s'enfonce,  il  ne 
lui  reste  (lue  la  retraite. —  Ainsi,  au  figuré,  il  faut 


PLO 


555 


fléchir,  faiblir,  mollir,  pour /)/(ycr;  on  p/te  <iuand 
on  ne  fait  plus  que  i-cder,  obéir,  succomber. 

«  Plier  et  ployer  emportent  quelquefois  une 
idée  secondaire  d'arrangement  avec  une  fin  ou 
une  destination  parliculfère.  I.e  marchand  plie  sa 
marchandise  ])o\ir  en  diminuer  l'étendue,  car 
en  la  dépliant,  il  l'étend  ;  il  ploie  sa  marchandise 
pour  la  soustraire  à  la  vue,  car  en  la  dciiloyant. 
il  l'élalc.  On  plie,  du  lince  afin  de  le  placer  com- 
modément et  (le  le  conserver  pro|ire;  on  \c  ploie 
P')ur  le  mettre  à  part  et  à  couvert.  —  En  fait 
d'arrangeiuont  et  d'ordre,  on  ne  doit  dire  plier 
que  des  choses  «lui  se  mettent  en  ]dis,  ou  bien 
par  lits  et  par  couches  semblables  à  des  lits,  telles 
que  des  nippes,  des  toiles,  des  vêtements,  des 
étoffes;  p/oyer  convient  mieux  à  ce  qui  se  met 
en  paquet ,  en  bloc ,  en  peloton  ;  à  ce  qui  se 
roule,  s'envelopi'e,  sans  avoir  besoin  de  jilis. 
Un  marchand  de  draps  plie  sa  marchandise  ;  un 
marchand  de  porcelaine  ploie  la  sienne,  n 

(les  explications,  fondées  sur  des  usages  que 
personne  ne  peut  contester,  prouvent  assez  contre 
l'Accdèmie  que  !e  verbe  ployer  est  d'usag*- 
ailleurs  que  dans  la  poésie  et  le  haut  style,  et 
quep/i'erse  dit  très-souvent  au  ligure. 

Plomb.  Suhst.  m.  On  ne  prononce  point  le  6. 
L'Académie  dit  bien  que  plomb  se  prend  quelque- 
fois pour  les  balles  des  fusils  et  des  autres  sortes 
d'armes  à  feu,  mais  elle  n'indique  pas  l'emploi 
que  les  poètes  font  de  cette  expression. 

Le  Ticuï  Montmorency,  près  du  tombeau  des  rois. 
D'un  p(om6  mortel  atteint  par  une  main  guerrière, 
De  cent  ans  de  travaux  termina  la  carrière. 

(Volt.,  Henr.,  II,  84.) 

Plongeant,  Plongeante.  Adj.  verbal  tire  du  v. 
plonger.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Feu 
plongeant,  vue  plongeante. 

Plonger.  V.  a.  de  la  \"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  un  j  ;  et 
pour  lui  conserver  cette  prononciaiion  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
avant  cet  a  ou  cet  o:  Je  plongeai,  plongeons,  et 
non  pas  je  plongax,  plongons.  Les  poètes  em- 
ploient figurèment  ce  mot  en  plusieurs  manières 
que  r.\cadémie  n'indique  point  : 

J'ai  fait,  jusqu'au  moment  qui  me  plonge  au  cercueil. 
Gémir  l'humanité  Ju  poids  de  mon  orgueil. 

(Volt.,  ^(j.,  act.  V,  se.  vu,  15.) 

Son  cœur  en  ces  horreurs  n'est  pas  tonjoDrs  plongé. 
(Volt.,  Semir.,  act.  I,  se.  i,  51.) 

Delille  dit,  en  parlant  d'un  chêne  : 

Et  plonge  sa  racine  au  gouffre  des  enfers.. . 

(Dblil.,  Énéii.,  IV,  670.) 

L'œil  plonge  avec  effroi  sous  sa  profonde  Toût*. 

(/dem,  VI,  308.!     » 

Et  quels  cœurs  si  plongé»  dans  un  lâche  sommeil. 
(Rac,  Ath.,  act.  IV,  se.  m,  45.) 

Le  sérail  est  plongé  dans  un  profond  silence 

(Volt.,  Zaïre,  act.  \,  se.  viii,  15.) 

Si  dans  les  différends  où  l'Europe  se  plonge. 

(Volt.,  Henr.,  II,  ».) 

Le  fer  étincelant  se  plongea  dans  son  sein. 

\Idem,  VI«,  588.) 


55G 


PLU 


Mais,  sur  la  foi  d'un- songe, 
Dans  le  sang  d'un  enfant  touIci-tous  qu'on  se  plonge  7 
(Ric,  Ath.,  ici.  Il,  se.  V,  lOO.j 

Plupart  (la).  On  écrivait  autrefois  lapluxpart. 
Il  se  joint  toujours  avec  rariicle  la.  11  signifie 
la  plus  grande  partie.  Quand  il  est  suivi  de  la 
prci)Osition  Je  avec  un  substantif,  il  ivgil  le 
verbe  au  singidicr,  silesuhstantif  est  àcenumbre, 
et  au  pluriel,  si  le  substantif  est  au  pluriel: 
La  plupart  du  monde  pense;  la  plupart  des 
hommes  pensent.  Quand  il  est  sans  régime,  le 
verbe  doit  être  au  phuiel"  La  plupart  pensent. 

Pldrif.l.  Adj.  et  subsl.  m. Terme  de  grammaire. 
Nos  pères  écrivaient  ce  mot  avec  un  r,  plurier, 
par  analogie  avec  singulier,  qui  a  la  même  ter- 
minaison," mais  Vaugclas,  sur  de  très-mauvaises 
raisons,  a  prétendu  qu'il  fallait  écrire  pluriel 
avec  un  l. 

«  Je  mets  toujours  pluriel  avec  un  /,  dit-il 
dans  sa  4'r2e  remarque,  quoique  tous  les  gram- 
mairiens aient  toujours  écrit  pluricr  avec  r  La 
raison  sur  laquelle  je  me  fonde,  est  quo  venant 
du  latin  phirc'is,  oh  il  y  a  un  l  en  dernière  syl- 
labe, il  faut  nccnssaircment  qu'il  la  retienne  en 
français,  (le  qui  a  trompe  nos  grammairiens,  c'est 
sans  doute  jiarce  qu'un  dit  singulier  avec  un  r 
à  la  fin,  et  alors  ils  ont  cru  qu'il  fallait  écrire 
plurier  également  avec  un  r,  ne  songeant  pas 
que  singulier  vient  de  singularis,  qui  a  un  r  à 
la  fin.  « 

C'est  comme  si  quelqu'un  venait  nous  dire 
aujourd'hui  (ju'on  a  tort  d'écrire  alouette  avec 
deux  t,  parce  qu'il  vient  û'alavdu,  qui  a  un  d  à 
la  fin,  et  qu'il  faut  dcv'we  aloucde.  Celle  pédan- 
tesque  innovation  prévalut,  malgré  l'opposition 
de  Ménage,  de  Bouhours,  de  Thomas  Corneille  et 
des  écrivains  de  Purl-Ruyal.  L'Académie  la  con- 
sacra en  observant  que  l'usage  général  s'était 
entièrement  déclaré  pour  pluriel,  et  que  c'était 
ainsi  qu'il  fallait  parler  et  écrire.  Mais  si  l'usage 
autorise  à  écrire  pluriel,  depuis  la  remarque  de 
Vaugelas  et  la  décision  de  l'Académie,  ])ourquoi 
ce  même  usage,  qui  auparavant  faisait  écrire 
plurier,  n'a-t-il  pas  fait  rejeter  et  la  remarque  et 
la  décision?  cl  pourquoi  ne  revient-on  pas  au- 
jourd'hui à  cet  ancien  usage  défendu  par  do  bons 
écrivains,  et  (]ui  parait  raisonnable?  En  effet, 
n'est-il  p;is  ridicule  d'écrire  de  deux  manières 
différentes,  deux  mots  comme  singulier  c[ pluriel, 
qui  ont  entre  eux  une  analogie  si  élroiie?  Mais 
si  le  changement  s'est  opéré  dans  l'orthographe, 
on  ne  l'a  point  adopté  dans  la  prononciation,  et 
quoique  Moliéreait  dit  {Femmes  savantes,  act.  II, 
se.  VI,  62)  : 

Ton  esprit,  je  l'avoue,  est  bien  matériel  ; 
J»  n'est  qu'un  singulier,  avom  est  pluriel. 

Le  public  insoumis  s'obstine  aujourd'hui  à  pro- 
noncer plurier.  Écrivons  donc  pluriel,  puisque 
Vaugclas  et  l'Académie  le  veulent  ;  mais  csi)érons 
qu'on  fera  disparaître  quelque  jour  cette  cho- 
quante contradiction.  —  En  1835,  l'Académie  dit 
que  quelques-uns  écrivent  plurier  et  que  la 
plupart  prononcent  plurté. 

jNous  avons  donné,  à  l'article Forma/ton,  les 
règles  qui  indiquent  la  manière  de  former  les 
pluriels  des  substantifs  et  des  adjectifs.  Voyez 
aussi  Nom,  Adjectif  c\.  Nombre.  Il  n'y  a  rien  à 
remarquer  sur  les  terminaisons  plurielles  des 
temps  des  verbes  français,  parce  que  cela  s'ap- 
prend dans  les  conjugaisons.  A'oyez  ce  mot.  Nous 
nous  bornerons  à  placer  ici  quelques  remarques 


PLb 

de  Beauzée,  de  La  Harpe  et  de  Voltaire,  soi 
l'emploi  du  pluriel. 

Dans  toutes  les  langues,  dit  Beauzée,  il  arrive 
souvent  qu'on  emploie  lui  nom  singulier  pour 
un  nom  pluriel,  comme,  ni  la  colère,  ni  la  joie 
du  soldat,  ne  sont  jamais  vindt'rées ;  le  paysan 
se  sauva  dans  les  bois;  le  bmu'geuis  prit  les 
armes.  C'est,  dit-on,  une  synecdoque;  mais 
parler  ainsi,  c'est  donner  un  nom  siieniifique  à 
la  phrase,  sans  en  faire  connaître  le  fondement. 
Le  voici  :  Cette  manière  de  parler  n'a  lieu  qu'à 
l'égard  des  noms  apjjellatifs  qui  pré>eiilent  à 
l'esprit  des  êtres  déterminés  par  l'idée  d'une 
nature  commune  à  plusieurs.  Celte  idée  com- 
mune a  une  compréhension  et  une  étendue;  et 
cette  étendue  peut  se  ri'slreindre  à  un  nombre 
plus  ou  moins  grand  d'individus.  Le  propre  de 
l'article  est  de  déterminer  l'étendue  de  manière 
que,  si  aucune  autre  circonstance  du  discours 
ne  sert  à  la  restreindre,  il  faut  entendre  alors 
l'espèce;  si  l'article  est  au  singulier,  il  annonce 
que  le  sens  du  nom  est  appli(]uè  à  l'espèce  sans 
(icsignalion  d'individus;  si  l'article  est  au  pldriel, 
il  indique  que  le  sens  du  nom  est  appliiiuc  dis- 
tributivemenl  à  tous  les  individus  de  ^c^pèce. 
Ainsi,  l'horreur  de  ces  lieux  étonna  lo  soldat, 
veut  faire  entendre  ce  (jui  arriva  à  l'espèce  en 
général,  sans  vouloir  y  comjjrcndre  chacun  des 
individus;  et  si  l'on  disait,  l'horreur  de  ces  lieux 
étonna  les  soldats,  on  marquerait  plus  positive- 
ment les  individus  de  l'esiiôce.  Un  écrivain  cor- 
rect et  précis  ne  sera  pas  toujours  indifférent  sur 
le  choix  de  ces  deux  expressions. 

Voltaire  a  dit  dans  Mérope  (act.  II,  se.  ii,  2)  : 

Celle  de  qui  la  gloire  et  l'infortune  affreuse 
Retentit  jusqu'à  moi,  etc. 

La  Harpe  a  dit,  au  sujet  de  ces  vers  :  Il  faut 
absolument  le  pluriel,  ont  retenti  vers  moi. 
Quand  la  conjonctive  et  se  trouve  outre  deux 
substantifs,  ils  exigent  le  pluriel  du  verbe  dont 
ils  sont  les  nominalifs  (les  sujets),  à  moins  ([u'il 
n'y  ait  entre  eux  une  certaine  conformité  d'idées 
qui  ressemble  à  l'idenlilé;  et  la  gloire  et  l'infor- 
tune n'ont  rien  de  commun.  {Cours  de  litté- 
rature.) 

En  aucune  langue,  dit  Voltaire,  les  métaux, 
les  minéraux,  les  aromates,  n'ont  jamais  de  plu- 
riel. Ain.^i,  chez  toutes  les  nations,  an  offre  de 
l'oj;  de  Vciicens,  de  la  myrrhe,  et  non  des  ors, 
des  encens,  des  myrrhes.  [Remarque.^  sur  Cor- 
neille.) Les  mots  cpii  expriment  un  étal  del'àme, 
comme  félicité ,  tranquillité,  sagesse,  repos, 
n'ont  point  de  pluriel.  Voyez  J,  Adjectif,  For- 
mation. 

Pi,us.  Adv.  On  prononce  plu  devant  une  con- 
sonne, el  pluz  devant  une  voyelle.  Cet  adverbe 
demande  tantôt  un  de,  tantôt  un  que  après  l'ad- 
jectif qu'il  modifie.  11  demande  un  que  lorsqu'il 
fait  terme  de  comparaison,  c'est-à-dire  lorsqu'on 
compare  la  qualité  d'une  personne  ou  d'une  chose 
à  une  autre,  et  encore  faut  il  «pie  l'adverbe  soit 
au  simple  degré  comparatif  :  //  est  plus  savant 
que  son  frère  ;  vous  êtes  plus  heureux  que  moi. 
—  Si  l'adverbe  est  au  superlatif,  alors  c'est  la 
préjjosilion  de  (jui  unit  les  deux  termes  de  la 
comparaison  :  Démosthénes  fut  l'orateur  le  plus 
éloquent  de  la  Grèce.  —  Plus  demande  encor* 
de  avant  le  substantif  qu'il  modifie,  lorsqu'il  est 
adverbe  de  quantité,  et  non  adverbe  de  compa- 
raison, c'est-à-dire  lorsque  le  terme  de  compa- 
raison énonce aiirès  l'adverbe  de  quantité  inorquc 


PLU 

quoique  mesure  précise  et  positive  de  celle 
(juanlité  :  Cela  est  plus  long  d'uu  quart;  cela 
lie  vaut  pus  plus  d'un  écu  ;  cela  n'a  pas  plus 
de  trente  pieds;  il  est  plus  grand  de  toute  la 
tête. 

Mais  doil-oii  dii'e  il  est  plus  d'à  demi  mort; 
ou,  il  est  plus  i/u'à  demi  mort?  il  a  été  plus  d'à 
demi  conraincu  ;  ini,  il  a  été  plus  qu'à  demi 
co/n-uj/iCM?  Les  L'r;uniii;iirieiis  ne  soin  p;is  d'iu;- 
cord  sur  ces  sortes  de  loculioiis.  Girard  cl  de 
Wailly  sont  pour  de,  \ii\vcc  (]ue,  dit  le  premier, 
ces  expressions  Je  mesure  (jui  suivent  l'adverbe 
plus,  servent  moins  a  inin;  terme  de  comiiaiaison 
qu'à  spécifier  la  iiuantilc  dirrérenliellc  entre  les 
choses  com|)aréos,  et  ([ue  par  conséquenl  elles 
doivent  avoir  la  préposition  de,  et  non  pas  la 
conjonction  r/ue,  qui  ne  s'emploie  que  dans  ce 
derniercas.  De  ÂVailiy,  en  adoplîmlcc  principe, 
critique  ce  vers  de  jkacan  {Sla/ices  sur  la  re- 
traite, 2)  : 

La  course  de  nos  jours  est  plus  ^u'ù  demi  faite, 

et  prétend  qu'il  fallait  dire,  est  plus  d'à  demi 
faite.  3.-3.  Rousseau  parait,  avoir  été  du  même 
avis,  puisqu'il  dit,  dans  Emile  (liv.  III,  l.  vi, 
j).  315),  son  apprentissage  est  déjà  pJus  d'à 
■Moitié  fait.  EuÛn,  l'Académie  parait  avoir  décidé 
indirectement  en  faveur  de  Girard,  car  elle  ne 
donne  point  d'exemple  où  que  soit  placé  dans 
ces  sortes  de  phrases. 

Dumergue  cl  queUiues  autres  grammairiens 
modernes  pensent,  au  contraire,  que  le  que  est 
indispensable  dans  ces  sortes  de  phrases,  et  que 
la  décomi)osilion  de  la  i)hrase  de  l'ncan  ne  sau- 
rait amener  de,  paice  (\ne  son  véritable  sens  est, 
la  course  de  nos  jours  est  faite  supérieurement 
à  ceci,  à  demi.  —  Les  raisons  dcDomergue  nous 
paraissent  bien  faibles;  et  il  nous  seml>le  qu'il 
faut  forcer  le  sens  de  celte  phrase  pour  y  trouver 
une  comparaison.  Nous  croyons  en  conséquence 
devoir  nous  ranger  à  l'avis  de  Girard,  de  Wadly 
et  de  J -.1.  Rousseau.  —  lin  1835,  l'Académie 
donne  au  mol  demi  les  exemples  suivants  :  Cela 
est  plus  d'à  demi  fait,  cela  est  plus  qu'à  demi 
fait. 

Si  l'adverbe  comparatif  pZ»i  est  suivi  d'un  que 
et  d'un  verbe  à  l'infinitif,  on  répète  devant  cet 
iidinitif  la  préposition  que  dem;mde  l'adjectif  : 
//  n'y  a  rien  de  plus  agréable  que  de  l'entendre; 
nous  sommes  plus  portés  a  nous  excuser  qu'il 
reconnaître  nos  torts. 

Enlin  lorsque  plus  est  suivi  de  deux  infinitifs, 
il  faut  mettre  de  avant  le  second  :  Il  est  plus  beau 
de  vaincre  ses  passions  que  de  triompher  de  ses 
ennemis. 

Plus  d'un,  terme  collectif  partitif,  ou  adverbe 
de  quantité,  régit  le  verbe  qui  le  suit,  au  sin- 
gulier :  Plus  d'un  auteur  i\d'\i;  plus  d'un  lecteur 
pensera;  plus  d'un  témoin  a  déjwsé.  —  11  faut 
excepter  le  cas  où  le  verbe  serait  réciproque; 
car  celle  esjjéce  de  verbe  exprim;mt  l'action  de 
deux  ou  de  plusieurs  sujets,  exige  le  pluriel  :  ^4 
Paris,  fin  voit  plus  d'un  fripon  qui  se  dupent 
i'un  /,'a«^e.  (Marmontel,  Incas,  chd\).  XLV.) 

Plus  se  répète  (]uaiid  il  y  a  plusieurs  adjectifs, 
l)lusieurs  verbes  dans  la  phrase,  et  se  met  devant 
l'hacun  d'eux  :  Plus  on  réfléchit,  plus  on  étudie, 
et  plus  on  sent  la  faiblesse  de  l'esprit  humain. 
Plus  on  est  sage,  plus  on  est  heureux. 

Quelques granmiairiens  veulent  que  l'on  joigne 
toujours  ces  phrases  par  la  conjonction  et,  et  que 
l'on  dise,  par  exemple  :  Plus  on  est  sage  et  plus 


PLU 


55"? 


on  est  heureux.  D'Olivcl  n'est  point  de  cet  avis, 
et  voici  sur  (]uoi  il  appuie  son  opinion.  Dans 
cette  phrase,  plus  on  lit  Racine,  plus  on  l'ad- 
mire, il  y  a  (leu;{  projiosilions  ^implcs  :  On  lit 
lîucine,  ou  l'admire,  les(|uellcs,  prises  séparé- 
ment, n'ont  point  encore  île  ra|i|)orl  ensendjle; 
l)our  les  unir  et  n'en  faire  qu'une  phrase,  je  n'ai 
qu'à  dire,  on  lit  Racine  et  on  l'admire  ;  m;iis  si 
je  veux  faire  entendre  (pic  l'une  est  à  l'autre  ce 
(ju'est  la  cause  a  l'effet,  alors  il  ne  s'a:;it  plus  de 
les  unir,  il  faut  marquer  le  rapjjort  (fu'elles  ont 
ensemble.  Or,  c'est  à  (juoi  nous  servent  les  ad- 
verbes couiiJaratil's  plus,  moins,  elc,  donl  l'un 
est  toujoiu-s  nécessaire  à  la  tète  de  cliaipie  pro- 
position, sans  pouvoir  céder  sa  place,  ni  pouvoir 
souffrir  un  autre  mot  avant  lui.  Conséipiennnent 
on  doit  dire:  Plus  notre  discernement  se  per- 
fectionne,  plus  les  classes  se  inultiplient  ;  et 
non  i)as,  et  plus  les  classes  se  multipliejit. 

Je  pense  que  cette  règle  n'est  j);is  sans  excep- 
tion. P;u-  exemple,  dans/^/wA-  on  réfléchit,  plus  on 
étudie,  et  plus  on  sent  la  faiblesse  de  l'esprit 
humain,  il  nous  semble  (jue  ef  est  nécessaire  dans 
le  second  membre.  Quand  on  a  dlipUison  réflé- 
chit, plus  on  étudie,  le  second  plus,  «pii  est  de 
la  même  nature  (jue  le  premier,  et  ((ui,  comme 
le  iiremier,  a  rapport  à  une  cause,  ne  fait  jtas 
attendre  naturellement  le  plus  du  second  membre 
de  la  phrase  :  au  contraire,  il  semble  faire  attendre 
un  troisième  jdus  dans  le  même  ordre.  On  pour- 
rail  dire  plus  on  réfléchit,  plus  on  étudie,  plus 
071  raison  ne,  c[c.  Il  est  donc  nécessaire  de  rompre 
cette  série  sendilable  de  plus  \)i\r  un  mot  qui 
annonce  que  le  troisième  ;oZ(/s  n'est  p.is  du  même 
ordre,  et  qu'il  a  rapport  à  unelTet.  On  peut  ap- 
pliquer celle  observation  aux  adverbes  autant, 
aussi  et  moins. 

Plus  et  mieux,  dit  M.  Sicard ,  ne  sont  pas 
synonymes.  Le  premier  ne  s'emploie  que  quand 
il  s'agit  d'extension,  el  le  second  quand  il  s'acit 
fie  perfection.  Exemple  :  L'abbe  Prévôt  a  plus 
écrit  que  Fénelnn;  mais  Fénelon  a  mieux  écrit 
que  l'abbé  Pré  L-àt.  Plus,  dans  la  première  phrase, 
lombe  sur  le  nombre  des  volumes;  cl  mieux. 
dans  la  seconde,  a  pour  objet  la  perfection  dû 
style.  Ne  dites  donc  pas  comme  quel(]ues-uns, 
j'ai  gagné  mieux  de  cent  francs  ;  cidte  terre 
vaut  mieux  décent  mille  francs  ;  maisj'(;i  gagné 
l>lus  rfe  cent  francs;  cette  terre  vaut  plus  de 
cent  mille  francs. 

Dans  les  c.onq)aralifs  d'inégalité  caractérises 
par  plus,  si  le  premier  membre  est  atlirmatif.  le 
second,  qui  suil  que,  doit  être  négatif  et  prendre 
ne  :  Il  est  plus  riche  qu'il  n'était;  je  suis  plus 
heureux  que  vous  ne  pensez.  Il  y  a  donc  une 
faute  dans  ces  vers  de  Voltaire: 

Accourez  de  l'enfer  en  ces  horribles  lieux. 

En  ces  lieux  plus  cruels  et  plue  remplis  da  crimes 

Que  ros  gouffres  profonds  regorgent  de  victimes. 

Il  fallait  ne  regorgent. 

(,)uand  plus  est  adverbe  de  coinparaison,  il  se 
met  toujours  après  le  verl)e  dans  les  tem[is  sim- 
ples ;  devant  ou  après  le  participe  dans  les  temps 
composés;  devanl  ou  aiirès  l'infiniiif  :  Il  m'en 
coûte  plus  qu'à  vous  ;  il  m'en  a  I)lus  entité;  ou 
il  m'en  a  coiité  plus  qu'à  vous;  il  devrait  vous 
en  plus  coûter,  ou  vous  en  coûter  plus  qu'à 
7noi. 

Quand  plus  est  emi)loyé  comme  adverbe,  sans 
qu'il  y  ail  comparaison,  il  senqiloie  avec  la  né- 
gative, 61  se  place  toujours  après  le  verbe,  dans 


^J:J8 


PLU 


les  tenip<;  simples  :  Jo  ne  veux  i)lus,  je  ne  le 
verrais  |iliis.  Dans  los  lcm|)s  coin|ios«.'s,  il  se  mel 
entre  laiixiliaire  et  le  parlici()e  :  Je  71e  l'ai  plus 
rtvu.  On  peut,  selon  les  circonstances,  le  mettre 
avant  ou  ;iprés  rinlinitif  :  Je  ne  puis  plus  me 
taire;  je  ne  puis  lu' accoutumer  à  ne  le  voir 
plus.  (Sévigné.) 

Racine  à  dit  dans  Bajazet  (act.  JII,  se.  iv, 
68):  J         K  .  . 

J'irai,  bien  plut  content  et  d«  «nus  et  de  moi, 
Détrumper  son  amour  d'une  feinte  forcée, 
Çu*  je  n'allais  lantit  déguiser  ma  pensée. 

Le  comparatif  plus,  dit  La  Harpe,  est  séparé 
du  relatif  que,  de  manière  que  la  phrase  n'est 
plus  française.  la  conslruclion  exacte  et  natu- 
relle demandait  (|ue  la  phrase  fût  disposée  ainsi  : 
J'irai  détromper  son  amour  d'une  feinte  forcée, 
bien  plus  content  de  vous  et  de  moi,  que  je 
n  allais  tantôt  déguiser  ma  pensée.  [Cours  de 
littérature.) 

La  plitspart.  "\'oyez  Plupart. 

Plus  tôt,  Plus  tard.  Phrases  adverbiales  de 
temps  et  de  lieu.  Pius  tôt  dans  le  sens  de  plus 
vite ,  cl  plus  tard  opposé  à  plus  tôt,  doivent 
s'écrire  m  deux  mots  :  Sortez  au  plus  tôt  de 
cette  ville,  de  peur  que  vous  71e  corrompiez  ses 
habitants.  (Bar(hélemy.) 

Pliit6t  ^cvi  (jucliiuerols  à  marquer  le  choix  que 
l'on  fail  d'une  chose  par  préféreuce  à  une  autre  ; 
et  c'est  alors  qu'il  s'écrit  en  un  seul  mot,  comme 
nous  l'écrivons  ici  :  Plutôt  perdra  tout  que  de 
rien  faire  contre  sa  conscience.  — Plutôt  suivi 
de  la  coujonclion  que  doit  toujours  être  suivi  de 
la  préposition  de  :  Ceux  qui  nuisent  à  la  répu- 
tation oti  à  la  fortune  des  autres,  plutôt  que  de 
perdre  va  bon  mot,  méritent  une  peine  infa- 
mante, (la  Bruyère,  ch.  VIII,  De  la  Cour, 
p.  319.)  Que  les  dieux  me  fassent  périr,  plutôt 
que  de  souffrir  que  la  mollesse  et  la  volupté 
s'emparent  de  mon  cœur.  { Fénel.  ,  Télém.  , 
liv.  1,  1. 1,  p.  72.) 

^  Plusieurs.  Adj.  plur.  des  deux  genres  qui 
s'emploie  aussi  substantivement.  Il  se  dit  des 
personnes  et  des  choses,  et  précède  toujours  ic 
subst,  qu'il  modifie:  Plusieurs  personnes,  plu- 
sieurs choses,  plusieurs  avantages.  Il  tient  lieu 
de  l'article.  Quel<iuefois  il  régit  la  préposition 
de  ■  Plusieurs  de  vos  amis,  plusieurs  de  vos 
lirics.  —  11  s'emploie  quelquefois  substantive- 
ment, mais  par  ellipse,  et  ne  peut  être  modifié 
par  un  adjectif:  Plusieurs  disent,  c'est-à-dire 
plusieurs  personnes  disent.  On  peut  dire  qu'en 
ce  sens  il  resle  réellement  adjectif. 

Plusieurs  a  rapport  à  la  quantitéqui  se  compte, 
et  beauc(,vp  a  la  quantité  qui  se  mesure.  Plu- 
sieurs houimes  ,  beaucoup  d'eau.  L'opposé  de 
plusieurs  est  un;  l'opposé  de  beaucoup  esi peu. 
Voyez  Maint. 

Plus-quk-parfait.  On  prononce  le  s  i\c  plus. 
Terme  do  grammaire.  On  a  désigné  par  ce  mol 
un  temps  des  verlips  qui  exprime  l'antériorité  de 
l'existence,  à  l'égard  d'une  époque  antérieure 
elle-même  à  l'acte  de  la  parole  :  J'avais  soupe 
lorsque... 

Celle  dénomination,  dit  Beauzée,  a  tous  les 
vices  les  plus  propres  à  la  faire  proscrire.  1°  File 
ne  donne  aucune  idée  de  la  nature  du  temps 
qu'elle  désigne,  puis(pi'ellc  n'indique  rien  de 
raniérioriié  île  l'existence,  à  l'égard  d'une  époiiue 
anlèrieme  rllc-méme  au  moment  où  l'on  parle; 
2"  elle  implique  conJ-«idiciion,  par.'e  qu'elle  sup- 


POE 

pose  le  parfait  susceptible  de  plus  ou  de  moins, 
quoiqud  n'y  ait  rien  de  mieux  que  ce  qui  est 
|)arfait;  3°  elle  emporte  encore  une  autre  supi>o- 
sition  également  fausse,  savoir,  tiu'il  y  a  <iuel»iue 
perfection  dans  l'anicriorûé,  quoi(iu'clle  n'en  ad- 
mette ni  plus  ni  moins  que  la  simultanéité  ou  la 
postériorité.  Voyez  Teuips. 

Plutôt.  Adv.  Voyez  Plus,  à  la  fin. 

Pluviale.  Adj.  f.  (]ui  ne  se  dil  que  des  eaux, 
et  ne  se  mel  iiu'aprés  son  subst.  :  Des  eaujt 
pluviales. 

Pluvifux,  Pluvieuse.  Adj.  qui  ne  se  met  (ju'a- 
près  son  subst.  :  Jour  pluvieux,  saison  plu- 
vieuse, hiver  pluvieux.  —  Vent  pluvieux. 

Pou-ME.  Subst.  m.  L'usage  de  tous  les  bons 
écrivains  est  d'écrire  poème  et  poète,  malgré 
l'Académie,  qui  écrit  poëme  et  poète.  En  effet, 
dit  Domcrgue,  lorsqu'une  des  deux  voyelles  peut 
être  accentuée,  le  irema  est  inutile,  et  l'accent 
est  de  rigueur.  Au  lieu  d'écrire  Brisëis,  Robin- 
son  Crusoë,  Israélites,  on  écrit  Briséis,  Robin- 
son  Crusoé,  /irae'/z'/M;  il  faut  donc  écrire  aussi 
poète  et  poème,  au  lieu  de  puéte  et  poëme.  — 
L'Académie  conserve,  en  183o,  le  iréma  dans  ces 
deux  mots,  sans  doute,  comme  le  fait  observer 
M.  Lemaire,  pour  inarquer  l'accentuation  plus 
forte  de  la  syllabe  suivie  d'un  e  muet  finaL 
Comme  il  existe  en  effet  une  légère  différence, 
nous  écrirons,  avec  l'.Académie,  poëme,  poète, 
et  par  un  e  tous  les  autres  mois  de  la  même 
racine:  poésie,  poétereau,  poétique,  etc. 

Terme  de  littérature.  C'est  une  imitation  delà 
belle  nature,  exprimée  par  le  discours  mesuré. 

Le  discours  ordinaire  est  un  simple  récit  des 
choses,  pour  les  présenter  telles  que  nous  les 
pensons.  Il  n'y  est  question  que  d'exprimer  clai- 
rement et  sans  détour  ce  qui  est  présent  à  notre 
esprit;  et  nous  sommes  contents  des  expressions, 
pourvu  qu'elles  soient  déterminées  et  intelligi- 
bles. L'éloquence  veut  plus  de  circonspection  et 
d'apparat.  Son  Lut  n'est  pas  seulement  de  se 
faire  comprendre,  mais  de  procurer  la  réussite 
de  quelque  dessein  qu'elle  a  en  vue  ;  et,  pour 
cet  effet,  elle  pèse  attentivement  tout  ce  qui  peut 
concourir  à  celle  réussite.  La  poésie,  au  con- 
traire, s'applique  plutôt  à  exprimer  vivement  les 
objets  qu'elle  se  représente,  qu'à  produire  certains 
el'fels  particuliers  sur  les  autres.  Le  poète  &>( 
vivement  touché;  son  objet  lui  inspire  de  la 
passion,  ou  du  moins  le  mel  en  verve;  il  ne 
saurait  résister  au  désir  fiu'il  a  de  manifester  ce 
qui  se  passe  au  dedans  de  lui;  il  est  entraîné; 
ce  qui  l'occupe  principalement,  c'est  de  peindre 
avec  é:iergie  l'objet  qui  l'affecte,  cl  de  mani- 
fester en  mêiiie  temps  l'impression  qu'il  fail  sur 
lui.  Il  parle  quand  même  personne  ne  devrait 
l'écouler,  |)arce  qu'il  ne  dépend  pas  <le  lui  de  se 
taire  dans  l'émoiiou  qu'il  éprouve.  Cela  donne  à 
ce  qu'il  dit  un  air  extraordinaire ,  un  ton  en- 
thousiaste. 

Il  semble  que  ce  soit  précisément  le  ton  en- 
thousiaste, plus  ou  moins  sensible  dans  le  langage 
du  poëte,  qui  fasse  le  caractère  propre  de. tout 
poëme,  et  qu'il  faille  aller  chercher  la  source  de 
la  poésie  dans  ce  désordre  de  l'âme  (pi'on  nomme 
enthousiasme,  où  la  présence  de  certains  objets 
jette  les  imaginations  vives,  les  génies  ardents. 
Le  silence  des  passinis,  le  calme  de  l'àine,  n'en- 
fanleront  jamais  rien  de  poétique. 

La  versification  n'est  jias  la  seule  chose  qui 
donne  le  ton  au  poème.  Le  langage  puéliiiue  a 
une  certaine  vivacité  d'expression  qui  lui  est 


POE 

prfipre.  Qu'un  pocme  soil  en  vers  ou  en  iirose 
poétique,  le  caractère  de  rexi)ression  doit  tou- 
jours s'y  trouver. 

Mais  pour  que  le  poëme  ait  quelque  prix,  il 
faut  que  l'enthousiasme  du  puëlc  S(jit  excité  par 
un  objet  important.  Cet  enthousiasme  est  ridicule 
si  le  sujet  est  commun  et  sans  intérêt. 

On  (lislingue  eu  général  tpiatrc  surtes  de  [)oë- 
mes  :  le  poëme  lyriipic,  qui  comi)rend  toutes  les 
poésies  qui  ne  sont  destinées  qu'a  ex'iH'imer  les 
mouvements  passioniK's  ([u'éprouvc  l'àme  du 
poète,  en  considérant  l'objet  dont  il  s'occupe;  le 
poëme  dnnnatiquc,  ipii  comprend  tout  ce  (lui 
peint  comme  itrésente  une  action  unique  et  pas- 
sagère, dont  les  acteurs  eux-mêmes  paraissent, 
parlent,  agissent,  et  se  font  connaître,  sans  (îu'on 
ait  besoin  dos  récits  du  jioëte;  le  poëme  épiipie, 
dans  le(]uel  le  poëte  raconte  lui-même  un  événe- 
ment présenté  comme  passé;  enlin,  le  pucme 
didactique,  où  le  poëie  expose  une  vérité  spécu- 
lative ou  pratique.  (Extrait  de  VEncijclopédie.) 
Voyez  Poésie,  Si/jet. 

Poésie.  Subst.  f.  On  appelle  poésie  du  style, 
une  hardiesse,  une  liberté,  une  richesse  de  style 
particulières  à  la  poésie.  La  poésie  du  style 
comprend  les  pensées,  les  mots,  les  tours  et  l'har- 
monie. Toutes  ces  parties  se  trouvent  dans  la 
prose  même  ;  mais  comme  dans  les  arts  tels  que 
la  poésie,  il  s'agit  non-seulement  de  rendre  la 
nature,  mais  de  la  rendre  avec  tous  ses  agré- 
ments et  ses  charmes  possibles,  la  poésie,  pour 
arriver  à  sa  lin,  a  été  en  droit  d'y  ajouter  un 
degré  de  perfection  qui  les  élevât,  pour  ainsi 
dire,  au-dessus  de  leur  condition  naturelle.  C'est 
pour  cette  raison  que  les  pensées,  les  mots,  les 
tours,  ont  dans  la  poésie  une  hardiesse,  une  li- 
berté, une  richesse  qui  paraîtrait  excessive  dans 
le  langage  ordinaire.  Ce  sont  des  comparaisons 
toutes  nues,  des  métaphores  éclatantes,  des  ré- 
pétitions vives,  des  apostrophes  singulières.  La 
poésie  du  style  consiste  encore  à  prêter  des  sen- 
timents intéressants  à  tout  ce  qu'on  fait  parler, 
comme  à  exprimer  par  des  figures,  et  à  présen- 
ter sous  des  images  capables  de  nous  émouvoir, 
ce  qui  ne  nous  toucherait  pas  s'il  était  simple- 
ment en  style  prosaïque.  —  Mais  chaque  genre 
de  poëme  a  quelque  chose  de  particulier  dans  la 
poésie  de  son  style.  La  plupart  des  images  dont 
il  convient  que  le  style  de  la  tragédie  soit  nourri, 
pour  ainsi  dire,  sont  trop  graves  pour  le  style  de 
la  comédie  ;  du  moins  le  style  comique  ne  doit- 
d  en  faire  qu'un  usage  très-sobre.  Les  églogues 
empruntent  leurs  peintures  et  leurs  images  des 
objets  qui  parent  la  campagne,  et  des  événements 
de  la  vie  rustique.  La  poésie  du  style  de  la  satire 
doit  être  nourrie  des  images  les  plus  propres  à 
exciter  notre  bile.  L'ode  monte  aux  cieux  pour 
y  emprunter  ses  images  et  ses  comparaisons  du 
tonnerre,  désastres  eïdes  dieux  mémos.  —  C'est 
par  la  poésie  du  style  que  los  vers  différent  le 
plus  de  la  prose.  Bien  di's  métaphores  (pii  passe- 
raient pour  des  figures  trop  hardies  dans  le  style 
oratoire  le  plus  élevé,  sont  reçues  en  poésie;  les 
images  et  les  figures  doivent  être  encore  plus 
fréquentes  dans  la  plupart  des  genres  de  la  poésie, 
que  dans  les  discours  oratoires;  la  rhétori(iue, 
qui  veut  persuader  notre  raison,  doit  toujours 
conserver  un  air  de  modération  et  de  sincérité.  11 
n'en  est  pas  de  même  de  la  poésie,  qui  songe  a 
nous  émouvoir  préférablement  à  toute  chose.  — 
Cette  partie  de  la  poésie  la  plus  importante  est 
en  ruême  temps  la  plus  difficile.  Il  n'y  a  qu'un 
hnmme  do  génie  qui  puisse  soutenir  ses  vers  par 


POI 


SSB 


des  fictions  et  par  des  images  sans  cesse  renais- 
santes. (^Extrait  de  V Encyclopédie.)  ^'oyez  Style, 
Fers. 

Poète.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme,  on 
dit  aussi  poè/e  .-  Cette  femme  est  puète.  Mais  en 
ne  dirait  pas  avec  l'article,  la  poëte  Saph».  Ce 
serait  le  cas  de  dire  la  poétesse.  L'Acail-rnie 
admet  ce  mot,  mais  elle  remarque  qu'il  est  |)cu 
usité,  et  elle  a  raison. 

Poétique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  dit 
que  des  choses,  et  on  peut  le  mettre  avant  son 
subst.,  en  consultant  l'oreille  cl  l'analogie  :  Ou- 
vrage puéuique,  style  poétique,  expression  poé- 
tique, invention  poétiqve  ;  cette  poétique  inten- 
tion; enthousiasme  poétique,  ce  poétique  en- 
ihoiisias»ie.  Voyez  Adjectif. 

PoÉTiQUEMKNT.  Adv,  Il  sc  met  après  le  verbe  : 
Il  s'est  exprimé  poétiquement. 

Poids.  Subst.  m.  Le  d  ne  se  prononce  point. 

Poignant,  Poignante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
poindre.  Il  ne  se  met  (pi'aprés  son  subst.  :  Uiie 
douleur  poignante.  Féraud  prétend  tpi'il  vieillit, 
et  que  c'est  un  mot  à  demi  gaulois.  Nous  pen- 
sons qu'il  y  a  des  cas  où  il  ne  peut  être  rem- 
placé. 

Poindre.  V.  n.  de  la  4*'  conj.  Paraître.  Il  ne  s«> 
dit  qu'à  l'infinitif  et  au  futur  :  Le  jour  ne  fait 
que  poindre  ;  le  jour  coimnence  à  poindre;  j'e 
partirai  dès  que  le j'our  poindra. 

Point.  Adv.  de  négation,  qui  est  ordinairement 
précédé  de  7ie,  et  qui  lui  sert  connue  de  complé- 
ment :  Je  ne  veux  point.  Quand  on  l'emploie 
seul,  c'est  (ju'il  y  a  eUipse,  comme  dans  ces  vers 
de  Crébillon  [Catilina,  act.  I,  se.  iv,  37)  : 

Souvenez-vous  enfin  qu'un  généreux  courage 
Pardonne  à  qui  le  hait,  mais  point  à  qui  l'outrage. 

C'est-à-dire,  ne  pardonne  point  à  qui  Voutrage. 
Point  de  bonheur  sans  ver/M,  c'est-à-dire,  il  n'y 
a  point  de  bonheur,  etc.  11  eu  est  de  même  (|uand 
point  sert  de  réponse  à  une  (question  :  En  voulez- 
vous?  -Point,  c'est-à-dire  je  n'enveux point.  On 
le  met  aussi  quelquefois  seul  devant  un  adjectif; 
alors  l'ellipse  a  encore  lieu  '.Il  est  bienfaisant, 
indulgent,  point  soupçonneux ,  c'est-à-dire  il 
n  est  point  soupçonneux.  Voyez  Ne,  Négation, 
Pas. 

Point.  Subst.  m.  Corneille  a  employé  ce  mot 
dans  .e  sens  de  question,  difficulté  [Cinna,  act. 
IV,  sc.  IV,  67)  : 

Je  ne  vocs  quitte  point, 
Seigneur,  que  mon  amour  n'ait  obtenu  ce  point. 

Ce  mot  point  est  trivial  et  didactique  ;  premier 
point,  second  point,  point  principal.  (Voltaire, 
Remarques  sur  Corneille.) 

Point.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire.  Petite 
marque  qui  se  fait  avec  la  pointe  de  la  plcmc 
posée  sur  le  papier  comme  [lour  le  piquer.  On 
se  sert  de  cette  marque  à  bien  des  usages. 

[0  On  termine  par  un  point  toute  proposition 
dont  le  sens  est  entièrement  absolu  et  indépeo- 
dant  de  la  proposition  suivante;  et  il  y  a  pour 
cela  trois  sortes  de  points  :  le  point  simple,  qui 
termine  une  proposition  purement  cxjiositive;  le 
point  inlerrogaitfou  d'inloiTogation,  (pii  termine 
une  proposition  inlerrogiiiivc,  et  qui  se  marque 
ainsi  (■?)  voyez  Interroganli  ;  enlin  le  point 
admiraiif^'n  d'admiration,  que  l'on  nomme  aussi 
point  d'exclamation,  et  dont  voici  la  figure  (!) 
Vovez  Admiratif. 


560 


POI 


2'  On  se  sert  aussi  de  deux  points  posés  verli- 
cjieuicni,  ou  d'un  point  sur  une  virgule,  ;i  la  lin 
d'un(!  proposiiion  cxposilive  dont  le  sens  grani- 
niaiical  est  complet  et  liai,  mais  <]ui  a  avec  la 
projiosition  suivante  une  liaison  logique  et  né- 
cessaire. 

o"^  On  met  deux  points  horizontalcMiont  an- 
dessus  d'une  voyelle  pour  indiquer  iju'il  faut  la 
prononcer  séparément  d'une  autre  voyelle  (lui  la 
précède,  avec  laquelle  on  pourrait  croire  qu'elle 
ferait  une  diithlhungue,  si  l'on  n'en  ét.iil  averti 
par  cette  i;iar(iue,  que  l'on  nomme  diérèse, 
comme  dans  Suiil,  qui,  sans  la  diérèse,  pourrait 
se  prononcer  Satil,  comme  nous  prononçons 
Paul.  Voyez  l'réinu. 

4»  On  disp.ise  quelquefois  (jualre  points  hori- 
zontalement dans  le  corps  de  la  lii:ne,pour  indi- 
quer l;i  suppression,  soit  du  reste  d'un  discours 
commemé,  et  qu'on  n'achève  jias  par  i)udeur, 
par  modération,  ou  par  quelque  autre  motif; 
soit  d'une  partie  d'un  texte  que  l'on  cile,  ou  d'un 
discours  que  l'on  rapporte  :  Il  a  dit....  mais 
épaigiioiis-lui  la  hnnle  de  ce  reproche. 

5""Enlin,  la  cranite  que  l'on  ne  confondit  Vi 
écrit  avec  un  jamliaue  d'w,  a  introduit  l'usage 
de  mettre  un  point  au-dessus,  '\oyez  Ponc- 
iuiition. 

l'oiME.  Subst.  f.  Terme  de  littérature.  Jeu 
d'esprit  qui  roule  sur  les  mots,  ou  sur  les 
pensées. 

"\oici  ce  qu'en  dit  Boileau,  dans  son  Art  poé- 
tique (11, 105)  : 

Jadis  de  nos  auteurs  les  pointes  i:;norées 
Furent  de  l'Italie  en  nos  vers  attirées. 

La  raison  outragée  enlin  ouvrit  les  yeux, 
La  chassa  pour  jamais  des  discours  sérieux, 
El  dans  tous  ces  écrits  la  déclarant  infâme. 
Par  grâce  lui  laissa  l'entrée  en  répigramme, 
PourTu  que  sa  finesse,  éclatant  à  propos. 
Roulât  sur  la  ptnsée  et  non  pas  sur  les  mots. 

Ce  n'était  pas  seulement  dans  les  ouvrages 
d'esprit  (ju'on  imaginait  devoir  donner  place 
aux  pointes,  elles  faisaient  les  jilus  riches  orne- 
ments de  nos  sermonnaires.Le  pèreCaussin,  dans 
sa  Cour  Saijile,  dit  que  les  Jwimnes  ont  bâti 
la  tour  de  Bubel,  et  les  femmes  la  tuvrde  Babil. 
Dans  les  ouvrages  sérieux,  cet  abus  des  termes 
est  de  mauvais  goùl  ;  mais  dans  un  oi;\ragc 
badin,  ou  dans  la  conversation  familière,  il  peut 
trouver  sa  place.  ^I.  Orri ,  contrôleur  général 
des  financos,  disait  à  quelqu'un  :  Suves-vous 
bien  que.  j'ui  quatrc-ciiigl  mille  hommes  sous 
mes  ordres! — Ah  !  monsieur,  lui  répondit-on, 
vous  avez  là  un  beau,  camp  volant.  A'oilà  comme 
il  faut  faire  des  pointes,  (jn  ne  pas  s'en  mêler. 

On  nomme  pointe  de  l'épigraunne,  la  pensée 
«fui  pique  le  lecteur  et  qui"  l'intéresse.  Toute 
épigrainmo  a  deux  parties  :  l'exiwsitiou  du  sujet, 
et  la  pointe  tiui  eu  résulte  ; 

Ci-5il  ma  fem-me  : 

V  oilà  l'exposition  du  sujet  : 

.\h!  qu'elle  est  bien, 
Pour  son  repos  et  pour  le  mien  ! 

Voilà  la  pointe.  Cette  pointe  doU  être  présentée 
heureusement  et  en  peu  de  mots  ;  elle  doit  être 
intéressante,  soit  pour  le  fond,  soit  pour  le  tour. 
Elle  intéresse  encore  par  la  finesse  de  l'idée, 


POI 

comme  dans  l'épigramine  de  l'Anthologie,  renfer- 
mée dans  un  seul  vers  : 

Je  cbanlais,  Homère  écrifail. 

Queliiuefois  la  plaisanterie  fait  la  pointe  de 
l'éiiigramme,  comme  dans  celle-ci,  du  chevalier 
de  (JaiUy  : 

Dis-jc  quelque  chose  asseï  belle? 
L'antiquité  toule  en  cervelle 
Me  dit  :  Je  l'ai  dit  avant  toi. 
C'est  une  plaisante  donzelle  ; 
Que  no  venait-elle  après  moi? 
J'aurais  dit  la  cbosc  avant  elle. 

tjuelquefois  c'est  le  jeu  de  mots  : 

Huissiers,  qu'on  fasse  silence, 
Dit  en  tenant  l'audience 
Un  président  de  Baiigéf 
C'est  un  bruit  à  tête  fendre; 
Kous  avons  déjà  jugé 
Dix  causes  sans  les  entendre. 

D'autres  fois  c'est  la  malignité,  ou  une  ab- 
surdité qui  n'était  pas  altenJue.  Mais  de  toutes 
les  espèces  de  pointes  épigrammatiques,  il  n'y  en 
a  guère  qui  frappent  plus  tiuc  les  retours  inat- 
tendus : 

L'n  gros  serpent  mordit  Aurèle, 
Que  croyez-vous  qu'il  arriva? 
Qu'Aurèle  en  mourut?  Bagatelle  ; 
Ce  fut  le  serpeul  qui  creva. 

[Encyclopédie.] 

Pointilleux,  Pointilleuse:.  Adj.  :  Un  homme 
pointilleux,  pointilleux  sur  le  cérémonial.  On 
peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consultant 
l'oreille  et  l'analogie  : 

Or,  votre  sagesse  n'est  pas 
Cette  pointilleuse  harpie 
Qui  raisonne  sur  tous  les  cas. 

(Volt.,  Épttre,  XXXI,  15.) 

Pointu,  Pointue.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Une  t'pce  pointue,  vn  couteau 
pointu.  —  Nez  pointu,  menton  pointu.  —  Esprit 
pointu. 

Poison.  Subst.  m.  L'usage  île  ce  mot  au  figure 
est  très-fréiiuenl  et  très- varié.  L'Académie  ne  l'a 
indiqué  <iue  fort  imparfaitement.  Nous  allons 
y  su[)pléer  i)ar  quel(|ucs  exem|)los  :  Tout  le 
reste  na  servi  qu'à  augmenter  le  poison  qui 
brûle  déjà  dans  vton  cœur.  (Fénel.,  Télévi.,  liv. 
IV,  t.  I,  p.  153.)  f^otis  avez  dans  Vâme  un 
poison  phis  mortel  que  celui  dont  vous  voulez 
guérir.  (Montesquieu,  W  lettre  persane.) 

D'un  regard  enclianti;ur  connait-il  le  poison  ? 

(Ràc,  Britan.,  act.  II,  se.  ii,  57.) 

Quel  funeste  poiSon 
L'amour  a  répandu  sur  toute  ma  maison  ! 

(Uac,  Phéd.,  act.  m,  se.  VI,  4) 

Un  funeste  poison 
Se  répand  en  secret  sur  toute  ma  maison. 

(Volt.,  Brut.,  act.  II,  se.  ir,  2.) 

Ce  mot  était  autrefois  féminin,  et  le  peuple  le 
fait  aujourd'hui  de  ce  genre. 

PoissAHD,  PoissAiiDE.  Adj.  Qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Le  genre  poissard,  chanson 
poissarde,  expression  poissarde. 

Poissonneux,  Poissonneuse.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Rivière  poissonutue*' 


PON 

Polaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  semé 
qu'uprés  sou  subsl.  :  Cercle  polaire,  étoile 
polaire. 

Polémique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  uuèrc  qu'nprès  son  subst.  :  Ouvrage  polé- 
mique, style  polémique, genre  polémique,  écrivain 
polémique. 

Poliment.  Adv.  On  peut  le  inellre  cnlrc  l'auxi- 
liaire et  le  païUcipe  :  //  a  reçu  poliment  tout 
le  inonde,  ou  il   a  poliment  reçu  tout  le  monde. 

Polisseur.  Adj.  ciiiplovc  subslantivemenl.  Il 
fait  au  féminin  polisseuse. 

Politique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
ordinairement  (Hi'aprt'.s  son  subsl.  :  Maxime 
politique,  discours  politique,  réflexions  polir- 
tiques,  conduite  politique. 

Politiquement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  a  agi  pditiquement 
dans  cette  circonstance,  ou  il  a  politiquement 
agi. 

Polysyllabe.  Adj.  des  deux  genres.  On  pro- 
nonce ce  mot  comme  si  les  deux  mots  dont  il 
est  composé  étaient  séparés,  et  qu'on  écrivit 
poly-sylUthe.  En  conséiiuencc,  le  «  de  syllabe  est 
considéré  comme  une  lettre  initiale,  et  consnrve 
sa  prononciation  primitive.  Terme  de  çramniaire. 
il  signifie,  qui  est  de  plusieurs  syllabes.  11  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  mctpulysyllahe. 

PoLYSYNODiE.  Subst.  f.  On  prononce  ce  mol 
comme  si  les  deux  mots  dont  il  est  composé 
étaient  séparés,  poly-synodie.  En  conséquence,  le 
8  est  considéré  comme  une  lettre  initiale,  et  con- 
serve sa  prononciation  primitive. 

Pompecsf.me.nt.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  commencé  pom- 
peusement sa  harangue,  OU  il  a  pompeusement 
couimencé  sa  harangue. 

Pompeo:',  Pompeuse.  Adj.  On  peut  souvent  le 
mettre  avant  son  subsl.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Appareil  pompeux,  pompeux  ap- 
pareil ;  entrée  pompeuse ,  pompeuse  entrée; 
équipage  pompeux,  pompeux  équipage. 

Calchas,  dit-on,  prépare  un  pompeux  sacrifice. 

(TIac,  Iphig.,  act.  II,  se.  Il,  43.) 

Ponctuation.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire. 
La  ponctuation  esl  l'art  d'indiquer  dans  l'écri- 
ture, par  les  signes  reçus,  la  proportion  des  pau- 
ses que  l'on  doit  laire  en  parlant;  de  distinguer 
les  sens  partiels  qui  conslituenl  un  discours  ; 
et  de  mariiuer  la  dilférence  des  degrés  de  sub- 
ordination i]ui  conviennent  à  chacun  de  ces 
sens.  Nous  croyons  ne  pouvoir  rien  donner  de 
meilleur  sur  celte  matière,  qu'un  extrait  de  l'ar- 
ticle Ponctuation  que  Beauzée  a  fait  insérer 
dans  V Encyclopédie. 

Les  caractères  usuels  de  la  i)onclualion  sont 
la  virgule,  qui  marque  la  moindre  de  toutes  les 
pauses,  une  jjause  presque  insensible;  un  point 
et  une  virgule,  (]ui  désigne  une  pause  un  peu 
plus  grande;  les  deux  points,  qui  annoncent  un 
repos  encore  un  peu  plus  considérable;  et  le 
point,  qui  niariiue  la  plus  grande  de  toutes  les 
pauses. 

Le  choix  de  ces  caractères  devant  dépendre  de 
la  proportion  qu'il  convient  d'établir  dans  les 
pauses,  l'art  de  ponctuer  se  réduit  à  bien  con- 
naître les  principes  de  celle  proportion.  Or,  il 
est  évident  qu'elle  doit  se  régler  sur  les  besoins 
de  la  respiration,  combinés  néanmoins  avec  les 
sens   partiels  qui  conslituenl  les  propositions 


PON 


5C1 


totales.  Si  l'on  n'avait  égard  qu'aux  besoins  de  la 
respiration,  le  discours  devrait  se  jiarlager  en 
parties  à  peu  prés  égales;  et  souvent  on  sus- 
pendrait maladroilement  nn  sens  tpii  pourrait 
même  par  là  devenir  ininlcUigible  ;  d'autres  fois 
on  unirait  ensemble  des  sens  tout  à  fait  dissem- 
blables et  sans  liaison,  ou  la  lin  de  l'expression 
d'un  sens  avec  le  cumniencemcul  d'un  autre. 
Si,  au  contraire,  on  ne  se  propusait  que  la  dis'inc- 
lion  des  sens  partiels,  sans  égard  aux  besoins 
de  la  respiration,  chacun  placerait  ces  caractères 
distinctifs  selon  qu'il  jugerait  convenable  d'ana- 
toiniser  plus  ou  moins  les  parties  du  discours  : 
l'un  le  couperait  par  masses  énormes  qui  met- 
traient hors  d'haleine  ceux  qui  voudraient  les 
prononcer  de  suite;  l'autre  le  réduirait  en  parti- 
cules qui  feraient  de  la  parole  une  espèce  de  bé- 
gaiement dans  la  bouche  de  ceux  qui  voudraient 
marquer  toutes  les  pauses  écrites. 

Outre  qu'il  faut  combiner  les  besoins  des  pou- 
mons avec  les  sens  partiels,  il  e>t  encore  indis- 
pensable de  piendrc  garde  aux  difféienls  degrés 
de  subordination  qui  conviennent  à  chacun  de 
ces  sens  partiels,  dans  l'ensemble  dune  propo- 
sition ou  d'une  période,  et  d'en  tenir  compte 
dans  la  ponctuation  par  une  gradation  propor- 
tionnée dans  le  choix  des  signes.  Sans  celte  atten- 
tion, les  parties  subalternes  du  troisième  ordre, 
par  exemple,  seraient  séparées  entre  elles  par 
des  intervalles  égaux  à  ceux  qui  distinguent  les 
parties  du  second  ordre  et  du  premier;  et  cette 
égalité  des  intervalles  amènerait  dans  la  pronon- 
ciation une  sorte  d'équivoque,  puisqu'elle  pré- 
senterait comme  parties  également  dépendantes 
d'un  même  tout,  des  sens  réellement  subordonnés 
les  uns  aux  autres,  et  distingués  par  différents 
degrés  d'affinité. 

Passons  au  détail  du  système  qui  doit  naître 
naturellement  de  ces  principes.  J'en  réduis  toutes 
les  règles  à  quatre  chefs  principaux,  relativement 
aux  quatre  espèces  de  caractères  usités  dans 
notre  ponctuation. 

I.  De  la  virgule.  La  virgule  doit  être  le  seul 
caractère  dont  on  fasse  usage  parlout  où  l'on  ue 
fait  qu'une  seule  division  des  sens  partiels,  sans 
aucune  subdivision  subalterne.  La  raison  de  celle 
première  règle  générale  est  que  la  division  donl 
il  s'agit  se  faisant  pour  ménager  la  faiblesse  ou 
de  l'organe,  ou  de  rinlelligence,  mais  toujours 
un  peu  aux  dépens  de  l'unité  de  la  pensée  totale, 
qui  est  réellement  indivisible,  il  ne  faut  accorder 
aux  besoins  de  l'humanité  que  ce  tiui  leur  est 
indispensablement  nécessaire,  et  conserver  le 
plus  scrupuleusement  qu'il  esl  possible  la  vérité 
et  l'unité  de  la  pensée,  dont  la  parole  doit  pré- 
senter une  image  fidèle.  C'est  donc  le  cas  d'em- 
ployer la  virgule,  qui  est  suffisante  pour  marquer 
un  repos  ou  une  distinction,  mais  qui,  indiquant 
le  moindre  de  tous  les  repos,  désigne  aussi  une 
division  (jui  altère  peu  l'unité  de  l'expression  et 
de  la  pensée.  Applicjuons  cette  règle  générale 
aux  cas  particuliers: 

1»  Les  parties  similaires  d'une  même  propo- 
sition composée  doivent  être  séparées  par  des 
virgules,  pourvu  ijuil  y  en  ait  pins  de  deux,  et 
qu'aucune  de  ces  parties  ne  soit  subdivisée  en 
d'autres  parties  suballernes. 

Exem|)les  pour  plusieurs  sujets  :  La  riche.vse, 
le  plaisir,  la  santé,  deviennent  des  vi aux  pour 
qui  ne  .lait  pas  en  user.  [Tliéor.  des  sent.,  cb. 
XIV.)  —  Le  regret  du  passé,  le  chagrin  du  pré- 
sent, l'inquiétude  sur  l'avenir,  sont  les  fléaux 
qui  affligent  le  plus  le  genre  humain.  (Idem.) 

36 


5G2 


PON 


Exemple  de  plusieurs  attributs  réunis  sur  un 
même  sujet  :  Un  prince  d'une  naicsance  incer- 
taine, ndirri  pur  une  femme  prostilui'e ,  clevé 
par  des  bergers,  et  depuis  devenu  chef  de  bri- 
gands, jeta  les  premiers  fondements  de  la  capi- 
tale du  monde.  (Verlol.,  Béi-ol.  rom.,  liv.  I.) 

Exemple  de  plusieurs  verbes  rapportés  au 
même  sujet  :  //  alla  dans  cette  caverne, 
trouva  des  instruments,  abattit  des  peupliers, 
et  viit  en  un  seul  jour  un  vaisseau  en  état  de 
voguer.  ^Fénel.,  Tclém.,  liv.  vu,  t.  I,  p.  241.) 
Exemples  de  plusieurs  compléiiiPiUs  d'un  même 
verbe  ;  Ainsi  que  d'autres  encore  plus  anciens 
qui  enseignèrent  à  se  nourrir  du  blé,  ii  se  vêtir, 
à  se  faire  des  habitations,  à  se  procurer  les 
besoins  de  lu  rie,  ii  se  précautionner  contre  les 
bêtes  férrces.  (D'Olivet,  traduction  d'une  phrase 
des  Tusculanes,  liv.  I,  ch.  25)  Je  connais  quel- 
qu'un qui  loue  sa7is  estime,  qui  décide  sans  con- 
naître, qui  contredit  sans  avoir  d'opinion,  qui 
parle  sa/is  penser,  et  qui  s'occupe  sans  rien 
faire.  (Girard,  t.  II,  p.  456.) 

2°  I.i.rsqu'il  n'y  a  (juc  deux  parties  similaires, 
si  elles  ne  sont  que  rapprochées  sans  conjonction, 
le  besoin  d'indiquer  la  diversité  de  ces  parties 
exige  entre  denx  une  virgule  dans  l'orthographe, 
et  une  pause  dans  la  prononciation.  Exemple  : 
Des  anciennes  mœurs,  un  certain  usage  de  la 
pauvreté,  rendaient  éi  Rome  les  fortunes  à  peu 
près  égales.  (Montesquieu,  Grandeur  et  décad. 
des  Rom.,  eh.  IV.) 

Si  les  deux  parties  similaires  sont  liées  par 
i:ne  conjonction,  et  que  les  deux  ensemble  n'ex- 
cèdent pas  la  portée  commune  de  la  respiration, 
la  conjonction  sufGt  pour  marquer  la  diversité 
des  parties,  et  la  virgule  romprait  mal  à  propos 
l'uniti;  du  tout  qu'elles  constituent,  puisque 
l'organe  n'exige  point  de  repos.  Exemples  :  L'ima- 
gination et  le  jugement  ne  so7it  pas  toujours 
d'accord.  {Gramm.  de  Buffier,  n»  980)  Il  parle 
decequ'ilne  saitpointou  decequil  sait  mal.  (La 
Bruyère,  cli.  XI.  De  l'homme,  p.  SS'i.) 

Mais  si  les  deux  parties  similaires  réunies  par 
la  conjonction,  ont  une  certaine  étendue  qui 
empêche  (ju'on  ne  puisse  aisément  les  prononcer 
tout  de  suite  sans  respirer,  alors,  nonobstant  la 
conjonction  qui  marque  la  diversité,  il  faut  faire 
usage  de  la  virgule  pour  indiquer  la  pause  :  c'est 
le  besoin  seuf  de  l'organe  qui  fait  ici  la  loi. 
Exemples:  Il  formait  ces  foudres  dont  le  bruit 
a  retenti  par  tout  le  moîide,  et  ceux  qui  grondent 
encore  sur  le  point  d'éclater.  (Pelisson.)  Elle 
(l'Eglise)  n'a  jamais  regardé  comme  purement 
inspiré  de  Dieu,  que.  ce  que  les  apôtres  ont  écrit, 
iiu  ce  qu'ils  ont  confirmé  par  leur  auù.rité. 
Boss..  Disc,  sur  l'hist.  univers.,  II«  part.,  ch. 
27,  p.  366  ) 

Restant  (ch.  XVI)  veut  qu'on  écrive  sans  vir- 
gule, l'exercice  et  la  frugalité  farmeyit  le  tempé- 
rament. Je  neveux  plus  vous  voir  nirous  parler  ; 
et  il  fait  bien.  Mais  on  met  la  virgule,  dit-il,  avant 
ces  conjontions,  si  les  termes  qu'ils  assemblent 
sont  accompagnés  de  circonstances  ou  de  phrases 
inciden!cs,  comme  quand  on  dit  :  L'exercice 
que  Von  prend  à  la  citasse,  et  la  frugalité  que 
l'on  observe  dans  les  repas,  fortifient  le  tempé- 
rament. Je  ne  veus  plus  vous  voir  dans  l'état 
oit  vous  êtes,  ni  votis  parler  des  i-isqurs  que  vous 
courez.  —  Cette  remarque  indique  une  raison 
fausse.  L'addition  d'une  circonstance  ou  d'une 
phrase  incidente  ne  rompt  jamais  l'unité  del'ex- 
prossion  totale,  etconséquemment  n'amène  jamais 
le  besoin  d'en  séparer  les  parties  par  des  pauses; 


PON 

ce  n'est  que  quand  les  parties  s'allongent  asso/: 
pour  fatiguer  l'organe  de  la  prononcialiun,  qu'il 
faut  indiipicr  un  repos  entre  deux  par  la  virgule; 
si  l'addition  n'est  |)as  assez  considérable  pour 
c«la,  il  ne  faudrait  point  de  virgule,  et  l'on  dira 
très-bien  sans  pause  :  Un  exercice  ynodéré  et  une 
frugalité  honnête  fortifient  le  teuipérament.  Je 
?ie  veux  plus  vous  voir  ici  ni  vous  parler  sans 
témoins.  Dans  ce  cas,  la  règle  de  Reslaut  est 
fausse,  pour  être  trop  générale. 

3o  Ce  qui  vient  d'être  dit  des  deux  parties 
similaires  d'une  proposition  composée,  doit  en- 
core se  dire  des  membres  d'une  période  qui-n'en 
a  que  deux,  lorsque  ni  l'un  ni  l'autre  n'est  subdi- 
visé en  parties  subalternes  dont  la  distinction 
exige  la  virgule;  il  faut  alors  en  séparer  les  deux 
membres  par  une  simple  virgule.  Exemples  :  La 
certitude  de  nos  connaissances  ne  suffit  pas  pour 
les  rendre  précieuses ,  c'est  leur  importance 
gui  en  fait  le  prix.  On  croit  quelquefuis  haïr 
la  flatterie,  mais  on  ne  hait  que  la  manière  de 
flatter.  (La Rochefoucauld,  ?>2ii" maxime, p.  1<S4.) 
Si  nous  n'avions  point  de  défauts,  nous  nepren- 
dr  ions  pas  tant  de  plaisir  à  en  trouver  dans  les 
autres.  (Idem,  31"^  maxiuie,  '164.) 

4"  Dans  le  style  coupé,  ou  un  sens  total  est 
énoncé  par  plusieurs  propositions  qui  se  suc- 
cèdent rapidement,  et  dont  chacune  a  un  sens 
fini  et  qui  semble  comjjlet,  la  simple  virgule 
suffit  encore  pour  sé|)arcr  ces  pro|iositions',  si 
aucune  d'elles  n'est  divisée  en  d'autres  parties 
subalternes  qui  exigent  la  virgule.  Exemple  : 
Les  voilà  comme  des  bêtes  cruelles  qui  cherchent 
(i  se  déchirer  ;  le  feu  brille  dans  leurs  yeux, 
ils  se  raccourcissent,  ils  s'allongent,  ils  se  bais- 
sent, ils  se  relèvent,  ils  s'élancent,  ils  sont 
altérés  de  sa7ig.  (Fénel.,  Télém.,  liv.  xvi,  t.  H, 
p.  d35.)On  débute  par  une  proposition  générale: 
Les  voilà  comme  deux  bêtes  cruelles  qt/i  cher- 
chent à  se  déchirer  ;  et  elle  est  séparée  du  reste 
par  une  ponctuation  plus  forte;  les  autres  pro- 
positions sont  comme  différents  aspects  et  divers 
développements  de  la  pi'eniicrc. 

5»  Si  une  proposition  est  simple  et  sanshyper- 
bate,  et  que  l'étendue  n'en  excède  pas  la  portée 
commune  de  la  respiration,  elle  doit  s'écrire  de 
suite  sans  aucun  signe  de  ponctuation.  Exemples  : 
L'homme  injuste  ne  voit  la  mort  que  comme  un 
fantôme  affreux.  Il  est  plus  honteux  de  se  défief 
de  ses  ai  lis  que  d'en  être  trompé.  (La  Rochefou- 
cauld, Si"  maxime,  p.  \H&)Je  préfère  le  témoi- 
gnage de  ma  conscience  à  tous  les  discours  qu'on 
peut  tenir  de  moi.  (D'Olivet,  traduction  d'un 
passage  des  lettres  de  Cicéron  àAtlicus,  liv.  XIL 
lettre  28.) 

Mais  si  l'étendue  d'une  proposition  excède  la 
portée  ordinaire  de  la  respiration,  dont  la  mesure 
est  à  peu  près  dans  le  dernier  exemple  que  je 
viens  de  citer,  il  faut  y  marquer  des  repos  par 
des  virgules  placées  de' manière  qu'elles  servent 
à  y  distinguer  quelques-unes  des  parties  con- 
stitutives, comme  le  sujet  logique,  la  totalité 
d'un  complément  objectif,  d'un  conr.plément 
accessoire  ou  circonstantiel  du  verbe,  un  attribut 
total,  etc. 

Exemple  où  la  virgule  distingue  le  sujet  lo- 
gique :  La  venue  des  faux  Christs  et  des  faux 
prophètes,  semblait  être  un  plus  prochain  ache- 
minement à  sa  dernière  ruine.  (Boss.,  Disc,  sur 
l'hist.  univers.,  Ile  |)arl.,  ch.  22,  p.  3t>4.) 

];xemple  où  la  virgule  sépare  un  complément 
circonstanciel  :  Chaque  connaissance  ne  se  dé- 
veloppe, qu'après  qu'un  certain  nombre  de  cou- 


PON 

■naissaHcex  précédentes  se  sont  développées. 
(Fonlenelle,  Préface  des  élémenisde  la  géométrie 
de  l'infini.} 

Exemple  où  la  virgule  scrl  à  distinguer  un 
complénionl  accessoire  :  L'homme  impatient  est 
entraîne  par  ses  désirs  indomptés  et  farouches, 
dtim  un  abîme  de  malheurs.  (Féncl.,  Tclém., 
liv.  XXIV,  l.  II,  p   3S6.) 

Lorsque  l'ordre  naturel  d'une  proposition 
simple  est  troublé  ])ar  quehjuc  hyperbale,  la 
partie  transposée  doit  être  terminée  par  une 
virgule,  si  elle  coinnience  la  proposition;  elle 
doit  être  entre  deux  viii-'ulcs,  si  elle  est  enclavée 
dans  d'autres  parties  de  la  proposition. 

Exemple  de  la  première  espèce  :  l^ouies  les 
vérités  produites  seulement  par  le  calcul,  on  les 
pourrait  traiter  de  vérités  d'expérience.  (Fon- 
lenelle, Préface  des  éléments  de  la  géométrie  de 
l'infini.)  C  est  le  complément  objectif  qui  se 
trouve  iri  a  lu  tète  de  la  phrase  entière. 

Exemple  de  la  seconde  espèce  :  La  versifica- 
tion des  Grecs  et  des  Latins,  par  un  ordre  réglé 
de  syllabes  bières  et  longues,  donnait  d  la  mé- 
moire une  prise  suffisante.  (Thcor.  des  sent., 
ch.  .3.)  Ici  c"c^t  un  complément  modificatif  qui  se 
trouve  jeté  entre  le  sujet  logique  et  le  verbe. 

11  n'en  est  pas  de  même  du  complément  déter- 
minatif  d'un  nom; quoique l'hyjierbateen dispose, 
comme  cela  arrive  l'réiiuemmcnt  dans  la  poésie, 
on  n'y  emploie  pas  la  virgule,  à  moins  que  trop 
d'étendue  de  la  phrase  ne  l'exige  pour  le  soula- 
gement de  la  poitrine.  Le  grand  prêtre  Joad 
parle  ainsi  à  Abner  dans  Alhalie  (act.  I,  se.  i, 
61): 

Celui  qui  met  un  frein  à  b  fureur  des  flots 
Sait  aussi  des  mécliants  arrêter  les  complots. 

Le  juste  est  invulnératle  ; 
De  «on  bonheur  immuable 
Les  anges  sont  les  garants. 
(J.-B.RouSS.,  liv.  L  Ode  tirée  du  ps.  IC,  v.  55.) 

Remarquez  encore  que  je  n'indique  l'usage  de 
la  virgule  que  pour  les  cas  oit  l'ordre  naturel  de 
la  proposition  e.^t  trouble  par  rhyperbat£  ;  car 
s'il  n'y  avait  :^u'inversion,  la  virgule  n'y  serait 
nécessaire  qu'autant  qu'elle  pourrait  l'être  dans 
le  cas  même  oij  la  construction  serait  directe. 

De  tant  d'objet;:  dirers  le  bizarre  assemblage. 

(Rac,  Ath.,  act.  n,  se.  T,  56.) 

Je  ne  sentis  point  devant  lui  le  désordre  où 
novs  jette  ordinairement  lu  pré.seuce  des  grands 
hommes,  (Montesquieu,  Dialcguc  de  Sylla  et 
d'Eucrate.)  Il  ne  faut  point  dj  virgule  eu  ces 
exemples,  parce  que  l'on  n'y  en  meltrail  j'Oint 
si  l'on  dis:iit  sans  inversion  :  Le  bizarre  assem- 
blage de  tant  d'objets  divers.  Je  ne  sentis  point 
devant  lui  le  desordre  où.  la  présence  des  grands 
hommes  jette  ordinairement. 

La  raison  de  ceci  est  simple.  Le  renversement 
d'ordre,  amené  par  l'inversion,  ne  rompt  pas  la 
liaison  des  idées  consécutives,  et  la  pontUuation 
serait  en  contradiction  avec  l'ordre  actuel  de  la 
phrase,  si  l'on  introduisait  des  pauses  où  la  liai- 
son des  idées  est  continue. 

6»  11  faut  mettre  entre  deux  virgules  toute 
propositiofl  incidente  purement  explicative,  et 
écrire  de  suite  sans  virgule  toute  proposition 
incidente  déterminative.  Une  proposition  inci- 
dente explicative  est  une  espèce  de  remarque 
iiiterjective  qui  n'a  pas  avec  l'antécédent  une 


PON 


K63 


liaison  nécessaire,  puisqu'on  peut  la  retrancher 
sans  altérer  le  sens  de  la  |)roposilion  principale; 
elle  ne  fait  pas  avec  l'antécédent  un  tout  indi- 
visible ;  c'est  plutôt  une  répétition  du  même 
;uuécédent  sous  une  forme  plus  développée. 
Mais  une  proposition  incidente  liéterniinalivc  est 
une  partie  essentielle  du  tout  logique  qu'elle 
cunslitue  avec  l'antécédent;  l'aiilécédi'nt  exprime 
une  idée  partielle,  la  proposition  incidente  déter- 
minative en  exprime  une  autre,  et  toutes  deux 
Constituent  une  seule  idée  tol:1e  indivisible,  de 
manière  que  la  suppression  de  la  proposition  in- 
cidente changerait  le  sens  de  la  principale,  quel- 
•luefois  jusqu'à  la  rendre  fausse.  11  y  a  donc  un 
fondement  juste  et  raisonnable  à  employer  la 
virgule  pour  celle  qui  est  explicative,  et  à  ne 
pas  s'en  servir  pour  celle  qui  est  déterminative. 
Dans  le  premier  cas,  la  virgule  indique  la  diver- 
sité des  asjwcls  sous  lesquels  est  présentée  la 
même  idée,  et  le  peu  de  liaison  de  l'incidente 
avec  l'antécédent;  dans  le  second  cas,  la  sup- 
j)ression  de  la  vi.''gule  indique  l'union  intime  et 
indissoluble  des  deux  idées  partielles,  exprimées 
par  l'antécédent  cl  par  l'incidenlc. 

11  faut  diinc  écrire  avec  la  virgule:  Les  pas- 
siojts,  qui  sont  les  maladies  de  l'âme,  ne  vien- 
nent que  de  notre  révolte  contre  la  raison. 
(D'Olivet,  Pensées  de  Cicéron.)  11  faut  écrire  sans 
virgule  :  La  gloire  des  grands  hommes  se  doit  tou- 
j"ur.i  mesurer  aux  moyens  dont  ils  se  sontservis 
pi  ur  l'acquérir.  (La  Rochefoucauld,  157"  ?/ta- 
xiiiie,  p.  172.) 

Les  propositions  incidentes  ne  sont  pas  tou- 
jours amenées  par  qui,  que,  dont,  lequel,  duquel, 
auquel,  laquelle,  lesquels,  desquels,  auxquels, 
où,  comment,  etc.  ;  c'est  quchiuefois  un  simple 
adjectif  ou  un  participe  suivi  de  quchpies  com- 
pléments, mais  il  peut  toujours  être  ramené  au 
tour  conjonctif.  Ces  additions  sont  explicatives, 
quand  elles  précédent  l'antécédent,  ou  que  l'anté- 
cédent précède  le  verbe,  tandis  que  l'addition  ne 
vient  qu'après  ;  dans  l'un  et  l'autre  cas,  il  faut 
user  de  la  virgule,  pour  la  raison  déjà  alléguée. 
Exemples  : 

Soumis  avec  respect  à  sa  volonté  sainte, 
Je  crains  Dieu,  clier  Abner,  et  n'ai  point  d'autre  crainte. 
{Rac,  ilfh.,acl.  I,  se.  i,  63.) 

Avides  de  plaisirs,  nous  nous  flattons  d'en  re- 
cevoir de  tous  les  objets  inconnus  qui  semblent 
nous  en  promettre. 

Le  fruit  meurt  en  naissant,  dans  son  ferme  infecté. 
(YOLT,  Henr.,  IV,  162. 1 

Si  ces  additions  suivent  immédiatement  l'an- 
técédent, on  peut  conclure  qu'elles  sont  explica- 
tives, si  on  peut  les  retrancher  sans  •  aliérci-  !e 
sens  de  la  proposition  principale;  et  dans  ce  ca? 
on  doit  employer  la  virgule  : 

Daigne,  daigne,  mon  Dieu,  sur  Mathan  et  sar  elle 
Répandre  cet  esprit  d'imprudence  et  d'erreur. 
Do  la  chute  des  rois  funeste  avant-coureur. 

(Rac,  Ath.,  act.  I,  se.  ii,  128.) 

7°  Toute  addition  mise  à  la  tête  ou  dans  le 
cours  d'une  phrase,  et  qui  ne  peut  être  regardée 
comme  faisant  partie  de  la  constitution  gramma- 
ticale, doit  être  distinguée  du  reste  par  une  vir- 
gule mise  après,  si  l'addition  est  à  la  tête;  et  si 
elle  est  enclavée  dans  le  corps  de  la  phrase,  elle 
doit  être  entre  deux  virgules.  Exemples: 


SGA 


PON 


Contre  une  fille  qui  devient  de  jour  en  j'ivr 
plus  indolente,  qui  me  manque,  à  moi,  qui  vous 
manquera  b.eii^ôl,  à  vous.  (Didcrol,  Père  de 
faiinlle,  act.  111,  se.  vu.)  Cet  à  moi  et  rct  à 
vnus  sont  di'ux  véritables  liors-d'œuvre,  inlro- 
duils  |)ar  rneru'ic  dans  l'enscinble  de  la  phrase, 
rnais  enlicreinciil  inutiles  à  sa  constitution  gram- 
maticale. 

Non,  non,  bien  loin  d'être  des  demi-dieux,  ce 
ne  sont  pus  même  des  /lomme*.  (Féncl.,  Téleui., 
liv.  xMi,  t.  Il,  p.  IS'i.)  Ces  deux  non,  qui  com- 
mencent la  i)lirasc,  n'ont  avec  elle  aucun  lien 
grainmaiical;  c'est  une  addition  emphatique  dictée 
par  la  vive  persuasion  de  la  vérité  qu'énonce  en- 
suite Télcmaque.  O  iitui tels,l'espériince  enivre. 
(Vauveiiari;wcs,  Méditation  sur  lu  foi.)  Ces  deux 
mots,  6  wz/p/i,  sont  entièrement  indépendants  de 
la  syntaxe  delà  |)roposition  suivante,  cl  doivent  en 
être  séparés  par  la  virgule;  c'est  le  sujet  d'un 
YerLe  sous  entendu  à  la  seconde  jiersonne  du 
pluriel,  par  cxomi)lc,  du  \(ivhe  écoutez,  ou  pre- 
nez-y garde.  Or,  si  l'auteur  avait  dit,  mortels, 
prenez-y  carde  ,  l'espérance  enivre,  il  aurait 
énoncé  deux  jirupositions  distinctes  qu'il  aurait 
dû  séparer  par  la  virgule;  cette  distinction  n'est 
pas  moins  nécessaire,  parce  i]ue  la  première  pro- 
position devient  clliptii]ue,  ou  plutôt  elle  l'est 
encore  plus,  jiour  empêcher  qu'on  ne  cherche  à 
rapporter  à  la  seconde  un  mol  qui  ne  peut  lui 
convenir. 

Il  suit  de  cette  remarque  que,  quand  l'apos- 
trophe est  avant  un  verbe  à  la  seconde  personne, 
on  ne  doit  pas  l'en  séparer  par  la  virgule,  parce 
que  le  sujet  ne  doit  pas  être  séparé  do  son  verbe  ; 
il  faut  donc  écrire  sans  virgule,  tribuns  cédez  la 
place  auxconsuls.  (V'ertot,  Révol.  rom.,  liv.  II.) 
Cependant  l'usage  universel  est  d'employer  la 
virgule  dans  ce  cas-là  même;  mais  c'est  un  abus 
introduit  par  le  besoin  de  ponctuer  ainsi,  dans 
les  occasions  où  l'apostrophe  n'est  pas  sujet  du 
verbe,  et  ces  occurrence»  sont  très-fréquentes. 

f^ousavez  vaincu,  plébéiens.  (VcrtOl,  Révol. 
rom.,  liv.  II.)  11  faut  ici  la  virgule,  quoique  le 
mot  plébéiens  so\l  sujet  de  vous  avez  vaincu; 
mais  ce  sujet  estdabord  ex|)rimé  parroi/s,  lequel 
est  à  sa  place  naturelle,  et  le  mot  plébéiens  n'est 
plus  ([u'uii  hors-d'œuvre  grauimaiical. 

Peur  mademoiselle,  elle  paraît  trop  instruite 
de  sa  beauté.  (Girard.)  Ces  dcuxmo[s,  pmr  made- 
moiselle, doivent  être  distingués  du  reste  par  la 
virgule,  parce  (ju'iis  ne  peuvent  se  lier  grammati- 
calement avec  aucune  partie  de  la  proi)osition 
suivante,  et  i]u'ils  doivent  enconsécjucnce  élre  re- 
gardés comme  tenant  a  une  autre  proposition  cllif)- 
liiiue,  par  exemple  :  Je  parle  pour  mademoiselle. 

11  serait  apparemment  très-lacile  de  multiplier 
davantagcles  observations  (jue  l'un  pourrait  faire 
sur  l'usage  de  la  virgule,  on  entrant  dans  le  détail 
de  tous  les  cas  particuliers.  Mais  je  crois  qu'il 
sullit  d'avoir  exposé  les  régies  les  plus  générales, 
■i[  (jui  sont  d'une  nécessité  plus  commune  ■  parce 
ijuc,  quand  on  en  aina  conqiris le  sens,  la  raison, 
i:t  le  fondement,  on  saura  très-bien  ponctuer 
iia;is  les  autres  cas  ([ui  ne  sont  point  ici  détaillés, 
il  >uHira  de  se  rappeler  (jue  la  ponctuation  doit 
ujaniucr  i/U  repos  ou  distinrtion,  ou  l'un  et  l'autre 
a  la  l'ois,  et  (ju'elle  doit  être  proportionnée  à  la 
bubùrduialion  des  sens. 

Maisatant  (jue  de  passer  au  second  article,  je 
tcimincrai  eelui  ci  jiar  une  remarque  de  l'abbé 
Girard,  dont  j'adojjtc  volontiers  la  doeirine  sur 
ce  point.  «  Quelques  jMîrsonncs,  dit-il  {Disc.  iG, 
t-  il,  p.  445),  ne  mellcnl  jamais  de  virgule 


PON 

avant  la  conjonction  et,  même  dans  l'énuint- 
raiion  ;  en  (luo'i  on  ne  doit  pas  les  imiter, 
du  moins  dans  la  dernière  circonstance;  car 
tous  les  énuméraiifs  ont  droit  de  distinction, 
et  l'un  n'en  a  pas  plus  que  l'autre.  La  virgule 
est  alors  d'autant  plus  nécessaire  avant  la  con- 
jonction, tiu'elle  y  sert  à  faire  connaître  que 
celle-ci  emporte  là  une  idée  de  clôture,  par  la- 
quelle elle  indiiiue  la  lin  de  l'éiiuniération;  et 
celle  virgule  y  sert  de  plus  a  montrer  que  ce 
dernier  membre  n'a  lias,  avec  celui  qui  le  pré- 
cède immédiatement,  une  liaison  plus  étroite 
qu'avec  les  autres.  Ainsi,  la  raison  (jui  fait  dis- 
tinguer le  second  du  premier,  fait  également 
di-slinguer  le  troisième  du  second,  et  successive- 
ment tous  ceux  dont  l'énumération  est  composée. 
Il  faut  donc  que  la  virgulesc  trouve  entre  chaque 
énumératif  sans  exception.  »  —  J'ajouterai  que, 
si  les  parties  de  l'énumération  doivent  être  sé- 
parées par  une  ponctuation  plus  forte  que  la 
virgule,  pour  quelqu'une  des  causes  que  l'on 
verra  par  la  suite,  cette  ponctuation  forte  doit 
rester  la  même  avanl  la  conjonction  qui  amène  la 
dernière  partie. 

II.  Du  point  avec  vne  virgule.  Lorsque  les 
parties  ])rincipalesdaiis  lesquelles  une  [iroposilion 
est  d'abord  partagée  sont  subdivisées  en  parties 
subalternes,  ces  parties  subalternes  doivent  être 
séparées  entre  elles  par  une  simple  virgule,  et 
les  parties  principales  par  un  point  et  une 
virgule. 

On  ne  doit  rompre  l'unité  de  la  proposition 
entière  que  le  moins  qu'il  est  possible  ;  mais  on 
doiten'eore  préférer  la  netteté  de  renonciation 
orale  ou  élrite,  à  la  représentation  trop  scru- 
puleuse de  l'unité  du  sens  total,  laqiielle,  après 
tout,  se  fait  assez  connaître  par  l'ensemble  de  la 
phrase,  et  dont  l'idée  subsiste  toujours  tant  qu'on 
ne  la  détruit  pas  par  des  repos  trop  considérables, 
ou  par  des  ponctuations  trop  fortes.  Ojv  la  netteté 
de  renonciation  exige  (jue  la  subortîmation  re- 
spective des  sens  partiels  y  soit  rendue  sensible, 
ce  qui  ne  peut  se  faire  (jue  par  la  différence 
mar(}uée  des  repos  et  des  caractères  qui  les  re- 
présentent. 

S'il  n'y  a  donc  dans  un  sens  total  que  deux 
divisions  subordonnées,  il  ne  faut  employer  que 
deux  espèces  de  ponctuai  ions,  parce  qu'on  na 
doit  pas  employer  plus  de  signes  tju'd  n'y  a  de 
choses  à  signifier  :  il  faut  employer  la  virgule 
pour  l'une  des  deux  divisions,  et  un  point  avec 
une  virgule  |)our  l'autre,  parce  que  ce  sont  les 
deux  ponctuations  les  moins  fortes,  et  qu'il  ne 
faut  rompre  que  le  moins  (ju'il  est  possible  l'unité 
du  sens  total.  Le  point  avec  une  virgule  doit 
distinguer  entre  elles  les  parties  principales  ou 
de  la  première  division,  ei  la  simple  virgule  doit 
distinguer  les  parties  subalternes  ou  de  la  subdi- 
vision, parce  que  les  parties  subalternes  ont  un* 
affinité  plus  intime  entre  elles  que  les  parties 
principales,  et  qu'elles  doivent  en  cunséquenct 
être  moins  désunies. 

Passons  aux  cas  particuliers. 

d"  Lorsque  les  parties  similaires  d'une  ppi>- 
position  composée,  ou  les  membres  d'une  période, 
ont  d'autres  parties  subalterne  distinguées  par  U 
virgule,  pour  quelqu'une  des  raisons  énoncées 
ci-devant,  ces  parties  simdaires  ou  ces  membres 
doivent  être  séparés  les  uns  des  autres  par  vd 
point  et  une  virgule.  Exemples  ; 

Quelle  pensez-viius  qu'ait  été  sa  douleur  de 
quitter  Rome,  sans  l'avoir  réduite  en  cendre; 
d'.V  laisser  encore  des  citoyens,  sans  les  avoir 


PON 

passés  (lu  fil  de  Vèpée  ;  de  voir  que  nous  lui  avons 
arraché  le  fer  d'entre  les  viaiiis,  avant  qu'il 
l'ait  teint  de  notre  sang?  (D'Olivol,  Traduction 
de  la  2''  Catilinaire .)  L<'s  [virlies  similaires  dis- 
tingut'cs  ici  p;ir  un  point  cl  une  virgule,  sonl 
des  ooniplemciits  d''lei'iuin;ilifs  du  nom  douleur. 

Qu'un  vieillard  joue  le  rôle  d'un  Jeune  homme, 
lorsqu'un  jeune  homme  jouera  le  rôle  d'unricil- 
lard  ;  que  les  drcnrations  soient  champêtres, 
quoique  la  scène  soil  dans  un  palais;  que  tes 
hal/illements  ne  repondent  point  à  la  dignité  du 
personnage  ;  toutes  ces  discordances  nous  bles- 
seront. (TiiL'or.  des  sent.,  ch.  3.)  Ccst  ici  l'idée 
séiiérale  de  discordance  jjicsenlce  sous  trois 
aspects  difi'crcnts.et  le  tout  forme  le  sujet  logique 
de  blesseront. 

Quoique  vous  ayez  de  la  naissance,  que  votre 
mérite  soit  connu,  et  que  vous  ne  manquiez  pas 
d'amis;  vos  projets  ne  réussiront  pourtant 
point  sans  l'aide  de  Plutus.  (Girard,  t.  II,  p.  460.) 
C'est  une  période  de  deux  membres  dont  le  pre- 
mier est  sépare  du  second  par  un  point  et  une  vir- 
gule, parcc(]u'il  est  divisé  en  trois  parties  similai- 
res subordonnées  a  la  seule  conjonction  quoique. 

Comme  Vvndes  caractères  de  la  vraie  religion 
a  toujours  éiéd'autoriserles princes  de  la  terre  ; 
aussi,  par  un  retour  de  piété,  que  la  reconnais- 
sance même  semblait  exiger,  Vitn  des  devoirs 
essentiels  des  princes  de  la  terre,  a  toujours 
été  de  maintc7iir  et  de  défendre  lu  vraie  religion. 
(liourdaloue,  Orais.  f un.  de  Henri  de  Bourbon, 
prince  de  Condé,  2'  part.)  C'est  une  autre  période 
de  deux  membres  dont  le  premier  est  S(>paré  du 
second  par  un  point  et  une  vir;-nile,  parce  que  le 
second  est  sépare  par  des  virgules  en  diverses 
parties  pour  difleientcs  raisons  ;  par  un  retour  de 
piété,  que  la  rcconnuissance  même  semblait  exi- 
ger, se  trouve  entre  deux  virgules,  par  la  cin- 
quième régie  du  premier  article,  parce  qu'il  y  a 
livpcrbate.  Cette  même  phrase  est  coupée  en  deux 
p,M'  une  autre  virgule,  par  la  sixième  règle,  parce 
que  la  proposition  incidente  est  explicative.  Il  y  a 
une  virgule  a[)rès  l'un  des  devoirs  essentiels  des 
princes  de  la  terre,  par  la  cinquième  règle,  qui 
veut  que  l'on  assigne  des  repos,  dans  les  propo- 
sitions trop  longues  pour  être  énoncées  de  suiie 
avec  aisance. 

2»  Lorsque  plusieurs  propi^sitions  incidentes 
sont  accumulées  sur  le  même  antécédent,  et  que 
toutes  ou  que^iuc^-unes  d'entre  elles  sont  sub- 
divisées par  des  virgules  qui  y  maniueiit  des 
repos  ou  des  distinctions,  il  faut  les  séparer  les 
unes  des  auJrcs  par  un  point  et  une  virgule.  Si 
elles  sont  déterminatives,  la  première  tiendra 
immédialenicni  à  l'antécédent,  sans  aucune  punc- 
tuation;  si  elles  sont  explicatives,  la  première 
sera  séparée  de  l'antécédent  par  une  virgule, 
selon  la  sixième  règle  du  premier  article. 

Exemple  :  Politesse  noble,  qui  sait  approuver 
sans  fadeur,  hmer  sans  jalousie,  railler  sans 
aigreur;  qui  saisit  les  ridicules  avec  plus  de 
gaieté  que  de  malice;  qui  jette  de  l'agrément  stir 
les  choses  les  plus  sérieuses,  soit  par  le  sel  de 
l'ironie,  soit  par  la  finesse  de  l'expression  ;  qui 
passe  légèrement  du  grave  à  l'enjoué,  sait  se  faire 
entendre  en  se  faisant  deviner, montre  de  l'esprit 
sans  en  chercher,  et  donne  à  des  sentiments 
vertueux  le  ton  et  les  couleurs  d'une  joie  douce. 
(Théor  des  sent.,  ch.  V.)  Ce  sont  ici  des  proposi- 
tions incidentes  explicatives,  et  c'est  pour  cela 
qu'il  y  a  une  virgule  après  rantéoétfent,po/j7eMe 
noble.  Si  au  contraire  on  disait,  par  exemple  : 
Eudoxe  est  un  hotnme qui  sait  uvprourer,  etc.; 


PON 


sn; 


comme  les  mêmes  proposititns  incidentes  devien- 
draient déterminatives  de  l'antécédent  homme, 
on  ne  mettrait  point  de  viigule  entre  cet  antécé- 
dent et  la  première  inciiienle;  mais  la  ponctua- 
tion resterait  la  même  partout  ailleurs. 

3'  Dans  le  style  coupé,  si  (]uelqu'une  des  prO' 
positions  détacliées  qui  forment  le  sens  total 
est  divisée  ]iar  ipiclquecause  «lue  ce  soil  en  par- 
ties suballeines  distinguées  par  des  virgules,  il 
faut  séparer  par  un  point  et  une  virgule  les  pro- 
positions partielles  du  sens  total. 

Exemple:  Cette  persuasion,  sans  l'évidence 
qui  l'accompagne,  n'aurait  pas  été  si  ferme  et 
si  durable;  elle  n'aurait  pas  acquis  de  nouvelles 
forces  en  vieillissant;  elle  n'aurait  pu  résister 
au  torrent  des  années,  et  passer  de  siècle  en 
siècle  jusqu'à  nous.  (D'Olivet,  'J'raduclion  d'une 
pensée  de  Cicéron,  iNalure  des  Dieux,  liv.  II, 
ch.2.) 

4"  Dans  l'énumération  de  plusieurs  choses  op- 
posées, ou  seulernenl  différcnles,  (pie  l'on  com- 
pare deux  à  deux,  il  faut  sépaiei'  les  uns  des  au- 
tres par  un  point  et  une  virgule  les  membres  do 
l'énumération  qui  renferment  une  comparaison; 
et  par  une  simple  virgule  les  parties  sulialiernes 
de  ces  membres  comi)aratifs.  Exemple  :  Elle 
n'est  poi(il  autre  éi  Borne,  autre  à  /Athènes  ;  autre 
aujourd'hui^  et  autre  demain.  (D'Olivet,  Trai. 
d'une  pensée  de  Cicéron,  tirée  du  3"  liv.  de  la 
Républi(|ue.) 

En  général,  dans  toute  énumération  dont  les 
princi|)aux  articles  sont  subdivisés  pour  quel- 
que raison  que  ce  puisse  cire,  il  faut  distinguer 
les  parties  subalternes  par  la  virgule,  et  les  ar- 
ticles principaux  par  un  point  et  une  virgule. 

Exemple  :  Là  brillent  d'un  éclat  immortelles 
vertus  politiques,  morales  et  chrétiennes  des 
LetcUier,  des  Lamoignon  et  des  J\Iontausier  ; 
là  les  reines,  les  princesses,  les  héroïnes  chré- 
tiennes, reçoivent  une  couronne  de  louange  qui 
ne  périra  jamais;  là  Turenne  parait  aussi 
grand  qu'il  l'était  à  la  tête  des  armées  cl  dans 
le  sein  de  la  victoire.  (Colin,  préf.  de  la  trud.  de 
/'Orateur  de  Cicéron.) 

III.  Des  deux  points.  —  La  même  proportion 
qui  règle  l'emploi  respectif  de  la  virgule  et  du 
point  avec  la  virgule,  lorsiju'il  y  a  division  de 
sens  partiels,  doit  encore  décider  de  l'usage  des 
deux  points  poiu'  les  cas  où  il  y  a  trois  divisions 
sul)ordormécsles  unes  aux  autres.  Ainsi, 

d»  Si  l'un  des  deux  membres  d'une  période  ren- 
ferme plusieurs  propositions  subdivisées  en 
parties  suballeines,  il  faudra  diviser  ces  parties 
subalternes  entre  elles  par  une  virgule,  les  pro- 
positions intégrantes  du  nieini)re  de  la  période 
par  un  i)oinl  et  une  virgule,  et  les  deux  parties 
principales  de  la  période  par  les  deux  punis. 

rxemple  :  Si  mus  ne  trouvez  aucune  manière 
de  gagner  Iwnteuse,  vous  qui  êtes  d'un  rang 
pour  lequel  il  n'y  en  a  point  d'honnête;  si  tous 
les  jours  c'est  quelque  fourberie  7101/velie.  quel- 
que traité  frauduleux,  quelque  tour  de  fripon, 
quelque  vol;  si  vous  pillez  et  les  alliés  et  le  tré- 
sor public;  ni  vous  mendiez  des  testumenls  qui 
vous  soient  facorables,  ou  si  même  vous  en  fabri- 
quez :  dites-moi,  sont-ce  là  des  signes  d'opulence 
ou  d'indigence?  (D'Olivet,  Pensées  de  Cicéron.) 

2°  Si,  après  une  proposition  (lui  a  par  ell^ 
même  un  sens  complet,  et  dont  le  tour  ne  donne 
pas  lieu  à  atlendie  autre  chose,  on  ajoute  une 
autre  proposition  qui  serve  d'explication  ou 
d  extension  à  la  première,  il  faut  séparer  l'une 
de  l'aulre  par  une  ponctuation  plus  forte  d'un 


oGG 


PON 


decré  q<ie  celle  qui  aurait  distingué  les  parties 
Je'l'une  ou  tic  l'autre. 

Si  les  deux  i)rn|)osi'. ions  sont  simples  et  sans 
division,  une  vir^'ule  est  suflisanle  cnlrc  deux. 
Exemple  :  Lu  plupart  des  hommes  s'exposent 
asses  dans  la  guerre  pour  sauver  leurhouneur, 
uiais  peu  se,  veulent  exposer  autant  qu'il  est 
nécessaire  pnur  faire  réussir  Je  dessein  pjur  le- 
quel ils  s'exposent.  (La  lloclicfoucauld ,  219' 
maxime,  p.  17(v) 

Si  l'une  des  deux,  ou  si  toutes  deux  sont  divi- 
«<;es  par  deux  virgules,  soil  pour  les  besoins  de 
l'organe,  soit  pour  la  distinction  des  nicinlires 
dont  elles  sont  composées  comme  période,  il  iaul 
les  distinguer  l'une  de  l'autre  par  un  point  et 
une  virgule.  Exemple  :  Unscius  est  vn  si  ex- 
cellent acteur,  quil  paraît  seul  digne  de  mon- 
ter sur  le  théâtre;  mai-;,  d'un  autre  coté,  il  est  si 
homme  de  bien,  qu'il  parait  seuldiyne  de  n'y 
monter  jamais.  (Uestaut,  trad.  dn  dise,  de  Ci- 
céron  pour  Boscius,  ch.  2a.) 

Enlin,  si  les  divisions  subalternes  de  l'une  des 
deux  propositions  ou  de  toutes  deux  exigent  un 
point  et  une  virgule,  il  faut  deux  points  entre  les 
deux. 

Exemple  :  Si  les  beautés  de  l'élocution  ura- 
toire  OH  portique  étaient  palpables,  qu  on  put  les 
toucher  au  dov/t  et  àVœil,  comme  on  dit;  rien  ne 
serait  -si  commun  que  l'éloquence,  un  médiocre 
génie  pourrait  y  atteindre  :  et  quelquefois,  faute 
deles  cnnnaîtrc  assez,  uiihimme  né  pour  l'élo- 
quence reste  en  chemin,  ou  s'égare  dans  la  route. 
(Le  Batteux,  Princ.  de  la  littér.,  III*  part.,  art. 

3,§y) 

3'  Si  une  énumcralion  est  précédée  d'une  pro- 
position détachée  qui  l'annonce,  ou  qui  en 
montre  l'objet  sous  un  aspect  général,  cette  pro- 
position doit  être  distinguée  du  détail  par  deux 
jtoinls,  et  le  détail  doit  être  ponctué  comme  il  a 
été  dit  dansh  quatrième  règle  du  second  article. 

Exemples  :  Il  y  a  dcms  la  nature  de  l'homme 
deuxprincipes  opposés :Va7nr!ur propre,  quinnus 
rappelle  à  nous  ;  et  la  bienveillance,  qui  nous 
répand  (D'iàcrol,  £^pî Ire  dédicatoire  dul^èrc  de 
famille  ) 

Il  y  n  diverses  sortes  de  curiosités  :  l'une 
d'intérêt,  qui  nous  porte  ù  désirer  d'apprendre 
ce  qui  nous  peut  être  utile;  et  l'autre  d'orgueil, 
qui  vient  du  désir  de  savoir  ce  que  les  autres 
ignorent.  (La  Rochefoucauld,  173'  maxime, 
p.  173.) 

4»  Un  détail  de  maximes  relatives  à  \m  point 
capital,  des  sentences  adaptées  à  une  même  lin. 
Fi  elles  sont  toutes  construites  à  peu  près  de  la 
même  manière,  pouvcnt  et  doivent  être  distin- 
guées p:ir  les  deux  points.  Chacune  étant  luie 
pro|)osilion  comi)ièle  grammaticalement,  ei  même 
indépendante  îles  antres  quant  au  sens,  du  iiK)ins 
jusqu'à  un  certain  point,  elles  doivent  être  sé- 
parées autant  (ju'il  est  possible;  mais  comme 
elles  >ont  iiourlant  relatives  à  une  même  fin,  à 
un  même  point  capital,  il  font  les  rapprocher,  en 
ne  les  distinguant  pas  par  la  plus  forte  des  pono 
tuations.  C'est  donc  les  deux  points  qu'il  faut 
employer. 

Exemple  :  L'hexireuse  conformation  des  orga- 
nes s'annonce  par  un  air  de  force  :  celle  des 
fluides,  par  un  air  de  viracit-é  :  un  air  fin  est 
comme  l'étinrrllc  de  l'esprit  :  un  air  doux  pro- 
met des  égards  flatteurs  :  un  air  noble  marque 
l'élévation  des  sentiments  :  un  air  tendre  semble 
être  le  garant  d'un  retour  d'amitié.  (Théor.  des 
sent.,  ch.  Y.) 


PON 

a  '  ^'esl  un  usage  universel  et  fondé  en  raison 
de  mettre  les  deux  points  après  qu'on  a  annonce 
un  discours  dnccl  ipie  l'on  va  rap|jurter,  soit 
qu'on  le  cite  comme  ayant  été  dit  ou  écrit,  soil 
qu'on  le  propose  connue  pouvant  être  dit  ou 
par  un  autre  ou  par  soi-même.  Ce  iliscours  tient, 
comme  conq)lémcnt,  à  la  proposition  (pii  l'a  an- 
noncé, et  il  y  aurait  une  ^orte  d'inconséquence 
à  l'en  séparer  par  un  point  sinqjle,  (pii  marque 
une  indépendance  entière;  mais  ilene-t  ponrtanl 
très-distingué,  puisqu'il  n'a|)partieut  jms  a  celui 
qui  le  rapporte,  ou  qu'il  ne  lui  appariieut  qu'liis- 
toriqucmcnl,  au  lieu  que  l'annonce  est  actuelle  ; 
il  est  donc  raisonnable  de  séparer  le  discours  di- 
rect de  l'annonce  par  la  ponctuation  la  plus  forte 
au-dessous  du  point,  c'est-a-dire  pin-  les  deux 
points. 

Exemples  :  Lorsque  j'entendis  les  scènes  du 
paysan  dans  le  Faux  Généreux,  je  dis  :  a  Voilà 
gui  plaira  ci  toute  la  terre  et  dans  tous  les 
temps,  voilà  qui  fera  fondre  en  larmes.  «  (Di- 
derot, De  la  poésie  dramatique.) 

La  Mollesse  en  pleurant  sur  un  bras  se  relère, 
OuTre  un  œil  languissanl,  et  il'une  faible  toit 
Laisse  tomber  ces  mots,  qu'elle  inlcrrompl  vingt  fois  : 
a  0  nuit,  que  m'as-lu  dil?  clc.  >■ 

(BoiL.,  Lutr.,  II,  118.) 

Il  faut  remar(|ucr  que  le  discours  direct  que 
l'on  rapporte  doit  commencer  par  une  lettre  ca- 
pitale, (quoiqu'on  ne  mette  pas  un  point  à  la  fin 
de  la  phrase  précédente.  Si  c'est  un  discours 
feint,  comme  ceux  des  exemples  précèdent.:;,  on 
a  coutume  de  le  distinguer  par  des  guillemets  : 
si  c'est  un  discours  écrit  que  l'on  cite,  il  est 
assez  ordinaire  de  le  rapporter  en  un  autre  ca- 
ractère d'imprimerie  que  le  reste  du  discours. 

IV.  Du  point.  —Il  y  a  trois  sortes  de  points: 
le  point  sim[)le,  le  point  interrogalil',  et  le  point 
adiniratif  ou  cxclamatif. 

1°  Le  point  simple  est  sujet  à  l'influence  de  la 
|)roposition,quL  jusqu'ici,  a  paru  régler  l'usage 
des  autres  signesde ponctuation.  Ainsi,  il  doit  être 
mis  après  une  i>ériode  ou  une  proposition  com- 
posée, dans  laquelle  on  a  fait  usage  des  deux 
points  en  vertu  de  quelqu'une  des  régies  précé- 
dentes; mais  on  l'emploie  encore  après  toutes 
les  propositions  qui  ont  un  sens  absolument  ter- 
miné, telles,  par  exemple,  que  la  conclusion  d'un 
raisonnement,  quand  elle  est  précédée  de  ses  pré- 
misses. 

On  peut  encore  remarquer  ([uc  le  besoin  de 
prendre  des  repos  un  peu  considérables,  ctmbi- 
né  avec  les  différents  degrés  de  relation  qui  se 
trouvent  entre  les  sens  partiels  d'un  ensemble, 
donneencore  lieu  d'employer  le  point.  Par  exem- 
ple, un  récit  peut  se  diviser  par  le  secours  du 
point,  relaiiveincnl  aux  faits  élémentaires  qui  en 
font  la  matière. 

En  un  mot,  on  met  le  point  à  la  fin  de  toutes 
les  phrases  qui  ont  un  sens  tout  à  fait  indépen- 
dant de  ce  qui  suit,  ou  dn  moins  (jui  n'ont  de 
liaison  avec  la  suite  que  par  la  convenance  de 
la  matière  et  l'analogie  gcnérale  des  pensées  di- 
rigées vers  une  môme  lin. 

Les  princijjes  de  proportion  que  l'on  a  appli- 
qués ci-devant  a>ix  autres  ponctuations,  peuvent 
aisément  s'applii]uer  à  celle-ci,  soit  (ju'on  veuille 
juger  si  elle  est  employée  avec  intelligence  dans 
les' écrits  qu'on  a  sous  las  yeux,  soi!  tju'il  s'a- 
gisse d'en  faire  usage  et  de  l'employer  à  pro- 
po<;;  les  phrases  précédentes  peuvent  swvir 
d'exemolc. 


PON 

2°  Le  point  inlerrogatif  se  met  à  la  fin  de  loulc 
proposiliun  qui  interroge,  soit  qu'elle  fasse  par- 
tie du  discours  où  elle  se  trouve,  suit  qu'elle  y 
soit  seulement  rapportée  comme  prononcée  di- 
rectement par  un  autre. 

Exemple  où  linlerrogalion  fait  partie  du  dis- 
cours :  En  effet,  s'ils  sont  i/ijitstcs  et  ambi- 
tieux (les  voisins  d'un  roi  juste),  que  ne  doivent- 
ils  pas  craindre  de  cette  u'putaiion  universelle 
de  probité  qui  lui  utiire  l'admiration  de  toute  la 
terre,  lu  confiance  Je  ses  (dliés,  l'amour  de  ses 
peuples  et  k'afjhciion  de  ses  troupes?  De  quoi 
n'est  pas  capable  une  armée  prévenue  de  cette 
opinion,  et  disciplinée  sous  les  ordres  d'un  tel 
joriHCP*  (Colin,  Disc,  couronné  à  l'Acad.  e/i'J705.) 
Ces  interrogations  font  partie  du  discours  total. 

Exemple  où  l'inlerrogalion  est  rapportée  comme 
prononcée  directement  par  un  autre  :  Le  juge, 
îuî  adressant  la  parole,  lui  demanda  :  Qui  êtes 
vous? 

S'il  y  a  de  suite  plusieurs  phrases  inlerroga- 
tlves  tendantes  à  une  môme  lin,  cl  (jui  soient 
d'une  étendue  médiocre,  en  sorte  ([u'clles  con- 
stituent ce  qu'on  appelle  le  style  coupé,  on  ne 
commence  que  la  première  par  une  lettre  capi- 
tale, et  on  les  distingue  par  le  point  inlerrogatif, 
qui  n'indique  pas  une  pause  plus  grande  que  les 
deux  points,  que  le  point  avec  la  virgule,  que  la 
virgule  même,  selon  l'éicndue  des  phrases  et  le 
degré  de  liaison  qu'elles  ont  entre  elles. 

Exemple  :  3Iais  pour  qui  sont  ces  app>-êts9 
à  qui  ce  magnifique  séjour  est-il  destiné?  pour 
gui  sont  tous  ces  dunestiques  et  ce  grand  héritage? 
(Pluche,  Hist.  du  ciel,  liv.  III,  §  2.) 

Si  la  phrase  interrogativc  n'est  pas  directe,  et 
que  la  forme  en  soit  rendue  dépendante  de  la 
conslitulion  grammaticale  de  la  proposition  ex- 
positive  où  elle  est  rapportée,  on  ne  doit  pas 
mettre  le  point  inlerrogatif.  La  ponctuation  ap- 
partient à  la  proposition  principale,  dans  laquelle 
celle-ci  n'est  qu'incidente  :  Alejitor  demanda 
ensuite  à  Idnmcnée  quelle  était  la  conduite  de 
Protésilas  dans  ce  changement  des  affaires. 
(Fénel.,  Télém.,  liv.  xiii,  t.  Il,  p.  89) 

3"  La  véritable  place  du  pninl  exclauuitif  est 
après  toules  les  phrases  qui  expriment  In  surprise, 
la  terreur,  ou  tpielqucaiUrc sentiment  affectueux, 
ccinme  de  tendresse,  de  pitié,  etc.  Exemples  : 
Que  les  sages  sont  en  petit  nombre!  Qu'il  est 
rare  d'en  trouver!  (Girard,  t.  II,  p.4G7.)  Oh!  que 
les  rois  sont  (i  plaindre!  Oh  !  que  ceux  qui  les  ser- 
vent sont  dignes  de  compassion!  S'ils  sont  mé- 
chants, combien  font— ils  souffrir  les  hommes,  et 
quels  tourments  leur  sont  préparés  dans  le  noir 
Tartare !  S'ils  sont  bons,  quelles  difficultés 
n'o?it-ils  pas  à  vaincre!  quels  pièges  «  éviter! 
que  de  maux  ii  souffrir!  (Fénel.,  Télém.,  liv. 
Kiv,  t.  Il,  p.  dU7.)  Sentiments  d'admirati«n,  de 
pitié,  d'horreur,  etc. 

J'ajouterai  encore  un  exemple  pris  d'une 
lettre  de  mailame  de  Sévigné,  dans  lequel  on 
verra  l'usage  des  trois  points  tout  à  la  fois  :  En 
effet,  dès  qu'elle  parut  :  Ah!  mademoiselle  ! 
comment  .^c  porte  mon  frère?  Su  pensée  n'osa 
aller  plus  loin.  Madame,  il  se  porte  bien  de  sa 
ilessure  :  et  mon  fils?  On  ne  lui  répondit  rien. 
Ah!  mademoiselle  !  mon  fils!  vion  cher  enfant! 
répondez-moi,  est-il  mort  sur-le-chatnp?  n'a-t-il 
pas  eu  un  seul  moment?  Ah!  mou  Dieu!  quel 
sacrifice  ! 

Nous  finirons  cet  article,  qui  est  un  extrait  du 
Truite  de  ponctuation,  par  ce  que  dit  Beauzéc, 
après  avoir  exposé  les  règles  qu'on  vient  de  lire  : 


POR 


S67 


«  Je  me  suis  peut-ctie  assez  étendu  sur  la 
ponctuation,  dit-il,  pour  i)arailre  prolixe  à  jjicn 
ues  lecteurs.  Mais  ce  (pfcn  ont  écrit  la  plupart 
des  grammairiens  m'a  paru  si  superficiel,  si  peu 
approfondi,  si  vague,  ([ue  j'ai  cru  devoir  essayer 
de  poser  du  moins  {pief|U"s  principes  généraux 
•pii  i)ussent  servir  de  fondement  a  un  art  qui 
n'est  rien  moins  (lu'indifférent,  et  qui,  comme 
tout  autre,  a  ses  finesses.  Je  ne  me  llatle  pas  de 
les  avoir  toutes  saisies,  et  j'ai  été  contraint  d'a- 
bandonner bien  des  choses  à  la  décision  du  goût; 
mais  j'ai  osé  [)rétendrc  à  l'éclairer.  Si  je  me  suis 
fait  illusion  à  moi-même,  comme  cela  n'est  que 
trop  facile,  c'est  un  malheur;  mais  ce  n'es! 
qu'un  malheur.  Au  reste,  en  faisant  dépendre  ia 
])oncl\iation  de  la  pn)portion  des  sens  partiel* 
combinée  avec  celle  des  repos  nécessaires  à  l'or- 
gane, j'ai  posé  le  fondement  naturel  de  tous  les 
systèmes  imaginables  de  ponctuation;  car  rien 
n'est  plus  aisé  que  d'en  imaginer  d'autres  que 
celui  (|ue  nous  avons  adopté;  on  pourrait  ima- 
giner plus  de  caractères  et  plus  de  degrés  dans  la 
subordination  des  sens  partiels,  et  peut-élre  l'ex- 
pression écrite  y  gagnerait-elle  plus  de  net- 
teté, fl 

Ponctuel,  Ponctuet.t.e.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  ponctuel. 

Ponctuellement.  Adv.  On  peut  le  mettre  quel- 
quefois entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  s'est 
acquitté  ponctuellement  de  cette  commission, 
OU  il  s'est  ponctuellement  acquitté  de  celle  com- 
?nissiofi. 

Ponctuer.  V.  a.  delà  l'*  conj.  C'est  observer, 
en  écrivant,  les  règles  de  la  ponctuation.  "N'oyez 
Ponctuation. 

PoxTiFicAL,  Pontificale.  Adj.  qui  ne  se  me\ 
qu'après  son  subst.  :  Dignité  pontifîeale,  orne- 
ments pontificaux. 

PoNTiFicALEHF.NT.  Adv.  11  nc  sc  mct  qu'après 
le  verbe  :  Il  a  officié  pontificalement,  et  non  pas, 
il  a  pontificalement  officié. 

PoNT-NEUF.  Subst.  m.  L'Académie  écrit  des 
Ponts-neufs,  mais  la  pluralité  doit  tomber  sur 
le  mot  chanson,  qui  est  S'uis  entendu.  On  doit 
donc  écrire  des  pont-neuf.  A''oyez  Composé. 

Populaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.:  Emeute  populaire,  erreur 
populaire.  —  Gouvernement  populaire,  état  po- 
pulaire. —  Maladies  populaires.  —  Un  homme 
populaire.  —  U71C  vérité  populaire. 

PopuLMT.EMENT.  Adv.  Il  nc  SC  mcl  qu'après  1p 
verbe  :  Il  a  parlé  populairement,  et  non  pas,  il 
a  populairement  parlé. 

Populeux,  Populeuse.  Adj.  On  peut  le  meltrr 
avant  son  .subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Jîég  ion  populeuse,  cette  populeuse  région. 
Voyez  Adjectif. 

Poreux,  Poreuse.  Adj.  qui  ne  sc  met  qu'après 
son  subst.  :  Corps  poreux. 

Portant,  Portante.  Adj.  verbal  qui  est  em- 
ployé abusivement  par  quelques  personnes 
qui  disent  :  Je  suis  bien  portant,  il  est  mal 
portant,  elle  est  bien  portante  ;  au  lieu  de  je  me 
porte  bie?i,  elle  se  porte  mal,  il  se  porte  bien. 

Portatif,  Portative.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :   Un  livre  portatif. 

Porter.  Y.  n.  de  la  1'''  conj.  L'Académie  n'in- 
dique point  l'emploi  figuré  (pic  les  poètes  f«nt 
de  ce  mot.  En  voici  quehpies  exemples  : 

Mïlioraet,  je  suis  père  et  je  porte  un  cœur  tendre. 
(Volt.,  Hahom.,  acl.  II,  te.  T,  126. J 


868 


POS 


Le  soldat  à  son  gré  «ur  ce  fancste  mur, 
CombatUnl  de  plus  près,  porte  un  tiépis  plus  sûr. 
(Volt.,  Henr.,  VI,  245.1 

Et  moi,  jusqu'en  son  camp  j'ai  porte  le  carnage. 

(Volt.,  Mahom,,  tel.  I,  ac.  i,  41.) 

Ah!  j'ai  porté  la  mort  dans  le  sein  d'Orosmane. 

(Volt.,  Zaïre,  ad.  IV,  se.  i,  1*.) 

On  porte  jusqu'aux  cieui  leur  justice  suprême. 

(Volt.,  OEd.,  act.  I,  se.  m,  27.) 

Vous  toutes  qui  porte»  le  sacré  nom  de  mère. 

(Delil.,  Énéid.,  VII,  549.) 

On  dit  porter  enxde.  Selon  Bouhours,  celte 
façon  de  parler  diffère  A'ciivier,  en  ce  qvie  ce 
dernier  ne  se  dit  que  des  choses,  et  ijuc  porter 
envie  ne  se  dii  que  des  personnes.  On  envie  le 
\niihcur  de  quelqu'un.  Cl  on  porte  envie  à  quel- 
qu'un. Cependant  l'Académie  dit  tout  le  monde 
V  envie. 

Pomi-.-AiGuiLLE.  Subst.  m.  Tnslrumenl  dont  les 
i:hlrurgicns  se  servent  pour  donner  plus  de  lon- 
gueur aux  aiguilles,  et  pour  les  tenir  d'une  ma- 
nière plus  stable.  On  dit  nu  pluriel,  des  porte- 
aiguille  sans  .s,  parce  que  la  pluralité  tombe  sur 
le  mol  sous-entendu  instrument ,  et  non  sur 
porte,  qui  est  un  verbe,  ni  sur  aiguille,  qui  n'est 
pas  la  chose  dont  on  veut  exprimer  la  quo- 
tité. 

On  peut  appliquer  cette  observation  kporte- 
arquch\i.'!e,  * porte-ussiette,  *porle-aune,  porte- 
buguetU',  *  porte-balance, porte-Dieu,  porte-dra- 
peau, porte-enseigne  ;porte-('pée, porte-étendard, 
porte-Mousqueton, porte-pierre,  porte-tapisserie, 
porte-vent ,  porte-verge ,  etc.  —  L'Académie  ne 
doimc  point  le  signe  du  pluriel  à  ceux  de  ces 
mots  qucllcadmet,  ni  aux  aulresdu  môme  genre  ; 
mais  elle  écrit  au  singulier  comme  au  pluriel, 
porte-clefs,  porte-montres  (armoire  d'horloger), 
porte-mouchettes  ;  de  plus  elle  admet  comme 
substantifs  pluriels  des  porte-barres,  des  porte- 
étriers,  des  porte-étrivières  ;  enfin  elle  écrit  en 
un  mol  simple  porteballe,  portechape ,  porte- 
choux,  portecollet,  porteciayon,  portefeuille, 
portemanteau.  Ces  derniers  noms  suivent  par 
conséquent  la  règle  de  furuiation  du  i>luriel  à 
laquelle  sont  soumis  les  substantifs  simples. 

Por.TRAir.E.  V.  a.  de  la  4°  conj.  Voltaire  dit 
dans  ses  Remarques  sur  l'épîtrc  dédicatoire  de 
Médce,  que  c'est  un  mot  nécessaire  que  nous 
avons  abandonné. 

Portrait.  Subst.  m.  Terme  de  littérature. 
Peinture  ou  description,  en  prose  ou  en  vers, 
des  qualités  bonnes  ou  mauvaises  d'une  per- 
sonne. Portraits,  ou  caractères,  en  littérature, 
se  prennent  souvent  l'un  pour  l'autre.  Voyez 
Narration. 

PoRTRAiTcr.E.  Subst.  f.  C'csl,  dit  Voltaire,  un 
mot  suranné,  et  c'est  dommage;  il  est  nécessaire. 
Portraiture  signifie  l'art  de  faire  ressembler; 
on  emploie  aujourd'hui  portrait  pour  exprimer 
l'art  et  la  chose.  (Remarques  sur  l'épître  dédi- 
catoire de  Médée.) 

Poser.  V.  a.  de  la  1''  conj.  L'Académie  dit 
poicr  les  armes,  pour  mettrebas  les  armes,  faire 
la  paix.  Racine  a  dit  poser  le  fer  {Athalie, 
act.  IV,  se.  m,  67)  : 


Oui,  nous  jurons  ici 

Ue  ne  poser  le  fer  entre  nos  mains  remis. 


POS 

Positif,  Positive.  Adj.  Il  ne  se  dit  que  des 
choses.  Maintenant  on  l'emploie  quelquefois  en 
parlant  des  persoiuies  :  C'est  un  homme  positif. 
Dans  ce  sens  il  se  dit  de  celui  dont  les  idées  sont 
positives. —  Une  se  met  qu'après  son  subst.:  Un 
fait  positif,  une  chose  pisilire.  —  Quantités 
positives,  droit  pnsitif.  — Toénligie  positive. 

Positif,  positive,  est  aussi  un  terme  de  gram- 
maire. Dans  l'usage  ordinaire,  il  est  opposé  à 
l'adjectif  négatif.  Égal  est  un  terme  positif, 
inégal  est  un  terme  négatif. 

Les  grammairiens  le  prcMiienl  encore  dans  un 
autre  sens,  qui  diffère  du  sens  primitif  que  l'on 
vient  devoir,  en  ce  qu'il  exclut  l'idée  de  com- 
paraison, d'augmentation  et  de  diminution  ac- 
tuelle. Dans  celle  nouvelle  acception,  le  mot 
positif  est  opposé  à  comparatif  et  superlatif 
C'est  donc  ainsi  qu'il  faut  entendre  ce  que  l'on 
dit  en  grammaire  de  certains  adjectifs  cl  de  cer- 
tains ndveibcs,  qu'ils  sont  susce|)iibles  de  diffé- 
rents degrés  de  com[)ariiison,  savoir  :  le  positif, 
le  comparatif  ci  le  superlatif. 

Le  degré  posilif,  (juc  d'ordinaire  on  nomme 
simplement  le  positif,  est  la  signification  primi- 
tive et  fondamenlale  de  l'adjertif  ou  de  l'ad- 
verbe, sans  aucun  rapport  au  plus  ou  au  moins 
dont  elle  est  susceptible  ;  comme  quand  on  dit 
lin  bon  livre,  des  meubles  magnifiques,  un  pro- 
fond silence,  les  hommes  courageux  ;  écrire 
bien,  méditer  profondément,  meubler  magnifique- 
ment, combattre  courageusement.  Voyez  Degrés 
de  comparaison.  Comparatif. 

Positivement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entra 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  répondu  positi- 
vement cela ,  ou  il  a  positivement  répondu 
cela. 

Posséder.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
ne  donne  point  d'exemple  qui  réponde  à  l'accep- 
tion de  ce  mot  dans  les  vers  suivants  : 

Mais  de  ce  souvenir  mon  âme  potséâic, 

A  deux  fois  en  dormant  revu  la  même  idoe. 

(Rac,  Ath..  act.  II,  se.  V,  60.) 

Ne  possédez-voua  pas  son  oreille  et  son  ccEur? 

(Rac,  Esth.,  ad.  IV,  se.  ii,  8.) 

Corneille  a  dit  dans  Rodogvne  (act.  II,  se.  n, 

23): 

Cependant  je  possède,  et  leur  droit  incertain 

lie  laisse  avec  leur  sort  leur  sceptre  dans  la  main. 

./e  possède,  dit  A'"ollaire.  demande  un  régime; 
jouir  est  neutre  quelquefois  ;  posséder  ne  l'est 
jias:  cependant  je  crois  que  celle  hardiesse  est 
très-permise,  et  fait  un  bel  effet. 

Je  trouve  quelque  chose  à  redresser  dans  cette 
remarque  de  Voltaire  :  c'est  que  le  verbe  pos- 
séder ne  demande  pas  toujours  un  régime.  On 
dit  absolumcnl  Je  possède,  comme  on  d\l  j'aime, 
comme  on  &\l  je  jouis. 

Possessif,  I'ossf.ssivf,.  Adj  Terme  de  gram- 
maire. Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  Voyeî 
Adjectif. 

Possible.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Une  chose  possible,  les 
êtres  possibles. 

Postérieur,  Postériedre.  Adj.  Il  se  dit  ab- 
solument, ou  il  est  suivi  de  la  préposition  à,  et 
ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  I)roit  postérieur, 
date  postérieure  ;  son  droit  est  postérieur  à 
celui  de  votre  frère. 

Postérieurement.  Adv.  Cet  adverbe,  exigeant 


POU 

«n  régime,  ne  peut  cire  mis  entre  l'auxiliaire  et 
le  parlici[>e  :  Cet  acte  a  tté  fuit  postérieurement 
à  celui  dont  rous parlez. 

Posthume.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Enfautpnsthume.  OEuvves 
posthumes.Yév:inà,  qui  n'a  pas  trouvé  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Acadéniic  adoption  posthume, 
blâme  d'Alembert  d'avoir  dit  que  l'adoption  de 
Molière  faite  par  l'Aradcmio  était  une  adoption 
posthume.  D'Alcmheit  a  voulu  diie,  une  adoption 
faite  après  la  mon  do  cet  auteur;  et  le  mol  pos- 
thume rend  parfaitement  bien  celle  idée.  Fonte- 
nelle  a  dit  de  mcuie  de  Descaries,  qu'ii  n'a  reçu 
que  des  honneurs  posthumes,  c'est-à-dire  qu'il 
n'a  reçu  des  honneurs  qu'après  sa  mort. 

Postiche.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Ornements  postiches.  — 
Dents  postiches,  cheveux  postiches . 

PosT-scRiPTCM.  Subst.  m.  Comme  la  pronon- 
ciation de  ce  mot  est  dure,  on  supprime  le  < ,  cl 
l'on  prononce 7)o.s-scrijB/Mw,*  mais  il  faut  laisser 
le  l  dans  l'écriture. 

Posture.  Subst,  f.  Corneille  a  dit  dans  Fié  ra- 
dius (act.  IV,  se.  VI,  24)  ; 

Vous  voyez  la  posture  où  j'y  suis  aujourd'hui. 

Le  mot  de  posture,  dit  Voltaire  à  l'occasion  de 
ce  vers,  n'est  pas  assez  noble. 

Pot.  Subst.  m.  l.et  Gnal  ne  se  prononce  que 
aevant  une  voyelle  :  Un  pot  d  l'eau.  Ce  mot  est 
banni  du  style  noble. 

On  appelle  pot-au-feu  la  viande  que  l'on  met 
dans  le  pot  pour  faire  du  bouillon  et  du  bouilli  : 
Un  bon  pot-au-feu.  Dans  cette  acception,  pot 
ne  prend  point  de  s  au  pluriel  :  Deux  pot-au- 
feu. 

Potable.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Fin  potable,  liqueur  po- 
table. 

Potelé,  PoTr.i,ÉE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Enfant  potelé,  bras  potelés. 

Poudre.  Subst.  f.  Ce  mo'.,  pris  dans  le  sens 
de  poussière,  ne  se  dit  guère  qu'en  vers.  Il  ne 
faut  pas  dire,  comme  l'Académie,  il  y  a  beau- 
coup de  poudre  à  la  campagne,  mais  il  y  a  beau- 
coup de  poiissière;  il  serait  nécessaire  qu'il  plût 
pour  abattre  la  poudre,  mais  il  serait  nécessaire 
qu'il  plût  poTir  abattre  la  poussière  ;  lu  poudre 
vole,  mais  la  poussière  rôle;  on  ne  se  roit 
point  à  cause  de  la  poudre,  mais  ù  cause  de  la 
po\issière;  U7i  tourbillon  de  poudre,  mais  un 
tourbillon  de  poussière,  etc. 

11  en  est  autrement  en  vers,  où  poudre  est  fré- 
•luemment  employé  i>out  poussièn:. 

Chacun  volt  en  tremblant  ce  corps  défiguré, 

Ce  front  souillé  de  sang,  cette  bouche  entr'ouTerle, 

Celle  lêle  penchée  et  de  poudre  couverte. 

(Volt.,  Henr.,  X,  168.) 

Tels,  des  antresjdu  Nord  échappés  sur  la  terre. 
Précédés  parles  vents  et  suivis  du  tonnerre. 
D'un  tourbillon  de  poudre  obscurcissant  les  airs. 
Les  orages  fougueux  parcourent  l'univers. 

(Idem,  VI,  U7.) 

Ce  que  le  fer  atteint,  tombe  réduit  en  poudre. 

[Idem,  VI,  191.) 

Après  ce  jour  de  Fonlcnoi, 
Où  couvert  de  sang  et  de  poudre,  etc. 

(Volt.,  Épttre,  LXYIH,  47.) 

Voyez  Poussière. 


POU 


SC9 


.ODDRF.t'x,  Poudreuse.  Adj.  qui  ne  se  mot 
qu  après  son  subst.  Il  signifie  couvert  dépous- 
sière, comme  on  dit  en  piose;  ou  couvert  de 
poudre,  comme  on  dit  en  vers  :  Un  habit  pou- 
dreux, un  char  poudreux ,  des  chevaux  pott- 
dreus. 

Fouilles.  Subst.  f.  qui  n'a  point  de  singulier: 
Il  lui  a  chanté  pouilles,  il  lui  a  dit  mille pouil- 
les  ;  il  lui  a  dit  toutes  les  pouilles  imaginables. 
—  'N'ollaire  a  dit,  écrire  des  pouilles  :  Un  peu  de 
maladie  m'a  privé  de  la  consolatùm  de  vous 
écrire  des  pouilles.  {Correspondance .)  On  mouille 
les  deux  l. 

PorrLLK,   POUILLER,     PoUILLEUX,     PùULAILLEl 

Dans  ces  quatre  mots  on  mouille  les  l. 

Poils.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  l. 
Le  s  se  prononce  devant  une  voyelle. 

Pour.  Préposition.  Pour  ne  doit  régir  l'infini- 
tif que  lorsque  cet  inliniiif  se  rapporte  au  sujet 
du  verbe  précédent  ;  autreinenl  il  faut  se  servir 
de  que  avec  le  sutij^nctif  :  //  a  été  chassé  pour 
avoir  trop  parlé  ;  il  est  malade  pour  avoir  trop 
mangé  ;  je  vous  écris  [)0ur7i/e  vous  veniez  à 
won  secours.  Racine  a  péciié  contre  celte  règle 
quand  il  a  dit  [Alex.,  act.  IV,  se.  ii,  75)  : 

Qu'ai-je  fait  pour  venir  accabler  en  ces  lieux... 

Il  y  a  dans  cette  phrase  une  équivoque  sensible. 
On  croit  que  ces  mois,  pour  venir,  regardent  la 
personne  qui  dit,  qu'ai-je  fait?  et  dans  la  pensée 
de  l'auteur,  ils  regardent  une  autre  personne. 
Qu'ai-j'e  fait,  dit  Axiane,/>owr  que  vous  veniez, 
vous  Alexandre,  accabler,  etc.  Racine  le  lils  dit 
sur  cette  remarque,  qui  est  de  l'abbé  d'Olivet, 
que  pour  venir  est  une  ellipse,  et  qu'on  doit 
approuver  en  vers  tout  ce  qui  contribue  à  la  vi 
vaciié,  sans  nuire  à  la  clarté  —  Oui,  mais  ici 
l'expression  nuit  à  la  clarté,  puisqu'il  y  a  équi- 
voque. 

Le  Créateur  se  fait  sentir  à  l'intelliqence 
humaine,  pour  lui  rendre  hommage.  (Millot.)  Il 
semble  ici  que  c'est  le  Créateur  qui  veuille  ren- 
dre hommage  à  sa  créature.  Il  fallait  dire,  pour 
qu'elle  lui  rende  hommage. 

Quand  pour  régit  l'infinitif,  il  ne  doit  pas  en 
être  trop  si'paré.  On  sent  cette  faute  dans  ce  vers 
de  CoiueiUe  [D.  Sancke,  act.  I,  se.  m,  125)  : 

Mais  pour  en  quelque  .<;orle  obéir  à  vos  loi». 

Vaugelas  était  d'avis  qu'on  ne  répétât  pas  les 
prépositions  devant  les  mots  synonymes  ,  ou 
d'une  signification  à  peu  prés  semblable,  et  que 
l'on  dit,  par  exemple,  pour  le  bien  et  l'honneur 
de  son  maître.  Hors  de  la,  il  voulait  (pic  la  pré- 
position fût  répétée  devant  clia(|ue  complément, 
et  que  l'on  dit,  pour  le  bien  et  pour  le  vial  de 
son  maître.  L'Académie  prétend  au  conti'aire 
qu'on  doit  toujours  répéter  la  préposition,  même 
quand  les  compléments  ont  une  signification 
presque  semblable.  On  peut  donc  dire  (|u'll  est 
plus  correct  de  répéter  les  prépositions  devant 
chaque  complément,  et  (ju'il  n'y  a  que  des  rai- 
sons d'euphonie  qui  puissent,  dans  certains  cas, 
en  autoriser  la  sui)pression. 

Si  la  phrase  renferme  une  comparaison,  la  ré- 
pétition de  la  préposition  est  indispensable.  On 
ne  peut  donc  pas  dire,  il  n'y  a  point _  de  cnpi' 
tnine  parmi  les  Romains  pour  qui  j'aie  plus 
d'estime  que  César.  Il  faut  nécessairement  dire, 
que  pour  César.  — Il  faut  dire  de  même.  Dieu 
souffre  qu'il  y  ait  des  malheureux  pour  pxercer 


570 


POU 


!our  patience,   et  pour  donner  lieu  aux  riches 
Je  pratiquer  la  libéralité. 

Pour  se   disait    aulrefuis   au  lieu  de   quel- 

qUS. 

Pour  grands  que  soient  les  r.'li,  ils  sont  ce  que  nous  sommes. 
(Cork.,  Cid,  acl.  I,  se.  iv,  7;  Éd.  de  Volt.) 

Celle  phrase,  dil  Yollaitc,  a  vieilli;  on  dirait 
aujourd'hui,  Tout  grands  que  soient  les  rois, 
quelque  arands  que  soient  les  rois.  {Rcuiarques 
sur  Corneille.) 

Pour  que  exige  (juc  le  verbe  de  la  proiwsilion 
SubordcMUiée  soil  au  subjonctif  :  Fous  viares 
rendu  tnp  de  services  Jiour  que  je  puisse  ja- 
mais douter  de  vntre  aiuitié. 

PouRpr.E.  Siibst.  11  esl  masculin  quand  il  si- 
gnifie une  couleur  :  Un  drap  d'un  beau  pnurpi-e  ; 
et  quand  il  signifie  la  maladie  a  laquelle  on 
donne  ce  nom.  —  11  esl  féminin  quand  il  se  dii 
de  la  couleur  que  les  anciens  liraient  d'un  co- 
quillage; et  au  figuré,  de  la  dignilé  royale  :  La 
pourpre  de  Tyr,  la  pourpre  royale. 

Tous  deux  sont  revêtus  de  la  pourpre  romaine. 

(Volt.,  Uenr.,  TU,  350.) 

PounQuor.  Conjonction.  Il  sert  ordinairement 
à  demander  la  raison  d'une  chose  :  Pourquoi 
étes-rous  7-enu  si  tard? — On  s'en  sert  aussi, 
dans  cerlaines  occasions,  pour  confirmer  ou  pour 
justifier  ce  (ju'on  avait  dit  auiiaravant,  et  alors 
il  esl  ordinairemcnl  précédé  de  la  préposition 
aussi:  Aussi pourq\ioi  se  mclc-i-il  de  ce  qui  ne 
le  regarde  pas?  —  On  l'emploie  aussi  sans  inter- 
rogation avec  des  verbes  qui  marquent  connais- 
sance ou  isînorance,  et  il  régit  l'indicatif,  même 
lorsijue  la  phrase  est  négative  :  Je  sais  pourquoi 
il  est  puni,  j'ignore  jujurquoi  il  est  venu;  je 
ne  sais  pas  pourquoi  il  me  boude.  —  Si  la  néga- 
tive se  trouve  a\irès  pourquoi,  elle  doit  toujours 
être  complétée  \)nr  pas.  On  ne  dit  [as,  potirqwi 
ne  vieui-il?  il  faut  dire,  pourquoi  ne  viciU-il 
pas?  —  (^)uclquefois  pourquoi  G^^i  suivi  de  l'in- 
finitif, au  lieu  de  l'indicatif:  Pourquoi  être  venu 
si  lard?  —  Quelquefois  aussi  il  e>t  suivi  d'un 
nom  sans  verbe  :  Pourquoi  ce  mystère?  pour- 
quoi tant  de  bruit?  alors  il  y  a  ellipse.  — Vol- 
taire dil  dans  ses  Remarques  sur  Corneille,  Vous 
ne  trouverez  jamais  dans  le  style  noble,  il  m'a 
dit  pourquoi,  je  sais  pourquoi. 

Pourquoi  se  change  quelquefois  en  que  au 
commencement  d'une  phrase,  et  alors  on  sup- 
prime 750.9;  Que  n'avez-vous  dit  cela  plus  tôt? 

PocRsuivRE.  V.  a.  de  la  4' conj.  Voici  iiuel- 

3ues  enq)lois  de  ce  luot  qu'on  ne  trouve  point 
ans  le  Diclionnaire  de  l'Académie  : 

Il  veut  Toler  à  Troie,  et  pounuivre  sa  roule. 

(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  m,  2.) 

L'Académie  ne  dit  (\\ie poursuivre  son  chemin. 

Il  pourtuit  seulement  eei  amourfux  projeti. 

(Rac,  ÀndroïK.,  acl.  V,  se  11,  23.) 

Des  en«erais  cruels  ont  poursuivi  mes  jours. 

(Volt.,  Oreate,  act.  III,  se.  yi,  20.) 

A  ces  mots  je  m'éloigne,  en  retournant  les  yeux 
Vers  ces  murs  fraternels,  cette  terre  chérie, 
F.l  Tais  sur  l'onde  encor  pour«u>iTe  une  patrie. 
^DatiL.,  Énéid.,  III,  674.) 

PoDRTi.NT.  Adv.  On  ne  le  met  point  au  com- 


OU 

mencement  d'une  pi.rase;  on  le  place  immédiate- 
ment après  le  verbe  dans  les  temps  simples,  ou 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  dans  les  temps 
coinpo>és  :  Je  voudrais  pourtant  vous  parler  ; 
quoiqu'il  S'it  habile,  il  a  pourtant  fait  une 
grande  faute. 

Pour.voiii.  V.  n.  et  irrég.  de  la  3'  conj.  Il  se 
conjugue  comme  voir,  excepié  au.t  temps  sui- 
vants. 

Passé  simple.  Je  pourvus;  futur,  je  pourvoi- 
rai; conditionnel,  jc  pourvoirais;  imparfait  du 
subji  nctif,  que  je  pourvusse,  elc. 

Pourvu.  Adv.  qui  est  toujours  suivi  médiate- 
ment  ou  immédiatement  de  que,  et  qui  régii  le 
subjonctif  :  Pourvu  que  vous  y  veniez. 

PoDssER.  V.  a.  delà  1"  conj.  Voici  quelques 
exemples  de  l'emploi  de  ce  mot  en  vers  : 

Les  Juifs  partout  de  joie  en  poussèrent  des  cris. 
(Rac,  Eslh.,  act.  V,  se.  i,  67.) 

Et  de  mes  froids  soupirs  ses  regards  offensés 
Verraient  trop  que  mon  cœur  ne  les  a  point  poussé». 
(Rac,  Baj.,  act.  II,  se  v,  83.) 

Et  que  cliacun  enfin,  d'un  même  esprit  pou«<e. 
Garde  en  mourant  le  poste  où  je  l'aurai  placé. 

(Uac,  .ith.,  act.  IV,  se.  V,  30.) 

Peut-être   animé  aurait-il   été   mieux   placé 


Honteux  d'avoir  pousse  tant  de  vœux  ^uperQus. 

(Rac,  Androm.,  act.  I,  se.  1,  55.) 

On  dit  bien  pousser  des  soupirs,  mais  non  pas 
pousser  des  vœux. 

Et  le  peuple  accablé  poussant  de  vains  soupirs, 
Gémissait  de  leor  luxe  et  payait  leurs  plaisirs. 

(Volt.,  Benr.,  III,  6t. 

Je  vais  tenter  mon  sort, 
Et  pousser  la  vertu  jusqu'au  dernier  effort; 
Je  veux  voir.! quel  point  mie  femme  hardi» 
Pourra  de  son  coté  pousser  la  per&die. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  IV,  se.  T,  62.) 

Poussière.  Subst.  f.  Ce  mot  se  dit  en  poésie 
de  même  qyicpoudre,  qui  signifie  la  luéme  chose. 

Son  casque  auprès  de  lui  roule  sur  lapoussi^r^. 
(Volt.,  Hcnr.,  VIII,  258  ) 

Là  le  fils  de  Thétis,  sous  les  murs  d'Ilion, 
Avait  traîné  trois  fois  Hector  dans  la  pou»«i»re. 

(Dblil.,  Énéid.,  l,  660.) 

Et  figurément  : 

Sixte  au  trône  élevé  du  sein  de  la  pousiiVr;. 

(Volt.,  Henr.,  Ht,  4Ù3.) 

Voyez  Poudre. 

Pouvoir.  V.  a.  irrégulier  et  défectueux  de  la 
3*  conj.  Voici  comment  il  se  conjugue 

Indicatif.  —  Présent.  Jc  puis  ou  je  peux,  tu 
I  peux,  il  i)eut;  nous  pouvons,  vous  pouvez,  ils 
peuvent.  —  Imparfait.  Je  pouvais,  tu  pouvais, 
il  pouvait;  nous  pouvions,  vous  pouviez,  ils 
pouvaient.  —  Passé  si?uple.  Je  pus,  tu  pus,  il 
put;  nous  piunes,  vous  pûtes,  ils  purent.  — 
/w/ï/r.  Je  pourrai,  tu  pourras,  il  pourra  ;  nous 
pourrons,  vous  [wurrez,  ils  pourront. 

Conditionnel.  Ae'.se/;/.  Je  pourrais,  tu  pourrais, 
il  pourrait;  nous  pourrions,  vous  potu-riez  ils 
pourraient.  —  Point  d'impératif. 


FRE 

Subjonctif.  Présent.  Que  jo  puisse,  que  lu 
puisses,  tiii'il  puisse;  ([ue  nous  puissions,  (pie 
vous  puissiez,  qu'ils  i>uisseiit.  —  ImTpaifait. 
Que  je  pusse,  «jue  lu  pusses,  (ju'il  pùl;  que 
nous  Plissions,  que  vous  pus^icz,  qu'ils  pussent. 

Parlii'ipe.  —  Présent,  l'uuvant.  —  Passé. 
Pu  ;  pûiit  lie  féminin. 

11  prend  l'auxiliaire  «roir  dans  ses  temps  com- 
poses. 

Quoiqu'on  nieiio  deux  »•  au  futur  et  au  présent 
du  condiliunnci,  on  n'en  prononce  qu'un. 

Je  peu.v  se  dit  quel(iuefois  en  vers,  et  dans  la 
convei-sation;  mais  j<?/)i/ti  est  préféré.  On  ne  dit 
pas  peux-je,  mais  puis-je. 

Par  quel  page  éclaUnt  et  digne  d'un  grand  roi, 
Puis-je  récompenser  le  mérite  et  la  foi? 

(RiC,  Esth.,  ad.  III,  se.  v,  10.) 

L'univers  m'embarraîsc,  et  je  ne  puis  son^rer 
Que  celfe  liorloje  existe  et  n'ait  point  d'hoiioger. 
(Volt.,  les  Cabales,  111.) 

Enfin,  c'est  mon  plaisir,  je  veux  me  satisfaire  ; 
Je  ne  puis  bien  parler,  et  ne  saurais  me  taire. 

iBoiL.,  Sat.  VII,  89.) 

On  (\'\lje  ne  puis,  et  je  ne  puis  pas.  Dans  le 
premier  exemple  la  négative  est  moins  forte.  Je 
ne  puis  suppose  des  embarras,  des  difficultés, 
des  inconvénients;  je  ne  puis  pas,  exprime  une 
impossibilité  absolue. 

On  dit  familièrement,  il  se  pourra  faire  que, 
il  se  pourrait  faire  que,  pour  dire,  il  pourra,  il 
pourrait  arriver  que. 

Praticable.  Adj.  des  deux  genres.  Une  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Moyen  praticable,  chemin 
praticable.  On  l'emploie  le  plus  souvent  avec  la 
négative  :  Ce  chemin  n'est  pas  praticable,  ces 
moyens  ne  s-,nt  pas  yraiicahles;  mais  or/  dit. 
ce  moyen  est  priilicublc,  il  a  employé  tous  les 
moyens  praticables.  Des  chemins  ne  scrnt  pas 
praticalles,  lorsqu'il  est  impossible  d'y  passer, 
soit  à  pied,  soit  à  cheval,  soit  en  voilure.  Un 
gué,  un  marais  ([ui  n'est  pas  ])raticable.  On  dit 
aussi  qw^une  chose  est  ou  w'est  pus  praticable. 

PB.iTiQci;.  Subst.  f.  On  peut  l'employer  dans 
le  style  noble,  dans  le  sens  de  menées,  d'intelli- 
gences secrètes  : 

J'ai  déconrert  au  roi  les  sanglantes  pratiques 
Que  formaient  contre  lui  deux  ingrats  domestiques. 
(Eac,  Esth.,  ad.  I,  se.  i,  99.) 

PRATiQrE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Instruction  pratique,  mo- 
rale pratique,  vertu  pratique. 

Pratiquement.  Adv.  L'Académie  de  1798  Ta 
mis  dans  son  Dictionnaire  et  celle  de  J835ra  con- 
servé, mais  nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  usité. 

Préalable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  no  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Question  préalable,  con- 
dition préalable. 

Préalablemekt.  Adv.  On  peut  le  mettre  quel- 
quefois entre  l'auxiliaire  et  Pî  participe:  Il  faut 
préalablement;  il  a  préalablement  fallu  ou  il  a 
fallu  préalablement. 

Précaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Autorité  précaire,  pouvoir 
précaire,  possession  précaire. 

Précairement.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  : 
//  en  jouit  précairement.,  il  en  a  joui  précai- 
rement. 

Précédemment.  Adv   On  peut  le  mettre  entre 


PRE 


874 


l'auiiliaire  et  le  participe  :  Nous  avons  dit  pré- 
cédemment, nous  aviins  précéii<;viment  expliqué 
les  causes  de  ce  phénomène. 

Précédent,  Précéde:ste.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Le  jour  précédent,  le  règne 
précédent.  Les  précédentes  assemblées  ont  décidé 
que.  A' oyez  Adjectif. 

Préceptoral,  Préceptorale.  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Ton  préceptcral,  pra- 
vité  préceplorale.  L'Académie,  Ticvoux,  Fér.iud, 
Wailly,  Gattel,  etc.,  ne  donnent  point  de  mas- 
culin pluriel  à  cet  adjectif;  nous  pensons  cepen- 
dant qu'on  pourrait  fort  bien  dire  des  conseih 
préceptoraux. 

*  Préceptoriser.  y.  a.  de  la  1"  conj.  Donner 
des  leçons  à  la  manière  d'un  précepteur.  Mol 
nouveau  employé  par  Diderot  :  Si  la  vérité  blesse 
si  fréquemment,  dil-il,  c'est  un  peu  la  faute  de 
celui  qui  la  dit:  ou  c'est  un  orgueilleux  qui  nous 
humilie,  ou  un  ignorant  qui  nous  précepturise, 
ou  un  grossier  personnage  qui  7i"!/.v  insulte 

Prèchedr.  Subst.  m.  il  se  dit  par  dénigrement 
d'un  mauvais  prédicateur,  et  d'un  homme  qui  ne 
cesse  de  faire  des  remontrances  à  tort  et  à  tra- 
vers :  Les  prêcheurs  de  inorale,  dans  les  livres 
et  ailleurs,  dit  Diderot,  ressemblent  assez  aux 
marchands  de  tisane,  qui  la  vendent  bonne, 
excellente,  bienfaisante,  maii-  qui  en  boivent 
fort  peu  pour  leur  compte. 

Au  féminin  on  dit  prêcheuse. 

Pr,ÉciEDSE.MENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  On  a  conserré  pré- 
cieusement cette  tradition,  ou  on  a  précieusement 
conservé  cette  trnditicn. 

Préciedx,  Préciedse.  Adj.  On  le  met  avant  son 
subst. ,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Pierre  précieuse,  des  meubles  précieux.  —  Des 
mornents  précieux,  de  précieux  moments  ;  un 
avantage  précieux,  un  précieu.v  avantage.  Ta- 
chons de  conserver  ses  jours  précieux,  ou  ses 
précieux  joxirs.  —  On  dit  Je  précieux  corps,  It 
précieux  sang  de  Jésus-Christ  ;  une  relique 
précieuse,  une  précieuse  relique.  Il  régit  quel- 
ipiefoisla  préposition  à,  ou  la  préposition  po(/r  .■ 
Ce  souvenir  est  précieux  à  7)ion  père.  C'est 
un  avantage  précieux  pour  7noi.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Précipitamme:»t.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  avancé  pré- 
cipitamment,ou  il  s'est  précipitamment  avancé. 

Précipiter.  V.  a.  de  la  1'^'  conj.  !  es  poètes 
remi)loient  assea  souvent,  et  quelquefois  dans 
des  acceptions  que  n'indique  pas  l'Académie  : 

Que  du  trono,  où  le  sans  l'a  dû  faire  monter, 
Britannicus  par  moi  s'est  vti  précipiter, 

(Rac,  Brîtan.,  act.  I,  sc.l,  61.) 

Vous  trahissez  enGn  vos  enfants  raallieureux. 
Que  TOUS  précipitez  sous  un  joug  rigoureux. 

(Rac,  Phèd.,  ad.  I,  se.  ib,  47.) 

Guise,  tranquille  et  fier  au  milieu  de  l'orage. 
Précipitait  du  peuple  ou  n-tcnait  tarage. 

(Voi-T.,  Henr.,  III,  251.) 

Je  l'ai  TU  courir  seul  et  se  pTécpiter. 

(Voit.,  Taner.,  ad.  V,  se.  i,  33.) 

Précis,  Précise.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Temps  précis,  jour  précis,  à  l'heure 
précise  ;  —  demandes  précises,  mesures  précises. 
Voyez  Précision. 


572 


PRÉ 


^nÉc^SKME^T.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
raiixiliairo  el  le  participe  :  Il  a  rencontré  pré- 
eisiinent  ce  qu'il  cherchait,  OU  i7  a  précisément 
rencontre  ce  qu'il  cherchait. 

Pr.KcisioN.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  C'est 
une  brièveté  convenable  en  parlant  ou  en  écri- 
vant, el  qui  consiste  à  ne  rien  dire  de  snpordu 
et  à  no  rien  oniellre  do  nécessaire.  La  précision 
a  deux  opposés,  savoir  :  la  prolixité,  qui  dé;:énore 
en  une  abondance  de  paroles  vagues;  et  l'ex- 
trême concision,  qui  fait  qu'on  tombe  dans  l'ob- 
scurité. —  Il  y  a  de  la  différence  entre  justesse 
el  prt'cisinn.  La  justesse  empécbe  de  donner 
dans  le  faux;  cl  la  précision  écarte  l'inulile.  Le 
discours  précis  est  une  marque  ordinaire  de  la 
justessi'  de  l'esprit.  (Girard.) 

La  fu-écision  est  sans  contredit  une  des  qua- 
lités les  plus  essentielles  du  discours.  Elle  dit 
beaucoup  on  peu  de  mots,  el  elle  atteint  de  la 
manicro  la  |)his  pai  faite  au  but  du  discours.  —  Il 
faut  distinguer  la  précision  des  pensées  de  la 
précision  des  expressions.  L'une  vient  de  la 
richesse  de  l'imagination,  et  l'autre  d'une  sage 
économie  dans  les  termes  et  dans  la  façon  de 
s'exprimer.  Celle-ci  est  la  (>lus  difficile  à  obtenir. 
Il  ne  faut  pas  peu  d'art  pour  exprimer  un  nombre 
de  pensées  donné  par  le  plus  petit  nombre  de 
mots,  sans  autre  expédient  que  de  rejeter  tout 
ce  qui  est  superflu.  On  ne  peut  parvenir  à  cette 
précision  i]u'en  examinant  à  loisir  un  plan  d'idées 
fort  étendu.  Lorsque  l'on  a  rassemblé  tout  ce  qui 
appartient  au  sujet,  il  faut,  pour  être  aussi 
précis  qu'il  est  possible,  travailler  sur  chaque 
idée  en  particulier,  et  la  renfermer  dans  le  moins 
de  mots  qu'elle  le  permet.  La  précision  est  sur- 
tout nécessaire  dans  les  endroits  où  ronmulli[)lie 
les  images  qui  doivent  promptement  produire 
l'effet  qu'on  se  propose;  car  plus  elles  sont  ser- 
rées, plus  elles  opèrent. 

PnÉcocE.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oieille 
et  l'analogie  :  Fruit  précoce,  arbre  précoce.  — 
Un  esprit  précoce. 

De  Tolre  cœur  l'inconstance  est  précoce. 
(Volt.,  Enf.  prod.,  ac.  IV,  se.  iv,  28.) 

Instruisez  au  combat  son  précoce  courage. 

(Dei.il.,  Énéid.,  Vlir,  733.) 

Voye?.  Adjectif. 

PnÉcoMPTEn.  V.  a.  de  la  1"=  conj.  Le  second  p 
ne  se  prononce  pas.  Préconter. 

Pr.ÉniKE.  V.  a.  cl  irrégulier  de  la  i"^  conj.  Il  se 
conjugue  comme  dire,  excepté  à  la  seconde  per- 
sonne du  i)réscnt  de  l'indicatif,  où  l'on  dit  vous 
prédisez  au  lieu  de  vous  prédites  On  dit  aussi 
prédises  à  l'impératif. 

Pl'.KIiOMlNANT,    rRKDOMINANTE.    Adj.  VCrbal    tilé 

du  V.  prédominer.  II  ne  se  met  (ju'après  son 
subst.  :  f^ice  prédominant ,  humeur  pn'dnwi- 
vnnle,  passion  prédominante,  vertu  prédomi- 
n'inlc. 

Pr.i';ÉMiNENT,  Préémiseste.  Adj.  qui  ne  se  met 
.;;i'aprcs  son  subst.  :  f^ertu  prééminente,  dignité 
nrééminenie.  La  charité  est  la  vertu  préémi- 
!  rnte. 

PRÉFÉRABt.E.  Adj.  dcsdcux  gcurcs.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Lu  vertu  est  préférable  à 
liius  les  avtres  biens. 

Préfkrablkmf.nt.  Adv.  Comme  il  est  toujours 
«uivi  de  la  préjiosiiion  à,  on  ne  peut  le  mettre 
qu'après  le  verbe  :  Il  a  aimé  cette  fille  préfé- 


PRÉ 

rablement  à  tous  ses  autres  enfants.  Il  faut 
aimer  Dieu  préférablement  à  tout. 

PKÉFÉr.ER.  V.  a.  delà  i"  conj  Doit-on  dire, 
il  préfère  mourir,  sans  préposition;  ou,  avec 
la  préposition  de,  il  préfère  de  mourir*  Féraud 
est  pour  le  second,  et  il  se  fonde  sur  ces  deux 
phrases  de  Buffon  :  On  préfère  û'élerer  des  ai- 
g'es  viûlcs  pour  la  chasse,  et  il  préfère  de  pé- 
rir avec  eux  plutôt  que  de  les  ahandimner. 

Pour  décider  cette  question,  il  faut  observer 
que  l'infinitif  d'un  verbe  peut  être  considéré  ou 
comme  un  verbe,  ou  simplnment  comme  un  nom, 
abstraction  faite  de  toutes  les  propriétés  qui  le 
rangent  d;insla  classe  des  verbes.  Ti\\\\^  je  préfère 
mourir,  vmvrir  est  présenté  comme  un  pur  nom, 
parce  qu'il  n'est  point  ai-compagne  d'accessoires 
qui  rappellent  sa  nature  de  verbe;  c'est  comme 
si  l'on  (lisait,  je  préfère  la  mort.  Mais  quand  on 
dit,  je  préfère  de  rnnurir  arec  vous,  mourir 
n'est  pas  présenté  connue  un  pur  nom,  parce  que 
les  mois  arec  vous,  dont  il  est  accompagné,  le 
ramènent  a  la  nature  du  verbe.  Dans  ce  dernier 
cas,  il  faut  employer  la  préposition  </?  ;  dans  le 
premier,  il  faut  la 'supprimer.  Les  deux  exemples 
de  Buffon  ne  prouvent  donc  rien  en  faveur  de 
l'opinion  de  Féiaud  Dansb'  premier,  oh /^je/'ère 
d'élever  des  aigles  mâles  pour  la  chasse;  ces 
mois,  des  aigles  viâles  pour  la  chasse,  qui  sont 
le  complément  du  verbe  ékrer,  indi(iuent  que 
cet  infinitif  est  pris  dans  le  sens  d'un  verbe,  et 
non  absolument  dans  le  sens  d'un  nom.  Il  fallait 
donc  metlie  de.  Dans  le  second,  je  préfère  de 
périr  avec  eux,  avec  eux  rappelle  aussi  l'infinitif 
périr  à  la  nature  du  verbe,  et  empêche  qu'on  ne 
puisse  le  considérer  comme  un  nom  ;  il  fallait 
donc  aussi  employer  la  préposition.  Il  faut  donc 
dire,  je  préfère  mourir  plutôt  que  de  vivre  dans 
^ignominie,  et  je  préfère  de  mourir  avec  vous, 
plutôt  que  de  vous  trahir  ;  je  préfère  périr  plutôt 
que  de  m'avouer  coupable,  Cl  je  pré  f  ère  de  périr 
dans  les  tourments ,  plutôt  que  de  m'avouer 
coupable.  —  S'il  est  simplement  question  de 
manger,  on  dira,  je  préfère  manger;  mais  s'il 
s'agit  de  décider  entre  deux  sortes  de  mets,  et 
que  le  verbe  manger  so\\.  présenté  avec  un  régime, 
il  faudra  dire,  je  préfère  de  manger  du  poulet, 
et  non  pas,  je  préfère  manger  du  poulet,  sans 
préposition.  —  Fn  un  mol,  toutes  les  fois  que 
l'infinitif  est  présenté  conune  un  nom  pur,  il  est 
complément  direct  du  verbe,  comme  tout  autre 
nom.  On  ne  dit  pas  je  préfère  de  la  mort;  on  ne 
doit  pas  dire  davantage  je  préfère  de  mourir, 
quand  mourir  est  un  nom  comme  la  mort  en 
est  un. 

Préfix,  Préfixe.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Jour  préfix,  terme  préfix,  somme 
préfixe. 

l'RÉjnDiciAniE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  est 
toujours  suivi  de  la  préposition  à,  et  ne  pcMt  être 
placé  avant  son  subst.  :  Chose  préjudiciable  à  la 
santé,  à  l'honneur. 

Préjcgfr.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  un  j  ;  et 
pour  lui  conserver  cette  prononciation,  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
avanl  cet  a  ou  cet  o  :  Je  préjugeai,  préjugeons; 
et  non  pas,  je  préjugai,  préjvgons. 

Préliminaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit 
toujours  son  subst.  :  Discours  préliminaire  , 
question  préliminaire.  —  Articles  prélimi- 
naires. 

Préuminairement.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  exigé  pré- 


PRE 

Uminaireineiit  que...,  ou  il  a  préliminairement 
exigé  que... 

Pf.ÉMATur.K,  PRÉMATonKE.  Adj.  11  nc  se  met 
iju'apics son  subsl.  :  FruU prémuluré. — Esprit 
prématuré,  sagesse  prématurée.  —  Entreprise 
prématurée ,  démarche  prématurée. 

PnÉMAïuniiMEiNT.  Adv.  Il  uc  se  inel  qu'après  le 
verbe:  f^ous  avez  fait préinalurétnent  toulesces 
démarches,  et  non  pas,  vous  avez  prématuré- 
ment fait. 

Pkémices.  Subst.  f.  i>lur.  Ce  mot  désigne  les 
premiers  fruits  de  la  terre  ou  du  bciail,  et  ligu- 
rémenl  les  preinièies  productions  de  l'esprit,  les 
premiers  mouvements  du  cœur,  les  premiers 
iruits  d'une  entreprise,  d'un  iégi;c,  etc.  : 

Toujours  la  tyrannie  a  d'heureuses  prémices. 

(Rac,  Britan.,  act.  I,  se.  l,  33.) 

Cependant  Rome  entière,  en  ce  même  moment. 
Fait  des  vœux  pour  Titus,  el,  )u;  des  sacrilices. 
Do  son  règne  naissant  célèbre  les  prémices. 

(lUc,  Bcrén.,  act.   I,  se.  T,  3ô.) 

Féraud  a  dit,  à  l'occasion  de  ce  vers  :  On  dit  les 
préj/iices  de  mon  travail;  on  peut  donc  dire 
aussi  les  prémices  d'un  règne,  c'est-à-dire  ses 
commencements. 

Ma  main  de  cette  coups  cpanctie  les  prtmicee. 

(RkC,  Britan.,  act.  V,  se.  v,  9.) 

Déjà  coulait  le  sang,  premiers  du  carnage. 

(RaC,  Jphig..  act.  V,  sc.vi,  23.) 

De  la  Tengeance  au  moins  j'ai  goûté  les/ire'mîefs. 
(Volt.,  Oreste,  act.  III,  se.  Vlll,  2i.) 

La  mort  de  Coligny,  prémices  des  horreurs, 
N'ittait  qu'un  faible  essai  de  toutes  leurs  fureurs. 

(Volt.,  Ilenr.,  II,  247.) 

...EupUémon  qui,  malgré  tous  ses  vices. 
De  Tolre  cœur  eut  les  tendres  prémices. 
(Volt.,  Enf.  prod.,  act.  III,  se.  ii,  45.) 

Premier,  Premii^re.  Adj.  En  prose,  il  se  met 
ordinairement  avant  son  subst.  :  Le  premier 
homme,  le  premier  du  mois;  en  vers,  il  le  suit 
quelquefois  : 

De  ces  chagrins  mortels  son  esprit  dégagé 
Souvent  reprend  sa  foi  ce  et  sa  splendeur  première. 
(Volt.,  Sémir.,  act.  I,  se.  i,  52.) 

Premièresiekt.  Adv.  11  n'est  guère  employé 
que  suivi  des  mots  secundemc/tt,  en  second  lieu, 
ensuite,  OU  autres  expressions  semblables.  Ou  le 
met  ou  au  comuicnecnient  de  la  i)lirase,  ou  après 
le  verbe,  ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  ; 
Premièrement,  je  vous  parlerai  de  ce  qui  est 
arrivé;  en  second  lieu,  je  vous  en  expliquerai 
les  causes.  Il  a  parle  premièrement  de  su 
situation,  il  a  premièrement  parlé  de  su  si- 
tvation. 

Prémisses.  Subst.  f.  plur.  11  se  prononce  comme 
prémices,  mais  il  s'écrit  avec  deux  s.  Il  signifie, 
en  terme  de  logiipie,  les  deux  premières  proposi- 
tions d'un  syllogisme. 

Pr.EivABLi;.  Adj.  des  deux  genres.  11  suit  tou- 
jours son  subsl.  :  Cette  place  est  prenable.  On 
l'emploie  ordinairement  avec  la  négative  :  Celte 
ville  n'était  prenable  que  par  cet  endroit.  Cette 
place  n'est  prenable  que  pur  la  faim.  Cet  homme 
n'est  prenable  ni  par  or  ni  par  urgent. 


PRE 


573 


Prenant,  Prename.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
prendre.  Il  n'est  d'usagequ'cn  termes  de  finances, 
partie  prenante,  et  en  termes  d'bistoirc  natu- 
relle, où  il  se  dit  de  la  queue  de  certains  anintaux, 
qui  s'en  servent  pour  s'aitaclier,  pour  se  sus- 
pendre :  Cet  animal  a  la  queue  prenante.  — Ou 
dit  aussi  iwpulairement,  carêine-prenant,  pour 
dire  le  mardi  gras. 

Prendre.  V,  a.  et  irrègulicr  de  la  4°  conj. 
Voici  comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  prends,  tu  prends,  il 
prend  ;  nous  prenons,  vous  prenez,  ils  prennent. 
—  Imparfait.  Je  prenais,  tu  prenais,  il  i)ienait; 
nous  prenions,  vous  preniez,  ils  prenaient.  — 
Passé  simple.  Je  pris,  lu  pris,  il  prit;  nous 
primes,  vous  prîtes,  ils  prirent.  —  Futur.  Je 
prendrai,  tu  prendras,  il  prendra  ;  nous  prendrons 
vous  prendrez,  ils  prendront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  prendrais,  tu 
prendrais,  il  prendrait;  nous  prendrions,  vous 
prendriez,  ils  prendraient. 

Impératif.  —  Présent.  Prends,  qu'il  preime; 
prenons,  qu'ils  prennent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  prenne,  ipie  tu 
prennes,  (]u'il  prenne;  que  nous  prenions,  (jue 
vous  |)icniez,  (|u'ils  prennent.  —  Imparfait. 
Que  je  prisses,  que  lu  prisses,  qu'il  prit;  que 
nous  prissions,  que  vous  prissiez,  qu'ils  prissent. 

Participe.  —  Présent.  Prenant.  —  Passé. 
Pris,  prise. 

Il  forme  ses  temps  composés  avec  le  verbe 
auxiliaire  avoir. 

Voici  quelques  exemples  de  la  manière  dont  les 
poêles  emploient  ce  verbe  : 

Si  tu  venais  d'entendre 
Quel  funeste  dessein  Roxane  vient  de  prendre, 

(Rac,  Baj.,  act.  I,  se.  ir,  4.) 

J'ai  pris  la  vie  en  haine,  et  ma  flamme  en  horreur. 
(Rac,  Phèd.,  act.  I,  se.  m,  156.) 

Ne  rougis  point  de  prendre  xine  voix  supptiantr. 
(Idem,  act.  111,  se  i,  74.) 

Si  ce  front  est  malpropre  ù  m'acqnérir  le  votre, 
Quand  j'en  aurai  dessein,  j'en  saurai  prendre  un  autre. 
CoiiN-,  I\'icom.,  act.  I,  se.  Il,  5.) 

Voltaire  dit,  au  sujet  de  ces  vers  :  Prendre  un 
front  es[  un  barbarisme.  On  dit  bien,  il  prit  un 
visai/e  sévère,  un  visa(je  serein;  mais,  en  général, 
on  ne  peut  pas  dire  prendre  un  front,  parce 
qu'on  ne  iieut  pas  prendre  ce  qu'on  a.  11  faut 
ajouter  une  épilhéle  qui  marque  le  sentiment 
(ju'ou  prend  sur  son  front,  sur  son  visage. 
[Remarques  sur  Corneille.) 

Se  prendre,  s'en  prendre.  Voyez  En. 

Prendre  parti,  toul  seul,  signifie  s'enrôler 
pour  servir  a  la  guerre  :  Il  a  pris  parti;  il  api-is 
parti  dans  mon  régiment.  —  Prendre  parti 
signifie  aussi  s'attacher  au  service  de  ijuelqu'un; 
mais  alors  on  marque  toujours  avec  qui  on  s'en- 
gage :  Il  a  pris  parti  avec  M.  le  duc.  —  Prendre 
son  parti  veut  dire  se  résoudre:  J'ai  pris  mon 
parti;  elle  prit  son  parti  sur-le-champ .  —  Pren- 
dre le  parti  de  quelqu'un,  c'est  se  mettre  de  son 
côté,  le  défendre  :  //  faut  prendre  le  parti  des 
malheureux,  des  gens  qu'on  opprime,  qu'on  ca- 
lomnie, qu'on  per.iécute ;  c'est  un  devoir  de 
l'humanité.  Voyez  Parti. 

On  dit  prendre  confiance  en  quelqu'un,  en 
parlant  de  l'assurance  qu'on  a  de  la  probité,  de 
la  discrétion  de  quelqu'un  ;  et  on  dit  aussi  prendre 


574 


PRE 


xonfuince  en  quelque  chose ,  quoi  (|U  en  disciil 
Bouliours  cl  Wailly,  qui  veuleiil  qu'en  parlanl 
des  clioscs  on  ein|iloic  la  prépiisiliuii  à,  cl  qu'on 
iiie  prendre  confiance  il  u /te  affaire.  Celle  |ilirase 
n'ihdiquanl  point  un  but  auquel  lend  l'ailion  du 
verlie,  mais  une  chose  prise  dans  la  cliose  uicme, 
In  proposition  à  ne  peut  cire  employée  a  ex- 
primer ce  rapport.  11  fauldirc  connue  l'enseigne 
Marniunlel  dans  sa  granunaire,  prendre  confiance 
en  /(/  prt'biié  de  quelquvn. —  En  IS35,  l'A'ja- 
démic  donne  pour  exemple  :  Prendre  confiance 
dans  l'avenir. 

Prendre  garde  exige  le  subjonctif  dans  la  pro- 
position subordonnée: 

Prend»  garde  que  jamais  l'aslre  qui  nous  éclaire 
Ne  le  Toie  en  ces  lieux  mettre  un  pied  téméraire. 

iRic,  P/i«d.,acl.  IV,  se.  ii,  27.; 

Dans  ce  cas,  on  supprime /)a.y  on  point. 

Préparatio>.  Aoyez  Protose. 

Préparatoire.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
mel  qu'après  son  subsl.  :  Procédures  prépara- 
toires, sentences  préparatoires. 

PRÉP0.^t)ÉRA^•T,  Prépondêrame.  Adj.  qui  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  f^oix prépondérante. 

Prépositif,  Prépositive.  Adj.  Terme  de  gram- 
maire, qui  s'emploie  aussi  substantivement.  On 
appelle  particules  prépositives,  ou  prépositioiis 
inséparables,  des  parties  élémentaires  qui  entrent 
dans  la  composition  df^s  mois ,  comme  ad  dans 
adjoint,  in  dans  infini,   etc.  "\'oyez  Purticvle. 

On  appelle  adjectifs  prépositifs ,  ou,  sub- 
stanlivcnient,  prépositifs ,  certains  petits  mots 
qui  ne  signifient  rien  de  physique,  qui  sont  iden- 
tifiés avec  ceux  devant  lesquels  on  les  place,  et 
les  font  prendre  dans  une  acception  particulière. 
Tels  sont  le,  la,  les,  ce,  cet,  cette,  ces,  certain, 
quelque,  tout,  chaque,  nul,  aucun,  mon,  ma, 
mes.  On  appelle  prépositif  défini,  le,  la,  les,  soit 
qu'il  soit  simple,  soit  qu'il  soit  compose  des  j)ré- 
positions  d  ou  de.  Ainsi  du,  au,  des,  aux,  sont 
des  prépositifs  définis,  parce  qu'ils  ne  se  met- 
tent que  devant  un  nom  pris  dans  un  scnsprécis, 
circonscrit, déterminé  et  individuel.  Ce,  cet,  celte, 
est  aussi  un  prépositif  défini.  Les  autres  prépo- 
sitifs, tels  que  tout,  }iul,  aucun.,  chaque,  quel- 
que, un,  dans  le  sens  de  quidam,  ont  chacun 
leur  service  particulier.  Voyez  Adjectif  et 
Irticle. 

Préposition.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire. 
Les  prépositions  sont  des  mots  qui  expriment  ou 
indiquent  des  rapports  entre  deux  termes,  dont 
l'un  se  noniinc  rantécédcnt,  et  l'autre  le  consé- 
quent. Quand  je  dis,  le  livre  de  Pierre,  de  exprime 
un  rapport  entre  le  livre  cl  Pierre.  Le  livre  est 
l'antécédent,  Pierre  le  conséquent,  et  d^  la  pré- 
position qui  marque  le  rai)port  entre  l'un  et 
l'antre. 

Le  terme  antécédent  est  un  mot  dont  le  sens, 
général  par  lui-même,  est  susceptible  de  diffé- 
rents degrés  de  détermination  et  de  restriction, 
et  la  préposition,  avec  le  conséijuent  qui  en  com- 
plète le  sens,  exprime  cette  déterminrilion  ou  cette 
restriction.  Ce  mot,  le  livre,  a  par  lui-même  un 
sens  général  susceptible  de  différents  degrés  de 
détermination  et  de  restriction  :  il  peut  appar- 
tenir à  Pierre  ou  à  Paul,  à  Jean  ou  à  Jacques; 
de  Pierre  restreint  ce  sens  général. 

Les  mots  susceptibles  d'étrë  les  antécédents 
d'une  préposilion  sont  les  noms  appellatifs,  comme 
livre;  les  adjectifs,  les  verbes  cl  les  adverbes. 
Quand  je  dis  l'exercice  est  utile  à  la  santé,  le 


PRE 

sens  général  de  l'adjectif  utile  est  détermine  par 
les  mots  à  la  santé,  c'est-à-dire  jcir  la  jjréposition 
d  et  le  terme  con^cMiucnt  la  santé.  Il  en  est  de 
même  dans  je  travaille  à  un  pué'ine  ;  le  sens 
généraldu  verljeje/z-aiv/iV/cest  déterniiné  para  un 
poème  ;  de  inèine  aus>idans  caurur/e:/ se  ment  sans 
témérité,  où  l'adverbe  courageusement  est  déter- 
miné par  les  mots  sans  témérité,  c'est-à-dire  par 
la  préposition  sans,  et  le  terme  conséquent  té- 
mérité. 

Le  terme  conséquent  devant  énoncer  le  terme 
du  rapport  dont  la  iiréposition  est  le  signe,  ne 
peut  être  qu'un  mot  qui  présente  à  resjiril  1  idée 
d'un  être  déicnniné,  et  lels  sont  les  noms,  les 
pronoms  et  les  infinitifs,  qui  sont  une  cs|>èce  de 
noms. 

Quand  je  dis  le  livre  de,  utile  ci,  je  travaille  à, 
courageusement  sans,  les  rap|)ortsne  sont  qu'an- 
noncés, les  sens  ne  sont  pas  coinjjlcts  ;  il  faut, 
pour  les  compléter,  que  les  consé(iuents  soient 
exprimés.  Le  conséquent  sort  donc  à  compléter 
l'idée  totale  du  rajiport  (|ue  l'on  se  propose 
d'énoncer,  et  c'est  pour  cela  que  les  grammai- 
riens l'appellent  le  complfinenl  de  la  préposition. 

II  suit  de  ce  qu'on  vient  do  dire,  1"  que  toute 
préposition  a  nécessairement  pour  complément 
un  nom,  un  pronom,  ou  un  infinitif;  2'  que  la 
préposition  avec  son  complément  forme  un  com- 
plément total  délerminatif  d'un  nom  appellatif, 
d'un  adjectif,  d'un  verbe  ou  d'un  adverbe  qui  est 
le  terme  antécédent  du  rajiport  :  Je  travaille 
pour  vous  ;  le  pronom  vous  est  le  complément  de 
la  jiréposition  pn?/r,  et  pour  row*  est  le  complé- 
ment délerminatif  du  verbe  travaille.  La  néces- 
sité de  77J0!/7'ir,- l'infinitif  j.iom;'î/- est  le  complé- 
ment de  la  préposilion  de,  et  de  mourir  est  le 
complément  doterminatif  du  nom  appellatif  né- 
cessité. Utile  à  la  santé;  le  nom  appellatif  Za 
santé  df'l  le  complément  de  la  préposition  à,  et  à 
la  santé  est  le  complément  délerminatif  de  l'ad- 
jectif utile.  Prudemment  sans  anxiété,  eoura- 
geusement  sans  témérité,  noblement  sa7is  hau- 
teur ;  les  noms  appellatifs  anxiété,  témérité, 
hauteur,  sont  les  compléments  des  trois  prépo- 
sitions saiis;  et  sans  anxiété,  sans  témérité, 
sans  hauteur,  sont  les  complénaents  détermi- 
nât ifs  des  ad  verbcspr«(fe/rt.7ftcwï,coMra^eM.'fe7fte7j/, 
noblement. 

Selon  les  grammairiens,  il  y  a  des  prépositions 
simples,  dans,  pour;  et  des  prépositions  com- 
posées, à  l'égard  de,  à  la  réserve  de.  Mais  pour- 
quoi appeler  prépositions  des  substantifs  qui 
sont  précédés  d'une  préposition  et  suivis  d'une 
autre?  Si  l'on  ne  veut  jtas  tout  confondre,  il  faut 
toujours  rapiielcr  les  expressions  aux  premiers 
éléments  du  discours. 

Le  rapport  qui  est  entre  deux  mots  n'est  pas 
toujours  le  même.  Ainsi,  entre  ces  mots,  je  suis 
et  l'iju,  il  peut  y  avoir  une  multitude  de  ra[>- 
ports,  comme,  je  suis  dans  l'eau,  je  suis  sur 
Veau ,  je  suis  sous  l'eau,  je  suis  devant  Veau, 
je  suis  derrière  V eau,  je  suis  contre  Veau;  et 
les  mots  dans,  sur,  sous,  devajit,  derrière, 
contre,  sont  des  prépositions  qui  déterminent  ces 
différents  rajjports. 

Quelipiefois  on  indique  un  rapport  par  la 
place  seule  que  les  mois  occupent  dans  la  jiro- 
position  ;  c'est  ainsi,  par  exemple,  ((u'esi  exprimé 
un  rapport  entre  un  verbe  actif  cl  son  régime 
direct.  Dans  Pierre  aime  Paul,  le  rapport  entre 
le  verbe  aime  et  le  substantif  Paul  e^t  suffisam- 
ment exprimé  par  la  place  de  ce  dernier  après  le 
verbe.  Los  prépositions  sont  indispensables  toutes 


PRÉ 

les  fois  que  le  rapport  ne  peut  pas  être  déterminé 
ainsi. 

Les  prépositions  considérées  seules  ne  sont 
que  des  signes  généraux  et  indéterminés  des 
rapports.  Elles  font  abstraction  de  tout  terme 
antécédent  et  consciiuent,  et  cette  indélormination 
en  rend  l'usage  plus  généi'al,  par  la  liberté  d'a[)- 
pliquer  l'idée  de  chaque  rapport  à  tel  terme,  soit 
antécédent,  soit  consoi]ucnt,  ipii  peut  couvenir 
aux  différentes  vues  de  l'énoncialion.  Mais  nulle 
préposition  ne  peut  clreemploycedans  le  discours 
sans  ètrcappliiiuée  actuellement  a  un  terme  anté- 
cédent dont  elle  restreint  le  sens  général  par 
l'idée  dont  l'Ile  est  le  signe,  et  sans  ètrcsuivicd'un 
terme  consé(picnl  qui  achève  d'individualiser  le 
rapport  indiqué  d'une  manière  vague  et  indélinie 
dans  la  préposition. 

II  y  a  des  propositions  qui,  en  indiquant  le 
terme  conséquent  d'un  rap()ort,  expriment  en 
même  temps  ce  rapport,  et  d'autres  qui  se  bor- 
nent à  indi(|uer  le  conséquent  d'un  rapport  déjà 
exprimé.  Quand  on  dit  Pierre  ressemble  à  son 
frère,  le  verbe  ressemble  exprime  le  rapport  qui 
est  entre  Pierre  et  son  frère,  et  la  préposition  à 
se  borne  à  indiquer  ao?»  frère  comme  second 
terme  de  ce  rapport.  Mais  aans  le  livre  de  Pierre, 
la  préposition  de,  qui  indique  le  second  terme, 
explique  encore  le  rapport  d'appartenance  du 
livre  de  Pierre.  Elle  modilie  donc  le  premier 
terme  le  livre,  auijuel  elle  ajoute  la  qualité  d'ap- 
partenir. 

Il  aurait  été  à  désirer,  pour  In  clarté  et  la  pré- 
cision de  notre  langue,  qu'une  préposition  ne 
marquât  qu'un  seul  rapport.  Mais  il  n'eu  est  pas 
ainsi,  et  les  mêmes  prépositions,  loisqu'elles  se 
bornent  à  indiquer  le  second  terme  d'un  rapport, 
sont  employées  dans  des  cas  différents.  En  effet, 
il  y  a  bien  de  la  différence  entre  aller  à  Paris  et 
être  à  Purii,  et  cependant  nous  emj)loyons  dans 
l'un  et  l'autre  cas  la  même  préposition  à.  C'est 
que  cette  préposition  indique  seulement  losecond 
terme  Paris,  et  que  le  rapport  est  exprimé  par 
les  verbes  aller  et  cire.  Mais  parce  qu'on  a  cru 
voir  dans  être  dans  le  royaume,  être  m  Italie, 
être  à  Rome,  plus  de  ressemblance  qu'il  n'y  en 
a,  on  a  dit  que  des  prépositions  différentes 
sont  employées  dans  des  cas  semblables;  c'est 
une  erreur. 

Le  premier  emploi  des  prépositions  a  été  de 
marquer  des  rapports  entre  les  objets  sensibles. 
Mais  parce  que  les  idées  abstraites,  exprimées 
par  des  noms  substantifs,  prennent  dans  notre 
imagination  presque  autant  de  réalité  que  les 
choses  en  ont  au  dehors,  elles  peuvent  être  con- 
sidérées comme  ayant  entre  elles  des  rapports  à 
peu  i)rès  semblables  à  ceux  qui  sont  entre  les 
objets  sensibles.  C'est  pourquoi  on  dit,  de  la 
vertu  au  vice,  comme  on  dit,  de  la  ville  à  la 
campagne  ;  on  n'est  pas  dans  la  Jeuiicsse,  comme 
ou  est  dans  la  maison;  mais  l'analogie  qui  est 
entre  ces  deux  noms,  comme  substaïuifs,  a  fait 
employer  la  même  préposition  devant  l'un  et 
l'autre. 

Par  la  une  môme  préposition  est  usitée  dans 
des  cas  différents,  et  quelquefois  les  dernières 
acceptions  ressemblent  si  peu  aux  premières,  i]ue 
si  on  ne  saisit  pas  le  fil  de  l'aualogie,  il  ne  sera 
pas  possible  de  rendre  raison  de  l'usage.  En  voici 
quelques  exemples. 

De  la  prêpositvJn  à.  —  On  dit  je  suis  à  Paris, 
je  vais  a  Paris  ;  et  cette  préposition,  dans  l'une 
et  l'autre  phrase,  se  borne  à  indiquer  un  lieu 
comme  terme  d'un  rapport.  —  Il  y  a  beaucoup 


PRÉ 


575 


d'analogie  entre  la  manièru  d'être  dans  un  lieu  et 
celle  d'être  dans  le  temps  :  on  dira  donc,  à  une 
heure,  à  midi,  à  l'afenir.  —  Il  y  en  a  encore 
entre  les  lieux  et  les  circonstances  où  l'on  se 
trouve,  et  l'on  dira,  a  ce  sujet,  à  cette  occasion. 

—  Ce  (lue  nous  appelons  substance  ne  se  montre 
à  nous  que  par  les  manières  d'être  (pil  jiaraissent 
rcnvelojiper:  c'est  une  chose  qui  existe  comme 
au  milieu  d'elles.  Il  y  a  donc  de  l'analogie  entre 
être  dans  un  lieu,  et  exister  ou  agird'une'cerlaine 
manière,  être  a  pied,  a  cheval,  prier  Dieu  à 
mains  j'intes,  recevoir  à  bras  ouverts.  —  Dès 
lors  on  dira  par  analogie  à  ces  derniers  tours, 
peindre  h  l'huile,  travailler  à  l'aiguille,  j)arce 
que  ce  sont  là  des  manières  de  peindre  et  de 
travailler.  —  Tout  terme  auquel  une  chose  tend 
est  analogue  au  lieu  ou  l'on  va.  Donner  à  son 
ami,  àter  a  son  ami,  parler  à  son  ami.  S  m  ami 
est  le  terme  des  actions  de  donner,  d'ôter  et  de 
parler.  Celle  analogie  est  encore  plus  sensible 
dans  en  venir  à  des  injures,  à  des  reproches.  — 
Table  à  manger,  maison  à  vendre,  action  à  ra- 
conter, homme  à  7iasardcs,  parce  que  la  fin,  ainsi 
(pie  l'usage  qu'on  fait  d'une  cliose,  est  conmie  le 
terme  auquel  elle  tend.  —  Par  la  même  raison 
on  emploiera  cette  préposition  lors(pron  parlera 
des  dispositions  d'une  personne:  Homme  a  réus- 
sir, à  ne  pas  pardonjier.  Ces  exemples  .suffisent 
pour  faire  comprendre  (]ue  les  usages  de  celte 
préposition  sont  tous  analogues,  quoi(iu'ils  pa- 
raissent d'abord  avoir  peu  de  rapport  les  uns  aux 
autres.  Voyez  ^. 

De  la  préposition  de.  —  Cette  préposition 
inaniue  le  lieu  d'où  l'on  vient,  et,  par  analogie, 
tout  terme  d'où  une  chose  commence.  Du  mutin 
au  soir,  d'un  bout  à  l'autre,  du  commencement 
à  la  fin,  de  Corneille  d  Racine.  —  On  dit  près, 
loin  de  Paris,  parce  que  Paris  est  un  terme  sur 
lequel  l'esprit  se  porte  pour  revenir  de  là  à  la 
chose  dont  on  parle,  et  en  marquer  la  situation. 

—  Il  y  a  quelque  analogie  entre  le  rapport  de 
situation  et  le  rapport  d'appartenance;  car  on  est 
comme  différemment  situé,  suivant  les  choses 
auxquelles  on  appartient  :  Le  palais  du  roi,  les 
mouvements  du  corps,  les  facultés  de  l'âme.  — 
Les  rapports  de  dépendance  sont  analogues  au.x 
rapports  d'appartenance,  et  il  y  en  a  de  plusieurs 
espèces;  l'effet  à  la  cause,  les  tableaux  de  Ra- 
phaël; au  moyen,  saluer  de  la  main;  à  la  ma- 
nière, parler  à'nn  ton  bas;  à  la  matière,  vase 
d'or.  —  Nous  dépendons  des  qualités  dont  nous 
sommes  doués;  homme  d'esprit,  de  sens,  de 
cœur;  —  des  principes (jui  nous  changent  ou  ipii 
nous  affectent  :  accablé  de  douleur,  comblé  de 
bonheur,  mort  de  chagrin.  —  Le  genre  dépend 
de  l'espèce  qui  le  détermine  :  La  faculté  de  lu 
vue,  de  l'ouïe,  de  l'odorat;  car  la  significiilion 
du  mot  /àci/i^e  est  déterminée  par  les  mots  ri<c, 
ouïe,  odorat,  et  par  conséquent  elle  en  dépend. — 
Les  parties  appartiennent  à  leur  tout  :  Moitié 
de,  quart  de,  c'est  pourquoi  l'on  emploie  cette 
préposition  lorsqu'on  ne  veut  parler  que  d'une 
partie,  et  on  la  retranche  lorsqu'on  parle  du  t(jut 
Perdre  l'esprit,  c'est  perdre  tout  ce  ((u'on  eu  a  ; 
avoir  de  l'esprit,  c'est  avoir  une  partie  de  ce 
qu'on  nomme  esprit;  et  il  y  a  ellipse,  car  le  pre- 
mier terme  du  rapport  est  sous-entendu.  On  dit 
également,  y'at  delà  raison,  \iO\xv  j'ai,  une  partie 
de  la  raison;  et  j'ai  raison,  pour  j'ai  toute  la 
raison  qu  on p^-ut  avoir  dans  le  cas  dont  il  s'agit. 

—  Une  chose  peut  être  regardée  comme  appar- 
tenant a  la  collection  d'où  elfe  est  tirée.  D'ailleurs 
il  y  a  beaucoup  d'analogie  entre  être  tiré  et  venir 


570 


PRÉ 


dt  On  tluit  donc  dire,  c'est  un  des  htmmes  des 
vlus  savants;  car  le  sens  est,  cet  homme  esttur. 
^'e„lre  les  phis  savants.  Au  contraire,  un  dira  . 
c'est  l'pinion  des  Jwmmes  les  pins  savants, 
Dane.i»  alors /iom/«w  n'est  pas  pris  comme  une 
Kirlie  des  plus  savants,  mais  comme  tous  les  plus 
Lvams  ensemble.  Voyez  De.  -  U  laul  rcn.ar- 
(luer  (lu'il  y  a  ellipse  toutes  les  fois  (lue  les  pic- 
posilions  à  et  de  se  construisent  ensemble.  Puis- 
mrelles  indiiiueul  des  termes  diflcrents,  elles  ne 
ireuvenl  se  réunir  que  lorstiu'on  sous-cntend  les 
mots  »iui  dcvraienl  les  séparer.  Il  s'est  occupe  a 
des  nuvraç/es  utiles,  sijjninc  donc  à  quelques-uns 
des  ouvrages  utiles. 

Dans  les  exemples  que  nous  venons  de  i.ip- 
portcr    l'analucic  maniue  sumsammciil  les  dil- 
férenlcs  acceptions  de  ces  prépositions;  mais  dans 
d'autres  le  lil  en  devient  si  délié,  (lu  il  cchappo 
tout  à  fait.  C'est  pourquoi  il  semble  <iu'on  puisse 
alors  les  employer   indifféremment    l'une  pour 
l'autre  (,;cpendaiit  elles  ne  sont  jamais  synony- 
mes; el  il  y  a  de  la  différence  eutre  continuer 
de  palier,  et  continuer  à  parler.   U  en  est  de 
même  des  tours  où  nous  croyons   pouvoir,  a 
notre  choix,  employer  ou  retrr.ncber  la  préposi- 
tion    Tel  est,   il  espère  de   réussir,  il  espère 
réussir.  Voyez  Pre'/iirer.— Nous  employons  sou- 
vent la  préposition  de  avec  ellipse,  d'où  il  arrive 
que  nous  apercevons  moins  facilement  lespc  e 
de  rapport  qu'elle  exprime.  Par  exemple   on  ne 
verra  lias  que  dans  marcher  de  jour,  de  nuit. 
Je  marque  le  rapport  de  la  partie  au  tout,  si  on 
ne  sait  pas  que  celle  expression  revient  a  celle- 
ci  :    Marcher  en  temps  de  jour,    marcher  en 
temps  de  nuit. 

Des  prépositions  dans  e<  en.  —  On  dit,  dans 
vue  maison,  dans  ce  temps,  dans  cette  année; 
cl  par  analogie,  dans  le  désordre,  dans  Ze  p/«t5tr, 
dans  la  prospérité.  —  ^  désigne  seulement  le 
lieu  où  est  une  chose;  dans  le  désigne  avec  un 
rapport  du  contenu  au  contenant.  Je  partirai 
dans  le  mois  d'arrii,  signifie  avant  la  fin  ou  dans 
le  courant  du  mois.  Au  contraire,  je  ferais  en- 
tendre (lue  je  iiartirai  dès  le  commencement,  si 
je  disais,  je  partirai  au  mois  d'avril,  ou,  en 
supprimant'  la  préposition,  je  partirai  le  mois 
d'avril.  Voyez  Da7is. 

De  la  préposition  par.   —  Comme  préposition 
de  licu,;j(u-  indi.iue  l'endroit  par  où  une  chose 
passe  :  ailer  par  les  rues,  par  monts  et  \y,\V  vaux , 
passer  \YM- la  ville;  et,   par  analogie,  passer    par 
l'élamine,\)i\Tde  rudes  épreuves,  par  le  plaisir, 
par  les  peines.  — L'n  effet  peut  être  en  (pielque 
sorte  considéré  comme  passant  par  la  cause  qu: 
le  iirodiiit  :  tableau  fait  liar  Bubens,    tragédie 
faite  par  Rncuw.  —  Mais  dés  que  pur  induiue 
le  rapport  de  l'effet  à  la  cause,  il  indiquera  en- 
core les  rappuiis  <iui  sont  à  peu   prés  dans  la 
même  analogie  :  celui  de  rcffet  au  moyen,  élevé 
iiar   .vtA  intrigues,  connaître  \yav  la  raison;  au 
motif,  5e  refuser  tout  par  avarice,  agir  par  in- 
térêt, [):n- ressentiment;  à  la  manière,  paWer  par 
énigmes,  se  conduire  \)-dT  coutume,  rire  par  in- 
tervalles.  En  voila  assez  pour  faire   connaître 
comment  l'analogie  a  étendu  chaque  préposition 
à  des  usaces  «liffércnls;  on  peut  soi-même  s  ainu- 
ser  à  chercher  d'autres  exemples.  Mais  U  laut 
commencer  toujours  par  observer  comment    es 
préiKisiiioiis  ont  d'abord  été  employées  avec  des 
idées  sensibles,  el  chercher  ensuite  par  (piellc 
analogie  on  en  a  fait  usage  avec  des  idées  abs- 
traites. 
On  compte  dans  la  langue  française  quaranle- 


PRÉ 

huit  prépositions,  c'est-à-dire  celles  seulement 
que  les  grammairiens  appellent  simples.  ISou» 
avons  expliipié,  à  chacune  d'elles,  les  difficultés 
dont  elles  peuvent  cire  susceptibles. 


Les  grammairiens  distinguent  des  prépositions 
de  lieu,  d'ordre,  d'union,  de  séparation,  d'oppo- 
sition, de  but,  de  cause,  de  moyen,  de  spécifi- 
cation. On  pourrait  étendre  cette  division  beau- 
coup plus  loin,  car  les  rapports  (lu'expriment  les 
piéiiosilions  sont  très-variés  el  trés-nombi eux. 

Passons  à  quelques  régies  générales  (pie  don- 
nent les  grammairiens  sur  les  pi  éiiosilions .  et 
rapportons  les  observations  qu'ils  uni  faites  sur 
celte  partie  du  discours. 

lo  11  y  a  (pieliiues  prépositions  qui  en  régissent 
d'autres.  Telles  S'  nt  de,  hors,  excepté  :  Un  ta- 
bleau peint  d\i\^yùs  nature,  distinguer  ses  anus 
d'avec  ses  ennemis,  la  partie  d'en  haut  et  lu 
partie  dénias  deux  d'entre  eî/^TjDe/j.vCHi  ainsi, 
je  viens  de  chez  vous,  de  par  le  roi.  —  Il  est 
hors  de  chez  lui;  excepté  de  le  battre. 

2"  U  en  est  du  régime  des  prépositions  comme 
de  ceux  des  verbes.- Quand  le  régime  de  deux 
prépositions  mises  de  suite  tombe  sur  un  même 
nom,  il  faut  que  ces  deux  prépositions  deiiian- 
deiil  le  même  régime,  sinon  le  nom  sur  lequel 
tombent  les  différents  régimes  doit  être  répète, 
ou  par  lui-même,  ou  par  un  pronom,  et  accom- 
pagné du   régime  iiui  convient  à  chacune  des 
prépositions.  On  dira,  vn  homme  qui  écrit,  selan 
les  circonstances,  pour  ou  contre  un  parti,  est 
vn  homme  bien  méprisable.  La  phrase  est  cor- 
recte, parce  que  les  deux  prépositions  pour  et 
contre  souffrent  le  môme   régime ,  c'esl-a-dire 
qu'on  l^eut  dire   également  pour  un   parti,   et 
contre  unpurti.  Mais  on  ne  pourrait  pas  dire,  ce- 
lui qui  écrit  selon  les  ciramstances,  en  faveur 
et  contre  un    parti,  etc.,  parce  qu'ew    faveur 
veut  être  suivi  de  la  préposition  de,  ei  que  contre 
ne  veut  pas  de  prcpusilion  a  sa  suite. 

30  II  y  a  des  cas  où  il  faut  répéter  les  prépo- 
sitions, el  c'est  surtout  lorsque  le  sens  est  com- 
paratif. Ainsi  il  faut  dire,  il  n'y  a  point  de  capi- 
taine parmi  les  Romains  pour  qui  j'aie  plus 
d'estime  que  pour  Cé.wr,  el  non  pas  que  Cé- 
sar; il  n'y  a  point  de  poète  auquel  je  m'attuch» 
avec  plus  de  plaisir  qu'ix  Horace,  et  non  pas 
Qu'Horace;  il  n'y  a  point  d  homme  sur  qui  je 
compte  plus  que  sur  lui;  et  ainsi  d«  toutes  les 
autres  prépositions.  ... 

En  eénéral  presque  toutes  les  prépositions  qui 
soni  d'une  seule  syllabe  veulent  être  répétées 
avant  tous  les  noms  en  régime,  toutes^  les  fois 
qu'il  y  en  a  plusieurs  :  Dieu  souffre  qu'il  y  ait 
des  malheureux  pour  exercer  leur  patience,  el 
pour  donner  lieu  aux  riches  de.  pratiquer  la  li- 
béralité. —  La  lecture  sert  a  orner  l  esprit,  a 
réqler  les  mœurs,  et  à  former  le  juycmeni.  — 
La  patrie  a  des  droits  sur  vos  talents,  sur  vet 
vertus ,  sur  vos  sentiments  et  sur  toutes  vos 
actions. 

L'Iiomme  de  bien,  modeste  avec  courage, 

El  la  beauté  spirituelle  et  sage, 

Sans  biens,  sanf  nom,  iani  tous  ces  titres  v»i«s. 

Sont  à  mes  jeux  les  premiers  des  humains. 

(YoLT.,  Nan.,  acl.  I,  se.  I,  115.) 

-La  conversation  d'aujourd'hui  est  toute  en 
saillies,  en  menus  propos,  en  équivoques,  en 
calembours,  en  jolis  riens.  rAn/.iPr  les 

Cependant  on  peut  se  dispenser  de  repeler  les 
préixlsitions  de  el  en  loisciu'il  y  a  une  «numé- 
ration a  faire,  couiinc  dans  ces  vers  ; 


PRE 

To'Jjoars  lofés  en  de  Irès-besi'x  chdteauc 
De  princes,  ducs,  comtes  el  cardinaux. . . 
Il  voit  partout  de  grands  prédicateurs, 
Klclics  prélats,  casuistes.  docteurs, 
Moines  d'Espagne  et  nonnains  d'Italie. 

(VOLTAIHB.) 

Eux,  bien  payés,  consultèrent  soudain, 
En  grec,  hébreu,  syriaque,  latin. 

(Idem.) 

Voyez  Complément. 

Près.  Préposition.  Elle  veut  être  siiirie  delà 
pféposition  de  :  Près  de  vous,  près  de  la  maison, 
près  de  mourir.  Cppcndant  Wnilly  remarque  (]uc 
dans  le  discours  familier,  près  "peut  n'clre  pas 
suivi  de  de,  quand  il  a  potu-  roaime  un  substan- 
tif de  plusieurs  sylhibes  :  Près  le  Palais-Royal; 
mais  qu'il  régit  toujours  celte  préposition  quand 
le  substantif  est  un  monosyllabe  :  Près  de  lui, 
près  de  rous.  —  Près  le  Palais-Royal,  près 
i'église,  sont  des  expressions  que  l'usriîre  a  abu- 
si-.'cincnt  consacrées.  Il  est  plus  ngiilitM'  dédire, 
près  du  Palais- lioyal,  près  de  l'église.  W  n'y  a 
que  quelques  expressions  entièrement  consa- 
crées ou  l'on  puisse  supprimer  la  préposilion  de, 
comme  ministre  du  roi  près  la  cour  d'Espagne, 
Passy  près  Paris,  etc. 

Cette  préposition  est  susceptible  de  degrés  de 
comparaison  :  Plus  près,  le  plus  près,  très-près. 
—  Quelquefois  on  la  joint  à  un  verbe,  mais  il  la 
précède  toujours  :  Fort  près,  très-prêt,  extrême- 
jnciitprès.  Racine  a  dit  dans  Esther  (act.  III 
ic.  V,  16)  :  ' 

Seigneur,  je  clierchc,  j'envisage 
Des  monarques  persans  la  conduite  et  l'usage. 
Mais  âmes  yeux  en  vain  je  les  rappelle  tous; 
Pour  TOUS  régler  sur  eux,  que  sont-ils  près  de  vous? 

Près  de  voue  signifie  ici  à  votre  égard,  en  tovi- 
paraison  de  vous,  au  prix  de  ce  que  vous  êtes. 
L'abbé  d'Olivet  doute  que  l'usage  souffre  celle 
manière  de  parler.  L'abbé  Desfontaines,  au  con- 
traire, prétend  que  cette  expression  est  d'usage, 
et  qu'elle  se  trouve  dans  les  bons  auteurs.  Vau- 
gelas,  ajouie  l'abbé  d'Olivet,  dit  que  c'est  un 
barbarisme.  —Cela  pouvait  être  de  son  temps; 
mais,  comme  l'a  très-bien  observé  l'abbé  Des- 
fontaines, Vaugelas  n'est  plus  un  législateur,  non 
plus  que  Patru,  ni  Ménage.  Horace  se  moquait 
de  ceux  qui,  de  son  temps,  voulaient  qu'on  n'usât 
d  aucun  terme  qui  ne  se  trouvât  pas  dans  les 
lois  des  Douze  Tables.  (Luneau  de  Boisier- 
main.) 

Si  près  de  Toir  sur  soi  fondre  de  tels  orages, 
L'ébranlement  sied  bien  aux  plus  fermes  courages. 
(Corn.,  Hor.,  act.  I,  se.  i,  3.) 

Si  près  de  voir,  dit  ^'oltaire,  n'est  pas  français  ; 
Prts  f/e  veut  un  substantif:  Près  de  la  ruine, 
près  d'être  ruiné.  [Remarques  sur  Corneille.) 
—  Il  faut  que  Voltaire  ait  rédigé  cette  remarque 
avec  beaucoup  de  précipitation  ;  car  il  prouve 
lui-même  la  fausseté  de  son  observation,  en  don- 
nant pour  exemide^jrèA-  d'être  ruiné.  On  trouve 
souvent  dans  ses  ouvrases,  et  dans  tous  les  bons 
auteurs,  un  verbe  apré'sprè.?  de  : 

Perce  de  coups  lui-même,  il  est  près  de  périr. 

[Henr.,  VIII,  511.) 

Je  lui  resUis  encore,  et  tout  près  de  périr 
Il  n'avait  plus  que  moi  qui  pût  le  secourir. 

(/dem,III,  109.) 


PRÉ  577 

j  Delille  a  dit  aussi  {Enéide,  II,  79]  : 

I  Sans  cet  aveuglement,  sans  le  courroux  des  dieux, 

IDans  les  flancs  entr'ouverts  du  colosse  odieux 
Nous  aurions  étoufTé  les  tléaux  prés  d'éclore. 

On  confond  souvent  près  de  ai  prêt  à;  cepen- 
I  dant  ces  deux  locutions  offrent  un  sens  bien 
différent,  el  leur  régime  n'esl  pas  le  même.  Près 
de  est  une  préposition  qui  signifie  sur  le  point 
de,  et  prêt  à  est  un  adjectif  qui  signifie  disposé 
à.  — Près  régit  la  préposition  de,  et  prêt  la 
préposition  à  :  Il  est  près  de  mourir. 

La  mort  ne  surprend  point  le  sage. 
Il  est  toujours  pr^t  à  partir. 

(La  Font.,  liv.  VIII,  fabl.  i,  1.) 

Près  de  mourir  signifie  sur  le  point  de  mourir; 
prêt  à  partir,  veut  dire  disposé,  ri-signé  à  partir. 
—  Madame  de  Sévigné  a  dit  :  Elle  est  prête 
d'accoucher.  C'est  une  faute  ;  il  f;dl:iit  près  d'ac- 
coucher. —  Rien  n'est  si  commun  dans  les  poêles 
que  de  prendre  ces  deux  mots  l'un  pour 
l'autre. 

.  . .  Ses  rois,  qui  pouvaient  vous  disputer  ce  rang, 
Sont  prêts,  pour  vous  servir,  de  verser  tout  leur  sang. 
(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  m,  39.) 

Loin  de  bliraer  vos  pleurs,  je  suis  pr^t  de  pleurer 
{Idem,  act.  I,  se.  v,  12.) 

Plus  j'y  pense  et  moins  je  puis  douter 

Que  sur  vous  son  courroux  ne  soil  prêt  d'éclater. 
{Idem,  Àth.,  acl.  I,  se.  I,  57.) 

Je  me  sens  prêt,  s'il  veut,  do  lui  donner  ma  vie. 

{Idem,  act.  lY,  se.  n,  10.) 

.  . .  Sur  eux  quelque  orage  est  tout  prêt  d'éclater. 
(Idem,  act.  II,  se.  viii,  5.) 

Prêt  d'imposer  silence  .i  ce  bruit  imposteur. 

{Idem,  act.  III,  se.  I,  9.) 

Et  les  chefs  de  l'Etat  tout  prêt»  de  prononcer. 

^YOLT.,  3Iér.,  act.  I,  se.  m,  3.) 

Voyez  Prêt;  vous  y  trouverez  tout  autant 
d'exemples  de  prêt  à.  Je  pense  qu'il  faut  mettre 
la  plupart  de  ces  fautes  sur  le  compte  des  im- 
primeurs. 

Présager.  V.  a.  de  la  1'^  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  ff  doit  toujours  se  prononcer  comme  /,•  et, 
pour  lui  conserver  celle  prononciation  lorsqu'il 
est  suivi  d'un  «  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
avant  cet  a  ou  cet  o:  Je  présageais,  présageons, 
et  non  \)aiS  je présagais,  présagons. 

Pr.ESBYTiiRAL,  PnESBYTÉRALF..  Adj.  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Maison  preshytérale. 

Prescrire.  V.  a.,  n.  et  irrég.  de  la  4'  conj.  Il 
se  conjugue  comme  écrire.  Voyez  ce  mot. 

Préséance.  Subst.  f.  On  prononce  ce  mot 
comme  si  les  deux  mois  dont  il  est  composé 
étaient  séparés,  préséance.  En  conséquence,  le  s 
de  séance  est  considéré  comme  une  Iclire  ini- 
tiale, et  conserve  sa  prononciation  primitive 
se. 

Présence.  Subst.  f.  Racine  a  dit  dans  Phèdre 
(act.  I,  se.  I,  29)  : 

Hé  :  depuis  quand,  seigneur,  craignez-vous  la  présence 
De  ces  paisibles  lieux,  si  chers  à  votre  enfance? 

Craignez-vous  la  présence  de  ces  lieur^  iwur 


578  PRE 

dire  craiçnc/.-vous  d'ctrc  présent  à  ces  lieux? 
est  une  ilurdicsse  poélitiiie  contre  laquelle  on 
s'est  élevé  avec  raison,  parce  que  le  mot  pré- 
sence ne  s'applique  point  a  un  lieu,  mais  signilie 
seulement  l'exislence  d'une  personne  dans  un 
liou. 

A'«  présence,  régit  ordinairement  la  prépo- 
sition de  :  Cela  s'est  passé  en  présence  de  plu- 
sieurs personnes.  En  parlant  des  armées ,  on 
le  met  sans  ré^'ime  :  Les  deux  armées  étaient 
en  présence.  —  Dans  la  langue  ascétique,  on 
l'emplaie  avec  l'arlide  :  Se  mettre  en  h  présence 
de  Dieu.  La  Bruyère  dit  aussi,  en  la  présence 
des  mystères.  ((!li.  XV'.  De  la  chaire,  ]i.  392.)  — 
En  dS.iS,  l'Académie  l'emploie  ainsi  dans  le  langage 
ordinaire  :  Cela  s'est  passé  en  la  présence,  en 
présence  de  plusieurs  personnes  dignes  de  foi. 

Piu'jsEKT,  Pbésiiiste.  Adj.  Il  se  met  ordinaire- 
ment après  sitn  subsl.  :  Le  temps  présent,  les 
affaires  présentes.  —  Un  homme  présent, 
l'esprit  présent.  On  dit  familièrement,  le  présent 
porteur,  le  préseiit  billet,  la  présente  lettre. 

Présent.  Subst.  m.  On  appelle  ainsi ,  en  gram- 
maire, im  temps  dos  verbes  qui  marque  ((u'tme 
chose  est  ou  se  fait  dans  le  moment  de  la  parole. 
Quand  je  dis  j'écris,  c'est  comme  si  je  disais, 
j'écris  actuellemejit. 

On  se  sert  aussi  de  ce  temps  pour  exprimer 
une  chose  que  l'on  fait  habituellement,  ou  l'élat 
habituel  d'un  sujet  :  Il  aime  la  paix,  il  llâme 
tous  les  excès.  Il  se  lève  tous  les  jours  à  cinq 
heures.  Il  est  sobre. 

Les  choses  d'une  vérité  éternelle,  étant  toujours 
les  mêmes,  doivent  être  indiquées  par  le  présent  : 
Dicti  est  étemel.  Deux  et  deux  font  quatre. 

Quelquefois,  pour  donner  plus  de  vivacité  au 
discours,  on  emploie  le  présent  au  lieu  du  futur. 
Je  pars  demain,  il  revient  ce  soir.  Mais  dans  ce 
cas  on  ne  peut  l'employer  que  relativement  à  un 
futur  prochain.  On  ne  dirait  pas  je  pars  dans 
quinze  jours,  il  revient  dans  un  an. 

Le  présent  s'emploie  aussi  pour  désigner  le 
futur,  (juand  il  est  précédé  du  mot  si  exprimant 
une  condition  : 

Si  Titus  a  parlé,  s'il  l'épouse,  je  pars. 

(Rac,  Bérén.,  acl.  I,  se.  m,  80.) 

Enfin,  on  fait  usage  du  présent  pour  exprimer 
un  passé,  afin  de  réveiller  l'attention  et  de  frap- 
per forloinenl  l'imagination  ,  comme  dans  ces 
vers  de  Racine  {Phèdre,  acl.  V,  se.  vi,  60)  : 

J'ai  TU,  s'jigneur,  j'ai  tu  voire  malheureux  Cls 
Traîne  par  les  chevaux  que  sa  main  a  nourris. 
Il  veut  les  rappeler,  mais  sa  voix  les  effraie. 

Ce  dernier  vers  est  un  tableau  que  la  forme 
du  présent  met  sous  les  yeux.  Si  Racine  eût  dit  : 
R  a  voulu  les  rappeler,  mais  sa  voix  les  a  ef- 
frciyés,  ce  n'eût  été  qu'un  simple  récit. 

Toutefois,  quand  on  emploie  le  présent  pour 
marquer  un  passé,  il  faut  que  les  verbes  ([ui  sont 
en  rapport  dans  la  même  phrase  soient  aussi  au 
présent.  Racine  aurait  fait  une  faute  en  disant  : 
//  veut  les  rappeler,  mais  sa  voix  les  a  ef- 
Viyés.  \  oyez  Temps,  Ferhe. 

:»RÉSENT.  Subst.  m.  Don.  Voyez  ce  mot. 
L'Académie,  dans  l'édition.de  1798,  ne  dit  point 
les  présents  du  ciel,  expression  que  les  poètes 

mploient  souvent  : 

S«s  prcsflil»  (du  ciel)  sunl  souvent  la  peinj  de  nos  crimes. 
(Ric,  Phèd.,  act.  V,  se.  m,  ÎS.) 


PRE 

Détestables  flatteurs,  présent  le  plus  funeste 
Que  puisse  faire  aux  rois  la  colore  céleste. 

{Idem,  acl.  IV,  se.  vi,  112. i 

—  Celte  expression  a  trouvé  iilace  dans  l'édilioa 
de  -1835. 

PnÉsENTABLic.  Adj.  des  dcux  genfcs  quï  nc  sc 
met  qu'a])rés  son  subst.  :  Un  fruit , présentable, 
une  personne  présentable. 

Présentement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Je  le  quitte  présentement. 

Présenter.  V.  a.  de  la  i"  conj.  Ce  mol  ne 
signifie  pas  toujours  olfrir  quelque  chose  ;  il  si- 
gnifie aussi  montrer  en  menaçant:  Il  luiprésenta 
le  poignard  : 

....  Présentant  la  foudre  à  mon  esprit  confus. 
Le  bras  déjà  levé,  menaçait  mes  refus. 

(Rac,  Jphig.,  act.  I,  se.  I,  87.) 

*  Présenteur.  Subsl.  m.  Mot  nouveau  em- 
ployé par  Voltaire  :  Je  tâche  surtout  d'être  es- 
trêment  court  dans  mes  demandes,  car  il  m'a 
paru  que  /«".y  présenteurs  de  requêtes  sont  presque 
toujours  d'une  prolixité  insupportable. 

PnÉSEnVATiF,  Préservativr.  Adj.  qui  ne  se 
met  (ju'aprés  son  S'jhsl.  :  Remède  préseieatif, 
11  s'emploie  plus  souvent  subslantivement. 

Présidul.  Adj.  qui  se  met  toujours  après  on 
subst.  :  Siège  présidial ,  sentence  présidiale , 
cas  présidiaux. 

Présomptif,  Présomptive.  Adj.  qui  ne  se  met 
(]u'aprés  son  subst.  ;  Héritier  présomptif . 

Présomptceusement.  Adv.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  le  verbe  :  //  s'est  engagé  présomptueu- 
sement  dans  cette  affaire. 

Pr.ÉsoMPTDEox,  Présojiptuecse.  Adj.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent:  Un  Jwmme  présomp- 
tueux, c'est  un  présomptueux  mortel;  une  con- 
fiance présomptueuse,  une  présomptueuse  con- 
fiance. Voyez  Adjectif. 

Presque.  Adv.  Il  se  met  après  le  verbe  dans 
les  temps  simples  :  Ce  n'est  presque  rien,  il  ne 
pouvait  presque  pas  parler.  Dans  les  temps 
composés ,  on  le  |)lace  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe .-  Je  ne  l'ai  presque  pas  vu.  —  On  dit 
presque  personne  ne  l'a  vu,  et  non  pas,  personne 
presque  ne  l'a  vu.  Je  sais  que  La  Bruyère  a  dit 
personne  presque  n'est  en  état  de  se  livrer  au 
plaisir  que  donne  la  perfection  d'un  ouvrage. 
(  Ch.  I.  Des  ouvrages  de  l'esprit,  p.  257.  ) 
Mais  ce  tour  n'est  plus  usité  aujourd'hui;  il 
faut  dire,  presque  personne,  etc.  11  esl  aisé  d'en 
sonlir  la  raison.  Il  esl  dans  le  caraclèrc  de  la 
langue  française  que  les  premiers  mots  d'une 
phrase  soient  déterminés  le  plus  tôt  qu'il  est 
possible.  Quand  on  dit  personne  presque,  le  mot 
personne  indique  une  exclusion  générale,  puis 
le  xao\.  presque  indique  que  cette  exclusion  n'est 
pas  entière;  de  sorte  que  l'esprit,  trompé  sur 
l'idée  qu'il  s'est  faite  du  sens  du  Vi\o\.  personne, 
est  obligé  de  revenir  sur  ses  pas  pour  s'en  faire 
une  auire  moins  étendue.  Au  lieu  que  lorsqu'on 
dit  presque  personne,  presque  indicpie  d'abord 
une  restriction,  et  lorsqu'on  lit  ensuite  per- 
sonne, ce  moïse  présente  avec  la  juste  significa- 
tion (pi'on  a  voulu  lui  donner.  Massillon  a  dit 
aussi,  chaque  siècle  presque  en  a  vu  de  tristes 
exemples.  11  fallait  dire,  presque  chaque  siècle 
en  a  vu  de  tristes  exemples, 

La  mauvaise  construction  de  cet  adverbe  peut 
occasionner  des  contre-sens.  M.  Arnaud  a  dit: 
C'est  une  faute  qui  .te  trouve  presque  daiis 
toutes   les   éditions    de    Cicéron.   Dans   celte 


PRE 

phrase,  presque  parait  se  rapporter  à  r/ui  se 
trotivr.  et  dans  le  sens  de  l'auleiir,  il  se  rapporte 
à  Ifiulesles  éditions.  Il  fallait  dire,  qui  se  trouve 
rfaw s  presque  toutes  les  éditions  de  Cicéron. 

l.V  final  de  ce  mol  ne  s'elide  que  dans  pres- 
qu'île. On  écTJl  sans  aiiostruphe  .  un  ouvrage 
presque  achecé,  presque  aussi  avancé,  presque 
usé.  Voyez  Apostrophe. 

Pr.ESQc'ii-E.  Subst.  f.  Péninsule,  terre  presque 
entourée  d'eau,  et  (]ui  ne  tient  au  continent  que 
par  '!n  bout.  Fcraud  observe  que  péninsule  est 
plus  latin  et  plus  savant;  et  que  presqu'île  est 
plus  français  cl  jdusdu  langage  ordinaire.  — Il 
me  semble  «lue  l'usage  met  uneaulre  différence 
entre  ces  deux  expressions.  Par  presqu'île,  on 
entend  une  pnrlie  de  terre  joinie  à  une  autre  par 
une  langue  élroilc,  c'esl-à-dire  par  un  isthme. 
Maislorsijuc  des  jjarties  de  terre  qui  s'avancent 
dans  la  nier  sont  jointes  au  reste  du  continent 
par  un  large  trajet,  on  les  désigne  ordinaireuient 
par  le  moF  de  péninsule.  Ainsi  l'on  dit  la  pres- 
qu'île de  Corinthe,  et  on  appelle  péninsules, 
l'Italie,  l'Espagne,  etc. 

Press.xm.ment.  Adv.  Instamment,  d'une  ma- 
nière pressante.  C'est  un  ir.ot  inusité  que  l'on 
trouve  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie.  Mal- 
gré celle  autorité  il  faut  se  garder  de  s'en 
servir. 

Pressant,  Pressante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
presser.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
homme  pressant,  une  femme  pressante.  —  Une 
recommandation  pressante,  des  prières  pres- 
santes, des  rais 'lis  pressantes.  —  Une  douleur 
vressante,  une  affaire  pressante,  une  occasion 
pressante. 

PnEssE.  Subsl.  f.  Foule.  En  ce  sens,  il  est  ad- 
mis daus  le  style  noble  : 

Dq  peuple  épouvanté  j'ai  traversé  la  presse. 

(IIac.,  Anàrom.,  act.  Y,  se.  m,  -9. 

Féraud  prétend  qu'on  dit  me  foule,  une 
multitude,  et  qu'on  ne  dit  point  une  presse. 
C'est  une  erreur.  On  dit  il  y  a  une  grande 
presse  à  la  porte  de  ce  spectacle,  et  la  phrase 
suivante  de  Voltaire,  que  Féraud  trouve  exlraoï- 
dinaire,  est  toute  naturelle  :  Oui,  j'ai  vu  Paris, 
c'est  un  chaos,  c'est  une  presse  oii  tout  le  monde 
cherche  le  plaisir,  et  où  personne  ne  le  trouve. 
—  On  ne  dit  pas,  comme  le  prétend  Féraud, 
qu'wn  ouvrage  est  «oms  la/?rc*se,  mais  î\\x'ilest 
sous  presse. 

Pressentir.  V.  a.  et  irrég.  de  la  2'  conj.  Il 
se  conjugue  comme  sentir.  Voyez  IrréguUer. 

Presser.  V.  a.  délai"  con,.  Voici  quelques 
exemples  de  l'emploi  que  les  poêles  font  de  ce 
verbe  : 

Je  lis  dans  tos  regards  la  douleur  qui  tous  prêtée. 
(Rac,  Iphig.,  ad.  III,  se.  ï,  45.) 

Cruels,  sauvez  Alzir«,  etpresseï  mon  supplice. 

(Volt.,  AU.,  act.  Y,  se.  tii,  1.) 

Tmdis  que  sous  le  joug  de  ses  maîtres  avides 
Yalois  pressait    l'État  du  fardeau  des  subsides. 

(Volt.,  Henr.,  III,  63.) 

Tout  est  dans  l'épouvante,  et  de  leurs  bras  tremblants 
Les  mères  sur  leur  sein  ont  preité  leurs  enfants. 

(Delil. ,  Éneïd.,  VII,  711.) 

Presser,  devant  un  infinitif,  régit  la  préposi- 
tion de:  Pvecsez-lc  do  partir.  Il  me  presse  de 


PRE 


n» 


conclure  ce  marché.  Racine  fils  a  dit  :  X:pharès 
presse  Monime  à  consentir  à  l'hymen  de  son 
père.  Il  hï\h\\i  de  consentir. 

Preste.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  preste,  un  tour 
preste,  un   coup  preste.  —  Une  répunse  preste. 

Prestement.  Adv.  On  peut  quelquefois  le  met- 
tre entre  l'auxiliaire  et  le  particijje  :  //  «  in-esie 
ment  sauté  sur  son  cheval. 

Puésdmable.  Adj.  des  deux  genres.  Féraud  di; 
quel'usagecn  cslau  moinsdouieux. Cependant  i' 
n'y  a  personne  qui  ne  l'ail  lu,  ou  entendu  dire  ■ 
Cela  n'est  pas  présumable,  le  cas  n'est  pas 
présnmahle,  il  n'est  pas  présumable  çwe...  Il 
signifie  (ju'on  [leut  ou  qu'on  doit  présumer,  et 
ne  se  met  (|u'aprcs  son  subst.  —  En  1835  l'Aca- 
démie l'admet. 

Préscmk.r.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe  régit 
l'indicatif  quand  la  phrase  est  allirmalive,  et  le 
subjonctif  quand  elle  est  négative  :  Je  présume 
qu'il  est  malade,  je  ne  présume  pas  qxi'il  soil 
malade. 

Présupposer.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Quoique  le 
s  de  ce  mot  soit  entre  deux  voyelles,  on  ne  le 
prononce  pas  conuae  un  z.  Co  mot  étant  com- 
jjosé  des  deux  mots /)»•<;'  et  supposer,  on  les  con- 
sidère comme  séparés,  et  par  conséquent  le  s  de 
supposer  comme  une  lettre  initiale  qui  conserve 
sa  prononciation  primitive.  Il  en  est  de  même  de 
présupposition. 

Présdpposition.  Subst.  f.  Voyez  Présup- 
poser. 

Prêt,  Prête.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a[)rcs  so-' 
subst.  Il  régit  à  devant  les  noms  et  les  verbes 
Il  est  prêt  à  tout,  il  est  prêt  à  partir.  Il  faut  £ 
carder  de  confondre  prêt  à,  cl  près  de.  Voye 
Près. 

Déjà  même  Hippolyte  est  tout  prêt  à  partir. 

(Rac,  Phèd.,  act.  I,  se.  iv,  16.) 

Je  vois,  malgré  vos  soins,  vos  pleurs  prêts  à  couler. 
(Rac,  Mithr.,  act.  Il,  se.  iv,  55.) 

Achille  menaçant,  tout  prêt  à  l'accabler. 

(Rac,  Iphig.,  act.  lY,  se.  1,40 

Tandis  que  de  vos  jours  prilti  à  se  consumer. 
Le  flambeau  dure  encore  et  peut  se  rallumer. 

(Rac,  Phêd.,  act.  I,  se.  m,  63.) 

Ma  rougeur  ne  fui  pas.pr^[»  a  vous  déceler. 
i  (Rac,  Bajaz.,  act.  II,  se.  T,  10S.| 

Ces  lévites  et  moi  prêts  à  vous  secourir. 

IRac,  Ath.,  act.  II,  se.  Vill,  5.) 

Prêt»  à  vous  recevoir,  mes  vaisseaux  vous  attendent. 
(Rac,  Mithr.,  act.  I,  se.  m,  17.) 

Je  croyais  ma  vertu  moins  prête  à  succomber. 

(Rac,  Bérên.,  act.  Y,  se.  vi,  11."/ 

Vous  voyez  qu'au  tombeau  je  suis  prêt  à  descendre. 
(YOLT.,  Zaïre,  act.  II,  se.  iii,  45.) 

Tu  vois  tous  nos  amis,  ils  s»nt  prêts  à  nous  suivre, 
A  frapper,  à  mourir,  à  vivre  s'il  faut  vivre; 
A  servir  le  sénat  dans  l'un  ou  l'autre  sort. 

(YoLT.,  Slort  de  César,  act.  III,  se.  I,  9  ) 

Conjure  leurs  serpents  prêts  à  te  déchirer. 

(Volt.,  OEcf.,  act.  lY,  se.  i,  135.) 

Je  le  hais,  mais  mon  bras  est  prêt  à  le  servir. 

(Yolt.,  Bi^t.,  act.  II,  se.  il,  hii.) 


580 


PRE 


Prêt  à  s'unir  à  vous  d'un  cicrnel  lien, 
Totre  fils  aux  autels  va  devenir  le  sien. 

(Volt.,  lf<r.,  acl.  III,  se.  v,  15.) 

Les  vaisseaux  soDS  leurs  mains,  fiers  souverains  des  ondes, 
Etaient  prêts  à  Toler  sur  les  plaines  prorondes. 

(Volt.,  Henr.,  I,  161.) 

L'affreux  tranchant  du  glaive,  et  la  pointe  des  dards, 
Pr<t$  à  donner  la  mort,  brillent  de  toutes  parts. 

(Dblil.,  Énéid.,  II,  443.) 

Prétendre.  V.  a.  et  n.  de  la  4*  conj.  —  Dans 
le  sens  d'aspirer,  il  résii  la  préposition  à,  et 
c'est  une  ré^'le  qu'il  ne  faut  jamais  enfreindre  en 
prose.  Mais  les  poêles  s'en  affranchissent  quand 
ils  y  trouvent  leur  commodité  : 

Il  crut  que  sans  prétendre  une  plus  haute  gloire. 
(lUc,  mthr.,  act.  I,  se.  1,  51.) 

Corneille  a  dit  dans  Héraclius  (acl.  I,  se.  n, 
49)  : 

Mais  connais  Pulchérie,  et  cesse  de  prétendre. 

Ce  verbe  prétendre,  dit  Voltaire  au  sujet  de  ce 
vers,  exige  absolument  un  régime;  ce  n'est  point 
un  verbe  neutre;  ainsi  la  phrase  n'esl  point 
achevée.  On  pourrait  dire  cesser  d'aimer  ou  de 
haïr,  quiiicjue  ce  soient  des  verbes  actifs,  parce 
qu'en  pareil  cas  cela  veut  dire:  Cessez  d'avou- 
ées sentiments  d'amour  ou  de  haine;  mais  on 
ne  peut  dire,  cessez  de  prétendre,  de  satisfaire, 
de  secourir.  [liemarqnesfsiir  Corneille.) 

Prétendre,  dans  le  sens  de  croire,  soute- 
nir, se  construit  avec  gne,  ou  même  avec  l'in- 
finitif, et  quelquefois  avec  le  régime  direct: 
Je  prétends  que  mon  droit  est  incontestable, 
je  prétends  faire  ce  voyage,  je  prétends  mie 
moitié  dans  cette  société.  Il  demande  l'indicatif, 
parce  qu'alors  il  exprime  l'aflirmation  d'une  ma- 
nière positive  :  Je  prétends  que  j'ai  raison. 
Dans  le  sens  de  vouloir,  ordonner,  il  veut  le 
subjonctif  :  //  est  naturel  à  lliomme  de  préten- 
dre que  sa  volonté  h?,^^  loi.  (Marmontel.)  Il  pré- 
tend que  tout  vienne  et  dépende  de  lui.  {XoX- 
taire.) 

Prête-nom.  Subst.  m.  On  dit  au  pluriel  des 
prête-nom,  et  non  pas  des  prêtes-noms ,  parce 
qu'il  ne  s'agit  pas  de  prêter  des  noms,  mais  de 
personnes  qui  prêtent  leur  nom.  La  pluralité 
tombe  sur  le  mo\.  persnniies ,  qui  est  sous-en- 
tendu. —  L'Académie  écrit  des  prête-noms. 

Prêter.  V.  a.  et  n.  de  la  !'«  conj.  Voici  quel- 
ques exemples  de  l'cmplui  que  les  poètes  font 
de  ce  mol  : 

C'est  moi  qui  prête  ici  ma  voix  aux  malheureux. 

(Rac,  Ath.,  acl.  II,  se.  r,   H5.) 

Prétex-mo'x  l'un  et  l'autre  une  oreille  attentive. 

[Idim,  act.  II,  se.  v,  5.) 

0  nnil,  nuit  effroyable, 
Peax-ta  prêter  ton  voile  à  de  pareils  forfaits  ? 

(Volt.,  Zdire,  acl.  V,  se.  viii,  3.) 

Veuillent  les  immortels,  s'expliquant  par  ma  bouche, 
Prêter  à  mon  organe  un  pouvoir  qui  le  louche. 
(Volt.,  Mort  de  César,  âcl.  III,  se.  n,  102.) 

Dès  que  la  nuit  plus  sombre 
Aux  crimes  des  mortels  viendra  prêter  son  ombre. 
(Volt.,  Zdire,  acl.  IV,  se.  vu   24.  i 


PRE 

On  ne  dit  \a?,  prêter  des  soins,  dit  Voltaire. 
On  ne  iirêle  que  les  choses  qu'on  peut  retirer. 
Quand  les  soins  sont  une  fois  donnés,  on  peut  en 
refuser  de  nouveaux.  Il  n'en  est  pas  de  même  du 
mut  appui,  secours  :  On  prête  son  appui,  soji 
secours,  son  bras,  son  armée,  etc.,  parce  qu'on 
|)eut  les  retirer,  les  reprendre.  [Jiemarques  sur 
Corneille.) 

Pourquoi,  dit  Voltaire  dans  un  autre  endroit, 
pourquoi  dit-on  prêter  l'oreille,  et  que  prêter 
les  yeux  n'est  |)as  fiançais?  rs'csl-ce  pas  parce 
(|u'on  peut  s'empêcher  a  toute  force  d'entendre, 
en  détournant  ailleurs  son  attention  ;  et  qu'on  ne 
peut  s'empêcher  de  voir  quand  on  a  les  yeux  ou- 
verts? {Remarques  sur  Corneille.) 

Prétérit.  Adj.  employé  souvent  comme  sub- 
slaniif.  C'est  un  terme  exclusivement  propre  au 
langage  grammatical,  pour  y  s\§n\{\p.r passé.  Nous 
avons  proféré  dans  cet  ouvrage  le  mot  passé. 
Voyez  Temps.  La  Harpe  dit,  à  l'occasion  de  ce 
vers  de  ^'ollaire  {Sémiramis,  act.  II,  se.  i,7)  : 

Brisâtes  mes  liens,  remplîtes  ma  vengeance. 

Il  faut  éviter  ces  sortes  de  prétérits,  dont  la 
prononciation  lourde  et  emphati(iue  déplaît  à 
l'oreille.  Il  faut  surtout  se  garder  d'en  mettre 
deux  de  suite,  l'un  près  de  l'autre;  c'est  une 
négligence  de  style.  [Cours  de  littérature.) 

Prétérition.  Subst.  f.  Figure  lie  rhétorique 
par  laquelle  on  prolesle  qu'on  passe  sous  silence, 
qu'on  ignore  cerUiines  choses  (]u'on  ne  laisse 
pas  de  dire.  Comme  quand  on  dit  je  ne  vous 
parlerai  point  de  sa  naissance,  de  sa  valeur, 
etc.  Cette  ligure  est  très-propre  à  insinuer  très- 
légèrement  dans  un  discours  les  choses  sur  les- 
quelles on  ne  doit  pas  appuyer,  et  à  préparer 
l'auditeur  à  donner  plus  d'attention  aux  objets 
plus  importants.  On  l'appelle  autrement  jsreVer- 
missio7i. 

Prétermission.  Subst.  f.  Voyez  Prétérition. 

Prétexte.  Subst.  f.  Racine  fait  régir  à  pre- 
iexte  la  préposition  à  devant  l'infinitif  [Britan- 
nicus,  act.  I,  se.  n,  437)  : 

Quoi  !  de  vos  ennemis  devenez-vous  l'appui, 
Pdur  trouver  un  prétexte  à  vous  plaindre  de  lui? 

En  prose  on  dirait  de  vous  plaindre  :  Il  vou- 
lait trouver  quelque  prétexte  de  dire  au  roi  que 
710US  étions  Phéniciens.  {Fénc\.,  Télétn.yWv.  II, 
t.  I,  p.  98). 

On  dil  sous  le  prétexte,  et  sous  prétexte.  Ces 
expressions  adverbiales  régissent  de  devant  les 
noms  et  les  verbes,  ou  que  avec  l'indicatif  : 
Sons  prétexte  de  maladie,  sous  prétexte  de  s'a- 
muser, sous  prétexte  qu'ii  en  résulterait  des 
inconvénients. 

Predve.  Subst.  f.  On  appelle  preuve,  dans 
l'art  oratoire,  les  raisons  ou  moyens  dont  se  sert 
l'orateur  pour  démontrer  la  vérité  d'une  chose. 
L'orateur  dans  sa  preuve  a  deux  choses  à  faire: 
l'une,  d'établir  sa  proiiosiiicm  par  tous  les  moyens 
que  sa  cause  lui  fournit;  l'autre,  de  réfuter  las 
moyens  de  son  adversaire. 

Lrkux.  Adj.  m.  qui  se  met  ordinairement 
avant  son  subst.  :  Un  preux  chevalier. 

Prévaloir.  V.  n.  et  irrég.  delà  3<^  ctmj  II  se 
conjugue  comme  valoir,  si  ce  n'est  qu'au  pré.sent 
dn  subjonctif  on  dit,  CMC  je  ;D(v;rfl/e,  que  tu  pré- 
vales, qu'il  prévale,  que  nous  prévalions,  que 
vous  prévaliez,  qu'ils  prévalent.  S071  adver- 
saire a  prévalu.  Il  ne  faut  pas  que  lu  coutume 
prévale  sur  la  raison. 


PIIJ 

Sur  mes  justes  projets  les  pleurs  ont  prévalu. 

(Rac,  Phéd.,  acl.  III,  se.  m,  lî.) 

—  Se  prévaloir  de  quelque  chose,  il  s^est  préva- 
lu de  son  crédit.  En  ce  sens,  il  ne  se  prend 
^u'en  mauvaise  jiart,  et  régit  la  préposition 
de. 

Pbévenant,  Prévenante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  prévenir.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Grèce  prévenante.  —  Air  prévenant,  mine  pré- 
venante, physionomie  prévenante. 

PKiivKNiR  (se),  ou  être  prévenu,  régissent jonur, 
en  faveur  OU  contre  :  Se  prévenir,  être  pré- 
venu pour  quelqu'un,  en  faveur  de  quelqu'un, 
contre  quelqu'un. 

Vi\v.\\m\.  Y .  a.  et  irrég.  de  la  3'=  conj.  Il  se 
conjugue  comme  voir,  si  ce  n'est  (ju'il  fait  au 
futur  simple  de  l'indicatif,  Je  prévoirai,  et  au 
présent  du  conditionnel, /<?  prévoirais. 

Prévôtal,  Pr.KvÔTALE.  Adj.  11  fait  au  masculiu 
[iluriel  /irt'votaux  :  Des  cas  prévotaux. 

Prévoyant,  Prévoyante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  prévoir.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Homme  prévoyant,   esprit  prévoyant. 

Prie-dieu.  Subst.  m.  On  disait  autrefois  un 
prié-Dieu,  et  Ménage  condamne  formclicmenl 
prie-Dieu.  L'Académie  veut  qu'on  préfère  ce 
dernier.  Ce  substantif  composé  ne  prend  point  le 
signe  du  pluriel  :  Des  prie-Dieu. 

Prier.  V.  a  de  la  !"■  conj.  On  lit  dans  les 
grammaires  que  ce  verbe,  et  tous  ceux  ([ui  ont 
l'infinitif  en  icr,  |)rennent  deux  i  à  la  première 
et  à  la  seconde  personne  plurielle  de  l'imparfait 
de  l'indicatif  et  du  présent  du  subjonctif  ;  Nous 
priions,  priiez;  que  nous  priions,  que  vou.i 
priiez.  Ces  formes  ont  quelque  chose  de  dur  à 
l'oreille,  et  il  faut  éviter  de  les  employer. 

1.3.  Grammaire  des  Grammaires  (p.  1230) 
dit  que  prier,  suivi  d'un  verbe  à  l'infinitif,  prend 
toujours  de,  e.xcepté  dans  une  seule  circon- 
stance, qui  est  celle  où  il  est  employé  avant  l'in- 
finîtif  dîner. 

Cette  prétendue  exception  n'en  est  point  une; 
car  dîner  dans  cette  piirase  n'est  point  un  infi- 
nitif, mais  un  nom;  c"est  comme  si  l'on  disait 
prier  à  un  dîner. 

Du  reste,  on  dit  prier  d  dîner,  et  prier  de 
dîner,  et  il  doit  y  avoir  quelque  différence  entre 
ces  deux  phrases.  Pour  sentir  cette  différence, 
il  faut  se  rappeler  que  la  préposition  à  in- 
dique luujouis  un  but,  une  tendance  à  un 
but.  Si  j'ai  préparé  un  diner  pour  ([uelques 
personnes,  ce  diner  est  un  but  pour  ceux  (]ue 
je  dois  y  inviter,  et  je  les  prie  à  dîner,  c'est- 
à-dire  à  un  repas  (juc  j'ai  fait  préparer  pour 
eux.  Mais  si  une  personne  vient  me  voir  au 
moment  où  je  suis  près  de  me  mettre  à  table 
avec  ceux  que  j'ai  priés  à  dîner,  je  la  prie  de 
dîner,  parce  ([uc  ce  diner  n'avait  pas  été  préparé 
pour  elle.  11  en  est  de  même  si  je  rencontre 
quelqu'un  dans  la  rue,  que  je  n'avais  pas  inlcn- 
lion  d^:  prier  à  dîner,  et  |)Our  lecjuel  je  n'avais 
rien  fait  préparer,  je  le  prie  de  diner.  J'ai  en- 
voyéchez  lui  pour  le  prier  ii.  dîner.  Il  est  venu 
me  voir  à  l'heure  de  dîner,  et  je  l'ai  prié  de 
dîner. 

Primitif,  Primitive.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
loL'ie  :  Titre  primitif  ;  état  primitif,  primitif 
t'iat;  église  primitive,  primitive  église. 

/';■/;« »<i/"  est  aussi  un  terme  de  grammaire. 
Ctî  mot  est  dérivé  du  latin  primus,  mais  i\  ajoute 
quelque  ohose  à  la  signification  de  son  origine. 


PRI 


581 


De  plusieurs  êtres  qui  se  succèdent  dans  un 
certain  espace  du  temps  ou  d'étendue,  on  appelle 
premier  [primu.s]  celui  qui  est  a  la  tète  de  la 
succession  ,  (pii  la  commence.  Mais  on  appelle 
primitif  iiAui  <pii  commence  une  succession  is- 
sue de  lui.  Ainsi,  dans  l'ordre  des  temps,  le  con- 
sulat de  !..  Junius  Brutus  cl  de  I,.  ïarquinius 
Collatinus,  est  le  premier  des  consulats  de  la 
république  romaine.  Mais  Adam  est  mm-seulc- 
mont  le  premier  des  hommes,  il  est  encore 
l'homme  primitif,  parce  «lue  ceux  qui  sont  ve- 
nus après  lui  sont  issus  de  lui.  C'est  a  peu  prés 
dans  ce  sens  (jue  les  grammairiens  entendent  ce 
terme,  quand  ils  disent  une  langue  primitive, 
un  mut  primitif.  La  hiîtgue  primitive  est  iioil- 
seulement  celle  tjue  parlèrent  les  premiers  hom- 
mes, mais  encore  celle  dont  tous  les  idiomes 
subséquents  ne  sont,  en  quelque  sorte,  que-  di- 
verses reproductions,  sous  différentes  furincs. — 
Un  viot  primitif  est  un  mot  dont  d'autres  sont 
formés,  ou  dans  la  même  langue,  ou  dans  plu- 
sieurs langues  dillerentes.  Par  exemple, priz/tt^t/ 
vient  de  primus,  primus  de  l'ancien  adjectif  latin 
pris;  ainsi  pris  est  primitif  à  l'égard  iXuprimtis 
et  de  primitif,  cl  primus  à  Végaïd  de  primitif 
seulement.  (Beauzée.) 

On  appelle,  dans  les  verbes,  temps  primitifs, 
ceux  qui  servent  à  former  les  autres  temps,  et 
qui  ne  sont  formés  eux-mêmes  d'aucun  autre. 
Ils  sont  au  nombre  de  cinc],  savoir  :  le  présent  de 
l'infinitif,  le  participe  présent,  le  jiarticipe  passé, 
le  présent  de  l'indicatif  et  le  passé  simple.  Voyez 
Forma  tion. 

Primitivement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Ce  mot  a  été  em- 
ployé primitivement,  ou  a  été  primitivement 
employé  pour  signifier... 

Primoudial,  Primordiale.  Adj.  des  deux 
genres.  Il  se  met  toujours  après  son  subst.  : 
Titre  primordial,  état  primordial.  Rien  n'em- 
pêche de  dire  des  titres  primordiaux. 

Princesse.  Subst.  f.  Ce  mot,  que  l'on  trouve 
souvent  dans  les  tragédies  de  Racine,  passe 
maintenant  pour  une  expression  fade. 

Ma  princesse,  avcz-vous  daigné  me  souliaiterî 

(Rac,  Britan.,  acl.  H,  se.  VI,  15.) 

Principal,  Principale.  Adj.  Il  se  met  ordi- 
nairement avant  son  subst.  :  Principal  emploi, 
principal  but,  principal  défaut,  principale  af- 
faire, principale  raison. 

Il  fait  principaux  au  pluriel  masculin  :  Des 
articles  principaux. 

Principalement.  Adv.  On  l)eut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  insisté  princi- 
palement, ou  il  a  principalement  insisté  sut 
son  innocence. 

Printanier,  Printanière.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Sai.ion  printanière,  fleurs 
printanières. 

Priser.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Racine  a  dit  dans 
Phèdre  (act.  II,  se.  i,  75)  : 

J'aime,  je  prise  en  lui  de  plus  nobles  richesses. 

On  a  remarqué  avec  raison  que  le  mot  priser  es\. 
exclu  depuis  longtemps  du  style  noble. 

Privatif,  Privative.  Voyez  Particule. 

Pritativemf.nt.  Adv.  Exclusivement,  à  l'e.x- 
clusion.  Il  régit  la  préposition  à:  Privaiivement 
à  tout  antre. 

Privilégié,  Privilégiée.  Adj.  qui  ne  se  met 


582 


PRO 


qu'après  son  suhsl.  :  Marchand  privilégié, per- 
sonties  privilégiées.  —  Autel  privilégié,  lieu 
pririli'ffii'. 

Pnix.  Subsl.  m.  Racine  a  dit  dans  les  Frères 
ennemis  (act.  III,  sc.  ii,  55)  : 

Si  TOUS  donnez  les  prix,  eomm<  vous  punisse. 

Donner  les  prix,  pour  récompenser,  n'est  pas 
une  bonne  expression.  —  Hckrer  le  prix  ne  sc 
dit  qu'au  figuré  :  Sa  modcslie  relève  le  prix  de 
ses  autres  rertus.  Au  propre,  on  dit,  augmente 
le  prix.  Il  ne  faut  donc  pas  dire  comme  le  père 
Bouliours  :  Ces  perles  ne  vaudraient  pas  tant, 
si  le  luxe  et  l'apinion  n'en  relevaient  le  prix. 
11  faliail,  n'en  augmentaient  le  prix. 

A  prix  de,  expression  adverbiale.  On  dit  bien 
cl  prix  d'urgent,  mais  on  ne  dit  pas  à  prix  de 
trarail.  —  On  dit  au  propre  et  au  ligure,  à  quel- 
que prix  que  ce  soit,  pour  dire,  ([uoi  qu'il  en 
coûte  :  Je  veux  avoir  celte  maison,  à  quelque 
prix  que  ce  soit.  Il  veut  en  venir  à  bout,  à  quel- 
que prix  que  ce  soii. 

On  dit,  chacun  vaut  son  prix,  pour  dire  qu'i/1 
ne  faut  pas  tant  élever  le  mciile  d'une  personne, 
qu'oïl  rabaisse  celui  des  aulres.  —  On  dit  ^\n'une 
chose  est  hors  de  prix,  pour  dire  qu'elle  est 
cxtrémoment  chère;  et  qu'une  chose  est  sans 
prix,  n'a  point  de  prix,  pour  dire  qu'elle  est 
d'une  très-grande  valeur.  —  Mettre  la  tète  d'un 
homme  à  prix,  c'est  promettre  une  somme  pour 
récompense  à  celui  qui  le  tuera. 

PiioiiABLK.  Ad  j.  des  deux  genres.  II  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Opinion  probable,  argu- 
ment probable. 

Probe.  Adj.   des   deux   genres  qui  se    place 
toujours  après  son  substantif:  Un  homme  proie. 
Prorlématique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Proposition  probléma- 
tique, doctrine  problématique. 

Problématiquement.  Adv.  On  ne  le  met  guère 
qu'après  le  verbe  :  //  a  traité prnblématiquement 
cette  question. 

Procéué.  Subst.  in.  Conduite  ou  manière  d'agir 
d'une  personne  à  l'cgard  d'une  autre. 

Fèraud  dit  que  quand  ce  mot  est  sans  épilhè^e, 
il  se  i)rend  en  mauvaise  part.  C'est  le  contraire 
qui  est  vrai.  Quand  ce  mot  se  dit  absolument, 
il  se  prend  toujours  en  bonne  part  :  Cet  homme 
a  des  procédés  avec  tout  le  monde,  signifie,  cet 
homme  se  conduit  avec  tout  le  monde  d'une 
manière  honnête,  convenable  :  C'est  un  homme 
qui  ne  connaît  pas  les  procédés.  Manquer  aux 
procédés.  C'est  un  homme  à  procédés. 

Processif,  Processive.  Adj.  des  deux  genres 
qui  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Homme  pro- 
cessif, esprit  pri'cessif,  humeur  processive . 

Prochain,  Phochaine.  Adj.  On  peut  le  mellrc 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Le  village  prochain,  le  prochain  village  ; 
l'occasion  prochaine,  à  la  procliaine  occasion. 
Voyez  Adjectif. 

Prochain.  Subst.  m.  Un  homme  ou  tous  les 
hommes  en  général  considérés  sous  les  rapports 
qui  les  lient  les  uns  avec  les  autres.  Il  ne  se 
dit  qu'en  parlant  des  chrétiens.  11  n'a  point  de 
pluriel. 

PnocHAiNEMENT.  Adv.  Il  uc  SC  met  qu'après 
le  verbe  :  Jl  viendra  prochainement,  très-pro- 
chainement. 

Proche.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorscpie  l'analogie  et 
rharmonie  le  pcrmellent  :  Ses  proches  parents. 


PRO 

Au  superlatif,  on  dit  son  plus  proche  voisin,  ou 
son  voisin  le  plus  proche;  son  plus  proche 
parent,  son  parent  le  plus  proche.  Voyez  Ad- 
jertif 

Proche.  Préposition.  Elle  régit  ordinairement 
la  préposition  de  :  Proche  de  chez  moi,  proche  du 
palais.  —  On  dit  familièrement  proche  le  palais, 
proche  l'église. 

Procureur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  procuratrice. 

Prodigieux,  Prodigieuse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Une  mémoire  prodigieuse,  une  pro- 
digieuse mémoire;  une  dépense  prodigieuse, 
une  prodigieuse  dépense.  Voyez  Adjectif. 

Prodigue.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst  :  Un  homme  prodigue,  une 
femjne  prodigue. 

Il  régit  (juehpjefois  la  préposition  de  :  Prodigue 
de  son  bien,  de  son  sang,  de  sa  vie  ;  prodigue  de 
louanges,  de  paroles,  de  proinesses. 

Profanateur.  Sulist.  m.  L'Académie  ne  dit 
point  comment  il  faut  dire  en  parlant  d'une 
femme.  Rien  n'empêche,  ce  me  semble,  de  dire 
profanatrice. 

Profïne.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
rharnionio  le  poruieltent  :  Une  action  profane, 
cette  profane  action;  des  discours  profanes,  ces 
profanes  discours.  Voyez  Adjectif. 

Il  s'emploie  aussi  substantivement. 

C'est  des  ministres  saints  la  demeure  sacrée; 
Les  lois  à  tout  profane  en  défendent  l'entrée. 

(Uac,  Ath.,  act.  m,  sc.  II,  2.) 

Profaner.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
explique  trés-succinclemcnt  ce  mot,  et  n'en 
donne  que  des  exemples  très-communs.  En  voici 
d'autres  qui  pourront  mieux  faire  connaître  ses 
différentes  acceptions  : 

Va  profaner  des  dieux  la  majesté  sacrée; 

(Rac,  Androm.,  act.  IV,  sc.  v,  lOS.j 

Persécuteur  nouveau  de  cette  cité  sainte. 

D'où  vient  que  ton  audace  en  profane  l'enceinte? 

(Volt.,  Mahom.,  act.  I,  sc.  IV,  5.) 

On  ne  m'a  jamais  vu,  surpassant  mon  pouvoir, 
D'une  indiscrète  main  profaner  l'encensoir. 

(Volt.,  Uenr.,  II,  15.) 

Si  vous  aviez  vu  ce  temple  abandonné, 

Du  Dieu  que  nous  servons  le  tombeau  profané. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  II,  sc.  il,  69.) 

Jusques  à  quand,  Romains, 
Voulez-vous  pro/ancr  tous  les  droits  des  humains? 
(Volt.,  Brut.,  act.  II,  sc.  i,  70. 

Phèdre  dit  dans  Racine,  en  parlant  de  l'épé 
d'Hippolyte  (act.  III,  sc.  i,  14)  : 

Il  suffit  que  ma  main  l'ait  une  fois  loiichce. 
Je  l'ai  rendue  horrible  à  ses  yeux  inhumains, 
El  ce  fer  malheureux  profanerait  ses  mains. 

Profil.  Subst.  m.  On  prononce  le  l  final. 

Profitable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  me 
guère  qu'après  son  subst.  :  Un  avis  profitable 
un  emploi  profitable. 

Profond,  Profonde.  Adj.  On  peut  souvent  le 
mettre  avant  son  subsl.  :  Un  puits  profond,  un 
précipice  profond ,  un  profond  précipice;  un» 
plaie  profonde,  une  profonde  plaie.  —  Une  pro- 


PRO 

ftnde  révérence,  vue  révère nce  ■profonde .  —  Un 
savant  profond,  un  profond  mathématicien,  un 
profond  politique,  un  profond  scélérat.  —  Dans 
If  ^eiis  de  giaiul.exlrèinc.  on  peut  aussi  leincllre 
avant  son  subst.  :  Un  silence  profond,  un  pro- 
fiind  silence;  un  profond  sommeil,  un  sommeil 
profond;  un  respect  profond,  un  profondrespect  ; 
une  douleur  profonde,  une  profonde  douleur; 
une  profonde  mélancolie,  une  mélancolie  pro- 
fonde; un  profond  savoir,  un  savoir  profond; 
une  érudition  profonde,  une  profonde  érudition  ; 
une  sagesse  profonde,  une  profonde  sagesse; 
Une  dissimulation  profonde,  une  profonde  dissi- 
mulation. 

Voltaire,  dans  la  Henriade,  eraploic  ce  mot 
subslantivemcnl  (VI,  319)  : 

Comrae  il  parlait  ainsi  du  profond  d'une  nue, 
Uu  fantùme  éclaUnlse  présente  à  sa  vue. 

Cette  expression  n'a  rien  de  choquant.  On  pour- 
rait dire  cependant  qu'il  ne  laul  pas  inventer  des 
mots  sans  nécessiié;  et  fond  a  exactement  le 
même  sens  que  Voltaire  donne  ici  au  mot  pro- 
fond. —  L'Académie  remarque  dans  la  dernière 
édition  de  son  Dictionnaire,  que  profond  s'emploie 
quelquefois  substantivement,  et  elle  donne  les 
exemples  suivants:  Du  profond  des  e  71  fers  ;  il 
est  tombé  au  plus  profond  du  gouffre. 

Profondément,  Adv.  On  peut  le  meilrc  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  médité  profon- 
dément sur  cette  question,  ou  il  a  profondément 
médité  sur  cette  question.  Il  est  profondément 
versé  dans  ces  ?natiércs. 

ProFLsÉMENT.  Adv.  Ou  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  elle  participe  :  Il  donne  profusément. 
Il  a  profusément  récompensé  les  séitices  qu'on 
lui  a  rendus. 

Progressif,  Progressive.  Adj.  11  ne  se  met 
qu'a[)réssonsubst.  :  Mouvement  progressif. 

Pr.oGiiESsioN.  Subst.  f.  Terme  de  rhétorique. 
C'est  l'araplification  d'une  même  idée  qui  marche 
dans  une  ou  plusieurs  jihrases,  avec  un  accrois- 
sement de  grandeur  et  de  force.  Tel  est  ce  mor- 
ceau de  \'o)-aisnn  funèbre  de  M.  de  Turenne,  par 
Fléchier  (p.  136)  : 

«  N'attendez  pas,  messieurs, que  je  représente 
ce  grand  homme  étendu  sur  ses  propres  trophées  ! 
que  Je  découvre  ce  corps  pùJe  et  sanglant,  auprès 
duquel  fume  encore  la  foudre  qui  Va  frappé! 
que  je  fusse  crier  son  sang  comme  celui  d'Mel, 
et  que  j'expose  à  vos  yeux  les  images  de  la 
religion  et  de  la  patrie  éplorécs.  » 

Voilà  truis  membres  d'une  phrase  qui  font 
une  progression  ascendante  d'images.  Cette  dis- 
tribution, qui  sied  bien  dans  le  style  élevé,  forme 
une  figure  qui  réunit  a  la  fois  la  variété,  la  gran- 
deur et  l'unité.   {Encyclopédie.) 

Pbogressivf.ment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  s'est  augmenté 
progressivement,  OU  s'est  progressivement  aug- 
menté. 

Prohibitif,  Prohibitive.  Adj.  11  ne  se  mot 
qu'a|)rés  Son  subst.  :  Lois  prohibitives,  régime 
prohibitif. 

PnoiE.  Subst.  f.  Voltaire  a  critiqué  avec  raison 
oe  vers  de  la  tragédie  de  Didon  (act.  I,  se.  i,  éd. 
de  1734)  : 

Pour  la  dernière  fois  en  proie  à  ses  hauteurs. 

Cil  peut,  dit-il,  être  exposé  à  des  hauteurs, 
mais  on  ne  peut  y  être  en  proie  comme  on  l'est  à 
la  colère,  à  la  vengeance,  à  la  cruauté.  Pourquoi  ? 


PRO 


SS.> 


c'est  que  la  cruauté,  la  vengeance,  la  cidérc, 
IKjursuivent  en  effet  l'objet  de  leur  ressentiment, 
et  cet  objet  est  regardé  comme  leur  proie  ;  mais 
des  hauteurs  ne  poursuivent  jjersonne,  des  hau- 
teurs n'ont  point  de  proie.  {Dict.  philosophique, 
au  mot  yers.) 

PiiojETER.  V.  a.  de  la  l"  conj.  On  double  le  t 
toutes  les  fois  iju'il  est  suivi  d'un  e  muet  :  Je 
pri  jette,  tu  projettes,  nous  projetons,  etc. 

Pkolepse.  Sul)si.  f.  Terme  de  rhétorique. 
Figure  par  laquelle  on  prévient  les  objections  de 
ses  adversaires.  Celle  figun;  produit  un  bon  effet 
dans  les  plaidoyers,  particulièrement  dansl'exorde, 
où  c'est  une  espèce  de  précaution  et  de  justifica- 
tion que  l'orateur  juge  utile  à  sa  cause. 

PiiOLixE.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit  ordi- 
nairement son  subsl.  :  Un  discours  prolixe,  un 
komme  prolixe.  —  On  pourrait  dire,  dans  cer- 
tains cas,  ce  prolixe  discours. 

Pr.oLixEMENT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  rapporté prolixe- 
ment  le  fait,  ou  il  a  prolixement  rapporté  le 
fait. 

Prolixité.  Subst.  f.  C'est  le  défaut  d'un  dis- 
cours qui  entre  dans  des  détails  minutieux,  ou 
(jui  est  long  et  circonstancié  jusqu'à  l'ennui.  La 
prolixité  est  un  vice  du  style  opposé  a  la  brièveté 
et  au  laconisme.  Si  la  jirolixité  rend  la  prose 
traînante,  elle  doit  cire  bannie  des  vers  avec 
encore  |)lus  de  sévérité.  Là,  selon  Despréaux 
{A.P.,\,Q\): 

Tout  ce  qu'on  dit  de  trop  est  fade  et  rekulant, 
L'esprit  rassasié  le  rejette  à  l'instant. 

(Extrait  de  \' Encyclopédie.') 

PROLOGnE.  Subst.  m.  Terme  de  littérature. 
On  appelle  ainsi,  dans  la  poésie  dramaliciue,  un 
discours  qui  précède  la  pièce,  cl  dans  le(]uel  on 
introduit  tantôt  un  seul  acteur,  et  tantôt  plusieurs 
inlorloculeurs.  L'objet  du  prologue  chez  les  an- 
ciens était  d'apprendre  aux  spectateurs  le  sujet 
de  la  pièce  qu'on  allait  représenter,  et  de  les 
préparer  à  entrer  plus  aisément  dans  l'action  et  â 
en  suivre  le  fil;  quelquefois  aussi  il  contenait 
l'apologie  du  poêle,  et  une  réponse  *»ux  critiques 
qu'on  avait  faites  des  pièces  i)réc(.rlenles.  Les 
Français  ont  presque  entièrement  banni  le  |)rologue 
de  leurs  pièces  de  théâtre,  à  l'exception  des 
opéras.  On  a  cependant  quelques  comédies  avec 
des  prologues. 

Le  sujet  du  prologue  des  opéras  est  presque 
toujours  détaché  de  la  pièce  ;  souvent  il  n'a  pas 
avec  elle  la  moindre  ombre  de  liaison.  La  plupart 
des  prologues  des  opéras  de  Quinaull  sont  à  h" 
louange  de  Louis  XIV.  On  regarde  ccpendanr. 
comme  les  meilleurs  prologues  ceux  qui  ont  du 
rapport  à  la  pièce  qu'ils  précèdent,  quoiqu'ils 
n'aient  pas  le  même  sujet.  (Extrait  de  \  Encyclo- 
pédie.) 

Pr.oLONGKR.  V.  a.  delà  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  j ;  et  pour 
lui  conserver  celle  prononciation  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  0,  on  met  un  e  muet  avant 
cetrt  ou  cet  0:  Je  prolongeai,  prolongeons,  et  non 
pas  je  prolongai,  prolongnns. 

Promenade.  Subst.  f.  Promenoir.  Subst.  m 
Le  jn-cmier  mot  s'est  maintemi  pour  signifier  un 
lieu  où  l'on  se  promène,  et  le  second  a  vieil. 
On  aurait  dû  le  conserver  parce  qu'il  enrichissait 
noire  langue,  et  que  du  temps  de  Louis  XIV 
on  meltaït  une  différence  entre  ces  dsux 
mots.  Promenade  désignait  quelque  choss  di» 
plus   naturel ,    promenoir  tenait  plus  de  l'ar* 


384 


PRO 


De  belles  promenades  étaient,  par  exemple, 
des  plaines  ou  «les  prairies;  de  hcvtn\  promeimirs 
étaient  des  lieux  plantés  selon  les  alignements 
de  l'art.  Le  cours  la  Heine  s'apjielait  un 
beau  promenoir,  et  la  plaine  de  Grenelle  une 
helle  promenade. 

Promener.  V.  delà  V"  conj.  Ce  verbe,  dans  le 
sens  de  niarrhcr,  d'aller  soit  à  pied,  suit  achevai, 
s'emploieloiijoiirsavec  le  pronom  personnel.  Voy. 
Pronominal.  Ainsi  on  ne  doit  pas  dire  allons pro- 
fnener,  il  est  aile  promener  ;  il  faut  dire,  allons 
nous  promener,  il  est  a.Hè  se  promener.  H  est  vrai 
iju'on  dil.j'f  l'enverrai  promener,  je  l'aienvoyê 
prowiewe/;  mais  ce  sont  des  phrases  familières  et 
consacrées  qui  n'ont  aucun  rapport  avec  la  pro- 
menade. 

Si  promener  était  pris  dans  la  signification  de 
conduire,  faire  marcher,  soit  un  homme,  soit  une 
hcte,  alors  on  emploierait  ce  verbe  activement,  et 
l'on  dirait  :  Il  a  bien  promené  ces  étrangers  par 
la  ville.  Il  estbon  de  promener  un  cheval  écha^iffé, 
avant  de  le  mettre  à  l  écurie.  On  dit  aussi  au 
ligure,  promener  son  esprit  sur  divers  objets, 
il  promène  ici  près  sa  rêverie. 

Promenoir.  Subst.  m.  Voyez  Promenade. 

Promettre.  V.  a.,  n.  et  irrégulier  de  la  4"' conj. 
Il  se  conjugue  comme  mettre.  Voyez  ce  ynnt  : 
Promettre  quelque  chose  à  guelqiiuîi.  —  J'ai 
promis  a  7/10/1  frère  de  revenir  demain.  Je  vous 
promets  qu'tV  s'en  souviendra.  —  Ils  se  sont 
promis  une  fidélité  à  toute  épreuve.  Ils  s'étaient 
promis  de  profiter  des  troubles  civils.  Je  n'ose 
me  promettre  que  vous  me  ferez  cet  honneur. 

Promoteur.  Subst.  m.  L'Académie  ne  dit  pas 
comment  il  faut  dire  en  parlant  d'une  femme. 
De  Wailly  dit  promotrice,  et  il  me  semble  qu'on 
peut  le  dire. 

PROMonvoiR.  V.  a.,  irrégulier  et  défectueux 
de  la  3«  conj.  Il  ne  se  dit  qu'à  l'infinitif  et  aux 
temps  composés  :  Promouvoir;  on  l'a  promu, 
nous  l'avons  promu,  il  a  été  promu  ;  ttre  promu 
à  lin  grade,  a  une  dignité. 

Prompt,  Prompte.  AdJ.  On  ne  prononce  pas  le 
second  p.  On  ne  prononce  le  t  final  du  masculin 
(jue  devant  une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré.  Pro- 
noncez prow. 

Il  régit  quelquefois  la  préposition  à  :  Un 
homme  prompt  à  servir  ses  amis.  La  jeunesse 
estprompteà  s'enflammer.  (Fénelon,  Ttlémaque.) 
—  féiaud  ne  lui  donne  ce  régime  (ju'en  parlant 
des  personnes.  Voici  un  exemple  du  contraire  : 

Cet  orageux  torrent,  prompt  à  se  déborder, 
Dans  son  choc  tcncibreux  allait  tout  inonder. 

(Volt.,  lUnr.,  Vf,  53.) 

On  peut  quelquefois  mettre  cet  adj.  avant  son 
subst.  :  Un  homme  prompt,  une  femme  prompte, 
un  esprit  prompt,  une  conception  prompte;  un 
rapport  prompt,  vn  prompt  rapport;  une  réponse 
prompte,  une  prompte  réponse 

Promptement.  Adv.  On  ne  prononce  point  le 
second  p.  Prononcez  prontement.  On  peut  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est 
revenu  promptement,  il  est  promptement  i-evenu . 

Promptitude  Subst.  f.  Prononcez  prontitude. 

Pronom.  Subst.  m.  Tout  jugement  a  pour  objet 
une  chose.  Ainsi  toute  proposition  étant  un  juge- 
ment exprimé  par  des  paroles,  doit  avoir  un  nom 
qui  rappelle  l'idée  de  cette  chose,  et  ce  nom 
s'appelle  le  sujet  de  la  proposition.  Dans  Pierre 
est  raisonnable,  Pierre  est  le  sujet  de  la  pro- 
position. 

Le  sujet  de  la  proposition  peut  être  ou  la  per- 


PRO 

sonne  qui  parle,  ou  la  personne  à  qui  l'on  parle, 
ou  bien  la  personne  ou  la  chose  dont  on  parle. 

Quand  la  personne  qui  [arle  est  elle-même  le 
sujet  de  la  proposition,  elle  ne  se  nomme  pas, 
car  alors  son  nom  et  la  répétition  de  ce  nom 
formeraient  des  équivoiiucs  et  des  embarras  con- 
tinuels dans  l'expression.  Par  exemple,  si,  voulant 
jiarlerde  moi,  je  disais  Charles  dîne;  et.  après 
dîner,  Charles  ira  se  promener  ;  puis  Charles 
viendra  se  coucher.  Le  mot  Charles  formerait 
autant  d'étjuivoques  qu'il  serait  énoncé  de  fois. 
Car  rien  n'indique  si  c'est  moi  Charles  gui  dîne, 
qui  irai,  qui  viendrai,  etc.  ;  ou  si  j'entends  par- 
ler d'un  autre  Charles  que  moi.  Les  deux  verbes 
ira  et  viendra  indiqueraient  même  que  je  veux 
parler  d'un  autre  Charles. 

Pour  éviter  ces  équivoques  et  ces  répétitions, 
on  a  inventé  un  mot  qui  se  met  à  la  place  de  la 
personne  qui  parle,  et  en  rappelle  toujours  Pidce 
sous  le  rapport  de  la  parole.  Ce  mot  est  je.  Ainsi 
au  lieu  de  dire  Charles  dîne,  Charles  ira,  Char- 
les vie  iidra,  je  ûh  je  dîne,  j'irai,  je  viendrai; 
et  ce  mot  je  rapiielle  toujours  mon  nom  sous  le 
rapport  de  l'acte  de  la  parole  que  j'exerce  actuel- 
lement. 

Lorsque  la  personne  à  laquelle  j'adresse  la 
parole  est  elle-même  le  sujet  de  la  proposition, 
je  ne  la  nomme  pas  non  plus,  par  la  même  raison 
et  pour  éviter  les  mêmes  inconvénients.  Si,  par 
exemple,  parlant  à  une  personne  qui  se  nomme 
Pierre,  je  lui  disais,  Pierre  joue,  Pierre  marche, 
rien  dans  le  mot  Pierre  n'indiquerait  que  ce  nom 
désigne  la  personne  à  qui  je  parle;  car  elle  pour- 
rait aussi  bien  en  désigner  une  autre  du  même 
nom.  On  a  inventé  le  mot  tu,  pour  le  mettre  à  la 
place  du  nom  de  la  personne  à  qui  l'on  [larle,  et 
pour  représenter  toujours  ce  nom  sous  le  rapport 
de  !a  parole  adressée  à  cette  personne.  Ainsi  au 
lieu  de  Pierre  joue,  Pierre  marche,  on  dit  tu 
joues,  tu  marches. 

Quand  la  personne  ou  la  chose  dont  je  parle 
est  le  sujet  de  la  proposition,  et  qu'elle  est  assez 
connue  de  celui  ou  de  ceux  à  qui  je  parle,  soi', 
parce  que  je  l'ai  déjà  nommée,  soit  parce  qu'elle 
est  présente  et  que  je  l'indique  comme  telle,  je 
ne  la  nomme  pas  non  plus  toutes  les  fois  qu'il  est 
nécessaire  d'en  rappeler  l'idée,  mais  je  ine  sers 
des  inotsz7  ou  elle,  inventés  pour  la  représenter 
sous  le  rapport  de  la  parole.  Ainsi  je  ne  dirai  pas, 
Pierre  Ut  bien,  mais  Pierre  écrit  mal;  Louise 
a  de  l'esprit,  mais  Louise  s'exprhne  mal;  cette 
maison  est  belle,  mais  cette  maison  n'est  pas 
bonne.  Je  dirai  Pierrelitbien,inais  Wécrit  mal; 
Louise  a  de  l'esprit,  mais  elle  s'exprime  mal; 
cette  maison  est  belle,  mais  elle  n'est  pas  bonne; 
OÙ  Ton  voit  qu'après  avoir  désigné  une  fois  par 
son  nom  la  personne  ou  la  chose  dont  je  parle, 
j'en  rappelle  ensuite  l'idée  par  le  mol  il  si  elle  est 
du  genre  masculin,  et  par  le  mot  eZ/e  si  elle  est  du 
féminin. 

On  appelle  la  personne  qui  parle  la  première 
persoime;  celle  à  qui  l'on  parle  la  seconde per- 
sonne  ;  et  celle  de  qui  l'on  parle  la  troisième 
personne. 

Les  mots  qui  se  mettent  à  la  place  des  noms 
pour  les  représenter  et  en  rappeler  l'idée  se 
nomment  pronoms  ;  et  les  grammairiens  (]ui  ilis- 
tinguent  plusieurs  sortes  de  pronoms,  appelleol 
pronoms  personnels  ceux  (pii  servent  à  repré- 
senter les  personnes  ou  les  choses  sous  le  rapport 
de  l'acte  do  b  parole. 

Pour  rai^jclcr  les  noms  qui  sont  sujets  d'une 
proposition,  la  première  personne  n'a  que  deux 


PRO 

jjionoins, /e  pour  le  singulier,  et  nous  pour  le 
pluriel  :  Je  mange,  nous  mangeons.  La  seeoiule 
personne  en  a  deux  pour  le  singulier,  ta  et  vous, 
et  celui-ci  est  le  mcinc  pour  les  deux  nombres  : 
Tti  dors  ou  vous  dormez. 

Sans  doute,  dit  Condillac,  on  a,  dans  les  com- 
menccinenis,  dit  lu  à  tout  le  monde,  quel  que  fût 
le  rang  de  celui  à  (pii  l'on  parlait.  Dans  la  suite, 
nos  pores  barbares  et  scrvilcs  imaginèrent  de 
parler  au  pluriel  à  une  seule  personne,  lorstprelle 
se  faisait  respecter  ou  craindre;  et  vous  devint 
le  langage  d'un  esclave  devant  son  maître.  11 
arriva  de  là  (]ue  lu  ne  peut  plus  se  dire  (]u'eu 
parlant  à  ses  esclaves,  à  ses  valets  ou  à  un  liomme 
fort  inférieur.  La  familiarité  qu'on  prenait  avec 
ses  inférieurs,  on  crut  souvent  la  pouvoir  prendre 
avec  ses  égaux,  et  l'usage  introduisit  le  tu.  d'égal 
à  égal,  surtout  entre  les  amis.  Cependant,  parce 
qu'il  est  difficile  de  concilier  la  familiarité  avec 
la  politesse,  deux  personnes  qui  se  tutoient  dans 
le  tétc-à-léte  ne  croiront  pas,  par  égard  pour  le 
j)ublic,  devoir  se  luioycr  devant  le  monde.  Les 
poètes  ont  conservé  le  tu;  et  en  vers,  celte  licence 
a  de  la  noblesse. 

Les  pronoms  de  la  troisième  personne  sont 
différents,  suivant  les  genres.  On  dit  il  au  mas- 
culin, elle  au  féminin,  ils  ou  elles  au  pluriel. 

Mais  les  noms  de  la  première,  de  la  seconde 
et  de  la  troisième  personne,  sont  souvent  aussi 
régimes  des  verbes,  ou  compléments  des  [)répo- 
sitions;  et  il  y  a  des  pronoms  pour  en  ra[)pelcr 
l'idée  dans  ces  cas.  Ces  pronoms  sont,  pour  la 
première  personne,  7iie  pour  le  singulier,  et  7ious 
pour  le  pluriel,  et  ils  se  mettent  également  pour  le 
régime  direct  et  le  régime  indirect  :  Il  me  frappe, 
il  me  donne  de  l'argent.  Le  premier  est  le  régime 
direct,  et  revient  au  cas  que  les  Latins  appellent 
accusatif;  le  second  est  le  régime  indirect,  et 
revient  au  datif  ;  c'est  comme  s'il  y  avait  il  donne 
de  l'argent  a  moi;  ils  nous  calomnient,  ils  nous 
ont  donné  de  l'argent.  Ces  pronoms  sont,  pour 
la  seconde  personne,  te  au  singulier,  vous  au 
singulier  et  au  pluriel  ;  Il  te  contredit,  il  vous 
hait,  cet  homme  ï^ous  a  donné  de  l'argent. 

Ceux  de  la  troisième  personne  sont  le  pour  le 
régime  direct  singulier  masculin,  la  jjour  le 
régime  direct  féminin  singulier, /es  pour  le  régime 
direct  pluriel  des  deux  genres,  iwj  pour  le  régime 
indirect  singulier  des  deux  genres,  leur  pour  le 
régime  indirect  pluriel  des  deux  genres  :  ./e  le 
vois,  je  la  console,  je  les  aime,  je  lui  ai  donné 
ma  cfi/ifiance,  je  leur  donnerai  un  bon  avis. 

Les  pronoms  qui  servent  de  coinplémenl  aux 
prépositions  sont ,  pour  la  première  personne, 
moi  au  singulier,  avec  moi;  nous  au  pluriel, 
arec  7ious;  pour  la  seconde,  toi  ou  vous,  j'ai 
fait  cela  pour  toi  ou  pour  vous.  Ils  se  disent 
également  pour  le  masculin  et  pour  le  féminin. 
Puur  la  troisième  personne,  on  dit  lui  au  mas- 
culin singulier,  avuut  lui;  elle  au  féminin  sin- 
gulier, derrière  elle  ;  eux  au  masculin  pluriel, 
c'est  pour  eux  ;  elles  au  féminin  pluriel,  à  cause 
d'elles.  Voyez  ces  pronoms. 

Lorsque  le  sujet  de  la  proposition  est  aussi  le 
régime  du  verbe,  on  se  sert  de  se  au  masculin 
et  au  féminin,  au  singulier  et  au  pluriel,  pour 
marquer  le  régime  direct  ou  indirect  ;  Il  s'aime, 
elle  s'aime,  ils  s'aiment,  elles  s'aiment;  il  se 
donne  des  louanges,  etc.  Dans  ce  cas,  on  se  seit 
de  soi,  pour  complément  des  prépositions:  Cha- 
cun est  pour  soi.  Les  grammairiens  appellent  ce 
pronom,  pronom  réfléchi. 

¥  et  en  sont  aussi  des  pronoms  de  la  troisième 


PRO 


Î365 


|)ersonne.  On  les  emploie  à  la  place  d'un  noui 
précédé  d'une  préposition  :  Allez-vous  àParis'i 
J'y  vais;  y  est  pour  à  Paris.  Acez-vous  de 
l'argent  '.'  J'en  ai;  en  est  pour  de  l'argent. 

Les  grammairiens  mettent  aussi  au  nombre 
des  pronoms  personnels  de  la  troisième  personne 
qui  sont  sujets  des  propositions,  on  ou  l'on,  et  ils 
l'appellent  ;)?v)wo7«  indéfini,  parce  que,  disont-ils, 
il  maniue  indélinimenl  une  (lu  plusieurs  per- 
sonnes :  On  dit,  l'on  assure.  Mais  ce  mot  n'est 
pas  un  pronom,  puisiiu'il  ne  se  met  jamais  à 
la  place  d'un  nom.  On  vient  par  corruption 
d'homme;  et  l'on,  de  l'homme.  Kn  allemand,  le 
même  mot  (pii  répond  à  notre  on,  signifie/iowme,- 
mansugt,  homme  dit,  ou  on  dit.  Ce  mut  est  un 
vrai  substantif,  il  n'est  mis  à  la  j*lace  d'aucun 
nom,  il  ne  se  rapporte  même  à  aucun,  et  il  ne 
laisse  rien  à  suppléer.  En  effet  dans  on  Joue,  on 
est  le  iKim  d'une  idée  qui  existe  dans  l'esprit, 
comme  celle  de  tout  autre  substantif;  seulement 
cette  idée  est  vague,  et  si  l'on  dit  on,  c'est  qu'on 
ne  veut  déterminer  ni  (pielles  sont  les  personnes 
qui  jouent,  ni  (juel  en  est  le  nombre. 

On  voit,  par  ce  que  nous  venons  de  dire,  que 
les  pronoms  sont  employés,  ou  à  la  place  des 
nomsqiie  les  circonstances  du  discours  indiquent, 
JG  parle,  tu  joues;  ou  à  la  place  des  noms  qui 
ont  été  énoncés  auparavant,  J'ai  acheté  une  mai- 
son, elle  m'a  coûté  cher. 

On  pi'ut  iijoulcr  que  le  pronom  est  une  expres- 
sion abrégée  qui  équivaut  quelquefois  à  une 
phrase  entière;  car  il  tient  la  place  d'un  nom 
(jii'on  ne  veut  pas  répéter,  et  de  tous  les  acces- 
soires dont  on  l'a  modifié:  Je  fais  beaucoup  de 
cas  de  l'homme  dont  vous  me  parlez  et  que  vous 
aimez,  je  le  verrai  incessamment.  Le  est  un 
pronom  qui  est  employé  pour  éviter  la  répétition 
de  l'homme  dont  vous  me  parlez  et  que  vous 
aimez.  Le  pronom  rappelle  un  nom  avec  toutes 
les  modifications  qui  lui  ont  été  données  :  Avez- 
vous  vu  la  belle  maison  de  campagne  qui  vient 
d'être  vendue"^  Je  \'ai  vue;  la,  c'est-à-dire  la 
belle  maison  de  campagne  qui  vient  d'être 
rendue.  Cette  phrase,  (jui  est  déterminée  par  le 
pronom  la,  n'est  qu'une  seule  idée,  comme  elle 
n'en  serait  (ju'une  si  elle  était  exprimée  par  un 
seul  mot. 

Souvent  les  pronoms  rappellent  plutôt  les 
idées  ([u'on  a  dans  l'esprit,  que  les  mots  (ju'on  a 
l)rononcés  :  Voulez-vous  que  j'aille  vous  voir? 
Je  le  veux.  Le  signifie  que  vous  veniez  me  voir. 

JS'ous  avons  parlé  a  l'article  Adjectif  ilcs  pro- 
noms que  les  grammairiens  appellent  communé- 
ment démonstratifs  ,  possessifs  ,  et  relatifs. 
Voyez  Adjectif. 

<Juant  aux  pronoms  que  l'on  appelle  commu- 
nément indéfinis,  ce  sont  ou  des  noms,  ou  des 
adjectifs,  ou  des  adverbes,  qui  ne  s'emplDiciit 
point  à  la  place  des  noms,  et  qui  par  conséquent 
ne  doivent  point  être  appelés  pronoms.  On  les 
trouvera  chacun  à  son  article,  ainsi  que  les  véri- 
tables pronoms. 

Pronominal.  Adj.  m.  Terme  de  grammaire. 
Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.,  et  fait  au 
pluriel projiominaux  :  f^erbe  pronominal,  verbes 
pronominaux 

On  appelle,  en  grammaire,  verbes  pronominaux 
ceux  qui  se  conjuguent  avec  deux  pronoms  de 
la  même  personne  :  Je  me,  tu  te,  il  so  ;  nous 
nous,  vous  vous,  ils  se.  Je  me-promène,  je 
m'arroge. 

Sous  \q  nom  de  verbes  pronominaux,  on  com- 
prend et  les  verbes  réfléchis  et  les  verûes  rec»- 


S86 


PRO 


nroques.  ^■oycz  ces  mois.  Ces  verbes  n'onl  point 
de  conjiiiïaison  qui  leur  soit  |)arliculiére.  Dans 
les  temps' simples,  ils  se  conjnçueiil  comme  la 
conjuïMison  à  laquelle  ils  apparûcnneni,  et  clans 
les  ipinps  composés,  iispreiment  l'auxiliaiie  être; 
mais  alors  le  verbe  é/îccst  employé  pour  avoiV. 
Je  vie  suis  flatlê  est  i>o\lT  j'ai  flatté  moi. 

Modèle. 

Indicatif.  —  Présent.  Je  me  promène,  lu  te 
promènes,  il  se  promène  ;  nous  nous  promenons, 
vous  vous  i)romenez,  ils  se  jjromèncnt.  —  Im- 
parfiiit.  Je  me  promenais,  etc.  —  Temps  com- 
posés. Je  nie  suis  promené  ,  je  m'étais  promené. 

Conditionnel.  —  Je  me  promènerais,  je  me 
serais  promené. 

Impératif.    —  Promène-toi,  promenons-nous. 

Subjonctif.  — Présent.  Que  je  me  promène, 
que  tu  te  promènes,  qu'il  se  promène,  etc.  —  Im- 
parfait. Que  je  me  promenasse,  que  lu  te  pro- 
menasses, qu'il  se  promenât,  etc.  —  Que  je  me 
sois  i)romené,  que  je  me  fusse  promené. 

Inlinitif.  —Se  promener. 

Pailicipe.  —  Présent.  Se  promenant.  — Passé. 
Promené  ou  promenée  ;s'élant  promené  ou  s'étant 
promenée. 

Prononciation.  Subst.  f.  La  prononciation,  en 
grammaire,  est  l'art  d'articuler  les  lettres  et  les 
syllabes  des  mois  d'une  manière  coni'orme  à  l'u- 
sage. 11  y  a  en  français  doux  prononciations  dif- 
férentes, l'une  pour  les  vers  et  le  discours  sou- 
tenu, l'autre  pour  la  prose  commune  et  le  dis- 
cours ordinaire.  Dans  la  première,  on  prononce 
la  plui)arl  des  consuimes  qui  sont  à  la  fin  des 
mois,  quand  les  mots  suivants  commencent  par 
une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré.  Dans  la  seconde, 
ce  serait  une  affectation  ridicule  de  vouloir 
prononcer  touics  les  consonnes  finales,  lorsque 
les  deux  mots  n'ont  pas  une  liaison  nécessaire 
entre  eux.  Nous  avons  exposé  ces  difficultés  do 
la  prononciation  a  chaque  article  qui  nous  a 
paru  en  offrir  (pielques-unes ,  et  particulière- 
ment à  l'article  de  chaque  lettre. 

Prononciation.  On  appelle  ainsi,  en  littéra- 
ture, l'action  de  la  voix  dans  un  orateur  ou 
dans  un  lecteur,  quand  il  déclame  ou  lit  quel- 
que ouvrage.  — La  prononciation  doit  être  cor- 
recte et  claire.  Correcte,  c'est-à-dire  exempte  de 
défauts  ;  en  sorte  que  le  son  de  la  voix  ait  quel- 
que chose  d'aisé,  de  naturel,  d'agréable,  et  soit 
accompagné  d'une  certaine  délicatesse  (juc  les  an- 
ciens nommaient  urbanité,  cl  qui  consiste  à  en 
ccarler  tout  son  étranger  et  rustique.  La  pro- 
nonciation doit  élre  claire,  et  deux  choses  con- 
tribuent à  cette  clarté.  La  i)remière,  c'est  de 
bien  articuler  tomes  les  syllabes;  la  seconde  de 
savoir  soutenir  et  suspendri^  sa  vuix  par  diffé- 
rents repos  et  différentes  pauses  dans  les  divers 
membres  qui  composent  une  iwriodc.  La  cadence, 
l'oreille,  la  respiration  même,  demandent  ces  re- 
pos qui  jellent  beaucoup  d'agrément  dans  la  pro- 
nonciation.— On  a|ipelle;)/'o/jo/(c/o/jo/io;'/ifie,  celle 
qui  est  secondée  d'un  heureux  organe,  d'une 
voix  aisée,  grande,  flexible,  ferme,  durable,  claire, 
sonore,  douce  et  entraînante;  car  il  y  a  une  voix 
faite  pour  l'oreille,  non  pas  laui  par  son  étendue 
que  par  sa  flexibilité,  suscepliiile  de  tous  les  sons, 
depuis  le  plus  fort  jusqu'au  plus  doux,  depuis  le 
plus  haut  jusqu'au  plus  bas.  Ce  n'est  jias  par  de 
violents  efforts,  ni  \Y,\y  de  grands  éclats,  qu'on 
vient  à  bout  de  se  faire  eniendrc,  mais  par  une 
prononciation  nette,  distincte  et  soutenue.  L'ha- 


PRO 

bilelé  consiste  à  savoir  ménager  adroitement  les 
différents  ports  de  vuiK  ;  à  commencer  d'un  ton 
qui  puisse  hausser  et  l)aisser  sans  peine  et  sans 
contrainte  ;  à  conduire  tellement  sa  voix,  qu'elle 
puisse  se  déployer  tout  entière  dans  les  endroits 
où  le  discours  demande  beaucoup  de  force  et 
de  véhémence,  et  principalement  a  bien  étudier 
cl  suivre  en  tout  la  nature. 

L'union  de  deux  qualités  opposées  en  appa- 
rence fait  toute  la  beauté  de  la  prononciation  : 
l'égalité  et  la  variété.  Par  la  première,  l'orateur 
soutient  sa  voix,  et  en  règle  l'élévation  et  l'abais- 
sement sur  des  lois  fixes  qui  l'empcchent  d'aller 
haut  et  bascomme  au  hasard,  sans  garder  d'ordre 
ni  de  proportion.  Par  la  seconde,  il  évite  un 
des  plus  considérables  défauts  (ju'il  y  ait  en 
matière  de  prononciation,  la  monotonie.  Il  y  a 
encore  un  autre  défaut  non  moins  considéra- 
ble que  celui-ci,  et  qui  en  tient  beaucoup;  c'est 
de  chanter  en  prononçant,  et  surtout  des  vers. 
Ce  chant  consiste  à  baisser  ou  à  élever  sur  le 
même  ton  plusieurs  membres  d'une  période,  ou 
plusieurs  périodes  de  suite,  en  soile  que  les 
mêmes  inflexions  de  voix  reviennent  fréquem- 
ment, et  presque  toujours  de  la  même  sorte. 

Enfin  la  prononciation  doit  être  proportionnée 
aux  sujets  que  l'on  traite,  ce  qui  parait  surtout 
dans  les  [)assions,  qui  ont  toutes  un  ton  parti- 
culier. La  voix,  qui  est  l'inierprùle  de  nos  sen- 
timents, reçoit  toutes  les  impressions,  tous  les 
changements  dont  l'âme  elle-même  est  sus- 
ceptible. Ainsi,  dans  la  joie,  elle  est  pleine, 
claire,  coulante;  dans  la  tristesse,  au  contraire, 
elle  est  traînante  et  basse  ;  la  colère  la  rend  im- 
pétueuse, entrecoupée;  quand  il  s'agit  de  con- 
fesser une  faute,  de  faire  satisfaction,  de  supplier, 
elle  devient  douce,  timide,  soumise.  Les  exordes 
demandent  un  ton  grave  et  modéré  ;  les  preuves 
un  ton  un  peu  plus  élevé;  les  récits,  un  ton 
simple,  uni,  tran(piille,  et  semblable  à  peu  près  à 
ce' ai  de  la  conversation.  (Rollin,  Traité  des 
études.) 

La  prononciation  est  une  suite  des  mouve- 
ments variés  (pie  l'organe  exécute  ;  et  du  passage 
pénible  ou  facile  de  l'un  à  l'autre,  dépend  le 
sentiment  de  dureté  ou  de  douceur  dont  l'oreille 
est  affectée.  11  faut  donc  examiner  avec  soin 
quelles  sont  les  articulations  sympalhi(pies  et 
antipathiques  dans  les  mois  déjà  composés,  afin 
d'en  rechercher  et  d'en  éviter  la  rencontre  dans 
le  passage  d'un  mot  à  un  autre.  On  sait,  par 
c'ccmple"  qu'il  est  plus  facile  de  doubler  une 
consonne  en  l'appuyant,  que  de  changer  d'arti- 
culation. Si  l'on  est  libre  do  choisir,  on  préférera 
donc  pour  initiale  d'un  mot  la  finale  du  mot  qui 
précède  :  Les  Grecs  sont  7ios  modèles  ;  le  soc 
qui  fend  lu  terre. 

L'iiymen  n'est  pas  lonjours  entouré  de  Qambeani. 
(Rac,  Piiéd.,  ad.  V,  se.  i,  63.) 

11  avait  de  plant  vif  fermé  cette  avenue. 

(La  Foktaikb.) 

Si  La  Fontaine  avait  mis  bordé  au  lieu  de  fer- 
mé, l'arliculaiion  serait  i)lus  pénible. 

On  sait  que  doux  différentes  labiales  de  suite 
sont  pénibles  à  articuler;  on  ne  dira  donc  point, 
Jlep  fait  le  commerça  de  l'Inde,  etc. 

Propagateur.  Subst.  m.  L'Académie  ne  nous 
apprend  [)oint  comment  il  faut  dire  en  parlant 
d'une  femme.  Il  nous  semble  qu'on  peut  dire 
prcipagairice. 


PRO 

Propager.  V.  a.  delà  1"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le^  doit  loujours  se  prononcer  coininey,-et  pour 
lui  conserver  celle  itrononciation  lors(]uMI  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  p,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cçl  o  :  Je  propageais,  propageons,  et 
non   [Mi'^je  propaqai,  pi-opar/nns. 

PnoPHÉTiQiE.  Àdj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  meltre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Discours  prophétique,  esprit  pro- 
phétique, style  prophétique.  —  Ce  prophétique 
discours,  ces  prophétiques  paroles.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Ainsi  de  l'antre  saint  la  prophétique  htrreur 
Trouble  sui-  son  trépied  la  prêtresse  en  fureur. 

IUelii..,  Enéide,  YI,  154.) 

Proi'hétiqiement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près le  verbe  :  Il  a  parlé  prophétiquement,  et 
non  pas  il  a  prophétiquement  parlé. 

Propice.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subst.  :  Temps  propice,  oc- 
casion propice,  saison  propice. 

Le  moment  est  propice,  il  en  faut  pro  iter. 

(Volt.,  Tancr.,  act.  I,  se.  i,  27.^ 

Quelquefois  il  régit  la  préposition  à  :  Que  Dieu 
soit  propice  à  nos  vœux. 

Et  je  bénis  le  ciel  propice  à  nos  desseins. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  II,  se.  i,  133.) 

Propitiatoire.  Adj.  des  deux  genres.  Cet  ad- 
jectif ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Sacin/ice 
propitiatoire,  offrande  propitiatoire. 

Propoktionnément.  Adv.  Comme  ceJ  adverbe 
régit  à  avec  un  complément,  on  ne  doit  pas  le 
placer  entre  l'auxiliaire  et  le  participe;  il  les  sé- 
parerait tiop  l'un  de  l'autre  :  Il  leur  a  parlé 
proportion  II ément  à  leur  capacité. 

Propos.  Subst.  m.  On  ne  ])rononce  le  s  que 
devant  une  voyelle  ou  un  /(  non  aspiré. 

Proposable.  Adj.  des  deux  genres,  qui  suit 
toujours  son  subst.  :  Une  affaire  proposable, 
une  question  proposable.  —  On  l'emploie  le  plus 
souvent  avec  la  néiialion. 

Proposer.  V.  a.  délai"  conj.  On  dit,  on  lui 
a  proposé  d'examiner  cette  question,  el  on  lui  a 
proposé  cette  question  à  examiner,  jjiU'ce  que 
dans  la  première  phrase,  il  ne  s'agit  tiue  d'une 
détermination  que  l'on  propose  de  prendre;  et 
dans  la  seconde  d'une  chose  que  l'on  propose 
comme  un  but. 

PnoposiTios.  Terme  de  grammaire.  Une  pro- 
position est  l'expression  d'un  jugement.  Un  ju- 
gement est  la  perception  de  l'existence  d'un  être, 
sous  une  relation  à  quelque  modification  ou  ma- 
nière d'elle. 

Une  proposition  est  composée  de  deux  parties 
intégrantes,  le  sujet  et  l'attribut.  Le  sujet  est  la 
partie  de  la  proposition  qui  exprime  létic  dont 
l'esprit  a|;erçoit  l'existence  sous  telle  ou  telle  rela- 
tion à  quelque  modilication  ou  manière  d'être. 
L'attribut  est  la  partie  de  la  proposition  qui  ex- 
prime l'exislencc  intellecluellf  du  sujet,  sous  cette 
relation  à  quelque  manière  d'être. 

Ainsi,  quand  on  dit  Dieu  est  juste,  c'est  une 
proposition  qui  renferme  un  sujet.  Dieu;  et  un 
attribut,  est  juste.  Dieu  exprime  l'être  dont 
l'esprit  aperçoit  l'existence  sous  la  relation  de 
convenance  avec  la  justice;  est  juste  en  exprime 
l'exislencc  sous  cette  relation  ;  est,  en  parlicu- 
liei-,    exprime  l'existence  du  sujet;  juste  en 


PRO 


587 


exprime  le  rapport  de  convenance  à  la  jus- 
tice. Si  la  relation  du  sujet  a  la  manière  d'être  de 
disconvenance,  on  met  avant  le  verbe  une  né- 
galion  pour  indiiiuer  le  contraire  de  la  conve- 
nance :  Dieu  n'est  pas  nienlcur. 

Quelques  graunuairiens  n'a])pellenl  attribut 
que  le  mot  (jui  exprime  la  modification,  et  re- 
gardent le  verbe  être  comme  une  simple  liaison 
entre  le  sujet  et  l'aitribut.  Mais  ces  dilférentes 
manières  de  voir  importent  fort  peu  a  la  gram- 
maire. Il  suflit  d'avoir  une  idée  netle  de  la  propo- 
sition et  des  parties  (jui  la  coiuposeni. 

Le  sujet  et  l'attribut  peuvent  élre  :  d»  sim 
pies  ou  com|)usés;  2"  incomplexes  ou  comi)lexes. 

Le  sujet  est  simple  quand  il  présente  à  l'esprit 
un  élre  détermine  par  une  idée  uniiiuc.  Tels 
sont  tous  les  sujets  des  propositions  suivantes: 
Dieu  est  éternel;  les  hommes  sont  mortels; 
la  gloire  qui  vient  de  la  vertu  a  un  éclat  im- 
mortel ;  les  preuves  dont  on  appuie  la  vérité  de 
la  reliqiim  chrétienne  sont  invincibles  ;  crain- 
dre Dieu  est  le  commencement  de  la  sapesse. 
En  effet.  Dieu  exprime  un  sujet  détcrMiiné  par 
l'idée  unique  de  la  nature  individuelle  de  l'être 
suprême;  les  hommes,  un  sujet  déterminé  par 
la  seule  nature  spérifKjue  conunune  a  lous  les 
individus  de  celle  espèce  ;  la  gloire  qui  vient  de 
la  vertu,  un  sujet  déterminé  par  l'idée  uni(]ue 
de  la  nature  générale  de  la  gloire  restreinte  par 
l'idée  de  la  vertu  envisagée  comme  un  fonde- 
ment parliculier;  les  preuves  dont  on  appuie  la 
vérité  de  la  religion  chrétienne,  un  sujet  déter- 
miné par  l'idée  unique  de  la  nature  des  preuves 
restreintes  par  l'idée  d'appliration  d  la  vérité  de 
la  religion  chrétienne  ;  enfin  ces  mots,  craindre 
Dieu,  présenlent  encore  à  l'esprit  un  sujet  dé- 
terminé par  l'idée  unique  d'une  crainte  actuelle 
restreinte  par  l'idée  d'un  objet  particulier  qui  est 
Dieu. 

Le  sujet,  au  contraire,  est  composé,  quand  il 
comprend  plusieurs  sujets  délerminés  par  des 
idées  différentes.  Ainsi ,  quand  on  dit,  la  foi, 
Vespérance  et  la  charité,  sont  trois  vertus  théo- 
logales,  le  sujet  total  est  composé,  jiarce  qu'il 
comprend  trois  sujets  délerminés  chacun  par 
l'idée  caractéristique  de  sa  nature  propre  et  in- 
dividuelle. Voici  une  autre  proposition  dont  le 
sujet  total  est  composé  en  apparence,  quoique 
au  fond  il  soit  simple  :  Croire  à  l'Évangile,  et 
virre  en  païen,  est  une  extravagance  inconce- 
vable. H  sendjle  que  croire  à  l'Evangile  soit  un 
premier  sujet  parlicl,  et  que  vivi-e  en  païen  en 
soit  un  second  ;  mais  l'ailribut  ne  peut  pas  con- 
venir si'parément  à  chacun  de  ces  deux  i)rélen- 
dtis  sujets,  puisqu'on  ne  peut  pas  dire  que  croire 
à  l'Évangile  est  une  extravagance  inconcevable. 
Ainsi  il  faut  convenir  que  le  véritable  sujet  est 
l'idée  unique  de  la  réunion  de  ces  deux  idées 
particulières,  et  par  conséquent  que  c'est  un  su- 
jet simple. 

L'attribut  peut  élre  également  simple  ou  com- 
[K)sé.  L'attribut  est  simple  quand  il  n'exprime 
qu'une  manière  d'être  du  sujet,  soit  qu'il  le  fasse 
en  un  seul  mol,  soit  qu'il  en  comprenne  plu- 
sieurs. Ainsi,  quand  on  dit  Dieu  est  éternel; 
Dieu  gouverne  toutes  les  parties  de  l'univers; 
vn  homme  avare  recherche  avec  avidité  des  biens 
dont  il  ignore  le  véritable  usage  ;  être  sage  avec 
excès,  c'est  être  fou;\es  attributs  de  toutes  ces 
propositions  sont  simples ,  parce  que  chacun 
n'expi  ime  qu'une  seule  manière  d'êlre  du  sujet  : 
est  éternel,  gouverne  toutes  les  parties  de  l'u- 
nivers, sont  deux  attributs  qui  expriment  cha- 


588 


1>R0 


cuu  une  inanicrc  d'élrc  de  Dieu:  l'un  dans  le 
prcniicr  exeiii|ilc>  l'autre  dans  le  second.  Re- 
cherche avec  ucidilé  des  liens  dont  il  innore 
le  véritable  usage,  c'est  une  manière  d'être  d'un 
homme  avare;  être  fou,  c'est  une  manière  d'être 
de  ce  qu'on  appelle  être  sage  avec  excès. 

L'attribut  est  cuniposé  quand  il  exprime  plu- 
sieurs miinières  d'être  du  sujet.  Ainsi,  quand 
on  dit  Dieu  est  juste  et  toul~puissaiit,  l'attri- 
but total  est  composé,  parce  qu'il  comprend 
leux  manières  d'être  de  Dieu  :  la  justice  et  la 
.oule-puissance. 

Les  propositions  sont  pareillement  simples  ou 
composées,  selon  la  nature  de  leur  sujet  et  de 
leur  attribut.  — Une  i)ro[)osition  simple  est  celle 
dont  le  sujet  et  l'attribut  sont  également  simples, 
c'csi-a-dirc  également  déterminés  par  une  simple 
idée  totale.  Evemplis  :  La  sagesse  est  précieuse  ; 
la  puissance  législative  est  le  premier  droit  de 
la  souveraineté;  la  considéralioti  qu'on  accorde 
à  la  vertu  est  préférable  à  celle  qu'on  rend  à  lu 
naissance.  Une  proposition  composée  est  celle 
dont  le  sujet  ou  l'attribut,  ou  même  ces  deux 
parties,  sont  composées,  c'est-à-dire  déterminées 
par  différentes  idées  totales.  Exemples  :  L'Écri- 
ture et  la  tradition  sont  les  appuis  de_  la  sainte 
théologie;  il  y  a  ici  deux  sujets,  l'Ecriture  et 
la  tradition.  La  plupart  des  hommes  sont  aveu- 
gles et  injustes;  il  y  a  ici  deux  attributs,  sont 
aceui/les  et  sent  injustes.  Les  savants  et  les 
ignorants  sr.nt  sujets  éi  se  tromper,  proinpls  à  se 
décider,  et  lents  à  se  rétracter  ;  il  y  a  ici  deux 
sujets  simples,  les  savants,  les  ignorants;  et 
trois  attributs  simples,  sont  sujets  à  se  tromper, 
sont  prompts  à  se  décider,  sont  lents  à  se  ré- 
tracter. 

Le  sujet  est  incomplexe  quand  il  n'est  expri- 
mé que  par  un  nom,  un  pronom  ou  un  infinitif, 
qui  sont  les  seules  espèces  de  mots  qui  puissent 
présenter  à  l'esprit  un  sujet  déterminé.  Tels  sont 
les  sujets  des  propositions  suivantes  :  Dieu  est 
éternel;  les  hommes  sont  mortels;  nous  nais- 
■  sons  pour  mourir  ;  dormir  est  «n  temps  perdu. 

Le  sujet  est  complexe  quand  le  nom,  le  pro- 
nom ou  l'infinitif  est  accompagné  de  quelque 
addition  qui  en  est  un  complément  explicatif  ou 
délerminatif.  Tels  sont  les  sujets  des  proposi- 
tions suivantes:  Les  livres  utiles  sont  en  petit 
nombre;  les  principes  de  la  viarale  méritent 
attention;  vous  qui  connaissez  ma  conduite, 
jugez-moi;  craindre  Dieu  est  le  commencement 
de  la  sagesse;  où  Ion  voit  le  nom  livres  modifié 
par  l'addition  de  l'adjectif  utiles,  qui  en  res- 
treint l'étendue;  le  nom  principes  modifié  par 
l'addition  de  ces  mots  de  la  morale,  qui  en  est 
un  complément  dùierminatif;  le  prononr  vous, 
inoilifié  par  l'addition  «le  la  proposition  incidente, 
q.ui  conntifssez  ma  cimduite,  laiiuelle  en  est  ex- 
plicative; et  l'infinitif  crut/;dre,  déterminé  par 
l'addition  du  complément  Dieu.- 

L'aLtribm  peut  être  également  incomplexe  ou 
complexe.  —  L'attribut  est  incomplexe  quand 
la  relation  du  sujet  à  la  manière  d'être  dont  il 
s'agit  y  est  exprimée  en  un  seul  mot,  soit  que 
ce  mol  exprime  en  même  temps  l'existence  in- 
telloctuclle  du  sujet,  soit  que  cette  existence  se 
trouve  énoncée  séparément.  Ainsi,  «juandon  dit 
je  lis,  je  suis  attentif,  les  attributs  de  ces 
deux  propositions  sont  incomplexes,  parce  que 
dans  chacun  on  exprime  en  un  seul  mol  la  re- 
lation du  sujet  à  la  manière  d'être  qui  lui  est 
attribuée  ;  je  lis  énonce  tout  à  la  fois  cette  re- 
lation et  l'existence  du  sujet,  et  il  équivaut  a 


pnn 

suis  lisant;  attentif  iVrno\u-c  que  la  relation  de 
convenance  du  sujet  à  l'attribut. 

L'ailriiiut  est  complexe  (piand  le  mut  prin- 
cipalement destiné  à  énoncer  la  relation  du  su- 
jet il  la  manière  d'être  qu'on  lui  attribue  est 
accompagné  d'autres  mots  qui  en  modifient  la 
signification.  Ainsi,  «piand  un  dit  je  lis  avec 
soin  les  meilleurs  grammairiens,  et  je  suis 
attentif  d  leurs  procédés,  les  attributs  de  ces 
deux  iiroposilions  sont  complexes,  parce  que 
dans  chacun  le  mot  principal  est  accompagné 
d'autres  mots  éjui  en  modifient  la  signification. 
Lis,  dans  le  premier  exemple,  est  suivi  de  ces 
mots,  avec  soin,  <]ui  'présentent  l'action  de  lire 
comme  modifiée  i)ar  un  caractère  particulier; 
et  ensuite  de  ceux-ci,  les  meilleurs  grammai- 
riens, qui  déterminent  la  même  action  de  lire  par 
l'applicalion  de  celle  action  à  un  olijet  spécial. 
Attentif,  dans  le  second  exemple,  est  accompa- 
gné (le  ces  mots,  ù  leurs  procédés,  qui  restrei- 
gnent l'idée  générale  d'attention  par  l'idée  spé- 
ciale d'un  objet  déterminé. 

Les  propositions  sont  également  incomplexes 
ou  complexes,  selon  la  forme  de  renonciation  de 
leur  sujet  et  de  leur  attribut.  —  Une  proposition 
incomplexe  est  celle  dont  le  sujet  et  l'attribut 
sont  également  incomplexes ,  comme  dans  la 
sagesse  est  précieuse  ;  vous  parviendrez  ;  men- 
tir est  une  lâcheté.  —  Une  proposition  com- 
plexe est  celle  dont  le  sujet  ou  l'attribut,  ou 
même  ces  deux  parties  sont  complexes,  comme 
dans  la  puissance  législative  est  respectable  ;  les 
preuves  dont  on  appuie  la  vérité  de  la  religion 
chrétienne  sont  invincibles.  Ces  propositions 
sont  complexes  par  le  sujet. — Diou  gouvem* 
toutes  les  parties  de  l'univers;  César  fut  le 
tyran  d'une  république  dont  il  devait  être  le  dé- 
fenseur. Ces  propositions  sont  complexes  par 
l'attribut.  —  La  gloire  qui  vient  de  la  vertu 
est  plus  solide  que  celle  qui  vient  de  la  nais- 
sance ;  être  sage  avec  excès  est  une  véritable 
folie.  Ces  propositions  sont  complexes  par  le  su- 
jet et  parrattribul. 

La  forme  grammaticale  de  la  proposition  con- 
siste dans  les  inflexions  particulières,  et  dans 
l'arrangement  respectif  dos  différentes  parties 
dont  elle  est  composée.  Voyez  Construction. 

On  peut  envisager  la  forme  des  propositions 
sous  trois  principaux  aspects  :  l"  par  rapport  à 
la  totalité  îles  parties  principales  et  subalternes 
qui  doivent  entrer  dans  la  composition  analytique 
de  la  proposition;  2"  par  rapport  a  l'ordre  suc- 
cessif que  l'analyse  assigne  a  ciiacune  de  ces 
parties;  3"  jiar  rapport  au  sens  particulier  qui 
peut  dépendre  de  telle  ou  telle  disposition. 

1°  Par  rapport  à  la  totalité  des  parties  prin- 
cipales et  subalternes  qui  doivent  entrer  dans  la 
composition  analytique  de  la  proposition,  elle 
peut  être  pleine  ou  elliptique.  —  Une  proposition 
est  pleine  lorsqu'elle  comprend  explicitement 
tous  les  mots  nécessaires  à  l'expression  analytique 
de  la  pensée.  —  Une  proposition  est  elliptique 
lorsqu'elle  ne  renferme  pas  tous  les  mots  néces- 
saires à  l'expression  analytique  de  la  pensée. 

Il  faut  observer  ici  que,  comme  l'un  et  l'autre 
de  ces  accidents  tombent  moins  sur  les  choses 
que  sur  la  manière  de  les  dire,  «m  dit  plutôt  que 
la  phrase  est  pleine,  ou  ellipti'/ue,  qu'on  ne  le 
dit  de  la  proposition.  \oye/.  Ellipse. 

2"  Par  rapport  à  l'ordre  successif  que  l'ana- 
lyse assigne  àcliacune  des  parties  i!e  la  proposition, 
la  phrase  est  directe  ou  inverse..  —  La  phrase 
est  directe  lorsque  tous  les  mots  en  sont  disposés 


PRO 

selon  l'ordre  et  la  nature  des  rapports  successiTs 
qui  fondent  leur  liaison.  Quand  je  dis  j'ai  imites 
les  fureurs  de  l'amour,  la  phnise  est  direclo; 
quand  je  dis  : 

De  l'amour  j'ai  toutes  les  fureurs. 

(Rac,  Phèdre,  act.  I,  se.  m,  107.) 

la  phrase  est  inverse.  Voyez  Inversion. 

3°  Enfin,  par  rapport  au  sens  particulier  qui 
peut  dépendre  de  l;i  disposition  dos  parties  de  la 
proposition,  elle  peut  être  ou  simplement  exposi- 
live,  ou  inlcrrogativc.  —  La  proposition  est 
simplement  exi)osiliveipiaiid  elle  est  l'expression 
propre  du  jugement  actuel  de  celui  qui  la  pro- 
nonce :  Dieu  a  créé  le  ciel  et  la  terre  ;  Dieu,  ne 
veut  point  la  mort  du  pécheur.  —  La  propo- 
sition est  inlcrrogative  quand  elle  est  l'expression 
•l'un  jugement  sur  le(|uol  est  incertain  celui  qui 
la  prononce,  soit  (]u'il  doute  sur  le  sujet  ou  sur 
l'attribut,  soit  qu'd  soit  incertain  sur  la  nature 
de  la  relation  du  snjet  à  l'allribut  :  Quia  créé 
le  ciel  et  la  terre7  interrogation  sur  le  sujet. 
(Quelle  est  la  doctrine  de  l'Eglise  sur  le  culte 
des  saints?  interrogation  sur  l'attribut.  Dieu 
veut-il  la  mort  du  pécheur'?  interrogation  sur  la 
relation  du  sujet  à  l'attribut. 

Tout  ce  qu'enseigne  la  grammaire  est  finale- 
ment relatif  à  la  proposition  expositive,  dont  elle 
envisage  surtout  la  composition.  S'il  y  a  quel- 
ques remarques  particulières  sur  la  proposition 
interrogative,  on  les  trouvera  au  mot  Interro- 
gatif.  I  Extrait  de  l'article  Proposition ,  par 
Beauzée,  dans  l'Encyclopédie.)  Voyez  Absolu, 
Relatif,  Accord,  Attribut,  Construction,  In- 
cident. 

PnopRr.  Adj.  des  deux  genres.  Quand  propre 
signifie  qui  ap[iartienl  à  quelqu'un,  il  se  met 
ordinaircmei.t  avant  son  sulist.  :  Son  propre  fils, 
mon  propre  frère  ;  écrire  de  sa  propre  main.  — 
On  dit  cependant,  donner,  remettre  en  main 
propre.  —  Amour-pi'opre . 

Dans  le  sens  de  même,  il  précède  aussi  son 
subst.  :  Il  a  dit  cela  en  propres  terines;  ce 
furent  ses  propres  paroles.  —  Dans  le  sens  de 
convenable,  il  se  met  après  sou  subst.,  et  régit 
la  préposition  à:  Cela  n'est  pas  propre  à  toutes 
sortes  de  gens.  Dans  le  sens  de  qui  peut  servir, 
qui  est  d'usage  à  certaines  choses,  il  se  inet  aussi 
après  son  subst.,  et  régit  la  préposition  à:  Du 
bois  propre  a  bâtir,  une  herbe  propre  à  guérir  les 
pluies.  On  dit  en  ce  sens,  propre  à  et  propre 
pour,  avec  cette  différence  que  la  première  de 
ces  locutions  désigne  plutôt  un  pouvoir  éloigné, 
et  la  seconde  un  pouvoir  prochain.  L'hotnme 
propre  à  une  chose,  a  des  talents  relatifs  à  la 
chose;  l'homme  propre  pour  la  chose,  a  le  talent 
même  de  la  chose.  Un  homme  propre  à  tout, 
n'est  pas  également  propre  pour  tout.  Un  objet 
est  propre  ponr  faire,  cl  pnpre  à  devenir. 

Dans  le  sens  de  net,  propre  se  met  après  son 
subst.  :  Un  habit  propre,  un  appartement  pro- 
p''e,  un  homme  propre,  une  femme  propre. 

(juv'lquefois  il  change  de  sens,  suivant  qu'il 
est  placé  avant  ou  après  son  subst.  :  Les  propres 
termes,  ce  sont  les  mots,  sans  y  rien  changer; 
les  termes  propres,  ce  sont  les  mots  qui  expri- 
ment bien,  conformément  à  l'usage  de  la  langue. 

Propre  est  aussi  un  terme  de  grammaire.  On 
appelle  nom  propre  un  nom  qui  ne  désigne  pas 
une  espèce,  une  classe  d'éires.  mais  un  seul  in- 
dividu. Pierre,  Alexandre,  sont  des  noms  pro- 


PRO 


589 


près.  Le  nom  propre  est  opposé  au  nom  appellatif. 
On  appelle  mot  propre,  ter ute  propre,  expression 
propre,  le  mot,  le  terme,  l'expression  qui  convient 
exclusivement  pour  signifier  la  chose  (jue  l'on 
veut  exprimer  et  la  rendre  de  la  manlèie  (pi'on  a 
intention  de  l'exprimer.  —  Propre  est  aussi  (piel- 
quefois  opposé  ix  figuré.  On  dit  le  s<?/i,ç  propre 
et  le  sens  figuré.  En  ce  sens  une  expression 
propre  se  dit  d'une  expression  dont  le  mot  ou 
If's  mots  sont  pris  dans  leur  acception  primitive 
et  naturelle,  par  opposition  aux  expressions  figu- 
rées où  ils  sont  pris  dans  une  acception  détournée. 
Voyez  Mot,  Propriété. 

Propre.  Subst.  m.  Il  se  dit  d'un  attribut  néces- 
sairement lié  à  l'essence  d'une  chose,  et  régit  la 
préposition  c?e  .•  C'est  le  propre  de  l'homme  de 
raisonner.  Le  propre  des  oiseaux  est  de  voler, 
le  propre  du  chien  est  d'aboyer. 

Proprement.  Adv.Dans  lesensde  termepropre, 
d'expression  propre,  on  peut  le  mettre  avant  ou 
après  le  verbe  (pi'il  modifie  :  C'est  proprement 
ce  que  signifie  ce  mot,  ce  mot  signifie  proprement 
cela.  —  Dans  le  sens  opposé  cà  figuréiiicut,  il  ne 
se  met  qu'après  le  verbe  :  Dans  celle  phrase, 
ce  mot  est  employé  propi-ement,  et  non  pas  est 
proprement  employé.  —  Quand  un  même  mot 
s'élend  à  plusieurs  choses  et  convient  encore 
particulièrement  à  inie  seule,  on  se  sert  du  mot 
proprement  pour  désigner  cette  signification  par- 
ticulière. Ainsi  on  dit,  ta  Grèce  proprement  dite, 
pour  désigner  l'Achaïe,  le  Péloiwnèse,  etc.,  à  la 
différence  des  autres  pays  que  l'on  comprend 
aussi  sous  le  nom  de  Grèce,  quand  on  le  prend 
dans  une  signification  plus  éiendue.  (Acad.) 

Dans  le  sens  do  nel,  on  jieut  (pielquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  ac- 
commodé proprement  ce  dîner,  ou  il  a  propre- 
ment accommodé  ce  dîner. 

Proprement  signifie  aussi  avec  adresse,  d'une 
manière  agréable  et  convenable,  avec  facilité, 
avec  grâce.  Dans  ce  sens,  on  peut  aussi  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  est  fait 
proprement,  ou  cela  est  proprement  fait.  Il 
a  chanté  proprement  cette  ariette,  ou  il  a  pro- 
prement chanté  cette  ariette.  —  Eu  1835,  l'Aca- 
démie remarque  que  chanter  proprement,  dan- 
ser proprement,  %o\\\.  des  phrases  qui  ont  vieilli. 

Propret,  Proprette.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Une  personne  proprette,  un 
vieillard  propret.  Il  est  familier. 

Propriété.  Subst.  f.  Ce  mol  est  employé  en 
terme  de  grammaire.  On  dit  la  pnpriété  du  style, 
lu  propriété  des  termes.  —  La  propriété  du 
style  renferme  d'abord  la  propriété  des  termes, 
c'est-à-dire  l'assortiment  des  termes  aux  idées. 
Elles  doivent  être  rendues  dans  leur  signification 
précise,  suivant  les  acceptions  reçues,  selon  leurs 
mudifications  diverses,  avec  leurs  nuances  carac- 
téristiques, par  leurs  signes  équivalents  :  simples, 
par  des  termes  simples  ;  complexes,  par  des  termes 
conqdexes  ;  mêlées  d'une  perception  et  d'un  sen- 
timent, par  dos  termes  représentatifs  d'un  senti- 
ment et  d'une  perception;  mêlées  d'un  sentiment 
et  d'une  image,  par  des  termes  représenta  tifs  d'une 
image  et  d'tni  sentiment  ;  nobles,  dans  toute  leur 
noblesse  ;  énergiques,  dans  toute  leur  énergie.  Les 
termes  sont  le  portrait  décidées;  un  terme  propre 
rend  l'idée  tout  entière;  un  terme  peu  propre  ne 
la  rend  <]u'à  demi;  un  terme  impropre  la  rend 
moins  qu'il  ne  la  défigure.  Dans  le  premier  ras. 
on  saisit  l'idée;  dans  le  second,  on  la  cherche; 
dans  le  troisième,  on  la  méconnaît. 


S90 


PRO 


La  propriclé  du  slylc  renferme  ensuite  la  pro- 
priété du  Ion,  c'csl-à-iliiv  l'assorlimcnt  du  slylc 
;iii  genre;  la  propriété  du  tour,  c'c>l-a-dirc 
l'assurlinienl  du  stylo  au  sujet;  la  propriété  du 
coloris,  c'ost-a-diiê  l'assoriiineat  du  sîyle  à  la 
obose  particulière  qu'on  doit  peindre  ;  la  pro- 
priété des  sons,  c'est-à-dire  l'assortiuicnt  du 
style  au  mouvement  qu'on  di'crit;  la  propriété 
des  traits,  c'est-à-dire  l'assurtinioiit  ihi  style  à 
la  passion  qu'on  exprime;  cnlin  la  propriété  de 
la  manière,  cest-à-dire  l'assorlunenl  du  slylu 
au  aèuie  de  l'auteur.  Lorsque  ces  divers  mérites 
se  trouvent  loiinis,  la  représentation  é(iuivaut  à 
la  réalité;  alors  la  distraction  cesse,  ratlenlioii 
croit,  le  style  a  toutes  les  qualités  nécess;iires 
pour|ilairc  cl  pour  attaclier.  (F.xlrail  de  \' Ency- 
clopédie.) ^'oyez  Genre,  Huriiionie,  Style. 

Prorata.  Mot  latin  que  l'on  n'emploie  en 
français  que  dans  cette  phrase  adverbiale,  au 
prorata,  jjour  si|:nifier  à  proportion.  11  est  fami- 
lier et  récit  la  préposition  de  :  Les  héritiers 
doivent  payer  au  prorata  de  leurs  parts  et 
portions. 

Proroger.  V.  a.  de  la  l'^  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  5' doit  toujours  se  prononcer  commej;  et  pour 
lui  conserver  cette  prononciation  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  (t  ou  cet  o  ;  Je  prorogeai,  prorogeons,  et 
non  pas  je  pmrogai,  prorogons. 

Prosaïque  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  dit 
qu'en  mauvaise  part,  et  suit  toujours  son  subst.  : 
Style  prosaïque,  expression  prosaïque. 

Prosaïsek.  V.  n.  de  la  1"  conj.  C'est  un  mot 
forgé  par  J.-B.  Rousseau,  en  imitation  du  style 
de  Marot.  Faire  de  la  prose  : 

Maître  Vincent,  le  grand  fjisear  de  lettres. 
Si  bien  que  vous  n'eût  su  prosdiser. 

Il  est  peu  usité. 

Prosaïsme.  Subst.  m.  Manière  d'écrire  en  vers 
conforme  à  celle  dont  on  écrit  en  prose. 

Prosateur.  Subst.  m.  écrivain  en  prose.  Ce 
mot,  inventé  par  Ménage,  n'a  pas  pris  dans  le 
temps.  Aujourd'hui,  il  est  généralemenl  usité  : 
Presque  partout  la  hardiesse  du  poète  a  effu- 
rouclié  la  timidité  du  prosateur.  (Delille. ]  — 
Pourquoi  ne  dirait-on  pas  prosairice,  si  l'occa- 
sion s'en  présentait? 

Proscriptedr.  Subst.  m.  Mot  nouveau  très- 
nécessaire;  il  signifie  celui  qui  proscrit:  Les 
auteurs  des  proscriptions  soutiennrnt  que,  dans 
lu  rie  politique  des  Etats,  il  y  a  des  circonstances 
malheureusi's  qui  exigent  nécessairement  le 
sacrifice  de  quelques  tètes  ;  mais  ce  que  ces 
hotmétes  gens  n'osent  pas  dire,  et  ce  qu'ils  pen- 
sent profimdémcnt,  c^e.rt  que  ces  crimes  envers 
les  proscrits  sont  infiniment  utiles  aux  pro- 
scripteurs.  (Raynal.) 

Pr.oscRiRF.  V.  a.  et  irrégulier  delà  4' conj.  Il 
se  conjugue  comme  écrire.  Voyez  ce  mot. 

Prose.  Subst.  f.  C'est  le  langage  ordinaire  des 
hommes,  qui  n'est  point  gôné  par  les  mesures  et 
les  rimes  que  demande  la  poésie.  Quoique  la 
prose  ait  les  liaisons  (jui  la  suutienncnt,  et  une 
structure  \m  la  rend  noadireuse,  elle  doit  jiarailre 
fort  libre,  et  n'avoir  rien  qui  sente  la  gène. 
L'éloquence  et  la  poésie  ont  chacune  leur  har- 
monie, mais  si  opposée,  que  ce  (fui  embellit  l'une 
déffgure  l'autre.  L'oreille  est  choquée  de  la  me- 
sure des  vers,  quand  elle  se  trouve  dans  la  '"«■ose. 


PRO 

et  tout  vers  prosaïque  déplaît  dans  la  poésie.  La 
prose  emploie  à  la  vérité  les  mêmes  ligures  et 
les  mêmes  images  que  la  jioésie;  mais  le  style 
est  différent,  et  la  cadence  est  toute  contraire. 
Dans  la  iioi'sie  même,  chaque  esiiéce  a  sa  cadence 
propre.  Autre  est  le  ton  de  l'épopée,  autre  est 
celui  de  la  tragédie;  le  genre  lyriijue  n'est  ni 
épi(pie  ni  dramatique,  ;iiiisi  des" autres;  et  la 
])rose,  dont  la  marche  est  uniforme,  ne  pourrait 
pas  diversifier  ses  accords  pour  s'adapter  à  ces 
divers  genres.  Voyez  Style. 

Prosodie.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire. 
C'est  la  prononciation  régulière  des  mots,  con- 
formément à  l'accent  et  à  la  quantité.  C'est  en 
vain  que  quelques  lexicograplies  ont  voulu , 
d'après  l'abbé  d'Olivet,  donner  des  règles  cer- 
taines sur  cette  matière  ;  leurs  efforts  n'ont  point 
eu  de  succès,  et  le  traité  de  l'abbé  d'Olivet  offre 
tant  de  règles  démenties  par  l'usage,  et  de  prin- 
cipes contradictoires,  qu'on  ne  saurait  le  proposer 
comme  un  guide  sur.  Sans  duiile,  dit  Bcauzée, 
l'art  de  la  prosodie  existe  par  rapjwrl  à  notre 
langue,  puisiiue  nous  en  admirons  les  effets  dans 
un  nombre  de  grands  écrivains  dont  la  lecture 
nous  fait  toujours  un  nouveau  plaisir;  mais  les 
principes  n'en  sont  pas  encore  rédigés  en  système; 
il  n'y  en  a  <iue  quelques-uns  épars  çà  et  là;  et 
c'est  peut-être  une  affaire  de  génie  de  les  mettre 
en  corps.  \o]'GI  Accent,  Quantité. 

Prosodique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Accent  prosodique.  — 
C'est  par  cette  épithéte  que  Ion  dislingue  l'es- 
pèce d'accent  qui  est  du  ressort  de  la  prosodie, 
des  autres  modulations  que  l'on  nomme  aussi 
accents.  Ainsi,  l'on  dit  l'accent  prosodique,  ^ac- 
cent oratoire,  l'accent  musical,  l'accent  national, 
etc.  "\'oyez  Accent. 

*Prosopographie.  Subst.  f.  Terme  d'art  ora- 
toire, c'est-à-dire  image,  portrait,  description, 
peinture.  Tantôt  on  appelle  cette  figure  iiypo- 
typose,  et  tantôt  éthopée.  L'éthopée  est  ce  qu'on 
nomme  dans  le  langage  ordinaire  portrait  ou 
caractère.  Voyez  Portrait,  Hypotypose. 

Prosopopée.  Subst.  f.  Figure  de  rhétorique. 
Celle  figure  du  siyle  élevé  est  une  des  plus  bril- 
lantes parures  de  l'éloquence.  On  l'appelle /)j-o*o- 
popée,  parce  qu'elle  représente  des  choses  qui  ne 
sont  pas;  elle  ouvre  les  tombeaux,  en  invoque  les 
mânes,  ressuscite  les  morts,  fait  parler  les  dieux, 
le  ciel,  la  terre,  le  peuple,  les  villes;  en  un  mot, 
tous  les  êtres  réels,  abstraits,  imaginaires.  Flé- 
chier,  pour  assurer  ses  audileurs,que  l'adulation 
n'aura  point  de  pari  dans  son  Eloge  du  duc  de 
Montausier,  parle  de  cette  manière  (p  304)  : 
«  Ce  tombeau  s'ouvrirait,  ces  ossements  se  re- 
joindraient pour  vie  dire  :  Pourquoi  viens-tu 
mentir  pour  moi,  moi  qui  ne  7nentis  jamais 
pour  personne'^  Laisse-moi  reposer  dans  le  sein 
de  la  vérité,  et  ne  trouble  point  ma  paix  par  la 
flatterie,  que  j'ai  toujours  haïe.  « 

Dans  d'autres  cas,  l'art  oratoire  emploie  la  pro- 
so|)opée  pour  metlrc  sous  un  nom  emprunté  les 
reproches  les  plus  vifs,  et  les  rcprélienslons  les' 

S  lus  auiéres.    Enfin,  les  |)oëles  usent  de  cettel 
gure  avec  un  merveilleux  succès,  pour  donner 
plus  de  mouvement  à  leurs  fictions.  (Extrait  de 
V  Encyclopédie.) 
Prospectus.  Subst.  m  On  prononce  les  deux  j. 
PaospioRE.  Adj.  des  deux  genres.  H  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Destins  prospères,  fortune 
prospère.  —  L'abbé  i'Olivel  lemanpie  qu'il  ne  se 
!  dit  presque  plus  en  prose,   mais  qu'il  est  tou- 


PRO 

jours  beau  en  vers.  Racine  l'a  employé  plusieurs 
fois. 

Ces  Juifs 

Pendant  qu'ils  n'adoraient  que  le  Dieu  de  leurs  pères, 
Ont  vu  bénir  le  coors  de  leurs  deslins  proipires. 
(Rac,  E«(h.,  act.  V,  «c.  1,  ôO.) 

Dans  le  cours  triomphant  de  ses  destins  prospère» 
Il  fui  assassine  jiar  des  mains  étrangères. 

(Volt.,  OEd.,  act.  IV,  se.  i,  105.) 

Protasf..  Siibst.  f.  On  appolail  ainsi,  dans  l'an- 
cienne poésin  ilramalique,  la  première  parlieil'une 
piùtc  de  thoâlrc,  qui  servait  à  f.iire  coiinaitrc 
le  caractère  des  principaux  personnages ,  et  à 
exposer  le  sujet  sur  lequel  roulait  toute  la  pièce. 
Ce  que  les  anciens  entendaient  par  piotase, 
nous  l'appelions  exposition  du  sujet.  —  Molière 
plaisante  ainsi,  dans  la  Critique  de  l'École  des 
femmes  (se.  Vil)  ceux  qui  se  servent  de  ces 
grands  mois  dans  la  conversation  :  Humanisez 
rolre  discours,  et  parlez  pour  Sire  entendu. 
Pensez-vous  qu'un  nom  grec  donne  plus  do 
poids  à  vos  raisons?  Et  ne  irouveriez-vous pas 
qu'il  fût  aussi  beau  de  dire  l'exposition  du  sujet, 
qi/e  la  prutase  ;  le  nœud,  que  /'èpitase;  e/  le 
dénoûment  ,  que  la  péripétie?  Voyez  Expo- 
sition. 

Pr.OTECTEDR.  Subst.  lu.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  protectrice.  11  se  prend  aussi  adjective- 
ment :  Les  lois  protectrices,  une  amitié  pro- 
tectrice. 

Protéger.  V.  a.  lie  la  l''^  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujotirs  se  prononcer  comme  j ;  et  pour 
lui  conserver  cette  prononciation  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o  .•  Je  protégeai,  protégeons,  et  non 
pas,  je  protégai,  prolégnns. 

Protkstek.  V.  a.  de  la  \"'  conj.  Ce  verbe  suivi 
d'un  autre  verbe  exige  que.  On  à\l,il  lui  protesta 
qu'i7  ne  l'abandonnerait  jamais  ;  et  non  comme 
l'Académie,  il  lui  protesta  de  ne  l'abandonner 
jamais.  La  raisuu  en  est  que  protester  omiiorte 
dans  l'idée  de  celui  qui  emploie  celti-  exjjrcssion 
quelque  chose  d'assuré,  diinmaïupiable,  qui 
bannit  tout  doute,  toute  incertilmle  ;  et  la  pré- 
liusitiou  de,  qui  marque  doute,  incertitude,  con- 
tiiigcncc,  répugne  à  cette  idée.  C'est  par  la  même 
raison  que  l'on  dit,  il  m'a  assuré  qu'(7  vien- 
drait me  voir,  et  non  pas  il  m'a  assuré  de  venir 
me  voir.  —  On  dit  il  m'a  promis  de  venir  me 
roir,  et  il  m'a  promis  qu'U  viendrait  me  voir. 
Dans  la  première  phrase,  la  promesse  a  quelque 
chose  de  vague,  d'incertain;  dans  la  seconde,  la 
promesse  est  plus  positive. 

Provena.m,  Piiove>anti..  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
provenir.  11  se  met  après  son  subst.,  et  régit  la 
préposition  de  :  Des  deniers  provenants  d'une 
vérité;  des  sommes  provenantes  d'une  succes- 
sion. 

Proverbe.  Subst.  m.  Espèce  de  sentence  ex- 
primée en  peu  de  mots,  et  devenue  commune  cl 
vulgaire.  Les  [iroverbes  et  les  expres'^ions  pro- 
verbiales ne  sont  bons  (]ue  dans  le  style  familier. 
Il  ne  faut  pas  trop  les  prodiguer,  et  ou  doit  avoir 
soin  de  les  appliquer  avec  justesse  et  avec  goût. 
11  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  les  proverbes 
sont  des  expressions  consacrées  qu'on  ne  doit 
pas  changer,  et  auxquelles  on  ne  doit  pas  sub- 
stituer des  synonymes  et  des  équivalents.  Voyez 
Cor. 
Proverbmi,,  PROVERBiAtE.  Adj.  qui  ne  se  mot 


PU» 


o91 


qu'après  son  subst.  :  Expression  proverbiale. 
L'Académie  ne  dit  [tas  s'il  a  lui  pluriel  masculin. 
Je  pense  ijuc  rien  n'cmpèclie  de  dire  provev 
biuux. 

Proverbialement.  Adv.  H  ne  se  met  qu'apn^ 
le  verbe  :  Parler  proverbialement. 

rr.oviNciAL,  rnoviNciALE.  Adj.  11  ne  se  mcl 
qu'ajjrès  son  siihst.  :  assemblée  prurinciale, 
synode  provincial,  concile  provincial  :  air  pro- 
vincial, manières  provinciales.  11  fait  pruvm- 
ciaux  au  masculin  pluriel  :  Des  juges  provin- 
ciaux. 

Provincial,  en  parlant  des  airs,  des  manières, 
etc.,  ne  se  dit  qu'en  mauvaise  part.  Un  air  p:u 
vincial  est   un    air  gêné    et   sans    grâce.    Dos 
manières  provinciales,  un  accent  provincial ,  un 
style  provincial. 

Provincial.  Subst.  m.  Provinciale.  Subst.  f. 
Ces  mots  supposent  ordinairement  (pielque  chose 
de  contraint  et  d'embarrassé  dans  les  manière^, 
et  de  plus  un  mauvais  accent  et  linéique  chose  de 
peu  poli  etd'irrègulier  dans  le  langage.  —  'Juand 
on  ne  veut  j)as  indiquer  ces  accessoires  defu- 
vorables,  on  dit  un  houime  de  province,  une 
dame  de  province,  une  personne  de  province. 
Une  personne  de  province  peut  èlre  aiiiiahie 
sous  tous  les  ra\)\)orls;  un  provincial  est  toujours 
ridicule. 

Provisionnel,  Provisionnelle.  Adj.  On  ne 
prononce  qu'un  «.  11  ne  se  met  qu'après  sou 
subst.  :  Traité  provisionnel ,  partage  provi- 
sionnel. 

Provisionnellement.  Adv.  On  ne  prononce 
(lu'un  n.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et 
le  participe  :  Cela  a  été  ordonné  provisionneile- 
ment,  ou  a  été  provisionnellement  ordonne. 

Provisoire.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit 
toujours  son  subst.  :  Jugement  provisoire,  sen- 
tence provisoire. 

Provisoirement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  a  décidé pruvisoi- 
remenl,  ou  on  a  provisoirement  décidi;  que... 

Pruiu:.  Adj.  des  deux  genres.  11  siiit  toujours 
son  subst.  :   Une  femme  prude,  vn  air  prude. 

Prddem,mi;nt.  Adv.  On  peut  le  meure  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  Il  s'est  conduit  pru- 
demment, ou  il  s'est  prudeuiment  conduit  dans 
cette  a /fa  ire. 

Prudent,  Prudente.  Adj.  On  peut  le  iii''ttre 
avant  son  subst.,  lorsiiue  l'analogie  et  l'harmonie 
le  perinetlcm  :  Un  homme  prudent,  une  jcume 
prudente;  celte  conduite  prudente,  cette  prudvnle 
conduite.  Vovcz  Adjectif. 

PuAMMKNT.  Adv.  L'Académie  le  met  sans 
exciniilcau  propre;  en  effet,  il  est  peu  usité.  Elle 
dit  au  ligure,  mentir  puamrnent;  mais  cette 
expression  est  bien  basse.  ■  , 

Puant,  Puante.  Adj  qui  ne  se  met  qu  aprCS 
son  subst.  :  Chairs  puantes,  haleine  puunle. 

Puanteur.  Subst.  L  11  ne  se  dit  point  au  hgurÇ. 
On  disait  autrefois,  la  puanteur  du  vue;  on  ne  ic 
dit  itlus  aujourd'hui. 
!  Public,  Publ.que.  Adj.  On  peut  le  '"eUr-o  avinl 
I  son  subst.,  lorsque  l'^'"tÇi^,^-' .  f'?™'' ^'^^ 
,  permettent  :  L'.VwcVc/  P'''f^^^''''\fjf\J^^ 
■  -  Personne  publique,  charge  pf^'f,  i^^ 
;  publics.  —  Boilcau  a  dit  [.4  A,  IV,  3) . 

j  Lui  seul  y  (il  longlenipi  U  fMiju,  mMre 

i  la  Bruyère,  le  public  remercîmrnt  ;  el  \o\UiTe 

'  {Mérope,ncl.  IV,  S'-,,  v,  16):  * 


S92 


PUI 


Et  mes  malheurs  ciicor  fout  la  publique  joie. 

Voyez  Adjectif. 

Publiquement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaiic  et  le  participe  :  //  a  déclaré  publi- 
quement, ou  il  a  publique/lient  déclaré  que... 

Pudeur.  Subsl.  f.  Ce  mot  n'a  point  do  pluriel. 
Il  est  admis  dans  le  style  noble. 

De  l'austère  pudeur  les  bornes  sont  passées. 

(Rac,  Phéd.,  acl.,  m,  se.  i,  30.) 

Une  noble  pudeur  à  tout  ce  que  tous  faites 
Donne  un  prix  que  n'ont  point  ni  la  pourpre  ni  l'or. 
(Rac,  Eslh.,  act.  V,  se.  i,  2.) 

Moi-même  je  l'avoue  avec  quelque  pudeur, 
Charme  de  mon  pouvoir  et  plein  de  ma  grandeur. 

(Rac,  Iphig.,  acl.  I,  se.  I,  79.) 

Voyez  Honte. 

Pudibond,  Pudibonde.  Adj.  Il  ne  se  dit  qu'en 
plaisantant,  et  peut  se  mettre  avant  son  subst., 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permettent  : 
Cet  air  pudibond,  cette  rougeur  pudibonde,  ou 
cette  pudibonde  routeur.  Féraud  dit  qu'il  ne 
s'applique  qu'aux  personnes,  et  cependant  il 
donne  pour  exemple  :  Un  air  pudibond. 

Pudique.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst. ,  lors(iuc  l'analogie  et 
1  harmonie  le  peruiettcnl  :  Le  pudique  Jo.scph, 
la  pudique  Lucrèce.  —  Discour.^  pudiques, 
oreilles  pudiques;  ii ne  pudique  ardeur.  II  n'est 
guère  d'usage  qu'en  poésie  et  dans  le  discours 
soutenu.  Voyez  Adjectif. 

Puer.  V.  n.  de  la  i"  conj.  Il  n'est  d'usage 
<ju'à  l'infinilif,  au  présent,  à  l'imparfait,  au  futur 
et  au  conditionnel  présent.  Autrefois  on  écrivait, 
je  pus,  tu  pus,  il  put;  à  présent  ou  écrit,  je 
pue,  tu  pues,  il  pue.  On  l'emploie  activement 
dans  ces  phrases  :  Puer  le  vin,  puer  le  ynusc, 
puer  l'ail,  etc.  Ce  mot  est  bas,  et  n'est  point 
souffert  en  poésie. 

PoÉRFL,  Puérile.  Adj.  On  prononce  le  l  du 
singulier,  mais  sans  le  mouiller.  On  peut  le  mettre 
avajit  son  subsl.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Discours  puérils,  ces  puérils 
discours  ;  raisonnement  puéril,  ces  puérils  rai- 
sonnements; excuses  puériles,  ces  puériles  ex- 
cuses. Voyez  Adjectif. 

PoÉRitEMENT.  Adv.  On  pcut  Ic  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  amusé  puer i- 
lemeni,  OU  il  s'est  puérilement  amusé  à  des 
bagatelles. 

Puis.  Adv.  //  courut  d'abord,  puis  il  s'arrêta. 
On  servit  des  légumes,  puis  des  fruits.  Ce  mot 
est  exclu  de  la  poésie  noble. 

PuisQOE.  Conjonction.  Elle  sert  à  marquer  la 
oauso,  le  motif,  la  raison  pou'-  laquelle  on  agit, 
et,  par  conséquent,  sa  place  naturelle  est  après 
la  proposition  qui  exi»rime  l'action  :  Je  trarail- 
lerai  aujourd'hui, puisque  vou.i  le  roulez.  Quel- 
quefois, cependant,  on  met  cette  seconde  i)hrase 
avant  la  première,  et  l'on  dit,  puisque  vous  le 
voulez,  je  travaillerai  aujourd'hui. 

L'e  de  puisque  s'clidc  avant  les  mots  il,  elle, 
ils,  elles,  on,  un,  une  ;  cl  avant  les  mots  avec 
lesquels  puisque  est  ininicdlatcmenl  lié,  ol  qui 
coinuiencenl  par  une  voyelle  :  Puisqu'ainsi  est. 

Puissamment.  Adv.  Ou  le  met  quelquefois 
enlre  l'auxiliaire  et  le  participe  :   Il  a  secouru 


PUR 

puissamment  ses  alliés,  ou  il  a  puissamment 
secouru  ses  alliés. 

Puissant,  Puissante.  Adj.  On  le  met  souvent 
avant  son  subsl.  ;  Un  prince  puissant,  unpuis- 
sanl  princej  des  amis  puissants,  do  pi/iSsants 
amis;  un  Etat  puissant,  un  puissant  Etat  ;  un 
empire  puissant,  un  puissant  empire.  Voyez 
Adjectif. 

PuLMOMQUE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  U n  homme  pulmonique, 
vne  femme  pulmonique . 

PuNAis,  Punaise.  Adj.  qui  suit  toujours  son 
subst.  Ce  mot  est  familier. 

Punissable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
quelquefois  le  melire  avant  son  subst.  :  Un  crime 
punissable,  une  action  punissable  ;  cette  punis- 
sable audace. 

PuNissEUR.  Subsl.  m.  J.-J.  Rousseau  et  Voltaire 
se  sont  servis  de  ce  lerme  :  Songe  que  des  yeux 
perçants  sont  sans  cesse  ouverts  sur  toi,  que  le 
glaive  punisseur  pend  sur  ta  tète,  et  qu'à  ton 
premier  crime  tu  ne  peux  lui  échapper.  (J.-J. 
llousseau.)  La  croyance  d'un  Dieu  rémunérateur 
des  bonnes  actions,  pardnnneur  des  fautes  lé- 
gères, et  punisseur  des  crimes,  est  la  croyance 
la  plus  utile  au  genre  huviain.  (Voltaire.) 

Corneille  a  dit  dans  Pompée  (act.  IV,  se.  iv, 
43)  : 

Je  n'irai  point  chercher  sur  les  bords  africains 
Le  foudre  souhaité  que  je  vois  en  tes  mains. 

Il  y  avait  d'abord,  dit  Voltaire,  le  foudre 
punisseur.  Punisseur  était  un  beau  mot  qui 
manquait  à  notre  langue.  Punir  doit  fournir 
punisseur,  comme  venger  fournit  vengeur.  J'ose 
souhaiter  encore  une  fois  qu'on  eût  conserve  la 
plupart  de  ces  termes,  ijui  faisaient  un  si  be! 
effet  du  temps  de  Corneille;  mais  il  a  mis  lui- 
même  à  la  place  le  foudre  souhaité,  èpilhète  qui 
est  bien  plus  faible  ; 

Je  n'irai  point  chercher  sur  les  bords  africains 
Le  foudre  punisseur  que  je  vois  en  tes  mains. 

Pupillaire,  PupiLLARiTÉ,  PopiLLE.  Dans  ces 
trois  mots,  on  prononce  les  deux  l  sans  les 
mouiller. 

Pur.,  Pure.  Adj.  On  le  met  souvent  avant  son 
«ubst.  :  Du  vin  pur,  de  l'or  pur.  —  Des  esprits 
purs,  de  purs  esprits.  —  La  vérité  pure,  la  pure 
vérité;  une  pure  hhéralité,  un  pxtr  entêtement. 
—  L'Académie  remarque  qu'il  précède  ordinaire- 
ment son  subsl.,  lorsiju'il  est  employé  pour  mieux 
marquer  l'essense,  la  vraie  naiure  des  choses,  ou 
pour  donner  plus  de  force  à  la  signification  des 
mois  auxquels  on  l'associe;  mais  qu'il  suit  au 
contraire  le  subsl.,  (]uand  il  est  précédé  lui-même 
du  mot  tout,  qui  ajoute  encore  à  son  énergie;  Ce 
latin  est  du  Cicéron  tout  pur. 

Purement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le  verbe: 
Poivre  purement.  —  Il  a  dessiné  purement  celte 
figure. 

Pureté.  Subsl.  f.  On  appeUe  pureté  de  style, 
une  (pialité  que  doit  avoir  la  diction,  et  qui  con- 
siste à  n'employer  que  des  termes  qui  soient 
corrects,  a  les  placer  dans  un  ordre  naturel,  à 
éviter  les  mots  nouveaux,  a  moins  que  la  néces- 
silé  ne  les  exige,  ei  les  mots  vieillis  ou  lombes  en 
discn'dit. 

Purgatif,  Purgative.  Adj.  H  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Remède  purgatif  potion  pur- 
gative. 

Purger.  V.  a.  de  la  1"  cenj.  Dans  ce  verbe, 


QUA 

le  g  doit  toujours  avoir  la  prononcialiou  du  j; 
pour  la  lui  conserver  lorsquil  esl  suivi  d'uu  a 
ou  d'un  y,  ou  met  une  muet  avant  cet  a  ou  cet  o  .• 
Je  purgeais,  purgeons,  Ci  non  \ia.s,je  purgais, 
purgons. 

D'un  perfide  ennemi  j'ai  purgé  la  nature. 

(Rac.  Phéd.,  ad.  III,  se.  T,  49.) 

Reste  impur  des  brigands  dont  j'ai  purgé  la  terre. 
[Idem,  act.IV,  se.  Ii,  12.) 

Purisme.  Subst.  m.  Affectation  de  pureté  dans 
le  langage.  Voyez  Puriste. 

PcRisTE.  Subst.  m.  On  nomme  ainsi  une  per- 
sonne qui  alTecte  sans  cesse  une  grande  pureté 
dans  le  langage.  Il  y  a  des  gens  qui  parlent  un 
moment  avant  que  d'avoir  pensé  :  il  y  en  a  d'au- 
tres qui  ont  une  fade  attention  à  ce  qu'ils  disent, 
et  arec  qui  l'on  souffre,  dans  la  conversation, 
do  tout  le  travail  de  liiur  esprit  ;  ils  sont  comme 
pétris  de  phrases  et  de  petits  tours  d'expression^ 


QUA 


i95 


concertés  dans  leurs  gestes  et  dans  tout  leur 
viaintie7i;ils  sont  puristes,  et  ne  hasardent  pas  le 
moindre  mot,  quand  il  devrait  faire  le  plus  bel 
effet  dumonde ;  rien  d'heureux  ne  leur  échappe, 
rien  chez  eux  ne  coulf  de  source  et  avec  liberté  : 
ils  parlent  }iropremenl  et  ennuijcusement.  (La 
Bruy.  Ch.  V.  Di-  laSociété  etdeia  Conversation.) 

Purpurin,  Pui;puiu\e.  Adj.  tiui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Fleurs  purpurines. 

Pus.  Subst.  m.  Féraud  dit  qu'on  prononce 
le  s  final.  C'est  une  eireur.  On  ne  lo  prononce 
que  devant  une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré. 

PusiLiANuiE.  Adj.  On  prononce  les  deux/  sans 
les  mouiller.  11  se  met  ordinairement  après  son 
subst.  :  Un  homme  pusillanime,  une  femme 
pusillanime. 

Putatif,  Putative.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  subst.  :  Père  putatif. 

PïRAuiDAL,  PïRAMiDALE.  Adj.  On  dit  au  mas- 
culin pluriel,  pyramidaux  :  Des  muscles  py- 
ra7nidaux. 


Q. 


Q.  Subst.  m.  On  prononce  que.  C'est  la  dix- 
sq)ticme  lettre  de  l'alphabet,  et  la  treizième  con- 
sonne. Il  est  toujours  suivi  d'un  u  (juand  il  n'est 
pas  à  la  lin  d'un  mut.  Le  son  propre  de  cette 
lettre  est  comme  dans  quinze,  quotidien,  quo- 
libet.—  Q,  initial  ou  dans  le  cours  d'un  mot, 
conserve  toujours  le  son  qui  lui  est  propre,  mais 
avec  cette  différence  que,  dans  qua,  quo,  il  a  un 
son  très-dur,  comme  dans  qualité,  quolibet,  et 
que  dans  que,  qui,  il  l'a  moins  dur,  acquérir, 
quitter.  —  Q  final  a  le  son  dur  dans  cog,  cinq  ; 
excepté,  pour  le  premier,  le  mot  coq  d'Inde,  où 
le  q  ne  se  prononce  pas  ;  et  pour  le  second,  le 
cas  où  il  est  suivi  immédiatement  de  son  subst. 
commençant  par  une  consonne.  Cinq  cavaliers, 
cinq  garçons,  se  prononcent  cin-cuvaliers,  cin- 
garçons.  Le  q  se  prononce  dans  tous  les  autres 
cas  comme  coq  de  bruyère,  coq-à-l'âne,  cinq 
ans,  trois  et  deux  font  cinq,  cinq  pour  cent,  etc. 
—  Le  q  n'est  jamais  redoublé.  —  Il  y  a  quelques 
mots  où  I'm  et  la  voyelle  suivante  funt  une 
diphtliongue  propre.  Alors  Vu  a  trois  sons  par- 
ticuliers.—  Qu  a  le  son  dec(/M  ddns  aquatique, 
cquateur,  équation,  quadragénaire,  quadragé- 
.■>ime,  quadruple,  quadrupède,  quaker,  que  l'on 
prononce  acouatique,  écoualeur,  etc.  —  Qu  a  le 
son  qui  lui  esl  propre  dans  équestre,  équilaiéral , 
quintuple,  quinqucnnium,  questure,  ubiquiste, 
Quinte-Curce,  Quintilien,  et  dans  la  première 
syllabe  de  quinquagésime,  <iue  l'on  prononce 
cuincouagésime.  —  Qu  a  le  Son  du  k  dans 
quidutii,  quinconce,  quasimodo,  quinquina,  qua- 
train, quartaut,  Sixte-Quint,  Charles-Quint. 
Quadrature,  terme  de  géométrie,  se  prononce 
couadralure;  ci  quadrature,  terme  d'horlogerie, 
se  prononce  kadrature.  —  Quadrige  se  prononce 
couadrige,  et  quadrille  se  prononce  kadrille. 
Dans  liquéfaction  on  fait  entendre  I'm,  et  dans 
liquéfier  il  ebt  muet  ;  on  pronon<.'e  likéfier. 

Q  est  la  marque  de  la  monnaie  fra[)pée  à  Per- 
pignan. 

QUADRAGÉNAIRE.  Adj.  dcs  dcux  gcnrcs  qui  se 
prend  aussi  substantivement.  La  première  syl- 
laiie  se  prononce  coua.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  homme  quadragénaire,  une  femme 
quadragénaire. 


QuADRAGÉsiMAL,  QcADRAGÉsiMALE.  Adj.  La  pre- 
mière syllabe  se  prononce  coua.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Jeûne  quadrugésiinnl,  ab- 
stinence quadragésimale.  Il  n'a  pas  de  masculin 
au  pluriel. 

QuADRAT.  Subst.  m.  Terme  d'astronomie.  La 
première  syllabe  se  prononce  coua.  —  Terme 
d'imprimerie.  En  1835,  l'Académie  l'écrit  ainc!, 
cadrât,  ce  qui  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  manier 
dont  on  doit  le  prononcer. 

QcADRATRicE.  Subst.  f.  Tcrmc  de  géométrie. 
Prononcez  couadratrice. 

Quadrature.  Subst.  f.  Quand  il  est  terme  de 
géométrie  ou  d'astronomie,  jjrononcez  couadra- 
lure ;  quand  il  est  terme  d'horlogerie,  prononcez 
kadrature. 

Quadrige.  Subst.  m.  Vrononccz  couadrige. 

QU.4.DRILATÈRE.  Subst.  m.  Pronouccz  couadH- 
lalère. 

QoAURiLLE.  Subst.  lu.  On  prononce  la  première 
syllabe  comme  ka,  cl  on  mouille  les  l.  Il  est 
fi'ininiii  lorsqu'il  signifie  une  troupe  de  chevaliers 
d'un  même  parti  dans  un  carrousel,  mais  lorsqu'il 
se  dit  d'un  groupe  de  quatre  danseurs  et  de  quatre 
danseuses,  un  le  fait  ordinaireinent  masculin 
(Acad.  1835). 

(JuADRiNOME.  Subst.  m.  Pronouccz  couadri- 
nome. 

Quadrumane,  Quadrupède.  Adjectifs  des  deux 
genres.  On  prononce  coua.  Ils  suivent  leurs  sub- 
stantifs :  Les  animaux  quadrumanes,  les  ani- 
maux quadrupèdes. 

Quadruple,  Quaiirupler.  Dans  ces  deux  mots, 
la  première  syllabe  se  prononce  coua. 

Quaker.  Subst.  m.  Prononcez  couacre. 

QuAUFiCATiF.  Adj.  m.  qui  se  prend  substanti- 
vement. Terme  de  grammaire.  11  se  dit  de  l'ad- 
jectif, parce  qu'il  sert  à  exprimer  la  (jualité  du 
substantif  auquel  il  est  joint. 

Quand.  Conjonction  et  adv.  Le  d  ne  se  pro- 
nonce que  devant  une  voyelle.  Quand  il  viendra, 
prononcez  quan-til  viendra.  Il  régit  l'indicatif. 
Quand  vous  viendrez,  quand  viendrez-vous? 
Lorsque  quand  a  nippurt  à  une  condition,  il 
régit  le  conditionnel  :  Quand  il  le  rnvdrait,  je 
ne  le  ferais  pas.  Quelquefois  on  ajoute  viiine  i 

3a 


9ifi  QUA 

quand,  pnunlonncr  plus  de  force  à  l'expression  : 
Je  le  frais,  quand  même  oh  me  le  défendruit. 
—  On  (lisait  autrefois  (?«anrf  bien  même;  on  ne 
le  dit  plus  aujourd'hui.  —  Lorsqu'il  y  a  dans  la 
phrnse  deux  verbes  régis  par  quand  on  met  que 
devant  le  second,  au  lieu  de  rcpeier  quand  : 
Quand  vous  serez  arrivé, et  que  vous  vous  serez 
reposé 

Lorsque  quand  est  placé  à  la  tête  de  la  phrase, 
el  que  le  sens  est  intcrrogalif,  le  sujet  se  met 
après  ou  avant  le  verbe.  11  se  met  après  quand  il 
est  exprimé  par  un  pronom,  ou  quand  le  verbe 
est  sans  ri'ginii^  :  Quand  riendrez-vous  ?  quand 
viendra  ceth'>mme'*  Il  se  met  avant  quand  il  e<t 
exprimé  par  un  nom,  ei  que  le  verbe  est  au  pas- 
sif, ou  qu'il  a  un  régime,  el  on  met  après  le  vcrhe 
le  pnmom  personnel,  quoique  le  nom  soil  déjà 
exprimé  :  Quand  cet  homme  scra-t-il  faiijuc 
de  tant  de  cnurses?  Quand  cette  femme  corn— 
mencera-t-elle  à  réfléchir. 

Quand  et  quand.  Sorte  de  préposition.  Ex- 
pression populaire  qu'on  est  surpris  de  trouver 
dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie.  La  dernière 
classe  du  peuple  dit  quand  et  quand  moi,  quand 
et  quand  nous,  pour  dire,  en  même  temps  que 
moi,  en  même  temps  que  nous.  Voyez  Quant. 

Qdasqdak.  Subst.  m.  Bruit,  éclat.  Prononcez 
fati'an.  C'est  même  ainsi  que  l'Académie  l'écrit 
tnd.S35. 

QnANT.  Adv.  On  proronce  le  t,  parce  qu'il  est 
toujours  suivi  de  la  préposition  «  .•  Quant  à  moi, 
quant  à  lui.  —  Suivant  Vaugelas,  Ménage,  Bou- 
hours  el  Thomas  Corneille,  on  ne  doit  pas  dire 
quant  à  moi,  quant  à  lui,  quant  à  vous  ;  il  faut 
dire  pour  moi,  pour  lui,  pour  vous.  L'usage  a 
cassé  la  décision  de  ces  grammairiens  ;  et  ces 
expressions  sont  reçues,  mais  seulement  dans  le 
style  familier.  A'oyez  Quand. 

Qdantes.  Adj.  qui  n'a  point  de  singulier.  C'est 
une  expression  que  l'on  employait  assez  fré- 
quemment autrefois  dpns  le  langage  familier,  et 
qui  est  rcjctéc  aujourd'hui  dans  le  langage  po- 
pulaire. Le  peuple  dit,  je  ferai  cela  toutes  et 
quantes  fois  vous  voudrez,  pour  dire,  autant  de 
fois  que  vous  voudrez. 

Qdamité.  Subst.  f.  On  entend  par  ce  mot,  en 
grammaire,  la  mesure  de  la  durée  du  son  dans 
chaque  syllabe  de  chaque  mot.  La  quantité  des 
sons,  dans  chaque  syllabe,  ne  consiste  point  dans 
un  rapport  déterminé  de  la  durée  du  son  à 
quelqu'une  des  parties  du  temps  v^,ue  nous  assi- 
gnons par  nos  montres ,  à  une  minute ,  par 
exemple,  à  une  seconde,  etc.  Elle  consiste  dans 
une  proportion  invariable  entre  les  sons,  en  sorte 
qu'une  syllabe  n'est  longue  ou  brève  dans  un 
-not  que  par  relation  à  une  autre  syllabe  qui  n'a 
vas  la  même  quantité.  Lne  brève"  se  prononce 
Jans  le  moins  de  temps  possible.  Quand  nous 
lisons  à  Strailùurg,  il  est  clair  que  la  première 
syllabe,  qui  n'est  com[iosée  que  d'une  seule 
Voyelle,  nous  prendra  moins  de  temps  que  l'une 
ies  deux  suivantes,  qui,  outre  la  voyelle,  ren- 
ferme plusieurs  consonnes  ;  mais  les  deux  der- 
nières, quoiqu'elles  prennent  chacune  plus  de 
temps  que  la  première  à,  n'en  sont  |)as  moins 
essentiellement  brèves,  parce  (ju'elles  se  pro- 
noncent dans  le  moins  de  temps  possible.  Il  y  a 
donc  des  brèves,  moins  brèves  les  unes  que  les 
autres;  el,  par  la  même  raison,  il  y  a  des  lon- 
gues plus  ou  moins  longues,  sans  cependant 
que  la  moins  brève  puisse  cire  comptée  parmi  \ 
les  longues,  ni  la  moins  longue  parmi  les  brèves.  1 

Nous  avons  plusieurs  mots  qui  ont  des  signi-  ' 


QUA 

flcations  tout  à  fait  différentes,  selon  que  l'une 
de  leurs  voyelles  est  longue  ou  brève;  et  celui 
qui  prononcerait  ces  voyelles  au  hasard,  sans 
Soin  ni  discernement,  ferait  souvent  entendre 
autre  chose  que  ce  qu'il  aurait  voulu  dire,  et 
tomberait  ilaiis  des  nié|)ri^es  fréquentes.  Par 
exemple,  une  tâche  à  reuii)lir,  n'est  pas  une 
tache,  souillure;  /ac/ier  de  faire  son  devoir,  ne 
se  prononce  pas  comme /uc/icr  son  habit.  "Voyez 
Homonyme. 

Dans  nos  langues  modernes,  l'usage  est  le 
meilleur  cl  le  plus  sijr  maître  de  quantité  que 
nous  puissions  consulter;  mais  dans  celles  qui 
admettent  les  vers  riinés,  il  faut  surtout  faire 
attention  à  la  dernière  syllabe  masculine,  soit 
qu'elle  termine  le  mot,  soit  (ju'clle  ail  encore  après 
elle  une  syllabe  féminine.  La  rime  ne  serait  pas  sou- 
tenablesi  les  sons  correspondants  n'avaient  pas  l.i 
même  quantité.  Ainsi,  on  a  blâmé  comme  inexcu- 
sables ces  deux  vers  de  Boileau  iSat.  ÏX, 
487): 

Un  auteur  à  genoux  dans  une  humble /jre/dce, 
Au  lecteur  qu'il  ennuie  a  beau  demander^r^ce. 

El  ces  deux  autres  : 

Je  l'instruirai  de  tout,  je  t'en  donne  parole. 
Mais  songe  seulement  à  bien  jouer  Ion  rôle. 

Voici  les  règles  générales  que  donne  l'abbé 
d'Olivel,  dans  son  traité  sur  la  prosodie  : 

4°  Toute  syllabe  dont  la  dernière  voyelle  est 
suivie  d'une  consonne  finale  qui  n'est  ni  s  ni  z, 
est  brève  :  sue,  nectar,  sH,  fil,  put,  tuf,  etc. 

2°  Toute  syllabe  masculine,  Brève  ou  non  au 
singulier,  est  toujours  longue  au  pluriel:  des  sacs, 
des  sels,  des  pots,  etc. 

Remarque.  Nous  pensons  qu'il  faut  excepter 
de  cette  règle  les  substantifs  qui  n'ont  ni  ^  ni  ;7 
au  pluriel.  Dans /f  Dcum,  kirschwusser,  la  der- 
nière syllabe  n'est  i)as  plus  longue  au  pluriel 
qu'au  singulier;  c'est  le  s,  le  a:  ou  le  5  qui  rend 
la  syllabe  longue. 

3°  Tout  singulier  masculin  dont  la  finale  est 
l'une  des  caractéristiques  du  pluriel,  est  long  ;  le 
temps,  le  nez,  etc. 

'i"  Quand  un  mot  finit  par  un  l  mouillé,  la 
syllabe  est  brève  :  éventail,  avril,  vermlil,  que- 
nouille, fauteti  il. 

Remarque.  Il  nous  semble  que  nouil  est  long 
dans  quenouille. 

5°  Quand  les  voyelles  nasales  sont  suivies  d'une 
c  insonnc  qui  n'est  pas  la  leur  propre,  c'esl-à- 
dire  qui  n'est  ni  vi  ni  n,  et  qui  commence  une 
autre  syllabe,  elles  rendent  longue  la  sylla'oe  où 
elles  se  trouvent  :  j'runhe,  jambon, cra'inte,trem.- 
Mer,  peindre,  omdre,  tomber,  humble,  etc. 

6"  Quand  les  consonnes  qui  servent  à  former 
les  voyelles  nasales,  c'est-à-dire  m  ou  n,  se  re- 
doublent, cela  rend  brève  la  syllabe  à  laquelle 
appartient  la  première  des  consonnes  redoublées, 
ijui  demeure  alors  muette  et  n'est  plus  nasale  : 
épigràmme,  consonne,  personne,  qu'il  pri'nne, 
etc. 

7"  Toute  syllabe  qui  finit  par  r,  et  qui  est 
suivie  d'une  syllabe  commençant  par  toute  autre 
consonne,  est  brève  :  barbe,  bArque,  berceau, 
infirme,  ordre,  etc. 

8'  Quelle  que  soil  la  voyelle  qui  précède  deux 
r,  quand  ces  detix  lettres  ne  forment  qu'un  son 
indivisible,  la  syllabe  est  toujours  longue  :  arrS(, 
barre,  biz&rre,  tonnerre,  etc. 


QUA 

9°  Entre  deux  voyelles,  dont  la  dernière  est 
muelte,  les  lettres  *  et  «  allongent  la  syllabe 
pénultième:  basa,  extCise,  bêtise,  franchise,  rose, 
'■poûsr,  etc. 

Mais  si  la  syllabe  qui  commence  par  une  de 
ces  lettres  est  langue  de  sa  nature,  elle  conserve 
sa  quuntiiê,  et  souvent  rantépcnultiènie  devient 
brève  :  il  s'extasie,  pfsée,  épousée. 

Remarque.  Il  nous  semble  oue  pou  est  long 
dans  ipousée. 

10°  Un  rcy  un  s  qui  suit  une  voyelle,  et  pré- 
cède une  autre  consonne,  rend  la  syllabe  toujours 
brève  :  jaspe,  masque,  astre,  burlesque,  funeste, 
barbe,  hîrccau,  infirme i  ordre,  etc. 

4  i"  Tous  les  mots  qui  finissent  par  une  muet, 
immédiatement  précédé  d'une  voyelle,  ont  leur 
pénultième  longue  :  pensée,  armée,  joie,  je  loue, 
il  joue,  la  vue,  la  nûe,  etc. 

Mais  si,  dans  ces  mots,  Ve  muet  se  change  en  é 
fermé,  alors  la  pénultième,  de  longue  qu'elle  était, 
devient  brève  :  louer,  jouer,  etc. 

12"  Quand  une  voyelle  finit  la  syllabe ,  et 
qu'elle  est  suivie  d'une  autre  voyelle  qui  n'est 
lias  l'e  muet,  la  syllabe  est  brève  :  créé,  féal, 
actUni,  haïr,  doué,  tuer,  etc. 

I.a  quantité  est  d'un  grand  secours  pour  les 
|)oëies  et  les  orateurs.  Elle  leur  fournit  les  moyens 
de  peindre  avec  vérité  les  divers  mouvements  de 
l'àme,  et  de  donner  aux  objets  les  couleurs  qui 
leur  conviennent.  Tantôt  plusieurs  syllabes  brèves 
rapprochées  expriment  la  vivacité  d'un  désir , 
d'une  passion  violente,  d'une  action  rapide,  im- 
pétueuse ;  tantôt  une  suite  de  syllabes  longues 
marquent  l'abattement,  la  tristesse,  la  langueur, 
l'inertie,  la  lassitude,  la  défaillance,  le  sombre 
aspect  de  certains  lieux,  la  triste  lenteur  d'une 
suite  d'actions  affligeantes. 

C'est  ainsi  que  Racine  peint  par  des  syllabes 
brèves  l'atteinte  rapide  de  l'amour  [Phèdre, 
act.  I,  se.  jii,  121): 

Je  le  Tis,  je  rougis,  je  pâlis  à  si  vue  ; 

la  rapidité  d'une  action  [Idem,  act.  V,  se.  vi, 

37): 

Le  flot  qui  l'apporta  recule  épouvante. 

C'est  ainsi  qu'il  peint  par  des  syllabes  longues 
l'abattement,  la  langueur  [Idem,  act.  I,  se.  m,  1)  : 

N'allons  point  plus  avant,  demeurons,  chère  OEnoiic  ; 
Je  ne  me  soutiens  plus,  ma  force  m'abandonne. 
Mes  yeux  sont  éblouis  du  jour  que  je  revoi, 
Et  mes  genoux  tremblants  se  dérolient  sous  moi. 
Que  ces  vains  ornements,  que  ces  voiles  me  pèsent  !... 

il  vaste  horreur  d'un  lieu  (W<?w,  act.  IIL  se.  v, 
45)  : 

Moi-même  il  m'enferma  dans  des  cavernes  sombres, 
Lieux  profonds  et  Toisins  de  l'empire  des  ombres  ; 

la  tristesse  [Idem,  act.  V,  se.  vi,  12)  : 

Ses  gardes  affligés 
Imitaient  son  silence,  autour  de  lui  rangés 


QUA 


595 


Ses  superbes  coursiers . 


L'œil  morne  maintenant  et  la  tête  baissée. 
Semblaient  se  conformer  à  sa  triste  pensée. 

C'est  ainsi  que  Boileau,  par  un  heureux  mé- 


lange de  longues  et  de  brèves,  peint  d'une  ma- 
nière admirableie  caractère  de  la  mollesse  [Lu- 
trin, II,  161)  : 

Là  mollesse,  oppressée, 
Dans  su  bouche  à  ci  vint  sent  su  langue  glucSe, 
Et,  lusse  de  parler,  sûccômbunl  soùs  l'e/firt. 
Soupire,  étend  les  bras,  ferme  l'œil  et  s'endort. 

.N'eus  n'avons  rien  dans  notre  langue,  dit  d'Oli- 
vel,  de  plus  beau  que  ces  vers;  le  dernier  surtout 
est  admirable,  et,  dans  le  second,  on  voit  effec- 
tivement la  langue  glacée  de  la  uioiiessc;  on  la 
voit  glacée  par  l'embarras  que  cause  la  rencontre 
de  ces  monosyllabes  sa,  ce,  sent,  A-a,qui  augmente 
encore  par  ces  deux  mots  où  gue  et  glu  font 
presque  au  lecteur  l'effet  que  lioilcau  "dépeint. 
Voyez  Harmonie. 

QDAKASiTE.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  11  se 
met  avant  son  subst.  :  Quarante  hommes,  qua- 
rante ans,  qnarante  jours. 

QuARANTiiisiE.  Adj.  dcs  deux  genres.  Nombre 
d'ordre.  Il  se  met  avant  son  sul)Sl.  :  Le  quara7i- 
tièine  jour,  la  quarantième  année. 

Qdart,  Ouarte.  Adj.  On  dit  le  quart  denier, 
et  la  fièvre  quarte. 

(luAsi.  Adv.  Il  n'est  plus  guère  usité,  ou  il  l'est 
seulement  dans  le  langage  familier.  On  prononce 
hast.  Voyez  Quusimodo. 

QoAsiMODo.  Subst.  f.  On  prononce  kasimodo; 
et  qua  se  [irononce  de  même  dans  tous  les  mots 
composés  de  l'adverbe  quasi,  coinine  quasi-con- 
trat, quasi-délit,  oit  l'on  prononce  kasi. 

Quaternaire.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
après  son  subst.  :  Le  nombre  quaternaire.  Oa 
prononce  Kouaternaire. 

QuATERNE.  Subst.  lû.  On  prononce  katerne. 

Quatorze.  Adj.  numéral  qui  se  met  avant  SOE 
subst.  :  Quatorze  hommes,  quatorze  lieues.  — 
Quelquefois  il  se  met  api;és  les  noms  propres, 
comme  dans  Louis  quatorze  ;  alurs  il  se  dit  pour 
qualorzième.  On  dit  aussi  article  quatorze,  chor 
pilre  quatorze. 

Quatorzième.  Adj.  des  deux  genres.  Nombre 
ordinal.  Il  se  met  avant  son  subst.  :  Le  quator- 
zième j'nir,  la  quatorzième  année.  Le  quator- 
zième de  la  lune,  jour  est  sous-entendu. 

Quatrain.  Subst.  m.  Terme  de  lillcralure, 
Stance  ou  stroi)!ie  composée  de  quatre  vers  qui 
doivent  former  un  sens  complet,  et  dont  les  rimes 
[)euvent  être  «uivies  ou  mêlées. 

On  peut  disposer  les  vers  du  quatrain  de  trois 
manières. 

1°  On  peut  faire  rimer  le  premier  avec  le  troi- 
sième, et  le  second  avec  le  quatrième;  comme 
dans  cet  exemple  de  ûlalherbe,  destiné  à  servir 
d'inscription  à  une  fontaine  (Liv.  VI)  : 

Vois-tu,  passant,  couler  celle  onde, 
Et  s'écouler  incontinent  1 
Ainsi  fait  la  gloire  du  monde. 
Et  rien  que  Dieu  n'est  permanent. 

20  On  peut  faire  rimer  le  premier  vers  avec  le 
quatrième,  et  le  second  avec  le  troisiôme,  comme 
dans  cet  cxemiile  de  La  Molhe  : 

Amour,  si  jamais  moins  cruel 
Pour  moi  tu  fléchissais  Sylvie, 
Dans  ces  délices  que  j'envie 
J'oublîrais  que  je  suis  mortel. 

3"  On  peut  faire  succéder  les  rimes  deux  a 


590 


QUE 


deux,  sans  les  croiser,  comme  dans  cet  exemple 
de  ISIalherLe  (Liv.  V.  Ficioire  de  la  constance, 
T.  13}  : 

Il  n'est  rien  ici-bas  d'éternelle  durée; 
Une  chose  qui  plait  n'est  jamais  assurée  ; 
L'épine  suit  h  rose,  et  ceux  qui  sont  contents 
Ne  le  sont  pas  longtemps. 

Quatre.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  Il  se 
mel  avant  son  sulist.  :  Quatre  hommes,  quatre 
femmes,  quatre  jours.  —  On  écrit  quatre-vingt, 
et  quatre-vingts.  Le  dernier  a  lieu  lorsiiii'il  pré- 
cède immédi;ilciiicnt  un  substantif,  quatre-vingts 
chevaux  ;  maison  écrit  quatre-vingt  sans  s  lors- 
que ce  mot  est  suivi  d'un  autre  nom  de  nombre, 
quatre-vingt-deux  ;  quatrc-vingt-di.r.  —  Quand 
ce  mot  est  pris  absulumenl,  on  met  un  s  après 
vingt,  quatre-vingts,  six-vingts;  nous  étions 
quatre-vingts. 

On  écrit  entre  quatre  yeux,  pour  signifier  télo 
à  léte  ;  et  l'on  prononce  quatre-s-ieux,  pour 
l'euplionie.  Beauzoe  {Encyclop.  viéthod.  ai:  mol 
euphonique)  est  d'avis  qu'il  serait  mieux  d'écrire 
quatre-s-ieux,  parce  qu'alors  il  ne  resterait  aucun 
doute  sur  la  i)rononciation.  Il  pense  d'ailleurs 
qu'il  y  aurait  de  l'inconvénient  à  ne  pas  introduire 
un  s  dans  la  prononciation,  parce  que  autrement 
il  faudrait  prononcer  quutre-i-eux,  en  altérant 
le  premier  mot,  ou  quatre  ïeux,  en  décomposant 
le  second  ;  au  lieu  qu'on  ne  gâte  ni  l'un  ni  l'au- 
tre en  introduisant  le  s  euphonique,  qui,  au  sur- 
plus, a  de  l'analogie  au  nombre  pluriel  désigné 
par  quatre. 

Cependant  quelques  grammairiens  ne  veulent 
point  adopter  cette  lettre  euphonique,  et  ils  se 
fondent  sur  ce  qu'il  est  de  principe  que,  de  tous 
les  adjectifs  numéraux,  il  n'y  a  que  vingt  et  cent 
qui,  dans  quelques  cas,  prennent  le  *  caractéris- 
tiijue  du  pluriel.  —  Ces  grammairiens  se  trom- 
pent assurément.  Le  s  n'est  point  ici  le  signe 
caractéristique  du  pluriel,  mais  une  simple  lettre 
euphonique  admise  jujur  adoucir  la  prononcia- 
tion, et  qui  n'influe  sur  aucun  des  accidents  du 
mot  qui  la  |)iécède  ou  qui  la  suit.  —  L'Académie 
écrit  entre  quatre  yeux,  mais  elle  fait  observer 
qu'on  prononce  ordinairement  entre  quatre-z- 
yeux.  —  «  C'était  une  difficulté  à  trancher  en 
abandonnant  la  phrase  au  peuple  qui  ne  lit  pas 
les  dictionnaires  et  qui  prononce  comme  il  veut. 
L'abbé  Tlioulierd'Olivct,  qui  était  un  bon  bour- 
geois de  Franche-Comté,  et  qui  avait  des  tradi- 
tions du  pays,  décida  qu'il  fallait  dire  quatre-s- 
yeux,  ce  qui  fut  généralement  adopic  par  la  bonne 
compagnie,  où  cette  petite  locution  est  comme 
on  sait  très-commune;  mais  l'Académie  ouLilia 
mille-s-yeux  dans  le  dictionnaire.  On  ne  peut 
pas  penser  à  tout.  »  (Ch.  Nodier.  Examen  crit. 
des  die  t.) 

Quatrième.  Adj.  des  deux  genres.  Nombre 
d'ordre  qui  ne  se  met  qu'avant  son  subst.  :  Le 
quatrième  jour,  la  quatrième  année. 

Quatrièmement.  Adv.  On  peut  le  mettre  avant 
ou  après  le  verbe  :  Quatrièmement  je  vous  dirai, 
ou  je  vous  dirai  quatrièmement. 

QUATRIENSAL,    QUATRIENN ALE.    Adj.    qui    SB  mCt 

toujours  après  son  subst.  :  Office  quatriennal , 
charge  quatriennale.  On  dit  au  pluriel  masculin 
quatriennaux. 

Quatuor.  Subst.  m.  On  prononce  co«a.  Il  ne 
prend  point  le  signe  du  pluriel  :  Des  quatuor. 

Que.  Adj.  conjonclif  qui  se  met  poiir  lequel, 
laquelle,  lesquels,  lesquelles.  Tous  ces  mots,  dit 
Condillac,  sont  des  adjectifs,  et  toutes  les  propo- 


QUE 

sitions  où  nous  les  employons  sont  des  tours 
ellijiliques  :  La  personne  que  j'aime,  est  pour  la 
personne,  laquelle  persnnne  j'aime.  Ainsi,  bien 
loin  ijue  ces  mots  tiennent  la  place  d'un  nom, 
ils  le  sous-entendent  au  contraire  après  eux  :  Je 
ne  sa.is  que  vous  donner,  c'est  ji'  ne  sais  pas  la 
chose,  laquelle  chose  je  puis  OU  je  dois  vous 
donner.  Que  ne  pvis-je  vous  obliger!  je  suis 
fâché  d'unP  chose,  laquelle  chose  est  ne  pouvoir 
vous  obliger,  etc.  Lorstjue  le  conjonctif  est  l'objet 
(lu  verbe,  c'est  une  règle  générale  de  préférer  que 
à  lequel  ou  laquelle  :  Les  arts  que  vaus  étudiez, 
les  villes  qu'il  a  prises,  la  conduite  qu'il  a  tenue, 
et  non  les  arts  lesquels,  la  conduite  laquelle, 
etc. 

L'adjectif  conjonctif  i^î/e  est  d'un  grand  usage. 
Sa  fonction  est  de  conduire  le  sens  à  son  com- 
plément. Il  est  toujours  placé  entre  deux  idées 
«jii'il  lie  en  modifiant  la  première.  Voyez  /id- 
jectifs  conjoîictifs. 

11  ne  faut  pas  confondre  que,  adjectif  conjonc- 
tif, avec  que  conjonction  conduclive,  c'est-à- 
dire  qui  conduit  d'un  sens  à  un  autre.  Telle  est 
sa  nature  dans  les  vers  suivants  de  Racine  (fyhi- 
génie,  act.  IV,  se.  vi,  19)  : 

Pourquoi  je  le  demande?  ô  ciel  !  le  puis-je  croire, 
Qu'on  ose  des  fureurs  avouer  la  plus  noire? 

Règle  générale  :  Dans  les  phrases  composées 
de  deux  membres,  liées  par  que,  quand  le  verbe 
du  second  membre  n'est  pas  le  même  que  celui 
du  premier,  le  que  se  répète  non-seulement  à  ce 
second  membre,  mais  à  tous  les  membres  de  la 
même  nature  qui  se  succèdent  :  Les  Gaulois 
adorent  Apollon,  Mars,  Jupiter  et  Minerve  ;  ils 
croient  qiV Apollon  chasse  les  maladies ,  que 
Minerve  préside  aux  travaux,  que-  Jupiter  e.it 
le  souverain  des  dieux,  et  Mars  l'arbitre  de  la 
guerre. 

Que  signifie  quelquefois  si  ce  nest  : 

Et  pour  qui  mépriser  tous  nos  rois  que  pour  lui. 

(CoKN.,  Sertor.,  act.  II,  se.  I,  16.) 

Cevers,dit  Voltaire,  est  digne  du  grand  Corneille. 

Que  de.  Il  y  a  une  grande  différence  entre  que 
et  que  de  devant  un  verbe  à  l'infinitif.  Dans  cette 
phrase,  ils  ne  font  que  sortir,  on  donne  à  en- 
tendre que  ceux  dont  on  parle  sortent  n  chaque 
instant  :  dans  celte  autre,  Ù  ne  font  que  de  sortir, 
on  donne  à  entendre  qu'ils  viennent  de  sortir. 

Que  a  quelquefois  le  sens  d'un  adverbe,  comme 
dans  celte  phrase,  que  vous  êtes  heureux!  Il  vient 
alors  du  latin  quantum,  adquaniùm.  et  signifie 
à  quel  point,  combien  :  Que  de  choses  il  m'a 
dites!  que  de  phr'los'phes  se  sont  égarés! 

0  ciel  !  que  de  vertus  vous  me  faites  haïr. 

(Cork.,  Pompée,  act.  III,  se.  v,  88.) 

Quel.  Adj.  qui  énonce  un  objet  quelconque 
sous  l'idée  précise  d'une  qualité  vague  et  indé- 
terminée. 11  fait  quelle  au  féminin  singulier, 
quels  au  masculin  pluriel,  et  quelles  au  féminin 
du  même  nombre  :  Quel  livre  lisez-vous^  je  ne 
sais  quelle  résolution  vous  avez  prise;  quels 
hommes,  quelles  femmes  voyez-vous? 

Quelquefois  le  substantif  auquel  cet  adjectif 
se  rapporte  est  sous-entendu.  C'est,  par  exemple, 
quand,  en  rappelant  ce  dont  on  a  déjà  parlé,  on 
demande  quel  est-il?  quelle  est-elle?  ou  bien 
encore  si,  après  avoir  dit,  j'ai  des  nouvelles  à 


QUE 

vous  apprendre,  on  demande  quelles  sont-eUcs'^ 
Alors  il  y  a  ellipse.  Quelles  sont-elles?  c'est-à- 
dire,  quelles  sont  ces  nouvelles  ? 

Il  ne  faut  pas  confondre  l'adjectif  quel  avec. 
quelque,  et  dire  comme  certaines  personnes,  <juel 
Tiiérite  quel'on  ait,  il  faut  être  modeste  ;  au  lieu 
dédire,  quelque  mérite  que  Von  ait,  etc.  Voyez 
Quelque. 

Quelconque.  Mot  que  les  anciens  grammairiens 
mettent  au  nombre  des  pronoms  indélinis.  C'est 
un  adjectif  des  deu\  genres  qui  est  à  peu  prés 
synonyme  de  nul  ou  aucun  dans  une  phrase 
négative;  et  alors,  comme  ces  deux  mois,  il  n'a 
point  de  pluriel  :  //  n'a  chose  quelconque. 

Dans  une  phrase  positive,  il  signifie  quel  qu'il 
soit,  quelle  quellesoit,  et  dans  ce  "sens  il  prend  un 
pluriel  :  Cherchez  des  prétextes  quelconques, 
donnez-lui  une  récompense  quelconque,  trouvez 
une  personne  quelconque. 
Cet  adj.  se  met  toujours  à  la  suite  d'un  subsl. 
L'abbé  Régnier  et  Reslaut  disent  que  ce  mot 
est  peu  usité.  11  l'est  davantage  aujourd'hui,  sur- 
tout dans  le  second  sens. 

Quelque.  Adj.  partitif  des  deux  genres  qui  fait 
quelques  au  pluriel,  que  l'on  place  avant  un 
nom  appellatif,  et  qui  désigne  ou  un  individu 
vague,  ou  une  quotité  vague  des  individus  com- 
pi;is  dans  sa  sigr..lication  :  Quelque  personne  in- 
discrète aura  causé  cette  brouiller ie. 


QUE 


S97 


Quelques  crimes  toujours  précùdenl  les  grands  crimes. 
(Kac,  Phèd.,  act.  IV,  se.  II,  59.) 

Quelque,  dans  cette  signification,  répond  à  Vali- 
quis  des  latins. 

Quelque  s'emploie  aussi  avec  que,  et  alors  il 
est  adjeclif,  s'il  est  suivi  d'un  substantif,  et 
signifie  quel  que  soit  le,  quelle  que  soit  la,  quels 
ou  quelles  que  soient  les.  Quelque  mal  que 
vous  ayez,  quelque  science  que  vous  cultiviez, 
quelques  erreurs  que  vous  suiviez. 

Mais  d'adjectif  il  devient  adverbe  dans  le  même 
sens,  quand  il  se  trouve  avant  un  adjectif  ou  un 
adverbe  :  Quelque  savants  que  vous  soyez, 
quelque  savamment  que  vous  parliez,  quelque 
grands  que  soient  vos  travaux. 

Quelques  anciens  grammairiens  ont  prétendu 
que  lorsque,  dans  ce  sens,  le  mot  quelque  se 
trouve  devant  un  adjectif  suivi  immédiatement 
de  son  subsiantif,  il  n'est  plus  adverbe,  mais 
pronom,  et  qu'il  faut  dire,  par  exemple,  quelques 
grands  biens  qu'on  possède,  quelques  belles  qua- 
htes  que  l'on  ait.  Mais  dans  ces  sortes  de  plirases 
il  faut  seulement  avoir  épard  à  l'idée  qu'elles  por- 
tent dans  l'esprit.  En  effet,  quelque  grands  biens 
que  Ion  possède,  veut  toujours  dire  quelque 
grands  que  soient  les  biens  qve  Von  possède, 
quelque  belles  qualités  que  Von  ait,  quelque  bel- 
les que  soient  les  qualités  que  Von  ait. 

Cependant  plusieurs  bons  auteurs  ou  poêles 
■lu  siede  de  Louis  XIV  ont  fait,  dans  ce  cas 
qnelqve  pronom,  ou,  si  l'on  veut,  adjectif  et  l'ont 
fait  accorder  avec  le  substantif.  Us  en  ont  agi 
ainsi,  dit-on,  parce  (ju'ils  ont  pensé  que  l'adjectif 
placé  soit  avant,  soit  après  le  substantif  né 
change  rien  à  la  nature  de  qnelqve,  qui  mo- 
râd'^ectff"^  ^'  *'^""'^  ^^^'  ^^  substantif  et 

îl  me  semble  que  cette  raison  n'est  pas  admis- 
sible. A  la  venté,  que  l'adjectif  soit  placé  avant 
pu  après  le  substantif,  qvelnve  sicnifie  toujours 
la  même  chose,  savoir  quel  que^ soit.  Mais  il 
change  de  rapport  suivant  qu'il  précède  le  sub- 


stantif ou  1  adjectif.  Dans  le  premier  cas,  il  mo- 
dihc  un  substantif,  et  est  |)ar  conscipient  adjectif- 
dans  le  second,  il  modilie  un  adjectif  et  est  nar 
conséquent  adveibe.  Dans  quelques  auteurs  sa- 
vants que  vous  consultiez,  quelques  modifie 
évidemment  auteurs;  il  est  donc  adjectif-  c'est 
comme  si  l'on  disait,  quels  que  soient  les  auteurs 
savants  que  vous  consultiez.  Mais  dans,  quelque 
siirants  auteurs  que  mus  ciinsultiez  il  est  évi- 
dent que  quelque  modifie  savants,  et'que  le  .«ens 
est,  quelque  savants  que  soient  les  auteurs  que 
vous  consultiez. 

Quelque  est  un  mot  vague  qui  peut  modifier 
un  adjectif  comme  un  subsiantif;  car  on  peut 
dire,  quelque  belle,  quelque  bonne  qu'elle  soit. 
et  quelque  auteur  que  vous  me  citiez.  Des  (lue 
ce  mot  est  prononcé,  l'esprit  attend  le  mot  mo- 
dihé,  et  porte  celle  modification  sur  le  premier 
qui  se  présente,  s'il  est  de  nature  à  être  modifié 
p:ir  quelque.  Or,  quelque,  pouvant  modifier  un 
adjectif,  et  savant  élant  un  adjeclif,  c'est  à  ce 
mol,  et  non  au  subsiantif  qui  vient  après,  que 
l'esprit  attache  naturellement  la  modification  ex- 
priuicc  par  quelque.  Ainsi,  dans  ces  sortes  de 
plirases,  quelque  modifie  un  adjectif,  et  est  par 
conséquent  adverbe. 

Une  autre  raison  qui  vient  à  l'apimi  de  ce  que 
nous  venons  de  dire,  c'est  que  l'esprit  ne  doit 
jamais  rester  dans  l'incertitude  sur  le  caractère 
d'un  mot  énoncé  dans  le  discours.  Or,  si  quelque 
placé  devant  un  adjectif,  pouvait  être  tanlôt  ad- 
jectif, tantôt  adverbe,  il  faudrait,  ou  y  attache 
d'abord  au  hasard  l'un  ou  l'aulre  caractère,  ou 
attendre  le  subsiantif  qui  doit  déterminer  ce  ca- 
ractère. Si,  par  exemple,  voulant  dire  quelque 
belles  qualités  que  Von  ait,  on  dit  quelque  belles, 
et  qu'on  s'arrête  là,  l'esprit  est  porté  à  attribuer 
à  quelque  le  caractère  d'adverbe,  à  cause  de  l'ad- 
j'eclifqui  le  suit,  ou  bien  il  faudra,  pour  s'en 
faire  une  idée  juste,  qu'il  attende  le  mot  suivant, 
afin  de  savoir  si  c'est  un  substantif.  Dans  le  pre- 
mier cas,   il  se  sera  trompé,  et  il  faudra  qu'il 
revienne  sur  ses  pas,  lorsqu'il  aura  entendu  ce 
substantif;    dans    le  second,   il   aura  entendu 
quelque  suivi  d'un  adjectif,  sans  attacher  une 
idée  précise  à  ce  mot.  Or,  rien  n'est  plus  con- 
traire au  génie  de  la   hiniîue  française  que  ce 
tâtonnement  ou   cette  incertitude.  —  Lorsque 
rameur  donnait  cette  rèele   il   avait   pour  lui 
l'Académie  rpii,  dans  ses  Ôbservatims  sur  Fau- 
gelas,  était  d'avis  qu'on  écrivît  :  quelque  grands 
avantages  que  la  nature  donne.  Mais  dans  l'édi- 
tion de  son  Dictionnaire  qui  a  paru  en  J835,  elle 
écrit  :  quelques  grands   biens  que   vous  ayez. 
La  Grammaire  des  Graniuiaires  (p.  431)  s'ex- 
plique ainsi  sur  celle  question:  «  Lorsque  le  sub- 
«  stantif  est  ^jécédc  d'un  adjeclif,  ce  n'est  point 
«  a  l'ndjectif  (pie  se  ra])porte  quelque  mais  au 
«  subsiantif,  et  cela  est  si  vrai  qu'on  peut  dans 
«  ce  cas  transporter  l'adjectif  après  le  subslanlif 
«  et  même  le  supprimer,  sans  nullement  nuire  à 
»  la  signification  de  quelque. 

«  Il  est  un  cas  cependant  où  quelque,  joint  à 
«  un  adjectif  suivi  de  son  subslamif  au  pluriel, 
«ne  prendrait  point  la  marque  du  pluriel;  ce 
"  serait  celui  où  sa  signification  répondrait  au 
<i  quuntumvis  des  Latins,  comme  dans  celte 
«  phrase:  Quelque  bons  écrivains  qu'aient  été 
»  Racine  et  Boileau,  ils  ont  cependant  fait  des 
«  fautes  de  orammaire;  en  effet,  quelque,  vou- 
«  lant  dire  ici  «  quelque  degré,  et  alors  tenant 
«  lieu  d'un  adverbe,  ne  doit  pas  prendre  le  signe 
«du  pluriel;  et  afin  de  rendre  plus  frappante 


598 


QUE 


«  cetlcobservalion,noiisla  ferons  suivre  de  celle  i 
«  plirase:  quelques  bons  écrù-ains  ont  dit,  dans 
u  l.iqucilo  on  voil  «lUC  quelque  n'a  point  la  sieni- 
o  iicaliun  d'un   adverbe,   mais  qu'il  Rpond   à 
•>  Valiquis  des  Latins.  » 

Quelque,  suivi  d'un  verbe,  s'êcril  en  deux 
mois,  quel  que,  t-l  alors  le  premier  est  adjectif, 
el  s'accorde  en  genre  et  en  nombre  avec  le  nom 
ou  le  pronom  qui  esl  le  sujet  de  ce  verbe  :  Quelle 
que  soit  votre  mteiUwn  ;  quels  que  soient  vos 
desseins;  quelles  que  soient  vos  rues.  Quelle  que 
puisse  être  la  nlaiie  des  grands  sur  la  terre, 
elle  a  toujours  à  craindre  :  premièrement  la 
malignité  de  l'enrie  qui  cherche  à  Vobscurcir. 
(Massdlon,  Petit  Carême,  Triomplie  de  la  reli- 
gion, r*  pari.,  t.  1,  p.  605.) 

La  loi,  dans  IodI  ÉUt,  doit  otrc  université  ; 
Les  mortels,  quels  qu'Ut  soient,  sont  égaux  devant  elle. 
(TOLT.,  Poëme  sur  la  Loi  naturelle,  lY,  89.) 

Souvent  on  confond  tel  que  avec  quel  que; 
mais  tel  que  sert  à  la  comparaison,  et  régil  l'in- 
dicalif,  parce  que,  dans  les  phrases  où  on  l'em- 
ploie, il  <"i  un  sens  précis  et  positif  :  On  craint  de 
se  voir  tel  qu'ow  est,  parce  qu'on  n'est  pas  tel 
qu'o?j  devrait  être. 

Au  contraire,  quel  que  est  suppositif,  et,  dans 
le  sens  vague  du  doute,  il  n^gil  le  subjonctif  : 
Je  n'en  excepte  personne,  quel  qu^il  puisse  être. 
Quelque  soit  le  mérite,  quelle  que  soit  la  i.crtu 
de  cet  homme. 

Ainsi,  au  lieu  de  dire  avec  Voltaire,  dans  5e'- 
miramis  (act.  III,  se.  \i,  15)  ; 

Ce  CTand  choix  tel  qu'il  soit  peut  n'offenser  que  moi, 

il  faudra  dire,  ce  grand  choix,  quel  qu'zV  soit. 
Et  au  lieu  de  dire  avec  J.  J.  Rousseau  [Emile, 
liv.  IV,  t.  VI,  p.  4251  :  On  prouve  très-lien  à  cet 
enfant  que  celte  rcligi  n,  telle  qu'cZ/e  snit,  est 
la  seule  véHtahle,  on  devra  dire  :  On  prouve 
très-bien  à  cet  enfant  que  cette  religion,  quelle 
tYa'elle  soit,  etc. 

Quelque  est  adverbe  lorsqu'il  précède  im- 
médiatement un  nombre  cardinal.  Il  signifie 
alors  environ.  Cl  n'est  que  du  style  familier  :  Il 
y  a  quelque  soixante  ans  que  cela  est  arrivé. 

Quelque  chose.  Cette  expression  esl  considérée 
comme  un  seul  mol,  et  on  lui  donne  le  genre  mas- 
culin : 

Pour  saToir  quelque  chose,  il  faut  î'avoir  appris. 
(AnDRiECX,  Socrate  et  Glaucon,  V,  64.) 

Autrefois  on  doutait  du  genre  de  ce  mot.  Ouel- 
ques-uns  le  faisaient  masculin,  et  d'autres  fémi- 
nin. Il  n'y  a  plus  de  doute  aujo\ird'liui,  el  tous 
les  grammairiens  le  font  masculin.  Il  y  a  donc 
deux  fautes  dans  les  vers  suivants  : 

Quand  on  aura  de  vous  quelque  chose  à  prétendre, 
Accordez-(a  civilement; 
Et  pour  obliger  doublement. 
Ne  la  faites  jamais  attendre. 

Cependant,  lorsqu'il  y  a  un  adjectif  entre  quel- 
que et  chose,  Texpression  n'esl  itlus  un  seul  mot, 
et  chose  reprend  son  genre  féminin.  On  dira 
donc,  quelques  belles  choses  que  vous  disiez, 
elles  ne  seront  jarxais  gOlilCCS  si  vous  les  pro- 
noncez mal. 

\\)rc^  quelque  c7io5P,  Vaugclas  est  d'avis  qu'on 
peut  supprimer  de  avant  les  adjectifs  qui  régissent 


celte  préposition.  La  raison  qu'il  en  donne,  c'est 
que  ce  de  rend  ordinairement  la  phr;ise  dure  et 
(îesagréalile.  Il  veut  qu'on  dise  :  H  l'exhortait  à 
faire  quelque  chose  digne  de  sa  naissance,  aU 
lieu  i\o.,il  l'exhortait  à  faire  quelque  chose  de  digne 
de  sa  naissance.  Les  grammairiens  et  les  auteurs 
modernes  n'ad:aelleiil  point  celle  supj)ression  . 
Heureux  si  Bayle  avait  plus  respecté  la  religion 
et  les  mœurs,  ou  quelque  chose  d'approcJiant. 
(Volt,  à  d'Aleml>erl,  2  oct.  J76i.)  Si  Eschyle  et 
Sophocle  n'ont  pas  eu  cette,  idée,  ils  ont  dû  conce- 
voir quelque  clwse  d'approchant.  (La  Harpe.)  — 
S'il  se  trouvaitquelque  pbraseoù  le  t/e rendit  avec 
ce  qui  suit  un  son  dur  cl  désagréable,  il  faudrait 
prendre  unautretour,  modifier  quelque  chose  par 
le  relatif  qtii,  el  dire,  par  exemple,  il  l'exhortait 
à  faire  quelque  cboseilui  fût  digne  de  sa  nais- 
sance.— L'Académie,  qui  semlilaii  parlageraulre- 
fois  l'opinion  de  Vaugelas,  s'exprime  ainsi  en  1835 
au  mol  chose  :  «  Quand  fadjectif  suivant  n'est 
pas  précédé  d'un  relatif,  il  doil  l'être  de  la  prépo- 
sition de.  » 

QuELQnEFOis.  Adv.  On  peut  le  mellre  avant  le 
verbe,  après  le  verbe,  el  entre  l'auxiliaire  et  le 
participe  :  Quelquefois  il  7ne  ni  ;  quelquefois  il  a 
menti;  il  ment  quelquefois  ;  il  a  vienti  quelque- 
fois; il  a  quelquefois  menti. 

Qdelqu'cn,  Qcelqd'tjne,  Qcelques-cns,  QCEar- 
QCEs-CNEs.  Les  anciens  grammairiens  mettaient 
ce  mot  au  nombre  des  pronoms  indéfinis.  C'est 
un  adjectif  synonyme  de  quelque,  c»mme  chacun 
est  synonyme  de  chaque  ;  et  il  y  a  de  part  et 
d'autre  les  mêmes  différences. 

Quand  quelqu'un  est  employé  seul,  il  a  une 
relation  expresse  avec  un  nom  sous-entendu  et 
connu  par  les  circonstances.  Dans  quelqu'un  a 
dit,  le  sens  indique  assez  que  quelqu'un  se  rap- 
porte à  homme.  En  te  sens,  il  ne  se  dit  que  des 
personnes,  el  ne  prend  jamais  le  féminin  ni  le 
pluriel.  On  dit  j'ai  vu  quelqu'un,  j'ai  parlé  à 
quelqu'un  quim'a  dit;  maison  ne  dit  pasyairt/. 
quelqu'une,  j'ai  vu  quelques-uns. 

Cependant  quand  ^«e/i/w'M/t  est  employé  comme 
sujet  de  la  proposition,  il  peut  se  mettre  au  plu- 
riel, mais  seulement  au  masculin  :  Quelques-uns 
m'ont  assuré. 

Quand  quelqu'un  a  rapport  à  un  nom  exprimé 
dans  la  phrase,  il  se  dit  des  personnes  et  des 
choses,  et  signifie  une  partie  indéterminée  d'un 
nombre.  Alors  il  esl  précédé  du  pronom  en,  et 
s'emploie  a  tous  les  genres  et  à  Ions  les  nombres  : 
De  tous  ces  hommes,  j'espère  qu'il  en  viendra 
quelques-uns.  Que  vous  ont  dit  ces  darnes^  en 
viendra-t-il  quelques-une.i'^  S'il  en  reste  encore 
quelqu'un  d'assez  juste  pour  avoir  pitié  de  moi.... 
(Fénelon.)  Voyez  Maint. 

Qu'en  «ira-t-on.  Ce  substantif  composé  ne 
prend  point  le  signe  dn  pluriel;  ott  dit  des  qu'en 
diru-t-on.  —  Il  nous  semble  même  que  celte 
loculion  esl  ikîu  usitée  au  pluriel.  11  est  certain  du 
inoinsquerAcadémicncremploic(prau  singulier: 
Se  inoquer  du  qu'en  diru-t-nn,  se  mettre  au- 
dessus  du  qu'en  dira-t-on,  etc. 

Qderelleue,  Querelleuse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permctlcnl:  Un  homme  querelleur, 
une  femme  querelleuse.  —  Une  humeur  querel- 
leuse, cette  querelleuse  humeur. 

Quéiîir.  V.  a.  cl  défectueux  de  la  2«  conj.  Il 
n'est  usité  qu'à  l'iidinilif  quérir,  el  avec  les 
verbes  ff//er,  venir,  envoyer.  Il  n'esl  point  adnais 
dans  le  style  noble. 


QUI 

Corneille  a  dil  dans  Pohjeucte  (acl.  IV,  se.  i, 
17): 

L'autre  m'obligerait  d'aller  quérir  Scvcrc. 

Voltaire  a  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Quérir  ne  se 
dit  plus  [Remarques  sur  Corneille). 

QuiSTKLu.  Subst.  ni.  On  prononce  cuesteur. 

Question.  Sulisl.  f.  On  prononce /ceA/io//.  Le  < 
conserve  sa  prononciation  naturelle  dans  H. 

QCESTIONNKLR.Subst.  m.  QbKSTlOJiMilSE.  SubSl. 

f.  On  dcsigne  par  ce  mol  celui  ou  celle  (jui  fait 
des  questions  importunes  :  C'est  un  question- 
neur insupportable.  \ oyez  Question. 

Qur.STL'RK.  Subst.  f.  On  prononce  cuesture. 

QcÊTEir..  Adj.  ijue  l'on  cni[)loie  substantive- 
ment. 11  fait  quêteu-'ie  au  fciniuin. 

Qci.  On  prononce  ki.  Selon  le  Dictionnaire  de 
rAcadcmie,  c'est  un  pronom  relatif  des  deu.K 
genres  cl  des  deux  nombres;  nous  l'appelons 
adjectif  conjonctif.  Voyez  Adjectifs  conjonc- 
tifs.  Les  grammairiens  disent  qu'il  y  a  un 
qui  relatif,  comme  dans  celle  phrase,  l'homme 
qui  vous  parle;  et  un  qui  absolu,  comme 
dans  celle-ci,  qui  mus  a  accuse?  Cette  distinc- 
tion est  vaine.  Qui,  adjectif  conjonctif,  a  tou- 
jours rapport  à  un  substantif  exprimé  ou  sous- 
entendu,  et  par  conséquent  n'est  jamais  absolu. 
Dans  les  phrases  où  il  parait  tel,  il  y  a  une  ellipse 
dont  l'analyse  faii  paraître  le  substantif:  Je  sais 
qui  vous  a  accusé,  c'est-à-dirc  je  sais  la  per- 
soîinr  qui  rfi:<!  a  accusé.  Qui  vous  a  accusé? 
c'est-à-dirc  dites-moi  la  personne  gui  vous  a 
accusé. 

Lorsque  l'adjectif  conjonctif  qui  est  le  sujet 
d'une  proposition  incidente,  c'est-à-dire  lorsqu'il 
détermine  un  nom  exprimé  ou  sous-entendu  à 
être  le  sujet  d'une  iiroposition  de  celle  nature, 
il  se  dit  des  personnes  et  des  choses;  et  on  doit 
le  préférer  à  lequel,  laquelle,  lesquels  :  L'homme 
qui  veut  vivre  en  paix,  la  maison  (]ui  m'appai'- 
iient,  les  hommes  qui  craignent  Dieu.  On  ne 
[leut  pas  dire  l'homme  lequel  veut  vivre  enpaix, 
la  maison  latiuellc  m'appartient  ;  les  hommes 
lesquels  craiynent  Dieu. 

Lorsque  qui  est  le  terme  d'un  rapport,  c'est-à- 
dire  lor>qu'll  détermine  lui  nom  exprimé  ou 
sous-entendu  à  être  le  complénient  d'une  pré- 
position, il  no  se  dit  (pie  des  personnes  ou  des 
choses  personnifiées  :  L'homme  ù  qui  j'aiparlé, 
la  vertu  à  i}ui  je  rends  hoinmage. 

Mais,  en  parlant  des  choses,  on  se  sert  des 
adjectifs  conjonctifs  lequel,  laijuelle,  lesquels, 
lesquelles  :  La  chose  à  laquelle  vous  devez  sur- 
tout faire  attentioîi,  cest  le  point  sur  lequel  î^ 
faut  réfléchi'',  ^'oycz  Lequel. 

Après  la  préposition  de,  on  préfère  c?ow<  à  de 
qui,  soit  qu'on  parle  des  personnes,  soit  qu'on 
parle  des  choses  :  L'homme  dont  vous  parlez,  la 
réputation  dont  vous  jouissez. 

Les  poètes,  qui  personniGenl  tous  les  objets, 
et  qui  sr'crifienl  souvent  l'exactitude  grammati- 
cale à  la  vivacité  de  l'expression,  ou  à  la  con- 
trainte de  la  mesure  ou  de  la  rime,  ne  suivent 
pas  toujours  ces  règles.  On  trouve  dans  Racine 
[Phèdre,  sel.  III,  se.  v,  48)  : 

J'ai  su  tromper  les  yeux  par  qui  j'étais  gardé. 

et  dans  J.B.  Rousseau  (liv.  I,  ode  viii,  7)  : 

Du  haut  de  la  montagne  où  sa  grandeur  réside, 

11  a  brisé  la  lance  et  l'épéc  liomiciJe 

Sur  qui  l'impiété  fondait  son  ferme  appui 


QUI 


S9D 


Çi/i,  sujet  d'une  proposition  incidente,  prend 
le  caractère  du  nom  qu'il  modifie,  en  le  liant  à 
cette  proposition;  il  est,  comme  ce  nom,  de  la 
première,  de  la  seconde  ou  de  la  troisième  per- 
sonne, soit  du  singulier,  soit  du  pluriel,  et  il 
détermine  le  verbe  dont  il  est  le  sujet  à  prendre 
celle  do  ces  formes  qu'il  a  lirée  de  sa  liaison 
avec  ce  mot.  Ainsi  on  dit,  moi  qui  ai  parlé,  et 
non  pas,  woi  qui  a  parlé,  parce  que,  qui,  étant 
l'adjectif  conjonctif  de  moi,  qui  est  de  la  pre- 
mière personne,  doil  prendre  ce  caractère  de 
première  personne  dans  la  phrase  dont  il  est  le 
sujet.  De  même  on  dira  à  la  seconde  personne, 
toi  qui  as  parlé,  vous  qui  acez  parlé;  à  la  troi- 
sième, lui  qui  a  parlé,  eua;  qui  ont  parlé. 

Par  la  même  raison  il  faut  dire,  si  c'était  vioi 
qui  eusse,  et  non  pas,  si  c'était  moi  qui  eût;  si 
c'était  vous  qxii  eussiez,  si  c'était  lui  qui  eût, 
etc.  Molière  a  [)éché  contre  celte  règle  en  disant 
[Sganarelle ,  se.  ii,  6)  : 

Ce  ne  serait  pas  moi  qui  su  ferait  prier. 

11  fallait  dire  gui  me  ferais  prier. 

Qui,  sujet  d'une  proposition  incidente,  doit 
toujours  suivre  immédiatement  le  substantif  au- 
(juclil  se  rapporte.  On  dira,  par  conséquent,  cp' 
homme  qui  ne  cherche  qu'à  tromper  a  granu, 
tort,  et  non  pas,  cet  homme  a  grand  tort  qui  ne 
cherche  qu'à  tromper. 

Les  meilleurs  poêles  se  sont  (pielquefois  écar- 
tés de  celte  règle.  Racine  ïNdit  [Andromaque, 
act.  V,sc.  II,  26): 

Phcenix  même  en  répond,  qui  l'a  conduit  exprès 
Dans  un  fort  éloigné  du  temple  et  du  palais. 

Et  Boilcau  [Lutrin,  I,  69)  : 

La  déesse,  en  entrant,  qui  voit  la  nappe  mise. 

Le  second  exemple  parait  plus  excusable  que 
le  premier,  parce  que  e?»  entrant  n'étant  (pi'une 
phrase  incidente,  ne  semble  pas  séparer  autant' 
lequidu  nom  auquel  il  se  rapporte,  que  la  pro- 
position directe  et  entière  qui,  dans  la  première, 
forme  la  séparation. 

Comme  un  substantif  ne  fait  qu'une  seule  et 
même  idée  avec  l'adjectif  qui  le  modifie,  qui  est 
censé  suivre  immédiatement  son  substantif,  lors- 
qu'il suit  l'adjeclif  qui  modifie  ce  substantif.  Ce 
ne  sera  donc  pas  pcciior  contre  cette  règle  de 
dire,  l'homme  inlrépid*^  (|ui  viarche  a  l'ennemi. 
Il  en  est  de  même  lorsoue  le  substantif  est  suivi 
de  la  préposition  de  avec  son  complément,  ex- 
pression qui  équivaut  à  un  adjectif  :  Les  amis 
de  mon  pérc^M/'  tmus  suivaient. 

La  répétition  de  qui,  toujours  sujet  de  la  i)ro- 
posilion  incidente,  n'est  pas  non  plus  contraire 
a  celle  règle.  Tous  les  qui  touchent  au  substantif 
par  le  moyen  du  premier,  dont  ils  no  sont  (pie 
la  répétition.  C'est  ainsi  qu'on  dit,  un  auteur  qui 
est  sensé,  qui  sait  bien  sa  langue,  qui  médite 
bien  son  sujet,  qui  travaille  à  loisir,  i]ui  consulte 
ses  amis,  est  presque  t^ujnnrs  sûr  du  succès. 

Cette  règle  peut  servir  de  guido  dans  le  cas 
où,  voyant  deux  substantifs  dans  une  phrase, 
on  doute  auquel  des  deux  il  faut  fiiro  rapporter 
le  qui.  On  sentira  qu'il  ne  peut  se  rapporter 
qu'au  substantif  qui  le  précède.  On  dira  donc, 
vous  êtes,  grande  reine,  un  génie  tutélaire 
qui  est  venu  consolider  la  paix,  parce  qu'on 
fera  rapporter  qui  à  génie  tutélaire  qui  le  pré- 
cède  immédiatement,   et  non  à  reine,  qui  en 


rfOO 


QUI 


est  le  plus  l'ioigné;  et  l'on  ne  dira  pas,  vous  êtes, 
grande  reine,  un  génie  ttiti'l-aire  qui  éles  venue, 
parce  qu'alors  on  ferait  rapporter  le  qui  à  un  nom 
qui  ne  le  précède  pas  iinnicdiateincnt. 

C'est  par  la  même  raison  <]u'on  dira  :  f^ous 
parlez  en  homme  qui  entend  la  matière  et  non 
pas  çi/t  entendez  la  rnulière.  f^ous  ètrs  le  pre- 
mier qui  ah  éilairci  cette  difficulté,  et  non  pas, 
qui  ayez  eclairci.  Je  suis  le  seul  qui  ait  déve- 
Irppé  cette  vérité;  et  non  pas,  7 in'  ai  développé. 
Dans  CCS  phrases,  gui  ne  se  rapporte  pas  a  vous 
ou  à  je,  mais  bien  à  Ao/n/ne,  qui  est  exprimé  dans 
le  premier  exemple,  cl  sous-entendu  dans  les 
autres  :  F'ous  êtes  le  premier;  ccst-à-dire  le 
premier  homme  ;  Je  suis  le  seul,  c'est-à-dire  le 
seul  homme;  et  gui,  se  rapportant  à  ce  mot 
homme,  le  rend,  par  sa  fonction  conjonctive,  le 
sujet  de  la  proposition. 

Racine  a  dit  dans  Iphigénie  (act.  IV,  se.  iv,  26)  : 

Fille  d'.^garaemnon,  c'est  moi  qui  la  première. 
Seigneur,  tous  appelai  de  ce  doux  nom  de  père. 

Et  dans  Britannicus  ^act.  III,  se.  m,  49)  : 

Pour  moi  qui  le  premier  secondai  vos  desseins. 

Voltaire  a  dit  aussi ,  dans  sa  correspondance,  en 
parlant  de  Shakspeare  :  C'est  moi  gui  le  premier 
montrai  aux  Français  quelgues  perles  que  j'avais 
trouvées  da?is  son  énorme  fumier. 

Ces  trois  exemptes  sont  parfaitement  conformes 
jla  règle  générale,  parce  que  le  gi/i  suivant  immé- 
diatenicnl  le  nom  moi.,  c'est  à  ce  nom  qu'il  doit 
se  rapporter.  Le  sens  est,  cest  7noi  gui,  c'est-à- 
dire,  lequel  moi,  montrai  aux  Français,  etc. 

Il  y  a  une  difficulté  réelle  que  Condillac  pro- 
pose et  résout  de  la  manière  suivante  : 

On  dit  :  F'oire  ami  est  un  des  hommcsqui  man- 
guèrent  périr  dans  la  sédition,  quoiqu'on  dise, 
votre  ami  est  un  des  hommes  qui  doit  le  moins 
compter  sur  moi.  Pourtiuoi  le  l)luriel  qui  man- 
guèrent  dans  l'une  de  ces  phrases,  et  pourquoi 
dans  l'autre  le  singulier  gui  doit?  c'est  que  les 
vues  de  l'esprit  ne  sont  pas  les  mêmes.  On  se 
sert  de  la  première  phrase  quand  on  veut  mettre 
votre  ami  parmi  ceux  qui  manquèrent  périr;  et 
on  se  sert  au  contraire  de  la  seconde  quand  on 
veut  le  mettre  à  part;  et  le  sens  est,  votre  ami 
est  un  homme  qui  doit  le  moins  de  tous  les  hommes 
compter  sur  moi. 

Racineadit  (Britannicus,  act.  II,  se.  m,  129)  : 

Britannicus  est  seul;  quelque  ennui  qui  le  presse, 
Il  ne  Toit  dans  son  sort  que  moi  qui  «'intéresse. 

On  a  remarqué  avec  raison  que  «  son  sort 
serait  mieux  que  da/js  son  soi't.  Mais  l'emploi  do 
la  troisième  personne,  approuvé  par  Marmontel, 
a  été  blâmé  par  Doinergiie.  Ce  grammairien  dit 
que  dans  les  verbes  réfléchis  o\i  réciproques,  qui 
admettent  se,  tels  que  se  repentir,  s'intéresser, 
etc.,  l'usage  seul  indique  assez  qu'il  faut  me  à  la 
première  personne,  te  à  la  seconde  personne,  *<? 
a  l;i  troisième;  et  qu'on  dit  je  ni  intéresse,  tu 
t'intéresses,  il  s'intéresse.  En  conséquence  il 
dit  (juc  il  nest  gue  moi  qui  m'intéresse,  éijui- 
vaul  à  il  n'est  gue  moi,  lequel  moi  m'intéresse; 
et  il  en  conclut  qu'on  ne  peut  pas  dire,  il  n'est 
que  moi  gui  s'intéresse. 

Cette  criticjuc  ne  ine  paraît  pas  juste.  Dans  il 
n'est  que  moi  gui  s'intéresse,  le  sens  est  évidem- 
ment négatif.  Cela  veut  dire,  il  n'est  per.ionne, 
gui  jjcrsviine  ne  s'intéresse,  hors  moi,  excepté 


QUI 

moi,  si  ce  nest  moi.  Au  coniraire,  dans  iï  n'est 

que  mui  gui  m'intvrcsse,  le  kcls  sirait  mot,  qui 
moi  suis  le  seul  qui  m'intéresse.  Or,  ce  n'est  |)0int 
là  du  tout  ce  qu'a  voulu  dire  le  poëte.  Son  in- 
tention a  été  de  peindre  principalement  l'absence 
d'inténit,  l'abandon  prescjuc  total  ;  et  celle  absence, 
cet  abandon,  ne  seraient  pas  peints  si  l'on  fixait 
principaleincnt  l'espiii  sur  l'intérêt  qui  existe,  et 
non  sur  celui  qui  n'existe  pas.  C'est  pourtant  ce 
qui  arriverait  si  l'on  disait  il  ne  voit  gue  moi 
qui  m'intéresse  à  lui.  L'idée  .se  présente  sous  un 
point  de  vue  tout  diffèrent  quand  on  dit,  il  ne 
voit  gue  moi  qui  s''intéresse  à  lui.  Domerguc 
n'a  pas  fait  attention  que  dans  celle  phrase,  gue 
moi  n'est  qu'un  accessoire  de  la  proposition, 
qu'une  expression  qui  restreint  l'étendue  du  mot 
personne  qui  est  sous-entendu,  et  <]ue  ce  n'est 
pas  àcei  accessoire  que  doit  se  rapporter  l'adjectif 
conjonctif. 

L'auteur  de  la  Grammaire  des  Grammaires 
établit  comme  règle  que,  lorsque  c'est  un  nom 
propre  (jui  précède  le  gui,  le  verbe  doit  être  mis 
a  la  première  personne,  si  le  nom  propre  indique 
la  ]>ersonnc  qui  parle;  à  la  seconde,  s'il  indique 
celle  à  qui  l'on  parle  ;  à  la  troisième,  s'il  indique 
celle  de  qui  l'on  parle  :  Je  suis  cet  Alexandre 
gui  ai  vaincu  Darius,  vous  êtes  ce  César ^  gui 
avez  conquis  les  Gaules,  je  parle  de  cet  Eros- 
trate  qui  a  hrûlé  le  temple  d'Ephèse. 

D'après  celle  règle,  il  semble  (}ue  Racine  au- 
raitdlidire  dans  Mithridate  {;m:i.  H,  se.  ni,-l): 

Enfin,  après  un  an,  lu  me  revois,  Arbate, 
Non  plus  comme  autrefois,  cet  lieureux  Mitlirldate, 
Qui,  de  Rome  toujours  balançaut  le  destin, 
Tenais  entre  elle  et  moi  l'uniïers  incertain  : 
Je  suis  vaincu. 

Domergue  prétend  qu'il  fallait  dire  :  tenait 
entre  elle  et  moi,  etc.;  et  voici  comme  il  fait 
l'analyse  de  ce  morceau  : 

Tu,  toi,  Arbaie,  revois  enfin  après  un  an,  7/101, 
tu  ne  vois  plus  moi,  comme  lu  vis  autrefois  moi, 
cet  heureux.  Milhridate,  lequel  Mithridate,  ba- 
lançant toujours  le  destin  de  Rome,  tenait  l'uni- 
vers incertain  entre  elle  et  moi.  L'analyse,  conli- 
nuo-l-il,  n'amène  pas.  lequel  moi  tenais,  donc 
ilnetaul  i)as  la  première  personne;  elle  amène 
lequel  Mithridate  tenait,  donc  il  faut  la  troisième 
personne. 

Quoi  qu'en  dise  ce  grammairien,  si  l'analyse 
amène /e5'j/<?Z  Mithridate,  elle  amène  lequel  moi 
Mithridate,  car  ce  Mithridate  n'est  autre  chose 
(pie  moi  qui  parle.  Cependant  je  pense  aussi 
()u'il  faut  la  troisième  personne,  et  que  Racine  a 
û\x  tMva  tenait  entre  elle  et  moi,  cl  voici  mes 
raisons  :  Racine  suppose  ici  deux  moi;  le  pre- 
mier, qui  n'existe  plus,  é{vt\\.  cet  heureux  Mithri- 
date qui  balançait  le  destin  de  Borne;  le  second, 
(]u\  ne  ressemble  point  au  premier,  est  ce  moi 
Mithridate  7nalheurcu.v  que  tu  revois  et  qui  te 
parle.  Par  celte  explication,  les  mots  entre  elle  et 
moi  qui  viennent  après  tenait,  conviennent  à  la 
phrase,  c'est-à-dire  entre  elle  et  ce  moi  heureux 
qui  «'cart5/ep/i/5.Danslc  système  de  Domergue,  il 
fàmlraiH  entre  elle  et  lui.  On  ignores!  Racine  amis 
tenais  ou  tenait.  Il  y  a  des  éditions  OÙ  on  lit  le 
premier,  cl  d'autres  où  l'on  trouve  le  second. 
Voyez  Qui  que  ce  soit  à.  son  rang  alpiiabéiique. 

Quiconque.  Les  grammairiens  niellent  ordi- 
nairement ce  mol  au  nombre  des  pronoms  indéfi- 
nis. C'est  un  nom  qui  ê(]uivaut  à  tmit  homme 
qui.  On  pourrait  l'appeler  nom  conjonctif,  à 
cause  de  ce  qui,  lequel  sert  à  joindre  à  l'idée  de 


QUI 

tout  homme,  une  proposillon  incidenic  détermi- 
native  :  Ji'  dis  ù  i]uicoiuiUC  vciit  l'entendre , 
c'esl-à-ilire  à  tout  homme  qui  veut  l'entendre. 
On  voit  que  l'idée  d'/toz/iwc  est  la  principale  dans 
la  signillcalioii  de  quiconque,  et  par  conscqiîciit 
(jue  c'est  un  nom  coinnic  le  nom  homme. 

Celte  siirniliralioii  du  mot  quiconque  indique 
assez  qu'il  ne  peut  se  dire  ijue  des  personnes,  et 
qu'il  ire  peut  avoir  de  pluriel  :  Quiconque  flatte 
ses  maîtres  les  trahit  (Massillon,  Petit  Carême. 
Tentations  des  Grands,  2"  part. ,  t.  I,  p.  563.) 
Quiconque  est  capable  de  mentir  est  indigne 
d'être  compté  au  nombre  des  hommes.  (Féncl., 
Télcm..  liv.  III,  t.i,  p.  122.) 

Quand  quiconque  est  employé  dans  le  premier 
membre  d'une  i)hrase,  il  ne  doit  pas  être  rappelé 
dans  le  second  membre  par  le  pronom  il ,  et  l'on 
ne  doit  pas  dire  quiconcpie  a  dit  cela,  il  n'a  pas 
dit  la  vérité.  I.a  raison  en  est  sensible.  C'est  que 
quiconque  renferme  non-seulement  un  nom,  tout 
homme,  mais  encore  un  adjectif  conjonctit'(]ui  lie 
ce  nom  a  la  proposition  suivante  :  Quiconque  a 
dit  cria,  c'est  tout  homme  qui  a  dit  cela;OT,  on 
ne  dirait  pas,  tout  homme  qui  a  dit  cela,  il  n'a 
pas  dit  la  vérité. 

Cependant  Massillon  avait  coutume  de  mettre 
ce  pronom  /Z  après  quiconque,  lorsque  le  second 
verbe  en  Olail  un  peu  ckdgiié  :  Quiconque,  fût-il 
maître  de  l'utiirers,  s'eloiijne  de  la  règle  et  de  la 
sagesse,  il  s'éloigne  du  seul  bmheur  oii  l'homme 
puisse  aspirer  sur  1(1  terre  [Petit  Carême.  Sur 
le  malheur  des  grands  qui  abandonnent  Dieu. 
3'  réflexion,  t.  I,  p.  5'76.)  C'est  une  faute  que  l'on 
doit  éviter. 

Ordinairement  quiconque  est  du  masculin; 
mais  quand  il  a  un  rajiijort  précis  à  une  femme, 
l'adjectif  (]ui  le  suit  doit  être  mis  au  féminin.  Il 
faut  donc  dire,  en  parlant  à  des  femmes,  qui- 
conque de  vous  sera  assez  hardie  pour  médire 
de  moi,  Je  l'en  ferai  repentir.  C'est  une  décision 
de  l'Académie. 

Régnier  Desmarais  pense  avec  raison  que  ce 
ipii  donne  lieu,  dans  cet  exemple,  à  mettre  au  fé- 
minin l'adjcclif  dont  quiconque  est  suivi,  c'est 
que  ce  mot  n'est  plus  employé  indéfiniment,  et 
qu'il  est  restreint  et  déterminé  par  de  vous. 

Quidam,  Qcidane.  Subst.  On  prononce  kidan. 

QuiNCAiLLERic.  Subst.  f.  Trévoux  et  Restant 
écrivent  clincaillerie;  mais  aujourd'hui  on  dit  et 
on  écrit  généralement  quincaillerie,  conformé- 
ment à  l'élymologie  En  effet,  quincaillerie  vient 
du  latin  5f!/(W(7Me,  qui  veut  dire  cty^g-,  parce  qu'an-' 
ciennement  on  prélevait  un  droit  exorbitant  à 
chaque  vente  de  marchandises;  on  en  exceptait 
seulement  les  objets  au-dessous  de  cinq  sous, 
qu'on  a  appelés,  à  cause  de  cela  sans  doute, 
quincaillerie. 

Ql'indécagone.  Subst.  m.  Prononcez  cuindéca- 
gone. 

QciiNDÉcr.Mvins.  Subst.  m.  plur.  On  prononce 
cuindéceinvirs. 

Quinquagénaire.  Adj.  des  deux  genres.  On  pro- 
nonce cuincouagénaire.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  homme  quinquagénaire,  une  femme 
quinquagénaire . 

Qdinquagéslml-.  Subst.  f.  On  prononce  cui/i- 
couagésime. 

Quinquennat-,  Quinquennale.  Adj.  On  prononce 
cuincuennal.  Il  ne  se  met  qu'ai)rés  son  subst.  : 
Magistrat  quinquennal,  fêtes  quinquennales, 
jeux  quinquennaux. 

Quinquennium.  Subst.  m.  On  prononce  cuin- 
cuennium: 


QL'O 


60  i 


QuiNQUERCE.  Subst.  m.  Oh  prononce  cuin- 
cucrce. 

QuiNQuÉr.icME.  Subst.  f.  On  prononce  cuincué- 
rème. 

QuiNTKTTO.  Subst^m.  On  prononce  cuin.  Terme 
de  musitpie  emprunté  de  l'italien,  il  fait  au  plu- 
riel quintetti  (Acad.,  1835). 

QuiNTF.ux,  QuiNTEusi:.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  cl  l'ana- 
logie :  Un  homme  quinteux,  une  femme  quin- 
tcuse ,  une  humeur  quinteuse,  cette  quinieuse 
h'imeur. 

(JuiNTir,,  QuiNTiLE.  Adj.  Terme  d'astronomie. 
Ou  prononce  cuintil.  Il  se  met  avant  son  subst.  : 
Qiiintil  aspect. 

Quintuple.  Adj.  et  subst.  On  prononce  cuin^ 
tiiple.  Comme  adj.,  il  se  met  après  son  subst.- 
f^ingt  est  quintuple  de  quatre. 

Quinze.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  Il  se 
met  avant  son  subst.  :  Quinze  hommes,  quinze 
femmes,  quinze  chevaux,  quinze  arbres,  quinze 
jours. 

QuiNzii-.ME.  Adj.  des  deux  genres.  Nombre 
d'ordre.  Il  se  met  avant  son  subst.  :  Au  quinzième 
jour,  au  quinzième  mois. 

Quiproquo.  Subst.  m.  Mot  emjjrunté  du  îalin, 
qui  ne  prend  point  de  ^au  pluriel. 

Qui  que  ce  soit.  Expression  qui  s'emploie  seu- 
lement en  parlant  des  personnes,  au  masculin  sin- 
gulier, avec  ou  sans  négation,  avec  ou  sans  pré- 
[wsition. 

Employé  sans  négation,  qui  que  ce  soit  sipi- 
fie  la  même  chose  que  quiconque,  ou  quelque per- 
sonne  que  ce  soit  :  A  qui  que  ce  soit  que  nous 
parlions,  nous  devons  être  polis.  Qui  que  ce  soit 
qui  me  demande,  dites  que  je  suis  occupé. 

Employé  avec  une  négation,  il  signitic persontie, 
ou  aucune  personne.  Je  n'envie  la  fortune  de  qui 
que  ce  soit.  On  ne  doit  jamais  mal  parler  de  qui 
que  ce  soit  en  son  absence. 

Quitte.  Adj.  des  deux  genres.  Une  se  met  qu'a- 
près son  subst.  ;  Je  suis  quitte. 

Quoi.  Adj.  conjonctif  qui  ne  se  rapporte  jamais 
qu'à  un  nom  sous-entendu.  Quand  on  dit  :  à  quoi 
vous  occupez-vous  f  c'est  comme  si  l'on  disait  : 
à  quelle  chose  vous  occupez-vous?  Quoi  es!  en- 
tièrement l'équivalent  de /e7i/e/  ou  laquelle.  C'est 
un  adjectif  qui  est  le  même  pour  les  deux  genres, 
et  il  faut  suppléer  chose  ou  tout  autre  nom. 

Ah  !  combien  ces  moments  de  quoi  tous  me  flaUez, 
Alors  pour  mon  supplice  auraient  d'éternités  ! 

(Cor.,  Uêracl.,  act.  III,  se.  i,  129.) 

A'oltaire  a  dit,  à  l'occasion  de  ces  vers,  remar- 
quez ([u'on  ne  peut  i)as  dire  :  ces  moments  de 
(\uo\vousme  flattez;  cela  n'est  pas  français;  il 
faut  dire  :  ces  moments  dont  vous  me  flattez. 
[Remarques  sur  Corneille.) 

Quoi,  suivi  d'unque  qui  en  est  séparé, ne  doit 
l)as  être  confondu  avec  quoique  conjonction. 
Quoique  s'écrit  toujours  en  deux  mots  quand  il 
sigiiilie  quelque  chose  que.  On  dit  en  p.ose,  quoi 
que  vous  disiez,  pour  quelcjuc  chose  <iuc  vous 
disiez.  Mais  en  vers,  celte  expression  est  un  peu 
dure.  L'Académie  l'a  blâmée  autrefois  dans  ce 
vers  de  Corneille  (Cid,  act.  III,  se.  m,  27)  : 

El  quoi  que  mon  amour  ait  sur  moi  de  pouvoir. 

Cette  critique  n'a  pas  empêché  "Voltaire  de  dire 
dans  Mahomet  (act.  III,  se.  m,  52)  : 

Quoi  que  la  Toii  du  ciel  ordonne  de  Séide. 


602 


R 


lîi  dans  les  Pélopides  (act.  I,  se.  i,  67)  : 

Nouj  raisoni  nos  destins;  quoi  que  tous  puistict  dire, 
L'homme  par  sa  raison  sur  l'honime  a  quelque  empire, 

Boilcau  a  dit  aussi  [Art poétique,  I,  KilJ  : 

Sans  la  langue,  en  un  mol,  l'auteur  le  plus  divin 
Est  toujours,  qvoi  qu'il  fasse,  un  méchant  ocriTain. 

Et  Thomas  Corneille  {Festin  de  Pierre,  act.  I, 
se.  1, 1)  : 

Quoi  qu'en  dise  Arislole  et  sa  docte  cabale, 
Le  tabac  est  divin  ,  il  n'est  rien  qui  l'égale. 

De  quoi  a  un  ufage  étendu  ,  et  l'on  s'en  sert 
l)Our  siiTiiifier  le  moyen,  la  faculté,  la  matière,  en- 
fin tout  ce  qui  est  nécossuire  ou  convenable  pour 
la  chose  dont  il  s'agit.  Dans  ce  sens,  on  l'emploie 
sans  aucune  iiégaiion.  Doitnez-moide  quoi  écrire. 
Nous  avons  de  (pioi  nous  amuser.  Voyez  Quoi 
que  ce  soit,  à  son  ranç  alphabétique. 

Quoique.  Conjonction.  11  signifie  encore  que, 
lien  que,  s'écrit  en  un  seul  mol,  et  régit  toujours 
le  subjonctif:  Quoiquil  so'ii  pauvre ,  quoiqu'il 
ait  déclaré.  On  dit,  quoique  peu  riche,  il  est  gé- 
néreux ;  mais,  dans  le  premier  membre  de  celle 
phrase,  il  y  ;i  ellipse.  C'est  comme  si  Ton  disait 
quoiqu'il  soit  peu  riche. 

Quoique  ne  doit  point  s'unir  à  des  participes 


R 

présents.  On  ne  dira  donc  pas  quoique  n'ayant 
pu  le  voir...  11  ne  doit  pas  mm  plus  régir  des  pa»- 
licipes  passes  privés  du  verbe  auxiliaire  :  Quoi- 
que accouturnés  aux  excès  d'aiiibitinn,nous  n'u- 
voiis pas  vu  sans  surprise  etc.;  il  fallait,  quoi- 
que nous  soyons  accoutumés,  c[<\  —  l,ûrs(ju''un 
membre  d'une  période  commence  par  quoique,  et 
que  le  commencement  du  second  membre  exige 
la  même  idée,  il  ne  faut  pas  répéter  quoique  a  ce 
second  membre,  mais  mettre  171/e  à  la  place.  Quoi- 
que Dieu  soit  bon,  et  qu'i7  soit  t  nijours  prêt  à 
recevoir  les  pécheurs  à  repcntunce ,  cepen- 
dant, etc. 

Il  ne  faut  pas  confondre  la  conjonction  quoique 
avec  quoi  que  qui  s'écrit  en  deux  mots.  Voyez 
Quoi. 

Quoi  que  ce  soit.  Expression  qui  se  dit  seule- 
ment des  choses  au  masculin  singulier,  arec  ou 
sans  négation,  avec  ou  sans  préposition. 

Sans  négation,  il  signifie  la  même  chose  que 
quelque  chose  que.  Quoi  que  ce  soit  qu'elle  dise, 
elle  ne  me  persuadera  pas. 

Avec  une  négation,  il  signifie  rien.  Quelque 
mérite  que  l'on  ait,  on  ne  peut,  si  l'on  n'a  ni 
bonheur  ni  protection ,  réussir  à  quoi  (|ue  ce 
soit.  (Girard.)  Ceux  qui  ne  s'occupent  àijuoi  (lue 
ce  soit  de  bon  et  d'utile  me  paraissent  fort  mé- 
prisables. 

Quotidien,  Quotidienne.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Pain  quotidien,  fièvre  quo- 
tidienne. 


R. 


1\.  Subst.  m.  On  prononce  re.  C'est  la  dix-hui- 
tième lettre  de  l'alphabel,  et  la  quatorzième  des 
consonnes.  Elle  est  du  nombre  de  celles  que  l'on 
nomme  liquides,  parce  quelles  se  lient  aisément 
avec  les  consonnes  muettes  dans  une  même  syl- 
labe, comme  on  voit  dans  branche,  crainte, 
France,  grandeur,  travail,  elc. 

Le  son  propre  et  naturel  de  r  est  re,  comme 
dans  ragoût,  règle,  rivage,  rouge.  — R,  au 
commencement  et  dans  le  ruurs  d'un  mot,  se 
prononce  toujours  sans  variation  dans  le  discours 
soutenu  ;  iLais  dans  la  conversation,  sa  prononcia- 
tion est  Irès-adoucie  dans  notre,  votre  avant  une 
consonne,  excepté  dans  Notre-Dame  (  la  sainte 
Vierge).  Mais  il  reprend  sa  prononciation  ordi- 
naire dans  ces  deux  mots,  s'ils  sont  suivis  d'une 
voyelle,  uu  précèdes  de  l'article.  Ainsi  dansto/rc 
ami  et  le  notre,  la  lettre  r  a  le  son  qui  lui  est 
propre. 

li  final  se  fait  entendre  dans  les  monosyllabes 
fer,  tuer,  cher,  nr,  mur,  sieur.  On  ne  le  prononce 
pas  dans  monsieur.  —  i?  se  fait  entendre  dans  la 
terminaison  er,  immédialement  précédée  de  m,  f, 
ouv,  comme  dans  enfer,  amer,  hiver;  dans  belvé- 
der,  cancer,  cuiller,  étiier,  fier,  frater,  gaster, 
hier,  iiiagster,  pater,  et  dans  les  noms  pruprcs, 
Jupiter,  Eslher,  Munster,  le  Niger;  dans  les 
mots  en  ir,  plaisir,  hdsir,  repentir. —  ISIais  il  ne 
se  prononce  pas  a  la  lin  des  substantifs  polysyl- 
labes en  ier,  comme  dans  officier,  sommelier, 
teinturier,  que  l'on  prononce  officié,  sommelié, 
teiniurié,  etc.  lien  est  de  même  dans  les  adjec- 
tifs polysyllabes  en  ier,  comme  entier, particu- 
lier, singulier,  etc.  —  7J  ne  se  pnmonce  pas  à  la 
fin  des  mots  polysyllabes  en  cr  où  cette  finale 
n'est  pas  innnedi'atêinenl  précédée  de  f,  m  ou  v. 


comme  dans  rfa/!_5rej',  verger,  etc.  —  R  ne  se  fait 
point  scnlir  dans  les  infinitifs  en  er,  quand  ces 
infinitifs  ne  sont  pas  suivis  d'une  voyelle.  H  veut 
aimer,  il  veut  danser,  on  prononce  aimi ,  dansé. 
On  lit  dans  plusieurs  grammaires,  qu'on  ne  pro- 
nonce pas  non  plus  le  r  de  ces  mots  dans  la  con- 
versation familière,  lorsqu'ils  sont  suivis  d'un* 
voyelle  ;  mais  c'est  une  erreur.  On  ne  dit  pas 
aimé  II  boire,  mais ai//;er  à  boire.  Il  faut  observer 
seulement  que  !'<?  est  peu  ouvert.  —  On  soumet 
dans  les  mêmes  granunaires,  aux  mêmes  règles, 
les  infinitif  termmés  en  ir,  et  l'on  prétend  qu'il 
faut  prononcer  je  vais  veni,'du  lieu  lic  je  vais 
venir  ;  venià  ses  fins,  au  lieu  devenir  à  ses  fins. 
Quelques  gens  du  peuple  peuvent  prononcer 
ainsi  ;  mais  ce  n'est  pas  l'usage  parmi  les  gens 
instruits. 

Lorsque  la  lettre  r  est  jiedoublée,  on  n'en  pro- 
nonce ordinairement  qu'une,  comme  dans  par- 
rain, marraine,  carrosse,  etc.  Seulement  ces 
deux  r  rendent  la  voyelle  précédente  plus  Vm- 
gue  ;  et  si  c'est  la  voyelles,  on  la  prononce  plus 
ouverte,  comme  dans  guerre,  tonnerre.  Cette 
règle  est  sujette  à  quelques  exceptions  que  voici. 
Les  deux  r  se  prononcent  dansei-rala,  errer,  er- 
rojié,  abhorrer,  concurrent,  interrègne,  narra- 
tvm,  terreur,  torrent;  —  dans  la  plupart  des 
mots  qui  commencent  par  ir,  comme  irrégulier, 
irrévocable,  irréfragrable,  ClC.  ;  —  dans  les  fu- 
turs, les  conditionnels  des  vcrhcs  mourir ,  acqué- 
rir, courir:  je  mourrai,  je  mourrais;  f  acquer- 
rai^ j  acquerrais;  je  courrai,  je  c"urrais. 

Rli  ne  se  prononce  i)as  autrement  (pie  le  r  sim- 
ple. Rhéteur,  rliume,  rliythme,  se  prononcent  ré- 
leur,  ruuie,  rythme. 

R  est  l'expression  abrégée  du  mot  révéï-endi 


RAC 

R.  P.,  révérend  père.  —  Dans  les  auteurs  du 
siècle  de  I.ouis  XIV  on  rencontre  assez  souvent 
l'abrévinlion  suivante  :  B.  P.  R.  qui  sigiiKic  :  re- 
ligion prétendue  réformée.  — Dans  le  commerce 
R.  signilie  remise,  reçu,  etc.  R"  signilie  recto.  — 
R  est  la  marque  de  la  monnaie  frappée  à  Or- 
léans. 

Rabâcher.  V.  n.  de  la  If'conj.  Quelques  écri- 
vains le  font  quel<]uefois  actif;  et  l'on  dit  dans  !a 
conversation  qu'w/i  homme  rahàche  loujottrs  la 
■même  chose. 

Rabaciiebie  Subst.  f.  Mot  nouveau  que  J.-J. 
Rousseau  a  employé  :  Je  me  souviens  d'avoir  ja- 
dis rencontré  sur  mon  chemin  cette  question  de 
l'oriçiine  du  mal,  et  de  l'avoir  effleurée;  bon 
Jeune  homme  et  qui  me  paraisses  bien  né,  vous 
n'aurez  point  lu  ces  rabàcheries  ;  moi  je  les  ai 
oubliées,  et  nous  avons  très -bien  fuit  tous 
deux. 

Rabat.  Subst.  m.  Le  t  ne  se  prononce  que  de- 
vant une  voyelle. 

Rabat-joie.  Subst.  m.  On  dit  au  pluriel  des  ra- 
lat-joie  sans  s.  La  pluralité  tombe  sur  le  mot 
sous-entendu  qui  exprime  la  chose  qui  rabat  la 
joie. 

Rabattre.  V.  a.  delà  4*  conj.  Il  se  conjugue 
comme  battre.  Voyez  ce  mot. 

Raboied.x,  Rabotedse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Du  bois  raboteux,  des  chemins 
raboteux,  une  allée  raboteuse. 

Racaille.  Siil)st.  f.  Expression  familière  et  in- 
jurieuse par  laquelle  on  désigne  les  gens  de  la  po- 
pulace qui  joignent  des  mœurs  déréglées  et  des 
inclinations  basses  à  une  misère  qui  prend  sa 
source  dans  la  l'ainéaniise  et  les  vices  les  plus 
honteux. 

Il  ne  faut  pas  confondre  ce  mot  avec  celui  de 
canaille,  qui  ne  désigne  que  la  bassesse  de  cœur 
et  l'absenc"  de  tout  sentiment  d'honneur  et  d'hu- 
manité, abstraction  l'aile  de  la  condition  et  de  l'é- 
Jat  de  ceux  à  qui  on  les  applique.  La  racaille 
n'existe  que  dans  la  classe  la  plus  misérable  du 
peuple  ;  la  canaille  se  trouve  dans  toutes  les 
classes  de  la  société,  à  la  cour  comme  à  la  ville, 
parmi  les  riches  comme  parmi  les  [lauvres,  mais 
moins  dans  la  classe  moyenne  qu'ailleurs. 

La  ca/ioîV/e sacrifie  tout  à  sacujiidité;  elle  vend 
sa  conscience,  ses  oi)inions,  ses  suffrages  ;  elle  est 
fourbe,  avide,  sans  foi,  sans  probité,  sans  hon- 
neur, sans  pitié.  La  racaille  se  piait  dans  sa  bas- 
sesse; rien  nerhumilic;  elle  aime  mieux  souffrir, 
mendier  ou  voler  que  de  travailler. 

Rachetable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  siibst.  :  Une  renie  rachetable,  vue 
terre  rachetable. 

RAcnETKR.  V.  a.  de  la- 1''*  conj.  Il  se  conjugue 
comme  acheter.  Voyez  ce  mot. 

Rachitique.  Adj.  des  deux  genres.  On  pro- 
nonce rachitique,  rachitisme  et  rachilis,  et  non 
pas  rakitiqve,  etc. 

Racine.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  On 
donne  en  général  ce  nom  à  tout  mot  dont  un  autre 
est  formé,  soit  par  dérivation  ou  par  composition, 
.s«it  dans  la  méinc  langue  ou  dans  une  autre  lan- 
gue, avec  cette  différence  qu'on  peut  ajjpeler  ra- 
cine p-enoa/riccç,  les  mots  primitifs,  à  l'égard  de 
ceux  qui  en  sont  dérivés  ,  et  racines  élémen- 
taires, les  mots  simples,  à  l'égard  de  ceux  qui  en 
sont  composés. 

RacO'NTkr.  V.  a.  de  la  l'"  conj.  On  dit  racon- 
ter une  histoire,  raconter  vn  fait.  Delille  a  dit 
raconter  la  nuit,  pour  dire  raconter  les  événe- 
ments de  la  nuit.     {Enéide.  II,  5.) 


RAI 


605 


Reine,  de  ce  grand  jour  faut-il  troubler  les  charmes, 
Et  rouvrir  à  vos  yeux  la  source  de  nos  larmes? 
Vous  raconter  la  nuit,  re|iouvanlable  nuit 
Qui  ïitPergame  en  cendre,  et  aou  régne  détruit? 

Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  blâmer  cette  expres- 
sion en  vers. 

Radical,  Radicale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  -.f^^ice  radical,  (jnérisonradicale,  terme 
radical,  lettres  radicales,  pédoncules  radi- 
caux. 

Radicalement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  y  uéri  radicale- 
ment, ou  il  est  radicalement  guéri. 

Radieux,  IUdiedse,  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  substantif,  lorsque  l'analogie  et  l'har- 
monie le  permettent  :  Front  radieux,  soleil  ra- 
dieux, éclat  radieux,  ce  radieux  éclat;  l'aurore 
7'adieuse,  lu  radieuse  aurore.    Voyez  yJdjeclif. 

Radis.  Subst.  m.  On  ne  prononce  le  s  linal  que 
devant  une  voyelle,  ou  un  h  non  aspiré. 

Radius.  Subsl.  m.  On  [H'ononce  les  final. 

Radoub.  Subsl.  m.  On  jirononcc  le  b. 

Rafraîchissant,  Rafraîchissante.  Adj.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Remède  rafraîchissant, 
tisane  rafraîchissante. 

Rage.  Subst.  L 

Déployez  toutes  vos  ragea. 
Princes,  vents,  peuples,  frimas. 

(BoiL.,  Ode  sur  la  priée  de  IVamur,  SI.) 

Quoique  tous  nos  vieux  poètes,  dit  Saint-Marc, 
eussent  employé  ce  pluriel,  il  n'était  déjà  plus  en 
usage  quand  notre  poëte  composa  son  ode.  Je  ne 
lui  ferai  pourtant  pas  un  crime  de  s'en  éire  servi 
dans  cet  endroit  où  le  pluriel  me  paraît  bien  plus 
énergique  que  le  singulier. 

Le  sang  de  Polyeucte  a  satisfait  leurs  rages. 

(Corn.,  Pol.,  act.  I,  se.  m,  118.) 

liages,  dit  Voltaire,  ne  se  dit  plus  au  pluriel;  je 
ne  sais  pourquoi,  car  il  faisait  un  très-bel  effet 
dans  Malherbe  et  dans  Corneille  [Remarques  sur 
Corneille) . 

L'Académie,  en  iS35,  donne  les  exemples  sui- 
vants, qui  prouvent  que  le  pluriel  s'emploie  en- 
core dans  certains  cas  :  Cet  homme  est  tou- 
jours furieux,  ce  sont  des  raijes  continuelles.  H 
est  dans  une  rage  si  grande,  dans  des  rages  si 
graiides,  que. 

Ragot,  Ragote.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  homme  ragot,  une  femme  ra- 
gote. 

Ragoûtant,  Ragoûtante.  Adj.  tiré  du  v.  ra- 
gnûter.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
homme  ragoûtant,  une  femme  ragoûtante. 

Railler.  V.  a.  de  la  l'econj.  Onmouille  les  l. 

Raillerie.  Subst.  f.  Il  ne  faut  pas  confondre 
entendre  raillerie  Ci  entendre  lu  raillerie.  L'un 
signilie  prendre  bien  ce  (ju'on  nous  dit;  l'aulre, 
entendre  l'art  de  railler. 

Railleur,  Railleuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
aiirès  son  subst.  en  consultant  l'oreille  et  l'analo- 
gie :  Un  homme  railleur,  une  femme  railleuse , 
I  11  esprit  railleur,  un  caractère  railleur,  u7ie 
humeur  railleuse.  Cette  i-ailleuse  humeur  lui 
attira  bien  des  ennemis.  Voyez  Adjectif. 

Raisonnable.  Adjectif  des  deux  genres.  Il  ne 
se  met  ([u'après  son  substantif:  Un  homme  rai- 
sonnable, une  femme  raisonnable,  une  taille 
raisonnable,  un  pri.T  raiso/inab!e. 

Raisonnablement.  Adv.  On  peut  lemettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  parlé  raisonnable- 


mi 


RAN 


m*nt,OU  il  a  raisonnablement  parlé.  —  Il  SC  met 
avant  rmijcrlif  qu'il  modifie  :  Sa  maison  est  rai- 
sonnablement grande,  cette  femme  est  raisonnct- 
l'ienient  laidi'. 

•Raisonsk.  Siibsl.  m.  On  ne  trouve  ce  mol  dans 
aucun  dictionnaire.  M.iis  il  serait  difficile  de  s'en 
(tasser  pour  exprimer  l'idée  de  Voltaire  dans  les 
exemples  suivants  :  //  y  avra  toujours  de  l'es- 
prit dans  la  nation  ;  il  y  aura  du  raisonne ,  et 
malheureusement  beaucoup  trop,  etc.  —  Il  y 
a  des  vers  heureux  dans  Corneille ,  des  vers 
pleins  de  force,  tels  que  Rotrou  en  faisait  avayit 
lui,  et  vicnic  plus  nerveux  que  ceux  de  Botrnu . 
Il  y  a  du  raisonné  ;  mais,  en  venté ,  il  y  a  bien 
rarement  de  la  terreur  ou  de  la  pitié,  qui  sont 
l'âme  de  la  vraie  tragédie.  —  Je  prie  mon- 
sietir  N.  de  conserver  sa  bienveillance  pour 
celui  qui  n'est  ni  Pierre  (Corneille),  ni  Jean 
(Racine)  ;  qui  n'aime  point  du  tout  le  l'aisonné  de 
Pierre,  et  qui  n'approche  point  du  sentiment  de 
Jean. 

Raisonnecr.  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme,  on  dit  raisonneuse.  —  Ce  mot  se  prend 
aussi  adjectivement.  On  dit  :  Un  valet  raison- 
neur, vn  enfant  raisonneur.  On  est  épouvanté 
de  voir  jusqu'à  quel  point  notre  siècle  raisonneur 
n  pousse,  dans  ses  maximes,  le  mépris  des  de- 
voirs du  citoyen.  (J.-J.  Rousseau.) 

Rajeunir.  V.  a.  et  n.  de  la  2^  coni.  On  dit 
d'un  homme  (\u'il  a  rajeuni  et  qu'il  est  rajeuni. 
Par  la  première  expression,  on  peut  indiquer  l'ac- 
tion progressive  du  rajeunissement  ;  par  la  se- 
conde, l'état  qui  résulte  de  cette  action. 

Rallc.mer.  V.  a.  de  la  î"  conj.  Voltaire  a 
employé  ce  mot  dans  une  acception  qui  ne  se 
trouve  point  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  : 

La  fière  ambition  qu'il  renferme  dans  l'âme, 
Alt  flambeau  de  Taraourpeut  rallumer  sa  flamme. 
(Volt.,  Brutus,  acl.  III,  se.  ii,  61.) 

On  peut  employer  ce  verbe  au  figuré  dans 
toutes  les  occasions  où  la  chose  pourra  se  compa- 
rer au  l'eu  et  à  son  action. 

*RA3iENTEVF,ri,  au  licu  de  ramentevoir.  Vol- 
taire s'est  servi  de  ce  mot  en  plaisantant  :  Comme 
les  vieillards  aiment  à  conter,  et  même  à  répé- 
ter, je  viius  ramenteverai,  et  nous  vous  ramenle- 
vons  zci  qti  il  y  a  six  semaines  que  nous  prîmes 
la  liberté  de,  etc. 

Ramedx,  Ramecse.  Âdj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst  :  Une  plante  rameuse,  les  cornes  ra- 
meuses d'un  cerf 

Rampa>t,  Rampante.  Adj.  verb.  tiré  du  v. 
ramper.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Ani- 
mal rampant,  insecte  rampant,  yjïante  ram- 
pante. —  Style  rampant. —  Un  homme  rampant, 
■un  caractère  rampant,  une  conduite  rampante. 

Range.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst  :  Du  lard  rance. 

Rancdne.  Subst,  f.  Ce  terme  est  banni  du  style 
noble. 

Ranccsier,  RANCONiÈr.E.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analo- 
gie :  Un  homme  rancunier,  une  femme  rancu- 
nière, un  esprit  rancunier,  une  humeur  rancu- 
nière ;  cette  rancunière  humeur. 

Quelques-uns  disent  rancuneux,  rancuneuse, 
et  on  le  trouve  <lans  un  dictionnaire  moderne. 
C'est  un  mot  q\ie  le  bon  usage  n'approuve  point. 

Rang.  Subst.  m.  Mettre  au  rang.  Voyez  comp- 
ter. 

Ranger.  V.  a.  delà  l'c  conj.  Dans  ce  verbe. 


RAP 

le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  ji;  et  pour 
lui  conserver  celte  prononciation  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o  •  Je  rangeai,  raw/cons,  et  non 
J)as  je  rangai,  rangons.  L'Académie  dit  :  Se 
ranger  du  parti,  du  côté  de  quelqu'un.  Racine 
a  dit  :  Ranger  tous  les  cœu7S  dupurti  des  larmes 
de  quelqu'un. 

J'irai  semer  partout  ma  crainte  et  ses  alarme-. 
Et  ranger  tous  les  cicurs  du  parti  de  et»  lartnct. 
{Britan.,  act.  III,  se.  V,  29.; 

Se  ranger  du  parti,  du  côté  de  quelqu'un,  c'est 
embrasser  le  |)arli  de  quelqu'un  ;  se  jauger  a 
Vuvis,  à  l'opinion  de  quelqu'un,  c'est  déclarer 
qu'on  est  de  l'avis,  de  l'opinion  de  quelqu'un. 
Racine  a  dit  {Androm.,  act.  IV,  se.  i,  61)  : 

Fais-lui  Taloir  l'hymen  où^'e  me  suit  rangée. 

Cette  expression,  qui  d'ailleurs  pourrait  déplaire, 
est  belle' ici,  parce  qu'elle  fait  sentir  iju'Andro- 
maque  n'a  consenti  que  malgré  elle  a  cet  hymen. 
Ranimer.  V.  a.  de  la  i'^  conj.  L'Académie  n'a 
pas  dil  ranimer  les  esprits. 

Sa  vue  a  ranimé  mrs  esprits  abattus. 

(Rac,  Àth.,  act.  II,  se.  V,  5t.} 

Rapace.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'a- 
nalogie :  Un  animal  rapace  ;  u?i  homme  rapace. 
"Voyez  Adjectif. 

Rapide.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  assez 
souvent  le  meure  avant  son  swhsi.  :  Mouvement 
rapide,  ce  rapide  mouvement;  une  expédition 
rapide,  cette  rapide  expédition  ;  des  progrès  ra- 
pides, de  rapides  progrès.  Voyez  Adjectif. 

Rapidement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  cl  le  participe  :  Le  temps  s'est  écoulé 
rapidement,  ou  le  temps  s'est  rapidement  écoulé. 

RAPiÉCEr.,  IlAPn';cETrn,r«APETASSE!î.  Verbes  ac- 
tifs de  la  1'"  conj.  On  cmjiloic  souvent  indiffé- 
remment ces  trois  mots,  (]ui  cependant  présentent 
des  différences  assez  sensibles.  Rapiécer,  c'est 
mettre  des  pièces  ou  remettre  une  pièce  ;  rapié- 
ceter,  c'est  remettre  de  nouvelles  pièces,  ou 
mettre  beaucoup  de  petites  pièces;  rapetasser, 
c'est  raccommoder  grossièrement  de  vieilles  bar- 
des, y  mettre  des  pièces.  On  rapièce  un  bas,  du 
linge,  un  rideau,  auquel  on  met  proprement  une 
pièce.  On  rapiécète  le  linge,  les  vêlements,  les 
meubles  que  l'on  rapièce  souvent,  et  où  l'on  ne 
voit  que  pièces  et  petites  pièces.  On  rapetasse  les 
vieilles  hardes  qui  ne  sont  plus  que  des  lambeaux 
cousus  ensemble,  ou  appliqués  les  uns  sur  les 
autres. 

Rappeler.  V.  a.  de  la  d"conj.  On  double  la 
lettre  /  dans  les  temps  de  ce  verbe  où  cette  lettre 
est  suivie  d'un  e  muet  :7e  rappelle,  je  rappelle- 
rai, il  rappellera,  il  rappellerait.  On  ne  met 
qu'un/  lorsque  celle  leitre  est  suivie  de  toute 
autre  lettre  qu'un  c  muet  :  Je  rappelais,  j'ai 
rappelé,  ils  rappelèrent. 

Je  me  rappelle  dr  cela,  je  m'en  rappelle,  sont 
des  locutions  vicieuses;  car  elles  signifient  l'une 
et  l'autre,  je  rappelle  à  moi  de  cela.  Or,  à  moi 
et  de  cela  sont  deux  régimes  indirects,  et  c'est  un 
principe  consacré  par  l'usage,  que  l'on  ne  doit  pas 
donner  à  un  verbeaclifdcux  régimes  soiiibiMbles. 
Pour  s'exprimer  correclemenl,  il  faut  dire,  je  me 
rappelle  cela,  je  me  le  rappelle.  Alors  le  verbe 
rappeler  i^irouvc  accompagne  du  régime  direct 


UAP 

tio,  et  du  régime  indirect  ù  /«ot/cequi  estcon- 
torme  aux  règles  de  la  syniaxe. 

On  dit  cependant,  rappelé s-lui  d'aller  à  la 
lumpaqnc,  uKiis  ici  il  y  a  ellipse;  c'est  comme  si 
l'on  disait  rappelez-lui  une  c/iose,  savoir,  d'aller 
à  la  campagne;  et  d'aller  à  la  campagne  ne  doit 
pas  être  regarde  comme  un  régime  direct.  On  lit 
dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie, /<>  me  rappelle 
d'avoir  n/,  d'avoir /a/V;  il  y  a  aussi  ellipse  dans 
cet  exemple;  c'est  comme  s'il  y  avait  Je  me  rap- 
pelle l'acligli  d'avoir  vu,  d'avoir  fait.  Il  s'est 
rappelé  de  vous  aroir  vu.  (J,-J.  Rousseau, 
Héluïse.)  Nous  ne  nous  rappelons  pas  d'en  avoir 
été  privés.  (Condillac.) 

Rapport.  Subst.  m.  On  dit  qu'une  c/iose  a  rap- 
port à  une  autre  chose,  ou  qu'elle  a  rapport  avec 
une  autre  chose.  Une  chose  a  rapport  à  une 
autre  chose  (juand  l'une  conduit  a  l'autre,  ou 
parce  qu'elle  en  dépend,  ou  parce  qu'elle  en 
vient,  ou  parce  qu'elle  en  fait  souvenir,  ou  par 
quelque  autre  raison.  Les  sujets  ont  rapport  aux 
princes,  les  effets  au.T  causes,  les  copies  aux 
originaux. —  Une  chose  a  rapport  avec  une  autre 
chose  quand  elle  y  est  proportionnée,  conforme, 
semblable.  Une  copie,  en  termes  de  peintuie,  a 
rapport  avec  l'original,  si  elle  lui  ressemble, 
qu'elle  en  représente  tous  les  traits;  mais  bien 
qu'elle  soit  imparfaite,  elle  ne  laisse  pas  d'avoir 
rapport  à  l'original.  (Beauzée.) 

Par  rapport  à  est  une  expression  qui  tientlieu 
de  préposition,  et  qui  signifie  en  considération 
de,  en  vue  de.  J'ai  fait  cela  par  rapport  à  vous. 
Elle  ne  signifie  pas  pour  ce  qui  est  de,  quant  à 
ce  qui  regarde,  à  moins  que  ce  ne  soit  dans  des 
expressions  populaires  que  le  bon  usage  réprouve. 
On  ne  dit  pas  plus,  par  rapport  aux  héritiers, 
3e  vous  dirai  que,  que  l'on  ne  dit  je  n'ai  pas 
fait  cela  par  rapport  que, 

Rapport,  terme  de  grammaire.  Les  mots  ont 
rapport  entre  eux  lorsqu'ils  sont  liés  par  les  rè- 
gles de  la  construction,  lorsqu'ils  dépendent  les 
uns  des  autres,  lorsqu'ils  sont  subordonnés  les 
uns  aux  auircs.  Il  y  a  dans  toute  phrase  un  mot 
principal  auquel  tous  les  autres  ont  rapport.  Dans 
le  mensonge  est  une  chose  honteuse,  tous  les  mots 
de  la  phrase  ont  rapport  au  premier  mot,  c'est-à- 
dire  lui  sont  subordonnes  ;  c'est  le  mensonge  qui 
est,  c'est  le  mensonge  qui  est  une  chose,  c'est  le 
mensonge  qui  (!St  une  chose  honteuse  ;  et  outre  ce 
rapport  général,  chaque  mot  a  un  rapport  parti- 
culier à  un  autre  mot  de  la  phrase.  Est  a  un 
rapport  particulier  à  mensonge,  une  à  chose, 
honteuse  a  une  chose. 

Um  rapport  peut  être  régulier  ou  vicieux.  Il  est 
réguiiL-r  lorsqu'il  est  conforme  aux  vues  de  re- 
nonciation et  aux  règles  de  la  syntaxe.  Il  est  vi- 
cieux lorsqu'd  s'écarte  de  ces  vues  et  de  ces 
régies.  Un  rapport  est  vicieux  lorsqu'un  mot  se 
rapporte  à  un  autre  mot  auquel  il  ne  devrait  pas 
se  rapporter.  De  quoiles  juge.t  ri  étant  pas  d'a- 
vis, un  dépêr-ha  à  l'empereur  pour  savoir  le  sien. 
D'avis  étant  indéfini,  le  sien  ne  devrait  pas  s'y 
rapporter.  S'il  y  avait  les  juges  dirent  leur  avis, 
et  on  dépêcha  à  l'empereur  pour  savoir  le  sien, 
cela  serait  régulier,  et  le  sien  se  rapporterait  bien 
à  leur  avis,  qui  est  une  expression  définie,  déter- 
minée. —  Il  faut  dire  la  même  cliose  des  deux 
exemples  suivants  :  //  n'est  pas  d'humeur  à /"aù-e 
plaisir,  et  la  mienne  est  bienfaisante.  Que  j'ai 
de  joie  de  vous  revoir!  la  vôtre  n'en  approche 
point.  Si  l'on  avait  dit,  son  humeur  n'est  pas  de 
faire  plaisir;  que  ma  joie  est  grande  de  vous  re- 
voir !  on  aurait  pu  ajouter  régulièrement,  la  mienne 


RAS 


605 


est  bienfaisante,  la  vôtre  n'en  approche  point,  9n 
opposant  la  mienne  à  son  humeur,  et  la  vôtre  a 
ma  joie.  —  Voici  quelijues  autres  cxemplQK  : 
Pour  ce  qui  est  des  malheureux,  nous  les  secou- 
rons avec  un  plaisir  secret  ;  il  est  comme  le  prix 
qui  nous  paie  en  quelque  façon  du  soulagement 
que  nous  leur  donnons.  Il  ne  se  rapporte  pas 
bien  à  plaisir  secret;  il  fallait  mettre  gui.  La 
raison  en  est  (jue  il,  qui  commence  le  second 
membre,  doit  se  rapportera  quelque  idée  princi- 
pale déterminée,  exprimée  dans  le  premier  mem- 
bre; et  avec  un  plaisir  secret  n'est  qu'une  idée 
subordonnée.  La  phrase  serait  bonne  si  Ton  di- 
sait, le  plaisir  secret  de  secourir  les  malheureux 
est  bien  doux  ;  West  le  prix ,  etc.  Alors  il  se  raf>- 
porteraità  le  plaisir,  (\n\  est  l'idée  principale  du 
premier  membre.  —  Mette z-vioi^n  re\)Oi,  là-des- 
sus ;  car  cela  a  troublé  le  mien.  Ce  rapport  de  le 
vden  à  repos  n'est  pas  régulier,  parce  que  repos, 
d:u)s  le  premier  membre,  est  pris  dans  un  sens 
indéfini.  Si  la  cour  de  Rome  me  laissait  en  repos, 
je  ne  troublerais  ce\\i\  de  personne.  L'observatioa 
faite  sur  la  phrase  précédente  peut  s'appliquer  à 
celle-ci.  En  repos  est  une  expression  indétermi- 
née, et  celui  ne  peut  se  rapporter  qu'à  une  ex- 
pression déterminée.  Déterminez  le  substantif 
repos  en  le  faisant  précéder  d'un  prépositif,  et  le 
rapport  sera  régulier  :  Si  la  cour  de  Rome  ne 
troublait  pas  mon  repos,  je  ne  troublerais  celui 
de  personne. 

On  doit  éviter  de  faire  rapporter  un  mot  à  ce 
qui  est  dit  de  la  chose,  au  lieu  de  le  faire  rappor- 
ter  à  la  chose  même  dont  on  parle  principalement. 
On  ne  dira  donc  pas,  il  faut  que  la  conversation 
soit  le  plus  agréable  bien  de  la  vie,  mais  il  faut 
qu'W  ait  ses  bornes  ;  parce  que  conversation,  qui 
est  le  mot  principal  du  premier  membre,  a  un 
rapport  sensible  avec  le  sujet  du  second  membre, 
dans  l'ordre  de  la  phrase,  et  que  le  sujet  de  la 
seconde  proposition  devait  se  rapporter  à  ce  mot, 
etnonàîie?!,  qui  n'est  qu'un  terme  subordonné 
à  conversation.  Il  fallait  donc  dire  :  Il  faut  que 
la  conversation  soit  le  plus  agréable  bien  de  la 
vie,  mais  il  faut  çî;'elle  ait  ses  bornes,  faisant 
rapporter  le  pronom  à  conversation,  et  non  à 
bien. 

Rapprendre.  V.  a.  de  la  4"  conj.  11  se  con- 
jugue comme  prendre.  "V'oyez  ce  mol. 

Rapt.  Subst.  m.  On  prononce  le  t  final. 

Rare.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met  souvent 
avant  son  subst.:  Une  chose  rare,  un  oiseau  rare, 
une  médaille  rare,  un  livre  rare.  —  Un  rare 
exemple  de  vertu  ;  un  des  plus  rares  effets  de  lu 
■nature;  -une  beauté  rare,  une  rare  beauté  ;  un 
homme  d'un  rare  savoir,  d'un  rare  esprit,  d'un 
l'are  mérite. 

Avec  le  verbe  être  employé  impersonnellement, 
rare  régit  la  conjonction  que  et  le  subjonctif,  ou 
la  préposition  de  avant  l'infinitif  :  Il  est  rare 
qu'ii/i  excelle  sa?is  enthousiasme.  Il  est  rare 
qu'z7  s'élève  des  difficultés.  Il  est  rare  d'e.iceller 
dans  cette  science. 

Rarement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Cela  est  arrivé  rarement, 
ou  cela  est  rarement  arrivé.  On  dit  aussi,  rare- 
ment il  manqua  à  son  devoir. 

Rarissime.  Adj.  des  deux  genres.  Ce  mot  n'est 
pas  français;  mais  on  se  le  permet  quelquefois 
dans  la  conversation.  C'est  ce  qui  a  sans  doute 
engagé  l'Académie  à  l'insérer  dans  son  Diction- 
naire. 

Ras,  RisE.  Adj.  Il  se  met  ordinairement  après 


GOG 


RAS 


son  subst  :  Menton  ras,  tête  rase,  poil  rus,  re- 
lours  ras. 

On  ilil  en  rase  campagne,  en  piirlanl  de  l)a- 
laille,  de  coinbul.  //  ne  voulait  jamais  en  v^nir 
à  vu  engagement  en  rase  campagne. —  Hors  de 
l;i,  dil  l'ëiijud,  il  me  semble  (lUe  ruse  campagne 
n'esi  gii«Te  de  lusage  ncluel.  —  Cepomhml  l'A- 
eadcmie  dil,  mu  pied  de  cette  colline  est  une 
rase  campagne,  au  sortir  de  ce  parc  on  Iraiirela 
rase  campagne.  —  Nous  pensons  qu'il  f;iut 
prendre  le  milieu  entre  ces  deux  opinions.  Il 
nous  semble  que  rase  cnmpagne  jieul  se  dire 
louies  les  fois  que  la  phnise  indique,  |tai'  oppo- 
silion,  des  emhainis,  des  diflioulics  causées  par 
des  monla^nes,  des  rivières,  des  ravins,  des 
bois,  etc.,  soil  c|ii'on  parle  ou  non  de  bataille  ou 
de  combat.  Ainsi  des  voyageurs  dirent  fort  liien, 
selon  nous,  après  avoir  traversé  pendant  vingt 
juins  des  pays  inontagneux,  nous  trouvâmes 
enfin  la  rase  campagne.  Ainsi,  nous  ne  condam- 
nerons pas,  comme  Féraud,  celle  phrase  de  Roi- 
lin  :  Le  lieu  où  il  campait  était  une  campagiie 
rase  et  unie,  très-pri-pre  à  mettre  en  bataille ^tn 
corps  nombreux  de  ijcns  à  pied  pesamment  ar- 
mes. Quoique  leinotca^z/jotr  n'indique  pas  direc- 
tement l'idée  de  bataille  ou  de  combat,  cependant 
le  mol  rase  est  mis  ici  jiar  rapport  à  celte  idée, 
comme  on  le  voilpar  ce  qui  suit.  Mais  nous  ne 
croyons  pas  qu'on  puisse  dire  avec  l'Académie, 
au  pied  de  cette  colline  est  une  rase  campagne, 
ni,  au  sortir  de  ce  parc  on  trouve  la  rase  cam- 
pagne, parce  que,  dans  ces  phrases,  il  n'y  a  point 
d'opposition  entre  les  difficultés  des  pays  où  l'on 
trouve  des  montagnes,  des  rivières,  des  bois,  etc., 
e\.  ceux  où  un  terrain  plat  et  uni  n'offre  point  ces 
difficultés. 

Rasam,  Rasante.  Adj.  verbal  tiré  du  \.  raser. 
11  ne  se  met  qu'après  son  subst  :  Ligne  de  dé- 
fense rasante,  flanc  rasant,  feu  rasant. 

Rassasiant,  Rassasiante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
rassasier.  Il  ne  se  met  qu'après  sou  subst.  ;  Uji 
mets  rassasiant,  des  viandes  rassasiantes.  — 
F' raud  dit,  d'après  une  phrase  de  madaiiie 
LdCier,  qu'on  dit  poétiquement  des  flèches,  des 
traits,  qu'ils  se  rassasient  du  sang  des  combat- 
tants. Nous  neconscillons  de  faire  usage  de  cette 
métaphore  ni  en  prose  ni  en  vers. 

Rassembler.  V.  a.  de  la  jf  conj.  Ou  ne  trouve 
pas  dans  le  Dictionnaire  de  l'Acadcmle  de  défini- 
tion que  l'on  puisse  bien  appliquer  au  sens  que 
Voltaire  a  donné  à  ce  mol  dans  les  vers  suivants: 
{Sémiramis,  act.  III,  SC.  vi,  7). 

Princes,  mages,  guerriers,  soutiens  de  Babylone, 
Far  l'ordre  de  la  reine  en  ces  lieux  raasemblie. 

Rasseoir.  Y.  a.  n.  et  pronom,  de  la  3' conj. 
n  se  conjugue  comme  asseoir.  Voyez  ce  mot. 

Ra.-sis,  Kassise.  l'art,  et  adj.  On  trouve,  dans 
les  anciens  dictionnaires,  de  sang  rassis,  pour 
dire,  s;ins  être  ému,  sans  être  troublé.  1,' Aca- 
démie dit,  de  sens  rassis.  Nous  pensons,  comme 
Féraud,  qu'il  faut  dire  de  sens  rassis  quand  il 
s'agit  d'un  trouble  qui  est  dans  l'esprii;  cl  de  sang 
rassis  quand  il  s'agit  d'une  émotion  physi(iue. 
C'est  un  homme  qui  divague  sans  cesse,  il  nest 
jamais  de  sens  rassis. 

....  Foirs  de  sent  rassis. 
(BoiL.,  A.  P.,  II,  47.) 

H  est  duns  une  grande  colère,  il  faut  attendre 
pour  lui  parler  qu'il  siAt  do  sang  rassis. 


RAV 

Rassurant,  Rasscrante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  rassurer.  On  peut  le  mellrc  avant  son  subst., 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  Une  nourelle 
rassurante,  celte  rassurante  nouvelle;  aes pré' 
cautions  l'assurantes,  uni'  perspective  rassu- 
rante, ceiic  rassurante  perspective,  A  ..4djeclif. 

Rassurer.  V.  a.  de  la  J"  conj.  On  dil  ;  Rassu- 
rer quelqu'un,  rassurer  quelque  chose,  rassurer 
quelqu'un  duns  sa  foi.  hegnard  a  dit  dans  le 
Distrait  (Act.  IV,  se.  viii,  1)  : 

Je  veux  h  ra$6urer  de  ses  soupçons  jaloux. 

Féraud  observe  avec  raison,  au  sujet  de  ce 
vers,  qu'on  dil  guérir  les  soupçons  de  quelqu'un, 
et  non  pas  rassurer  quelqu'un  de  .tes  soupçons. 

Rat.  Subst.  m.  Le  t  final  ne  se  prononce  pas. 
Il  n'a  point  de  féminin  ;  on  ne  dit  pas  une  rate, 
mais  un  rat  femelle.  Cependant  La  Fontaine  a  dit, 
(L.  XII,  fab.  xxv,3U): 

Quelques  rates,  dil^on,  répandirent  des  hrmcs 

Mais  c'est  dans  le  style  badin. 

Rationnel,  Rationnelle.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst  :  Horizon  rationnel. 

Radqde.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
rharmonie  le  perinellcnl  :  Une  voix  rauque,  un 
son  rauque,  les  rauques  accents.  \0'^GZ  Adjectif. 

Ravager.  V.  a.  de  la  l'^  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  ^doit  toujours  se  prononcer  coinuiej;  et  pour 
lui  conserver  cette  prononciation  lorsqu'il  est 
suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet  avant 
cet  a  ou  cet  o  :  Je  ravageai,  ravageons,  et  non 
j);iS  :  Je  ravagui,  ruvagons. 

Ravir.  V.  a.  de  la  2^  conj.  Dans  le  sens  d'enle- 
ver de  force,  il  est  souvent  employé  dans  le  style 
noble  : 

La  mort  m'avait  ravi  les  auteurs  de  mes  jours. 

(Rac,  Esth.,  act.  1,  se.  1,  46.', 

Mais  que  t'a  fait  Alzire?  et  quelle  barbarie 
Te  force  à  lai  ravir  une  innocente  vie? 

(YoLT.,  Alz.,  act.  V,  se.  v,  6.) 

Delille  emploie  ce  mot  dans  une  acception  qui 
n'est  point  indiquée  dans  le  Dictionnaire  de  l'A- 
cadémie. 

Tout  à  coup  il  entend  mille  voix  gémissantes; 
C'étaient  d'un  peuple  enfant  les  ombres  innocentes. 
Malheureux  qui,  Qélris  dans  leur  première  lleur, 
A  peine  de  )a  vie  ont  goùti;  la  douceur, 
Et,  raui's  en  naissant  aux  baisere  de  leurs  mères. 
N'ont  qu'entrevu  le  jour  et  fermé  leurs  paupières. 
(ÉnÉiie,  VI,  543.) 

Ravir,  dans  le  sens  de  charmer,  transporter  de 
joie,  est  banni  du  style  noble. 

Un  si  glorieux  titre  a  de  quoi  me  ravir. 

(Corn.,  Sertor.,  act.  Il,  se.  Il,  78.) 

Le  mot  ravir,  dit  Voltaire,  est  trop  familier 
{Remarques  sur  Corneille.) 

El  se  laissant  ravir  à  l'amour  maternelle. 

(Corn.,  Hor.,  act.  I,  se.  i,  39.) 

Le  mol  de  ravir,  dans  le  sens  de  joie,  dit  Vd- 
laire,  ne  peut  se  construire  avec  la  préposition  à. 
On  n'est  point  ravi  à  quelque  chose.  C'est  un 
sol(';cisn)C  de  phrase.  {Remarques  sur  Corneille.) 
Être  ravi,  pour  être  aise,  se  dil  par  exagéra- 


REB 

tion  dans  le  style  fyinilier.  Il  régit  de  devant  les 
noms  et  les  verbes  :  Je  suis  ravi  de  ce  succès  ; 
je  suis  ravi  de  pouvoir  vous  rendre  ce  service. 
Il  régit  aussi  que  avec  le  subjonctif:  Je  suis  ravi 
que  nous  logions  ensemble.  On  se  sert  de  ce  der- 
nier toui-  quand  le  sujet  de  la  proposition  princi- 
pale n'est  pas  aussi  le  sujet  de  la  proposition 
subordonnée.  Dans  la  phrase  que  nous  venons 
de  rapporter,  ce  n'est  pas  je  qui  est  le  sujet  de 
■nous  logions,  mais  je  et  vous,  c'cst-à-dire  rious. 
Dans  je  suis  ravi  que  ma  présence  vmis  suit 
agréable,  ce  n'est  |>as,;V,  mais  ma  présence  qui 
est  le  sujet  du  verbe  de  la  phrase  subordonnée. 
-Mais  dansy^  .w/i's  ravi  de  vous  voir,  de  vous  en- 
tendre, les  verbes  voir,  entendre,  ont  un  rap- 
port direct  avec  je,  qui  peut  éire  considéré 
comme  le  sujet  de  ces  verbes,  car  c'est  comme 
s'il  y  avait,  je  suis  ravi  de  ce  que  je  vous  vois,  de 
ce  que  je  vous  entends. 

Il.\vlssA^T,  Ravissante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
ravir.  On  jieut  le  mettre  avant  son  siibst.,  en 
consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Un  hup  ravis- 
sant, des  animaux  ravissants.  Un  discours  ra- 
vissant,  uhe  beauté  ravissante,  celle  ravissante 
beauté. 

Ravoir.  V.  a.  et  défectueux  de  la  3°  conj.  Il 
n'est  d'usage  qu'à  l'infinitif  ravoir  :  Je  voudrais 
bien  ravoir  ce  que  je  lui  ai  donné. 

Rayo.n.nakt,  Rayo.nnante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  rayonner.  11  ne  se  met  guère  qu'après  son 
subst.  :  Un  visage  rayonnant.  Il  régit  quelque- 
fois la  préposition  de.  Son  visage  devint  tout 
rayonnant  dejnie.  (Marmontel.) 

Rayonner.  V.  n.  de  la  \"  conj.  L'Académie  ne 
le  dit  au  propre  ijue  du  soleil  :  Le  soleil  commen- 
çait à  rayonner  stir  la  cime  des  montagnes. 
Delille  a  dit  {Enéide,  II,  917)  : 

Sur  la  tête  l'Ascagne  une  flamme  rayonne. 

Re  ou  ré.  Particule  prépositive  qui  se  met  au 
commencement  de  certains  mots.  Souvent  un 
même  mot  reçoit  des  significations  très-diffé- 
rentes, selon  (ju'il  est  précédé  de  re  avec  l'e 
muet,  ou  de  ré  avec  l'e  fermé.  Bepondre,  c'est 
pondre  de  nouveau  ,■  répondre,  c'est  réjiliiiuer  à 
un  discours;  reformer,  c'est  former  de  nouveau  ; 
réformer,  (''est  donner  une  meilleure  forme;  i 
repartir,  c'est  répliquer,  ou  partir  pour  retour- 
ner; répartir,  c'est  distribuer  en  plusieurs  parts. 

RÉALISER.  V.  a.  de  la  1''  conj.  —  Kn  1835, 
l'Académie  donne  povir  exemple  :  Réalisez  vos 
promesses.  Voltaire  n'aimait  point  cette  expres- 
sion. Voyez  Lungue  française. 

Rébarbatif,  RÉBAr.BATivE.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst ,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  f^isage  rébarbatif,  mine  rébarbative, 
humeur  rébarbative,  cette  rébarbative  humeur. 

On  disait  autrefois rcôariarait/;  on  ne  dit  plus 
aujourd'hui  que  rébarbatif. 

Rebattre.  V.  a.  de  la  4*  conj.  Il  se  conjugue 
comme  battre.  Voyez  ce  mot. 

Rebelle.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  sujet  rebelle,  ces 
rebelles  sujets;  esprit  rebelle.  Il  régit  quelquefois 
la  préposition  à  :  Rebelle  au  roi,  rebelle  aux  lois. 

Rebeller,  se  Rtoeller.  V.  pronom,  de  la 
1'  conj.  L'Académie  le  met  comme  s'il  était  en- 
core en  usage. 

Je  dois  TODS  averlir,  en  sertiteur  fidèle. 
Qn'eo  sa  faveur  déjà  la  Tille  se  rebelle. 

(CoBM.,  PoJ.,act.  III,  se.  V,  77.) 


REC 


607 


Rebeller  ne  se  ilit  plus,  dit  Voltan'e,  et  devrait 
se  dire,  puisqu'il  vient  de  rebelle,  rébellion.  {Re- 
marques sur  Corneille.)  On  dit  aujourd'hui  5e 
révolter. 

Rebo.ndi,  Rebondie  Adj.  qui  ne  se  met  qii'a- 
prés  son  subst.  :  Desj„ues  lebnndies. 

Rebours.  Subst.  m.  qui  se  dit  principalement 
du  contre-poil  des  étoffes  :  On  prend  le  rebours 
des  étoffes  pour  mieu.v  les  nettoyer.  —  Ce  mot 
s'emploie  plus  ordinairement  au  ligure  pour  dire 
le  contre-pied,  le  contre-sens ,  tout  le  contraire 
de  ce  qu'il  faut  :  ^'ous  n'expliquez  pas  bien  cela  ; 
c'est  tout  le  rebours  de  ce  que  vous  dites.  Il  faut 
prendre  tout  le  rebours  de  ce  qu'il  dit.  Il  cSi 
familier. 

vJ  rebours,  au  rebours,  Sont  des  expressions 
adverbiales  qui  signifient  à  contre-sens,  à  con- 
tre-|)ied  :  Vergetcr  du  drap  à  rebntrs.  Il  fait 
tout  au  rebours  de  ce  qit'on  lui  dit. 

Au  rebours  se  dit  dans  le  style  marotique,  pour 
au  contraire.  J.-B.  Rousseau  l'a  employé  en  ce 
sens  dans  une  épigrainme  contre  les  journalistes 
de  Trévoux  : 

Petits  auteurs 

Vous  TOUS  luez  à  chercher  dans  les  nôtres  (dans  nos  ou- 
vrages) 
De  quoi  blâmer,  et  l'y  trouvez  très-bien  ; 
Nous,  au  rebours,  nous  cherchons  dans  les  vôtres 
De  quoi  louer,  el  nous  n'y  trouvons  rien. 

Le  peuple  dit  à  la  rebours. 

Rebrodsser.  V.  a.  de  la  \.">  conj.  Féraud  pré- 
tend que  l'usage  n'admet  point  les  rivières  re- 
broussent leurs  cours.  Nous  répondrons  à  celle 
remarque  par  les  vers  suivants  de  Racine  {Allt. 
act.  V,  se.  1,36): 

L'arche  qui  fit  tomber  tant  de  superbes  tours. 
Et  força  le  Jourdain  de  retrousser  son  cours, 

RÉBUS.  Subst.  m.  tiré  du  latin.  On  prononce 
rébus,  en  faisant  sentir  le  s  final. 

Rebutant,  Rebutante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
rebuter.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en 
consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Un  travail  re- 
butant, une  étude  rebutante,  cette  rebutante 
étude.  —  Un  homme  rebutant,  une  mine  rebu- 
tante, une  physionomie  rebutante,  cette  rebu- 
tante physion  omie. 

Récalcitrant,  rvÉcALCiiRANTE.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  récalcitrer.  Il  signifie  qui  résiste  avec  hu- 
meur et  opiniâtreté  :  Humeur  récalcitrante. 
Regnardadil  dans  le  Joueur  (act.  I,  se.  x,  65)  : 

Puisqu' aujourd'hui  votre  humeur  pétulante 
Vous  rend  l'âme  aux  leçons  un  peu  récalcitrante. 
Je  reviendrai  demain. 

—  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  en  consul- 
tant l'oreille  et  l'analogie  :  Cette  récalcitrante 
humeur. 

Récapitulation.  Subst.  f.  C'est,  dans  un  dis- 
cours oratoire,  une  partie  de  la  péroraison,  qui 
consiste  dans  une  énuméralion  courte  et  précise 
des  principaux  points  sur  lesquels  on  a  le  plus 
insisté  dans  le  discours,  afin  de  les  présenter  à 
l'auditeur  comme  rassemblés  et  réunis  en  un  seul 
corps,  pour  faire  une  dcrniùre  et  vive  impression 
sur  son  esprit.  —  Une  récapitulation  bien  faite 
domandebeaucoup  de  nctteic  el  de  justesse  d'es- 
prit, afin  d'en  écarter  tout  ce  qui  pourrait  étro 
ifiutile,  traînant  ou  superflu.  —  Récapitulation 
se  dit  aussi  del'opépaiion  de  l'esprit  par  laquelle 


608 


REC 


il  se  r;ip|M?llo  plusieurs  idées  pour  se  les  rcmellre 
toutes  sous  le  inéuie  point  de  vue. 

Recèleh.  V.  a  de  l;i  1"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  celer.  Voyez  ce  mot. 

KÉcKjiMENT.  Adv.  On  peut  le  placer  entre 
l'auxili-iire  et  le  participe  :  Cela  est  arrivé  ré- 
cemment,o\\  est  rcceminent  arrivé. 

RkcE>T,  Réceme.  Adj.  On  peut  le  mollrc  avant 
sonsubsl..  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie: 
Une  plaie  récente,  une  écriture  récente,  vne 
nouvelle  récente  ;  une  aventure  récente,  cette  ré- 
cente aventure. 

Delille  a  ciniiloyé  ce  mot  dans  une  acception 
nouvelle  {Enéide,  \l,  847)  : 

Le  héros,  le  premier,  touche  au  bout  de  sa  course, 

Se  baigne  en  des  flots  purs  tout  récentt  de  leur  source  . 

RÉCÉPISSÉ.  Subst.  m.  Quoique  ce  mot  soit  tout 
latin,  il  ne  laisse  pas  de  prendre  un  s  au  pluriel  : 
Des  récépissés. 

Recevable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit  tou- 
jours son  subst.  :  Des  marchandises  recevables, 
une  excuse  qui  n'est  pas  recevable. 

Recherche.  Subst.  f.  Ce  mol  signifie  en  général 
perquisition  ;  mais  il  ne  se  dit  pas  indifféremment 
de  loulcs  les  choses.  Ce  ne  serait  pas  parler  cor- 
reclemenl  ipie  de  dire,  faire  la  recherche  d'une 
cliose perdue;  cependant  oi\à\\.  faire  la  recherche 
de  l'auteur  d'un  meurtre,  des  secrets  de  la  na- 
ture. —  On  ne  dit  pas  au  propre,  la  recherche 
des  perles,  la  recherche  des  trésors  que  la  terre 
et  la  mer  renferment  dans  leurs  abîmes  ;  mais 
on  dirait  bien  au  figuré,  la  recherche  des  biens 
de  la  terre,  et  la  recherche  des  trésors.  —  Quand 
on  dit  d'une  chose  égarée,  quelque  recherche 
que  j'en  aie  faite,  je  n'ai  pu  en  rien  apprendre; 
alors  recherche  est  |)iis  au  figuré,  et  c'est  comme 
si  l'on  ilisail  quelque  soin  que  j'aie  pris  pour  en 
apprendre  des  nouvelles.  —  Non-seulement  on 
ne  dit  |)as  recherche  au  propre,  en  parlant  d'une 
chose  perdue,  mais  on  ne  dit  pas  môme  recher- 
cher, à  n;oins  (juc,  par  ce  verbe,  on  n'entende 
chercher  une  seconde  fois.  On  n'a  pas  bien  cher- 
ché partout,  il  faut  rechercher.  —  Becheiche 
se  dit  au  figuré  des  choses  curieusement  recher- 
chées. —  Un  livre  plein  de  belles  recherches. 

Rechercher.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Voici  des 
acceptions  de  ce  mot  qui  ne  sont  pas  claire- 
ment indiijuées  dans  le  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie: 

Il  (Dieui  -airechcTchc  point,  aveu;;le  en  sa  colère. 
Sur  le  fils  qui  le  craint  l'impiété  du  père. 

(Rac,  Ath.,  acl.  I,  se.  II,  103.) 

Une  femme  en  furie 
Raciktrchait  dans  S'.n  tianc  les  restes  de  sa  vie. 

(Volt.,  Orette,  aet.  I,  se.  ii,  57.) 

RÉCIDIVER.  V.  n.  de  la  \'*  conj.  Il  se  prend 
toujours  en  mauvaise  part,  et  ne  se  dit  que  des 
faules  ou  des  crimes. 

Réciproque.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
iiif'tlrc  avant  son  subsl.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Amour  réciproque, 
leur  réciproque  amour  ;  amitié  réciproque,  cette 
réciproque  amitié.  Voyez  Adjectif. 

Réciproque  est  aussi  un  terme  de  grammaire. 
On  appelle  verbes  réciproques  les  verbes  qui  se 
conjiigucnt  comme  les  verbes  réfléchis  (voyez 
Jifûéchi),  avec  les  i)ronoms  nous,  vous^  se  ;  ils  en 
différent  en  ce  qu'ils  ne  se  conjuguent  point  avec 
me  et  te,  e'  en  ce  qu'ils  expriment  l'aclion  de 


RÉC 

plusieurs  sujets  qui  agisst^nt  les  uns  sur  lesati- 
très,  en  sorte  que  le  premier  agit  sur  le  second, 
et  récipioquement  lesecondsiir  le  prenuer.  Qtwnd 
je  dis  Pierre  et  Paul  s'aimi  iit,  le  pronoiii  se  ne 
peut  pas  se  rapporter  au  sujet  du  verbe,  car  je  ne 
veux  pas  dire  que  Pierre  s'aime  lui-même,  ni 
que  Paul  s'aime  lui-même,  mais  j'entenils  dire 
que  Pierre  aime  Paul,  et  que  Paulaime  Pierre, 
ou  qu'zÏA'  s'aiment  réciproquement.  Aimer  n'est 
donc  pas  employé  ici  comme  verbe  réllcchi,  n>ais 
comme  verbe  réciproque. 

11  y  a  des  verbes  réciproques  directs  et  indi- 
rects, suivant  que  les  sujets  agissent  directement 
ou  indirectement  les  uns  sur  les  autres.  Dans 
celte  phrase,  Pierre  et  Paul  se  louent,  le  verbe 
/oi/er  est  réciproque  direct,  paneiiue  c'est  comme 
si  je  disais  Pierre  loue  Paul,  et  Paul  loue 
Pierre;  mais  dans  cette  autre,  Pierre  et  Paul  se 
donnent  des  louanges^  le  verbe  donner  est  réci- 
proque indirect,  parce  que  c'est  comme  si  je 
disais  Pierre  donne  des  louanges  à  Paul,  Paul 
donne  des  louanges  à  Pierre. 

Les  verbes  réci[)roques,  exprimant  l'action  de 
plusieurs  sujets,  doivent  être  mis  au  pluriel  ://« 
se  battent,  nous  nous  cherchons.  D'après  cotte 
règle,  quelques  grammairiens  ont  trouvé  in- 
croi/able  que  Racine  ait  pu  dire  des  Frères 
ennemis  (act.  IV,  se.  m,  18)  : 

L'un  ni  l'autre  ne  veut  s'embrasser  le  premier 

Mais  ces  grammairiens  n'ont  pas  fait  attention 
qu'ici  le  verbe  n'est  pas  réellement  réciproque, 
et  que  la  faute  que  l'on  peut  reprocher  à  Racine 
n'est  pas  de  n'avoir  pas  mis  veulent  au  pluriel, 
au  lieu  de  veut  au  singulier;  mais  d'avoir  mis  le 
pronom  se  avant  emJroMe?-,  ce  qui  paraît  donner 
à  ce  verbe  le  sens  d'un  verbe  réfléchi.  En  effet, 
le  sens  de  la  jjhrasc  est  ni  l'un  ni  Vautre  ne  veut 
embrasser  son  frère  le  premier,  et  il  n'y  a  rien 
la  (jui  indique  tm  sens  réciproque,  car  le  verbe 
réciproque  explique  l'action  simultanée  de  plu- 
sieurs sujets  les  uns  sur  les  autres;  et  ici  il  est 
(lucstion  de  deux  actions  qui  doivent  avoir  lieu 
l'une  après  l'autre.  Ces  actions  ne  seront  réci- 
proques que  lorscpie  le  premier  ayant  embrassé 
le  second,  le  second  embrassera  en  même  temps 
le  premier;  alors  on  pourra  dire  ils  s'embrassent 
l'uji  l'autre,  ci  le  verbe  sera  vraiment  réciproque. 
Racine  ne  pouvait  donc  pas  dire,  l'un  ni  l'autre 
ne  veulent  s'embrasser  le  premier  ;  mais  il  de- 
vait dire,  si  la  mesure  du  vers  le  lui  eût  per- 
mis, ni  l'un  ni  l'autre  m  veut  embrasser  son 
frère  le  premier. 

On  excepte  de  celle  règle  les  verbes  réciproques 
qui  onl  pour  sujet  un  nom  collectif,  comme, 
tout  le  monde,  tout  le  peuple  ;  Ci  l'on  dira  fort 
bien,  tout  If  monde  .'s'entre-tuait,  ou  se  tuait; 
le  peuple  s'entre-baltuit,  ou  se  battait.  Il  en  est 
de  même  quand  on  emploie  le  mol  on  dans  le 
sens  de  plusieurs  personnes  indéfiniment  :  On  se 
j  battait  à  toute  outrance,  nn  se  tuait  les  uns  les 
autres,  on  se  disait  toutes  sortes  d'injures. 

Pour  déterminer  la  signification  des  verbes 
réciproques,  cl  les  restreindre  au  sens  qui  leur 
est  propre,  il  est  quelquefois  nécessaire  d'y  ajou- 
ter les  mots  l'un  l'autre,  les  uns  les  autres, 
réciproquement,  ou  entre;  et  ce  dernier  se  joint 
au  verbe  de  manière  tiu'il  en  l'ait  parlic,  sans 
(]ui)i  le  verbe  pourrait  être  itris  pour  un  verbe 
réfléchi.  Ainsi  quand  je  dis  simplement  Pierre  et 
Paul  se  louent  à  tout  moiucnt,  on  peut  entendre 
que  Pierre  cl  Paul  se  louent  eux-mêmes,  et  idorti 


REC 

c  est  un  verbe  réflcolii.  Mais  si  je  dis  Pierre  et . 
Puvl  se  hiuent  l'un   Vaulve,  se  hment  récipro- 
guv'iie/it,  ou  s'entre-loueiit,  le  verbe  est  iiéces- 
saiicmcnl  dfierininc,  el  la  signification  réciproque. 
"N'oyez  Pronominal. 

lÏÉciPiioQiEMKNT.  Adv.  Ou  pcut  Ic  mettre  entre 
l'auxiliaire  el  le  participe  -.Ils  se  sont  aimés  réci- 
proqiieineni,  ou  ils  se  sont  réciproqnement  aimés . 

Kkcit.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  /. 

llÉciTATEL'f,.  Subst.  m.  Yoltairc  a  employé  ce 
mot.  11  écrit  à  madame  du  Deffant,  qui  était 
aveugle  :  Je  vous  ai  envoyé,  en  grand  secret,  la 
tragédie  des  Gvchres...  faites-vous  lire  la  pièce 
par  un  bon  récilalour  de  vers,  et  nnis  verrez  de 
qvoiil s\iyil  (24  juillet  1769).  —  Rien  n'empêche, 
ce  me  semble,  de  dire  recitatrice,  en  parlant 
d'une  feinme. 

Réciter.  Y.  a.  de  la  l'*  conj.  L'Académie 
n'indique  pas  l'acception  dans  laquelle  il  est  pris 
dans  ce  vers  de  Racine  (Phèd.,  ad.  II,  se.  i,  39)  • 

Je  sais  Je  ces  froideurs  tout  ce  que  l'on  récite. 

Recomma.ndable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne 
se  met  qu"après  son  subst.  :  Un  homme  recom- 
manduhle. 

Récompenser.  V.  a.  de  la  1^'  conj.  L'Académie 
ne  dit  pas  qu'au  figuré  on  le  dit  des  choses  dans 
le  Siyle  noble  :  Les  fruits  dorés  dont  l'automne 
récompense  les  travaux-  des  laboureurs  (f  énel., 
Télém.,  liv.  II,  t.  I,  p.JG6). 

RÉC0NCILI.4BLE.  Adj.  11  s'emploic  ordinairement 
avec  la  négative,  el  ne  se  met  qu'après  son  sul)st.  : 
Ces  deux  familles  ve  sont  pas  réconciliables. 

RÉco>ciLUTEDr,.  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme,  on  d'il  récoticiliatrice. 

Recon>aissable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  //  n'est  pas  recon- 
iiaissable. 

Reconnaissance.  Subsl.  f.  Gratitude,  ressenti- 
ment des  bienfaits  reçus.  En  ce  sens,  il  n'a  point 
de  pluriel. 

Quoiqu'on  dise  reconnaître  sa  faute,  on  ne 
dit  i)as  faire  la  reconnaissance  de  sa  faute, 
mais  en  faire  l'aveu. 

Reconnaissance  est  aussi  un  terme  de  poésie 
dramatique.  Dans  le  poëmc  épique  et  le  poëme 
dramatique,  il  arrive  souvent  qu'un  personnage 
ne  se  connaît  pas  lui-même,  ou  ne  connaît  pas 
celui  avec  lequel  il  est  en  action;  et  le  moment 
où  il  acquiert  cette  connaissance  de  lui-même  ou 
d'un  aulre  s'appelle  reconnaissance.  La  recon- 
naissance peut  élre  simple  et  réciproque,  et 
des  deux  côtés,  ou  d'un  seul;  ce  peut  être  soi  que 
l'on  reconnaisse,  ou  un  autre  ;  ou  un  autre  et  soi 
en  même  temps. 

La  reconnaissance  est  précieuse  dans  la  tra- 
gédie, soit  avant,  soit  après  le  crime  ;  avant, 
pour  empêcher  qu'il  ne  soit  conunis;  après, pour 
en  faire  sentir  tout  le  regret.  La  reconnaissance 
est  dans  le  comique  une  source  de  ridicule, 
comme  dans  la  tragédie  une  source  de  pathétique  : 
dans  celle-ci,  c'est  une  mèie  qui  va  tuer  son  fils, 
un  fils  qui  vient  de  luor  sa  mère,  et  qui  recon- 
naissent, l'une  le  crime  qu'elle  allait  commettre, 
l'autre  le  crime  qu'il  a  commis;  dans  celle-là, 
c'est  un  vieux  jaloux  qui,  par  erreur,  livre  à 
son  rival  sa  maîtresse,  et  ne  s'aperçoit  de  sa 
méprise, que  lorsqu'il  n'est  plus  temps,  comme 
dans /'^co/e  de*  7«((rw;  c'est  un  jeune  étourdi 
qui  ne  reconnaît  son  rival  qu'après  qu'il  lui  a 
confié  tout  ce  qu'il  a  fait  et  tout  ce  «lu'il  veut 
faire  pour  lui  enlever  sa  maîtresse,  comme  dans 


REC 


609 


l'Ecole  des  femmes;  c'est  un  oncle  et  un  neveu 
dont  l'un  veut  Caire  enfermer  l'aulre,  et  qui  se 
trouvent  camarades  de  troupe  dans  une  luinédie 
de  société,  connue  dans  la  Métromanie  ;  c'est  un 
fds  dissipateur  cl  un  père  usurier,  qui,  dans  le 
prêteur  et  l'emprunteur  ([u'ils  cherchent  réci- 
proquemenl,  se  rencontrent,  commedans  l'Avare. 

On  sent  combien  la  méprise  ijui  |irécèdc  ces 
reconnaissances,  la  surprise,  l'élonncment,  l'em- 
barras, la  révolution  qui  les  suit,  doivent  contri- 
buer à  ce  qu'on  appelle  le  comique  do  situation; 
et  si  à  la  reconnaissance,  des  personnages  on 
ajoute  celle  des  choses,  c'est-à-dire  des  bévues 
et  des  erreurs  où  le  personnage  ridicule  est 
tombé,  des  pièges  où-  il  s'est  laissé  prendre,  on 
aura  l'idée  de  pres(iuc  tous  les  moyens  qui,  dans 
la  comédie,  amènent  les  révolutions.  (Extrait  de 
Marmontel.)  En  ce  sens,  reconnaissance  prend 
un  pluriel. 

Reco.nnaissant,  Reconnaissante.  Adj.  verbal 
tiré  du  V.  reconnaître.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  homme  recomiaissant,  une  femme 
recotmaissante,  une  âme  reconnaissante. 

Reconnaissant.  En  parlant  des  personnes,  il 
régit  la  préposition  envers;  et  en  parlant  des 
choses,  la  jiréposition  de  :  Il  est  reconnaissant 
envers  ses  bienfaiteurs.  Je  suis  reconnaissant 
des  services  que  vous  m'avez  rendus. 

Reconnaître.  V.  a.  de  la  4' conj.  Il  se  dit  non- 
seulement  de  ce  qu'on  voit,  mais  encore  de  ce 
qu'on  entend  : 

Viens,  reconnais  la  voix  qui  frappe  ton  oreille. 

(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  i,  2.) 

Il  s'emploie  figurément  au  sens  moral.  On  re- 
connaît les  gens  à  la  nature  de  leurs  ac- 
tions, bonnes  ou  mauvaises.  On  dit  d'un  homme 
bienfaisant  qui  soulage  un  malheureux,  on  le 
reconnaît  &;'e«  à  cette  action,  à  cett*  bonne  action. 
On  dit  de  même  d'un  méchant  homme,  d'un 
scélérat,  on  le  reconnaît  «  cette  scélératesse,  on 
le  reconnaît  bien  là. 

On  reconnatt  Joad  à  cette  violence. 

(UiC,  Ath.,  act.  III,  se.  V,  9.) 

Reconquérir.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2'  conj. 
Il  se  conjugue  comme  conquérir.  Voyez  ce  mol. 

Recoudre.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  i'  conj.  Il 
se  conjugue  comme  coudre.  Voyez  c«  mot. 

Recourir.  V.  n.  et  irrcgulier  de  la  2'  conj. 
Il  se  conjugue,  comme  courir,  et  régit  la  préposi- 
tion «  :  Recourir  à  Dieu  dans  ses  afflictions. 

Recours.  Subst.  m.  Le  s  ne  se  prononce  que 
devant  une  voyelle  ou  un  //  non  aspu-é.  —  Quand 
il  signifie  l'aclion  par  laquelle  on  recherche  de 
l'assistance,  du  secours,  il  se  met  tou;ourssans 
pré[josilif  :  J'airecours  à  Dieu,  et  n.on  pas  j'ai 
mon  recours  à  Dieu.  Avoir  recours  à  la  justice, 
avoir  recours  au  médecin.  Dans  le  sens  de  re- 
fuge, on  l'accompagne  de  prépositifs  :  Tout  mon 
recours  est  en  Dieu,  Dieu  est  mon  seul  recours. 
Dieu  est  le  recours  des  viisérables.  —  Il  en  est 
de  même  dans  le  sens  de  droit  de  reprise  par 
voie  légale.  On  ne  dit  pas  j'aurai  recours  contre 
vous,  imns  j'aurai  mon  recours  contre  vous-  On 
lui  a  réservé  son  recours ,  et  non  pas  on  lui  a 
réservé  recours. 

Recouvrable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Deniers  recouvrable^ . 
fonds  recouvrables. 

Recouvrer.   V.  a.  de   la  1"^^  conj.   Le  (•• 

29 


610 


REC 


dcipe  pnssc  do  ce  verbe  est  recouvré,  «l  non 
rec'ourcii.  ]l  ne  faul  pas  confondre  ces  deux 
Mrticipos,  coiniuc  le  font  plusieurs  pcrsonncb. 
flecotivi^it  est  le  participe  du  verbe  recouvrir, 
qui  si{:niiic  couvrir  de  nouveau.  Recourre  est  le 
parlitipe  du  verbe  recouvrer,  cpii  signifie  rolrou- 
fcr,  rentrer  on  |iossession,  acquérir  de  nouveau 
une  cli(isei|u'on  avait  perdue.  Bien  des  personnes 
confoniieiit  iilusicurs  temps  du  verhe  recouvrir 
avei'  ceux  du  veibe  reco^ivrer,  et  il  y  en  a  effec- 
tivemenl  plusieurs i|ui  leur  sont  communs,  comme 
le  prcsent  et  l'imparfail  de  l'indicatif;  mais  le 
passé  simple  et  le  participe  passé  de  ces  deux 
verbes  sont  trcs-différenls.  On  dit  recouvrit  au 
passé  simple  du  verbe  recouvrir:  //recouvrit  sa 
jnaison;  et  on  dit  recouvra  au  passé  simple  du 
verbe  recouvrer  :  Il  recouvra  la  santé,  ta  vue; 
et,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  le  participe  passé 
du  verbe  recouvrer  est  recouvré,  et  le  participe 
passé  du  verbe  recouvrir  est  recouvert. 

Recouvrih.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2"  conj.  Il 
se  conjugue  comme  ouunr.  Voyez  Irrégulier  &\. 
Recouvrer. 

Récréatif,  Récréative.  Adj.  Il  suit  ordinaire- 
ment son  subst.  :  Jeu  récréatif,  homme  ré- 
créatif. 

Récréer, Recréer. Verbes  actifs  de  la  l'^conj., 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  l'un  avec  l'autre.  Ils 
ne  diffèrent  dans  l'orthograpbe  que  par  laccent 
aigu  que  l'on  met  sur  lo  premier  e  du  premier. 
Dans  la  signifii-ation,  ils  différent  beaucoup.  Le 
premier  signilie  procurer  de  la  récréation,  et  le 
second ,  donner  une  nouvelle  existence  :  Les 
chagrins  ne  sauraient  faire  impression  sur 
toi;  chaque  instant  le  montre  des  choses  nou- 
velles; tout  ce  que  tu  vois  te  récrée,  et  te  fait 
passer  le  temps  sans  le  sentir.  (Montesquieu, 
IX''  lettre  persane.)  —  L'auteur  a  su  recréer 
son  sujet  par  la  7uaniè>e  dont  il  l'a  traité. 

Récrire.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4^  conj.  11  se 
conjugue  comme  ccnre.  Voyez  ce  mot. 

Recroqueviller.  V.  pronom,  de  la  i^^  conj. 
On  mouille  les  deux  l. 

Recruter.  V.  a.  de  la  Ir"  conj.  Ce  verbe  ne 
siguilie  pas  la  même  cliose  que/àiVe  des  recrues. 
Recruter  un  régiment,  c'est  le  rendre  complet 
par  le  moyen  de  recrues.  Faire  des  recrues, 
-î'est  en  général  lever,  engager  des  lionimes  pour 
recruter  un  corps.  Racine  écrit  à  son  fils  : 
«  Prenez  garde  de  ne  pas  prendre  vos  nouvelles 
dans  ta  gazette  de  Hollande  ;  car,  outre  que 
7Uius  les  av'ins  comme  vous,  vous  y  pourries 
apprendre  ceriaiîis  termes  qui  ne  valent  rien, 
comme  celui  de  recruter,  dont  vous  vous  servez: 
au  li£u  de  quoi  il  faut  dire,  faire  des  re- 
crues « 

Rectangle.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  nid 
qu'après  son  subst.  :  Un  tiiangle  rectangle,  u?i 
pçLralliilograiinne  rectangle. 

Rectangulajre.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne 
se  met  qu'après  son  subst.  :  Figure  rectan- 
gulaire. 

Rectilicise.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  (ju'après  son  subst.  :  Figure  rectiWjne. 

Recueil.  Subst.  m.  On  mouille  le  /  final. 

Reiuei  llekent.  Subst.  m.  On  mouille  les  deux  ?. 

Recueillir.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2'' conj.  Il 
se  conjugue  comme  c!<ej7itr.  On  mouille  les  deux 
l.  y oydj' Cueillir . 

Recul.  Subst.  m.  Ou  prononce  le  l. 

Reculer.  V.  a.  et  n.  de  la  l'«  conj.  Dans  le 
SfciiS  actif,  il  régit  quelijuefois  la  préposition  de  : 
Seules  cette  chaise  de  la  cheminée. 


RED 

Mais  il  est  des  objeUque  l'art  judicieux 
Doit  offrir  Â  l'oreille  et  reculer  des  yeux. 

(BoiL.,  .4.  P.,  111,53.) 

Racine  a  (iiiàans  Baj'azei  (aci.  II,  se.  v,  8): 

J'ai  recule  vos  pleurs  autant  que  je  l'ai  pu. 

Terme  impropre,  dit  La  Harpe.  Si  c'est  un«? 
ellipse  pour  dire  fai  reculé /e  moment  de  faire 
couler  vus  pleurs,  elle  est  trop  forte;  si  c'est  une 
métaphore,  elle  est  fausse.  On  ne  peut  ni  «can- 
cer, ni  reculer  des  pleurs  (Cour*  df  littérature). 
Racine  a  dit  dans  le  sens  neutre  [Britannicuj, 
act.  V,  se.  VI,  25)  : 

Poursuis,  Néron;  avec  de  tels  ministres, 
Par  des  faits  glorieux  lu  tas  te  signaler; 
Poursuis,  tu  n'as  pas  fait  ce  p.is  pour  reeuler. 

Récusable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Juge  récvsable,  témoin 
récusable.  — Témoignage  récvsable,  autorité  ré- 
cvsable. 

Rédacteur.  Subst.  m.  L'Académie  ne  dit  point 
comment  il  faut  dire  en  itarlanl  d'une  femme. 
Peut-être  faut-il  dire  une  femme  rédacteur,  par 
analogie,  parce  qu'on  dit  une  femme  auteur. 

Rédargder.  V.  a.  délai"  'onj.  On  prononce 
Vu  :  Ri'dargu-er. 

Rf.défaire.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4"  conj.  11 
se  conjugue  comme  faire.  Voyez  ce  mot. 

Rédempteur.  Subsl.  f.  On  prononce  le  p. 

Redevable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Il  est  redevable  de  trois 
mille  francs.  Je  suis  fort  redevable  à  votre 
bonté.  (Acad.) 

Redhibitoire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  suit 
toujours  son  subst.  :  Cas  redhibitoire,  action 
redhibitoire. 

Rr.Drnr.  V.  a.  de  la  4*  conj.  Il  se  conjugue 
comme  dire. 

Rédoitoance.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire  et 
de  littérature.  Beaucoup  de  personnes  écrivent 
et  prononcent  Re  dans  ce  mot  et  dans  ses 
dérivés.  On  appelle  redondance  le  vice  ou  défai:. 
qui  consiste  à  multiplier  mal  à  propos  les  pa- 
roles. Il  faut  éviter  dans  un  discours  les  terme.^ 
jiarfaitement  synonymes  ;  ils  rendent  le  styl- 
faible  et  languissant".  Quand  on  a  dit  une  chose 
il  ne  faut  pas  la  répéter,  à  moinsquela  répétition 
ne  serve  à  donner  plus  d'énergie  à  l'expression, 
comme  dans  Non,  non. 

Je  l'ai  vu,  dis-je,  vu,  de  mes  propres  yeux  vu, 
Ce  qu'on  appelle  vu. 

(Mol.,  Tart.,  act.  V,  se.  ni,  35.) 

Un  poêle  a  dit  : 

0  ciel  qui  m'a»  vu  nattre  !  ô  cité  maternelle 
Où  j'ai  reçu  la  vie  ! 

Fréron  trouve  sublime  oetta  répétition  de  la 
même  idée.  Si  ces  vers  eussent  été  de  Voltaire, 
il  y  aurait  trouvé  une  rédondanc-e  insupporiable 

Redondant,  Redondante.  Adj.  verbal  tiré  du 
verbe  rédonder,  qui  est  peu  usité.  11  suit  ordi- 
nairement son  subst.  :  Terme  rédimdant,  ex- 
pression redondante .  Voyez  Redondance. 

Redonner.  V.  a.  de  la  !'«  conj.  Racine  a  dît 
dans  Bérénice  (act.  I,  se.  m,  7)  : 

Cet  amant  se  redonm  au  soin  de  son  amour. 

5e  redonner  n'est  point  usité.  —  En  1835,  l'Aca- 


.'i 


REF 

démit'  dit  qu'il  s'emploie  «luelquefois,  et  donne 
pour  exemple  :  Se  redonner  au  suin  de  ses 
tffairen. 

Redocbler.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  L'Aca- 
démie ne  dit  pas  qu'il  s'emploie  avec  le  pronom 
personnel  Oiiel(]ues  bons  auteurs  Tonl  employé 
ainsi,  mais  abusiveinenl  :  Ses  lendresses  se  re- 
doublait ni  avec  snn  estime  (Bossuel).  Celte 
expression  est  d'autant  moins  usitée,  que  le 
verbe  rpdiub!ei\  dans  le  sens  neutre,  signifie  la 
même  chose.  Ou  dirait  aujonrd'hui  ses  tendres- 
ses Tedmihlcnt. 

Ra)0LTAiiLE.  Adj.  des  ■tlcux  ^mes.  Ou  jjenil 
assez  souvent  le  mettre  avant  son  subsl.  ;  Dn 
ennemi  redtiuUible,  tin  redoutable  ennemi;  ses 
jugements  redoutable,  ses  redoviabh's  juritinentsi ; 
son  t'-pt  e  redoutable,  sa  redoutable  épée.  '\'oyez 
Adjectif. 

B  Pétrit  quelquefois  la  préposition  à  :  Il  est 
redoutable  à  ses  ennemis. 

Redouter.  V.a.  de  lai"  conj.  Les  poètes  em- 
ploient souventjce  lenne  : 

Mais  l'innocence  onGn  n'a  rien  à  redouter. 

(Ràc,  Phèd.,  act.  III,  se  ri,  9.) 

iDieux,  écartez  lus  mani  que  son  àme  redoute. 
(Lbfiunc  de  FoKPnsiU'K,  Dtdon,  act.  V,  se.  n,  10.) 

RÉDDPLrcATiF,  RÉDUPLIC4TIVE.  Adj.  Terme  de 
grammaire.  Il  se  dit  des  noms,  des  vcrl)es,  et  en 
général  des  mots  qui  marquent  la  réitération 
d'une  action  :  Particule  réduplicatire ,  sens 
rédvplicatif.  Re,  dans  redire,  recommencer,  est 
une  particule  réduplicatire.  —  On  appelle  pro- 
position réduplicatire ,  lelle  dans  inquelle  le 
sujet  est  répété  avec  la  mémo  circonstance  ou 
condition.  Par  exemple,  Vhomme,  comme  homme, 
est  raisonnable  est  une  proposition  reduplica- 
tive.  —  Cet  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Réel,  Réelle.  Adj.  Il  ne  se  met  guère  qu'après 
son  subst.  :  Un  être  réel,  une  existence  réelle, 
un  paiement  réel. 

Réellement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  partici[>e  :  Cet  argent  lui  a  été 
compté  réellement,  ou  lui  a  été  réellement  compté. 

REF.41RE.  V.  a.  et  irrégiilier  de  la  4«conj.  Il  se 
conjugue  comme  faire,  ^'oyez  ce  mot. 

TtÉFiÉcHi,  Réfléchie.  Adj.  Une  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Action  réfléchie,  pensée  réfléchie, 
crime  réfléchi.  — Un  homme  réfléchi,  une  action 
réfléchie. 

Les  grammairiens  appellent  verbes  réfléchis 
ceux  dont  le  sujet  et  le  régime  signifient  la  même 
personne  ou  la  mciuc  chose,  eu  sorte  que  le  sujet 
qui  agit,  agit  sur  lui-même,  et  est  en  même  temps 
et  sujet  et  objet  de  l'action.  Quand  je  dis  je  me 
blesse,  je  me  connais,  c'est  moi  qui  suis  le  prin- 
aipe  des  actions  de  blesser  et  de  connaître,  et 
j'en  suis  en  même  temps  l'objet,  puisque  j'agis 
sur  moi-même,  et  que  c'est  moi  non-seulement 
qui  blesse  et  qui  connais,  mais  encore  qui  suis 
blessé  et  qui  suis  c(  unu.  —  Pour  exprimer  dans 
cette  sorte  de  verbes  le  rapport  du  sujet  avec 
son  régime,  on  se  sert  des  pronoms  ?«c,  te,  se, 
pour  les  trois  personnes  du  singulier,  et  des  pro- 
aoins  Twus,  vous,  se,  pour  les  trois  personnes  du 
pluriel.  Voyez  Pronominal. 

Mais  toutes  les  fois  qu'il  se  trouve  un  de  ces 
prouonisenlreunsujetet  un  verbe,  ce  verben'est 
pas  pour  cela  réfléchi,  il  faut  encore  que  ce  pro- 
nom se  rapporte  à  la  même  personne  ou  à  la  même 
clwse  que  le  non   ou  pronom  personnel  -qui  ex- 


REF 


611 


prime  le  sujet  du  verbe.  Ainsi,  vous  me  louez, 
n'est  pas  un  verbe  rédcchi,  puisque  vous  et  me 
se  rai)[)ortenl  à  dos  personnes (Jifrcicntcs  —Tous 
les  verbes  actiTs  peuvent  (lcve:iii'  rcflociiis,  dés 
que  le  sujet  qui  agit  peut  agir  sur  lui-même. 
Ainsi,  je  flatte  est  un  verbe  actif,  et  il  devient 
réfléchi  quand  on  dit,  je  me  flatte.  —  On  dis- 
tingue quatre  sortes  de  verbes  réflrcnib.  Je* re?-6M 
refit  chis  directs,  les  verbes  réfléchi.':-  indirects, 
les  verbes  réfléchis  passifs,  cV  les  verbes  réfli'cJiis 
neutres.  —  Les  verbes  rélli-cliis  directs  expri- 
ment l'action  d'un  sujet  (lui  agit  dircciomcrit  sur 
lui-même,  'Pierre  se  félicite.  —  Les  v-erl)es  ré- 
fléoliis  indirects  expriment  l'action  d'un  sujet  qui 
n'a^iit  qu'indirectement  sur  lui-même,  Pierre  se 
doirne  un  habit.  Pirrre  n'agit  qu'uidircctetncJU 
sur  lui  même,  et  par  consé(iiienl  se,  qui  se  ra7>- 
porle  à  Pierre,  n'est  que  le  rcgiuie  indirect  du 
verbe  donne,  dont  le  n'gime  direct  est  un  habit. 
—  Les  verbes  réfléchis  passifs  sont  ceux  dcrl  le 
sujet  exj)rime  une  chose  iuanimée  et  incapable 
d'action,  comme  quand  je  dis,  cette  histoire  se 
raconte  différemmeut  L'histoire  est  une  chose 
inaniméeei  incapable  d'agir.  Ou  aiipellc  ces  verbes 
réfléchis  passifs,  parce  qu'ils  ont  ordinairement 
une  signification  passive,  et  tju'ils  peuvent  être 
changés  en  verbes  passifs.  Ainsi,  au  lieu  de  dire, 
cette  histoire  se  raconte  différemment,  on  peut 
dire,  cette  histoire  est  racontée  bien  différem- 
ment. —  Il  y  a  des  verbes  réfléchis  passifs  dont 
le  sujet  est  une  chose  animée,  et  cajiable  de  pro- 
duire l'action  du  verbe  ;  mais  alors  le  verbe  ne 
peut  être  pris  que  dans  une  signification  passive, 
parce  (]ue  la  personne  n'agit  pas  sur  cUe-imêmc, 
et  qu'elle  est  au  contraire  le  sujet  de  l'action 
exprimée  par  le  verbe  :  Suzanne  s'est  trouvée 
innocente  du.  crime  dont  on  l'accusait  ;  C  e&l 
comme  si  l'on  disait,  Suzanne  a  été  trouvée  in- 
nocente dn  crime  dont  on  l'accusait.  —  Lçs 
verbes  réfléchis  neutres  sont  ceux  (jui  ne  signi-- 
lient  ni  l'action  (lu'un  sujet  fait  sur  lui-même,  ni 
une  action  reçue,  mais  qui  expriment  une  situa- 
tion, u!>e  manière  d'être.  On  les  conjugue  tou- 
jours avec  les  pronoms  me,  te,  se  ;  7ious,  vous, 
se.  Elle  .-t'endort,  elle  se  meurt,  c'est-à-dire,  elle 
est  dans  un  état  voisin  du  sommeil,  dans  un  état 
(le  sommeil  (jui  commence  ,  dans  un  état  voisin 
delà  mort.  A'oyez  Réciproque. 

REFLifx.  Subsl.  m.  De^Tinl  une  voyelle  ou  un/» 
non  aspire,  le  x  se  prononce  comme  un  z. 

RÉFor,M.4BLE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subsl.  :  Abus  réfonnable.  On 
l'emploie  ordinairement  avec  la  négative  :  Ces 
abus  ne  sont  pas  réformabhs. 

Réformateur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme,  on  dit  réformatrice. 

Reformer,  Réfoiîmeu.  Verbes  actifs  de  la  1'^ 
conj.  Il  faut  prendre  garde  de  confondre  ces 
deux  verl)es,  (|ui  ne  diffèrent  dans  l'orthographe 
ijue  par  l'acceiil  aigu  (juc  l'on  met  sur  le  pre- 
mier e  du  second,  et  qu'on  ne  met  point  sur 
celui  du  premier.  Refrmer  sans  accent  veut 
dire  former  de  nouveau;  et  réform,er  avec  un 
accent  signifie  reta'iiir  dans  l'ancienne  forme , 
donner  une  nouvelle  forme. 

Réfractaibe.  Adj.  des  deux  genres.  11  régit 
ordinairement  la  préiiosilion  «,  et  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  hunote  réfractaire  aux 
ordres  de  .ion  supérieur. 

Refus.  Subst.  m.  Le  s  final  ne  se  prononce 
(jue  devant  une  voyelle  ou  un  h  non  as|)iré. 

Rkfuser.  V.  a.  de  la  l*^"  conj  On  dit,  sans 
article,  demander  grâce,  mais  on  ne  dit  pas  r»- 


612 


REG 


fuser giûcc ;  c'cît  donc  avec  raison  qu'ona  trouvé 
une  fyuted;iiis  ce  vers  de  Corneille  {Scrlur.^aci. 
I,  sc.ju,3l)). 

J'awais  peine,  sei(,'ncur,  à  lui  refuser  grâce. 

—  Refuser,  dans  un  sens  absolu,  régit  la  prépo- 
sition de  avec  l'infinitif  :  //  a  refusé  de  marcher, 
de  lire,  de  consentir.  On  dit  ccpcnii;mt,  il  lui  a 
refuse  à  dîner,  à  JtjVu/ie/-;  mais  c'est  parce  que, 
dans  ces  phrases,  les  expressions  à  dîner,  à  dé- 
jeuner, ne  sunt  pas  de  véritables  infinitifs,  mais 
signifient  de  quoi  dîner,  de  quoi  déjeuner,  les 
choses  nécessaires  pour  dîner,  pour  déjeuner. 
On  dirait  de  même,  il  lui  a  refusé  à  manger. 

REGAG^ER.  V.  a   delà  !'"«  conj.  On  mouille ^h. 

Regard.  Subst.  m.  Corneille  a  dit  dans  les  Ho- 
races  (act.  IV,  se.  i,  11)  : 

Le  jugement  de  Rome  est  peu  pour  mon  regard. 

Voltaire  a  dit,  à  l'occasion  de  ce  vers,  pow?-  mon 
7 égard  est  suranné  et  hors  d'usage;  cest  pour- 
tant une  expression  nécessaire  {Remarques  sur 
Corneille).  On  dit  laisser  tomber  ses  regards  sur 
quelqu'un,  sur  quelque  chose. 

Tous  vos  regards  sur  moi  ne  tombent  qu'avec  peine. 
(Rac,  Iphig.,  act.  II,  se.  II,  23.) 

Regarder.  V.  a.  de  hi'^con'].  Ilegarderco7n7ne, 
signifie  estimer  tel.  On  dit,  Je  le  regarde  comme 
un  honnête  homme,  comme  un  fripon. 

L'ennemi  nous  regarde,  en  son  aveugle  rage. 
Comme  de  vils  troupeaui  réservés  au  carnage. 

(Rac,  Àth.,  acl.  IV,  se.  t,  32.) 

Régénérateur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une 
femme  on  dit  régénératrice. 

1\egimber.  V.  n.  de  la  Ir^conj.  Ce  terme  est 
exclu  du  style  noble. 

Régime.  Subst.  m.  Les  mots  complément  et 
régime  paraissent  se  confondre  ;  cependant  il  y  a 
uùe  différence  entre  l'un  et  l'autre.  Voyez  Com- 
plément. Tout  régime  est  complément,  mais  tout 
complément  n'est  pas  régime.  Régime  se  dit 
proprement,  dans  la  grammaire  française,  des 
compléments  nécessaires  des  verbes,  et  des 
compléments  des  prépositions,  qui  sont  aussi 
nécessaires 

J'appelle  complément  nécessaire  d'un  verbe, 
celui  sans  lequel  le  sens  d'un  verbe  ne  serait  pas 
complet.  Quand  je  >\U  j'envoie,  le  sens  n'est  pas 
comjilet  tant  que  je  n'ai  pas  dit  ce  que  j'envoie; 
le  mol  qui  exprime  ce  que  j'envoie  est  donc  un 
complément  nécessaire  ou  un  régime  du  verbe 
envoyer.  Mais  quand  j'ai  exprimé  ce  complément 
nécessaire,  et  que  j'ai  dit,  par  exemple,  J'envoie 
un  livre,\Q.  sensdu  verbe  e/i»;oy<?)n'est  pasencore 
complet,  et  il  ne  le  sera  ijuc  lorsque  j'aurai  ex- 
primé à  qui  j'envoie  un  livre;  le  mot  ou  les  mots 
par  lesquels  j'exprime  à  (jui  j'envoie,  sont  donc 
aussi  un  complément  nécessaire  ou  un  régime  du 
'•'erbe  envoyer.  (Juaiid  je  dis,  mettez  ce  livre  sur, 
la  préposition  S!/ 7- n'a  pas  un  sens  complet,  il  est 
!;écessaire  qu'elle  soit  suivie  d'un  complément 
<iui  achève  ce  sens,  et  ce  complément  est  ce 
qu'on  appelle  le  régime  de  la  préposition.  On 
nppelle  quelquefois  régime,  las  compléments  des 
loms,  des  adverbes,  etc.,  mais  c'est  abusive- 
ment; et  il  n'y  a  réellement  que  les  verbes  elles 
prépositions  qui  aient  des  régimes. 

Le  régime  d'un  verbe  peut  être  un  substantif, 


RÉG 

un  pronom  ou  un  verbe  à  l'infinitif,  qui  est  une 
espèce  de  nom.  Le  régime  d'un  verbe  restreint  on 
détermine  sa  signification.  Cette  signification 
peut  être  restreinte  ou  déterminée  directement 
ou  indireclement.  Quand  je  dis.  J'envoie  un  livre, 
un  livre  détermine  directement  la  signification 
du  verbe  J'envoie.  C'est  par  cette  raison  qu'on 
l'appelle  régime  direct,  ou  régime  simple.  Quand 
je  dis,  j'envoie  un  livre  à  vion  ami,  à  mon  ami 
restreint  ou  détermine  indireclement  la  signifi- 
cation du  verbe  J'envoie,  c'est-à-dire  par  le 
moyen  d'une  préposition.  C'est  pour  cela  qu'on 
appelle  ce  régime,  régime  indirect,  ou  régime 
composé,  parce  qu'il  est  composé  d'une  préposi- 
tion et  d'un  nom.  —  Le  régime  direct  est  la  ré- 
ponse à  quif  ou  quoi^  J'envoie,  qui  ?  mon  frère, 
c'est  le  régime  direct;  quoi^  un  livre,  c'est  encore 
le  régime  direct.  Le  régime  indirect  est  la  réponse 
à  à  gui?  ou  de  qui?  à  quoi?  ou  de  çmoi?  j'envoie 
un  livre,  à  qui*  à  mon  frère;  c'est  le  régime 
indirect;  j'ai  reçu  ce  livre,  dequi?  de  mon  frère, 
c'est  le  régime  indirect.  Je  pense,  à  quoi?  à  mon 
salut,  c'est  le  régime  indirect  ;  Je  m'occupe,  de 
quoi?  de  mon  salut,  c'est  le  régime  indirect. 

Le  régime,  soit  direct,  soit  indirect,  peut  être 
un  pronom  :  Je  le  veux  ;  je  veux,  quoi?  cela, 
régime  direct  exprimé  par  le  pronom  le.  Je  lui 
ai  parlé  ;  J'ai  parlé  à  qui?  à  lui,  régime  indirect 
exprime  par  le  pronom  lui.  —  Le  régime  direct 
ou  indirect  d'un  verbe  peut  être  un  autre  verbe 
à  l'infinitif  :  Je  veux  manger;  je  veux,  quoi? 
manger,  régime  direct  du  verbe  Je  veux;  j'as- 
pire, à  quoi?  à  voir  mon  père  :  «  voir,  régime 
indirect  du  verhe  j'aspire,  lequel  a  lui-même  un 
régime  direct,  mon  père. 

Le  verbe  actif  a  toujours  un  régime  direct; 
plusieurs  verbes  actifs  doivent  avoir  un  régime 
direct  et  un  régime  indirect  :  J'aime  mon  père, 
le  sens  est  complet  avec  le  régime  direct;  J'en- 
voie un  livre  a  mon  père,  le  sens  ne  |)eut  être 
complet  qu'avec  le  régime  direct  cl  le  régime 
indirect. 

Le  verbe  passif  a  pour  régime  un  nom  précédé 
des  prépositions  de  ou  par  :  Le  vaisseau  a  été 
longtemps  battu  de  l'orage.  Ce  tableau  a  été 
peint  par  Rubens.  Souvent  les  verbes  passifs 
s'emploient  sans  régime  :  Il  est  aimé. 

Quelques  verbes  neutres  n'ont  point  de  ré- 
gime, comme  languir,  gémir;  plusieurs  ont  un 
régime  indirect  :  Les  excès  nuisent  à  la  santé. 
Les  excès  nuisent,  à  quoi?  à  la  santé,  régime 
indirect  du  verbe  neutre  nuisent.  Il  médit  de 
son  prochain.  Il  médit,  de  qui?  de  son  pro- 
chain, régime  indirect  du  verbe  neutre  médire. 

Enfin,  les  verbes  réfléchis  ei  les  verbes  réci- 
proques ont  pour  régimes  les  pronoms  me,  te,  se, 
nous,  vous;  or,  ces  pronoms  sont  quelquefois 
régime  direct,  comme  dans  je  me  loue,  tu  te 
loues,  il  se  loue  ;  nous  nous  louons,  vous  vous 
louez,  il  se  louent;  et  quelquefois  ils  sont  régime 
indirect,  je  me  reproche,  tu  te  reproches,  il  se 
reproche;  nous  nous  reprochons,  vous  vous  re- 
proches, ils  se  reprochent  ;  où  me  est  pour  a 
moi,  te  pour  à  toi,  se  pour  à  lui,  ou  à  eux,  nous 
pour  à  nous.  "Voyez  Complément,  Construction- 

Plusieurs  adjectifs  ont  aussi  leur  régime.  C'est 
un  substantif  ou  un  verbe  précédé  de  l'une  des 
prépositions  a,  de,  dans,  en,  sur,  etc.  Les  ad- 
jectifs <}ui  ont  un  sens  déterminé,  absolu,  qui  ne 
font  point  attendre  une  autre  idée  pour  com- 
pléter celle  (ju'ils  présentent,  n'ont  point  de 
régime.  Tels  sont  intrépide,  invioUMe';  ver- 
tueux, etc. 


RÉG 

Ceux  au  cantrairedont  '.idée  est  indéterminée, 
et  qui  font  attendre  quelque  autre  idée  pour 
compléter  celle  (ju'ils  présentent,  ont  des  régimes. 
Si  je  dis,  par  exemple,  il  est  capable,  on  me  de- 
mandera de  quoi?  Cet  adjectif  capable  appelle 
donc  une  autre  idée  pour  compléter  celle  qu'il 
présente;  il  appelle  un  régime;  et  ce  régime 
est  (|uelquel'ois  un  nom  :  capable  de  rtsistance; 
quelquefois  un  verbe  :  capable  de  résister.  Tel 
adjectif  qui  appelle  un  régime  parce  qu'il  est 
pris  dans  un  sens  relatif,  n'en  appelle  point  lors- 
qu'il est  pris  dans  un  sens  absolu.  On  dit,  c'est 
lin  homme  capable,  pour  dire  absolument  c'est 
un  homme  qui  a  de  la  capacité,  de  l'intelligence, 
des  talents.  Voici  les  régies  que  donnent  les  gram- 
mairiens sur  cette  matière. 

1»  Il  ne  faut  pas  donner  de  régime  à  un  adjectif 
qui  n'est  pas  susceptible  d'en  recevoir  un.  Cotte 
règle  signifie  qu'avant  de  donner  un  régime  à 
un  adjectif  il  faut  examiner  s'il  est  pris  dans  un 
sens  absolu  ou  relatif;  et  ce  n'est  (|ue  dans  ce 
second  cas  qu'il  faut  lui  donner  un  régime,  .\insi 
je  dirai,  je  suis  content,  si  je  vcu.x  exprimer 
d'une  manière  absolue  le  contentement  de  mon 
àme,  sans  relation  avec  les  objets  qui  ont  cau>é  ce 
contentement;  et  je  dirai  je  suis  content  de  mon 
frère,  pour  exprimer  le  contentement  de  mon 
àme, considéré  relativement  à  la  conduite  de  mon 
frère. 

2"  II  ne  faut  pas  donner  à  un  adjectif  un  autre 
régime  que  celui  qui  lui  est  assigné  par  l'usage. 
Cela  veut  dire  qu'il  faut  étudier  avec  soin  quels 
sont  les  régimes  que  l'usage  donne  aux  adjectifs. 
Par  exemple,  on  ne  dira  pas,  cela  m'est  aimable, 
comme  on  dit  cela  m'est  agréable.  Voyez  ai- 
mable. 

3'^  Un  substantif  peut  être  régi  par  deux  ad- 
jectifs, pourvu  que  les  rapports  qui  les  lient 
soient  exprimas  par  la  même  prc])Osition,  ou,  ce 
qui  est  la  même  chose,  pourvu  que  les  adjectifs 
demandent  le  même  régime  :  Ce  père  est  utile  et 
cher  à  sa  famille,  est  une  phrase  correcte,  parce 
que  les  adjectifs  utile  et  cher  régissent  la  même 
préposition.  On  dit  utile  «,  cher  à.  Mais  on  ne 
pourrait  pas  dire  cet  homme  est  utile  et  chéri 
de  sa  famille,  parce  (jue  utile  et  chéri  ne  régis- 
sent pas  la  même  préposition,  car  on  dit  vtHe  à 
et  chéri  de.  Il  faudrait  donc,  dans  ce  cas,  em- 
ployer un  autre  tour  et  dire  :  Cet  homme  est 
utile  à  sa  famille  et  il  en  est  chéri. 

M.  Lemaire  a  fait  une  excellente  note  sur  le 
régime  des  adjectifs.  Comme  elle  est  trop  éten- 
due pour  que  nous  la  rapportions  en  entier,  nous 
en  extrairons  seulement  les  passages  suivants; 
mais  nousengageonsles  personnes  qui  voudraient 
étudier  celte  question  à  fond,  à  lire  ce  morceau 
dans  la  Grammaire  des  Grammaires  (p.  276). 

«  «Quelques  grammairiens  ont  cru  trouver  un 
régime  de  l'adjectif  dans  la  jilirase  suivante  : 
Il  est  doux  de  yo«ir  dans  la  solitude  des  plaisirs 
in/irctnts  que  rien  ne  peut  ôter  aux  bergers. 
(Fénel.,  Télém.,  liv.  II,  t.  i,  p.  dOS.)  iMais 
évidemment  c'est  là  un  aoUicisme  dans  le- 
quel la  préposition  de  semble  n'être,  comme 
le  dit  l'Académie,  qu'une  particule  destinée  à 
lier  le  verbe  avec  ce  qui  précède.  En  effet,  dans 
cette  proposition,  il  est  honteux  de  mentir,  le 
léritable  sujet  est  l'infinitif  mentir  ;  et  l'on  ne 
pourrait  traduire  cette  phrase  en  latin  qu'en 
changeant  ainsi  la  tournure  :7/(e«Ur  est  honteux; 
turpe  est  mentiri...  L'infinitif  deviendra-t-il 
nécessaire<nent  un  régime  dans  ces  phrases  ^  Cet 
homme  est  fou  de  parler  ainsi,  f^ous  êtes  bien 


REG 


613 


bon  de  le  croire.  A  notre  avis,  ces  locutions  na 
présentent  pas  le  caractère  d'un  véritable  com|)lé- 
ment  de  l'adjectif;  c'est  plutôt  une  sorte  de  pro- 
position subordonnée  qui  se  rattache  à  la  pro- 
position i)rincipalc  par  le  mot  de,  faisant  les 
fonctions  d'une  particule  conjonctive.  En  effet, 
pour  traduire  cette  tournure  de  phrase  en  latin, 
il  serait  nécessaire  d'employer  un  relatif... 

«La  préposition  à  devant  un  infinitif  s'emploie 
quelquefois  dans  un  sens  analogue  :  //  est  lou  à 
(ce  point  qu'on  doit  le)  lier.  Par  suite  de  l'ellipse, 
le  verbe  prend  ici  une  signification  passive,  comme 
si  l'on  disait  fou  à  être  lié.  Mais  cela  n'a  pas  tou- 
jours lieu,  et  la  signification  peut  également  rester 
active  :  Laid  à  (ce  point  qu'il  doit)  faire  peur. 
A  n'exprime  ]>as  un  complément  de  l'adjectif 
toutes  les  fois  qu'il  doit  se  résoudre  par  une 
explication  semlilable  à  celles  que  nous  venons 
d'indiquer. 

«  Mais  au  contraire  le  régime  existe  toutes  les 
fois  que  l'infinitif  semble  n'avoir  dans  la  phrase 
d'autre  valeur  ipie  celle  d'un  substantif  précédé 
d'une  [tréposition.  Ainsi  anriable  a  lire,  étonnant 
à  voir,  auront  pour  explication  à  ou  par  la  lec- 
ture, la  vue.  C'est  alors  une  locution  imitée 
du  supin  en  k  des  Latins.  Nous  ne  citons  ici 
que  des  phrases  où  l'infinitif  a  le  sens  passif  ou 
neutre,  a  l'imitation  d'une  tournure  latine  ;  l'em- 
ploi du  sens  actif  ne  peut  jamais  faire  de  doute; 
c'est  le  régime  ordinaire  :  Ardent  à  travailler.  » 

RÉGIR.  V.  a.  de  la  2'  conj.  Voyez  Gouverner 
et  Régime. 

RÉGLEMEMAiRR.  Adj.  dcs  dcux  geurcs.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Lois  réglementaires, 
régime  réglementaire. 

Réglisse.  Subst.  f.  On  le  faisait  autrefois  mas- 
culin. 

Régnant, RÉGNANTE.  Adj.  verbal  tiré  du  verbe 
régner. On  mouille  le  gn.W  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Le  roi  régnant,  le  prince  régnant.  — 
Le  goût  régnant.  Vopinion  régnante. 

Régner.  V.  n.  de  la  IT"  conj.  Les  poètes  em- 
ploient souvent  ce  verbe  au  figuré  dans  divers 
sens  : 

Sur  ce  ïisage  austère  où  régnait  la  tristesse. 

(Volt.,  Henr.,  IX,  317J 

Xéron  dans  tous  les  cœurs  est-il  las  de  régner? 

(Rac,  Britan.,  acl.  IV,  se.  m,  26.) 

Régmcole.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne  mouille 
pas  gn,  le  ^se  prononce  durement  :  Rcgue-nicole. 
Il  est  régnicole.  —  On  le  prend  aussi  substanti- 
vement :  Les  régnicoles. 

Regorgeh.  V.  n.  de  la  i'^  conj.  Voici  des  ac- 
ceptions que  l'Académie  n'indique  point  : 


Le  saug  de  vos  sujets  regorger  jusqu'à  tous. 
(Rac,  Esth.,  acl.  V,  se.  I, 


Ses  cruels  favoris,  d'un  regard  curieux, 
Voyaient  les  flols  de  sang  regorger  sous  leurs  yeux. 
(Volt.,  Henr.,  II, -287.) 

Que  vos  gouffres  profonds  regorgeant  de  victimes. 
{Volt.,  Oreate,  acl.  lY,  se.  iv,  6.) 

L'enfer  regorgeant  de  victimes,  a  dit  La  Harpe 
à  l'occasion  de  ce  vers,  est  une  expression  è  L 
fois  emphatique  et  triviale  {Cours  de  Littéra- 
ture). Cette  critique  ne  semble  pas  bien  juste. 


614 


REL 


Recrettablk.  Adj.  des  deux  gemes  qui  ne  se 
Uiel  ijir;i|)res  son  subsl.  :  Un  homme  regrettable, 
utte  situation  regrettable. 

Regrktter.  V.  a.  de  la  l^e  conj.  On  dit  je 
regrette  de,  cl  je  regrette  que.  Lc  premier  s'eiu- 
pluie  (juand  le  siijcl  de  la  pruposiiiun  princijwle 
csl  le  inéine  que  celui  de  la  pro|)osiiiuii  subor- 
donnée :  Je  regrette  de  ne  plus  la  voir.  Je  esl  le 
sujel  de  regretter  el  de  vuir.  C'est  comme  s'il  y 
avait  que  je  ne  la  rois  plus.  On  emploie  que 
lors<jue  le  sujet  du  second  vcrL>e  n'est  pas  le 
même  que  celui  du  premier  :  Je  regrette  qu'il 
soit  parti  si  tôt. 

Bêgl'lier,  Régclièee.  Adj.  Il  ne  se  met  guère 
qu'aprùs  son  subst.  :  Mouvement  rt'gttlier.  tin 
homme  rigulier,  une  femme  régulière.  —  Des 
traits  réguliers,  une  conduite  régulière. 

On  appell'»,  en  termes  de  grammaire,  tours 
réguliers,  phrases  régulières,  les  tours,  les  phra- 
ses qui  sont  confornies  ;iux  [trocédés  autorises  par 
la  langue.  On  appelle  verbes  réguliers  les  verbes 
qui,  dans  la  furmalion  de  leurs  temps,  suivent 
les  règles  générales  des  conjugaisons,  par  oppo- 
sition aux  verbes  irréguliers,  qui  ne  suivent  pas 
ces  règles,  ^'oycz  Conjugaison. 

RiîGULiLuKjiKNT.  Adv.  On  peut  (iueUiuefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  [larlicipe  :  //  a  tou- 
jours vécu  régulièrement,  ou  il  a  toujours  régu- 
lièrement vécu. 

RtJAw.LiR,  Rejaillissement.  Dans  ces  deux 
mots  on  mouille  les  deux  l. 

Rejki  AELE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
(ju  après  son  subsl.  :  Pmposiiionrejelable, excuse 
rejetuble,  pièce  rejetable. 

Rejeter.  V.  a.  de  la  \'^  conj.  On  double  le  t 

dans  les  temps  qui  finissent  p;ir  un  e  muet;  dans 

les  autres,  on  ne  met  qu'un  /  ;  Je  rejette,  tu 

■''cjetles,  il  rejette;  nous  rejetons,  vous  rejetez, 

s  re jettent. 

REJOUISSANT,  Réjouissante.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permeltent  :  Un  spectacle  réjouis- 
sant, ce  r'jnuissant  spectacle.  Un  homme  ré- 
jouissant. Voyez  Adjectif. 

Relâche.  Ce  substantif  est  féminin  en  termes 
de  marine;  dans  tous  les  auiressens  il  est  mas- 
culin. 

Relacheuent.  Subst.  m.  :  Le  relâchement 
des  lois  de  la  pudeur  et  de  la  modestie.  (Mon- 
tcs(iuieu.  Lettres  persanes).  L'Académie  n'in- 
dique point  celte  acception. 

Relaps,  Relapse.  Adj.  On  prononce  le  p  et 
le  *.  11  ne  se  met  (ju'aprés  son  subst.  :  Il  est 
relaps,  elle  csl  relapse. 

*Rélatedr.  Subst.  m.  Qui  fait,  qui  a  fait  des 
récits,  des  narrations.  L'usage  n'a  point  adopté  ce 
mot,  queFcnclon  a  employé  assez  heureusement 
'lans  la  phrase  suivante  :  Vos  historiens  vous 
sont  inconnus  ;  on  ?i'cn  a  que  des  morceaux 
extraits  et  rapportés  par  des  rélateurs  peu 
critiques. 

Relatif,  Relative.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
picsson  subst.  :  Qualités  relatives.  Il  régit  <|uel- 
(juefois  la  préposition  «  ;  Cet  article  est  relatif 
au  premier. 

Jiclatif  esl  aussi  un  mot  de  grammaire.  On 
appelle  ?eia/z/' tout  mot  qui  exprime  une  relation 
à  un  terme  conséquent  dont  il  fait  abstraction. 
En  sorte  que  si  l'on  emploie  un  mot  de  cette 
espèce  :ans  y  joindre  l'expression  d'un  terme 
conséquent   déterminé,  c'est  pour  présenter  à 


RKL 

l'esprit  l'idée  générale  de  la  relation,  indépen^ 
damment  de  toute  application  a  quoique  terme 
conséquent  que  ce  puisse  être.  Si  le  mol  relatif 
ne  i»eut  ou  ne  doit  être  envisagé  «ju'avec  appli- 
cation a  un  terme  conséiiueiit  (lelerminc,  aloi-s  ce 
mol  seul  ne  jiréscntc  qu'un  sens  suspendu  el 
incomplet,  lequel  ne  satisfait  l'cspril  que  quand 
on  y  a  ajouté  le  complémenl.  Il  y  a  des  mots  de 
plusieurs  espèces  qui  sont  relaïifs  en  ce  sen.s, 
savoir,  des  noms,  des  adjectifs,  des  verbes,  des 
adverbes  et  des  prépositions. 

Tous  les  ra|)porls  imaginables  supposent  deux 
termes,  el  ces  deux  termes  peuvent  être  vus 
sous  deux  combinaisons.  11  peut  arriver  que  le 
rapport  du  premier  terme  au  second  i^  soit  pas 
ie  même  que  celui  du  second  au  premier,  quoi- 
qu'il le  dciermine;  cl  il  peut  arriver  que  le  rap- 
port des  deux  termes  soit  le  même  sous  les  deux 
combinaisons. 

On  appelle  noms  réciproquement  relatifs  ceux 
qui  expriment  un  ra|)porl  qui  csl  toujours  le 
même  sous  chacune  des  deux  combinaisons  des 
termes,  comme  frère,  collègue,  cousin,  etc.,  car 
si  Pierre  est  frère,  ou  collègue,  ou  cousin  de 
Paul,  il  est  vrai  aussi  que  Paul  est  ré.  iproque- 
ment  frère,  ou  collègue,  ou  cousin  de  Pierre. 

On  appelle  simplement  relatifs  les  noms  qui 
expriment  un  rapport  qui  n'est  tel  que  sous  une 
idée  des  deux  combinaisons;  de  sorte  que  le 
rapport  qui  se  trouve  sous  l'autre  combinaison 
est  différent,  et  s'exprime  par  un  autre  nom.  On 
dit  en  ce  casque  ces  deux  noms  sont  corrélatifs 
l'un  de  l'autre.  Par  exemple,  si  Pierre  est  le 
père,  ou  Voncle,  ou  le  roi,  ou  le  maître,  etc., 
de  Paul,  cela  n'est  pas  réciproque;  mais  Paul 
esl,  par  corrélation,  le  fis,  ou  le  neveu,  ou  le 
sujet,  ou  Vesclave  de  Pierre.  Ainsi,  père  el  fils, 
oncle  et  7ieveu,  roi  et  sujet,  maître  e\.  esclave, 
sont  corrélatifs  entre  eux,  cl  chacun  d'eux  est 
simplement  relatif. 

Il  en  esl  des  adjectifs  relatifs  comme  des  noms; 
les  uns  le  sonl  simplement,  les  autres  récipro- 
quement. Utile,  inutile,  avantageux,  nuisible, 
sont  simplement  relaïifs,  parce  qu'ils  désignent 
un  rapport  qui  n'est  tel  que  ?ous  l'une  des  deux 
combinaisons;  la  diète  esl  utile  à^la  santé,  la 
santé  n'est  pas  utile  à  la  diète.  Egal,  inégal, 
semblable,  dissemblable,  sont  réciproquement 
relatifs,  parce  qu'ils  désignent  un  rap|)ort  qui 
esl  toujours  le  même  sous  les  deux  combinai- 
sons. Si  Rome  esl  semblable  à  Mantoue,  Mantoue 
est  semblable  à  Rome. 

Il  y  a  des  verbes  qui  expriment  Texislence  d'un 
sujet  sous  un  attribut  qui  a  rapport  à  quelque 
objet  exlcrieur.  Tels  sont  les  verbes  qui  ont  UD 
complément  direct  nécessaire  ou  un  régime 
simple,  c'est-à-dire  les  verbes  actils,  comme 
j'aime,  j'envoie;  tels  sonl  aussi  les  verbes  pas- 
sifs, je  suis  aimé  ;  l'action  des  uns  et  la  passion 
des  autres  esl  relative  a  un  objet  diffèrent  du 
sujel;  ce  sonl  donc  des  verbes  relatifs. 

Quant  aux  verbes  neutres,  ils  ne  peuvent 
jamais  être  relatifs,  parce  que,  exprimant  un  état 
du  sujet,  il  n'y  a  rien  à  chercher  pour  cela  hors 
du  sujel. 

Il  y  a  aussi  des  adverbes  relatifs,  puisqu'on 
en  trouve  ipielques-uns  qui,  étant  seuls,  n'ont 
qu'un  sens  suspendu,  et  qui  exigent  nécessaire- 
ment l'addilion  d'un  complément  pour  la  pléni- 
tude du  sens.  Tels  sont  conformément,  relative- 
ment,  indépendamment.  Le  sens  de  ces  mots  est 
suspendu  si  l'on  n'y  ajoute  pas  un  complément, 
comme  conformément  à  la  nature,  relativement 


REL 

à  mas  vues,  indépendamment  des  circonstances. 

Enfin  toutes  les  prcposilioiis  sont  essentielle- 
ment relatives,  puisqu'elles  ont  toujours  rapport 
a  un  complément  sans  lequel  leur  sens  reste  sus- 
pendu :  Sur  la  table,  à  Paris,  etc. 

Les  ffraniinairiens  distinguent  encore  dans  les 
mots  le  sens  absolu  et  le  sons  relatif.  Cette 
distinction  no  peut  tomber  que  sur  quelques-uns 
des  mots  dont  on  vient  de  parler,  parce  qu'ils 
sont  quehiuefois  employés  sans  complément,  et 
que,  par  conséquent,  le  sens  en  est  envisagé  in- 
dépendanmient  de  toute  application  à  quelque 
terme  conséquent  (lue  ce  puisse  cire.  Ce  sens 
n'est  i)as  rcelleuient  absolu,  car  un  mol  essen- 
tiellement relatif  ne  peut  cesser  de  l'être;  mais  il 
parait  absolu,  parce  iju'il  y  a  une  abstraction 
actuelle  du  terme  conséquent.  Que  je  dise,  par 
exemple  :  .■limes  Dieu  par-dessus  toutes  choses, 
et  votre  prochain  comme  vous-même,  le  verbe 
aimez,  essentiellement  relatif,  parce  qu'on  no 
peut  aimer  sans  aimer  un  olvict  déterminé,  est 
employé  ici  dans  le  sens  relat  f,  puisque  le  sens 
en  est  eomi>Iélé  par  l'expressinri  de  l'objet  qui 
est  le  terme  conséi|uent  du  rapport  renfermé  dans 
le  sens  de  ce  verbe.  Mais  si  je  dis  aimez,  et 
faites  après  cela  ce  que  rous  voudrez,  le  verbe 
aimez  est  ici  d;ins  un  sens  absolu,  parce  qu'on 
fait  abstraction  do  tout  terme  consé(|uent,  de 
tout  objet  delermiiié  autiucl  l'amour  puisse  se 
rapporter.  —  11  en  est  de  même  de  toutes  les 
autres  sortes  de  mots  relatifs,  comme  noms,  ad- 
verbes, prépositiiius  :  Je  suis  père,  et  je  recon- 
nais à  ce  titre  toute  l'étendue  de  l'amour  que  je 
dois  à  mon  père  ;  le  premier  père  est  dans  un 
sens  absolu  ;  le  second  a  un  sens  relatif  :  car  vwn 
père,  cViSl  le  père  de  moi.  ^'oyez  Absolu. 

On  dislingue  aussi  des  propositions  absolues 
et  des  propositions  relatives.  Lorsqu'une  propo- 
sition est  tel'o  que  l'esprit  n'a  besoin  que  des 
mots  qui  y  sont  énoncés  pour  en  entendre  le 
sens,  ncius  disons  que  c'est  une  proposition  ab- 
solue ou  complète.  Quand  le  sens  d'une  proposi- 
tion met  l'esprit  dans  la  situation  d'exiger  ou  de 
saipposer  le  sens  d'une  autre  proposition,  nous 
disons  que  ces  propositions  sont  relatives. 

Le  principal  usage  que  font  les  grammairiei>s 
du  terme  relatif  G-^i  pour  désigner  indÀ'iduolle- 
menl  radjeclirconjonclif  <?mj,  que,  lequel;  c'est, 
disent-ils,  un  pronom  relatif.  Mais  ce  mot  est 
réellement  un  adjectif.  Voyez  Adjectifs  conjonc- 
tifs.  [Extrait  en  partie  de  Beauzée.) 

Relation.  Subst.  f.  En  termes  de  grammaire, 
on  entend  i«ir  relation,  la  correspondance  que 
les  mois  ont  les  uns  avec  les  autres,  dans  l'ordre 
de  la  syntaxe.  Les  relaiions  irrégulières  et  mal 
appliquées  sont  des  fautes  que  l'on  doit  éviter 
avec  soin,  parce  qu'elles  rendent  le  sens  obscur, 
et  souvent  même  équivoque,  comme  dans  cet 
exemple  :  On  la  reçut  avec  froideur,  qui  était 
d'autant  plus  étoniianle, clc.  Ici  le  mol  f  raideur 
étant  cmi)loyé  d'une  manière  indéfinie,  l'adjectif 
conjoMctif  qui  ne  peut  pas  avoir  avec  ce  mot 
une  relation  juste  et  régulière.  Voyez  Relatif, 
JRapport. 

Rel.^tivement.  Adv.  Cet  adverbe  ayant  un 
complément  nécessaire,  relativement  à.... ,  ne 
peut  se  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe, 
parce  que.  ne  pouvant  y  être  mis  qu'avec  son 
complément,  il  les  éloignerait  trop  l'un  de  l'autre. 
Il  serait  ridicule  de  dire,  cela  a  été  relativement 
a  ce  qui  précède  dit. 

RELAYEr,.  V.a.  de  la  ''"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  payer. 


REM 


Cïu 


Relever.  "V.  a.  de  la  4'«  conj.  Relever  une 
chose  par  une  autre  signifie  faire  valoir  unechose 
en  kl  rapprochant  d'une  autre. 

Quand  vous  relevez  l'éclat  do  votre  teint  par 
les  plus  helles  couleurs  Montesquieu,  XXVP 
lettre  persane).  C'est  dans  le  même  sens  que 
Racine  a  dit  dans  Iphigénie  (act.  Il,  se.  v,  57)  ; 

Et  vous  ne  comparez  votre  exil  à  ma  gloire, 
Que  pour  mieux  relever  votre  injuste  victoire. 

Religieusement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  lia  gardé  religieuse- 
ment sa  parole,  *\i  il  a  religieitsement  gardé  sa 
parole. 

Religieux,  Religikcse.  Adj.On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'iiarmonie 
le  permettent  :  Culte  religieux,  cérémonies  reli- 
gieuses,  opinions  religieuses.  —  Un  homme 
religieux,  sentiments  religieux,  ces  religieux 
sentiments;  dispositions  religieuses,  ces  reli- 
gieuses dispositions.  \ uycz  Adjectif . 

Reliques.  Subst.  f.  plur.  L'Académie  prétend 
que  ce  mot  au  pluriel  se  prend  i|ue!i|uefois,  dans 
le  style  oratoire  ou  poétique,  pour  les  restes  de 
quehpie  chose  de  grand.  —  Il  se  prenait  autre- 
fois en  ce  sens,  mais  il  ne  s'y  prend  plus  au- 
jourd'hui. 

Ils  s'arrêtent  non  loin  de  ces  tombeaux  antiques, 
Où  des  rois  ses  aïeux  sont  les  froides  retiques.    , 
(Rac,  Phéd.,  aol,  V,  se.  vi,  66^ 

Voltaire  a  dit,  au  sujet  de  ce  vers  :  Reliques, 
mot  dérivé  du  latin  reliquiœ,  qui  veut  dire  restes, 
a  vieilli;  on  ne  le  dit  plus  que  des  choses 
saintes. 

Relire.  V.  a.  et  irrégulicr  de  la  4'  conj.  11  se 
conjugue  comme  lire.  Voyez  ce  mol. 

RELuir.E.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  4*  conj.  Il 
se  conjugue  comme  luire.  Voyez  ce  mot. 

Reluisant,  Reluisante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
reluire.  Il  ne  se  dit  qu'au  projjre.  On  peut,  en 
vers,  le  mettre  avant  son  subst.  :  Une  étoffe 
reluisante,  desarmes  reluisantes,  ces  reluisantes 
armes.  \ oyez  Adjectif. 

Remarquable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
le  mettre  avant  son  subst.,  en  consnUant  l'oreille 
et  l'analogie  :  Un  événement  remarquable,  ces 
remarquables  événements  ;  action  retnarquable, 
fait  remarquable ,  homme  remarquable  11  régit 
qucl<iucfois  la  préposition  par  :  Une  femme 
remarquable  par  sa  beauté. 

Remboursable.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Une  rente  rembowr- 
sable. 

Remettre.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4«  conj- 
11  se  conjugue  comme  mettre.  Voyez  ce  mot. 
Remettre  une  chose  à  sa  place.  Remettre  l'épée 
dans  le  fourreau,  remettre  à  la  voile.  —  4.%»  re- 
mettre à  table,  au  lit,  au  jeu..  —  Reme'Are  Oen 
ensemble  des  personnes  qui  étaient  lh'7s>  îë*'-)"— 
Il  se  remet  de  son  trouble,  de  sa  douleur,  <i« 
son  affliction.  —  Je  ne  me  remets  pas  son 
nom . 

Rémissible.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Faute  rémissible,  cas  ré- 
missible. 

Remords.  Subst.  m.  L-'Académie  n'indique 
qu'imparfaitement  les  diverses  acceptions  de  ce 
mot.  Lffs  exemples  suivants  les  feront  mieux 
connaître  : 


616 


REM 


Je  veux...  laisser... 
Dans  ton  CŒur  qui  m'aima  le  poison  du  remords. 
(Volt.,  Tancr.,  act.  IV,  se.  tu,  10.' 

. . .  D'un  juste  remords  je  ne  puis  me  défendre. 

(Volt.,  Toner.,  act.V,  se.  Ti,  10.) 

Je  Tais  seule  en  ces  lieux 

Mourir  dans  le  rcmordi  d'avoir  Iralii  ina  foi. 

(Volt.,  AU.,  act.  IV,  se.  iv,  19.) 

De  quelque  grand  rcmordt  tu  semblés  déchiré. 

(Volt.,  JfuAom.,  act.  III,  se.  viii,  55.) 

Si  les  r«mord«  sont  vrais,  ton  cœur  n'est  plus  coupable. 
[Idem,  57.) 

J'obéis;  d'où  vient  donc  que  le  remords  m'accable? 
(Volt.,  Uahom.,  act.  IV,  se.  iv,  36.  J 

Ah  !  si  le  ciel  enGn  tous  parle  et  tous  éclaire  , 
S'il  TOUS  donne  en  secret  un  remords  salutaire. 

(Volt.,  Orestc,  act.  I,  se.  m,  39.) 

Lu!  seul,  à  la  pitié  toujours  inaccessible. 
Aurait  cru  faire  un  crime  et  trahir  Médicis, 
Si  du  moindre  remords  il  se  sentait  surpris. 

(Volt.,  Henr.,  II,  226.) 

Ab!  je  ne  puis  contenir  ma  tendresse; 

Je  cède  au  trouble,  au  remords  qui  me  presse. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  act.  III,  se.  v,  7.) 

Rhadamanthe  en  ces  lieux  juge,  absout  à  son  gré. 

Terrible,  il  interroge,  il  entend  les  coupables. 

Les  contraint  d'avouer  les  forfaits  exécrables 

Qu'ils  ont  cachés  dans  l'ombre,  et  qu'au  sein  de  la  mort 

Ne  peut  plus  expier  un  stérile  remords. 

(Deul.,  Énèid.,  VI,  73S.) 

La  lettre  5  est  muette  dans  le  mot  remords., 
excepté  lorsque  le  mot  suivant  commence  par 
une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré. 

Quelques  poêles,  et  entre  autres  Yollaire  et 
Delille,  ont  écrit  remord  sans  s.  C'est  une  licence 
qu'il  n'est  pas  bon  d'imiter. 

Rksioudre.  "V.  a.  et  irrégulier  de  la  4^  conj. 
Il  se  conjugue  comme  moudre.  A'^oyez  ce  mot. 

*Remodrir.  V.  n.  de  la  i"^  coîij.  On  ne  le 
trouve  point  dans  les  dictionnaires,  et  l'occasion 
d'en  faire  usage  est  très-rare.  Il  paraît  assez  bien 
placé  dans  la  phrase  suivante  :  Nicéphore  as.^urc 
que  deux  évêques  morl.^  pendant  les  premières 
sessions  [du  concile  deNicée) ,  ressuscitèrent  pour 
signer  la  condamnation  d'Arius,  et  remouruvent 
incontinent  après  (Voit.,  Dict.  philos.,  article 
Conciles,  2*  section). 

Rempart.  Subst.  m.  Voici  quelques  exemples 
de  l'emploi  de  ce  mot  au  figuré,  que  l'on  ne 
trouve  point  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  : 

Tout  le  reste,  assemblé  près  de  mon  étendard. 
Vous  offre  de  ses  rangs  Tinvincible  rempart. 

(Rac,  Iphig.,  act.  V,  se.  ii,  7.) 

Cependant  Athalie,  un  poignard  à  la  main. 
Rit  des  faibles  remparts  de  nos  portes  d'airain. 
(Rac,  Àth.,  act.  V,  se.  i,  ?,8.) 

On  ne  Toyait  jamais  marcher  devant  son  char 
D'un  bataillon  nombreux  le  fastueux  rempart. 

(Volt.,  OEd.,  act.  IV,  se.  i,  23.) 

Remplir.  'V.  a.  de  la  2«  conj.  'VoUaire  a  dit 
dans  la  Hcnriade  (III,  309)  : 

Bientôt  ce  fruit  affreux  se  répand  dans  Paris, 
Le  peuple  épouvanté  remplit  l'air  de  s»»  crt». 


REN 

Remplir  cl  Emplir  se  j)rcnnenl  souvent  mal  à 
propos  l'un  pour  l'autre.  Voici ,  je  pense,  les 
nuances  qui  les  distinguent.  EmpHr  c'est  com- 
bler e\aciement  la  <'apaiilé  d'nno  chose,  de  ma- 
nière ((u'il  n'y  reste  point  de  vide;  et  il  se  dit 
des  vasos,  des  vaisseaux  <icslinés  à  contenir  ce 
dont  on  les  emplit  :  On  emplit  un  muid  de  vin, 
d'eau,  de  cidre,  dit  vinaigre,  etc.  ;  on  emplit  un 
Stic  d'orbe,  d'avoine,  etc.  ;  un  nifjf're  de  hardes, 
une  armoire  de  linge  iiu  de  livres,  etc.  S'il  s'agit 
seulement  d'achever  de  mettre  dans  des  vases, 
dans  des  vaisseaux,  ce  qu'il  faut  pour  ((u'ils  scient 
pleins,  on  dit  reniplir  :  Ce  tonneau  n'est  pas 
plein,  il  faut  le  remplir. 

lîempiir,  dans  un  aulrc  sens,  se  dit  des  lieux, 
des  endroits  où  l'on  met  une  grande  (piantité  de 
choses,  soit  que  ces  lieux  soient  destinés  à  les 
recevoir,  soit  qu'ils  ne  le  soient  pas;  et,  pour 
cela,  il  n'est  pas  nécessaire  que  la  capacité  de  ces 
lieux, de  cescndroitssoit  exactement  pleine,  mais 
il  suflit  qu'il  y  ait  une  grande  quantité  des  choses 
dont  on  les  remplit  :  On  remplit  une  cave  de  vin, 
un  grenier  de  grains,  une  rue  de  gravois,  une 
basse-cour  de  fumier,  nnpays  de  mendiants. 

Au  figuré,  on  dit  toujours  remplir  :  Remplir 
la  terre  du  bruit  de  son  nom  ;  remplir  une  ville 
d'épouvante  ;  remplir  son  devoir,  ses  obligations, 
sa  promesse;  remplir  sa  tète  de  chimères,  etc. 

Remuant,  Remuante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
remuer.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
enfant  remuant,  un  esprit  remuant. 

RÉMUNÉRATEUR.  Subst.  m.  L'Académlc  ne  dit 
pas  rémunératrice  en  parlant  d'une  femme  ;  nous 
pensons  que  rien  n'empêcherait  de  le  dire,  si 
l'occasion  s'en  présentait. 

Renaissant,  Renaissante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  renaître.  En  vers,  on  peut  le  mettre  avant  son 
subst.  :  La  nature  renaissante,  les  plaisirs  re- 
naissants. L'aurore  renaissante,  la  renaissante 
aurore. 

Renaître.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  4«  conj.  Il 
se  conjugue  comme  naître.  Voyez  ce  mot.  Ce 
verbe  régit  quelquefois  la  préposition  de  :  Renaâtre 
de  ses  cendres. 

Revois  ton  cher  Zaniore  échappé  du  trépas. 
Qui  du  sein  du  tombeau  renaft  pour  te  défendre. 
(Volt.,  AU.,  act.  II,  se.  ly,  2.) 

Ce  verbe  ne  se  dit  au  propre  que  du  phéniv, 
oiseau  fabuleux  que  les  anciens  font  renaître  de 
sa  cendre;  de  Prométhée ,  qui,  suivant  la 
faille,  avait  un  foie  renaissant,  pour  servir  de 
pàUire  perpétuelle  au  vautour  qui  le  déchirait; 
des  tètes  de  l'hydre  qui  renaissaient  a  mesure 
qu'on  les  coupait  (Voyez  Hydrt:);  et  enfin  des 
fleurs,  des  plantes,  etc.  On  dit  /.'herbe  renaît, 
les  fleurs  renaissent. 

Rencontre.  Subst.  f.  On  dit  venir  à  la  ren- 
contre de  quelqu'un,  pour  dire  venir  au-devant 
de  queliju'un.  Celte  expression  est  familière,  et 
on  a  eu  raison  de  la  relever  dans  ce  vers  de 
Racine  {Mithridate,  act.  II,  se.  i,  13)  : 

Croyez-moi,  montrez-vous,  venez  à  sa  rencontre. 

On  dit  aller  à  la  rencontre  de  quelqu'un,  et 
aller  au-devant  de  quelqu'un;  mais  ces  deux 
locutions  ne  signifient  pas  exactement  la  môme 
chose.  On  va  à  la  rencontre  de  quelqu'un,  uni- 
quement dans  l'intention  de  le  joindre  plus  tôt, 
ou  pour  lui  épargner  une  partie  du  chemin;  on 
I  va  au-devant  dcquel  qu'un,   pour  l'honorer  par 


REN 

celle  mariiue  d'empressemenl.  Autrefois  on  em- 
ployait rencontre  a»  masculin.  Voyez  Genre. 

Rencontrer.  V.  a.  de  la  li'c  conj.  Racine  a  dil 
dans  Iphigénie  (acl.  II,  se.  i,  99)  : 

Je  frcmissais,  Doris,  et  d'un  Tainqacur  sauvage 
Craijnais  do  rencontrer  l'effroyable  visage. 

L'Académie  ne  l'indique  point  en  ce  sens. 

Rendre.  V.  a.  de  la  Ae  conj.  Il  régit  plusieurs 
noms  sans  article  :  Rendre  raison,  rendre  hom— 
mage,  rendre  gloire,  rendre  obéissance,  rendre 
compte,  rendre  réponse,  rendre  grâce,  rendre 
foi  et  hommage,  rendre  visite,  rendre  justice, 
•endre  sen-ice,  rendre  témoignage.  —  ^oici 
quelques  acceptions  de  ce  mot  qui  ne  sont  point 
indiquées  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  : 

Pyrrlius  rend  à  l'autel  son  infidèle  lit. 

(Rac,  Androm.,  act.  Y,  se.  m,  2.) 

Je  rends  dans  les  tourments  une  pénible  vie. 

(Rac,  Phèd.,  act.  IV,  se.  vi,  81.) 

Dieux  !  vous  rendrez  Oresle  aux  larmes  de  sa  sœur. 
(ToLT.,  Oreste,  acl.  I,  se.  ii,  103.) 

Ce  héros  malheureux,  de  Bouillon  descendu, 
.\ux  soupirs  des  chrétiens  ne  sera  point  rendu. 

(Volt.,  Zaxre,  act.  II,  se.  i,  57.) 

Renforcer.  V.  a.  de  la  l''^  conj.  Voyez  En  forcir. 

Reniabi.e.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Cas  reniable. 

*  Rémtf.nt,  Rémteme.  Adj.  Mol  inusité  dont 
Voltaire  a  fait  usage  :  Mahomet,  dans  ses  premiers 
combats  en  Arabie  contre  les  ennemis  de  son 
imposture ,  faisait  tuer  sans  miséricorde  ses 
compatriotes  rénitents,  c'est-à-dire  (jui  faisaient 
des  efforts  pour  repousser  sa  doctrine.  —  Nous 
pensons  qu'on  peut  irés-bien  s'en  servir  en  ce 
sens. 

Re.nommée.  Subst.  f.  Voltaire  a  dit  àdir\?,Alzire 
(act.  V,sc.  V,  d8)  : 

Que  j<  sois  de  ton  peuple  applaudie  ou  blâmée. 
Ta  seule  opinion  fera  ma  renommée. 

L'opinion  d'une  seule  personne  ne  peut  pas  faire 
la  renommée  de  (juehju'un.  Fera  ma  renommée 
signilie  ici  me  tiendra  lieu  de  renommée. 

Et  lui,  désespéré,  s'en  alla  dans  l'armée, 
Chercher  d'un  beau  trépas  l'illustre  renommée. 

(Corn.,  PoU,  act.  I,  se.  m,  81.) 

La  renommée  ne  convient  jioint  «  trépas,  dit 
Voltaire.  Ce  mot  ne  regarde  jamais  que  la  per- 
sonne, parce  que  renommée  vient  de  nom  :  La 
renommée  d'un  guerrier,  la  gloire  du  trépas 
{Remarques  sur  Corneille).  Voyez  Bruit. 

Ce  mot  ne  se  dit  au  pluriel  qu'en  terme  de 
peinture,  et  lorsqu'on  parle  des  figures  de  la 
Renommée. 

Renoncer.  V.  n.  et  a.  de  la  If"  conj.  Dans 
le  sens  neutre,  renoncer  à  quelque  chose  : 

Aux  promesses  du  ciel  pourquoi  renoncez-voui? 
(Rac,  Ath.,icl.  I,  se.  i,  137.) 

—  Dans  le  sens  actif,  renoncer  quelqu'un  :  Il  me 
renonce. 

De  ses  remords  pressé. 
Pour  le  sang  de  tûs  rois  il  vous  a  renoncé. 

(Volt-,  OEd.,  act.  V,  se.  ii,  50.) 


REP 


617 


I  Renouveler.  V.  a.  de  la  1'°  conj.  On  double 
I  la  lettre  /  dans  les  lcin|)s  de  ce  verbe  où  celle 
I  lettre  est  suivie  d'un  e  muet  :  Je  renouvelle,  je 

renotivellerai,  il  renouvellera,  il  renouvellerait. 

On  ne  met  qu'un  /  lorscpie  cette  lettre  est  suivie 

de  toute  autre leltrequ'un  e  muet  :  Je  renouvelais, 

j'ai  renouvelé,  ils  renouvelèrent. 

Rentrer.  V.   n.  de  la  l'«  conj.  Racine  a  dit 
j  rentrer  dans  les  fers  : 

j  Par  quel  charme,  oubliant  tant  de  tourments  soufrerts, 

1  PouTCî-TOUs  consentira  rentrer  dans  ses  fers? 

'  (Rac,  Androm.,  àcl.  ï,  se.  1,51.) 

On  dit  aussi  rentrer  dans  so?i  devoir,  rentrer 
en  son  bon  sens,  en  soi-même. 

Renvoyer.  V.  a.  cl  irrégulier  de  la  'U"-'  conj. 
;  Il  se  conjugue  comme  Envoyer.  Voyez  ce  mol. 
I      Réorganisation.  Subst.  f.  Nouvelle  organisa- 
j  lion.  Il  est  utile  d'adopter  ce  mot,  surtout  dans 
I  le  lem|)S  présent,  où  l'on  a  un  si  grand  besoin  de 
réorganisations.  —  En  4835,  l'Académie  l'admet. 
Repaire.  Subst.  m.  Vieux  mut  qui   signifiait 
demeure,  habitation,  et  que  l'on  ne  dil  ]ilus  au- 
I  jourd'hui  que  pour  signifier  un  lieu  où  se  reti- 
rent des  animaux  malfaisants.  11  vient  du  latin 
reperire,  trouver.  Un  repaire  <i?,\.  un  lieu  où  l'on 
trouve  des  bêles  malfaisniiles.  D'après  celle  éty- 
mologie,  on  peut  bien  dire  un  repaire  de  bêtes 
féroces,  mais  non  pas  un  repaire  de  férocité.  — 
On  dit  aussi  un  repaire  de  brigands,  mais  on  ne 
dil  pas  7<H  re.paire  dr  brigandages. 

RepaItre.  V.  a.  et  n.  de  la  4' conj.  11  se  con- 
jugue comme  paître  et  a  de  plus  un  passé  simple, 
Je  repus,  et  un  participe  passé,  repu,  repue,  qui 
sert  à  former  le  passé  composé, /at  repu.  Au 
propre,  il  est  neutre  et  peu  usité.  L'Académie 
donne  pour  exemple,  il  a  fait  trente  lieues  sans 
repaître  ;  vos  chevaux  71  ont  point  repu.  Cela  ne 
se  dil  point.  On  dil  sans  manger,  sans  boire  ni 
manger.  —  Au  figuré,  il  est  actif  et  pronominal  : 
Repaître  son  esprit  de  chimères;  se  repaître  de 
chimères,  de  vaines  espérances. 

Hélas!  si  cette  paix  dont  vous  vous  repaietex 
Couvrait  contre  vos  jours  quelques  pièges  dressés'. 
(Uac,  Critan.,  act.  Y,  sc.i,  61.) 

Réparable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Un  dommage  réparable,  ce  réparable 
dommage;  une  faute  réparable,  cette  réparable 
faute. 

Réparer.  V.  a.  de  la  U^conj.  Voltaire  a  dit 
réparer  le  crime,  réparer  les  ruines  de  laliberté; 
et  Racine,  réparer  l'outrage  des  ans  : 

Repare-lhon  le  crime,  hélas,  par  des  présents? 

{Sémir.,  act,  I,  se.  v,  109.) 

El  de  la  liberté  réparer  les  ruines. 

(Sfort  de  César,  act.  III,  se.  VU,  34.) 

Même  elle  avait  encor  cet  éclat  emprunté 

Dont  elle  eut  soin  de  peindre  et  d'orner  son  visage. 

Pour  re'porer  des  ans  l'irréparable  outrage. 

(Ath.,  act.  II,  se.  t,  35.) 

Repartir.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2«  conj. 
Dans  le  sens  de  répliquer,  répondre  sur-le-champ 
et  vivement,  il  se  conjugue  comme  partir. 

Repartir,  v.  n.,  dans  le  sens  de  partir  de  nou- 
veau ,  se  conjugue  de  même. 

Répartir,  V.  a.  Dans  le  sens  de  distribuer, 
partager  il  se  conjugue  comme  emplir.  Voyez  ce 
mot. 


616 


RÉP 


Eepartir,  dit  Beauzée,  signifie  répondre,  ou 
partir  une  secoiule  fois;  les  circoiisl:inocs  le 
fuiil  eiilendrc;  mais  dans  le  premier  sens,  il 
forme  ses  prétérits  aver  l'auxilKiire  avoir  :  Il  a 
repitrti  avec  esprit,  c'est-ù-dire  il  a  répandu; 
d;ins  le  second  sens,  il  prenda  ses  prétérits  l'auxi- 
liaire être  :  Il  est  reparti  promptement,  c"est-à- 
dire  il  s'en  est  allé. 

11  me  semlile  que  le  verbe  repartir,  dans  le 
second  sens,  jn-end  l'auxiliaire  é^eet  l'auxiliaire 
avoir,  selon  les  vues  de  l'esprit.  Si  je  veux  ex- 
primer l'action  de  partir,  je  dirai  il  a  reparti, 
il  a  reparti  ce  matin  à  six  heures;  si  je  veux 
indi(]uer  l'clal  cpii  résulte  de  l'action  de  partir, 
je  dirai,  en  em|iloyant  l'auxiliaire  être,  il  est 
ripurti;  il  y  a  longtemps  qu'il  est  reparti.  11  y 
a  ici  deux  vues  de  l'esprit  qui  sont  bien  distin- 
guées par  les  auxiliaires  avoir  et  être,  et  ijui  ne 
pourraient  pas  l'être  si  ce  verbe  ne  pouvait  pas 
prendre  l'auxiliaire  avoir.  Voyez  Partir. 

REPENTANT,  Ri;PEM.\NTE.  Adj.  vorbal  tiré  du 
V.  se  repentir.  11  ne  se  met  (iu'a|)rèsson  suhst.  : 
Un  pécheur  repentant,  vne  femme  repentante. 

Repentir  (se).  V.  pronom,  irrégulier  de  l;i  2* 
conj.  Il  se  conjugue  comme  sentir.  Voyez  Iri-é- 
gulier.  Corneille  a  dit  dans  liodogune  (acl.  I, 
se.  VII,  41)  : 

Pcul-êlrc  qu'en  son  cœur,  plus  douce  et  repentie. 
Elle  .en  dissimulait  la  meilleure  partie. 

Repentie,  dit  Voltaire,  n'est  pas  français,  du 
moins  aujourd'hui.  Ou  ne  peut  pas  dire  une  prin- 
cesse repentie;  mais  pourquoi  n'emploierions- 
nous  pas  une  expression  nécessaire  dont  l'équi- 
valcnl  est  reçu  dans  toutes  les  langues  de  l'Eu- 
rope? (Remarques  sur  Corneille ) 

KÉPÉTAiLLEK.  V.  3.  delà  1^^  conj.  On  mouille 
IcsZ. 

Répétition.  Subsl.  f.  Ce  mot  signifie,  en  termes 
de  grammaire,  l'emi»loi  dans  une  même  phrase 
d'une  expression  qu'on  y  a  dcja  em|)loyée. 

11  y  a  trois  sortes  de  répétitions  des  répétitions 
nécessaires,  des  répétitions  élégantes,  et  des  ré- 
pétitions vicieuses.  11  y  a  des  répétitions  si  né- 
cessaires, (]u'on  ne  saurait  les  omettre  sans  faire 
une  mauvaise  construction.  Exemples  :  Le  fruit 
qu'on  tire  de  la  retraite  est  de  se  connaître,  et 
de  coniiaitre  tous  ses  défavts.  Si  l'on  disait  sim- 
plement, le  fruit  qu'on  tire  île  la  retruite  est  de 
se  connaître  et  tous  ses  défauts,  on  parlerait 
mal;  car  se  connaître  ne  serait  pas  bien  construit 
avec  tous  ses  défauts.  Il  n'avait  point  en  cela 
d'autres  vues  que  de  lui  apprendre,  et  d'appren- 
dre a  chacun,  par  son  exemple,  à  obéir  arec 
so7tmission.  .-ipprendre  est  lépété  ici  par  la 
môme  raison  que  connaître  est  répété  dans  le 
premier  exemple 

Il  y  a  d'autres  répétitions  nécessaires  pour  la 
régularité  du  style,  ou  pour  la  netteté.  Exemples: 
D'oii  viennent  tins  vos  troubles  et  vos  peines 
d'esprit'^  Tons,  qui  est  masculin,  ne  fieul  pas 
se  constrinre  avec /jetne*,  (jui  est  féminin;  ainsi 
il  faut  dire  et  toutes  vos  peines.  Mais  «juatid deux 
substantifs  seraient  du  même  genre,  il  ne  faudrait 
pas  laisser  de  répi'ter  (pielqucfois  tout,  cummc, 
l'ancien  serpent  s'armera  contre  vous  de  toute 
sa  malice  et  de  toute  sa  violence;  et  non  pas  de 
ttitile  .la  malice  et  sa  violence.  —  Voici  deux 
fcKeinples  ([ui  regardent  la  netteté  :  Faites  état 
d'acquérir  une  grtrnde  patience,  plutôt  qiiu?ie 
grande  paix;  vous  la  trouverez,  cette  paix,  non 
pas  sur  la  terre,  mais  dans  le  ciel.  Le  mot  de 


REP 

paix  répété  rend  le  discours  plus  net  ;  car  sans 
cette  répétition,  le  pronom  la  pourrait  se  rappor- 
ter à  patience  aussi  bien  (lu'a  paix  :  La  vue  de 
l'esprit  a  plus  d'étendue  que  la  vue  du  corps.  Si 
l'on  disait  que  celle  du  corps,  celle  ferait  équi- 
voque avec  étendue. 

l.cs  réjiétitions  élégantes  sont  celles  qui  con- 
tribuent à  l'oinemeiil  du  discours.  En  voici  des 
exemples  :  Quoi  donc,  6  mon  cher  père,  je  ne  vous 
verrai  jamais  !..  jamais  je  n'embrasserai  celui 
qui  m'aimait  tant!  jamais  je  n'entendrai  parler 
cette  bouche  d'oii  sortait  la  sagesse!  jamais,  etc. 
(Fénel,,  Télém.,  liv,  XVIII,  t.  ii,  p,  203,) 

Ces  murs  portent  le  nom,  le  nom  sacré  de  Troie. 
IDelil.,  Ènéid.,y,  1019,) 

Il  faut,  dit  Voltaire,  éviter  les  répétitions,  a 
moins  qu'elles  ne  donnent  une  grande  force  au 
discours.  —  Voici  des  exemples  de  répétitions 
vicieuses  :  Souffres  que  je  vous  demande  sirous 
vous  souvenez  de  lu'avoir  vu  autrefois,  comme 
il  me  semble  que  je  me  souviens  de  vous  avoir 
vu.  f^otre  visage  ne  7n  est  point  inconnu  ;  il  m'a 
d'abord  frappé,  mais  je  ne  sais  oit  je  vous  ai  vu. 
(Fénel.,  Telém.,  liv.  VIII,  t.  i,  p.  ^59.)  f^énus 
alla  trouver  Neptune,  elle  raconta  à  Neptune  ce 
que  Jupiter  lui  avait  dit. 

Tu  n'as  plus  qu'un  ami  dont  le  destin  t'opprime. 

Mais  de  notre  destin  pourquoi  désespérer? 

(Vol.,  Oreste,  act.  II,  se.  i,  7.) 

Plistène  sous  les  coups  a  fini  ses  destins. 

{Idem,  18.) 

La  Harpe  dit  au  sujet  de  ces  vers  :  Cette  n;- 
pélition  si  fréquente  du  même  mot,  dans  un 
couplet  de  peu  de  vers,  est  une  négligence 
marquée.  {Cours  de  littérature.) 

Les  grammairiens  ont  donné  quelques  règles 
sur  les  répétitions  des  éléments  du  discours  qui 
en  sont  susieptibles.  Nous  allons  les  exposer. 

Quelquefois  on  répète  l'article  avant  plusieurs 
substantifs  qui  se  suivent,  quelquefois  on  ne  le 
répèle  pas.  Si  plusieurs  noms  sont  réunis  pour 
former  tin  même  sujet  ou  un  même  complément 
total,  il  faut,  ou  qu'ils  soient  tous  sans  article, 
ou  que  le  même  article  sojt  répété  avant  chacun 
d'eux.  Exemples  sans  article  :  Prières,  remon- 
trances, commandements,  tout  est  inutile.  — 
La  tempête  renversa  tours,  palais,  églises. 
Exemples  avec  l'article  :  Les  prières,  les  remon- 
trances, les  commandements,  tout  est  inutile. 
La  tempête  renversa  les  tours,  les  cabanes,  les 
palais,  les  églises.  — Quelipiefois,  par  exception, 
un  seul  article  détermine  deux  substantifs;  mais 
cela  ne  i>cut  avoir  lieu  que  devant  certains  mois 
habituellement  réunis  et  liés  étroitement  par  le 
sens,  comme  les  us  et  coutumes.  (Acad.)  Dic- 
tionnaire des  arts  et  métiers.  (Acad.) 

Lorsque  plusieurs  adjectifs,  unis  par  et,  modi- 
fient un  même  substantif,  de  manière  i|u'on  m^ 
puisse  |>as  en  sous-entendrc  un  autre,  il  ne  faut 
pas  ré[M'ler  l'article  :  Le  sage  et  pieux  Fénehui, 
les  belles  et  mémorables  actions  ,  les  belles  et 
charmantes  femmes,  le  vaste  et  profond  savoir, 
l'humble  et  timide  innocence.  Mais  lorsque 
denx  adjectifs  imis,  par  la  conjonction  et,  mo- 
dilient,  l'un  un  siilisiantif  cx|)rimé,  l'autre  un 
sulistantif  sous-entendu,  il  faut  répéter  l'article 
avant  chacun  de  ces  adjectifs.  Ainsi  on  dira, 
le  premier  et  le  second  étage,  la  vingtième  et  ta 


RËP 

trentième  page,  le  bon  et  le  mauvais  vin,  les 
philosophes  anciens  et  les  modernes,  les  belles  et 
les  jolies  femmes.  Ou  parlerait  mal  en  disant  le 
premier  et  second  étage,  la  vingtième  et  tren- 
tième page,  clc. 

Si  li's  mots  plus,  moins,  mieux,  modifiaiil  les 
adjectifs,  doivent  èlie  |)rL'cédos  de  l'ailicle,  il  faut 
répéter  l'arlicle  aiitaiil  do  fois  que  ces  mois.  Ainsi 
on  dira,  en  |iarlanl  d'un  riche  avaricieux,  c'e*-/ le 
plus  riche  it  le  plus  pauvre  homme  f/ue  je  con- 
naisse, et  non  pas,  c'est  le  plus  riche  et  plus 
pauvre  homme  que  je  cunnaissc  ;  et  encore  moins 
c'est  le  plus  riche  et  pauvre  homme  que  je  con- 
naisse. On  dira  de  mrme  :  C  est  le  plus  riche  et 
le  plus  libéral  lioiiime  que  je  connaisse.  Cl  i;on 
pas  le  plus  riche  et  plus  libéral  homme.  Il  pra- 
tique les  plus  hautes  et  les  plus  excellentes 
vertus,  et  non  pas  les  plus  hautes  et  excellentes 
vertus. 

Les  ad  ectifs  possessifs  se  répètent,  d"  avant 
chatiue  substantif  :  Mon  père  et  ma  mère  sont 
revenus,  mes  frères  et  mes  sœurs  sont  partis; 
et  non  pas  mes  père  et  mère  sont  venus,  mes 
frères  et  sieurs  sont  partis.  2"  lis  se  répètent 
devant  les  adjectifs  i|ui  ne  (jualilient  pas  un  seul 
et  même  substantif  :  Je  lui  ai  montré  mes  beaux 
et  mes  vilains  liubits.  Cette  phrase  équivaut  a 
celle-ci  :  Je  lui  ai  montré  mes  beaux  habits  et 
mesvilains  Iiabits.  Or,  puisqu'il  y  a  un  substantif 
sous-entendu,  il  faut  bien  l'indiquer  et  le  déter- 
miner ;  cela  ne  se  peut  faire  qu'en  répétant  mes. 

3"  Ils  ne  se  réiièlcnt  pas  devant  les  adjectifs 
qui  (lualillcnl  le  même  substantif  :  Mes  beaux  et 
magnifiques  habits.  Voyez  Mon. 

L'adjectif  démonstratif  ce  se  répète  quelque- 
fois, et  quelquefois  ne  se  répète  pas  dans  les 
phrases  où  il  est  suivi  des  adjectifs  relatifs  qvi, 
que,  dont.  Par  exemple,  on  dit,  en  répétant  ce, 
ce  que  j'aime  le  plus,  c'est  d'être  seul;  ce  que 
je  crains,  c'est  de  vous  déplaire  ;  ce  qui  soutient 
l'homme,  c^est  l'espérance  ;  ce  qui  m'attache  à 
la  vie,  ce  sont  mes  enfants;  et  l'on  dit,  sans 
répéter  ce,  ce  que  je  dis  est  vrai,  ce  qui  est 
vrai  est  beau,  ce  que  vous  éprouves  est  de 
l'amour. 

Les  grammairiens  nous  disent  que,  dans  ces 
phrases,  lorsque  le  verbe  être  est  suivi  d'un 
verbe  il  fautrépéler  ce,  comme  ce  que  je  crains, 
c'est  de  vous  déplaire;  que  lorsqu'il  est  suivi 
d'un  adjectif,  celte  répétition  n'a  pas  lieu  :  ce 
que  je  dis  est  vrai;  cnlin  <iue  lorsqu'il  est  suivi 
d'un  snbslanlif,  la  répétition  a  lieu  :  ce  qui  sou- 
tient l'homme,  c'est  l'espérance.  —  Cette  der- 
nière règle  est  fausse,  car  on  dit  aussi  ce  que 
vous  voyez  est  une  tour,  ce  que  vous  éprouves 
est  de  l'amour,  ce  que  je  dis  est  lu  vérité. 

Voyons  si,  en  expliquant  ces  phrases  par  la  na- 
ture des  idées,  au  lieu  de  les  expliquer  par  le 
matériel  des  mots,  nous  parviendrons  à  irouver 
des  règles  plus  claires  et  plus  sûres. 

Dans  ics  sortes  tic  phrases,  ou  l'on  veut  cxpri- 
her  (pi'il  y  a  identité  entre  l'idée  du  premier 
nembre  de  la  phrase  et  l'idée  du  se<  ond  membre, 
ou  bien  un  veut  indi({ucr  cuire  le  premier  mem- 
bre et  le  sect/ud  un  r.ip[)ort  de  choix,  de  préfé- 
rence, de  distinction.  Ouand  je  dis  ce  que  je  vois 
est  une  tour,  je  veux  exprimer  l'identité  entre  ce 
que  je  vois  et  une  tour;  c'est  comme  si  je  disais, 
<,'e  que  je  Vois  et  une  tour  est  la  même  ihose;  ou 
une  tour  et  ce  que  je  vois  est  la  uiéaie  chose.  Mais 
dans  ce  que  j'aime,  c'est  d'être  seul;  ce  que 
j'aime,  c'est  la  solitude,  les  idées  des  deux  mem- 
bres aela  phrase  ne  sont  pas  identiques,  j'indique 


RFP 


619 


seulement  entre  ces  deux  membres  un  rapport  de 
choix,  de  préférence.  C'est  comme  si  je  disais, 
entre  toutes  les  situations  que  je  pourrais  dési- 
rer, je  choisis,  je  préfère,  j'aime  celle  d'être 
seul. 

Dans  le  [ircmicr  cas,  il  est  clair  que  le  ce  est 
superllu,car  j'afliiuie  seulement  une  chose  déter- 
minée d'une  autre  chose  dcierminée.  Ce  que  vous 
voyez  est  une  tour  est  une  ()roposilion  le  la 
même  nature  que  cette  chose  est  une  tour;  es 
que  je  vous  dis  est  vrai  est  une  proposition  de  la 
même  nature  que  cette  chose  est  vraie. 

iMais  lorsipi'il  est  quesllun  de  choix,  de  préfé- 
rence, l'adjectif  démonstratif  ce  est  nécessaire, 
parce  qu'il  sert  à  indicpier  particulièrement  une 
chose  entre  plusieurs,  cecjui  marque  choix,  pré- 
férence, distinction.  Ce  que  j'aime  le  plus,  c'est 
la  solitude,  signifie  parmi  l(!S  choses  que  j'aime, 
celle-là,  savoir,  la  solitude,  est  celle  que  j  aime 
le  plus.  Ce  qui  m'attache  «  la  vie,  ce  so?it  vies 
enfants,  c'esl-à-dire,  de  toutes  les  choses  (lui 
pourraient  m'altacher  à  la  vie,  celle-là,  savidr, 
mes  enfants,  est  celle  qui  m'y  attache  de  préfé- 
rence. 

D'après  cette  règle  simple,  et  (]ul  est  applicable 
à  tous  les  cas,  on  dira  en  rei)étant  ce  : 

Ce  qui  me  plaît ,  c'est  d'être  seul,  ou  c'est  la 
solittide ;  ce  qui  me  console,  c'est  voire  amitié; 
ce  qui  m'attache  a  la  vie,  ce  sont  mes  enfants. 

Et  l'un  dira,  sans  répéter  ce  .  _. 

Ce  que  je  dis  est  vrai,  ou  ce  que  je  dis  est  la 
vérité;  ce  que  vous  éprouvez  esldel'amour;  ce 
que  vous  voyez  est  une  tour. 

11  y  a  des  cas  où  l'on  pourrait  dire ,  ce  que 
vous  éprouvez,  c'est  de  l'amour.  Par  exom[ile,  si 
une  jjersonne  doutait  ([ue  les  sentiments  qu'elle 
éproiave  fussent  de  l'amour,  et  si  elle  voulait 
prouver  qu'ils  ne  sont  que  de  l'amitié,  de  f es- 
time, ou  autre  chose,  on  lui  dirait,  ce  que  vous 
éprouvez,  c'est  de  l'amour,  afin  de  lui  indiquer, 
par  l'adjectif  démonstratif  ce,  le  sentiment  de  l'a- 
mour particulièrement  distingué  des  autres  senti- 
ments qu'elle  a  dans  la  pensée.  Ne  vous  y  trom- 
pez pas,  ne  confondes  pas,  ce  que  vous  éprou- 
ves, c'est  de  l'amouT.  On  dirait  de  même  à  un 
honune  (jui  douterait  si  ce  qu'il  voit  est  une  tour 
ou  un  autre  objet,  ne  vous  y  trompez  pas,  ce  que 
vous  voyez  n'est  autre  chose  qu'une  tonr,  c'est 
une  tour.  Qu'est-ce  que  je  vois  sur  cette  mon- 
tagne? Cest  une  tour.  Ce  que  votis  voyez,  c'est 
une  tour,  un  objet  distingué  de  tous  les  objets 
(juc  vous  pourriez  vous  figurer. 

Et  il  ne  faut  pas  croire,  comme  le  disent  les 
graEimairiens,  ijuc  la  répétition  de  ce  ait  lieu 
pour  donner  plus  d'énergie  a  la  phrase;  cet  ad- 
jectif démonstratif  est  nécessaire  la  pour  désigner 
particulièrement  une  chose  entre  plusieurs  au- 
tres, et  y  fait  sa  fonction  ordinaire. 

Le  pronom  je,  et  en  général  les  pronoms  de  la 
première  et  de  la  seconde  personne  se  répèleni 
1"  avant  les  verbes  qui  sont  a  des  temps  diffé- 
rents :  Je  vous  l'ai  dit,  et  je  vous  Je  répète.  — 
Je  soutiens  et,  je  soutiendrai  toujours  que...; 
2"  (juand  le  premier  pronom  pprsonnelest  joint  a 
une  proposition  négative,  et  que  la  seconde  i»r(i)- 
position  qui  dépend  du  même  pronom  est  allir- 
inative;  ou  quand  la  première  proposition  est  allir- 
mative  et  la  seconde  négative  :  Je  n'ignore  pas 
qu'on  ne  saurait  être  heureux  sans  la  vertu,  et 
je  me  propose  bien  de  toujours  la  pratiquer,  cl 
non  pas,  et  me  propose  bien.  Vous  êtes  heureux 
présentement;  vous  7ie  léserez  pas  toujours; 
3"  on  répète  aussi  ces  pronoms  après  les  conjono- 


C20 


REP 


lions,  excepté  après  et, mais,  ni  :  Je  désire  rnus 
voir  heureux,  parce  que  je  vous  suis  attaché. 
\o\is  serez  vraiment  estimé,  sirous  êtes  sane  et 
modeste;  4°  la  iiiêine  répétition  a  lieu  quand  le 
l'icmier  verbe  est  suivi  d'un  régime  :  Je  cueillis 
un  second  et  un  troisième  fruit,  et  je  71e  me  las- 
sais point  d'exercer  ma  main  pour  satisfaire 
mon  goût  (Buffuii,  De  l'homme,  des  sens  en  gé- 
néral, t.  X,  p.  06.J);  5'  on  répèle  aussi  le  pro- 
nom quand  les  deux  verbes  sont  au  même  temps  : 
y  étendais  les  bras  pour  embrasser  l'horizon,  et  je 
ne  trouvais  que  le  ride  des  airs. 

Mais  souvent,  pour  donner  plus  de  rapidité  à 
Texpressioii,  les  e-crivains  se  mettent  au-dessus 
do  ces  règles  :  Je  m'imaginais  avoir  fait  v?ic 
conquête,  et  me  glorifhiis  de  la  facvHé  que  je  sen- 
tais de  pouvoir  contenir  dans  ma  main  vn  autre 
être  tout  entier. 

J'ignori;  tout  le  reste, 
Et  venais  tous  compter  ce  désordre  funeste. 

(Ric,  Ath.,  ad.  II,  se.  11,  41.) 

J'ai  trompé  les  mortels,  et  ne  puis  me  tromper. 

(Volt.,  Mahom.,  V,  se.  IV,  64.) 

On  ne  répète  pas  ordinairement  le  pronom  il, 
ni  en  général  les  pronoms  de  la  troisième  per- 
soime,  quand  les  verbes  sont  au  même  temps;  et 
on  les  répète  ou  on  ne  les  répète  pas,  selon  le  ju- 
gement de  l'oreille,  quand  les  verbes  sont  à  des 
temps  différents.  Wétait  honteux  de  sa  crainte,  et 
n'avait  pas  le  courage  de  la  surmonter.  (Fénelon, 
Télémaque.) —  Il  désire  vaincre,  et  il  vaincra; 
il  pleurait  de  dépit,  et  alla  trouver  Calypso. 
(Idem,  liv.  VII,  t.  i,  p.  252.) 

Voici  les  cas  où  l'on  doit  répéter  les  pronoms 
de  la  troisième  personne  quand  les  verbes  sont  au 
même  temps. 

1"  Quand,  dans  une  suite  de  verbes,  on  veut 
supprimer  la  conjonction  et  avant  le  dernier,  afin 
de  soutenir  l'attention  :  Ils  flattent,  \\s  caressent, 
ils  environnent  de  séductions. 

2°  Quand,  dans  une  suite  de  verbes,  il  y  en  a 
un  suivi  d'un  régime  différent  dos  autres,  on  ré- 
pète le  pronom,  excepté  avant  le  dernier  verbe 
qui  est  précédé  de  la  conjonction  et  :  11  le  sou- 
tient, il  le  dirige,  il  règle  son  mouvement  et  le 
sotnnet  à  des  lois.  (Buffon.)  Sans  la  répétition  du 
pronom,  l'oreille  ne  serait  pas  satisfaite,  à  cause 
du  régime  différent  du  troisième  verbe. 

3"  On  répèle  le  pronom  quand  le  dernier  verbe, 
uni  au  précédent  parla  conjonction  c/,  est  lui- 
même  précédé  d'une  préposition  qui,  avec  son 
régime,  exprime  une  circonstance.  Telle  est  cette 
phrase  de  Fénelon  :  Il  f„nd  sur  son  ennemi,  et 
après  l'avoir  saisi  d'une  main  victorieuse,  il  le 
renverse,  etc.  On  trouve  néanmoins  des  exemples 
contraires.  Les  meilleurs  guides,  dans  ces  cas, 
c'est  l'oreille,  le  goût,  et  la  loi  de  clarté,  qui  est 
>a  première  de  toutes. 

4°  On  répète  le  pronom  avant  le  dernier  verbe, 
quand  il  est  précédé  d'une  proposition  incidente 
formant  une  longue  phrase,  (luoiijue  les  verbes 
auxquels  il  est  uni  par  la  conjonction  et  soient 
euKHncnics  sans  pronom  :  Il  renonce  aux  senti- 
ments d'humanité ,  iowTnatoutes  ses  forces  contre 
liti-méme,  vhcvchG  à  s'entre-détruire,  se  détruit 
en  effet  ;  et,  après  ces  jours  de  sang  et  de  car- 
nage, larsque  la  fumée  de  la  glaire  s'est  dissi- 
pée, il  vdit  d'un  œil  triste  la  terre  dévastée,  etc. 

11  est  aisé  de  sentir  la  raison  de  celte  règle.  Les 
verbes  tumne,  cherche,  se  détruit,  peuvent  se 
passer  de  pronom,  parce  qu'ils  sont  liés  avec  le 


RÉP 

premier,  il  renonce,  et  (ju'ils  se  suivent  dans  le 
même  ordre  de  consiruclion.  Mais  lorsqu'on  a 
dit,  après  ces  jours  de  sang  et  de  carnage,  lors- 
que la  fumée  de  la  gloire  s'est  dissipée,  on  a 
perdu  cet  ordre  de  vue,  cl  la  liaison  entre  les 
verbes  sans  pronom  et  le  premier  verbe  est  pour 
ainsi  dire  oubliée.  Il  est  donc  nécessaire  que  le 
pronom  vienne  rappeler  celte  liaison,  et  qu'il  la 
rappelle  distinctement,  en  répétant  le  pronom  qui 
précède  le  premier  verbe. 

On  se  répète  devant  tous  les  verbes  auxquels  il 
seri  de  sujet  :  On  le  loue,  on  le  menace,  on  le  ca- 
resse ;  et  non  pas,  on  le  love,  le  menace,  le  ca- 
resse. 

Quand  on  répète  on,  il  faut  toujours  le  faire 
rapporter  à  un  seul  et  même  sujet,  autrement 
c'est  une  source  d'obscurité  :  On  dit  qu'on  a  pris 
cette  ville  ;  on  croit  n'être  pas  trompé,  cependant 
on  nous  trompe  à  tout  moment;  on  croit  être 
aimé,  et  /'on  ne  vous  aimepas.  Toutes  ces  phrases 
ne  sont  pas  correctes,  parceque  on  y  a  des  rapports 
différents.  Dans  la  première  phrase,  le  premier  on 
se  rapporte  à  ceux  qui  disent  qu'on  a  i)ris  la  ville, 
elle  second  à  ceux  qui  l'ont  prise.  Dans  la  seconde, 
le  premier  on  se  rapporte  à  ceux  qui  croient  n'être 
pas  trompés,  et  le  second  à  ceux  qui  trompent,  et 
ainsi  des  autres  phrases.  Mais  le  rapport  sera  le 
même,  et  la  faute  disparaîtra,  si  l'on  dit  :  On  dit 
que  cette  ville  a  été  prise;  on  croit  n'être  pas 
trompé,  cependant  on  Vest  à  tout  moment;  on 
croit  être  aimé,  et  on  ne  l'est  pas. 

7oM<  se  répète  devant  chaque  substantif  qu'il 
modifie,  quand  même  ces  substantifs  expriment 
des  idées  de  la  même  espèce  :  //  a  perdu  toute 
l'affection  eHoute  Vinclination  qu'il  avait  pour 
moi,  et  non  pas,  il  a  perdu  toute  l'affection  et 
l'inclination.  —  A  plus  forte  raison  tout  doit-il 
être  répété  devant  des  substantifs  qui  expriment 
des  idées  différentes  :  Je  suis  avec  toute  l'ardeur 
et  tout  le  respect  possible,  et  non  pas,  avec  toute 
t  ardeur  et  le  respect  possible. 

En  général,  on  répète  les  prépositions  devant 
chacun  de  leur  complément.  Voyez  Préposition. 

Les  adverbes  comparatifs  si,  aussi,  plus,  le 
plus,  et  autant,  doivent  se  répéter  avant  chaque 
adjectif,  chaque  verbe  ou  chaque  adverbe  qu'ils 
modifient:  Ilestsisagc,  siZ(ow,etc.  Pluson  lit  Ra- 
cine, plus  on  l'admire.  Autant  j'estime  l'homme 
sincère,  autant  je  méprise  l'homme  fourbe  et 
dissimulé. 

Les  conjonctions  et,  ni,  ou,  si,  se  répètent  ordi- 
nairement lorsqu'elles  sont  employées  sous  les 
mêmes  rapports.  La  conjonction  et  se  répète  ou 
ne  se  répète  pas,  selon  que  l'on  veut  ou  non  ap- 
puyer sur  chaque  expression  qui  la  suit.  On  dit 
sans  celte  conjonction,  une  femme  tendre,  belle, 
sage;  mais  Voltaire  a  donné  plus  d'énergie  à  sa 
pensée,  en  disant  : 

Une  coquette  est  un  vrai  monstre  à  fuir; 
Mais  une  femme  et  tendre,  et  belle,  et  saga, 
De  la  nature  est  le  plus  digne  ouvrage. 

[La  Prude,  act.  I,  se.  r,  25.) 

Rien  n'est  constant  dans  le  monde,  ni  les  for- 
tunes les  plus  florissantes,  ni  les  amitiés  les 
plus  rives,  ni  les  réputations  les  plus  brillantes, 
ni  les  faveurs  les  plus  enviées.  (Massillon,  6'(?r?Ho?i 
de  la  Toussaint.)  —  Il  est  si  généreux,  si 
honnête,  si  bienfaisant,  que,  etc.  —  Vous  verrez 
ou  votre  père,  ou  votre  mère. 

Dans  les  phrases  où  il  y  a  plusieurs  membres 
régis  par  la  conjonction  qtie,  il  faut  la  répéter  à 


REP 

chaque  membre  :  Les  Gauluis  croyaient  qxx'Jpol' 
Ion  chassait  les  maladies,  ([ue  Minerve  prési- 
dait aux  ouvrages,  ([ue  Jupiter  était  le  souve- 
rain des  deux,  clc. 

Soit,  dans  le  sens  de  la  préposition  latine  sivc, 
se  repèle  devanl  chacun  des  noms  iiii'il  joint  : 
Soit  réflexion,  soil  instinct,  soit  hasard. — Quel- 
quefois, au  lieu  de  rciiéter  soit,  ou  met  ou  :  La 
fortune,  soil  bonne  ou  mauvuiso,  Soit  volage  ou 
constante,  ne  peut  rien  sur  Vùnie  du  sage.  11  faut 
remarquer  ici  que  ou  maniue  mieux  chaque 
membre  de  la  phrase  cai'aclérisé  par  une  oppo- 
sition. Cts  membres  ne  seraient  pas  bien  distin- 
gués, si  l'on  disait  :  La  fortune,  soit  bonne,  soil 
mauvaise,  soil  volage,  soit  constante,  etc. 

Ouelquefois,  au  lieu  de  répéter  la  conjonction 
si,  et  autres  conjonctions  semblables, on  met  que, 
et  celle  conjonction,  employée  de  l;l  sorte  après 
si,  régit  le  subjonctif.  Ainsi,  au  lieu  de  dire,  si 
vous  m'ai/iiez,  et  si  vous  voulez  me  le  persua- 
der, on  dit,  si  vous  m'aimez  et  que  vous  vouliez 
me  le  persuader.  Jl  y  a  (luelque  différence  enlre 
ces  deux  expressions.  On  emploie  la  première  si 
les  choses  que  l'on  exk'e  ne  regardent  que  la  per- 
sonne à  qui  l'on  parle  :  Si  vous  m'aimez  et  si 
vous  voulez  me  lu  persuader,  livrez-vous  à  l'é- 
tude. jNlais  si  les  choses  (|u'on  exige  ont  rapport  à 
la  pei'sonne  qui  parle,  et  que  doit  être  préféré  :  Si 
vous  iii'uiniez  cl  que  mus  vouliez  me  le  persua- 
der, faites-inoi  ce  sacrifice.  — Quand  que  lient 
la  place  d'une  autre  conjonction  qu'il  faudrait 
répéter,  il  régit  l'indicatif:  Lorsque  je  vous  ai  dit 
ol  que  je  vous  ai  assuré,  etc. 

11  faut  éviter  d'employer  dans  une  même 
phrase  la  même  conjonclion  sous  des  rapports 
différents.  C'est  une  source  d'obscurités  :  Un 
homme  téîhoin  d'une  querelle  survenue  entre 
deux  de  Ses  amis,  est  quelquefois  obligé  de  se 
déclarer  pour  Vun  d'eux,  pour  ne  pas  les  avoir 
tous  deux  pour  ennemis.  Ces  trois  pour,  pris 
sous  des  rapports  différents,  rendent  la  phrase 
louche  et  embarrassée.  —  Fléchier  dit,  en  par- 
lant d'un  juge  méchant  et  d'un  juge  ignorant  : 
L'un  pèche  avec  connaissance,  et  il  est  plus 
inexcusable  ;  mais  l'autre  pèche  sans  remords,  et 
il  est  plus  incorrigilAe  :  mais  ils  sont  également 
criminels,  à  l'égard  de  ceux  qu'ils  condamnent 
ou  par  erreur  ou  par  malice.  [Oraison  fun.  de 
M.  de  Lamoignon,  p.  157.)  Ces  deux  mais, 
arec  des  rapports  différents,  font  un  mauvais 
effet. 

Lorsque,  dans  une  proposition,  l'un  des  mem- 
bres est  affirmatif  et  l'autre  négatif,  il  faut  répéter 
le  verbe.  Ainsi,  suivant  les  grammairiens,  Cor- 
neille a  fait  une  faute  en  disant  {Cid  ,  act.  111, 
se.  VI,  35,  !'•«  édition)  : 

L'imour  n'est  qu'un  plaisir,  et  l'honneur  un  devoir. 

L'Académie  a  remarqué  qu'il  aurait  dû  dire,  et 
l'honneur  est  un  devoir.  —  Cette  règle  peut  être 
forl  bonne  pour  la  prose,  mais  une  phrase  poé- 
tique qui,  connue  celle  de  Corneille,  joint  le  mé- 
rite de  la  clarté  à  celui  de  la  précision,  peut  se 
passer  de  la  répétition  du  verbe.  Un  écart  qui 
produit  une   beauté  est  une  exception.  Voyez 

Ellipse,  Pléonasme. 

Rf.pic.  Subst.  m.  On  prononce  le  c  final. 

Replet,  Replette.  kà\.  Il  ne  se  dit  que  des 
personnes,  et  suit  toujours  son  subst.  :  Un  homme 
replet,  une  femme  replette. 

Repli.  Subst.  m.  Les  poêles  l'emploient  sou- 
vent au  figuré  : 


REP 


621 


Il  est  temps  que  mon  cœnr 
De  ses  derniers  replis  l'ouvre  la  profondeur. 

(YoLT.,irahom.,  act.  II,  se.  IV,  1.) 

Dans  votre  inie  avec  vous  il  est  temps  que  je  lise; 
Il  faut  que  ses  repli»  s'ouvrent  à  ma  francliisc. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  IV,  se.  vi,  13.) 

Replonger.  V.  a.  de  la  1"  conj.  11  signifie 
plonger  de  nouveau,  cl  se  dit  au  propre  et  au  fi- 
guré :  Plonger  et  replonger  une  cruche  dans 
la  rivière.  —  //  ne  voulut  pus  replonger  son 
royaume  dans  une  guerre  nouvelle  (Voltaire) 

Bientôt  de  Jézafael  la  fille  meurtrière, 

Instruite  que  Joas  voit  encor  la  lumière, 

Dans  riiorreur  du  tombeau  viendra  le  replonger. 

(Uac,  Àth.,  act.  IV,  se.  m,  25.| 

J'avais  de  quelque  espoir  une  faible  étincelle  : 
J'entrevoyais  le  jour  ;  et  mes  yeux  affligés 
Dans  la  profonde  nuit  sont  déjà  replongés 

(Volt.,  Mer.,  act.  II,  se.  ii,  66.) 

Répondre.  V.  a.  de  la  4"  conj.  Les  acceptions 
suivantes  ne  sont  pas  indiquées  clairement  dans 
le  Dictionnaire  de  l'Académie. 

Il  faut  que  votre  cœur  à  mes  bontés  réponde, 

(Volt.,  Mahom.,  act.  V,  se.  ii,  17.) 

J'attends  de  votre  âme 
Un  amour  qui  réponde  à  ma  brûlante  flamme. 

(Volt.,  Zaïre,  act.  I,  se.  u,  49.) 

Son  silence  souvent  repond  à  mes  discours. 

(Volt.,  Sémir.,  act.  II,  se.  vi,  7.) 

Corneille  a  dit  dans  le  Menteur  (act.  II,  se.  i, 
7,  éd.  de  Volt.): 

S'il  faut  qu'à  vos  projets  la  suite  ne  réponde. 

Voltaire  dit  au  sujet  de  ce  vers  :  Il  faut  ne  ré- 
ponde pas.  Ce  ne  seul  ne  se  dit  que  dans  les  oc- 
casions suivantes  :  Je  crains  qu' Me  ne  réponde  ; 
il  n'est  point  de  douceurs  qu'elle  ne  répo7ide 
aux  compliments  qu'on  lui  a  faits;  il  n'y  a  per- 
sonne dans  cette  maison  dont  je  ne  réponde  ;  est- 
il  une  question  difficile  à  laquelle  il  ne  réponde? 
{Remarques  sur  Corneille.) 

Repos.  Subst  m.  11  n'a  point  de  pluriel  dans  le 
langage  ordinaire.  Il  en  a  un  lorsqu'il  est  em- 
ployé comme  terme  d'art  :  Les  repos  d'un  esca- 
lier, les  repos  et  les  ombres  en  peinture. 

On  appelle  repos,  en  poésie,  la  césure  qui  se 
fait,  dans  les  grands  vers,  à  la  sixième  syllabe,  et 
dans  les  vers  de  dix  syllabes,  à  la  quatrième. 
Ofi  appelle  cette  césure  repos,  parce  que  l'ureille 
et  la  prononciation  semblent  s'y  reposer;  c'est 
pourquoi  le  repos  ne  doit  point  tomber  sur  des 
monosyllabes  où  l'oreille  ne  saurait  s'arrêter. 

Le  mot  repos  se  dit  aussi,  en  poésie,  de  la  pause 
<iui  se  fait  dans  les  stances  de  six  ou  de  dix  vers, 
savoir  :  dans  celles  de  six,  après  le  troisième 
vers;  dans  celles  de  dix,  après  le  (luatriêmeet 
après  le  septième  vers.  A  la  lin  de  chaque  slance 
ou  couplet,  il  faut  qu'il  yait  un  plein  repos,  c'est- 
à-dire  un  sens  parfait. 

Reposer.  V.  a.  et  n.  de  la  1"=  conj.  Les  poêles 
l'emploient  au  propre  et  au  figuré  : 


62e 


REP 


Tu  »ois  mon  Irouble,  anprends  ce  qui  le  cause, 

El  juge  ('il  est  (enip<,  ami,  que  je  repose, 

\IUc.,  Iphig.,  act.  I,  se.  i,  41.) 

En  l'appui  de  ton  dieu  tu  l'étais  repoié. 

(Uac  ,  Ath.,  act.  Y,  se.  v,  i.) 

Je  m'en  reposerai  sur  votre  cipériencc. 

(Rac,  Britan.,  acl.  111,  se.  1,53.) 

Oii,  mon  Gis,  c'ett  tous  seul  sur  qui  je  me  repose. 
(Rac,  Uitkr.,  aet.  II,  se.  v,  10.) 

Rouue,  se  lirraiit  tout  entière  à  ma  fui. 
Du  cœur  de  Bajazet  se  reposait  sur  raui. 

(Rac,  Baj-,  act.  I,  se.  iv,  14.) 

Mais  moi,  qui  de  ce  soin  sur  Calclias  nie  repose. 

(Rac,  Iphig.,  acl.  1,  se.  ii,  4î.) 

Repodssant,  Repoussame.  Adj.  verbal,  tire  du 
V.  repousser.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst. 
Féraud  dit  (ju'il  doit  toujours  le  précéder;  c'est 
une  erreur  :  Laideur  repoussante,  cette  repous- 
sante laideur;  manières  repoussantes,  air  re- 
poussant. Cette  âpre  et  repoussante  rafsow,  qui 
trouve  toujours  dans  son  indifférence  pour  le 
bien  public  le  premier  obstacle  à  ce  qui  psut  le 
favoriser.  (J.-J.  Rousseau). 

RÉPRÉHENsiBLE.  Adj.  dcs  dcux  gcnrcs.  Il  se  dit 
des  {jersonnes  et  des  choses,  et  peut  se  mettre 
avant  son  subsl.,  en  consultant  l'oreiiie  et  l'ana- 
logie ;  Un  homme  répréhensiblc,  une  femme  ré- 
préhensible  ;  une  action  répréhensible,  une  con- 
duite répréhensiblc,  cette  répréhensible  con- 
duite. 

Reprendre.  V.  a.  et  irrcgulier  de  la  4"^  conj.  Il 
se  conjugue  comme  prendre.  Voyez  ce  mot. 

Représkmatif,  Représentative.  Adj.  qui  ne 
se  met  (ju'après  son  subst.  :  Caractère  représen- 
tatif, gouvernement  représentatif. 

Rupr.ÉsEMER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
dit  que  ce  verbe  se  prend  dans  le  sens  de  remon- 
trer; mais  celte  acception  ne  peut  convenir  au 
sens  que  lui  donne  Racine  dans  les  vers  suivants. 
Ce  sens  est  plutôt  faire  considérer. 

Il  me  représenta  l'honneur  et  la  patrie. 
Tout  ce  peuple,  ces  mis  à  mes  ordres  soumis, 
El  l'empire  d'Asie  à  la  Grèce  promis  ; 
'De  quel  front,  immolant  tout  l'Etat  à  ma  fille, 
Aoi  sans  gloire,  j'irais  yieillir  dans  ma  famille. 
(/pfti3.,acl.  I,  se.  I,  74.) 

RÉPRESSIF,  Répressive.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Lois  répressives. 

Réprimable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Licence  réprimable,  cette  réprimable 
licence,  abus  rt'primable,  ce  réprimable  abus. 
Voyez  Adjectif. 

Réprijikh.  V.  a.  de  la  l^'conj.  L'Académie  ne 
dit  point  réprimer  des  complots. 

Où  serais-je  aujourd'hui  si,  domptant  ma  faiblesse. 
Je  u'eusse  d'une  mère  élouifc  la  tendresse; 
Si,  de  mon  propre  sang  ma  main,  versant  des  Ilots, 
N'eût  par  ce  coup  hardi  réprimé  vos  complots  f 
(Rac,  Àth.,  act.  II,  se.  vu,  107.) 

RiipROCHABLE.  Adj.  dcs  deux  genres.  Il  ne  se 
met  guère  qu'après  son  subst.  :  section  repro- 
chuhle,  conduite  reprochable.  '■ —  Témoin  repro- 
chdhli'.^  témoignage  reprochable . 

aÉPRODVER.  V.  a.  de  la  l'^  conj.  Racioe  a  dit 
(Bujazet,  act.  I,  se.  i,  65)  : 


RES 

Ne  doulei  point  q:e,  liors  dosa  disgrîce, 

A  la  haine  bienlùt  ils  ne  joignent  l'audace. 
Et  n'expliquent,  seigneur,  la  perte  du  combat 
Comme  un  arri!t  du  ciel  qui  réprouva  Amurat. 

Deliile  a  dit  dans  le  même  sens  {Enéide,  VII, 
800): 

Tous  Teulenl  des  combats  réprouvés  par  li'S  dieux. 

RÉPUBLICAIN,  Républicaine.  Adj.  On  peut  le 
Illettré  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Gouvernement  républicain  ,  forme 
républicain)',  esprit  républicain,  maximes  répxi- 
blicaines,  institutions  républicaines,  ces  répu- 
blicaines institutions.  Yo^ez  Adjetif 

RÉPUTATins.  Subst.  f.  fiéputatinn,  sat)S  épi- 
thèle,  se  prend  toujours  en  bonne  part  :  Etre  en 
n'pulatian,  avoir  de  la  réputaUon. 

Reqdérir.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2"^  conj.  11 
se  conjugue  comme  acquérir.  Voyez  ce  mot. 

Reqdinquer  (se).  V.  pronom.  Il  se  dit  des 
vieillesqui  se  parent  plus  qu'il  ne  convient  à  leur 
âge  :  C'est  une  vieille  qui  se  requinque.  Il  se  dit 
aussi  en  général  de  tous  ceux  qui  se  |)arent  d'une 
manière  affectée.  {Acad.)  Voltaire  l'a  employé 
dans  un  sens  figuré  : 

Mais  je  ne  suis  point  requinqué 
Par  un  succès  si  désirable. 

(Épttre  à  il.  Falkener,  en  tête  de  Zaïre.] 

RÉSIDER.  V.  n.de  lal^econj.  L'Académie  dit  : 
Toute  l'autorité  réside  dans  la  personne  d'un 
tel.  Racine  a  dit  [Athalie,  act.  IV,  se.  ni,  36)  : 

Songez  qu'en  cet  enfant  tout  Israël  réside. 

RÉSINEUX,  RÉSINEUSE.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Arbre  résineux,  substance  rési- 
neuse, 

RÉsoLiMENT.  Adv.  Ou  pcut  quclquefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  re- 
po/idî/,  résolument  qu'il  nen  ferait  rien,  ou  il  a 
résolument  répondu  qu'il  n'en  ferait  tien.  On  le 
met  aussi  au  commencement  de  la  phrase  :  Réso- 
lument, je  n'en  ferairien. 

RÉSONNANT,  Résonnante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  résonner.  Il  ne  se  met  qu  après  son  subst.  : 
Une  voûte  résonnante,  une  église  résonnante. 

Résonner.  V.  n.  de  la  1"^  conj.  Ce  mot,  au 
[iropre,  s'emploie  bien  dans  le  style  noble: 

I.a  voix  d'Énée  encor  résonne  à  son  oreille. 

(Delil.,  Énéid.,  IV,  7.) 

Là  des  Cers  escadrons  le  rapide  tonnerre 
Sous  des  coursiers  poudreux  fait  résonner  la  terre. 
(Idem,  VU,  865.; 

RÉSOUDRE.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4«  conj 
Voici  comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  résous,  tu  résous,  il 
résout;  nous  résolvons,  vous  résolvez,  ils  résol- 
vent. —  Imparfait.  Je  résolvais,  tu  résolvais,  i! 
résolvait;  nous  résolvions,  vous  résolviez,  ils  ré- 
solvaient. —  Passé  simple.  Je  résolus,  tu  résolus, 
il  résolut;  nous résolijmes,  vous  résolûtes,  ils  ré- 
solurent —  Futur.  Je  résoudrai,  tu  résoudras, 
il  résoudra;  nous  résoudrons,  vous  résoudrez, 
ils  résoudront. 

Conditionnnel.  — /'/•Me/i^  Je  résoudrais,  tu 
résoudrais,  il  résoudrait;  nous  résoudrions,  vous 
résoudriez,  ils  résoudraient 


RES 

Im[)oratif.  —  Présent.  Kcsous,  qu'il  nisolve; 
résolvons,  lésolvez,  (lu'ils  résolvent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  résolve,  que  tu 
résolves,  qu'il  résolve;  que  nous  résolvions,  (|ue 
vous  résolviez,  qu'ils  rcsulvent.  —  Imparfait. 
Que  je  résolusse,  que  lu  résolusses,  qu'il  résolût; 
que  nous  résolussions,  que  vous  résolussiez, 
qu'ils  résolussent. 

Farticipc.  —  Présent.  Résolvant.  —  Passé. 
Résolu,  résolue. 

Les  temps  composés  se  forment  avec  l'auxiliaire 
avoir. 

Diins  le  sens  de  décider,  de  terminer,  déter- 
miner, on  emploie  le  participe  passé  résolu,  réso- 
lue :  Il  a  résolu  de  partir;  et  dans  le  sens  de 
changer,  se  convertir  en  quelque  autre  chose,  on 
se  sert  du  partici|)e  passé  résous:  Le  srleil  a  ré- 
sous le  briinillard  en  pluie.  Le  participe  résous 
n'a  point  de  féminin. 

La  reine,  au  désespoir  de  ne  rien  obtenir, 
Sff  résout  de  se  perdre  ou  de  le  prévenir. 

(Corn.,  Rodog.,  act.  I,  se.  vi,  43.) 

Se  résout  de  se  perdre,  dit  Voltaire,  est  im  so- 
lécisme. Je  me  résous  à,  je  résous  de.  Il  s'est 
résolu  à  mnui-ir.  //e.y<  résolu  de  mourir.  (Bewar- 
ques  sur  Corneille.) 

Voltaire  trouve  dans  Corneille  une  faute  (]ue, 
selon  ses  principes,  il  a  faite  lui-même  : 

C'est  un  breuvage  affreux,  plein  d'amertume. 
Que,  dans  l'excès  du  mal  qui  me  consume. 
Je  m»  rctaua  de  prendre  malgré  moi. 

(En/-,  frod.,  act.  IV,  se.  Ji,  30.) 

Mais  je  pens»  qu'on  peut  dire,  suivant  les  cas, 
se  résoudre  à,  se  résoudre  de.  On  dit  se  résoudre 
de,  lorsque  l'action  exprimée  parleverhe  suivant 
doit  se  pa?s»<r  dans  le  sujet  même.  //  s'est  résolu 
de  souffrir,  il  s'est  résolu  de  prendre  un  breu- 
vage, il  s'est  résolu  de  mourir;  et  si  cette  obser- 
vation est  jusîe.  Voltaire  a  pu  dire,  c'est  un  breu- 
vage que  je  me  résous  de  prendre.  Mais  quand 
l'action  exprimée  par  le  verbe  doit  se  passer  hors 
du  sujet,  ]e  pense  qu'alors  il  faut  employer  la 
préposition  «,  parce  que  résoudre  exprime  une 
tendance  à  un  but  :  //  s'est  résolu  à  partir  ;  il  s'est 
résolu  à  marcher  contre  l'ennemi,  .\insi  Corneille 
a  fait  une  faute  en  disant,  la  reine  se  résout  de 
se  perdre,  ou  de  le  prévenir,  parce  qu'il  est  ques- 
tion ici  d'actions  qui  doivent  se  passer  hors  d'elle. 

Respect.  Subst.  m.  Le  ^ne  se  prononce  jamais. 

RK6PECTABI.E.  Adj.  dcs  dcux  genres.  On  jjcut 
le  mettre  avant  sou  subst.,  lorsipie  l'analogie  et 
rharmouiele  j)ermottenl  :  Un  homme  respectable, 
une  femme  respectable,  un  ministère  respectable, 
ce  respectable  viinistère,  ce  respectable  vieil- 
lard. Voyeï  Adjectif. 

Il  régU  (luehpiefois  la  préposition  par  :  Un 
homme  respectable  \iW  ses  vertus .  Un  vieillard 
respectacle  parso«  âge.  Un  monument  Tes\)cc{a- 
ble  par  so«  ancienneté.  —  On  dit  aussi,  rien 
nest  plus  respectable  pour  inoi,  rien  n  est  plus 
respectable  à  mes  yeux  que  la  vertu  malheu- 
reuse. 

Respectif,  Respective.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Leurs  demandes  respectives,  leurs  res- 
pectives demandes;  leurs  prétentions  respectives, 
leurs  respectives  prétentions. XoyGZ  Aljectif. 

Respectivement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  pariicijke  :  Ils  ont  présenté  res- 


RES 


625 


pectivement  leurs  requêtes,  ou  ils  ont  rcsi)ecti- 
vement  présenté  leurs  requêtes;  ils  seront  res- 
pectivement maintenus  dans  leurs  droits. 

Respf.ctdeusement,  Adv.Oni)eutle  niettreentre 
l'auxiliaire  et  le  parlicijje  :  //  s'est  avancé  respec- 
tueusement, ou  il  s'est  respectueusement  avancé. 

Respectueux,  Respectueuse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsipic  l'analoi-'ie  et 
riiarmonie  le  permellont  :  Un  homme  respec- 
tueux, un  enfant  respectueux,  un  air  respec- 
tueux, des  manières  respectueuses,  des  saluta- 
tions respectueuses,c('s  respectueuses  salutations. 
Voyez  Adjectif. 

Respirant,  RESPinANTE.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
respirer.  On  ne  le  trouve  point  dans  le  Diction- 
naire de  l'Académie,  mais  on  le  trouve  dans 
Voltaire  [Heur.  II,  2S1J  : 

Sanglants,  percés  de  coups,  et  respirant»  h.  peine. 
Jusqu'aux  portes  du  Louvre  on  les  pousse,  oa  les  train*. 

Respirer.  V.  a  et  n.  de  la  1"  conj.  On  dit 
respirer  l'air;  et  les  poëtcs  ont  dit  respirer  l» 
jour,  pour  dire  vivre. 

.le  reçus  et  je  vis  le  jour  que  je  respire. 

(Ric,  Iphig.,  act.  II,  se.  I,  3t.) 

Quoi  !  TOUS  à  qui  Néron  doit  le  jour  qu'il  re$pire. 
(RaC,  Britan.,  act.  I,  se.  I,  15.) 

Celte  expression  a  été  relevée  par  quelques 
critiques  (jui  ont  prétendu  (ju'on  ne  respire  pas 
le  jour.  Mais  le  jour  n'est  pourtant  que  de  l'air 
éclairé;  et  si  l'on  respire  l'air  pendant  le  jour, 
pourquoi  les  poêles  ne  pourraient-ils  jias  dire 
qu'o?t  respire  le  jour'?  On  dit  bien  respirer  la 
fraîcheur,  et  la  fraicheur  n'est  autre  chose  que 
de  l'air  frais,  comme  le  jour  est  de  l'air  éclairé. 

Énée,  en  ce  moment,  couvert  d'épais  rameaux. 
Respirant  la  fratcheur  et  de  l'omljre  et  des  eaax. 
(Dblil.,  Énéid.,  VIII,  883.) 

Féraud  et  Fréron  veulent  bien  que  l'on  dise,  au 
pro[)rc,  (ju'wn  homme  respire  l'air,  et  ils  ne  veu- 
lent pas  souffrir  qu'on  dise  d'un  homme,  au  fi- 
guré, (pi'il  respire  quelque  cho.se.  Ainsi,  selon 
eux,  il  ne  faut  pas  dire  qn'un  homme  respire  la 
tendresse,  qu'il  respire  la  r/râcc,  etc.  Nous  avons 
contre  ces  deux  critiques,  Voltaire  et  Delille; 
c'est  assez,  je  crois,  pour  faire  pencher  la  balance. 

Je  t'écris  aujourd'hui,  voluptueux  Horace, 
A  toi  qui  respiras  la  mollesse  et  In  grdce. 

(A'OLT.,  Épttre  eu,  7.) 

Il  s'agite,  il  refpiro  une  rage  insensée. 

(Dbul.,  Énéid.,  VII,  626.) 

Eu  ce  sens,  on  l'emploie  souvent  avec  la  néga- 
tive suivie  de  qtie:  Il  ne  respireque  les  plaisirs; 
vn  tyran  ne  respire  que  le  sang  et  le  carnage; 
un  usurier  ne  respireque  gain;  un  homme  ou- 
tragé nerespireque  lavengeance.>iVe\il-élre,  dit 
D'Olivet  dans  ses  Remarques  sur  Racine,  cette 
manière  de  n'employer  respirer  qu'avec  la  néga- 
tive, paraîtra-t-elle  une  bizarrcrii^  ;  néanmoins  il 
faut'l'appeler  une  délicatesse,  une  finesse,  ^ui  est 
dénature  à  ne  pouvoir  se  trouA-erijue  dans  une 
lansue  extrêmement  culiivée.../Je5/)ire)-,  lorsqu'il 
est 'employé  sans  la  négative,  a  communément 
une  autre  signification.  Tout  respire  ici  la  piété, 


624 


RES 


signiGe,  non  pas  que  tout  désire  ici  la  piété,  maie 
qûeloul  donne  ici  des  marques  de  piété.  » 

Il  f;iut  conclure  de  tout  ceci  que  l'un  p«ul  dire 
également,  il  respire  la  vengeance,  et  ii  ne  res- 
pire que  vengeance.  La  première  phrase  signifie 
que  la  vengeance  est  l'objet  de  ses  désirs,  et  la 
seconde,  que  ce  désir  est  porté  à  un  si  haut  itoint 
(|u'il  absorbe  tous  les  autres,  el  que  l'homme 
dont  on  le  dit  sairifierail  tout  pour  se  venger. 

Respirer  signifie  figurément,  |)rendre quelque 
relâche,  avoir  (luelque  relâche  après  de  grandes 
I)eines,  après  un  travail  pénible;  on  dit  en  ce 
sens,  respirer  de  quelque  chose  :  Laissez-les  TCS- 
pirer  de  leur  accablement.  (Massillon.) 

Il  respirait  enfin  du  tumulte  des  armes. 

[Dblil.,  Éneïd.,  YIII,  13.) 

Resplendir.  V.  n.  de  la  2'  conj.  Il  n'est  que 
du  style  soutenu. 

Là,  sur  de  longs  cuissards,  l'argent  pnr  retplendit. 
(Delil.,  Éndid.,  VII,  880.) 

Resplekdissant,  Resplendissante.  Adj.  verbal 
tiré  du  V.  resplendir,  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Le  soleil  resplendissant,  les  étoiles  res- 
plendissantes. Un  guerrier  resplendissant  de 
l'éclat  de  ses  armes. 

Responsable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  //  est  responsable  des 
fautes  de  ses  domestiques.  Il  est  responsable  à 
Dieu,  aux  hommes,  d  soi-même.  —  Un  fonc- 
tionnaire   responsable,  vn  commis  responsable. 

On  dit  aussi  être  responsable  envers  Dieu, 
QïWCTi  quelqu'un. 

Ressemblant,  Ressemblante.  Adj.  verbal  tiré 
du  V.  ressembler.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Portrait  ressemblant,  deux  personnes  ressem- 
blantes. 

Ressentiment.  Subst.  m.  Ce  mot  se  disait  au- 
trefois pour  reconnaissance,  et  on  le  trouve,  dans 
Racine,  employé  en  ce  sens  [Bérénice,  act.  II, 
:c.  iv,3): 

Tandis  qu'autour  de  moi  votre  cour  assemblée 
Retentit  des  bienfaits  dont  tous  m'avez  comblée, 
Est-il  juste,  seigneur,  que,  seule  en  ce  moment. 
Je  demeure  sans  voix  et  sans  reeeentiment  ? 

Ce  mot  ne  se  dit  plus  aujourd'hui  que  pour  ex- 
primer le  souvenir  des  outrages. 

Ressentii\.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2^  conj.  Il 
se  conjugue  comme  sentir.  \ oyez  Irréçulier. 

Selon  Buuhours,  ressentir  se  prend  en  bonne 
el  en  mauvaise  part  :  Je  ressens  le  plaisir  qu'il 
VI  a  fait,  l'injure  qu'il  m'a  faite;  mais  56  re*- 
sentir  ne  se  prend  qu'en  mauvaise  part  :  Je  me 
ressens  de  l'injure,  deV  injustice  qu'il  ma  faite, 
et  non  pas,  je  me  ressens  du  plaisir  quil  m'a 
fuit.  —  On  ne  fait  plus  cette  distinction  aujour- 
d'hui ,  et  ressentir  et  se  ressentir  se  i)rennent 
également  en  bonne  et  en  mauvaise  part  :  Je  res- 
sens les  obligations  que  je  vous  ai;  je  ressens 
vivement  cette  injure;  \\  se  ressent  rfe.s  dérégle- 
vients  de  sa  jeunesse  ;  il  se  ressent  des  bienfaits 
du  roi. 

Ressort.  Subst.  m.  Ce  mot  s'emploie  souvent 
au  figuré  dans  le  style  noble  : 

P»ur  TOUS  perdre,  il  n'est  point  de.  reBtort  qu'il  n'invente. 
(Ric,  Àth.,  act.  I,  se.  I,  45.) 

Tu  sais  combien,  terrible  en  ses  soudains  transports, 
D«  DOS  desseins  souvent  il  rompt  tous  («  '•etsorti. 
(Hac,  Etth.,  act.  III,  se.  l,  147.) 


RES 

Ressortir.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2'  conj. 
Dans  le  sens  de  sortir  après  éire  entré,  <iu  sortir 
une  seconde  fois  après  être  déjà  sorti,  il  su  con- 
jugue comme  sentir.  Voyez  Irrégulier.  —  Dans 
le  sens  de  èlre  de  la  dépendance  de  quelque 
juridiction,  il  se  conjugue  comme  emplir.  Voyez 
Conjugaison  ■ 

Ressouvenir.  Subst.  m.  Voltaire  a  dit  ■ 

/jMioufenir  affreux  dont  l'horreur  me  dévor». 

(Zaïr»,  act.  II,  s',    i,  95.) 

De  quel  ressouvenir  mon  âme  est  déchirée. 

(Jdem,  se.  m,  80.) 

Ressouvenir  (se)  V.  pronom.  Il  se  conjugue 
comme  venir.  Autrefois  se  ressouvenir  se  disait 
pour  considérer,  et  Vaugelas  l'approuvait.  Ses- 
soldats  voyant  ce  triste  spectacle,  et  se  ressou- 
venant qu'ils  n'avaient  plus  de  chef.  Ce  chef 
venait  d'être  tué.  C'était  donc  considérant  qu'il 
fallait  dire.  Quoique  l'Académie  dise  que  ce  verbe 
s'emploie  pour  dire,  considérer,  faire  attention, 
fcTire  réflexion,  on  peut  assurer  que  l'usage  actuel 
repousse  cette  acception.  11  serait  ridicule  au- 
jourd'hui de  dire  à  un  honnne  malade  qui  veut 
faire  un  ouvrage  pénible,  ressouvenez-vous  que 
vous  êtes  maZarfe,  au  lieu  de  lui  dire,  cojisidérez 
que  vous  êtes  malade.  Voyez  se  souvenir. 

Restant,  Restante.  Adj.  verbal  tiré  du  \crbc 
rester.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Le  seul 
enfant  rtstant,  le  seul  héritier  restant,  la  somme 
restante. 

Restadeant,  Restaurante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  restaurer.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Remède  restaurant,  potion  restaurante,  aliments 
restaurants. 

Restaurateur.  Subst.  m.  Qui  répare,  qui  réta- 
blit. Il  fait  au  féminin  restauratrice.  Bossuet  a 
dit  :  Nous  pouvons  l'appeler  la  restauratrice  de 
la  règle  de  saint  Benoît, 

Reste.  Au  reste,  dit  Voltaire,  signifie  quant  à 
ce  qui  reste.  Il  ne  s'eniploie  que  pour  les  choses 
dont  on  a  déjà  parlé,  et  dont  on  a  omis  quelque 
point  dont  on  veut  traiter.  Mais  quand  on  passe 
d'un  sujet  à  un  autre,  il  faut  cependant,  ou  quel- 
que autre  transition.  [Remarques  sur  le  Cid, 
act.  II,  se.  VI,  52.) 

Et  s'il  l'aima  jadis,  il  estime  aujourd'hui 
Les  restes  d'un  rival  trop  indignes  de  lui. 

(CoBPj.,  Pol.,  act.  Y,  se.  1,  7. 

Les  restes,  dit  Voltaire  à  l'occasion  de  ce  vers, 
est  une  expression  toujours  déshonnétc  et  du  dis- 
cours familier.  [Remarques  sur  Corneille.) 

Du  reste.  On  emploie  cette  expression  au  lieu 
d'aw  reste,  quand  ce  qui  suit  n'est  pas  dans  le 
genre  même  de  ce  qui  précède,  et  (ju'dn'y  a  pas 
une  relation  essentielle  :  Cet  homme  est  bizarre, 
emporté;  du  reste,  brave  et  intrépide.  Il  est  ca 
pricieux  ;  du  reste,  honnête  homme. 

Rester.  V.  n.  de  la  !'«  conj.  Ce  verbe  prend 
l'auxiliaire  avoir,  si  l'on  veut  faire  entendre  que 
le  sujet  n'est  plus  au  lieu  dont  on  parle,  qu'il  n'y 
était  plus,  ou  qu'il  n'y  sera  plus  à  l'cpoiiue  dont 
il  s'agit  :  Il  a  testé  deux  jours  à  l.you  ;  j'ai 
resté  sept  m<iis  à  Colniar,  sans  sortir  de  ma 
chambre.  (Voltaire).  lia  resté  longtemps  en  che- 
min. Mais  si  l'on  veut  faire  entendre  que  le  sujet 
«st  enccreaulieu  dont  ilest  question,  qu'ily  était 
ou  qu'il  y  sera  à  l'époque  dont  il  s'agit,  alors 
rester  prend  l'auxiliaire  être  :  Il  est  resté  à 
Lyon,    et    nous    avons  continué  notre   route. 


RÉT 

n  est  resté  en  Amérique,  il   n'en  est  pas  re- 
venu. ' 

On  demande  s'il  faut  direz7  ne  lui  a  resté  que 
l  espérance,  ou  Une  lui  est  resté  que  l'espérance 
Je  pense  qu  on  peut  dire  l'un  ou  l'aulrc;  suivant 
les  cas.  Si  je  veux  parler  du  moment  où  un  liomuie 
a  tout  perdu,  excepté  l'espéranec,  je  dirai,  il  ne 
lui -A  reste  que  l'espérance;  mais  si  je  veu\  parler 
de  letat  bal.ituel  d'un  homme  qui  a  tout  perdu 
excepte  1  espérance,  je  dirai,  il  ne  lui  est  resté  que 
i  espérance  Rume  depuis  deux  ans,  il  ne  lui  est 
reste  que  espérance.  Ce  verbe  régit  queitpiefois 
la  piepositiou  a,  comme  dans  ce  vers  de  Voltaire  : 

Henri  te  reitt  à  vaincre  après  tant  de  guerriers. 

{H^nr.,  IX,  95.) 

,,.  ^J-^s.""^"-."^';  n.  de  la  1"  conj.  Il  ne  se  dit  qu'à 
liunnilil  et  a  la  troisième  personne  des  autres 
temps.  L  Académie  dit  (pi'il  se  conjugue  avec  le  ' 
verbe  avuir  et  avec  le  verbe  être  :  Qu'a-t-il  ré-  | 
suite  de  là  ?  qu'en  est-il  résulté?  mais  elle  no  dit 
pas  dans  quel  cas  on  doit  préférer  l'un  à  l'aulre 
—  Je  pense  qu'il  faut  employer  l'auxiliaire  avoir 
quand  il  est  question  d'un  résultat  qui  s'oiiére 
qui  commence,  et  dont  on  veut  maniucr  le  com- 
mencement :  rous  avez  été  témoin  de  leurs  diffé- 
rends,  de  leurs  querelles,  et  vous  avez  vu  ce  md 
en  ^résulté;   mais  sil  s'agit  d'un  résultat  d.'ià 
existant,  et  dont  on  ne  vent  exprimer  que  l'exi-  ' 
stence,  il  f;mt  préférer  l'auxiliaire  être:  Rappelé - 
VOU-.  nos  querelles,  nos  dissensions,  et  vouez  "ce 
qui  en  est  résulté. 

Rétablir  \.  a.  de  la  2e  conj.  Il  signifie  re- 
mettre en  bon  état,  en  meilleur  état,  une  chose 
«pu  a  ele  altérée  ou  ruinée.  Ainsi,  la|.hrase  sui- 
vante, qui  est  de  Vaugelas,  n'esl  pas  correcte  :J(tc 
un  renfort  considérable,  il  marcha  pour  rétablir 
le  desordre  des  provinces  révoltées.  L'Académie  -i 
décide  que  cea  l'ordre  qu'on  rétablit,  et  non  pas 
le  desordre,  et  que  par  conséquent  il  fallait  dire 
avec  vn  renfort  considérable ,  il  marcha  pour 
retabhr  l'ordre.  ^ 

Retenir.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2-^  conj.  Il  se 
conjugue  comme  tenir.  Voyez  Irrégulier 

Autrefois  on  employait  retenir  au  lieu  à'emvê- 
cher.  Une  discipline  si  sainte  devait  1rs  retenir 
de  rien  avancer  contre,  etc.  (Bossuet.)  Un  si 
grand  exemple  a  toujours  retenu  les  personnes  i 
sages  de  s'engager  au  ministère  des  autels  A 
retenu  de  s'engager  n'est  pas  correct,  dit  M  de 
WaïUy  ;  dites,  a  empêché  de  s'engager 

RETENT.n.  V  n.  de  la  2e  conj.  Voltaire  a  dit 
dans  Mahomet  (act.  II,  se.  ii,  27)  • 


RET 


«^5 


i  notion  n'est  pas  exacte,  et  ce  tour  oratoire  s'an 
!   ^^T^^'^^'P^-'^rition,  onpréterndssul 
y  vyc/.  /^retentio7i. 

I  di,'"^  w"""/'"-  7-  "•  '^'^  '^  ^"  ^«"i-  I-'Aoadé«ie 
du  retomber  dans;  mais  elle  ne  dit  pas  que  ce 

I  ^flJcrega  aussi  .pielquofois  la  préposition  d.  On 
rinlinl  fn  r;^  ^'T""''  '-''"'"b^r  a  la  renverse. 
Delille  a  dit  [Enéide,  lll,  776)  : 

Les  vagues  quelquefois  nous  po.ienl  sur  leur  faiie. 
^ous  poussent  vers  les  cieux,  et  des  voùles  des  air. 
Metombcnt  avec  nous  au  gouffre  des  enfers. 

Cette e-xpression  peut  passer  en  vers;  mais  elle  ne 
serait  pas  régulière  en  prose;  on  tombe  dans  lui 
gouffre,  on  ne  tombe  pas  à  un  gouffre. 

Retors,  Retorse.  Adj.  qui  ne  se  met  ou'après 
sonsiibst.  :  Du  fd  retors,  de  ht  soie  retorse. 

Retocr.  Sul.sl.  m.  Voici  (luehpics  acceptions 
de  et  aot  qui  ne  sont  point  indiquées  dans  !e 
Dictionnaire  de  l'Acadéiuic,  ou  «lui  le  sont  d'une 
inanicie  pou  satisfaisante  : 

E'>  dés  le  premier  jour, 
Sans  pitié  le  condamne,  et  même  sans  retour. 

(Volt.,  flndisc,  act.  I,  se.  i,  11.) 

Or.  a  vu  plus  d'un  roi,  par  un  triste  retour. 
Vainqueur  dans  les  combats,  esclave  dans  sa  ceur. 
(Volt.,  llenr.,  III,  49.) 

Il  se  faisait  aimer  des  grands  qu'il  haïssait; 
Ternbe  et  sans  retour  alors  qu'il  offensait. 

[Idem,  III,  81.) 


Nous  faisons  retentir  à  ce  peuple  a-'ilé 
Les  noms  sacres  de  Dieu,  de  paii,  d°e  liberté. 

L'Académie  ne  donne  point  d'exemple  de  ce  tour 
Réticence.  Subst.  f.  Figure  de  rhétorique  par 
laquelle  l'orateur  s'interrompt  lui-mémcau  milieu 
de  son  discours,  et,  ne  poursuivant  point  le  pro- 
pos qu  il  a  commencé,  jwsse  a  d'autres  choses 
de  sorte  néanmoins  que  ce  qu'il  a  dit  fasse  sulfi- 
samment  enteudre  ce  qu'il  voulait  dire,  et  que 
l auditeur  le  supplée  aisément.  Voyez  Interrlp- 

D'autres  ajipellent  aussi  réticence  une  fisure 
par  laquelle  on  fait  mention  dune  chose  indi'rec- 
tement,  en  même  temps  que  l'on  assure -me  Ion 
s  abstiendra  d'en  parler.  Par  exemple,  sansparl^^l 
de  la  noblesse  de  ses  ancêtres,  ni  de  la  ara n- 
Oeur  de  son  courage,  je  me  bornerai  a  vous  en- 
■Iretenir  de  la  pureté  de  ses  mœurs.  Mais  cette 


Retourner.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  coni.  Aller 
de  nouv-eau  dans  un  lieu.  —  Avec  la'  signi- 
licidion  de  renvoyer,  c'est  un  barbarisme,  boau- 
coiip  trop  commun  malheureusement  en  style 

ii™"'*^^-  '^*'^'-  '^'■*''-  ^'^  langage  vicieux,  Paris' 
Ibéo.)  ' 

Retracer.  V.  a.  de  la  1«  conj.   L'Académie 
deanit  ce  mot,  tracer  de  nouveau,   ou  d'une  ma- 
nière nouvelle;  et,  au  liïuré,  raconter  les  choses 
passées  et  connues,  en  renouveler  la  mémoire  les 
,  décrire.  On  ne  peut  guère  appliquer  ces  défini- 
I  lions  au  sens  que  Racine  donne  à  ce  mot  dans  les 
I  vers  suivants  [Athalie,  act.  I,  se.  i,  45)  : 

D'adorateurs  zélés  à  peine  un  petit  nombre 
I  Ose  des  premiers  temps  nous  retracer  quelque  ombre. 

Retraire.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  4e  coni  II 
se  conjugue  comme  traire.  Voyez  ce  mot 

Retraite  Subst.  f.  Racine  a  dit  dans  Àlithri- 
date  (act.  III,  se.  I,  157)  : 

Tout  vaincu  que  vous  êtes, 
La  guerre,  les  périls  sont  vos  seules  retrattet. 

Retraite  est  mis  là  pour  ressource,  car  la  guerre 
ne  petit  être  la  retraite  de  personne,  mais  elle  est 
tres-bien  la  ressource  d'un  prince  habile  qui  sait 
mettre  ses  perles  à  profit.  (Luncau  de  BoiMer- 
main.)  '■• 

Retranchement.  Subst.  m.  Terme  de  gram- 
maire française.  Action  de  retrancher,  de  suppri- 
mer certains  mois  dans  une  phrase,  pour  rendre 
le  discours  plus  vif.  Il  y  a  des  retrunchemcniH 
vicieux  et  des  retranchements  éléeants. 

La  matière  qu'on  traite  demande  <iuelquefois 
un  style  vif  et  concis;  mais  il  ne  faut  pas  pour 
cela  supprimer  ce  qui  est  absolument  nécessaire. 
Kiemples:  Ce  desir  ardent  aveclequelleshom,n»ii 

40 


«âî6 


RÉO 


herchent  un  nhjet  qu'ils  pâtissent  aimer  et  en  [ 
être  aim^s,  rient  de  la  corruption  du  cœvr ;  il  ' 
falWiit  dire,  qu'ils  puissent  aime'  et  dont  ils  puis-  j 
sent  être  ainiés.  Je  ne  puis  assvrer  quand  je  j 
j^ar  tuai  d'ici  ;  si  dans  un  mois,  dans  de  us,  ou  • 
ietis  trais.  W  fallait  dire,  si  ce  sera  dans  un  1 
mois,  dans  deux,  elc. 

Mais  s'il  y  a  des  relranchemenls  vicieux,  il  y 
en  a  d'autres  ijui  jonl  fort  élégants,  et  (jui  oon-  i 
tribuent  beaucoup  a  la  force  et  à  la  beauté  du 
discours.  F.ii  vnici  (]ucl<|ucs  exemples  :  Citoyens, 
ttranqers,  ennemis,  peuples,  rois,  empereurs, 
le  plaignent  et  le  révèrent;  ce  passage  devien- 
drait faible,  si  l'on  disait,  les  citoyens,  les  clran- 
pers,  les  en.nemis,  les  peuples,  les  rais,  les  em- 
pereurs le  plaignent  et  le  révèrent.  Voici  un 
exemple  tiré  du  discours  iine  Racine  prononça  à 
l'Académie  française,  le  jour  de  la  réception  de 
Thomas  Corneille  :  «  f^oxis  savez  en  quel  état  se 
trouvait  la  scène  française  lorsque  M.  Corneille 
com.mença  à  travailler  ;  quel  désordre,  quelles  ir- 
régtilarités!  Nul  g(  ût,  nulle  commis  sa  nce  des  vé- 
ritables beautés  du  thcâtre ;  les  auteurs  nussi 
ignorant  s  queles  spectateurs  ;la  plupart  des  sujets 
extravagants  et  demies  de  vraisemblance  ;  point 
de  mœurs,  pi  int  de  caractères;  la  diction  encore 
plus  vicieuse  que  l'action  ...  en  un  mot,  toutes  les 
règles  de  l'art,  celles  de  l'honnêteté  et  de  la  bien- 
séance, partout  violées.  »  L'auteur  a  retranché 
de  cette  période  plusieurs  mots  qu'un  autre 
auteur  moins  éloquent  n'aurait  pas  manqué  d'y 
mettre.  Sj  latiniu  .  dit  M.  de  Saint-Evreinoni, 
en  parlant  de  Sénètiue,  n'arien  de  celh;  du  temps 
d'Auguste,  rien  de  facile,  rien  de  naturel  ;  toutes 
pointes,  toutes  imaginations  qui  sentent  jAus  la 
chaleur  d'Afrique  ou  d'Espagne  que  la  lumière  de 
Grèce  ou  d'Italie.  Ce  serait  gâter  cet  exemple 
que  de  dii'e,  n'a  rien  de  facile,  n'a  rien  de  na- 
turel; ce  ne  sont  que  des  pointes,  ce  ne  sont  que 
des  imaginations,  etc. 

Il  est  souvent  à  propos  de  retrancher  les  et  ; 
en  voici  un  exemile  de  Mascaron  dans  son  Orai- 
son funèhreûc  M.  de  Tuieaue(l''«parl,)  ;  «  Comme 
onvoii  la  foudre  conçue  presqu' en  vn  morne  ni  dans 
le  sein  de  la  nue,  briller,  éclater,  frapper,  abattre; 
ces  premiers  feux  d'une  ardeur  militaire  sont  à 
peine  allumés  dans  le  cœur  du  roi,  qu'ils  brillent, 
éclate.it,  frappent  partout.  »  Lorsque  le  sujet 
qu'on  traite  demande  du  feu  et  du  mouvement, 
les  périodes  coupées  ont  bonne  grâce,  et  il  est 
élégant  de  retrancher  desmo.ts  et  des  liaisons  inu- 
tiles, pour  donner  de  la  force  et  du  brillant  au 
discours.  {Encyclopédie.) 

Retra>chf.r.  V,  a.  de  la  1"  conj.  Diminuer, 
ôler  queli",ue  chose  d'un  tout.  En  ce  s«ns  il 
régit  la  préoosition  de  :  Retrancher  d'un  arbre 
les  branches  superflues.  Mais  lorsqu'il  signilie 
priver  quelqu'un  de  quelque  chtjse,  il  régit  la 
préposition  d  :  On  lui  a  retranché  la  moitié  de 
ta  pension.  Les  médecins  ont  retranché  le  vin  à 
M  Tnalade. 

Rétroactif,  Rétboactive.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Eff^et  rétroactif. 

*  Retuer.  V.  a.  de  la  !'«  conj.  Mot  inusité, 
expression  de  circonstance  qui  ne  peut  être  em- 
ployée que  dans  des  cas  très-rares.  Voltaire  a 
dit  :  Souvenez-vous  que  Jéhova  fit  pleuvoir  des 
pierres  sur  les  Amorrhéens,  dans  le  themin  de 
Béthnron,  et  les  tua  avant  d'arrêter  le  soleil  et 
la  lune,  pour  avoir  tout  le  temps  de  les  rctu<'r 
tandis  que  le  mouvement  de  ces  astres  était  sus- 
%^&tfdu. 
RéBSSTB.  V,  n.  de  la  2'  conj  On  le  fait  mainte- 


RÉV 

nanl  actif  dans  certaines  acceptions:  Mal  réussir 
«/«  tableau,  une  composition,  vn  ouvrage.  Un  ta- 
bleau qui  a  réussi  ai  celui  qui  a  plu  au  public 
et  aux  connaisseurs;  un  tableau  «jui  est  réussi 
est  celui  dont  l'exécution  a  répondu  à  la  pensée, 
à  l'intention  du  peintre.  J'emprunte  ces  exemples 
à  la  peinture,  parce  que  c'est  ici  en  effet  de  l'ar- 
got de  peinture;  mais  conunc  il  n'est  [)oinl  de 
langue  s[)éci;ilc  qui  tienne  plus  de  pl;i'e  dans  le 
Dictionnaire  des  salons,  il  y  a  lieu  de  craindre 
que  ce  solécisme  ne  gagne  du  terrain,  et  qu'on 
ne  di>e  avant  peu  réussir  un  projet,  réussir  une 
entreprise,  les  arts  et  les  métiers  ont  recours  à 
ceitains  nidts  de  convention  pour  exprimer  des 
nuances  d'idées  qui  leur  sont  propres;  mais  ce 
serait  une  faute  irrémédiable  (jue  d'en  souffrir 
l'introduction  dans  la  langue  écrite,  (Ch,  ^'odier, 
Examen  crit.  des  Dict.) 

I\éussite,  Subst.  f,  Bouliours  prétend  que  ce 
mol  ne  se  dit  que  des  ouvrages  d'esprit  :  Je  vous 
réponds  de  la  réussite  de  votre  livre.  Pour  les 
armes  et  la  négociation,  dil-il,  on  dit  plutôt  suc- 
cès. La  signifiiaiion  de  ce  mot  est  beaucoup  plus 
étendue  aujourd'hui.  La  réussite  est  proprement 
uu  succès  final  et  une  issue  prospère.  C'est  un 
terme  simple  et  modeste;  il  se  dit  à  l'égard  des 
affaires,  des  entreprises,  des  événements  et  des 
succès  coimûui. s,  ordinaires.  Succès  s'app!i(iuc  à 
toutes  sortes  d'objets  et  de  choses.  L((  rie  est 
mille  fuis  plus  heureuse  par  des  réussites  ordi- 
naires que  par  des  succès  brillants,  l.a  pru- 
dence domestique  ne  cherche  que  les  réussites. 
Les  armes  promirent  des  succès  glorieux.  11  y  a 
divers  succès,  divers  événements  successifs,  jus- 
qu'à la  réussite,  qui  est  le  dernier  événement  et 
le  succès  décisif. 

JRevancheb.  V.  a.  de  la  1"  conj. 

Four  nou.K  en  revancher  conservez  ma  mùmoire. 

^Coni».,  Cid,  ad.  V,  se.  vu,  26.) 

Le  mot  de  revancher,  dit  Voltaire,  est  bas;  ou 
dirait  aujourd'hui,  pour  -n'en  récompenser.  [Re- 
marojues  sur  Corneille.) 

RÊVASSEUR.  Subst,  m.  Voltaire  l'a  dit  de  Des- 
cartes, en  plaisantant  :  Quand  cela  sera  fait,  vout 
aurez  votre  sublime  rêvasse ur  René  (Descai-tes). 
[^Correspondance  ^. 

Revécue.  Adj.  des  doux  genres  :  Poires  re- 
vêches,  vin  revêche.  —  Un  homme  revcche,  un« 
femme  revcche;  humeur  revêche,  caractère  re- 
vêche. On  peut  le  mettre  avant  son  subsi.,  en 
consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Celte  revéck* 
huineur. 

Révkille-matih.  Subst.  m.  Il  fait  au  pluriel  des 
réveille-matin.  Voyez  Composé. 

Réveiller,  V,  a,  de  la  i"  conj.  La  particule 
ré,  qui  entre  dans  la  composition  de  réveiller, 
marque  réitération ,  redoublement  d'action,  et 
suppose,  ou  que  la  personne  s'était  rend«irmie, 
ou  (ju'elle  était  plongée  dans  un  profond  som- 
meil. Tl  ne  dormait  pas  profondement,  je  l'ai 
éveillé  ;  il  dormait  profondément,  je  l'ai  réveille  ; 
y»  i'ni  éveillé  d  la  pointe  du  jour',  il  s'est  ren- 
dormi, et  je  l'ai  réveillé;  ^e  l'ai  réveillé  au  mi- 
lieu de  la  ?iuit. 

Oui,  c'est  Agameranon,  c'est  ton  roi  qui  l'éveille. 
(■Rac,  fphig-,  ïct.  I,  se.  I,  J.) 

La  différence  entre  éveiller  et  réveiller  se  re- 
marque surtout  au  figuré  ;  Eveiller  les  passions, 
c'est  exciter  les  passions  qui  ne  se  =ont  point  eo* 


RÉV 

oore  montrées.  JtéreiUer  les  passions,  c'est  les 
exciter  de  nouveau  lorsqu'elles  sont  assoupies. 


RHY 


627 


Sous  la  cundre  réveillt 
i^s  rasles  assoupis  dus  (lainnies  de  la  yeille..  .. 

(Delil.,  Énèide,  YHI,  773.) 

Et  réveillant  la  foi  dans  les  cœurs  endormie 

(RiC,  Ath.,  acl.  IV,  se.  m,  43.) 

Cent  même  dont  la  gloire  aigrit  l'ambition, 
RéteUUront  leur  brigue  et  leur  prétention.... 

{RiC,  Iphij.,  acl.  I,  se.  I,  139.) 

Qael  espoir  séduisant  dans  mon  ceear  se  r«t>eiH» .' 
(Volt.,  OEd.,  acl.  I,  se.  i,  24.) 
Valcis  se  réveilla  du  sein  de  son  ivresse. 

(Volt.,  ncnr.,  III,  99.) 

Révéier.  V.  a.  de  la  l^e  conj.  L'acception  sui- 
mr  L"  ''"?  ^'^"  '"'l'qi'"C  prir  la  .lélinilion  ni 
pai  les  exemples  que  donne  l'Académie  : 

Elle  marche,  et  son  port  révèle  une  déesse. 

(Dklil.,  É)iéid.,  I,  55S.) 

Bevenant,  Revenante.  Adj.  verbal  tiré  du  v 
nr^r?  ^?  I'''"'- T"'  '•evient.  Il  ne  se  met  qu'a- 
près Sun  su  bsi.  :  Un  air  revenant,  une  phLo- 
nomte  revenante.  ^  ^ 

Bêver,  V.  n.  de  la  1"  conj. 

Bl  ce  cœur,  t.inl  de  fois  dans  la  guerre  éprouvé, 
*  «'arme  d  un  péril  qu'une  femme  a  rêvé. 

(CoR?î.,  Vol.,  acl.  I,  se.  1,3.) 

Le  mot  de  rêver    dit  Voltaire,  est  devenu  trop 

corneille,  (liemarqmssur  CorveAUe.)—  On  peut 
remarquer  aussi  .jue,  dans  ces  vers  de  Corne  lie 
rêver  esl  pris  dans  le  sens  actif,  et  qu'on  le  prend 
encore  quol.,uefois  dans  ce  sens.  On  d^"  loMce 
qtie  j  „t  rêvé,  pour  dire  voila  le  rêve'  que  iai 
fait  ;  mais  on  ne  dirait  pas/ai  rêvé  unpSi    ^ 

fiE\ETi.i.  V.  a.  et  irrcgulierdela  2"  coni  Use 
conjugue  comme  vêtir.  •'■ 

Voltaire  a  dit  [Henr.,  IV,  193)  : 

Leur  from  d'un  vain  éclat  n'était  point  revêtu. 

Ce  mol  semble  ici  un  peu  trop  éloigné  de  sa  si- 
gnification primitive.  s      ue  sa  si 

Revivbe.  V.  n.  et  iriégulier  de  la  4*  coni  II  se 
conjugue  comme  vivre.  Voyez  ce  mot 

Révocable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu  a|>res  son  subst.  :  Une  procuration  révocable 
une  commission  revocaUe.  ' 

Revoir.  V.  a.  et  irr-gulier  de  la  3*  coni.  Il  se 
conj.  comme  voir.  Voyez  ce  mot.  —  Au  revoir- 
dans  cette  locution,  revoir  est  employé  substanti- 
vement On  dit  au  revoir,  par  ellipse,  pour  «„ 
iplaisir  de  vous;  revoir  :  '  ^ 

Suflit.  Adieu,  inuses;  jusqu'au  revoir. 

(J.-B.  Rouss.,  liv.  I,  Épitre  i.) 
Jusqu'au  revoir. 

(Destolches,  Glorieux,  acl.  I,  .se.  u,  89.) 

WonlT  P'^  ^^"'■'^"d'-e  cette  phrase  avec  la  locu- 
■àîfp^in^nr''  ?"*  ""^  '^  ^^••^  PO'""  t'ire  q>''il  nmt 
îfôn  H'„  "■'  '''™^"  •^'""  *'ompie,  d'une  ciia- 
&i  r"'"-  '''■  '■  .^  '^'^  de  chacjue  article 
RÉvo.r  ":;:""P^'f^^ir,.is  :  à  revoir.  (Acad.) 
REVOLTANT,  Révoltante  Adj.  verbal  tiré  du  v. 


révolter.  Il  se  met  quelquefois  avant  son  subst,  . 
t^roçede  révoltant, proposition  révoltante,  absur- 
dité révoltante,  idée  révoltante.  —  Cette  révol- 
tante tdee,  cette  révoltante  absurdité. 

RiiAiiii  i.A(;r,  rxiiABiLi.ER.  Dans  ces  deux  inolfi 
on  mouille  l«s  /. 

Rhétorique.  Subst.  f.  Art  de  parler  sur  quel- 
que sujet  (lue  ce  soit  avec  éloquence  et  avec 
orce.  I.a  rhétorique  est  à  l'éloquence  ce  que  la 
tneorieest  à  la  praiique,  (ui  comme  la  poétiq,;e 
est  a  la  poésie.  Le  rhéteur  proscrit  des  régies  d'é- 
loquence, l'oralcur    ou    l'homme   éloquent  luit 
usage  de  ces  règles  pour  bien  parler;  aussi  l.i 
rhétorique  est-ello  appelée  l'art  de  parler,   cl 
ses  règles,  re;jles  de  l' éloquence.  Il  est  vrai,  dit 
«jumlilien,  (pie,  sans  le  secours  de  la  nature,  ces 
I  préceptes  ou  règles  ne iont  d'aucun  usage;  mais 
'I  est  vrai  aussi  (pi'ils  l'aident  et  1:;  fortifient  beau- 
TOup,  en  lui  servant  de  guides;  ces  préceptes  ne 
sont  autre  chose  que  des  observations  qu'on  a 
I  laites  sur  ce(iu'ily  avait  de  beau  ou  de  défectueux 
(^.;ms  les  discours  qu'on  eniendait;  car,  comme  le 
(lit  Ciccron,  l'éloquence  n'est  point  née  de  l'art, 
mais  l'art  est  né  de  l'éloquence;  ces  rélWious, 
mises  par  ordre,  ont  formé  ce  (ju'on  appelle  rhé- 
torique. 

RncM.  Si/bst.  m.  On  prononce  rom  en  faisant 
sentir  le  m. 

RiiYTH.ME.  Subst.  m.  Ce  mot  se  prend  iiour 
nombre  ou  cadence.  11  consiste  propiemenl  dans 
la  mesure  el  le  mouvement.  Le  rhylhme  convient 
plus  particulièrement  à  la  poésie;  mais  la  prosea 
jiussi  le  sien.  Fn  poésie,  le  choix  du  rliytliine  est 
important.  Tel  "liylhme  convient  à  un  genre  de 
sentiment,  qui  ne  convient  pas  un  autre.  Les  vers 
(le  douze  syllabes  sont  ceux  qui  ont  le  plus  d'har- 
monie et  de  majesté;  on  les  emploie  dans  les 
poèmes  héroïques,  dans  les  tragédies,  les  conié- 
uics,  leséglngues,  les  élégies,  et  autres  pièces  sé- 
rieuses et  de  longue  haleine.  Les  petitscommc  les 
grands  vers  entrent  dans  la  composition  des  ou- 
vrages en  vers  libres;  cependant  il  n'y  a  cuére 
que  la  rwcsie  lyii(p:e  et  la  fable  qui  admeucut  le.', 
vers  de  deux  ou  trois  syllabes.  On  [leul  remar- 
quer, pour  peu  qu'on  ail  l'oreille  seiisililc,  ([ue 
e  vers  de  huit  syllabes  se  mcle  tiés-b;cn  avec  ce- 
lui d(;  douze,  mais  jamais  le  vers  de  dix  syllabes, 
qui  n  est  fait  que  i)our  aller  seul.  On  peut  re- 
marquer dans  les  stances  (jue  iMalherbc  adresse  à 
son  ami  Dupcirier,  qui  avait  perdu  sa  fille,  à  peine 
au  sortir  de  rcnfance,  combien  le  riivihmo  peut 
contribuer  a  l'cxpivssion  d'un  sentimenl  (liv.  VI, 
Consolation  à  Ai.  Dupéricr,  i)  : 

Ta  douleur,  Dupérier,  sera  donc  éternelle. 

Et  les  tristes  discours 
Que  te  mel  en  l'esprit  l'amitié  paternelle 

L'augmenlcroût  toujours. 

Ce  petit  vers,  qui  tombe  si  régulièrement  après 
e  premier,  peint  si  bien  l'abattcmenl  et  la  dou- 
leur! C'est  là  le  vrai  secret  de  l'harmonie.  Il  ne 
sagit  pas  de  la  travailler  avec  effort,  il  faut  la 
choisir  avec  goût. 

Dans  la  |>rose,  le  rliythineest,  comme  dans  la 
poésie,  la  mesure  et  le  mouvement.  En  prose,  la 
mesure  n'est  que  la  longueur  ou  la  brièveté  des 
phrases,  et  leur  pari.ige  en  plus  ou  moins  de 
membres;  et  ce  mouvement  résulte  de  la  quaii- 
lile  des  syllabes  dont  s. .ni  composés  les  mois.  Il 
est  impossible  de  prononcer  une  longue  suite  de 
paroles  sans  prendre  haleine  ;  quand  celui  qai 
park  pourrait  y  suffire,  ceux  qui  l'écoutentue 


IIIC 

pourraicnl  le  supporter.  11  a  donc  été  nécessaire 
(le  diviser  le  discours  ou  plusieurs  parties,  on  y  a 
inscrc  dos  icuiscs  de  jilus  ou  de  moins  île  dur'éc, 
selon  qu'il  cUiit  convenable,  et  de  là  s'est  formé 
ce  qu'on  peut  appeler  la  mesure  de  la  prose.  C'est 
le  besoin  de  respirer,  c'est  la  nécessité  de  donner 
de  temps  en  temps  quelque  relâche  à  ceux  qui 
nous  écoulent,  ijui  ont  fait  jjartaçcr  la  prose  en 
plusieurs  membres;  et  ce  partagé,  perfectionné 
par  l'art,  est  devenu  une  des  grandes  beautés  du 
discours. 

RiAM,  BiA^TE.  Adj.  verbal  tire  du  v.  rire.  Il 
se  met  snuvent  avant  son  subst.,  lorscpie  l'har- 
monie et  l'analogie  ne  s'y  opposent  point  :  Un 
visago  riant,  vue  mine  riante,  une  physionomie 
ruinic,  vu  paysage  riant,  une  image  riante,  une 
riante  image. 

Riche.  A«lj.  des  deux  genres.  Il  précède  sou- 
vent son  subsl.  :  Un  homme  riche,  une  femme 
riche,  une  riche  héritière,  une  riche  veuve. — 
Un  riche  mariage,  un  riche  parti.  — 11  régit  or- 
dinairement les  pré[)o&itions  en  et  de.  Biche  en 
argent,  en  terres,  en  rentes,  en  bijoux,  en  pier- 
reries. Biche  de  son  patrimoine,  des  bienfaits 
du  prince. 

Il  régit  aussi  la  préposition  par.  La  Bruyère  a 
employé  avec  justesse  dans  la  même  phrase"  celle 
préposition  et  la  préposition  de.  Nos  ancêtres.... 
plus  riches  par  leur  économie  et  par  leur  mo- 
destie, qtia  de  leurs  revenus  et  de  leurs  do- 
viaines  ... 

^  RicuEMEKT.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
rau.xiliaiic  et  le  participe  :  Il  est  richement 
vêtu;  il  a  richonent  marié  sa  fille,  ou  il  a  marié 
richement  sa  fille. 

RicuEssE.  Subst.  f.  Au  singulier,  il  se  dit  par- 
liculiéicment  ou  de  l'abondance  de  plusieurs 
choses  utiles  cl  précieuses,  relativement  à  lasource 
qui  les  produit  :  La  richesse  d'un  pays,  la  ri- 
chesse d'une  contrée,  lu  richesse  d'une  viine;  ou 
bien  ilsedit  d'une  quantité  considérable  de  biens, 
relativement  à  celui  qui  les  possède  :La  richesse 
de  cet  homme,  la  richesse  du  prince,  la  richesse 
de  l'Etat;  ou  bien,  enfin,  il  se  dit  d'une  quaniilé 
considérable  de  choses  précieuses  relativement  au 
lieu  qui  les  contient  :  La  richesse  de  ce  trésor.— 
Les  richesses,  au  pluriel,  se  dit  lorsqu'on  veut  ex- 
primer une  quantité  considérable  de  biens  de  di- 
verse nature.  D'un  houune  qui  possède  beaucoup 
de  biens  en  porlcfeuilie,  ou  en  bijoux,  ou  en 
œarchandises,  je  dirai  su  richesse  ;  de  celui  qui 
possi'de  des  palais,  des  châteaux,  des  terres,  (jui 
a  des  revenus  considérables  de  diverses  espèces, 
je  dirai  ses  richesses  :  La  richesse  de  la  Bour- 
gogne consiste  dans  ses  vins;  les  richesses  de 
.  In'le  consistent  dans  un  grand  nombre  de  pro- 
ductions diverses.  Les  richesses  de  ce  vionde 
Signifie  les  biens  divers  (jui  rendent  riche:  Jouis- 
sons paisiblement  des  richesses  de  ce  monde,  71e 
les  cherch')nspas  avec  avidité. 
Louis  Racine  a  dit  : 

Heureux  qui  de  la  sagesse 
AUendant  tout  son  secours, 
N'a  point  niis  dans  la  riehefe» 
L'espoir  du  ses  derniers  jours. 

Féraud  pense  que  ce  n'est  pas  une  faute  en  vers, 
mais  qu'en  jirosec'en  serait  une  et  qu'il  faudrait 
'employer  le  pluriel.  Nous  pensons  que  ce  n'en  est 
une  ni  en  vers  ni  en  prose.  On  peut  dire  qu'un 
homme  viet  tout  son  espoir  dans  la  richesse,  ou 


RIE 

qui/  a  7nis  tout  son  espoir  dans  ses  riclusMs.. 
l'ar  la  preimére  expres-<:o:i ,  richesse  s'entend 
dans  un  sens  collectif,  cl  par  la  seconde,  dans  un 
sens  distributif. 

Rideau.  Subst.  m.  On  dit  ligurément,  tirer  le 
rideau,  p<jur  dire,  découvrir  ce  (pii  est  caché;  et 
tirer  le  rideau  sur,  poiw  dire,  couvrir  ce  qui 
devrait  être  caché  et  qui  ne  1  est  pas.  Celle  ex- 
pression, tirer  le  rideau,  dit  ^  ollaire,  est  un  peu 
triviale,  et  ne  peut  être  employée  dans  le  style 
noble.  [Bemarques  sur  Bodog.,  acl.  11,  se.   111, 

Rider.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Il  se  dit  propre- 
ment des  plis  qui  se  font  sur  le  front,  surle  visage 
et  les  mains,  effet  naturel  de  l'âge,  des  chagrins, 
des  maladies.  Les  poêles  le  disent  au  figuré  des 
légères  élévations  (|ue  forme  le  vent  sur  la  sur- 
face de  l'eau  : 

Le  moindre  veut  qui  d'aTenturo 
A  ridé  ta  face  de  l'eau, 

(Li.  Font.,  liv.  I,  fabl.  xxu,  4.) 

Il  faut  au  moins,  pour  .«^e  mirer  dans  l'oode, 
Laisser  calmer  la  tempête  qui  gronde, 
£t  que  l'orage  et  les  vents  en  repos 
Ne  rident  plus  la  surface  des  eaux. 

(YOLT.,  Enf.  prod.,  act.  II,  se.  I,  51.) 

Ridicule.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met 
souvent  avant  son  subsl.  :  Un  homme  ridicule, 
une  fevane  ridicule,  un  auteur  ridicule,  un  ri- 
dicule auteur  ;  une  action  ridicule,  une  ridicule 
action;  un  ouvrage  ridicule,  tin  ridicule  ouvrage. 
Voyez  Adjectif. 

Ridiculement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  chanté  ridicu- 
lement, ou  il  a  ridiculement  chanté. 

*  RiDicuLissiME.  ïrès-ridicule.  Expression  de 
circonstance  que  Voltaire  a  employée  dans  le  pas- 
sage suivant  :  Les  évoques  n'ont  aucun  droit  de 
s'arroger  la  qualification  de  monseigneur,  qui 
ciiiiiiedit  l'humilité  dont  ils  doivent  donner 
l'exemple.  Ils  ont  eu  l'humilité  de  changer  en 
monseigneur  le  titre  de  révérendissime  père  on 
Dieu,  qu'ils  avaient  porté  douze  centsans.  Pour 
Jean-George  (évéque  du  Puy),  il  n'est  assuré- 
ment que  ridiculissime. 

RiDicuLiTÉ.  Subst.  f.  Il  ne  faut  pas  confondre 
ce  mot,  dit  Mercier,  avec  celui  de  ridicule.  Ou 
(lit  fort  bien  qu'un  homme  a  des  ridicules  ;ïd.^\s 
il  fait  des  ridiculités.  Ce  mol  est  peu  en  usage, 
mais  on  doit  s'en  servir  à  l'exemple  de  Voltaire: 
Les  ridiculités  des  sots  et  des  gens  d'esprit  vien- 
nent de  ce  que  les  uns  veulent  toujours  passer 
pour  ce  qu'ils  ne  sont  pas,  et  les  autres  toujours 
pour  ce  qu'ils  sont. 

Rien.  Les  grammairiens  mettent  ordinairement 
ce  mot  au  nombre  des  pronoms  indéfinis.  C'est 
un  nom  distributif  comme /?e)-5'««e,  mais  qui  ne 
se  dit  que  des  choses.  Vo^'ez  pour  sa  prononcia- 
tion l'article  iV. 

Bien  vient  du  mot  latin  rem,  qui  signifie  chose. 
11  conserve  celle  signification  en  français  quand 
on  le  met  sans  négation;  et  c'est  ce  qui  arrive 
dans  les  phrases  (jui  nianiuent  le  doute,  l'incerti- 
tude ou  i'interrogalion,  et  où  ce  mol  est  jMis  dans 
un  sens  indéterminé:  Je  doute  que  rien  vous  soit 
plus  agréablr  que  sa  société,  c'est-à-dire  qu'il  y 
ait  quelque  chose,  qu'il  y  ait  une  chose  qui  voua 
soit  plus  agr-able.  V  a-t-il  rien  de  plus  rare 
qu'un  véritable  ami?  c'est-à-dire  y  a-t-il  que^ 


UlE 

<jue  chose ,  y  a-t-il  vue  chose  qui  soit  plus 
rare?  etc.  iMais  (inaïul  on  ;ijoulc  une  iiogatiou  à 
ficn  pris  eu  ce  sens,  ou  lui  t';iit  sii;ui(icr  la  uéga- 
rion  de  loulc  chose.  //  n'y  a  rien  de  plus  eiti- 
viahle  que  lu  rertu  ,  c'cst-à-ilii'C  il  n^y  a  point  de 
choseplus  estimable,  etc.  Il  n'a  -^ien,  c'esl-à-ilire 
■i  n'a  aucune  chose. 

11  faut  ilcmc  nocpssairement  ajouter /le  à  rien  , 
pour  exprimer  une  idée  négative.  Cependant  il 
semble  (jue  l'usage  autorise  a  supprimer  la  néga- 
Uon  dans  le  sens  de  nulle  cliose,  (juand  il  est  em- 
ployé avec  le  verbe  compter.  On  dit,  je  compte 
cela  pour  rien,  et  Kacine  a  dit  dans  Alhulie 
(acl.  I,  se.  II,  62)  : 

Eh    ttfnftez-vous  pour  rien  Dieu  ijui  combat  pour  nous? 

Mais  je  pense,  comme  Ménage  et  quelques  autres 
grammairlci^s,  qu'il  serait  mieux  de  dire  ;  Eh!  ne 
comptezvuus  pour  lien....?  —  L'Académie,  au 
mot  compter,  donne  les  exemples  suivants  de  cette 
locution  :  //  compte  pour  rien  tous  les  services 
qu'on  lui  rend.  Pensez— vous  qu'il  se  compte  pour 
rien?  Et  au  mol  rien  elle  admet  quelques  phrases 
dans  lesquelles  il  serait  impossible  d'introduire  la 
négative.  Il  u  eu  cette  maison  pour  rien,  il  rit  de 
rien,  il  se  fâche  de  rien.  Au  reste,  l'Académie 
remarque  que  dans  ces  locutions,  rie/i  signitie 
par  exagération  peu  de  chose,  ce  qui  peut  servir  à 
expliquer  pourquoi  l'on  retranche  la  négative. 

La  langue  ne  pi  rmet  pas,  dit  Domergue,  qu'on 
dise  faire  rien,  rien  faire  ;  elle  exigc  la  négation  : 
Ne  faire  rien,  ne  rien  faire. 

La  Fontaine  a  dit  dans  son  épitaphe  : 

Quant  à  son  temps,  bien  !e  isul  dispenser  ; 
Deux  parts  en  lit  dont  il  soûlait  passer 
L'une  à  dormir,  et  l'autre  à  no  n'en  faire. 

Mais  Boileau  ne  l'a  pas  imité  dans  les  deux  vers 
suivants  (Sut.  II,  61)  : 

Passer  tranquillement,  sans  soucif ,  sans  affaire, 
La  nuit  à  bien  dormir,  et  le  jour  à  rien  faire. 

il  fallait  à  ne  rien  faire. 

Bien  s'emploie  quelquefois  après  plusieurs  sub- 
stantifs pris  négativement.  Alors  il  semble  les 
réunir  en  un  seul  mot,  ce  qui  autorise  à  mettre  le 
verbe  au  singulier. 

Remords,  crainte,  périU,  rien  ne  m'a  retenu. 

^Rac,  l>n(an.,acl.  IV,  se.  ii,  165.) 

Bien  se  joint,  parla  préposition  de,  à  l'adjectif 
qui  le  suit  :  Il  n'y  a  rien  de  si  beau,  de  si  louable, 
de  si  laid,  de  si  délesluble.  Il  iiy  a  rien  de  si 
ieau  que  de  modérer  ses  passions.  Jamais  l'a- 
mour ne  fit  rien  tic  tel. 

Du  temps  de  Boileau,  on  croyait  qu'en  em- 
ployant il  n'est  rien,  au  lieu  de  il  n'y  arien,  on 
pourrait,  pour  la  douceur  de  la  prononciation, 
supprimer  le  de,  et  dire,  par  exemple,  il  n'est 
rien  tel  que  la  richesse,  il  n'est  rien  tel  que  d'être 
vivant.  Le  temps  n'a  pas  confirmé  celte  exception, 
et  l'on  trouverait  dinicileinent  aujourd'hui,  dans 
nos  bons  écrivains,  des  exemples  de  cette  façon 
de  parier,  à  moins  peut-être  que  ce  ne  fût  dans 
le  langage  familier. 

Quand  rien  est  employé  dans  le  sens  négatif,  il 
exclut ;9«x  et  point.  Voila  pourquoi  on  a  critiqué 
ce  vers  de  Racine,  dans  les  Plaideurs  (act.  II, 
se.  VI,  13)  : 

On  ce  veut  fat  rien  faire  ici  qui  tous  déplaise. 


RIE 


r,20 


Molière  a  exprimé  i)Iaisamment  cette  règle  dans 
les  Femmes  savantes  (act.  II,  se.  vi,  56)  ; 

De  pai  mis  avec  rien  lu  fais  la  récidive; 

£t  c'est,  comme  on  t'a  dit,  trop  d'une  négatite. 

Ne  savoir  rien  de  rien  est  une  phrase  du  slyle 
familier,  et  signifie  ne  savoir  absolument  rien. 

On  dit  cet  himuie  ne  m'est  rien,  pour  dire,  cet 
homme  n'est  ni  mon  parent  ni  mon  ami.  —  On 
ilit  aussi  populairement,  te/ /i07«7/ie  ne  m'est  de 
rien,  cela  ne  m'est  de  rien,  Jtour  dire,  je  n'y 
prends  aucun  intérêt. 

«  On  a  souvent  demandé,  dit  la  Grammaire 
des  Grammaires  (p.  'l2ol),  si  l'on  doit  dire,  cela 
ne  sert  de  rien,  ou  cela  ne  sert  a  rien;  à  quoi 
sert-il,  ou  de  quoi  sert-il') 

«  tle  qui  ne  sert  de  rien  ne  peut  être  employé 
utilement,  est  hors  de  tout  service.  Par  recon- 
7iaissance,  il  nourrit  un  vii'u.v  cheval  qui  ne  lui 
sert  derien.  Nous  eûmesbeuu  pleurer,  nos  larmes 
ne  servirent  de  rien.  [Florian.) 

Il  met  toute  sa  gloire  et  son  souverain  bien 
A  grossir  son  trésor  qui  ne  lui  sert  da  rien. 

(BoiL.,  Sat.  IV,  63.) 

«  Toutes  ccsplirases  éveillent  l'idée  d'une  nul- 
lité absolue  de  service. 

«  Ce  qui  ne  sert  à  rien  anjourd'h'ii  peut  servir 
demain  a  quelque  chose.  Il  a  des  iulenls  qui  no 
lui  servent  à  rien.  Fous  pouvez  prendre  mon 
cheval,  car  il  ne  me  sert  à  rien  aujourd'hui. 

«  Ici  il  y  a  nullité  momentanée  de  service,  un 
défaut  d'emploi. 

«  C'est  dans  le  même  sens  que  Fénelon  a  pré- 
féré à  à  de  dans  cette  phrase  :  A  quoi  sert-il  à 
unpeuple  que  son  roi  subjugue  d'autres  nations, 
si  ton  est  malheureux  saus  son  règne  ?  (  Télém.y 
liv.  V,  t.  1,  p.  198) 

On  dit  aussi  que  pour  à  quoi,  dans  la  même 
signification,  surtout  en  vers  : 

Que  nous  servent,  hélas  !  ces  regrcls  superflus  î 

(Uac,  r.sth.,  acl.  II,  se.  III,  41.) 

11  me  semble  que  voici  comment  on  j)eut  ex- 
pli(]uer  clairement  la  différence  de  ces  deux  lo- 
cutions. 

Servir  de  signifie  tenir  lieu  de  :  Il  m'a  servi 
de  père,  je  vous  servirai  de  guide,  elle  m'a  servi 
de  garde  malade,  vous  nous  servirez  d'inter- 
prète, uti  éventail  sert  de  contenance  à  une 
femme,  ce  bâton  me  sert  d'appui.  Ainsi  l'on  dit 
qu'i(//e  chose  ne  sert  de  rien,  lorsque,  pouvant 
être  ordinairement  employée  de  diverses  ma- 
nii-rcs,  on  ne  peut  en  tirer  ou  l'on  n'en  tire  au- 
(Hine  espèce  de  service ,  soit  parce  (]u'elle  est 
hors  d'état  d'être  mise  en  usage,  soit  parce  qu'on 
néglige  de  l'y  mettre  :  Ce  domestique  est  infirme, 
il  ne  me  sert  plus  de  rien  ;  je  ne  sors  jamais  ni 
à  cheval  ni  en  voiture,  un  chevaine  me  servirait 
de  rien. 

Servir  à  se  dit  pour  indiquer  l'usage  fixe,  l'em 
ploi  déterminé,  la  destination  des  choses  :  Un 
ressort  qui  sert  à  faire  tourner  une  roue,  une 
pelle  qui  sert  à  remuer  des  terres,  un  outil  qui 
sert  à  percer,  un  bateau  qui  sert  à  passer  la 
rivière.  Servir  â  signifie  aussi  concoui  ir  à  pro- 
duire un  effet.  Ainsi  on  dit  qu'w/ie  chose  ne  sert  à 
rien,  lors(]u'elle  n'est  pas  employée  selon  sa  des- 
tination, lorsqu'elle  ne  concourt  pas  a  un  effet 
auquel  elle  devrait  concourir.  On  dira  donc,  vous 
ne  montez  jamais  votre  montre,  elic  ne  vous 


650 


RIG 


sert  à  rien  ;  ¥:iis  êtes  aveugle,  des  lunettes  71e 
••ous  seiriiaiciii  a  rie/i.  Quatre  roues  servi /it  À 
faire  rouler  vu  carrosse,  j/iuis  une  cinquième 
roue  ne  sert  à  rien. 

On  voit  par  ccUe  cxplit-a'.ion  et  ces  exemples 
qu'il  n'est  pas  cxai't  dr  dire  (pie  ce  (]ui  ne  sert 
.le  rien  ne  peut  être  employé  utilement,  est  hors 
de  tout  service.  Qiioicprnn  cheval  iic  me  serve 
de  rien,  il  n'est  pas  hurs  de  tout  service,^  et  peut 
•  'Ire  em|)lityé  utilement  p;ir  un  autre.  Celte  ex- 
:)ression  n'c veille  donc  pas  toujours,  comme  le 
lit  la  Grawvittire  des  Grammaires ,  une  nul- 
ijlc  absolue  de  service,  mais  souvent  une  nullité 
relative.  Ce  n'est  que  par  rapport  à  moi  (pie  nion 
i-heval  ne  sert  de  rien.  Il  n'est  pas  vrai  non  plus 
i;ue  l'expression  ne  sert  à  rien  marfjue  une  nul- 
lité nionicntancc  de  service;  car  il  se  peut  faire 
i'ue  ce  (jui  ne  sert  actuellement  à  rien,  ne  serve 
i-imais  à  ijuelquc  chose. 

Bie/i,  pris  dans  un  sens  déterminé,  signifie 
i:êant,  nulle  chose,  ou  chose  de  peu  d'importance . 
11  suit  les  rèdcs  des  autres  substantifs,  et  prend 
un  genre  et  un  pluriel.  On  dit  un  rien,  le  rien, 
faire  des  riens. 


Loiudes  riens  brillants  de  la  cour. 


(Yoltàibb.) 

Rien  moins.  Expression  adverbiale  qui  a  quel- 
quefois deux  acceptions  opposées.  Avec  le  verbe 
être,  rien  mnitu  signifie  le  contraire  de  l'adjectif 
(j:ii  le  suit  :  Il  n'est  rien  vioins  qve  sage,  veut 
dire,  il  n'est  point  sage.  Mais  quand  cette  ex- 
p-ession  est  suivie  d'un  substantif,  elle  peut  avoir, 
;  Ion  la  circonstance,  un  sens  positif  ou  négatif. 
fous  lui  devez  du  respect,  car  il  n'est  rien 
'■■■■oins  que  voire  père,  c'est-à-dire,  il  est  votre 
!■  re;  vous  ne  lui  devez  point  de  respect,  il  n'est 
■>  ien  moins  que  votre  pcrc,  c'esl-à-dire,  il  n'est 
pas  votre  i)éie. 

On  dit  impersonnellement,  il  n'y  a  rien  de 
icoins  vrai  que  celte  nouvelle,  pour  dire,  cette 
nouvelle  n'est  pas  vraie. 

Avec  un  verbe  actif  ou  neutre,  le  sens  de  rien 
woi'n*  serait  éciuivoque,  s'il  n'était  pas  déterminé 
par  ce  qui  précède  :  f^ous  le  croyez  votre  concur- 
rent; il  u  d'autres  vues,  il  ne  désire  rien  moins, 
il  n'entre  à  rien  moins  qu'à  vous  supplanter  ; 
c'est-à-dire  qu'il  n'est  p  inl  votre  concurrent, 
qu'il  ne  veut  point  vous  supplanter.  —  Fous  ne 
le  regardez  print  comme  votre  cncurrent;  ce- 
pendant il  ne  désire  rien  moins,  il  ne  se  propose 
rien  moins  que  de  vous  supplanter,  il  liaspire  à 
rien  moins  qu'à  vous  supplanter  ;  c'està-dire 
qu'il  Cal  votre  concurrent.  Dans  le  premier  sens, 
il  n'aspire  à  rien  mains  qu'à  vous  supplanter , 
veut  dire,  vous  supplanter  est  la  chose  à  laquelle 
il  aspire  le  moins;  (Jans  le  second  sens,  il  n'as- 
pire à  rien  moins  qu'à  vous  supplanter,  veut  dire, 
il  n'aspire  pas  à  moins  iju'à  vous  supplanter.  Aii 
reste,  il  faut  autant  qu'on  peut  éviter  cette  façon 
de  parler,  à  cause  de  l'équivoiiue  tiu'clle  pré- 
sente assez  souvent. 

Rigide.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met  assez 
souTenl  avant  son  subsl.  :  Un  homme  rigide,  un 
censeur  rigide;  un  rigide  censeur,  un  rigide 
observateur  des  lois.  \t)y(:z  Jdj'eclif. 

Rigidement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
Tauxiliairc  et  le  |>artieipe  :  //  «  censuré  rigidi- 
ment  cet  ouvrage,  ou  il  a  rigidement  censuré  cet 
owcrage. 

RiGouREcsEMENï.  Adv.  Ou  pcut  Ic  Hiellre  entre 


RIM 

l'auxiliaire  et  le  participe  :  On  l'a  traité  rigou- 
reusement, ou  on  ta  rigoureusement  traité. 

Rigoureux,  RiGoiREi'SE.  Adj  On  peut  le  mettre 
avant  son  subtl.,  en  consultant  l'oreille  el  l'ana- 
logie :  Un  homme  rigoureux,  un  wagistrut  ri- 
goureux, une  sentence  rigoureuse,  celle  rigov- 
reu.se  sentence,  une  pénitence  rigoureuse,  vne 
rigoureuse  pénitence . 

Ri.ME.  Subst.  f.  Terme  de  poésie.  C'est  en  gé- 
néral l'unifonnilé  de  son  dans  la  lerminaison  de 
deux  mots.  En  poésie,  c'est  la  consomiance  des 
finales  des  vers.  La  rime  est  unagrcineiil  dans  les 
vers  français,  mais  cet  agrémeiÙ  n'est  pas  com- 
parable ri  celui  que  produisent  le  nombre  cl  l'har- 
monie. Une  syllabe  terminée  par  un  ceriain  son 
n'est  point  une  beauté  par  elle-incme;  la  beauté 
de  la  rime  n'est  qu'une  beauté  de  rapport,  qui 
consiste  dans  une  conformité  de  désinence  entre 
le  dernier  mol  d'un  vers  et  le  dernier  mol  du  vers 
réciproque.  On  u'cnlrevoil  donc  cette  beauté, 
qui  passe  si  vile,  qu'au  bout  de  deux  vers,  et 
après  avoir  entendu  le  dernier  mol  du  second  vers 
qui  rime  au  premier.  On  ne  sent  même  l'agrément 
de  la  rime  qu'au  bout  de  trois  ou  de  (jualre  vers, 
lorsque  les  rimes  masculines  cl  féminines  sont 
entrelacées  de  manière  que  la  première  et  la 
quatrième  soient  masculines,  et  la  seconde  et  la 
troisième  féminines,  mélange  fort  en  usage  dans 
plusieurs  espèces  de  poésies. 

Le  rhylhmeel  l'hannonie  sont  une  lumière  qui 
luit  toujours,  et  la  rime  n'est  qu'un  éclair  (|ui 
disparaît  après  avoir  jeté  quelque  lueur;  aussi  la 
rime  la  plus  riche  ne  fait-elle  qu'un  effet  bien 
passager  ;  c'est  la  règle  de  la  poésie  dont  l'obser- 
vation coûte  le  plus,  el  qui  jette  le  moins  de  beau- 
tés dans  les  vers.  Pour  une  pensée  heureuse  que 
l'ardeur  de  rimer  richement  peut  faire  rencontrer 
par  hasard,  elle  en  fait  certainement  employer 
tous  les  jours  cent  autres  dont  on  aurait  dédaigne 
de  se  servir  sans  la  richesse  ou  la  nouveauté  de  la 
rime  que  ces  pensées  amènent.  A  n'estimer  le 
mérite  des  vers  que  par  les  diflicullés  qu'il  faut 
surmonter  pour  les  faire,  il  est  moins  difficile, 
sans  comp;u'aison,  de  rimer  richement  que  de 
composer  des  vers  nombreux  et  remijlis  d'har- 
monie. Rien  n'aide  un  pocle  français  à  vaincre 
celte  difficulté  que  son  génie,  son  oreille  et  sa 
persévérance.  Aucune  méthode  réduite  en  art  ne 
vicnl  à  son  secours.  Les  diflicullés  ne  se  présen- 
tent pas  si  souvent  quand  on  ne  veut  que  rimer 
riclieinent;  el  l'on  s'aide  encore,  pour  les  sur- 
monter, d'un  dictionnnaire  de  rimes. 

Mais  la  rime  est  absolument  nécessaire  à  la 
poésie  française.  Chaque  langue  a  son  génie  par- 
ticulier; celui  de  la  nôtre  est  la  clarté,  la  préci- 
sion cl  la  délicatesse.  Nous  permettons  rarement 
des  licences  a  notre  poésie;  elle  doit  marcher, 
comme  noire  prose,  dans  l'ordre  timide  de  nos 
conslruclions.  Nous  avons  donc  un  besoin  essen- 
tiel du  retour  des  mêmes  so.is,  pour  que  notre 
poésie  ne  soit  pas  confondue  avec  la  prose. 

Nous  allons  exposer  les  règles  que  l'on  a  don- 
nées sur  l'emploi  des  rimes. 

On  n'admet  point  pour  la  rime  une  seule  lettre, 
quoiqu'elle  fasse  une  syllabe.  Ainsi  les  mois  joué 
et  lié  ne  riment  point  ensemble.  Il  y  a  des  mots 
qui, finissant  jiar  différentes  lettres,  peuvent  faire 
une  bonne  rime  lorsijue  ces  lettres  rendent  le 
même  son,  comme  dans  les  mois  sang  et  flanc, 
nous  et  doux. 

On  a  proscrit  la  rime  du  simple  avec  son  com- 
posé, lorsque  l'un  el  l'antre  sont  eniploy(-s  dans 
leur  signiCcation  naturelle;  aiusiordreel  désordre 


RIM 

ne  timoDt  pas  ensemble;  mais  front  et  affront 
riment  bien.  Un  mot  peut  rimer  avec  lui-inèroe 
lorsqu'il  a  deux  sensdtlTurents.  Ainsi  pas,  que 
l'on  f;iit  en  uwreiMinl ,  riuie  av«c  pas,  mol  nc- 
eatif. 

l.a  rime  n'étant  que  pour  l'orertle,  et  non  jtas 
pour  les  yeux,  on  doit  en  juçer  plutôt  par  le  son 
que  par  l'orlhuïraphe.  Ainsi,  quoiiiuc  les  syllabes 
finafes  de  deux  mots  s'oi-rivenl  différemment,  il 
suffit  ordinairement  qu'elles  |)rodiiisent  le  même 
son  pour  (luelies  riment  cnscmMe,  comme  repos 
et  maux.  Par  la  morne  raison,  si  les  syllabes 
finales  de  deux  mois  s'écrivent  de  la  même  ma- 
ivi-Tc  et  qu'elles  se  pi-ononcent  différemment , 
elles  ne  peuvent  rimer  ensemble,  comme  je 
reconnais  avec  à  la  fois.  Le  p  non  suivi  d'un  * 
ne  rime  bien  qu'avec  lui-même.  Ainsi  camp  ne 
rime  point  avec  imposant,  coup  avec  tout.  Deux  l 
mouillés  ne  riment  bien  qu'avec  eux-mêmes. 
Ainsi  émaillé  ne  rime  pas  a\'ec  rappelé. 

La  rime  se  divise  en  rime  masiuliiie  et  rime 
féminine.  La  rime  féminine  est  celle  cjui  se  ter- 
mine [wr  des  sons  muets  tinissanl  par  un  e  muet, 
comme  ouvrage,  outrage;  ou  pir  un  e  muet  suivi 
d'un  s  comme  célestes,  tu  détestes;  ou  enfin 
par  un  e  muet  suivi  de  ut,  ils  ouvrent,  ils  décou- 
vrent, ils  péiilleni,  ils  fourmillent. 

La  rime  masculine  est  celle  qui  est  terminée 
par  tout  autre  son  que  par  un  son  muet,  comme 
beautés  ei  côtés  ,  vanité  et  infirmité,  innocents 
et  encens,  etc. 

On  ne  considère  presque  jamais  que  le  son  de 
la  dernière  syllabe  des  mots  pour  la  rime  mascu- 
line. Ainsi  vérité  rime  avec  piété,  malheur  avec 
douleur,  succès  avec  procès.  Mais  le  son  de  la 
dernière  syllabe  des  mots  ne  suffit  pas  pour  la 
rime  féminine,  parce  que  la  prononciation  sourde 
et  obscure  de  l'e  muet  empêche  d'y  apercevoir 
une  convenance  sensible.  Ainsi,  quoique  la  dcr- 
niè-.e  syllabe  de  monde  soit  send)lable  a  celle  de 
demande,  CCS  deux  mots  ne  riment  point  en- 
scmMe.  Pour  la  rime  féminine,  il  faut  qu'il  y  ait 
convenance  entre  les  pénultièmes  des  mots.  Ainsi 
monde  rime  avec  profonde ,  demande  avec  of- 
frande, scandale  avec  morale. 

La  rime,  tant  masculine  que  féminine,  est  d'au- 
tant plus  parfaite,  qu'il  y  a  plus  de  ressemblances 
dans  les  sons  qui  la  forment.  Ainsi ,  quoique 
plaùir  rime  bien  avec  soupir,  et  prudence  avec 
récompense,  cependant  plaisir  rime  encore  mieux 
ave<;  désir,  et  prudence  avec  providence;  parce 
que,  outre  la  confonnilé  des  sons  ir  et  eiice, 
essentielle  à  l'une  et  à  l'autre  rime,  les  consonnes 
s  t\.d  qui  les  précédent  sont  nussi  les  mêmes, 
ce  qui  ajoute  un  degré  de  perfection  à  la 
rime. 

Quand  les  syllabes  qui  forment  la  rime,  c'est- 
à-dire  la  dernière  pour  la  rime  masculine,  et  la 
pénultième  pour  la  rime  féminine,  commencent 
par  une  voyelle,  il  est  nécessaire,  si  elles  ne  sont 
pas  les  premières  du  mot,  qu'elles  soient  précé- 
dées d'ime  autre  voyelle,  comme  dans  U-en, 
nation,  preci-eux  ,  arlifici-elle  ,  vertu-euse  , 
science,  etc.  Or  il  faut,  pour  la  plus  grande  per- 
fection de  la  rime  de  ces  syllabes,  que  non-seule- 
ment elles  soient  précédées  des  mêmes  syllui)es, 
mais  encore  que.  les  consonnes  qui  précèdent  ces 
voyelles  soient  les  mêmes,  ou  aient  le  même  son. 
Aitisi  lien,  qui  rime  avec  gardien,  rime  encore 
mieuxavec  italien;  nation,  qui  rime  avec  union, 
rime  encore  mieux  ave^:  ambition  ;  précieux, 
qui  rime  avec  curieux,  rime  encore  mieux 
avec   audacieux  ;   artificielle,   qui    rime    avec 


R!M 


651 


citadelle,  rime  encore  mieux  avec  essentiele, 
etc. 

On  apiielle  rime  riche  ou  heureuse,  celle  qui 
est  formée  par  la  |)Ius  grande  conformité  de  soils; 
eirime  suffisante  ou  commune,  celle  qui  n'a  rien 
de  plus  que  les  sons  esseniicls.  On  appelle  rime 
pleine .  celle  oij  non-seulement  le  son ,  mais 
l'articulation  est  la  même,  comme  vertu  et  abattu, 
étude  et  solitude.  —  Quand  la  rime  qu'on  emploie 
est  très-abondante,  comme  celle  des  mots  en  anl, 
on  regarde  comme  une  négligence  la  rime  qui 
n'est  que  dans  le  son  et  qui  n'e^t  pas  dans  la  con- 
sonne ;  aussi  voit-on  peu  d'exemples  dans  les 
bons  poètes  du  temps  de  Boileau  et  de  Racine, 
de  rimes  aussi  négligées  que  celle  iVamant  et  de 
constant.  Si  toutefois  il  y  a  deux  consonnes  qui 
précèdent  la  voyelle,  comme  dans  la  finale  de 
surprend,  c'est  assez  pour  l'oreille  que  la  seconde 
de  ces  con.-onnes  soit  la  même.  Ainsi  surprend 
rimera  très  bien  avec  grand.  —  La  rime  est 
double  lors^iue  nou-seulemeni  la  finale  sonore, 
mais  la  pénultième,  a  le  même  son,  comme 
attirer,  re.tpirer.  La  rime  est  sunple  lors- 
i|u'clle  n'est  que  dans  la  finale,  comme  diff^é- 
rer,  respirer.  LUe  est  en  même  temps  pleine 
et  douille  lorsque  l'articulation  et  le  son  d«6 
deux  syllabes  sont  les  mêmes,  comme  préférer, 
diffirer. 

(Juand  les  riiues  masculines  sont  bonnes  ou 
suffisantes,  elles  sont  eiicoie  meiUeuri'S  eu  deve- 
nant féminines  par  l'addiiioii  de  \e  luuei;  parce 
qu'outre  la  nouvelle  conformité  de  son  que  \'e 
muet  y  ajoute,  il  oblige  encore  d'appuyer  davan- 
tage sur  la  pénultième,  et  en  rend  par  la  le  son 
plus  plein  qu'il  n'était  aupa'avaiit.  Par  exem.ple, 
si  consacré  et  révéré,  soupir  et  désir,  sujet  et 
indiscret,  interdit  et  petit,  riment  bien;  cnu- 
sacrée  et  révérée ,  soupire  et  désire,  sujette  et 
discrette ,  interdite  el  petite,  riment  encore 
mieux;  mais  de  ce  que  les  rimes  féminines  sont 
bonnes,  comme  puissante  et  chancelante,  il  ne 
s'ensuit  pas  (pie  les  rimes  semblables  masculines 
le  soient  aussi  :  car  puissant  ne  rime  pas  avec 
ch'incelant,  ni  heureux  avec  furieux. 

On  ne  cherche  pas  une  si  grande  conformité 
de  sons  quand  on  fait  rimer  un  monosyllabe  avec 
un  autre  monosyllabe,  ou  avec  un  mot  de  plu- 
sieurs syllabes.  Il  suffit  (juc  le  son  essentiel  à  la 
rime  s'y  trouve.  Ainsi,  loi  rimera  avec  fn  et  avec 
effroi;  pas  avec  bas  ct  avec  états; paix  avec/'nj*' 
et  avec  jamais,  etc. 

Comme  il  n'y  a  qu'un  petit  nombre  de  mots 
où  les  sons  essentiels  à  la  rime  soient  précédés 
dos  mêmes  consonnes  ou  des  mêmes  voyelles, 
cette  rareté  autorise  à  se  contenter  des  rimes 
suffisantes.  Ainsi,  parce  qu'il  n'y  a  que  très-peu 
de  mots  terminés  en  vir,  on  fait  rimer  soupir  avci 
désir,  et  l'on  fait  rimer  trahir  nvcc  obéir,  à  cause 
du  petit  nombre  de  mots  où  ir  est  précédé  des 
mêmes  voyelles.  Cette  licence  ne  peut  regarder 
qu'un  très-petit  nombre  de  mots  terminés  en  «, 
us,  is,  it,  ir;  encore  faut-il  en  user  avec  beau- 
coup de  modération,  et  quand  on  y  est  absolu- 
ment forcé  par  la  disette  de  la  rime.  —  i>lais,  à 
réi,'ard  des  mois  terminés  en  é  fermé  seul,  ov 
sufvis  des  lettres  n,  z,  r,  et  i,  seul,  le  nombre  e 
est  si  CTand,  qu'on  ne  doit  jamais  se  dispense 
de  les  faire  rimer  par  les  consonnes  ou  les  voyelles 
qui  précèdent  \e  ou  Xi.  —  La  terimnaison  en  ai 
des  passés  simples  de  l'indicatif  de  1;>  première 
conjugaison,  des  futurs  de  tous  les  verbes,  et  du 
présent  de  l'indicatif  du  verbe  avoir,  ayant  le  son 
de  Te  fermé,  on  peut  fort  bieu  la  faire  rimer  avec 


l^3S 


niM 


un  mot  lcriniii<i  en  c  fciiiu',  comme  consumé  et 
j'alluiiKii  : 

Ue  rcgrclf  consume, 
Brùlù  (lo  plus  (le  rcii\  (|iio  je  n'en  allumai, 

(lUc,  Àndrom.,  act.  I,  se.  ir,  Gl.) 

—  L;i  rimo  friiiiiiiiie  de  l't;  ferme  ne  doit  p;is  être 
moins  parfait!!  «inc  la  masculine,  et  doit  suivre 
les  inômcs  roules.  Aimce  ne  rimera  bien  qu'avec^ 
un  mol  terminé  en  mue;  confièo,  qu'avec  un  mot 
terminée  en  ù'c. 

Il  n'en  est  pas  de  môme  des  rimes  féminines 
en  i>  et  en  ve  ;  on  les  emnloie  queiqucfois  sans 
qu'elles  soient  |)récédées  des  mêmes  consonnes, 
comme  dans  ces  vers  de  Racine  : 

0  ciel  !  pourquoi  faut-il  que  la  secrète  envie 
Ferme  h  de  tels  héros  le  chemin  de  \'À$ie  ? 

I,  [Iphig.,  act.  I,  se.  II,  49.) 

Polynice,  soigneur,  demande  une  entrevue  ; 
C'est  ce  que  d'un  horaut  nous  apprend  la  venue. 

[Préret  ennemis,  act.  III,  se.  T,  I.) 

Les  mots  terminés  en  ui,  nie,  uis,  uit,  doivent 
toujours  rimer  avec  des  mots  qui  aient  la  même 
terminaison  ;  et  le  son  de  la  diplitliongiie  ni  étant 
assez  plein  de  lui-même,  il  n'est  pas  nécessaire 
(ju'ellesoil  préccdée  des  mêmes  consonnes. 

Quoiiiue  nous  ayons  dit  plus  haut  qu'il  n'est 
pas  nécessaire  pour  la  rime  (pie  les  dernières 
syllabes  des  mots  s'ccrivont  avec  les  mêmes  lettres, 
et  qu'il  sufdt  qu'elles  jHoduiseut  le  même  son, 
il  est  cep(>ndant  des  cas  où  l'orthographe  doit 
s'accorder  avec  la  rime.  —  Un  mot  terminé  par 
un  s,  un  X,  ou  un  z,  ne  rimerait  pas  avec  un 
mot  (|ui  ne  serait  pas  terminé  par  l'une  de  ces 
trois  lettres.  Ainsi,  uimuble  ne  rime  pas  avec 
fablts,  discours  avec  jour,  rcrité  avec  vaitilt's 
ou  viiiis  méritez,  gcnnu  avec  vous  ou  courroux, 
ni  cheveu  avec  heureux,  etc.  Mais  il  n'est  pas 
nécessaire  ipic  les  mots  dont  la  rime  est  terminée 
par  l'une  de  ces  trois  lettres  soient  du  nombre 
pluriel,  ni  que  ce  soit  la  môme  lettre  (jui  les  ler- 
iniiie.  Ainsi,  le  ilixcours  rime  avec  les  jours,  cé- 
lestes avec  tu  délestes,  le  nez  avec  vous  donnez, 
vanités  avec  vous  méritez  ,  vous  avec  courroux, 
paix  avec  jamais,  etc. 

Quoique  le  ;•  ne  se  prononce  pas  à  la  fin  des 
infinitifs  terminés  en  er,  cependant  ils  ne  doivent 
rimer  tiu'avcc  îles  mots  terminés  en  r,  encourager, 
danger. 

On  ne  fait  guère  rimer  une  personne  de  verbe 
terminée  en  ais  ou  «j/, ayant  le  son  de  Ve  ouvert, 
avec  un  mot  ipii  a  le  mémo  son,  mais  ijui  s'écrit 
differeninieul  ,  (dniuie  manquait  avec  bani/uct. 
Il  faut  ordinairement  reo-virir  à  une  semblable 
personne  d'un  autre  verbe. 

Les  troisièmes  personnes  du  pluriel  des  verbes 
terminées  en  ent  ou  aient,  ne  doivent  rimer 
qu'avec  d'autres  troisièmes  personnes  cpii  aient 
les  mêmes  terminaisons.  Ainsi,  ils  disent  ne  rime 
^as  avec  viarchandises,  ni  fassent  avec  sur- 
^Itcc  ;  mais  disent  rime  avec  lisent,  et  fassent 
wvee  effacent. 

Les  mots  terminés  par  anc  ou  ang  ne  riment 
ordinairement  (]u'avec  des  mots  «jui  ont  l'une 
ou  l'isulrc  terminaison.  Sttnç;  rime  avec  flanc. 

nuand  un  m«t  est  termine  par  un  /,  il  ne  peut 
rimer  ([u'avcc  un  mot  qui  soit  aussi  tern  nié 
par  un  t  ou  par  un  d.  Ainsi,  hasard  rime  avec 
di'.part,  verd  avec  couvert,  nid  avec  finit,  accord 
aveo  fort,  sourd  avec  court,  etc. 


RIP 

On  fait  rimer  ensemble  tous  les  mots  dont  la 
dernière  syllabe  a  le  son  de  la  voyelle  nasale  in, 
de  «jnelque  manière  (lu'clle  s'écrive.  Ainsi,  divin 
rime  avec  humain,  faim,  dessein,  et  chacun  de 
ces  mots  rime  avec  les  autres. 

Quand  les  mots  sont  terminés  par  un  s  ou  par 
tin  X,  la  convenance  des  consonnes  ou  des  voyel- 
les iirècédentes  ne  s'exige  plus  avec  la  même 
sévérité.  Ainsi,  combats  rime  avec  trépas,  rangs 
avec  tyrans,  effets  avec  satisfaits,  héros  avcc 
travaux,  etc. 

Enlin,  hors  les  circonstances  que  nous  venons 
d'c\|)li(]uer,  on  peut  faire  rimer  ensemble  toutes 
les  consonnes  et  les  voyelles  ipii  ont  le  mémo  son, 
quelipie  différentes  qu'elles  puissent  etro  par  le 
caractère.  Ainsi  r'/jc  rimera  n\cc  connaître,  race 
avec  terrasse,  contraire  avec  frère,  chose  avec 
cause,  etc. 

Le  /  mouillé  ne  peut  jamais  rimer  avec  le  l 
simple;  travail  ne  rime  jias  avec  cheval,  ni 
■merveille  avec  nouvelle,  ni  famille  avec  tran- 
quille. 

Les  voyelles  longues,  soit  qu'elles  se  trouvent 
dans  la  dernière  syllabe  des  vers  masculins,  ou 
dans  la  pénuilième  des  vers  féminins,  riment  mal 
avec  les  voyelles  brèves,  comme  mdle  avec  cabale, 
intérêt  avec  objet,  prêt  avec  projet,  conquête 
avec  coquette,  etc.  ("ependaut  une  voyelle  longue 
peut  absolument  rimer  avec  une  brève  ijuand 
elle  a  de  sa  nature  un  son  assez  plein,  et  que,  la 
différence  du  bref  au  lonu  n'étant  pas  imp  sen- 
sible, elle  peut  être  modérée  par  la  |)rononcia- 
lion  ;  ce  ipii  regarde  particulièrement  les  voyclUs 
a  et  (j(/.  Ainsi,  q\ioi(pi'elles  soient  brèves  dans 
les  mots  préface  et  tout.  Despréaux  les  a  fait 
rimer  avec  gréice  et  gorU,  où  elles  sont  longues  : 

Un  auteur  ."i  genoux,  dans  une  humble  préface. 
Au  lecteur  qu'il  ennuie  a  beau  demander  grâce.  . . 
(Bon..,  Sat.  IX,  187.) 

Aimcr-vous  la  muscade?  on  en  a  mis  partout. 
Ah!  monsieur!  ces  poulets  sont  d'un  mcrvcilleui  goût! 
ilîoiL.,  Sat.  m,  119.) 

Au  reste,  c'est  à  l'oreille  à  juger  si  les  voyelles 
longues  et  brèves  peuvent  ou  non  former  de 
bonnes  rimes.  Voyez  Quantité. 

La  rime  est  vicieuse  on  prose.  Ne  dites  pas 
les  eaux  jaillissantes  *i)/(/  plus  réjouissantes  que 
les  eaux  tranquilles  et  donnantes.  Dites,  les 
eaux  qui  jaillissent  sont  plus  agréables  que 
cellesqui  sont  tranquilles  et  dormantes.  (Wailly.) 

RiNcr.R.  V.  a.  de  la  !'<"  conj.  Dans  ce  verbe, 
lo  c  a  la  prononciation  de  se;  et,  pour  la  lui 
conserver  à  tous  les  temps  iH  à  toutes  les  person- 
nes, il  faut  mettre  une  cédille  dessous  toutes  les 
fois  qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi  on 
écrit  nous  rinçons,  je  rinçais,  je  rinçai,  et  non 
pas  nous  rinçons,  etc.  —  11  ne  se  dit  que  dos 
verres,  tasses,  cruches,  etc.,  et  de  la  bouche  qu'on 
lave.  (Féraud.) 

lliPAiLLE  Subst.  f.  On  ne  l'emploie  qu'avec  le 
verbe  faire:  Çéi,  faisons  ripaille.  (Voltaire.) 
C'est-à-dire,  faisons  grantl'chère.  Cette  expression 
est  basse  et  populaire. 

Rii'OPKK..  Subsi.  f.  Je  ne  sais  ce  (]ui  a  pu  enga- 
ger Féraud  à  motlre  ripopé,  substantif  masculin,! 
que  l'on  ne  trouve  «pie  dans  les  viouv  diclion-j 
naires.  Expression  populaire  qui  se  dit  du  mé-| 
lange  que  lont  les  cabaroliors  de  différents  resleS' 
de  vin.  On  le  dit  aussi  du  mélange  de  différentes 


RIS 

liqueurs;  mais  je  ne  crois  pas  qu'on  le  dise, 
comme  l'assure  Fcraud,  d'un  discours  niclé  de 
iifféronlcs  choses  qui  ne  font  qu'un  méchant 
composé.  Oii  n'a  jamais  dit  d'un  mauvais  auteur 
qu'ii  n'icrirait  que  des  ripupées,  ou  que  ses 
discours  fussent  des  ripopées. 

Rire.  V.  n.  et  irrosulier  de  la  4*conj.  Voici 
ooromcnl  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  ris,  tu  ris,  il  rit  ; 
nous  rions,  vous  riez,  \U  rient.  —  Imparfait. 
Je  riais,  tu  riais,  il  riait:  nous  riions,  vous  riiez, 
ils  riaient.  —  Passé  simple.  Je  ris,  tu  ris,  il  ril  ; 
nous  rîmes,  vous  rites,  ils  rirent.  —  Futur. 
Je  rirai,  tu  riras,  il  rira;  nous  rirons,  vous  rirez, 
ils  riront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  rirais,  tu  rirais, 
il  rirait  ;  nous  ririons,  vous  ririez,  ils  riraient. 

Impéralil'.  —  Présent.  Ris,  qu'il  rie;  rions, 
riez,  qu'ils  rient. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  rie,  que  tu  rie.s, 
qu'il  rie  ;  que  nous  riions,  que  vous  riiez,  qu'ils 
rient.  —  Imparfait.  Que  je  risse,  que  lu  risses, 
qu'il  rit  ;  que  nous  rissions,  que  vous  rissiez, 
qu'ils  rissent. 

Participe.  — Présent.  Riant.  — Passé.  Ri; 
le  féminin  manque. 

l.cs  temps  cuinposés  se  forment  avec  le  verbe 
avnir  : 

Il  se  prit  à  nre,  il  se  mit  à  rire,  apprêter  à 
rire,  aimer  à  rire,  éclater  de  rire,  mourir  de 
rire,  pâmer  de  rire.  lîire  de  tout  son  cœur.  — 
Rire  du  bout  des  dents.  —  Bire  aux  dépens  de 
quelqu'un. — Se  rire  de  quelqu'un,  s'en  moquer. 
^-  Il  ril  des  menaces  qu'en  lui  fait.  Il  se  rit 
de  ros  menaces. 

Bire  au  figuré  se  dit  des  choses  sans  régime  : 
Tout  rit  dans  cette  maison,  dans  ce  jardin, 
tout  y  est  agréable  ;  ou  avec  la  préposition  à .-  La 
fortune  lui  rit,  tout  rit  à  ses  désirs,  tout  lui  est 
favorable. 

L'arbre  qu'on  aplanie  rit  plus  h  noire  vue 
Que  !e  pire  de  Versaille  et  sa  vaste  étendue. 

(VotT  ,  Épttre,  LXXXIII,  12.) 

Delille  a  dit  heureusement  dans  le  poëme  des 
Jardins  (1,6): 

Quand  tout  rit  de  bonheur,  d'espérance  el  d'amour. 

Bire  s'emploie  avec  le  pronom  personnel,  dans 
le  scr.s  de  se  moquer  : 

A.  votre  nez,  mon  frère,  elle  se  rit  de  tous. 

(JIoL.,  Tartufe,  ad.  I,  se.  ri,  1.) 

Voltaire  a  dit  faire  rire  Vesprit  :  Le  peuple 
n'est  pas  content  quand  on  ne  t'ait  rire  que  l'es- 
put;  il  faut  le  faire  rire  tout  haut,  et  il  est 
difficile  de  le  réduire  à  aimer  mieux  des  plai- 
santeries fines  que  des  équivoques  fades.  [Car- 
re spo7ida  ne  e.) 

Ê.IRF.  Subst.  m.  Il  s'emploie  au  pluriel  et  s'unit 
à  des  adjectifs  :  Bes  rires  forcés:  —  L'Acadé- 
mie ne  donne  aucun  exemple  du  pluriel.  Voyez 
Bis. 

Ris.  Subst.  m.  Quoique  les  dictionnaires  disent 
que  le  rire  et  le  ris  signifient  la  même  chose,  il 
me  semble  qu'on  pourrait  leur  assigner  des  dif- 
férences. Le  rire  me  parait  avoir  proprement 
rapport  à  l'action  phy.>ique  de  rire  :  De  grands 
eduts  de  rire.  Qui  de  vous  n'a  pas  regretté  cet 


ROI 


033 


Âge  où  le  rire  est  tmijours  sur  les  lettres?  (J.-J. 
Rouss..  Emile,  liv.  Il,  t.  vi,  p.  85.)  Le  tumulte, 
les  jeux  bruyants,  les  longs  éclats  de  rire,  ne 
retiutissent  point  dans  ce  paisible  séjour.  (ldc:i), 
Iléhïse,  V«  part.,  lettre  II,  t.  v,  p.  9.) 

Bis  ne  déviait  se  dire  et  ne  scdil  ordinairement 
que  du  rire  qui  exprime  quelque  sentiment  de 
l'àme  :  Un  ris  dédaigneux,  un  ris  moqueur,  un 
ris  gracieux,  un  ris  attrayant,  un  ris  de  sati.i- 
faction,  de  contentement.  On  ne  pcrsonnilie  iioiiit 
le  rire,  et  on  ne  l'associe  point  aux  giài-cs;  mais 
on  personnifie  les  ris  et  les  grâces.  Uuffon  a  dit, 
Le  ris  est  un  son  entrecoupé  subitement  et  d 
plusieurs  reprises,  qui  est  marqué  à  l'intérieur 
parle  mourenwntdu  rcntrcqui  s'élèveet  s'abaisse 
précipitamment,  etc.  (Biiffon,  De  l'homme,  t.  x, 
p.  139.)  11  me  semble  qu'il  aurait  du  dire  le  rire, 
etc.  (Ceci  est  une  observation  que  je  hasarde 
sans  en  garantir  l'exactiuide,  parce  que  l'usage 
semble  t|uelquefois  y  être  contraire.) 

RisicLK.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mcllre  avant  son  subst.,  on  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Une  farce  risible,  un  homine  risible, 
un  risible  personnage.  'N'oyez  Adjectif. 

RisQtAnLE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Une  entreprise  risqunhlc. 

RisQUK.  Subst.  m.  Ce  substantif  était  autrefois 
féminin.  Aiiiourd'hui  on  ne  le  fait  plus  (lue  mas- 
culin. Péril,  danger.  On  dit  s'exposer  au  risrjiie 
de,  courir  le  risque  de.  Il  a  couru  grand  risque 
d'être  condamné. 

Il  y  a  une  différence  entre  courir  risque  de 
faire  et  courir  un  risque  à  faire.  Le  premier 
signifie,  qu'on  était  dans  le  risque,  ou  sur  le 
point  de  faire  une  chose;  et  le  second,  qu'en  la 
faisant  on  était  exposé  à  des  malheurs  :  A'oi'.v 
avons  couru  risque  de  faire  naufrage.  On  ne 
court  aucun  risque  à  faire  cette  roule. 

RiSQUEu.  Y.  a.  et  n.  de  la  l^e  conj  Hasarder, 
mettre  en  danger  :  Bisquer  sa  vie,  sun  honnew, 
son  rtrçfe«/.  "Lorsqu'il  est  neutre,  il  régit  la  pré- 
position de:  Il  risque  de  perdre  la  vie.  Bisquer 
de  perdre  sa  fortune. 

Quand  risquer  est  actif  et  qu'il  signifie,  courir 
des  risiiiics,  il  régit  la  préposition  «  après  son 
régime  direct  :  f^ous  risquez  tout  à  prendre  ce 
parti.  * 

Rivage.  Subst.  m.  Il  s'emploie  au  pluriel.  Flé- 
chier  a  dit  :  Le  Jourdain  se  troubla,  et  ses  ri- 
vages retentirent  du  son  de  ces  lur/ubres  paroles. 
[Oraison  fun.  de  Turennc,  p.  95.) 

Roboratif,  Roborative.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Bemède  roboratif,  propriété 
roborative. 

Robuste.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreill-ct 
l'analogie  :  Un  homme  robuste,  une  frntne  rn- 
bnste,  un  ccrps  robuste,  une  complexion  r(  hu.;l'r, 
une  robuste  complexion. 

Rocailleux,  Rocailleuse.  Adj.  Au  propre,  ou 
dit  un  chemin  rocailleux,  pour  dire  un  cheiiiin 
|)lein  de  rocailles,  de  petits  cailloux.  Au  figuré, 
on  dit  des  vers  rocailleux,  un  style  rocailleux. 
11  ne  se  met  qu'après  son  subsl. 

RoGUE.  Adj.  des  deux  genres.  L'm  ne  se  pro- 
nonce pas;  il  n'est  là  (jue  pour  donner  .-m  g  un 
son  rude  (ju'il  n'aurait  pas  devant  1'^ .  Il  ne  se 
met  guère  qu'après  sun  subst.  :  Un  ton  irgue, 
un  air  vogue,  d''s  manières  rogues. 

RoiDE,  mieux,  Raide.  .Adj.  des  deux  genres. 
On  prononce  rè^e.  Le  premier  e  a  un  son  moyen 
entre  Vé  fermé  et  l'è  ouvert.  Cet  adj.  ne  se  incf 
qu'après  son  subst.  :  Une  corde  roide,  une  mon- 


634 


ROM 


tagne  roide.  —  Une  liomine  roide ,  un  esprit 
roide.  —  L'Acadcinic  écril  roide,  ei  fail  la  rc- 
maniiic  suivanlc  :En  lonvcrsaliun  cUiueliincfois 
dans  le  discours  soutenu,  on  piorvunce  rèdc. 
Videur,  rt'd/V;  aussi  plusieurs  ocriveiit-ili  raide, 
raideur,  raidir. 

RoiDFxn.  Sub^L  f.  On  prononce  ?-onc/r»r.  Quel- 
ques-uns, dans  la  conversation,  prononcent  rè- 
deiir.  A'oyez  Unide. 

RoiDiLLON.  Subsl.  m.  On  prononce  roadillon. 
Il  est  peu  usité. 

RoiDin,  mieux  Raidir.  V.  n.  de  la  2«  conj. 
Voyez  R  ide. 

l(oMAi>,  R.OMAIKF,.  Adj.  En  prose,  il  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subsl.  :  L'empire  romain, 
l'église  romaine.  —  lleaulr  rnrnaiiie. 

EoMAN.  Subsl.  m.  Récit  fictif  de  diverses  aven- 
tures merveilleuses  ou  vraisemblables  de  la  vie 
humaine.  Les  événements  ne  doivent  être,  dans 
les  romans,  que  l'occasion  de  développer  les 
passions  (lu  cœur  humain;  il  faut  conserver  dans 
les  événements  assez  de  vraisemblance  pour  que 
l'illusion  ne  soit  point  détruite;  mais  les  romans 
qui  excitent  la  curiosité  seulement  par  l'inven- 
tion des  faits  ne  capiivenl  dans  les  nommes  que 
celle  imagination  qui  a  fail  dire  que  les  yeux 
sont  toujours  enfants.  Les  bons  romans  ont  pour 
but  de  révéler  ou  de  retracer  une  foule  de  senti- 
ments dont  se  compose  au  fond  de  l'âme  le  bon- 
bcur.oule  malheur  de  l'existence;  ces  sentiments 
qu'on  ne  dit  point,  parce  qu'ils  se  trouvent  liés 
avec  nos  sécrels  ou  avec  nos  faiblesses,  et  parce 
que  les  hommes  passent  leur  vie  avec  les  hom- 
mes sans  se  confier  jamais  mutuellement  ce 
qu'ils  éprouvent.  —  L'histoire  ne  nous  apprend 
que  les  grands  traits  manifestés  par  la  force  des 
circonstances,  mais  elle  ne  peut  nous  faire  pé- 
nétrer dans  les  impressions  intimes  qui,  en  in- 
fluant sur  la  volonté  de  quelques-uns,  ont  dis])osé 
du  son  de  liius.  Les  découvertes, en  ce  genre 
sont  iné[)uisibles;  il  n'y  a  qu'une  chose  étonuanle 
poiir  l'es|irit  humain,  c'est  lui-même. 

Un  style  commun,  un  style  ingénieux,  sont 
également  cloiancsdu  naturel  qu'exice  le  roman. 
L'iiigénieux  ne  convient  qu'aux  affections  de 
parure,  à  ces  affections  qu'on  éprouve  seulement 
pour  les  montrer;  l'ingénieux  enfin  est  une  telle 
preuve  de  sang-froid,  qu'il  exclut  la  possibilité 
de  toute  émotion  profonde.  Les  expressions  coir.- 
munes  sont  aussi  loin  de  la  vérité  que  les  expres- 
sions recherchées,  parce  que  les  expressions 
communes  ne  peignent  jamais  ce  qui  se  passe 
réellement  dans  notre  cœur.  Chaque  homme  a 
une  manière  de  sentir  particulière  qui  lui  iiuspi- 
rerail  de  l'originalité  s'il  s'y  livrait;  le  talent  ne 
consiste  peut-être  (jue  dans  la  mobilité  (]\\\  trans- 
porte l'àme  dans  toutes  les  affections  que  l'imagi- 
nation peut  se  représenter.  Le  génie  ne  dira 
jamais  mieux  que  la  nat\ire,  mais  il  dira  comme 
elle  dans  les  situaiior.s  même  inventées,  tandis 
q;;e  l'homme  ordinaire  ne  sera  inspiré  que  par  la 
sienne  propre.  (Madame  de  Staél.) 

Les  lois,  dit  CondiUac,  sont  les  mêmes  pour  les 
ouvrages  d'invention,  tels  que  les  romans,  <]ue 
pour  l'histoire.  Car,  soit  que  vous  imaginiez  les 
fai's,  soit  que  vous  les  preniez  dans  l'histoire, 
C(>X  toujours  à  l'objet  que  vous  vous  proposez  à 
marquer  les  détails  dans  lesquels  vous  devez 
entrer,  à  mettre  chaque  chose  à  sa  place,  adonner 
à  chacune  l'expression  convenable,  en  un  mol 
à  faire  un  ensemble  dont  toutes  les  parties  soient 
bien  proportionnées.  La  seule  différence  entre 
celui  qui  écril  l'histoire  et  celui  qui  écril  des 


RO.M 

romans,  c'est  que  le  premier  peint  les  caractèrcB 
d'après  les  faits,  el  que  le  second  imagine  les 
faits  d'après    les    caractères    supposés."  Voyez 

Narralioii. 

RovANci:.  Subsl.  f.  A'ieille  historiette  amou- 
reuse et  souvent  iragicpic,  écrite  en  vers  simples, 
faciles  et  naturels.  La  na'ivctc  ett  le  caractère 
principal  de  la  romance.  Ce  poëmc  séchante. 

RoMANESQCK.  Adj.  dcsdcux  genres.  L'Acadéonie 
le  définit,  qui  tient  du  roman,  qui  est  merveilleux 
comme  les  aventures  de  roman  ou  exalté  comme 
les  personnages  de  roman.  Il  me  semble  que  ce 
mot  ne  s'entend  guère  (]ue  des  vieux  el  ridicules 
romans  qui  fiisaienl  les  délices  de  nos  bons 
a'ieux  ,  et  surtout  des  romans  de  chevalerie. 
■N'oilà  pourquoi  il  se  prend  toujours  en  mauvaise 
part.  Areutnre  romanesque,  style  romanesque, 
sentiments  romanesques.  —  On  peut  quelquefois 
le  mettre  avant  son  subsl.,  en  consultant  l'oreille 
el  l'analogie  :  Ces  romane.'sqves  aventures,  ces 
romanesques  sentiments,  ces  roiaanesqves  des- 
criptions. —  Les  bons  romans  modernes,  qui 
sont  des  peintures  vraies  de  la  vie  humaine,  ne 
contiennent  pas  ordinairement  des  avenluKS 
romanesques,  si  ce  n'est  qu'on  entende  simple- 
ment pur  ce  terme  des  aventures  imaginées  ;  et 
ils  ne  sont  pas  écrits  en  style  romanesque. 

RoMANTiQTE.  Adj.  dcs  dcux  gcurcs.  Il  se  dit 
ordinairement  des  lieux,  des  paysages  qui  rap- 
pellent à  l'imagination  les  descriptions  des  poëmes 
et  des  romans.  Il  se  prend  toujours  en  bonne 
pari.  On  peut  le  mettre  avant  son  subsi.,  lorsque 
l'analogie  el  l'harmonie  le  permettent  :  Situation 
romantique,  aspect  romantique.  —  Ces  roman- 
tiques contrées  inspirent  une  douce  mélancolie. 
Les  rives  du  lac  de  Bieniie  sont  phis  sauvages 
et  plus  romantiques  que  celles  du  lac  de  Genève, 
parce  que  les  rochers  et  les  bois  y  bordent  Veau 
de  plus  près  :  mais  elles  n'en  sont  pas  vioins 
riantes,  [i.-i.  Rouss..  Rêveries, \' promenade, 
t.  xvii,  p.  88)  —  En  JS35,  l'Académie  explique 
ainsi  l'acception  nouvelle  de  ce  mol.  Romantique 
se  dit  encore  de  certains  écrivains  qui  affectent 
de  s'affranchir  des  règles  de  composition  el  de 
style  établies  par  les  auteurs  classiques.  —  11  se 
dit  également  des  ouvrages  de  ces  écrivains.  — 
11  s'emploie  substantivement  au  masculin  et  se 
ilil  du  genre  romantique  :  Le  roinantique  est  un 
gvnre  nouveau. 

Rompre.  V.  a.  de  la  4"  conj.  Les  poêles  font 
souvent  usage  de  ce  mot,  surtout  au  figuré  : 

Enfin  (le  votre  Dieu  l'implacable  vengeance 
Entre  nos  deux  maisons  rompit  toute  alliance. 

(Rac,  Ath.,  act.  II,  se.  VII,  IIL) 

Tu  frémiras  d'horreur  si  je  romps  l«  silence. 

(Rac,  fhèi.,  ad.  I,  se.  m,  86.) 

Ram'prc  des  mccliants  les  Irames  crimineUet. 

(lUc,  £s(/i.,  act.  Y,  se.  i,  97  ) 

Bénis  le  coup  affreux  qui  rompt  mon  hvmcnée. 

(YoLT.,  AU.,  act.  T,  se.  iv,  l4.) 

Cornerlle  dit  rompre  des  coups,  rompre  da^ 
spectacles  [Nico/ncde,  act.  I,  se.  i,  25)  : 

El  rompu  par  sa  mort  les  spsctacics  pompeux. 

Rompre  des  spectacles,  dit  A'oltaire,  n'est  pas 
français,  païenne  singularité  commune  a  toutes 
les  langues.  On  interrompt  des  spectacles,  quoi- 
au'on  ne  les  rompe  pas.  On  corrompt  le  goût,  ou 


RON 

ne  le  rompt  pns.  Souvent  le  ooniposé  est  en  usage 
quand  le  simple  n'est  pas  admis.  Il  y  en  a  mille 
exemples.  [Remarqves  svr  Corneille.) 

La  ciel  rompt  le  succès  i^e  je  m'étais  promis. 

(Corn.,  Cin.,  ad.  V,  se.  n,  19.) 

Oti  fie  rompi  point  un  succès,  dit  Voltaire, 
encore  moins  un  succès  qu'on  s'était  promis. 
On  rompt  mie  ii/iinn,  on  dctruit  des  espérances, 
on  fait  avorter  des  desseins,  <in  prévient  des 
projets.  [Heiuarouss  sur  Corneille.) 

Rond,  Ronhe.*  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subsl.  :  Corps  rond,  figure  ronde,  tahle  ronde. — 
Un  homme  rond.  —  U/i  compte  rond. 

RoNREAC.  Subst.  m  Terme  do  poésie  française. 
C'est  un  petit  poëmed'un  caractère  ingciiu,  badin 
et  naïf.  Il  est  compose  de  treize  vers  partagés  en 
trois  strophes  inégales  sur  deux  rimes,  huit  mas- 
culines et  cinq  fèmiiu'nes,  ou  sept  masculines  et 
six  féminines.  — Les  deux  ou  trois  premiers  mois 
du  premier  vers  de  la  première  strophe  scrvenl 
de  refrain,  et  doivent  se  trouver  au  bout  des 
deux  stiophes  suivantes,  c'est-à-dire  que  lo 
refrain  doit  se  trouver  après  le  huiliènie  vers  et 
après  le  treizième.  Outre  cela,  il  y  a  un  repos 
nécessaire  après  le  cinquième  vers.  —  L'art  con- 
siste à  donner  aux  vers  decliaiiue  strophe  lui  air 
original  et  naturel  (jui  iMupéche  qu'ils  ne  parais- 
sentfails  exprès  pour  le  refrain,  auquel  ils  doivent 
se  rapp  irter  comme  par  hasard. 

La  troisième  strophe  doit  être  égale  à  la  pre- 
mière, et  pour  le  nombre  des  vers,  et  pour  la 
disposition  des  rimes. —  La  seconde  strophe, 
inégale  aux  deux  autres,  ne  contient  jamais  que 
trois  vers  et  le  refiain,  qui  n'est  point  compté 
pour  un  vers. 

Ce  petit  pucine  a  peut-être  bien  autant  deflif- 
ficultés  que  le  sonnet;  on  y  est  plus  borné  pour 
les  rimes,  et  on  est  de  plus  assujetti  au  joug  du 
refrain.  D'ailleurs,  cette  naïveté  qu'exige  le  ron- 
deau n'est  pas  plus  aisée  à  attraper  que  le  style 
noble  et  délicat  du  sonnet. 

Les  vers  de  huit  et  de  dix  syllabes  sont  presque 
les  seuls  qui  conviennent  au  rondeau.  Les  uns 
préfèrent  ceux  de  huit,  les  autres  ceux  de  dix  ; 
mais  c'est  le  mérite  du  rondeau  qui  seul  en  faille 
prix.  La  Fontaine  et  madame  Deslioulières  sont 
les  derniers  qui  se  soient  e.Kercès  dans  ce  genre 
de  poésie.  Voici  un  rondeau  de  madame  Deshou- 
Uéres  qui  pourra  donner  une  idée  du  genre  : 

Enire  deux  draps  de  toile  belle  et  bonne, 
Oue  Irès-souTenl  on  recliange,  on  savonne, 
La  jeune  Iris,  au  cœur  sincère  et  liaut, 
Aux  yeux  brillants,  à  l'esprit  sans  défaut. 
Jusqu'à  midi  volontiers  se  luitouue. 
Je  ne  combats  de  goût  contre  personne  ; 
Mais,  franchement,  sa  paresse  m'étonne  : 
C'est  demeurer  seule  plus  qu'il  ne  faut 
Entre  deux  draps. 

Quand  à  rêver  ainsi  l'on  s'abandonne. 
Le  traître  .\mour  rarement  le  pardonne  ; 
A  soupirer  on  s'exerce  bientôt. 
Et  la  vertu  soutient  un  grand  assaut 
Quand  une  fille  avec  son  cœur  raisonne 
Hntre  deux  draps. 

Le  refrain  doit  être  toujours  lié  avec  la  pensée 
qui  précède,  et  en  terminer  le  sens  d'une  manière 
naturelle;  et  il  plait  surtout  quand,  représentant 
les  mêmes  mots,  il  présente  des  idées  un  peu  dif- 
férentes. 

Il  y  a  aussi  le  rondeau  redouble,  qui  est  com- 
posd  d'uuc  certaine  quantité  de  strophes  égales 


ROT 


655 


entre  elles,  et  qui  dépendent  du  nombre  de  vers 
que  contient  la  première  slroiilie.  Ordinairement 
elle  en  contient  quatre,  et  alors  elle  est  suivie  de 
cinq  autres  strophes,  dont  les  tpiatrc  premières 
finissent  chacune  par  un  vers  de  l;i  première 
strophe;  et  lorsque,  par  ce  moyen,  celle  strophe 
est  entièrement  répélée,  on  en  ajoute  une  der- 
nière, au  bout  de  laipielle  se  trouvent,  par  forme 
de  refrain,  les  deux  ou  trois  premiers  mots  du 
premier  vers  de  tout  le  pncme.  — D.ms  le  ron- 
deau redoublé,  si  la  iiremiére  strophe  avait  cinq 
vers,  le  rondeau  aurait  seiit  strophes,  parce  qu'il 
en  faudrait  cinq  pour  répéter  la  preiaiére.  [Ency- 
vlopédie.) 

Rondelet,  Rondelette.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  homme  rondelet,  une 
femme  rondelette. 

Rondement.  Adv  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  travaille  ronde- 
ment, ou  il  a  rondement  travaillé. 

Ronflant,  Ronflante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
ronfler.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.  :  Style 
r  tnfîant,  viols  ronflants.  —  Des promes.ses  ron~ 
fiantes,  ces  ronflantes  promesse;. 

Ronger.  V.  a.  de  lai"  conj.  Dans  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prononcer  comme  j ;  et 
pour  lui  conserver  celte  prononciation  lorsiju'il 
est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o,  on  met  un  e  muet 
avant  cet  a  ou  cet  o  :Je  rongeais,  je  rongeai,  et 
non  pas,y<?  rongais,je  rongai. 

Rosat.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Vinaigre  rosat,  huile  rosat. 

Rose-croix.  Subst.  m.  On  écrit  au  pluriel  des 
rose-cri  is.  Vovez  Compose. 

Rossignol.  Subst.  m.  On  mouille  le  «7»,  de 
même  que  dans  rossignoler. 

Rostrale.  Adj.  f.  qui  ne  se  met  qu'après  son 
subst. 

RÔT,  Rôti.  Substantifs  masculins.  Le  rot  est  le 
service  des  mets  rôtis. 

J'allais  sortir  onCn  quand  lo  r&t  a  paru. 

(BoiL.,  Sat.  III,  88.) 

Le  ?'ô<t  est  la  viande  rôtie.  Les  viandes  de  bouche- 
rie, la  volaille,  le  gibier,  etc.,  cuits  à  la  broche, 
sont  du  rôti;  les  différents  plats  de  cette  espèce 
composent  le  rôt.  On  sert  le  rot,  et  vous  man- 
dez du  rôti. 

Rotondité.  Subst.  f.  L'abbé  Féraud  n'a  jugé  de 
la  signification  de  ce  mol  que  par  ces  vers  du 
Joueur  (acl.  I,  se.  i,  11)  : 

J'aurais  un  bon  carrosse  à  ressorts  bien  pliants. 
De  ma  rotondité  j'emplirais  le  dedans. 

Comme  rotondité  a,  dans  ces  vers,  un  sens  plai- 
sant, Féraud  a  cru  qu'on  ne  pouvait  l'employer 
aiilrement,  et  il  a  même  ajouté  qu'il  ne  se  dit  que 
de  la  taille. 

hoiondilé  signifie  rondeur  en  tous  sens.  Ron- 
deur exprime  l'idée  abstraite  d'une  figure  ronde; 
la  rotondité  est  la  rondeur  propre  a  tel  ou  tel 
corps,  la  fiaure  d'un  corps  rond  ;  tandis  que  ron- 
deur ne  désigne  que  la  figure,  rotondité  sert  en- 
core à  désisner  la  grosseur,  l'ampleur,  la  capacité 
de  tel  corps"  rond.  Une  roue  et  une  boule  sont  ron- 
des mais  elles  diffèrent  dans  leur  rondeur.  La 
roue  est  plate,  la  boule  esl  ronde  en  tous  sens;  et 
c'est  ce  qui  sera  fort  bien  disiingué  par  le  mot 
rotondité.— On  dit  for!  bien  la  rondeur  cl  la  roton- 
dité de  la  terre;  la  7-ow(ftfî/r  pour  désigner  sa  figure; 
\à  rotondité  Y\ouv  désigner  sa  capacité,  ou  l'espa'e 
I  renfermé  dans  sa  ronJet/r  en  différents  sens. 


05(5 


ROY 


RocGE.  Adj.  des  deax  genres.  Il  ne  se  met  | 
qu'apios  son  subsl.,  si  ce  n'esl  dans  celle  expres- 
sion fainiiiéie,  rovge  bord,  ([ui  signilie  un  verre 
pU'iii  de  vin  jusqu'au  bord,  et  dans  rouge  trogne, 
qui  se  dit  du  gros  visage  rouge  d'un  ivrogne  : 
Driip  rouge,  rose  rouge,  cuirre  rouge,  encre 
rouge ,  œu/s  rouges.  —  Fer  rouge ,  boulet 
rouge. 

Bouge  se  prend  aussi  substnnlivcmcnt.  Alors 
il  n'a  point  de  pluriel,  à  moins  (lu'on  ne  parle  de 
rouges  de  dillérenles  nuances  :  Les  différents 

rougt'S. 

RocGEATRE.  Adj.  dcs  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Couleur  rougeâtre. 

RoLGEAiD,  RoDGEALDE.  Adj.  Il  nc  sc  uiel  qu'a- 
près son  subst.  :  Un  garçon  rougeaud,  vn  visage 
rougeaud,  une  face  rougeaude. 

RoiGE-GORGE.  Subst.  m.  L'Académie  écrit  au 
pluriel  des  rouges-gorges,  mais  la  pluralité  doit 
tomber  sur  le  mot  oiseau  qui  est  sous-entendu.  Il 
faut  donc  écrire  des  rouge-gorge.  Voyez  Com- 
posé. 

RoLGiR.  V.  a.  et  n.  de  la  2^  conj.  Ce  verbe 
S'emi)loie  au  propre  et  au  figuré  :  Rougir  une 
porte,  rougir  la  tranche  d'un  livre,  rougir  des 
roues  de  voiture,  rougir  la  terre  de  sang,  rougir 
ses  mains  de  sang.  [Acad.) 

Mais  silot  que  Séide 
Aura  rougi  ses  mains  de  ce  grand  homicide. 

(Volt.,  ilahom.,  ad.  IV,  sc.  i,  17.) 

RoLLANT,  Roulante.  Adj.  verbal  tiré  du  verbe 
rouler.  Il  ne  se  met  guère  qu'après  son  subst.  : 
Chaise  roulante. 

Rouler.  V.  a.  cl  n.  de  la  l^e  conj.  Voici  quel- 
ques exemples  de  la  manière  dont  les  poëtes  em- 
ploient ce  mol  : 

Où  le  Xanle  effrayé  roule  encor  dans  ses  Ilots 
L«s  casques  et  les  dards,  et  les  corps  des  héros. 
[Dblil.,  Enéide,  I,  147.) 

Son  esprit  (de  Jupiter)  des  humains  roulait  la  destinée. 
[Idem,  I,  317.) 

Elle  dit;  et,  roulant  son  projet  dans  son  âme. 
De  ses  jours  odieux  cherche  à  rompre  la  trame. 

{Idem,  IV,  923.) 

Roulant  en  traits  de  feu  ses  prunelles  sanglantes,  etc. 
{Idem,  IV,  943.) 

Les  étoiles  roulaient  dans  un  profond  silence. 

[Idem,  IV,  776.) 

RoossATBE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Poil  roussâtre,  eau  rous- 
sûtre. 

Rouvrir.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2«  conj.  Il  se 
conjugue  comme  ouvrir.  Voyez  Irrégulier. 

Roux,  Rousse.  Adj.  Il  suit  ordinairement  son 
subst.  :  Poil  roux,  cheveux  roux,  barbe  rousse. — 
Homme  rou.v,  femme  rousse. 

Royal,  Royale.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  en  consullanl  l'oreille  et  l'analogie: 
Famille  royale,  maison  royale,  sang  royal.  — 
• —  Une  si  royale  main.  (Bossuct,  Or.aisnn  fun. 
de  Marie-Thérèse  d'Autriche,  p.  dl8.)  Cette 
royale  maison.  (La  Bruyère.)  —  Il  fait  royaux 
au  pluriel  masculin.  — Précédé  des  substantifs 
lettres,  ordonnances,  quand  on  parle  dos  an- 
ciennes lettres,  des  anciennes  ordonnances,  il  fait 


RUl 

royaux,  quolcjuc  ces  substantifs  soient  au  féminin 
pluriel  :  Des  lettres  royau.v,  des  ordonnances 
royaux.  Aujourd'hui,  en  parlant  des  ordunnancci 
uouvellcs  (jui  émanent  de  l'autcirilé  royale,  oo 
dit  des  ordonnances  royales.  Voyez  Adjectif. 

Royalement.  Adv.  On  peut  le  iiieiirc  entre 
l'auxiliaire  cl  le  participe  :  Il  nous  a  traités  roya- 
lement, ou  //  710US  a  royalement  traitt-s. 

Royaliste.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
guère  iju'aprés  son  subsl.  :  //  est  royaliste.  —  Il 
se  dit  plus  ordinairement  comme  subsl.  :  C'e.^t  un 
royaliste.  Ce  mot  emporte  dans  sa  signilicalion 
une  idée  de  parti  :  Les  royalistes  et  les  ligueurs, 
les  royalistes  et  les  républicains. 

Rubicond,  Rubiconde.  Adj.  Il  ne  se  dit  qu'co 
plaisantant,  d'un  visage  dont  la  rougeur  annonce 
une  vie  passée  dans  l'abundance,  sans  iniiuiclude 
et  sans  souci,  ou  dans  le  vice  de  l'ivrognerie.  Il 
nc  se  met  guère  qu'après  son  subst.  :  Un  visage 
rubicond,  une  face  rubiconde.  —  On  dit  aussi  «« 
nez  rubicond. 

Rude.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met  sourent 
avant  son  subst.  :  Peau  rude,  poil  rude,  brosse 
rude,  visage  rude,  air  rude.  —  De  rudes  coups, 
de  rudes  épreuves,  de  rudes  combats,  un  truvail 
rude,  un  rude  travail.  Voyez  Adjectif. 

RuDCjiENT.  Adv.  On  le  met  quelquefois  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  été  attaqué  rude- 
ment, ou  il  a  été  rudement  attaqué. 

Rudesse.  Subsl.  f.  Racine  a  dit  :  La  rudesse 
des  forets,  pour  dire  la  rudesse  des  mœurs  (jue 
l'on  contracte  en  vivant  dans  les  forets  : 

Nourri  dans  les  forêts,  il  en  a  la  rudesse. 

(Rac,  Phèd.,  act.  III,  sc.  i,  46.) 

Ruelle,  Subsl.  f.  On  appelait  autrefois  ainsi 
une  alcôve  ou  un  lieu  orné  où  les  femmes  rece- 
vaient des  visites  familières,  soil  au  lit,  soit  debout, 
et  l'on  disait  figurément  d'un  homme  il  passe  sa 
vie  dans  les  ruelles,  il  va  de  ruelle  en  ruelle, 
pour  dire  qu'il  était  souvent  chez  les  dames,  et 
qu'il  se  plaisait  dans  leur  conversation. 

«  Boileau  a  eu  beau  dire  dans  son  Art  poétique 
(iv,  l'J'J),  en  parlant  de  Louis  xiv  : 

Que  de  son  noni,  chanté  par  la  bouche  des  belles, 
Berîi^raiie  en  tous  lieux  amuse  les  ruelles, 

il  y  a  luiigienips  qu'il  n'esl  plus  question  de 
ruelles.  Aujourd'hui  nos  rimcurs  galants,  qui 
font  l'amour  dans  nos  almanachs,  ne  croiraient 
pas  leurs  vers  du  bon  ton,  s'ils  n'y  plaçaient  pas 
un  bmtdoir  ;  et  peut-être  dans  cent  ans,  si  la  mode 
change  encore,  le  boudoir  aura  passé  comme  leurs 
vers.  »  (La  Harpe,  Cours  de  littérature.) 

Ruer.  V.  a.  et  n.  delaTcconj.  Auuefoison 
l'employait  dans  le  style  noble,  ei  Malhcrbea  dit  : 
rtier  le  tonnerre;  aujourd'hui  il  en  est  banni.  On 
peut  même  assurer  qu'il  n  est  plus  admis  dans 
aucun  style,  si  ce  n'esl  avec  le  pronom  personnel: 
Se  ruer  sur  quelqu'un, on  en  parlant  des  chevau.x 
et  des  mulets  qui  jettent  les  pieds  de  derrière  ea 
l'air  avec  force. 

Rugissant,  Rugissante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
rugir.  Il  suit  son  subst.  :  Un  lion  rugissant^ 
une  limne  rugissante. 

Rlineux,  Ruineuse.  Adj.  On  peut  le  inellro 
avant  son  subsl.,  lorsque  l'analogie  cl  l'harmonie 
le  permettent  :  Édifice  ruineux,  fondement  rui- 
neux. —  Dépense  ruineuse,  cette  ruUteuse  <W- 


pense;    emploi    ruineux,    ce  ruineux   emploi. 
Voyez  adjectif. 

Rlmsskau.  Subst.  m.  L'Académio  dil  :  ferser 
desritixseatix  de  larmes  ;  cUc  iiC  dit  pas,  verser 
des  ruisseaux  de  pleurs. 

Elle  dit,  et  soudain 
D'un  long  ruitseau  de  pleurs  elle  inonde  son  sein. 
(Delil.,  Énéid.,  III,  409.) 

Toycz  Larmes. 

RcissELANT,  Rdisseunte.  Adj.  Verbal  lire  du 
V.  rui.sseler.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Des  eaux  ruisselantes,  le  sang  ruisselant . 

Rdm.  Snlist.  m.  Voyez  Rhutn. 

Ri'MB.  Subst.  m.  Ou  prononce  romh,  en  faisant 
sentir  le  h. 

RuMi>ANT,  Ruminante.  Adj.  qui  se  met  ordinai- 
rement après  son  subst.  :  Les  animaux  rumi- 
nants. 

Rdptcre.  Subst.  f.  L'Académie  dit  :  La  rup- 
ture de  la  paix,  la  rupture  d'une  société,  la  rup- 
ture d'un  mariage  ;  elle  nc  dit  pas,  la  rupture 
des  nœuds. 

Après  l'éclat  et  la  Irista  aventure 

Qui  de  nos  nœuds  a  causé  la  rupture. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  acl.  V,  se.  v,  7.) 

Rural,  Rurale.  Adj.  Il  fait  au  pluriel  masculin 
ruraux,  et  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Bien 
rural,  bie?is  rurau.v,  vie  rurale,  commune  ru- 
rale. 

Rose.  Subst.  f. 


Ah,  ciel  !  quelle  est  sa  ruse  ? 
(Conw.,  Uéracl,,  act.  IV,  se.  IV, 


Î-) 


Ce  mot  ?wi',  dit  Voltaire,  ne  doit  point  entrer 
dans  le  tragique,  à  moins  qu'il  ne  soit  relevé 
par  une  cpithètc  noble.  (  Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

RcsÉ,  RcsÉE.  Part,  passé  du  v.  ruser,  et  adj. 
Cet  adjectif,  contre  l'ordinaire  desadjectifs  formés 
des  participes  passés,  précède  quelquefois  son 
subst.  On  dit  :  Oest  un  rusé  matois,  c'est  un 
rusé  politique. 

*RnsECiiv    Subst.  m.  Mot  nouveau  que  J.-J. 


S  637 

Rousseau  a  employé  dans  le  passage  suivant  : 
u  L'uhhi  Truhlet  voulait  savoir  comment  cette 
impression  .s'était  pu  faire,  et,  dans  son  tour 
d'esprit  finet  et  jésuitique,  me  demandait  mon 
avis  sur  la  réimpression  de  cette  lettre,  sans 
vouloir  me  dire  le  sien.  Comme  je  hais  souverai- 
nement les  ruscurs  de  cette  espèce,  je  lui  fis  les 
remercîments  que  je  lui  devais;  mais  j'y  mis  un 
ion  dur  qu'il  sentit,  et  qui  ne  l'empcclia  pas  de 
me patcltner  encore  en  deux  ou  trois  lettres,  Jus- 
qu'à ce  qu'il  sût  tout  ce  qu'il  avait  voulu  savoir.» 
[Confessions,  11'^  part.,  liv.  k). 

RussR.  Adj.  des  deux  genres.  On  disait  autre- 
fois russien.  Aujourd'hui  l'on  ne  dit  plus  que 
russe,  soit  adjectivement,  soit  suhslaiitivcuient  : 
L'empire  russe,  lespmviuccs  russes,  tes  Russes. 
Il  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

RcsTACD,  Rustaude.  Adj.  Il  suit  toujours  son 
Siil)St.  ;  Un  air  rustaud,  des  manières  rustaudes. 
11  s'emploie  comme  le  mot  rustre  en  parlant  des 
gens  qui  ont  des  mœurs  ou  des  manières  gros- 
sières et  opposées  à  celles  des  gens  .^ui  sont  polis 
et  bien  élevés.  Mais  on  en  rustaud  faule  d'édu- 
cation, faute  d'usage,  par  riiai)itudc  de  vivre 
toujours  avec  de  grossiers  campagnards  ;  on  est 
rustre  par  caractéi-e,  par  humeur,  par  goût,  par 
caprice,  p;ir  mécontentement. 

Rustique.  Adj.  dos  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  sdii  subst.,  en  consultant  l'oieillc  et 
l'analogie  :  f^ie  rustique,  danse  i  ûstique,  pay- 
sage rustique,  manières  rustiques,  ces  rustiques 
manières. 

Prêt  à  quitter  pour  toi  la  rustique  musette. 

(r.RESSKT,  Éyl.  VIII,  ILI 

Sous  se?  rustiques  toits,  mon  père  vertueux 
Fait  le  bien,  suit  les  lois  et  ne  craint  q>ie  les  dieux. 
(Volt.,  lier.,  act.  H,  se.  ii,  75.) 

RusTiQur.MEST.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  répondu  rusti- 
quemeiit,  OU  il  a  rusliguement  répondu  ;  cet  ou- 
vrage est  fait  rusliquement,  ou  est  rustiquemeni 
fu  it . 

Rustre.  Adj.  des  deux  genres.  On  le  met  ordi- 
nairement après  son  subst.  :  Un  air  rustre,  des 
manières  rustres.  Voyez  Rustaud. 


S. 


s.  Subst.  m.  On  prononce  se.  C'est  la  dix-neu- 
vième lettre  de  notre  alphabet,  et  la  quinzième 
des  consonnes. 

Le  son  propre  de  cette  lettre  est  comme  dans 
sage,  séjour,  silence,  solitude,  sucre.  Elle  a  le 
son  accidentel  de  se,  comme  dans  user,  oser,  etc. 

5  conserve  au  commencement  des  mots  le  son 
qui  lui  est  propre,  lorsqu'il  est  suivi  d'une  autre 
ronsonne,  comme  dans  scorpion,  statue,  scan- 
dale, scorsonère,  scuhac,  scubieuse,  squelette, 
stomacal.  Mais  dans  la  prononciation  de  ces  mots, 
on  passe  si  rapidement  sur  Ve  muet  du  son  propre 
de  se,  qu'on  ne  l'entend  presque  point, 

Lorsque  le  j  initial  est  suivi  d'un  c,  et  qu'il  se 
trouve  ensuite  un  e,  un  i,  ou  un  h,  comme  dans 
sceau,  scel,  scélérat,  scène, scie,  schisme,  sciure, 
le  s  ne  se  fait  point  sentir,  et  on  prononce  comme 
s'il  y  avait  oeau,  cel,  célérat,  cène,  de,  chisme, 
oiure. 


Dans  le  corps  des  mots,  le  s  conserve  le  son  qui 
lui  est  propre,  quand  il  est  précédé  ou  suivi  d'une 
autre  consonne,  comme  dans  absolu,  converser, 
Conseil ,  bastonnade  ,  disque  ,  lorsque  ,  puis- 
que, etc.;  et  quand  il  est  redoublé,  comme  dans 
passer,  essai,  missel,  bossu,  mousse.  —  Il  faut 
excepter,  1°  les  mots  transiger,  transaction, 
transition,  transit,  transitoire ,  inirunsitif, 
transalpin,  dans  lcs(]uels  la  lettre  *  prend  le  son 
du  z,  quoique  précédée  d'une  consonne.  Celte 
exception  est  fondée  sur  ce  ijue  ces  mots  étant 
comiMjsés  de  la  préposition  latine  trans,  la  lettre 
s  y  est  considcrée  comme  finale,  et  se  pronuncc, 
en  conséquence  avec  le  son  accidentel.  Celle  ex- 
ception n'a  pas  lieu  pour  les  mois  transir  el 
Transylvanie. 

2°  Il  faut  excepter  de  la  règle  générale  Alsace, 
Alsaciens,  balsamine,  balsamique,  halsamite, 
ainsi  que  les  mots  où  la  lettre  s  est  suivie  d'un  6 


038  à 

ou  d'un  rf,  dans  lesquels  celle  lellre  se  prononce 
connue  un  s. 

D;iiis  le  corps  d'un  mot,  qu;ind  «  est  seul  entre 
deux  voyelles,  on  le  prononce  comme  un  s, 
connue  iJiins  ruse,  hésiter,  misanthrope ,  misère, 
rose,  vtsicaloire,  etc. 

On  excepte  de  celte  règle  les  mots  désuétude, 
monosyllabe,  7nonasyllabigue,  parasol,  pnlysyl- 
Itibe,  priséatice,  prisuppnscr,  présuppositioa. 
vraisemblance ,  vraisemblable,  vraisemhluble- 
■ment,  et  quelques  autres  qui  sont  soisneusemenl 
indiques  dans  ce  Dictionnaire.  .Mais,  dans  le 
fond,  ce  n'esl  point  une  exception  ;  car  ces  mois 
étant  composés  des  purliculcs  dé,  mono,  paru, 
poly,  pré,  vriti,  les  qui  commence  les  mots  qui 
suivent  ces  particules  est  réellement  un  s  initial. 
On  pr(jnonie  comme  si  l'on  écrivail  dé-suétude, 
mono-syllabe,  para-sol,  etc. 

S  final  est  muet  dans  les  mots  trépas,  tamis, 
avis,  os,  alors,  etc.  Mais  il  rend  la  syllabe 
longue.  H  se  fait  sentir  dans  les  mots  ris,  as, 
anus,  iris,  aloès,  agmis,  fœtus,  lapis,  laps, 
Mars,  culus,  rébus,  orémus,  chorus,  bibiis,  gra- 
tis, sinus,  etc.,  et  dans  les  noms  propres  étran- 
gers, comme  DéUs,  Sentis,  Bacchus,  Pallas, 
Rvbens,  etc.  On  ne  le  [jrononce  cependant  pas 
dans  Thomas,  Judas. 

S  final,  quand  on  doit  le  faire  entendre  à  cause 
de  la  voyelle  (jui  commence  le  mot  suivant,  se 
prononce  counne  un  z  :  f^ousnvcs  de  bons  avis, 
etc.  Prononcez  vou-zaves  de  bon-zavis,  etc. 

Dans  les  adjectifs  pluriels  terminés  par  un  5, 
ce  s  se  lie  toujours  avec  le  substantif  suivant  qu' 
commence  par  une  voyelle  ou  un  h  muet,  et  alors 
il  a  la  prononciation  du  z,  comme  dans  grandes 
actions,  bonnes  œuvres, grands  hommes,  que  l'on 
prononcegrande-zactLons,bonne-sœuvres,grand- 
zhommes.  La  raison  de  cette  liaison,  c'est  que 
tout  adjectif  appelle  un  substantif  avec  lequel  il 
est  lié  grammaticalement.  Mais  si  ce  substantif 
précède  l'adjectif,  ce  substantif  présentant  une 
idée  absolue  qui  n'exige  pas  nécessairement  un 
adjectif,  la  liaison  ne  s'ojK're  pas  toujours,  sur- 
tout dans  la  conversation.  On  ne  la  fait  que  dans 
le  discours  soutenu,  ou  ([uelquefols  dans  des 
conversations  dont  le  ton  est  au-dessus  de  la 
familiarité.  On  peut  donc  prononcer,  suivant  les 
cas,  des  amis  attentifs ,  et  des  passions  effrénées; 
ou  bien,  des  amis-zattcntifs,  et  des  passions- 
zeffrénées. 

La  lettre  s  se  trouve  double  dans  certains  mots, 
ou  parce  que  ces  mots  sont  composés  d'une  par- 
ticule cl  de  quelque  autre  mot,  ou  parce  que  les 
deux  s  rntrenl  eux-mêmes  dans  la  formation  du 
mot.  Ainsi,  les  mots  desseri-er,  desservir,  des- 
souder, .sont  compo^cs  de  la  particule  de  ou  dé 
qui  marque  exiraclion  ou  privation ,  et  des 
mots  serrer,  servir,  souder.  Dans  l'origine,  on 
doil  avoir  dit  en  deux  mots,  dé-serrer,  dé-servir, 
dé-souJer,ci  l'on  prononçait  comme  on  prononce 
aujourd'hui,  parce  que  les,  étant  initial,  avait  la 
prononciation  forte  (jue  nous  liii  donnons;  mais 
lorsque  de  ces  mots  doubles  on  en  a  fait  un 
seul,  on  s'est  aperçu  que  dans  déserrer,  déser- 
vir, désovder,  5,  se  trouvant  entre  deux  voyelles, 
devait  avoir  la  |)rononciation  du  s.  En  consé- 
quence, on  a  ajouté  un  s  à  de  <iu  à  dé,  afin  de 
rétablir  la  [irononciatioa  primillve  de  ces  mots, 
el  de  donner  aux  s  de  serrer,  servir  et  souder, 
«ne  prononciation  forte  qu'ils  n'auraient  point 
eue  sans  celle  addition;  cl  on  a  écvil desserrer, 
desstrvir,  dessouder.  Dans  ces  sortes  de  mois, 


SAC 

on  no  prononce   qu'un  *,  mais  on  le  prononce 
forlemcnl. 

iMais  lorsque  les  deux  s  entrent  d'eux-mêmes 
dans  la  composition  du  mot,  cl  (juc  l'un  n'a  poinl 
été  ajouté  a  l'autre  par  la  seule  rai>on  d'une  rec- 
tification de  [irononciaiion,  ces  deux  lettres  doi- 
vent être  prononcées;  tels  sont  les  mots  essieu, 
essence,  et  autres  semblables,  où  les  deux  «  se 
trou  vent|jrimilivcmenl.  Tout  homme  dont  l'oreille 
est  accoutumée  à  la  bonne  prononciation  con- 
viendra (ju'on  ne  [)rononce  pas  é-sieu,  é-scuce; 
mais  essieu,  essence. 

S.  est  l'expression  abrégée  du  mol  saint,  du 
mot  sa  ou  .?<  «  :  S.  S.,  Sa  Sainteté;  S.  M.,  >Sb 
Majesté;  S.  A.  R.,  Son  Altesse  Royale;  S.  Eî., 
Son  Excellence  ;  S.  Em.,  Son  Eminence,  etc 
—  S  ,  dans  les  anciens  comptes  signifie  s<'U\  eu 
musique  il  vcui  à\TCs<ili>.  —  Les  monnaies  frap- 
pées a  Beims  sont  marquées  d'un  s. 

Sa.  Adj.  possessif  siiig.  f.  Voyez  Son. 

Sabbat.  Subst.  m.  Ou  prononce  saJaf. 

Sableux,  Sableuse.  Adj.  (pii  se  met  toujours 
après  son  subst.  :  Farine  sableuse. 

Sablonneux,  Sablonneuse.  Adj.  On  peut  ie 
mettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  peniMîltent  :  Rivage  sablonneux, 
terre  sablonneuse,  contrée  sablonneuse,  dans 
cette  sablonneuse  contrée.  Voyez  Adjectif. 

Sabre.  Subsl.  m.  Ce  mol  ne  s'emploie  guère 
dans  le  style  noble,  à  moins  qu'd  ne  soit  (lueslion 
d'expéditions  militaires.  On  dit  le  glaive  du  tyran, 
et  le  sabre  du  soldat. 

Sabrer.  V.  a.  delal'econj.  Ce  mol  est  exclas 
du  style  noble. 

*Saccagedr.  Subst.  m.  Ce  mol,  que  l'usage 
n'a  pas  adopté,  a  été  employé  par  Voltaire  :  Che* 
m'ii,  les  grands  hommes  sont  les  premiers.,  et 
les  héros  les  derniers.  J'appelle  grands  hommes 
tous  ceux  qui  ont  excellé  dans  l'utile  ou  dans 
l'agréable.  Les  saccageurs  de  provinces  ne  sont 
que  héros. 

Sacerdotal,  Sacerdotale.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  Il  fait  au  pluriel  masculiii 
sacerdotaux  :  Dignité  sacerdotale,  fonctionr 
sacerdotales,  ornements  sacerdotaux. 

Sacramental,  Sacramentale,  ou  Sacramentel, 
Sacramentelle.  Adjectifs.  On  peut  les  meure 
avant  leur  subst.,  en  consultant  l'oreille  el  l'ana- 
logie :  Une  absolution  sacramentale,  cette  sa- 
cramentelle absolution. —  Il  semble  qu'au  féminin 
on  emploie  plus  ordinairement  sacramentelle  que 
sacramentale. —  On  dit  au  pluriel,  sacramen- 
taux:  Mots  sacramentaux. 

Sacrahentalement  ou  Sacramentellement. 
Adv.  Il  ne  se  mel  qu'après  le  verbe  :  Le  corps  de 
Jésus-Christ  est  sacramentellement  dans  l'eu- 
charistie. 

Sacrk,  Sacrée.  Part,  du  v.  sacrer,  et  ."ij. 
Voltaire  a  employé  ce  mot  dans  une  acccptioii 
qui  n'est  point  indiquée  dans  le  Dictionnaire  de 
l'Académie  (Zaïre,  act.  V,  se.  x,  73)  : 

Forte  aux  tiens  ce  peigaard  que  mou  bras  égaré 
A  plongé  dans  ua  sein  qui  dat  m'ètre  tacré. 

Sacrifier.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Faire  un  sa- 
crifice. Dans  le  sens  religieux,  il  se  dit  de  toutes 
}  sortes  d'objets:  Les  premiers  hommes  «e  sacri- 
'  fiaient  que  de  l'herbe.  (Monlcsfiuieu,  Esprit  des 
;  lois,  liv.  IV,  ch.  25.)  On  n'immole  (pic  des  vic- 
i  limes,  (les  cires  animés.  L'objet  sacrifié  est  voué 
I  a  la  divinité;  l'objet  ïTOOToie  est  (lélruit  à  Ihonneur 
1  de  la  divinité.  Dans  le  sens  profane,  vous  sacrifiez 


SAI 

tous  les  genres  d'oî)jels  ou  de  choses  auxquels 
vous  renoncez  voloiitiireiiient,  dont  vous  vous 
dé|iouillcz,  ([ue  vous  abandonnez  pour  quelcjuc 
autre  intéiéi,  ou  pour  l'inlérét  d'un  aulre.  ^  ous 
immolez  pour  voire  salisfaclion,  ou  pour  la 
satisfaclion  d'aulrui,  des  objels  animés  que  vous 
railez  comme  des  victimes,  que  vous  d(>|ioL>iilez 
de  ce  (ju'ils  ont  de  jikis  précieux,  (jue  vous  vouez 
à  la  mort,  à  raiialliome. 

Sacrilégk.  Ailj.  (jue  l'on  prend  aussi  substan- 
tivement. Quand  on  emploie  ce  mot  adjective- 
ment, on  peut  le  meure  a\ant  son  subst.,  lorsque 
l'analogie  et  rii;irmonio  le  |)crmettcnt:  Un  homme 
sacrilège,  celte  sucvilége  pensée;  action  sacri- 
lège, celte  sacriltge  action. 

Sacrum.  Subst.  m.  On  prononce  le  m  comme  en 
latin. 

Sag.ace.  Adj  des  deux  genres.  En  179S,  IWca- 
démie  1«  donne  comme  un  mot  nouveau  et  utile, 
et  il  est  eu  effet  l'un  et  l'autre.  Je  pense  qu'on 
peut  le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie 
et  l'harmonie  le  permettent  :  Cette  critique  sa- 
gace,  ou  cette  sagacc  critique. 

Sage.  Adj.  des  deux  gcnics.  On  peut  le  placer 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Un  homme  sage,  une  femme  sage,  vn 
îeune  homme  sage.  —  Une  conduite  sage,  une 
sage  conduite;  vne  rèp  nse  sage,  une  sage  ré- 
ponse; un  conseil  sage,  un  sage  conseil  ;  un  air 
sage,  un  esprit  sage,  un  style  sage.  —  En  pariant 
des  personnes,  on  met  sage  avant  le  subst.,  lors- 
qu'on veut  exprimer  la  sagesse,  la  prudence,  l'ha- 
bileté avec  lesquelles  elles  exercent  les  fonctions 
qui  leur  sont  confiées  :  Un  sage  magistrat,  un 
sage  général,  un  sage  ministre,  un  sage  direc- 
teur. —  C'est  à  i)eu  près  en  ce  sens  qu'on  appelle 
sage-femme  celle  qui  fait  profession  d'accoucher 
les  femmes.  Voyez  Adjectif. 

Sagement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  partiel [)C  :  Fous  avez  fait  sagement, 
vous  avez  sagement  fait;  il  s'est  conduit  sage- 
ment, il  s'est  sagement  conduit;  il  a  sagement 
conduit  sa  barque. 

Sagesse.  Subst.  f.  Aucune  des  définitions  que 
donnent  les  dictionnaires  ne  peut  s'pppliquer  à 
l'espèce  de  sagesse  que  A'oltairc  décrit  dans  les 
vers  suivants  (Épître  XXXI,  v.  16J  : 

Or,  votre  sagesse  n'est  pas 
Celte  pointilleuse  harpie 
Qui  raisonne  5ur  tous  les  cas. 
Et  qui,  lrist«  iueur  de  l'Envie, 
Oacrant  un  gosier  cdenté. 
Contre  la  tendre  Volupté 
Toujours  prêche,  argumente  et  crie; 
Mais  celle  qui  si  doucement, 
Sans  eflort  et  sans  industrie, 
Se  bornant  toute  au  sentiment, 
Saitjusques  an  dernier  moment 
Répandre  un  charme  sur  la  vis. 

Saignant,  Saignante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
saigner.  On  mouille  le  nn.  Cet  adj.  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Avoir  le  nez  saignant,  la 
bouche  saignante;  plaie  saignante.  —  Bœuf 
saignant. 

Saignée,  Saignement.  Dans  ces  deux  mots,  on 
mouille  gn. 

Saigner.  V.  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  On  mouille 
le  gn  :  Saigner  quelqu'un  au  Iras,  à  la  gorge, 
etc.  La  pluie  saigne.  —  On  dit  au  propre  saigner 
du  nez,  pour  dire  répandre  du  sang  par  le  nez; 
et  au  figuré,  saigner  du  nez,  pour  dire  manquer, 
dans  l'occasion,  de  courage,  de  résolution.  Quel- 


S.\I 


6Sfi 


qucs  personnes,  jwur  distinguer  ces  deux  sens, 
prétendent  qu'on  doit  dire  au  propre,  saigner  an 
nez;  c'est  une  cireur.  Saigner  au  nez  ne  vou- 
drait dire  autre  chose  ipie  tirer  du  sang  du  nez, 
comme  on  en  tire  du  bras,  ilu  pied,  etc. 

Saigneux,  Saigneuse.  Adj.  On  mouille  le  gn. 
Gît  adj.  ne  se  met  qu'après  son  subst.  L'Académie 
dit,  avoir  le  fiez  soigneux;  je  pense  qu'il  est 
mieux  de  dire,  avoir  du  sang  au  nez.  friande 
saigneuse. 

Saillant,  Saillante.  A<lj.  verbal  tiré  du  v. 
saillir,  pris  d.ins  le  sens  d'avancer  en  dehors.  Au 
liguié,  onpeut  le  mettre  avant  Sun  subst.,  lorsque 
l'analogie  et  l'harmonie  lu  permettent  :  Angle 
saillant,  corniche  saillante.  —  Pensées  saillan- 
tes, ces  saillantes  pensées.  Voyez  Adjectif. 

SuLLiii.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  2'  conj.  Dans 
le  sens  de  jaillir,  sortir  avec  impétuosité  et  par 
secousses,  il  ne  se  dit  ijuc  des  choses  li(iuides, 
et  alors  on  dit  au  présent  de  l'indicatif,  je  saillis, 
etc.  ;  à  l'imparfait,  je  saillissais,  etc.  ;  au  passé 
simple,  je  saillis,  etc.;  aa  futur,  Je  saillirai, 
etc.  ;  au  présent  du  conditionnel,  je  saillirais, 
etc.;  au  présent  du  subjonctif,  que  je  saiUisse, 
etc.  ;  au  participe  présent,  saillissant;  au  parti- 
ci|>c  passé,  suilli,  saiilic.  —  On  ne  remploie 
guère  qu'a  l'infinitif  et  à  la  troisième  personne  de 
quelques  temps.  (Acad.) 

Dans  le  sens  de  s'avancer  en  dehors,  il  n'est 
d'usage  qu'aux  troisièmes  personnes  des  temps 
simples,  il  saille.  Us  saillent,  il  saillait,  il  sail- 
lera, qu'il  saille,  q>/'il  saillît;  et  au  participe 
présent,  saillant.  Ce  balcon  saille  trop. 

Sain,  Saine.  Adj.  On  jicul  le  mettre  avant  son 
subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Un 
homme  sain,  un  corps  sain.  —  Un  jugement 
sain,  un  e.-iprit  sain,  —  La  saine  raison,  la 
saine  critique,  la  saine  philosophie.  Voyez  Ad- 
jectif. 

Sainement.  Adv. On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  parlicipc  :  //  est  logé  sainement,  ou 
il  n'est  pas  sainement  logé;  cela  est  sainement 
pensé. 

Saint,  Sainte.  Adj.  11  se  met  très-souvent  avant 
son  subst.,  et  commence  par  une  lettre  majuscule 
lorsqu'il  est  joint  à  un  nom  propre  :  La  suinte 
Trinité,  le  Saint-Esprit,  saint  Pierre,  saint 
Paul,  sainte  Madeleine,  sainte  Geneviève.  — 
Les  saints  anges,  les  saints  apôtres,  les  saints 
docteurs.  — Un  saint  homme,  une  sainte  femme, 
un  saint  personnage,  une  âme  sainte.  —  Une 
sainte  pensée,  de  saintes  œuvres,  un  saint  mou- 
vement; mener  une  vie  suinte.  —  V Kcrilure 
sainte,  les  livres  suints,  la  suinte  bible,  ta 
sainte  Église,  le  suint  concile,  les  saints  canons. 
—  Le  temple  saint,  le  saint  temple;  un  zèle 
saint,  un  saint  zèle;  une  sainte  volonté,  vn» 
sainte  audace.  —  Féraud  trouve  ridicule  qu'on 
dise  sainte  liberté,  sainte  humanité,  sainte  na- 
ture ;  et  il  trouve  tout  naturel  (ju'ondisc  la  sainte 
inquisition. 

Saintement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  toujours  vécn 
saintement,  ou  il  a  toujours  saintement  vécu. 

Saisissement.  Subbt.  m.  Ce  mot  ne  s'emploie 
qu'au  ligmé,  et  dans  un  sens  passif.  C'est  l'clal 
de  celui  qui  est  saisi  :  Ce  discours  lui  causa 
vn  saisissement  qui  ne  lui  permit  pas  de  ré- 
pondre. 

Ses  regards  ont  changé  mon  ime  en  un  moaier.\, 
Je  n'ai  pu  lui  parler  qu'avec  êaitistement. 

(Gressut,  3féchant,  aci.  III,  EC.  ZIl,  3.) 


640 


SAN 


Salarier.  \.  a.  do  la  i"  conj.  Fcraiid  prélond 
qu'il  csl  vieux,  et  qu'il  ne  se  dit  |)lus.  C'est  une 
erreur.  Il  faut  salarier  va  grand  nombre  de 
commis. 

Salk.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut,  au  fi^'uré, 
le  luellre  avant  sonsubst.,  en  consulianl  l'ureilic 
et  l'uiialo^ie  :  Un  homme  sale,  une  cluimOrcsalc, 
du  linge  sale.  —  Des  paroles  sales,  des  actions 
sait  s.  —  Un  sale  intérêt,  de  sales  discours,  les 
sales  voluptés. 

Salement  Adv.  On  peut  le  lucttrc  entre  l'auxi- 
liaire el  le  partiiipc  :  Il  est  couché  salement,  ou 
il  est  salement  couché. 

Salin,  Sali>e.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Esprits  salins,  concrétions  salines. 

Salique.  Adj.  f.  qui  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  La  loi  salique. 

Svlissa>t,  Salissame.  Adj.  Tcrbal  tiré  du  v. 
salir.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  drap 
salissant,  une  étoffe  salissante. 

Salopement.  Adv.  que  l'on  trouve  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Académie,  et  dans  quelques 
autres.Onlui  failsignifier,  d'une  manière  salope. 
—  Il  n'est  point  usité.  On  ne  dit  pas,  cunane  le 
prétend  l'Académie,  manger  salopement,  être 
couché  salopement.  On  dit,  manger  malpropre- 
ment, être  couché  vialproprement. 

Saluade.  Subst.  f.  \  ieux  mot  inusité.  Féraud 
dit  qu'on  peut  l'employer  dans  le  style  plaisant 
etmoqueur  :  //  fait  des  saluades  extraordinaires, 
ridicules.  Tout  le  monde  se  moque  de  «ei  saluades. 
Je  pense  que  Féraud  se  trompe.  On  dirait  mieux, 
ce  me  semble,  en  ce  sens,  salutations. 

Saldbre.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  el 
l'barmonie  le  i)ermettent  :  Des  eaux  salubres, 
vn  régime  saluhre,  une  nourriture, sal ubre ,  une 
salubre  nourriture.  Voyez  Adjectif. 

Salueiî.Y.  a.  de  h  1'^  conj.:  Saluer  quelqu'un, 
saluer  l'autel,  saluer  le  deuil,  saluer  de  lu  main, 
saluer  de  l'épée,  saluer  en  étant  son  chapeau, 
saluer  en  tirant  le  canon,  en  baissant  pavillon. 

Salut.  Suiist.  m.  Ce  mol  n'a  de  pluriel  que 
lors(iu'il  signifie  l'action  de  saluer  :  Jprcs  plu- 
sieurs saluts  faits  et  rendus;  ou  les  prières  que 
l'on  fait  le  soir  dans  les  églises  à  cerlahis  jours  : 
Cette  femme  assiste  à  tous  les  saluts. 

Salutaire.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
meure  avant  son  subst,  en  consultant  l'oreille 
el  l'analogie  :  Un  remède  salutaire,  un  avis 
salutaire,  un  salutaire  avis;  une  doctrine  salu- 
taire, cette  salutaire  doctrine. 

D'un  bonncl  vert  le  salutaire  affront. 

(BoiL.,  .Sut.,  I,  15.) 

"\'^oyez  Adjectif. 

Saldtairement.  Adv.  Il  jjeul  se  mettre  entre 
l'auxiliaire  el  le  participe  :  Cet  usage  a  été  salu- 
tairemonl  établi. 

Sanctifiant,  Sanctifiante.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  sanctifier.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Esprit  sanctifiant,  la  grâce  sanctifiante. 

Sang.  Subst.  m.  Devant  une  consonne,  ou  ne 
fait  point  sentir  le  g  ;  devant  une  voyelle,  on  le 
prononce  comme  un  k,  ou  un  g  dur.  Ce  mot  n'a 
point  de  pluriel.  On  dit  toujours  le  sang,  el 
jamais  les  sangs.  Voici  qucliiucs  exemples  de  la 
manière  dont  les  poêles  l'emploient  : 

Un  oracle  cruel 
Y«-l  q'i'ici  Tulrc  tang  coule  sur  un  aiilel. 

(Rac,  IpUig.,  ad.  IV,  IC.  IT,  56) 


SAN 

Vos  mains  n'ont  point  Irempé  dans  le  tang  ïcdocmiI. 
(RlC,  Phèdre,  act.  I,  se.  m,  C8.) 

. . .  .Vers  mon  caur  tout  mon  tang  se  relire. 

[Idem,  act.  II,  ic.  Y,  1.) 

Depuis  ce  jour  de  sang. 

(Volt.,  ilahom.,  ad.  II,  se   l,  5.) 

Dans  le  sens  de  race,  de  famille  : 

J'aime  en  elle  le  «angr  dont  elle  est  descendue. 

(RiC,  Bajaz.,  ad.  I,  se.  i,  1S2.) 

Quel  mortel  ennui. 
Contre  tout  votre  tang  tous  anime  aujourd'liuiî 

(Rac,  Phèd.,  act.  I,  se.  m,  t03.) 

Oui,  vous  êtes  le  sang  d'AsIrée  cl  de  Tliyesle. 

(Rac,  Jphig.,  act.  IV,  se.  iv,  33.) 

J'allais,  en  reprenant  el  mon  nom  et  mon  rang, 
Des  plus  grands  rois  en  moi  reconnaître  le  san^. 

(Idem,  act.  II,  se.  I,  49.) 

Comme  ils  gnl  même  sang  avec  pareil  mérite. 

(Corn.,  Rodog.,  act.  I,  se.  vii,  S".) 

Acoir  même  sang,  dit  Voltaire,  est  un  barba- 
risme. On  dit,  ils  sont  du  même  sang;  ils  Sont 
nés,  formés  du  même  sang.  {Remarques  sur 
Corneille.) 

Nous  ne  sommes  qu'un  sang. 

(CoBN.,  Nicom.,  ad.  III,  se.  vin,  27.) 

Je  crois,  dit  V^ollaire,  que  celle  expression  peut 
s'admettre,  quoiqu'on  ne  dise  pas  deux  sangs. 

Dans  le  sens  des  sentiments  que  la  nature  in- 
spire aux  pères  pour  leurs  enfants  : 

Vous  n'avez  point  du  sang  dédaigné  les  faiblesses. 
(Rac,  Iphig.,  acl.  IV,  se.  iv,  31.) 

.....  De  ce  soupir  que  faul-il  que  j'augure? 
Du  sang  qui  se  révolte  est-ce  quelque  murmure? 

[Idem,  acl.  I,  se.  III,  5.) 

De  sang-froid,  de  sang  rassis.  Voyez  Rassis. 

Sanglant,  Sanglante.  Adj.  Qui  rend  du  sang, 
qui  csl  taché  de  sang,  couvert  de  sanj.  On  le  met 
souvent  avant  son  subst.  ;  Une  riMe  sanglante, 
une  épéc  sanglante,  cette  sanglante  épée. —  Utic 
bataille  sanglante,  une  sanglante  bataille;  un 
affront  sanglant,  un  sanglant  affront  ;  un  ou- 
trage sanglant,  un  sanglant  outrage;  titie  in- 
jure sanglante,  une  sanglante  injure  ;  une  sa- 
tire sanglante,  une  sanglante  satire  ;  une  rail- 
lerie sanglante,  une  sanglante  raillerie. 

Les  dicu.^,  toutes  les  nuits, 
Dès  qu'un  léger  sommeil  suspendait  mes  ennuis. 
Vengeant  de  leurs  autels  le  sanglant  privilég;* 

(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  I,  83.) 

Cet  Aclulle 

Dont  la  sanglante  main  m'enleva  prisonnière. 

[Idem,  act.  11,  se.  I,  78.) 

Féraud  doute  que  ce  mot  se  dise  des  per- 
sonnes, mais  il  ne  donne  point  de  raisons  de  son 
doute  ;  je  ne  vois  pas  pourtiuoi  on  ne  dirait  pas 
d'un  homme  couvert  du  sang  (lui  coule  de  ses 
plaies,  i\\x'il  est  tout  sanglant.  Féraud  |icnsequ'fl 
faut  (lire  en  ce  cas,  tout  ensanglanté,  ou  tout 
couvert  de  sang.  Mais  ensanglaulé,  ou  couvert 
de  sang,  80  dit  d'un  sang  qui  Vicul  de  dehors,  et 


SAN 

sanglant,  ci'un  sang  qui  vient  de  l'objet  même  , 
ou  ifui  a  été  cause  par  l'objet;  une  blessure  est 
sanglante,  une  epée  est  sanglante;  la  terre  est 
eitsangl^ntce. 

Sangsde.  Subst.  f.  On  ue  prononce  point  le  y. 

Sanguin,  S.incline.  Ailj.  qui  ne  se  mctiiu'après 
son  subsl.  :  Tenipévument  sanguin.  —  Bouge 
sanguin,  couleur  sanguine. 

Sangdinaire.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut 
quelquefois  le  mettre  avant  son  subst.  :  Un 
homme  sanguinaire ,  une  nation  sanguinaire, 
une  humeur  sanguinaire,  des  exploits  sangui- 
naires, Ue  sanguinaires  i'.rptoits. 

Sanguinolent,  Sanguinolente.  Adj.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subsl.  :  flegmes  sanguinolents, 
glaires  sanguinolentes. 

Sanitaiue  Adj.  des  deux  gem'es.  Il  se  dit  de 
ce  qui  a  rai)porl  à  la  conservalion  de  la  santé,  et 
ne  ïo  uiet  qu'après  son  subst.  :  Lois  sanitaires. 

Sans.  Préposition.  Le  .s  final  ne  se  prononce 
que  devant  une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré. 
Celle  prèposilion  reçoit  également  après  elle  ni 
ou  et  entre  deux  régimes  :  Sans  crainte  ni  pu- 
deur, sans  force  ni  vertu;  et  dans  ce  cas,  sans 
ne  se  répèle  point.  Ou  bien,  sans  crainte  et  sans 
pudeur,  sans  force  et  sans  vertu;  et  alors  sans 
se  répèle.  La  raison  de  celte  différence,  c'est  que 
sans  est  exclusif  par  lui-même,  et  que  7ii  l'est 
aussi,  ce  qui  fait  (|ue  ce  dernier  peut  sup[)léer 
sans;  au  lieu  que  et,  n'ayant  pas  le  même  carac- 
tère, ne  dit  pas  ce  que\$a««  doit  dire,  ce  (jui 
oblige  à  le  répéter.  —  Mais  n'y  a-t-il  pas  une 
différence  entre  ces  deux  expressions?  Il  me 
semble  (jue  sans  crainte  ni  pudeur  dil  quelque 
chose  de  moins  ([ue  sans  crainte  et  sans  pudeur. 
La  répétition  desrt/is  marque  plus  positivement 
le  défaut  (]ue  ni.  Je  pense  donc  qu'on  ménagerait 
tn  quelque  sorte  une  personne  à  qui  l'on  îerait 
(les  reproches,  en  lui  disant  :  Comment  arez- 
vouspu,  sans  crainte  ni  pudeur,  tenir  de  tels 
propos?  et  qu'on  ue  la  ménagerait  point  du  toui 
en  lui  disant  :  Comment  avez-vous  pu,  sans 
crainte  et  sans  pudeur,  tenir  de  tels  propos? 
^ous  agissez  sans  crainte  ni  pudeur,  voxis  agis- 
sez sans  crainte  et  sans  pudeur.  Le  reproche 
est  moins  fort  dans  la  première  ijhrasii  c^uû  dans 
la  seconde. 

Cette  proposition,  étant  entièrement  exclusive, 
n'a  pas  besoin  de;;a.j  ou  point  pour  la  compléter. 
On  dit  sans  urgent,  et  non  pas  sans  point  d'ar- 
gent. On  a  donc  critiqué  avec  raison  cette  phrase 
de  Montesquieu  :  César  avait  tant  de  grandes 
qualités  sans  pw^  un  défaut  (Grand,  et  décud. 
des  Boinains,  ch.  XI).  Par  la  même  raison, 
sans  ne  doit  pas  être  suivi  de  la  négative  ne, 
même  après  le  verbe  craindre  :  f^ons pouvez  trai- 
ter avec  lui  sans  craindre  quil  vous  trompe,  et 
non  pas  qu'il  ne  vous  trompe. —  On  dit  également 
bien  sans  exciter  de  plaintes,  avec  de  sans  arti- 
cle, et  sans  exciter  des  plaintes  avec  l'arlicle. 
Ces  expressions  diffèreni  en  ce  que  la  dernière 
présente  le  mol  plaintes  dans  un  sens  défini. 

Sans  peut  se  [)lacer  au  commencement  de  la 
phrase,  ou  dans  le  corps  de  la  |)hrase  :  Sans  les 
injustices  des  hommes,  à  quoi  servirait  la  Ju- 
risprudence? Que  ferions-nous  des  arts,  sans 
le  luxe  qui  les  nourrit  ? 

Les  verbes  régis  par  sa7is  régissent  le  subjonc- 
lif,  comme  dans  les  [ihrases  négatives  :  Saîis  nous 
jpcrcevoir  que  nous  logions  ensemble.  —  Sans 
ne  doit  pus  être  trop  éloigne  du  verbe  qu'il  régit. 
Il  peut  tout  au  plus  en  être  séparé  par  un  pronom 
pasuiiivel  et  un  adverbe  :  Il  m'a  2r.irl:  longtemps 


SAP 


641 


sans^^awittii-  me  rien  dire  du  sujet  qui  l'amenait 
oliez  moi.  Bossuet  a  dil  :  Sans  ici  lui  disputer 
l'avantage  ;  sans  aurait  été  plus  rapproché  de  son 
verbe  si  l'uuleur  eut  dit  :  Sans  lui  disputer  ici 
l'avantage. 

Sans  régit  l'iiitiiiilif  des  verbes  (]ui  se  rappor- 
tent au  sujet  (le  la  jibrase  :  Je  l'ai  grondé  sans  être 
ému;  et  il  régit  la  conjoiiclioii  que  avec  le  sub- 
jonctif des  verbes  qui  ne  se  rapiiortent  pas  à  ce 
sujet  :  Je  l'ai  grondé  sans  quil  ait  été  ému. 

Sans  que  ne  doit  être  suivi  de  ne,  ni  dans  les 
propositions  aflirmatives,  ni  dans  les  propositions 
négatives  :  On  ne  pourra  pas  se  moquer  des  pas- 
sages d'Escôbar  et  des  décisions  si  fantasques  et 
si  peu  chrétiennes  de  vos  autres  auteurs,  sans 
qu'on  soit  accusé  de  rire  de  la  religion.  (Pascal, 
XI*-'  lettre  provinciale.)  Hélas!  nous  ne  pouvons 
tmvinment  arrêter  les  geux  sur  la  gloire  de  la 
princesse,  sans  que  la  mort  s'y  mêle  aussitôt 
pour  tout  offusquer  de  son  ombre.  (Boss.,  Oraison 
fuit,  de  madame  lu  duchesse  d'Orléans,  p.  62.) 
— Et  dans  les  propositions  négatives  :  Ne  le  voyez- 
vous  pas  bien,  sans  que  je  vous  le  dise?  (Re- 
gnard.  Le  retour  imprévu,  se.  xx.) 

La  négative  ne  n'est  pas  même  admise  après 
sans  que,  suivi  de  ni,  aucun,  personne,  rien, 
jamais  : 

Je  reçus  et  je  vois  le  jour  que  je  respire, 
Sans  que  mère  ni  père  ait  daigné  me  sourire 

{Rac,  Ii>hig.,  acl.  II,  fc.  I,  31.) 

Le  soin  de  m'élevcr  est  le  seul  cjui  me  ^'uide, 

Sane  que  rien  sur  ce  point  m'arrête  ou  m'intimide. 

(CrÉbillon,  Serxét,  ad.  1,  se.  i,  113.) 

Dans  un  mois,  dans  un  an,  comment  sourfrirons-nous. 
Seigneur,  que  tant  de  mers  me  séparent  de  vous; 
Que  le  jour  recommence  et  que  le  jour  finisse 
Sans  que  jamais  Titus  puisse  voir  Bérouice, 
Sans  qus  de  tout  le  jour  j«  puiss»  voir  Titus? 

(lUc,  Bérén.,  acl.  IV,  se.  T,  75.) 

Les  puissances  établies  par  le  commerce....  s'é- 
lèvent peu  à  peu,  et  sans  que  personne  s'en 
aperçoive.  (Montesquieu,  Grand,  et  décad.  des 
Bomains,  ch.  IV.)  Si,  dansions  cc>  exemples, 
on  supprime  saîis  que,  il  faudra  dire  avec  la 
négative,  ni  père,  ni  mère  n'a  daigné  ;  rien  ne 
m'arrêta,  rien  ne  in  intimide  ;  comment  souff  i 
rons-nous  que  jamais  Titus  ne  puisse,  etc.,  etc 
Ainsi,  c'est  sans  que  qui  exclut  la  négative. 

Sans  se  joint  sans  article  avec  plusieurs  sub- 
stantifs, pour  former  des  expressions  adverbiales  . 
Sans  doute ,  sans  difficulté,  sans  contredit,  sans 
faute,  sans  vanité,  sans  cesse,  etc. 

Comme  il  les  craint  sans  cesse,  ils  le  craignent  loujonri. 
(Rac,  Baj.,  acl.  I,  se.  i,  44. i 

Quoique  Racine,  madame  deSévignéet  quel- 
ques autres  aient  dit  sans  plus,  celte  expression 
a  été  bannie  du  langage  ; 

Et  sons  plus  me  charger  du  soin  de  votre  gloire. 
Je  veux  laisser  de  vous  jusqu'à  votre  mémoire. 

(Uac,  J/ij;ir.,acl.  III,  se.  v,  S7.) 

On  dirait  aujourd'hui,  sans  me  charger  plus 
longtemps  du  siàn  de  votre  gloire. 

Sapide.  Adj.  des  deux  genres. Du  latin  sapidus, 
qui  a  du  goiil,  de  la  saveur.  On  dit  coloré,  odo- 
rant, sonore;  sapide  et  tangible  mancjuent.  Saint- 
Lambert  a  dit  :  il.  Les  yeux  vie  donnent  les  idées 
des  couleurs;  l'oreille,  celles  des  sons  ;  l'odorat, 

41 


642 


SAU 


celles  des  odeurs;  le  goût,  celles  des  saveurs.  Ces 
idées  ne  tiennent  point  les  vnes  aux  avlrrs; 
elles  sont  des  idées  séparées  des  différentes  qua- 
lités des  corps;  c'est  le  sens  du  toucher  qui  les 
révnil  dans  un  seul  sujet  qui  peut  être  a  la  fois 
coloré,  odorant,  sonore  et  s:ii.>!de.  — En  1835, 
l'Académie  admet  sapide  et  tangible. 

Sataniqce.  Adj.  des  deux  genres.  On  i)cut  le 
mettre  avant  son  subst.,en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Esprit  satanique,  méchanceté  sata- 
nique.  Cette  satanique  méchanceté,  cette  satani- 
que engeance.  Voyez  Adjectif. 

Satellite.  Subst.  m.  En  parlant  des  hommes, 
il  se  prend  toujours  en  mauvaise  part  : 

Ses  ardents  satellites. 
Partout  du  Capitale  occupent  les  limites. 

(Volt.,  Mort  de  Ccsar,  act.  II,  se.  ir,  108.) 

Satire.  Subst.  f.  Ce  mot  doit  s'écrire  avec  un 
i,  pour  le  distinguer  de  satyre,  demi-dieu  de  la 
fable,  qui  s'écrit  avec  un  y.  Terme  de  littérature. 
Ouvrage  moral  en  prose  ou  en  vers  dans  le(iuel 
on  attaque  directement  le  vice,  ou  quelque  ridi- 
cule blâmable.  Voyez  Satyre. 

Satirique.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Ouvrage  satirique,  trait  satirique, 
poëte  satirique, poésie  satirique. — Ce  satirique 
auteur,  ces  satirique.i  discours.  Y  oyez  Adjectif. 

S.ATI^.IQL•EME^T.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Ci  la  est  dit  satiriqueme?it. 

Satisfaire.  \.  a.,  n.  et  irrégulicr  delà  4^  conj. 
lise  conjugue  comme /aiVe.  Voyez,  ce  mol.  Sa- 
tisfaire ses  maîtres,  cela  satisfait  l'esprit,  le 
goût. — Satisfaire  à  son  devoir.  —  Se  satisfaire. 

....  De  force  ou  de  gré  je  veux  me  satisfaire. 

(Cork  ,  HéracU,  acl.  I,  se.  ii,  12.) 

Se  satisfaire  n'est  pas  le  mot  propre;  on  ne  dit 
je  veux  vie  satisfaire  que  dans  le  discours  fa- 
milier; je  veux  contenter  mes  goûts,  mes  incli- 
nations, mes  caprices.  Je  veux  vte  satisfaire  de 
gré  est  un  pléonasme,  et  je  veux  !:ie  satisfaire 
de  force  est  un  contre-sens.  On  se  fait  obéir  de 
gre  ou  de  force,  mais  on  ne  se  satisfait  pas  de 
force.  (Voltaire,  Remarques  sur  Corneille.) 

Satisfaisant,  Satisfaisante.  Adj.  verbal  tiré 
du  v.  satisfaire.  11  ne  se  met  qu'après  son  subst.: 
Un  discou)'s  satisfaisant,  des  manières  satis- 
faisantes, des  raisons  satisfaisa^ites. 

Satdré,  Satorée.  Part,  passé  du  v.  saturer  et 
adj.  J  -J.  Rousseau  l'a  employé  heureusement  au 
figuré  :  Je  pars  de  Turin,  la  bourse  légèrement 
garnie,  viais  le  cœur  saturé  de  joie  ,  et  no  scn- 
geant  qu'à  jouir  de  l'ambulante  félicité  à  la- 
quelle je  bornais  désormais  tous  vias  projets. 
[Confessions,  liv.  III,  t.  xiv,  p.  130.) 

Satyre.  Subst.  f.  Terme  d'antiquité.  Ce  nom 
désignait,  chez  les  Grecs,  certains  poëmes  mor- 
dants, espèce  de  pastorales  ainsi  nummées,  parce 
que  les  Satyres  en  étaient  les  principaux  person- 
nages :  ces"  poëmes  n'avaient  i)oinl  de  ressem- 
blance avec  ceux  qwQ  nous  appelons  satires 
d'après  les  Romains.  (Acad.  dS35.) 

Sadf,  Sadve.  Adj.  On  le  joint  ordinairement 
avec  sain  :  //  est  sain  et  sauf.  Il  a  eu  la  vie 
sauve.  H  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Sauf csl  aussi  préposition:5rtî//"ro<re  honneur, 
sauf  votre  respect.  Il  est  familier. 

S.'.LF-i  onddit.  Subst.  m.  Ce  mot  ne  prend  point 
de6- au  ;)luriel.  La  pluralité  tombe  sur  le  mot 
lettre  tpii  est  sous-entendu  :  Des  sauf-conduit 


SAV 

sont  des  lettres  qui  conduisent  sauf.  —  L'Aca- 
démie écrit  des  sauf-conduits. 

Sadgrekd,  Salgremje.  Adj.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst.,  et  ne  se  dit  que  des  choses  : 
Question  saugrenue,  réponse  saugrenue,  rair 
sonnenient  saugrenu. 

Saumatre.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Eau  sauviûtre,  goût  sau- 
matre. 

Sacvage.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Animal  sauvage,  air  sauvage,  ma- 
nières sauvages. — Contrées  sauvages,  ces  saU' 
vages  contrées. 

J'ai  conquis  avec  tous  ce  sauvage  hémisptière. 

(Volt.,  AU.,  act.  I,  se.  i,  25.) 

Selon  l'Académie,  on  dit  figurément  une  façon 
de  parler  sauvage,  un  procédé  sauvage.  — Ces 
expressions,  dont  quelques  gens  affectent  de  se 
servir,  ne  sont  jamais  répétées  par  les  personnes 
qui  se  piquent  de  parler  purement.  Fcraud  aime 
à  les  employer;  mais  un  ne  les  trouve  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Académie  qu'a  l'article  que  nous 
traitons. 

Sauvagerie.  Subst.  f.  Caractère  de  l'homme 
sauvage,  c'est-à-dire  de  celui  qui  ne  peut  souf- 
frir la  société.  Mot  nouveau  ijui  [leut  être  employé 
utilement  :  La  sauvagerie  de  J.-J.  Rousseau 
tenait  à  la  crainte  qu'  il  avait  de  perdre,  arec  les 
hommes,  des  moments  qui  lui  devenaient  plus 
précieux  à  raison  de  son  âge  et  de  ses  études.  La 
sauvagerie  du  méchant,  de  l'homme  personnel, 
est  tout  autre  assurément.  (Mercier.) 

Sauver.  V.  a.  de  la  1"  conj.  :  Sauver  quel- 
qu'un, sauver  quelque  chose,  sauver  son  père  , 
son  frère,  son  ami. 

Tes  yeux  sur  ma  conduite  incessamment  ouverts, 
M'ont  sauve  jusqu'ici  de  mille  ccueils  divers. 

(IIac,  Britan.,  act.  I,  se.  iv,  41.) 

Ma  fille,  il  faut  partir  sans  que  rien  nous  retienne. 
Et  sauver,  en  fuyant,  votre  gloire  et  la  mienne. 

(Rac,  /phJ3.,act.  II,  se.  ir,  1.) 

Qu'î!  sauve  en  s'cloignant  et  ma  gloire  et  sa  vie. 

(Volt.,  OEd.,  act.  III,  se.  i,  60.) 

Daignez  sauver  des  jours  de,  gloire  environnés. 

[Idem,  act.  III,  se.  ii,  55.) 

Sauver  quelque  chose  à  quelqu'un  ;  vous  m'avez 
.lauvé  l'honneur,  je  lui  ai  sauvé  la  vie. 

Savamment.  Adv.  On  le  met  quelquefois  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  lia  traité  savamment 
cette  question,  ou  il  a  savamment  traité  cette 
question. 

Savant,  Savante.  Adj.  Il  précède  souvent  son 
subst.  :  Un  homme  savant,  un  savant  homme; 
une  dissertation  savante,  une  savante  disserta- 
tion. Voyez  Adjectif. 

S.AvoiR.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  3"  conj.  Voici 
comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  sais,  tu  sais,  il  sait; 
nous  savon^,  vous  savez,  ils  savent.  —  Imparfait. 
Je  savais,  tu  savais, il  savait;  nous  savions,  vous 
saviez,  ils  savaient.  —  Passé  simple.  Je  sus,  tu 
sus,  il  sut;  nous  si'imes,  vous  sûtes,  ils  surent. 
—  Futur.  Je  saurai,  tu  saura.s,  il  saura;  nous 
saurons,  vous  saurez,  ils  sauront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  saurais,  tu  sau- 
rais, il  saurait;  nous  saurions,  vous  sauriez,  i^s 
sauraient. 


SAV 

Impératif.  —  Présent.  Sache,  qu'il  sache; 
sachons,  sachez,  qu'ils  sachent. 

Subjonctif.  —  Présent.  Que  je  sache,  que  lu 
saches,  qu'il  sache;  que  nous  sachions,  que  vous 
sachiez,  qu'ils  sachent.  —  Imparfait.  Que  je 
susse,  que  tu  susses,  (ju'il  sût;  que  nous  sus- 
sions, que  vous  sussiez,  qu'ils  sussent. 

Participe.  —  Pnsc/ii.  Sachant.  —  Passé.  Su, 
sue. 

Il  prend  l'auxiliaire  avoir  dans  les  temps  com- 
posés. 

On  dit,  au  conditionnel, /e  ne  saurais,  pour  je 
ne  pms,  mais  on  ne  dit  pas  jo  ne  saurais,  pour 
je  ne  pourrais.  Quand  ou  se  sert  du  verbe  sa- 
voir, au  lieu  du  verbe  pouvoir,  il  faut  ijuc  ce 
soil  toujours  avec  une  négation.  On  ne  pourrait 
pas  dire  je  saurais,  pour  jV  puis. 

Ce  verbe  est  le  seul  de  la  langue  française  dont 
le  subjonctif  n'exige  pas  une  proposition  princi- 
p:ilequi  le  procède.  Mais  alors  il  doit  être  accom- 
pagné d'une  négation  :  Je  ne  sache  rien  de  plus 
précieux  que  la  vertu. 

Les  poètes  mettent  indifféremment  sais-je  pas, 
au  lieu  de  ne  sais-je  pas,  mais  c'est  une  faute  de 
mettre  l'un  et  l'autre  dans  la  même  phrase,  comme 
a  fait  Racine  dans  les  vers  suivants  (Afi^/irirfo/t, 
act.  I,  se.  1, 123)  : 

Sans  vous,  n«  sais-je  pas  qiie  ma  mort  assurée, 
De  Pliarnace  en  ces  lieux  allait  suivre  l'entrée? 
Sais—je  pas  que  mun  sang 

Corneille  a  dit  {Polyeucte,  act.  V,  se.  iv,  25)  : 

Quand  vous  verrez  Pauline,  et  que  son  désespoir 
Par  ses  pleurs  et  ses  cris  saura  vous  émouvoir. 

Voltaire  dit,  au  sujet  de  ces  vers  :  Nous  em- 
ployons souvent  ce  mot  savoir  en  poésie  assez 
mal  à  propos  :  J'ai  su  le  satisfaire,  pour/e  Vai 
satisfait;  j'ai  su  lui  plaire,  au  lieu  de  je  lui  ai 
plu.  Il  ne  faut  employer  ce  mot  que  quand  il 
inarque  quelque  dessein.  [Remarques  sur  Cor- 
neille.) 

On  dit  je  ne  sais  Glje  7ie  sais  pas.  Le  dernier 
nie  plus  fortement  que  le  premier.  —  On  dit 
aussi  jV  ne  sais,  pour  exprimer  que  l'on  éprouve 
quelque  chose  dont  on  ignoi-  la  cause  : 

Je  ne  sait,  mais  l'aspect  de  ce  fatal  tombeau 
Dans  mes  sens  étonnés  porte  un  trouble  nouveau. 
(YoLT.,  Sémir.,  act.  I,  se.  m,  47.) 

La  Grammaire  des  Grammaires  (p.  548)  pré- 
tend que  savoir  ne  régit  pas  les  personnes.  C'est 
une  erreur.  On  dit  tous  les  jours,  je  sais  cet 
homme  par  cœur,  je  le  sais  par  cœur.  On  ne 
saurait  donc  reprocher  ù  Piron  d'avoir  dit  dans  la 
Métromanie  (act.  U,  se.  viii,  2o)  : 

Dn  valet  veut  tout  voir,  voit  tout  et  sait  son  maître. 

Savoir,  devant  un  infinitif,  ne  s'emploie  que 
pour  exprimer  quelque  chose  de  pénible,  de 
difficile  :  J'ai  su  vaincre  et  régner. 

J'ai  «tt,  par  une  longue  et  pénible  industrie. 
Des  plus  mortels  venins  prévenir  l;i  furie. 

(Rac,  ilithr.,  act.  IV,  se.  v,  41.) 

Le  mot  savoir  est  bien  placé  dans  ces  exemples, 
dit  Voltaire;  il  indique  la  peine  qu'on  a  prise. 
Mais  j'ai  su  rencontrer  un  homme  en  chemin 
est  ridioule. 


SCÈ 


645 


Savoih-faire,  Savoir-vivre.  Ces  deux  substan- 
tifs composés  n'ont  point  de  i>luriel. 

Sa.vol'rer.  y.  a.  de  la  1"  conj.  Féraud  prétend 
(lue  ce  mot  ne  s'emploie  au  figuré  que  tout  au 
plus  dans  \c  style  médiocre.  —  Il  s'emploie  dans 
tous  les  styles. 

Déji  d'un  doux  repos  je  satiouraù  les  cliarmet. 

(Dblil.,  Ènéid.,  11,357.) 

Savoureusement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  bu  savoureuse- 
ment cette  liqueur,  ou  il  a  savoureusement  bu 
ci'ite  liqueur.  U  est  peu  iisité. 

Savoureux,  Savoureuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  (J/i  mets  savoureux ,  des  fruits  savoureux, 
une  viande  savoureuse.  Cette  savoureuse  liqueur. 
\oyez  Adjectif. 

ScABr.Eux,  Scabreuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Cheiuin  scabreux,  entreprise 
scabreuse,  une  scabreuse  entreprise,  une  affaire 
scabreuse,  une  scabreuse  affaire.  Voyez  Ad- 
jectif. 

SCA^DALEDX,  SCANDALEUSE.    Adj.  Ou    pCUt    SOU- 

venl  le  mettre  avant  son  subst.  :  Un  hmime 
scandaleux.  —  Une  action  scandaleuse,  celte 
scandaleuse  action;  un  livre  scandaleux  ;  une 
proposition  scandaleuse,  cette  scandaleuse  pro- 
position ;  une  doctrine  scandaleuse,  une  scan- 
daleuse doctrine.  Voyez  Adjectif. 

ScAKDAi.iSEn.V.  a.  de  la  1"  conj.  :  Scandaliser 
quelqu'un.  —  Se  scandaliser  de  quelque  chose. 

ScE.  Tous  les  mois  qui  commencent  ainsi  se 
prononcent  comme  s'il  n'y  avait  point  de  s  initial. 

Sceau.  Subst.  m.  On  prononce  ceau.  Il  fait  r 
pluriel  sceaux.  On  l'emploie  dans  le  style  nobL 
au  propre  et  au  figuré. 

Au  propre  : 

Voici  ce  même  sceau  dont  Ninus  autrefois 
Transmit  aux  nations  l'empreinte  de  ses  lois. 

(Volt.,  Sémir.,  act.  I,  se.  m,  19.) 

Au  figuré, 

Dieu,  déployant  sur  lui  sa  vengeance  sévère. 
Marqua  ce  roi  mourant  du  sceau  de  sa  colère. 

(Volt.,  Ilenr.,  III,  19.) 

Le  mensonge  subtil  qui  conduit  ses  discours, 
De  la  vérité  même  empruntant  le  secours. 
Du  sceau  du  Dieu  vivant  empreint  ses  imposturcj 
(Volt.,  Henr.,  Vf,  23f 

Scélérat, Scélérate.  Adj.  On  prononcecei.  <. 
On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'ai.j- 
logie  et  l'harmonie  le  permettent  :  Une  âme  scé- 
lérate, une  conduite  scélérate,  cette  scélérate 
conduite,  un  projet  scélérat. 

*ScÉLÉP.ATisjiE.  Subst.  m.  Mol  nouveau  em- 
ployé par  Diderot  :  Le  seul  vice  que  je  connaisse 
dans  l'univers  est  l'avarice  ;  tous  les  autres, 
quelque  nom  quon  leur  doune,  ne  sont  que  des 
degrés  de  celui-ci.  C'est  le  Protée  de  tous  les 
vices.  Analises  la  vanité,  l'orgueil,  l'ambition, 
la  fourberie,  la  tartuferie,  le  scélératisme,  tout 
cela  se  résout  en  ce  subtil  élément,  le  désir 
d'avoir;  vous  le  retrouverez  au,  sein  même  du 
désintéressemen  t . 

SciiNE.  Subst.  Ï.YoyciSce.  Division  du  poëma 
dramatique  déterminée  par  l'entrée  ou  la  sortie 
d'un  acteur.  On  divise  une  pièce  en  actes,  et  les 


644 


SCU 


actes  en  scènes.  La  conlexlurc,  ou  la  liaison  cl 
l'enchaineiuent  des  scènes,  est  une  des  régies  «lu 
théâtre.  Elles  doivent  se  succéder  les  unes  aux 
auti  es,  de  manière  que  le  théâtre  ne  reste  jamais 
vide  jusqu'à  la  tin  de  l'acte. 

ScEPTiQCE.  ,\dj.  des  deux  gemes.  On  prononce 
ceptique.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  La 
philosophie  sceptique. 

Sceptre.  Subst.  m.  On  prononce  ccjjtrc.  On  dit 
le  sceptre  des  mers,  le  sceptre  des  arts. 

Le  sceptre  de  le  Ligue  a  passe  dans  ses  maiiis. 

(>'0LT.,  Uenr.,  III,  322.) 

ScHisMATiQDE.  Adj.  dcs  dcux  geurcs.  On  pro- 
ntnce  chistnatùjue.  11  ne  se  mcl  qu'après  son 
subst.  :  Les  peuples  schismatiqucs. 

SciEMME.NT.  Adv.  Oii  i)rononce  cicmment.  On 
peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  : 
//  a  péché  sciemment  contre  cette  règle,  on  il  a 
sciemment  péché  contre  cette  règle. 

SciïMiFiQiE.  Adj.  des  deux  genres  On  pro- 
nonce cientifique.  Il  ne  se  met  guère  qu'après 
Sun  subst.  :  Question  scientifiqxie,  matières  scieii- 
tifiques. 

Scientifiquement.  Adv.  On  prononce  cie.ntift- 
quctnent.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et 
le  participe  :  //  a  traité  cette  question  scientifi- 
quement, ou  il  a  scientifiquement  traité  cette 
question. 

SciiMILLANT,    SCINTII.LAME.     On  prOnOnCC  Cl/(- 

tillant  sans  mouiller  les  /.  Adj.  Mercier  l'a 
appliqué  au  style  :  //  a  dans  son  style  une  ma- 
nière scintillante  qui  nous  révèle  et  la  gaieté 
habituelle  de  son  caractère,  et  la  vivacité  rare 
de  son  esprit. 

SciNTiLLATio.N.  Subst.  f.  Où  prononcc  ciniilla- 
tion,  sans  mouiller  IcsZ. 

SciNTiLLtii.  V.  n.  delal"conj.  On  prononce 
cintiller,  sans  mouiller  les  l. 

ScoL.ASTiQCE.  Adj.  dcs  dcux  genres.  Il  ne  se 
met  guère  qu'après  son  subst.  :  Philosophie  sco- 
laslique,  théologie  scolastique,  terme  scolastique. 

ScoLASTiQLEMEM.  Adv.  On  pcut  Ic  mcttrc  entre 
l'auxiliaire  et  lu  participe:  Il  a  scolasliquement 
embrouillé  cette  question. 

Scorbutique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Maladie  scorbutique, 
affection  scorbutique. 

ScROFCLEcx,  ScROFULEcsE.  Adj.  quï  ne  se  met 
qu'après  son  subsl.  :  Humeur  scrofuleuse,  tu- 
meur scrofuleuse. 

Scrupuleusement.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  examiné 
scrupuleusement  cette  affaire,  ou  il  a  scrupu- 
leusement examiné  celte  affaire. 

Scrupuleux,  Scrupuleuse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie:  Un  liomme  scrupuleux,  une  femme 
scrupuleuse ,  une  conscience  scrupuleuse.  — 
Une  exactitude  scrupuleuse,  une  scrupuleuse 
exactitude  ;  une  recherche  scrupuleuse,  une 
scrupuleuse  recherche. 

Scrutateur.  Subst.  m.  que  l'on  emploie  quel- 
quefois adjectivement  :  L'œil  scrutateur  de  la 
critique.  —  L'Académie  ne  dit  pas  comment  il 
fait  au  féminin.  Domergue  a  dit  l'analyse  scru- 
tatrice, et  je  pense  qu'on  peut  se  servir  de  cette 
expression  dans  les  cas  convenables. 

*ScLLPTABLE.  Adj.  dcs  dcux  gciires.  Voltaire 
s  dit  :  Le  vieux  magot  que  Pigul  veut  sculpter 
a  perdu  tovtes  ses  dtnts,  et  perd  ses  yeux;  il 
nest  point  du  tout  sculptable. 


SEC 

Scclpteh,  Sculpteur,  Sculpture.  On  prononce 
sculler,  sculteur,  sculture. 

Sculpteur.  Subst.  m.  On  dit  une  femme  sculp- 
teur, de  même  qu'on  dit  une  femme  auteur. 
Voyez  Sculpter. 

Se.  Pronom  de  la  troisième  |)crsonne,  des  deux 
nombres  et  des  deux  genres.  11  se  dit  des  person- 
nes et  des  choses. 

Se  sert  aux  verbes  actifs,  tantôt  de  régime 
direct,  tantôt  de  régime  indirect  :  Se  soulager, 
se  venger,  c'est-à-dire  soulager  soi,  venger  soi; 
se  faire  une  loi,  se  prescrire  un  devoir,  c'est— à- 
dirc,  faire  une  loi  à  soi,  prescrire  un  devoir 
à  soi. 

Se  sert  à  la  conjugaison  des  verbes  réfléchis  -. 
//  se  repent,  elle  se  repent,  etc. 

Quand  deux  verbes  sont  a  des  temps  composés, 
se  peut  servir  pour  l'un  et  pour  l'autre,  sans  qu'il 
soit  besoin  de  le  répéter,  s'il  est  régime  direct  ou 
régime  indirect  des  deux  verbes,  comme  dans  il 
s'est  instruit  et  rendu  recommundable  par  ses 
lumières;  mais  on  ne  peut  se  dis[)cnser  de  répéter 
le  pronom,  si  ce  pronom  est  régime  direct  d'un 
verbe,  et  régime  indirect  d'un  autre.  On  ne  dira 
donc  pas,  il  s'est  instruit  et  acquis  beaucoup 
d'estiuic  par  ses  /•nniéres,  mais  bien,  il  s'est  in- 
struit et  s'est  acquis,  etc. 

Lorsqu'il  y  a  dans  la  phrase  deux  verbes, 
dont  l'un  est  régissant  et  l'autre  régi,  le  pronom 
se  doit  se  mettre  avant  le  verbe  régi,  parce  que 
c'est  de  celui-là  seul  qu'il  est  le  régime.  On  dira 
donc,  il  doit  se  justifier,  il  vint  se  justifier, 
et  non  pas  il  se  doit  justifier,  il  se  vint  justifier. 
En  effet,  il  se  doit,  il  se  vint,  a  quelque  chose 
de  dur. 

Autrefois,  on  n'observait  point  celte  règle,  et 
l'on  aimait  à  placer  se  devant  le  premier  verbe. 
Mais  aujourd'hui  toutes  les  personnes  ([ui  se 
piquent  de  bien  parler  et  de  bien  écrire  le  pla- 
cent devant  le  second.  Racine  a  dit  [Bajazet, 
act.  I,  se.  1, 1)  : 

Viens,  suis-moi;  la  sullane  en  ce  lieu  se  dnit  rendre. 

Mais  Racine  suivait  l'usage  de  son  temps;  et  si 
un  poète  employait  aujourd'hui  celte  construc- 
tion, ce  serait  une  licence  qui  ne  pourrait  être 
excusée  que  par  la  difficulté  de  la  rime  ou  de  la 
mesure,  ou  par  le  besoin  d'éviter  des  sons  dés- 
agréables. A'oyez  Soi.  Pronom. 

Séant,  Séante.  Adj  verbal  tiré  du  v.  seoir. 
On  n'est  point  d'accord  sur  l'emploi  du  mot 
séant,  comme  adjectif  ou  comme  participe.  Les 
cours  de  judicature  et  les  sociétés  savantes  aux- 
quelles cette  expression  appartient  principalement, 
emploient  tantôt  l'un,  tantôt  l'autre.  A  cet  égard, 
nous  pensons  comme  M.  Girault- Duvivier 
[Grammaire  des  Grammaires,  p.  715),  que,  si 
l'on  veut  designer  la  cour  ou  la  société  par  le  pays 
qu'elle  habite,  ou  par  le  lieu  habituel  de  ses 
séances,  on  doit  adopter  l'adjectif  verbal,  et  dire, 
la  cour  royale  séante  à  Paris,  la  cour  de  justice 
séante  au  Palais,  la  société  académique  séante 
au  Louvre,  parce  que  c'est  une  manière  d'être, 
un  usage  constant.  Mais  si  l'on  voulait  exprimer 
une  circonstance  particulière,  en  emploierait  le 
participe,  et  1  on  dirait,  la  cour  royale  de  Paris 
séant,  ou  siégeant  à  f^ersailles,  la  cour  royale 
séant  ou  siégeant  en  robes  rouges.  Dans  ce  cas, 
c'est  une  circonstance,  c'est  l'action  de  siéger  en 
tel  lieu,  ou  avec  tel  ou  tel  costume,  que  l'on  veut 
désigner. 

Sec,  Sèche.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant  son 


SÎ'C 

subst.,  lorsque  l'analogie  cl  l'hannonie  le  pcrmet- 
tonl  :  Du  bois  sec,  des  branches  sèches,  un  arbre 
scg,  des  fleurs  sèches,  un  temps  sec,  vti  froid 
ses.  — JJes  fruits  secs,  des  confitures  sèches. 
—  Du  pain  sec.  —  Un  compliment  sec,  vne  ré- 
ponse sèche,  cette  sèche  réponse.  —  Une  énu- 
viérntion  sèche,  une  sèche  inumération  ;  une 
description  sèche,  celte  sèche  description.  — 
Un  style  sec.  —  Un  esprit  sec,  une  âme  sèche. 
\9)e7.  Adjectif. 

Sèchesient.  Ailv.  On  peut  quelquefois  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  répondu 
sèchement  que,  OU  il  a  sèchement  réponduque... 
Il  a  traité  sèchement  ce  sujet,  ou  il  a  sèchement 
traité  ce  sujet. 

Skcher.  \  .  a.  et  n.  de  la  1"  conj.  L'Académie 
ne  dit  figurément  dans  le  sens  actifque  sécher  les 
larmes.  Celte  expression  a  une  signiilcation  plus 
étendue. 

La  maladie  et  l'excès  du  malheur 

De  son  printemps  avaient  sèche  la  (leur. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  act.  Il,  se.  vi,  33.) 

Second,  Seconde.  Adj.  On  prononce  segnnd. 
Ce  mot  s'emploie  pour  exprimer  le  rang  qui  suit 
ordinairement  le  premier.  Lorsque,  dans  une 
comparaison,  on  s'est  servi  d'abord  du  mot  pre- 
mier., on  doil  se  servir  ensuite  du  mot  second. 
Il  ne  faut  pas  dire  le  premier  pleurait  et  l'autre 
riait;'  mais  lo  premier  pleurait  et  le  second 
riait;  ou  bien,  l'un  pleurait,  l'autre  riait.  — 
Cette  opinion  peut  avoir  (jueKpje  fondement; 
cependant  La  Harpe  a  dit  d;iiis  son  Crairs  de  litté- 
rature, en  parlant  de  Corneille  et  de  Racine  :  Le 
^veifàev,  naturellement  porté  au  grand,  a  subor- 
donné l'art  à  .son  génie  ;  /'autre,  plus  souple  et 
plus  flexible,  a  vu  dans  la  terreur  et  la  pitié 
les  ressorts  nilurels  de  la  tragédie.  Beaucoup 
d'autres  auteurs  se  sont  exprimés  de  même  :  de 
sorte  (juc  nous  pencherions  à  croire  que  cette 
tournure  de  phrase  n'est  pas  une  faute  assez  grave 
pour  qu'on  doive  la  relever  (Girault-Duvivicr, 
Grammaire  des  Gramviairex,  p.  'l'256). — Cela  est 
si  vrai  que  l'Académie  elle-même  dit  au  mot  autre, 
iju'il  s'emploie  avec  l'article,  comme  une  sorte  de 
relatif,  el  s'oppose  à  l'uii,  les  uns,  ou  à  quelque 
autre  terme  analogue;  ce  qui  semble  autoriser  la 
tournure  critiquée  (A.  Lcmaire,  Ibidem). 

Il  se  met  ordinairement  avant  son  subst.  :  Le 
second\)o:/r,  lu  sccojtde  année,  le  secondlivre  d'un 
ouvrage,  le  second  chant  d'un  poème. —  Cependant 
dans  la  division  îles  ouvrages  de  littérature,  on  dit 
livre  second,  chapitre  second,  clunit  second,  etc. 

Secondaire.  Adj.  des  deux  genres.  On  pro- 
nonce segonduire.  11  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Motif  secondaire,  preuves  .lecnndaires, 
raisons  secondaires. 

Secondement.  Adv.  On  prononce  scgoiidement. 
11  se  met  au  commencement  de  la  phrase  ou  après 
le  verbe  :  Secondement,  je  pjrouvcrui  que;  je 
prouverai  secondement  que... 

Secodeii.  V.  a.  de  la  If»  conj.  L'Académie  dit 
au  figuré  secouer  le  joug  des  passiojis,  secouer 
les  préjugés  Dclille  a  dit  :  Secouer  les  torches  rfe 
la  guerre  [Enéide,  XII,  319)  : 

Avant  que  la  Discorde,  ensanglantant  la  terre, 
Revianne  secouer  les  torches  de  la  guerre. 

SncosEAnLE.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne  le 
tnet  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  sccourable, 
une  main  sccnurable.  Il  régit  ([uel(juefois  la  pré- 
p(>;!l(on   à  :  Soyez  secouruble  aux  vialhcxireux. 


SED 


Giî 


—  Une  place  qui  n'est  plus  sccourahlc,  (pii  ne 
peut  {)lus  être  secourue. 

Secourir.  V.  a.  et  irregulier  delà  2"  conj.  Il  se 
conjugue  comme  courir.  Voyez  ce  mot. 

Secours.  Subst,  m.  Ce  mot  a  un  sens  tantôt 
actif  :  Mon  secours  vous  est  inutile  ;  tantôt  pas- 
sif :  f^enez  à  mon  secours. 

Secret,  Secrète.  Adj.  On  jjcuI  le  mettre  avant 
son  subst.,  lorscpie  l'analogie  el  l'harmonie  le 
permettent  :  Un  dessein  seerct,  un  secret  des- 
sein ;  une  résolution  secrète,  une  secrète  réso- 
lution ;  une  pensée  secrète,  une  sécrète  pensée  ; 
les  resso7'ts  secrets,  les  secrets  ressorts.  —  Un 
escalier  secret,  une  porte  secrète.  —  Un  homme 
secret.  Voyez  Adjectif. 


Sois  secret. 


A  toi  je  m'abandonne, 
(Volt.,  Indiscr.,  se.  vu,  18.) 


Secrétaire.  Subst.  m.  Ce  mol  se  prenait  autre- 
fois pour  confident,  et  les  poètes  l'employaient 
fréquemment  en  ce  sens.  Corneille  a  dit  dans  le 
Menteur  (acl.  II,  se.  vi,  10)  : 

Tu  seras  do  mon  cœur  l'unique  secrétaire. 
Et  de  tous  mes  secrets  le  grand  dépositaire. 

Aujourd'hui,  il  ne  se  dit  plus,  en  parlant  des  per- 
sonnes, que  de  celui  dont  l'emploi  est  de  faire 
el  d'écrire  des  lettres,  des  dépêches  pour  quel- 
qu'un, ou  de  rédiger  les  actes,  les  délibérations 
de  quelque  assemblée  notable. 

Secrètement.  Adv.  On  le  met  quelquefois  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'était  glissé  se- 
crètement dans  la  chambre,  ou  il  s'était  secrète- 
ment glissé  dans  la  chambre. 

11  y  a  une  assez  grande  tlifl'érence  entre  5cc?'è<e- 
nient  el  en  secret.  Ce  que  vousfailes  secrètement, 
dit  Uoubaud,  vous  le  faites  à  l'Insu  de  tout  le 
monde,  de  manière  que  votre  action  est  absolu- 
menl  ignorée;  ce  que  vous  faites  en  secret,  vous 
le  faites  en  particulier,  eu  sorte  que  la  chose  se 
passe  sans  témoins.  Vous  faites  en  secret  beau- 
1  oup  d'actions  naturelles  et  légitimes  cjue  la 
i)ienséance  ne  permet  pas  de  faire  devant  tout  le 
monde,  mais  vous  ne  les  faites  pas  secrètement, 
car  vous  ne  vous  en  cachez  pas.  Dans  votre  ca- 
binet, vous  Irailez  en  secret  d'une  affaire,  mais 
vous  n'en  \.va\\ci.\)^?,  secrètement,  si  l'affaire  n'est 
pas  un  secret.  V9us  trameriez  secrètement  un 
complot;  vous  faites  en  secret  une  confidence. 
Au  milieu  d'un  cercle,  vous  parlez  à  une  per- 
sonne en  particulier  et  tout  bas,  vous  ne  lui 
parlez  pas  secrètement,  car  on  voit  que  vous  lui 
parlez  ;  vous  lui  parlez  en  secret,  car  on  n'entend 
pas  ce  que  vous  lui  dites. 

Sectati.ur.  Subst.  m.  L'Académie  ne  dit  point 
s'il  a  un  féminin.  Rien  n'empêche,  ce  me  semble, 
de  dire  sectatrice. 

SiicuLAiRE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'ajirés  son  subst.  :  Année  séculaire,  jeux  sé- 
culaires. 

Séculier,  Séculière.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Vie  séculière,  état  séculier. 

Sédentaire.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  sédentaire, 
une  vie  sédentaire,  un  emploi  sédentaire. 

Séditielsement.  Adv.  11  ne  se  met  qu'après 
le  verbe  :  //  a  parlé  séditieuse  ment  au  peuple. 

Séditieux,  Séditieuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  el  l'harmonie 
le  permettent  :  Une  harangue  séditieuse,  cette 
néditieuse    harangue;  un    discours    séditieuXf 


646 


SEI 


ces  sédUieux  discours;  écrits  séditieux,  ces 
séditieux  écrits;  vue  assemblée  séditieuse,  cette 
séditieuse  assemblée.  Voyez  Adjectif. 

SûDCCTF.CR.  Siibsl.  m.  Eli  parlant  d'une  femme, 
on  dit  séductrice.  —  Il  est  aussi  ailj.,  ei  ne  se  met 
guère  (lu'après  son  subst.  :  Discours  séducteur, 
ton  séducteur,  appas  séducteurs.  Conseils  sé- 
iuctevrs,  des  vers  séducteurs,  sti/lf  séducteur. 

Sédcction.  Subst.  f  Foraud  le  (idliiit  comme 
î'Acndcmie,  action  par  laquelle  on  séduit;  et  ce- 
pendant il  dit  que  ce  nom  a  un  sens  passif,  et 
qu'il  se  dit  de  celui  qui  est  séduit,  et  non  pas 
de  celui  «pii  séduit.  —  Il  y  a  ici  contradiction 
et  inexactitude.  Ce  mot  se  prend  aussi  dans  un 
sens  actif.  On  dit  employer  la  séduction;  et  par 
cette  phrase,  la  séduction  des  richesses,  on  ne 
veut  jias  dire  que  ce  sont  les  richesses  qui  sont 
séduites,  mais  les  richesses  qui  séduisent. 

Séduire.  V.  a.  de  la  4^  conj.  On  dit  l'art  de 
séduire,  séduire  l'enfance. 

Nul  ne  sut  mieux  que  lui  le  grand  art  de  séduire. 
(Volt.,  Henr.,  III,  71.) 

Telle  est  des  musulmans  )a  funeste  prudence  ; 
De  leurs  chrétiens  captifs  ils  séduisent  l'cufance. 

(YOLT.,  Zaïre,  acl.  II,  se.  i,  se.  131.) 

Ses  yenx  ne  l'ont-il  pas  séduite? 

Roxane  esl-elle  morte? 

(Ric,  Baj.,  act.  V,  se.  XI,  1.) 

La  Harpe  dit,  à  roccasion  de  ces  vers  :  Séduire 
ne  peut  être  ici  le  synonyme  de  tromper;  il  ne 
l'est  jamais  que  dans  le  sens  moral  :  J'ai  cru  le 
voir,  mes  yeux  7n\int  trompé,  et  non  pas,  mes 
yeux  m'ont  séduit.  Les  yeux  de  cette  femme 
m'ont  fait  croire  qu'elle  m'aimait  ;  ils  m'ont 
trompé,  ils  m'ont  séduit.  Tous  les  deux  sont  bons 
{Cours  de  littérature). 

Aisément  des  mortels  ils  ontse'dui'f  les  yeux. 

(Volt.,  Sémir.,  act.  I,  se.  m,  43.) 

Terme  impropre,  dit  La  Harpe.  La  même  faute 
est  dans  Buj'azet ,  et  ne  devait  pas  être  imi- 
tée. Il  fallait,  ils  ont  trompé  les  yeux.  [Cours  de 
littérature.) 

Atbc  toute  ma  flotte  allons  le  recevoir, 

Et  par  ces  vains  honneurs  séduire  son  pouvoir. 

(Conx.,  Pomp.,  act.  II,  se.  iv,  75.) 

Notre  langue,  dit  Voltaire  à  l'occasion  de  ces 
vers,  ne  permet  guère  qu'on  applique  à  des 
choses  inanimées,  des  verbes  qui  ne  sont  appro- 
priés qu'à  des  choses  animées.  On  séduit  un 
Jwmme,  et,  par  une  métaphore  très-juste,  ou 
séduit  sa  passion;  mais  (]uand  on  séduit  un 
h»mme  puissant,  ce  n'est  pas  son  i)ouvoir  qu'on 
séduit.  [Remarques  sur  Corneille.) 

SÉDDisANT,  Sédcisame.  Adj.  vcrbal  tiré  du  V. 
séduire.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst.,  lors- 
que l'analogie  cl  l'harmonie  le  permettent  :  Dis- 
cours séduisants,  ces  séduisa?its  discours  ;  ca- 
resses séduisantes ,  ces  séduisantes  caresses. 
Voyez  Adjectif. 

*  Ségrégativement.  Adj.  Séparément.  Mot 
inusité  qui  a  été  employé  par  J.-.J.  Rousseau  ; 
Les  roix  pnses  par  masses  et  collectivement 
vont  toujours  moins  directement  à  l'intérêt  com- 
mun, que  prises  ségrégativement /?a>-  individus. 

Seigneur.  Subst.  m.  Nous  ne  nous  servons 
point  des  mots  monsieur,  madame,  dans  les  co- 
médies tirées  du   grec.   L'usage  a  permis  nue 


SEM 

nous  appelions  les  Romains  et  les  Grecs  scù/nenr, 
et  les  Romaines  madame  :  usage  vicieux  en  soi, 
mais  qui  cesse  de  l'être,  parce "(jue  le  temps  l'a 
autorisé.  (Voltaire,  Remarques  sur  la  Bérénice 
de  Racine.) 

Seignedrial,  Seigneuriale.  Adj.  qui  suit  tou- 
jours son  subst.  :  Titre  seigneurial,  droits  sei- 
gneuriaux. 

Sein.  Subst.  m.  L'Acadéini»  n'indique  que 
trùs-imparfaitement  la  signification  de  ce  mot  au 
figuré.  On  dit  au  sein  des  plaisirs,  au  sein  des 
voluptés;  le  sein  de  lapatrie,  au  sein  du  vice,  V 
sein  de  la  vertu,  eic. 

Du  sein  de  ma  patrie  il  fallut  m'exiler, 

(YoLT.,  OEd.,  act.  lY,  se.  I,  148  > 

Les  courtisans  en  foule,  attachés  à  son  sort, 
Du  sein  des  voluptés  s'avançaient  à  la  mort. 

(YOLT.,  Ilenr.,  III,  177.) 

SiîizE.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  Il  se  met 
avant  son  subsl.  :  Seize  homnirs,  seize  ans,  seize 
onces.  —  On  dit,  dans  la  division  des  ouvrages  de 
littérature,  chapitre  seize.  Alors  seize  est  pris 
pour  seizième. 

Seizième.  Adj.  lise  nicl  avant  son  subst.  Le 
seizième  jour,  la  seizième  année,  le  seizième 
chapitre.  On  dit  aussi  le  chapitre  seizième. 

Semaine.  Subst.  f.  11  s'entend  de  la  division  du 
temps,  de  sept  jours  en  sept  jours,  à  commencer 
par  le  dimanche  jusqu'au  samedi  inclusivement. 

Semblable.  Adj.  des  deux  genres.  ïl  ne  se  met 
qu'après  son  subst.,  et  au  singulier,  il  régit  ordi- 
nairement la  préposiliou  à,  qui  est  quelquefois 
exprimée  ,  quelquefois  sous  -  entendue  :  Cette 
étoffe  est  semblable  éi  la  vôtre.  Ces  deux  choses 
sont  semblables  ;  on  sous-entend  tune  à  Vautre. 
—  On  n'a  jamais  nen  vu  de  semblable,  on  SOUS- 
cntend  à  ce  que  nous  voyons. 

Semblant.  Subst.  m.  Faire  semblant  régit  de 
devant  les  noms  et  les  verbes  :  Ne  fa  ire  sem- 
blant ^Q  rien,  sans  faire  semblant  de  rien. —  II 
en  fait  le  semblant. — //  fait  semblant  d'être  fît— 
cAe'.— Quand  faire  semblant  régit  un  vei-be, 
semblant  se  met  sans  article  :  Il  fait  semblant 
de  le  quereller,  8l  non  pas  il  fuit  le  semblant  de 
le  quereller. 

Sembler.  V.  n.  de  la  1"  conj.  Ce  verbe  ne 
s'emploie  guère  à  l'infinitif.  Il  s'emploie  surtout 
impersonnellement  :  lime  semble  que,  il  me  sem- 
blait que.—l\  régit  l'indicatif  quand  il  est  suivi 
d'un  régime  indirect  :  //  semble  «  mon  frère  que 
vous  vous  moquez  de  lui.  Quand  il  est  sans  ré- 
gime, on  met  ordinaircsncnt  le  verbe  de  la  phrase 
subordonnée  an  subjonctif  :  //  semble  quil 
prenne  à  tâche  de  vie  désoler.  Dansée  cas,  cepen- 
dant, on  peut  ineltre  aussi  l'indicatif;  mais  il  y 
a  quelque  dilTéi'cnce  entre  ces  deux  expressions. 
Je  dirai,  il  semble  qu'il  prenne  à  tâche  de  me  dé' 
soler,  si  je  veux  faiic entendre  seulement  l'habi- 
tude qu'il  a  de  faire  tout  ce  qui  peut  me  désoler. 
Mais  si,  outre  celle  hal)itude,  je  veux  fixer  l'at- 
tention sur  ce  qu'il  fail  acluellenient  pour  me  dé- 
soler, je  dirai  :  il  semble  qu'il  prend  à  tâche  de 
me  désoler. — Si  (iuel(]u'un  s'étonne  actuellement 
à  la  vue  d'un  objet  nouveau,  je  lui  dirai,  tV  semble 
que  vous  n'avez  rien  fw/mais  si  quelqu'un,  dans 
le  discours,  s'élonne  des  choses  dont  on  parle,  je 
lui  dirai,  il  semble  que  vous  n'ayez  rien  vu. — 
Dans  les  interrogations,  sembler  régit  la  préposi- 
tion de.  Que  vous  semble  de  cette  affaire?  Qun 
vous   semhle-t-il  de   ce    tableau?  Que  vous  en 


SEN 

semhlef  —  On  dit  il  nous  sembla  Otm  cCe  vous 
avertir,  c'esl-à-dirc  nous  liuuvdns  l)on ,  nous 
trouvons  à  propos  de  vous  avcrlii-;  et  en  lelran- 
'■hant  il,  si  bon  lui  semble,  comme  bon  lui  sem- 
Itlera.  Alors  bon  se  met  avant  le  verbe. 

Sesier.  V.  a.  de  la  1"  coiij.  Les  poêles  em- 
ploient souvent  ce  mot  au  figuré  : 

Je  leur  semât  de  llcurs  le  bord  des  précipices. 

^Rac,  Ath.,  acl.  Ill,  se.  111,  77.) 

....  Vos  refus  pourraient  me  confirmer 

Un  bruit  sourd  que  déjà  l'on  commence  .\  temer. 

[Idem,  act.  III,  se.  iv,  54.) 

Sémiramis,  à  ses  douleurs  livrée. 

Sente  ici  les  chagrins  dont  elle  est  dévorée. 

(Volt.,  Sêmir.,  acl.  I,  se.  I,  (7.) 

....  Toi  de  qui  la  main  sème  ici  les  forfaits. 

(Volt.,  Mahon.,  act.  II,  se.  v,  7.) 

Ses  mains,  autour  du  trône,  avec  confusion 
Semaient  la  jalousie  et  la  division. 

(Volt.,  Ihnr.,  II,  55.) 

Sémillant,  Sémillante.  Adj.  11  est  familier,  et 
ne  se  met  qu'après  son  subsl. 

Sempiteknelle.  Adj.  f.  On  prononce  sairt.  11  se 
dit  d'une  ierame  irès-vieillc,  et  se  prend  aussi 
substanlivement.  11  iiese  met  qu'après  son  subsl.: 
Une  vieille  sempiternelle. 

De  cet  antre  où  je  rois  venir 
D'impotentes  sempiternelles,  etc. 

(Volt.,  Épttre  XXVI,  14.) 

Sénatorial,  Sénatoriale.  Adj.  Il  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subst.  :  Dignité  sénatoriale, 
gravité  sénatoriale,  ornements  sénatoriaux. 

Sens.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire.  Ce  mot 
est  souvent  synonyme  de  signification  et  à  accep- 
tion ;  et  quand  on  n'a  qu'a  indiquer  d'une  ma- 
nière vague  et  indéfinie  la  représentation  dont  les 
mots  sont  chargés,  on  peut  se  servir  indifl'crem- 
mcnl  de  l'un  ou  de  l'autie  de  ces  trois  termes. 
Mais  il  y  a  bien  des  circonstances  où  le  choix 
n'en  est  pas  indifférent,  parce  qu'ils  sont  distin- 
gués l'un  de  l'autre  par  des  idées  accessoires 
qu'il  ne  faut  pas  confondre.  La  signification  est 
Vidée  totale  dont  un  mot  est  le  signe  primitif  par 
la  décision  unanime  de  l'usage;  l'acception  est 
un  aspect  particulier  sous  lequel  la  signification 
primitive  est  envisagée  dans  une  jihrase  ;  le  sens 
est  une  autre  signification  différente  de  la  primi- 
tive, qui  est  entée  pour  ainsi  dire  sur  cette  pre- 
mière, qui  lui  est  analogue  ou  accessoire,  et  qui 
est  moins  indiquée  par  le  mot  môme  que  par  sa 
combinaison  avec  les  autres  mots  qui  constituent 
la  phrase  ;  c'est  pounjuoi  l'on  dit  également  ie 
sens  d'un  moi  et  le  sens  d'une  j^hrasc  ;  au  lieu 
qu'on  ne  dit  pas  de  même  la  signification  ou 
Vacception  d'une  jjhrasc.  \ oyez  Acception. 

Nous  allons  parler  des  différentes  espèces  de 
sens  dans  lesquels  on  prend  les  mots  et  les 
phrases. 

Le  sens  propre  d'un  mot  est  sa  signification 
primitive  sans  aucune  altération,  comme  quand 
on  dit  le  feu  brûle,  la  lumière  nous  éclaire. 
Les  mots  brûle,  éclaire,  sont  employés  dans  la 
signification  primitive  qui  leur  appartient;  c'est 
pourquoi  ils  sont  dans  le  sens  propre. 

Sens  figuré.  — Quand  un  mot  est  pris  dans  un 
autre  sens  que  le  sens  propre,  il  parait  alors,  pour 
ainsi  dire,  sous  une  forme  empruntée,  sous  une 


SEN 


Ul 


figure  qui  n'est  pas  s;i  figure  naturelle,  c'est-à- 
dire  celle  qu"il  a  eue  d'abord;  alors  «n  dit  que  le 
mot  est  dans  un  sens  figuré,  quel  cpie  puisse  être 
le  nom  que  l'on  donne  ensuite  à  celte  figure  par- 
liculiére.  Par  exemple,  le  feu  de  vos  yeux,  /efeu 
de  l'imagination,  la  lumière  de  l'esprit,  la  clarté 
d'un  discours.  La  liaison  qu'il  y  a  entre  les  idées 
accessoires,  c'est-à-dire  entre  les  idées  qui  ont 
rapport  les  unes  aux  autres,  est  la  source  do 
divers  sens  figurés  ([ue  l'on  donne  aux  mots.  Les 
objets (]ui  font  sur  nous  des  impressions  sont  tou- 
jours accompagnés  de  différentes  circonstances 
qui  nous  frappent,  et  par  lesquelles  nous  dési- 
gnons souvent,  ou  les  objets  mêmes  qu'cllos  n'ont 
fait  qu'accompagner,  ou  ceux  dont  elles  nous 
rappellent  le  souvenir.  Souvent  les  idées  acces- 
soires, désignant  les  objets  avec  [dus  de  circon- 
stances que  ne  feraient  les  noms  propres  de  ces 
objets,  les  peignent  ou  avec  plus  d'énergie  ou  ave.' 
plus  d'agrément.  De  là  le  signe  pour  la  chose 
signifiée,  la  cause  pour  l'effet,  la  partie  pour  le 
tout,  ranlécédent  pour  le  conséquent,  et  les  au- 
tres tropes.  Voyez  Tropes.  Comme  l'une  de 
ces  idées  ne  saurait  être  réveillée  sans  exciter 
l'autre,  il  arrive  que  fexpression  figurée  est  aussi 
facilement  entendue  que  si  l'on  se  servait  du  mot 
propre;  elle  est  même  ordinairement  plus  vive  et 
plus  agréable  quand  elle  est  employée  à  propos, 
[larce  qu'elle  réveille  plus  d'une  image. 

Il  n'y  a  presque  point  de  mot  qui  ne  se  prenne 
en  quelque  sens  figuré,  c'est-à-dire  éloigné  de  sa 
signification  propre  et  primitive.  Les  mots  les  plus 
communs,  et  qui  reviennent  le  plus  souvent  dans 
le  discours,  sont  ceux  qui  sont  pris  le  plus  fré- 
quemment dansun  sens  figuré,  et  qui  ont  un  plus 
grand  nombre  de  ces  sortes  de  sens.  Tels  sont 
corps,  àme,  tète,  couleur,  avoir,  faire,  etc. 

Sens  déterminé,  sens  indéterminé.  — Quoique 
chaque  mot  ait  nécessairement  dans  le  discours 
une  signification  fi.xe  et  une  acception  déterminée, 
il  peut  néanmoins  avoir  un  sens  indéterminé,  en 
ce  qu'il  peut  encore  laisser  dans  l'esprit  (juclque 
incertitude  sur  la  détermination  précise  et  indi- 
viduelle des  sujets  dont  on  parle,  des  objets  que 
l'on  désigne.  Que  l'on  dise,  par  exemple,  des 
hommes  ont  cru  que  les  animaux  sont  de  pures 
machines;  un  homme  d'une  naissance  incer- 
taine jeta  les  premiers  fondements  de  la  capi- 
tale du  monde.  Le  nom  homme,  qui  a,  dans  ces 
deux  exemples,  une  signification  fixe,  qui  est 
pris  sous  une  acception  formelle  et  déterminative., 
y  conserve  encore  un  sens  indéterminé,  parce 
que  la  détermination  individuelle  des  sujets  qu'il 
y  désigne  n'y  est  pas  assez  complète;  il  [icut  y 
avoir  encore  de  riuceriitude  sur  cette  détermina- 
lion  totale,  pour  ceux  du  moins  qui  ignoreraient 
l'histoire  du  cartésianisme  et  celle  de  Fiome. 
^lais  si  l'on  dit,  les  cartésiens  ont  cru  que  les  ani- 
iiiaua;  sont  dépures  machines,  Vxomulus jeta  les 
premiei  s  fondements  de  la  capitale  du  monde, 
ces  deux  propositions  ne  laissent  plus  aucune  in- 
certitude sur  la  détermination  individuelle  des 
hommes  dont  il  est  iiueslion;  le  sens  en  est  totn- 
lement  déterminé. 

Sens  passif,  sens  actif.  Voyez  Actif. 

Sens  absolu,  sens  relatif.  Voyez  Belatif  et 
Absolu. 

Sens  collectif,  sens  distributif.  — Ceci  ne  peut 
regarder  <iue  les  mots  pris  dans  une  acception 
universelle.  Or,  il  faut  distinguer  deux  sortes 
d'universalités,  l'une  métaphysique  et  l'autre 
morale.  L'universalité  est  métaphysique  qu««d 
elle  est  sans  exception,  comme  tout  homme  est 


648 


SEN 


mortel.  T.'nnivcrsalilé  est  mtrale  quand  elle  est 
su6«cplililc  lie  quciiiucs  exceptions,  comme  tout 
wiei/lard  hue  le  temps  passe.  C'est  donc  à  l'i;- 
gard  des  mots  pris  clans  une  acception  univer- 
selle qu'il  y  a  sens  collectif  ou  sens  disiribulif. 
Ils  sont  dans  un  sens  collectif  (]uand  ils  cnoncent 
la  totalité  des  individus  simplement  comme  tota- 
lité; ils  sont  dans  un  sens  distribulif  (juand  on  y 
envisage  chacun  dos  individus  scpan'incnt.  Far 
exemple,  quand  on  dit  en  France  (|uc  les  orcrjues 
jugent  infiiilUlilerne lit  en  matière  de  foi,  le  nom 
érégue  est  pris,  dans  celte  phrase,  seulement  dans 
le  sens  colleciif,  parce  que  la  proposition  n'est  re- 
gardée comme  vraie  que  du  corps  cpiscopal,  et 
non  pas  de  chaque  cvcciue  en  particulier,  ce  «pii 
est  le  sens  dislributif.  Lorsque  l'universalité  est 
morale,  il  n'y  a  de  même  que  le  sens  collectif  (pii 
puisse  être  regardé  comme]vrai,  le  sens  distribulif 
y  est  nécessairement  faux,  à  cause  des  exceptions. 
Ainsi,  dans  celle  proposition,  tout  vieillard  loue 
le  temps  passé,  il  n'y  a  de  vrai  que  le  sens  collec- 
tif, pane  que  cela  est  généralement  vrai.  Le  sens 
distribulif  en  est  faux,  parce  qu'il  se  trouve  des 
vieillards  équitables  qui-  ne  louent  que  ce  qui 
mérite  d'être  loué.  Lorsque  l'universalité  est 
tiélaphysique,  et  qu'elle  n'indique  pas  indivi- 
duellement la  totalité,  il  y  a  véri'.é  dans  le  sens 
collectif  et  dans  le  sens  dislributif,  parce  que 
l'énoncé  esl  vrai  de  tout  et  de  chacun  des  indi- 
vidus, comme  tout  homme  est  viortel. 

Sens  composé,  sens  divisé.  — Quand  l'Évangile 
dit  les  aveugles  voient,  les  boiteux  viarchent; 
ces  termes,  les  aveugles,  les  boiteux,  se  i)rennent, 
en  celte  occasion,  dans  le  sens  divisé,  c'est-à- 
dire  que  ce  mot  aveugles  se  dit  là  de  ceux  qui 
t'taient  aveugles  et  qui  ne  le  sont  plus  ;  ils  sont 
divisés  pour  ainsi  dire  de  leur  aveuglement  :  car 
les  aveugles,  en  tant  qu'aveugles  (ce  qui  serait  le 
sens  composé),  ne  voient  pas.  —  Quand  saint 
Paul  a  dit  :  Les  i'dolâires  i^ entreront  point  dans 
le  royaume  des  deux,  il  a  parlé  des  idolâtres 
dans  le  sens  composé,  c'est-à-dire  de  ceux  qui 
demeureront  dans  l'idolàlrie.  Les  idolâtres,  en 
tant  qu'idolâtres ,  n'entreront  point  dans  le 
royaume  des  cieux;  c'est  le  sens  composé;  mais 
les  idolâtres  qui  auront  quitté  l'idolâtrie,  et  qui 
auront  fait  pénitence,  entreront  dans  le  royaume 
des  cieux;  c'est  le  sens  divisé.  —  Dans  le  sens 
composé,  un  mol  conserve  sa  signilicaiion  à  tous 
égards,  et  cette  signification  entre  dans  la  com- 
position du  sens  de  toute  la  phrase;  au  lieu  que 
dans  le  sens  divisé,  ce  n'est  (pfen  un  certain  sens 
et  avec  restriction  qu'un  mot  conserve  son  an- 
cienne signification. 

Sens  littéral,  sens  spirituel.  —  Le  sens  litté- 
ral est  celui  que  les  mois  excitent  d'abord  dans 
l'esprit  de  ceux  (jui  entendent  une  langue;  c'est 
lésons  (]ui  se  prôsonle  naiurellement  à  l'esprit. 
Entendre  une  expression  littéralement,  c'est  la 
prendre  au  pied  de  la  lettre.  Le  sens  spirituel  esl 
celui  que  le  sens  littéral  renferme  ;  il  esl  enté 
pour  ainsi  dire  sur  le  sens  liilcral  ;  c'est  celui 
<iue  les  choses  signifiées  par  le  sens  littéral  font 
naître  dans  l'esprit.  Ainsi,  dans  les  paraboles,  dans 
les  fables,  dans  les  allégories,  il  y  a  d'abord  un 
sons  littéral.  On  dit,  par  exemple,  qu'un  loup  et 
un  agneau  vinrent  boire  à  un  même  ruisseau  ; 
(jucle  loup  ayant  cherché  querelle  à  l'agnoau,  le 
déviira.  Si  vous  vous  attacher  simi>lemcnt  a  In 
lettre,  vous  ne  verrez  dans  ces  paroles  qu'une 
simjjle  aventure  arrivée  à  deux  animaux.  Mais 
cette  narralion  a  un  autre  objet;  on  a  dessein  de 
vous  faiie  voir  que  les  faibles  sont  quelquefois 


SEN 

opprimés  par  ceux  qui  sont  plus  puissnnts,  st 
voilà  le  sens  spirituel,  (]\ii  est  toujours  fondé  sur  le 
sens  1-i  Itérai. 

Se?is  louche,  sens  équivoque.  —  Le  sens  louche 
nail  plutôt  île  la  proposition  particulière  des  mots 
qui  entrent  dans  une  phrase,  que  de  ce  i]ue  les 
termes  en  sont  équivoques  en  soi.  Ainsi,  ce  serait 
plutôt  la  [)hrase  qui  devrait  être  ap|telée/nMcAc, 
si  l'on  v.iulail  s'en  tenir  au  sens  littéral  de  la  mc- 
laphiirc;  car,  dit  Dumarsais,  comme  les  personnes 
louches  paraissent  regarder  d'un  côté  pendant 
qu'elles  regardent  d'un  autre,  de  même,  dans  les 
constructions  louches,  les  mots  semblent  avoir 
un  certain  rapport  pendant  (]u'ilsen  ont  un  autre. 
Par  conséquent,  c'est  la  phrase  même  qui  a  le 
vice  d'être  louche  ;  et  connue  les  objets  vus  par 
les  personnes  louches  ne  sont  point  louches  poui 
cela,  mais  seulement  incertains  à  l'égard  des  au- 
tres, de  même  le  sens  louche  ne  peut  être  regardé 
proprement  comme  louche  ;  il  n'est  qu'incertain 
|)our  ceux  qui  entendent  ou  qui  lisent  la  phrase. 
Si  donc  on  donne  le  nom  de  sens  louche  à  celui 
qui  résulte  d'une  disposition  louche  de  la  phrase, 
c'est  par  métonymie  que  l'on  transporte  à  la 
chose  signifiée  le  nom  métaphorique  donné  d'a- 
bord au  signe.  Germanicus  a  égalé  sa  vertu,  et 
son  bonheur  »»'ayamai.ç  eu  de  pareil.  On  appelle 
cela  une  construction  louche,  parce  que  son 
bonheur,  qui  parait  d'abord  avoir  rapport  à  égalé, 
a  réellement  rapport  à  n'a  jamais  eu  de  pareil. 
Le  sens  louche  nait  donc  de  l'incertitude  de  la 
relation  grammaticale  de  quelqu'un  des  mots  qui 
composent  la  phrase. 

Le  sens  équivoque  parait  venir  surtout  de  l'in- 
détermination essentielle  à  certains  mots,  lors- 
qu'ils sont  employés  de  manière  que  l'application 
actuelle  n'en  est  pas  fixée  avec  assez  de  précision. 
Tels  sont  les  adjectifs  conjonctifs  qui  et  que,  et 
l'adverbe  conjonetif  donc  ;  parce  que,  n'ayant  par 
eux-mêmes  ni  nombre  ,  ni  genre  déterminé,  la 
relation  en  devient  nécessairement  douteuse,  pour 
peu  qu'ils  ne  tiennent  plus  immédiatement  à  leur 
antécédent.  Tels  sont  nos  pronoms  de  la  troisième 
personne,  il,  lui,  elle,  le,  la,  les,  ils,  eux,  elles, 
leur;  parc«  que  tous  les  objets  dont  ou  parle 
étant  de  la  troisième  personne,  il  doit  y  avoir  in- 
certitude siu-  la  relation  de  ces  mots,  dés  qu'il  y 
a  dans  le  même  discours  plusieurs  noms  du  même 
genre  et  du  même  nombre,  si  l'on  n'a  soin  de 
rendre  celte  relation  bien  sensible  par  quelques- 
uns  de  ces  moyens  qui  ne  manquent  guère  à  ceux 
qui  savent  écrire.  Tels  sont  enfin  les  prépositifs 
possessifs  de  la  troisième  personne,  .ion,  sa  ses, 
leur,  leurs  ;  Cl  les  purs  adjectifs  possessifs  de  la 
même  personne,  sien,  sienne,  siens,  siennes, 
parce  que  la  troisième  personne  déterminée  à  la- 
quelle ils  doivent  se  rapporter,  peut  être  incer* 
laine  a  leur  égard  comme  à  l'égard  des  pronoms 
personnels,  et  pour  la  même  raison.  \o^gz  Absolu, 
Equivoque,  Collectif,  Dislributif.  (Dumarsais  et 
Beauzée.) 

.Sens  dessus  dessous.  Façon  de  parler  adverbiale 
et  du  style  familier,  (jui  signifie  qu'une  choseest 
tellement  bouleverséequ'on  ne  reconnaît  plus  ni  le 
dessus  ni  le  dessous.  Vaugelas  (31°  remarque) 
veut  que  l'on  écrive  sans  dessus  dessous,  avec  un 
a  au  mol  sans;  mais  maintenant  l'Académie  cl  les 
meilleurs  auteurs  écrivent  sens  dessus  dessous. 

S^■.^Sl:E,  vSf.nskk.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Unhomme  sensé,  une  personne 
sensée.  Un  discours  sensé,  une  réponse  sensée, 
U7ie  action  sensée. 

Sensémewt.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 


SEN 

liaire  et  le  participe  :  Il  a  répondu  sensément,  ou 
il  a  sensément  répondu. 

Sensiblk.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  nvant  son  suhst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Un  froid  sensible.  —  Un  déplaisir 
sensible,  un  sensible  plaisir.  11  régit  quehiuefois 
la  préposition  «  .-  Sensible  aux  ?naux  d'autrui, 
sensible  à  l'amitié,  i\  l'amour. 

Penses-tu  que,  sensible  à  l'iionneur  de  Thésée, 
Il  lui  cache  l'ardeur  dont  je  suis  embrasée? 

(Hac,  Phéd.,  ad.  m,  se.  m,  21.) 

Sensiblement,  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  se  voit  sensible- 
ment. Nous  avons  sensiblement  remarqué  son 
trouble.  —  Il  a  été  sensiblement  touché  de  cette 
perte. 

Sensiblerie.  Subst.  f.  Fausse  sensihililé.  Ce 
mot  nouveau  a  été  adopté  par  l'usage  :  Les  êtres 
privés  de  la  vraie  sensibilité,  dit  Mercier,  abon- 
dent en  sensiblerie. 

Sensuel,  Sensuelle.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Un  Jwmme  sensuel,  une  femme  sen- 
suelle.—  Une  vie  sensuelle. 

Sensuellf.ment.  Adv.  On  ne  le  met  guère  qu'a- 
près le  verbe  :  Il  a  toujours  vécu  sensuellement. 

Sentencieusement,  Adv.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  le  verbe  :  //  a  parlé  sentencieusement. 

Sentencieux,  Sentencieuse.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
1  analogie  :  Un  discours  sentencieux,  un  mot 
sentencieux,  une  réponse  sentencieuse  ;  cette 
sentencieuse  réponse.  Un  homme  sentencieux. 
Voyez  Adjectif. 

Senti.  Subst.  m.  Expression  nouvelle  employée 
par  Voltaire  ;  Je  prie  M.  ***  de  conserver  sa 
bienveillance  pour  celui  qui  n'est  ni  Pierre  (Cor- 
neille), ni  Jea  I  (Racine),  gui  n' aime  point  du  tout 
le  raisonné  de  Pierre,  et  qui  ?i  approche  point  du 
senti  de  Jeun. 

Sentier.  Subst.  m.  On  l'emploie  souvent  au 
ligure  dans  le  style  noble  :  Le  sentier  ou  les 
sentiers  de  la  vertu,  le  sentier  ou  les  sentiers  de 
la  gloire. 

Et  toujours  de  la  gloire  évitant  le  sentier. 
Ne  laisser  aucun  nom,  et  mourir  tout  entier. 

(Rac,  Jphig.,  act.  I,  se.  II,  9o.) 

Sentimental,  Sentimentale.  Adj.  Mot  nouveau 
qui  a  rapport  au  sentiment.  Il  se  prend  ordinai- 
rement en  mauvaise  part,  pour  exprimer  la  fa- 
deur du  seriliuient  :  Des  expressions  sentimen- 
tales, une  tirade  sentimentale.  On  ne  dit  point 
sentimentaux.  On  peut  le  mettre  avant  son  subst., 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie.  Ces  senti- 
mentales expressions  qui  reviennent  à  chaque 
instant  dans  ce  discours,  le  rendent  bien  froid. 
Voyez  Adjectif. 

Sentinelle.  Subst.  f.  Quelques  poètes  l'ont  fait 
masculin.  On  trouve  dans  Voltaire  (V*  Disc,  sur 
l'Houune,  43)  : 

Ce  sentiment  si  prompt,  dans  nos  cœurs  répandu, 
Parmi  tous  nos  dangers  sentinelle  assidu  ; 

et  dans  Delille  {Paradis  perdu,  II,  4SI)  : 

Ces  postes  menaçants,  ces  nombreux  sentinellel 
Qui  veillent  nuit  et  jour  aux  portes  éternelles. 

C'est  probablement  le  besoin  d'une  rime  chez 
Voltaire,  et  l'embarras  de  la  mesure  chez  Delille, 
qui  ont  produit  celte  licence. 


SEP 


G49 


Sentir.  V.  a.  et  n.  de  la  2'  conj.  Veyez  sa  con- 
jugaison au  inot  Irrégulier.  Ce  verbe  régit  quel- 
quefois rinfinilif  sans  préposition  :  Je'  sentais 
renaître  mon  courage.  (Fénel.,  Télém.,  liv.  11, 
t.  I,  p.  9'i.)  Il  régit  que,  lorsqu'il  est  suivi  d'un 
verbe  qui  ne  se  rapiiorie  pas  à  sou  propre  sujet  : 
Je  sentais  qu'il  vie  trompait. — On  sent  du  plai- 
sir, de  l'orgueil  à  faire  quelque  chose.  On  sent 
vn  secret  orgueil  à  honorer  ceux  qu'on  a  vaincus. 
(Thomas). 

Voltaire  a  dit  élausMahomet  (act.  IV, se.  m,  43): 

Je  ne  me  sens  point  fait  pour  être  un  assassin. 

Seoir.  V.  n.,  irrégulier  et  défectueux  de  la  3' 
conj.  Dans  le  sens  d'être  convenable,  il  n'a  que 
les  temps  siinples,  et  aux  troisièmes  personnes  :  Il 
sied,  ils  siéent; il  seyait,  i/s  seyaient;  il  .liéra, 
ils  siéront;  il  siérait,  ils  siéraient;  qu'il  siée, 
qu'ils  siéent.  Parlicipe  présent,  seyant.  L'inlini- 
lif  seoir  n'est  point  usité.  Il  s'emploie  imperson- 
nellement. Il  vous  sied  bien  de  prendre  ce  ton-là. 

Il  vous  sied  bien  d'avoir  l'impertinence 
De  refuser  un  mari  de  ma  main. 

(Volt.,  Nan.,  act.  I,  se.  v,  57.) 

Seoir,  dans  le  sens  de  prendre  séance,  n'est  plus 
d'usage  qu'au  parlicipe  présent  séant,  et  au  par- 
ticipe passé,  sis,  sise.  Voyn  Séant  cl  Sis. 

Skpabable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  est  peu 
usité,  et  ne  se  met  qu'après  le  substantif  qu'il 
modifie  .'  Ces  deux  choses  sont  séparables. 

Skparément.  Adv.  On  peut  quel(]uefois  le 
mettre  entre  l'auxiliaire  elle  parlicipe:  lia  traité 
ces  deux  questions  séparément,  ou  il  a  séparé- 
ment traité  ces  deux  questions  On  les  inter- 
roge séparément. 

Sept.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  On  ne 
prononce  point  le  p.  On  prononce  le  t  quand  sept 
est  seul  :  Il  y  en  a  sept  ;  ou  bien  quand  il  est  suivi 
immédiatement  d'un  mot  qui  commence  par  une 
voyelle  ou  un  7t  non  as|)iré  :  6'p/5<  amis,  sept  on 
huit,  sept  hommes.  On  le  met  ordinairement  avant 
son  subst.  Cependant  on  le  voit  quelquefois  après 
les  noms  propres  :  Charles  sept,  Louis  sept.  Alors 
il  signifie  septième.  On  dit  aussi,  dans  le  même 
sens,  chapitre  sept,  article  sept,  le  sept  du  m.ois, 
c'est-à-dire  le  septième  jour  du  mois. 

Boileau  a  fait  rimer  sept  avec  cornet  [Sut.  IV, 


(Un  joueur) 

Attendant  ton  destin  d'-jn  «jualor-ie  ou  d'un  sept. 
Voit  sa  vie  ou  sa  mort  sortir  de  son  cornet; 

et  avec  secret  {Sat.  MU,  213)  : 

Et  souvent  tel  y  vient  qui  sait  pour  tout  secret. 
Cinq  et  quatre  font  neuf,  ôtez  deux,  reste  sept. 

Voltaire  l'a  fait  rimer  avec  objet  {Gertrudc 
conte,  V.  22.) 

Elle  avait  une  Dlle;  un  dix  avec  un  sept 
Composait  l'âge  heureux  de  ce  divin  objet. 

Ce  sont  des  licences  poétiques  qui  ne  doivent 
point  influer  sur  la  prononciation  usitée  dans  la 
prose. 

Septante.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  On 
prononce  lep.  Soixante  et  dix.  On  ne  remploie  plus 
guère  aujourd'hui  qu'en  parlant  des  septa^Uo 
semaines  de  Daniel,  Ct  des  soixante  eî  AoMm 
traducteurs  de  l'Ancien  Testament,  que  l'on  dé- 


6S0 


SER 


signe  sous  le  nom  des  Septante.  —  u  J'insiste- 
rais pour  que  ces  expressions  si  heureuses  de 
septante,  d'uctanld  el  de  no/uiiite,  rempluçassent 
eii(ia  la  Irainanlc  alliance  de  nombres  (lu'oii  y 
subsliiuc.  Six  vingts,  (piinze  vingts  ne  se  di- 
sent plus;  pourquoi  conserver  quatre-vingts  qui 
n'est  |)as  moins  ridicule?  »  (Ch.  Nodier,  Examen 
crit.  des  dict.) 

Septenthional,  Septentrionale.  Adj.  Le  p  se 
prononce.  11  lait  septcnti-ionaux  au  pluriel  mas- 
culin, et  ne  se  met  qu'après  son  subsl.  :  L'océan 
septontrlunal,  lespays  scptentH'naux. 

Septiîcme.  Adj.  des  deux  genres.  Nombre  or- 
dinal. On  ne  jirononce  jwint  le  ;;.  Il  ne  se  met 
qu'avant  son  subst.  :  Le  septième  jour,  la  sep- 
tième année,  la  septième  génération. 

Septièmement.  Adv.  On  le  met  au  commence- 
ment de  la  phrase  :  Septièmement,  je  vais  vous 
expliquer;  ou  bien  après  le  verbe  :  Je  rows  dirai 
septièmement  que...  Le  p  ne  se  prononce  point. 

Septuagénaire,  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  septuagé- 
naire, une  femme  septuagénaire.  On  prononce 
le  p. 

Skptdagésime,  Septuple,  Septupler.  Dans  ces 
trois  mots,  on  prononce  le  p  de  sep. 

Sépdlcral,  Sépulcrale.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  pernietteiil  :  Urne  sépulcrale,  cérémonies 
sépulcrales  ;  organe  sépulcral,  un  sépulcral  or- 
gane; voix  sépulcrale.  Il  fait  au  pluriel  mas- 
culin sépulcraux  :  Des  vases  sépulcraux,  {.-icad.) 

Sépulcre.  Subst.  m.  L'Académie  prétend  qu'il 
ne  se  dit  plus  dans  le  style  ordinaire  que  pour 
signifier  les  tombeaux  des  anciens.  Cela  suppose 
qu'il  se  dit  dans  le  style  noble,  pour  signifier  un 
lieu  destiné  à  la  sépulture  d'un  mort. 

Vous  me  forcez,  seigneur,  à  la  reconnaissance; 
Et  tout  près  du  eépulcre  où  l'on  va  m'enfermer. 
Mon  dernier  senliment  est  Je  vous  estimer. 

(Volt.,  Tanor.,  act.  II,  se.  ti,  45.) 

Du  sein  de  ce  sépulcre  inaccessible  au  monde. 

(Volt.,  Sémir.,  act.  1,  se.  m,  50.) 

Sépulture.  Subst.  f.  Delille  a  dit  (Enéide, 
IV,  874)  : 

. . .  .Lorsque  l'ingrat  s'échappait  de  ces  lieux, 
Ne  pouvais-je  saisir,  déchirer  le  parjure, 
Donner  à  ses  lambeaux  la  mer  pour  sépulture  ? 

Seeein,  Sereine.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subsl.  :  Un  temps  snrein,  un  jour  serein, 
une  nuit  sereine.  —  Un  visage  serein,  un  front 
serein. 

Séreux,  Séreuse.  Adj.  Il  suit  toujours  son 
subst.  :  Humeur  séreuse,  sang  séreux. 

Serf,  Serve.  Adj.  qui  ne  so  met  qu'après  son 
subst.  On  prononce  le  f:  Un  homme  serf,  un 
homme  de  condition  serve. 

SÉRIEUSE.MEM.  Adv.  Ou  pcut  Ic  mctlrc  entre 
.'auxiliaire  cl  le  parlicijie  :  Il  a  travaillé  sérieu- 
sement à  sa  fortune,  ou  il  a  sérieusement  tra- 
raillé  à  sa  fortune. 

Sérieux, SÉRIEUSE.  Adj.  On  peut  le  mettreavanl 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
])ernieltenl  :  f^isage  sérieux;  air  sérieux,  mine 
sérieuse.  —  Faire  des  réflexùr/is  sérieuses, 
faire  de  séi-ieuses  réflexions.  Voyez  Adjectif 

Serpent.  Subsl.  m.  ^■(lllaire  a  d't  les  serpents 
de  la  calomnie  [EpUreX^ll,  33)  ; 


SEU 

En  vain  contre  Henri  la  Fmnca  a  vu  longtemps 
La  calomnie  affreuse  exciter  sus  serpents. 

Serre-Papiers.  Subst.  m.  On  écrit  ce  mot  ainsi 
même  au  singulier,  parce  qu'un  serre-papiers 
est  un  meuble  destiné  à  serrer  plusieurs  pa- 
piers. Voyez  Ciimposé. 

Serrer.  V.  a.  de  la  l'"  conj.  On  dit,  avoir  le 
cœur  serré;  cette  expression  est  souvent  suivie 
de  la  jirèposition  de  :  Avoir  le  cœur  serré  de 
douleur,  de  tristesse.  Il  s\Uait  retiré  dans  sa 
maison,  le  cœur -serré  de  tristesse  (Montesquieu, 
Xlf^'  lettre  persane). 

Serre-Tête,  subst.  m.  Ruban  ou  coiffe  dont 
on  se  serre  la  tête.  On  écrit  au  pluriel  des  serre- 
tête.  Voyez  Casse-Cou,  Composé. 

Servi  AELE.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  met 
toujours  après  son  subst.  :  Unhomme  serviable, 
une  femme  svrviahle. 

Servile.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Emploi  servile,  condition  servile, 
âme  servile,  esprit  servile.  —  Une  crainte  ser- 
vile, une  servile  crainte;  un  adulateur  servile, 
un  servile  adulateur  ;  une  complaisance  servile, 
une  servile  cnmplaisancc.  ^'oyez  .-idjectif. 

Servilement.  Adv.  Ou  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  lui  a  fait  servile- 
ment la  cour,  ou  il  lui  a  servilement  fait  la  cour. 
Il  a  traduit  servilement  ce  passage,  ou  il  a  ser- 
vilement traduit  ce  passage. 

Servir.  V.  a.  et  n.  de  la  2''  conj.  Il  est  irré- 
gulier,  et  se  conjugue  comme  sentir.  A' oyez  Ir- 
régxdier. 

Servir  de,  tenir  lieu  de;  tenir  la  place,  faire 
l'office  de  :  Il  m'a.  servi  A&père,  cela  lui  a  servi 
de  médecine.  Il  a  servi  de  père  à  ses  neveux. 

Servir  ci,  être  ulile.  Cet  instrument  sert  au 
labourage.  Un  cheval  qui  sert  à  tirer  et  à  porter. 

A  quoi  sert-il'^  De  quoi  sert-il?  il  ne  sert  à 
rien,  il  ne  sert  de  rien,  exigent  le  subjonctif 
dans  les  propositions  subordonnées  :  A  quoi  a-t-4l 
servi  que  vous  soyez  ve?iu  si  matin  9  II  ne  ser- 
virait de  rien  que  tvws  vinssiez  avant  midi.  \. 
Rien. 

Voltaire  a  dit  servir  simple  cavalier,  simple 
soldat.  Ilvijit  d'abord  servir  simple  cavalier. 

Avec  honneur  je  servirai  soldat. 

(Volt.,  Enf.  prod,.  acl.  IV,  se.  i::,  93.' 

Ces  sortes  d'expressions  sont  peu  usitées.  On 
dit  ordinairement  servir  comme  s-ddat,  servir  en 
qualité  de  soldat.  Il  a  mieux  employé  ce  mot  dans 
les  deux  exemples  suivants: 

Servez  h  genoux 
L'idole  dont  le  poids  va  vous  écraser  tous. 

(Èlahom.,  &ct.  I,  se.  I,  35.) 

Par  cent  mille  assassins  son  courroux  fut  servi, 

{Henr.,  II,  356.) 

Ses.  Voyez  ^on. 

Sf.uil.  Subst.  m.  On  mouille  le  l  final.  Ce  mot 
s'emploie  dans  le  style  noble  : 

...Dès  que  cette  reine,  ivre  d'un  fol  or;.ieil, 
De  la  porte  du  teaiple  aura  passé  le  seuil. 

(Rac,  Àth.,  act.  V,  se.  m,  \S.) 

Seul,  Seule.  Adj.  Il  se  dit  i"  d'un  homme  qui 
n'a  personne  avec  lui,  auprès  de  lui,  autour  de 


SEU 

lui,  ou  qui  na  avec  lui  que  les  personnes  avec 
lesquelles  il  vii  ordinairement  et  fainiliércmeiu  : 
Cet  homme  itait  seul  dans  su  chambre  ;  il  ihiit 
seul  arec  sa  femme  et  ses  enfants.  Il  était  seul 
avec  son  domi  stiqvc.  —  Il  se  dit  aussi  de  l)lu- 
sieurs  personnes.  Lu  mari  et  la  femme  étaient 
seuls.  En  parlant  des  choses,  il  signifie,  qui  n'est 
point  accompagné  de  choses  de  la  même  espèce  ; 
un  fait  seul  est  un  fait  qui  n'est  point  accom- 
pagné d'autres  faits;  un  mot  seul  est  un  mot  qui 
n'est  point  accompagné  d'autres  mots.  En  ce  sens, 
il  suit  toujours  son  subst. —  2°  Il  signifie  unique: 
Il  n'y  a  qu'un  seul  Dieu.  Il  n'a  qu'un  seul 
domestique  ;  c'est  le  seul  bien  qui  me  reste  ;  c'est 
le  seul  mot  qui  exprime  ma  pensée.  En  ce  sens, 
il  précède  toujours  son  suhst. 

3"  Il  me  semble  que  quand  on  dit,  un  seul 
homme  a  changé  la  face  du  monde,  seul,  dans 
cette  phrase,  ne  veut  pas  dire  unique.  Je  pense 
qu'il  ajoute  au  substantif  qu'il  modifie  l'idée 
d'individu,  et  que  c'est  comme  si  l'on  disait,  un 
seul  individu  de  la  vtème  espèce.  Dans  ce  sens 
aussi,  l'adjectif  doit  précéder  son  suIjsU 

Un  mot  seul  vous  fera  comprendre  ce  que  je 
veux  dire  ;  c'est-à-dire  un  mot  considéré  numé- 
riquement :  Un  seul  mot  a  suffi  pour  le  con- 
vaincre, c'est-à-dire  un  mot  considéré  relative- 
ment à  sa  signification,  à  son  énergie. 

L'Académie  doime  pour  exemples  ♦  Cest  la 
seM\t  loi  qu'il  faut  suivre;  voilà  les  seules  rai- 
sons que  vous  puissiez  alléguer.  Dans  le  premier 
exemple,  on  voit  le  verbe  à  l'indicatif,  il  faut; 
dans  le  second  il  est  au  subjonctif,  vous  puissiez. 
On  pourrait  induire  de  la  que  lorsque  seul  est 
précédé  de  l'article,  et  suivi  des  adjectifs  relatifs, 
qui,  que,  dont,  etc.,  on  peut  mettre  indifférem- 
ment le  verbe  qui  suit  à  l'indicatif  ou  au  sub- 
jonctif. Cette  induction  serait  erronée,  et  si  l'on 
se  sert  de  l'un  ou  de  l'autre,  c'est  sans  doute 
par  des  raisons  différentes. 

Seul  doit  être  suivi  du  subjonctif  quand  l'idée 
n'est  i)as  positive,  quand  elle  tient  lieu  de  doute. 
Mais  cette  difficulté  n'a  été  encore  clairement 
expliquée  dans  aucune  grammaire.  Essayons  de 
la  résoudre  ici. 

L'indicatif  est  un  mode  qui  exprime  directe- 
ment, absolument,  l'existence  d'un  sujet  sous  un 
attribut  déterminé.  Le  subjonctif  au  contraire 
exprime  d'une  manière  dépendante,  vague,  subor- 
donnée. 

Or,  l'adjectif  seul  peut  être  pris,  ou  dans  un 
sens  absolu,  ou  dans  un  sens  relatif.  Il  est  pris 
dans  un  sens  absolu  lorsqu'il  n'ajoute  au  subst. 
que  l'idée  d'unité  numérique,  abstraction  faite  de 
tout  rapport  avec  d'autres  individus.  Comme 
dans,  c'est  mon  frère  seul  qui  est  coupable. 
C'est  lui  seul  qui  m'a  frappé.  C'est  à  lui  seul 
que  je  confierai  inon  secret.  L'adjectif  seul  est 
pris  dans  un  sens  relatif  lorsiju'à  l'idée  princi- 
pale (lu'il  ex|)riiiie  se  joint  une  idée  accessoire 
qui  indique  un  rapport,  une  comparaison  avec 
d'autres  individus  ou  d'autres  choses,  une  dé- 
pendance de  ces  individus  ou  de  ces  choses. 
Quand  je  dis,  de  tous  les  spectateurs,  mon  frère 
est  le  seul  qui  ail  applaudi,  le  mot  seul,  outre 
sa  signification  principale,  indique  un  rapport, 
une  comparaison  avec  les  autres  spectateurs. 

Dans  le  premier  sens,  le  verbe  de  la  proposi- 
tion doit  être  mis  à  l'indicatif.  Ce  n'est  point  une 
proposition  incidente,  subordonnée,  c'est  une 
proposition  absolue,  et  qui,  par  conséquent,  exige 
l'indicatif.  C'est  lui  seul  qui  m'a.  frappé,  veut 


SEU 


651 


dire,  un  seul  homme  m'a  frappé,  et  cet  homme 
c'est  lui.  C'est  mon  frère  seul  qui  est  coupable, 
signifie,  il  y  a  un  seul  coupable,  et  ce  coupable 
c'est  mon  frci-e. 

Dans  le  second  sens,  le  verbe  de  la  proposition 
doit  être  mis  au  subjonctif,  parce  qu  il  n'affirme 
pas  d'une  manière  absolue,  indépendante,  mais 
avec  im  rapport  à  d'autres  individus,  à  d'autres 
choses. 

Buffon  a  dit  :  On  peut  dire  que  le  chien  est 
le  seul  animal  dont  la  fidélité  soit  à  l'épreuve. 
Il  fallait  le  subjonctif,  parce  que  la  fidélité  du 
chien  est  exprimée  ici  comparativement  avec  la 
fidélité  des  autres  animaux. 

Racine  a  dit  {Alexandre,  act.  II,  se.  ii,  139)  : 

La  gloire  est  le  seul  bien  qui  nous  puisse  tenter. 

En  employant  le  subjonctif,  il  a  fait  sentir  que 
le  seul  bien  est  dit  comparativement  aux  autres 
biens.  jMais  si  l'on  disait,  c'est  le  seul  bien  qui 
peut  710US  tenter,  on  parlerait  d'un  bien  qui  con- 
tiendrait  absolument  et  positivement  en  soi  la 
seule  chose  qui  peut  nous  tenter.  De  tous  ces 
biens- là,  la  gloire  est  le  seul  bien  qui  puisse 
nous  tenter.  La  gloire  peut  seule  nous  tenter, 
parce  qu'elle  seule  contient  en  elle  des  attraits 
auxquels  nous  sommes  sensibles. 

Je  dirai,  c'est  la  seule  chose  que  ?ious  dési- 
rons, si  je  veux  exprimer  notre  désir  comme 
existant  réellement,  absolument,  sans  rapport  à 
d'autres  désirs;  et  je  dirai,  c'est  la  seule  c/jose 
qtte  nous  désirions,  si  je  veux  présenter  noire 
désir  relativement  aux  autres  désirs  que  nous 
pourrions  avoir  et  que  nous  n'avons  pas. 

On  dit  également  bien,  c'est  le  seul  homme  de 
la  famille  qui  a  de  V esprit,  ci  c'est  le  seul  homme 
de  la  famille  qui  ail  de  l'esprit.  Dans  la  première 
phrase,  j'exprime  l'existence  directe,  absolue 
d'un  seul  homme  d'esprit  dans  la  fainiWe.  Il 
n'existe  réellement,  positivement  dans  l;i  fiTmille 
qu'un  seul  homme  d'esprit.  Dans  la  Si^conde, 
j'exprime  l'existence  d'un  seul  homme  d'esprit 
dans  la  famille,  comparativement  aux  autres 
hommes  qui  existent  dans  celte  famille  :  c'est  de 
toutes  les  personnes  de  la  famille  la  seule  qui  ait 
de  l'espril  ;  et  c'est  ce  rapport,  celte  comparai- 
son, cette  dépendance  de  l'idée,  qui  exige  le 
subjonctif. 

C'est  le  seul  homme  qui  a  pu  me  plaire,  ex- 
prime l'existence  positive  des  moyens  par  les- 
quels la  personne  a  réussi  à  me  plaire:  C'est  le 
seul  homme  qui  ait  pu  vie  plaire,  a  rapport  aux 
autres  moyens  que  d'autres  ont  employés  inutile- 
ment pourme  ]ilaire. 

On  dit,  c'est  le  seul  parti  que  vous  pouvez 
prendre,  s'il  n'existe  réellement,  positivement, 
absolument,  qu'un  seul  parti  à  prendre;  et  eest 
le  seul  parti  que  vous  puissiez  prendre,  si  je  veux 
faire  entendre  qu'enlre  plusieurs  partis,  celui 
qu'on  propose  est  le  seul  convenable.  Dans,  c'est 
la  ?,m\e  personne  que  je  cAer/*,  l'existence  de  la 
personne  dans  mon  aftection  est  présentée  d'une 
manière  positive,  déterminée,  absolue,  je  veux 
appeler  l'attention  sur  un  individu  que  je  chéris 
réellement,  absolument;  au  contraire,  dansc'cçi 
la  seule  personîie  que  je  chérisse,  l'attention  n'es 
plus  appelée  d'une  manière  positive  sur  la  per- 
sonne que  je  chéris,  mais  sur  plusieurs  personnes 
que  je  pourrais  chérir  et  que  je  ne  chéris  pas. 
C'est  le  seul  homme  que  je  chéris,  signifie,  je 
le  chéris  lui  seul  ;  c'est  le  seul  homme  que  je 
chérisse,  veut  dire,  je  ne  chéris  aucun  autre 


652 


SI 


homme  quo  lui.  C'est  lu  seule  loi  quil  ftmt 
suitfe,  suppose  l'existence  positive  et  absolue  de 
la  nécessité  de  suivre  celle  loi;  c'est  la  seule  lui 
qu'il  fiiille  suivre,  suppose  ipie  l'on  pourryil 
faire  un  clvdx  entre  plusieurs  lois. 

Voici  d'autres  exemples  auxquels  on  peut  ap- 
pliquer CCS  principes. 

C'est  le  seul  conseil  que  jc  peux  vous  donner  ; 
c'est  le  seul  conseil  que  je  puisse  vous  donner. 
C'est  la  seule  place  qui  peut  vnvs  conreiiir;  c'est 
la  seule  place  qui  puisse  %-oiis  convenir.  De  tous 
les  reproches  qu'il  m'a  faits,  celui-là  est  leSCAÛ 
qui  m'ait  affecté.  On  ne  peut  pas  dire  qui  m'a, 
le  rapport  aux  autres  reproches  est  trop  marqué. 
—  Il  y  arait  eu  du  délire  à  penser  qu'on  eût 
pu  faire  périr  par  vn  crime  tajit  dp  personnes 
royales,  en  laissant  vivre  le  seul  qui  pouvait  les 
venger  (Voltaire),  qui  avait  seul  les  moyens  de 
fcs  vonffcr.  Le  seul  qui  pût  les  venger,  voudrait 
dire,  le  seul  dont  les  moyens  de  les  ven^'er  pus- 
sent être  plus  efficaces  que  les  autres.  —  Les 
mauvais  succès  sont  les  seuls  maîtres  qui  peu- 
vent nous  reprendre  utilement,  et  nous  arra- 
cher cet  aveu  d'avoir  failli  qui  coxite  tant  A 
notre  orgueil.  (Rossuet.)  —  Locke  est  le  seul  que 
/c  crois  dGvo\v  excepter  (Condillac.)  Que  je  croie, 
supposerait  du  doute.  —  La  religion  est  le  seul 
mors  que  les  rois  puissent  encore  blanchir  (Mar- 
monlcl.)  —  La  tendre  Jeunesse  est  le  seul  âge 
où  l'homme  peut  encore  tout  sur  lui-même  pour 
se  corriger.  (Fénelon.) 

Sedlemem.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  lui  a  demandé  seu- 
lement une  grâce,  ou  il  lui  a  seulement  demandé 
une  grâce. 

Seulet,  Seulette.  .\dj.  qui  ne  s'emploie  ([ue 
dans  le  style  pastoral,  et  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :   Unfi  fille  seulette. 

SévèIie.  Adj.  des  deux  genres.  Il  précède  sou- 
vent son  subst.  :  Un  prince  sévère,  vnjuge  sé- 
vère, un  censeur  sévère,  vn  sévère  censeur.  — 
Une  vertu  sévère,  une  punition  sévère,  une  sé- 
vère punition.  —  Une  beauté  sévère,  cette  sévère 
beauté. 

iSeVère  régit  les  prépositions  a,  po???-,  envers,  à 
l'égard  :  Il  est  sévère  aux  autres  comme  à  lui- 
même  : 

Que  faul-il  que  Bérénice  espère? 
Rome  lui  sera-t-elle  indulgente  ou  sévère  ? 

(Rac,  Bcrén.,  acl.  II,  se.  il,  29.) 

Il  est  plus  sévère  pour  lui-même  que  pour  les 
autres.  Un  père  sévère  pour  ses  enfants,  envers 
ses  enfants,  à  l'égard  do  ses  enfants.  Toutes  ces 
expressions  ont  des  différences  fondées  sur  la 
nature  des  prépositions  qui  y  sont  employées. 

Sexagénaire.  Adj.  des  deux  genres  qui  suit 
toujours  son  subst.  :  Un  homme  sexagénaire, 
une  femme  sexagénaire. 

Sexlei,,  Sexuelle.  Adj.  Il  suit  toujours  son 
subst.  :  Les  organes  sexuels,  les  qualités 
sexuelles. 

Si.  Conjonction  et  adverbe.  La  lettre  i  de  si 
3'élide  devant  il,  ils  :  S'il  vient,  s'ils  viennent. 
Elle  no  s'élide  devant  aucun  autre  mot  :  Si  elle 
vient,  si  on  dit.  —  Dans  la  conversation ,  on  dit 
et  .si,  pour  dire  cependant,  néanmoins  ;  dans 
oette  façon  de  parler,  si  ne  perd  pas  sa  voyelle, 
même  devant  le  pronom  il  :  Il  est  brave  et  vail- 
lant, et  si  il  est  doux  et  facile  ;  je  souffre  plus 
que  vous,  et  si  je  ne  me  plains  pas. 

6Ï,  conjorclion,  exprimant  par  lui-même  le 
oute  de  l'esprit,  n'a  pas  besoin  d'un  mode  dou- 


SI 

teux  au  verbe  qui  le  suit;  ce  verbe  doit  être  à 
l'indicatif.  Je  serais  venu  si  j'avais  eu  le  temps, 
et  n»n  pas  si  j'eusse  cm  le  temps. 

On  ne  peut  se  servir  de  si  au  premier  et  au  se- 
cond membre  d'une  période;  mais  au  second,  on 
met  77/e  au  lieu  de  si,  et  alors  on  met  au  sub- 
jonctif le  verbe  (jui  suit  :  Si  vous  parlez,  et  que 
vous  vouliez  me  prendre  avec  vous.  Ce  tour, 
disent  les  grammairiens,  vaut  mieux  que  si  vous 
.parties,  et  si  vous  vouliez  vie  prendre  avec  vous. 
—  Cette  règle  n'est  pas  tout  a  fait  exacte;  on  ré- 
pète le  .y»,  ou  on  met  le  que,  suivant  les  cas. 
Lorsqu'il  n'y  a  pas  de  liaison  entre  les  deux  (tro- 
positiôns,  il  faut  répéter  si  ;  lorsqu'il  y  en  a,  il 
faut  mettre  la  conjonction  que,  qui  alors  marque 
cette  liaison.  On  dira  donc  foit  bien,  si  vous  ga-' 
gnez  votre  procès,  et  si  vous  allez  dans  votre 
pays,  si  l'on  ne  veut  jias  marquer  une  liaison  de 
conséquence  entre  ces  deux  propositions.  Mais 
on  dira,  si  vous  gagnez  l'otre  procès,  et  que  vous 
voi/s  trouviez  dans  une  situation  plus  avanta- 
geuse, parce  que  l'on  maniue  par  là  la  liaison 
(]u'ily  a  entre  les  deux  propositions,  et  (jne  l'on 
fait  considérer  l'une  comme  une  suite  de  l'autre. 

Quand  si  est  répété  devant  deux  substantifs, 
on  peut  mettre  le  verbe  au' singulier,  si  les  deux 
subslantifssont  pris  dans  un  sens  disjonctif,  c'est- 
à-dire,  si  l'un  ou  l'autre  est  le  sujet  du  verbe,  et 
non  tous  les  deux  ensemble.  On  dira  donc,  si 
votre  père,  si  votre  mère  vient  à  mourir,  ce  tjui 
veut  dire,  si  votre  père  vient  à  mourir,  ou  si 
votre  mère  vient  à  niottrir  ;  et  c'est  père  ou  mère 
qui  est  le  sujet  du  verbe.  Mais  on  dira,  si  Va- 
viour,  si  la  reconnaissance  m'attachent  à  vous, 
et  non  pas,  m'attache,  pour  marquer  que  ces 
deux  choses  existent  ensemble,  et  (jue  les  deux 
substantifs  sont  le  sujet  complexe  de  la  proposi- 
tion. D'après  cela,  il  y  a  dans  les  vers  sui- 
vants une  négligence,  ou  un  sacrifice  fait  à 
l'harmonie  : 

Voui  n'avez  plus,  madame,  à  craindre  pour  ma  vie. 
Et  je  serais  ht-urcux  si  la  foi,  si  l'honneur 
Ne  me  reprochait  point  mon  injuste  bonheur. 

(Rac,  Bajazct,  act.  III,  se.  IV,  2.) 

Quelquefois  on  retranche  pas  du  verbe  pris 
négativement  qui  suit  la  conjonction  si,  quelque- 
fois on  ne  le  retranche  pas.  Dans  le  premier  cas, 
on  veut  indiquer  une  liaison  entre  les  deux 
membres  de  la  phrase,  et  marquer  que  l'effet 
exprimé  par  le  second  est  indéterminé.  Si  vous 
ne  cliangez.,  vous  éprouverez  des  malheurs,  tel 
ou  tel  malheur.  Dans  le  second  cas,  on  marque 
imc  liaison  entre  les  deux  membres,  et  im  el'fcî: 
déterminé  dans  le  second  ;  si  vous  ne  changez 
pas,  vous  mourrez.  Effet  déterminé. 

Fénelon  a  dit  ilans  Télémaque  (  liv.  III,  t.  i, 
p.  138  )  :  Si  Pygmalion  ne  change  de  con- 
duite, notre  gloire  et  notre  puissance  seront 
bientôt  transportées  à  quelque  autre  peuple 
mieux  gouverné  que  nous;  à  quelque  autre  peu- 
ple, effet  indéterminé;  avec  un  effet  déterminé, 
Fénelon  aurait  dit  :  Si  Pygmaliori  ne  change 
pas   de  conduite,  il  perdra  sa  couronne. 

SI,  adverbe,  se  met  devant  les  adjectifs  comme 
les  adverbes  de  quantité  :  Il  est  si  aimable,  si 
Ion.  S'il  y  a  plusieurs  adjectifs,  il  faut  répéterai.' 
Il  est  si  bo7i,  si  doux,  si  complaisant. 

Il  ne  faut  pas  confondre  si  avec  aussi;  le  se- 
cond se  dit  quand  il  y  a  comparaison,  le  premier 
(piand  il  n'y  en  a  pas.  Il  est  si  faible,  qu'il  ne 
peut  pas  marcher  ;  il  <?i/ aussi  faible  que  vous 


SIG 

Hors  de  la  comparaison,  si  est  suivi  de  que,  ei 
ceçi/eiégii  le  verbe  qui  le  suit  au  subjonctif, 
lorsque  le  incmier  verbe  est  à  rim|(ératif,  ou  (jue 
les  deux  verbes  sont  employés  négativeincnt: 
Avruiigez-i-i  us  si  bien,  que  rous  ne  i-ous  en  re- 
penties pas.  Il  n'est  pas  si  habile,  qu'il  ne  fasse 
quelque f lis  des  fautes  ;  et  l'on  voit  ([ue,  dans  le 
second  exemple,  on  retranche  pas  du  second 
verbe. 

Si  ne  doit  midifier  les  participes  passés  que 
lorsqu'ils  sont  adjectifs.  On  dit  bien  un  homme  si 
éclairé,  si  rangé,  mais  on  no  dit  pas  un  homme 
si  aimé,  une  éclipse  si  observie ;  il  faut  dire  si 
tendrement  aimé,  si  exactement  observée;  et 
alors  SI  modifie,  non  le  participe,  mais  l'adverbe. 

Si  ne  peut  modifier  les  adjectifs  que  lorsqu'ils 
sont  susceptibles  de  degrés  de  comparaison.  Dé- 
montré et  i«co/(/j(/.  par  exemple,  ne  comportant 
pas  le  plus  ou  le  moins,  on  ne  dirait  pas ,  une 
proposition  peu  ou  beaucoup  démontrée,  une  loi 
de  la  nature  peu  ou  beaucoup  inconnue;  par  la 
même  raison,  on  ne  jienl  pas  dire  si  démontrée, 
si  inconnue,  il  faut  dire  si  bien  démontrée  (ti  si 
peu  connue. 

Si  ne  peut  modifier  les  adverbes  que  quand  il 
les  précède  immédiatement  :  Si  bien,  si  mal,  si 
récemvient.  -Mais  il  ne  peut  modifier  les  expres- 
sions adverl)iales  composées  de  plusieurs  mots- 
On  ne  doit  pas  dire  il  était  si  en  peine,  si  en  co- 
lère, mais  il  était  si  fort  enpeme  si  fort  en  co- 
lère, etc. 

Si  CE  n'est.  Expression  adverbiale  qui  signifie 
excepté,  et  qui  est  invariable  :  [L'ambitieux)  ne 
jouit  de  rien,  si  ce  n'est  de  ses  malheurs  et  de 
ses  inquiétudes  (Massillon.  Petit  Carême.  Sur  le 
malheur  des  grandsquiabandonnent  Dieu.  3^  réf.) 

Cependant,  dans  le  cas  où  la  négation  serait 
suivie  de  pas,  le  verbe  être  changerait  de  temps 
et  de  nombre  :  Si  ce  ne  sont  |)as  des  bons  livres, 
pourquoi  les  lisez-vous?  (Wailly). 

SiBïLLE.  Subst.  f.  On  ne  mouille  point  les  l. 

SiFFL\NT,  Sifflante.  Adj.  verbal,  tiré  du  v. 
siffler.  Il  ne  se  met  tju'après  son  subst.  :  Une 
lettre  sifflante. 

SiFFLEMEM.  Sub^.  ui.  DeliUc  a  dit  les  siffle- 
ments des  câbles  {Enéide,  I,  131)  : 

On  entend  des  nochers  les  trisles  hurlements. 
Et  des  câbles  froisses  les  aiïreux  si/flements. 

*SiFFLF.r.iK.  Subsl.  f.  L'action  de  siffler  des 
pièces  de  théâtre.  Mot  nouveau  employé  {)ar'\'ol- 
taire.  Il  dit,  on  parlant  de  sa  tragédie  des  Lois 
de  Minos  :  .Vai  bien  peur  que  les  ciseaux  de 
Inpdice  n'aient  coupé  le  nez  éi  Minos.  Quelques 
bonnes  gens  auront  substitué  des  vers  honnêtes 
(t  des  vers  tin  peu  hardis,  et  c'est  encore  vn  en- 
couragement il  la  sifderie  ;  car  vous  savez  que  ces 
vers  si  sages  sont  d'ordinaire  fort  plats  et  fort 
froids. 

Signal.  Subst.  m.  Dans  ce  mot  et  ses  dérivés 
on  mouille  ^«. 

Signalé,  Signalée.  Part,  passé  du  verbe  si- 
gnaler, et  adj.  On  mouille  gn.  Cet  adjectif  verbal 
ost  une  exception  à  la  règle  générale  qui  veut  que 
les  adjectifs  formés  des  participes  passés  suivent 
toujours  leur  substantif.  On  dit  un  service  si- 
gnalé et  vn  signalé  service;  vn  signalé  fripon. 

SiGNATCRE,  Signe,  Signer.  Dans  ces  trois  mots 
on  raouUlc^/(. 

Signe.  Subst.  m.  On  dit  sans  article,  cest  signe 
qve. 

Signet.  Subst.  m.  On  ne  prononce  pas  le  g. 


SIM 


653 


Skj.mfiamt,  Significatif,  Sicnifieh,  Sicmfic.i- 
TiON.   Dans  ces    quatre    mots,    on   mouille  gn. 

Signifiant,  Signifiante.  Adj.  verbal  (jni  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Une  expression  qui 
Il  est  pas  assez   signifiante. 

Significatif,  significative.  Adj.  (pii  se  met  tou- 
jours après  son  subst.  :  Un  mol  significatif,  un 
terme  significatif.  —  Un  geste  significatif,  un 
souris  significatif. 

SiLE>cE.  Subst.  m.  Ce  mot  n'a  point  de  plu- 
riel, si  ce  n'est  en  musique  ou  dans  la  déclama- 
tion, où  l'on  dit  observer  les  silences.  —  On  ne 
dit  pas  un  silence,  à  moins  (|ue  le  mol  silence  ne 
soit  modifié  par  un  adjectif  :  Un  morne  silence, 
vn  silence  morne  ;  vn  silence  profond,  vn  pro- 
fond silence.  A'oyez  Adjectif. 

Silencieux,  Silencieuse.  Adj.  Qui  garde  le  si- 
lence. Dans  ce  sons  il  ne  se  dit  que  des  i)crsonnes. 
Mais  quelquefois  il  se  dit  des  lieux  »ù  l'on  n'en- 
tend pas  de  bruit.  11  suit  toujours  son  subsl.  : 
Un  homme  silencieux,  bois  silencieu.v. 

SiLiQLE.  Suiist.  f.  «  C'est  le  synonyme  de 
gousse,  dil  Mercier.  Ce  mol,  tiré  du  latin,  est 
français  et  harmonieux.  Vous  croiriez  que  notre 
versificateur  en  titre  l'aurait  cmi)loyé  dans  sa 
traduction  des  Géorgiques,  point  du  tout  : 

Les  pois  relentissants  dans  leurs  cosses  tremblantes. 
(Del.,  Gcorg.,  I,  90.) 

Voilà  ce  qui  remplace  silique.  » 

^Mauvaise  critique ,  mauvaise  observation. 
Nous  avons  en  français  gousse  el  cosse,  pour- 
quoi aller  chercher  silique,  et  ne  pas  laisser  ce 
terme  à  'histjtrc  naturelle,  qui  s  en  est  empa- 
rée? 

Sillage,  SiLLER,  Sillon,  Sillonner.  Dans  ces 
quatre  mots,  on  mouille  les  l. 

SiMiLiîUDE.  Subst.  '.  Figure  ae  rhétorique  par 
laquelle  on  tâche  ae  renaro  une  cnose  sensible 
par  une  autre  louie  différente.  On  s'en  sert,  ou 
pour  prouver,  ou  pour  orner,  ou  pour  rendre  le 
discours  plus  clair  et  plus  agréable. 

Simple.  Adj.  des  deux  genres.  Cet  adj.  tantôt 
suit  et  tantôt  précède  son  subst.,  et  il  a  des  sens 
différents,  selon  qu  il  occupe  l'une  ou  l'autre 
place  :  Un  simple  homme  est  un  homme  qui  n'est 
qu'homme  ;  ««  homme  simple  est  un  homme  qui 
a  de  la  simplicité.  De  simples  airs  sont  îles  airs 
(pii  ne  sont  pas  accompagnés  de  paroles  :  des  airs 
simples  sont  des  airs  naturels,  naïfs,  sans  orno- 
menls. 

En  grammaire,  on  dit  qu'un  mol  est  simple 
relativement  aux  autres  mots  qui  en  sont  formes, 
l)oiir  exprimer  avec  la  même  idée  quelque  au  ire 
idée  qu'on  lui  associe.  On  appelle  proposition 
simple,  celle  dont  le  sujet  et  l'attribut  .sont  éga- 
lement simples,  c'est-à-dire  également  détermi- 
nés iiar  une  seule  idée  totale.  La  sagesse  est 
précieuse;  voilà  une  proposition  simple.  En  par- 
lant des  verbes,  on  appelle  teinps  simples  ceux 
qui  consistent  en  un  seul  mot,  tpii  dérivent 
d'une  même  racine  fondamentale,  et  diffèrent 
entre  eux  par  les  infif-xions  et  les  tcrminai>ons 
propres  à  chacun.  J'aime,  j'aimai,  j'aime- 
rai, etc.,  sont  des  temps  simples.  —Dans  l'élo- 
quence, on  distingue  le  genre  simple,  qui  n'ex- 
pose que  des  choses  simples. 

Simplement.  Adv.  11  a  quelquefois,  comme 
l'adjectif,  un  sens  différent ,  lorsqu'il  est  mis 
après  le  verbe,  ou  entre  l'auxiliaire  et  le  parti- 
cipe :  //.  lui  a  exposé  simplement  son  affaire, 
veut  dire,  il  lui  a  exposé  son  affaire  naïvement, 


654 


SIN 


sans  art,  sans  (lùsuiscment.  Il  lui  a  simplement 
exposé  son  affaiie,  signifie,  il  n'a  fait  autre  chose 
que  lui  exposer  son  affaire. 

Simplicité  Subsl.  f.  Qualité  de  ce  qui  est 
simple.  En  ce  sens,  il  n'a  point  de  i)luricl.— Dans 
le  s<'ns  de  niaiseries,  il  a  un  pluriel  :  Il  a  dU  des 
simplicités  qui  nous  ont  beaucoup  amusés. 

Simulation.  Subsl.  f.  Déguisement  frauduleux. 
C'est  un  terme  de  jurisprudence.  Mercier  pense 
que  l'on  pourrait  leniploycr  dans  le  langai-'e  com- 
mun, et  je  le  pense  comme  lui  :  Les  gens  nés 
froids  sont  toujours  plus  près  de  la  simulation 
que  les  autres;  ils  s^ohsei-vent  et  ils  se  possè- 
dent  ;  mais  chez  un  liomne  né  vif,  la  simula- 
tion dericnt  difficile  ;  V  âme  échappe  par  un  geste 
nu  dans  un  rci/urd. 

Alors,  simulation  ne  signifierait  pas  exacte- 
ment la  même  cliosC' que  ci/*«'/«!/Zaito/i.  La  pi'o- 
noiére  expression  signifierait  l'action  de  faire 
semblant  qu'une  chose  est,  quoiqu'elle  ne  soii 
pas,  tandis  que  la  seconde  signifie  l'action  de  ca- 
cher ce  qui  est.  C'est  la  même  différence  qu'entre 
les  verbes  latins  simulare  et  dissimulare. 

SiMDLTANÉ ,  Simultanée.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Mouvement  simultané, 
action  simultanée.  On  écrivait  autrefois  simul- 
tanée au  masculin,  mais  celte  manière  d'écrire 
est  contraire  à  l'analogie  de  la  langue. 

SnlCLTA.^ÉME^•T.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ils  ont  agi  simulta- 
nément^ ou  ils  ont  simultanément  agi. 

Sincère.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Un  homme  sincère, 
une  femme  sincère.  —  Un  procédé  sincère,  une 
réconciliation  sincère,  une  sincère  réconcilia- 
tion; vn  repentir  sincère,  un  sincère  repentir; 
des  protestations  sincères,  de  sincères  protesta- 
tions,; un  aven  sincère,  vn  sincère  aveu.  On  no 
dit  pas  un  sincère  homme.  Voyez  Adjectif. 

SiNCÈi'.EMENT.  Adj.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  avoué  sincère- 
ment sa  faute,  ou  il  a  sincèrement  avoué  sa 
faute. 

Sincérité.  Subst.  f.  Ce  mol  n'a  point  de  pluriel 
lorsqu^il  signifie  la  qualité,  la  vertu.  Si  on  l'em- 
ploie à  ce  nombre,  c'est  lorsqu'on  entend  par  là 
les  effets  do  la  sincérité.  On  dil  des  sincérités, 
comme  on  dit  des  naïvetés. 

*  SiNGiaB,  SiNGERESSE.Mots  nouvcaux.  Le  pre- 
mier n'est  pas  généralement  adopté,  et  a  été 
quelquefois  employé  substantivement  :  Il  exhale 
sans  ménagement  son  mépris  pour  les  vils  sin- 
geurs  de  In  magistrature,  qui,  après  avoir  dé- 
pouillé leurs  concitoyens,  osaient  les  juger  sans 
savoir  les  lois.  (Mirabeau.) — Singeresse  est  ordi- 
nairement employé  adjectivement,  et  plus  usité 
que  singeur  :  Je  craignis  de  lui  voir  cette  poli- 
tesse maniérée ^  ces  façins  singeresses  qu'on  ne 
manque  jmnais  de  contracter  à  Paris.  (J.-J. 
Rouss.  Iléliiïse,  IV«  part.,  ixe  lettre,  t.iv,  p.  d78.) 

SiNGni.iE!-.,  Singulière.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  sonsubsu,  lorsque  riiariuonieet  l'analogie 
le  permettent  :  Un  homme  singulier,  une  femme 
singulière. — Une  façon  singulière,  v  no  singu- 
lière façon;  me  manière  singulière,  une  sin- 
gulière manière;  une  opinion  singulière,  une 
singulière  opinion.  Voyez  Adjectif. 

En  grammaire,  ce  terme  est  consacré  pour  dé- 
signer celui  des  nombres  qui  marcpie  l'unité.  On 
dil,/e  nombre  singulier  Cl  le  nombre  pluriel,  ou 
suljslanlivcmeut,  le  singulier  et  le  pluriel.  Voyez 
Nombre. 


SIN 

On  met  quelquefois  le  singulier  pourle  pluriel 
Le  soldat,  le  matelot,  le  paysan,  le  pauvre,  le 
riche,  l'homme,  la  femme,  etc.,  pour  les  soldats, 
les  matelots,  les  paysans,  les  pauvres,  les  riches, 
les  hommes,  les  femmes ,  eU\  Le  soldat  murmu- 
rait, le  vialelol  commençait  à  prier,  le  paysan 
s'était  'révolté,  le  riche  méprise  souvent  le  pau- 
vre, le  Français  est  brave  et  léger. 

Vn  même  nom  avec  la  même  signification  ne 
laisse  pas  très-souvent  de  recevoir  des  sens  fort 
différents,  selon  iju'il  est  employé  au  nombre 
singulier  ou  au  nombre  pluriel.  Par  exemple, 
donner  la  main,  c'est  présenter  la  main  à  (piel- 
qu'un  |)ar  politesse,  pour  l'aider  à  marcher,  à 
descendre,  à  monter,  etc.  Donner  les  mains, 
n'est  plus  qu'une  expression  figurée  qui  veut 
dire  consentir  à  une  proposition. 

L'usage  a  introduit  dans  notre  langue  une  ma- 
nière de  p;irler  qui  mérite  d'être  remarquée; 
c'est  celle  où  l'on  emploie,  par  synecdoque,  le 
nombre  pluriel  au  lieu  du  nombre  singulier, 
quand  on  adresse  la  parole  à  une  personne  : 
Monsieur,  vous  m'avez  ordonné,  je  vouspr/e,  etc. 
La  poiilcssc  française  fait  que  l'on  traite  la  per- 
sonne à  qui  l'on  parle,  comme  si  elle  en  valait 
plusieurs;  et  c'est  pour  cela  que  l'on  n'emploie 
que  le  singulier,  quand  on  parle  d'une  personne 
à  qui  l'on  doit  plus  de  franchise  ou  moins  d'é- 
gards. 0.1  lui  dit,  tu  m'as  donné,  je  t'ordonne, 
sur  tes  avis,  etc.  Cette  dernière  façon  de  parler 
s'appelle  tutoyer.  Ainsi,  l'on  ne  tutoie  que  ceux 
avec  qui  l'on  est  très-familier  ou  ceux  peur  qui 
l'on  a  peu  d'égards. 

On  demande  si  un  nom  substantif,  suivi  de  plu- 
sieurs adjectifs  qui  expriment  différentes  espèces 
du  même  genre,  doit  être  mis  au  singulier  ou  au 
pluriel.  Les  uns  veulent  qu'on  mette  le  substantif 
;!U  pluriel,  et  que  les  adjectifs  qui  le  suivent  res- 
lentau  singulier.  Les  autres,  au  contraire,  veu- 
lent que  le  substantif,  ainsi  que  les  adjectifs  qui 
l'accompagnent,  soient  mis  au  singulier.  Selon 
les  premiers  ,  on  dira  les  cotes  personnelle  , 
somptuaire  et  mobilière.  Un  cours  de  langues 
française,  italienne  et  espagnole.  Selon  les  se- 
conds, la  cote  personnelle,  la  mobilière  et  la 
somptuaire  ;  un  cou7's  de  langue  française,  ita- 
lienne et  espagnole. 

Pour  savoir  la(iuelle  de  ces  deux  constructions 
on  doit  adopter,  il  suffil  de  remanjucr  que  le 
substantif  impose  ses  accidents,  sa  forme  à  tous 
les  adjectifs  qui  le  déterminent,  mais  que  ce  droit 
n'est  pas  réciproque,  car  plusieurs  adjectifs  réu- 
nis ne  sauraient  forcer  un  substantif  a  l'accord. 
Or,  dans  le  cas  où  l'on  admettrait  la  première 
construction,  c'esl-à-dire  où  l'on  admettrait  que 
le  substantif  fût  mis  au  pluriel,  tandis  que  chacun 
des  adjoGtirs  resterait  au  singulier,  ce  serait  les 
adjectifs  qui  régleraient  l'accord,  ce  (jui  no  peut 
être  toléré  en  grammaire.  On  doit  donc  dire  :  la 
cote  personnelle,  la  Mobilière  el  la  somptuaire; 
un  cours  de  langue  française,  italienne  et  es- 
pagnole. De  cette  manière,'  les  lois  de  la  syntaxe 
ne  sont  pas  violées,  cl  l'on  peut  rendre  raison  de 
ces  phrases  au  moyen  de  l'ellipse,  c'est-à-dire 
que  c'est  comme  s'il  y  avait,  la  cote  personnelle, 
la  cote  mobilière ,  la  cote  somptuaire  ;  un  cours 
de  langue  française,  de  langue  italienne,  de 
longue  espagnole.  Voltaire  a  dit  .•  Corneille  a  ré- 
formé  lu  scène  tragique  et  la  scène  comique  par 
d'heureuses  imilalioif;.  '^Préface  des  Remarques 
sur  le  Menteur.)  Fénelon  :Je  vous  ai  montré, 
par  des  cvpéricnccs  sensibles,  les  vraies  et  les 
fausses  maximes  par  lesquelles  on  peut  régner 


SIX 

{Télénu,  liv.  XXIV,  t.  ii,  p.  390.);  cl  Thomas  : 
n  est  très-sûr  que  le  seizième  et  le  dix-septième 
siècle  furent  marqués  par  de  grands  change- 
ments et  de  grandes  découvertes.  [Eloije  de  Des- 
cartes.) Ces  régies  sont  fondées  en  ruisoii;  mais 
on  les  viole  tous  les  jours.  A'oyez  Accord,  Adjec- 
tif, Nom,  Nombre,  Pluriel. 

SiNGDusRKMi '^T.  Adv.  Il  se  met  souvent  entre 
l'aiixilialrfClic  participe,  et  quelquefois  même  on 
ne  peut  pas  le  placer  autrement  :  Il  a  été  singu- 
hèrement  affecté  de  celte  perte;  on  ne  dirait  pas, 
M  a  été  affecté  sinytdièrement.  Il  a  toujours  été 
singulièrement  attaché  à  ses  devoirs.  Il  s'est 
conduit  singulièrement  dans  celte  a/faire,  ou  il 
s'est  singulièrement  conduit  dans  cette  affaire. 

SiMSTRK.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
raellre  avant  son  subsl.,  lorsijuc  l'analogie  et 
/harmonie  le  permettent  •  Un  accident  sinistre, 
un  sinisli-e  accident;  une  aventure  sinistre, 
une  sinistre  aventure  ;  un  présage  sinistre,  un 
sinistre  présage  ;  un  augure  sinistre,  un  sinistre 
augure.  A'oyez  Adjectif. 

SiNisTREjiEST.  Adv.  Ou  pcut  Ic  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  iiarticipe  :  //  avait  jugé  sinis- 
tremenl  de  l'état  de  ses  affaires,  OU  il  avait  si- 
nisirevient  jugé,  etc. 

SiNDEux,  Sinueuse.  Adv.  On-  peut  le  mettre 
avant  son  subsl.,  en  consultant  l'oreille  et  Tana- 
logie  :  Les  replis  sinueux,  OU  les  si?tueux  replis. 
Voyez  Adjectif. 

Sinus,  subst.  m.  On  prononce  le  s. 

Sirop.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le />. 

Sis,  Sise.  Part,  passé  du  v.  seoir,  qui  n'est 
plus  en  usage.  11  ne  s'emploie  guère  que  comme 
adj.  cl  en  style  de  pratique,  où  il  signifie  situé, 
située.  Un  héritage  sis  à  Saint-Denis,  une  mai- 
son sise  rue  F'ivienne.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst. 

Situation  Subst.  f.  Dans  la  poésie  dramatique, 
on  appelle  situation  un  moment  de  l'action  théâ- 
trale, où  de  la  seule  position  des  personnages, 
résulte  pour  le  spectateur  un  saisissement  de 
crainte  ou  de  pitié,  si  la  situation  est  tragique  ; 
de  curiosité,  d'impatience  ou  de  maligns  joie,  si 
la  situation  est  comique.  C'est,  dans  l'un  et  dans 
l'autre  genre,  le  plus  infaillible  moyen  de  l'art. 

Pour  bien  juger  d'une  situation,  il  faut  suppo- 
ser les  acteurs  muets  dans  le  moment  criiique,  et 
se  demander  à  soi-même  quel  mouvement  exci- 
tera dans  le  spectacle  la  seule  vue  delà  scène.  Si 
le  spectateur,  pour  être  ému,  doit  attendre  qu'on 
ait  parlé,  il  n'y  a  plus  de  situation.  (Marmontel.) 

Six.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  Il  se  met 
avant  son  subst.  :  Six  hommes,  six  femmes,  six 
maisons.  — Quelquefois  on  le  met  après  les  noms 
propres  au  lieu  de  sixième  :  Charles  six, 
Louis  six.  —  On  dit  le  six  du  mois,  pour  dire 
le  sixième  jour  du  mois. 

Lorsque  ce  mol  n'est  pas  suivi  du  nom  de 
l'espèce  nombrée,  x  se  prononce  avec  un  siffle- 
ment fort  :  Ils  étaient  six,  j'en  ai  demandé  six. 
Lorsqu'il  est  suivi  du  nom  de  l'espèce  nombrée 
commeiiçanl  par  une  consonne  ou  un  h  aspiré,  le 
X  ne  se  |)rononce  point;  la  syllabe  est  seulement 
un  peu  longue  :  Six  maisons,  six  héros;  pronon- 
cez, «i-///atso«s,  si-ZteVos.  Lorsqu'il  est  suivi  du 
nom  de  l'espèce  nombrée,  commençant  par  une 
voyelle  ou  par  un  h  muet,  on  prononce  le  xavec 
unsifQement  faible,  c'est-a-dire  comme  un  z  :Six 
ans,  six  aunes;  prononcez,  si- sans,  si-zaunes. 

Sixain.  Subst.  f.  On  prononce  sizain. 

On  appelle  sixain,  en  poésie,  une  stance  com- 
posée de  six  vers.  Nous  avons  deux  sortes  de  si- 


soc 


6bb 


xains  qui  ont  des  différences  très-remarquables. 
Les  premiers  ne  sont  autre  chose  qu'un  quatrain 
auquel  on  ajoute  deux  vers  de  rime  différente  de 
celle  qui  a  terminé  le  quatrain  Les  si.vains  de  celle 
espèce  admettent  deux  vers  de  rime  différente, 
soit  avant,  soit  après,  comme  dans  l'exemple  sui- 
vant : 

Seigneur,  dans  ton  temple  adorable 

Quel  mortel  est  digne  d'entrer? 

Qui  pourra,  grand  Dieu,  pénétrer 

Dans  ce  séjour  impénétr.ible. 
Où  tes  saints  inclinés,  d'un  air  respeclueui, 
Contemplent  de  ton  front  l'éclat  majestueux? 
(J.-B.  Ronss.,  liv.  I,  od.  I,  1.) 

La  seconde  espèce  de  sixains  comprend  deux 

tercets,  qui  ne  doivent  jamais  enjamoer  le  sens 

de  l'un  à  l'autre.  Il  doit  donc  y  avoir  un  repos 

I  après  le    troisième  vers.   Les  deux  premiers  y 

I  riment  toujours  ensemble,  cl  le  troisième  avec  le 

dernier  ou  avec  le  cinquième,  mais  ordinairemeni 

avec  celui-ci. 

P""  Exemple  : 

Renonçons  au  stérile  appui 

Des  grands  qu'on  iiaplore  aujourd'hui; 
Ne  fondons  point  sur  eus  une  espérance  folle  : 

Leur  pompe,  indigne  de  nos  vœux. 

N'est  qu'un  simulacre  frivole. 
Et  les  solides  biens  ne  dépendent  pas  d'eux. 

(J.-B.  Rouss.,  liv.  I,  od.  IX,  7.) 

IP  Exemple  : 

Je  disais  .ila  nuit  sombre  : 
0  nuit!  tu  vas  dans  ton  ombre 
M'ensevelir  pour  toujours. 
Je  redisais  à  l'aurore  : 
Le  jour  que  In  fais  éclore 
Est  le  dernier  de  mes  jours. 
(J.-B.  Rouss.,  liv.  I,  od.  x,  35.  (Encyclop.) 

Sixième.  Adj.  des  deux  genres.  X  se  prononce 
comme  s.  On  le  met  avant  son  substantif  :  Le 
sixième  jour,  le.  sixième  année. 

Sixièmement.  Adv.  On  peut  le  mettre  au  com- 
mencement de  la  phrase,  ou  après  le  verbe  : 
Sixièmement,  je  vous  dirai,  etc.  ;  ou  je  vous  di- 
rai sixièmement,  etc. 

Sloop.  Subst.  m.  On  prononce,  et  quelques-uns 
écrivent,  sloupe.  (Acad.  1835). 

Sobre.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent:  Unhomme  sohre, une  femne  sobre . 
—  Un  repas  sobre,  un  sobre  repas.  Voyez  Adjectif 

Diderot  a  employé  ce  mot  dans  une  acce|)lioii 
qui  ne  se  trouve  point  dans  les  dictionnaires  : 
Si  j'attends  l'en ueini,  dit-il,  quand  il  s'agit  du 
salut  de  ma  patne,je  ne  suis  qu'un  citoyen  or- 
dinaire. Mon  amitié  n'est  que  circonspecte,  si 
le  péril  d'un  ami  vie  laisse  les  yeux  ouverts  sur 
le  mien.  La  vie  m'est-elle  plus  chère  que  ma 
maîtresse?  je  ne  suis  qu'un  amant  ordinaire 
Les  passions  sobres  font  les  hommes  communs. 

Sobrement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  ;  Il  a  usé  sobrement  de  cette 
permission,  ou  il  a  sobrement  usé  de  cette  per- 
mission. 

Soc,  Socle,  Socqde.  Substantifs  masculins.  11 
faut  se  garder  de  confondre  ces  trois  mots  qui  oui 
entre  eux  quelque  analogie  quant  à  la  prononcia- 
tion, mais  qui  différent  couiplétement  pour  l'or- 
thographe et  pour  le  sens. 

Le  socesi  un  instrument  do  fer  qui  faitparlic 
d'une  charrue,  et  qui  sert  n  feudre  et  à  renverser 
la  terre  quand  on  lal»ourc. 


C50 


SOI 


Le  socle  est  un  corps  carré  plus  large  que 
haut,  et  (]iii  sert  de  base  à  toutes  les  décorations 
d'archilcciure;  il  se  dit  aussi  d'un  petit  piédestal 
sur  lequel  on  |)ose  des  vases,  des  statues,  etc. 

ïïntin  on  appelle  socque  une  chaussure  de  cuir 
qui  s'adapte  à  la  chaussure  ordinaire,  et  qui  sert 
a  mieux  garantir  les  pieds  deThumidilé.  (le  mot 
se  dit  aussi  de  la  chaussure  dont  les  acteurs  de 
l'antiquité  se  servaient  dans  les  pièces  comi^iues, 
a  la  différence  du  cothurne  ,  ciiaussure  haute 
dont  ils  se  servaient  dans  la  tragédie.  Par  suite,  ce 
mot  s'emploie  (piclquefois  au  figuré  pour  opposer 
la  comédie  à  la  tragédie. 

Sociable.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  : 
Un  hoiinne  sucialle ,  une  femme  sociable.  — 
L'homme  suciable  et  Vhomine  sauvage. 

Social,  Sociale.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se 
met  <|u'aprés  son  subst.  :  Les  vertus  sociales  , 
les  qualités  sociales,  les  rapports  sociaux. 

Socle.  Subst.  m.  Voyez  Soc. 

SocQLE.  Subst.  m.  Voyez  Soc. 

Soi.  Pronom  singulier  de  la  troisième  personne 
cl  des  deux  genres.  Il  se  dit  des  personnes  et 
des  choses. 

Soi  est  destiné  particulièrement  à  servir  de 
complément  à  des  prépositions  :  Prendre  garde 
à  soi,  être  content  de  soi,  n'aimer  personne  que 
soi,  ne  vivre  que  pour  soi,  etc. 

Quand  soi  se  dit  des  personnes,  il  se  construit 
ordinairement  avec  des  noms  (jui  n'offrent  iju'une 
idée  indéterminée:  Chacun  pense  à  soi.  Quand 
on  est  content  de  soi.  Aucun  n'est  prophète 
chez  soi. 

Si  l'on  veut  appliquer  l'idée  exprimée  par  soi 
à  une  personne  déterminée,  il  faut  se  servir,  au 
lieu  de  soi,  de  lui  ou  elle,  suivant  le  genre  :  Mon 
frère  ne  pense  qu'à  lui,  ma  sœur  est  contente 
d'elle. 

Racine  a  péché  contre  cette  règle  dans  les  deux 
vers  suivants  : 

Mais  il  se  craint,  dit-ii,  eoi-m^me plts  que  loul. 
{Androm.,  aci.  V,  se.  Il,  59.) 

Charmant,  jeune,  Iniinanl  tous  les  cœurs  après  soi. 
[Phii.,  act.  II,  se.  v,  59.j 

Cependant,  lorsqu'il  s'agit  dans  la  phrase  d'une 
qualité  qui  peut  être  appliquée  ou  eu  général  à 
une  certaine  classe  d'hommes,  ou  en  particulier 
a  un  individu  de  celte  classe,  on  euq)loie  soi  ou 
lui,  même  avec  un  nom  déterminé,  selon  <^iie 
l'on  a  dessein  de  faire  l'une  ou  l'autre  aiiplicalion. 
Quand  on  dit,  jiar  exemple  :  Un  homme  juste  lire 
S071  bonheur  de  soi,  on  entend  par  la,  tire  son 
bonheur  de  cette  justice  qui  lui  est  commune 
avec  tous  les  gens  qui  sont  justes  comme  lui; 
mais  tpiand  on  dit  :  Un  homme  juste  lire  son 
bonheur  de  lui,  on  veut  dire  qu'il  tire  son  bon- 
heur des  actions  particulières  de  justice  qu'il 
exerce.  En  parlant  d'une  femme,  on  dirait  d'elle, 
au  lieu  de  lui. 

Quand  soi  se  dit  des  choses,  il  a  toujours  rap- 
port a  leur  nature.  Dans  le  cas  contraire,  on  peut 
substituer  elle  à  soi,  mais  rarement  lui.  On  dit, 
la  vertu  est  aimable  en  soi,  c'est-à-dire  la  vertu 
est  aimable  par  sa  nature,  de  sa  nature;  mais  on 
dit  aussi,  la  vertu  a  dans  elle  tout  ce  qui  peut  la 
rendre  aimable,  c'esl-à-dirc,on  trouve  dans  la 
vertu,  dans  l'exercice  de  la  vertu,  tout  ce  qui 
peut  la  rendre  aimable.  Mais,  comme  dit  le  père 
Bouluiurs,  on  ne  dirait  pas,  Ze  vice  a  dans  lui 
'■out  ce  qui  peut  le   rendre  odieux;    il  faudrait 


SOI 

dire,  le  vice  a  dans  soi,  etc.,  parce  (|uc  lui  ne 
convient  pas  si  généralement  à  un  nom  de  chose 
que  elle.  J'ajoute,  parce  que  c'est  par  sa  nature 
(|ue  le  vice  est  odieux,  et  qu'on  trouve  dans  le 
vice,  dans  l'exercice  du  vice,  beaucoup  de  choses 
aimables  au.x  yeux  de  ceux  ipii  s'y  abandonnent. 

Soi,  comme  nous  l'avons  dit,  est  un  j'ronom 
singulier.  Il  ne  jkîuI  se  ra|)|)orter  a  un  pluriel. 
On  pensait  autrefois  différemment,  et  l'Académie 
elle-même  avait  décidé  que  l'on  pouvait  dn-o,  de 
soi  ces  choses  sont  indifférentes.  D'Olivet  ;i  sou- 
tenu le  sentiment  contraire,  et  l'Académie  s'est 
rangée  à  son  avis.  Dans  ce  cas,  on  se  sert  d'eux- 
mêmes  et  d^ elles-mêmes,  au  lieu  de  soi. 

L'adjectif  même  se  met  souvent  après  !>oi,  au- 
quel il  se  joint  par  un  tiret  :  On  se  tourmente 
soi-même,  on  fait  soi-même  son  bonheur,  chacun 
est  soi-même  so7i  juge.  Cet  adjectif  n'ajoute  rien 
au  sens  de  soi,  mais  il  donne  plus  d'inergie  à 
l'expression.  Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  du 
pronom  soi  peut  s'appliquer  à  soi-même.  Voyez 
Même,  Lui,  Pronom. 

Soif.  Subst.  f.  On  prononce  toujours  le  f  final 
de  ce  mot. 

Les  poètes  emploient  souvent  ce  mot  au  figuré  : 

Elle  aura  plus  de  soif  de  mon  sang  que  du  vàlre. 
(Rac,  Baj.,  act.  Il,  se.  T,  102) 

Cette  soi/ de  régner  que  rien  ne  peut  éteindre. 

(Rac,  Iphig.,  act.  IV,  se.  IT,  12Î.) 

La  soif  de  commander. 
(Rac,  Ath.,  act.  III,  se.  m,  66.) 

Tantôt  voyant  pour  l'or  sa  soif  insatiable. 

[Idem,  act.  I,  se.  l,  48.) 

Soigner.  V.  a.  de  la  l^e  conj.  On  mouille  gn. 

Soigneusement.  Adv  On  mouille  gn.  On  peut 
le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  ■•  J'ai 
examiné  soigneusement  cette  affaire,  on  j'ai  soi- 
gneusement examiné  cette  affaire. 

Soigneux,  Soignecse.  Adj.  On  mouille  gn.  Il 
ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  soi- 
gneux, une  femme  soigneuse.  Il  régit  quelque- 
fois la  préposition  de  avec  un  substantif  ou  un 
verbe  :  Il  est  soigneux  de  son  honneur,  il  est 
soigneux  de  conserver  sa  réputation. 

Je  m'attendris  sur  lille,  et  je  ne  puis  comprendre 
Qu'après  plus  de  quinze  ans,  soigneux  de  la  défendre, 
],o  ciel  la  persécute,  et  paraisse  outragé. 

(YoLT.,  Sémir.,  acl.  II,  se.  i,  7} 

Son  rival,  cliaquc  jour,  soigneux  de  lui  déplaire. 
(Volt.,  Henr.,  III,  295.) 

Soin.  Subst.  m.  On  dit  sans  article,  avoir  soin^ 
pendre  soin. 

J'aurai  soin  de  ma  mort,  prenez  soin  de  sa  vie. 

(Rac,  Baj.,  act.  V,  se.  vi,  46.) 

Soin  régit  quelquefois  de  avec  un  inh'nilif  :  Ls 
soin  de  s'embellir  est  presque  le  désir  de  plaire. 
(Marniontel  ) 

Soir..  Subst.  m.  On  dit  absolument,  et  sans 
rapport  au  jour  :  Les  assemblées  se  liennent  le 
soir,  il  y  va  le  soir,  et  non  pas  au  soir.  —  <}uand 
il  y  a  rapport  à  un  jour,  on  dit  au  soir  :  J'irai 
vous  coir  demain  auscir,  lundi  au  soir,  jeudi 
au  soir.  —  l'éraud  prétend  qu'il  faut  dire  du 
matin  au  soir,  cl  non  pas  du  soir  au  matin  ; 
c'est  selon  les  cas.  On  dit,  travailler  du  matin 


SOL 


SOM 


657 


au  soir,  quand  il  s'açit  d'un  travail  qui  com- 
mence le  malin  el  linil  le  soir;  in;iis  en  piirlant 
d'unlioniine  qui  travaille  pendant  la  nuit,  «m  dit 
fort  bien,  (7  truruille  du  soir  au  malin;  ils  i>nt 
jové,  ils  ont  bu  du  soir  au  matin.  Voyez  Matin. 

Soit.  Conjonction  alternative.  On  la  redouble 
ordinairement  :  Soit  l'un,  soit  Vautre.  Quelque- 
fois, au  lieu  du  second  suit,  on  met  ou  :  soit  ré- 
flexion ou  instinct.  Mais  il  doit  y  avoir  une 
grande  différence  entre  ces  deux  expressions..  11 
me  semble  qu'on  répète  snit,  pour  marquer  une 
liaison  plus  forte  entre  les  deux  premièies  pro- 
positions el  la  troisième.  On  dira  donc,  soit  qu'il 
dorme,  soit  qu'il  veille,  il  a  toujours  le  visage 
enflaiiiwc.  11  y  a  ici  liaison  intime  entre  les  deux 
premières  propositions  et  la  troisième;  il  y  a  si- 
multanéité d'état  dans  les  deux  cas.  Mais  je  di- 
rai, soit  qu'il  ait  de  Vappétit  ou  qiiil  n'en  ait 
pas,  il  croit  toujours  qu'il  est  malade.  Ici  la  liai- 
son n'est  pas  i'nlime,  il  n'y  a  pas  simulianéilé 
d'état  ;  c'est  seulement  une  o|iinion  qui  résulte 
également  d'une  circonstance  ou  d'une  autre. 

Soixante.  Adj.  numéral  des  deux  genres.  Il  se 
met  avant  son  subst.  :  Soixante  hommes,  soixante 
chevaux,  soixante  maisons.  On  écr\[  soixante  et 
un,  soixante-deux,  soixante  et  dix. 

Soixantième.  Adj.  des  deux  genres.  Nombre 
d'ordre.  Il  se  met  avant  le  subst.  :  Le  soixantième 
jour,  la  soixantième  année. 

Soldat.  Subst.  m.  On  ne  prononce  point  le  t 
final.  On  le  dit  d'un  homme  et  d'une  femme  : 
Jeanne  d'Arc  se  fit  soldat  el  sauva  la  France. 

*  SoLÉcisER.  Faire  exprés  des  solécismes.  Mot 
inusité  dont  Diderot  a  fait  un  emploi  lieureux 
dans  le  passa .re  suivant  :  «  S'il  n'eût  tenu  qu'à 
saint  Grégoire  le  Grand,  nous  serions  dans  le 
cas  des  mahouiélans,  qui  en  sont  réduits  pour 
toute  lecture  à  celle  de  leur  Alcoran  ;  car  quel 
eût  été  le  sori  des  ancirns  l'ci'irains,  entre  les 
mains  d'un  homme  qui  solécisait  ^«7' joriHCîpe  de 
relijion,  qui  s'imaginait  qu'observer  les  réglas 
de  la  grammaire,  c'était  s  ntniettre  Jésus-Christ 
d  Donat,  et  qui  se  crut  obligé  en  conscience  de 
comhler  les  ruines  de  Vaniiquité?  » 

SoLKCisMr..  Subst.  m.  Terme  de  grammaire.  Le 
solécisme  est,  comme  le  barbarisme,  une  faute 
sjntrela  langue.  Mais  il  y  a  de  la  différence  entre 
/a  signification  de  ces  deux  mots;  le  barbarisme 
est  une  locution  étrangère,  au  lieu  que  le  solé- 
cisme est  une  faute  contre  la  construction  d'une 
langue ,  faute  que  les  naturels  du  pays  peuvent 
faire  par  ignorance  ou  par  inadvertance,  comme 
quand  ils  se  trompent  dans  le  genre  des  noms,  ou 
qu'ils  font  (juelque  autre  faute  contre  la  syntaxe 
de  leur  langue. 

Le  solécisme  regarde  le  genre  et  le  nombre  des 
noms,  comme  quand  on  dit  les  emails,  au  lieu 
de  dire  les  émaux;  —  les  conjugaisons,  comme 
si  l'on  disait  il  allait  pour  il  alla; —  la  syntaxe, 
comme  dans  je  n'ai  point  de  l'urgent,  au  lieu  de 
je  n'aipoint  d'argent. 

Solennel,  Solennelle.  Adj.  Il  n'y  a  pas  en- 
core longtemps  que  l'on  écrivait  solemnel.  Au- 
jourd'hui on  n'écrit  plus  que  solennel,  tjue  l'on 
prononce  solanel.  Cet  adj.  peut  se  mettre  avant 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le 
permettent  :  Une  fête  solennelle,  un  jour  solen- 
nel, une  pompe  solen  nelle,  cette  solennelle  pompe; 
une  déclaration  solennelle,  cette  solennelle  dé- 
claration. A'oyez  Adjectif. 

SOLENNELLE.MENT.  Adv.  On  prononcc  solanel- 
emsnt.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le 


participe  :  La  paix  a  été  froclamée  solennelle- 
ment, ou  a  été  solennellement  proclamée. 

SoLKNNisER,  SOLENNITÉ.  Ou  prononcc  soluniser, 
solanité. 

Solidaire.  Adj.  des  deux  genres.  Il  se  dit  des 
personnes  et  des  choses,  et  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Cet  homme  est  solidaire,  ils  sont  so- 
lidaires. —  Obligation  solidaire ,  action  soli- 
daire. 

Solidairement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ils  s>nt  obligés  soli 
dairement,  ou  ils  sont  solidairement  obligés. 

Solide.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'r.na- 
logie  :  Les  corps  solides.  —  Un  bâtiment  solide, 
un  fondement  solide.  —  Une  wnirriture  solide, 
des  aliments  solides.  —  Un  hunnne  solide  ;  des 
honneurs  solides,  de  solides  honneurs.  Voyez 
Adjectif. 

Solidement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe:  //  a  établi soli'lement 
sa  fortune,  OU  il  a  solidement  établi  sa  fortune. 

Solidité.  Subst.  f.  Quoiqu'on  dise  un  homme 
solide,  on  ne  ilil  pas  la  solidité  d'un  homme.  On 
dit  la  solidité  de  son  esprit,  de  son  caractère. 

.^OLiLOQCE.  Subst.  m.  Il  signifie  la  même  chose 
que  monologue,  avec  cette  différence  qu'il  ne  se 
dit  que  des  matières  de  piété,  et  que  monologue 
se  dit  des  pièces  de  théâtres:  Les  soliloijucs  de 
saint  Augustin.  Il  y  a  k/j  Jeau  monologue  c?a/is 
cette  tragédie. 

Solitaire.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie  :  Un  homme  solitaire,  une  femme  so- 
litaire. —  Ces  lieux  solitaires,  ces  solitaires 
lieux,  ces  solitaires  contrées. 

Solitairement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  //  a  toujours  vécu  solitairement. 

Solliciter.  V.  a.  de  la  Ire  conj.  L'Académ 
dit,  solliciter  quelqu'un  à  faire  quelque  chost 
ou  de  faire  quelque  chose  ;  el  elle  n'indique  point 
la  différence  de  ces  deux  expressions.  Il  me  sem- 
ble que  solliciter  à  indique  une  action  qui  a  un 
but  hors  du  sujet  :  On  Va  sollicité  éi  faire  cette 
démarche;  et  que  solliciter  de  indique  une  ac- 
tion qui  doit  se  terminer  au  sujet  :  Je  l'ai  solli- 
cité de  venir  me  voir  ;  il  m'a  sollicité  d'aller  le 
voir.  L'Académie  dit,  ils  l'avaient  sollicité  d'en- 
trer dans  leur  parti.  Avec  des  substantifs ,  on 
emploie  aussi  à  ou  de;  à  pour  marquer  une 
chose  qui  est  hors  du  sujet  :  Solliciter  à  la  ré- 
volte, au  mal,  c'est-à-dire  à  se  rérolter.  à  faire 
du  mal  ;  et  de,  lorsque  la  chose  est  dans  le  même 
sujet  :  Solliciter  quelqu'un  de  son  déshonneur, 
c'est-à-dire  de  faire  son  déshonneur. 

Solo.  Subst.  m.  Ce  substantif,  emprunté  de 
l'italien ,  ne  prend  point  de  s  au  pluriel  :  Deux 
solo. 

SoLUBLE.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  Qui  peut  être  résolu.  Une 
question  qui  n'est  pas  soluble.  —  Des  sels  solu- 
bles  dans  l'eau.  Ce  problème  n'est  pas  snluble. 

SoLVABLE.  Adj.  des  deux  genres,  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Un  homme  solvable, 
une  caution  solvable. 

Sombre.  Adj.  des  deux  genres.  On  jwut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'analogie:  Une  retraite  sojnbre ,  une  sombre 
retraite;  forêts  sombres,  sombres  forêts.  —  Les 
soînbres  visages.  Ce  mot  s'emploie  au  figuré  dans 
le  sens  de  morne,  mélancolique ,  taciturne,  rô 
veur,  chagrin  : 

42 


Gît8 


S0?« 


l/t  tomi>r«  Politique,  au  cœur  faux,  à  J'sil  louche. 
(Volt.,  Henr.,  X,  70.) 

Sommaire.  Adj.  des  doux  genres  qui  ne  se  met 
iju'aprôs  Son  subsl.  :  Traité  sommaire,  réponse 
sommaire,  requête  sommaire. 

Sommairement.  Adv.  On  peut  le  mellro  cnlre 
l'auxiliaire  et  le  participe  ;  Il  a  exposé  sommaire- 
tiient  le  contenu  de  ce  livre,  ou  il  a  sommaire- 
ment cxjiosé,  etc. 

Sommeil.  Subsl.  m.  On  mouille  le  /  final. 

Sommité.  Subsl.  f.  On  prononce  les  deu.x  m. 

SoMNAMi:uLE.  Subst.  dcs  deux  genres.  On  jiro- 
nonce  le  lueinier  m  ;le  second  se  piononce  comme 
udm. 

SoMMFiiRE.  Adj.  des  deux  genres.  On  prononce 
le  VI.  Il  ne  se  met  (iu'a[)rès  sou  subsl.  :  Plante 
somnifère,  potion  somnifère. 

SoMPTUAir.E.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Edil  somptuaire,  lois 
somptuaires. 

SoMPTCELSEMENT.  Adv.  Il  nc  sc  ffict  guère  qu'a- 
près le  verbe  :  //  a  vécu  somptueusem.ent. 

Somptueux, Somptueuse.  Adj.  On  jKîutle  mettre 
avant  son  subsl.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Ua  édifice  somptueux,  un  somptueux 
édifice. 

Son.  Adj.  possessif  qui  a  rapport  à  la  troisième 
personne.  Il  lait*«  au  féminin,  et  ses  au  pluriel 
pour  les  deux  genres.  Il  se  met  toujours  avant  le 
subst.,  et  exclut  l'article. 

Quoique  son  soit  destiné  à  modifier  un  sub- 
stantif masculin,  on  l'emploie  devant  un  substan- 
tif féiuinin,  lorsque  ce  substantif  commence  par 
une  voyelle  ou  un  h  non  aspiré.  Ainsi  l'on  dit, 
son  cnnitié,  son  habitude,  et  non  pas  sa  amitié, 
sa  habitude. 

Cet  adjectif  possessif  se  dit  des  personnes  et 
des  choses  personnifiées;  mais  aussi  il  se  dit  quel- 
quefois des  choses,  et  à  cet  égard  son  emploi  est 
sujet  à  des  difficultés.  Nous  les  avons  expliquées 
au  mot  Adjectif,  en  parlant  des  adjectifs  posses- 
sifs. Voyez  ce  mut. 

Les  adjectifs  son,  sa,  ses,  doivent  se  répéter 
devant  chaque  substantif  et  devant  chaque  ad- 
eclif,  à  moins  que  les  adjectifs  n'aient  à  peu  prés 
le  même  sens.  On  dit  son  père  et  sa  mère,  ses 
frères  et  ses  sœurs,  et  non  ses  père  et  mère,  ses 
frères  et  sœurs.  On  d\\.  j'ai  vu  ses  grandes  et  ses 
petites  maisons;  mais  on  dit  j'ai  vu  sa  belle  et 
brillante  parure,  et  parce  que  belle  et  brillante 
signifient  ici  des  choses  de  môme  ordre,  et  parce 
que  ces  adjectifs  sont  appli(;ués  au  même  sub- 
stantif. On  dira,  parla  même  raison,  je  »aw  par- 
ler de  grandes  et  mémorables actions.Yoyez Moi, 
Mon,  Pronom. 

Sonder.  V.  a.  de  la  l^e  conj.  Les  poètes  l'em- 
ploient souvent  au  figure  : 

Peu  de  son  cœur  profond  ont  lond^  les  replis. 

(Volt.,  Henr.,  II,  47.) 

Il  faut  d'un  ccil  sévère 
Sonder  la  profondeur  de  ce  triste  mystère. 

f\'0LT.,  OEd.,  act.  I,  se.  m,  98.) 


Ma  main  téméraire 
Dn  prodige  effrayant  rcut  tondcr  le  mystère. 
(I)eliL;,  Bnéid.,  Ill, 


Vous  <|ui  de  la  philosophie 
&t«i  fonde  les  profoniieiirs. 

(Volt.,  Épttre  LXVI,  3.) 


SON 

Songer.  V.  n.  de  la  l^e  conj.  Dntis  ce  verbe, 
le  g  doit  toujours  se  prommcer  comme  un  /;  et 
pour  lui  conserver  celle  prononciation  Inrsqu'iï 
ost  suivi  <l'un  a  ou  d'un  n,  on  met  un  e  muet 
avant  cet  u  ou  cet  o  ;  Je  songeais,  so^Ageons,  ci 
non  pax,  je  sanguis,  .<tnnqons. 

Penser  signifie  avoir  une  cho.«e  dans  l'esprit, 
s'en  occuper,  y  attacher  sa  pensée,  y  donner  son 
attention,  réfléchir,  méditer.  Songer  signifie  seu- 
lement rouler  une  idée  dans  son  esprit,  y  faire 
quehjue  attention,  se  la  rappeler,  s'en  occuper 
légéroniïînt,  l'avoir  jirésente  à  sa  mémoire.  Vous 
ne  direz  point  songer  profondément,  mûrement, 
fortement  ;  vous  direz  penser  toutes  les  fuis  qu'il 
s'agira  de  réflexion,  de  inéditalion,  d'occupation 
suivie. 

Sonnant,  Sonnante.  Adj.  verbal  lire  du  v. 
sonner.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Horloge 
sonnante,  montre  sonnante. 

Sonner.  V.  a.  et  n.  de  la  1'*  conj.  On  dit  son- 
ner les  cloches,  et  sonner  la  messe,  sonner  !e 
dîner.  —  On  dit  midi  est  sonné,  et  non  pas  a 
sonné,  et  encore  moins  ont  sonné.  Mais  on  dit 
l'horloge  a  sonné,  parce  que  c'est  l'horloge  qui 
sonne,  et  que-  les  heures  sont  sonnées. 

J.-J.  Rousseau  a  employé  ce  mot  heureuse- 
ment dans  cette  phrase  :  Le  son  de  sa  voix  était 
net,  pUin ,  bien  timbré;  une  voix  de  basse, 
étoffée  et  mordante,  qui  remplissait  Voreille  et 
sonnait  au  cœur. 

Sonnet.  Subst.  m.  Terme  de  poésie.  Petit  poëme 
de  quatorze  vers,  qui  demande  tant  de  qualités, 
qu'a  peine  entre  mille  on  peut  en  trouver  deux 
ou  trois  qui  méritent  d'être  loués.  Despréaux  dil 
que  le  dieu  des  vers 

Lui-même  en  mesura  le  nombre  et  la  cadence, 
Défendit  qu'un  vers  faible  y  pût  jamais  entrer, 
Xi  qu'un  mol  déjà  rais  osai  s'y  rencontrer. 

[Â.  P.,  II,  90.) 

Voilà  pour  la  forme  naturelle  du  sonnet. 

Il  y  a  outre  cela  la  forme  artificielle,  qui  con- 
siste dans  l'arrangement  et  la  qualité  des  rimes, 
ce  que  le  même  Despréaux  a  exprimé  ainsi  qu'il 
suit  (A.  P.  11,85)  :  Apoîlon 

Voulut  qu'en  deux  quatrains,  de  mesure  pareille, 
La  rime  avec  deux  sons  frapp.il  huit  fois  l'oreille^ 
Et  qu'ensuite  sii  vers,  arlislement  rangés. 
Fussent  en  deui  tercets  par  le  sens  partagés. 

Le  tercet  commence  par  deux  rimes  semblablei, 
cl  l'arrangement  des  quatre  derniers  vers  est 
arbitraire. 

Voici  un  sonnet  de  Despréaux,  qui  pourra 
donner  une  idée  de  ce  genre  de  {loésie  : 

Nourri  dès  le  berceau  près  de  la  jeune  Oraiite 
Et  non  moins  par  le  cœur  que  par  la  sang  lié, 
A  ses  jeux  innocents  enfant  associé, 
Je  goûtais  les  douceurs  d'une  amitié  ch^.nnante 

Quand  an  faux  Esculape,  à  cervelle  ignorante, 
A  la  lin  d'un  long  mal  vainement  piiUié, 
Rompant  de  ses  beaux  jours  le  fil  trop  délié. 
Pour  jamais  me  ravit  mon  aimable  parente. 

Oh'  qu'un  si  rude  coup  nie  fit  verser  de  pleur» 
Bienldt,  ma  plume  en  main,  signalant  mes  douléon, 
Je  demandai  raison  d'un  acte  si  perfide. 

Oui,  j'en  fis  dès  quinze  ans  ma  plainte  à  l'uiii<rtn; 
El  l'ardeur  de  venger  ce  premier  homicide 
Fut  le  premier  démon  qui  m'inspira  des  re». 


SOR 

Sonore.  Adj.  des  deux  genre?.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  voix  sonure ,  une 
syllabe  sonore,  —  Une  église  sonore,  une  voûte 
sonore. 

Sophistique.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subst.  :  Un  argument  sophis- 
tique, un  raisonnement  siypiiistique. 

SopoRATiF,  SopoiîATivE.  Adj.  11  nc  se  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Des  drogues  soporatives. 

SopoREDx,  Sopor.EDSE,  Adj.  qui  ne  se  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Affection  sopnreuse.  C'est  un 
terme  de  m.'dccim*. 

Soporifique.  Adj.  dos  deux  genres.  Au  figuré, 
on  peut  le  incllre  avant  son  subsi.,  en  consultant 
l'oreille  et  l'analogie  :  Un  discours  soporific/ue, 
ces  soporifiques  diacours.  On  dit  aussi  dans  le 
lUcmc  sens,  soporifère. 

Sor.DiDE.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subsl. ,  lorsque  l'analogie  et 
Ibarmonie  le  permettent  :  Un  homme  sordide.  — 
Une  avarice  sordide,  une  sordide  avarice;  un 
intérêt  sordide,  vn  sordide  intérêt  ;  une  épargne 
sordide,  une  sordide  épargne.  Voyez  Adjectif. 

Sordidement.  Adv.  On  ne  le  met  guère  qu'après 
le  verbe  :  lia  toujours  vécu  sordidement. 

Sort.  Subst.  m.  Le  t  ne  se  prononce  jamais. 
L'Académie  a  oublie  de  dire  qu'on  le  prend  quel- 
quefois dans  le  sens  de  vie  : 

Tous  les  nii«ns,  à  mes  yeui,  terminèrent  leur  tort. 
(Volt.,  AU  ,  act.  I,  se.  i,  95.) 

Je  lonchais  au  moment  qui  terminait  mon  sort. 

(YOLT.,  Henr.,  II,  53b.) 

Sortable.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  roreillc  et 
l'analogie  :  Un  mnriage  sortahle,  un  parti  sor- 
table, une  union  sortable,  cette  sortable  union. 
Voyez  Adjectif. 

Sorte.  Subst.  m.  Ménage  pense  qu'il  est  plus 
élégant  de  dire  toute  sorte  au  singulier,  à 
moins  que  <'etto  expression  ne  soit  employée 
absolument,  et  précédée  d'un  relatif,  cas  où  il 
faut  le  pluriel,  comme  dans  celte  phrase  :  Il  y 
en  a  de  toutes  sortes.  Vaugelas  dit  qu'on  doit 
mettre  toutes  sortes  avec  des  mots  pluriels, 
toutes  .lortes  de  prospérités  ;  et  toute  sorte 
avec  un  mot  singulier,  toute  sorte  de  bon- 
heur. L'Académie  veut  qu'on  mette  toute  sorte 
ou  toutes  sortes  avec  des  mots  pluriels, /om/c  sorte 
de  malheurs  et  toutes  sortes  d'animaux  ;  el 
qu'avec  des  mots  singuliers,  on  mette  tnute  sorte 
au  singulier  :  Je  vous  souhaite  toute  sorte  de 
bonheur,  el  non  pas  toutes  sortes  de  bonheur. 

Il  suivrait  de  la  qu'on  pt)urrail  dire  également 
toute  sorte  de  livres  et  toutes  sortes  de  livres. 
Si  cela  était,  il  faudrait  supprimer  une  de  ces 
deux  expressions,  car  à  quoi  bon  deux  ex|iressions 
pour  signifier  la  même  rh(jse?  Domerguc  observe 
que  le  singulier,  se  rapprochant  plus  du  sens  de 
cAaçHc,  exprime  mieux  une  idée  de  détail,  toute 
sorte  de  livres;  cl  ([ue  le  pluriel  se  rapprochant 
plus  du  sons  de  tous,  exprime  mieux  une  idée 
coUeclive,  toutes  sortes  de  livres.  Quand  on  dit, 
ajoute  Domergue,  f  entends  de  touscôies,  on  n'a 
dans  l'esprit  qu'une  idée  collective  ;  et  une 
amante  qui  soupire  après  l'arrivée  de  son  amant, 
devrait  dire  :  À  tout  moment  je  crois  le  voir 
yenrr,  parce  qu'elle  compte  chaque  moment  d'une 
;;bsence  cruelle. 

Dans  les  phrases  où  le  mot  sorte  esl  employé. 


SOT 


6S9 


il  ne  détermine  pas  l'accord  du  verbe;  cel  accord 
est  déterminé  par  le  subst.  qui  suit  :  Toute  sorte 
de  livres  ne  sont  pas  également  bons.  Il  n'y  a 
sorte  de  soins  qit'il  nuit  pris,  cl  non  pas  prise. 

La  raison  pour  laquelle  on  fait  accorder  le 
verbe  avec  le  substantif  qui  suit  sorte  plutôt 
qu'avec  sorte  même,  c'est  que  le  sujet  n'est  pas 
seulement  formé  par  le  mot  sm-tc,  mais  par  les 
mots  sorte  de  livres.  Ainsi,  selon  la  synlaxe  or- 
dinaire, le  verbe  doil  être  régi  par  l'idée  que 
présente  la  collection  de  ces  mots,  el  non  par  l'un 
d'eux  séparénicnl.  Lorsiju'après  le  substantif  i]ui 
suit  le  mot  sorte  il  y  a  un  adjectif  relalil",  il  ne 
faut  pas  faire  accorder  cet  adjectif  avec  le  mot 
sorte,  mais  avec  le  substantif  qui  suit.  On  dira 
donc,  une  sorte  de  fruit  qui  est  nmr  en  hiver, 
et  non  i)as  mûre;  une  esj)èce  de  bois  qui  est  f  ri 
dur,  et  non  pas  dure. 

Corneille  a  dit  (Horaces,  act.  III,  se.  vi,  Gl)  : 

Dieux  !  rcrrons-nous  toujours  des  mallieurs  de  la  tortc  ? 

Ce  de  la  sorte,  dit  Voltaire,  est  une  expression, 
du  peuple  qui  n'est  pas  convenable;  elle  n'est 
pasinéme  française. Il  faudrait  àive,  de  cette  sorte, 
ou  d'une  telle  sorte. 

De  sorte  que,  expression  conjonctive  qui  régit 
l'indicatif  :  De  sorte  que  je  n'aifu  réussir. 

En  sorte  que,  expression  conjonctive  qui  régit 
le  subjonctif  :  Faites  en  sorte  qu'il  soit  content. 

SoRTin.  V.  a.  et  n.  de  la  2'  conj.  Dans  le  sens 
de  passer  du  dedans  au  dehors,  il  esl  irrègulier, 
et  se  conjugue  comme  sentir  :  Il  sort  de  sa 
chambre.  Ce  verbe  prend,  en  ce  sens,  l'auxiliaire 
ai^oir  ou  l'auxiliaire  être.  Le  premier  s'emploie 
lorsqu'on  veut  exprimer  une  action  qui  a  un  ob- 
jet :  On  a  sorti  ces  marchandises.  On  a  sorti  cet 
homuie  de  cette  mauvaise  affaire.  On  emploie 
l'auxiliaire  être  lorsqu'on  veut  expriuicr  un 
état  :  Ces  marchandises  sont  sorties.  Mon  frère 
est  sorti.  A  veine  étiez-vous  sorti, qu'il  est  entré. 

On  dit  aussi  qu'««e  personne  a  sorti,  pour 
dire  qu'elle  a  fait  l'aclion  de  sortir,  et  ijneileesi 
reiUrée  :  lia  sorti  ce  matin;  et  l'on  dit  qu'e/Ze 
est  sortie,  pour  dire  qu'elle  est  dehors,  et  qu'elle 
n'est  pas  rentrée  :  Mon  frère  est  sorti,  et  ne  ren- 
trera que  ce  soir. 

Il  ne  faut  pas  confondre  il  ne  fait  que  de  sortir 
a\ecil7ie  fait  que  sortir.  Le  premier  veut  dire, 
il  n'yapas  longtemps  qu^  il  est  sorti;  et  le  second, 
il  sort  sans  cesse. 

Sortir,  en  terme  de  jurisprudence,  signifie 
avoir,  tenir  ou  produire.  En  ce  sens,  sortir  est 
un  verbe  défectueux.  Il  ne  se  dit  qu'à  quelques 
lemps,  et  seulement  à  la  troisième  personne.  .\u 
présent  de  l'indicatif,  il  sortit,  ils  sortissent; 
a  l'imparfait,  il  sortissuit,  ils  sertissaient  ;  au 
i'ulur,  il  sortira  :  Cette  clause  sortira  son  plein 
et  entier  effet  ;  ce  jugement  sortira  effet.  Au 
subjonctif,  qu'il  sortisse,  quelle  sortisse,  etc. 

Sot,  SoTTi:.  Adj.  et  subsl.  11  se  met  ordinaire- 
ment avant  son  subst.  :  Un  A-ot  homme,  ui.c  sotte 
fetnme,  un  sot  enfar.t.  —  Une  sotte  entreprise, 
un  sol  dessein,  un  sot  livre,  un  sot  discours.  — 
On  dit  :  f^oilà  un  homme  bien  sot,  voilà  une 
fetnme  bien  sotte,  un  discours  bien  sot,  une  ré- 
ponse bien  S'itte.  Voyez  Adjectif. 

Voltaire  dit,  dans  ses  Rcmurqucs  sur  Cor- 
neille, que  ce  mol  doit  cire  évité  dans  le  style 
noble. 

Féraud  dit  que  le  t  final  se  prononce  dans  soc, 
d'aulres  disent  le  contraire.  Il  est  certain  qu'on 
prononce  souvent  sot  sans  faire  sonner  le  t,  «t 


660 


SOU 


que  d  autres  fois  on  le  failsonncr;  mais  il  semble 
qu'il  y  aquelijue  «liffércmc  li'idcc  cnlrc  ces  deux 
prononcialions.  On  dit  d'un  homme,  vest  vn  sut, 
sans  prononcer  le  t,  lorsiiu'on  porte  de  lui  un 
jugemcni  sans  aigreur, sans  passion,  sans  indigna- 
tion. On  prononce  de  môme  dans  ce  vers  (Boil. 
A.  P.,  I,  232)  : 

Un  sol  trouve  toujours  un  plus  sol  qui  l'admire. 

Mais  lorsqu'à  l'idée  de  ce  mol  se  joint  un  sen- 
timent de  iiiécontenlemcnl,  d'immeur,  de  colère, 
d'indignaiion.  on  prononce  le  /.  Ainsi  un  i)ére  en 
courroux  dira  ii  son  fds,  voks  êtes  un  sot,  en 

t)rononçanl  le  t;  ainsi  on  dira,  en  prononçant 
e  /,  mus  êtes  un  sot,  c'est  un  sot,  en  parlanl  de 
quelqu'un  qui  nous  a  donné  (luelque  sujet  de 
mécontentement,  qui  nous  a  offensé,  qui  a  blessé 
notre  amour-propre. 

Le  /  final  de  sot  adjectif  se  fait  sentir  lors- 
qu'il est  suivi  d'un  substantif  qui  commence  par 
une  voyelle  ou  par  un  h  non  aspiré  :  Un  sot 
amour,  un  sot  attachement,  etc.  ;  prononcez  un 
sot-tamour,  un  sot-iattachement.  On  ne  le  pro- 
nonce pas  lorsque  le  substantif  commence  par 
une  consonne  :  Un  sot  discours,  un  sot  livre. 

Sottement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre  l'auxi- 
liaire et  le  participe  :  Il  a  répondu  sottement, 
il  a  sottement  répondu. 

Soucier  (se).  V.  pronom,  de  la  1"  conj.  Il 
s  emploie  ordinairement  avec  une  négative  :  Il  ne 
se  soucie  pas  de  cet  homme-là,  il  se  soucie  fort 
peu  de  conserver  ses  amis.  Ici  peu  est  une  sorte 
de  négative.  Se  soucier  peu,  c'est  ne  se  soucier 
guère.  Se  soucier  régit  de  avec  l'inlinitif,  quand 
cet  infinitif  se  rapporte  au  sujet:  Je  ne  me  soucie 
pas  de  l'entendre.  11  régit  que  avec  le  subjonctif 
quand  le  second  verbe  ne  se  rapporte  pas  au 
sujet  ;  Je  ne  me  soucie  pas  qu'il  vienne. 

Soucieux,  Soucieuse.  Adj.  On  le  met  ordinaire- 
ment après  son  subsl.  :  Un  air  soucieux,  une 
mine  soucieuse,  un  visage  soucieux. 

Soudain,  Soudaine.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Départ  soudain,  mort  soudaine , 
irruption  soudaine,  bruit  soudain,  une  hor- 
reur soudaine,  taie  soudaine  horreur.  Voyez 
Adjectif. 

Soudain.  Adv.  Il  n'est  guère  employé  qu'en 
poésie.  On  le  met  au  commencement  de  la  plirase, 
ou  après  le  verbe  :  Soudain  il  rappelle  toutes  ses 
forces. 

Il  ouvre  un  œil  mourant  qu'il  rcfurmc  soudain. 

(RiC,  Phèd.,  ad.  V,  se.  vi,  73.) 

Soudainement.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verbe  :  Il  part  soudainement. 

Soudaineté.  Subst.  f.  Cbamfort  nous  apprend 
que  I.a  Fontaine  aimait  ce  mol.  Comment,  dit-il, 
veindre  itn  poète  (La  Fontaine)  qui  souvent 
temble  s'abandonner  covime  dans  une  conversa- 
tion facile;  qui,  citant  Ulysse  à  propos  des 
voyages  d'une  tortue  ,  s'étonne  lui-même  de  le 
trouver  là  ;  dont  les  beautés  paraissent  quelque- 
fois une  heureuse  rencontre,  et  possèdent,  pour 
me  servir  d'un  mut  qu'il  aimait,  la  grâce  de  la 
soudaineté  [Élor/e  de  La  F(intaine,2' pari.).  Mi- 
rabeau a  dit  :  //  faut  assortir  toutes  ces  choses  à  la 
révolutinn,  et  sauver  la  soudaineté  du  passage. 

SouuRE.  V.  a.  de  la  4"  conj.  dont  l'infinitif  est 
seul  employé.  DoiTner  la  solution.  Il  est  vieux. 
(.■Vcad.  1S33.) 


SOU 

1      Souffrant,  Souffrante.  Adj.  verbal  tiré  du  v 
I  souffrir.  Il  suit  toujours  son  subsl.  :  Un  homme 
I   souffrant.  —  L'humanité  souffrante,   la   vertu 
souffrante. 

Souffreteux,  Souffeeteuse.  Adj.  Vieux  mot 
inusité  que  J.-J.  Rousseau  a  employé  :  Quand 
ma  personne  fut  affichée  par  mesécrits,je  devins 
dès  lors  le  bureau  d'adresses  de  tous  les  souffre- 
teux ou  Soi-disant  tels,  et  de  tous  les  aventuriers 
qui  cherchaient  des  dupes.  Mercier  voudrau  que 
l'on  rajeunit  ce  mot.  Il  donne  pour  exemple  : 
Il  était  non-seulement  pauvre  et  indigent,  mais 
encore  souffreteux.  —  Ce  mot  est  maintenant  forl 
employé. 

Souffrir.  V.  a.,  n.  et  irrégulier  de  la  2«  conj., 
Il  se  conjugue  comme  ouvrir.  Voyez  Irrégulier.. 
Je  souffre  de  vous  voir  dans  cette  situation,, 
c'est-à-dire,  j'éprouve  du  déplaisir,  du  chagrin 
de  vous  voir,  etc.  En  ce  sens,  souffrir  régit  la 
l)répositicn  de  avec  l'inlinilif.  Mais  quand  il  s'a- 
gil  d'une  action  qui  cause  de  la  douleur,  souffrir 
régit  la  picposilion  à  •■  L'homme  ne  se  sent  pas 
naître,  il  souffre  à  mourir,  et  il  oublie  de  vivre. 
(La  Bruyère,  De  l'hounne,  ch   xi.) 

Ce  verbe  exige  le  subjonctif  dans  la  phrase  su- 
bordonnée :  Je  ne  souffrirai  pus  qu'on  lui  fasse 
du  mal. 

Souffrez  que  Bajazet  voie  enfin  la  lumière. 

(Rac,  Baj.,  act.  I,  se.   II,  25.) 

Corneille  a  dit  : 

Mais  quand  j'aurai  vengé  Rome  des  maux  soufferts. 
[Cinn.,  act.  II,  se.  Ii,  48.) 

L'esprit  de  notre  langue,  dit  Voltaire,  ne  permet 
guère  ces  participes.  Nous  ne  pouvons  dire  des 
maux  soufferts,  comme  on  dit  des  maux  passés. 
Soufferts  suppose  par  iiuelqu'un  :  les  maux 
qu'elle  a  soufferts.  Il  sérail  a  souhaiter  que  cet 
exemple  do  Corneille  eût  fait  une  règle,  la  langue 
y  gagnerait  une  marche  plus  rapide.  {Remarques 
sur  Corneille.) 

Souhaitable.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
dit  que  des  choses  et  suit  toujours  son  subst.  : 
Unbonheur souhaitable.  11  est  peu  usité. 

Souhaiter.  V.  a.  de  la  J'^'^  ronj.  On  dit  je  sou- 
haite de  le  voir,  cl  je  soijudle  qu'il  vienne.  On 
emploie  do  avec  l'infinitif,  quand  le  second  verbe 
se  rapporte  au  sujei  du  premier;  et  que  avec  le 
sui)jonctif  quand  il  ne  s'y  rapporte  pas. 

Ce  verbe  ayant  toujours  rapport  à  quelque 
chose  d'incertain,  de  contingent,  je  pense  qu'il 
doit  toujours  être  suivi  de  la  préposition  de  Ac- 
vanl  un  infinilif  :  Je  souhaite  de  le  voir,  et  non 
lias,  je  souhaite  le  voir.  Cependant  l'Académie 
dit  sans  préposition,  ^e  souhaiterais  pouvoir  vous 
obliger.  Mais  Montesciuicu  a  dit  :  J'aurais  sou- 
haité d'adoucir  les  maux  d'un  homme  tel  que 
vous.  (Lysimaque.) 

Souiller.  V.  a.  de  la  1"  conj.  On  mouille 
les  l.  Les  poètes  emploient  très-souvent  ce  mot 
au  figuré  dans  différentes  acceptions. 

San:  que  ta  mort  encor,  honteuse  à  ma  mémoiri*, 
De  mes  nobles  Iravauj  vienne  souiller  la  gliire. 

(Rac,  Phéd.,  acl.  IV,  se.  il,  23.) 

Tendre  ami  de  son  mallro,  el  qui  dans  ce  liaut  ran^ 
Ne  souilla  point  ses  mains  de  rapine  et  de  sang. 

(Volt.,  llenr..  VII,  «».) 


sou 

L«  roi,  le  roi  lui-même,  au  milieu  des  bourreaux 
Poursuivant  des  proscrits  les  troupes  t^jiries. 
Du  sinj;  de  ses  sujets  sou  il/ait  ses  mains  sacrées. 
[Idtm,  U,  292.) 

Il  110  peut  croire 
Qne  vous  ayez  d'uoe  lâche  si  noire 
SouilU  l'hocneur  de  tos  jours  innocents. 

(Volt.,  Enf.  prod.,  aci.  V,  se.  ii,  45.) 

SouL  SouLE.  Adj.  On  ne  pr.moiico  pas  le  / 
fanal.  Ilncscmcttn-ai.rcsson  subst.  :  Un  homme 
seul,  une  femme  side.  —  Quelquefois  il  ré-'il  la 
préposition  de:  S.<ûl  de  musique,  soûl  de  spec- 
tacle. —  On  dit  substantivement,  invt  mon  soûl 
tmii  son  soûl,  elc.  Ce  mot  est  banni  du  style 
noble.  ■* 

SoDUGEMEMT.  Subst.  m.  II  s'empIolc  Lien  dans 
le  style  noble.  (Rac.,  Iphigénie,  acI.  II,  se.  i, 

Tu  vois  avec  ctonnement 
Une  ma  douleur  ne  souffre  aucun  so»lagrmtnt. 

Soulager.  V.  a.  de  la  1-conj.  :  Soulager  quel- 
qti  un,  soulager  lu  douleur  de  quelqu'un,  soula- 
ger quelqu'un  dans  sa  douleur.  Racine  a  dit  fi^u- 
rement,  soulager  le  poids. 

Ame  de  mes  conseils,  cl  qui  seul  tant  de  fcij 
Du  sceptre  dans  ma  main  a  soulage  le  poidi. 

(Ric,  Esth.,  ad.  III,  se.  y,  2.) 

SocLER.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Autrefois  ce  terme 
elait  admis  dans  le  style  noble.  Corneille  a  dit 
[Cid,  acl.  m,  se.  jv,  2«  édit.  de  Volt.)  : 

Soll<cs-t-ous  du  plaisir  de  m'empècher  de  TÏTre; 

et  l'Académie,  ijnns  la  critique  du  Cid,  n'a  point 
relevé  celle  expression.  Aujourd'hui  on  ne  la 
souffrirait  pas. 

SocLEVER.  y.  a.  de  la  i"  cunj.  Les  poètes  l'em- 
ploient au  propre  et  au  figuré  : 

El  quand  la  mer  a  «ouJc««  ses  (loti. . . . 

(Volt.,  Épttre  III,  41.) 

Non,  non,  il  n'ira  point,  par  un  llche  attentat, 
Souiet-er  contre  lui  le  peuple  et  le  sénat. 

;Rac.,  Britan.,  act.  V,  se.  I,  49.) 

Ce  verbe  se  dit  particulièrement  au  propre  en 
parlant  des  sujets  relativement  a  leur  souverain  : 
Le  peuple  se  souleva.  Toutes  les  provinces  se 
sont  soulevées,  en  parlant  d'une  émotion  popu- 
laire générale.  Les  Gui.<:es  firent  soulever  plu- 
sieurs villes  contré  Henri  lll.  Mais  on  ne  dirait 
pas  que  la  Grande-Bretagne  s'est  soulevée  contre 
la  France,  en  lui  déclarant  la  cucrre. 

Soulever  se  dit  encore  au  llgiiré  de  tout  ce  qui 
révolte  l'humanité  ou  (jui  cause  du  scandale  et 
de  l'indignation,  sans  qu'il  s'aaisse  de  souverains 
ni  de  sujets  :  L'apologiste  de  là  Saint-Barthélémy 
a  soulevé  tout  le  monde  contre  lui. 

SorLoin.  V.  u.  de  la  3^  conj.  Ce  verbe,  qui  si- 
gnifie avoir  coutume,  a  vieilli,  et  ne  s'est  guère 
dit  qu'a  l'imparfait.  On  l'emploie  encore  dans  le 
style  marolique  : 

Quip  t  à  sor  temps 

Deni  pjrls  en  Ct  dont  il  toulait  pas.-er 
L'une  à  dormir  et  l'autre  à  ne  rien  faire. 

(Bpitaphe  de  La  Fontaine.) 


SOU 


C61 


SoupçoNNARLE.  Adj.  dcs dcux  t-'PnrCS.  Oui  iKîu: 
être  sot.pçonné.  On  ne  tmuve  point  ce  mot  d:.,H 
Ips  «litltonnairos,  probaLl.-mmt  parce  .iiio  l'Aca- 
demio  ne  f,,  pas  mis  .lans   le  mc.i.  Voltaire  l'a 

noU^t'  **/'/"'"'  '^"'"."^  qu'on  iM^uiritmler  et. 
cela  .  Les  (huuns  d.i-,|,  s.ut  Ir,.,,  soupcnneux 
et  t,op  soupçuniiables  pour  qu'on  emam,  arr< 
eux  un  grand  commerce,  qui  demande  de  lu  qé- 
nerosite  et  delà  franchise. 

SoupçoN>Eit.  V.  a.  et  n.  de  la  I"  conj.  :  Soup- 
çonner quelqu'un  de  quelque  ch.se.  Soupçonne 
lemal.—VA\  parlant  <ies  choses  :  On  soupçonne  ».. 
UtTotton  d'hypocrisie. 

Quelquej-uns  «oupfonnoi.nt  les  pcrCdes  préscnli. 
(Volt.,  Ihnr.,  11.  \:,i  , 

Ma  nile,  qui  s'approdie  cl  court  ii  ion  t> 
Qui,  loin  de  loupçonnrr  on  «rrél  »i  léuri. 

(KlC,  IpHig..  act.  I,  ic.  I,    Uî.} 

Dans  le  sens  neutre,  il  r.i:it  y,;*  avec  l'indica- 
lit.  quand  la  phrase  est  aflirmaiive  :  f-'ou»  soup- 
çmnes  que  jo  Ncur.  v.us  tromper;  cl  ave.-  le 
subjonctif  quand  la  phrase  est  négative  ou  iiiter- 
rugalive:  Il  ne  soupçonnait  pas  qu'on  voulût  te 
tromper;  pouvait-il  soupçonner  qu'on  vouliit  le 
tromper? 

Ce  verbe  se  joint  à  un  infinitif  par  la  pn-posi- 
lion  de  :  Soupçonné  d'avoir,  ct  non  pas.  soup- 
çonne avoir.  Il  ne  faut  donc  pas  imiter  H.illiii,  qui 
a  dit  :  Il  eut  l'audace  de  drfrer  Lus  ceux  qu'tl 
soupçonnait  avoir  eu  du  penchant  Vi  .srcounr 
Persee.  Soupçonner,  renfeniiaiil  dans  l'idée  qu'il 
l'resenie  .pieliiuc  ehose  de  v:,:;ue.  d'in-criain. 
il  indetermm,-,  exige  nccessaiiciîieiit  dans  ce  cas 
la  prépusilion  de. 

SocpçonNEDX,  SocpçosNECSE.  Adj.  :  Un  homme 
soupçonneux:,  une  femme  soupçonneuse.  Il  ne  se 
met  (lu'aprés  son  subst. 

SouPECB.  Subst.  m.  Le  passage  suivant  de  Vol- 
taire fera  bien  comprendre  ce  qu'on  eniendail 
quelquefois  [tar  ce  iii'>t  :  «  Je  ne  mus  reproche 
point  de  soupir  tous  tes  soirs  avec  M  de  lu  Pope- 
linière,  /nais  Je  vous  reproche  de  vivre  cmme  si 
l  homme  avait  été  créé  uniquement  p. ur  super: 
vous  n'aves    d'existence  que  depuis  dix  heures 
du  soir  jusqu'à  deux  heures  après  minuit.  Il  n'y 
a  soupeur  qui  se  couche,  ni  bégueule  qui  se  lève 
plus  tard  que  vous.  »  On  dirait  aujourd'hui  en 
ce  sens,  dîneur. 
Soupir.  Subst.  m.  le  r  final  se  fait  sentir. 
.'^oDPinER.  V.   n.  de  la  i"  conj.  Dans  le  sens 
d'aspirer,  de  prétendre  a  une  chose,  de  la  Jési- 
rer,  de  la  reohcreher  avec  ardeur,  avec  pa.ssion, 
ce  verbe  est  ordinairement  suivi  de  la  préposition 
après,   ou  de  la  pr6[iosilion  pour  :   Les  avares 
soupirent  sans  cesse  après  les  richesses,  les  am- 
bitieux après  les  honneurs,  les  dignités.  Il  sou- 
pire pour  cette  femme.  —  On  dit   soupirer  de 
douleur,  (['amour,  de  regret. 

Les  poètes  emploient  souvent  ce  verbe  dans  un 
sens  actif  : 

Tantôt  TOUS  «oupirïci  mes  peines. 
Tantôt  TOUS  chiDtiei  mci  plaiiiri. 

|MlLOIBB>,  Ht.  III,  odt  pour  U  rrirx  m<r> 
du  roi,  pendant  ta  réjtnei,  23. 

Toi  qui.  d'un  même  jou~  snulTranl  l'oppreiiion, 
M'aidais  4  toupir^r  le»  raaihenri  de  Siou. 

(RiC,  Eith.,  act.  I,  le.  i,  5.) 


662 


SOU 


Ce  n'était  pa>  jadis  sur  ce  ton  riiilcule 
Qu'amour  dictait  les  vers  que  «oupiratt  Tibulle. 
(BoiL.,  A.  P.,  II,  55.) 

Il  (l'Amour)  vole  vers  Yaucluse, 

Asile  encor  plus  doux,  lieux  où  dans  ses  beaux  jours 
Pétrarque  soupira  ses  vers  et  sus  amours. 

(Volt.,  U(mr.,  IX,  122.) 

SoDPLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  siibst.  :  Du  cuir  simple.  L'osier  est 
souple.  —  Un  homme  sovple,  un  caractère 
souple. 

Source.  Siil)St.  f.  Voyez  Fotiiaine. 

SocnciL.  Sul)Si,  m.  On  prononce  Sourci. 

SoonciLLEi^.  V.  n.  de  la  d'*  cônj.  On  mouille 
les  /.  Il  s'emploie  ordinairement  avec  la  négative  . 
Il  n^a  pas  sourcillé,  elle  n'a  pas  sourcillé 

SoDRciLLEUx,  SocRciLLiîcsE.  Adj.  Autrcfois  on 
le  disait  des  personnes,  dans  le  sens  de  hautain, 
d'orgueilleux;  aujourd'hui  il  ne  se  dit  plus  (jue 
des  choses,  et  seulement  eu  poésie  :  Montagnes 
sourcilleuses,  rochers  sourcilleux. 

I<ur  insensible  pente 

Vous  conduit  par  degrés  à  ces  monts  sourcilleux 

Qui  pressent  les  enfers  et  qui  fendent  les  cieux. 

(Volt.,  ÉpHre  LXXYI,  20.) 

Il  ne  se  met  qu'après  son  subst. 

Sourd,  Sourde.  Adj.  On  peut  le  mettre  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Un  hemriic  sourd,  une  femme  sourde.  —  Un 
bruit  sourd.  —  U^ne  douleur  sourde.  —  Prati- 
ques sourdes,  sourdes  pratiques  ;  menées  sourdes, 
sourdes  menées. — Figurément,  il  régit  la  pré- 
position à  .■  Etre  sourd  aux  prières,  aux  me- 
naces, etc. 

Les  dieux  depuis  longtemps  me  sont  cruels  et  sourds. 
(RaC,  Iphig.,  acl.  II,  se.  il,  42.) 

Sourds  aux  cris  douloureux  des  peuples  opprimés. 
(Volt.,  Henr.,  III,  58.) 

S'mrd  et  muet,  sourd-muet.  On  peut  employer 
ces  deux  expressions.  La  première  désigne  un  in- 
dividu muet  en  même  temps  qu'il  est  sourd,  mais 
chez  lequel  le  mutisme  est  indépendant  de  la  sur- 
dité :  hi  seconde,  un  individu  muet  eu  luéme  temps 
qu'il  est  sourd,  mais  chez  lequel  le  muli.sme  n'est 
qu'une  conséquence  de  la  surdité.  Voilà  pour- 
quoi on  doit  dire  :  L'Inslilufi-  n  des  S"urds- 
Muets,  cl  non  l'Institution  des  Sourds  et  Muet.f. 

Sour.DEMENT.  Adv.  On  peut  le  meltre  entre 
l'auxiliaire  et  le  pnrticipe  :  //,  avait  mené  sourde- 
ment celle  intrigue ,  ou  il  avait  sourdement 
mené  cette  intrigue. 

Sourdre.  V.  n.  et  défectueux  de  la  4'  conj. 
Il  n'est  guère  d'usage  qu'a  l'infinilif,  sourdre,  et 
aux  troisièmes  i)ersoimcs  du  présent  de  l'indica- 
tif :  L'eau  sourd,  les  eaux  snurdent. 

Sourire.  V.  n.  de  la  4«  conj.  Il  se  conjugue 
comme  rire.  Voyez  ce  mot.  Sourire  de  dédain, 
de  pitié.  —  Sourire  à  quelqu'un. 

Je  reçus  et  je  vois  le  jour  que  je  respire. 
Sans  que  mère  ni  père  ait  daigné  me  aoun'rs. 

(lUc,  /phij.,act.  II,  se.  1,  31.) 

Sournois,  Sournoise.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst..  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permettent  :  Un  homme  sournois,  un  enfant 
sournois,  une  humeur  sournoise,  cette  sournoise 


SOU 

humeur.  —  Ce  mot  est  exclu  du  style  noble. 
Voyez  adjectif. 

Sous.  l'rcposilion.  On  ne  prononce  le  s  final 
que  devant  une  voyelle. 

SoU.'i-AMEJiDE.MEriT,  SOUS-ARBRISSE  VU,  S0US-B.\1L, 

Sous-puÉFET,  etc.,  l'ont  au  pluriel  des  sous-amen- 
dements, des  sous-arbrisseaiix,  des  sous-baux, 
des  sous-préfets,  etc.  Voyez  Composé. 

Souscription.  Subst.  t.  7Ï  se  prononce  comme 
ci.  Il  ne  faut  pas  confondre  souscription  avec 
suscriplion.  Souscription  se  dit  de  la  signature 
qu'on  met  au  bas  d'un  acte  pour  l'approuver,  ou 
de  celle  (jue  l'on  met  au  bas  d'une  lettre  que  l'on 
a  écrite  ;  suscription  se  dit  de  ce  qui  est  écrit  au- 
dessus  d'une  leiire,  d'un  acte^  ou  de  ce  (jui  se 
met  au  dos  d'une  missive  ou  u'un  acte  mis  sous 
enveloppe. 

Souscrire.  V.  a.,  n.  et  irrégulier  de  la  4»  conj. 
Il  se  conjugue  comme  écrire.  Voyez  ce  mot. 
Souscrire  un  contrat,  le  signer.  Souscrire  àquel- 
que  chose,  y  consentir.  Souscrire  pour  un  ou- 
vrage de  littérature. 

Sous-DivisER  et  Socs-DivisiON.  Voyez  Subdi- 
viser. 

Soustraire.  V.  a.  et  irrégulier  delà  4'  conj. 
11  se  conjugue  comme  traire.  Voyez  ce  mot: 
Sdustraire  des  papiers,  des  bijoux.  —  Se  sous- 
traire à.  la  fijrannic.  se  soustraire  aii  châtiment. 

*  Sous-TïR.\N.  Subst.  m.  Mot  nouveau  dont 
personne  ne  peut  contester  rulilitè,  si  ce  n'est 
ceux  à  qui  on  pourrait  l'appliquer.  Voltaire  a  dit  : 
'<  Les  barbares  qui ,  des  bords  de  la  mer  Bal- 
tique, fondirent  dans  le  reste  de  V Europe,  ap- 
piirtùrent  avec  eux  l'usage  des  états  ou  parle- 
ments... Les  chefs  de  ces  sauvages  se  firent 
monarques:  leurs  capitaines  partagèrent  entre 
eux  les  terres  des  vaincus.  De  là  ces  sous-lyrans 
qui  disputaient  avec  des  rois  mal  affermis  les 
dépouilles  du  peuple.  » 

SouTE^ABLE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  et  s'emploie  souvent  avec 
la  négative:  Opinion  soute nuble , proposition  sou- 
ienuble.  —  Un  procédé  qui  n'est  pas  soutenubl-o, 
Un  poste  qui  n'est  pas  soittenuble. 

SooTEMR.  V.  a.  et  irrégulier  de  la  2«  conj.  Il 
se  conjugue  comme  tenir.  Voyez  Irrégulier  :  — 
Snutcnir  un  mur,  une  charpente.  —  Soutenir  sa 
réputation,  soutenir  la  conversation.  —  Dans  Ir 
sens  d'affirmer,  il  régit  ç-t^e  avec  l'indicatif,  quriiid 
le  second  verbe  ne  se  rapporte  pas  au  sujet  du 
verbe  soutenir  :  il  soutient  que  vous  l'avez  dit  ; 
et  il  régit  l'infinitif  sans  préposition,  quand  le  se- 
cond verbe  se  rapporte  à  ce  sujet  :  il  soutient 
l'avoir  vu.  —  Dans  le  sens  d'appuyer,  protéger, 
il  régit  quelquefois  dans  la  même  j)hrase,  pour 
complément  indirect,  de  et  contre  :  Il  a  soutenu 
mon  frère  de  son  crédit  contre  ses  ennemis. 

Les  poètes  emploient  volontiers  ce  verbe  au 
figuré  : 

A-t-il  jusqu'à  la  fin  soutenu  ta  fierté? 

(Rac,  Ândrom.,  act.  V,  se.  Il,  19.) 

Vos  mains  de  mon  empire  ont  soutenu  le  poids. 

(Volt.,  Sémir.,  aol.  II,  se.  vu,  6.) 

Leurs  bataillons  serrés  pressent  de' toutes  parts 
Ce  roi  dont  ils  n'osaient  soutjnir  les  regards. 

(Volt.,  Henr.,  VI,  241.) 

Souterrain,  Souterraine.  Adj.  On  peut  le  met- 
tre avant  son  subst.,  lorsiiue  l'analogie  et  l'har- 
monie le  permettent  ;  ChemiA  souterrain,  ventt 


SOL 

aouterrains,  feux  souterrains.  Cette  souterraine 
retraite.  Voyez  Adjectif. 

SouvENin  (se).  V.  pronom,  de  la  2*  conj.  I!  ré- 
git la  prt'iiositioii  de  devant  les  noms  el  les 
verbes  :  Je  me  souviens  de  ce  que  j'ai  dit,  je  me 
souviens  de  tous  vos  bienfaits  : 

Tu  t^  souviens  du  joar  qu'en  Aiilide  assemblés.... 
(Rac,  Iphig.,  act.  I,  se.  1,43.) 

On  dit  je  me  snvriens,  el  il  me  souvient.  Il  me 
semble  que  le  premier  marque  mieux  une  chose 
qu'on  rappelle  à  dessein  dans  sa  mémoire,  cl  le 
second,  une  chose  qui  s'y  présente  d'elle-mêmo. 
Je  me  souviens  que  vous  m'avez  dit  cela;  il  me 
souvient  71/e  vous  m'écrivîtes  il  y  a  quelque  temps 
qve  L'cke  était  le  premier  qui  eût  hasardé  de 
dire  que  Dieu  pouvait  communiquer  la  pensée  à 
lu  viutière.  (Voltaire.  Correspondance.) 

Vaugelas  el  Thomas  Corneille  sont  d'avis  qu'on 
doit  employer  se  souvenir  en  parlant  de  choses 
qu'on  peut  encore  appeler  présentes,  et  qu'il  faut 
dire  se  ressouvenir  en  parlant  des  choses  qui 
sont  éloignées  et  que  le  lemps  semble  avoir  effa- 
cées de  notre  esprit.  Cependant,  observe  Thomas 
Corneille ,  la  plupart  emploient  indifféremment 
l'un  et  l'autre  verbe,  el  même  plulùl  se  ressou- 
venir que  se  souvenir.  Ils  disent,  par  exemple  : 
Lorsqu'il  fut  à  trente  pas  de  chez  lui,  il  se  res- 
souvint quil  avait  oublié  un  papier  dans  son  ca- 
binet. Féraud  trouve  qu'il  est  beaucoup  mieux  de 
dire  il  se  snuinnt.  Je  pense  <iue  ces  observations 
ne  sont  pas  exactes. 

Se  sourenir,  c'esl  garder  le  souvenir  d'une 
chose,  éloignée  ou  non.  On  dit  également  bien, 
je  me  souviens  de  ce  que  j'ai  dit  ce  matin,  eije 
me  souviens  du  te/ups  passé,  je  me  sauriens  de 
fort  loin.  —  Se  ressouvenir,  c'est  se  rappeler  le 
souvenir  d'uiic  chose  que  l'on  avait  oubliée,  soii 
qu'elle  soit  éloignée,  ou  qu'elle  ne  le  soit  pas: 
J'avais  oublié  cette  circonstance,  vous  m'en 
faites  ressouvenir.  //  m'a  dit  que  dans  ma  jeu- 
nesse, il  fréquentait  la  maison  de  mon  père,  j'ai 
eu  beaucnup  de  peina  à  m'en  ressouvenir,  à 
m'en  rappeler  /e  souvenir.  Ressouvenir  SU])[)o?:C 
un  affaiblissement  ou  une  inierrupiion  dans  le 
souvenir.  D'après  cela,  il  est  clair  qu  il  faut  dire, 
malgré  l'opinion  de  Féraud  :  Lorsqu'il  fut  à 
trente  pas  de  chez  lui,  il  se  ressouvint  qu'il 
avait  oublié  un  papier  dans  sni  cabinet.  Il  s'était 
souvenu  auparavant  qu'il  devait  prendre  ce  pa- 
pier sur  lui;  mais  ce  souvenir  élail  ïuspendu  ;ui 
moment  où  il  sortit  de  chez  lui,  il  se  le  rappel;) 
lorsqu'il  fut  à  trente  pas,  il  se  ressouvint.  On 
dit,  si  vous  l'oubliez,  je  vous  en  ferai  ressou- 
venir. 

Souvent.  Adv.  On  peut  le  mettre  au  commen- 
cement di>  la  phrase,  devant  ou  après  le  verbe, 
ou  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Souvent  il  a 
nié  ce  qu'il  avait  dit,  il  a  souvent  nié  ce  qu'il 
avait  dit,  il  a  nié  souvent  ce  qu'il  avait  dit. 

Sot:vERAix,  Souveraine.  .\d'.  On  peut  le  mettre 
avant  le  subst.,  lorsque  l'analogie  el  l'harmonie 
le  permettent  :  Prince  souverain,  viaison  souve- 
raine, pouvoir  souverain.  —  Le  souverain  bien, 
le  souverain  bonheur,  la  souveraine  félicité. 
^'oyez  Adjectif.  On  l'emploie  aussi  substantive- 
ment. Corneille  a  dit(Ci/i72a,  act.  III,  se.  iv,  SI)  : 

II  ncus  fait  souverains  sur  leurs  grandeurs  suprêmes. 

Voltaire  dit,  au  sujet  f  c  ce  vers  :  On  est  sou- 
verain de,  ou  n'est  pa?  souverain  sur  une  gran- 
deur. {Remarques  sur  Corneille.) 


SPL 


665 


Souverainement.  Adv.  11  se  met  après  le  verbe 
et  avant  l'adjectif  qu'il  modifie  :  //  a  jugé  souva- 
raineviciit ,  il  commande  souverainement.  — 
Souverainement  bon,  souverainement  juste. 

Soyeux,  Soyeuse.  Adj.  qui  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Laine  soyeuse,  fil  soyeux,  taffetas 
soyeux. 

SPACIELSE.MENT.  Adv.  On  pcut  Ic  mellic  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  est  logé  spacieuse- 
ment, ou  il  est  spacieusement  logé. 

Spacieux,  Spacieuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  suhst.,  en  consulianl  l'oreille  el  l'ana- 
logie :  Un  lieu  spacieux,  un  jardin  spacieux, 
une  cour  spacieuse,  une  contrée  spacieuse,  ces 
spacieuses  contrées.  Voyez  Adjectif. 

Spécial,  Spéciale.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :  Une  grâce  spéciale,  v ne  procuration 
spéciale,  un  pouvoir  spécial.  Il  lait  spéciaux 
au  pluriel  masculin  :  Des  pouvoirs  spéciaux. 

Spécialemem.  Adv.  On  i>cut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  lui  a  donné  tou.i 
ses  meubles,  et  spécialement  tous  ses  livres.  Il 
lui  a  donné  spécialement  ses  livres. 

Si'ÉciEESE.ME\T.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  parlii'ipe  :  //  a  e,vposé  spécieu- 
sement le  fait,  o\ï  il  a  spécieusement  exposé 
le  fait. 

Spécieux,  Spécieuse.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie 
le  permeltcnl  :  Un  prétexte  spécieux,  un  spé- 
cieux prétexte;  des  raisons  spécieuses.  Voyez 
Adjectif. 

Spécifique.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se  met 
guère  qu'après  son  subst.  :  Différence  spécifique, 
qualité  spi'cifique,  remède  spécifiqtie. 

Spectateur.  Subst.  m.  En  parlant  d'une  femme, 
on  dit  spectatrice.  On  l'emploie  aussi  adjective- 
ment :  Les  peuples  spectateurs ,  les  nations 
spectatrices.  Alors  il  suit  toujours  son  subst. 

Spéculateur.  Subst.  m.  L'Académie  ne  dit  pas 
s'il  a  un  féminin.  Nous  pensons  qu'on  peut  dire 
."péculatrice. 

Spéculatif,  Spéculative.  Adj.  qui  suit  toujours 
son  subst.  :  Esprit  .<^péculatif,  les  philosophes 
spéculatifs.  —Science  .spéculative. 

Spiral,  Spikalk.  Adj.  On  le  met  toujoursaprés 
son  subst.  :  Forme  spirale,  ressorts  spiraux. 

Spirituel,  Spirituelle.  .\dj.  Il  ne  se  met  guère 
qu'après  son  subst.  :  Substance  spirituelle.  — 
Un  homme  spirituel,  une  fem-ine  spirituelle .  — 
Une  réponse  .spirituelle .  —  Un  air  spirituel, 
vue  physionoviie spirituelle . — La  vie  spiritutile , 
un  livre  spirituel. 

Spirituellement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  observé  spiri- 
tuellement, ou  il  a  spirituellement  observé qjte... 

Spiritueux,  Spuîitueuse.  Adj.  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  f^i?i  spiritueux,  liqueur 
spirilueuse . 

Spleen.  Subst.  m.  On  prononce  spline. 

Splendeuk.  Subst.  f. 

De  ses  chagrins  mortels  son  esprit  dc;;a;é 
Souvent  reprend  sa  force  et  sa  splendeur  première. 
(Volt.,  Scmir.,  act.  I,  se.  i.  52.) 

Splendeur  ne  se  dit  proprement  que  des  objets 
extérieurs:  La  splendeur  d'un  renne,  d'une  fête, 
d'une  cérémonie,  du  trône,  elc.  Il  ne  peut  se  dire 
de  l'esprit.  (La  Harpe,  Cours  de  Littérature.) 

Splendide.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Une  cour  splendide 


064 


STA 


jn  repas  splendidc,  vn  spîendidc  repas.  A'oyez 
Adjectif. 

Splendidement.  Adv.  On  peut  le  melire  entre 
r;iuxili;iire  cl  le  participe  :  il  nous  a  traités 
splendidement ,  ou  il  nous  a  splendidement 
traités. 

Spoliatecr.  Subst.  m.  En  parlant  d'un  femme 
on  dit  spoliatrice. 

Il  s'emploie  aussi  adjectivement  :  Des  lois 
spoliatrices,  des  vues  .spoliatrices,  des  entrepri- 
ses spoliatrices.  Un  gouvernement  spoliateur. 

Spongieux,  Spongieuse.  Adj.  qui  ne  se  met 
tju'apiés  son  subst.  :  Un  corps  spongieux,  une 
substance  spongieuse. 

Spontané,  Spontanée.  Adj.  Il  suit  son  subst.  : 
Mouvement  spontané,  action  spontanée.  On 
écrivait  autrefois  spontanée  au  masculin  comnio 
au  féminin;  aujourd'hui,  on  écrit  et  l'on  prononce 
spontané. 

Spontané.ment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Ce  mouvement  s'est 
opéré  spontanément,  ou  s'est  spontanévientopéré. 

*Spi'.oposito.  Les  Italiens  appellent  une  chose 
dite  hors  de  propos  un  sproposito.  Ce  mot  manque 
à  notre  langue.  (Voli.) 

Stable.  Adj.  des  deux  genres.  On  ne  le  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  édifice  stable,  une  paix 
stable. 

Les  œuvres  des  tiumains  sont  fragiles  comme  but; 
Dieu  dissipe  à  son  gré  leurs  desseins  factieux; 
lui  seul  est  toujours  stable. 

(Volt.,  Henr.,  I,  2*7.) 

Dieu  pourra  vous  montrer,  par  d'importants  bienfaits, 
Que  sa  parole  e;t  stable,  et  ne  trompe  jamais. 

(Rac,  a<h.,  acl.  I,  se.  I,  157.) 

Stagnant,  Stagnante.  Adj.  On  ne  mouille  pas 
le  gn.  Prononcez  staguenunt,  en  passant  légère- 
ment sur  gue.  On  peut  le  ineltre  avant  son  subst. 
lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  permellent  : 
Des  eaux  stagnantes,  ces  stagnantes  eaux  ;  des 
humeurs  stagnantes.  Voyez  Adjectif. 

Stagnation.  Subst.  f.  On  ne  mouille  pas  gn. 
Prononcez  siugucnation,  en  passant  légèrement 
sur  gue. 

*  Stagner.  V.  inusité  que  quelques  écrivains 
ont  voulu  introduire  dans  la  langue.  Linguet  a 
dit  :  Ces  cavernes  où  l'eau  stagne  sur  des  pavés 
de  mosaïr/ue.  Ce  mol  n'est  point  sonore,  et  c'est 
probablement  ce  défaut  qui  a  empêché  qu'il  ne 
Soit  admis. 

Stalle.  Subst.  f.  On  faisait  autrefois  .italle 
masculin  au  singulier  et  au  pluriel  ;  on  l'a  fait 
ensuite  féminin,  et  quelques-uns  oui  continué  de 
le  faire  masculin  au  pluriel.  Ue  là  quelques  gram- 
mairiens timides  ou  minutieux  ont  donné  les 
deux  genres  à  ce  nombre,  et  ont  converti  la 
faute  en  règle.  Stalle  est  féminin  au  sinculier  et 
au  iiluriel. 

Stance.  Subst.  f.  Terme  de  poésie.  On  nomme 
ainsi  un  nombre  arrêté  de  vers,  comprenant  un 
sens  parfait,  et  mêlés  d'une  manière  particulière 
qui  s'observe  dans  toute  la  pièce. 

Une  stance  n'est  proprement  appelée  sta7ice 
que  quand  elle  est  jointe  à  d'autres  stances;  si 
elle  est  seule,  elle  prend  son  nom  du  nsmbrc  de 
vers  dont  elle  est  composée.  Ou  l'appelle  7t/«^;«m 
si  elle  est  de  quatre  vers,  sixain  si  elle  est  de 
six.  —  On  appelle  stances  régulières  les  stances 
d'un  ouvrage  qui  ont  un  même  nombre  de  vers 
de  même  mesure,  et  un  même  mélange  de  rimes. 
On  ap[)elle  stances  irrégulières  celles  qui  sont 


STA 

différentes  les  unes  des  autres,  ou  par  le  mé- 
lange des  rimes,  ou  par  la  mesure  des  vers. 

Il  est  nécessaire,  pour  la  pcrroclion  des  stances, 
que  celles  qui  sont  faites  sur  un  même  sujet 
commencent  et  linissenl  par  les  mêmes  rimes, 
c'esl-à-dire  que  si  la  première  stance  commence 
par  une  rime  féminine,  et  finit  par  une  rime 
masculine,  la  seconde,  et  toutes  les  auti(  s,  doi- 
vent commencer  et  Unir  de  même.  —  Le  dernier 
vers  d'une  stance  ne  doit  jamais  rimer  avec  le 
premier  de  la  stance  suivante.  —  Il  est  indispen- 
saljle  ([ue  le  sens  finisse  avec  le  dernier  vers  de 
chaque  stance. 

On  diviseaussi  les  stances  en  stances  de  nombre 
pair,  et  en  stances  de  n^mbie  impair. 

Stance.'!  de  nombre  pair.  —  Dans  les  stances 
de  quatre  vers,  les  rimes  peuvent  s'entremêler  de 
deux  manières,  en  faisant  rimer  le  premier  avec 
le  troisième,  et  le  second  avec  le  quatrième;  ou  en 
faisant  rimer  le  premier  avec  le  quatrième,  et  le 
second  avec  le  troisième.  —  La  stance  de  six  vers, 
ou  le  sixain,  n'est  autre  chose  qu'un  quatrain 
auquel  on  ajoute  deux  vers  d'une  même  rime. 
Ces  deux  vers  se  mettent  ordinairement  au  com- 
mcncemcnl,  et  alors  il  doit  y  avoir  un  repos  à  la 
fin  du  troisième  vers.  Du  reste  on  entremêle  les 
rimes  des  ([ualre  derniers  vers,  comme  da.ns  les 
quatrains.  —  Quelquefois  les  deux  vers  de  même 
rime  se  mettent  à  la  fin  de  la  stance  ;  alors  le  rep^r 
n'est  pas  nécessaire  a  la  fin  du  troisième  vers, 
et  le  mélange  des  rimes,  dans  les  quatre  premiers 
vers,  est  le  même  que  lorsque  ces  deux  vers  sont 
au  commencement.  —  Les  stances  de  huit  vers 
sont  ordinairement  deux  quatrains  joints  en- 
semble, dans  chacun  desquels  les  vers  sont  entre 
mêlés  comme  nous  l'avons  déjà  dit.  Il  doit  j 
avoir  un  repos  à  la  fin  du  premier  quatrain. 
Dans  ces  stances,  on  peut  aussi  arranger  les 
rimes  de  manière  qu'elles  coimncnceni  ou  finis- 
sent par  deux  vers  de  même  rime,  et  que,  des 
six  vers  qui  restent  il  y  en  ait  trois  sur  une  rime, 
et  trois  sur  une  autre.  —  Les  stances  de  dix  vers 
ne  sont  proprement  (]u'un  quatrain  et  un  sixain 
joints  ensemble,  dans  chacun  desquels  les  rimes 
sont  entiemélées  comme  nous  vencns  de  le  dire. 
Ce  que  ces  stances  ont  de  particulier,  et  ce  qui 
en  fait  l'harmonie,  ce  sont  deux  repos,  dont  l'un 
doit  être  après  le  (luatrième  vers,  et  l'autre  à  la 
lin  du  septième.  —  Les  stances  de  douze  vers  se 
composent  de  vers  de  huit  ou  de  douze  syllabes, 
ou  de  tous  les  deux  ensemble.  LUes  ne  sont  pro- 
prement ()ue  des  stances  de  dix  vers,  à  la  fin  de 
chacune  desquelles  on  ajoute  deux  vers  qui  sont 
quelquefois  de  même  rime  que  ceux  qui  les  i)ré- 
cèdcnt.  —  Les  stances  de  quatorze  vers  sont  des 
stances  de  dix  vers,  à  la  lin  de  chacune  desquelles 
on  met  (juatre  vers  que  l'on  fait  rimer,  si  l'on 
veut,  avec  ceux  qui  les  précédent.  Ces  stances, 
ainsi  que  celles  de  douze  vers,  sont  aujourd'hui 
hors  d'usage. 

Stances  de  nombre  impair.  —  Ces  stance; 
doivent  nécessairement  avoir  trois  vers  sur  \i 
même  rime,  et  qui  ne  doivent  jamais  être  mis 
de  suite.  Il  faut  qu'ils  soient  tous  les  trois  séparés 
par  des  rimes  diifèrenles,  ou  qu'au  moins  il  y  en 
ail  un  séparé  des  deux  autres.  —  Dans  les  stances 
de  cin(|  vers,  on  observe  les  règles  que  nous  avons 
données  pour  le  inéinnge  des  rimes;  le  reste  est 
au  choix  du  poète.  — "Les  stances  de  sept  vers 
commencent  par  un  quatrain  à  la  fin  duquel  on 
observe  ordinairement  un  sens  fini.  —  Les  stances 
de  neuf  vers  sont  composées  d'un  quatrain  qui 
est  au  commencement,   et  qui  esl  suivi  d'une 


STO 

stance  de  cinq  vers.  —  Les  stances  de  treize  vers 
ne  sont  plus  en  usaçe. 

STArlo^^Ali•.E.  Ailj.  des  deux  genres.  Cet  ad- 
jectif est  originairement  un  terme  d'astronomie. 
Depuis  <iuel<nie  temps  on  l'emploie  dans  le  lan- 
jjaïc  ordinaire  :  Les  arls  furent  stalionnaires. 
Il  ne  se  met  qu'après  son  substantif. 

Stentor.  Subst.  m.  C'est  te  nom  d'un  homme 
dont  parle  Homère.  Sa  voix  était  plus  éclatante 
que  l'airain;  seul,  il  se  faisait  entendre  de  plus 
loin  que  cin(|uante  hommes  des  plus  robustes,  et 
il  servait  de  trompette  à  l'armée.  C'est  par  allu- 
sion a  ce  porsnnnaije  fabuleux  qu'on  dit  qu'«/t 
homme  a  vue  voix  de  stentor,  pour  dire  qu'il  a 
une  voix  trés-forte. 

Stérile.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
naettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  iicrmcltenl  :  Champ  stérile,  terre 
stérile,  arbre  stérile.  —  Femme  stérile.  — 
Année  stérile.  —  Esprit  stérile,  sujet  stérile, 
gltiire  stérile,  admiration  stérile.  —  U/t  stérile 
sujet,  une  stérile  gloire^  une  stérile  admiration. 

Par  de  stériles  vœux  pensei-vous  m'honorer? 

(RiC,  Âth.,  act^,  se.  I,  se.) 

Voyez  Adjectif.  Cet  adjectif,  suivi  d'un  régime, 
prend  la  préposition  en  :  Le  temps  est  stérile  en 
nouvelles.  Ce  siècle  est  stérile  cn  orateurs. 

Stigmate.  Subst.  m.  On  appelait  stigmates^ 
chez  les  anciens,  une  marque  qu'on  im- 
primait sur  l'épaule  gauche  des  soldats  qu'on 
enrôlait.  Chez  nous,  on  entend  ordinairement 
parce  mot  les  marques  des  plaies  de  Jésus-Christ, 
(ju'on  i)rétend  avoir  été  imprimées,  par  faveur  du 
ciel,  sur  le  corps  de  saint  François. 

On  l'emploie  par  extension  en  histoire  naturelle. 
Buffon  a  dit  que  les  chumeanx  portent  toutes  les 
empreintes  d,:  la  servitude,  cl  les  stigmates  de  la 
douleur.  [Du  chameau,  t.  XV,  p.  346.)  H  a  dit 
aussi,  cette  bosse  du  bison,  comme  celle  du  cha- 
meau, est  moins  un  produit  Je  la  nature  qu'un 
effet  du  travail,  un  stigmate  d'esclavage.  {Du 
buffle,  etc.,  l.X\,\Ki\0.) 

On  appelle  aussi  stigmates,  en  histoire  na- 
turelle, certains  points  qu'on  aperçoit  aux  côtés 
du  ventre  de  plusieurs  insectes,  et  qui  sont  les 
organes  extérieurs  de  la  respiration.  En  botani- 
que, on  appelle  stigmate  la  partie  qui  termine  le 
style,  dans  les  pistils  des  fleurs. 

Stimulant,  Stimulante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
stimtiler.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Bc- 
mède  -stimulant. 

Stoïcien,  Stoïcienne.  Adj.  qui  se  met  toujours 
après  son  subst.  :  Philosophe  stoïcien,  doctrine 
stoïcienne,  opinion  stoïcienne.  On  l'emploie  aussi 
substantivement  :  Un  stoïcien.  \ oyez  Stoiguc. 

Stoïque.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et 
l'aiialosie  :  f^ertu  stoïque,  cette  stoïque  vertu; 
indifférence  stoïque,  cette  stoïijtte  indifférence  ; 
un  courage  stoïque,  ce  stoïque  courage. 

Mais  il  ne  permet  pas  à  ses  etoïques  mains 
De  se  souiller  du  sang  des  malheureux  liumains. 

^VOLT.,  Ilenr.,  VIII,  199.) 

De  mes  etoïques  yeux  des  larmes  ont  coulé. 

(Volt.,  ilort  de  César,  act.  III,  se.  ii,  SI.) 

On  confond  assez  souvent  les  adjectifs  stoïque 
et  stoïcien,  qui  ne  signifient  pas  exactement  la 
même  chose.  Stoïcien  se  dit  de  la  doctrine,  des 
maximes,  des  opinions  àes  stoïciens  ;  stoïque  se 
dit  de  la  vertu,  du  caractère  de  ces  philosophes. 


STY 


665 


Le  premier  va  à  l'esprit,  le  second  à  l'humeui 
et  à  la  conduite  :  Une  vertu  stoïque  est  une  vertu 
courageuse  et  inébranlable  ;  une  vertu  stoïcienne 
pourrait  bien  irélre  qu'un  masque  de  pure 
représentation.  Panétius,  disciple  de  Zenon,  plu- 
attaché  à  la  [iraliquc  (lu'uux  dogmes  de  la  philo- 
sophie, était  plus  stoïque  cjue  stoïcien. 

Stoïquement.  Adv.  Il  ne  se  met  guère  qu'après 
le  verbe  :  //  a  supporté  stoïquement  ce  malheur. 

Stomacal,  Stomacale.  Adj.  qui  ne  se  metcju'a- 
près  son  subst.  :  Le  vin  est  stomacal,  alimeni 
stomacal.  Voyez  Stomachique. 

Stomachique.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  P'eines  stomachiques. 

Stomachique  ci  st(,macalsc  prennent  tous  deux 
substantivement.  11  semblequela  différence  qu'il 
y  a  entre  ces  deux  expressions,  c'est  (jue  stoma- 
cal se  dit  des  choses  naturelles,  et  stomachique 
des  compositions  artificielles.  (  Féraiid.  )  — 
L'Académie  ne  dit  pas  (jue  stomacal  [misse  se 
prendre  substantivement,  et  la  Grammaire  des 
Grammaires  (p.  1272)  dit  positivement  qu'il  n'y 
a  que  stomachique  qui  s'emploie  ainsi. 

Strict,  Stricte.  Adj.  On  fait  sentir  le  c  et  le  t. 
On  peut  le  mettre  avant  son  subst.  lorsque  l'ana- 
logie et  l'harmonie  le  permettent  :  Une  obligation 
stricte,  une  stricte  obligation  ;  un  devoir  strict 
—  On  dit  d'un  terme  qu'il  faut  le  prendre  dans 
un  sens  strict. 

Strictement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  rempli  stricte- 
ment ses  obligations,  ou  il  a  strictement  rempli 
ses  ohligations. 

Strophe.  Subst.  f.  Terme  de  poésie.  On  appelle 
ainsi  les  stances  dont  les  odes  sont  composées. 
La  strophe  est  dans  les  odes  ce  que  le  couplet 
est  dans  les  chansons.  Une  strophe  doit  avoir  au 
moins  quatre  vers,  dix  au  plus.  La  première 
strophe  sert  toujours  de  règle  aux  autres  strophes 
de  la  même  ode  pour  le  nombre,  la  mesure  des 
vers,  et  [mur  l'arrangement  des  riines. 

Studieusement.  Adv.  H  se  met  ordinaire- 
ment entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Cela  est 
studieusemen  t  travaillé. 

Studieux, Studieuse.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après 
son  subst.  :   Un  homme  studieux. 

Stopéfait,Stupéfaite.  Adj.  Il  nesemet  qu'après 
son  subst.  :  Il  est  stupéfait. 

Stupide.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  e 
l'analogie  :  Un  homme  stupide,  une  femme  stu~ 
pide.  —  Un  silence  stupide,  un  stupide  silence  ; 
une  insensibilité  stupide,  une  stupide  insensi- 
bilité. Voyez  Adjectif,  Idiot. 

Stupidement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  conduit  stu- 
pideuient,  ou  il  s'est  stupidement  conduit  dans 
cette  affaire. 

Style.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire  et  de 
littérature.  C'est  la  manière  d'exprimer  ses  pensées 
de  vive  voix  ou  par  écrit. 

Les  mots  étant  choisis  et  arrangés  selon  les  lois 
de  l'harmonie  et  du  nombre,  relativement  a  l'élé- 
vation ou  a  la  simplicité  du  sujet  qu'on  traite,  il 
en  résulte  ce  qu'on  appelle  */y/e. 

Il  y  a  trois  sortes  de  style :\e  simple,  le  moyen, 
et  le  sublime,  ou  plutôt  le  style  élevé.  —Le  style 
.simple  s'emploie  dans  lesentretiens  familiers,  d.ms 
les  lettres,  dans  les  fables.  Il  doit  être  pur,  clair, 
.sans  ornement  apparent.  Nous  en  parlerons  plus 
bas.  —  Le  style  sublime,  et  ce  qu'on  appelle  le 
subliinc,  ne  sont  pas  la  même  chose.  Celui-ci  est 
I  tout  ce  qui  enlève  notre àme,  qui  la  saisit  qui  la 


606 


STY 


trouble  tout  <i  coup  ;  cVst  un  éclat  d'un  moment. 
Le  style  sublime  peut  se  soutenir  loncrtomps  ; 
c'est  un  ton élcvé,uncmarchcnobleet  majestueuse. 

Xai  TU  l'impie  adoré  sur  la  terre  : 
Pareil  au  cèdre,  il  porlail  dans  les  cieui 
Son  fronl  audacieux; 
Il  semblait  à  son  pé  gouTerner  le  tonnerro, 
Foulait  aux  pieds  ses  ennemis  v;iinciis; 
Je  n'ai  fait  que  passer,  il  n'était  déjà  plus. 

(Rlc,  Etth.,3LCl.\,  se.  VI,  9.1 

Les  cinq  premiers  vers  sont  du  style  sublime, 
sans  être  sublimes;  le  dernier  c^t  sublime,  sans 
être  (lu  stylo  sublime.  Voyez  SuhUme.  —  Le  stijlc 
vwyeii,o\\  7neJ/oc»-e,tipnt'le  milieu  entreles  deux  ; 
il  a  i.iuie  la  netteté  du  style  simple,  et  reçoit 
tous  les  ornemontset  tout  le  colorisde  l'cloculion. 

Ces  trois  sortes  de  styles  se  trouvent  souvent 
dans  le  même  ouvrage,  parce  que  la  matière 
s'élevant  et  s'abaissant,  le  style,  qui  est  comme 
{)ortc  sur  la  matière,  doit  s'élever  aussi  et  s'abais- 
ser avec  elle.  Et  comme  dans  les  matières  lout 
se  tient,  se  lie  par  des  nœuds  secrets,  il  faut  aussi 
que  lout  se  tienne  et  se  lie  dans  les  stvles.  Par 
conséciuent,  il  faut  y  ménaner  les  passâiies,  les 
liaisons,  affaiblir  ou  forlilier  insensiblement  les 
teintes,  à  moins  que  la  matière  ne  se  brisant  tout 
d'un  coup,  et  devenant  comme  escarpée,  le  style 
ne  soit  obligé  de  changer  aussi  brusquement. 

Comme  on  écrit  en  vers  et  en  jjrose,  il  faut 
d'abord  marcjuer  quelle  est  la  différence  de  ces 
deux  genres  (le  style.  La  prose,  toujours  limidc, 
n'ose  se  permellre  les  inversions  qui  font  le  sel  du 
style  poétique.  Tandis  que  la  prose  met  le  régis- 
sant avant  le  régime,  la  poésie  ne  manque  pas  de 
filtre  le  contraire.  Si  l'actif  est  plus  ordinaire  dans 
la  prose,  la  porsie  le  dédaigne  et  adopte  le  passif. 
Elle  entasse  les  épitliètes,  dont  la  prose  ne  se  parc 
qu'avec  relcnue.  Elle  n'apiieile  point  les  hommes 
par  leurs  noms;  c'est  le  fils  de  Pelée,  le  beriror 
de  Sicil',  le  cygne  de  Dircée.  L'aimée  est  chez 
elle  le  grand  cercle  qui  s'achève  parla  rév(jluliùn 
des  mois.  Elle  donne  un  corps  à  tout  ce  qui  est 
spirituel,  et  la  vie  â  tout  ce  qui  no  l'a  point.  — 
Ce  n'est  pas  tout;  cha(iun  genre  de  poésie  a  son 
ton  et  ses  couleurs.  Les  qualités  principales  du 
style  épique  sont  la  force,  rélégancc,  l'harmonie 
et  le  coloris.  Le  style  dramalique  doit  toujours 
être  conforme  »  l'état  de  celui  qui  parle.  Un  roi, 
un  simple  piutictilier,  un  commerçant,  un  labou- 
reur, ne  doivent  point  parler  du  même  ton.  Mais 
ce  n'est  pas  assez;  ces  mêmes  hommes  sont  dans 
la  joie  ou  dans  la  douleur,  dans  l'espérance  ou 
dans  la  crainte:  cet  état  actuel doitdonner  encore 
.  une  seconde  conformation  à  leur  stvie,  laquelle 
sera  fondée  sur  la  première,  comme  cet  élataclueï 
est  fonde  sur  l'habituel.  —  Le  style  de  la  comédie 
d'.it  être  simple,  clair,  familier;  mais  jamais  bas 
ni  rampant.  Il  est  vrai  que  la  comédie  doit  élever 
quelquefois  son  ton  ;  mais  dans  ses  plus  grandes 
hardiesses  elle  ne  s'oublie  point,  elle  est  toujours 
ce  qu'elle  doit  être.  Si  elle  allait  jusqu'au  tra- 
gique, elle  serait  hors  de  ses  limites.  Son  style 
demande  encore  d'être  assaisonné  de  pensées 
fines,  d(ilicates,  et  d'expressions  plus  vives  qu'é- 
clatantes. —  /.e  style  lyrique  s'élève  comme  un 
liait  de  flamme,  et  tient  par. sa  chaleur  au  senti- 
ment et  au  goût  :  il  est  lout  rempli  de  l'enthou- 
siasme que  lui  inspire  l'objet  présent  à  sa  lyre; 
ses  images  sont  sublimes,  ses  sentiments  pleins  de 
feu.  De  là  les  termes  riches,  forts,  hardis,  les 
sons  harmonieux,  les  figures  brillantes,  hyper- 
Doliques,  et  les  tours  singuliers  de  ce  genre  de 


STY 

poésie. — Le  style bucoli'/iietloii  être  sansapprêt, 
sans  faste,  doux,  simple,  na'if  et  gracieux  dans  ses 
descri[)(ions.  —  Le  style  Je  Vapohigue  doit  être 
simple,  familier,  riant,  gracieux,  naturel  et  na'i'f. 
La  simplicité  de  ce  style  consiste  à  dire  en  peu 
de  mois,  et  avec  les  termes  ordinaires,  tout  ce 
qu'on  veut  dire.  11  y  a  cependant  des  fables  où 
La  Fontaine  prend  l'essor,  maisct-la  ne  lui  arrive 
que  quand  les  personnages  ont  de  la  grandeur  et 
de  la  noblesse.  D'ailleurs  celle  élévation  ne  dé- 
truit point  la  simplicité,  qui  s'accorde,  on  ne  peut 
mieux,  avec  la  dignité.  Le  familier  de  l'apologue 
est  un  choix  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  noble  et  de 
plus  délicat  dans  le  langage  des  conversations; 
le  riant  est  caractérisé  par  son  opposition  au 
sérieux,  le  gracieux  par  son  opposition  au  dés- 
agréable. Sa  majesté  fturrt'.i-,  une  Hélène  nu 
beau  plumaffe[\iv.  \\l,  fabl.xiii,  9),  sont  du  Style 
riant.  Le  style  gracieux  peint  les  choses  agréables 
avec  lout  l'agrément  qu'elles  peuvent  recevoir  : 

Des  lapins  qui,  sur  la  bruyère, 
L'œil  éveillé,  l'oreille  au  guet, 
S'éirayaienl,  et  de  thym  parfumaient  leur  banijuet. 
—,  (Liv.  X,  fabl.  xv,  19. 

Le  naturel  est  opposé  en  général  au  force;  le 
naïf  l'est  au  réfléchi,  et  semble  n'appartenir 
([u'au  sentiment,  comme  la  fable  de  la  Laitière. 
Le  style  de  la  prose  peut  être  périodique  ou 
coupé,  dans  tout  genre  d'ouvrage.  —  Le  style 
périodique  est  celui  où  les  propositions  ou  les 
phrases  sont  liées  les  unes  aux  autres,  soit  par  le 
sens  même,  soit  par  des  conjonctions.  Le  style 
c  lupé  est  celui  dont  toutes  les  parties  sont  indé- 
pendantes et  sans  liaison  réciproque.  Un  exemple 
suffira  pour  les  deux  espèces:  Si  M.  de  Turenne 
ii'arait  su  que  combattre  et  vaincre,  s'il  ne  s'était 
élevé  au-dessus  des  vertus  htnnaines,  si  sa  valeur 
et  sa  prudence,  n'avaient  été  uniuiérs  d'u?i  esprit 
de  foi  et  de  charité,  je  le  mettrais  au  rang  des 
Fabius  ci  des  Scipimis.  (Fléchicr,  Oraison  fun. 
de  Turenne,  p.  'J27.)  Voilà  une  période  qui  a 
quatre  membres,  dont  le  sens  est  suspendu  :  Si 
M.  de  Turenne  n'avait  su  que  combultrc  et  vain- 
cre, etc.  Ce  sens  n'est  pas  achevé,  parce  fjue 
la  conjonction  si  promet  au  moins  un  second 
membre;  ainsi  le  style  est  là  périodique.  Le 
veut-on  coupé,  il  suffit  d'ôter  la  con  unclioii. 
AI.  de  Turenne  a  su  autre  chose  que  combattre 
et  vaincre  ;  il  s'est  élevé  au-dessus  des  vertus 
hu7naines;  sa  valeur  et  sa  prudence  étaient  ani- 
7aies  d'un  esprit  de  foi  et  de  charité  ;  il  est  bien 
au-dessus  des  Fabius  et  des  Scipions.  —  Le 
style  périiidique  a  deux  avantages  sur  le  style 
coupé,  le  premier,  qu'il  est  plus  harmonieux  ;  le 
second,  qu'il  tient  l'esprit  c'i  suspens.  La  période 
commencée,  l'esprit  de  l'auditeur  s'engage,  et  est 
obligé  de  suivre  l'orateur  jusqu'au  point,  sans 
(juoi  il  perdrait  le  fruit  de  l'attention  qu'il  a  don- 
n('e  aux  iireiniers  mois.  Cette  suspension  est  trés- 
ajréable  à  l'auditeur  ;  elle  le  tient  toujours  éveillé 
et  en  haleine.  —  Le  style  coupé  a  plus  de  vivacité 
et  plus  d'éclat.  On  emploie  tour  à  tour  le  stylo 
périodique  et  le  style  coupé,  suivant  que  la 
matière  l'exige. 

Mais  cela  ne  suffit  pas  pour  la  perfection  uu 
style.  La  même  remarque  que  nous  avons  faite 
au  sujet  de  la  poésie  s'applique  égaleincnt  à  la 
prose;  je  veux  dire  (jue  chaque  genre  d'ouvrage 
en  prose  demande  le  style  qui  lui  est  propre. 
Le  slyle  oratoire,  le  style  historique  et  le  style 
épisUilaire,  ont  chacun  leurs  règles,  leur  ton,  et 
leurs  lois  particulières. 


STY 

Le  style  oratoire  veul  un  arrangement  choisi, 
des  pensées  et  des  expressions  conformes  au 
s«|nl  qu'on  doit  traiter,  (et  arrangement  des 
mois  et  des  pensées  comprend  toutes  les  espèces 
de  ligures  de  rhétoriijue,  et  toutes  les  comlîinai- 
sonsqiii  peuvent  produire  l'harmonie  et  le  nombre. 
—  l.e  caractère  principal  du  style  historique  est 
la  clarté.  Les  images  brillantes  figurent  avec 
éclat  dans  l'histoire;  elle  peint  les  faits  :  c'est  le 
combat  des  Iloraccs  et  des  Curiaccs,  c'est  la  peste 
de  Rome,  l'arrivée  d'Âgripitine  avec  les  cendres 
de  Gcrmanicus,  ou  Germanicus  lui-mcme  au  lit 
de  la  mort.  Elle  peint  les  traits  du  corps,  le  carac- 
tère d'esprit,  les  mœurs  :  c'est  Caton,  Catilina, 
Pison.  —  l.a  simplicité  sied  bien  au  style  de 
l'histoire;  c'est  en  ce  pointqueCésar  s'est  montré 
ic  premier  homme  de  son  siècle.  Son  style,  dit 
Cicéron,  n'est  ni  frisé,  ni  paré,  ni  ajusté;  mais  il 
est  plus  beau  que  s'il  l'élail.  —  Une  des  prin- 
cipales (lualités  du  style  historique,  c'est  d'être 
rapide.  —  Enfm  il  doit  être  proportionné  au 
sujet.  Une  histoire  générale  ne  s'écrit  pas  du 
même  ton  qu'une  histoire  particulière;  c'est 
presque  un  discours  soutenu  ;  elle  est  plus  pério- 
dique et  ])lus  nombreuse.  Cicércn  demande  pour 
le  style  de  l'histoire  des  périodes  nombreuses, 
semblables,  dit-il,  à  celles  d'Isocralc;  mais  il 
ajoute  que  ces  nombres  fatigueraient  bientôt 
i'oreille  s'ils  n'étaient  pas  interrompus  par  des 
incises.  Ce  mélange  a  de  plus  l'avantage  de  don- 
ner au  récit  plus  d'aisance  et  de  naturel  :  or, 
quand  on  est  obligé,  comme  l'historien,  dédire 
h  vérité,  et  de  ne  direqne  la  vérité,  on  doit  éviter 
avec  soin  tout  ce  qui  ressemble  à  l'artifice.  —  Le 
style  épislohnre  doit  se  conformer  à  la  nature 
des  lettres  (pi'on  écrit.  On  peut  distinguer  deux 
sortes  de  lettres;  les  unes  philosophiques,  où  l'on 
traite  d'une  m.nnière  libre  quelque  sujet  littéraire; 
les  autres  familières,  qui  sont  une  espèce  de  con- 
versation cntic  les  absents.  Le  stylo  de  celles-ci 
doit  ressembler  à  celui  d'un  entrelion,  tel  qu'on 
l'aurait  avec  la  personne  même  si  elle  élait  pré- 
sente. Dans  les  lettres  philosophiques,  il  convient 
Je  s'élever  quelquefois  avec  la  matière,  suivant 
les  circonstances.  On  écrit  d'un  style  simple  aux 
personnes  les  plus  qualifiées  au-dessus  de  soi; 
on  écrit  à  ses  amis  d'un  style  familier.  —  Leslyle 
épislolairc  n'est  point  assujetti  aux  lois  du  dis- 
cours oratoire.  Sa  marche  est  sans  conlrainte.  Il 
est  une  sorte  de  négligence  qui  plait,  de  même 
qu'il  y  a  des  femmes  à  qui  il  sied  bien  de  n'être 
point  parées.  —  Le  style  épistolaire  admet  toutes 
les  figures  de  mots  et  de  pensées,  mais  il  les 
admet  à  sa  manière.  Il  y  a  des  métaphores  pour 
tous  les  états;  les  suspensions,  les  interrogations, 
sont  ici  [)ei-mises,  parce  que  ces  tours  sont  les 
expressions  mêmes  de  la  nature. 

Mais  soit  (pie  l'on  écrive  une  lettre,  une  his- 
toire, une  oraison,  ou  tout  autre  ouvrage,  il  ne 
faut  jamais  oublier  d'être  clair.  La  clarté  de 
l'arrangement  des  paroles  et  des  pensées  est  la 
première  qi;;iliU'  dû  style. 

A  la  clarté  du  style,  joignez,  s'il  se  peut,  la 
noblesse  et  l'éclat,  mais  un  éclat  qui  soit  soutenu. 
Un  éclair  qui  nous  éblouit  passe  légèrement 
devant  les  yeux,  et  nous  laisse  dans  la  tranquillité 
où  nous  étions  auparavant;  un  faux  brillant  nous 
surprend  d'abord  et  nous  agite  ;  mais  bientôt 
après  nous  rentrons  dans  le  calme,  et  nous  avons 
honte  d'avoir  pris  du  clinquant  pour  de  l'or. 

Quoique  la  beauté  du  style  dépende  des  orne- 
ments dont  on  se  sert  pour  l'embellir,  il  faut  les 
Stténager  avec  adresse;  car  un  style  trop  orne 


STY 


667 


devient  insipide.  —  Tâchez  surtout  d'avoir  un 
style  qui  revêle  la  couleur  du  sentiment;  cette 
couleur  consiste  dans  certains  tovirs  de  phrase, 
dans  certaines  figures  qui  rendent  les  expressions 
touchantes.  Si  l'extérieur  est  triste,  le  stylejdoil 
y  répondre.  11  doit  toujours  être  conforme  à  la 
situation  de  celui  ([ui  parle. 

Enfin  il  est  une  autre  qualité  du  style  qui 
enchante  tout  le  monde;  c'est  la  naïveté.  Le  style 
naïf  ne  prend  que  ce  qui  est  né  du  sujet  et  des 
circonstances;  le  travail  n'y  paniit  pas  plus  que 
s'il  n'y  en  avait  point.  La  naïveté  du  style  con- 
siste dans  le  choix  de  certainesexpressions simples 
qui  paraissent  nées  d'elles-mêmes  plutôt  que 
choisies  ;  dans  des  constructions  laites  comme 
par  hasard;  dans  certains  tours  rajeunis,  et  qui 
conservent  encore  un  air  de  vieille  mode.  11  est 
donné  à  peu  de  gens  d'avoir  en  partage  la  naïveté 
du  style;  elle  demande  un  goût  naturel  per- 
fectionné par  la  lecture  de  nos  vieux  auteurs 
français,  d'Amyot,  par  exemple,  dont  la  naïveté 
du  style  est  charmante. 

Les  plus  glands  défauts  du  style  sont  d'être 
obscur,  affecté,  bas,  ampoulé,  froid,  ou  toujours 
uniforme.  L'obscurité  du  style  est  le  ])lus  grand 
vice  de  l'élocution,  soit  qu'elle  vienne  d'un 
mauvais  arrangement  de  paroles,  d'une  consiruc- 
tion  louche  et  équivoque,  ou  d'une  trop  grande 
brièveté.— L'affectation  dans  le  langage  et  dans  la 
conversation  est  un  vice  assez  ordinaire  aux  gens 
qu'on  appelle  èeaî/x /)a?7c!o-s.  Il  consiste  à  dire 
en  termes  bien  recherchés,  et  quelquefois  ridicu- 
lement choisis,  des  choses  triviales  ou  communes. 
C'est  [lour  celte  raison  que  les  beaux  parleurs 
sont  ordinairement  si  insupportables  aux  gens 
d'esprit,  qui  cherchent  beaucoup  plus  à  bien 
penser  qu'à  bien  dire,  ou  plutôt  qui  croient  que, 
pour  bien  dire,  il  suffit  de  bien  penser;  qu'une 
pensée  neuve,  forte,  juste,  lumineuse,  porte  avec 
elle  son  expression,  et  qu'une  pensée  commune 
ne  doit  jamais  être  présentée  que  pour  ce  qu'elle 
est,  c'est-à-dire  avec  une  exi)ression  simple.  — 
L'affectation  dans  le  style  est  à  peu  près  la  même 
chose  que  l'affectation  dans  le  langage,  avec  cette 
différence  que  ce  qui  est  écrit  doit  être  naturel- 
lement un  peu  plus  soigné  que  ce  que  l'on  dit, 
parce  qu'on  est  supposé  'y  penser  mûrement  en 
l'écrivant  ;  d'où  il  suit  que  ce  qui  est  affectation 
dans  le  langage  ne  l'est  pas  quelquefois  dans  le 
style.  —  La  bassesse  du  style  consiste  principa- 
lement dans  une  diction  vulgaire,  grossière, 
sèche,  qui  rebute  et  dégoûte  le  lecteur.  —  Le 
style  ampovlé  n'est  (pi'une  élévation  vicieuse;  il 
ressemble  à  la  bouffissure  des  malades.  —  Le 
style  froid  vient  tantôt  de  la  stérilité,  tantôt  de 
l'intempérance  des  idées;  celui-là  parle  froide- 
ment qui  n'échauffe  point  notre  àme,  et  qui  ne 
sait  point  l'élever  par  la  vigueur  de  ses  idées  et 
de  ses  expressions.  —  Le  style  trop  uniforme 
nous  assoupit  et  nous  endort.  —  La  variété,  né- 
cessaire en  tout, l'est  dans  le  discours  plusqu'ail- 
leurs.  Il  faut  se  défier  de  la  7noiioto7ne  du  style. 
et  savoir  passer  du  grave  au  doux,  du  plaisant 
au  sévère.  —  Pour  se  former  le  style,  il  faut 
lire  beaucoup  les  meilleurs  écrivains,  écrire  soi- 
même,  et  soumettre  ce  qu'on  écrit  à  un  censeur 
judicieux;  imiter  d'excellents  modèles,  et  se 
proposer  de  leur  ressembler.  Il  faut  aussi  étudier 
les  hommes,  et  prendre,  d'après  nature,  des 
expressions  qui  soient  non-seulement  vraies, 
comme  dans  un  portrait  qui  ressemble,  mais 
vivantes  et  animées  comme  le  modèle  même  du 
portrait.  (Le  chevalier  de  Jaucourt.)  Voyez  Âm- 


668 


SUB 


poule,  Nombre,  Harmoitie,  Pocsie,  Prose,  Coupe, 
Rlocxtiion,  Empèse,  Figuré. 

Suant,  Siame.  Adj.  verbal  tiré  du  v.  suer. 
Il  ne  se  met  ([u'aprés  son  subsl.  :  Le  visage 
suant,  fes  mains  suantes. 

Suave.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le  mettre 
yjircs  son  subst.,  lorsque  l'iinalogie  et  l'iiarmonie 
le  perdiettent  :  Une  ndeur  suave ,  celte  suave 
odeur.  —  Une  mélodie  suave,  cette  suave  mélo- 
die. \  oyez  Adjectif. 

Subalterne.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Un  juge  subalterne,  vn 
officier  subalterne 

Subdiviser.  V.  a.  de  la  !'«  conj.  A'oyez  Sub- 
divisii'n. 

ScBDivisioN.  Subst.  f.Féraud  blâme  les  auteurs 
qui  écrivent  sous-diviser,  et  sous-division.  IJ 
noue  semble  que  c'est  mal  à  propos.  Pourquoi 
ne  p;is  franciser  les  mots  qui  viennent  du  latin, 
afin  de  les  mettre  autant  qu'il  est  possililc  à  la 
portée  de  l'intelligence  du  commun  des  lecteurs? 
Puisque  l'on  dit  souscription  et  non  subscrip- 
tion,  souscrire  et  non  subscrire,  soustraire  et 
non  substraire,  soustraction  et  non  substraction, 
etc.,  etc.,  [jourquoine  dirait-on  pas  sous-diviser 
et  sous-division,  au  lieu  de  subdiviser  et  sub- 
division ? 

Subir.  V.  a.  de  la  2'  conj.  Racine  a  dit  subir 
la  mort,  subir  Vignominie. 

Plutôt  que  dans  mes  mains  par  Joad  soit  livré 
In  cnfaulqu'i  son  dieu  Jouda  consacré, 
Tu  lui  verras  iulir  laraorllaplus  terrible. 

(Rac,  Àth.,  act.  III,  se.  m,  46.) 

Je  n'ai  point  de  leur  joug  subi  l'ignominie. 

(Rac,  mihr.,  act.  V,  se.  v,  iO.) 

L'Académie  ne  fait  pas  connaître  celte  dernière 
expression. 

Subit,  Subite.  Adj.  On  peut  quelquefois  le 
mettre  avant  son  subst.  :  Mouvement  subit,  mort 
subite,  changement  subit, cette  apparition  subite, 
cette  subite  apparition. 

ScBITEME^T.  Adv.  Il  ne  se  met  qu'après  le 
verlje  :  Cela  est  arrivé  subitement . 

Subjonctif.  Subst.  m.  Le  subjonctif  est  un 
mode  qui  sert  à  marquer  la  subordination  du 
verbe  d'une  prop(jsition  subordonnée,  au  verbe 
de  la  proposition  principale,  avec  un  rapport 
indéterminé  au  temps.  Cette  subordination  est 
telle,  (]ue  la  proposition  dont  le  verbe  est  au 
subjonctif  ne  l'orme  plus  un  sens  complet  dés 
qu'elle  est  séparée  de  la  proposition  principale. 
Ainsi  dans  cette  phrase, /e  veux  îi/eraus  partiez, 
gue  vous  partiez  est  tellement  subordonné  à  je 
veux,  (pi'il  n'a  aucun  sens  déterminé  s'il  est 
séparé  de  ce  verbe,  ^oycz  f^crbc. 

Résumé  des  temps  du  subjonctif. 

Subjonctif.  —  Présent  ou  futur.  Que  je  fasse. 
Ce  temps  peut  être  un  présent  ou  un  futur,  sui- 
vant les  circonstances. 

Imparfait.  Ôuc  je  fisse. 
Ce  temps  peut  être  passe  ou  futur,  suivant  les 
circonstances. 

Passx.  Que  j'aie  fait. 
Ce  temps  peut  être  passé  ou  futur,  suivant  les 
circonstances. 

Plus-que-parfait.  Que  j'eusse  fait. 
Ce  temps  peut  être  un  passé  ou  un  futur,  suivant 
les  circonstances. 

11  n'est  pas  toujours  aiso  de  distinguer  las  cas 


SUB 

où  l'on  doit  employer  le  subjonctif.  Voici  des 
règles  qui  peuvent  servir  de  guide  : 

1»  Il  faut  mettre  au  subjonctif  le  verbe  d'une 
proposition  subordonnée,  quand  le  verbe  de  la 
proposition  principale  exprime  surprise,  admi- 
ration, volonté,  souhait,  consentemenl,  défense, 
doute,  crainte,  dénégation,  commandement  :  7« 
suis  (tonné,  je  suis  surpris  qu'il  en  ait  agi 
ainsi.  Je  ne  veux  pas  qu'il  le  fasse;  je  doute 
qu'il  le  fasse.  Je  cherche  quelqu'un  a  qui  je 
puisse  me  confier.  Je  craignais  qu'ils  jje  vinssent. 
J'ai  peur  que  cela  -ne  vous  fasse  de  la  peine.  Il 
vie  tarde  bien  que  je  sois  hors  d'affaire.  Je  suis 
charmé  que  cela  se  soit  passéainsi.  Je  veux  aue 
vous  77('obéissiez. 

2°  Il  faut  mettre  à  l'indicatif  le  verbe  de  la 
proposition  subordonnée,  lorsque  le  verbe  de  lu 
proposition  principale  affirme  directement,  posi- 
tivement, et  sans  idée  accessoire  de  doute,  de 
crainte,  d'incertitude,  etc.  :  Je  crois  qu'i\  y  a  un 
Dieu.  Je  pense  que  deux  et  deux  font  quatre. 
Je  cherche  un  homme  que  j'ai  vu  hier.  Je  suis 
que  vous  avez  étudié  les  mathématiques.  Je  sou- 
tiens que  c'est  mon  frère  que  j'ai  vu.  Je  gage 
qu'il  a  dit  cela. 

3"  Les  i)ropositions  interrogatives  exigent  le 
subjonctif,  s'il  s'agit  d'une  chose  vague,  douteuse, 
incertaine,  ou  que  l'on  regarde  comme  telle 
Croyez-vous  qu'il  veuille  y  consentir'^  Pensez- 
vous  que  ce  soit  luif  Elles  exigent  l'indicatif, 
quand  il  s'agit  d'une  vériié  incontestable,  ou 
regardée  comme  telle  par  celui  qui  interroge. 
Ainsi  on  dira,  croyez-vous  que  deux  et  deux  font 
quatre  ?  Une  personne  (jui  croirait  fermement  à 
la  création  dirait,  croyez-vous  que  Dieu  a  créé 
le  ciel  et  la  terre?  ou  ite  croyez-vous  pas  que 
Dieu  a  créé  le  ciel  et  la  terre9Si  elle  en  doutait, 
elle  dirait,  croyez-vous  gue  Dieu  ail  créé  le  ciel  et 
la  terre? 

Comparons  quelques-unes  de  ces  pro[)ositions, 
afin  de  faire  mieux  sentir  leurs  différences. 

Je  crois  qu'il  y  a  U7i  Dieu  ;  mit  croyance  est 
affirmée  d'une  manière  positive,  sans  accessoire 
de  doute,  d'incertitude.  Je  ne  suis  pas  sûr  qu'il 
y  ait  tin  Dieu;  doute,  incertitude. 

Je  cherche  un  homme  que  j'ai  vu  hier.  Point  de 
doute,  point  d'incertitude  sur  l'objet  que  je 
cherche,  c'est  celui  que  j'ai  vu  hier.  Je  cherche 
quelqu'un  qui  veuille  m'obliger.  Il  y  a  doute, 
incertituilc  sur  l'objet  que  je  cherche;  je  ne  sais 
si  je  le  trouverai. 

Je  sais  que  vous  avez  étudié  les  inathémati- 
ques.  J'en  ai  la  connaissance  positive,  certaine. 
Je  ne  savais  pas  que  vous  eussiez  étudié  les 
mathématiques.  Je  n'en  avais  pas  la  connaissance 
positive,  certaine,  je  l'ignorais. 

Je  suis  surpris  qu'iï  ait  changé.  L'objet  de 
l'alfirmation  n'est  pas  ])0silil',  certain;  quoiqu'il 
ait  changé,  je  témoigne  par  ma  surprise  que  jo 
croyais  qu'il  ne  changerait  pas.  Il  a  épousé  une 
femme  qui  a  de  la  vertu;  objet  réel,  positif.  Je 
veux  épouser  une  femme  qui  ait  de  la  vertu; 
objet  incertain. 

Je  pense  çu't'Z  arrivera;  l'arrivée  est  déter- 
minée. Je  ne  pense  pas  qu'il  arrive;  l'arrivé;. 
n'est  pas  exprimée  positivement;  au  contraire 
clic  est  niée. 

Je  gage  qu'il  a  dit  cela;  affirmation  positive. 
Je  ne  gage  pas  qu'il  ait  dit  cela;  incertitude, 
négation.  Je  crois  qu'il  y  a  mie  révélation;  je 
ne  crois  pas,  je  doute  qu'A  y  ait  une  révélation. 

Je  prétcndsqu'il  a  raison.  11  s'agit  d'une  chose 
présentée  comme  existant  réellement.  Je  prétends 


Sun 

fveroMswi'ohéissie/.  Il  s'agit  d'uno  chose  conlin- 
gentc,  qui  peut  arriver  ou  ne  pas  arriver;  car  on 
peut  vous  obéir  ou  ne  pas  vous  obéir. 

//  prétend  que  tout  dépend  de  lui,  que  tout 
est  actuellement,  réellement  sous  sa  dépendance. 
Il  ptéteiid  que  tout  dépende  de  lui,  c'esi-à-dire 
que  tout  soit  i)our  l'avenir  sous  sa  dépendance, 
ce  <]ui  peut  étie  ou  ne  pas  être. 

f^oxis  ordonnes  que  je  me  taisc,  vous  roules 
que  je  fuie,  rovs  aimes  mieux  que  je  m'en  aille. 
L'afiirmaliun  ne  porte  pas  sur  des  choses  réelles 
et  positives;  je  puis  parler  ou  me  taire,  fuir  ou 
rester,  m'en  aller  r>u  rester. 

4"  Les  expressions  conjonctives  suivaiilcs  sont 
ordinairement  suivies  du  subjonctif:  jdfin  que, 
afin  que  roi/.;  /e  sachiez.  ^  moi/is  que,  à  moins 
qu'il  ne  veuille  pas.  Avant  que,  arajit  que  Je 
fusse  venu.  En  cas  que, en  cas  qu'il  fit  difJlcuUé. 
Bien  que,  bien  que  cela  dépendit  de  lui.  Encore 
que  .  encore  qu'il  Soit  fort  jeune.  Quoique,  quoi- 
qu'il y  ait  consenti.  De' peur  que,  de  peur  qu'il 
7ie  s'en  aille.  De  crainte  que,  de  crainte  qu'il  ne 
ss  dédise.  Jusqu'à  ce  que,  jusqu'à  ce  que  tout 
soit  fini.  Posé  que,  posé  que  cela  fût.  Pour'vuque, 
pourvu  qu'il  fasse  ce  qu'on  lui  a  dit,  etc. 

5"  Les  temps  du  subjonctif  sont  aussi  employés 
dans  certaines  phrases  ellipliiiues,  comme,  puis- 
siez-vous  7"ews*'<r,  c'est-à-dire  je  désire  que  vous 
réussissies.  Eusse  le  ciel  que  7foi/5  ayons  bientôt 
la  paix,  c'est-à-dire  je  désire  que  le  ciel  fasse 
en  sorte,  etc.  Qu'il  fasse,  qu'il  s'amuse,  etc., 
que  les  grammairiens  npiMilIent  des  troisièmes 
personnes  du  prosent  de  l'impératif,  sont  réelle- 
ment des  phrases  elliptiques  avec  la  forme  du 
subjonctif.  Qu'il  fasse,  c'est-à-dire  il  faut  qu'il 
fasse;  qu'il  s'amuse,  c'est-à-dire  j'ordonne,  je 
coiisens  qu'il  s'amuse.  Qu'il  médite  beaucoup 
avant  que  d'écrire,  c'est-à-dire  il  faut,  il  est 
nécessaire,  il  est  convenable,  je  lui  conseille,  etc., 
qu'il  médite  beaucoupavantque  d'écrire.  Qu'elles 
aient  tout  préparé  quand  ?ious  arriverons,  c'esl- 
à-dire,  par  exemple,  je  désire  ou  je  veux  qu'elles 
aient  tout  préparé  quand  nous  arriverons. 

Voici  quelle  est  la  correspondance  des  temps 
du  subjonclif  avec  ceux  de  l'indicatif,  c'esl-à- 
ilire  quels  temps  du  subjonctif  régissent  les  di- 
vers temps  de  l'indicatif  : 

Subjonctif. 


SUB 


G69 


que  tu  viennes. 


Indicatif. 

Je  veux 

Je  voudrai 

Quand  j'aurai  voulu 

■Je  voulais  ^ 

Je  voulus,  j'ai  voulu  i 

J'avais  voulu  /  que  Vu  vinsses. 

Je  voudrais  \ 

l'aurais  voulu  ; 

Je  veux 

J'ai  voulu 

Je  voudrai 

Quand  j'aurai  voulu 

Je  voulais 
Je  voulus,  j'ai  voulu 
Quand  j'eus  voulu 
J'avais  voulu 
Je  voudrais 
J'aurais  voulu 

On  voit  par  là  que,  comme  nous  l'avons  fait 
remaïquer  au  commencement  de  cet  article,  les 
temps  du  subjonctif  correspondent  à  plusieurs 
temps  de  l'indicatif,  et  qu'ils  peuvent  exprimer 


que  tu  aies  écrit. 


que  tu  eusses  écrit, 
que  tu  fusses  venu. 


tantôt  un  présent,  tantôt  un  passé,  tantôt  un  fu- 
tur, selon  les  cin-onstances  et  les  différentes  vues 
de  Lesprit. 

SiBLiME.  Adj.  des  deux  genres  qui  se  prend 
substantivement.  On  peut  le  meitre  avant  son 
subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  :  Un 
mérite  sublime,  un  génie  sublime;  un  esprit 
sublime,  U7ie  âme  sublime  ;  une  pensée  sublime, 
une  sublime  pensée  ;  des  cannaissances  sublimes, 
ces  sublimes  connaissances.  Voyez  Adjectif. 

Le  sublime  est,  dit  Boileau,  une  certaine 
force  de  discours  propre  a  élever  et  à  ravir  l'âme, 
et  (lui  provient  ou  de  la  grandeur  de  la  pensée 
et  de  la  noblesse  (lu  sentiment,  ou  de  la  magnifi- 
cence des  paroles,  ou  du  tour  harmonieux,  vif 
et  animé  de  l'expression,  c'est-à-dire  d'une  de 
ces  choses  regardée  séparément,  ou,  ce  qui  fait 
le  parfait  sublime,  de  ces  trois  choses  jointes 
ensemble.  (XIP  Réflcx.  crit.  sur  Longin.)  —  Le 
sublime,  en  général, est  toutce  qui  nous  élève  au- 
dessus  decequenousélions,  etqui  nousfait  sentir 
en  même  temps  celte  élévation.  Le  sublime  peint 
la  vérité,  mais  en  un  sujet  noble  ;  il  la  peint  tout 
entière  dans  sa  cause  cl  dans  son  effet;  il  est  l'ex- 
pression ou  l'image  la  i)lus  digne  de  cette  vérité. 
C'est  un  extraordinaire  merveilleux  dans  le  dis- 
cours, qui  frappe,  ravit,  transporte  l'àme,  et  lui 
donne  une  haute  opinion  d'elle-même. 

On  distingue  le  sublime  des  hnages  et  le  su- 
blime des  sentiments.  Ce  n'est  pas  que  les  senti- 
ments ne  présentent  aussi  en  un  sens  de  nobles 
images,  puisqu'ils  ne  sont  sublimes  que  parce 
qu'ils  exposent  aux  yeux  l'àme  et  le  cœur  ;  mais 
conmie  le  sublime  des  images  peint  seulement  un 
objet  sans  mouvement,  et  que  l'autre  sublime 
marque  un  mouvement  du  cœur,  il  a  fallu  distin- 
guer ces  deux  espèces  par  ce  (jui  domine  en  cha- 
cune. 

Le  sublime  des  images  se  trouve  souvent 
dans  les  bons  poètes.  Homère  et  Virgile  en  sont 
remplis. 

Les  peintures  que  Bacine  a  faites  de  la  gran- 
dcurdeDieu  sont  sublimes;  en  voici  un  exemple 
[Esther,  act.  V,  se.  i,  37)  : 

L'Éternel  est  son  nom,  le  monde  est  son  ouvrage; 
11  entend  les  soupirs  de  l'humble  qu'on  outrage. 
Juge  tous  les  mortels  avec  d'égales  lois, 
Et  du  haut  de  son  trône  interroge  les  rois. 

Les  sentiments  S(jnt  sublimes  quand,  fondés 
sur  une  vraie  vertu,  ils  paraissent  être  au-dessus 
de  la  condition  humaine,  et  qu'ils  font  voir, 
comme  Ta  dit  Sénéque,  dans  la  faiblesse  de  l'hu- 
manité la  constance  d'un  dieu.  L'univers  tombe- 
rait sur  la  tête  du  jusle,  son  âme  serait  tran- 
quille dans  le  temps  même  de  sa  chute.  L'idée 
(le  cette  tranquillité,  comparée  avec  le  fracas  du 
monde  entier  qui  se  brise,  est  une  imaqe  su- 
blime, et  la  tranquillité  du  juste  esl  un  sentiment 
sublime. 

Il  faut  distinguer  entre  le  sublime  du  senti- 
7nent  ct  la  vivacité  du  sentiment.  Le  sentiment 
[leul  être  d'une  extrême  vivacité  sans  être  su- 
blime. La  colère  qui  va  jusqu'à  la  fureur  est  dans 
le  plus  haut  degré  de  vivacité,  et  cependant  elle 
n'es;  pas  sublime.  Une  grande  âme  est  plutôt 
celle  (pii  voit  ce  qui  affecte  les  âmes  ordinaires 
et  qi]i  le  sent  sans  en  être  trop  émue,  que  celle 
qui  suit  aisément  l'impression  des  objets.  Ré- 
gulus  s  en  retourne  paisiblement  à  Carthage  pour 
y  souffrir  les  plus  cruels  supplices  qu'il  sait 
qu'on  lui  apprête  ;  ce  sentiment  est  sublime  sans 
être  vif.  —  Le  sublime  des  sentiments  est  ordi- 


670 


SUB 


nairemeni  iranquille.  Une  raison  affermie  sur 
elle-mênio  les  guide  dans  tous  leurs  mouvemcnis. 
L'àmc  sublime  n'est  altérée  ni  des  triomphes  de 
Tibère,  ni  des  disgrâces  de  Varus.  Aria  se  donne 
iranquillemcnt  un  coup  de  poignard,  pour  donner 
ù  son  mari  l'exemple  d'une  murt  héroïque  :  elle 
retire  le  poignard  el  le  lui  présente  en  disant  ce 
mot  sublime  :  Pœtus,  cela  ne  fait  point  de  mal. 
On  représentait  à  Horace  fils,  allant  combattre  les 
Curiaces,  que  peut-être  il  faudrait  le  pleurer;  il 
répond  : 

Quoi!  vous  me  pleurcriei.  mourant  po(jr  mon  pays? 
(Corn.,  Wor.,  aci.  II,  se.  i,  5î.) 

Voilà  des  sentiments  sublimes  ;  voilà  des  hommes 
au-dessus  des  passions  et  des  vertus  communes. 
Il  y  a  de  la  différence  entre  le  style  sublime  et 
le  sublime.  Le  premier  consiste  dans  une  suite 
d'idées  nobles  exprimées  noblement  ;  le  second 
est  un  trait  extraordinaire,  mers-eilleux,  qui  en- 
lève, ravit,  transporte.  Le  style  sublime  veut 
toutes  les  figures  de  l'éloquence,  le  sublime  peut 
se  trouver  dans  un  seul  mot.  Une  chose  peut 
être  décrite  dans  le  style  sublime  et  n'être  pour- 
tant pas  sublime,  c'est-à-dire  n'avuir  rien  (jui 
élève  nos  âmes.  Ce  sont  de  grands  objets  et  des 
sentiments  extraordinaires  qui  caractérisent  le 
sublime.  La  description  d'un  pays  peut  être 
écrite  en  style  sublime.  Mais  Neptune,  calmant 
d'un  mot  iës  flots  irrités;  Jupiter,  faisant  trem- 
bler les  dieux  d'un  clin  d'œil  ;  voilà  des  images 
qui  étonnent,  qui  élèvent  l'imaginnlion.  —  Il  ne 
faut  pas  non  plus  confondre  le  sublime  avec  le 
grand.  L'expression  d'une  grandeur  extraordi- 
naire fait  le  sublime,  et  l'expression  d'une  gran- 
deur ordinaire  fait  le  grand.  H  est  bien  vrai  que 
la  grandeur  ordinaire  du  discours  donne  beau- 
coup de  plaisir,  mais  le  sublime  ne  plaît  pas  sim- 
plement, il  ravit.  Ce  qui  fait  le  grand  dans  le  dis- 
cours a  plusieurs  degrés;  mais  ce  qui  fait  le 
sublime  n'en  a  qu'un.  (Extrait  de  l'article  Sn- 
hlime,  du  chevalier  de  Jaucourt,  dans  YEncyclo- 
pédie.  )\o\ez  Style. 

StJBSTANTIEL,  SUBSTANTIELLE.  Adj.    Il  DB  SC  mCt 

guère  qu'après  son  subst.  :  Nourriture  substan- 
tielle. 

Slbstantif.  Adj.  m.,  qui  se  prend  aussi  sub- 
stantivement. Connue  adj.  il  ne  se  met  qu'après 
son  S\ibst.  :  Un  nom  substantif,  rerbe  svbsluntif. 
—  Nous  avons  dit  à  l'article  Nom  tout  ce  (}ue 
nous  voulions  dire  sur  le  substantiL  Voyez  Nom, 
formation,  Participe. 

StBSTANTIVF.ME^T.  Adv.  Il  nc  se  met  qu'après 
le  verbe  :  Cet  adjectif  est  pris  svh.iia  ntivement . 
Si,  quand  un  adjectif  est  employé  seul  dans  une 
phrase,  on  le  rapporte  à  quelque  nom  sous-en- 
tendu qu'on  a  dans  l'esprit,  il  est  évident  qu'alors 
il  est  employé  comme  tous  les  autres  adjectifs,  et 
qu'il  n'est  pas  pris  substantivement.  Ainsi,  quand 
on  dit  Dieu  vengera  les  failles,  l'adjectif /àzi/e* 
demevire  un  pur  et  véritable  adjectif,  et  il  n'est 
au  pluriel  et  au  masculin  que  par  concordance 
avec  le  nom  sous-entendu  les  hommes,  que  l'on 
a  dans  l'esprit.  Cependant,  dans  le  langage  ordi- 
naire des  grammairiens,  on  dit  que  ces  sortes 
d'adjectifs  sont  pris  substantivement.  —  H  y  a 
cependant  des  cas  où  les  adjectifs  deviennent  vé- 
ritablement des  noms,  c'est  lorsqu'on  s'en  sert 
comme  de  mots  propres  à  marquer  d'une  manière 
déterminée  la  nature  des  êtres  dont  on  veut  par- 
ler, et  que  l'on  n'envisage  que  relativement  à  cette 
idée.  Que  je  dise,  par  exemple,  ce.  discours  est 
vrai  ,    une  vraie  di*finition,  l'adjectif  vrai  de- 


suc 

meure  adjectif,  parce  qu'il  énonce  une  idée  que 
l'on  n'envisage,  dans  ces  cvemplcs,  que  comme 
devant  faire  partie  de  la  nature  totale  de  ce 
qu'on  appelle  discours  et  définition,  et  qu'il  de- 
meure applicable  à  toute  autre  chose,  selon  l'oc- 
currence, à  une  nouvelle,  a  un  récit,  à  un  sys- 
tème. Aussi,  vrai,  dans  le  premier  exemple,  s'ac- 
corde-l-il  en  genre  et  en  nombre  avec  le  nom 
discours  ;  et  vraie,  dans  le  second  exenq)le,  avec 
le  nom  définition.  Mais  quand  on  dit  le  vrai  per- 
suade, le  mol  vrai  est  alors  un  véritable  nom, 
parce  qu'il  sert  à  présenter  à  l'esprit  un  être  dé- 
terminé par  l'idée  de  sa  nature.  Voyez  Accord, 
Nom,  Complément. 

Substitution.  Subst.  f.  Le  premier  ti  garde  sa 
prononciation  naturelle,  le  second  se  prononce 
comme  ci. 

Subtil,  Subtile.  Adj.  On  peut  le  mettre  avanT 
son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'harmonie  le  per- 
mettent :  Matière  suhtile,  air  subtil,  sang  subtil, 
esprit  subtil,  pensée  subtile,  cette  subtile peusée, 
un  argument  subtil,  ce  subtil  argument.  Voyez 
Adjectif. 

Subtilement.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  lia  entré  subtilement 
dans  ma  chambre,  OU  il  a  subtilement  entré  dans 
ma  chambre. 

Subvenir.  V.  n.  de  la  2"  conj.  Il  se  conjugue 
comme  venir,  si  ce  n'est  que,  dans  les  tcnips 
composés,  il  prend  l'auxiliaire  avoir,  au  lieu  de 
l'auxiliaire  être.  11  régit  la  préposition  à  :  Sub- 
venir aux  malheureux ,  subvenir  aux  besoins  de 
quelqu'un. 

Suc.  Subst.  m.  On  prononce  le  c. 

Succéder.  V.  n.  de  la  1^^  conj.  Le  premier  c 
se  prononce  comme  un  k;  le  second,  comme  un 
s.  11  régit  la  préposition  à  :  La  nuit  succède  au 
jour. 

Un  farouche  silence,  enfant  de  la  fureur, 
A  ces  bruyants  éclats  succède  avec  horreur. 

(TOLT.,  Henr.,  VI,  249.) 

Tout  $uccéde,  madame,  à  mon  empressement- 

(RiC,  Iphig.,  act.  III,  se.  m,  t.) 

Successif,  Successive.  Adj.  On  ne  le  met  qu'a- 
près son  subst.  :  Mouvement  successif,  ordre 
successif. 

Successivement.  Adv.  On  ne  le  met  guère  qu'a- 
près le  verbe  :  Toutes  ces  choses  sont  arrivées 
successivement. 

Succinct,  Succincte.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'ana- 
logie :  Un  discours  succiîict,  une  relation  suc- 
cincte, cette  succincte  relation.  —  So^'ez  suc- 
cinct. Voyez  Adjectif. 

Succinctement.  Aav.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  ;  //  a  exposé  succinc- 
tement ses  raisons,  ou  il  a  succinctement  ex- 
posé ses  raisons. 

Succombeb.  V.  n.  de  la  l^e  conj.  L'Académie 
dit,  succomber  sous  le  poids,  sous  le  faix  ;  et 
succomber  à  la  douleur,  à  la  tentation,  à  la  fa- 
tigue, pour  dire,  se  laisser  vaincre  à  la  douleur, 
se  laisser  aller  à  la  douleur,  se  laisser  aller  à  la 
tentation,  être  accablé  de  fatigue. 

Voltaire  a  dit  {Zaïre,  act.  III,  se.  vi,  40)  : 

Un  vieillard  qui  succomhe  au  poids  de  ses  années,  etc. 

Il  semble  qu'il  faudrait  dire  ici,  snus  le  poids. 
Mais  on  peut  se  figurer  les  années,  ou  comme  un 
poids  qui  accable  un  vieillard,  en  pesant  sur  lui; 


SUF 

ou  comme  un  poids  qui  l'entraîne  vers  le  tom- 
beau. Dans  le  premier  cas,  il  faut  dire  sous  le 
poids;  dans  le  second,  on  pourrait  justifier  si/c- 
eoviber  au  poids. 

Le  même  Voltaire  a  dit  plus  régulièrement 
(Sémiramis,  act.  I,  se.  i,  57)  : 

Mais  lorsque  succombant  au  m  il  qui  la  docliirc 

Ici  le  mal  n'est  pas  représenté  comme  un  poids. 

Succulent,  Succulente.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsijuc  l'analogie  et  l'hannonie 
le  permettent  :  friande  succulente,  bouillon  svc- 
ctilenl,  nourriture  succulente  ;  cette  succulente 
novrritiin'.  ^'oyez  Adjectif. 

SuctR.  V.  a.  de  la  !'«  conj.  Dans  ce  verbe,  le 
c  a  la  prononciation  de  se  ;  et,  pour  la  lui  con- 
server à  tous  les  temps  et  à  toutes  les  personnes, 
il  faut  mettre  une  cédille  dessous,  toutes  les  fois 
qu'il  est  suivi  d'un  a  ou  d'un  o.  Ainsi  on  écrit, 
nous  suçons,  je  suçais,  je  suçai,  et  non  pas 
nous  suçons,  etc. 

Sucré  ,  Sucrée.  Part,  passé  du  v.  sucrer,  et 
adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Melon  su- 
cré. —  Un  air  sucré. 

Et  TOUS  semblei  vous  bouclier  les  oreilles, 
Vous,  infidèle,  avec  votre  air  sucre, 
Qui  m'avez  fait  ce  tour  prématuré!  etc. 

(Volt.,  Enf.  Prod.,  act.  IV,  se.  iv,  25.) 

Sud.  Subst.  m.  On  prononce  le  d. 

ScDORiFiQuE.  Adj.  des  deux  genres.  Il  ne  se 
met  qu'aiircs  son  subst.  :  Poudre  sudorifique, 
breuvage  sudorifique. 

SuEii.  y.  n.  de  la  l"conj.  Les  verbes  dont  le 
participe  pruscnt  est  icrininc  en  uaiit  exigent,  à 
la  première  et  a  la  seconde  personne  plurielle  de 
l'imparfait  de  l'indicatif  et  du  présent  du  sub- 
jonctif, un  tréma  sur  Vi  placé  après  la  lettre  u  : 
Nous  suions,  vous  suiez,  que  7iotis  suïons,  que 
vous  sûtes;  alin  qu'on  ne  prononce  pas  ui , 
comme  dans  je  suis.  {Grammaire  des  Gravi- 
maires,  p.  5uy.) 

Suffire.  V.  n.  et  défectueux  de  la  4"  coït'.  Il 
se  conjugue  ainsi  qu'il  suit  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  suffis,  tu  suffis,  il 
suffit  ;  nous  suffisons,  vous  suffisez,  ils  suffisent. 

—  Imparfait.  Je  suffisais,  tu  suffisais,  il  suffi- 
sait; noussuffisions,  vous  suffisiez,  ils  suffisaient. 

—  Passé  simple.  Je  suffis,  tu  suffis,  il  suffit  ; 
nous  suffîmes,  vous  suffîtes,  ils  suffirent.  —  Fu- 
tur. Je  suffirai,  tu  suffiras,  il  suffira;  nous  suffi- 
rons, vous  suffirez,  ils  suffiront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  suffirais,  lu  suf- 
firais, il  suffirait;  nous  suffirions,  vous  suffiriez, 
ils  suffiraient. 

Impératif.  —  Présent.  Suffis,  qu'il  suffise  ; 
suffisons,  suffisez,  qu'ils  suffisent. 

Subjonctif.  Pré.icnt.  Que  je  suffise,  que  lu  suf- 
fises, qu'il  suffise;  que  nous  suffisions,  que  vous 
suffisiez,  qu'ils  suffisent. 

L'iiiip;irl'aîl  n'est  pas  usité. 

Participe.  —  Présent.  Suffisant.  —  Passé. 
Suffi.  Point  de  féminin. 

Ce  verbe  régit  à  ou  pour,  devant  les  noms  et 
les  verbes  :  Peu  de  bien  suffit  au  sage.  Cette 
somme  suffit  a  ses  besoins,  je  ne  puis  suffire  à 
toutes  ces  affaires.  La  vie,  qui  est  courte  et  qui 
ne  suffit  presque  pour  aucun  art,  suffit  pour 
être  bon  chrétien.  i,Nîcole.)  Cette  rente  ne  lui 
suffit  pas  pourr/v)c. 

l-orsipic  ce  verbe  est  employé  impersonnelle- 
ment, il  régit  de  devant  un  nom  et  devant  un 


SUl 


671 


inlinitif  :  Il  suffit  ù'ètre  malheureux  pour  être 
injuste.  Pour  réprimer  at  abus,  il  suffit  de 
Votre  fermeté.  Il  ne  suffit  pas  d'un  grand 
homme  pour  faire  ces  changements.  —  //  suffit 
que  vous  le  disiez  pour  que  je  le  croie.  —  Se 
suffire  à  soi-même,  n'avoir  pas  besoin  du  secours 
d'aulrui. 

Suffisamment.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  y  a  suffisamment 
de  monde.  Il  est  suffisamment  informé  de  celte 
affaire. 

Suffisant,  Suffisante.  Adj.  On  peut  le  mettre 
avant  son  subst.,  lorsque  l'analogie  et  l'hiirmunie 
le  permettent  :  Une  somme  suffisante  ,  une 
troupe  suffisante.  —  Un  homme  suffisant.  Le 
suffisant  personnage!  Un  air  suffisant,  une 
mine  suffisante.  Voyez  Adjectif. 

Suffocant,  Suffocante.  Adj  verbal  tiré  du  v. 
suffoquer.  On  ne  le  met  qu'après  son  subst.  :  Ca- 
tarrlie  suffocant,  vapeur  suffocante,  chaleur 
suffocante. 

SuGGÉuEii.  \.  a.  de  lal't^  conj.  On  prononce  les 
deux/7,  le  premier  comme  gue,  le  second  comme 
j  :  Suggérer  quelque  chose  à  quelqu'un. 

Quels  timides  conseils  m'osei-vous  suggérer  ? 

(RaC,  Ath.,  act.  III,  se.  VI,  53.) 

Suggestion.  Subst.  f.  Les  deux  g  se  pronon- 
cent, le  premier  comme  gue,  le  second  comme  j. 
Ti  conserve  sa  prononciation  naturelle. 

Suif.  Subst.  m.  On  prononce  le /"final. 

Suite.  Subst.  f.  On  dit  tout  de  suite,  et  de 
suite.  Ce  sont  deux  expressions  adverbiales  qu'il 
ne  faut  pas  confondre.  De  suite  signifie  l'un  après 
l'autre,  sans  interruption:  Il  a  marché  deux 
jours  de  suite,  il  ne  saurait  dire  deux  mots  de 
suile.  —  Il  se  dit  aussi  de  l'ordre  dans  lequel  les 
choses  doivent  être  rangées  :  Ces  livres,  ces  mé- 
dailles ne  sont  pas  de  suite. 

De  suite,  précédé  de  l'adverbe  tout,  signi..c 
incontineiit,  sur  Vhcure:  Il  faut  que  les  enfaiity- 
obéissent  tout  de  suite.  IL  faut  envoyer  chercher 
tout  de  suile  le  médecin.  Allez-y  tout  de  suite. 
—  Toutefois  l'Académie  fait  remarquer  que  tout 
de  suite  signifie,  dans  certains  cas,  sacs  interrup- 
tion :  Il  lut  trois  rasades  tout  de  suite;  il  u 
cniiru  vingt  postes  de  suile. 

Suivant,  Suivante.  Adj .  verbal  tiré  du  v.  suivre. 
Il  ne  se  dit  que  des  choses,  et  se  met  toujours 
a[)rés  son  subst.  :  Le  livre  suivant,  l'article 
suivant. 

Suivant.  Préposition.  Il  signifie,  en  suivant, 
pour  suivre,  si  l'un  suit  :  Suivant  la  doctrine 
d'Aristote,  ou  suivant  Aristote.  — Selon  exprime 
quelque  chose  de  plus  fort,  de  plus  positif,  de 
plus  absolu  :  Sel  in  l'Évangile. 

Suivre.  \ .  a.  et  irrégulier  de  la  4'  conj.  Il  se 
conjugue  ainsi  qu'il  suit  : 

Indicatif  —  Présent.  Je  suis,  tu  suis,  il  suit; 
nous  suivons,  vous  suivez,  ils  suivent.  —  Im- 
parfait. Je  suivais,  tu  suivais,  il  suivait;  nous 
suivions,  vous  suiviez,  ils  suivaient.  —  Passé 
simple.  Je  suivis,  tu  suivis,  il  suivit;  nous  sui- 
vîmes, vous  suivîtes,  ils  suivirent.  —  Futur.  Je 
suiviai,  tu  suivras,  il  suivra;  nous  suivrons, 
vous  suivrez,  ils  suivront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  suivrais,  tu  sui- 
vrais, il  suivrait;  nous  suivrions,  vous  suivriez, 
ils  suivraient. 

Impératif.  —  Présent.  Suis,  qu'il  suive;  sui- 
vons, suivez,  qu'ils  suivent. 

Subjonctif.   —  Présent.  Que  je  suive,  que  tu 


672 


SUP 


suives,  qu'il  suive;  que  nous  suivions,  que  vous 
suiviez,  qu'ils  suivent.  —  Imparfait.  Que  je 
suivisse,  que  tu  suivisses,  qu'il  suivit;  que  m)us 
suivissions,  que  vous  suivissiez,  qu'ils  suivissent. 

Particiiie.  —  Présent.  Suivant.  —  Passé. 
Suivi,  suivie. 

Il  forme  ses  temps  composés  avec  l'auxiliaire 
avoir. 

On  dit  suivre  une  affaire,  suivre  un  projet. 

Junon  n'en  >ui(  pas  moins  set  projets  de  Tengeancc. 
(Dblil.,  firi^id.,  YII,785.) 

■Voltaire  a  dit  :  suivre  le  torrent,  au  figuré  : 

Il  suivait  le  torrent  de  la  rcbelliun. 

(tfenr.,  V,  5G.1 

Voyez  Imiter. 

ScjET,  Sujette.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
suhst..  et  régit  la  préposition  à  :  Nous  sommes 
sujets  à  la  mort.  —  Un  homme  sujet  à  la  colère. 

Sujet.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire  et  de 
logique.  En  logique,  le  sujet  d'un  jugement  est 
l'être  dont  l'esprit  aperçoit  l'existence  sous  telle 
ou  telle  relation  à  quelque  modification  ou  ma- 
nière d'être;  en  grammaire,  c'est  la  partie  de  la 
proposition  qui  exprime  le  sujet  logique.  Voyez 
Construction,  et  surtout  Proposition,  Attribut, 
Complexe. 

Sujet,  en  littérature,  se  dit  de  la  matière  qui 
sert  ae  fond  à  un  ouvrage.  Dans  l'art  dramatique, 
le  sujet  est  le  fond  principal  de  l'action  d'une 
pièce  dramatique.  Le  sujet  est  réel  ou  d'imagi- 
nation. Tous  les  sujets  frappants  dans  l'histoire 
ne  peuvent  pas  toujours  paraître  heureusement 
sur  la  scène.  Leur  beauté  dépend  souvent  de 
quelque  circonstance (juc  le  théâtre  ne  peut  souf- 
frir. Le  poëte  peut  ajouter  ou  retrancher  à  son 
sujet,  parce  qu'il  n'est  pas  d'une  nécessité  ab- 
solue que  la  scène  donne  les  choses  comme  elles 
ont  été,  mais  seulement  comme  elles  ont  pu  être. 
—  On  i)eut  distinguer  plusieurs  surles  de  sujets; 
les  uns  sont  d'incidents,  les  autres  de  passions; 
et  il  y  a  des  sujets  qui  admettent  tout  à  la  fois 
les  incidents  et  les  [tassions.  Un  sujet  d'incidents 
est,  lorsque  d'acte  en  acte,  et  presque  de  scène 
en  scène,  il  arrive  quelque  chose  de  nouveau 
dansl'action.  Un  sujet  de  passions  est,  quand  d'un 
fond  simple  en  apparence,  le  poëte  a  l'art  de  faire 
sortir  des  mouvements  rapides  et  extraordinaires, 
qui  portent  l'épouvante  ou  l'admiration  dans 
l'àme  des  spectateurs.  —  Enfin  les  sujets  mixtes 
sont  ceux  qui  produisent  en  même  temps  la  sur- 
prise des  incidents  et  le  trouble  des  passions. 
Les  sujets  mixtes  sont  les  plus  avantageux,  et 
ceux  qui  se  soutiennent  le  mieux. 

Sdlfureux,  Sulfureuse.  Adj.  qui  suit  toujours 
son  subst.  :  Matières  sulfureuses,  exhalaisons 
sulfureuses. 

SoPEr.BE.  Adj.  On  peut  souvent  le  mettre  avant 
son  subst.,  en  consultant  l'oreille  et  l'analogie  : 
Un  homme  superbe,  les  esprits  superbes.  — 
Une  superbe  femme,  iin  cheval  superbe,  un 
superbe  coursier.  —  Un  discours  superbe,  un 
i  upsrbe  discours,  une  superbe  pensée. 

Je  sais  gu'ils  se  sont  fait  une  superbe  loi 
De  ne  point  à  l'hymen  assnjcUir  leur  foi. 

(Rac,  Baj.,  act.  I,  se.  m,  34.) 

Superbe.  Subst.  f.  Orgueil. 

AoattoDi  «a  superbe  avec  sa  liberté. 

(Cona.,  Pompés,  acl.  I,  se.  i,  195.) 


SUP 

La  superbe,  ait  Voltaire,  ne  se  dit  jdus  dans  /a 
poésie  noble.  11  est  aisé  d'y  substituer  orgueil 
[Remarques  sur  Corneille.)  —  L'Académie  re- 
marque qu'il  n'est  plus  guère  usité  que  dans  les 
matières  de  dévdtion. 

Sul>E'.iBESlr,^T.  Adv.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  était  vêtu  superbe- 
ment, ou  il  était  superbement  vêtu. 

SopEFiCHEniE.  Suhst.  f.  Jamais  ce  mot,  dit  Vol- 
taire, ne  doit  entrer  dans  la  tragédie.  [Remarques 
sur  Héraclius,  act.  V,  S(".  )ii,  81.) 

Superficiel,  Superficielle.  Adj.  On  peut  le 
mettre  avant  son  subst. ,  lorsque  l'analogie  et 
l'harmonie  le  permettent  :  Une  pluie  superficielle, 
connaissance  superficielle,  homme  superficiel, 
une  co7irersation  superficielle, cette  superficielle 
conversation.  Voyez  Adjectif. 

ScpERFlClELLEME^T.  Adv.  On  peut  le  mettre 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  //  a  traité  la 
question  superficiellement ,  ou  il  a  superficielle- 
ment truite  la  question. 

SuPERFiiM,  SoPERFiNE.  Adj.  qui  uc  SB  met  qu'a- 
prés  son  subst.  :  Papier  superfin,  liqueur  su- 
perfine. 

Superflu,  Superflue.  Adj.  qui  suit  toujours 
Son  subst.  :  Ornements  ."superflus,  meubles  su- 
perflus. —  Discours  superflus,  raisonnements 
superflus. 

Superflu.  Subst.  m.  Ce  substantif  n'a  point  de 
pluriel.  On  dit  ?.  plusieurs,  votre  superflu  doit 
être  employé  â  secourir  les  pauvres,  et  n»n  pas, 
vos  superflus. 

Supérieur,  Supérieure.  Adj.  11  suit  toujours 
son  subst.  :  La  lèvre  supérieure,  génie  supé- 
rieur. —  Parce  supérieure. 

Supérieurement.  Adv.  On  le  met  quelquefois 
entre  l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  a  traité 
supérieurement  ce  sujet,  ou  il  a  supérieurement 
traité  ce  sujet.  Ces  deux  auteurs  ont  écrit  sur 
la  même  matière,  mais  l'un  bien  supérieurement 
à  l'autre.  (Acad.) 

Superlatif,  Superlative.  Adj.  qui  se  prend 
substantivement.  Terme  de  grammaire.  Le  su- 
perlatif se  dit  de  l'adjectif  exprimant  la  qualité 
portée  au  suprême  degré  de  plus  ou  de  moins. 
On  t]\i^{iD^{iele  superlatif  relatif,  et  le  superlatif 
absolu.  'Le  superlatif  relatif c\\mmc  une  qualitéâ 
un  degré  plus  élevé  ou  moins  élevé  d;ins  un  objet 
que  dans  un  autre;  mais  il  exprime  cette  qualité 
avec  rapport  à  une  autre  chose.  —  Ce  superlatif  ne 
doit  point  être  confondu  avec  le  simple  comparatif 
ou  simpledegré  de  qualification  :  le  superlatif  rela- 
tif exprime  une  coin  jiaraison,  mais  cette  comparai- 
son est  générale;  au  lieu  que  le  comparatif  simple 
n'exprime  qu'une  comparaison  particulière. 

On  forme  lesuperlatif  relatif  en  plaçant  le,  la, 
les,  du,  de  la,  des,  mon,  ton,  soit,  notre,  votre, 
leur,  devant  les  adjectifs  et  les  adverbes  compa- 
ratifs plus,  pire,  meilleur,  innindre  et  moins. 
La  plus  douce  consolation  d'un  homme  de  bien 
affli(ié,  c'est  la  pensée  de  son  innocence.  (Bos- 
suet.  )  L'amour  des  peuples  est  l'éloge  le  moins 
suspect  du  souverain,  etc. 

Comme  dans  le  superlatif  relatif  il  y  a  excès  et 
comparaison,  ce  superlatif  appartient  aux  degrés 
deromparaison;  aussi  l'article  (pii  correspond  a 
un  substantif  sous-entendu  après  lui,  prend-il 
les  inflexions  du  substantif  qui  est  énoncé  avant. 
On  dira  donc  :  Quoique  cette  femme  montre  plus 
de  fermeté  que  les  autres,  elle  n'est  pas  pour 
cela  la  moins  affligée.  De  tant  de  criminels,  il 
ne  faut  punir  que  les  plus  coupables.  En  effet, 
c'est  comme  si  l'on  disait  :  Quoique  cette  femme 


SUP 

montre  plus  de  fcrmelc  que  les  autres,  elle  n  est 
pus  pour  cela  la  femme  moins  affligvc  que  les 
autres.  De  tant  de  criminels,  il  ne  faut  punir 
que  les  ci'iiniiiols  plus  caupables  que  les  autres. 
Le  superlatif  absolu  cxiii'iine,  comme  le  super- 
latif relalif,  une  qualité  à  un  degré  plus  uu  moins 
élevé.  Mais  il  exprime  cette  qualitcd'une  manière 
absolue,  sans  aucune  relation,  sans  aucun  rapport 
a  une  autre  chose,  c'est-à-dire  qu'il  n'énonce 
aucune  comparaison.  On  le  l'orme  en  phicjant 
devant  l'adjectif  un  de  ces  mots  :  fort,  très,  bien, 
infiniment,  extrêmement.  Cette  femme  est  fort 
aimable  ;  cet  homme  est  très-riche,  cette  maison 
st  bien  grande,  son  style  est  infiniment  dur, 
Dieu  est  infiniment  bon. 

Les  superlatifs  absolus  sont  aussi  queUiuefois 
exprimés  par  le  plus;  mais  comme  dans  celte 
sorte  de  superlatifs  il  y  a  exclusion  de  comfia- 
raison,  il  n'appartient  qu'au  degré  de  qualifica- 
tion-, et  alors,  le  plus  qni  exprime  le  superlatif 
est  pris  adverbialement ,  c'est-à-dire  qu'il  n'a 
point  de  genre  ni  de  nombre,  parce  qu'il  ne 
correspond  pas  au  substantif,  mais  seulement  à 
l'adjectif.  On  doit  donc  dire  :  Cette  scène  est 
une  de  celles  qui  furent  le  plus  applaudies;  ceux 
que  j'ai  toujours  vus\c  plus  frappés  de  lalecture 
des  icrils  d'Homère,  de  Virgile,  etc.  Lu  lune 
n'est  pas  aussi  éloignée  de  la  terre  qxie  le  soleil, 
lors  7néme  qu'elle  en  est  le  plus  éloignée.  —  Dans 
chacune  de  ces  phrases,  il  y  a  excès  sans  qu'il  y 
ait  comparaison  ;  c'est  comme  si  on  disait,  cette 
scène  est  une  de  celles  qui  furent  applaudies 
le  plus,  au  degré  le  plus  haut;  le  mot  (pii  ex- 
prime le  superlatif  tombe  donc  sur  l'adjectif,  et 
non  sur  le  substantif;  c'est  un  adverbe,  il  doit 
rester  invariable. 

Dira-t-on  les  opinions  les  plus  ou  leplusséné- 
ralement  suivies?  les  mieux  ou/e  mir.ux  établies? 
les  sentiments  'es  plus  ou  le  plus  approuvés? 
les  opérations  Us  plus  ou  lé  plus  sagement  com 
binées?  ceux  qui  étaient  les  plus  ou  le  plus  fa- 
vorables? 

La  réponse  dépend  de  l'intention  de  celui  qui 
parle,  ou  de  ce  qu'il  veut  faire  entendre.  —  Des 
opinions  considérées  en  elles-mêmes  et  sans  com- 
paraison, peuvent  être  mal  établies, bien  établies, 
mieux  ou  plus  mal  établies,  plus  ou.  moins  géné- 
ralement suivies.  Si  c'est  là  ce  que  vous  entendez, 
le,  relatif  à  l'adverbe,  sera  invariable  comme  lui; 
et  leplus,  le  mieux,  signifiera  le  plus,  le  mieux 
quil  est  possible.  — Si  vous  avez  en  vue  d'autres 
opinions,  moins  bien  établies,  moins  suivies  que 
celles-là,  et  (jue  vous  vouliez  indiquer  cette 
comparaison,  c'est  au  nom  que  doit  se  rapporter 
l'article,  et  vous  direz,  les  plus,  les  mieux.  —  De 
même  si  vous  n'avez  égard  qu'au  degré  d'appro- 
bation que  tels  sentiments  ont  pu  obtenir,  vous 
direz  le  plus  approuvés.  Alais  si  vous  comparez 
cette  estime  a  celle  que  d'autres  sentiments  ob- 
tiennent, vous  direz  les  plus  approuvés.  —  De 
même  encore,  vous  direz  les  opérations  le  plus 
sagement  combinées,  s'il  ne  s'agit  (jue  de  faire 
intendre  qu'on  a  mis  à  les  combiner  toute  la  sa- 
gesse possible;  et  les  plus  sagement  combinées, 
si  l'on  veut  leur  attribuer  cet  avantage  sur  d'au- 
tres opérations.  Cela  est  si  vrai,  que,  si  un  objet 
de  comparaison  est  indiqué,  et  que  l'on  dise,  par 
exemple,  les  opérations  le  mieux  combinées  de 
la  campagne,  on  parlera  mal;  il  faudra  dire  les. 
Tl  en  est  de  même  de  tout  superlatif  dont  le 
rapport  est  déterminé  :  Les  arbres  les  plu  s  hauts 
de  la  forêt;  les  arbres  les  plus  hauts  sont  les 
plus  exposés  a  la  tempête.   .Mais  si   le  rapport 


SUP 


673 


n'est  pas  déterminé,  on  dira  les  arbres  le  plus 
profondément  enracinés,  les  arbres  lo  plus  f.'j- 
durcis  par  le  temps,  les  arbres  le  jiKis  chargés 
de  fruits.  —  On  dira  les  parures  les  plus  à  la 
mode,  les  talents  les  plus  en  honneur,  parce 
•lu'il  y  a  concurrence;  mais  on  dira  les  parures 
le  plus  recherchées,  les  talents  le  plus  cultires. 

En  parlant  d'une  femme,  on  dit  :  Dans  une 
fête,  à  un  spectacle,  elle  est  toi/jours  la  [Ausbrlle. 
.■Mais  on  devrait  dirc,c'(?5/  da?is  son  négligé  qu'elle 
était  le  plus  belle,  et  cela  répugne  à  l'oreille.  Que 
faut  il  faire  alors,  un  solécisme,  en  disant /a  plus 
belle? Non,  il  faut  prendre  un  autre  tour,  et  dire, 
qu'elle  avait  le  plus  de  beauté.  —  Si  l'adjectif 
est  le  même  pour  les  deux  genres,  le  plus  avec 
un  féminin  ne  |)arait  plus  déplacé  :  C'est  dans  le 
tcte-à-tètcquelle  est\Q  \^\\l'n  aimable .  C'est  quand 
son  mari  gronde  qu'elle  est  le  plus  tranquille. 

Celle  expression  adverbiale,  le  plus,  ne  parait 
point  choquante  non  plus  avant  un  adjectif  fémi- 
nin (jui  est  précédé  ou  suivi  d'un  complément, 
ou  devant  un  adjectif  verbal.  On  dira  donc,  cest 
une  de  ces  faiblesses  auxquelles  les  femmes  les 
mieux  nées  so7it  le  plus  sujettes,  ou  les  femmes 
les  mieux  nées  sont  le  plus  sujettes  «  ces  sortes 
de  faiblesses.  Ici  le  vlus  ne  choque  point,  parce 
qu'après  avoir  entendu  l'adjectif  sî/y'/^cs,  l'esprit 
se  porte  vers  son  complémenl  aux  faiblesses; 
et  comme  on  est  plus  ou  moins  sujet  à  des  fai- 
blesses, celle  idée  de  l'adjectif  joint  à  son  com- 
plément ramène  l'adverbe  le  plus  à  son  véritable 
sens.  —  Il  en  est  de  même  d'un  adjectif  verbal. 
On  dira  bien,  ces  deux  faits  sont  ceux  dont  la 
vérité estic  plus  frappante.  L'idée  de  frappante, 
qui  rappelle  une  action  susceptible  de  plus  ou 
de  moins,  ramène  le  plus  à  son  véritable  sens,  et 
empêche  qu'il  ne  choque. 

Au  contraire,  quand  on  dit,  c'est  dans  son 
négligé  qu'elle  est  le  plus  belle,  l'adjectif  belle 
qui  termine  le  sens  de  la  phrase,  qui  n'a  point 
de  rapport  à  un  complément,  qui  n'exprime  point 
d'action,  ne  peut  êlre  rapporté  qu'à  le  plus  direc- 
tement, et  en  sa  qualité  d'adjectif  féminin  ;  cl  ce 
rapport  paraît  choquant,  parce  qu'il  n'y  a  point 
d'idée  accessoire  qui  rapproche  ces  deux  mots 
du  sens  adverbial.  Voyez  Degré,  Comparatif, 
Positif. 

SlIPERSTlTlEDSEME^T.  Adv.  Lc  premier  ti  con- 
serve sa  prononciation  naturelle,  le  second  se 
prononce  comme  ci.  On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe  :  Il  s'est  attaché  su- 
perstitieusement, ou  il  s'est  superstitieusement 
attaché  à  ces  pratiques  mimttictises. 

Sdperstitieux,  Scpekstitieuse.  Adj.  On  peut 
mettre  cctadj.  avantsonsubst., lorsque  l'analogie 
et  l'harmonie  le  permettent  ;  Un  homme  super- 
stitieux, une  femme  superstitieuse.  —  Culte 
superstitieux,  cérémonies  .superstitieuses,^  ces 
superstitieuses  cérémonies.  Voyez  Adjectif. 

*ScpERSTRUCTnRE.  Subsl.  f.  Siruclurc  super- 
flue et  inutile  à  l'édifice.  Mol  nouveau.  Voltaire 
a  dit  dans  la  préface  du  commentaire  sur  la  Mort 
de  Pompée  par  Corneille  :  La  pièce  est  finie  quand 
Ptoloméc  est  mort.  Tout  le  reste  n'est  qu'une 
superstructure  xnw<«/c  à  l'édifice.  Nous  n'avo;.., 
point  de  mot  qui  soit  équivalent  à  celui-là. 

SoppLÉER.V.  a.  et  n.dela  !'•  conj.  On  dit  sup- 
pléer une  chose,  et  suppléer  ii  une  rhose.  Ces 
deux  expressions  ont  des  sens  ircs-différenis.  — 
Suppléer  une  chose, c'csl  ajouter  ce  qui  inancpie, 
fournir  ce  qu'il  faut  de  surplus,  pour  que  cette 
chose  soit  complète  :  Ce  sac  doit  être  de  mille 
francs,  et  ce  qu'il  y  a  de  moins  je  Ze  sup[)léenii, 

43 


574 


SUP 


je  suppléerai  le  reste.  —  Suppléer  à  une  chose, 
signilieirparcrle  maiHiuement,  le  iléfaul  de  quel- 
que chose,  meure  à  sa  place  une  chose  qui  en 
lient  lieu  :  Si  voire  troupe  est  inférieure  u  celle 
de  l'ennemi,  lu  valeur  suppléera  au  nombre. 
Dans  les  temps  de  disette,  les  pommes  de  terre 
suppiéenl  au  pain.  On  ne  dirait  pas  bien  sup- 
pléera le  nombre,  suppléera  le  pain.  —  Deux 
objets  du  même  genre  et  égaux  se  suppléent  l'u7i 
l'autre;  deux  ijl)jels  d'un  genre  différent,  mais 
d'une  égale  valeur,  suppléent  l'un  a  Vautre.  A 
proprement  parler,  il  faut  cxaclcmcnt  remplir  la 
place  de  ce  qu'on  supplée;  il  sullit  <le  produire 
â  peu  près  le  même  tflet  que  la  chose  à  laquelle 
on  supplée.  —  Remarquez  qu'avec  un  nom  ou 
un  iMonum  de  personne  qui  lui  sert  de  régime, 
suppléer  ne  prend  jamais  la  préposition  à;  on  dit 
suppléer  quelqu'un.  5'î7«e  vient  pas,  je  le  sup- 
pléerai, et  ce  verbe  signifie,  «laiis  ce  cas,  repré- 
senter une  personne  absente,  ou  l^tire  les  fonctions. 

SuppLKMENT.  Subst.  m.  Terme  de  grammaire. 
On  appelle  siipplément,  les  mois  que  la  construc- 
tion analytique  ajoute  pour  la  plénitude  du  sens, 
à  ceux  «lui  composentla  phrase  usuelle.  —  Quoi- 
que la  pensée  soit  essentiellement  une  el  indivi- 
sible, la  parole  ne  peut  en  l'aire  la  peinture  qu'au 
moyen  de  la  distinction  des  parties  que  l'analyse 
y  envisage  dans  un  ordre  successif.  Mais  celte 
décomposition  même  oppose  a  l'activité  de  l'es- 
prit «jui  pense  des  embarras  qui  se  renouvellent 
sans  cesse,  et  donnent  à  la  curiosité  agissante  de 
ceux  qui  écoutent  ou  qui  lisent  un  discours  des 
entraves  sans  lin.  De  la  la  nécessité  générale  de 
ne  mettre  dans  chaque  phrase  que  les  mots  qui 
y  sont  les  plus  nécessaires,  et  de  supprimer  les 
autres,  tant  pour  aider  l'activité  de  l'esprit,  (]ue 
pour  se  lapprocher  le  plus  (ju'il  est  possible  de 
l'unité  iiidivibible  de  la  pensée,  dont  la  parole 
fait  la  peinture.  "N'oyez  Ellipse. 

ScppLiANT,  Suppliante.  Adj.  verbal  tiré  du  v. 
supplier.  Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un 
homme  suppliant,  une  femme  suppliante,  une 
voix  suppliante,  un  visage  suppliant 

Supportable.  Adj.  des  de  x  genres.  Il  ne  se 
met  qu'après  son  subst.  :  Une  douleur  suppor- 
table, une  douleur  qui  n'est  pas  supportable. 

L'Académie  dit  ([u'il  s'emploie  dans  le  sens 
d'excusable,  qu'on  peut  tolérer,  excuser,  et  elle 
donne  pour  exemple  de  cette  acception  :  cela 
n'est  pas  supportable  à  un  hom.me,  dans  un 
homme  de  son  âge,  de  sa  qualité, de  saprofessinn. 
On  ne  dit  pas  supportable  à,  mais  je  pense  qu'on 
peut  dire  .supportable  dans  :  Cela  n'est  pas  sup- 
portable dans  un  homme  de  votre  profession. 
Cette  expression  n'tst  pas  supportable  dans 
■mo  tragédie. 

Sdppoi.tablement.  Adv.On  peut  le  mettre  entre 
l'auxiliaire  et  le  jKirticipe  :  Cela  est  écrit  suppor- 
tablement,  ou  cehi  est  supportablemeîit  écrit.  Il 
est  peu  usité. 

SopposÊ.  Sorte  de  préposition.  Quand  ce  mot 
précède  un  substantif,  il  est  toujours  prépositif 
el  invariable  :  Supposé  le  cas.  Mais  quand  il  suit 
un  subst.,  il  devient  adj.,  et  prend  les  formes  du 
féminin  cl  du  pluriel  :  La  chose  supposée,  le  cas 
supposé. 

ScppRiMK.R.  V.  a.  de  lad."  conj.  II  régit  quel- 
quefois de  après  son  régime  direct  :  Ou  a  sup- 
•nrimé  cette  <lause  dw  traité,supprimer  une  pièce 

'in  recueil. 

iopRÊME.  Adj.  des  deux  genres.  On  peut  le 

jCltre  avant  son   subst.,   lorsque  r;m;dog=."  cl 

1  harmonie  le  permettent  :  Pouvoir  suprême,  le 


SUR 

suprême  pouvoir;  autorité  suprême,  la  supfêmc 
autorité;  dignité  suprême,  vertu  suprême.  Cet 
adjectif  n'est  pas  susceptible  de  comparaison, 
soit  en  plus,  soit  en  myins,  el  on  ne  pcul  l'em- 
ployer ni  au  comparatif,  ni  au  superlatif.  On  ne 
peut  pas  dire  plus  suprême,  moins  suprême, 
aussi  suprême,  etc. 

Son,  Sure.  Adj.  Qui  a  un  goût  acide  et  aigre. 
Il  ne  se  met  qu'après  son  subst.  :  Un  fruit  sur, 
des  pommes  sures. 

SUR,  SûuE.  Adj.  Certain,  indubitable,  vrai. 
L'u  prend  un  accent  circonflexe.  Cet  adj.  suit 
toujours  son  subst.  :  Une  chose  sûre,  une  nou- 
velle sûre,  un  rêve  sûr,  un  ami  sûr.  Quelquefois 
il  régit  la  préposition  de  :  Je  suis  sûr  de  vion 
fait,  il  est  ^wrde  ce  qu'il  dit. 

Sdr.  Préposition.  On  ne  met  point  d'accent 
circonflexe  sur  l'u.  Celte  préposition,  comme 
toutes  les  autres,  se  répèle  devant  chacun  doses 
compléments.  Il  faut  dire,  il  n'y  a  pas  d'homme 
sur  qui  je  compte  plus  que  sur/iti.  //  était  délicat 
sur  l'honneur  et  sur  les  bienséances.  Il  peut 
compter  sur  vous  et  sur  moi. 

Féraud  prétend  qu'en  conversation,  on  ne  pro- 
nonce point  le  r  de  sur  devant  une  consonne  : 
Su  la  table,  au  lieu  de  sur  la  table.  C'est  la  pro- 
nonciation des  cuisinières. 

Slr.  Ce  mot  esi  aussi  une  particule  prépositive 
que  l'on  met  au  commencemeul  de  certains  mots, 
où  elle  marque  excès  :  Surabondance,  surabon- 
dant, surcharge,  surcharoer ,  surcroît,  surfaire, 
etc.  ;  position  supérieure ,  surmonter,  surna- 
ger, etc. 

Surabondant,  Surabondante.  .\dj.  verbal  tiré 
du  v.  surabonder.  Il  suit  toujours  son  subst.  : 
Une  preuve  surabondante,  une  grâce  surabon- 
dante. 

SuRÉROGATOiRE.  Adj.  dcs  deux  genres  qui  ne 
se  met  qu'après  sou  subst.  :  OEuvre  suréroga- 
toire . 

Suret,  SuRÈTE.  Adj.  Il  ne  se  met  qu'après  son 
subst.  :  Un  goût  suret,  une  pomme  surète. 

Surface.  Subst.  f.  Il  signifie  la  même  chose 
que  superficie,  avec  celte  différence,  qu'on  em- 
ploie celui-ci  quand  on  ne  veut  parler  que  de  ce 
qui  est  extérieur  et  visible,  sans  aucun  égard  à 
ce  (]ui  ne  parait  point;  au  lieu  qu'on  se  sert  de 
surface  quand  on  a  dessein  de  mettre  ce  qui  pa- 
raît au  dehors  en  opposition  avec  ce  qui  ne  para!» 
pas. 

Surfaire.  "V.  a.  et  irrégulier  do  la  4''  conj.  L 
se  conjugue  comme  faire.  Voyez  ce  mot. 

Surfaire  une  marchandise .  On  dit  vous  nie 
SU1  faites,  à  quelqu'un  qui  demande  d'une  mar- 
chandise plus  qu'elle  ne  vaut.  Dans  cet  exemple, 
il  y  a  ellipse  :  Ne  me  surfaites  point,  c'est-à- 
dire,  7ie  surfaites  point  votre  marchandise  à  inoi. 
Ne  me  surfaites  point  votre  marchandise. 

Surgir.  V.  n.  de  la  2*  conj.  L'Académie  dit 
qu'il  n'est  guère  d'usage  qu'à  l'iulinitif.  Cela  n'est 
pas  exact.  On  dit  nous  avons  surgi.  J.-J.  Rous- 
seau a  dit  :  Tai  surgi  dans  une  seconde  île 
déserte,  plus  inconnue,  plus  charmante  que  la 
première.  — Féraud  prétend  qu'il  ne  se  dit  ni 
au  figure,  ni  en  prose,  ni  en  vers.  La  phrase  de 
Rousseau  que  nous  venons  de  citer  est  une 
preuve  du  contraire  pour  la  prose;  et  pour  les 
vers,  je  ne  vois  point  de  raison  qui  puisse  le  faire 
rejeter. 

Surhumain,  Surhumaine.  Adj.  Il  ne  se  met 
qu'après  son  stibst.  :  Une  tailla  surhumaine,  un 
courage  surhumain. 


SUR 

Surmonter.  V.  a.  de  la  1"  conj.  Racine  a  dit 
(Aihalie,  act.  III,  se.  iv,  24)  : 

J'admirais  si  Mathan 

Avait  pu  de  son  cœur  surmonter  l'injualice. 

SoRNAGER.V.  n.  de  la  l'e  conj.  Féraud  le  définit 
nager.  Stirnnpcr  sisiùdc,  se  soutenir  à  la  surface, 
sur  la  suriace  d'un  lluide.  Ainsi,  l'on  peut  dire 
avec  Marinontel,  il  surnageait  au  torrent  du 
7«ow<fe,  c'esl-à-dire,  il  se  soutenait  au-dessus  du 
torrent  du  monde. 

SuRNATur.iL,  Snr.NATCRKLLn.  Adj.  11  suit  tou- 
jours son  su  bst  :  Cause  surnaturelle,  effet  sur- 
naturel, doit  surnaturel. 

SuRivATURELLF.MENT.  Adv.  Il  Hc  sc  mct  qu'aprés 
le  verbe.  :  Cela  s'est  fait  surnaturellenie nt . 

SunPASSKi;.  \ .  a.  de  la  1"  conj.  :  Il  le  surpasse 
de  toute  la  tête;  surpasser  que/qu'un  en  science, 
en  méchunceté.  —  Cela  me  surpasse,  suipasse 
mon  inleVigence. 

SnRPLDs  Subst.  m.  Ce  qui  est  au  delà  d'une 
certaine  quantité,  ou  d'un  certain  prix.  L'Aca- 
démie le  (lélhiil,  ce  qui  reste.  Ainsi,  ce  qui  reste 
d'un  repas  pourrait  s'appeler  le  surplus.  On  sent 
ijue  cette  définition  est  loin  d'être  bonne. 

A7i  surplus,  expression  adverbiale  qui  se  dit 
pour,  quant  à  ce  qu'on  pourrait  dire  de  plus.  Il 
sc  place  ou  au  cominencemenl  de  la  phrase,  ou 
après  les  premiers  mots  :  An  surplus,  fimaffine 
que...  Je  pense,  au  surplus,  que...  Il  est  familier 
et  n'est  point  admis  dans  la  haute  poésie. 

La  Fontaine  a  d\i pour  le  surplus.  Cette  expres- 
sion n'est  point  usitée. 

Surprenant,  SDRPRE^ANTE.  Adj.  verbal  tiré  du 
V.  surprendre.  On  peut  le  mettre  avantson  subst., 
en  consultant  l'oreille  et  l'analogie:  Une  nouvelle 
surprenante,  cette  surprenante  nouvelle. 

Surprendre.  ^^  a.  et  irrégulier  de  la  4^  conj. 
11  se  conjugue  comme  prendre.  Voyez  ce  mot. 

J'ai  «urpn»  ses  soupirs  qu'il  me  voulait  cacher. 

(Uac,  Iphig.,  act.  Il,  sc.  Y,  64.) 

Dans  le  sens  d'être  étonné, ce  verbe  régit  l'in- 
dicatif après  de  ce  que  :  f^ous  êtes  surpris  de  ce 
qu'il  ne  vient  pas.  Mais  après  que,  il  régit  le 
subjonclif  :  P^ous  êtes  surpris  qu''il  ne  vienne 
fus. 

Voltaire  a  dit  : 

De  votre  esprit  la  naïve  justesse 

Me  rend  surpris  autant  qu'il  m'intéresse. 

En  prose,  il  aurait  dit,  me  surprend. 

Surseoir.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  3°  conj. 
Voici  comment  il  se  conjugue  : 

Indicatif.  —  Présent.  Je  sursois,  tu  sursois,  il 
sursoit  ;  nous  sursoyons,  vous  sursoyez,  ils  sur- 
soient. —  Imparfait.  Je  sursoyais,  tu  sursoyais, 
il  sursoyait  ;  nous  sursoyions,  vous  sursoyiez, 
ils  sursoyaient.  —  Passé  simple.  Je  sursis,  tu 
sursis,  il  sursit;  nous  sursîmes,  vous  sursites,  ils 
suj'sirent. —  Futur.  Je  surseoirai,  tu  surseoiras, 
il  surseoira;  nous  surseoirons,  vous  surseoirez, 
ils  surseoiront. 

Conditionnel.  —  Présent.  Je  surseoirais,  tu 
surseoirais,  il  surseoirait;  nous  surseoirions, 
vous  surseoiriez,  ils  surseoiraient. 

Impératif.  —  Présent.  Sursois,  qu'il  sursoie  ; 
sursoyons,  sursoyez,  qu'ils  sursoient. 

Subjonctif.  Présent.  Que  je  sursoie,  que  tu 
sursoies,  qu'il  sursoie;  que  nous  sursoyions,  que 
vous  sursoyiez,  qu'ils  sursoient.  —  Imparfait. 


SUS 


67S 


Que  je  sursisse,  que  tu  sursisses,  qu'il  sursît  ; 
que  nous  sursissions,  que  vous  sursissiez,  qu'ils 
sursissent. 

Partitipe.  —  Présent.  Sursoyant.  —  Passé. 
Sursis,  sursise.  —  L'Académie  ne  lui  donne  ni 
impératif,  ni  présent  du  subjonctif. 

Il  prend  l'auxiliaire  uroir  dans  ses  temps  com- 
posés. 

Surseoir  au  jugement  d'une  affaire. 

L'Académie  le  fait  aussi  actif  dans  le  langage 
ordinaire  :  On  a  sursis  toutes  les  affaires.  Il  est 
certain  du  moins  qu'il  est  neutre  en  termes  de 
palais;  mais  on  ne  cite  aucun  auteur  de  quelque 
poids  qui  l'ait  fait  actif. 

Surtout.  Adv.  L'Académie  l'écrit  ainsi;  nous 
jiensons  (ju'il  vaul  mieux  écrire  .sm;-/ow/  avec  un 
tiret,  pour  le  distinguer  du  substantif.  Cet  ad- 
verbe peiu  sc  mettre  entre  l'auxiliaire  et  le  par- 
ticipe :  Je  lui  ai  recommandé  sw-tout,  OU  je  lui 
ai  sur-tout  recom?/ui)idé  d'être  sage. 

Surveiller.  V.  a.  de  la  1"  conj.  :  Surveiller 
quelqti'uji,  surveiller  quelque  chose.  —  On  dit 
aussi  surveiller  à  quelque  chose. 

Survenir.  V.  n.  et  irrégulier  de  la  2''  conj. 
Il  se  conjugue  comme  venir.  Voyez  Irrégulier. 

*  SuRvÊTiR.  V.  a.  et  irrégiilier  de  la  2"  conj. 
Il  se  conjugue  comme  vêtir.  Voyez  ce  mot. 

Survivre.  V.  n.  et  irréjulier  de  la  4°  conj.  Il 
se  conjugue  comme  vivre.  A'oyez  ce  mot. 

Survivre  à  sa  femme,  à  ses  enfants.  —  Sur- 
vivre à  son  honneur.  —  Un  père  se  survit  dans 
ses  enfants. 

Survivre  à  quelqu'un.  Cette  locution  est  auto- 
risée par  l'usage.  L'Académie  a  donné  aussi  pour 
exemples  de  ce  verbe,  survivre  son  fils,  sa 
femme,  en  faisant  remarquer  que  cette  manière 
d'employer  le  verbe  a  vieilli ,  mais  sans  expli- 
quer la  différence  qu'il  y  a  entre  cette  locution  et 
la  locution  ordinaire.  —  Survivre  quelqu'un  est 
proprement  une  façon  de  s'exprimer  en  jurispru- 
dence, et  qui  n'entre  que  rarement  dans  le  lan- 
gage ordinaire.  Elle  désigne  la  survie  de  la  per- 
sonne dont  la  vie  ou  l'existence  avait  des  rap- 
ports très-particuliers,  trcs-intimes,  très-intéres- 
sants avec  celle  de  la  personne  qui  meurt  la 
première.  Ainsi  l'on  dit  qu'it/ic  femme  a  survécu 
son  mari,  (\\l'un  père  a  survécu  ses  enfants  ; 
que  de  deux  jumeaux  qui  ont  vécu,  l'un  n'a  sur- 
vécu l'autre  que  de  quelques  jours.  C'est  ainsi 
qu'on  parle  sur-tout  quand  il  y  a  quelque  inté- 
rêt stipulé  entre  deux  personnes  pour  le  survi- 
vant. 

Sus.  En  sus.  On  prononce  le  s  final. 

Susceptible.  Adj.  des  deux  genres.  11  ne  faut 
pas  le  confondre  avec  capable.  Ce  dernier  si- 
gnifie, qui  est  en  état  de  faire,  et  sc  dit  des  per- 
sunnes  ;  susceptible  signifie,  ([ui  peut  recevoir,  et 
se  dit  des  choses  :  Un  homme  qui  ne  croit  point 
en  Dieu,  est  capable  de  tous  les  crimes.  La  jeu- 
nesse est  susceptible  de  toutes  sortes  d' impres- 
iio/w.  On  ne  dit  capable,  en  parlant  des  choses, 
(lue  dans  celte  acception  :  Cette  salle  est.  ca- 
pable de  contenir  tant  de  personnes.  Ce  vase 
est  capable  de  tenir  tant  de  pintes,  pour  dire 
que  la  salle,  que  le  vase  dont  on  parle,  ont  l'é- 
tendue qu'il  faut  pour  contenir  tant  de  per- 
sonnes, pour  tenir  tant  de  pintes;  et  alors  il  n'est 
guère  d'usage  qu'avec  les  verbes  tenir  et  conte- 
nir. —  On  ne  dit  susceptible,  en  parlant  des  per- 
sonnes, que  pour  donner  à  entendre  qu'elles  sont 
trop  sensibles,  trop  promptes  à  s'offenser.  —  Ce- 
pendant Fléchiera  dit  :  Louons-le  sans  crainte, 
en  un  temps  où  nous  ne  pouvons  être  suspects  de 


67G 


SYL 


flatterie,  ni  lui  susceptible  tfe  vanité.  (Oraison 
fini,  de  Tiirenne,  |i.  J23.)  Massillon:  Les  grands 
sont  d'autant  plus  susce()liblcs  de  pn^juçcs 
qu'ils  aiment  vinins  la  peine  de  l'examen. 
\Pctit  Carême.  Ecueils  de  la  piété  des  yrands. 
3Ç  part.,  t.  I,  p.  596.)  El  Pascil  :  Le  peuple 
n'est  pas  susceptible  de  cette  doctrine.  (Pcnsies, 
p.  H)9.) 

Sdbcitatiov.  Subst.  f.  Mot  inusité  que  l'Aca- 
démie nous  donne  comme  synonyme  de  sugges- 
tion, instigation.  Les  deux  derniers  suffisent. 
Elle  donne  pour  oxemi)le  ;  Elle  a  fait  cela  à  lu 
suscitation  d'un  tel.  Féraud  en  a  trouvé  un 
exemple  dans  Fleury  :  le  tribun  Marcellin  fut 
enveloppé  dans  ce  malheur,  à  la  suscitation  des 
dunatistcs;  il  fallait  dire  à  Yinsiigation. 

SL'SCRiPTiOi\.  Subst.  f.  Voyez  Souscription. 

Susdit,  Susdite.  Adj.  Terme  de  palais.  Il  ne  se 
met  guère  (|u'avanl  son  subst.  :  Le  susdit  té- 
moin, la  susdite  maison. 

Si'SPECT,  Suspecte.  Adj.  On  ne  le  met  ([u'aprés 
son  subst.  :  Homme  suspect,  lieu  suspect,  mai- 
.•ion  suspecte.  Suspect  de  fraude,  suspect  de  tra- 
hison. 

Suspecter.  V.  a.  de  la  1"=  conj.  Ce  verbe  n'est 
point  usité  dans  le  bon  langage.  L'Académie  a 
bien  fait  de  ne  pas  le  recueillir  dans  son  diction- 
naire. Soupçonner  sullit.  —  En  1835,  l'Académie 
l'admet. 

Suspension.  Subst.  f.  Terme  de  belles-lettres. 
Figure  de  rhétorique  par  laquelle  l'orateur  com- 
mence son  discours,  de  manière  que  l'auditeur 
n'eu  prévoit  pas  la  conclusion,  et  que  l'attente  de 
quelque  chose  de  grand  excite  son  attention  et 
pique  sa  curiosité.  Telle  est  cette  pensée  de  Bré- 
beuf,  dans  ses  entretiens  solitaires  (chap.  xv, 
79.)  Il  s'adresse  à  Dieu  : 

Les  ombres  de  la  niiil  à  la  clarté  du  jour, 

Les  transports  de  la  rage  aux  douceurs  de  l'amuur, 

A  IV'lroite  aniillé  la  discorde  el  l'envie, 

Le  plus  bruyant  orage  au  calme  le  plus  doux, 

La  douleur  au  plaisir,  le  trépas  à  la  vie. 

Sont  bien  moins  opposés  que  le  pécheur  à  vous. 

SvELTE.  Adj.  des  deux  genres  qui  ne  se  met 
qu'après  son  subst.  :  Une  taille  svelte,  une  figure 
svelte. 

Syllabe.  Subst.  f.  La  syllabe  est  un  son  simple 
ou  composé,  prononcé  avec  toutes  les  articula- 
tions, par  une  seule  impulsion  de  la  voix.  C'est 
ce  qu'on  appelle  la  syllabe  parlée.  La  syllabe 
écriie  est  formée  ou  d'une  seule  lettre,  et  alors 
on  l'appelle  syllabe  simple;  ou  de  plusieurs  let- 
tres, et  alors  on  l'appelle  syllabe  composée;  l'une 
est  pour  l'oreille,  et  l'autre  pour  les  yeux. 

Comme  le  nombre  des  syllabes  fait  la  mesure 
des  vers  français,  il  serait  a  souhaiter  qu'il  y  eût 
des  régies  fixes  et  certaines  pour  déterminer  le 
nombre  des  syllabes  de  chaque  mot  ;  car  il  y  a 
des  mots  douteux  à  cet  égard,  el  il  y  en  a  même 
qui  ont  plus  de  syllabes  en  vers  qu'en  prose.  Les 
noms  qui  se  terminent  en  leux,  en  iel,  en  icn, 
en  ion,  en  ter,  etc.,  causent  beaucouj)  d'embar- 
ras à  ceux  qui  se  piquent  d'exactitude;  odieux, 
précieux,  sont  de  trois  syllabes;  et  cependant 
deux,  lieux,  dieux,  n'ont  qu'une  syllabe.  De 
même /îci.  miel,  bien,  inien,  sont  mono.--yllabes; 
mais  dans  ^i'e/i,  ancien.,  magicien,  académicien, 
musicien,  la  terminaison  en  ien  est  de  deux  syl-  ; 
Jabes.  Dans  les  mots  fier,  allier,  métier,  la  rime  ' 
en  ter  est  d'une  seule  syllabe,  mais  de  deux  dans 
bhuclier,  ouvrier,  meurtrier,  el  fier,  quand  il  | 
est  verbe.  Toutes  ces  différences  demandent  une  j 


SY.M 

application  particulière  pour  ne  pas  s'y  tromper, 
et  ne  pas  faire  un  solécisme  de  quantité.  En  gé- 
néral, il  faut  consulter  l'oreille,  qui  doi'  être  le 
principal  juge  du  nombre  des  syllabes,  cl  pour 
lors  la  prononciation  la  plus  douce  et  la  plus  na- 
turelle doit  être  préférée. 

Corneille  a  dit  dans  les  Horaces  (act.  I,  se. 
I,  25.)  : 

Je  suis  Romaine,  hélas!  puisqu'Horace  est  Romain. 

Il  y  avait  dans  les  premières  éditions  : 

Je  suis  Romaine,  hélas!  puisque  mon  époux  l'est. 

Pourquoi,  dit  Voltaire  à  celle  occasion,  peut-on 
finir  un  vers  par  je  le  suis,  et  que  mon  époux 
l'ctt  esl  prosaïque,  faible  et  dur  ?  c'est  que  ces 
trois  syllabes,  je  le  suis,  semblent  ne  composer 
qu'un  seul  mol;  c'est  (|ue  l'oreille  n'est  point 
blessée.  Mais  ce  mot  l'est,  détaché  et  finissant  la 
phrase,  détruit  toute  harmonie.  C'est  celte  atten- 
tion qui  rend  la  lecture  des  vers  ou  agréable  ou 
rebu;anle.  On  doit  même  avoir  celle  attention  en 
prose.  Un  ouvrage  dont  les  phrases  finiraient  par 
des  syllabes  sèches  el  dures,  ne  pourrait  être 
lu,  quelque  bon  qu'il  fût  d'ailleurs.  [Remarques 
sur  Corneille.)  Voyez  J/o/,  Monosyllabe. 

Syllepse.  Subst.  f.  Terme  de  grammaire.  La 
syllepse  est  un  irope  au  moyen  duquel  le  même 
mot  est  pris  en  deux  sens  différents  dans  la  même 
phrase.  Ainsi,  dans  ces  vers  de  Racine  [Andro- 
maque,  act.  I,  sc.  iv,  60.)  : 

Je  souffre  tous  les  maux  que  j'ai  faits  devant  Troie, 
Vaincu,  chargé  de  fers,  de  regrets  consumé, 
BrûU  de  plus  de  feux  que  je  n'en  allumai. 

Brûlé  est  au  propre,  p